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Fait partie de La Chronique de Philippe de Vigneulles. Tome quatrième (de l'an 1500 à l'an 1525)

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LA

CHRONIQUE
DE

PHILIPPE DE VIGNEULLES

LA CHRONIQUE
DE

PHILIPPE

DE VIGNEULLES
ÉDITÉE PAR

Charles

BRUNEAU

Professeur à l’Université de Nancy

TOME QUATRIÈME
(de l’an 1500 à l’an 1525)

3VÆE1TZ
SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ET D’ARCHÉOLOGIE DE LA LORRAINE
ig33

LIVRE V

PROLOGUE DE L’ACTEUR

On dit a tousjour qu’il n’y ait sy grani jours qui ne viengne à vespre,
ne sy resveitliés qui ne praigne somme. Aussy dit on que tant vail te pot
à l’yawe qu’il brise, et tant crie on Noël qu’il vient. Plusieurs fois ait
désirés et assayés que je puisse composer, dicter et escripre, et, avec ce,
assambler, joindre et concorder ung livre des cronicque de la noble cité
de Mets, lesquelles de loing temps je avoie prepousés de faire. Or ais;
la Dieu mercy, tant fait que je suis venus et ais escript et eschevis cellui
livre depuis le tamps de la premier fondacion d’icelle noble cité de Mets
jusques en l’an de nostre Rédempcion mil et V cenc, comme chacun le
peult veoir, qui est l’an du grant jubillé de Romme ; auquelle tamps j ay
fait fin du quaitriesme livre d’icelle présente cronicque. Ne rest plus
que de acomancier, et, avec ce, eschevir et perfaire celluy Ve et dernier
livre, lequelle, moyennant la graice de Dieu, j’ay intencion que à la
gloire et louuange d’icellui le benoît Créateur, qui tout fist et forma, et
aussy à l’exceltacion de la devant dicte cité, icellui Ve et dernier livre
serait acomanciet et compousés. Et y seront mise plusieurs guerres et
aultres adventure desjay advenuee et passée, avec aussy plusieurs
aultres merveilles qui encor sont à advenir. Et se acomenserait le dit
livre en l’an devant dit mil et V cenc, et on tamps du dit jubillé. Sy prie
a Vray Messias, qui me fist et forma, et qui tout ait créés et fait, que me
doinct la graice de le bien faire et eschevir, et de y bien percévérer .
c’est assavoir que je n’y escripce ne meste chose qui ne soit à la louuenge
et gloire de Sa Majesté divines ; aussy à l’honneurs des nobles seigneurs
et gouverneurs de la chose piblicque d’icelle noble cité de Mets.
Car, en cestuy dernier livre, j’ay intencion de vous dire et compter les
grant guerre que durant mon tamps le roy Loys fit en la duché de
Millan et par touttes la Lumbardie. Aussy oyrés comment, en l’an
mil Ve et VIII, pour ung sertains temps, furent alliance faictes entre
Nostre Sainct Perre le Pappe, l’ampereur Maximilien et le dit roy Loys,
en l’encontre de la signorie Véniciennes. Par quoy, en celluy temps, y oit

a. Ms. 840 [90]. — Dans la marge se retrouve la mention portée sur les autres tomes
du manuscrit, au commencement et à la fin (t. III, p. 402, note a) : les présentez cro
nicques ont estez retirez des mains de Monsieur de Marescot, etc.

PROLOGUE DE L’AUTEUR

de merveilleuse guerre et grant tuerie en Ytallie, espéciallement autour
de Ravane et de Bresse. Plusieurs aultres merveilles oyrés, et plusieurs
aultre mortelle guerre entre France, Escosse et Angleterre, comme de la
guerre de Tirouaine, de Tournay ; et pereillement celle des Suisse en
1 encontre des Françoy ; et plusieurs aultrez piteuse guerres depuis
faictes entre Nostre Sainct Perre le Pappe, entre les Françoy, Vénissiens
et Espaignoille.
Aprez lesquelles oyrés plusieurs aultres merveilles, jusques que je
vanrés à dire comment, à peu d’ocasion, à la requeste d’ung malvais
gairson natif de Mets, duquel aultre fois Vous ais pairlés, nommés Pier
Burtault, survint sur la devant dicte cité une merveilleuse guerre,
acommensée par ung seigneur allemans, nommés Philippe Schluchterer,
qui entreprint la querelle pour le dit Pier. Puis, après ce que plusieurs
feu en furent bouttés, plusieurs merchamps prins et plusieurs maison
arse et brûllée, et après son premier comencement plus de XXX ans,
fut cest piteuse guerre eschevie et du tout anichillée par le capitaine
Francisque, pairans au devant dit Philippe. Lequelle, acompaigniez de
environ XXV mil homme, tant à piedz comme à chevaulx, vint planter
son sciège à Waillier. Et, avant que la paix en fut faictes, il cousta
moult à la cité.
Aprez ce dit, vous oyrés comment Françoy, premier de ce non, roy
de France, fist grosse armée, cuidant destourner que le roy katholicque
et très inlustre prince Charle d’Espaigne, fdz à Phelippe, duc de
Bourgongne, ne parvînt à la dignité impérialle. Par quoy, bien tost
après, par le pourchas du cappitaine messire Robert de la Mairche,
se esmeut entre yceulx prince une merveilleuse guerre, et par laquelle
moult de mal avindrent. Car, en celluy tamps et à celle ocasion, y oit
és païs de France et de Lumbairdie une grande et merveilleuse destruc­
tion, tant en puple tués comme en païs gaistés et destruit. Et tellemant
que, à la fin, le devent dit roy François, par une mallivollance et mor­
telle guerre qui ce esmeust entre luy et Chairle de Monpanciés, alors
duc de Bourbon, fut le dit roy prins en baitaille et menés en Espaigne , de quoy à la fin le royaulme en fut grandemant adomaigiés et
amandri.
Lesquelles guerre, avec plusieurs aultres adventure qui en ce tamps
advindrent, je, Phelippe de Vignuelle, citains de Mets, ais recueillis et
mis par chapistre, a mieulx que je peu ne sceu, corne ycy après vous
oyrés, se lire ou acouter le voullés. Par quoy je prye à tous les
lyseur et audicteur que mon fait vueulle tenir pour escusés; et les
faulte qu’il y trouvanront vueulle corrigier et amender : car je ne l’ay
fait sinon pour advertir ceulx qui après moy vanront, afïïn que, se en
cestuy mien livre aulcune chose de bon y est trouvés, qu’il le praigne
pour joindre avec le leur, et que par eulx soit le mien amendés et
méliorés.

1500.

— VICTOIRE DES FRANÇAIS EN ITALIE

3

[l’année i5oo]

Mil v° . — Maintenant fault rantrer en matier, en ensuiant tousjours
les devant dicte cronicque de Mets, de France, d’Allemaigne et d’Angle­
terre ; et, moiennant la graice de Dieu, sans lequelle nulz ne peult faire
ne dire chose qui soit de Vallue, fault que je thiegne et achève ma pro­
messe : c’est d’icelle cronicques continuer.
£ Et, premier, fault veoir et que je vous die qui fut maistre eschevin de
Mets en celle année. Vous devés sçavoir que, en l’an de nostre Rédemp­
tion mil et V cenc après de l’Incarnacion, qui fut en l’an du grant
jubillé de Romme, et l’année XVe du devant dit Maximilian en son
Royaulme des Romains, fut alors fait, créés et essus pour maistre eschevin de la noble cité de Mets le seigneurs Michiel le Gournaix, chevalier.
Laquel office est en ycelle noble cité représentent la parsonne de l’em­
pereur.
Guerre en Lombardie. —- En celle année avindrent plusieurs mer­
veilles permy le monde. Et, pour ce que c’estoit l’an du jubillé, comme
dit est, plusieurs personne, hommes et femmes, de diverses contrée et
nacions, se mirent en chemin pour y aller. Et moy meisme, avec bonne
compaignie, estoient délibérés et avoie mon cas tout preste pour me
mettre en chemin et avec mes compaignon pérégriner. Mais, en celluy
tamps, le seigneur Ludovic, ou aultrement dit Loys Fforce, par aulcune
trahison, reprint la ville de Millan ; et paireillement ce retournairent
à luy aulcune villes de Lombardie. Par quoy, durans ces guerres, plu­
sieurs dévotz pellerins allant au jubillé à Romme, comme dit est, furent
péris et destroussés. Et, la nouvelle oye, moy, l’escripvain de ces présante, avec mes compaignon, nous fut force de demourer. Toutteffois
les Françoys estant pour lors és chasteaulx du dit Millan et aultres
villes, tindrent tousjour bon pour le roy. A l’ocausion de quoy fut faictes
bonnes justice de aulcuns Lombars et cytadins, qui avoient pillés et
prins les biens d’iceulx pellerins allant à Romme. Et fut ce fait du
tamps pappe Allixandre, VIe de ce non.
Victoire des François. — Item, le jeudi devant Pasque flories, en l’an
dessus dit, les François, avec grosse armée, estant en Lombardie,
firent cy bon et vaillant devoir par puissance d’armes que le dit seigneur
Ludovic ou Loys Fforce, c’on disoit le Maure, fut contrainct de prandre
la fuite, et diligemment aller à NoVarre avec cenc chevaulx, habandonnant son armée et artillerie. Là où il fut fmablement prins et saisy,
perdans tous biens et seigneuries ; et tellement qu’il fut amené pri­
sonnier en France, là où il ait finé ses jours. Paireillement fut prins et
détenus prisonniers Ascanius, cardinal, frère d’icelluy Ludovic Fforcia,
luy estant en fuyte ; et depuis par les Vénissiens fut délivrés a roy Loys,
XIIe de ce nom. Lequelle ainsy victorieusement conquist et recouvra
encor de rechief la ville et duché de Milan.
Durant et régnant celluy devant dit pappe Alexandre, vint à Romme

4

1500.

— LETTRE DU SULTAN A LOUIS XII

ung nommés Joseph, indelin, lequel récita au dit pappe les choses
crestiennes du pais de prestre Jehan et des églises orientalles en la
dernier Inde, luy moustrant qu’elle estoient assez semblables aux nostres
et aux article de la Saincte Église Romainne.
Leclre du Soubdan envoiée aux roy Loys. — Et, en ce meisme tempts,
le grant Soubdan envoya ces messaigier, avec ces lettre, au roy Loys ;
par lesquelle il luy mande plusieurs besoingne touchant le fait des
Véniciens. Lesquelles lettre, avec le latin, seroit ycy aprez mise, en la
forme et manier comme il s’ensuit.
« Le hault, puissant et souverain Soubdan de Pagraseth, de Ghan, des
deux empires de Asie et Europe, seul gubernateur et grant empereur,
à nostre bien aymé et commandé roy des Galz ou Françoys, en foy,
intégrité, salut.
Attendite, principes cristiani ! Jam terrarum vestrarum dominum se
nominal.
Ces jours dévolutz et passés, au chasteau ou résidence de nostre
Amplitude et impérialle Magnificence se sont présentés tes lépides et
facondes orateurs, lesquelz, avec les épistoles, cartules ou lettres missives
qu’ilz portoient avons bénignement et amoureusement receues. Et par
eulx de ton estât, incolumité, prospérité et valitude désirée avons esté
certifiiez grandement, nous avons *1 esté congratulez ou resjouys.
Lesquelz, en toute diligence, ont esté curieux et sollicitans de ornéement enarrer et diluculer, sans riens obmettre ne rescinder, ce que par
eulx tu nous mandois ou escrivois.
Et assés grandement ne nous pouvons esmerVeiller de la profunde
quérimonie et immense quérulité que par les ditz orateurs rescriptz de la
foy violer vers nous de ces inconstans et fragilles Véniciens, de tout le
genre a humain les plus Volubiles et vacillans, en la puissance desquelz
les inestimables trésors, sommes et habondance de richesses sont repos­
tés et occultement détenues, et plusieurs grans royaulmes s’y obéissent
et sont subjuguez.
Occasionem universe rei christiane penitus evertende pretexlu odii
Venelorum queril, et dolose causas nexit.
Lesquelz, en tant que avons peu et vallu, selon l’amplitude de nostre
humanité, avons plusieurs foys exhortés de observer et maintenir les
aliances et confédéracions que jà long temps avoient avec nous, affin
que du sacrement de fidélité et pact donné de par eulx, avyons esté2
requis et solicitez, ne nous vengissions en trop grande sévérité ou fu­
rieuse acerbité.
Et, en tant que compète ou concerne nostre impérial Sublimité, de
nostre par, cy avons voulu inviolablement observer ycelles pactions ou
convenances ; maix eulx, au contraires, par fraudes, cavilacions ou

a. Ms. : gerre.
1. Suppléer de quoi avant nous avons.
2. Suppléer ainsi que avant avyons esté.

1500. — LETTRE DU SULTAN A LOUIS XII

5

voyes dolosives, inVérécundieusement, sans vergongne de nostre bruyt
haultain et sans crainte de nostre puissant non, ilz ont prins et remply
les dictes politacions ou contractz de fraudulentes couvertures et vulpineuses interprétacions.
Et n’eussent pas seulement estés contens de irriter, casser ne enfrein­
dre leur foy, jurement, pact interposé, se ilz ne fussent furtivement par
Voyes clandestines appliquez ou descendus en noz fins et limites, qui
lors estoient immunies et despourveues de toute chevalerie et discipline
militaire ; et se énitèrent de prendre pied et marcher oultre, s’ilz eussent
peu trouver facille entrée.
Lesquelz, par leur effors et durs aggrès, ont à noz subjectz inféré
plusieurs grandes pertes de populacions et incommoditez, ainsi comme
avons plus amplement adverty le très illustre et prudent seigneur le
grant gouverneur et prieur de Rodes, lequel ne ignorons pas estre de
tes meindres serviteurs,mais l’un de tes grans, singuliers et féaulx amys,
affin que de eulx la énorme crédulité, et de nous les griefz dommages,
vexacions et injures nom pas petites ne puisses ignorer, la juste cause
ou querelle de nostre descente ou Venue, et la Vengeance par nous à droit
et équité entreprise. Aussy mesmes tu as puis peu de temps apperceu et
expérimenté d’iceulx la mutabilité et volubilité ou lévité de leurs
courages, et que en eulx n’y a aucune constance ne couleur de fidélité,
à ton palmé *1 et triumphant retour néapolitain, de toy et du defïunctz a
Charles, ton deventiés. Et aussy justement et licittement pourras tu
venger et procéder à conquérir la foy par eulx viollée, et déprimer
leur audace et témérité comme nous.
Querit ut Venetos potenlissimo chrislianorum régi reddal infensos,
alque dissotiet quos illi conjundos diffidit perposse superare, cum nichil
in regem ad quem scribit deliquerinl, manifeste eos ut calumpniator
accusât.

Par quoy, nous justement embrasez de fureur et vengeance, à nous
décrété et conferme nostre courage, par meure et précogitée délibéracion, pour leurs dessus dictes présumptueuses et téméraires entreprises,
leur grant orgueil dompter et hardiesses déprimer ; et, pour plus facillement les circonvenir et expurger, ferons nostre puissante armée et
innumérable exercite congréger par terre et par mer pour du tout lez
exterminer.
Se jadat, ut terreat asluque dejiciat animos, quos viribus, si resisterelur,
non posset.

Et, n’eussent estés tes orateurs à nous déléguez et transmis, qui les
loix de paix nous ont succintement et liquidement péroré, et par leur
affable et souefve oraison ont fléchy, mitigué ou tempéré nostre couraige,
certes, sans différer, l’intencion qui de long temps avions conceue eust
sorty son effect.
Se misericors fingit, qui crudelissimus est, et benivolum simulai, qui est
a. Ms, : defïuctz.
1. Du verbe palmer, couvrir de palmes, couvrir de gloire.

6

1500.

— FOLS MARIAGES EN METZ

inimicissimus, leges pacis imponilque, cum liberlate teneri non possint.
Et, pour cause, si par nous conseillières Veullent de paix les loix
et modéracions admettre ou accepter, paix leur donnons, paix leur
ottroyons. Aultrement, ce que desjà avons destiné promptement exécu­
terons. Tes légatz, qui par grant faconde et éloquence ont prosécuté
ton injunction, avec deux de nous orateurs, portans noz lettres, te
renvoyons pour plus amplement te certifier de l’estât et manière de
nostre impériale Félicité et inconcussible Valitude, pour te donner
occasion de nouvelle lyesse et jocundité.
Assentatur ut fallût, el amiciiiam petit ut noceal, et bénéficia pollicetur
ut a aufferal.
Voullans aussy accroistre le lyen et union d’amytié et bénivolance
entre nous deux, à tous légatz, messagiers, marchamps, pèlerins et
autres gens de ton pays désirans veoir noz terres et empires, ottroyons
et communiquons seur port et passages, sans quelconques détriment,
pertes et encombremens.
Escript en noz chasteaulx que nous nommons Hypsala, le quatorziesme jour d’avril, l’an de nostre prophète Machommet neuf cens et
cinq, et de la descente de vostre Crist l’an mil cinq cens. »
En ces meisme jours, avindrent encor plusieurs aultres merveille
permy le monde, tant au pays de la noble cité de Mets comme enYtallye,
Lombardie, France, Bourgongne et Angleterre.
Folz mariages. — Et, premièrement, vous veult dire et conter com­
ment, en cest année du jubillé de Romme, fut fait autent de diverse et
sot mariaige en la cité de Mets que de loing tamps devant furent veu :
et desquelles guerre de biens ne advindrent. Car, en ce tamps, une riche
bourjoise oultre l’enseigne \ nommée Mangeatte l’Espiet, et weusve
de feu Ancillon d’Aiey, le merchamps, laquelle estoit desjay d’eage, et
riche de plus de XII mil livre,print à marit ung josne serviteur,appellé
Collignon Thiébault, lequel avoit loing tamps esté verlet à Jehan Rollat
le merchamps. Et, en ce meisme tamps, Barbe, fille du dit Ancillon
et de la dicte Mangeatte, laquelle avoit esté femme à Jaicomin, de
Bouxier, l’amant, print à mary seigneur Charles de Biauvais, chevaliers,
qui avoit heu à femme damme Bonne Chaversson, fille le seigneur
Geoffroy Chaversson, l’eschevin. Et, par ainsy, la fille avoit espousé ung
chevalier, et la mère ung serviteur. De quoy la mère ce repantit maintes
journée : car, par l’espasse de XXI ans qu’elle l’ost apousé, n’olt guerre
ne bien ne joie ; jusque Dieu en fist la despertie, et que par ung grant
accidant il morut, comme cy après il serait dit. — Paireillement, une
riche merchande de Porsailly, appellée Dorothée, belle femme et honneste, print à mary le serviteur d’ung merchant de chevalx. Lequelle ne
luy fist guerre de biens ; et, à la fin, quant il oit despandus plusieurs

a. Ms. : unt.
1. Riche outre l'enseigne, plus riche qu’on ne peut dire.

1500. — ORDONNANCE A METZ SUR LES MONNAIES

7

biens, s’en aillait on ne scet où, ne depuis ne revint. — Plusieurs
aultre firent le cas paireille ; de quoy guère de bien n’en avindrent.
Chaulde année. — Celle année, en son acommencement, fut fort
atrampée. Tellement que, a XXVe jour d’apvril, l’an dessus dit, Ton
apourtait des frèses à vendre devant la Grande Église de Mets ; car,
alors, il faisoit cy chault que Ton xawoultroit jà au dit jour en plaine
Vigne. Puis le tampts ce tournait en pluye à la fin du moix de may, et
aussy à l’acomancement de jung : en fasson telle que durant trois
sepmaigne il n’y oit jours qu’il ne pleut. Mais le chault vint à cy grant
puissance après que, à Tocasion des dictes pluye et des dictes challeurs,
les vigne et verjus collairent trefïort. Touttefïois, pour le biaulx temps
qui vint après, se qui estoit demouré de verjus devindre biaulx et
amendairent fort.
En cest estés, és feste de la Panthecouste, je, l’escripvain de ces pré­
sente, me pertis de la cité de Mets pour m’en aller a Landi à Péris par le
chemin acoustumés. Et ne fut trouvés que tout biens, tant à l’aller
comme au venir. Et encor, la Dieu mercy, je les trouvay milleur à mon
retour : car je trouvay Ysabellin, ma femme, estre acouchée d’ung
biaulx filz, lequelle fut nez le jour sainct Barnabé, XIe jour de jung ;
et fut au sainct fon de baptesme appellés Andrieu.
Status et ordonnance faicte sus le fait des or et monnoyes. — Aussy en
celluy tamps, ou peu devant, aVoit estés institués et ordonnés plusieurs
belle pollice et ordonance, tant en France comme en Flandre et aultre
part, sur le fait des piesse d’or et des monnoie; et tellement que és dit
pays Ton ne en pernoit plus, ne n’avoient course, c’elle n’estoient de
pois. Par quoy, durant ces jours, Ton n’aportoit1 de touttes parts
plusieurs meschant paiement en Mets, qui estoient rougniez, baigniez
et lavés ; dont plusieurs gens en estoient desseus et trompés. Et alors,
les seigneurs et recteur d’icelle noble cité, Voyant leur voisins ainsy
user, firent entre eulx et par bon conseil et advis celle ordonnance et
institucion que, des cez jours en advant, Ton ne pranroit plus nulle des
dicte piesse d’or c’elle n’avoient le pois sur ce ordonnés et escript ;
ains dévoient touttes piesse d’or qui n’estoient de pois estre couppée et
cysaillée et mettre en billon par les chaingeurs ad ce ordonnés. Et fut
cest édit et ordonnance huchée et criées le dit ans, le XVIIIe jour de
juillet, devant la Grande Église d’icelle cité ; et, avec ce, escriptes en
biaulx taubleaux de perchemin, lesquelles furent mis et pandus en
plusieurs lieu permy la ville. Et, affin que chacun peût avoir leaullement
ce que ycelle piesse d’or légier vailloient, furent ordonnés trois chaingeur
pour les coupper et pour, sur grosse amende, en donner le pris et la
vallue : premier, à Porsailly, Jehan Fabelle ; en Fornerue, Jaicque de
Lyon ; et Hanrequel, le merchamps, devant la Grant Église. Et alors,
dez ce jour en avant, ne furent plus ycelle pièce légier de cours ; ains en

1. L’on apportait.

8

1500.

— GROSSE FAMINE

fut husés comme il avoit estez ordonnés. Qui fut ung grant bien pour
chacun.
La maladie de Neaples cesse. — Aucy, en cest présente année, qui fut
1 an mil V 0, faillit en pertie et ce deslaichait quelquez peu la malladie
c on disoit la malladie de Neaple, ou aultrement dit la goure, ou la
mallaidie Job *1. Laquelle avoit fort resgnés par l’espaice de quaitre ou
V ans ; et en furent plusieurs entaichiez, qui en ressurent la mort.
Et n’y avoit homme vivant que jamais eust oy perler de la dicte mallai­
die avant que le roy Charles fût allés à Neaples ; car d’icelle guerre ce
engenrait la dicte malladie.
Grosse faminne. — Paireillement, en cest présente année du jubillé,
avint plusieurs aultres inconvéniant. Entre lesquelle y oit famine et
grant chier tamps en plusieurs pais et contrée, de tout vivre, excepté
le vin. Espéciallement, au païs de Suisse, y avoit grant chier temps de
bief, ad cause que l’en précédant il n’avoie comme rien enhainés ne
labourés pour les guerre qu’il menoient ; par quoy l’on venoit quérir
et chairgier lez bief jusques au porte de Mets et par tout le païs de Bar
et de Loheraine. —Aucy, en cest présente ennée, y oit tant de vermine
dessus les arbres que toutte les fleurs furent périe ; et à celle occasion
y oit grant chierté de fruit : car ycelle vermine vinrent à cy grant abon­
dance qu elles rongeairent et mangeairent toutte la verdure jusques au
bois. — Paireillement, en celle dicte année, ce morurent fort les berbis.
Aucy furent engellés les glans ; par quoy n’y oit nulz porcque au
boix. — Et, par ainssy, l’on ost grant chier tempts de bief, de chair, de
laine et de fruit ; et n’y avoit guerre de chose à bon merchief, fort que le
vin.
Aulcuns édifices abatus.
En 1 esté de cest année, l’on murmuroit en
Mets de trayson. Et, à celle occasion, par l’ordonnance de Justice,
furent abatus plusieurs biaulx gerdin et lieu de plaisance par devant la
porte Champenoize et aultre part.
Le mariage du seigneur de Blamont. — Item, en celle meisme année,
le XVIIIe d’aoust, vint et arivait en Mets le conte de Blamont et le
seigneur de Montagu, le conte de Tristainne et le seigneur du Fayt.
Lesquelx seigneurs vinrent en ycelle cité pour traicter et acorder le
mariaige du dit conte de Blamont, eaigiez environ de XXVIII ans, et de
la fille du dit seigneur du Fayt, qui estoit belle, josne et en bon point,
et en 1 eaige de XXVI ans. Dont aulcuns et les plusieurs disoient que
c estoit domaige a de lui avoir donnés cellui seigneur, elle qui estoit cy
belle : car lui, jay ce qu’il fût josne, estoit tout décrépite dès le gros des
cuisses en aval, et le convenoit mener et chairier en une byère chevallereuse. Toutteffois, le mariaige se fist et acordait. Et ce pertirent de la
cité, acompaigniez de plusieurs seigneurs d’icelle, le XXIIe jour d’aoust ;

a. Ms, : dodmaige.
1. La syphilis.

1500,

OCTOBRE. — AMBASSADEURS D’ALLEMAGNE EN FRANCE

9

et c’en allirent à Biaul Repairt. Et en la compaignie d’iceulx seigneurs
furent encor plusieurs souldoieur de la cité, par l’ordonnance de leur
maistre, les Sept de la guerre.
Soubdairl mulineux. — Entre lesquelle y estoit Petit Jehan Gensdairme. Lequel, ung peu devant, avoit heu question et desbat à ung
josne merchamps de Mets, nommés Clausquin, fdz à Jehan d’Ais, dit
la Grant Barbe, qui estoit ung très biaulx josne homme. Et venoit celluy
leur desbat pour le jeu de la palme. Alors cellui Petit Jehan, dit Gensdairme, ainsy armé qu’il estoit, rencontra le dit Clausquin sur les champs
qui revenoit de ces affaires ; et lui courrut sus, et le navrait treffort de sa
javelline au bras et en la cuysse, le cuydant faire randre ; mais alors
sorvint dez gens qui les despertirent. Et, pour ce fait, ce absentit le dit
Petit Jehan, et ne osait retorner à Mets. Et en cuidait venir grant mal,
se n’eust estés que mon dit seigneur de Montagus et monsseigneur de
Blamont c’en ont mellés, et que, à leur requeste, en fut la paix faicte.
Le temps de la vendange de cest année fut biaulx. Et, paireillement,
fist biaulx temps pour enhener ; mais, néantmoins, le bon froment et
l’avuaine se vendoit tousjours chier. Et, avec ce, n’y oit en celle année
que ung bien poc de vin ; maix il estoient essez milleur que ceulx des
année précédente, par quoy l’on vendoit le chairal VIII frant.
Item, en ycellui tamps, y avoit grant compaignie de François en
Champaigne ; pour laquelle chose l’on faisoit grant guet en Mets. Et
aussy ce guet se faisoit pour ce que en ce meisme temps le roy René de
Lorraine faisoit grant armée et assemblée de gens.
Frère Cordellier banys de leurs couvent. —• Item, paireillement en
celluy tamps, le dit René,roy de Cecille, et sa femme, la royne, avec leur
fdz, c’en allairent au Neuschastel, en Lorraine ; et là à force vollurent
entrer on couvant des Cordelliers. Lesquel, pour ce qu’il estoient advertis que le dit roy les Volloit boutter dehors de leur cloistre pour y mettre
des Frères de l’Observance, avoient fermés les portes, et ne le Voulloient
laissier entrer dedans. Par quoy, Voyant ce, le roy fist rompre et descopper les dictes portes ; et antrait dedans ; et bouttait hors yceulx
Cordelliers ; et puis mist en ce lieu des Frères de l’Observance, comme il
avoit conclus et préposés de faire. Dont le peuple de la ville fut fort
esmeu et mal contant. Sy priairent au dit roy que du moin sa grâce
fust de leur permettre de faire ung aultre logis devant la porte du dit
Neufschastel pour eulx tenir. Et il leur respondit qu’il n’en feroit rien ;
ains leur commenda et ordonna qu’il s’en allissent tout hors de ces païs
et lymittes.
Ambassadeur d’Alemaingne en France. — Item, aussy en ce meisme
temps, c’est assavoir le VIIIe jour d’octobre, vinrent en Mets trois
seigneurs estrangier, c’est assavoir Adolfe, conte de Naussowe, seigneur
Hanry de Bunawe, chevalier et docteur, et conseillier du duc Fédrich,
prince éliseur, et Lamprecht, docteur et chancellier du duc de Wertembrecg ; lesquel en leur compaignie avoient environ XL cbevaulx.
Et alloient en ambassade devers Loys, roy de France, par l’ordonnance

10

1500,

NOVEMBRE. — MESURES DE DÉFENSE A METZ

de l’empire. Ausquelx trois seigneurs messeigneurs de la cité de Mets
firent présent de deux cowe devin et XXVquairtes d’avuaine. Et demourairent les dit trois seigneurs en la cité jusques au XIIe jour d’octobre,
qu’ilz olrent salconduit du duc René de Loheraine pour passer parmy
ces pays.
Ung bourjeois de Mets en danger. — En celluy meisme temps, y avoit
ung tanneur de cuyr, demorant à Mets, on lieu c’on dit on Bas Champel,
nommé Jennot, qui estoit homme riche et puissant. Maix ung jour,
pour ce qu’il luy sembloit que l’on luy faisoit aulcuns tort ou molleste
touchant le fait des malletostes, il dit et sortit de sa bouche aulcune
parolles à aulcuns des seigneurs de la cité, disant que ils tenoient et
traictoient leur borgeois malz cortoisement, et à leur plaisir et voulluntés, et qu’ilz en viendrait du mal. Par quoy, pour ces perolle, le dit
fut prins et mis en l’hostel de la ville. Et fut condempnés à demender
perdon à messeigneurs de Justice par trois jours d’entrée 1 ; et, au cas
que ce ne Vouldroit faire, il le condampnairent à VI cenc livre d’amende.
Maix, au pourchas d’aulcuns ses bienvueullant, la somme fut relaichée ;
et ne demandait point de perdon, sinon une fois en chambre close.
Deux fille respitée de mort. — Pairellement on dit temps, advint que
deux belles josnes filles servantes, demorant en la Neufve Rue, en
l’ostel d’ung nommé Dediet Lenffans, l’estuveur, heurent question à
ung serviteur de léans. Et le battirent les deux devant dictes filles
tellement que, au bout de quaitre ou cinq jour, le devant dit serviteur
morut. Pour laquelle chose elle en furent prinses, avec leur maistresses,
qui à ce les avoit aydié et favorisé ; et le maistre s’en fuyt : par quoy
ses biens furent confisqués. Et furent pour ce fait les deux devant
dictes filles jugées à estre noiéez. Et tellement que, le Ve jour de novem­
bre, elle furent menées au pont des Mors, ung sacquez sur leur col
pour les noier. Auquel jour faisoitsy grant et sy aypre froidures que je ne
me recorde point que jamais vis faire la paireille : car alors il gelloit
comme à pier fendant, et en fasson telz qu’il couvint louuer des ovriers
qui, avec haiches et paulfer, rompirent la glasse pour faire ung trou
pour les noyer ; laquelle glace estoit plus de deux piedz d’espesseur.
Et dessus ycelle glace y avoit plus de trois mil personnes pour veoir
faire la dicte justice. Maix, toutteffois, à la requeste dez seigneurs
Andrieu de Rineck et de seigneur François le Gournaix, ambedeux
chevaliers, qui en priairent à Justice, et aussy de deux compaignons qui
les demandairent2, elle heurent grâce. Et furent fiancée en la meisme
place, en belle et grande compaignie, sans menestrés.
Le gail de la ville renforcés. — Item, en la meisme année et on meisme
tamps, l’on ce doutoit treffort ; et faisoit on groz gait en Mets. Et telle­
ment que, tous les soirs, trois ou quaitre des seigneurs et gouverneurs
d’icelle cité alloient veoir au gayt du Champaissaille pour sçavoir s’il
1. Il s’agit d’un « pardon «public et solennel.
2. Qui les demandèrent en mariage.

1500, DÉCEMBRE. — INONDATIONS A METZ

11

estoit bien ordonné. Et faisoit on le gayt à chevaulx par terre tout autour
des murailles de la cité. Et, pareillement, alloient les Trèses et les sergens touttes les nuyt par dessus ycelle murailles ; et, quant ilz venoient
aux portes, les gairdains d’icelle estoient preste pour les laissier dedans
et dehors 1. *Puis
* * *l’on avoit encor ordonnés que, au ouvrir et au cloire
les portes,il y eust tousjours deux d’iceulx gairdayns a ...
... et noble recuille, remerciant les seigneurs et gouverneurs... d’icelle,
luy offrant de aidier la dite cité, se en aucune manier l’on avoit affaire
de luy et des siens, corne l’une des milleur ville de son païs.
Item, pour ce que en ce tamps les dit seigneurs Trèzes et les sergens
avoient tropt de poinne de faire l’esxergayt comme cy devant est desclairé, messeigneurs de Justice ordonnairent que tous les soir il y aroit
VIII homme, tant des gairdains des portes que d’aultres gens qui
faisoient ayde, pour faire le dit essairgaitte, c’est assavoir quaitre
devant mynuyt et quaitre après mynuyt.
Les ripvière hors de ryve. -— En celle année, il fist une merveilleuse et
très aipre gellée depuis la sainct Mertin jusques a XVe jour de décembre.
Puis ce deffit le temps ; et ce mist à la pluye, tellement que, avec les
neige et les glaice qui fondoient, les yawe devindre cy grande et les
ripvier cy hors de ryve depuis ce jour jusques à Noé que nulz 6 ... alors

1. Aubrion, Journal, éd. Lorédan Larchey, p. 431 : et, quant ilz vinrent aux portes,
ij des wardains se rellevoient pour les laixier dedans et pour les bouter dehors ». En
temps ordinaire, un gardien eût suffi.
a. La page du manuscrit est déchirée. On peut suppléer les dix-huit lignes manquantes
grâce au texte (I’Aubrion, p. 431 : et, au long du jour, y avoit tousjours trois wardains

sur chacune des dites portes.
Item, on dit temps, le iiije jour de novembre, vint à Lucembourg Phelippe, archiduc
d’Ostriche, duc de Bourgongne item, et, le vje jour de novembre, nos seigneurs de la
cité y envoiont une belle et noble embaxade. Et estoient ad ce commis seigneur Andrieu
de Rinecque, seigneur François le Gornais, ambeduit chevaliers, et seigneur Jehan le
Gornais, l’eschevin ; et enmenont avec eulx Thiébault le Gornais, seigneur Régnault
le Gornais le jonne, et Jehan le Gornaix, tous trois filz du dit seigneur François,
seigneur Nicolle Roucel, seigneur Claude Badoiche, chevalier, et Michiel Chaversson ;
et avoient, en tout, bien L chevalx, et estoient tous moult bien en point. Et donnont
au dit seigneur prince, on non de la cité, une couppe d’argent dorée et quaitre cenc florin
de Mets dedant ; et le dit seigneur prince les resseupt moult honnorablement, et lour
fit hault...
Les mots en italiques sont ceux qui restent lisibles sur le manuscrit de Philippe de
Vigneulles : celui-ci a transcrit presque mot à mot Aubrion.
b. Aubrion,/). k32, dit que* n’y avoit sy anciens que les heust jamaixveu sy grandes,

et tellement que les bonnes gens des villaiges, iij jours entiers, ne povoient venir à
Mets ».
Le texte d’Aubrion s’’arrête là. Philippe continue, dans la partie arrachée, à décrire les
effets de la crue. On peut lire, à la fin des lignes, les mots : n’y... grande... devant... ce

estandoit... lez sappins... et tout... depuis... de l’église... mer... et yawe de... du pont
des... qui sont... le pont c’on dit... ripvier de Saille... venoit par .les rue jusquez...
avoit homme qui sceût sortir... ny à piedz ny à chevaulx... du bourg de celle porte
estoient... jusques à la premier traveure et...
Philippe a donc utilisé ici ses Mémoires (Gedenkbuch, éd. Michelant, p. 138), en les
arrangeant : « ung peu devant Noé il dégelait tout à une fois, tant les glaices que les
neiges, par quoy toutes rivières furent merveilleusement dérivées, et estoient le jour
saint Thomas devant Noé sy hors de rive que la lairgeur de Mazelle duroit dez les
waisieulx là où se déchairgent les sapins jusques auprès de Saint Mairtin devant Mets
et tout parmey le pré Saint Soibé, et, en aultre lieu, depuis la pourte du pont Rémon

12

1500.

— SIGNES DU CIEL EN ALLEMAGNE

les cauve et les cellier des maisons en Mets, du coustés vers Saille et
Muzelle, tout plain d’yaue. — Et firent ces yawe ycy plusieurs dopmaige permi le monde et en diverse lieu. Entre lesquel elle abaitirent
une grant pertie d’ung pont de pier nouvellement fait devant la ville de
Saint Miel, et qui traverse la ripvier de Meuse, lequelle avoit moult
cousté à faire ; et y fist cest yaue ung grant dopmaige.
Signe du ciel. ■—- En ce meisme tamps avindrent plusieurs aultre
merveille permi le monde. Entre lesquelles, en aulcune pertie des
Allemaigne, tumboient et cheoient du ciel aulcune licquer *1 en manier
de croix, les une perse, les aultre en coulleur rouge, et d’auftre estoient
jalne. Et furent frappés de celle mallaidie et pestilance nouvelle et
estrange plus en l’entour de la ripvier du Rin que aultre pairt. Car, dès
incontinant que ycelle croix tumboie dessus le corps d’aulcune personne,
fût femme ou homme, josne ne vieulx, tantost incontinent après il
moroient. Et, ce les dicte crois cheoient sur la roube, elle l’avoient
tantost percés jusques à la chair. Par quoy, voiant ces chose, se retour­
nait le puple à pénitance. Et, ces chose venue à la cognoissance dez
seigneurs et recteurs de la noble cité de Mets, avec la clairgie, fut par
eux ordonnés, pour obvier à ycelluy inconvénient, de tous les dimenche,
au retour de la porsaicion, chanter en chacune pairoiche devant le
crucifix en grant dévocion, O crux gtoriosa, etc. Et, avec ce, pour celle
pestilence, fut ordonnés de faire une porcession généralle. Et tantost ce
bruit cessait ; et ne fut plus rien.
Item, tantost après, le XIIe jour de janvier, revindrent à Mets les
trois seigneurs ycy devant nommés, qui avoient estés en France pour
embassaude du Sainct Empire. Ausqueulx l’on fist encor ung présent de
XXV quairte d’avoines et de deux cowes de vin.
Ung rnulyn respités de mort. ■— Aussy, en ce meisme temps, Petit
Jehan Gensdairme, le souldoieurs, duquel je vous ay heu par cy devant
perlé, qui fraippait Clausquin la Grant Bairbe, une nuyt se trouvait en
l’ostelz de Jehan Lambert, l’ostellier, alors demourant En Chambre,
à l’hostel a Mouton d’Or. Et, après ce qu’il oit bien beu, il oit question
et desbat en l’encontre de son hostesse. Et tellement que, après soupper,
comme tout estonnés, la battit très bien ; et, avec ce, la frappait d’ung
bracquemairt en fasson telle que l’on n’y attendoit que la mort. Et,
avec ce, frappa ung homme qui s’en melloit pour bien ; et lui donnait cy
grant2 du dit braicquemairt en la teste que paireillement l’on panssoit

jusques auprès de Saint Ailloy, et ne veoit on tout avaulx l’île du pont des Morts que
une partie de la crus, et les loups de dessus le pont aux Loups. Paireillement la rivière
de Saille estoit si fort dérivée que on ne povoit sortir dehors par la pourte à Maizelle
ne à piedz ne à chevaulx, car les maisons du bourg estoient toutes en l’yaue jusque en la
première traveure. Et fyrent ces yaues sy grant dommaige parmy le monde que mer­
veille », etc.
1. Liqueur. Il n’est pas question de liqueur dans les Mémoires (Gedenkbuch, éd. Michelant, p. 138), mais seulement de croix en couleur, jaunes ou rouges, —• Avbrion,
dont l’esprit est plus critique, a négligé ces racontars,
2. Si grand coup.

1501.

—• DÉFIANCE D’UN ALLEMAND CONTRE LA CITÉ

13

qu’il en deust morir. Par quoy il fut prins, et fut boutté en l’ostel de la
ville. Et eust estés mal lougiés, se n’eust estés à la requeste et prières des
devant dit embassaude ; lesquelle obtindrent qu’il oit graice, en satiffaisant partie.
Permission de l’évesque de manger beurre et laid. — Item, pour ce que
l’ennée avoit esté ainssy stérille, et que tout estoit chier, comme dit est
devant, révérand perre en Dieu monsseigneur l’évesque de Mets et ses
officiers, considérant ycelle chierté, ont heu donnés licence à touttes
manier de gens de maingier heure et lait tout permi le karesme : car,
par avant, en nulz temps de karesme on n’en soilloit point mengier en
l’éveschiez de Mets sans licence.
Sy vous lairés de ces chose le pairler pour le présent, et retournerés au
maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultres besoingne.

[l’année i5oi]

Mil v c el ung. — En l’an après, que le milliair courroit par mil cinq
cenc et ung, qui fut en l’an XVIe du devant dit Maximilian l’empereur
en son Royaulme des Romains, fut fait, créés et essus pour maistre
eschevin de Mets le seigneur Claude Raudoiche, chevalier, filz au sei­
gneur Pier Baudoiche l’eschevins. Et fut la sainct Benoy, pour cest
année, le dimenche Letare, c’on dit le mey karesme.
Et estoit alors le tamps cy très froit et l’yver cy grant que, à la sainct
George aprez, on ne veoit encor quelque esparence de Verdeur és arbres.
Et, aussy en ce tamps, la chair estoit cy chier que on vendoit ung
quairtiet de mouton VI et VII sols. Et paireillement estoient les œufz
et fromaiges et plusieurs aultres vitaille en grant chiertés.
En cest année, le XXVIe jour d’aoust, fut née Maguin, ma fille, qui
depuis fut femme à Jaicommin le Braconniet.
Deffiance d’ung Alemans contre la cilé. — En cest année, on dit moix
d’aoust, ung Allemans, qui aultrefois avoit servy Broiche, duquel ycy
devant vous ait perlés, défilait la cité pour et ad cause d’une arboullestre
qu’il demendoit. Et, avent que ycelle deffiance fussent apourtée en
Mets, il avoit desjà rués jus et destroussés ung bouchiez de la cité,
nommés Jehan d’Aulnoul.
Ambassadeurs de Mets arrestés. — Paireillement, en ce meysme
moix d’aoust, messeigneurs de la cité envoiairent en embessaude
devers le Roy des Romains maistre Claude curé de Saint Mertin, qui
alors estoit au gaige de la cité, et Géraird 12, le secrétaire, avec deux des
soldoieurs d’icelle cité. Et, quant ilz vindrent par dellà Herdelberch 3,

1. Aubrion, p. 434, Glaude Margueret.
2. Id., ibid., Gérard Tavard.
3. Id., ibid., Heidelberch.

14

1501,

OCTOBRE. — MORT DE JEAN AUBRION

ilz furent prins et emmenés prisonniers ; et furent menés en une place
appartenant au josne conte Esmych de Linange non obstant qu’ilz
avoient saufconduictz. Et y furent jusques au XXVe jour du moix de
novembre, qu’ilz furent mis à delivre.
La mort de Jehan Aubrion. — Item, en celluy temps, c’est assavoir le
Xe jour d’octobre, trespaissait de ce sciècle Jehan Aubrion, citains de
Mets, lequel en partie fist et composait plusieurs article de ces présentes
cronicque ; du moins je, Philippe dessus dit, ait heu prins le scens de
plusieurs mémoire qu’il avoit escript, et les ay réduict avec d’aultre,
comme cy devent avés oy. De la mort duquel fut grant dopmaige :
car c’estoit ung homme saige et discret et plain de tout bon conseil, et
ce entremettoit de faire biaucopt de paix et d’acord. Il estoit homme de
belle présence 12, bien renommés, grant coustumier, et tousjours plain
de bonne nouvelle. Dieu par sa graice le repsoive à mercy et ait son
âme ! Amen.
Le seigneur d’Espines à Mets. — Le dimenche après, vint en Mets
mon seigneur d’Espiennes, lequelle estoit embassaude pour Loys, alors
régnant sur les François. Et c’en alloit le dit seigneur à moult belle
compaignie sceller la paix faicte entre le dit roy Loys et Maximillian,
Roy des Romains. Et furent en Mets, luy et ces gens, quaitre jours tout
enthiers. Et, à sa venue, luy fut faictes grant honneurs des seigneurs
et gouverneurs de la cité ; et lui fut donné ung présent de deux gras
beufz, XII chattrons, deux cowe de vin cléret et rouge, et XL quairtes
d’avoine. Et, avent qu’il ce pertît, il fut visiter et veoir tout aval la
ville, de rue en rue, acompaigniés du seigneur Françoys le Gournaix, de
seigneur Thiébault, de seigneur Régnault et de Jehan le Gournaix, ses
trois filz, qui noblement estoient acoustrés pour faire honneurs au dit
seigneur.
La langue coppée à une femme. — Item, le samedi après, fut coppée la
langue a pon des Mors à une lemme desjay anciennes, pour ces desmérittes, puis fut bannye et forjugées hors de Mets et du pays.
L’acomencement de cest yver fut fort pluvieulx, et durait jusques à la
sepmaigne de Noël, qu’i commensait fort à négier ; et négeait tant que ce
fut merveille. Et durait la dicte neige sur terre jusquez à la sainct
Vincent, sy grande que à poinne on povoit aller par pais ; et, à cest
cause, y oit plusieurs gens et merchandies perdues en la neige. Mais,
devers la sainct Vincent, elle fondit bien doulcettement, et c’en aillait
sans faire malz.
En cest année, le XVIe jours de janvier, je, Philippe dessus dit, ache­
tait à Baudat Blanchairt, l’ament, et fut à ce jour le merchief fait de la
maison c’on disoit la maison la Maignier, scituées en la rue des Bons

1. Id., ibid., Einrich de Linange, appellés Lindelbolle.
2. De belle prestance (ce mot n’existe pas encore). Cf. Aubrion, p. 435 :« bien corporelz, bien formez ».—Le Journal de Jean Aubrion sera continué par Pierre
Aubrion jusqu’en 1512. Mais il est de plus en plus bref, et présente de moins en moins
d’intérêt.

1502

N. ST., JANVIER. — LE JEU DE TÉRENCIUS JOUÉ A METZ

15

Anfïans, derrier Sainct Salvour. Et ycelle maison je joindis avec celle là
où desjay je demoroient, et des deux n’en fis que une.
Trouble des vignerons d’Oultre Saille. —• Item, le dimenche pénultime
jour du dit moix de janvier, fut en la Court l’Évesque, en Mets, fait et
jués ung jeux tout en biaulx lattin aornés, nommés Térencius. Auquel
jeux estoient tous les chainoignes de la Grant Église de Mets, avec
plusieurs aultre prellas d’Église. Et paireillement y estoient plusieurs
seigneurs, bourjois et merchamps de la cité. Mais, quant le peuple de la
commune vit qu’ilz n’y entendoient riens, espéciallement ceulx d’oultre
la ripvier de Saille, et qu’il ne sçavoient quel chose c’estoit qu’il juoient,
se commencèrent à mutiner ; et y oit ung grant desbat ; et, se n’eust
estés les seigneurs qui se perforsoient de y mestre la paix, il en fût Venus
du mal. Toutefîois, non obstant qu’ilz leur fût deffendus, il enforsairent
les jueulx, et montairent viollantement dessus le parc, et firent telz
bruit qu’i leur fut force de cesser leur jeux. Et encor furent yceulx
jueurs en grant dangier d’estre batus. Et, quant ce vint au lundemains,
les dit clerc fermirent très bien leurs huys pour et affin que paisiblement
puissant eschevir le rest de leur jeux ; et n’y oit ad ce faire que gens
d’Église et clerc. Et fut ce fait quant il sceurent les vignerons et telz
gens en leur besoingne.
L’archeduc à Paris. — Item, aussy en ces meisme tamps, monsseigneur l’archeduc d’Ostriche c’en allait vers le roy en France. Et fist son
entrée à Paris ; à laquel ville lui fut fait le plus merveilleux et triumphant recueille du monde. Et seroit loing à raconter la joie et la feste
qui lui fut faicte, tant en jeux, en monstre, en dance et en bancquet
corne en dons et en présent que l’on luy fist.
Une josle en Chainge. -— Paireillement en celluy temps, durans le
gray temps, se firent plusieurs mommerie et joieusetés permy la cité
de Mets. Entre lesquelles, le gray lundi, fut faictes par aulcuns josne
seigneurs et josne escuiers d’icelle cité une joste En Change. Et premier
y jousta le seigneur Nicolle Roucel, Collignon Dex, Jehan le Gournaix,
filz au seigneur Françoy le Gournaix, chevalier, Michiel Chaverson et
Bernard de Por, filz au seigneur Anthonne de Port sur Saille. Et, de celle
jouste, en y oit des blessiet en la mains. Et, après les dictes joustes,
furent faitoier les dammes en la Neuve Saille; car illec, on Paillé1,
estoit le souppés appereilliés. Après lequelle fut dancés en la dictes
saille, laquelle estoit alors toutte tendue de tapisserie ; puis on fist le
bancquet, là où les dammes furent festoiées.
Mais de ces choses je vous lairés le perler pour retourner au maistre
eschevin de Mets et à plussieurs aultres besoingnes.

1. Au Palais (cf. Aubrion, p. 441).

16

1502. — VIGNES GELÉES AU PAYS DE MET/

[l’année

i5oa]

Mil vc et deux. — Puis, après ces chose aincy advenue, et que le
milliair courroit par mil Ve et deux, qui fut lors la XVIIe année de
Maximillian l’empereur on Royaulme des Romains, fut alors créés et
essus pour maistre eschevin de la noble cité de Mets le seigneur Phelippe Dex. Et, par desguiserie, le dit seigneur Phelippe fist faire une
robbe verte, fourée, avec ung grant resvers pendant derrier, laquelle
il avoit vestus alors qu’il fut créés ; et fut celle robbe pour le maistre
sergent dez Trèse, comme la coustume est.
Vignes toultes emgellée. — Item, en la dicte année, lo XVIIIe jour
d’apvril, il fyt cy froit que une pertie des vigne du pays de Mets furent
gaistée. Puis, après, quant ce vint le vandredi devant la Panthecouste,
XIIIe jour de may, au mattin, commençait à plovoir une pluye mer­
veilleusement froide ; puis, après, à négier, comme se fusse 1 esté en
plain cuer d’yver. Et, le merdi après, seconde feste de Panthecouste,
Vint une blanche gellée : par laquelle les vignes furent touttes eschevie,
perduez et gaistées. Dont ce fut ung moult grant dommaige, et une grant
pitié pour maintes gens.
ij Picairl décapité. — Item, en ce temps, le deusiesme jours de jung,
furent tranchée les testes à deux jonne compaignon Piccairs Entre deux
Pont,pource qu’il furentescusés d’avoir estranglés ung home en leur pays.
En celle année, on moix de jung, je, l’escripVains, me pertis de Mets
avec belle compaignie pour m’en aller a Landi à Paris, corne les année
précédante. Et ne fut trouvés que biens, la Dieu mercy, à aller ne à venir.
Le jubilé en France. —• Aussy, en cest année, estoit le jubillé par
toutte France. Et voulloit on dire que l’airgent estoit pour avoir gens
d’airmes pour aller sus les Infidelle.
Les Liégeois se pairte de leurs pais. — En ce meisme tamps sortirent
une grant compaignie de gens hors du païs de Liège ; lesquel estoient
tous cruxiés : car il avoient prins la crois, prétendant d’aller sur les
Turc et Infidelle. Et avoient celle compaignie une chemise qu’il portoient avec eulx comme digne relicque : car il sertiffioient celle chemisse
estre miraculleusement cheute du ciel dessus une josne fille de leur
pays ; et estoit la dicte chemise toutte chairgée de petitte crois rouge.
Et portoient ces gens ycy lettre de Lévesque de Liège, lesquelle faisoient
mencion que le dit évesque prioit à tous, roy, prince et seigneurs, que
l’on les laissait passer. Toutteffois leur fait ne montait à rien ; et se
évainnuairent corne fumées.
Le royaulme de Neaples du tout pasible aux roy. — En l’an devant,
Ve et ung, le roy Loys de France avoit envoiez de rechief une grosse
armée au royaulme de Neaples. Et, en cest présente année, Ve et deux,
vinrent nouvelle certaine que tout le dit royaulme luy estoit paisible­
ment délivrés.
1. Comme si c’eût été au plein cœur de l’hiver.

1502, AOUT. — CHAPITRE DES JACOBINS TENU A METZ

17

Le chapitre des Jacopins tenus à Mets. — En celle meisme année,
le XXIXe jour d’aoust, les Jaicopins, c’on dit les Grant Prescheurs de
Mets, tindrent leur chaippitre.Et, à ce dit jours, s’en a vindrent les dit
Prescheurs en belle ordre à la Grande Église d’icelle cité. Et là estoit
l’autel aussi bien parés que ce fût estés *1 le jour de Noël ou de Paicques ;
et y fut faict une prédicacion par ung moult honnorable docteur, nom­
més frères Jehan Clerel, duquel je vous [ai] jay heu par cy devenb
perlés en mon 1111e livre : car celluy frère estoit ung passe routte 2 de
bien preschier. Et à celle porcession ce trouvait merveilleusement
grant puple, tant de la cité corne de dehors : car chacun corroit après
celluy frère pour son bien preschier ; et estoit ycelle église causy toutte
plaine de gens. Et puis, ce fait, c’en vindrent devant le grant autel
chanter une antiphone de monsseigneur sainct Estienne, paltron d’icelle
église, luy priant qu’il intercédait graice envers le Créateur pour la
cité et pour tous les habitans, et qu’il les gairdait de tous dangiers
et villains péril, et qu’il donnait au dit peuple salvacion. Et estoient
les dit frères en nombre de cenc religieulx ; auquel leur fut fait ung
présant de part la cité.
Le filz du comte Palantin en Mets. — Item, la vigille de la sainct
Michiel ensuiant, XXVIIIe jour de septembre, vint en Mets le filz du
conte Pallatin ; lequelle s’en alloit devers le roy en France. Et luy fut
fait ung présent de par la cité de deux cowe de vin, deux gras buef,
XII moutton et L quairte d’awaine.
Chier temps de bledz. — En cest présente année, n’y eust pas grant
vinées : car la plus pairt des vigne avoient estés engellée, comme dit est
devant. Et aussy, en cest année, furent les bief fort chier ; et se vandoit
le bon fromment XV sols la quairte.
Et ne fist oncque point d’yver, touchant de neige ne de gellée, qu’il
ne fût la mitté du moix du febvriet : car, tout ce temps durant, il ne fist
que pluye, bruye 3 et vent. Et tellement que il ne fait à ohlier comment,
le IXe et le Xe jour de janvier, il fist ung cy merveilleux vent qu’il n’est
à croire ; et fist ce vent de grant dompmaige en plusieurs lieu permy la
cité ; et, avec ce vent, il alloidoit corne ce fût en estés. Puis, la sepmaigne
après, cheut tant de neige que merveille. Et racommensait la pluye,
et durait jusques à la mitté du moix de febvrier, comme dit est devent.
Duquel jour en avent, jusques à la mitté de mars, se mist le temps à la
gellée ; et gellait cy apprement et de sy grant puissance que de loing
temps devent n’avoit fait la paireille gellée. Et, avec ce, cheust tant de
neige qu’il n’estoit possible c’on sceût aller par voye ne par chemin ;
et de froidure ce trouvoient lièvre et aultre beste salvaige morte par les
champs et chemin.
«. Ms. : sans.
1. Se ce fût estés.
2. Passeroute, ce qui dépasse tout:
3. D’après le Dictionnaire de Zéliqzon, bruye ne signifie plus, dans le dialecte
messin d’aujourd’hui, que « brouet, sauce, bouillon *. Il a ici le sens de brouillard
{bruyârd dans Zéliqzon).

18

1503. — INONDATIONS A METZ

Estans engellée. — Aussy, durant la karesme, l’on ne polt peschier
nulz estant ad cause d’ycelle gellée et des grant glaice : qui tournait
à grant préjudice et dompmaige à ceulx à qui les dite estons sont.
Ung bourgeois de Mets détenus pour appellation par luy faicte. — En ce
meisme temps, c est assavoir le pénultime jour de janvier, fut par
Justice prins et menés en la maison de la ville ung riche merchamps de
la cité, nommés Jehan de Haitange, demourant alors en Franconrue.
Et la cause fut pour ce qu’il avoit fait une apellacion sur une sentence
du maistre eschevin de Mets. Et, pour en sortir, il paiait d’amende,
pour une fois, VIe libvrez. Et, avec ce, lui fut force de tournés seuretey,
de quaitre hommes de biens, que jamaix action ne poursuit n’en feroit,
Ou, c il n eust ce fait, il eust estés très mal logiés. Et néantmoins, bien
tost après, ne sçay à quelle occasion, fut le dit Jehan errier prins, luy
estant alors sur la porte du pont Thieffroy comme gairdains et en
semaigne de guerder. Et fut derechief mené cheu le doyen ; et n’en
sortist qu il ne fust le premier jour de décembre aprez ; qui fut ung
loing terme pour luy.
Les ripvière hors de ryve. — Item, tantost après, c’est assavoir environ
la mitté du moix de mars, les devant dicte glaice et neige fondirent.
Par lesquelles y oit cy grant yaue que merveille : car, alors, les ripvier
furent cy desrivéez et les yawe cy haulte que elle couvroie tout le plain
pais, et autant ou plus que l’en précédant, mil Ve , corne cydevent est
dit ; et ne veoit on du pont au Loups que le dessus tant seullement.
Et encor fut la ripvier de Saille plus desrivée, à l’avenent ; et tellement
que, à celle fois, elle fist de grant dopmaige en plusieurs maison estant
dessus ycelle, espéciallement en touttes celles où il y ait celliet ou
ouvreus 1 de tisserans, taineurs ou tinturiers ; et meismement a billouuart de la porte dez Allemens, corne ycy après il serait dit. Et ne
sçavoit on auquel entendre, ne premier courrir, ou és cellier ou és
guernier : car ycelle neige fondoient cy très à copt 2 que plusieurs bief
en furent moulliés et gaistés.
Mais de ces chose vous lairés le pairler, et vous dirés qui fut maistre
eschevin en l’en après, et de plusieurs merveilles et chose estrainge qui
advindre en son temps.

[l’année i5o3].

Mil vc et trois. ■— Après ses choses ainssy advenue, et que le milliair
corroit par mil Ve et trois, qui fut la XVIIIe année de Maximillian
l’empereur en son Royaulme des Romains, fut alors fait et créés pour
1. Ouvroir, atelier (cf. ovru dans le Dictionnaire de Zéliqzon).
2. A coup, subitement.

1503. — FORTES CHALEURS AU PAYS DE METZ

19

maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Thiébault le Gournaix.
Et, tantost après, on moix d’apvril, fut nouvelle que le devant dit
Roy des Romains venoit en la cité. De quoy subit 1 on fut bien empeschiez de préparer la Court l’Évesque, de mener lictz, linges, bois,
wassellement, foingz et estrains, et biaucop d aultre chose nécessaire ,
toutteffois, je ne sçay à quel occasion, qu’il ne vint point. Mais aulcuns
dez siens vinrent veoir la ville pour leur plaisir et passe temps.
Passe temps joieulx. —- Entre lesquelles, le premier jour de may,
vinrent les chantres et menestrés du dit seigneur ; et juairent et chantairent à la grant messe en la Grant Église tout du loing. Et avoient
avec eulx des petittes orgues de bois, que ung enffant de 1 eage de
X ans juoit ; lequel enffant avoit esté nez aveugle et n avoit jamais veu
goutte, comme il disoient. Et juoit le dit anffans ycelle orgues aussy
perfaictement que homme du monde les sceût juer ; et ce acourdoit cy
bien avec les chantres et menestrés que c’estoit mélodieuse chose à oyr.
Par quoy les seigneurs de chappistre d icelle église leui firent donner
demi douzenne de florin de Mets pour leur vin : car il sambloit des dit
jueurs, avec le dit anffans aveugle, estre chose angellicque ou divine.
Le merquis de Brandebourgz en Mets. — Item, le XIIe jour de ce
meisme moix de may, vint en Mets le merquis de Brandebourch ,
auquelle la cité fist ung présent.
Et, à ce meisme jour, Collignon Dex respousait Barbe, fille a seigneur
François le Gournaix, chevalier. Duquelle mariaige vint grant desbat
après la mort d’icelle damme, comme cy après il serait dit quant temps
serait.
Grosse challeur. — Cellui moix de may fut moult biaulx et oriblement
chault. Et durait celle chailleur tout le dit moix jusques au XIIe jour
de jung, sen cheoir goutte d’yawe : de quoy les yawe furent sy courte
qu’ilz sembloit des ripviers estre ruysiaulx. Et pour celle grant chailleurs furent touttes choses arrestée et ne cressoient point, espéciallement les herbes et mesuaige *1. Puis, après le samedi XVIIe jours du dit
moix, il pluyt une très bonne doulce pluye : laquelle fist tant de biens
qu’il n’est à croyre. Car, sans la dicte pluye, tous les biens de terre se
perdoient et alloient à néant ; et, dès tantost après la dicte pluye, 1 on
Veoit croistre les biens de terre. Néantmoins que, en la dicte année,
ilz fist la plus grant chailleur et sécheresse a qu’il avoit fait de plus de
XXX ans deVent ; et tellement que, pour ycelle grant chailleur, les
vigne ne polrent croistre, et sambloit des mairiens d icelle que ce fussent
cowe de rayt2.
Item, le mècredi après celle pluye, fut ordonnés de faire une porcession généralle à Nostre Damme aux Champs pour remercier Dieu et la
glorieuse vierge Marie pour la dicte pluye.

a. Ms. : seoléresse.
1. Les légumes (of. mèswêje dans le Dictionnaire de Zéliqzon).
2. Queues de rat.

20

1503.

— MARIAGE D’ANDROUIN ROUSSEL ET DE DAME PERRETTE

En celluy tamps, le XXVIIe jours de may, fut Ysabellin, ma femme,
délivrée d’une fille ; et n’avoit pas portés son tairme.
Item, tantost après, jour saint Barnabé, XIe jour de jung, je me pertis
de Mets, en la compaignie de Jaicommin, mon biaulx frère, pour aller
a Landi à Paris. Et fut nostre retour par la cité de Soixon, par Lans en
Lanoy, par la cité de Rains et par Verdum.
Défaide de l’armée françoize. — Item, en cest dicte année, ce fist
erriers grant assemblée au royaulme de France pour de rechief aller au
royaulme de Neaples. Car les Espaignoil, avec les Scicillien, avoient en
traïson assaillis les François, et avoient fait ung grant murtre. Et y oit
de grant personnaige tués et murtris, telz que monsseigneur de Nemours
et plusieurs aultres. Et à ce voyaige fut envoiez on non du roy monssei­
gneur de la Trimolles pour conduire l’airmée.
Le merchalz de Lucembourg occis d’une javeline. — Item, en celluy
temps, Henry, seigneur de Raville et en pertie des Estangs, tuait
monsseigneur le merchal de Lucembourg, Fédric, d’une javelline qu’il
luy frappait permi le corps. Qui fut ung grant dopmaige de la mort
d’ung telz personnaige : car il estoit bon amis à la cité. Et estoit cellui
Fédric son prochain.
Le mariage de seigneur Androuuin Roucelz à damme Perratte. — Item,
aussy, le dimenche VIIIe jour de juillet, seigneur Androuuin Roucel
fianssait damme Perette, fille à sieur Pier Baudoche et niepce à messire
Robert de la Mairche. Lesquelles seigneurs Androuuin et dame Perette
estoient alors deux aussy biaulx personnaige que l’on sceût veoir ne
trouver. Et, au lundemain, furent les nopces et espousailles en grant
triumphe et manificence. Mais de ce présent mariaige fut grant dop­
maige pour l’une des pertie et pour l’aultre ; et eust mieulx estés pour
tous deux que jamaix ne fût estés faict, pour les grant malz et dopmaiges en plait et en procès qui leur en avindrent depuis, comme cy
après il serait dit quant tamps serait.
Vin à grant merchie[f ], et le resl chier. — Or vous dirés de la disposicion
du temps et de la vendange qu’il fist en cest année présente. Vous
debvés sçavoir que, à son acomencement, touttes chose estoient en
aussy belle esparence qu’il estoit a monde possible de veoir ; et sembloit que l’on deust avoir la quairte de froment pour III ou IIII sols, et
touttes aultre victuaille à l’avenent : car tous les biens de terre estoient
cy biens prins que c’estoit une belle chose à veoir. Mais, par la grant
sécheresse qu’il fist, comme dit est devent, la plus pairt de tous les biens
furent gaistés et retornairent à niant, sauf et réservés les vigne : auquel
alors y oit tant de roisin, et bon, que en la vendange l’on oit la cowe de
vin pour XXVIII ou XXX sols ; ne de XXX ans devent ne furent les
vins cy bons ne cy à bons merchief. Mais touttes aultres chose furent
chier : c’est assavoir, le bon froment, la quairte vailloit XII ou XIII sols ;
l’awaine, VI ou VII sols ; les pois, XVI sols ; la navées, XXII sols ;
et les grosse feuve, XXX sols. Et, avec ce, ne vailloient riens ne pois ne
feuve : car il ne voilloie cuyre ; mais ce qui estoit de bief estoit le milleur

1503. — RÉFECTION DE LA PORTE DES ALLEMANDS

21

et le plus revenant*1 qui fût, passés XXX ans devent. Plusieurs aultres
choses furent stérille, et en oit on grant nécessités, comme de foing,
d’estrains, d’aulx, d’oignon et de toute masure 2. Aussy furent chier
touttes manier de chair, laine, draps, bures, laict et fromaiges. Et ne
avint pas scecy seullement en ung pays, tant de la chiertés de plusieurs
biens comme de la grant fertillités dez vins, mais fut générallement par
tous pays dessà les mons. Saufz et réservés en aulcuns meschant et froit
païs, comme Ardenne ou semblable : car yceulx froit païs olrent leur
temps, et olrent bief, foing, orge et awaine, navées, pois et feuve et de
tous aultres biens en grant abondance et plantés.
Les tour des Alemans commencée. — En cest présente année avint ung
groz déluge et une grant coustange en l’entrete[ne]ment des muraille et
des foussés de la cité. Et avint cest ruyne par les grant yawe qu’il avoit
heu fait és année précédente ®, comme en l’an mil Ve et en l’an mil Ve
et deux, comme cy devant ait estés dit. Et aussy, pour tant que alors,
dessoubz l’airche qui est entre la porte des Allemans et du billouairt,
y avoit en ce tamps deux estroitte portière par où l’yawe sailloit dehors :
lesquelles l’on fermoit quant on Voulloit, pour et afïin de remplir les
foussé d’yaue. Laquelle chose ainsy faictes portoit grant dopmaige és
maison estant en la ville ; et, avec ce, ycelle portière, au temps dez
grant yawe, et souverainement quant les glaisse desjelloient et que le
buttin 3 corroit, estoient peu lairge, et ce estrangloit l’yaue, tellement
que tout desrayoit4, 5et faisoit de grant dopmaige és foussés et és fondemans des tours d’icelle porte. Par quoy, dès ce temps (mil Ve), et encor
depuis, en furent les gouverneurs et maistre dez faubricque de la
muraille essés soufïîsanment advertis. Et tellement que, en l’an mil Ve
et deux, fut déterminés d’y ouvrer. Et fut force de laissier l’euVre du
billouairt de porte Champenoise, nouvellement acomensés, pour aller
secourir au dit ouvraige des Allemans : ou, autrement, les tours du
billouairt d’icelle porte des Allemans s’en fussent venues és foussés, par
les grande et parfonde fousse que ycelle yawe venent d’icelle portière
avoit faictes és dit foussés et tout par dessoubz une pertie des fondemens
d’icelle tours et billouuairs.
Baitairt 6 comencés pour faire lesdites tour. ■— Or, pour vous dire et
desclairer la maniers comment cest ouvraige fut acomencés et perfait
(lequelle coutta maintes denier à la cité), vous devés b sçaVoir que, quant
la vérités de se delluge vint à la Vraye congnoissance de ceulx à qui
c’estoit affaire, il furent bien estonnés. Et, comme j’ay dit devent, en

a. Ms. : précédende.
b. Ms. : devers.

1.
2.
3.
4.
5.

Le plus beau (voyez l’article revenant dans le Dictionnaire de Zéliqzon).
Ce mot désigne évidemment les légumes en général.
Les glaçons (j’ai noté dans les Ardennes, à Deville, le mot bètin avec cette Valeur).
Desrayi, arracher (cf. dans le Dictionnaire de Zéliqzon le participe derayeu).
Batardeau.

1503. —• RÉFECTION DE LA PORTE DES ALLEMANDS
l’an Ve et deux, fut laissier l’ouvraige du billouairt de porte Champenoise,
lequelle en ce temps l’on acomensoit, et fut force de venir à secourir à ce
plus nécessaire ouvraige. Et, premier, furent faict au travers des foussés,
du dessus, de grand baittairt de terre pour retenir l’yawe ; et pareille­
ment en fut fait du dessoubz. Et fut là faictes corne une écluse, du
dessus ; et l’yaue que illec se assembloit estoit menée et conduictes
parmy des chenaul de bois bien loing en la ripvier devers la porte
damme Collette. Et à force de gens fut touttes wuydées celle yawe aincy
encloise entre les baitairt ; et fut mis le lieu là où 1 on voulloit ouvrer
tout à sec.
Tour renchassé h — Mais, durant que l’on faisoit ces chose, ung aultre
déluge 12 advint. Car le fondemains d’une desdite tours, lequelle pendoit
en l’air ad cause dez grande fousse que l’yaue avoit mingnés 3 dessoubz,
se deslaichait, et en cheut ung grant painés 4. Et fut merveille qu’il ne
tuait tout plains de gens ; toutteffois, Dieu mercy, il ne fist aultre mal.
Et fut alors force de laichier le premier ouVraige acomencés pour soubvenir à celle tant grande nécessités : car incontinant fut celle tour
tansonnée 5 et retenue ; et puis fut ranchaussiées par dessoubz et mise
à sûrtés.
La manière de besongner au dit ouvraiges. —Et, cella fait et achevis,
l’on racomensait au dit ouvraige des foussés. Et, tout premier, furent
à grant colpt de haie plantés és dit foussés trois ou quaitre range de
grant pal fairés de fer ; lesquelles furent laissiés ainssy tout droit,
essés grant par dessus l’yaue, par le conseil d aulcuns, pour servir
comme vous oyrés. Et, ce fait, l’on acomensant à murer et a remplir
lesdictes fousse, et tout du lairge des foussés, de grosse lairge et puissant
pier, avec chausine 6 et savellon, et autour des dit pault. Et tellement
y fut ouvrés que tout fut muriés et ramplis de la haulteurs que 1 on le
voulloit avoir. Et furent aincy les dit pault emmuriés dedans jusques
à ung piedz près du bout d’en hault. Auquelle bout d yceulx pault fut
alors faict une égueille 7 ; puis furent prinse grant nombre de planche
de chaine, grosse, longue et espesse, lesquelles 1 on avoit nouvellement
fait sayer 8 pour cestuy ouvraige. Et, après que le foussés, ainsy ramply
de muraille,fut tout mis à l’ugnis 9, l’on couchait dedans ycelle muraille
des piesse de mariens du travers, en manier de littes 10, pour planchir

1. Renchaucier, renchausser, a exactement le sens contraire à celui de déchausser
(un mur).
2. Déluge, calamité, catastrophe.
3 Minées
4. Pan (c’est le messin pèné, qui correspond exactement au français panneau;
voyez pèné dans le Dictionnaire de Zéliqzon).
5. Etançonnée (cf. lançon, étançon, dans le Dictionnaire de Zéliqzon).
6. Ancien français chassine, patois châssine (Zéliqzon), chaux.
1. Proprement : une aiguille. Ces« aiguilles »sont des tenons, dans lesquels viendront
s’encastrer des pièces de bois munies de mortaises.
8. Scier (sayeu dans Zéliqzon).
9.’ Le fossé, rempli de béton, offre une surface unie.
10. En manière de lit, c’est-à-dire : horizontalement.

1503. — RÉFECTION DE LA PORTE DES ALLEMANDS

23

dessus ; et, alors, furent yeelle planche joinctes, et avec grand broiche
de fer clouées dessus celluy ouvraige, ainssy corne ung biaulx planchei
pour dancer. Et, afïin d’estre cellui ouvraige encor plus ferme, et que,
cellon l’intencion des maistres et des ovriés, il eust mieulx l’espaisse
de essuer 1 et de ce efïermer en l’yaue, il fut prins de grande et grosse
piesse de mariens, auquelles furent faictes plusieurs mortoise respondant
aux esgueille des devent dit pault qui estoient fichiez au fon, dont le
bout, avec l’égueille, ce moustroit par dessus la muraille, comme dit est
devent ; et furent yeelle piesse de mariens mise et couchées au travers
de touttes lez planche et dessus yeelle, pour tenir encor l’ouvraige plus
ferme, et, avec ce, de grosse cheville de fer mise au travers d’icelle
égueilles, qui estoient mises et fichées és mortoisse des dictes piesse de
mairiens ainssy mise du travers. Et y fut on tous Testés durant au faire
et eschevir cellui ovraige ; et cuidoit on avoir bien besoingniez, et que
jamaix deffaulx n’en deust venir.
Ouvraige perdus ; despences inutille. •— Maix, quant ce vint l’iver après
et que les yaue furent grande et desrivée, comme dit est devant, le boix
ce enfilait par telle manier que, de détresse 2, il ce crevait : et n’y demourait égueille, mortoise, planche ne cheville de fer que tout ne fût
desrompus et desraiez. Et, avec ce, pour la grant roydeur d’icelle
yawe qui procédoit des dicte portier, furent emmenée touttes les pier,
chault et mortiet jusques à la porte damme Collette. Et ne demorait
riens és dictes fosse jusquez au fon nés que la premier journées 3. Et
s’en allait tout le bois à TaVaillée, ne 4 demourait que une pertie des
devant dit palz ainsy fichiez au fon de l’yaue. De laquelle chose Ton fut
bien esbahis et grandement couroussés et dollans.
Plussieurs réparations faicte en Mets. ■—• Et fut alors force, en ce
présent estés, mil V° et trois, quant les yaue estoient ainsy corte, de
encor laichier et ce despourter de l’ouvraige de porte Champenoize
pour secourir à cestuy plus nécessaire. Et furent arrier touttes chose
preste, pier, chaussine et savellon, et les baitair fait, et l’yaue retenues
et wuidées, comme devent. Et, avec grant coustange, en fut derechief,
en cest présente année mil V° et trois, fait comme devent, sauf et réser­
vés que les dictes deux portiers, par où l’yaue passoit en grant destroit,
furent ostées ; et fut Tairche tout ouvertes, avec ung vantai comme il
est de présent. De laquelle chose les habitans de la vigne Saint Awou,
et tous ceulx et celle qui ont maison par dedans Mets au loing de Saille
furent bien joieulx. Et sauf et réservés encor que, en lieu des dictes
planche aincy mise en l’en devent par dessus l’ovraige, comme dit est,
fut le dit foussés tout pavés de pier de tailles encramponnées de fer mis

1. Essuer, sécher (le patois lorrain ehhwâye, hhivâye, dans l’expression è hhivâye,
à l’abri, correspond au participe féminin essuée).
2. De destrece, par suite de la pression. Le gonflement du bois fait céder les madriers
placés au-dessus pour maintenir l’ensemble.
3. Pas plus que le premier jour.
4. < Ne ne demourait », et il ne resta...

24

4503.

— CONSTRUCTION DU CHŒUR DE LA CATHÉDRALE

en plombz. Et n’y ait homme qui sceût croire le fer et le plombzqui1 fut
mis, c’il ne l’avoit veu, ne les grant coustange qui furent faict pour
celluy ovraige à retenir.
Paireillement furent encor en cest année plusieurs grant ovraige
entreprins, tant d’icelluy billouairt de porte Champenoise que d’aultre
nécessité. Et fut en cest année par les VII des murs faict grant visitacion
sur la muralles et és tours des mestier ; et n’y oit guère mestiet qu’il ne
fût en cest année commendés et ordonnés de faire quelque réparacion
ou aulcune chose de noviaulx en leurs tours, tant en artillerie comme
aultrement.
Le ceur de saint Nicolas en la Grant Églises comencés. — Aucy, en
celle meisme année, mes seigneurs du chappistre de la Grant Église de
Mets merchandirent de faire le cuer Sainct Nicollay d’icelle église
paireille à celluy de Nostre Damme, que le grant vicaire aVoit devant
heu fait faire de l’aultre partie. Par quoy, dès incontinant après le
merchief fait, fut acomensés d’abattre le viez ouVraige. Et tellement
que, en y besoingnant par ung jour de la vigille sainct Quentin, pénultime jours d’octobre, environ à deux heure après midi, et alors que
grant nombre d’oVrier qui besoingnoient à cestui ouVraige estoient allés
mairandés, cheut tout le dit cuer et viez ouVraige par terre, sans blessier
personne. Et encor, d’icelluy cuer, en cheut pertie dessus une maison
joindant, ou essés près, en laquelle pour lors n’y avoit personne. Ains,
par la graice de Dieu et du benoît sainct Nicollay, n’avoit guère que tout
estoit plains de gens en l’ung des lieu et en l’aultre. Par quoy, pour
remercier Dieu et le benoy sainct du miracle et de la grant graice qu’il
leur avoit fait, fut par les dit seigneur de chappistre chantée une grant
messe du Sainct Esperit à chantre et à deschantre, avec lez orgue et en
touttes magnificence et jubilacion.
L’empereur aux pais de Xouuisse. — Item, en celle meisme année, fut
encor l’empereur essés près de Mets ; et cuidoit on qu’il deust entrer.
Mais il passait oultre, et c’en aillait on pays de Suisse.
Plussieur terre retirée à ceulx de Mets. — Paireillement en celle meisme
année, furent plusieurs raichet faict encontre le corps de la cité et
encontre d’aultre particullier. Et, premièrement, le duc René de Loheraine fit le raichet et retraict de ce que les seigneurs de la cité avoient
tous les ans sus la ville et haille du Pont à Monsson. — Item, ceulx de
Verdum ont heu raichetés et retrait ce de quoy il estoient chacan tenus
à la cité de Mets. — Paireillement, révérand perre en Dieu Hanry de
Lhoraine, évesques de Mets, fist le raichet et retraicte dez marye du
Vaulx, lesquelles alors estoient en gaige au corps de la cité de Mets,
corne dit est devent, c’est assavoir Ais sur Muzelle, Ancey, Chaistel
Saint Germains, pertie de Sc'iey, de Longeville, de Chaizelle, de Mollin
et de Lessey. — Et encor plusieurs aultres raichet furent faict en cest
année, lesquelles je laisse pour abrégiés.
1. Qui y fut mis.

1503.

—■ UNE JEUNE FILLE, COUPABLE D’INFANTICIDE, BRÛLÉE

25

Le pappe Pie iije . — Item, en ces meisme jours, environ la sainct
Remey, morut et desviait de ce monde Nostre Sainct Perre le Pappe
Alexandre, sixiesme de ce nom. Et en son lieu fut esleu en conclave
pappe Pie, troysiesme de ce nom. Il estoit Tuscan, natif de Senes la
vielle ; et fut homme de bonne industrie, et bien aprins en diverse
lettres, et homme de grant prudence. Et fut esleu sainctement, comme
on disoit. Toutteffois, à l’exemple du pappe Alexandre, il commensait
à conspirer contre les François, comme indigné et mal content de les
veoir ainsy glorieusement régner en Ytalies et Lombardie : par quoy,
c’il eust vescu, il espéroit à leur faire dommaige és jours ad venir.
Mais Dieu le tout puissant permist qu’il ne régna pas longuement : car
il morut et trespassa le vingt septiesme jours de son pontificat, qu’il
avoit estés sacré pappe.
Apointement entre l’archeduc d’Ostriche et le roy Loys. — Aussy en
celluy temps, Phelippe, archeduc de Austriche et prince de Castille,
fist et traicta paix et bonne amytié avecques le très crestien roy Loys,
XIIe de ce nom, en telle manier qu’il eurent bon accord ensemble.
Et, cest paix aincy acordée, le prénommés Phelippe délibéra de soy
retirer jusques en Espaigne pour visiter ycelluy pays et ceulx de son
affinité.
Julius, pape, ije de ce nom. — Item, aprez que pappe Pie ycy devent
nommés, troiziesme de ce nom, fut mort et décédé, comme dit est
devant, le sciège de Romme, pour aulcuns différent, vacca par l’espace
de XIIII jours. Et puis fut esleu pappe Julius, deusiesme de ce nom,
lequel estoit de la nacion ligurge, de Savone, en la terre de Jaynes.
Il fut par avant dit et appellé Julian, luy estant cardinal de Hostie et dit
de Sainct Pierre ad Vincula. Il avoit aultrefois esté légat au royaulme
de France, vivant le pappe Sixte, quatriesme de ce nom, son oncle,
et au temps de feu très chrestiens roys Loys unziesme, qui, à la requeste
du dit légat, délivra de ses mains et prisons maistre Jehan Balue,
cardinal de Aingiers, lequel avoit ainssy esté détenu prisonnier pour
aulcuns crime de lèse majesté : mais il en fut rapellé en Romme, et
réabilité à sa dignités, et, depuis, je l’ait veu en plus grant estât que
jamaix n’avoit estés.
Pareillement, en celle meyme année, avindrent encor plusieurs
aventure, tant en gens de petit estât et de baix estraccion comme en
gens de haulte lignié.
Une jonne fille bruslée pour ces démérites. — Et, premier, en celluy
temps je me recorde que en Mets vint à demourer une josne fille allemende en l’ostel Clément d’Oultre Saille, à Porsaillis. Or estoit celle
fille grosse du fait d’ung prebstre allemans (néantmoins que le dit
prebstre n’en sceut rien, ne jamaix ne luy avoit voullus confesser,
comme elle dit depuis à la mort). Et se soit cy bien celler que son maistre
propre, ne sa maîtresse, ne aultres, ne s’en sceurent jamaix apercevoir.
Et pourtait son tairme tant et cy longuement que le jour vint qu’elle
deust enfanter ; et tellement que, au lundemain de la sainct Mertin

26

1503.

— GRANGE INCENDIÉE A METZ

d’iver, de nuyt, délivrait celle gairse de son fruit, seul et per elle, sans
aultre ayde. Puis, ce fait, print l’enffans, et le mist en la ruelle de son lit.
Et, au mieulx qu’elle polt, cen faire semblant de rien, ce levait (car il
estoit à l’ajourner) et c’en allait en la chambre de son maistre et maî­
tresse faire du feu. Puis, ce fait, elle c’en retournait en sa chambre, et,
voiant l’enffent estre mort, elle le print et le ruait en leur puis. Or avint,
comme il pleut à Dieu, que, deux jours après, l’on luy aVoit ordonnés de
tuer ung poullet pour le soupper ; maix, par copt de fortune (ou ce fut
permission divine), le poullet luy eschappait, et, en chaissant après, il
voullait au dit puis, et cheut en l’yaue. Par quoy le dit Clément fut bien
corroussé. Et, pour le ravoir, cy print une corbille, et, avec une cordelle,
l’availlait au puis, le cuidant repeschier. Mais la premier chose qu’il
ramenait, ce fut l’enffans devent dit ; dont il fut merveilleusement
esbaihis. Et dès incontinent, comme saige et bien advisé, sy le aillait
anonser à Justice. Par quoy incontinent la fille fut prinse et mise en
prison ; et, son fait congneus, elle fut jugée à estre airse et brûllée.
Et fut celle justice faictes et acomplie justement au bout de son moix,
par ung samedi IXe jour de décembre, et le lundemain de la Concep­
tion ; qui fut pour elle une povre relevée. Et souffrit biaulcopt, par la
faulte et convoitise du bouriaulx, qui pansoit espergnier le boix : car la
povre misérable oit les jambe et les piedz tout airs jusques aux os avent
que le feu touchait en riens au visaige ny au bras. Par quoy, pour la
détresse et soufferte 1 qu’elle oit, se rompirent les corde ; et se desjectait
tellement que devant tout le peuple elle moustroit sa pouvreté. Dont les
seigneurs juge furent merveilleusement courcé encontre le boureaulx ;
et en perdit ung moix sa prébande en l’Ospital. Dieu lui pardoinct ces
faulte ! Car ceulx qui virent l’enffans disoient estre biaulx entre mil et
bien formés.
Une grainge bruslée par fortune de feu. — La nuyt ensuyent, y oit ung
orible et cruelle feu en une grainge en Franconrue ; lequelle durait tout
près de VIII jours aVent qu’il fût bien estains. Et avint ce dommaigeux
accident par ung cas de fortune et malle gairde. Or estoit celle grainge
toutte plaine de bief en estrains ; et apertenoit à seigneur Françoy le
Gournaix, chevalier. Cy avint que le moustriés 2 de léans avoit lués deux
compaignons pour baitre son blefz ; dont l’ung vint très matin, et qu’il
n’estoit pas plus de deux heure aprez mynuyt, et, voyant que son compaignon n’estoit pas venus, il print ung grant baiton fendus qu’il
avoient, qui servoit à chandellier, et y boutait sa chandoille toutte
alumée. Puis, ce fait, ait fichiez cellui baitton on troussel3 de blefz, et
c'en aillait appeller le dit son compaignon. Mais, par fortune et accident,
cellui baiton cheut avec la chandelle ainsy alumée, par quoy le feu ce

1. Souffrance.
2. Le moitrier, le fermier.
3. Trousseau de blé, tas de blé. Le sens primitif du mot français trousse est« botte de
paille », etc., sens qui s’est conservé à Metz (Zéuqzon, art. trosse).

1503. — AVENTURES DE JEAN MANGIN

27

print tantost en l’estrain, et fut tout incontinent toutte celle grainge et
maison allumée et ambraisé ; et n’en fut rien rescous. Et y oit ung cy
orible feu que, ce n’eust esté la bonne pollisse qui pour tel cas est en
Mets, la rue fût toutte estés brûllée. Et oit on grant paine de secourir
une maison tout joindant, laquelle estoit toutte plaine de boix. Puis,
après ce que l’on cuidoit tout avoir estains, chacun c’en retournait à ces
affaire : mais, deux jours après, il ce alumait plus que devent, et fut
force de crier d l’yaue! Et fut ainsy fait trois fois pour ung jour : car,
quant l’on cuidoit avoir estain le dit feu, par la chailleur du boix et des
muraille, il ce allumoit derechief plus que devant. Et fist ce feu moult
grant domaige ; car la maison estoit cy très plaine de biens que plus ne
pouvoit.
D’ung bon fadeur appellés Jehan Mangin. — En ce meisme tamps et
en ces jours, demoroit en la cité de Mets ung compaignons mariés,
nacionés d’icelle cité et eaigiés de entre XL et L ans, nommés Jehan
Mengin, et couturier de son mestiet, fdz à Mengin le tailleur de derrier
Sainct Saulvour, auquel Mangin, son perre, je, l’escripvains de ces
présente, achetait sa propre maison là où alors il ce tenoit. Celluy Jehan
Mengin estoit l’ung des fin compaignon qu’il estoit possible de trouver,
et estoit l’ung des grant fairseurs, et à qui bien il seoit, que jamaix fût
en Mets ne on pays ; et ne croy, moy, l’aicripvains, qui l’ait veu et
congnus, que jamaix son paireille y fût trouvés, ne qui sceût mieulx
faire ne dire. Car ces pairolles estoient touttes plaine de faircerie et de
joieusetés : il ne disoit mot qui ne rapourtait le ris à la bouche ; brief,
c'estoit ung passe routte 1 pour juer fairce et mommerie, et estoit
l’homme pour resjoier toutte une cité. Et, dès que l’on sçavoit qu’il ce
entremectoit de juer quelque fairce ou morallité, chacun courroit après.
Il estoit abille en touttes choses,et essés plus abille bien souvant qu’il ne
luy fût mettiés. Il estoit bons danseur, et encor milleur chanteur ;
et estoit ung grant jueur de palme ; et fort abille de son mestier. Et,
pour en perler brief, c’estoit un second maistre Françoy Willon de
Perris. Et encor plus, corne je croy que ne fist jamaix le dit maistre
Françoy : car journellement il juoyt, il rymoit et faisoit et composoit
fairse et esbaitement tant sur luy comme sur aultres. Et estoit l’homme
pour tout resjoyr ung pays. Mais, au contraire, il avoit tant d’aultre
vice que tout ces fais joieulx en estoient desprisiés et des grans et des
petis : car il estoit grant bourdelleux, haizairdeus 2, pipeur, homme qui
ne frécantoit que les tavernes et les bourdiaulx et touttes malvaises
compaignie ; et, avec ce, estoit dangereus de la mains, et n’y avoit
riens qui luy peûlt eschapper, c’il n’estoit tropt pessaïit ou tropt chault.
En ces josne jours, son perre le mariait bien richement, et y mist tant
du siens qu’il c’en respantait depuis. Et néantmoins il ne se thint pas à
cella : car il en print encor tant, cen congier, qu’ilz en apouVrit le dit son

1. Personne ne pouvait le surpasser.
2. Joueur.

1503.

— FUITE DE JEAN MANGIN

perre et sa mère, et qu’il en morurent pouvre et chétif. Sa femme estoit
de riche gens, fille à maistre Hannès de Ranconvaulz, le masson, qui
fist le grant clochiez de Meutte de la Grande Église de Mets. Le dit
Jehan Mengin, par son malvais gouvernement, après ce qu'il avoit
fait chose joieuse et plaisantes à touttes gens, il ce trouvoit voulluntiers
en malvaise compagnie. Et, par cella, faisoit souvant telz chose qu’il
encheoit au dangiers de Justice ; et fut, par ces desméritte, en son temps
mis plus de XV fois en la maison de la ville. En laquelle il faisoit et
compousoit fairce, chansons, baillaide et aultres dictier, tant de sa vie
qu’il ce fairsoitx, comme d’aultre. Et tellement que, jay ce qu’il eust
deservis le pandre ou le noyer, ou aultres pugnicion corporelle ou pécu­
niaire, cy faisoit il tant par son bien faire et bien dire que, à la requeste
et prier d’aulcuns seigneurs, il eschappoit tousjours, fût par argent ou
aultrement. Brief, cest homme fist merveille en son temps, et plus que
je ne sçaroie dire. Mais il y ait ung vray proverbe qui dit que tant
graille chieuvre que mal gist, et tant vail le pot à l’yaue qu’il brise. Je dit
cecy pour tant que à la fin tout ce pourtait mal ; et fut cellui Jehan
en grant dangier de villainement morir. Touteffois, par sa finesse, il
eschappait, comme cy après il serait dit. Il est vray que cellui Jehan
estoit nouvellement sortis de prison pour aulcuns cas qu’il avoit commis
et duquel il avoit heu graice. Sy avint, essés tost après, qu’il fut acusé
par une josne fillette en l’eaige de XII ans ; laquelle, acompaigniés de
ces prochains paraïis et amis, vinrent en justice pour ce complaindre et
dollouser de l’outraige qu’il disoient que le dit Jehan Mengin leur avoit
fait, comme d’avoir viollantement et à force viollés et defflorer celle
josne gairse, leur pairente. Laquelle fut mise entre les mains des saige
femmes ; et fut trouvées en grant pitiet. Par quoy Justice, advertie du
cas et deuhement informée, firent à toutte diligence sairchier après
le dit Jehan : lequelle s’en estoit desjay fuys à l’église de Nottre Dame
des Cairme. Alors l’on fist les huchemens sur luy corne la coustume en
est en Mets, disant que dedans VII nuyt il ce vînt acuser 2 à Justice du
crimes à luy imposé. Mais il n’avoit gairde de c’y trouver ; et fut bruyt
que le cas ne requérait pas d’avoir franchise, et que l’on le pranroit
tout dessus l’autel. Par quoy de ces perrolles il eust peur ; et, par sa
finesse et subtillité, préposait du remède. Et trouvait le dit Jehan
maniers d’avoir des abit de femmes, avec lesquelles il ce desguisait et se
atournait tellement, avec ung petit cueuviaulx plain de drappellet, et
avec une baiteure dessus le dit cueviaulx, qu’il n’estoit possible de le
congnoistre. Et en telz abit, faindant d’aller laver en la ripvier, passait
la porte du pon Thieffroy sens estre congneus ; et trouvait ainsy mainers d’eschaper. De quoy les portiers, à qui il estoit fort recommendés,
en furent grandement reprins : car l’on avoit à cest fois intencion d’en
faire cruelle justice. Cy fut alors banis et forjugiés de Mets et de tout le

1504.

— CONDAMNATION DE JACQUEMIN DE MOYEUVRE

29

pais à tousjours maix, sans nulz respel. Par quoy il s’en aillait à Rome,
là où desjay plusieurs fois avoit estés. En laquelle ne fut pas longuement
qu’il morut, en l’Ospital du Sainct Esperit.
Paireillement en cellui tempts, ung compaignon de Vaillier vendit les
chaitelz de ces vigne en deux lieu, — ne sçay se pouvretés lui fit faire,
ou aultrement — ; mais pour ce cas il fut jugiez à saulter en la xuppe.
Et lui furent les deux escript tout tesmoigniez coussus sus son bonnet,
à la veue d’ung chacun.
La tour qu’on disoit la tour Chairlemaingne abalue. — Item, la pre­
miers semaigne de mars, fut abatue la seconde tours de Chairle Maigne
en la Grande Eglise de Mets.
Cy vous lairés de ces chose le pairler pour retourner a maistre eschevins de Mets, et à plusieurs aultres besoingnes digne de mémoire.

[l’année

i5o4]-

L an XIXe de Maximillian l’emperreurs en son Royaulme des Ro­
mains, qui fut l’an de nottre Rédemption mil V° et quaitre, fut alors
fait, créés et esseus pour maistre eschevin de la noble cité de Mets
seigneur Michiel le Gournaix, filz au seigneur Régnault le Gournaix, du
Neuf Bourg.
Et, en celle année, furent encor faictes plusieurs choses, et avindrent
encor plusieurs merveilles, desquelles j’en mecterais ycy une partie et
en brief.
Une fdle alemande bruslée par justice. — Et, premier, avint que une
josne fille allemande, eaigées de environ XIX ans, servente à maistre
en ung villaige nommés Lorey devent Mets, print une josne fillette, qui
estoit fille a maistre qu’elle servoit, et, sans quelque occasion ne hayne,
la ruait en ung puis. Après, la voiaïit se deffandre encontre l’yaue, elle
luy ruait de grosse pier dessus la tête a, et l’assomait. Par quoy elle fut
prinse de la justice du lieu ; et, par sentence définitive, fut brûllée
dessus la couste. Et ne dit jamaix aultre chose de l’enffans, qui estoit
eaigée de V ans, sinon pour ce qu’elle lui corroit après et par amour la
prenoit par la robbe. Mais on voulloit dire que celle servente avoit
encor fait de plus grant chose en Allemaigne et au païs dont elle estoit.
Ung bourjois de Mets condempnés en prison perpétuelle. — Aussy en
cest année et en ce meisme temps, y avoit en la cité de Mets ung très
riche bourjois, comme l’on estimoit, lequelle ce appelloit Jaicomin de
Moieuvre, et lequelle, pour ung temps, avoit estés en partie clerc et
recepvoir des deniers des Lombairts qui apertenoient à la ville. Et puis

a. Ms. : terre.

30

1504. — GRANDE SÉCHERESSE

fut celluy Jacomin sergens dez Trèse. Et, luy estant en cest office de
sergenterie, fut escusés à Justice, je ne sçay par qui, de avoir mal
randus compte à la ville des deniers de la maison des Lombairt (qui estoit
alors ung lieu là où chacun estoit recouvers sur gaige, et à peu de gaing ;
qui estoit une chose qui faisoit grant plaisir aux petit et a grans, et tout
au prouffit de la cité). De laquelle escusacion le dit Jaicomin ne se soit
escuser ne espurgier. Par quoy il fut prins et menés en la maison de la
ville ; et par confîccation furent ces biens tous vendus, cens et rantes,
héritaiges et maisons ; et, avec ce, pour ces desmérites, fut comdempné
à morir. Maix, à la requeste et prières de seigneur Pier Baudoiche et du
seigneur Jehan Chaverson, il eust graice de celle santence ; et néantmoins, il fut condempnés en prison perpétuelle, au pain et à l’yaue.
Et y morut, corne cy après il serait dit. Et voulloit on dire que ces grant
biens et richesse furent en partie cause de sa mort.
En celle meisme année, par ung vendredi, bien tairt, jour saincte
Pétronelle et dernier jour du moix de may, délivrait Ysaibellin, ma
femme, d’ung fdz. Lequelle au lundemains, jour sainct Nicomédis, et
premier jour de jung, fut baptisé à grant joie ; et oit à nom Françoy. Puis,
comme il pleut à Dieu, morut l’enfans le jour sainct Lupy, XXIXe jour
de jullet ensuient.
Grant seicheresse. — Le prins temps de cest présente année fut en
moult belle aparence d’avoir des biens, et plus encor que l’an devant.
Et estoient touttes semence et germe de terre aussy bien levés que
jamaix l’on les vit. Et fut le temps tousjours bien disposés jusques à
l’acommencement du moix d’apvril. Mais, depuis ce jour, le temps ce
convertit et ce muait en tropt grande et véhémente chailleur ; et plus
encor que l’an devent. Et ne pleut jamaix goutte, ne ne fist rousées,
qu’il ne fût le XVe jour de jung. Qui fut ung grant terme, et tellement
que la terre, par la grant sécheresse et chailleur, estoit toutte décrevéez
et deffendue en plusieurs lieu ; et estoient les airbe et les herbes et
masure 1 toutte brûllées, et retournoient touttes semence à nyant, sauf
et réservés les vigne et les bief. Et disoient les anciens que jamaix il
n’aVoient veu en ces pays ycy une perreille chailleur : car il sambloit
des prey que ce fussent en partie terre errussé2. Et, encor, ce peu de
foing qui estoit demouré fut tout demaingiés 3 des saulterelle, qui
vinrent en cest année en cy grant abondance qu’il n’est à croire. Paireillement, ce qui estoit eschaippés d’icelle chailleur, comme preune,
feuve, serize et aultres tel fruit, fut et estoit tout plaine de verse et de
vermine ; et meismement les serise, qui n’estoient que à demi meur,
estoient desjay plaine d’icelle vermine. Par quoy, par l’ordonnance de
l’Église et des seigneurs, furent faictes plusieurs porcession, tant géné­
rale que perticullier. Alors, par la voullunté de Dieu, a XVe jours du

1. Légumes.
2. Participe passé du verbe érucer, qui signifie « écorcher * (W. von Wartbubg,
Franzôsisches Etymologisches Wôrterbuch, art. eruca).
3. Démanger, manger complètement, dévorer.

1504.

— BATELEURS A METZ

31

moix de jung, il pleut par deux jours : qui fist encor ung grant biens ;
car, sen celle pluye, tout estoit gaistés. Touttefïois, avec celle pluye
vint de l’ouraige, qui cheut à Salney, à Noeroy et là entour ; et fist un
moult grant dopmaiges.
Touttes choses furent à peu près en paireille pris et Vallue de l’en
passés : car l’on oit de bon vin et à planté ; les bief furent bon, maix
fort chier ; une petitte chairée de foin coustoit V ou YI frant (et en
avoit on grant nécessités ; et encor il eussent estés plus chier, se ne fût
estés le revaiein1 qui revint ; et furent les prey en cest année faulchiez
deux fois). Et fut cest année ycy la plus belle Vandange et la plus belle
6aison pour voiaigier et pour enhainer que de loing temps fût veue.
Et durait ce biaulx temps jusques à la sainct Mertin, que l’on ne Veoit
aultre chose que pellerin et gens aller et venir par les champs.
En cest présente année, le XXIIIe jours du moix d’aoust, environ
minuit, il fist en Mets ung petit tramblement de terre, que plusieurs
gens oyrent ; mais, Dieu mercy !, ne fist aultre mal.
Et fut cest année fort dangereuse et pestilencieuze de fyèvre.
Guerre en Alemaingne. — Aussy, en ces meisme jours, se esmeust une
grande guerre en Allemaigne entre Maximillian, Roy des Romains, le
duc Allexendre et plusieurs aultre conte d'Allemaigne alliez ensemble
pour ce fait ycy, d’une part, et le Pailcegrève, c’on dit le conte Pallantin,
avec ces aydans et allyés, d’aultre pairt (touteffois le Roy des Romains
faindoit qu’il ne s’en melloit point et en laissoit convenir à yceulx
conte). Mais, la Dieu mercy !, acord y fut trouvés ; et en fut la paix
faicte environ la sainct Remey.
Grant jueurs de bastellerie. — Cest année fut fort joyeuse en plusieurs
chose, et principallement environ le temps de vendenge et peu après :
auquel temps arivairent en Mets autent d’esbaitement et de jueulx de
souplesse que jamaix je y en vis Venir, et principallement de jueurs
par dessus la corde. Et, tout premièrement, y vint ung compaignons de
Miaulx en Brye. Lequel abourdait à la Court de Viller, auprès dez
Cordelliers ; et là tendit ces corde et ces engiens pour dencer dessus.
Et, après ce qu’il oit fait ces monttre par la ville et assamblés le peuple
avec ung gros tembourins de Suisse, il montait dessus ycelle corde en
1 air, tenant ung contrepoidz en ces mains ; et là dansoit avec l’acort
du tanbourin la morisque et toutte manier de baix dance, comme eust
fait ung bon denceur en terre. Et, encor plus fort, pour mieulx moustrer
sa mastrie, il dansoit par des fois les raiseur dessoubz ces piedz, puis y
mectoit des esteuf 2, ou ce mestoit les fer au piedz, et tout armés, et
aulcuneffois les yeulx bendés. Et, pour ce que c’estoit chose novelle et
non acoustumée de veoir telz chose en Mets, chacun y escouroit. Et y
reffit le josne filz grant argent.

1. Rewayin, regain.
2. Ëteuf, balle pour jouer à la paume.

1504 — BATELEURS A METZ
.

Mais ce ne fut rien au resgairt de ceulx qui vinrent après. Car, dès
incontinent qu’il en fut en allés, en y revint ung aultres, nacionés de
Picardie, lequel, sen nulz comparéson, faisoit encor mieulx la moitiet.
Et fist celluy Picairt tropt plus grant chose que le premiers. Et, tout
premièrement, il faisoit tout ce que l’aultre avoit fait, et encor mieulx.
Et daventaige, il avoit estendus une cordelle en l’air, qu’il nommoit la
corde laiche, sur laquelle se josne gallans faisoit merveille de son corps ;
et sambloit que ce fût une jalleuende 1 qui tournait ; puis availloit et
remontoit, et gectoit cen que dessus dessoubz 2, en faisant soubresault,
gambaide et forcheu pairés 3, 4en fasson telz qu’il sembloit qu’il ne
touchoit à ciel ny à terre. Puis, ce fait, il fist encor plus grant chose,
et sen compairéson : car il fist visiblement et à la vueue de plus de mil
personne chose sy merveilleuse que les bonne gens des villaige et plu­
sieurs aultres qui le veirent disoient et effermoient que c’estoit enchanterie, sorcerie ou airt magicque, et ne voulloient croire ce que visiblement
il veoyent à leur yeulx : car cellui Piccairt estendit une grosse corde et
forte depuis la fenestre qui est tout au plus près de la cloiche du gros
relouge de la Grant Église de Mets, et l’aultre bout d’ycelle corde fist
mettre et ataichiés à ung gros pal fichiez en terre devent la maison
Hainrequel le merchamps, essez près du bout de la rue de Fornerue ;
puis, ce fait, montait cellui Piccairt en la tour du oreloige, et, de là en
hault, ce laissait courre et xaillier i, la teste devant et les bras tendus
en crois, au loing d’icelle corde, comme ce fût estés un aigle ou ung
buixon 5 qui voullait en l’air. Et donnoit encor grant craintes et grant
fraieurs à tout les regardant. Et en cest estât s’en vint de grant rai­
deurs, la teste à l’a Vallée, comme dit est, et sens en rien y mettre les
mains, jusques il fût en terre, sen ce malz faire ; de quoy l’on fust moult
esbahis.
Or, durant qu’il faisoit ces esbaitement ycy en Mets, et avent qu’il
en fût en allé, vint et arivait encor en Mets ung aultres maistre jueulx de
souplesse, et par dessus la corde, tant la grosse comme la petitte, et sus
la corde tandue et la laiche, et en terre, à piedz ferme : car celluy estoit
ung paisse routte de bien juer sus les dicte corde. Et, avec ce, estoit ung
suppellatif ouvrier et ung souverains maistre de la grant espée, de l’espée au bouclier, de la haiche d’airme, de la demi lance, de la courte daigue et de la partusaine, et, avec ce, de tous aultres baitons de deffence.
Celluy maistre estoit Ytalliens, naitif de la cité de Lucque ; il estoit
biaulx personnaige entre mil, droit, hault et eslevé, et bien acoustrés et
vestus. Il avoit avec luy ung josne gair, en l’eaige de environ XII ans,
qu’il disoit estre son filz. Cellui gair estoit ung très biaulx josne

1.
mon
2.
3.

Girouante, dévidoir qui sert à transformer en pelotes les écheveaux de fil (voyez
Enquête linguistique sur les patois d’Ardenne, t. I, p. 262).

Il se jetait sens dessus dessous.
Le poirier fourchu.
4. Glisser (hhauyeu dans le Dictionnaire de Zéliqzon),
5. Buison, busard, oiseau de proie.

1504. — BATELEURS A METZ

33

enffens ; et estoit vestus et acoustrés comme le filz d’ung prince : car
il avoit biaulx pourpoint de velours cramoisins bandés de draps d’or,
les chausse d’escairlette doublée de taifetais, qui parroit par les fente
et taillairde, le petit estoc 1 sus la teste, avec le biaulx plumairt sur
l’oreille ; puis avoit le biaulx dollequin fairés d’argent ; et estoit acoustrés qu’il n’y failloit riens. Se josne gair juoit par dessus la corde
tout ainsy et ne plus ne moins comme avoient fait les aultres devent
luy. Et, avec ce, son perre le fist desvailler, les bras tendus en crois,
au loing d’une corde, comme avoit fait le Piccairt : c’est assavoir celle
corde fut mise sur l’une des tornelle du Paillas, et l’aultre bout devent
la dernier bouticque qui est contre l’église de Saint Pier le Viez, du
cousté vers Saint Gergonne.
Par quoy le Piccairt, voyant qu’il avoit fait le tour, fist l’ung des
grant oultraige 2 que jamaix fist homme : car il ce fist tout armés en
blan hairnois ; et, après ce qu’il oit fait ces monstre avec le tamborin de
Suisse permi la ville, montait ainsy airmés en la dicte tour du relouge,
et, de là en hault, tout airmés comme dit est, les bras tendus en crois,
sen ce tenir à riens, la corde a loing de son ventre et entre ces jambe, se
laissait venir la teste en baix comme devent, par sy grant force et rai­
deur qu’il sembloit que ce fût fouldre. Et, pour ce que le soilleil estoit
chault et l’air belle et cler, il sembloit, en le voiant en l’air, qu’il fût
petit comme ung outeur 3, et que autour de luy y eust ung seicle de la
pouldre 4 5qui sortissoit et procédoit d’icelle corde. Et avoient les gens,
femmez et homes, grant peur de le resgairder ainssy dessandre. Et vint
à tomber la teste devent auprès du pal, sur lequelle il avoit fait mettre
plusieurs robbe affin qu’il ne ce blessait : mais il fut tantost sus piedz,
et sembloit qu’il ne lui en fust rien. Et faisoit ces tour ycy tout pour
nyant, sans en riens demender : de quoy c'estoit à luy grant simplesse ;
car, c’il se fût enclos en la court Sainct Vincent, ou aultre part, il eust
plus gaigniés d’airgent pour le veoir desvailler qu’il n’en gaingnoit pour
le veoir juer dessus la corde.
Alors, quant le maistre itallien vit ces chose, il voult em prime juer
luy meisme : car encor n’avoit il pas jués ne moustrés sa science ;
et là ce trouvait plusieurs parsonne pour le veoir. Et faisoit ce maistre
chose incrédible, tant dessus la grosse corde comme dessus la laiche :
c’est assavoir touttes dances et morisque, aussy bien ou mieulx c’on ne
les sairoit dancer en plaine terre, les raisoir, les pantoufïle au piedz,
les esteus ou pillotte 6, les fer au piedz et les yeulx bandés, et, de fait,
y courrir, y saulter, y faire gambaide, le fourcheu pairé, ce pendre par

1. Lire èto, qui est la prononciation messine du mot français atour (atour, p. 34,1.26
estour, 1. 37). Ce mot désigne, à la fin du xve siècle (voyez le Dictionnaire de Gay),
une sorte de coiffure.
2. Action extraordinaire.
3. Ostour, ostoir, autour, oiseau de proie.
4. Un cercle de poussière, un nuage de poussière l’environnait.
5. Éteuj, pilotte, balle de jeu de paume.

34

1504.

— MORT D’HENRI D’ANOUX, LE BOUCHER

dessoubz le menton, par la pointe des piedz la teste en baix, par les
talion, par les genoulx, ce relever cen mettre les mains, mettre le contrepois derrier son dos, le laichiés de ces mains et le recueillir en ce retour­
nant dessus la dicte corde, y aller cen contrepois et y juer de l’espée au
bouclier : et plusieurs aultrez chose faisoit ce maistre dessus la dicte
courde, qui longue seroient à raconter. Puis, ce fait, ce mist à juer dessus
la corde laiche ; et y fîst tant de tour et de demi tour, avec sercle et
aultrement, que ce vous seroit chose ennoieuse de tous Vous les nommer
et desclairer. Et croy qu’il n’y ait homme qui le vousît croire, c’il ne
l’avoit veu : car c’estoit ung passe routte de bien juer ; et sembloit
qu il voullait en l’air, tant estoit légier et plains de grant agillités.
Or ne fut pas encor tout. Car en ce temps, et alors qu’il estoient encor
en Mets, vinrent et arivairent par congiés de Justice en ycelle VI Hon­
gre, belz hommes et puissant, abilliés à la mode de leur païs. Et tous
six juoient de trompettes et de clérons, que biaulx les faisoit oyr.
Et, avec ce, entre eulx en y avoit ung qui faisoit merveille de souplesse
de corps ; et juoit en chambre close, au resgairt de tous ceulx et celiez
qui en donnant argent y voulloient aller. Puis aVoient yceulx VI Hongre
deux grans ours avec eulx ; lesquelle il avoient cy bien aprins qu’il les
faisoient dancer : car yceulx Hongre juoient de diverse instrument à la
mode de leur païs, desquelles il faisoient dancer les dit ours. Et, avec ce,
les ours meisme avoient semblable instrument comme musette, avec
des grosse vessie en meylieu ; et, tout en dansant, il sambloit que les dit
ours soufflaicent dedens et juaissent de leur grosse patte dessus les
trous ; et tellement que à les veoir il donnoient grant cause de rire.
Et encor daventaige, yceulx ours portoient dessus leur teste une atours
de damme à la mode de Honguerie. Par quoy, en les voiant dencer
tout droit, il n’y avoit homme qui n’y pernist grant plaisir.
En celluy temps que ces chose se faisoient en Mets, ce mariait ung
josne fdz de lignaige, nommés Jehan Blanchair, fdz à Baudat Blanchair,
l’amant ; et fut le jour des nopce par ung mairdi VIIIe jour d’octoubre ;
auquelle nopce y oit- grant triumphe en la Neuve Saille après le souppés.
Car cellui Piccairt, qui ce avoit heu avallés de la tour du relouge, tendit
une corde laiche par entre les tref de la dicte saille, et dessus ycelle corde
fist chose et aultre de soupplesse de corps pour resjoyr la compaignie.
Et avec cella vinrent les VI Hongre devent dit, avec leur ours, lesquel
il firent juer de leur instrument, et, avec leur estours en teste, les firent
dencer devent l’espousée ; puis ont jués de souplesse de corps, et faire
chose merveilleuse. Et, après, ont jués de leur trompettes et clairons, que
moult biaulx faisoit oyr ; et tellement qu’il ont tous resjoys la compai­
gnie. Et fut ce jour passés en grant joie et desduit.
Ung jonne homme bouchier tués par fortune en denceant. — Mais au
lundemains, qui fut maicredi IXe jour du dit moix d’octobre, avint en
ycelle saille une putte adventure et malvaise pour aulcuns ; et fut le cas
telz comme vous oyrés. Il est vray que, en celluy temps, y avoit en Mets
ung robuste gallans, et encor jonne homme, bouchier, nommés Hanry

1504.

— MORT D’HENRI D’ANOUX, LE BOUCHER

35

d’Aulnoult, de la Viez Boucherie. Cellui Hanry, à celluy jour, ce tuait
en la devent dicte saille par la plus estrainge fasson et maniers que
jamaix fîst homme. Il est vray que, le jour devant, il avoit servis a
nopces, et puis, à celluy jour de lundemains, aincy comme il estoit
homme joieulx et délibérés, après ce qu’il oit fait son devoir de servir
le dînés, il c’en vint en la dicte saille pour dancer. Et, après plusieurs
dance, l’on vint à dancer une dance qui ce dit le granl turdion 1, et ce
meue 2 celle dance de tel sorte que, après ce que l’on ait dancés tous
ensemble, tous les compaignons ce despairte à une pertie, et les fdle à
une aultre ; puis le premier qui maine la dance ce perte de sa plaisse et
de son lieu, et permy le paircque fait plusieurs tours et virailde, et puis,
avec la fdle, font plusieurs grimaiche ; et la remaigne en son lieu. Et
fait chacun einssy endroit soy, quant son tour vient, tout le mieulx
qu’il peult, soit de gambairde, de soubresault ou aultrement ; et font
aincy les ung après les aultres jusques a la fin. Or, quant ce vint au
tour du dit Henry, il fist cenc mil grimache et joieusetés. Entre les­
quelles il avoit une coustume de faire ung tour, c’on dit le cul tumerel,
qui est essés fort à faire en la sorte qu’il le faisoit : car il saultelloit
dessus ung piedz, et de l’une de ces mains il tenoit son aultre piedz,
qui estoit levés en hault, et l’aultre mains il la tenoit dessus son col et sa
teste, puis tout soudainement, sans laichier les mains, il boutoit la teste
en terre et faisoit le cul tumerel tout oultre en ce relevant, sans laichier
les mains. Or avint que, en faisant celluy tour, et qu’il remenoit la fille
qu’il tenoit en son lieu, corne la dence le requier, il avoit dessus son cul
deux lairge coustiaulx de bouchier, nommés rousse, de quoy l’on acourche les beste ; lesquelles, en faisant cellui tours, par fortune saillirent
dehors de la gaine, et, comme par une malle adventure, et une chose
que en mil fois ne advenroit, en cheant qu’il firent, l’ung des dit cous­
tiaulx ce dressait et thint le menche contre le pavés, tellement que, en ce
tournant cen dessus dessoubz, comme j’ai dit, la pointe d’icellui cous­
tiaulx entrait entre les chausse et le pourpoint, androy du coustés,
dessus la hainche, et lui antrait tout dedans le corps. Et, quant il
santit qu’il ce avoit blessé, non cuidant que ce fût ce que c’estoit, il
remenait encor la dicte fille en son lieu ; puis retournait en la plaice
pour lever ces coustiaulx. Mais, quant il n’en trouvait que l’ung, il fut
bien esbays ; et alors, en ce relevent, il sentit le point3. Et demenda
confession : mais l’on cuidoit qu’il ce juait ou truffait, jusques à tant
que l’on le vît chaingier. Et, dès incontinent, l’on le print par les bras,
et fut menés chiez ung bouchiez au Quairtal. Et fut confessés avent
que on tirait le dit coustiaulx ; lequelle on oit en grant dificultés : car
il estoit cy très dedens que à paine le veoit on ; et, avec ce, estoit

1. Ce mot semble dérivé du verbe tûde, tordre (dans Zéliqzon, Dictionnaire des

patois romans de la Moselle).
2. Se meut, de mouvoir.
3. Le point, la piqûre.

36

1504. — DOUX HIVER

fraippés en une os, tellement qu’il en estoit reboullés et ploiez. Puis au
bout de trois jours morut le dit Hanry. Dieu luy perdoint ces faulte !
Amen.
Doulx yver. — Or, comme j’ay dit devent, l’esté de cest présente
année, avec la vendange, avoit estés moult biaulx et de moult grant
chailleurs. Et encor se maintint le temps ; et fist ung plus biaulx yver,
cellon le temps et la saison, qu’i n’avoit fait en estés : car, tout l’yver
durant, il ne gellait comme riens. Et estoient les yaue cy courte, souve­
rainement devers la Toussaints, que l’on avoit grant paine de mouldre
à mollins, par ce que touttes ripviers estoient courte et seiche corne
ce fût1 au cuer de Testés. Et, pour humidité et doulceur d’icelluy temps
d’yver, touttes chose acomensairent à croistre : car tout ce qui n’avoit
pas creus en Testés passés, par les grant chailleurs qu’il faisoit, se bou­
tait hors de terre en cest yver, par le doulx temps qu’il alors faisoit.
Et avoit on milleurs mairchiez d’aulx, d’ongnon, de naviaulx, de jouste,
de persin et de tout masuaige que en Testé paissé ; et meismement le foin
et les herbes acommensairent à croistre. Et, par le doulx temps, Ton
trouvoit comunement environ le Noël les frèche abesson 2 ; et, de fait,
je en vis vandre à plantés la vigille de Noël et durans les feste devant la
Grant Église de Mets. Aussy, en ce temps, Ton trouvoit la fleur des
serisiés aussy belle comme en apvril ; pareillement les arménie 3, la
fleur du soille, la fleur des feuves. Aussy ce trouvoient des viollette de
karesme à grant plantés, des flamette 4 5et des rouze, non pas en ung lieu
seul, mais en plusieurs, et causy tout l’yver durans. Car il ne gellait
oncque tout cest yver, sinon ung bien petit le jour de la Toussaincts
et le jour des Roys ; et, avec ce, fut cy peu de chose qu’elle n’eust pas
porté une gelline 6. Et, environ la fin de janvier, il cheut quelque peu de
neige, et comme riens. Mais, le jour saint Vincent et le jour saint Pol,
il gellait très bien ; et ce fut tout.
En cest année, la karesme fut merveilleusement par temps 6 : car le
gray dimenche fut le jour de la Chandelleur, le jour sainct Benoy escheut
le grant vendredi, le jour de la Nonciatte la deusiesme feste de Paicque,
et le jour de l’Encension escheut le jour de la sainct Jaicques et sainct
Phelippe, premier jour de may : auquel jour ce thienne lé foire en Mets,
et est le jour de la feste Sainct Julien ; et pareillement fut la feste à
sainct Soibert en l’abaye de Sainct Mertin devent Mets.
Ung prebstre et une femme tués. — Mais, pour revenir a prepos, en
cest présente année mil Ve et quaitre avindrent encor d’aultre adventure

1. Comme si c’eût été...
2. Aubeusson dans Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle; c’est la
pratelle des champs, le « champignon blanc ».
3. Il s’agit sans doute des fleurs de pêcher.
4. Zéliqzon, dans son Dictionnaire, signale fièmin, espèce de fleurs jaunes.
5. La glace était si mince qu’elle n’eût pu porter le poids d’une poule.
f>. Par temps, de bonne heure.

1505, N. ST. — MORT VIOLENTE D’UN JEUNE PRÊTRE

37

en Mets. Entre lesquelles, le samedi premiers jour de mars, fut trouvés
ung josne prebstre mort de III jour en une maison dessus l’yaue en
Rempol. Et la maniers comment fut telz que se josne prebstre estoit
suspect qu’il entretenoit la femme d’icelle maison ; par quoy sa merre,
voyant qu’il ne retournoit pas à l’ostel, et qu’elle n’en pouvoit trouver
nouvelle sertaine, s’en aillait tout hairdiment boutter chiez celle femme
suspect. Laquelle elle trouvait au lict que ne ce pouvoit remuer, pour
une jambe qu’elle avoit toutte airse. Et après plusieurs perrolles et que
elle sairchoit son fdz, en se retournant, elle vit la jambe du dit son fdz
qui pairoit 1 par dessoubz le lict. Alors ce baissait et le tirait dehors,
cuidant qu’il fût en vie : mais, quant elle vit qu’il estoit mort, elle fut
bien dollante et esperdue ; et, comme désespérée, ce print à braire et à
cryer. Et gectait une telle Voix que les Voisin y acoururent. Et, inconti­
nent que Justice en fut advertie, fut celle femme prinse et menée en
l’ostel de la ville ; et le prebstre fut portés à Sainct Loys. Et fut dit que
celle femme et le prebstre se baignoient ensemble, et que deux gallans
y arivairent, qui tuairent le prebstre et ruairent la femme a feu ; puis
c’en fuyrent. Ou aultrement fut dit qu’il prinrent l’yaue dessus le feu
toutte boudante, par laquelle la femme fut ainssy eschauldée. Mais on
n’en soit jamaix la vérités, car la dite femme morut la nuyt en prison.
Et au lundemain fut menée par le bouriaulx enterrer à Sainct Loys, en
terre prophane.
Gy vous lairés de ces chose à perler pour le présent, et retournerés
a maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultrez besoingne.

[l’année

i5o5]

Mil vc et v. — La sainct Benoy de cest année escheut le jour du grant
vandredi, comme dit est devant ; par quoy ne fut fait le maistre eschevin pour l’an mil Ve et V jusques au lundemains, qui fut le grant samedi,
vigille de Paicque, après que les fons furent bénis et que les cloiche de la
Grant Église eurent sonnés ; et alors sonnait Meutte, et à la maniers
acoustumée fut fait, créés et essus pour maistre eschevins de Mets,
pour cest année mil V° et V, seigneur Androuuin Roucel. Qui fut en
l’an XXe du devant dit Maximillian en son Royaulme des Romains.
Et, pour ce que la feste de la Nonciatte de la glorieuse vierge Marie
escheut le mairdi des feste de Paicque, comme dit est devant, l’on n’en
fist riens en Nostre Mère Saincte Église jusques au lundemain du
Quasimodo.
En cellui temps, la chair estoit tousjours fort chier ; aussy estoit le

1. Du verbe paroir, apparaître.

38

1505.

— L’EMPEREUR MAXIMILIEN A COLOGNE

bledz et touttes aultres manier de grains. Et n’y avoit rien à bon merchief que le vin : car l’on avoit le milleur pour trois denier la quairteLe moix de may fut moult bien dispousé ; et faisoit en ce temps moult
biaulx et chault, avec la belle rousées tout les mattin. Et cressoient les
vignes et tous aultres biens de terre à plaisance.
Journée tenue à Cologne par l’empereur Maximilian. — En ce meisme
moix de maye, le devant dit Maximillian, ampereur et Roy des Romains,
thint et assignait une merveilleuse journée à Collongne dessus le Rin.
En laquelle journée, par luy essignée, se sont trouvés à son mandement
plusieurs princes et seigneurs, tant spirituel comme temporel, avec les
princes et éliseurs de l’empire, archevesque, évesque et aultres, et
plusieurs ambassadeur et gouverneurs de la cité, corne cy aprez serait
dit.
Les princes estant à celle journée.— Et, premier, à celle journée estoit
l’emperreur luy meisme, en personne. Et, avec luy, estoient ces prince
éliseurs, c’est assavoir, pour le premier, mon seigneur l’airchevesque de
Collongne, mon seigneur l’airchevesque de Triève, mon seigneur le
comte Pallantin annel 1, prince éliseur, le duc Ferry de Zaisse, et Joa­
chim, marquis de Brandebourg, tous prince ellisseurs.
Les évesque qui furent à celle journée du dit Sainct Ampire.
Premier, Lévesque de Wistzbugen, arbipelensis 2 ; après y fut Léves­
que de Renistz, Lévesque de Wormez, Lévesque de Baneberg et Léves­
que de Spier ; après, Lévesque de Meymburgt et Lévesque de Tris.
Puis y fut encor Lévesque de Munesteyr, et plusieurs aultres évesques
desquelles je ne sçay les nons.
Plusieurs aultres princes subgel au dit Sainct Ampire.
Et, premiers, y fut le seigneurs lansgraive Wellemme de Hessen, et
avec luy quaitre cenc chevaulx de cez gens. Item, le duc Hanry de
Bruneswich et de Lynenbourg l’annés ; puis Hanry, duc de Bruneswich et de Lynenbourg le josne ; aussy y fut Errich, duc de Bruneswich ;
et pareillement à celle journée fut Phelippe, duc de Bruneswich. Encor
y estoit Johannes, duc de Zaisse, qui estoit frère à l’éliseur ; et avec luy
estoit George, duc de Zaisse. A celle journée y estoient plusieurs conte
Pallantin, duc en Bavier. Et, premier, Loys, conte Pallantin, duc en
Bavier ; Ferrey, conte Pallantin, duc en Bavier ; George, conte Pallan­
tin, duc en Bavier ; ITanry, conte Pallantin, duc en Bavier ; et le duc de
Juillet. Item, le mairquis Fridrich de Brandebourg ; et le duc Allexandre, duc en Bavier ; le duc Wirtemberch, et Albercht, duc de Mechelburch; puis Hanry, duc de Lynembourg, et le duc Hanry de Mechelbourch.

1. L’aîné (ci. Mémoires, éd. Michelant, p. 151).
2. Herbipolensis est le nom latin de Wurzbourg.

1505.

— MAUVAISES RÉCOLTES AU PAYS DE METZ

39

Ycy après sont escriples les villes et cités susjecl au dit Saincl Ampire,
et desquelles furent envoies aulcuns commis à la devant dite journée :
Premier, la noble cité de Mets, Spir, Lambach, Troich, Utrich, Ach,
Collongne, Straubourg, Ausbourg, Lubich, Noremberch, Franquefort,
Wormes et d’Esseliguen en Xouwaube.
Les ambassaude qui furent à la dicte journée :
Premier, l’ambassaude de Nostre Sainct Perre le Pappe ; l’ambassaude du très crestien Loys, roy de France ; l’ambassaude du roy de
Neaples ; l’ambassaude des Vénissiens ; et l’ambassaude de la Boutte
en Xouuaube ; l’ambassaude du roy d’Espaigne; et l’ambassaude du
roy d’Angleterre ; l’ambassaude du duc Albert de Minichen, duc en
Bavier.
Et plusieurs conte, bairons et aultres grant seigneurs.
Le doulx temps convertis en froidure. —- Mais, en retournant à mon
prepos de la disposicion du temps qu’il fist en cest présente année, il est
vray, comme j’ai dit devant, que, à son acommencement, il n’estoit
possible de faire ung plus biaulx temps ne milleur, plus doulx ne plus
serains nés qu’il faisoit ; ne n’y oit de loing temps devant année que les
chose, c’est assavoir tous les biens de terre, fussent en plus belle esparance ne mieulx Venant qu’il estoient : souverainement les bief, les
Vigne et les awaine : et disoit on que l’on auroit la quairte de froment
pour III sols, l’awaine pour XVIII deniers, et la quairte de Vin pour une
angevine. Mais yceulx pronosticqueur n’en furent pas juge : car le
souverains maistre souffrit que le temps ce muait et chaingît en la mitté
du moix de jung et se convertît tellement en froidure que à Lessey, à
Rouzérieulle, à Chaistel Saint Germains et à Pletteville devent Mets,
furent une pertie des vigne engellée ; et y fist ung grant dopmaige.
Et à l’ocasion de celle gellée fut le temps cy refroidies, et faisoit de cy
froide pluyes, meismement le jour de la sainct Jehan, qu’il sembloit que
ce fût en mairs ; et n’estoit possible que les vigne sceucent florir, qu’il
ne fût bien tairt. Aussy, pour ycelle pluye, l’on oit grant paine à lever les
bledz a ; et en y oit tout plains des germés et des Versés. Car celle pluye
continuoit tant et cy longuement, et causy toutte l’année, que les raisin,
ou la plus pairt, retournairent à nyant ; et ceu qui demourait, pour la
diversités du temps, en furent la plus pairt engellés au champs, pour
tant que l’année fut cy tairdive que à paine oit on tout vendengiez à la
sainct Mertin. Toutteffois, quelque manre et mal meure qu’il fussent,
l’on les vendoit V ou VI frant la cowe, et les viez VII ou VIII frant ;
le froment, VIII sols la quairte ; de l’awaine, II sols VI deniers ; les
pois, V sols ; les feuve, VIII sols ; et la graine de naVées, XII sols.

a. Ms. : bedz.

40

1505.

— ORDONNANCES POUR LES CENSIVES DU BAN L’ÉVÊQUE

En celle année, le dimanche jour sainct Médairt, VIIIe jour de jung,
délivrait Ysaibellin, ma femme, d’ung filz. Lequelle a sainct fon de
baptesme fut appellé Jaicque.
Ordonnances pour les censive du Ban l’Évesques. — Item, en celle
meisme année et environ ces jours, fut on non de la Justice anunciet
par chacune parroiche de Mets que, c’il y avoit aulcune personne spiri­
tuelles ou temporelle des citains de Mets qui voulsît aulcune chose
demender pour cas de aulcune cencives à eulx redevauble à ceulx de la
ville d’Airs sus Muzelle, d’Ancey, de Chaistel Saint Germains et de
Lessey, et de tous ceulx qui sont de la mairie de Sciey, qu’ilz les feissent
adjourner de ces jours en avent on cloistre du Grant Moustiet, on lieu
là où ce font les signes le jour du grant jeudi. Et furent pour ce faire
es le us deux sergens : c’est assavoir maistre Mertignon et Jehan de
Gorney. Et, paireillement, pour oyr les cause et pour en déterminer tout
oultraiement, furent ad ce commis deux parsonnaiges : c’est assavoir,
de la part monsseigneur l’évesque, maistre Jehan Régnault, archeprebstre de Mets et curé de Sainct Gégoult ; et, de part la cité, Jehan
Pelterment, l’escripvain. Et, ung jour qui fut dit, furent mandés de
chescune des dictes villes et bans aulcuns de entre eulx, des plus soufïisant, auquelle, en plain auditour 1, fut dit et prophérés à leur présence,
par la bouche du devant dit maistre Jehan Régnault, les cause et raison
pour quoy celle nouvelle ordonnance estoit faictes ; et, avec ce, en pré­
sence de tous, furent leuttes les lettre faisant mencion de la dite ordon­
nance. Mais alors, aprez ce dit, et tout ainssy que l’on voulloit clamer
sur eulx, les dit de villaige respondirent que nullement il n’oseroient
respondre, et que monsseigneur le bailley de Sainct Miel leur avoit
deffendus sur corps et sur biens. Et ainssy fut celle premier journée
rompue ; et c’en retoumairent tous sen rien faire. Par quoy furent
ajournés derechief ; et, par deffault de respondre, furent tous mis en
table 2 de V sols, sauf et réservés ceulx qui paiairent ou quiceacourdairent au pertie. Puis, tantost après, furent encor ajournés, sus X sols,
tous ceulx qui n’avoient paier ny acourdés. Lesquelle ne vinrent point ;
et furent encor mis à l’amande de X sols.
Mutation pour et ad cause des censive faicte par les païsans. —■ Item,
voyant les seigneurs et gouverneurs de la chose publicque en la cité de
Mets que aultre chose ne feroient, veu l’acort qui estoit fait et acourdés
entres lez perties, les firent aller gaigier dez sommes auquelles il estoient
escheus à l’amende. Mais yceulx bon hommes ne ce laissirent gaigier,
ains ont delïandus leur gaige à leur pouvoir ; et, qui pis est, les aulcuns
ont user de très malvaises perrolleset injurieuses contre honneur des dit
seigneurs de la cité. Espéciallement ung de la ville d’Airs, appellé Jehan

1. Auditoire.
2. Il s’agit ici de table à écrire (aussi tablette).

1505.

—■ EXPÉDITION DES MESSINS CONTRE LES HABITANTS D’ARS

41

Huairt, lequelle, après ce qu’il oit dit ceu qu’il voult, ung jours après,
trouvait Michiel Traval, qui alors estoit Trèse et de justice, auquel il dit
plusieurs grosse injure au grant déshonneurs de messeigneurs de la cité.
Par quoy, essés tost après, se trouvait le dit Jehan en Mets ; et inconti­
nent, par l’ordonnance de Justice, fut prins et mis en l’hogtel de la Ville.
Pour laquelle chose les dit d’Airs furent très mal content et preposairent
de c’en vengier. Gomme il firent ; car, assés tost après, ont heu trouvés
et rencontrés le maistre chairpantier de la cité de Mets et de la Grant
Église d’icelle, avec deux de ces verlet, lesquel ils ont prins, et à force les
ont heu détenus en leur moustier d’Airs ; et ce nommoit cellui chair­
pantier maistre Petit Jehan, l’ung dez grant ouvrier que l’en sceust
trouver.
La seigneurie de Mets contre ceulx d’Ays. — Par quoy, incontinant
après celle follie faicte, les seigneurs et gouverneurs de la cité prindrent
conseil sur cest affaire. Et, bien ennimés contre les dit d’Airs, ont
secrètement assemblés pertie de leur peuple, jusques a nombre de mil
piettons, avec tous les souldoieurs. Et, en la conduictes de seigneur
Philippe Dex et de seigneur Nicolle Roucel, l’eschevin a, ad ce commis,
furent les dit souldoieurs et piettons menés et conduit de belle nuyt en la
dictes ville d’Airs. En laquelle ne trouvaient nulz hommes, fort que
les femmes et anffans. De quoy il furent saige de soy absentir : car, c’il
fussent estés trouvés, l’on avoit délibérés de leur faire une malvaise
pertie. Et alors, voiant qu’il n’en trouvoient nulz, se mirent à rompre les
huys, les fenestre, les huges, lé wairiers, qu’il sembloit que ce fussent
diables par la ville du tabouremens et mertellis *1 et du bruit qu’il
menoient. Et, avec ce, pernoient et chairgeoient ceu qu’il polloient
avoir ; et puis, au regairt des Vivre qu’il trouvoient, aulcuns ce y faisoient vaillant ; et n’y avoit rien espairgnier. Et, pour abrégier, y firent
ung grant deszaroys et plusieurs mal pour celle fois. Et, après ce fait,
a commendement des dit seigneurs, se sont tous retirés devers le mous­
tier. Auquelle alors n’y avoit que V ou VI homes qui gairdoient les
prisonniers. Mais, quant il virent l’artillerie et le grant nombre de gens,
se randirent et firent ouverture ; et incontinent fut entrés dedans, et fut
délivrés le dit maistre Petit Jehan et ces verlet. Et avec leur buttin
c’en sont tous retournés à Mets. Et fut ce fait le dit ans, le XVIe jour
de septembre.
Le roi d’Angleterre espouse la fille d’Aragon. — Aussy se fut en ce
meisme temps que Artus, filz du roy Henry d’Angleterre, septiesme de ce
nom, espousa et print à femme damme Mergueritte, fille du roy d’Arragon.

a. Une main plus récente a corrigé Nicolle Dex, son frère. Aubrion, p. 453, porte :
Golignon Dex, son filz.
1. Taborement, bruit de tambours, vacarme; marteleïs, bruit de marteaux, bruit
assourdissant.

42

1505, 21 SEPTEMBRE. — MORT DE L’ÉVÊQUE HENRI DE LORRAINE

Aussy en ce meisme temps, le devant dit Phelippe, prince de Castille
et archeduc de Austriche, luy estant avec sa femme et leurs familles en
une naVière pour voulloir aller en Espaigne, comme dit est devant, cy
eurent le vent à eulx contraire, qui les chassa en Angleterre. Toutteffois
il furent festoiés en toutte amour et béninité ; et, avec ce, receurent
aulcuns grans dons du roy. Puis furent courtoisement remis et adressés
au dit pays d’Espaigne. Là où depuis ne vesquit gaire, ains morut et
trespassa en l’an après ycelluy noble prince, que Dieu absoulve !
La mort de l’évesque Hanrei de Lorainne. — Item, aussy environ ce
temps, c’est assavoir en cest présent année, le XXIe jour de septembre,
morut et desviait de ce monde révérand perre en Dieu le bon évesque
de Mets, Henry de Lorrenne. Duquelle fut grant dopmaige ce à Dieu
pleut1, car il estoit plains de plusieurs bonne vertus : dévotte personne,
éclésiasticque, doulx et débonnaire, et piteux au pouvre gens ; et, avec
ce, estoit bons amys en la cité. Et fîst celluy noble évesque Henry ung
moult biaulx testament ; et donnait de grans biens à la Grande Église
d’ycelle cité. En laquel luy fust faict ung moult biaulx et honnorable
service ; durans lequelle, après l’ofertoire, fut fait une belle prédicacion
par ung Frères de l’Observance, nommés frère Jaicque Hairans. Et,
entre plusieurs aultres chose, dit et desclaira celluy Frère partie des
bonnez propriétés et vertus que en celluy noble évesque avoient estés
et demourés jusques la fin. Aussy, à la louenge de Dieu et pour son
honneurs, en chacune des paroiche de la cité luy fut fait ung biaulx
service. Paireillement messeigneurs de la cité luy firent préparer son
obsecque et service ; lequelle luy fut fait moult somptueulx et en toutte
révérence et honneurs. Et fut paireillement ce service fait en la dite
Grant Église : auquelle furent tous les curez de la cité, avec les quaitre
Ordres mendiantes, abbayes, chainnonneries, nonnains et tous aultres
éclésiasticque ; et paireillement y furent tous les seigneurs, trèzes jurés,
gens de linaige, avec les conte des pairoiche, bourjois, merchamps, et
plusieurs aultres. Et y oit au dit servise à faire ung merveilleux lumi­
naire ; et tout au frais et despans de la cité.
En ce meisme temps, je, l’escripvains et facteur de ces présente
cronicquez, tumba et cheus en une grande malladie et infirmités.
Et tellement que, à l’acommencement du moix d’octobre, je fut jugiés
près de la mort, ou en adventure de perdre les mambre ; et fut plusieurs
jours sans m’en aydier. Toutteffois, la Dieu mercy et des benoys saines,
je fut reguéreis et retourna à santé.
La ville de Germes tenue subjecte par les gens du roi. —■ Environ
celluy temps fut gaignée, prinse et mise à subjection par les Françoy
la noble cité de Jennes en Lombardie. Et, pour la rébellion que par
plusieurs fois il aVoient fait contre le roy et les Françoy, il les tenoient
sy court et sy subject qu’il ne leur laissoient porter aultres baiton, pour

1. Ce fut grand dommage qu’il plut à Dieu de le rappeler à lui.

1505.

— JEAN DE LORRAINE ÉLU ÉVÊQUE DE METZ

43

eulx deffendre, que le coustiaulx de quoy il tailloient leur pains. Et
plusieurs aultres molleste leur faisoient pour les plus tenir en subjection.
Item, la vandange de cest année fut tardive, et tellement que en aulcuns lieu les presseur à vin ou les chauqueu n’estoient encor point clos
en la semaigne de la sainct Mertin. Et n’y oit pas tant de vins que l’ennée
précédante ; et, avec ce, estoient de petitte boisson, fiers et mal meure.
Et néantmoins encor les vendoit on trois frans XL sols ou quaitre frans
le chairaulz, cellon le creu dont il venoit.
Une femme de Mégnei bruslée par ces démesrites. — En celluy temps,
y avoit ung biaulx josne gallans, et puissant de corps, lequelle avoit
demourés clerc chiez Hanry de Gouxe, l’amant, et puis chaistellains à
Pontoy. Celluy se mariay, et print à femme une belle josne gairse, fille
à Mangin George, jaidit sergent des Trèses (lequelle, par ces desmérites,
perdit son office ; et fut banis et forjugiés de Mets et du païs à tousjours
maix). Cellui josne mariés, avec sa femme, s’en allirent demourer au
villaige de Maignei. Et, par aulcuns temps après ce qu’il furent mariés,
le devent dit compaignon devint fort mallaide ; et y fut longuement.
Durant laquelle malladie sa femme, comme je croy, le print en hayne.
Et ne sçay se ce fut par tamptacion du dyable ou par jalosie, mais la
chose avint tellement que une nuyt, luy estant en son lit ainssy mallaide,
Vint celle mauldicte femme à luy, et par grant fureur luy boutta ung
coustiaulx tout permy la gorge, et le tuait. Et encor Voulloit on dire
qu’elle luy avoit couppé les génitoire ; mais, pour ce que le cas qu’elle
avoit commis estoit essés souffisant pour elle morir, il n’en fut rien dit en
son procès. Cy fut incontinent prinse et amenée à Mets. Puis, après son
cas congneus et confessés, elle fut arrier remenée à Magney ; auquelle
lieu fut airse et brûllées et mise en cendre. Mais, quant elle vint a feu,
elle dénéga tout son fait, et, jay ce que paisiblement elle l’eut congneus,
elle maintint tousjours jusques à la mort que l’on luy faisoit tort, et en
demendoit à Dieu vengence : toutefîois “ elle passait le pas.
Grosse gellée. —- Item, en celluy yVer, il gellait merveilleusement
devent Noël ; et n’aVoit on veu de loing temps cy fort geller, ne cy
destroittement, espéciallement par l’espaisse de XVIII ou XX jours
esquelles il gellait cy trefïort que plusieurs des vigne du pays de Mets
furent gastées. Et ne fist comme point de naige.
Jehan de Lorenne esleu éuesques de Mets. — Aussy en celle année fut
esleu par le chappistre de la Grant Église de Mets, et avec ce passés à
Romme pour évesque d’icelle cité, ung des josne filz au duc René de
Loraine, nommé Jehan. Pour lequelle je prie à Dieu qu’i lui doinct
graice de bien gouverner.
Car de lui et d’aultres je vous lairés le pairler pour le présent, et
retournerés a maistre eschevins de Metz et à plussieur aultrez besoigne.

a. Ms. : vengenge : touffois.

44

1506.

— L’EMPLOI DES REVENUS DE L’ÉVÊCHÉ DE METZ

[l’année i5o6]

Puis, après ses choses ainssy advenue, et que le milliair courroit par
mil cinq cens et six, qui fut l’an XXIe du devant dit Maximillian
l’empereur en son Royaulme des Rommains, fut alors fait, créés etessus
maistre eschevin en la noble cité de Mets le seigneurs Nicolle Dex, frère
a seigneur Philippe Dex.
Celle année fut bien disposée, etfaisoit modéréement chault. Et furent
les bief et les vin bon et à compétans merchiés ; aussy furent orge,
awaine, pois, feuVe et tous aultre graines : car tout cecy estoit à milleurs
merchiez la moitiet que les année précédente, sauf et réservés le vin,
qui ce Vendoit encor VIII frant la cowe, pour ce qu’il estoient bon, et
ceulx des année passée estoient fier et deputaire.
En celle année, je, l’escripVains, fus au Landi à Paris. Et n’olt, la
Dieu mercy !, que bonne fortune.
La mort du roi de Castille. — Aussy ce fut en celle année que morut le
puissant roy de Castille et archeduc d’Austriche, lequelle estoit pour
lors le plus puissans en seigneuries de tous lez crestiens ; et estoit filz
à l’empereurs. Celluy noble prince laissait ung josne filz, nommés
Chairle, qu’il oit de sa femme, la fille au roy d’Espaigne. Lequelle, après
la mort de Maximillien l’empereur, son grant perre, fut le dit josne filz
envoiez quérir en Espaigne ; et par les éliseur du Sainct Ampire fut
esleu ampereur, comme ycy après il serait dit quant temps serait.
Mais, pour revenir à mon prepos, quant les nouvelles sertaine de la
mort de son noble perre furent venues aux oreilles et à la congnoissance
des seigneurs gouverneurs de la chose publicque en Mets, il luy firent
préparés ung moult biaulx services, lequelle en touttes révérances et
honneurs fut chantés et célébrés, avec moult grant luminaire, en la
Grant Église d’icelle cité, en priant Dieu pour l’âme du noble prince et de
tous ces amis et biensVueullant.
Les ranles du jonne évesques de Mets perlie en trois. — Item, aussy en
celle année, fut passés à Romme que les rantes et revenues de l’éveschiez
de Mets se partiroient en trois parties, jusques à tant que le josne
anfïans a roy René de Cecille, qui estoit esleu pour évesque, comme dit
est devant, fût en eaige compétant. Et la premier partie d’icelle rante
et seigneurie fut ordonnées pour l’entretenement de l’estât d’ycellui
josne esvesque ; la seconde pairt fut pour l’entretenement des affaire de
l’aVeschiés, tant pour les plaice et forteresse, avec les gens d'airme et
aultres officiers du dit éveschiés à entretenir ; et l’aultre tier fut donnés
et convertis à l’ouVraige et faubricque de la Grant Église de Mets
laquelle en se temps se faisoit, comme dit est devant. Et furent les
seigneurs de chaippistre d’icelle Grant Église en partie gouverneurs
de la dicte éveschiez, jusques que le dit josne évesque fût en eaige
compétant.

1506. — LE BEURRE ET LE LAIT PERMIS A METZ EN CARÊME

45

Item, en celluy temps, le jour de la sainct Luc, y oit ung juif baptisé
en la Grant Église de Mets.
Lycence du pape de mangier burre el laid permei la quarantainne. Paireillement, en celle meisme année, fut par le duc René de Loraine,
roy de Cicille, ampétrés à Romme pour et on non du devent dit esleu
l’évesque son filz, que, de ses jours en avant, l’on pouroit mengier bure
et laitaige à tous jour maix par toutte l’éveschiez de Mets, riche et
pouVre, sans nulle scriptulle de concience, és jours que 1 on n en soilloit
point mengier ycy après desclairés : c’est assavoir, la vigille de la Nati­
vité Nostre Seigneur, la vigille de l’Assompcion Nostre Damme, et la
vigille de la feste de Toussainct, et plusieurs aultres, et paireillement par
tous les jours de la Quairentaine, à tousjours maix. Et fut ce previllaige
annonciés publicquement en plain loitriés à chacune pairoiche et par
toutte l’éveschiés de Mets le dit ans, le dimenche devant Noël.
Item, aussy ne fait à taire comment environ ce tamps avindrent de
grant merveille au pays d’oultre mer.
Du prince Sophy en pertie cresliens. — Et, tout premièrement, d ung
grant prince et seigneurs lequelle en cestuy temps estoit roy des Perses,
nommés Sophie. Celluy Sophie, qui vouldroit conter et escripre de sa
vie, et comment comme par euvre miraculleuse il c’est ainsy eslevés et
exsaulcés, l’on en feroit ung gros livre, autent ou plus que n’est cestuy ;
maix, pour ce que je me alongiroie et destourbiroie tropt de ma matier
acommencée, je n’en dirés sinon ung peu, en passant oultre, affin que
aulcunement puissiés entendre qui fut et dont vint cellui prince, nom­
més Sophie. Il est vray, comme dit histoire, qu’il fut nés de noble lignié,
maix non pas de fort grant lieu. Et demoura, josne anffans, ourfe 1 de
perre et de mer, et au gouvernement de ces amis. Lesquelles le traictairent tellement qu’il luy husurpairent tout le siens, et se de quoy il se
devoit entretenir et noryr. Et, alors qu’il devint grant et formés, voyant
que ces propre parans l’avoient mis à pouvreté, print conseille tant à
aultres comme à luy meyme, et, comme ramplis de la graice de Dieu,
qui l’aidoit, trouvait manier d’avoir aulcune ayde, avec laquelle il
recouvra sa cité. Puis, ce fait, et que en brief il oit obtenus sy belle
victoire, creut son bruit ; et ramforsa son armée, avec laquelle, en peu
de temps, il destruit. et subjuga ses annemis, et conquesta ung grant
païs. Mais il ne se thint pas à cella : car, après qu’il ost à grant puissance
renforciet son ost, sy c’en alla planter son sciège devant la fort cité du
Tour, laquelle il subjuga et print à force d’arme ; et en ycelle conquesta
cy grant richesse que tout son ost et son armée en fut grandement
enrechey. Et, pour abrégier, de ces jours en avant multipliait et ce
ellevait tellement que tout les plus grant le craindoient et se venoient
offrir à luy. Et sambloit, comme l’on raconte de luy, qu’il fût bénit de

1. Orfe, orphelin.

46

1507, N. ST.

CRAINTES DE GUERRE A METZ

Dieu : car, tout ce qu’il entreprenoit, il en joyssoit, et luy venoient
toutte chose à son appétit. Celluy Sophie amoit merveilleusement les
crestiens, et ce offroit à leur faire tous les plaisir et service qu’il luy
estoit possible, et comendoit à ces gens de ainsy le faire : car il les conversoit et frécantoit plus que toutte aultre nacion, et les exsaulsoit plus
que nulz aultres. Aussy Dieu le aydoit ; et prospéroit en touttes ces
affaire. Et, de fait, devint sy grant seigneur que les plus grant prince,
telz que le Grant Turc, le souldan de Babilloine et le grant Cham de
Gaitay le craindoient et doubtoient, et désiroie bien à avoir son alliance.
Et, qu’il soit Vray, il esmeust une guerre en l’année précédente entre
luy et le Grant Turc, tellement que, en cest présente année mil Ve et six,
olrent une grant baitaille ensemble en Azie, en laquelle plusieurs
Turcqs furent occis et supédités 1 du prédict Sophie et de ces gens.
Par quoy son bruit se ellevait de plus en plus, et se espandit par tout le
monde.
Plussieurs cornettes apparue. — Aussy ne fait à oblier comment, en ce
temps, aparurent plusieurs cornettes, et aultres plusieurs choses qui
environ ce temps et depuis ont estés démonstréeset advenues en diverse
lieu et païs.
Dispositions de temps. — Item, aussy, pour Vous dire de la disposicion
du temps en cest année, il ne fist pas grant yver, et ne gellait quasy
comme riens ; ne de loing temps devant, comme on disoit, n’avoit fait
ung cy gracieulx yver ; et estoit à l’oppositte de l’année précédante.
Toutteffois, le XVIe et XVIIe jours de mars, il gellait assés compétemment : néantmoins que celle gellée ne fist point de dopmaige és bien de
terre, pour ce que alors n’y aVoit encore riens hors de terre ne du florys.
Gendarmerie ensemble. — Item, aussy en celluy temps, vint nouvelle
que grant compaignie de Bourguignons venoient et dessandoient au
païs de Mets ; et ne sçavoit on à qui ilz estoient, ne où ilz volloient aller.
Et, paireillement pour le meisme temps, faisoient les Lorains grant
assemblée de gens. Par quoy, pour ces choses et plusieurs aultres, les
seigneurs et recteurs de la cité firent fouyr leur bonne gens le milleur de
leur biens ; et, avec ce, firent faire bon gayt en la cité : car on dit com­
munément que qui ne se scei de qui gairder, sy se gairde de tout.
Cy vous lairés de ces choses le pairler pour le présent, et retoumerés
a maistre eschevins de Mets et à plusieurs aultres besoingnes digne de
mémoire qui advindre en l’an après.

[l’année 1507]

Mil vc et vij. — En l’an après, qui fut l’an de Nostre Salus mil Ve et VII
et de Maximilian en son Royaulme des Romains la XXIIe années, fut
1. Suppéditer, subjuguer.

1507. — BAPTÊME SOLENNEL A METZ

47

alors fait, créés et essus pour maistre eschevin de la cité de Mets le
seigneur Michiel Chaverson.
Et en celle année fut faicte une triumphe en Mets : de quoy plusieurs
gens furent esbays,pourceque l’on n’avoit® pas acoustumés enycelle de
ainssy faire. Celle triumphe fut faite a baptisement de Robert, filz a
seigneur Claude Baudoiche, chevalier, et nepveu à messire Robert de la
Mairche. Car, pour ce que ma damme sa femme estoit de grant lieu
(de la maison de Croy), fut le dit anffans portés baptisés en aussy grant
triumphe que c’il fût estés filz d’ung grant baron ou d’ung conte. Et,
premièrement, fut portés de la maison de Passe Temps sus Muselle en
grant triumphe et en gran compaignie de dammez et damoiselle, avec
XL pillé de cire alumés, jusques en l’église paroichialle de Sainct Mercel ; en laquelle estoit la chappelle du fons et baptistoire toutte tendue de
riche tappisserie. Et là estoit mon seigneurs l’abbé de Sainct Vincent,
hommes noble et de grant linaige de Loraine, qui estoit abillés, vestus
et acoustrés comme ung évesque : c’est assavoir une riche chappe, la
mittre en la teste et la crosse en la main, avec les gros aniaulx au doy ;
et tenoit grant gravités. Et en cest abbit pontifical, le XVIIIe jour
d’apvril, fut par luy le dit anffans baptisés en grant triumphe et sollennités. Et fut par les seigneurs et dammes demenés grant joie en Passe
Temps par l’espasse de deux ou de trois jours enthiers, pour plus exsaulcer la feste.
Item, ce fut en ce meisme temps que par moy, l’escripvains de ces
présentes, fut faict et eschevis une piesse d’euvre : c’est assavoir ung
draps entailliez et cousus ensemble en manier de tapisserie, auquelle
y avoit ymaige de plusieurs sortes et manières, et avec plusieurs traict
à noul de cordellies entressaillés fi avec aussy les airmes dé six pairaige
et de tous les seigneurs de la cité. Et avoit en celluy draps plus de
VIII mil piesse cousue et jointe ensemble, touttes de biais et à laine.
Et plusieurs aultres chose y avoit on dit draps lesquelle je laisse pour
abrégiez : car ceulx et celle qui l’ont veu Vous en sairont bien parler.
Cellui draps, en cest présente année, le jour de la sainct Marc, fut mis et
tendus, avec ung taubleau escript, par licence de Justice, devant la
Grant Église d’icelle cité ; et là fut la plus part du jour à la Vueue de
tout chacun.
Ceulx de Mets s’acorde à des pillair. — En celle meisme année, environ
le may, vinrent à passer auprez de Mets une grande compaignie de pié­
tons, gens malz acoustrés, malz am point et comme morant de fain.
Et venoient yceulx piéton des Allemaigne ; et avoient délibéré de ce
lougier au païs de Mets. Pour laquelle chose l’on fist foyr les bonnes gens
avec leur biens en la cité. Et, avec ce, fut conclus de eslire les plus

a. Ms. : l’on avoit.
1. Mémoires (Gedenhbuch, éd. Michelant, p. 154) : « et avec ce y avoit plusieurs
biaulx traits entretailliés et entrelaissés à noulx d’amour en diverses sortes. » Noul,

nœud. -— La description de ce chef-d’œuvre est beaucoup plus complète et plus claire
dans les Mémoires, loc. cit.

48

1507.

—• DÉBUT D’UNE ÉPIDÉMIE EN METZ

friche *1 gallans, tant de la terre de Mets que de la cité, avec lesquelles
l’on feroit résistence à celle chéquelle 2. Et pour ce faire furent mandés
leur alliés de Lucembourg pour ce joindre avec eulx. Mais, premier que
de les assaillir, l’on voult assaier leur couraige ; et fut on non de la cité
envoiés devers eulx le seigneur Françoy le Gournay, chevalier. Lequelle
y besoingnait tellement que, en leur donnant ung bon pot de vin, fut
fait acord qu’il ce despartiroient de la terre de Mets, et s’en yroient en
aultres pays. Et ainssy en fut fait ; par quoy chacun retournait arrier en
son lieu.
Item, bien tost après, on moix de jung, moy, l’escripvain de ces pré­
sente, me pertist de Mets avec ma femme, tout à piedz, pour en aller en
pellerinaige de Nottre Damme de Lyauce. Au quelle voyaige je fut fort
échauffés, et aussy pour les yaue que je bevoie en chemin, par quoy je
y prins une malladie, de laquelle chacun pansoit que j’en deusse morir ;
mais, la Dieu mercy !, j’en fus reguéry. Et fut cest malladie acommencement de plusieurs malladie qui advindrent, tant en cest année corne en
l’an après, sur ma femme, mon perre, mes anffans et ma famille, comme
ycy après il serait dit quant temps seray.
Paireillement en cest année, advindrent encor plusieurs aultres
fortunes et adventures, desquelles j’en metteray ycy aulcune.
Deux corriés noiés par fortune. — Et, premièrement, en ce meisme
moix de jung, advint en Mets, en la rue c’on dit Salnerie, ung piteux cas
et une piteuse adventure. Car en celle rue furent trouvés noyés en leur
fosse ung appellés Niclosse, le tainneur, avec ung sien fdz, eaigiez de
environ XVIII ans. Et furent trouvés les deux devant dit qu’il ce tenoient ambrassiet, et estoient a sarrés l’ung l’aultre : de quoy c’estoit
grant pitiet à les veoir. Ne jamaix l’on ne polt sçavoir ne venir à la
cognoissance dont celle piteuse adventure povoit venir.
Le boureaulx de Mets tués. — Item, aussy, le XXVIe jour du meisme
moix de jung, avint une aultre adventure en l’hostel du doyen de la
ville. Le cas fut telz que alors y avoit deux compaignon prins pour
aulcuns cas à eulx imposés. L’ung estoit de Lorey devent le Pon,
homme assés malz falmés, auquelle estoit suspecionés qu’il avoit rompus
le troncquez auprès de la Belle Croix en Désirmont (et ne l’aVoit pas
fait, corne il fut congnus depuis). Et l’aultre estoit de Vignuelle devent
Mets, josne fdz à mariés et biaulx personnaige ; lequelles avoit bon
bruyt et bonne nommée 3, sinon, depuis ung peu de temps, qu’il aVoit
faict aulcune petitte follie et avoit menasser de faire merveille à l’ocausion d’ung plait et ung procès que son perre menoit, de quoy ces biens
en furent tous vendus par estaulz ; et ce appelloit celluy jonne fïlz Jehan

a.
1.
2.
3.

Ms. : estioit.
Frische, en bon état, solide.
Séquelle ? Le mot aurait été emprunté au dialecte picard.
Renommée, réputation.

1507. — LE BOURREAU DE METZ ASSASSINÉ

49

Malfort. Ces deux personnaige devent dit, eulx estant en prison, con­
clurent entre eulx et se promirent que le premier qui vanroit à estre mis
en torsure et en gehine tueroit le bouriaulx. Or avoit celluy de Lorey
mis et caichiés dessus luy ung coustiaulx, que nulz ne sçavoit. Et fut
celluy ampoigniés le premiers pour le cuyder mettre dessus le bancque
en torsure ; et, alors que le bouriaulx le cuidoit mestre dessus le bancque
et le loyer, cellui tirait dehors son coustiaulx, duquel il donnait cy
grant copt au dit bouriaulx, nommés maistre Waulter l’Allement,
qu’il le tuait tout roide. Et avec ce fist grant bruit ; et eust fait ung
desplaisir aux seigneurs juge et aux sergens estant illec présent, c’il
n’eust heu les fer au piedz. Mais il fut ampoigniés ; et, jay ce qu’il leur
fist à tous bel peur, cy fut il à force remis au fon de fosse ; de laquelle
ne pert.it jamaix jusques à ce qu’il a eust son jugement. Lequelle ne fut
pas sy tost espédiés, à l’ocasion de ce que l’on ne povoit trouver point de
bouriaulx.
Nouveaulx boréaux créés. — Et en oit on grant paine ; et fut force de
reappeller en Mets ung compaignon de Salney, nommés Géraird Noirel,
lequelle alors, pour ses desmérittes, estoit fugitif et banys de Mets ; et
ce tenoit en une louge *1 en une vigne après de Sainct Mertin. Et à cellui
fut tout pardonnés ; et avec l’office de bouriaulx luy fut donnés encor
une belle robbe, et de l’airgent en sa bourse.
Justice faicte d’ung malfaiteur. — Et adoncque fut justice faicte du
devant dit malfaicteur ; et oit la teste tranchée Entre deux Pon, et mis
sur la rue. Et à cest justice à faire vint et arivait ung compaignon de
France, lequelle estoit venus cuidant avoir le dit office de bouriaulx ;
et ce disoit maistre et filz de maistre. Et fist grant consolacion au dit
maistre Géraird : car il luy aydait à faire son premier chief de ouvre, et,
avec ce, luy moustrait tout ce qu’il luy apartenoit de sçavoir ; et fut
encor avec luy environ XV jour ou ung moix, pour le bien instruire
au dit mestier.
Ung homme décapités. — Puis, assés tost après cest justice faictes et
acomplie, fut le dit Jehan Malfort prins et menés à Vignuelle, au lieu
dont il estoit. Et là, par santance difïïnitive, pour ce qu’il estoit consen­
tant et corpauble de la mort du dit bouriaulx, oit la teste tranchée ; et
fut paireillement mis Sus la rue, entre Vignuelle et Waulpey, sur le
chemin de Salnei. De quoy ce fut grant dopmaige de sa mort : car
c’estoit ung biaulx josne filz et gracieulx.
Les Génevois remys en l’obéissance du roi Loys ; Paule, Génevois,
décapité. — Aussy n’est pas à taire ne à celer comment, environ ce temps,
le roy Loys de France, XIIe de ce nom, remist à luy les Génevoys, qui
ung peu par avant se estoient encor de rechief rebellés, et par trayson
avoient les François de leur ville rejetiez. Mais, en fin, furent surmontés

a. Ms. : a ce il.
1. Loge, abri de feuillage, puis, petite cabane.

50

1507.

— ABUS DE CONFIANCE D’UN MAIRE DE WOIPPY

par les victorieulx fais d’icelluy roy Loys et de son armée, laquelz en peu
de temps submist et réduict entièrement les dit Génevoys dessoubz sa
puissance et édit. Et tellement que, peu après, Paul de Novis, taincturier, que les Génevoys avoient faiz et créez pour duc au dit pays de
Jennes, en c’en fuyant de ce conflict par mer, fut prins de une nave
gallicainne ; et, après, fut ramené à Gennes, là où il fut décapité.
Bolongne reminse en la main du pape. — Aussy, en celluy temps, le
roy recouVray la cité de Boulongne la Grasse, en Lumbardie, que ung
nommés seigneur Jehan de Bentivolle tenoit et husurpoit. Et la remist
en la mains du pappe Julius, à qui elle appartenoit ad cause de l’Église
romaine.
Malicieuse finesse d’ung maire de Wapei et de son flz. — Item, aussy
en celluy temps, furent messeigneurs les Trèzes de la cité de Mets advertis comment ung nommés Mangin le Monnier, alors maire de Wappey
devant Mets, et ung siens fîlz, nommés Anthonne, avoient malicieuse­
ment et par une fine et malvaise cautelle faicte ung escript d’une debte
de quaitre cenc libvrez sur ung prebstre nommés messire Pier le Salvoiens, lequelle l’on estimoit riche homme, et pour lors chappellain de la
dicte ville de Wappey. Et, par grant subtillité, l’avoyent mis on saichet
d’ung povre ancien homme, nommés Perrin, eschevin de la justice
d’icelle ville de Wappey ; avec aussy une adevise a qui faisoit mencion
que le dit prebstre se démectoit de tous ses biens meubles, cens, héritaiges, debtes et gaigières qu’il avoit. Et, pour la mettre on saichait,
comme dit est, fut le dit Perrin surbornés du dit maire et de son filz,
lesquelle luy donnairent tant à boire qu’il ne sçavoit qu’il faisoit. Puis,
ung jour, il requiert au dit Perrin que son plaisir fût de leur moustrer
son saichet d’eschevignaige, et luy dirent qu’il avoient affaire d’y serchier aulcune piesse d’escripture. Et luy, comme ygnorant, le fist, et
leur laissait fouyllés dedans. Et alors cauttement le dit Mangin et
Anthonne, son filz, y mirent la dicte debte et adevise a ; et puis, ce fait,
dirent au pouvre homme qu’il ne trouvoient point ce qu’il queroient.
Or ne savoit le dit pouvre homme point de lettre, et se fioit en eulx.
Cy avint, ung jour après, qu’il amenait le dit pouvre homme à Mets, et
à force de languaige luy fit tesmoignier ycelle debte et adevise a en la
main d’ung des trèze jurés de la cité. Puis, loing temps après, le dit
maire, comme faulx et desloyaulx, voult user des devant dit crans *1 de
debte et d’adevise a.Par quoy le pauvre prebstre, que de toutcecy rien ne
sçavoit, fut bien estonnés et esbahys quant il se santit contrains. Et, de
fait, en vint le desbat cy avant qu’il abandonnoit son corps à estre prins
et avec sa pertie adverse mis en prison ; et crioit et brayoit comme ung
forcenés. Et tellement que, pour ce fait et pour en sçavoir la vérités, en

a. Ms. : ademise. — Adevise, écrit, convention. Ce mot est un terme de droit messin.
Verreur de Philippe a été causée par une étymologie populaire (ademise, du verbe ademettre).
1. Créant, engagement verbal ou écrit.

1507. — ABUS DE CONFIANCE D’UN MAIRE DE WOIPPY

51

fut le pouvre simple homme eschevin prins et mis au fon de fosse. Mais
tout incontinant le devant dit maire et son filz, eulx advertis de la
prinse du bon home, s’en fouyrent et se absentirent du pays. Et se
firent il corne saige et bien advisés ; ou aultrement leur fût mal allés.
Alors le pouvre homme ainsy détenus, sans luy faire contrainte ne
torsure, congnust et dit à Justice que de tout ce il n’en sçavoit aultre
chose, sinon que, à la requeste d’icelluy maire et de son filz, il avoit heu
apourté son saichet d’eschevinaige devant eulx, auquelz il avoient
trouyllés \ comme dit est ; puis, après, qu’il estoient revenus par une
aultre fois, et, en sa présance, avoient prins en son dit saichet les deux
escript devant dit. Et dit encor et congnut celluy bon hommes que,
jay ce qu’il n’eust nulle congnoissance quant yceulx crant avoient estés
fait, ce néantmoins le dit Mangin et son filz luy donnairent tant de
crainte et de menaisse, avec ce qu’il estoit tenus à eulx, que comme
ingnoramment les avoit tesmoigniés 2.
* 1Par quoy, pour ces choses, et
pour donner example aulx aultres, fut le pouvre Perrin jugiés à estre
menés, ung sacquez sur son col et les mains liées derrier le dos, aulx
aVelz3du pon des Mors pour le noyer. Maix tousteffois Justice, miséri­
cordieuse, considérant a la grant viellesse et l’ingnorance qu’estoit en
luy, on luy pardonnait (car il avoit bien quaitre vincgz ans). Par quoy
ne fut point noyés, mais seullement il fut bannis et forjugiés de Mets et
du pays à tousjours maix. Toutefïois, après ce fait, l’on ce advisait ; et
fut reappellé, pour tant qu’il estoit homme ingnorant, corne dit est, et
que pour ce on craindoit que l’on ne luy fist faire quelque tesmoingnaige contraire à la cité, et que possible la cité aroit aussy besoing de
luy pour en dire la vérité. Et alors, pour ces raison, luy fut tout par­
donnes, et revint en Mets. Celluy Perrin estoit pairains de fon à maistre
Géraird Noirel, alors bouriaulx de Mets, corne dit est devant. Par quoy
celluy maistre Géraird, en le emmenant noyer, ploroit sy treffort que
c'estoit pitiet : car il faisoit cest office de son perrains contre cuer et à
regret. Et, jay ce qu’il ne l’acomplit pas, il en oit telz desplaisir et telz
dolleur a cuer que jamaix n’oit bien depuis ; et ne vesquit pas longue­
ment après, qu’il morut. Mais, pour revenir à mon prepos, et après ce
fait, cellon l’usaige et la coustume de la cité, fut le devant dit maire et
son filz huchiés et criés dessus la pier ad ce ordonnées devant la Grande
Eglise, disant que dedans sept nuydz il se venissent nestoier, excuser et
purgier du crimes à eulx imposés. Et, pour ce qu’ilz n’en firent rien,
furent bannis et forjugiés de Mets et du pays ; et, avec ce, furent leur
biens confisqués : c’est assavoir, tout ce qu’il avoient en Mets fut pour
la cité, et ce qui estoit à Wappey fut au trésoriers de la Grande Église,

a. Ms. : consirérant.

1. Zéliqzon connaît un verbe troûyeu, mêler, mélanger. Ce verbe trouiller, qui n’est
pas français, me paraît signifier étymologiquement* farfouiller ».
2. Quoiqu’il n’eût aucun souvenir de ces actes, il avait affirmé par serment, sous
l’empire de la menace, qu’il en avait connaissance.
3. 4rvel; ce mot désigne les arches du pont.

52

1508. — COURSE FAITE A WOIPPY

alors seigneur du dit Wappey ; et fut tout vendu par estaulz. Et dès
tantost celluy maire et son filz, eulx estant à Briey, en voullurent faire
action. Et se dollousairent tellemant à Géraird d’Aviller, alors bailly de
Sainct Miel, et au prévost du dit Briey, leur donnant à entandre plu­
sieurs bourdes, que pour celluy fait il en firent plusieurs requestes et
poursuittes à la cité, que biaulcopt leur cousta. Et, voyant que l’on n’en
tenoit compte, cuydairent faire merveille. Il assemblairent ung tas de
gens de petittes efiîcaisse, avec lesquelles, en l’an aprez, Ve et VIII, le
XXVIe jour de novembre, vinrent courre à la dite ville de Waippei :
maix il n’y firent aultre mal sinon qu’il couppairent la queye 1 d’ung
poullain ; et puis prindrent pain, vin et fromaige pour eulx déjuner ; et,
ce fait, s’en retournaient leur chemin. Toutteffois, après plusieurs
chose que à celle occasion en furent faictes et dictes, à la requestes et
prières de aulcunes gens de biens et grans parsonnaiges, retourna le dit
maire à Wappey ; et luy fut redonnés aulcune porcion de ces biens.
Mais jamaix depuis ce fait n’olt aulcune crédictes, ne ne fut prisiés ny
amés. Et, encor daventaiges, du temps qu’il estoit en procès, fut pour
l’amour de luy faicte et compousés ung dictier en forme de ballaides
comme ycy après escript il s’ensuyt :
Ballaide
De novembre XXVIe jour,
Courant mil Ve et VIII ans,
Furent courrir a point du jour
Des Lorrains environ trois cens.
Et sy prindrent, comme j’entens,
Deux hommes à Vappey prisonniers.
Et sy courrurent sans defïier.
Il entrirent dedens le villaige
Et rompirent huis et maison
Et sy prindrent œufz et fromaige
Pour eulx mangier au desjunon.
Maix cuidez vous quelx champion
Pour combattre ung olliffant ? 2
Mais il s’en allirent bien tost fuyent.
Il gaingnèrent ung grant buttin :
Ainssy en fut dit pour certain ;
Et firent vaillance, corne on dit,

1. La queue.
2. Eléphant. La cité de Metz, à laquelle s’attaque cette troupe méprisable, est
comparée au plus puissant des animaux.

1508. — COURSE FAITE A WOIPPY

53

En couppant la eue d’ung pollain.
Ne furent il pas bien villain
De faire une telle laichetey ?
Aussy en furent ilz bien mocquez.
Le iilz le maire y estoit,
Montez sur ung grant vielz cheval,
Et ung tas de corde portoit
Comme ung prévost des mareschal.
Cuidiés Vous qu’il feroit de malz
S’il estoit fait cappitaine
Dessus aulcuns meschant ribaul,
Et il feroit ces putte estrainne ? 1
Géraird d’Aviller, le bailly,
Il n’entendit pas bien le cas ;
Non fist le prévost de Briey,
D’antreprandre ung sy grant cas,
Ne de croire telz advocas
Disant leur faict estre net et pure
Avec leur faulce escripture.
Oyés du maire et de son filz !
Voullés vous sçavoir leur sentence ?
De leur entremet j’en dis : fis !,
De leur folle oultrecuidance.
S’ilz avoyent autant chevance
Qu’i oit onequez hommes de merre nez,
Il en moront, s’ilz sont crocquez 2.
Sçavés vous point quel paiement
Il aront à la fin du conte ?
Il en aront leur jugement
Par Justice, par Trèzes et Conte :
Créés qu’il en vanront au compte,
Car il fault conter à la fin :
De bonne vie bonne fin.
Cellui qui tesmoignait l’escript
Perrin Salvaire est appellé :
On le peult bien mettre en escript,

1. Faire la pute estreine, causer des malheurs.
2. Je comprends ainsi cette strophe : quant au maire et à son fils, voilà leur sentence.
Leur intervention (entremet) follement outrecuidante, j’en fais fl. Eussent-ils autant
d argent qu’il a vécu d’hommes sur cette terre, ils seront mis à mort, si on peut les
attraper (croquer).

54

1508,

N. ST. — GRANDE MORTALITÉ EN METZ

Car il en fut appréhendés,
Et fut jugiés et condampnés
Au pont des Mors estre noyés :
Maix la Justice en oit pitié.
Pitié en olrent corne seigneurs saige
Du povre innorant fortunés 1.
Entre vous, Justice de villaige,
Qui ne sçavés ne A ne B,
Autant il vous en pant au nez ;
Pensés y pour honneur de Dieu :
L’asmonne est faicte, allés à Dieu !
Prince, du monde le tout puissant,
Seigneur glorieulx, manificque,
Gardés nous de telle accidant,
Ne de huser de telle praticque ;
Ne jamais homme ne s’y aplicque :
Car à la fin nous fault tout randre,
Et la mercy de Dieu attendre.
Or avés oy la fin du maire de Wappey et de son filz, quel elle fut, et
comment il furent en grant dangier de leur vie, c’il fussent esté tenus.
Dispositions du temps. — Rest maintenant que je vous dye quelle

choses avinrent encor pour cest année ; et, premièrement, de la disposicion du temps et fertillités dez biens. Vous devés sçavoir que tout le
temps de la moison durant, et aussy de la Vandange, il fist biaulx. Et oit
on de tous biens à grant plantés, saufz et réservés le vin, qui fut chier :
mais c’estoient les milleur c’on aVoit heu de grant temps devant. Et ce
Vandoient IX ou X frant la cowe ; mais on aVoit de bon froment pour
IIII sols VI deniers la quairte ; le moitange, IIII sols ; la navées,
IX et X sols ; et touttes aultrez choses, comme pois, feuves, orge,
awaine, comme l’an devant.
Mortalités en Mets. — En celle meisme année se acomensait, environ
le moix de janvier, une grande mortallités en Mets, par laquelle morurent plusieurs personnes, josnes et vieulx, comme ycy après il serait dit.
Et tout premièrement acomensait celle mortallités en la maison de
moy, l’escripvain de ces présentes cronicque : car alors je estoient moy
XIe en ma maison, tant en enffans comme en famille ; de quoy plusieurs
en furent mors avent la fin de l’an, et demouray moy et ma femme,
avec petitte compaignie. Et premier print celle contaugieuse malladie,
et avent qu’il en fût encor nouvelle, à ung mien filz, nommés Jehan,
eaigés de environ X ans ; de laquelle trespaissait et morut le dit anfïans

1. Fortune signifie « malheur » ; fortuné a la valeur d’< infortuné ».

1508.

— GRANDE MORTALITÉ EN METZ

55

en celle année Ve et VII, le XXVIIIe jour de janvier. De quoyjefus
merveilleusement couroussé, pour ce que de son eaige, comme je croy,
n’en y avoit guerre point en la cité de Mets du mieulx lettrés, ne du
plus obéissant, ne qui plus désirait l’étude. Mais cecy ne fut c’ung
acommensement : car je ne fus sans tritresse de gens mort en mon
lignaige depuis se jour jusques plus de trois ans aprez. Et, qu’il soit
vray, le VIIIe jours de mars ensuiant, print la mallaidie à ma plus
année fdle, eaigée de environ XII ans (saige et bien lettrée estoit) ;
et morut le XVe jour du meisme moix à mynuyt. Et à ce meisme jour
print le mal à ung josne filz, mon serviteur, naitif de Louvain ; et ne
vesquit que XXXVI heures après. Puis, après, ma femme, alors estant
ensainctes de vif anffans, fut perreillement picquées, et oit la peste en
langre L De quoy je fus bien estonnés et mary ; mais, en prenant
couraige, me rescommenda à Dieu et à ces sainct. Et, avec ma femme
ainsy grosse et mallaide, me mis tout de piedz au chemin de sainct
Sébastien de Deulevair ; et mis le rest de mes anffans en diverse lieu
permi la ville ; et laissait seullement une servante à l’ostel pour gairder
la maison. Laquelle, nous estant dehors, fut actainte et picquées de la
dicte malladie ; et la trovaimes treffort mallaide et en dangier de morir.
Touttefïois a, graice en soit à Dieu et au benoy saincts !, ma femme et
elle retoumairent en leur santé et furent reguérie. Et, après plusieurs
jour passés, je reprins le rest de mes enffans après de moy ; et me thins
ainssy jusques en jullet après.
Mais de ces choses je vous lairés quelque peu le pairler pour retourner
au maistrez eschevin de la cité de Mets et à plusieurs aultres besoingne
digne de mémoire.

[l’année i5o8]

Mil u et viij. — Quant se vint en l’an après, et que le milliair courroit
par mil VG et VIII ans, qui alors estoit la XXIIIe année de Maximillian
en son Royaulme des Romains, fut à la sainct Benoy fait et créés maistre
eschevin de Mets pour la devant dicte année le seigneur Jehan Roucel,
filz a seigneur Wairin Roucel, chevalier.
Et tantost après, le jour du Quasimodo, il fist une très grant froi­
dure ; et gellait tellement que l’on cuydoit que les vignes deussent estre
gaistée ; et en furent en grant dangier : maix, la Dieu mercy !, par la
prières des bonnes gens, se ne fut riens.
Ordonnances de faire procession pour la mortalité. — Item, en celluy
tamps se renforsoit de jours en jours la mortallités en Mets. Et telle-

a. Ms. : troutteffois.
1. L’expression peser en langre revient à plusieurs reprises dans les textes messins
Histoire de Metz, t. III, p. 277, t. IV, p. 96).

56

1508.

— GRANDE MORTALITÉ EN METZ

ment que alors estoient la plus part des seigneurs et dames, et aussy
plusieurs bourjois et bourjoise, fuytif ; et se tenoient dehors, où chacun
pouvoit mieulx. Et, pour ses raison et plusieurs aultres, les seigneurs
trèzes jurés de la justice d’icelle cité de Mets maudirent les eschevins
des paroiches : auquelles fut ordonnés, pour apaisantés l’ire de Dieu,
que le dimenche proichain ensuyvant fût faictes en une chacune des
dite paroiche une procession tout ainssy comme le jour du Saint Sacre­
ment, et c’on la fist le plus honnorablement qu’il seroit possible de
faire, en pourtant le sainct sacrament en grant révérance par la ville,
et en faisant le service du jour comme faire se devoit. Et tout ainsy en
fut faict. Et pareillement en fut faictes à la Grant Église d’icelle cité,
et par touttes les Ordes mendientes, et aux aultres religions. Et fut
encor ordonnés au dit eschevins que chacun lundi il feissent faire en
leur église une procession autour de la paroches, et feissent au retour
chanter la grant messe on nom de sainct Sébaistien à diaicre et à soubdiaicre, et en tout honneur ; et, avec ce, prandre une collette de sainct
Audrian, une collette de sainct Roch, une de sainct Joppe *1 et une de
sainct Sébastien, affin que yceulx benois saincts intercédaissent envers
le Créateur qu’il fist cesser la peste, comme nous créons fidellement
qu’il en ont le dons de graice.
Toutteffois ne cessait pas encor la peste, mais se ranforsoit de jour
en jour. Et tellement que, durant ce temps, le mal print à ung mien
filz, nommés Jaicommin, eaigiez de environ peu moins de trois ans ; et
morut de celle malladie le XVe jour de juyllet. Par quoy, voyant que
celle contagieuse malladie cressoit de plus en plus, me partis de Mets,
avec ma femme ainssinte, corne dit est devant, et nous en allaimes
demourer et nous tenir à Lessey. Auquel villaige, le XXIIIe jour du dit
moy, la dite ma femme délivra de son fruit ; et fut acouchée d’ung
filz, qui a saint fon de baptesme fut nommé Jehan. Toute celle dicte
saison, jusques après la vandange, moy, Philippe devant dit, escripvains de ces présente, avec ma femme et famille, fut tenus nottre
ménaige à la dicte ville de Lessey.
Grant mortalité en Mets. — Auquel temps durant morut grant puple
en Mets ; et estoit chose merveilleuse de ceulx et celiez qui tous les jours
se moroient. Et tellement s’en espandit le bruit que l’on ne voulloit
recepvoir ne laissier entrer les citains d’icelle a cité en nulle ville fermée
de Bar ne de Loraine ; ains estoient alors déboutés et déjectés de tous
coustés, comme laidre ; et ne les oysoit nulz aproichier pour leur aministrer vivre ny aultrement ; et, pour ces chose, les convenoit le plus
souvant couchier aulx champs comme beste mue 2, sen trouver qui les
voulcist lougier.
En cest année morurent en Mets plusieurs gens de diverse estât, tant

a. Ms. : icille.
1. Saint Job, le patriarche ?
2. Mue, muette, de l’adjectif mu. C’est un simple renforcement de beste.

1508. — GRANDE MORTALITÉ EN METZ

57

hommez que femmez, et à grant nombre, josnes et vieulx. Entre les­
quelles morut Jehan Houdebrant, trèze et amant ; damme Perrette,
femme a seigneur Thiébault le Gournaix. Paireillement mourut la fdle
seigneur Régnault le Gournaix, et femme a seigneur Jehan le Gournaix ;
damme Aignon, femme à Piéron de Vy ; ung gentilz homme de Stracbouch qui estoit au gaige de la cité ; deux ou trois tant docteur comme
maistre en médicine, qui perreillement avoient gaige de la cité (et
cuydoient reguérir les aultres, mais eulx meisme ne se sçavoient regué­
rir) ; la femme Jehan Stévenin le merchamps, et sa suer, femme à
Jehan Travaul et fille à Jehan Rollat ; Drouuin le merchamps ; Mangin
Bausse, le merchamps, sa femme et son seulle filz, noviaulx mariés ; la
femme Michiel Travault, trèzes et amant ; Jehan Husson le merchamps,
duquel le devant dit Michiel oit depuis sa femme en mariaige. Puis
morurent deux josnes filles à marier, qui estoit lors le bruit de Mets, et
fille à Pierson de Boullegnei, l’escripvain. Encor morurent en ce tamps
deux aussy belle josne merchande qu’il en y eust point en Mets, c’est
assavoir la fille Poincignon le Braiconniet, et la femme Françoy Fourquignon ; Paullus, l’ostellier ; Pierron, l’apoticaire ; Gillet le Belz, alors
greffier et secrétaire des seigneur trèze jurés en Mets. Et plusieurs
aultres, la plus part touttes josne gens et en leur fleur d’eaige, et touttes
gens bien estimés et de grant réputacion en Mets. Avec lesquelles
morurent encor tant d’aultre menus puple, josnes et vieulx, que ce fut
chose merveilleuse. Et tellement que, en l’espaisse de trois ou de quaitre
moix, en morut en la pairoiche Sainct Jaicque, de compte fait par moy,
l’escripvains de ces présente, deux cenc, et touttes josnes gens ; et aulx
aultres paroiche à l’avenant.
Permission de dresser jeux de guille. — Item, durant celluy temps de
mortallités, fut par les seigneurs Trèzes et la Justice parmis au puple,
pour la recréacion des citoiens, de juer a gueilles et à plusieurs aultres
jeulx. Et dès incontinant fut à chacune portes dressés deux ou trois
jeulx de gueilles, là où se trouVoient plusieurs gens pour passer leur
temps.
Celle année fut fort fertille és biens de terre : car l’on avoit alors de
tous biens en grant abondance et plantés, et plus encor que les année
précédantes ; Dieu en soit louués ! Et, avec ce, cessait ycelle coutengieuse 1 mallaidie de paiste. Et n’estoit plus gaires de nouvelles de
mortallités, sinon de faire la bonne chier et de soy resjoyr. Et, avec se,
acomensairent à faire tant de diverse et sot mariaige en Mets, de plu­
sieurs parsonnes alors estant weusve, que se fut chose merveilleuse.
Item, en celluy temps, le XXVIIe jour de noVambre, fut mort à
Lessey le devant dit Jehan, mon filz, et enterré au lieu.
Alliance d’aulcun prince. — En celle meisme année et saison se firent

1. Coustangeus, qui coûte cher. Philippe semble avoir confondu les deux familles
de contagion (contagieux) et de coutange.

58

1508,

DÉCEMBRE. — MORT DE RENÉ, DUC DE LORRAINE

de grande et merveilleuzes alliances entres Nostre Sainct Perre le
Pappe, entre Maximillian, Roy des Romains, entre Loys, roy de France,
et entre le roy d’Espaigne, au grant préjudice et dopmaige de la seignourie Vénissianne, comme ycy aprez il serait dit. Et firent en ce temps
leur assemblée et leur monstre chacun endroy soy ; puis, tantost a
prinstemps après venant, mairchairent les armée, et ont passés les
mons pour soy assambler au dit Vénissiens, comme nous dirons quant
temps serait.
Item, aussy en celle année, aprez la mortallités cessée et durant l’iver,
que chacun se resjoïssoit pour le bon temps qui alors estoit, et auquelle
moy, l’escripvains, me pansoient paireillement bien resjoyr, cuydant
estre quicte de celle coutengieuse malladie, alors fut picquée la servante
de mon perre. Et fut plusieurs jour qu’il nous la convenoit servir et
frécanter le lieu, pour ce que le dit mon perre estoit vieulx, et sa femme,
ma mairaitre, ne se pouvoit aidier, car elle estoit vielle de IIIIXX et
X ans. La dicte servente morte, en fut luées une aultre. Laquelle,
dedans XV jour après, fut paireillement picquée, et morut corne la
premier. Par quoy ce fut arrier à ma femme et à moy nouvelle paine et
doulleur, d’autant que nulle n’y voulloit demourer, et fuyoit chacun le
lieu. Et non sans cause, car, dès incontinant après la morte des dictes
servente, le dit mon perre, vielz et anciens, et eaigiez de plus de
IIIIXX ans, fut picqués ; et oit deux peste ; de quoy ce fut à moy et à ma
femme dolleur sus dolleurs. Or durait la chose loing temps, et fut le
pouvre homme plusieurs sepmaine que l’on ne s’en savoit à quoy tenir.
Et encor, que pis est, n’y avoit parsonne que pour airgent ou autre­
ment le Voulcist servir, pour ce que l’on craindoit le lieu et la maison.
Et fut le pouvre homme l’espaisse de plus de XXXVI sepmaine en cest
estât, puis hault, puis baix, sans estre mort ne reguéry : de quoy ce fut
pour nous ung grant meschiés, ung grant dangier et une orible paine.
Durant ces jours et la malladie de mon perre, c’est assavoir par ung
dimenche Xe jour de décembre, René, duc de Loraine et de Bar, c’en
alloit le dit jour à la chaisse, acompaigniés de plusieurs de ces gens, en
ung boix auprès du dit Bar. Et alors, à ce voyaige, luy print ung caitère 1, duquelle assés tost après il morut.
Item, aussy, tantost après, à la Noël ensuyvant, me print sy grant
mal aux yeulx que je pansoie perdre la vueue. Puis, en ce temps et
durant ces jours, le dit mon perre devint trefïort anfflés ; et luy durait
celle anflure par plusieurs jours, que l’on n’y atendoit que la mort.
Et ainsy ne fut guerres de jours en celle année (ne aussy ne fut Yzaibellin, ma femme) sans doilleur et paine.
Cy vous lairés de ces chose le pairler, tant de mon mal que de celluy
de mon perre, pour revenir à perler qui fut en l’en après maistre eschevin de Mets, et des diverses adventure qui avindrent en son temps.

1. Un catarrhe. Le catarrhe était un mal subit « qui les gens met du premier coup
à terre » (Jean Bouchet, Êpistres familières du Traverseur, 52).

1509,

59

MAI. — LOUIS XII EN ITALIE

[l’année iÔog ; expédition de louis xii, roi
EN ITALIE ; VICTOIRE d’aGNADEl].

de

France,

Mil vc el ix. — Durans celluy temps, c’est assavoir à la sainct Benoy
après, fut fait, créés et essus pour maistre eschevin de la cité de Mets
pour l’an mil V cenc et IX le seigneur Nicolle Dex, janre a seigneur
Françoy le Gournaix. Et fut celle année la XXIIIIe de Maximillian en
son Royaulme des Romains.
Trevy prinse sus les Vénitiens. — Item, en celluy temps, le devant dit
Loys, roy des François, avec son armée, vint en personne en sa duchiez
de Millan ; et arivait premier que le devant dit Maximilian ne ces gens
ne fussent venus. Et se thint plusieurs jours le dit seigneur en sa cité
de Millan. Durans lezquelles furent par ces gens faictes plusieurs corse
et riblerie sur aulcune des devant dictes ville que yceulx Vénissiens
avoient husurpés et tenoient à force. Et tellement que, le XXe jour
d’apvril ensuyvant, fut par le grant maistre de France et son armée
prinse la ville de Trevy ; en laquelle alors estoient quaitre cenc ehevaulx
légier et douze cenc hommes de piedz. Et se rendirent aulcuns des
cappitaine, grant parsonnaige, la corde au col. Puis se présantairent
d’icelle ville Ve josne femme, touttes nuez et deschevellées, cryant
miséricorde, afïîn que la ville ne fût point pillée, airse ne robée.
Item, tantost après, on moix de may, print à moy, l’escripvain de ces
présante, une fièvre fort destroitte. Et ainssy ne se paissait point celle
année, ne loing temps après, sans moy venir adversité. Dieu par sa
bonté en soit louuez !
Mais, pour revenir, a prepos de celle guerre acomencée, vous avés par
cy devant oy les alliance faictes entre les prince, au grant préjudice et
dopmaige des Vénissiens ; et comment chacun endroy soy donnarent
ayde au roy Loys de France pour avoir et recouvrir les ville et cité à
eulx apertenant, que de loing temps les devant dit Vénissiens leur
avoient husurpés et à force possédée et tenuee. Lesquelles Vénissiens,
eulx estant de loing temps devant soufïïsanment advertis d’icelle alliance
et armée, c’estoient paireillement pourveu, et avoient fait une mer­
veilleuse assambléez. Comme aussy il leur estoit besoing : car en ce
temps il furent assaillis de tous coustés, comme ycy après il serait dit.
Le roy logiés à Cassan. — Et, premièrement, vous Veult dire et desclairer comme en celle année, le VIIIe jour du moix de may, le devant
dit Loys, roy des François et alors duc de Millan, se partit ce jour de la
dicte Millan. Et en grant triumphe et gloire, acompaigniez des princes
de son sang, duc, marquis et gentilz hommes, pensionnaires et aultres
grans seigneurs, tant de France que d’Itaillie, richement acoustrés et
montés, et avec ce armés qu’il n’y failloit riens (et tellement qu’il fut
dit que oneques oiel d’homme vivant ne vist tant de biaulx ehevaulx
ensemble, ne tant de bardes, ne de draps d’or descouppés ne déchicquetés, qui alors n’estoient espargniés non plus que bureaulx), et s’en

60

1509,

MAI. — LOUIS XII EN ITALIE

allait le roy avec son armée le dit jour logier en ung château nommez
Cassan, estant sur la ripvier de Ade. Sur laquelle fut faict ung très beau
bolleVart de terre, et bien gairny d'artillerie : car depuis celle ripvier,
qui est grosse et impétueuse, en allant dellà, c’est terre vénicienne.
Ce meisme jour, fut ordonnés faire ung aultres grant pont, à celle fin
que en peu d’heure on puist ligièrement et soudain mettre plus grant
nombre de gensdarmes delà d’icelle ripvière. Et le lundemain, neufyesme jour du dit mois, le roy passa la dicte ripvier, et les bandes des
gensdarmes, tant d’ordonnance que de piedz, oùilz firent camp l’espace
de trois jours. Pandant lesqueulx, pour ce que le camp et armée des dit
Véniciens, en laquelle on estimoit estre de LXIIII à LXV mil hommes
de guerres, estant1 devant la devant dicte ville de Trevy, distant du
camp des Françoy une lieue, par quoy se firent aulcune escairmouche,
tant d’ung coustez que d’aultre. Esquelles fut tués ung cappitaine fran­
çoy, nommés Chappiron, qui seullement estoit monté sur une mulle.
Et pandant les dit trois jours, le roy ordonna les chief de son armée,
c’est assavoir que le grant maistre de France et le seigneur de la Palice
mèneroient l’avangairde, le roy et le seigneur de la Trimoille conduiroient la baitaille, et le seigneur de Dunois Carrier garde.
Ryvelle prinse d’assault. —- Et, ce fait, le samedi XIIe jour du dit mois,
le roy vint logier en ung bois nommés Tariacon, près d’une ville nommée
Rivelte. Laquel fut ce dit jour prinse d’assault en moins de trois heures ;
et puis mise à feu et à sang, les femmes et filles salves et non
viollées.
Et, le lundi ensuyVant, XIIIIe jour, le roy se partit du dit Tiriacon
pour tirer vers Pandi et Carentz. Là où alors messire Barthélemy
d’Albianne, grant cappitaine et gouverneur général de l’armée des dit
Véniciens, de ce adverty, paireillement se partit du dit Trevy, où il
estoit, et son armée, en belle ordonnance à merveille, qui coustoyoit
tousjours le roy. Et marcha hastivement jusques en ung lieu nommés
Annidal, lieu très mavais, plain de foussez, de grosse ripvières et de
marez. Et illec fîst mettre et asseoir son artillerie en triangle et en trois
parties, laquelle, pour XXV pièces, estoient aussy belle et bonnes que le
roy en eust point. Et comença à faire grant repaire et à sdy fortifier,
cuydant par ce moyen empêcher le passaige du roy. Et avoit le dit
d’Albianne plusieurs espies sus les arbes, que bien veoyent marchier
l’armée du roy ; et estoient délibérés de le combattre. Alors les François,
tant Gascons, Suysses, Normans que aultres bandes de gens de piedz,
furent mis en ordonnance bien sarrez ; lesquelz, avec l’avangarde, ont
tirés et marchiés jusques à l’asiete de leur artillerie, quelque trait qu’on
sceût faire. Et, combien que desjay les François eussent défiait en une
prarie plusieurs de leurs gens, tant Albanois que de piedz, qui estoient
venus escarmouchier, se néantmoins tindrent bon jusques que on
acommensa la grosse bataille, comme ycy après il serait dit.

1. Corriger estoit pour la régularité de la phrase.

1509, 14

MAI. — VICTOIRE D’AGNADEL

61

La victoire des François contre les Vénitiens. — Quant se vint à l’aproichier, les dit Vénicien tindrent merveilleusement bonne pointe1,
tant au moyen de la hardiesse qu’estoit en eulx que de trente de leur
dictes artillerie, que alors fort tiroient sur l’arriergairde et baitaille des
dit François. Et, en ses entrefaictes, se combattirent fort, tant d’ung
coustés que d’aultre. Mais guaire ne leur dura : car alors le roy ariva en
personne, qui conduisoit la baitaille, comme dit est devant ; et, avec luy,
innumérable multitude de ces gens, desquelles furent rencontrés les dit
Vénissiens et asprement assaillis de touttes pars. Tellement que impossi­
ble leur fut à résister : car alors, par prouesse et vaillant faictz d’armes,
ont les François obtenus une triumphante et glorieuse victoire ; en
telle manier que les dit Vénissiens furent disconfitz, chassez et mis en
fuyttes ; et abandonnairent leur dictes artillerie.
Environ xvj ou xviij mil homme Vénitiens tués. ■—■ Et à celle fuytes
y oit une merveilleuse, orrible et piteable tuerie : car alors leur fut
donnés la chasse en plusieurs lieux. Et fut nombrés que, des tués, en
y oit environ de XIIII à XV mille ; dont ce fut pitié et domaige. Et
duroit la tuerie bien VII mil, qui vaillant environ trois lue de loing et de
lairge : par quoy aulcuns disoient et estimoient qu’il en demoura bien
de XVII à XVIII mil. Dieu, par sa saincte grâce, en vueulle avoir les
âmes ! Car là eussiez veu les nompareille copz du monde, les testes
séparée des corps, les ungs sans bras et les aultres sans jambes : orible
chose estoit de Veoir la pitiet.
Aussy, en celle baitaille, furent gaingnées par les dit François
XXXVI pièces d’artillerie, tant de bombairde comme gro canons,
perrières, mortiers, comme faucons, et plusieurs aultres harnois et
deffances de guerres innumérable.
Barthélemy d’Albianne prisonnier. — Et, avec ce, furent prins des
prisonnières sans nombres. Entre lesquelles fut prins, détenus
et blécez le devant dit messire Barthelmy d’Albiane, duc de tout
l’ostet excercitez d’iceulx Véniciens. Lequel, non obstant sa prinse,
se moustra vaillant homme et bon serviteur de la seigneurie vénicienne.
Sy fut le dit seigneur premièrement menés à Millan, et puis, aprez, au
royaulme de France, là où il fut détenus par aulcune espace de temps.
Et fut le roy trèsjoieulx de sa prinse.
Se le dit Barthelmy d’Albiane eust gaingné la battaille à ce jour, il
emportoit et gaingnoit trois choses : la première, la famé, la renommée
et le triumphe, plus grande que ne fist oncque parsonnaige de sa qualité ;
la seconde, il gaignoit ung milion d’or ; la tierce, il avoit dix mille
ducatz d’or de rante à luy et aux siens à jamais.
Le conte Pilellan fugitif. ■— Et, alors que ceu fut fait, le conte de

1. Résistèrent merveilleusement. Image empruntée à l’escrime ; on dit aussi, quand
il s agit d’attaquer : faire sa pointe, suivre sa pointe, poursuivre sa pointe.

1509.

—■ CONQUÊTES DE LOUIS XII EN ITALIE

Petillaïi, avec ung grant nombre de gensdarmes, s’en fouyrent à Carravaz, où ilz repeut ; et fist acroire aulx habitans qu’il avoit gaingné la
battaille.
Caravay rendue aux roy avec le chasteaux. — Et, le londemain, pour
tout le jour, le roy s’en vint logier en une maison joingnant à une
chappelle Nostre Damme, nommée de la Fontaine, près d’ycelle ville
de Carravaz. Laquelle, saichant la vérité de la bataille, le jour par avant
c’estoit randue, avec une aultre petitte ville, nommée Pandi. Et puis,
pour ce jour, fist le roy asségier le château du dit Carrevaz. Et y dura la
batterie environ quaitre heures ; et, après, ceulx de dedans, que n’estoient que quaitre ving, gens de petit efficace et estime, rendirent la dite
place (qu’est toutteffois l’une des fortes place de tout le pays) et se
mirent à la mercy du roy. Et il en fist pandre aulcuns, pour ce qu’il
avoient heu prins ces gaiges. Et ne bougea le roy pour tout le jour de
celle maison.
Bergemont rendue aux roy. ■— Et ce pendant, il envoya Monjoye, son
roy d’arme, acompaigniez d’une trompette, sommer la ville de Bergemont à soy randre. Mais il n’euront point de responce ; et s’en retour­
naient, et en firent leur rapport a roy, disant que il n’avoient point
volus perler à eulx. Toutteffois les habitans d’icelle ville heurent con­
seil ; et tellement que, environ une heure aprez, envoiairent aulcuns
d’eulx qui aportairent les clefz au dit seigneur, mettant ycelle ville en
son obéyssance, et perreillement le chastel.
Romainne rendue aux roy. — Au lundemain, qui fut vandredi, vint le
roy logier en une abbaye de moyne noires près une petite ville nommée
Roumaine, de petitte force, laquelle c’estoit randue dès le jour devant,
qui estoit jour de l’Ascencion.
Clare rendue aux roy. — Le samedi ensuyvant, le roy vint logier en ung
lieu nommez Sainct Bedart, sur une petite ripvière nommée Oye ; là où
luy furent apportée les clefz d’une petite Ville nommée Clare, la mectant
en son obéyssance.
Pantoille rendue aux roy. — Et le dimenche, aprez la messe, se pertist
le dit seigneur avec son armée ; et s’en vint logier en ung couvant de
Cordelliers de l’Observance estant aprez de la dicte ville 1 de Clare.
Et, ce dit jour, se randit une petitte ville nommée Pantoille.
Et alors fut envoyés Monjoye, le héraulx, vers ceulx de Bresse pour
les sommer d’eulx randre ; lequel en apporta bonne nouvelle.
Et puis, au lundemain, que fut le lundi, le roy s’en vint logier près
d’ung très beau bourg nommez Travaillon ; duquelle les bonne gens
avoyent retirez eulx et leurs biens en ung viez chasteau estant au dit
bourg. Mais, ce non obstant, aulcuns Suisses, par force et oultre le grez
de monsseigneur le Grant Maistre, y volurent entrer ; et, avec ce,
cuydairent oultragier le dit grant maistre, et luy furent présentées les

1. Philippe avait écrit d’abord : lez la dicte ville,

1509.

—■ CONQUÊTES DE LOUIS XII EN ITALIE

63

picques contre l’estomach. Le roy, de ce adverty, y vint en personne
à bride availlée ; et, veant le désorde qu’ilz fasoyent, tira son estoc sur
eulx, et en fist une marveilleuse escarmouche.
Bresse rendue aux roy. — Le mardi, le dit seigneur vint logier en une
abbaye à trois mil de Bresse. Et le lendemain, qui fut mercredi, fist son
entrée en la dicte ville de Bresse. Celle ville de Bresse est une triumphante ville, belle et fier, bien environnée de bonnes et grosses murailles
et bollevart, et y ait de grans foussez plains d’eaue, et est le chasteau
d’icelle une forte place, et essit en hault lieu. Le récit de la dicte entrée
seroit trop loing à deschiffrer : car il y a voit mil ou XIIe hommes, dont
l’on ne congnoissoit le maistro, tant estoient richement armés et montés.
Le roy séjourna en celle ville par aulcuns jours.
Et ce pendant furent envoyés quelque nombre de gens de guerres au
marquis de Mantua pour aller gaingner la ville de Pesquière. Et alors
n’y avoit plus que deux villes à randre : c’est assavoir Crème et Crémone.
Desquelles l’on avoit desjay envoiez devers le roy aulcuns des habitans
du dit Crémone pour ce composer ; et disoit on qu’ilz avoyent deffais
mil ou XIIe hommes de guerre que la seigneurie de Venisse leur avoyent
envoyés pour ayder à garder la dicte ville. Et, depuis ce fait, le roy se
partit de la dicte ville de Bresse pour aller devant Pesquière, pour ce
que l’on luy avoit dit que le conte de Pétillan l’atandoit là avec trante
mil hommes ; par quoy le roy le alla serchez là. Et eust voulu, corne on
disoit, qu’il luy eust coustez cenc mil escus que le dit conte de Pétillan
l’eust attendus.
Puis, le dimenche, quatriesme de ce présent mois, vinrent nouvelle
comme à Pesquière avoit estés pris par force ung des provéditeurs de
Venise. Auquel le roy fist copper la teste, nonobstant que, s’il eust
voulus, il eust eu cinquante mille ducatz de ranson, mais pour ce qu’il
fut rapportés au roy que les dit Vénissiens avoient empoisonnez dedans
Venise les prisonnières françois qu’ilz avoient, comme le capitaine
Ymbault, le capitaine de la Porte, le chevalier Blan et plusieurs aultres.
En ces entrefaictes, le roy estant à une journée et demye de Venise,
les dit Vénissiens ont envoiés devers lui pour avoir saulconduyt pour
venir parlamenter à luy.
Cremme rendue aux roy. — Et alors c’est heu randue la ville de
Cremme ; et perreillement ait fait Crémone : mais non pas le chasteau,
dedans lequelle y avoit alors environ quinze cenc lantzkenecht pour le
garder. Lesquelles s’en voulloient bien en aller, leurs bagues sauves :
mais le roy ne les voult pas recepvoir, pour ce qu’il fut dit que dedans
cellui chasteau y avoit cenc ou deux cenc mil ducatz que les Vénissiens
y avoient mis pour le paiemens de leurs gensdarmes ; lesquelle ducatz
le roy veult avoir. Par quoy le roy y fit mettre deux cenc lances d’ordon­
nance, avec ung nombre de gens de piedz, pour garder qu’il ne sorte
personne.
Le pape excomunie les Vénitiens. — Vandredi au soir, huytiesme du dit
mois, vindrent aultres nouvelles, comme le pappe avoit excomuniez

64

1509.

—■ LOUIS XII RENTRE EN FRANCE

tous les Vénissiens et tous ceulx qui leur donnoyent ayde ; et, avec ce,
donnoit le dit pappe obsollucion de paine et de coulpe à tous ceulx qui
leur feraient la guerre.
Et brief, en ce temps fut à chacun randus ceu qu’il luy apertenoit et
que les Vénissiens leur avoient de loing temps husurpés et prins. C’est
assavoir, à Nostre Sainct Perre le Pappe Julius, deusiesme de ce nom,
furent randues Sernie, Ravenne, Imole, FaVence, Forelme, et plusieurs
aultres terres et seigneurie que leur détenoient les dit Vénissiens.
Paireillement, Maximillian, Roy des Romains, recouvra adoncques et
luy furent randue ses villes, telz comme Véronne, Pavie, Tervise et
plusieurs aultres. Aussy, au devant dit roy Loys, furent randue et par
puissance d’armes prinse les ville et cité qui luy acompétoient et apartenoyent ad cause de son duché et pays de Millan, et furent ycelle villez
et cité réduictes soubz la puissance et diction du prénommé roy de
France : c’est assavoir Rresse, Rergame, Crème, Crémonne, et plusieurs
aultres terre et seigneurie. Le roy d’Espaigne receut samblablement ses
villes qui détenoyent yceulx Vénissiens, telz comme Béronduse, Tarante
et aultres lieux semblable.
Item, durans ces choses, morut le roy d’Angleterre, qui estoit bon
françoy.
Aussy, durans ces guerres, les devant dict Maximilian et Loys, roy de
France, se envoyairent par plusieurs fois leur ambassaude les ung aulx
aultres.
Le roy se retire en France. — Et, après tout ce fait et acomplis, se
retirait chacuns en son lieu. Et perlairent le pappe et le roy ensemble à
Boullongne la Graisse.
Le pape publie la croixade. — Et, en ce meisme temps, le jour de la
Panthecouste, le devent dit pappe fist publier la croixaide.
Paireillement, durant ce temps, les Florentins ont heu prins la cité de
Pise par composicions.
En celle année, je, l’escripvains, après ce que je fus reguéris des
fièvres, laissait mon perre trefïort mallaide et ma femme ensaintes
d’enffans ; et, par leur congiez et lisance, m’en allas au Landis à Paris.
Auquel voyaige, la Dieu mercy !, je n’olt que bonne fortune.
En celle année avindrent essés d’aultre merveilles permi le monde ;
desquelles j’en réciterés ycy aulcunes.

[ÉVÉNEMENTS DEVERS AU PAYS DE METz].

Plusieurs aultres merveilles advindrent encor en plusieurs lieu permi
le monde durans ces guerres, devant et après.
Dispositions du temps; grant pluye. — Et, premièrement, en celle
année, devers la Paicque, le temps se convertit en pluye ; et pleut telle­
ment et cy treffort qu’il n’estoit mémoire d’avoir veu la pareille

1509.

—■ INONDATIONS ET INCENDIES AU PAYS DE METZ

00

pluye. Et principallement devers Bar, devers Someille, Rambecourt,
Luppy le Chaistel, et devers Léhécourt et en tout le pays joindant :
car és devant dictez ville il y pleut tant et cy impétueusement qu’il
pansoient estre noyés, pour ce que, à l’oucasion d’icelle pluye, les eaue
devindrent cy grande et cy hors de rive que tout le païs en estoit plains.
Et dessandoient ycelle eaue des montaigne à grant randons, et de force
enmenoient les terre et les arbres, et en aulcuns lieu enmenoie les maison
et les beste ; et avoient les hommes assés affaire de saver eulx, leur
femmes et anffans : car, depuis le déluge, il n’est trouvés par escript
ny aultrement que au dit pays l’on vît perreille les eaue, ne les rus ne les
ripvier, ne qui feissent tant de dopmaige. Et principallement à la dicte
ville de Rambecourt : car en ycelle antrait ycelle yaue descendant des
bois et des montaigne, et comme grosse ripvier vint à dessandre par
plusieurs lieu de la dicte ville, et antrait és maison à cy grande abon­
dance que force fut aux habitans d’icelle de monter en hault de leur
maison et ce tenir là. jusque après ce déluge passés. Et avec ce furent
aulcuns contrains de y tirer et monter vaiche et chevaulx, berbis,
chièvres et aultre bestes, ou sinon elle fussent estés noyées : car la plus
pairt dez bestes qui n’y furent tiréez furent pérye et perdue. Et qu il
soit vray, furent aulcuns laboureux d’icelle ville que par ycelle eaue
perdit la Vallue de plus de mil frans, tant en maison, en champs de bief
rayés, comme en bestes, brebis, vaiche et chevaulx noyés et perdus:
car, de force de la grant eaue qui courroit permi la Ville, 1 on Veoit
plusieurs beste douter par dessus avec bancquez, taubles, planches,
trétiaulx et plusieurs aultres hutancille de maison. Et firent les dictes
eaue de grant dommaige à aulcuns merchamps d’icelle ville de Ram­
becourt en aulcune danrée, comme en scé, sucre et espisse. Et fut dit
et estimés que au païs entour firent les dicte eaue dommaige de plus de
VII mil frant.
Plusieurs aultres grant adventure avindrent encor en celle année
en diverse lieu és païs dessà, espéciallement en feu de fortune sourvenant d’aventure.
Pertie de la ville de Sancei brûllée. — Premièrement avint que, environ
le may, se boutait le feu à la ville de Sancy ; et y fist ung merveilleux
dopmaige. Et ne soit on jamaix par quelle fortune ce feu avint ; et fut
on par plusieurs jours que l’on n’en povoit estre maistre.
Pertie de la ville de Lucembourg brûllée. — Aussy avint pareillement
que, tantost après, c’est assavoir le dernier jour du moix de jung, qui fut
le lundemain de la sainct Pier, le feu ce print en la ville de Lucembourg ,
et ne soit on comment. Et fit ce feu cy grant et orible dopmaige qu il
n’est à croire à ceulx qui ne l’aroie veu : car ce feu durait V ou VI jours,
et brûllait plus de Ve maison ; dont ce fut pitiés et dopmaige pour
ceulx à qui les dicte maison estoient. Et avec les maison furent la plus
pairt de tous les biens brûllés ; ne ne fut possible de les secourir : car, ce
d’aventure l’on pourtoit aulcuns d’iceulx dehors en la rue, les cuidant
salver et gairentir, tout incontinant, comme ce fût estés permission
divine, le feu s’y prenoit, et estoient yceulx biens airs, gaistés et discipés,

66

1509. — INCENDIES ET ACCIDENTS AU PAYS DE METZ

sans en riens rescourre. Et n’y avoit homme qui peûlt aller ne ce tenir
par les rue, espéciallement en la Ville dessoure, pour la grant challeur
qui y estoit. Et encor plus fort, de la grant chailleur cheoient les grans
pans de murailles d’icelle maison ainsy arse et brûllée. Et estoit lors la
plus grant pitiet de veoir les povres gens, femmes et anffans, ploirer et
ce tenir sus les fumier, tout destruit et despouilliés de leur biens : car à
aulcuns ne demourait rien a monde que tout ne fût perdus et brûllés.
Une maison brûllée à Chamenat. — Pareillement en ce meisme
temps, y oit au païs de Mets, en ung villaige nommés Chamenat, ung
bon riche laboureux, homme de bon falme et de bonne réputacion,
auquelle par fortune fut sa maison brûllée, avec sa grainge, en laquelle
estoit tout son bestial, son bief et son awaine. Et ne luy demouray rien
que tout ne fût brûllé, sauf et réservez ung demi journal d’avaine duquel
les chaistés estoient encor aux champs ; et avoit estés faulchée pour le
jour. Et fut pitiet de luy, car il estoit tenus l’ung des bon preudhomme
de tout le païs.
En ces meisme jours, c’est assavoir le XXVIe jour de juiellet, fut
Ysaibellin, ma femme, acouchée d’ung biaulx fdz, lequel au sainct fon
de baptesme fut apellés Hector.
En ces meisme temps et en ces meisme jours, avindrent encor plu­
sieurs aultres fortunes et diverse besoingne, tant en Mets que és païs
entour.
Ung jonne clerc tués par fortune. — Et, tout premièrement, à la fin du
meisme moix de juyllet mil Ve et IX, aVint que, en l’abbaye de Sainct
Arnoult devant les porte d’icelle cité, y avoit alors ung josne clerc,
merliet1 d’icelle église, qui, le jour de la feste du dit sainct Arnoult,
ce avisait et entremint de aller prandre des josne pigeon qu’il avoit le
jour devant veu auprès du tis de la nef du dit Sainct Arnoult. Et, pour
ce faire, il montait en hault en ce aggrippant contre les laitte et chaveron
d’icellui tis. Mais, par la villaisse d’icelle, les mains et les piedz luy
faillirent, et cheut depuis où il avoit grippés jusques sur le planchiez
de quoy ycelle église est salmée. Et, de la pesanteur de lui et du cop
qu’il print, se desrompirent et desclouairent trois planche de la dite
traveure et sallemeure d’icelle ; et, dellà, permi le trou, cheut arrier du
hault en bas enmey l’esglise, et tout au plus près de l’aultel de Notre
Damme de Pitiet. Et fut le pouvre garson tout desrompus, et mort sans
renoncier. Dieu, par sa graice, aie de son âme pitié !
Ung homme noiés en ung puis par fortune. — Item, bien tost après,
avint une aultre fortune et mal adventure on bourg du dit Sainct
Arnoult. Le cas fut tel que d’icellui bourg y avoit deux compaignons,
homme mariés, lesquelles ce estoient lués en moison pour cillier. Et
affin de prandre leur adventaige, comme la coustume est en temps de

1, Marlier, bedeau, sonneur.

1509. —■ ACCIDENTS DIVERS AU PAYS DE METZ

0/

moison, il se partirent per ung dimenche sur le tairt, en intencion de
aller couchier en une moitresse en laquelle il alloient cillier. Et alors se
levait ung cy merveilleux temps d’ouraige, de fouldre et de vent qu il
sambloit que tout deust fondre (mais jay pour ce ne cheut point de
grelle, fort que pluye et vent) ; et tonnoit et alloudoit merveilleusement ,
et se ôbcurait tellement le temps que l’on ne veoit goutte par les chemin.
Et alors yceulx compaignonz, qui n’estoient encor guerre loing, se
espantirent1 ; et dit l’ung qu’il avoit laissiez sa femme qui gisoit
d’enffans, par quoy il s’en voulloit retourner. Et l’aultre fut content de
retourner avec luy. Et olrent les dessus dit bien grant paine de retourner
au dit bourg, pour l’obcurité du temps : car l’on ne veoit goutte que de
la clarté de l’anloude. Touttefïois, à quelquez paine, il arivairent au dit
bourg. Et, alors que chacun cuidoit retourner en sa maison, cellui qui
avoit sa femme gisante, comme dit est, fut prins (on ne scet de qui) et
fut renversé, la teste devant, les piedz en hault, dedans ung puis , et
fut tout desrompus et noyés. Pour laquelle chose à son compaignon fut
ensairchiés de la vérité du fait. Lequelle dit et maintint qu il n en
sçavoit aultre chose, sinon qu’il rencontrirent ung personnaige noir
vestus, auquel il avoient donnés la bonne nuyt, mais rien ne leur avoit
respondus ; et tout incontinant perdit son compaignon, et ne sceust
comment, jusques que, à la clerté de l’aloude, il vit les piedz en cheant
qu’il fist on puis.
Ung serviteur de pellethier noies. — Ung jour ou deux après, aVint une
aultre adventure d’ung josne filz qui ce noiait ; et ne sceut on comment.
Cellui josne gair demouroit et estoit aprantis chiez ung pelletier, nom­
més Hanry, demourant a bout du Pont à Saille. Et, ainssy comme il
s’en alloit couchier, et avoit donnés la bonne nuyt à son maistre et
maîtresse, il ce advisait de s’en aller baignier derrier leur maison en
Saille, auquelle lieu, comme on dit, n’y aVoit comme point deaue.
Et néantmoins, se cuydant baignier, comme l’on estime, il se noya.
Et demoura là jusques au mattin, que son maistre vit qu il ne venoit
pour besoingnier ; et, cuydant qu’il fût encor au lit, le aillait appeller ,
mais, quant il ne le trouva point, ce doubtant du fait, s en allat veoir en
la ripvier qui estoit derrier chiez luy, et là trouva le dit guerson qui se
gisoit, le visaige dessoubz ; et estoit noyez en bien peu d eaue.,
Item, en cellui temps et durans que ma femme se gisoit d’enffans,
comme cy devant est dit, se rampirait tellement la malladie du dit
mon perre que, aprez plusieurs choses qui longue seroient à raconter,
il ressut tous ces sacrement. Et randit l’âme par ung dimenche, bien
mattin, Ve jour du moix d’aoust. Dieu par sa saincte graice ressoive
son âme à mercy ! Amen.
Ung chanoingne tués par fortune. — Tantost après, c’est assavoir le
VIIe jour du dit moix d’aoust, avint une aultre adventure et fortune
en Mets. Car à celluy jour, sur le tairt, se levait ung grant vent et une
1. Espoentir, épouvanter,

68

1509. — ACCIDENTS DIVERS AU PAYS DE METZ

merveilleuse pluye, laquelle se bouttoit et lansoit par les feïiestre és
greniers, et sorversoieïit les chenaulx *1 ; et fzst plusieurs mal. Et alors
y avoit uïig josne chainoigne de Sainct Salvour, demourant en la rue des
Clerc, curé de Wisse en Allemaigne : biaulx personnaige et puissant de
corps estoit, et amés d’ung chacun. Celluy se nommoit seigneur Dimenche. Or avint que alors 2 d’ycelle pluye il souppoit dehors. Cy ce levait
dont il estoit assis à tauble pour bien hastivement venir veoir en sa
maison que ycelle pluye ne fist dopmaige à ces bief (car chiez luy ne
demouroit personne que une ansienne femme, sa merre). Et, luy venus
en son hostel, desvestist bien vistement sa robbe, laquelle il donna en
gairde à la dicte sa mère, disant qu’il alloit veoir on guerniet affm que
ycelle yaue ne fist dopmaige à ces bief. Or ne scet on par quel fortune
se fut qu’il cheut à l’avallée des desgrés, et se rompit le col et appandit
la servelle. Car la dicte sa merre, fillant a feu, et voiant qu’il ne retornoit point, craindant de luy, print de la lumier, avec laquelle s’en allait
veoir qu il faisoit. Mais, quant elle vint au piedz des desgrés d’icellui
guerniet, elle trouva le dit son filz en ung piteux estât, et en une mer­
veilleuse pitiet. Dieu par sa graice ait son âme a !
Ung aultre tués par fortune. — Paireillement, en ces meisme jour,
demoroit en la grant rue de Porte Champenoise ung bon ansiens homme,
naitif de la ville de Vezon. Cellui montait à cheval pour aller au dit
Yezon ; mais, par fortune, le cheval cheut et le ruait en baix, demourant
pendant d’ung piedz à l’estriés, et tellement que le chevaulx le traynait.
Et morut tantost aprez. Dieu ait son âme ! Car on l’estimoit estre ung
bon homme.
Item, aussy en ces meisme jours, ung homme d’Ancy se noyait en la
ripvier.
Plusieurs aultres aventure avinrent encor pour cellui temps, desquel
aulcuns eschappirent de mort et résistairent contre fortune.
Ung aultre en dangier de mort eschapés par fortune. — Et premier,
y oit ung b josne guerson, demourant chiez ung tinturier on Baix Champés, nommés Jehan de Montoy. Celluy guerson se juoit en la rue avec
d aultre au voulletrus. Et, en juant, fut rués celluy voulletrus sur le tis,
tout a plus hault de leur maison. Par quoy le dit guerson montait en
hault pour le ravoir ; mais, ne sçay comment, le dit guerson vint à
passer et à monter par dessus une vielle collice ou ung lairmiet3, lequelle
a. Philippe a rayé plusieurs lignes : Et en cheant il vint à hurter sa teste ung sy
merveilleux copt en l’encontre de la jambe de l’uis d’icellui guernier que la servelle en
saillit, comme dit est devant, et du copt se fandit la teste, et fut tués tout roide. Or
d’icelle plaie procédoit cy grant sanc et en sy grant abondance qu’il sambloit que en la
plaice l’on eust escorchiez ung bœuf. Et c’cstoit un grant pitier de le veoir.
b. Ms. : ung ung.
1. L’eau débordait des gouttières.
2. A l’heure de cet orage.
3. Coulisse, larmier. Ces mots désignent une sorte de bâti en planches qui fait saillie
sur la façade, pour faire égoutter la pluie à une certaine distance du mur. — Voulletrus
(et non voulletms) signifie sans doute une sorte de volant (mot attesté en français à la
fin du xvne siècle) ; pour la forme, comparer le français volature ou le messin voltrat,
< hanneton », qui signifient tous deux» chose qui vole ».

1509.

— UNE FEMME NOYÉE PAR JUSTICE

69

rompit. Et cheut le dit guerson du hault en baix enmey le chief d’hostel,
tout droit dessus ces piedz, cen ce mal taire. Et fut merveille qu’il ne se
rompist le col : car de cenc n’en deust eschapper ung cen ce tuer. De
quoy ce fut ungne grande merveille, et tenoit on le fait à miraicle.
Cas pareilz. — Une aultre samblable aventure avint en ce meisme
temps. Car alors l’on faisoit de grant et perfon foussés pour aulcuns
fondemans du billouairt de porte Champenoize. Et pour ce faire y
estoient mandés les bonne gens à la crouées, et n’y avoit bourjois ne
merchamps qui n’y enVoiait ung ouvrier à sa journée ; et pour les tenir
en euvre y estoient les banneret des pairoiche. Entre lesquelles y estoit
le banneret de Saincte Ségoulline, qui alors estoit tout debout sur les
foussés des fondement du pon. Et, comme cellui qui pansoit à aultrez
chose, recuillait aulcuns petit errier ; et cheut à revers dos du hault
em baix dedans yceulx foussé, qui estoient très parfon. Et fut grant
merveille et comme miracle de Dieu qu’il ne se tuait tout roide : mais,
combien qu’il fut aulcunement bresse 1, il n en oit autre malz, et fut
incontinent reguéris.
Une femme noiéez par justice. — Or, avint encor que, durant ce temps
et en ces meisme jours, vindrent de France et abourdairent au pais de
Mets aulcuns compaignon demendant leur pains pour Dieu, avec aussy
aulcune femme (ne scet on c’il les avoient apouses, ou ce c estoient leur
ribaulde). Et estoient yceulx compaignons très biaulx gallans, et encor
plus belle femme. Ces gens ycy se tinrent par plusieur jour à Ais sur
Muselle ; et couchoient et logeoient en 1 ospital d icelle ville. Mais,
ainssy comme ung jour l’ung des riche homme d icelle ville, puissant
de corps et d’avoir, s’en ailloit seullet au champs, trouva 1 une d icelle
femme en son chemin. Laquelle se acompaignay de luy , et, ainssy
comme il s’en ailloient devisant ensemble, la dicte femme soubdains
se lansait à lui, le cuydant ampoignier par la gorge, et le voulloit oultragiez, et, de fait, luy couppa sa courroie là où pandoit sa bourse, et à
paine celluy homme s’en poult deffaire et eschapper. Tantost après,
a bout de deux ou de trois jours, la recongneut qu’elle demandoit son
pain par la ville. Par quoy il s’en aillait perler à la justice du lieu, et
fist mettre la mains à elle. Et dès incontinant congneut son cas, disant
que elle, avec ses compaignons et compaigne, avoient tués et murtris
plus de XXV personne (et néantmoins que la dicte femme n’avoit pas
encor XXII ans d’eaige). Et, pour ycelle heure qu’elle fut prinse, ses
compaignons et compaigne estoient encor au dit hospital à Ays . mais
l’on ne lez y sçavoit pas, par quoy il eschappairent. Et elle fut par
santence de Justice condampnée à estre noyéez, et resseut mort.
Plusieurs aultres diverse adventure avindrent encor en celle année,
desquelles j’en laisse une pertie pour cause de briefté et pour éviter

1, Peut-être breusié (cf. breusieu dans le Dictionnaire de Zéliqzon) , qui est une forrne
de briser. Il signifierait ici « contusionné ». Mais n’est-ce pas une faute pour blessé ?

70

1509.

— ANNÉE FERTILE ET PLANTUREUSE AU PAYS DE METZ

prolicité. Mais, touttefïois, je Veult bien dire que le temps de fortune ne
se paissait point sans moy, l’escripvains de ces présente cronicques,
corne vous avés ycy devant oys, et oyrés encor, c’il vous plaît à l’escouter. Car, en l’espaisse de deux ans durans, depuis la mort de Jehan,
mon filz, je ne fus sans aulcune tritresse et anuyt. Et qu’il soit Vray,
il aVint que, le VIe jour du moix de septembre, l’on faisoit les vigille
du feu mon perre, que Dieu absoulve ! Et, ainsy comme ma femme et
moy estiens a plus ampeschiez, l’on nous vint dire que nostre anfïans
Hector, qui alors estoit à nourisse à Oxey, estoit très mallaide. Et au
lundemains, durant la messe des dite vigille, l’on le nous rapourta mort.
Et ainssy, comme j’ai dit dessus, l’une des dolleurs et anuyt n’estoit
pas sy tost passée que l’aultre nous revenoit. Dieu en soit louués et
bénis ! En ce meisme jour morut et fut mis en terre Jehan Jennat,
mon oncle et frère germains au dit mon perre. Dieu par sa graice et
bonté aye de leur âmes mercy !
Vigne emgellée prest à vandangier. —- Item, en celle meisme année,
par ung dimenche le XVIe jour du devant dit mois de septembre, et
alors que les roisin des vigne estoient meure et prette à vandangier,
en ycelluy jour l’on faisoit la feste à Lorey devent le Pon ; et y menoit
on grant vie. Mais leur joye fut tournée en dueil : car à cellui jour,
sur le tairt, se levait ung vent et ung temps plain d’orraige, de grelle a,
de tonnoire et d’esclaire •; et tellement que celluy temps fouldroiait et
tempestait la plus pairt des dictes vignes de Lorey, de Marieulle et de
Wezon. Et estoit grant pitiet de veoir le dopmaige : car l’on Veoit les
raisin tout meure, deffroissiez et desrompus, gissant dessus la terre
dessoubz les septe. Et, sen celle fortune, aVoient tous intencion de
vandangier au londemains. Et, daventaige, leur fist encor celluy temps
de grans dopmaige en leur maison. Car les yaue qui alors dessandoient
des couste et montaigne Venoient à cy grant puissance à l’avallée d’icelle
que à force entroient és grange et maison ; et gaistairent plusieurs bief
en gerbes, et plusieurs foins qui estoient en ycelle, avec les awaine et
aultrès biens. De quoy se fut pitiet et dommaige pour ceulx et celle
à qui le cas touchoit.
Mais, néantmoins, fut la dicte année fertille et plantureuse és aultres
lieu. Et oit on grant merchiez de tous vivre, espéciallement de bledz :
car l’on avoit la quairte de bon froment pour III sols VI deniers, ou
pour IIII sols, ou IIII sols VI deniers le milleur ; et le chairaul de vin
pour LX sols, qui estoit aussy bon que de loing temps il avoient estés.
Paireillement en celle année, l’on oit grant plantés de fruit, et oit on
bon merchief de pois, de feuve, de chair, de naVées et de tous aultres
vivre. Dieu en soit loués et bénis !
Une fille de joye murtrie. —• En celle année avindrent encor plusieurs
aultres aventure, tant à Mets comme au païs. Entre lesquelles avint
que, le jour de la saint Nicollas d’yver, l’on trouvait une fille abana. Ms. : glelle.

1509.

— ASSASSINAT ET VOL A METZ

71

donnée en Anglemur, qui avoit la gorge couppé ; et ne sçavoit on de qui.
Mais, après plusieurs enqueste, fut ung compaignon tanbourin, nascionés de Loraine, suspect d’icellui fait. Et la raison pour quoy, qu’il
estoit homme puissant de corps, et cruel ; et, avec ce, qu’il estoit desjà
murtriés : car, comme il est ycy devant dit a 1111e livre, ce fut cellui qui
marchandait de tuer le maire de Viller et ces consors, qui avoient
courrus' sus ceulx de Mets, et qui en avoient heu les oreille coppée.
Oultre plus, il fut suspect pour ce que journellement il hantoit et frécantoit la dicte gairse, et, qui le voulloit trouver, il le failloit aller
quérir a lieu. Quairtement, il fut suspect pour ce que l’on le vit mer­
veilleusement troublés en son couraige. Et, avec ce, furent veues les
manche de sa chemise toutte plaine de sanc. Par quoy, pour les raison
devant dictes, il fut prins et apréhendés ; et fut mis en l’hostel de la
ville. Et, aprez plusieurs enqueste, il congneust son cas ; et fut jugiés
à estre mis a pilloris, et puis à avoir la teste tranchée, et son corps mis
sus la rue. Et, ainssy comme tout le puple se estoit assamblés devant
la Grant Église et par les rue, et les X heure toutte sonnées, et les
contes apprestés et montés à chevaulx, et ainssy comme le bouriaulx
le cuydoit loyer pour l’emmener, il commensait à crier et à braire.
Et desniait tout le fait, disant que l’on luy faisoit tort ; et se print à
jurer qu’il ne l’avoit point fait, jay ce que toutte à la meisme heure il
l’avoit voulluntairement recognus, tant par devant la Justice comme
devant les conte. Par quoy les seigneurs trèzes jurés ont arriers retournés
en leur chambre ; et conclurent de le laissier pour celle fois. Et ainsy en
fut fait.
Le murtrier condempnés en chairlres perpétuelle. — Puis, loing temps
après, et que l’on vit qu’il estoit arestés à ce prepos et qu’il n’en dirait
aultre chose, l’on le mist de rechief en 1 hostel de la ville. Et là fut
condempné en Chartres perpétuelle ; et y fut tout près d’ung ans, que
les poulz le mengeoient. Et là morut en grant misère et povretés : car
l’on avoit vraye congnoissance que luy, sans aultre, avoit fait le fait.
Deux tairons fugitif. — En ses meisme jours, vindrent en Metz deux
compaignons logier à l’hostel au Chauderon. Et, après aulcuns jours
passés, yceulx gallans se trovairent devant 1 hostel du chaingeur de la
cité ; et, là, cautelleusement desroubarent ung marchant d’Allemaigne.
De quoy Justice en fut advertie. Mais, incontinant qu ilz virent qu il
estoient encusés, se prindrent à fouyr : c est assavoir, 1 ung print son
chemin et s’en fouyt aux Cordelliers Dessus le Mur, et 1 aultre a Sainct
Vincent. Et, pour ce que l’on courrait après cellui de Sainct Vincent, se
voult deffendre d’ung dollequin, et voult oultraigier ceulx qui le chassoient. De quoy les seigneurs Trèzes dirent que il ne dévoient point
avoir de franchisse, espéciallement cellui de Sainct Vincent, pour deux
raisons : la premiers, pour ce que en s’en fuyant il avoit la mains armée
et se voulloit deffandre, meismement jusques tout dedans d’icelle église ;
l’autre raison, pour tant qu’il estoit tendeur de hault chemin, c est
assavoir que le lairsin qu’il avoit prins et robbé estoit fait en plaine rue,

72

1510,

N. ST. — L’ÉVÊQUE DE LIÈGE A METZ

et devant l’ostel du Change de la cité, qui par raison doit bien estre
appellés hault chemin. Les religieulx, de ce advertis, ne se voulaient
consentir à le lessier prandre en leur église ; et de toutte leur puissance
ce y oposoient, et deffandoient le mal faitteur, pour tent que leur abbé
n estoit point à la ville ny a pays. Toutteffois, quoy qu’il en sceussent
faire ne dire, le dit lairon fut prins, tout devant le grant autel, criant
à haulte voix « Franchise ! Franchise ! », et à force menés en l’hostel de
la ville, tout ainssy cryaht. Alors l’abbé, qui n’estoit point à la ville,
comme dit est, fut du fait advertis ; et en rescript à la cité, demandant
son homme. Et, très mal contant, disoit ce que bon luy sembloit,
faisant requeste que celluy fût ramenés au lieu qu’il avoit estés prins.
Et la Justice disoit que ainsy ne se devoit faire, et qu’il avoit rompus
et amfrains sa franchise. Toutteffois, en ces entrefaicte, monsseigneur
de Sainct Anthoine vint à Mets ; et, ouyant le débat, demandait à
messeigneurs les Trèses cellui malfaitteur pour telz qu’il estoit. Lesquelx luy donnaient ; et, quant il l’eust, il en fist avec monsseigneur de
Sainct Vincent tellement qu’ilz eurent accord.
Item, celluy qui estoit fugitif aux Cordelliers, et que les sergens biens
songneusement gardoient, les seigneurs Trèzes* requéroyent à yceulx
Cordelliers très instanment qu’il leur fût délivrés. Et les religieulx
disoient que faire ne le debvoient ; et, avec ce, prioient que l’on ne leur
fist nulles forces, disant qu’il n’estoient point pour résister encontre
eulx, par quoy il requéraient au dits seigneurs de la Justice qu’il ce
y voulcissent gouverner saigement, et que, ce l’on leur ostoit par force,
il n’estoient pas délibérés de le rescoure. Et néantmoins il fut prins.
Et, la nuyt ensuyvant, fut perdus, tellement que l’on ne soit qu’il
devint.
Item, en celle meisme année, la vigille des Rois, Ve jours de janvier,
cheurent deux maisons derriers Sainct Jaicque. Lesquelles, en cheant,
furent aussy démollue et desbrisée que se cenc chairpentier ou masson
les eussent démartellés. Et, de bonne adventure, à celle heure qu’elle
cheurent, n’y avoit parsonne, jay ce que tous les jours passés y avoit
heu incessanment homes, femmes et enffans. Et fut force au lundemains,
jay ce qu’il fût dimenche, de y avoir plusieurs chairpanthiers et aultrez
ouvriers pour tansonner les murs des aultres maisons joingnant, ou tout
s’en fût venus à Lavallée.
L’évesques de Liège à Mets. — Item, aussy, tantost après, c’est assavoir
le quaitriesmes jours de febvriers, vindrent en Mets monsseigneur
Lévesque de Liège, seigneur Robert de la Marches, son frère, et plusieurs
aultres seigneurs. Lesquel, durans l’espasse de quaitre jours qu’il furent
en Mets, leurs fut faictes la bonne chière. Et, avec ce, la cité fist ung
présent au dit de Liège d’ung très biaulx et riche bichey d’argent
couvers en manières d’une coppes, dorrés dehors et dedens, vaillant
celluy bichey la somme de cenc florin de Mets.
Ung jonne genlilhome noiés par fortune. — En celluy temps advint
une grande fortune à ung des seigneur de la cité de Mets, nommés sei­
gneur Jehan Ghévin, homme de bon famé et de bonne réputacion.

1510 N. ST. — LES GRANDS PARDONS A METZ

73

Celluy seigneur avoit ung très biaulx josne filz, eaigiez de environ
XI ans, appellés Humbert. Lequelle le dit seigneur son perre avoit
envoiés demourés à Dun le Chaistel, de cost ung jentilz homme, son
parans, nommés Guillaume, pour le instruire et aprandre. Sy avint que,
en abruvant ung cheval, cest anfïans par fortune cheut en la ripvier et
se noyait. Et alors le dit Guillaume, très dollant de ce meschief, fist
vuyder les entrailles du dit enfïans et enterrer au simetier, en intencion
de le renvoier à Mets à son perre ; et fut le corps embasmé et mistionés x, comme se îust estés le filz d’ung grant prince. Mais, toutteffois,
il trouvait en conseille de le faire ensevellir à Bar, là où moult honnorablement le fut.
Une aultres adventure avint encor en celluy temps, de la quel ne fut
pas menés ung sy gros dueil, mais en fut essez ris. Le cas fut telz que à
Mets y avoit ung escorcheurs de chevaulx, nommés maistre Liénart.
Ad cause de son office, celluy maistre, ung jours, menait ung chevalx
entre le Pons des Mors et le Pont Thieffroy, en intencion de l’escourchier. Et, après ce qu’il luy eust boutté le coustiaulx en la gorge, le
cuydant avoir tué, il print le piedz de derrier d’icelluy chevaulx, qui se
gisoit en terre, et commence à l’escourchier. Mais alors le dit chevalx,
qui n’estoit pas mors, santent le point, tirait le piedz à luy, et en donnait
cy grant en l’estomach du dit maistre Liénart qu il 1 abatit tout mort
enmey la place.
Les perdons â Mets. — Item, aussy en celle meisme année, le jour des
Brandons, XVIIe jour de febvrier, acommensairent les Grans Pardons
et le Grant Jubillé en Mets. Lesquelles estoient pourtés par aulcuns
commissaire, chevalier de l’Ordre de saincte Élizabeht de Honguerie.
Et estoient autant estimés que le grant jubillé de Romme, qui se thient
de cenc ans à aultres : car à cellui l’on y estoit absoulz a, et y avoit
planières rémissions de paines et de coulpe de tous cas, sauf et réservés
du veu de Jhérusalem, de chaisteté et de religions. Et duroit celluy
pardon depuis le devant dit jour des Brandons jusques au Quaisimodo
après. Au que lie jour des Brandons fut en la Grande Église de Mets fait
ung merveilleux et excellant triumphe par la clergie à la levacion de la
Croix, en chantant innés et canticque ; et estoit belle chose à veoir.
Puis furent ordonnées, tant en la cité comme dehors et par tout 1 éveschiez de Mets, les sept églises principalle, comme à Romme, et esquelles
dévoient estre faictes les stacion tout le dit jubillé durant. Et, premier,
la grand église de Sainct Estienne de Mets fut ordonnée pour et on non
de Sainct Pier de Romme. Puis le couvant des Grant Prescheur de
Mets fut ordonnés pour l’église de Sainct Pol de Romme. Et 1 esglise
collégialle de Sainct Salvour fut et représenttoit l’esglise de Sainct
Sébaistien. L’esglise collégialle de Sainct Thiébault fut ordonnée pour
Sainct Jehan de Lautran ; les Frères Augustin pour Sainct Lourans ,

a. Ms. : absoubz.
1. Mistionner signifie* mélanger *, puis* préparer *, un breuvage, par exemple.

74

1510. — UN JEUNE HOMME NOYÉ PAR ACCIDENT

la chaipelle fondée de Saincte Élisabeth « de Honguerie hors de h la
porte des Allemans fut représentent Saincte Marie Major de Romme.
Et les Frère Baude de l’Observance, en Grant Mèze, fut ordonnée pour
la dernier stacion, représentent l’église de Saincte Croix de Romme.
Et, en paiant aulcune somme d’airgent, estoient données par yceulx
commissaire aulcune lettre, nommées perpeluum, par laquelle Nottre
Sainct Perre le Pappe donnoit puissance à tous simple prebstre de
absouldre la personne ayant celle lettre une fois, en sa vie et bonne
santé, de tous cas réservés au pappe, après ce qu’il seroit confès et
repantans d’iceulx cas ; et avec ce, touttes fois et quant fois que la
personne se sentoit estre en dangier de mort, il pouoit ellire quel con­
fesseur qu’il luy plaisoit, prestre ydonne et soufïisante, et se faire
absouldre. Et disoient yceulx commissaire que les deniers ainsy levés
par eulx estoit pour combaitre et résister en l’encontre des Turcs, chien
infidelle et annemis de nostre loy ; et une pertie estoit pour soubvenir
à la nécessité de leur religion et à l’entretenement d’icelle Ordre.
Mais de ces chose et de touttes aultres vous lairés le pairler pour le
présant, jusques ad ce que je vous airés dit et desclairés qui fut maistre
eschevin de Mets en l’en aprez.

[l’année i5io].

Mil vc et x. — Après ses choses ainssy advenue, et que le milliair
courroit par mil V cenc et X, fut fait, créés et essus pour maistre eschevin seigneur Michiel le Gornaix ; qui fut en l’an XXVe de l’empereur
Maximillian en son Réaulme des Romains.
Et en celle année avindrent encor plusieurs choses et de grant merveillez, comme ycy après Vous en serait par moy aulcune d’icelle dictes
et racontée.
Ung jonne filz noyés par fortune. — Et premièrement, avint une adventure en Mets, devant les mollins en Chandellerue. Car, en celluy
temps, ung josne filz peschant à la verge fut trouvés noyez, le visaige
desoubz en l’eaue, en ung lieu que l’on ne scet comment ne par quel
manier se fut, ne c’il cheut de bien de sainct*1 ou d’aulcuns cauttère :
car, au lieu là où il fut trouvés, y avoit cy très peu d’eaue qu’elle ne luy
couVroit pas la teste à demy. Et ne soit on jamaix aultrement la cause
de sa perdicion.

a. Ms. : de Saincte de Elisabeth de Honguerie.
b. Ms. : des.

1. L’expression mal de saint désigne aujourd’hui, à la campagne, une maladie subite
et étrange, dont la guérison relève moins de la médecine que de la prière. N’est-ce pas ce
que Philippe, par une pieuse antiphrase, nomme bien de saint ?

1510.

— PHILIPPE EN PÈLEBINAGE A AIX-LA-CHAPELLE

75

Nouvelle édifices du clochiés de Saincl Mercelz. — En celle meisme
année fut fait ung neuf cloichier en l’esglise parochialle de Sainct Mercel
à Mets.
Les pardons à Notre Dame d’Ays et ailleurs. — Et aussy en celluy
temps, au moix de jung, je, l’escripvains de ces présante, fus au Landi
à Paris. Et, à mon retours, me mis avec bonne compaignie en chemins
pour aller à la pardonnance à Nottre Damme d’Ays en Allemaigne ;
lesquelle se thienne de VII ans à aultres. Et fut nottre pertement par
ung jour de saincte Margueritte, XIIIe jours de juyllet. Et fut par nous
tenus le chemins par les Villez et cités ycy après nommée : premiers, de
Mets à Thionville, à Lucembourg, à Elbruch, à Houze, à BlanVairpaicquez, à Sainct Vy en Ardenne, à Ondenvalx, à Onvalx. Puis, dellà,
à la bonne ville de Trey en Allemaigne ; en laquelle se moustre plusieurs
biaulx et digne juaulx et saincte relicquez. Lesquelles par nous Veu, et
en grant dévocion visités les sainct lieu d’icelle ville, fut nottre perte­
ment environ le vespre ; et allâmes couchier à la dicte Ville d’Ays.
En laquelle alors y avoit sy très grans et innumérable peuple qu’il
n’est à croire à gens qui point n’y aroient estés : car touttes la ville estoit
sy très plaine que l’on n’y pouuoit tourner le piedz, et, avec ce, tous les
champs et chemins au dehors d’icelle en estoient tous couvers ; et
croy, moy, qu’il y avoit plus de cenc mil personne. Et y avoit, comme
l’on disoit, tous les jours heu autant de gens noviaulx, l’ung des jours
pourtant l’aultre, depuis l’acommencement de ce présant perdons,
comme il y avoit à heure présente. Et estoit chose incompréhensible de
estimer le puple et les vivres qu’il leur failloit. A celle journée que nous
arivâmes y estoit la Dédicasse. Par quoy fut faictes une merveilleuses
triumphe en ycelle église, tant de nuyt comme de jour, en luminaire et
en sons d’orgue et de cloiche : car, de oyr le son d’icelle, avec les vois du
puple et le businement dez cornet, il n’y avoit sy dur cuer qui ne ploirait
de joie ; et estoit chose merveilleuse du triumphe que à se jour se
faisoit. — Puis, après touttes les sainctes relicques par nous Veues, et
que l’on se fut confessés (ceulx qui ne Festoient), et visités les sainct
lieu, fut le pertement de nous tous après dînés, pour aller à une grosse
abbaye enmey les champs, en une bourgaide en ung fon, à deux lue par
dellà, nommée Sainct Cornellius. Auquelle lieu y avoit desjay très tant
de puples que tous les champs et les chemins en estoient couVers.
Et là fut moustrés a puples plusieurs digne juaulx et sainctes relicques,
comme à Ays, et en tel révérance. Puis dellà fut le despart ; et print
chacun le chemin qu’il luy estoit le plus propice. — Au regairt de moy,
avec une pertie de mes compaignon, nous tînmes le chemin à la bonne
ville de Dur, en laquelle, depuis peu de temps, estoit miraculleusement
apourtés le chief de la glorieuse damme saincte Anne, merre à la vierge
Marie ; et là repousoit, faisant journellement grant miracle, per quoy
plusieurs y pernoient leur chemin pour visiter le lieu. Ce jour, ne fut
possible de ariver à Dur, jay ce que, à l’ocasion de ce que nous estions
bien montés, nous passâmes à celle Vesprée plus de L mil parsonnes,
gens de piedz ; et fûmes couchiez à une lue près de Dur ; là où fut esti-

76

1510. — APPARITION DE LA COQUELUCHE A METZ

més que, pour celle nuyt, y avoit couchiez au champs, femmes et hom­
mes, permy les bief, plus de XVIII ou XX mil personnes. A lundemains,
du mattin, fut par nous visitée la saincte Damme en son église nouvelle­
ment faicte à la dicte ville de Dur ; en laquelle alors y aVoit sy grant
peuples qu’il n’estoit à nombrer. Et touttes en la formes et manières
dez aultres lieu fut se glorieux chief moustrés, et avec trompettes et
clérons, cornet, haultbois, et en toutte telle révérance comme est dit
deVent des aultres lieu. Et y avoit très tant de peuple que l’on ne s’y
pouoit tourner. — Puis, après tous les sainct lieu visités, montâmes à
cheval. Et avons tellement trécassés 1 que, pour se jour, vînmes ariver
à la bonne cité de Collongne au Trois Rois. En laquelles, en deux jours
que nous fûmes là, furent par nous visitée les sainctes églises et les
sainct lieu ; auquelles nous fut moustrés tant de sainctes et dignes
relicques que je n’en sçaroiet dire le nombre : ceulx et celles qui ont fait
le sainct véaige scèvent bien comment il en Vay ; et pour ce m’en tais. —
De celle cité de Collongne nous somme despertis pour retourner à Mets.
Et premier fut arivés à une petitte bonne ville nommée Bonne ; de
Bonne à Houdebert, qui est ung bon chasteaulx ; puis de là à Rimelle,
à Andernach, bonne ville, à Amaye, puis à Quierque, à Hambch, à
Cocum, à Alvan, à Baigneul. Et, dellà, on vint à Nottre Damme
d’Everscluse, qui fut ainssy appellée pour et on non d’ung bon proudon
hermitte, nommés HeVeray, que ung peu devant, par Tarmoigne des
bonne gens, fîst fonder cest église ; et, peu après sa mort, y furent mis
religieulx se disent reclus de sainct Augustin ; et est ung dévôt lieu. —
Puis, après tout veu, nous pertisme et vîmes couchier à Triève ; en
laquelle fut par nous visités plusieurs sainct lieu. De celle cité de Trives
vînmes couchier à Sierque ; et puis au lundemain à Mets, au lieu dont
nous estions pertis.
A ce sainct voyaige furent plusieurs et à grant nombre, tant hommes
que femmes, de la cité de Mets : desquelx en furent moult (et causy tous)
des mallaide d’une nouvelle malladie qui alors courrait, nommée la
cacqueluche. Et ne durait celle malladie environ que deux ou trois
jours ; et estoit en maniers d’une tous, de laquelle l’on estoit sy très fort
prins que l’on en perdoit tout appétit de mengier ; et en y avoit aulcuns
qui en moroie, espéciallement les femmes grosse et ensainte d’enffans.
Et n’estoit pas celle malladie seullement en ce païs ycy, maix générallement par toutte terre. Et, je, l’escripvains de ces présantes, en fus bien
atains, comme les aultres : car de cenc parsonne n’en y oit pas une qui
en eschappait, fût à l’acomencement ou à la fin. Et ne veoit on que gens
mallaide par les rue.
La maladie des esprinssons. — Mais de celle mallaidie se n’estoit
riens : car après celle en vint une aultres plus grive, nommée les esprinson, de laquelle plusieurs gens morurent, espéciallement les vielle gens.
Et en ce meisme temps print le mal à Jehan le Sairte, jaidit maire de

1. Tracasser, se hâter.

1510.

•— LES ITALIENS LIGUÉS CONTRE LOUIS XII

77

Lessey, perre à Ysaibellin, ma femme ; de laquelle malladie, le XVIe
jour du moix d’aoust, il morut et desviait de ce monde. Dieu par sa
saincte graice et miséricorde vueulle ressoire son âme en repos en son
saincte réaulme de paradis ! Amen.

[GUERRES EN ITALIE ET EN AFRIQUE].

Le pape de guerre aux François. — En ces meismes jours, et après ce
que Loys, roy des François, avec l’ayde de Maximillian, Roy des Rommains, heurent par Vertueulx fait d’airmes et triumphante victoire
recouvers leur villes et chaisteaulx à eulx appartenant tant en Lom­
bardie comme Ytaillye, ainssy comme par cy devant il ait estés dit et
narrés ; et, avec ce, que le dit Loys reprint et osta Boullongne la Graisse
de la mains de ceulx qui à tort et sen cause de loing temps la possédoie,
et la remit en la mains de Nostre Sainct Perre le Pappe, à qui de droit
elle appartenoit, — se nyantmoins, après tous ces biens fais, et qu’il oit
aydiés le dit pappe à remettre en ces terre et possesscion, et que luy
meisme en personne se fut expousés au service de l’Esglise rommaine,
comme dit est devent, — ce non obstant, ycellui pape Julius, deuxziesme de ce non, se réconcilia et print aliance aux Vénissiens, et mist
son ost et ces gens d’armes avec eulx. Et, de fait, il fist encor plus fort :
car il reprint aulcune place du duché de Millan, apertenant a roy, et les
randit au dit Véniciens. Mais, assés tost aprez, furent ycelles places
reprinse par les François. Et pour celle cause, le roy, mary qu’il avoit
sa foy rompue envers luy, cy luy osta ceu qu’il luy avoit donné : car il
reprint Boullongne la Grasse, et la perdit le pappe. Et d’icelle cité en
fut fait gouverneurs et cappitaine général Gaston de Foix, pour lors duc
de Nemours et conte du dit Foix, lequelle posséda ycelle cité pour le roy
à son bon plaisir et commandement. Et, encor par le plaisir du roy, fut
fait et créés ycelluy noble prinse le duc de Nemours lieutenant général
pour le roy par touttes la duché et pays de Mylan. Et alors, durant ces
affaire de guerre, le dit Julius et Ferrand, roy de Arragon, avec les
Espaignotz, deffaillirent du tout a roy de leur promesses ; et ce joindirent tous avec les dit Véniciens. Par quoy depuis survindrent plu­
sieurs accidens et grans domaiges à plusieurs villes d’Italie, et principallement de Bresse, Véronne et RaVane, et plusieurs aultres, qui en
eurent moult à souffrir, comme cy après serait dit.
La mort du cardinalz George d’Amboise. — Item, en cellui temps
morut George d’Amboyse, cardinal et légat en France et archeVesque
de Rouen, homme très prudent et de bon conseil.
Le consille de Pise. — Paireillement en celluy temps, à la requeste de
Maximilian, empereur, et de Loys, roy très cristien, et par le consen­
tement de plusieurs prélas de Saincte Église, fut comancé ung général
concilie en l’église de la cité de Pise. Auquel furent plusieurs car-

78

1510.

— SEPT HOMMES SAUVAGES AMENÉS A ROUEN

dinal, archevesques et évesques, abbé, chainoine et aultres prélas, avec
grant nombre de grand clerc, docteur en théologie, canonistes et bons
orateurs. Et tellement que à ce concillle furent beaucopt de bons
poins décidés et conclus. Mais, pour plusieurs causes survenantes, il
fut conséquanment translatés à Millan, et, depuis, encor à Lyon.
Aussy n’est pas à oblier comment le devant dit Loys, roy de France
et duc de Millan, fîst encor en son temps plusieurs choses digne de
mémoire et excellans fait de guerre. Entre lesquelles il fîst une grosse
armée, de laquelles fut cappitaine général seigneur Phelippe de RaVastin. Et estoit son intencion de l’envoier oultre la mer encontre les Turc
et Infidelle. Et, de fait, fut mis le sciège devent la ville de Magdelam,
soubz la confidence que les Vénissiens leur debvoye fornir et administrer
de vivres pour leur argent : mais ilz deffaillirent à ce faire, au moien de
quoy retourna l’armée en France.
Plussieurs assemblée de guerre entre le pape contre les François. —
Tantost après, le devant dit pappe Julius fîst et prépara une grosse
armée pour venir contre les Françoys ; mais il fut bien ressus par le
devant dit duc de Nemours et conte de Foix. Et, environ ce temps, par
l’amonestement du dit pappe Julius, Vindrent et descendirent les
Suysses jusques és faulx bourgs de Millan et és confins d’icelle terre;
mais, après plusieurs dopmaige fait, à la fin en furent déchassés. Et,
en ce meisme temps, les habitans et citadins de la cité de Bresse délais­
saient le perty des François, et ce retournaient, eulx et leur cité, à la
seigneurie de Venise : par quoy il souffrirent plusieurs dopmaige,
comme cy après sera dit. Et tout a cas perreille firent ceulx de Bergame :
mais non obstant demourèrent tousjours les chasteaulx de Bresse,
Véronne et aultres villes en la possession et jouissance du roy.
L’isle de Orane en Affricque prinse par les Espaignolz; et la diversités
des gens illec habitans. —• Item, aussy en ce meisme temps, ou peu
devent, furent trouvées et prinses par les Espaignotz l’isle de Orane en
Affrique, laquelle ille, pour ce que jamaix en n’en avoit heu congnoissance, ce appelle Terre Neufve. Et en celle prinse furent par aulcuns du
pays de Normandie conduictz et amenez sept hommes salvaiges a port
de Rouen, ensemble leur navire, leurs vestemens et aulcunes armures.
Ses gens ycy sont assés de noir couleur, et ont assés grosses lefvres et
la bouche ; et sy portent aulcunes signe de cicatrice en la face; et,depuis
l’oreille jusques au millieu du menton, ont une noire et obscure Vaine
qui leur descend par leur mascheures. Leurs crins ou cheveulx sont
noire et groz comme queue de cheval ; il ne ont jamaix barbe ne
commencement d’en avoir par toute leur vie, et sy n’ont perreillement
aulcuns poil en tout le corps, fort leur cheveulx et les sourcilz. Il portent
sur eulx ung bauldriers ceint auquel y ait une petite bourse, qui est
comme à couvrir leurs membres honteux. Et formes ces gens ycy leurs
langaiges des lefvres en pairlant ; et sy n’ont quelque religion ne manier
de vivre raisonablement. Leur navire est comme une escorche de bois,
que ung homme porroit facillement lever à une main dessus ses espaulles.

1510.

— UN BOUCHER MEURTRIER DE SA FEMME

79

Il ont pour leurs armures chascun ung arc tendu et bendé de cordes de
boyaulx ou de nerfs de bestes ; leurs traictz ou sagettes sont de cannes
efïûttées et farrée de pierres, ou aultrement de os de poisson. Leurs
viandes sont chairs rosties ; et boyvent eaues tant seullement : il ne
ont aulcun usaiges de pain ne de vin, ne de pécune d’or ou d’argent.
Il vont et cheminent nudz par la terre, ou ilz sont seullement Vestuz de
peaulx de bestes, comme de cerfz, ours, veaulx marins, et tous leurs
semblables. Leur région est paralelle, plus soubz Occident du septiesme
climat que la gallicaine région dessus Occident.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ ET EN LORRAINE].

Item, en se meisme temps avindrent encor plusieurs aultres adventure
tant en la cité de Mets comme és cités et villes joingnant, et aultres
parts ; desquelles je Vous en conterés une parties, se les voullés ouyr
et entendre.
Ung bouchier murtrier de sa femme. — Et, premiers, Vous serait dit
comment en celluy temps, la premiers sepmaine du moix d’aoust, y
aVoit en la cité de Verdum ung bouchier, bien estimés, car l’on le tenoit
pour homme de biens, et estoit l’ung des riche de la cité. Celluy bou­
chier aVoit heu prins à femme une belle fille et de bon lieu ; mais, ainssy
comme il pleut à Dieu, elle, par suscession du temps, fut suspect d’estre
bonne mallade, c’est assavoir laidre. Par quoy fut fait commendement
au dit bouchier de non plus tuer ne Vandre chair, et qu’il cessait. Et se
néantmoins ne fut pas la dicte sa femme bouttée dehors au commun
avec les aultres mallaide : car, pour ce qu’elle estoit femme de bien
et des paraiges de la cité de Verdum, on l’entreportoit x, et luy fut
permis de demourer avec le dit son mary en sa maison. Toutefïois,
pour les raisons devent dicte, le dit bouchier, son mary, en fut très mal
content ; et luy en desplut fort. Et tellement que, à l’ocausion de la
defïance que l’on lui aVoit fait de non plus Vendre chair, il conspirait
une hayne et mallivollance en l’ancontre de la dicte sa femme. Et se
bouttait le diable entre deux ; en fasson telle que, une nuyt, luy et elle
estant couchiez ensemble, et que elles souefvement dormoit, la frappait
le dit bouchier d’une daigue permi la poitrine entre deux mamelle, et
lui donnait ung copt mortel. Et elle, santant le copt, ce esVeille, et tout
subit mist sa main dessus la playe : par quoy lui, qui avoit desjay le
poing levés avec la dicte daigue pour recouvrir 12, fraippait de rechief

1. Entreporter quelqu’un, lui faire une faveur.
2. Recovrer, réitérer, revenir à la charge.

80

1510.

— LE BOULEVARD DE LA PORTE SERPENOISE ACHEVÉ

on meisme lieu, et luy cousit la mains permy le corps joindant au
premier copt. Et, non contant de ce qu’il aVoit fait, luy donnait encor
le tier copt.
Le di bouchier prins et décapité. — Alors le bruit fut levés permi la
ville de ce trèscruel et innorme murtre : car rien ne se peult celler.
Et tellement que, Justice advertie du cas, fut le dit bouchier prins ;
et, par santance difinitive, fut jugiez de avoir la mains et le bras coppés
dessus son propre estault, là où il soulloit coupper la chair dez beste
brutte. Et puis, ce fait, fut menés en la plaice c’on dit le Maixel, et là luy
fut tranchiez la teste ; laquelle, avec le corps, furent menez et traynés
au champs et mis sur la rue. Et fut cest justice faicte et acomplie le dit
ans, la vigille de l’Assumpcion Nostre Damme au mey aoust.
Le chasleau de Naimmur fouldroiés, avec plussieur personne. ■— Item,
en ce meisme moix, le fouldre et le tonnoire cheut sur le chaisteaulx de
Naimeurs, lequel estoit le plus biaulx chaisteaulx, le plus fort et le plus
estimés de tout le païs. Et avec cellui fouldre et tempeste cheut le feu
du ciel, qui brûllait la moitiet ° du devant dit chaisteaulx, avec touttes
les riche abillement, c’est assavoir robbe, chausse et pourpoint apertenant au cappitaine du dit chaisteaulx ; qui fut pour luy ung moult
grant dopmaige : car plusieurs en y aVoit de soye, de camellot et de
vellours. Et encor, qui pis est, vint se feu sy subittement et brûlloit
sy viollantement que, de XXV homes halbairdiez que le devant dit
cappitaine aVoit pour la gairde du chaistiaulx, il en fut V dez brûliez
et airs, et sy desmoullus que jamaix l’on n’en soit rien rescourre. Et
furent encor d’icellui feu brûllée plusieurs maison en l’entour du dit
chaistiaulx ; et fut une chose merveilleuse.
Une louve chaulde. — Paireillement on meisme temps, fut trouvée
auprès de la dicte ville de Naimeurs une louve qui estoit en grant
chaillour, querant son maille ; et tellement qu’elle se vint abourder
auprès de la herdre d’icelle ville ; et là y aVoit ung groz chien maittin,
lequelle, la santant ainssy chaude et en amour, assaillit la dicte louve.
Cella Venus à la congnoissance des braiconniers de la dicte Naimeurs,
mirent en mémoire le jour que se fut ; et, au bout du terme, ont heu
sairchiez lez boix, et firent tant qu’il ont trouvez b le lit : auquelle y
aVoit VI chiens que celle louve aVoit pourtés. Sy lez prindrent et apourtairent avec eulx à la ville : mais il ne lez seurent norir, et morurent
tantost aprez.
Le belouuairl de Champenoise achevys. -— Item, en ce meisme temps
fut fait et eschevis le bellouairt, la porte et le pont de porte Champenoize ; lequel cousta mainte denier à faire. Et, pour ce que à ycelle
antrée de porte nouvellement faicte l’on n’y aVoit encor point passés
(car par avent l’entrée estoit toutte droitte), les seigneurs de la cité,
avec la clargie, ordonnairent à faire une belle porcession généralle pour

a. Ms. : moitriet.
b. Ms. : qu’il l’ont trouvez,

1510.

— INAUGURATION DE LA PORTE SÈRPENOISE

81

regracier Dieu d’icellui ouvraige ; et, avec ce, pour luy prier et intercéder
que son plaisir fût de maintenir la dicte cité en paix, comme elle estoit
à présant ; et de faire cesser plusieurs malladie qui alors régnoient
(d’aiprinson et de plusieurs aultres infirmités, comme dit est devant,
desquelle malladie plusieurs personne moroient essés subittement) ;
et perreillement pour lui prier qu’il mist bonne disposicion au temps,
lequelle alors estoit fort pluvieulx et froit, par quoy les vignes ne
pouoient bonnement meurir. Et fut la deVent dicte porcession faicte le
vendredi VIe jour de septembre ; en laquelle furent en belle ordonnance
tous les colliège, touttes les Ordres Mendiantes, avec toutte la clergie et
seigneurie d’icelle cité, et tant d’aultre peuple que ce fut merveille : car
chacun y estoit commendés. Et sortit la devant dicte procession en
belle ordonnance par la porte Sainct Thiébault, et rentrit en Mets par
ycelle porte nouvellement faicte ; et fut celle antrée la premiers que
jamais l’on y avoit faite.
Or Vous veult dire et conter quel triumphe fut faicte à celle nouvelle
antrée, et le biaulx mistère que l’on y fist. Premièrement, devés entendre
que dessus la muraille d’icelluy billouairt noviaulx fait, qui encor
n’estoit point couvers, messeigneurs les recteurs et gouverneurs de la
chose publicque en Mets aVoient fait dresser et aprester ung riche
autel, bien couVers et richement apointés de maye, de plusieurs fleurs
et de riche tapisserie. Et, quant se Vint à l’aprouchier, par une manier
de joieusetés, fut laichée à ycelle porte et par touttes les tours de la
muraille l’artillerie, qui menoit grant bruit, avec tambourins, clérons et
trompette : tellement que c’estoit chose mélodieuse à ouyr. Et, alors
que aproichait ycelle porcession, l’on fist retirer le puple arrier ; et fut
pertie de la clergie montée sur la muraille, avec le chief sainct Estienne
et aultres relicques, qui furent mis et révéranment posés dessus le dit
autel. Et là en grant révérance fut la messe chantée à chantre et à
deschantre, à diacre, à soudiacre et à courial ; et là, à la veue d ung
chacun, y fut fait ung très biaulx mistère et ung honorable service.
Puis, après ce fait et eschevis et le servise de Dieu acomplis, se partit
la dicte porcession pour rentrer en Mets. Et là, à 1 entrer, hussiés ouy
l’artillerie bruir et tabourer, avec les trompettes et clérons, cornet,
tambourin de Suysses et aultres instrument qui buysinoient et trompoie : qui estoit chose plaisante et mélodieuse à ouyr ; et ne me souvient
pas que jamaix je visse entrer en Mets une porcession en cy grant
triumphe. Dieu par sa graice la ressoive en grez ! De là ce pertit la dite
porcession, et s’en Vinrent tous en la Grant Église , auquel lieu fut fait
ung moult biaulx et honnorable sermon. Puis, ce fait, chacuns s’en
retornait en son lieu très joieulx et consollés de cestui fait.
Ung faulx monnoiers boully en Vhuylle. — Tantost après ce fait et on
meisme temps, c’est assavoir le XIXe jour du deVent dit moix de
septembre, fut faictes et acomplie en Mets une justice d ung josne
homme nommés Bernaird, d’Anjou, lequelle, avec ung aultre compaignon nommés Benoy, et leur femmez, estoient de noviaulx venus

82

1510.—

FAUX MONNAYEUBS ARRETÉS A METZ

demourés en Mets ; et se tenoient devers les Pucelle En la Vigne. Le cas
lut telz que yceulx deux compaignon, avec leur femmes, ne despandoient journellement aultre monnoie que faulx grant blan. Desquelles
plusieurs pouVre gens en estoient trompés et dessus ; et ne veoit on
aultre chose que yceulx grant blan venir a Chainge à moustrer c’il
estoient bons. Et tellement alla la chose que yceulx estraingier furent
suspect ; par quoy fut ordonnés par la Justice et par les maistre de la
monnoie de secrètement se enquérir, et de aller après leur femmes, qui
journellement achetoie a merchiez fruit, fromaiges et aultres danrée,
pour veoir, congnoistre et savoir de quelle monnoie elle aVoient paiés.
Et, de fait, touttes la monnoie qu’el chaingeoient et paioient estoit
reprinse par aulcuns à ce faire commis de la mains des bonnes gens et de
ceulx et de celles qui l’aVoient ressus ; et leur en estoit donnée de l’aultre,
milleur. Et tellement que par cella fut la Vérités congnue. Ce temps
pandant que ces enquestes se faisoient, le devant dit Benoy devint fort
mallaide , et fut ressus en l’ospital du Neuf Bourgz, lui et sa femme.
Maix, apiès plusieurs enquestes, pour ce que le dit Bernaird estoit plus
suspect que luy, l’on l’envoiait quérir par quaitre sairgent en la chambre
en laquelle il se tenoit alors, qui estoit près dez Pucelle. Cy ce cuidait
bien le dit Bernaird deffandre d’iceulx sergent et eschapper, car il estoit
roide homme et fort : mais nyantmains, quelque deffance qu’il y sceût
mettre, il fut prins et à force menés en l’hostel de la ville. Auquel ne fut
pas granment, après aulcunes torsure donnée, qu’il congneut son cas.
Et dit que luy et son compaignon Benoy, lequel alors estoit fort mal­
laide en 1 Ospital, comme dit est devent, estoient causy touttes les nuyt
à 1 ouvraige de cestuy mestier. Et, de peur que l’on ne les vît et ouÿt,
il ouvroye en ung cellier, auquelle il estoient à mettre a point des
grande plaittines d airains : c’est assavoir que il mettoient ycelle
plattinez dessus ung chevaulx de bois, comme font les taineur de leur
cuyre, ou les corrier ; et, avec de gros coustiaulx à deux mains, il les
réoient et blanchissoient ; puis lez tailloient avec ung porte fuer, et les
arondissoient. Et, se fait, s’en alloient en la couste Sainct Quentin
pour leur donner le quoin,affin que l’on ne les oyt beschier1 2ou frapper.
Et estoient yceulx grant blant sy bien contrefait qu’il n’y avoit sy
rouge qui n y fût prins. Puis dit et congneut encor que, pour ce qu’il
leur sembloit qu il n estoient bien essurés en ce lieu de Sainct Quantin,
ü s’en aillirent besoingnier et frapper les dit grant blan en ung lieu
c'°n dit Au Viez Chaulîfour, près de Maiey. Et là, en se lieu, forgeairent
par plusieurs jours ; et y avoit sa femme et la femme de son compaignon
Benoy, avec leurs merre, qui faisoient le guet sur le chemin, et pour leur
faire signe qu il cessaissentde frapper quant elle veoient aulcuns passant.

1. Bechier, «frapper du bec », qui se dit d’un oiseau, semble avoir pris en messin la
valeur de. frapper », en général (d’où, au propre, les dérivés bécater, bécrer,« béqueter *
dans le Dictionnaire de Zéliqzon).
2. Rouge, rusé, habile.

1510.

— FAUX MONNAYEUR EXÉCUTÉ A METZ

8d

Tout cella, et plusieurs aultre chose, congneut le dit Bernaird aux sei­
gneurs de la Justice. Par quoy l’on fist bien gairder le dit Benoy, qui
estoit mallaide à l’Ospital, qu’il n’eschaippait. Et, avec ce, l’on fist tant,
par doulce perrolle, que ycelle femmes sortirent de la dicte Hospital ,
et furent prinse et mise en l’hostel de la ville. Mais, quant le dit Benoy
soit la prinse d’icelle et de son compaignon, il en print sy grant desplaisir
qu’il ne voult jamaix plus ne boire ne maingier, et se laissait morrir de
rïuejl — Et, dès incontinent après sa mort, fut le devant dit Bernaird
jugiez à morir, d’une mort très cruelle et honteuse : c est qu il seroit
boillis en huylle. Et, pour ce faire, l’on fist préparer ung angiens et une
justice nouvelle, telz comme l’on la voit encor, qui est derrier les estaulx
dez bouchier au Quairtaulx, à la cornée de la rue et près du course du
Champs Paissaille. Et fut cest angiens fait de pier de taille, le hault
d’ung homme par dessus terre, en manier de la bouche d’ung puis ;
auquelle y avoit ung trous à coustés, en manier delà bouche d ung four,
pour boutter le feu dessoubz une grande chaudier qui là estoit ampee,
et mise sus une croisée de fer. Laquelle fut mise à peu près plaine d eaue ,
et, par dessus ycelle eaue, environ VI quairte d’uylle. Puis, ce fait et le
jour venus, c’est assavoir le XIX® de septembre, comme dit est devant,
le devant dit Bernaird fut à dix heure deVent midi prins a Pallas,
là où alors il estoit. Et furent cousus et astàichiés par dessus luy plu­
sieurs d’iceulx fault grant blan ; puis fut mis sur la brouuette et menés
a pilloris on Champaissaille ; auquelle il fut jusques à deux heure apres
midi. Et, dès le lieu là où il estoit, il veoit bien ycelle chaudière qui
bouylloit incessanment à grant randon, en laquelle ilz deVoit prandre
fin : car, de tout le temps qu’il fut a pilloris, l’on ne cessait de incessan­
ment faire ung grant feu dessoubz. Et y avoit à ycelle justice à faire
sy très tant de puple que l’on n’y pouoit le piedz tourner, pour ce qu 1 z
n’y avoit homme en Mets que jamaix eust Veu en ycelle faire la perreiile
justice. Et, quant son tairmes fut venus et les deux heure après midi
sonnée, le dit Bernaird fut dessandus du pilloris auquel il estoit, et fut
menés a lieu devant dit de son martir. Et là fut mis et pousés sur ung
petit taublement ou eschefïault, tout au plus près et joindant la dicte
chaudière, le visaige devers le puple et le dois contre ycelle, et ung
peu plus hault ellevés que la dicte chaudière. Et, luy estant assis en ce
lieu, fut de rechief renouVellés tout son procès, lequelle avec grant
repantance il congneut. Et aussy l’on avoit enVoiez .devers Maiey
sairchiés les devant dit coing (qui à bien grant paine furent trouves)
avec touttes les aultres hutancille, et apourtée à Mets. Et, apres tout
ce fait et dit, l’on luy loyait les mains par dessoubz les genoul avec
ung chénette qu’il avoit a col ; duquelle il fut sy très fort estrams qu il
avoit la teste et le visaige tout dessus yceulx genoult. Et en cest estât
fut prins du bouriaulx et levés les jambe en hault en fasson telz que,
dellà où il seoit, il luy fist faire le cul tumerel à la reversera teste devant;
et cheut toutte à une fois en ycelle chaudière. Et incontinent le bourial,
avec une grande fourche, le thint subgect la teste en 1 uylle , et fut tan
tost mort et passés. Puis, ce fait, fut son corps chairgiez sus ung tumere ,

84

4510. — BAPTÊME, APRÈS ONZE JOURS, D’UN ENFANT MORT-NÉ

et fut par le devant dit bouriaulx menés enterrer à Sainct Loys, en terre
prophane. Et tantost après furent les devant dictez femmes banyez à
tousjours maix de la cité et du païs.
Ung mercier fouuétés.
Aussy, paireillement en ce meisme temps,
fut par le bouriaulx batus et fouaittés de verges permi la cité de Mets
ung aultres merciet françois, pour ce qu’il avoit achetés à ung fault
monnoier en France des fault lyairt ; et les venoit despandre en Mets et
on pays. Et fut avec ce celluy mersiet banis et forjugiez à tousjour
maix.
Moult d’aultres et diverse adventure avindrent encor en celluy temps,
tant en Mets comme dehors.
Ung enffans ress\oit] babtesme aprez avoir estes enterrés xj jour. —
Entre lesquelles je Vous veult ycy dire et narrer ung biaulx miracle que
en ce temps le doulx Jésus pour nous moustra. Il est vray que en ung
villaige scituez contre le mont Sainct Quantin, nommés Sciey, y avoit
en ce temps ung homme appellés par son droit non Jehan Hullon.
Cellui Jehan avoit alors sa femme grosse et enseinte de vif anffans.
Gy avint qu elle se flst ung peu malz en faissant aulcuns ouvraiges ;
par quoy elle enfentait et délivrait de son fruit avent que droy ne que
son tairme fût Venus. Et fut le dit anffans mort nez ; tellement qu’il fut
mis en terre prophane sans recepvoir le saint sacrement de baptesme.
De quoy le perre et la merre furent fort desplaisant ; et, par espécial,
la dicte mère de l’effans en menoit tel doilleur et en avoit sy grant
tritresse au cuer qu’elle ne pouoit dormir ne repouser, et prioit Dieu et
sa doulce mère que de ce la woulcissent conforter et aydier. Et fut celle
femme 1 espasse de XI jours en cest estât : c’est assavoir depuis le jour
de la saincte Lucie, auquelle jour elle avoit estés acouchée, jusques a
jour de la Nattivité Nostre Seigneur ; durant lesquelles la dicte femme
ne faisoit que soingier que son anffans n’estoit pas mort. Et tellement
que le jour de Noël, à trois heure après mynuyt, il vint en avision à
ycelle femme que le dit son afîans Vivoit et n’estoit pas mort. Et, de
fait, esvaillait son marit et luy dit ; et avec ce bien effectueusement
luy requit et priait qu il s’en aillait incontinent defîouyr le dit anffans
pour veoir se ainssy estoit. Mais il différoit et n’en voulloit rien faire,
jusques à tant qu’elle meisme se voulloit lever de sa couche et y aller.
Par quoy luy, voyant la grande effection qu’elle y avoit, se en aillait
parler au prebstre, et luy compta tout le fait. Alors le prebstre et luy,
acompaigniez de deux ou de trois de ces voisin, avec grant dévocion
s en allirent defîouyr et déterrer le dit anffans, lequelle avoit estés mis
en terre entre deux tueille 1 ; et fut trouvés qu’il se avoit gaistez (c’est
assavoir qu il avoit fiantés) et qu’il estoit tout en telz estât que au jour
qu’il y fut mis. Et alors le prindrent et en grant dévocion le pourtairent

1. Entre deux tuiles ?

1510. — DISPOSITION DU TEMPS

85

dessus l’autel Nottre Damme d’icelle église ; et, en faisant plusieurs
prières et oréson, fut chantée une anthiene de la glorieuse Damme.
Et dès incontinant le dit anffans se mist à saingnier ; puis, tantost ung
peu après, l’on cognut qu’il avoit vie ; et fut en grant joye baptisés.
Par quoy l’on sonnait lez cloiche à branle, remerciant Dieu et sa benoîtte
mère du biaulx miracle ; et y coururent grant et petis, josne et vieulx,
et tous ceulx et celles que y peurent aller. Le doulx Jésus en soit bénit
et loués !
Dispositions du temps. —■ Le prins temps de celle année fut essés bien
dispousés et de bonne sortes, et furent les arbres aussy bien floris qu’il
avoient estés de grant temps. Mais, par la disposicions de l’air et des
froidures, ycelles fleurs tournairent à nyant, et tellement qu’il n’y oit
quasy nulz fruyt, ou bien peu, pour l’année. Item, au regairt des bledz,
il en y oit à grant planté, maix non pas sy bons que les année précé­
dantes. Touchant dez foings et de l’awaine, il en y oit bien peu ; par
quoy il furent chier. Puis la Vendange vint, qui fut de grant fertillité ;
et oit on des vin à grant abondance et plantés ; mais il furent manre et de
petit pris, et avoit on le chairal pour XL sols, pour ce qu’il aVoient cy
estés nouris de pluye que l’on pansoit qu’il ne deussent pas meurir, et,
avec ce, qu’il ne se deussent pas guerder : par quoy l’on donnoit la
quairte pour deux et pour trois denier, et encor ne trouVoit on à qui les
Vandre. Toutteffois, l’année après furent la plus part des vigne engellé,
et les vin encor plus manre, comme il serait dit quant temps serait ;
de quoy yceulx vins furent fort renchéris, et se Vandoient X frant la
cowe ; et y gaingnirent très bien ceulx qui en avoient guerdés. Mais
touttes aultres choses, comme poys, feuves, navées, chair et poisson,
sont demourés en leur pris ; et en avoit on assés compétenment bon
merchiez.
Or avindrent encor plusieurs adventures en celle année en diverse
pays et contrée, desquelles j’en dirés ycy aulcune.
Ung enffans avoi[r] tués sa mère, et pugnis par justice. — Et tout
premièrement, Vous seray par moy dit et contés comment en celluy
temps, c’est assavoir environ la sainct Remey, ung josne filz de la cité
de Lièges retournoit de boire en la taverne ; et, luy venus a 1 hostel,
sa mère, à qui il en desplaisoit, le print à tencer et à demener. Et telle­
ment alla leur prepos, de l’ung à l’aultre, que celluy josne filz se couroussa, et tirait ung cousteaulx, duquelle, comme ung homme plain
de fureur et raige, il tuait la dicte sa mère. La Justice, advertie du fait,
firent mettre la mains à luy ; puis fut loyés tout nudz sur une planche
et traînés par toutte la ville ; et, ce fait, luy furent les deux jambe
rompues, et puis fut frappés d’une tonne 1 contre le cuer. Et ainssy
morut.

1. Maillet très lourd, masse (toûne dans le Dictionnaire des patois romans de la Mo­

selle de Zéliqzon).

86

1510.

— FAITS DIVERS AU PAYS DE METZ

Ung serviteur pugnis pour avoir enforcés une jonne fille. — Paireillement en celle meisme année, c’est assavoir le jour de la Toussaincts,
avint en la cité de Mets une adventure comme il s’ensuit. L’aventure
fut telle que, à cellui jour, y oit ung des verlet d’ung chairpanthier
demourant en la cité de Mets, on bourgz d’Oultre Saille et en la rue de
Maiselle et devent l’hostel seigneur François le Gournaix, nommés
Dedier, de Waubecourt, lequelle Verlet, celluy jour, se print1 et, de fait,
enforsait une josne gairse, fille au dit Dedier, son maistre. Par quoy
le dit Dedier, advertis du fait, en grant fureur vint à l’ostel ; et eust tués
le dit son verlet, c’il l’eust atains. Maix, voiant son maistre en sa fureur,
s’en fouyt en ung guerniet, et le dit son maistre après ; tellement que,
de craintes, le dit verlet saillit par une fenestre en la rue ; et fut mer­
veille qu’il ne se tuait. Toutteffois il se estonnait tellement les jambe que
force fut de le pourter en l’Ospital. Et, alors que les seigneurs de justice
furent advertis du cas, le firent mettre sus l’ung des chevaulx du dit
Hospital et l’amener en la maison de la ville. Et puis, son cas cognus,
fut par quaitre sergent mis sur une eyvier et portés on Pallas. Et, assés
tost après, c’est assavoir la vigille de la Conception Nottre Damme,
VIe jour de décembre, fut par santence de Justice mis tous nudz sur la
brouatte de la ville, et très asprement batus par le bouriaulx jusques
a Pont des Mors.
Deux prebstre banys hors de Mets. — Item, en ces meisme jours et en
la premier semaigne du devant dit moix, deux prebstres estraingiers,
l’ung de Rouan et l’aultre de Bourgongne, se trouvaient estre logiez
ensembles en l’hostel a Chauderon, à Mets. Et, aprez ce qu’ils eurent
souppés et fait la bonne chier, hôtesse, à leur advis, leur contoit tropt
chier. Par quoy cellui de Rouan dist en lattin : « Que bégnit fût le païs
de France !» ; et celluy de Bourgongne dist pareillement : « Que bégnit
soit le païs de Bourgongne ! ». Et de ces deux parolles, comme folz, se
entreprindrent. Tellement que le Bourgongnon frappa le François
d’ung coustiaulx ; et firent ung grant allairme ; et furent prins et mis
en l’ostel de la ville. Et, environ XV jours après, furent tous deux
menés et conduit hors de la cités, et banis à tousjours maix.
Cruel esploicl d'ung serviteur de bouchier contre son maistre et maistresse. — En se meisme temps, c’est assavoir le IXe jours du devant
dit moix de décembre, advint en la ville de Sainct Miel on Barroy ung
piteux cas et la non pareille adventure, le plus cruel, innorme et le plus
détestable murtre de tous les aultres ycy devant dit. Le cas fut tel que
en ycelle ville alors demouroit et habitoit ung riche bouchier, homme de
moiens eaige. Lequelle avoit apousés une belle josne femme, fille à ung
hostellier d’icelle ville, nommés Nicollas le Merdiés ; et lequelle je,
l’escripvain, ait plusieurs fois veu et congneus, beu et maingiers en sa
compaignie et à sa tauble. Celluy bouchier avoit ung serviteur normans,

1. Je comprends : essaya [de violer], et, de fait, réussit à violer.

1510.

— ASSASSINAT A SAINT-MIHIEL

87

que de loing temps le servoit, et auquelle le dit bouchier aVoit moult
grant fiance. Et comme ung jour cellui serviteur se devisoient ensemble,
luy et ung sien compaignon, le dit son compaignon luy dit comme par
manier de jeu : « Se je avoie », dit-il, « ung telz maistre que toy, et aussy
riche, quelquez jours je luy copperoie la gorge. Car journellement tu ne
fais que aller et Venir seul et seul1 avec luy ; et est le dit ton maistre
fort privés de toy 2, tant à la ville comme au champs ». Et, ainssy
comme l’on dit que la personne rethient plus tost la malVaise doctrine
que la bonne, le dit serviteur normans mist et resseust ycelles perrolles
en son couraige. Et, jay ce que le dit son compaignon n’aVoit dit ycelle
perrolles que en se juant, comme dit est, ce néantmoins il préposait
dès ce jour en avent de mettre ycelle perrolle en exsécucion, et en fist
son mal proffit. Car, comme ung jour, et assés tost après, luy et son
maistre alloient sur les champs, c’est assavoir le dit bouchier à chevalx
et le serviteur à piedz, et en passant qu’il firent permy ung bois, le dit
bouchier vit a coustier de luy une cy belle verge et cy droitte que mer­
veille : par quoy il la couvoita et dit à son serviteur qu’il la luy couppait ;
et pour ce faire luy donna son espée. Laquelle ycellui serviteur print ,
et alors, en couppant ycelle Verge, luy revint en mémoire les perrolles
que l’aultriés 3 son compaignons luy avoit dictes. Et tellement le tempta
le dyable qu’il eust à celle heure deux ou trois fois intencion d’assaillir
le dit son maistre et de luy.coupper la gourge. Toutteffois il se doubtait
pour celle fois, craindant, ad cause qu’il estoit à chevaulx, de fail ir,
et qu’il ne luy eschappait ; et aussy craindant que aulcuns ne sorvemst
sur le fait : par quoy il laissait son entreprinse pour celle fois, prepousant
délibéréement en son couraige de une aultre fois la mectre en essécucion.
Et ne fut jamaix heure depuis qu’il n’eust en voulluntés de ce faire,
jusques au jour devant dit : c’est assavoir le VIIIe jour du devant dit
moix de décembre, de nuyt, que ycelluy serviteur normans détermina
en son mallin couraige délibéréement de mettre le fait en essécucion.
Et pour ce faire, faindit de couchier dehors de la maison ; et demoura
bien tairt sans retourner à l’ostel. Et, pour mieulx faire son cas, espiait
grant pertie de la nuyt pour adviser comment il pourroit faire. Alors
entrait secrètement dedans (car il avoit les clef de tout) ; et la trouvait
la servente de léans dormant a feu, qui l’atendoit. Et estoit ycelle
servante tenue pour l’une des belle fillette de toutte la ville de Samct
Miel, et, avec ce, l’une des bonnes, et qui avoit les plus biaulx cheveulx .
car il sàmbloit de sa teste et de ces crins que se fût fin or, tant avoit
belle chevelleure. Et, alors que le traïstre détestauble murtners Vit son
point et que tous estaient endormis par léans, comme dit est, cy entrait
secrètement en la chambre du dit son maistre. Et là le trouvait souefment dormant avec la dicte sa femme, laquelle alors estait grosse et

1. Seul à seul, tout seul.
2. Privé de toi, confiant en toi.
3. L’autre hier, exactement : « avant hier », signifie aussi : « il y a peu de temps ».

88

1510. — ASSASSINAT A SAINT-MIHIEL

ensaincte de vif anffans ; et estoit une belle josne femme, sinon qu’elle
estoit quelque peu boiteuze. Et quant il fut entrés, comme dit est, il
resgairde et trouva que le dit son maistre couchoit derrier. Gy print et
ampoignait une maille 1 de fer qu’il avoit apourtés avec luy, de laquelle
maille il assommoient leur buef et vaiche ; et d’icelle, de toutte sa
puissance et à deux mains, en donnait sy grant copt sur la teste du dit
son maistre qu’il l’atourdit tout ; et croy bien que seulement d’icellui
copt il en fût estés mort. Mais, craindant le cris de la femme, il levait
de rechief la dicte maille ou tonne de fer et vint à deschairgier sur la
teste de sa maîtresse, et la tuait toutte roide, sans jamaix renoncier ne
sans se mouvoir aulcunement. Et, après se fait, recouvrait 2 son copt
sur la teste du dit son maistre, lequelle alors comme ung homme yvre
ou estourdis se estoit levés sus son cul ; et d’icellui second copt le ravailla
em baix tout estendus. Et puis, se faict, le traïstre murtriés print son
cousteaulx duquelle il escorchoit les beste, appellé rousse, et d’icellui
couppait la gorge à tous deux. Et, quant il oit se fait, il vint en la cui­
sine, là où alors dormoit ycelle fillette servante de l’hostel a travers de
l’aitte par devant le feu, en le atendant, corne dit est devant ; et à
ycelle, du meisme coustiaulx, luy couppa la gorge ; et fut trouvés qu’il
luy avoit couppés une pertie du bras, en se deffandant, et qu’elle aVoit
ung des piedz dedans le feu. Et, se fait, en atendant le jour, qui estoit
prochains, et qu’il oit chairgiez et prins tout ce qu’il Voult, or, argent
et aultres baigues, il s’en aillait coupper une chairbonnée en leur estault,
et la mist roustir ; puis s’en aillait tirer du vin, et se desjunait très bien
et à loisir. Et, quant il oit se fait, sy ce advisait et lui vint en mémoire
d’ung josne anffans, fdz au dit bouchier, son maistre, lequelle couchoit
seullet en une chambrette d’icelle maison ; et estoit eaigiez de environ
quaitre ou sinq ans. Cy prepousait le dit malzfaicteur de luy coupper la
gourge ; et, de fait, en intencion d’apcomplir sa malvaise et détestauble
Voullunté, s’en allait avec le devant dit cousteaulx en la mains en ycelle
chambrette en laquelle estoit couchiez le dit anffans. Mais quant il vint
près, et il trouvait qu’il dormoit sy bien et sy souefment, il le laissait.
Puis, ad cause qu’il ajournoit, se en allait chiés ung de leur voisin
amprutter une sailles de chevaulx, disant que son maistre lui envoioit,
et qu’il Voulloit aller dehors. Et de rechief, quant il fut retourné, déli­
bérait encor de coupper la gourge au dit anffans, doutant qu’il ne se
esvaillait et que par luy ne fût encusés. Touteffois, quant il vit qu’il
dormoit sy fermement, il le laissait encor. Et fut en la dicte chambrette
par trois ou par quaitre fois pour veoir se le dit anffans se mouvoit
grains 3 et c’il estoit point resveilliés : car, c’il l’eust veu bougier ou
movoir en riens, il luy eust coupper la gorge. Mais quant il vit que
nullement il ne bougeoit, il fermait très bien l’uys au dehors, qu’il

1. Marteau, masse. L’ancien français ne connaît que le masculin mail, dont maillet
est un diminutif.
2. Il réitéra,
3. Grain sert ici, comme pas, point, mie, etc., à renforcer la négation.

1510.

— ASSASSINAT

A

SAINT-MIHIEL

89

n’eust sceu sortir, et sy le laissait là. Puis, ce fait, print et chairgeait
tout ce qu’il voult, or et argent et aultre baigue, qu’il aVoit desjay
aperreilliet, corne dit est devant, et fairmait trèsbien les huis de la
maison. Puis monta à chevaulx et s’en vint le droit chemins de Mets
jusques a pont à Mollin. Touttesfois, quant il vint là, il se advisait, pour
aulcune raison, et s’en tournait à coustier, tirant le chemin de Joiey,
pour s’en aller a Pont à Moussons, et de là tirer à Sainct Nicollay, comme
il fit. Et n’y avoit hommes qui sceust où il fût allés ne qu’il fût devenus.
Or oyés qu’il en avint. Quant se vint le mattin, IXe jour de décembre,
comme cy devant est dit, environ lez VIII ou les IX heures, et que l’on
vit que la maison du dit bouchier estoit fermée et son estault cloz, les
voisin de là entour furent bien esbahis que se pouoit estre. Et n’en
sçaVoie que dire ne que panser, jusques à tant que l’anffans de léans ce
esvaillait, et se print à braire et à crier. Et quant il virent que nullement
personne de léans ne se moustroit, et qu’il estoit desjay tairt, il heurent
conclusion entre eulx de rompre l’uys. Gomme il fut fait ; et antrirent
léans. Mais quant il vinrent en la cuisine et qu’il trouvaient celle
pouVre josne fillette toutte deshuVellées 1, ces cheveulx blon corne or
espandus sur ces espailles, l’une dez mains et bras à demi couppés, l’ung
des piedz au feu et la gorge couppée, avec grant abondance de sanc
autour d’elle, et duquelle elle avoit le visaige tout ambourbilliez et
dessaingniez, Dieu scet c’il furent esbahis ; et non sans cause. Puis
tantost fut sairchiez de toutte pairs. Et tout premiers sont entrés aulcuns
d’eulx en la chambre ; lesquelles, voiant la grant cruaultés et le grant
murtre, furent très esmerveilliez dont se pouuoit Venir. Et là y oit
plusieurs cris gectés et plusieurs lairme plourée ; par quoy tout le monde
y acourut pour veoir la pitiet : car alors la pouVre josne femme fut
trouvée qui pandoit à moitiet jus du lit, la gorge coppée et inhumainnement murtrie ; et son marit auprès d’elle. Qui estoit une piteuse chose
à veoir et très hiduse à resgairder : car tout le lieu estoit conchiez et
gaistés de sanc, et sambloit que l’on y eust escourchiez deux buef.
Et incontinant la Justice fut advertie ; puis, après le conseil tenus,
furent envoiés gens et messaigiers de toutte pars pour sairchier le mal­
faiteur. Et laissait on yceulx corps ainsy murtris en telz estât, sans y
rien bougier, jusque ad ce que Justice en eust dispousés et déterminés.
Et y furent environ deux ou trois jour la maison fermée et les bien
enclos et ensairés.
Mais pour revenir à perler du dit murtrir je vous lairés le perler de ces
pouvre gens ycy ; et vous dirés quelle en fut la fin, comme ycy après il
serait dit.
Vous avés par cy devant oy comment celluy malfaiteur retournait de
Mollin devant Mets pour aller à Sainct Nicollay de Pol, pansant que

1. Décoiffée. La huve, le huvet sont des coiffures de femme ; on peut traduire ces
mots par* coiffe, bonnet ».

90

1510.

—■ ARRESTATION DE L’ASSASSIN

illec trouvenroit plus tost à vendre le devant dit cheval à quelque
estraingier ou pellerinsqui l’enmèneroit en estrange païs,par quoy l’on
n’en oyroit jamaix nouvelle. Et, comme il avoit prepousés, s’en vint
au dit lieu de Sainct Nicollas de Pol ; et là sairchoit de tout coustés à
vendre le dit cheval. Maix alors ne trouvoit personne qui le voulsît
acheter, sinon ung bouchier, qui le merchanda ; toutteffois il ne l’eust
pas, pour ce qu’il n’en voulloit essés donner. Cy se pertit du lieu, s’en
allant dessà dellà, sairchant sa malle adVenture. Et, ainssy comme il
plaisoit à Dieu, vint à ariver en ung villaige à une lieue ou deux de
Sainct Nicollay. Et, durant se tamps qu’il sairchoit à Vandre le dit
chevaulx, yceulx devant dit messaigiers le sairchoient de tous coustés.
Entre lesquelle en y oit ung qui arivait au dit lieu de Sainct Nicollay ;
et demandoit à chacun novelle du dit malfaicteur. Et meismement vint
à perler au devant dit bouchier qui avoit merchandés le chevaulx.
Lequel lui dit qu’il n’en avoit point veu (car jamaix ne se fût pansés
qu’il eust commis ung tel cas) ; mais le serviteur d’icellui bouchier le
advisait, et dit que possible seroit cellui qui lui avoit voullus vandre le
chevaulx, pour ce qu’il pourtoit des espérons qui estoient de fer par
dessoubz les piedz : car peu de gens en pourte, c’il ne sont bouchier.
Et par cella congneust le messaigier que c’estoit son homme qu’il
queroit. Et tant luy en demanda, et d’ung et d’aultres, tant de ces
abillemant comme de la fasson de lui, et pareillement du chevaulx,
qu’il fut congnus que c’estoit cellui, sans aultres. Par quoy ne laichait
point de courre après et de suir la tresse. Et tellement que, de l’ung à
l’aultre, il vint à sçaVoir qu’il estoit a villaige devant dit ; auquelle il
Vint cy à point que le cheval estoit vandus, et trouvait le dit messaigier
ung homme enmey la rue qui enmenoit celluy cheValx par la bride, et
s’en alloit en sa maison quérir l’airgent pour le paier. Alors luy enquiert
cellui messaigier à qui il avoit achetés le cheval ; et il lui dit que c’estoit
à ung compaignons qu’il ne congnoissoit, qui le attandoit en l’ostellerie.
Et, incontinent qu’il ouyt ses novelle, s’en alla perler à la Justice ; et fit
mectre la mains à luy. Sy fut tantost prins, et loyés et menés en prison.
En laquelle ne fut pas granment qu’il fut menés à Nency. Auquel lieu il
congnut tout son cas en la manier comme sy dessus est dit ; par quoy
il fut jugiés et comdannés à morir d’une pitieuse et cruelle mort, en la
manier corne Vous oyrés.
Justice acàmplie du di malfaicteur. — Et tout premièrement devés
entendre que le dit ans, le sabmedi XVIIIe jour de janvier, auquel
jour fut celle justice acomplie, fut le dit malz faicteur tirés hors de pri­
son tous nudz, fort seullement d’ung petit drappellet à couvrir ses mem­
bre honteux. Et en cest estât fut mis sus une cloie, et bien estroittement
loyés ; et avec ung cheValx fut traynés tout permi la ville de Nencey et
par tout les karefort, jusques en la plaice là où à présant est la fontaine.
Et faisoit à ycelle journée aussy grant froidure qu’il avoit point fait de
VII ans devant pour ung jour : car alors par force de froidure se defïandoient les arbres, comme noiez et aultres ; avec ce les beste moroient
au champs de fains ; et furent la plus pairt des vignes engellée en terre,

1511 N. ST. — EXÉCUTION DE L’ASSASSIN A NANCY

91

comme ycy aprez il serait dit. Et, là venus, en celle plaice, il fut mis et
montés sus ung petit eschauffault que l’on avoit fait faire contre ung
mur, et au plus près de l’une dez bonne maison de la ville. En laquelles
estoient appoiés aux fenestrez plusieurs seigneurs et dames ; entre
lesquelles y estoit le seigneur d’Aipremons et plusieurs aultres. Et en la
plaice, en bais, y avoit tant d’aultres peuple que c’estoit chose mer­
veilleuse : car chacun y estoit Venus de tout coustés pour veoir acomplir
celle tant cruelle et orible justice. Et là venus, sur le dit eschafïaul, et
son procès leu, confessay virillement et couraigeusement tout son cas,
en criant à Dieu mercy ; et n’estoit de rien esbaihis. Puis l’on luy don­
nait à boire. Et, quant il oit beu, il demandait à pisser ; et on le menait
contre le mur là où chacun estoit appoiez aux fenestre dessus luy, et,
jay ce que plusieurs seigneurs et dames y fussent appoiéez, ce néantmoins bien baudement1 et sans honte aulcune laichait son eaue. Puis,
ce fait, l’on le print ; et fut couchiez et estaichiez en crois bien estroittement en l’encontre d’une lairge et espesse planche, laquelle fut appoiéez
en couchant contre le mur. Et, se fait et qu’il fut bien loiez, l’on luy
couppait l’une des mains ; et fut bouttés le tuaul 2 du bras en ung
chappon ouvers tout chault. Et, grant piesse après, fut coppée l’aultre
mains ; et puis en fut fait comme de la premiers. Et, pour le plus faire
languir, fut laissiez bonne piesse en cest estât, sans luy rien faire.
Puis, après, l’on lui mist ung bonnet double en la teste, bien estroit
loiez soubz le menton ; auquelle bonnet y avoit une secrète 3 dedans.
Et alors le bouriaulx luy donnait trois grans copt de maille dessus
ycelle, et bien estrait4 5frappés l’ung après l’aultre, affin de le faire
plus languir. Et furent ces copt donnés de la propre maille de quoy il
avoit tués son maistre et maîtresse : car l’on l’avoit enVoiez quérir à
Sainct Miel, avec aussy le coustiaulx duquel il avoit fait le murdre.
Et luy furent yceulx copt donnés sy grans et sy pessant de la maille
dessus la teste, comme dit est devant, que la secrète luy entrait en la
teste, sen le tuer. Puis, après et bien à trait, l’on print la propre losse
(c’est assavoir le couteaulx de bouchei) duquelle il avoit couppés la
gorge au dit son maistre et maîtresse, et d’icellui meisme l’on lui en
frappait trois ou quaitre grant copt permi la gorge, en lui destranchant
la chair et les nefz 6 de la gourge, sen lui copper le flageol «, affin que
tousjours plus languist. Puis, ce fait, on luy bouttait la dite losse ou
coustiaulx en la gourge, manche et tout, en availlant dever le cuer,
comme on fait à ung porciaulx quant on le tue. Et, de chose que 1 on
lui fist, ne dit oncquez mot fort que : « Jhésus! ». Et puis, se fait, tout
incontinant l’on lui fandit le ventre, et luy en tirait on le cuer dehors.
1. Hardiment.
, .
...
2 Ancien français tuel, tuyau ; ici : « artère ». Il s agit d arrêter le sang.
3. Secrète, calotte d’acier qui se portait habituellement sous le heaume.
4. Sien à trait, très lentement.
5. Les nerfs, les muscles.
,,
.
6. Le larynx ou la trachée-artère. Dans les Mémoires (éd. Michelant, p. 193),
Philippe emploie le mot gourgeon.

92

1511

N. ST. — ASSASSINAT A PARIS

Et, après, l’on lui tranchait la teste, et fandit on le corps en quaitre
quairtiez, lesquelles furent mis sus quaitre chemins, et la teste sus le
gibet de Nencey. Et ainssy en fut la fin faictes. Dieu perdoint à tous
pescheur ! Mais il l’avoit bien deservis : car il avoit tués quaitre créa­
ture faulcement et en traïson : c’est assavoir la servente de l’hostel,
son maistre, qui tant se fioit en luy, et sa maistresse, josne femme et
ensaincte de vif anffans (qui fut le pis). Par quoy il avoit deservis celle
paine, et de encor plus malvaisement morir.
Ung merchamps de Paris murtris. — Item, encor en celle meisme
année, avint une très a malvaise adventure en la cité de Paris. Le cas
fut tel, et en brief, que, en cellui temps, y avoit ung mairchamps en
ycelle ville de Paris lequelle print à femme une weve, qui par avent
avoit estés femme à ung bouchier d’icelle cité. Or avoit celle femme, du
feu bouchier son marit, une fillette qui lui avoit demourés. Et avoit
le dit feu bouchier, par sa devise et testament, laissiez moult de biens
pour ycelle fillette, lesquelles il avoit commendez et ordonnés d’estre
mis à pairt par ses tuteur et mambour jusquez la dicte fille fût en ordre
ou en mariaige. Or avint que ycellui merchant convoiait au dînés les
pairans de sa nouvelle femme, et aussy de la dicte fillette ; lesquelles y
Vinrent. Et, après ce qu’il heurent beu et maingiez et faictes la bonne
chier, il se prindrent à perler et au deviser à cellui mairchant pour le fait
dez biens d’icelle fillette, que la merre avoit en gairde et en commendise,
disant yceulx parans que yceulx biens apertenant à la fillette dévoient
estre mis à part jusques en temps et en lieu. Desquelles pairolles celluy
merchant se coursait, et les print en malle part. Et, de fait, en fut en tel
erreurs *1 que, dès se jour en avant, il print ycelle fillette en grant hayne,
et ne la pouoit aymer ne à droit resgairder. Et tellement l’en hayt que,
une nuyt, se levait de son lit, comme ung homme hors du cens et enraigiez, et s’en alla au lit de la fillette et luy coppa la gorge. La merre,
oyant le bruit, se leva et voult venir secourir son anffans ; mais son
marit luy courit sus et la tuait. Léans y avoit deux grant verlet, qui
couchoient près de la boutticque, am bas, qui oyrent le bruit ; par
quoy, non sçaichant que c’estoit, se leVairent bien Vistement et montairent en hault pour secourir leur maîtresse : mais le mairchant leur
maistre leur vint encontre, et en sa fureur les tuayt tous deux. Et pour
celle cause fut prins. Et, son cas cognus, fut jugiés à morir de piteuse
mort. Dieu nous gairde de tel esclandre ! Amen.
Paireillement en ce meisme temps, y oit à Mets ung Verlet de cordoniet lequelle oit question à ung aultre cordonniet ; et le frappa d’une
daigue. Par quoy il fut jugiez à avoir le poing coppé : mais, à la requeste
d’aulcuns grant seigneurs, le cas luy fut perdonnés, en satiffaisant
pertie.

a. Ms. : très très.
1. Ireur (a. fr. iror), colère.

1511

N. ST. — GRAND ET APRE HIVER

93

La mort du grant vicaire de Mets. — Item, aussy en ce meisme temps,
c’est assavoir le XXVIe jour de janvier, morut et décéday de ce monde
le vicaire de la Grant Église de Mets. Lequelle, en son temps, luy seul,
fist faire et fonder de fon en fon le grant cuer Nostre Damme en la dite
Grant Église de Mets ; et, avec ce, y fit fonder une haulte messe à diacre
et soubdiacre, et à chantre et à deschantre, tous les jours perpétuelle­
ment. Car celluy Vicaire estoit tant riche c’on ne le sçavoit estimer.
Et donnait en son temps et par son testament tant de biens et d’armoigne pour l’amour de Dieu, tant aux Ordre mendiantes comme aultre
pairt, qu’il n’est à croire à ceulx qui ne l’airoie veu ; et montoit son
testament et dernier voullunté à une some merveilleuse.
Grant et aipre yver. — En cest année, il fist ung merveilleux et aipre
yver, et le plus froit et de grant jellée qu’il avoit fait passés loing temps ;
et, cellon l’opinion d’aulcuns, n’en aVoit point fait du pareille depuis la
journée que le duc Chairle morut devant Nancey. Car cest yver fut sy
très aypre, et la gellée et les neiges sy grandes que les pouVres bestes
salVaiges se moroient de fain et de soif, et se laissoient causy prandre
à la mains ; et, de fait, en furent plusieurs trouvée morte en la neige :
c’est assavoir loups, livre, perdris, connis et aultre salVaigine ; et
tellement que l’en aprez, Ve et XI, ne ce trouvoit comme point de
venoison. Et combien que ycy devant soit faictes mencion de plusieurs
grans yver, ce néantmoins, cellon l’oppinion de plusieurs gens, l’on
n’en avoit veu de loing temps le paireille. Car, de force de neige, de
glaice et de grant froidure, furent en cest yver, le jour sainct Anthonne,
la plus part des vigne du païs de Mets engellée en terre. Par quoy les
petit vin de la Vandange devant, desquelles l’on ne tenoit compte,
furent renchéris de la moitiet. Toutteffois le temps se defïït essés gra­
cieusement, sans faire aultres dopmaige.
Plussieur seigneur de Flandres en Mets. — Item, en cest meisme année,
le Xe jour de febvrier, Vinrent en Mets plusieurs grans seigneurs : c’est
assavoir le conte de Nansowe, monsseigneur de Chièvre, monsseigneur
de Bergues, l’évesque d’Aras, le trésoriers du païs de Flandres, de Braibant et de Houllandres ; et, avec eulx, plusieurs nobles et gentilz homme
des dit païs, acompaigniez de environ deux cenc et L chevalx, tous
fleurs de gens. Lesquelx furent des seigneurs et recteurs de la cité de
Mets bien honnorablement receu et logiez. Et, avec ce, leur fut donnés
de part le conseil d’icelle ung présent de X cowe de vin et de cent quairte
d’avoigne. Puis, a bout de trois jour, se pertirent de la cité pour aller
vers l’empereur. Et me samble qu’il se trouvaient tous a nopces de
monsseigneur le Palsegrève, conte Palantin, qui espousa tantost après.
De la cité de Mets furent envoiés au deVent dicte nopces le seigneur
François le Gournaix, chevalier, le seigneur Nicolle Roussel, le seigneur
Nicolle Dex, le seigneur Jehan Roussel;et environ quaitre ou Vaultres
hommes des lignaiges, lesquelles y allirent pour leur plaisir. Et furent
yceulx seigneurs acompaigniés de plusieurs soldoieurs et verlet d’hostel.
Lesquelles devant dit seigneurs estoient tous moult bien montés et

94

1511

N. ST. — CAVALCADE ET « JEU » A METZ

armés, et, avec ce, moult richement acoustrés de biaulx et riche abillemens dessus leur harnaix. Et furent ycelle nopces du devant dit seigneur
conte Paiantin faicte en une bonne ville en Allemaigne, nommée Hédelberch. Auquelles furent envoiés on non de la cité de Mets par yceulx
deVent dit seigneurs ung noble juaulx d’argent pour présentés au
l’espousée, femme au dit conte, waillant cellui juaulx IIIIXX livre de
messins. Car cellui conte avoit envoier prier la cité et bien cordiallement
requérir que leur plaisir fût de leur faire compaignie à ses nopces, et de
luy faire tant d’onneurs qu’il y voulcissent envoier aulcuns de leur gens :
par quoy les dit seigneurs y furent envoiez corne dit est. Et se pertirent
de Mets en belle compaignie le dit ans, le XVIIIe jour du moix de
febvrier. Et furent ressus du dit conte en grant honneurs : car il furent
assis à tauble le jour des nopces après les contes, et premier et par dessus
touttes les aultres cités. Et, à leur retour, ceulx de la cité d’Estrausbourg
les festoièrent honnorablement et leur firent grant honneur. Puis retournirent en Mets, le VIIe jours de mars.
Joieusetés et passe temps fait en Mets durant le temps du karesme
entrant. — En cellui temps, c’on dit le gray temps, se firent plusieurs
bonne joieusetés en Mets. Entre lesquelles fut mis sus ung chariot pour
aller permi la ville, lequelle chariot estoit grans et gros, et bien triumphanment fait, et covert par dessus en manier d’une woulte ; sur la­
quelle woulte, et endroit du millieu, y aVoit ung groz cuer blan et noir,
sinifiant les armes de la cité ; et au quaitre cornée d’icelluy y avoit
quaitre tornelles, aussy blan et noir ; et estoit paireillement tout le
chariot blan et noir. Et l’aVoient les seigneurs maistre des murs de la
cité ainssy fait faire pour le mener au jour du gray dimenche permi
ycelle cité, et pour juer aulcunne chose moralle à honneurs de la dicte
cité, comme à ce jour fut fait en la manier qui s’ensuit.
Et premier, devés entendre que tous les maistre ouvriers, en quelque
art mécanicque que se fût, qui avoient gaige de la cité, estoient dedans,
devant ou après cellui chariot, pour juer le personnaige à eulx donnés.
Et, pour le premiers, estoit au millieu du dit chariot, bien triumphanment essis en une haulte chayre, ung grant ouvriez, nommés maistre
Jehan, le tailleur d’imaige, demorant alors à la Pier Hardie. Et estoit
cellui que peu devant avoit tailliez et fait les deux chérubin qui sont
sur la bairier de la porte Champenoise, avec aussy le Dieu de pitiet qui
este on giron Nostre Damme au piedz de la croix, lesquelles ymaiges
sont en une triumphantes armaire sus la porte du bellouart d’ycelle
porte Champenoise. Or estoit ycellui maistre Jehan abilliez et acoustrés
moult richement et triumphanment cellon l’ancienne fasson : c’est
assavoir vestus d’une riche tunicque, avec ung gros rouge chapperon
faict à bourlet en sa teste. Et tenoit grant gravités : car il représentoit
en son personnaige la cité de Mets ; et pour ce estoit ainssy acoustrés,
moustrant que la cité est anciennes. Et autours d’elle y avoit plusieurs
aultres personnaiges, comme clerc, recepvoir, gouverneurs et conseillier
d’icelle. Et, au dehors d’icellui chariot, y aVoit environ XX ou XXIIII
aultres personnaige : c’est assavoir de touttes les art mécanicque qu’il

1511

N. ST. —• CAVALCADE ET « JEU » A METZ

95

est de besoing d’avoir aux ouvraige de la cité ; souverainement et principallement y estoient tous ceulx enthièrement qui avoient estés et,
avec ce, ouvrés 1 de leur mestier à l’ouvraige d’icellui bellouart de porte
Champenoize nouvellement fait et eschevis. Et pour ce estoient tous
montés à clievaulx, et bien richement acoustrés, chacun cellon son art
et son mestiés ; et tenoit chacun d’eulx en sa main droitte aulcune des
principalle huytille de quoy il ce melloit (et estoient ycelle huitencille
contrefaites de bois et painte en samblance d’or ou d’argent), comme
le chairpantier, qui tenoit des astralongnes 2, des rigle et des compas,
pareillement, le maistre masson, son nyvés, et moitroient yceulx leur
airt de géométrie ; et ung chacun des aultres, ainsy cellon son mestiés.
Entre lesquelles y avoit ung personnaige nommés Angiens. Cestuy
Angiens se vint primier présentés à ma damme la Cité. Et, après toutte
la révérance faictes, il dit à la dicte damme la Cité qu’elle avoit afaire
de plusieurs gentilz compaignons menant et sçaichant diverse airt et
pratiques, et tous gens entendus et grant ouvriers en airt mécanicque.
Laquelle cité fut délibérée de en perler à son conseil. Et, après biaucopt
de chose faictes et plusieurs biaulx parsonnaiges 3 et joieulx dist d’ung
coustés et d’aultres, à la requeste d’icelluy Angiens furent les dit ou­
vriers tous retenus au gaiges de la dicte cité. Et y avoit à yceulx person­
naige à faire le maistre masson, le maistre chairpanthier, le maistre
escaillier, le maistre saruriers, le maireschault, le vairnier, le cloueteur,
le pointre, le bonbairdier et artilliez, le chairrier, le chairton, le pairieulx 4 et le chauforniers, et plusieurs aultres. Et fut une chose bien
joieuse, bien triumphante et bien moralle : car il faisoit moult biaulx
oyr leur personnaige, avec les tembourin, trompettes et clérons ; et
avec les biaulx atours qu’il avoient, qui donnoit cause de resjoiyr tous
les auditeurs.
Une femme noyée d’elle meyme. — Item, tantost après, c’est assavoir
le XXVIIe jour du meisme moix de febvrier, y avoit en Mets une josne
femme, demourant En Chambre, laquelle à cellui jour se pertit de sa
maison environ les quaitre heures du mattin et se gectait en Mezelle.
Et ne scet on pourquoy ne comment se fut. Et, quant on Vit qu’elle ne
retournoit point, on fît doubte qu’elle ne se fût noiéez (corne vray estoit) :
par quoy elle fut sairchée en la ripvier. Et ne fut point trouvée jusques
au bout de trois sepmaines après, qu’elle fut trouvées auprès d’ung
villaige nommés Moncourt, à deux lieus au dessoubz de la cité.
La pluspairl de la ville de Ladonvillés bruslée, et de Buren. — Aussy en
se meisme temps, et à l’acommencement du moix de mars, se print le
feu en une maison d’ung villaige nommés Landonvillés. Lequelle se

1.
2.
3.
4.

Et, avec ce, qui avoient ouvrés...
Astrelabe, astrolabe ; le mot désigne ici une équerre ?
Personnage, rôle de théâtre.
Le perrier, le carrier (pâriou dans Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la

Moselle).

96

1541.

— FAUX MONNAYEUR FOUETTÉ

espandit tellement qu’il brûlla toutte la ville arrés 1 trois maison. —
Puis, trois ou quaitre jours après, se print perreillement à ung aultre
villaige, nommés Buren, auprès de Baisompier. Et furent par fortune
brûllés d’icellui villaige environ cenc maison.
Femme par fortune bruslée aux covent des Agustin de Mets. — Paireillement en se meisme temps, avint une grande esclandre au couvant des
Augustins de Mets. Le cas fut tel qu’il y oit ung josne religieulx d’icellui
couvant qui avoit mis et loigiés en sa chambre une josne femme mal
privée ; et, pour ce que le temps estoit froit, avoit le dit Augustin donnés
du charbon à celle pouvre malleheureuse. Mais, pour ce que en celle
chambre n’y avoit point de chaminée, la fumée d’icelluy charbon
estonna tellement la pouvre folle, et en fut sy très prinse, qu’elle morut
soudainement en la plaice. Et avec elle y avoit ung petit noVisse,
que perreillement fût estés mors, se d’aventure ung aultre religieulx
ne fût venus, que le tirait dehors et à bien grant paine lui donna secour :
car, c’il fût ung peu demourés, jamaix n’y fût venus à temps. Par quoy
pour ces chose fut le dit couvant fort scandalisés. Et avec ce leur
furent fermés et murés lez portes, lez fenestre et les huis qui alors
sailloient en la rue du coustés de Sainct Thiébault decost la tour dez
merciet, ne depuis se temps n’y oit en ce lieu plus d’antrée. Et fut le
poVre religieulx mis en chairtre par moult loing temps, et puis transmués
en ung aultre couvent.
Le concilie de Tours en Touraine. — En se meisme temps, par le
voulloir du roy Loys, se thint ung concilie à Tours en Tourraine. Auquelle y oit plusieurs prélas d’Église, grans docteur et scientificque
personnes.
Maix de touttes ces choses vous lairés le perler pour le présent, et retournerés a maistre eschevin de Mets et à plussieurs aultre besoingnes.

[l’année i5ii].

Mil vc et xj. — Puis, en l’an après, qui estoit de nostre Rédempcion
mil V cenc et XI, laquelle année fut la XXVIe de l’empereur Maximillian en son Royaulme des Romains, fut fait, créés et essus pour maistre
eschevin en la cité de Mets le seigneur Jehan le Gournaix.
Ung despendeux de faulx liair fouuélés. — Et, en cest année, le quaitriesme jour d’apvril, fut trouvés en Mets ung compaignon qui achetoit
de la mains des fault monnoier dez fault liairt, et les blanchissoit et
despandoit. Par quoy il fut prins, et luy furent lez oreille coppée, et fut

1. Ariere, excepté.

1511.

— FAITS DIVERS A METZ

97

banis. Et ne lui fit on pas bonne justice, car on le deust pandre. Mais,
comme il fut sceu tantost après, fut prins à Troye en Champaigne ,
et, pour ce meisme cas, fut brûllé.
Une fille de chevalier mynse aux kairkan. — Paireillement en ce
tampts, c’est assavoir le VIIIe jour du dit moix, se tenoit à Mets une
josne femme, et-fille à ung chevalier de grant maison. Laquelle en
l’eaige de XI ans ung prebstre tirait hors de la maison du dit son perre,
et l’antretint longuement ; puis, en ce temps, à la requeste du dit
prebstre, celle fille fist plusieurs lairsin. Et desrouba tellement que
pour ce cas elle fut prinse ; et, au jour devant dit, fut mise au charcant
auprès du pilloris. Puis, pour l’onneur de jentillesse, luy fut bailliez
congiez. Car c’estoit grant dopmaige de sa misérable vie, pour ce qu elle
estoit sur toutte une très belle fille, haulte, droitte et eslevée , et,
avec ce, une belle langaigier en bon françois ; et estoit une grande
ouvrier en toutte maniers de soye. Mais créés, se le prebstre fut estés
tenus, l’on lui eust fait ung malvais tour.
Ung homme décapité par justice. — Puis, a IXe jour du meisme moix,
fut la teste coppée à ung compaignon nommés Le Wexel ; et fut mis sur
la rue entrez les deux pons, devent Mets. La cause fut pour tant que de
loing temps il estoit suspect qu’il avoit estés cause de la mort d ung
homme qui fut tué, et que ne luy demandoit rien.
Une femme salvée d’estre noyée. — En celle meisme sepmaine, cheut
une femme de dessus le pont du Saulcy en Mezelle ; et l’enmenait
l’eaue jusques tout oultre le pont Sainct George ; et ne fut point noiéez.
Ung homme bannis vij ans pour avoir habandonnés ung enffans sur le
chemin. — Item, en se meisme temps, le jour du Grant Vandredi,
y oit une josne fille acouchée en ung villaige ; laquelle, peu devant,
avoit demouré à une moitresse devant Mets, nommée Braidi. Et donna
celle josne fille son anffans à son feu maistre \ nommés Mangin Fouillé,
moitriet de la dicte Braidi ; par quoy luy fut apourtés l’enffans et
présantés. Mais lui, qui se sentoit net du cas, comme il juroit et effermoit, ne le voult recepvoir ne prandre. Et alors lez parante de la fille,
avec la saige femme, luy mirent a piedz, et s’en fouyrent. Mais il reprint
le dit anffans et courut après les dicte femmes ; et, pource qu elle ne le
voulurent reprandre, il le mist on chemins devant elle, et s’en fouyt sen
regairder derrier lui. Et elle perreillement se mirent à cheminer sans
faire samblant de riens, pansans que le dit Mangin ne le deust pas
laissier ; et luy perreillement pansoit qu’elle ne le laroie pas . par quoy
le povre anffans demoura toutte la nuyt en se lieu. Cy avint que, le
mattin, passoit par là deux Frère de l’Observance du couvant de Mets,
qui ont trouvés cest anffans, qui se moroit et estoit a dernier soupir .
car alors faisoit merveilleusement froit. Cy le priment et l’apourtirent
en la devant dicte moitresse de Braidi ; et fut 1 enffans reschauffés en
de l’eaue chaude, et mis à point. Puis, ce fait, et que le couraige lui fut

1. Sans doute : son ancien maître.

98

1511,

JUIN. —• DÉFIANCE CONTRE LA CITÉ DE METZ

quelquez peu revenus, l’ont pourté à Sainct Laidre ; et là fut baptisés,
et, incontinent après ce fait, morut. Pour laquelle chose le dit Mangin
fut escusés à Justice ; et fut en grant dangier d’en estre pugnis corpo­
rellement. Toutteffois il fut mis à grosse amande, et fut banny sept ans
de la cité.
Guerre en Ytalie. ■— Item, aussy en celle année, environ le maye, se
faisoit tousjours grant guerre és Ytaillie : c’est assavoir de l’empereur
et du roy Loys de France, d’une part, et de Nostre Sainct Perre le
Pappe, les Véniciens et Espaignotz, d’aultre part (car alors le roy
d’Espaigne avoit mis grant armée sur mer à l’ayde des dit Véniciens).
Et fut Boullongne reprinse par les François. Et furent encor plusieurs
aultrez chose faictes, que je laisse pour cause de briesté.
Deffîance contre la cité. — En se meisme temps, c’est assavoir le
XIe jour de jung, y oit ung malvaix garson de la ville de Sainct Avol,
nommé Henzelle Le Louet, lequelle à cellui jour envoiait deffier la cité
pour une querelle qu’il disoit avoir à Jehan Naimeri, fîlz de Naimeri le
pelletier. En quoy il n’avoit point de droy, comme il fut trouvés depuis.
Et néantmoins il avoit desjay pour ce meisme fait heu prins ung josne
fîlz de Mets qui retournoit de Triève.
V1 chevaulz noyés par fortune. — Par quoy, pour ces nouvelle, y oit
ung serviteur à d’Olxey, le mairchant de chevaulx, lequelle amenoit
des Pays Baix XXXII josne chevaulx, et, pour fouyr les dangiers
d’estre prins ou arestés par cellui malvaix guerson ou ces aydans, il les
fist passer de l’aultre partie de la ripvier de Mezelle, et en l’endroit de
Rodemach ; maix, par fortune, en les abrevant, en furent VI dez
noiez.
Item, aussy pour ce meisme fait, je, l’escripvains, moy estant alors
au Landi, à Paris, avec plusieurs aultres merchans de Mets, fûmes
adVertis que l’on tendoit sur nous. Par quoy, au retour, fut prins ung
aultre chemin depuis Chaillon, en tirant à Cusance. Et, tout par bois
et par haie et par chemin incongnus, vismes à passer auprès de Cler­
mont, et, de là, à Houdioumont ; et, tousjours hors chemins, jusques
à Mets.
Toutteffois, bien tost après, fut la paix faicte du dit Plenzelle et de
Jehan Naimery.
Une Alemande mynse aux cairhan pour avoir mys des vielle braye en
des polz de burre. — Item, en se meisme temps, c’est assavoir au lundemain, qui fut le XIIe jour du dit moix de jung, avint en Mets une
bonne raillerie et ung cas pour rire. Car, à cellui jour, vint et arivait en
Mets une Allemande d’ung villaige nommé Budenge, laquelle avoit
apourté vendre au mairchiez plusieurs tuppin de burre fondus. Et,
ainssy comme plusieurs personne en avoient achetés, il y oit ung
homme d’entre yceulx qui rompit le sien par le cul ; et fut trouvés que
dedans celluy tuppin n’y avoit comme point de burre, synon dez
villains et ors drappiaulx qui amplisoient cellui tuppin. Par quoy tous
les aultres qui en avoient achetés firent le cas paireille ; et rompit

1514 .

—• SORCIERS ET SORCIÈRES BRÛLÉES

99

chacun le sien ; et fut trouvés que en tous les tuppin qu’elle avoit
Vendus il n’en y avoit point ung qu’il n’y eust aulcuns ort drappiaulx
ou vielle corde de cher ; et en aulcuns furent trouvés dez vielle braye
toutte brenoize, ou de l’yaue. Pour laquelle chose se assambla tous
chacun autour d’elle ; et ne polt foyr qu’elle ne fût prinse et mise en
l’ostel de la ville. Et croy que pour ce cas elle en fût estés noiée : mais,
à la requeste et prière de ma dame de Créhange, il luy fut perdonnés,
par telle condicion que, le XXIe jour du dit moix, elle fut menée au
chercant auprès du pilloris. Auquelle elle fut quaitre heure de dorrelouse. Et, en la menant, luy furent mis deux des plus gros tuppin
qu’elle eust autour d’elle, devant et derrier ; et, elle estant au chercant,
en oit VII d’iceulx tuppin qui luy pendoient tout autour d’elle. De
quoy se luy estoit une moult grant honte ; car tout chacun 1 alloit
veoir. Puis, aprez les quaitre heures passée, elle en fut menée hors de
Mets par les sairgens ; et fut baniees et forjugée à tousjour maix.
Plussieur sorciers et sorcière bruslées. — En celluy estés avindrent en
Mets et au païs d’icelle diverse besoingne, et fort estrainge, tant au cas
de mariaige comme aultrement. Et furent aussy plusieurs sorciers
brûllée, tant à Chaminat, Devant le Pont, comme aultre part.
Car le temps, en celle année, estoit et fut de tel propriétés et nature
que jamaix l’on n’avoit veu pour une année avenir autant de dissancion
ne de discort en mariaige comme alors en y avoit. Et avoient touttes ces
chose auparaVent estés pronosticquée par ung grant clerc, nommés
maistre Jehan, curé de Saincte Crois en Mets, et par ung josne mairchant, nommés Jehan Rollat, son paroichiens : lesquelles avoient heu
fait une pronosticacion qui desclairoit touttes ces choses, et plusieurs
aultres de la disposicions du temps et fertillités des biens de terre.
Et avint a vray la plus part de touttes les choses qu’il avoient dit et
escript ; et principalement des discort que en celle année dévoient
advenir en mariaige, corne ycy après il en avint.
Plussieur discort en mariage pronosticqués auxparavant.
Quant a
premier, vous veult dire et desclairer de plusieurs discort que en cest
année avindrent entres plusieurs hommes et femmes estant en mariaiges,
et aussy entres les parans et amis des parties. Car on fist plusieurs
mariaige en cest dicte année, tant en Mets comme au païs d icelle,
lesquelles furent tous, ou la plus part, en sy grant discort les ung contre
les aultres que l’on n’y pouoit trouver paix ny acort. Et ne Veoit on
aultre chose tous les jours que les plait et procès d iceulx personnaige,
tant en justice spirituelle, pour estre divorsés et séparés d ensemble,
comme en justice temporelle, pour les biens moindains et tairiens.
Et ne sçavoient bien souvent dire ne aléguer cause ne raison comment
ne pourquoy se desbat leur advenoit. Entre lesquelles en y oit plusieurs
qui se donnairent grant somme d’argent pour se faire despartir.
Comme il avint de une riche bourjoise de la cite, nommée Jehenne,
que premier fut femme à Hainzellin, le nottaire, demourant devant
Sainct Salvour, et, depuis, femme à Drouuin le merchant ; laquelle,

100

1511.

— DIVORCES ET MAUVAIS MARIAGES A METZ

depuis la mort du dit Drouuin, print et apousait à mary Françoy
Naimery, josne homme et novellement weve de la fille Philippe du
Lièvre. Mais, cellon la disposicion du temps, huttin, noise, dicention
et discort se esmeust tellement entre les pertie (et san sçavoir comment)
qu’il n’avoie ne bien ne joie ensamble. Et tellement que la dicte Jehenne
quictait et fist quittance au dit Françoy, son mary, la somme de XIe li­
vre qu il lui aVoit fait de deuaire ; et, avec ce, luy donnait encor mil frant
du sien propre, avec tous les biens qu’il y avoit apourté, affin que le dit
Françoy consantît le divorsement de eulx deux. Et, jay ce qu’il estoit
biaulx compaignons, et elle belle femme entre mil de son eaige, sy estoit
ce une estrange besoingne de donner une telle somme pour estre despertis et divorsés.
Plusieurs aultres furent que l’on ne pouoit acorder. Par quoy les
plusieurs, tant hommes que femmes, furent mise en santance d’escomunicacion, pour tant qu’il ne voulloient obéir à l’Église ne à la court
spirituelle. D aultres en y oit, et plusieurs, qui furent sy très descourés 1
de leur mariaige qu’il laissoient leur fianciée,ou lezfianciée leur espous,
avent que les nopces fussent faictes. Et, jai ce que tout fût preste et
qu il ne restoit plus que d’espouser, aulcuns furent et aulcune que, la
vigille d’ycelle nopces, il abandonnairent tout le ménaige et s’en aillirent
par le pays. Aultres furent que tindrent ménaige VII ou VIII jours,
ou autant que les donne 2 des nopce leur duroie, puis abandonnoient
tous le ménaige et s’en aboient en Prusse aux espisse. Plusieurs aultres
retournoient chiez leur perre. Par quoy les amis en estoient en grant
dissancion les ung encontre les aultres ; les aultres voulluntairement se
acquitoient ; et faisoit chacun du mieulx qu’il povoit. D’aultres en
y avoit, et plusieurs, qui se battoient comme chiens. Et se faisoit très
dangereux marier en cest année, comme aussy la pronosticacion le
disoit : car, de cenc mariaige, n’en y avoit pas ung qui se pourta bien
et qu’il n’y eust quelque chose à dire. Et, qui pis est, en furent aulcuns
qui s’y gouVernairent sy rigoureusement et avec sy grant raige qu’il
tuairent leur propre femme.
Ung vigneron décapité pour avoir tués sa femme. — Entre lesquelles
y avoit en ce temps ung vigneron, nommés Cugnin Navel, demourant en
Franconrue, lequelle print et espousa une femme demourant entre les
Carme et les Suer Collette. Et estoient, quant il se priment, tous deux
weve et essés plantureux de biens. Mais le diablez se bouttait tellement
en leur affaire, pour yceulx biens, que jamaix, de VIII jours qu’il furent
ensemble, n’eurent heure de paix, ne ne couchairent ensemble. Et se
firent divorser et despartir au debout des VIII jours ; et reprint chacun
ces biens par escort. Ne restoit plus que une cowe de vin, en laquelle
chacun avoit la mitté ; et, pour ce que bonnement on n’en pouoit faire

1. Exactement décœurés, « dégoûtés ».
2, Done, donation, présent.

1511, AOUT. — LE FILS DU COMTE PALATIN A METZ

101

parson, il furent d’escort de la mettre en vante à broiche 1 ; et fut mise
sus à quaitre denier la quairte. Et, pour ce que le vin estoit en la maison
d’icelle femme, derrier les Cairmes, elle fut commise de le Vandre, et
pour donner la mitté de l’airgent au dit Cugnin, lequelle se tenoit en sa
maison, en Franconrue, comme devant. Alors, durant que le vin se
vandoit, se avisait le dit Cugnin, et se pertit de sa maison pour aller en
la maison d’ycelle femme. Sy la trouva sus son huis qui recepvoit l’airgent de ceulx qui venoient a vin ; et, sans plus adiré, ne sans avoir
aultre perrolle à elle, il la fîst antrer dedans, faindant qu’il voulcist en
secret perler à elle. Laquelle, non pansant à mal, y entra. Et lui ferma
l’uy après ; puis la saisit par la gourge, et luy coppa d’ung sairpon.
Les voisin et voisine, oyant le bruit, y escoururent ; mais il s’en fuyt a
Carmes. Et fut ce fait le dit ans par ung mècredi IXe jour de juillet.
Et le lundemain, qui fut le jeudi, il sortit hors des Cairmes, présant
plusieurs hommes de justice et plusieurs sairgent ; et se laissait prandre
de son grez ; et fut menés en l’hostel de la Ville. Auquelle incontinant,
sans torsure, il congneut son cas. Par quoy, le samedi après, à X heures,
il fut traynés a pilloris. Et puis, à deux heures après midi, fut traynés
Entre Deux Pont, là où il oit premier le poing coppés, duquel il avoit
commis l’omicide ; et puis l’on lui tranchait le teste ; et fut mis sur
la rue.
Item, en celle meisme sepmaigne, y oit ung masouier en Mets qui
battit tellement sa femme qu’i la cuidoit avoir tuéez. Et s’en fuit ;
toutteffois elle fut bien secourue et reguérit.
Paireillement en se meisme temps, en y oit ung à Gouxe qui tua sa
femme ; et ne sceust on pourquoy.
Et tant d’aultre merveille avindrent encor en cest année en cas de
mariaige que ce fut pitiet ; et ne mentit de riens la pronosticacion faicte
en Mets.
Item, en celle année advindrent encor plusieurs aultres aventure et
merveille ; desquelles j’en dirés ycy une partie.
Le filz du conte Palatin à Mets. — Et premiers, Vous serait dit com­
ment en ce temps, le XXVe jour d’aoust, vint et arivait en Mets le
seigneur Woulffgancq, fdz du conte Pallantin, qui estoit josne environ
de XVIII ans ; et s’en alloit en France. Et fut festoiez, et conduit par
la cité, et fut menés tout a plus hault du clochiez de Meutte.
Le feu en la maison du chaingeur de Mets. — Puis avint, bien tost
après, c’est assavoir le premier jour de septembre, par ung lundi,
à minuit, que le feu se bouta en la maison Gérerdin Coppat, le chaingeur
et recepvoir des denier de la cité, demourant à Pourcellis. Lequelle
Gérerdin estoit pour lors, luy et son biaulx frère, Jehan Fabelle, maistre
monnoier de la cité, à une nopce bien loing en Allemaigne (et estoient

1. A broche, au détail. — Dans le dialecte messin, broche (brache dans le Dictionnaire
des patois romans de la Moselle de Zéliqzon) signifie* robinet *.

102

1511.

—• DISPOSITION DU TEMPS

les nopce de Géraird, le chaicrétaire de la Ville). Et encor, de malle
fortune, pour lors que ce advint, n’aVoit le dit Gérerdin nulle de ces
plus fiable à l’ostel : car son sire, perre à sa femme, nommés Collignon
d’Aboncourt, dit Faubelle, estoit gairdains à la pourte et y couchoit, ne
n’en pouoit saillir. Et je, l’escripvain, le sçay a Vray, car je y estoie
comme son compaignon. Paireillement Nicollay Dex, jenre au dit Fau­
belle, que puis ait estés chaingeurs, estoit à la porte a Pont des Mors.
Par quoy la povre femme se trouvait bien estonnée et esbahies. Et non
sans cause, car elle avoit en gairde les denier et les comptes et recepte
de la cité, que n’estoit pas peu de chose ; et n’aVoit personne de tous ces
plus proichains, comme dit est. Toutteffois les seigneurs et recteur de la
cité, avec le popullaire, y firent telz diligence que briefment fut estaint
le feu. Moyennent aussy que Dieu y moustrait sa graice : car, a plus fort
que le feu brûlloit — qui estoit a plus hault estaige de la maison, par
quoy à grant dificulté l’on y pourtoit de l’yaue — il vint soudainement
une nuée de pluye, avec esclaire et tonnoire, et à sy grant abondance
qu’il sembloit que l’on la gectait à grosse ondée ou à flottée. Et ne
durait fort que autant que le feu durait : car, moienant cest eaue, il fut
tantost estaint, pour ce que l’on recuilloit l’eaue en dez cuVe et cuvelle
soubz les chenal et en la rue à grant abondance ; par laquelle on fut
tantost maistre du feu.
Disposition du temps. ■— L’estey de cest année Ve et XI fut de très
malvaise sorte : car il ne fist comme point de chailleur, que froidure,
vent et bruine. Par quoy l’on oit grant paine à lever les foing et les
bledz ; et en demourait une pertie des porris au champs, pour les grant
pluye que journellement faisoit. Et, avec ce, lez bief qui furent levés
furent manre et de petitte Vallue. Aussy furent les vins ; lesquelles, dès
l’acommencement de l’année, heurent tousjours fortune. Et fut l’année
fort tardive. Et n’y avoit hommes cy anciens qui eust mémoire d’avoir
veu le perreille estey : car, en cest année, se a de roisin qui estoit demourez de la gellée, ez lieu baix, furent tous collés, ou la plus part, et, és
hault lieu, furent despouilliez de leur fueilles, et avec ce ambrussiés h
Et demouroient la plus part dez roisin a sappe sans mûrier ; ne ne fut
acommenciet à vandangier qu’il ne fût la sainct Remey passée. Et n’olt
on nulle fruit. Et, brief, cest année fut de très malvaise sorte en toutte
choses, et la plus contraire aux aultres que jamaix hommes vit. Par
quoy, tantost après, furent les bledz et les Vins des année précédante
mis à hault pris et remontés de la moitiet ; aussy furent pois, fève,
navée, awaine et touttes aultres chose.
Les guerre se continue en Ytalie. — En ces meisme jours, environ le
moix de novambre, se faisoient tousjours de grande et merveilleuse

a. Se a été rayé et remplacé, sans doute postérieurement, par cellay.
1. Embrussiés, attaqués par la rouille, se dit habituellement du blé (patois ambrûsieu).

1512 N. ST. — GUERRES EN ITALIE

103

guerre en Ytaillie et Lombardie. Car Nostre Sainct Perre le Pappe,
avec les Véniciens et Espaignotz, estoient bandés d’une pairt en l’en­
contre de Maximilian, ampereur, et de Loys, roy des François. Et
avoient tellement fait le dit pappe et ces alliés qu’il avoient les Suisse
de leur pertie ; lesquelles Suisse, pour a destourber le roy de son emprinse, luy donnairent grant ampêche en son pais de la Haulte Bourgongne : et faisoient ce afïin de faire retourner lez armée. Et firent encor
tent les dit pappe, Véniciens et Espaignotz que plusieurs ville et cité,
telle comme Bresse, et aultres, furent retournée de leur pertie, comme
dit est devent. De quoy plusieurs grant mal avindrent, comme ycy après
oyrés.
Cordellier contrefait. —Aussy furent trouvés en ce temps en la duchiez
de Millan par les François aulcuns Cordelliez contrefait : lesquelles
disoient et faindoient à mener aulcuns Vivres pour leur couvant ; mais
il pourtoient de pairt yceulx Véniciens ung merveilleux trésors pour le
paiement d’yceulx Suisses.
Bresse prinse derechief et pillée. — Et ainssy doncque, pour revenir
a prepos, et afïin que je vous desclaire les grans mal que en ce temps
avindrent et les grant murtre et perdicion de biens que à celle occasion
furent fait et perpétrés, Vous debvés entendre que, après ce que les dit
de Bresse furent ainssy retournés au dit Vénissiens, et qu’il eurent du
tout deffailly de leur foy et promesse, comme dit est devant, le preux
duc de Nemours et conte de Foix, et plusieurs aultres nobles seigneurs,
délibérairent de rechief et moult affectueusement *1 de reprandre,
gaignier et retirer les dictes villes, places et forteresse appertenantes au
duchiez de Millan. Et meismement vindrent à forces d’armes devant
cest ville de Bresse. Laquelle, premier que leur faire aulcuns mal ne
dopmaige, le prénommé duc de Nemours, comme lieutenant général
pour le roy, fist honestement sommer et requérir d’eulx Vouloir rendre
et retourner a roy, leur souverains seigneur, afïin qu’ilz ne fussent
destruitz et pillez. Mais il n’y voulurent entendre, et demourairent
obstinez. Au moyen de quoy les Françoys leurs donnairent l’assault ;
et entrairent les ungs au chasteau, et les aultres demourairent pour
garder le camp. Et, brief, il y eust une très grosse baitaille et meslée :
car ceulx de la Ville et les aultres gens d’armes qu’ilz aVoyent firent leur
plain pouoir de eulx cuidier deffendre pour résister aux François ;
desquelz sy vigoureusement assailliz furent que ilz gaignèrent première­
ment la citadelle et le palays, et tant firent conséquanment qu’ilz
entrirent dedans la ville. Là où il trouvairent encor plusieurs Vénissiens
et aultres gens d’armes de leur perty lesquelles leurs firent résistance.
Et, de faict, fut sy grande la mellée qu’il y mourut encor plusieurs
François, qui furent tués et occis tout depuis que la ville fut prinse et
qu’il furent entrés dedans : car ilz gectoient pier et bois pour eulx

a. Ms. : pour pour.
1. Avec beaucoup de zèle, d’ardeur.

104

1512

N. ST. — PRISE DE BRESCIA PAR LES FRANÇAIS

cuydier tousjours defïandre, doubtant de ce qui advint : c’est qu’ilz ne
fussent pillez, pour ce que la ville estoit merveilleusement riche et
comble de biens. Et, brief, les François y eurent beaucopt à souffrir ; et
principalement les plus grans seigneurs, c’est assavoir le devant dit duc
de Nemours, le seigneur de Aulbigny et les aultres. Mais, après toutte
résistance et que ceulx de cest ville de Bresse et les gens d’armes des
Vénissiens eurent faict tout ce qu’ilz pouoient pour eulx deffendre et
résister, les nobles seigneurs, cappitaines et vaillant gens d’armes
françoys leurs livrèrent ung cy dur assault qu’il les subminrent et
subjugèrent dessoubz leur puissance, sans pouoir oultre résister. Plu­
sieurs citadins, Vénissiens et aultres gens de guerre, ensembles les
manans et habitans d’icelle ville, furent à ce conflict par les François
occis et mis à mort, en moult grant nombre de miliers ; qui fut chose
piteuse à veoir et moult grande désolacion : mais tousjours furent
obstinez. La ville et les cytoiens furent misérablement dissipez et mer­
veilleusement destruits et exilées de leur biens et possessions : il perdi­
rent or et argent, et aussy perdirent vaisselle d’or et d’argent et aultres
métal, draps d’or, velours, satins, escarlettes, draps de soye, avec draps
de laines, espiceries et aultres infinies merchandise, et moult sumptueuses richesse qui estoient en ycelle ville. Et, brief, perdirent telle­
ment, et y furent tant de gens tués et occis et en sy grande habondance,
qu’ilz furent adoncques périlz et entièrement privez de tout humain
espoir, en telle manier qu’ilz sembloit la fureur et ire de Dieu estre pour
lors descendue et venue sur eulx. Dieu conforte les désolez et perdonne
à ceulx qui sont mors ! Amen.
Plussieurs prisonniés Vénitiens détenus. — Durans ce tant dangereux
et mortel essault et celle prinse de celle tant piteuse et désollée cité,
qui fut faictes durans celle tant envenimée et mortelle guerre, furent
prins à ce conflict et détenus prisonniers messire Andry Griz, messire
Jehan Paule Confre, et son filz, et le conte Ludovic Anadago, lequelle
avoit fait et conduict la trahison d’icelle ville : de quoy il lui en print
mal.
Et après cest triumphante et glorieuse victoire furent mis bonnes
garnisons en la ville et au chasteau de Bresse ; et, en chacun d’iceulx,
foison vivres pour pourveoir aux choses futures. Et de cest ville et du
chasteau eurent la charge et gouvernement le seigneur de Aulbigny, et
aultrez que on ordonna pour la gairder.
Bergame prinse. — Item, aussy la ville et le chasteau de Bergame et
plusieurs aultres furent pareillement randus et remises és mains du roy
de France à cause de son duché et païs de Milan ; et souffrirent ycelle
places moult grant dompmaiges.
Une vierge estre l’espace de xl ans sans boire et meng[er]. — Item,
environ ce temps, y oit en la terre de Auguste Vindelice une vierge,
appellée Anne, laquelle estoit jà pervenue en son quarentiesme ans sans
manger, boyre ne dormir, et sans aussy évacuer aulcune chose de son
corps. Par quoy on pouoit congnoistre ycelle fille estre tant adonnée en

1512 N. ST. — DIVERTISSEMENTS DE CARNAVAL A METZ

105

dévotes comtemplaeions et piteuses œuvres qu’elles estoit en la saincte
grâces de Nostre Seigneurs. Et faisoit celle fille choses merveilleuse.
Une aultre vierge merveilleusement expert en plussieur art. — Et
pareillement, environ ce temps, au païs de Millan estoit une aultre
fille vierge, nommée damoiselle Triulce. Laquelle, dès son jeunes eaiges,
fut mises à l’estude et instruicte en l’art de grammaire ; en telle manières
que, en son quatorziesme ans, estoit très éloquente et bonne latine.
Celle fille prenoit grant plaisir à l’estude et prenoit paines de estudier,
tant qu’elles composoit épistoles latines en ung très beau et bien éloquant stile de l’art d’oratoires. Elle estoit aussy poéticques, et compo­
soit vers en latin. Paireillement elle estoit bonnes ph[i]losophes, et
sçavoit moult bien disputer ° avec les clerc et docteurs. Aussy elle
estoit de très bonne vie, fille de bien et Vertueuses, bien dévotes et de
bonnes meurs, tant qu’ilz sembloit une choses très miraculeuses de sa
bonne vie. Son père estoit ung chevallier dit et nommés messire Jehan,
de nobles maison, lequel estoit homme clerc et bien lettrés. Sa mère
estoit nommée Angèle, de la noble lignée des Martinengeoys, et femme
plaine de vertus. Par quoy l’on peult dire de cest fille, en parlant avec
Properes : Nature sequitur femina quisque sue.
Ung gentil homme tués d’ung sanglier. — En ce meisme temps, c’est
assavoir le XXIe jour de décembre, fut mort d’ung sanglers ung très
jentil ruste et ung puissant josne filz, et bien réputés en guerre, comme
peu devant il l’avoit moustrés en celle devant dicte guerre de Bresse et
d’Itallie, nommés seigneur Philippe, filz au seigneur Anthonne de Pol
sur Saille, et des pairaige de la cité de Mets de part sa mère. Et oit se
bon josne home grant plainte *1 : car il estoit sy vaillant et sy hardis que,
depuis que le porquez l’eut navré à mort, luy tuait encor le dit porcquez sanglez ; et fut apourtés en la maison de son perre.
v chevaulx noiés par les glaces. — Item, en la dernier sepmaines de
janvier, avint encor une aultres aventure. Le cas fut tel que en cellui
temps, pour le grant yver qu’il faisoit, ung chairton, avec son chers et
V chevaulx et ung josne guerson, passoient par dessus la glaice au
travers de Muzelle entre Joiey et Corney. Maix la glaice enfondra avec
le chers et lez chevaulx ; et furent les V chevaulx noyez, et le charton
en grant dangier : toutteffois il se salvait, avec le guerson.
Aulcune mommerie faite en Mets durans le gray temps. — Item, en se
meisme temps, depuis la mitté de janvier jusques en karesme, jay ce
que l’année eust estés diverse et de malvaise sorte et que tout fût chier,
comme dit est devant, ce néantmoins furent faictes durans celluy temps,
c’on dit le gray temps, autent de mommerie et de joieusetés en la cité
de Mets qu’il estoit possible de avoir Veu ne fait en plus de trois ans

a. Ms. : disputeur.
1. Il lut très regretté.

106

1512 N. ST. —■ DIVERTISSEMENTS DE CARNAVAL A METZ

devant. Et desquelles je Vous en dirés ycy pertie, et dez plus triumphantes.
Premier, vous dirés et en brief comment en ce temps je, l’escripvain
de ces présantes, entreprins de mectre sus ung chariot tous couVers et
bien triumphanment fait ; auquelle furent mis plusieurs petit anffans
dedans, tant richement et noblement acoustrés qu’il n’estoit posible
de mieulx, chacun cellon son personnaige. Et ne les veoit on point,
ad cause que le dit chariot estoit tous clos, comme dit est devant ;
et n’y avoit c'ung petit guichellet pour antrer et yssir. Celluy chariot
estoit à quaitre rue, mis par terre et fait en manier d’ung donjon ;
autour duquel, pour le gairder et que trouble ne leur fût faicte, y avoit
IX ou X gallans desguisés et bien am point, allant à piedz devant et
après. Et tellement que, par ung dimenche VIIIe jour de febvrierj
que le temps estoit moult biaulx et bien disposés, fut ce chariot, avec
ung groz cheVaulx, tirés par la ville ; et tous chacun corroit après pour
Veoir se qu’estoit dedans. Puis, quant il venoient en quelque plaisse ou
karefort, là faisoient les gallans faire plaice pour juer les dit anffans
hors du chariot en telz ordonnance : c’est assavoir que, premier, sortissoit ung folz, qui tenoit bonne mine et donnoit cause de rire au resgairdant ; et estoit ce fol loyez d’ung cordiaulx en manier d’une lesse.
Et, après cellui, venoit ung jentil gair, bien richement acoustrés, qui
estoit l’amoureux de la Morisquez ; et estoit cellui loyez de celle lesse
passant permi des aynellet de cortine. Et, après luy, venoit et sortissoit
une josne fillette acoustrée de meisme. Et, après elle, ung josne fdz,
son frère. Puis, après, venoit ung josne petit follet, bien mistement 1
acoustrés cellon son personnaige, qui estoit fdz à moy, l’escripvain.
Après lequelle venoit sa suer, acoustrée comme une déesse ; et se
nommoit en son parsonnaige damme Jonnesse. Par quoy elle, qui
venoit la dernier, tenoit le bout du cordiaulx duquelle estoient prins et
loyés tous les aultres parsonnaiges devant dit, signifiant que damme
Jonnesse tenoit tous ces anffans ycy en ces las. Et pour ce, en confor­
mant l’istoire, et pour donner à entendre quelle chose cella sinifioit,
furent par les devant dit anffans donnés aux resgairdans de VII ou
VIII maniers de biaulx dis en des brevet que je, l’escripvains, leur avoie
compousés ; entre lesquelles en y avoit deux, l’ung donnés par Jonnesse
et l’aultre par le petit fol, son frère. Et y avoit en cellui de Jonnesse
ainsy escript :
Je suis nommée damme Jonnesse,
Que de chacun suis desirée ;
Mais, quant l’omme chiet en viellesse,
Toutte sa joie en est voilée.

1. Mistement, gentiment, joliment.

1512

N. ST. — DIVERTISSEMENTS DE CARNAVAL A METZ

107

Et le petit fol donnoit dez cédulle ainssy escriptes :
Damme Jonnesse thient en ces las
Maintez follet sen c’on la Voye ;
Et quant elle ait fait tous ces esbas,
Sen mot sonner c’en Va sa voye.
Et ainsy donnoit chacun personnaige sa cédulle consonnant à la
matier. Et puis, ce fait, il retournoient dedans le chariot ; et incontinant
le tabourin encomensoit à juer une bonne morisque, et le folz sortissoit
hors du chariot en dansant, et tenoit bonne mine. Et, après une pouse
faicte, venoit l’amoureux, qui très bien faisoit son personnaige. Et, ce
fait, venoit la josne fillette, et tous les aultres ensuiant. Et dansoient
les dit anffans cy bien et cy minottement que chacuns les louoit et y
prenoit grant plaisir, avec ce qu’il estoient acoustrés de meisme, et le
temps bien disposés, comme dit est devant. Et, quant il heurent dancés
la mitté de leur morisque, l’on fist une grande pouse. Et ce retirait
chacun, fort le petit folz, lequelle aVoit ung bon personnaige de environ
VIXX ligne, et chose bien risible. Et tenoit cest anffans cy bonne mine en
perlant, sans point faillir d’ung mot, que chacun en estoit très content
et resjoys. Puis, ce fait, il racommensoient leur morisque ; et puis, à la
fin, ung jair 1. Et, quant c’estoit tous fait, il rantroient l’ung après
l’aultre a chariot, chairgiez de bisette 2 et de sonnette. Puis le tamborin
de Suisse juoit jusques en ung aultre lieu, auquelle estoit fait corne
devent. Et fut par eulx jués en XVI lieu.
Aultre mommerie fort triumphante. —• Chescun en cest année se perforsoit de mieulx faire les ung que les aultres pour resjoyr le puple.
Et furent faictes en Mets plusieurs aultres bonnes raverie 3 permi le
gray temps, comme dit est devant. Entre lesquelles je mecterés ycy,
pour la premier, comment en celle meisme semaigne y oit aulcuns josnes
seigneurs, spirituel et temporel, avec aussy aulcuns bourjois, chanoigne
et aultres, lesquelles furent mis en diverse personnaiges, et aussy riche­
ment acoustrés que je Vis jamaix estre maichecure 4 ne desguissez pour
gens de piedz. Et furent environ une douzenne, des souverains, sans
leur serviteur ; et estoient yceulx moult triumphanment acoustrés, et
en diverse parsonnaige : car les ungs estoient en rois, les aultres en
ampereurs, les ung en prophètes, et les aultres en sebille. Et aVoit chacun
son nom : l’ung estoit le roy David, le prophète royal, l’aultre estoit
Sallomon, puis d’aultres estoient Aillixandre, le roy Priant, ou Agamenon ; aulcuns estoient Daniel, l’aultre estoit Hélie ou Hélisée, Samuel,

1. Un gire, un tour.
2. Bixattes dans les Mémoires, éd. Micheuant, p. 201. Ce mot semble désigner des
clochettes.
3. Resverie, réjouissance, plaisanterie.
4. Masqueüre, masque.

108

1512

N. ST. —■ DIVERTISSEMENTS DE CARNAVAL A METZ

Ézéchiel, Moyse, Josué ou Sanson, et ainssy des aultres. Et tenoit
chacun quelque chose en sa mains destre signifiant à son estât ; et
donnoient de bons dis imprimés et à prepos. Et avoit ung chacun deux
serviteurs, l’ung devant, l’aultre derrier ; lesquelles il faisoit, moult
biaulx veoir, car il estoient acoustrés de meismes, et en diverse acoustrement, cellon leur maistre. Et pourtoit cellui de devant une baniers ou
estandart, moult richement faictes, des armes de cellui roy qu’il servoit :
car chacun d’iceulx roy avoit son estandairt, affin que 1 on le congneust.
Item, peu de temps après, fut conclus de encor mieulx faire. Et telle­
ment que, le jour des Brandons, furent yceulx acoustrés et abilliez en
la plus riche fasson et au plus triumphant acoustrement qu’il estoit
possible de sçavoir panser ne deviser ; et, avec ce, montés sur petit
chevaulx. C’est assavoir, pour les premiers, il y avoit les IX preus, qui
sont trois juif, trois paians et trois crestiens. Les trois juif sont Josué,
le roy David et Judas Macabeus ; les trois païans sont Hector de Troye,
Aillixandre le Grant et Jullius César ; et les trois crestiens sont le roy
Artus d’Angleterre, le roy Chairlemaigne et Goudeffroy de Bouyllon.
Ces IX parsonnaige ycy estoient sy très richement et manificquement
acoustrés qu’il n’est a monde posible de mieulx faire : c’est assavoir,
les ung estoient mis en Turcquez, aulcuns en y avoit en Juif, d’aultres
estoient en Hongres, et aulcuns estoient en Grec, en Esclavons, en
Albanès, en Indiens, en Allemans ou en Espaignotz ; et n y avoit cellui
qui n’eust diverse acoustrement et abis. Paireillement les chevaulx sur
lesquel il estoient montés estoient mis et desguisés en diverse et estrange
bestes : car l’ung estoit mis et tellement acoustrés qu’il sembloit que se
fût une licorne, aulcuns estoient mis en figure de dromaudaire, d’aultres
en y avoit qui estoient en cheraffe, et d’aultres en chaimeaulx, ou en
figure de groz mouton d’Indie ; et ainssy estoient tous leur chevaulx
mis et contrefait en la figure de diverse bestez. Qui estoit une chose
moult triumphantes, et qu’il faisoit moult biaulx veoir. Et aVoit on estés
plusieurs journée à faire yceulx acoustrement, tant pour les hommes que
pour les chevaulx. Aussy y avoit de gens de biens et puissans, tant
chainoignes comme josnes seigneurs : entre lesquelles y avoit deux des
filz a seigneur Fier Baudoiche ; paireillement, l’ung des filz de monsseigneur d’Ainerey, et l’ung des filz seigneur Françoys le Gournaix, avec
Nicollay Dex, recepvoir dez denier de la ville, Géraird, le secrétaire, et
plusieurs aultres leur semblable.
Item, après yceulx IX preux, venoient encor VIII ou IX chariot
qui estoient tirés à chevaulx, et tout fait de diverse sorte et fasson.
Et en chacun d’yceulx chariot y avoit aulcuns personnaiges mis et
desguisés, et moult richement acoustrés, en la fasson d aulcuns des
saige philosophe ou aultres grans personnaiges et hommes de grans
réputacion du temps passés qui ont estés trompés et dessus par femmes.
Et premier, en l’ung d’iceulx chariot, y avoit le roy Solomon ; et avec
luy estoit sa femme, c’est assavoir celle qui le fist ydolaitrer et laissier
son Dieu pour servir aulx ydolles. En ung aultres chariot estoit Sanson

1512 N. ST. —• DIVERTISSEMENTS DE CARNAVAL A METZ

109

le Fort, et Dallida, qui le tondoit : par quoy il perdit toutte sa force.
En l’aultre chariot y aVoit comment Judich couppa la teste à Olofernus.
Puis en ung aultres estoient le puissant Hercules et Sairdanapolus,
lesquelles à la requeste dez femmes se minrent à filler en la quegnoille.
Paireillement estoit en l’ung d’iceulx chariot le saige Virgille, qui par
femme pandoit à une corbille. Aussy y estoit Aristotte, le saige philo­
sophe, lequel se laissa tellement mener qu’il ce laissait brider et chevaulchier par une femme. Et ainssy des aultres. Et estoient tous sy richement
acoustrés, avec les chariot de meisme, que c'estoit belle chose à veoir :
car jamaix ne vis en lieu où je fusse gens desguisés en sy riche atours,
ne que tant eust cousté à faire.
Paireillement, aprez yceulx y avoit encor un aultres chariot, tout a
contraire des premiers : car, de tant plus que yceulx premiers estoient
biaulx et les parsonnaige de dedans bien acoustrés, cellui chariot estoit
lait, et VII ou VIII parsonnaige qui estoient dedans mal acoustrés et
malz plaisant. Et estoient illec essis autour d’ung bancquet en manier
de bellître 1 ; leur nappe estoit trouée et pertusée en plusieurs lieu, et
à demi tainte du vin qu’il y avoie respandus. Il mengeoient comme
chiens enfamés et très deshonnestement, et, en deffalte de voire, il
buvoient en des tuppin de terre. Et, en mengeant, il chantoient et
hurloient tous ensemble, l’ung hault, l’aultre baix, sans rimes et sans
raison. Et menoient ces gens ycy la plus grant vie que jamaix on vit
mener à bellître : laquelle chose donnoit grant cause de rire à tous les
resgairdant. Et se appelloit se chariot ycy le paradis des yVrongnes :
aincy estoit il escript tout à l’entour.
En ce meisme temps, le seigneur François le Gournaix, chevalier,
fîst jouster ces gens, sans lisse, en l’encontre d’aultres, on Champaissaille. Et joustirent tout armés, sans saille et sans estriés ; et avoient des
heaulme d’estrain, faicte d’une tarible sorte et fasson. Puis, dessus leur
hairnaix, il estoient acoustrés en aultres abis qui estoient fourés et
farcis, plain de foin. Et se gectoient sy durement et sy souvent jus et par
terre qu’il ne joitoient causy point ung copt que l’ung ou l’aultre ne fût
cheus. Et tellement que l’ung des serviteur au dit seigneur François
print ung tel copt à celle cheutte que l’on cuidoit qu’il fût tués : car, le
plus souVant, il cheoient homes et cheVaulx.
Puis, à ce meisme jour, y oit deux josne hommes de la cité qui ce
defïiairent au jouster pour le lundemains en la sorte et manier comme
avoient fait les devant dit serviteur ; et pour ce olrent congiez de Jus­
tice. Et, le jour Venus, firent leur jouste comme il avoit estés dit. Et se
donnairent de très malvaix copt.
Plusieurs aultres fairce, desguiserie et joieusetés furent faictes en
celluy temps, desquellez je me despourte, et n’en dis riens pour cause de
briefïetez.
Groz yver. — L’yver de cest année fut merveilleusement aypre et de

1. Bélître, mendiant. —■ Le mot est alors tout nouveau en français.

HO

1512. — UN MONSTRE NÉ A RAVENNE

grant froidure, et autant ou plus que de loing temps devant en avoit
point fait. Sauf et réservés que les vignes n’en furent point engellée
comme elle avoient estés l’an devant. Ce néantmoins, il ennoioit à
biaucopt de gens qui avoient bestes à gouvernés : lesquelles, par force
des grant froidure, il les conVenoit nouris à l’ostel, et ne pouoient aller a
champs.
Mais de touttes ces choses vous lairés le perler quant à présent,
et retournerés a maistre eschevins de Mets et à plusieurs aultres
besoingnes.

[l’année l5l2].

Mil vc et xij. — Après ces choses ainssy advenue, et que le milliair
courroit par mil Ve et XII, fut alors fait, créés et essus pour maistre
eschevin de la cité de Mets le seigneur Phelippe de Raigecourt le josne 1.
Ung enffan nés à Rauanne corne monstre. — Et, en celle année, avindrent encor plusieurs fortunes et diverses adVenture, tant en guerre
comme aultrement. Entre lesquelles, en celluy temps, fut veu et trouvés
en la cité de RaVanne, en Ytallie, ung monstre : c’est assavoir ung
anffans de merveilleuse stature et figure, lequelle en ce tamps fut enfan­
tés et nouViaulx né. Et duquelle en fut la figure portée en diverse lieu
parmy le monde : car il estoit de sy estrange fasson qu’il n’y ait homme
qui le sceût croire, c’il ne l’avoit veu. Premier, avoit le dit montre la
teste plate et lairge ; puis avoit la bouche, le nez, les yeulx et les oyreilles, avec les aielles 2, au coustier, en lieu de bras, tout ainssy et ne plus
ne moins c’une chaulde souris, for que la bouche, qui estoit plus fendue
et grosse a deux bout. Item, avec ce, il estoit cornus, car il avoit ungne
corne au front qui alloit droit en hault. Il avoit en l’estomach trois
lettres faictes en la fasson de lettre romaine ; et estoient peu plus haulte
l’une que l’aultre, comme la fasson s’ensuit : c’est assavoir, pour la
premier, c’estoit ung Y grec; la seconde, ung X; et la thier ung V3.
Puis, ung peu plus bas permi le ventre, y avoit en manier de deux ou de
trois flamez de feu, corne c’elle fussent là mise en pointure ; et tiroient
ung peu sus la senestre pertie ; paireillement, sus ycelle pertie senestre,
comme au deffault du Ventre, y avoit en manier d’ung cressan de lune
en pointure. Item, il avoit aussy l’ung et l’aultre sexe, tant masculin
que féminin : c’est assavoir la nature d’homme, au deffault du petit
Ventre, pointus comme ung touriaulx ou corne ung chien, se dressant en
1. Ici finit le Journal de Pierre Aubrion. Ce Journal, de plus en plus réduit (1 année
1511 comprend douze lignes de texte imprimé), ne peut guère, depuis 1505 environ,
être considéré comme une source de Philippe de Vigneulles.
2. Aile, pavillon de l’oreille.
3. Le dessin de Philippe représente, de gauche à droite, un I, un X et un V, l’X se
trouvant légèrement au-dessous des deux autres lettres,

1512, 11 AVRIL. — LA BATAILLE DE RAVENNE

111

hault au Ioing du ventre. Et aVoit le dit la droitte jambe comme ung
homme, for que le piedz estoit tout plain, sans nulle doye. Item, aVoit
aussy en la dicte jambe chose merveilleuse : car en ycelle y aVoit ung
oeuil, ung peu de coustier, a dehors du genoult, duquelle il veoit aussy
cler que dez oeuille de sa teste. Puis aVoit la jambe senestre toutte
escaillée et armée d’escaille de poison ; et sembloit d’ycelle que ce fût
ung poison, réservés qu’il ait le piedz en manier d’ung criffon, ou d’une
patte de dyable ou de serpans. Lesquelles choses à Veoir donnoient
a resgardans grant admiracion ; et estoit ung grant signe et *1 chose
merveilleuse à advenir. Et fut la figure d’ycelluy monstre et pourtraiture envoiéez en diverse lieu permi le monde 2.
Item, aussy en ce meisme temps, c’est assavoir le quaitriesme jour du
moix d’apVril, vint en Mets pour aulcuns de grant fortune a.

[guerre EN

ITALIE ; LA BATAILLE DE RAVENNE ;

PÈLERINAGE DE PHILIPPE A SALINS].

Paireillement en se meisme temps, avindrent encor tant en la cité de
Mets corne aultre pars de diverse fortune et adventure.
Bataille és Haie auprès de Ravanne. — Entres lesquelles, en se sainct
temps de la Quarantaines, furent faictz assaulx et baitailles moult
merveilleuse és prédictz pays d’Itallie ; et souverainement en la saincte
sepmaines, en laquelles se deussent avoir fait les bonne euVres, et meismement et principallement au sainct jour de la Résurrection Nostre
Seigneur Jhésu Crist. Car, en cellui temps, les gens d’armes du pape
Julius, avec les Espaignotz et Vénissiens, queroient et appétoient tousjours à prandre vengence des François pour leur cuidier faire quelque
malvais tour. Par quoy il avint, en ce sainct jour de Pasques, l’an
dessus dit, qui alors estoit le XIe jour du moix d’apvril, que les dessus
nommés gendarmes du pape Julius, deusiesme de ce non, avec les dessus
dit Espaignotz et Véniciens, aVoient préparez leur ost et excercites de
gens de guerre près de la devant dicte ville de Ravanne pour et en intencion de venir courir dessus les François. Lesquelz en furent advertis ;
par quoy le prénommés Gaston de Foix, duc de Nemours, acompaigniés
de plusieurs vaillant cappitainnes, le seigneur de la Palice, le seigneur
de Alègre et son filz, le seigneur de Chastillon, le seigneur Jehan Jac­
ques, avec plusieurs aultres bon capitaines et vaillant gendarmes,
lesquelles, tous bien équippés et [de] bonne deffense, se délibérèrent et
a. Philippe avait recopié ici l’histoire d’« ung pouvre homme » qui se noya ; puis il
s’est ravisé, a rayé les trois lignes et mis fin à son chapitre,
1. Faut-il lire de au lieu de et ?
2. Dans les Mémoires, éd. Michelant, p. 204, Philippe, par une note ajoutée posté­

rieurement, signale qu’on a dit depuis que cette histoire était « une faincte, que aulcuns
firent pour avoir airgent ».

112

1512, 11

AVRIL. — LA BATAILLE DE RAVENNE

furent appareilliés à la baitaille moult couraigeusement. En telle manière
qu’il se vindrent rencontrer encontre leurs dessus dits adversaires
Espaignotz et Ytalliens ; et tellement qu’il y eust une très grande et
grif baitaille. Laquelle dura moult longuement, et autant ou plus que
on vist de loing temps ; mais finablement furent Vaincus et surmontés
l’exercite des Ytaliens avec leur aydes. Et de yceulx Fier de Navarre
fut prins, qui là estoit venus pour le party du pape Julius.
Plusieur grant seigneur tués. — Et, avec ce, en celle baitaille y furent
occis et navrés plusieurs grans conduicteurs et chief de guerre ; telle­
ment que c’estoit pitiez de veoir sy grande occision et telle effusion de
sang. Et meismement estoit grant horrours de veoir à ce jour sainct et
digne ung tel murtre : car à ce jour y oit plus de XXVIII ou de XXX
grans seigneurs et barons des plus renommés des Ytales qui demourèrent et furent occis en ce camp. Et aussy en furent encore plusieurs
d’entre eulx des prins et détenus prisonniers : entre lesquelle estoient
Favrisque Colonne, le devant dit Pier de Navarre, don Jehan de Cardonne, le marquis de Pesquière, Pômare, Epinose, Castanago, Johan
Anthonnio Ursino, le conte de Montelon, le marquis de Bretonde, le
marquis de Lestelle, le fdz du conte de Consege, et aultres, tous sei­
gneurs de grande congnoissance. Le duc du Traict estoit avec eulx, que
on ne sceut qu’il devint. Le visroy fut salvés au fouyr, et tant qu’il se
mist sur mer pour aller à Naples. Le marquis de la Padulle et le conte
de Populle trouvaient subtille manières d’eschapper et eulx salver de
ce conflict, avec onze ou douze cens chevaulx, tant hommes d’armes
que chevaulx légiers, [et] avec XVI ou XVIIe homme de piedz : qui fut
le rest de leur armée, saus 1 aulcuns aultres, qui furent blessez, lesquelles
se salvairent où il peurent. Et, affin que sçaichiez lez nons dez grans
seigneurs qui furent occis à cellui jour de la partie des dit Ytalliens et
Espaignotz, j’en ay ycy mis et escript d’aulcuns les nons. Premier y fut
occis et demourait à ce conflict dom Jhérosme, Loures Diego de Quigenes, Anthonnio du Liego Carnarat, don Johan Quinare, dom Fran­
cisque Vintemille, Petre de PasVarentez, le seigneur Johan, le conte
Raphaël de Pas, Julnarande, le lieutenant du lieutenant de Gaillice, le
lieutenant de Prospero Colonne. Et les capitaine des gens de piedz qui
sont mort : Damirio Cournesso, Johannes Samanion, Jamediez, Fran
cisquo Manquies, Selgado Thiannes ; et tant d’aultres que merveille.
Sans encor ung grans nombres qui furent prins, et qui n’estoient pas de
sy grant estât, desquelles je laisse les nons.
Et ne pancés point aussy que en celle tant cruelle et mortelle bai­
taille n’en demourait plusieurs grans personnaige et gens de biens de
la pertie des François : car il n’est à doubter que d’iceulx François n’en
fussent plusieurs des mors et des blessiez. Entres lesquelles j’en mecteray
ycy après les nons d’aulcuns, et dez plus réputés et gens de bien. Mais
premiers, je vous dirés comment se maintindrent yceulx François
depuis celle tant glorieuse victoire.
1. Sauf.

1512, 11

AVRIL. —• MORT DE GASTON DE FOIX

113

La mort du ducdeNemours et de plussieur aultre seigneur.—-Vousdevés
sçavoir et entendre comment, aprez celle tant glorieuse et triumphante
Victoire pour les François, par leur tropt folle hardiesse, leur avint ung
grant meschief ; mais néantmoins il demourairent victorieulx a camp,
et gaingnairent à ce jour plusieurs baniers, guydons et estandairt de
leur annemis, laquelle chose il tenoient pour très excellente gloire et
triumphant victoire. Mais, après ce que les devant dit François eurent
ainsy demourés victorieulx, corne devant est dit, et quel’airmée de leur
annemis fut du tout rompue et dispercée, en tel manières que la rest
des devant dit Ytaliens et Espaignotz qui se estoient salver et retirés
du conflict de cest baitaille, qui avoit estés près de Ravane, corne dit
est, se retirent dessà dellà pour eulx salver ainsy comme il peurent,
alors le devant dit Gaston de Foix, duc de Nemours, convoiteux de
gloire, tenans encor tousjours les rans,vist et apperceust aulcuns hom­
mes de guerres, tenans la perties des dessus nommés Italiens et aultres,
lesquelz avoient prins et tenus la fuicte comme gens esgarez et sans
tenir ordres aulcune. Par quoy ycellui prince, magnanimes et hommes
de cuer, pria et requist instamment à aulcuns bien nobles seigneurs et
vaillans capitaines qu’i leur pleust marcher avec luy pour expédier
cest rest de leur annemis et faire leur exploict sur eulx. Et, combien que
aulcuns prudens seigneurs et bons capitaines, qui desjà avoient veu
plusieurs choses, sçavoient aussy le train de la guerre et quelles estoient
lez yssuez, luy peurent remonstrer quelle en pourroit estre la fin, et
qu’il fait bon soy contenter de chose raisonnable sans tropt hardie et
folle entreprinse, mais, ce nonostant, il fut tousjours permanent en sa
folle hardiesse, et pria dereschief ne estre délaissés, disant ainssy : « Qui
me ayme, sy me suyve ! ». Dont, quant le seigneur de Alègre et son filz,
le capitainne Moullart, Mangeron et La Crotte, ensembles plusieurs
aultres, le virent estres ainsy délibérés, combien qu’ilz fussent adoncques entre eulx bien petit nombre pour cest fois, il ne le voullurent
laissier, mais le suyvirent et allèrent avec luy couraigeusement. Et
ainsy, saufz tous bon advis, coururent tropt diligenment après yceulx
leurs adversaires, et avec tropt petitte compaignie les assaillirent en
cest manières. Et, brief, leur firent moult grant peur, et y eust plu­
sieurs d’iceulx adversaires tuez à ce premier conflictz et assaulx donnés ;
mais, quant ilz aperceurent leur cas et qu’ilz se virent oppressez, il se
eslairgirent au mieulx qu’ilz peurent et firent ouvertures aux François.
Lesquelz incontinent se trouvèrent enclos, pour ce qu’il estoient peu de
gens ; pour quoy yceulx adversaires, qui estoient la plus pairt gens de
piedz, firent tant avec leurs picques et aultres grant bastons de guerre
qu’ilz abbatirent aulcuns chevaulx de l’oste des François. Lesquel
estoient moult bien armés ; qui fut cause de leur dommaige : car, après
ce que leur chevaulx furent ainsy navrés et abbatus, leur livrèrent les
annemis ung dur assaulx, et tellement se niellèrent emsembles par
cruelle fériosité, en frappant les ung sur les aultres, que plusieurs Vail­
lant et nobles seigneurs cheurent et furent occis d’une pairt et d’aultre.
Entre lesquelz cheust et demourait le très noble duc de Nemours, avec

114

1512, 26 AVRIL. — FUNÉRAILLES DE GASTON DE FOIX

plussieurs aultres grant seigneurs, telz comme le seigneur de Alègre et
son filz, le seigneur de Montcaure, le lieutenant du seigneur de Hymbécourt, le capitaine Moullart, le capitaine Jacob, avec ung aultre capi­
taine allemant appellés Phelippe ; entre lesquel devant dit seigneurs
en y avoit plusieurs du sanc royal. Item, morurent encor pour ce jour
plusieurs aultres grant seigneurs tel que La Crotte, Mangeron, monsseigneur de Montcaure, et environ IX gentilz hommez de la maison du
roy, avec VI ou VIIXX homme d’airmes.
Emviron xl ou xlij mil, que François qu’Italien, mort et tués. — Et fut
dit que à celle piteuse journée de Paicquez, tant à la premier baitailles
comme à ce dernier conflict, en demourait des mors, que d’ung cousté
que d’aultre, environ XL ou XLII mil ; entre lesquel l’on y estimoit
XV mil François. Dont c’estoit grant pitiet et dopmaige de à ung telz
jour et cy digne faire ung telz murtre. Dieu par sa graice et miséricorde
pardoinct a trespassés ! Amen.
Or, pour Vous donner à entandre quelle en fut la fin, il est raison que
je vous dye et desclaire comment, après la mort d’yceulx tant nobles et
Vaillant seigneurs, qui furent despeschiés à ce dernier essault en la
maniers comme avés oy, vint au François ung bon secours : mais il
demourait tropt tairt pour yceulx devent nommés. Touteffois il exploitairent tellement que d’iceulx adversaires, sans nul excepter, n’en
retournèrent point ung hors du camp que tous ne fussent mors et occis.
Par quoy il fut dit que les Françoys demourent à cellui jour victorieulx
en plaine baitaille. Mais, se nonobstant, il olrent tant perdus à celle
journée, comme dit est devant, que pour celle victoire ne fut fait nul
feu de joye à Paris ne par toutte France ; ains fut partout desmenés
grant duelle, tant en France, en Espaigne comme en Ytallie et aultre
pairt. Car je croy que en celle tant piteuse journée n’y oit de nulle pertie
de crestienté qu’il n’en y demoura des piesse. De quoy ce fut moult
grant dopmaige de à ung tel jour faire ung cy piteux fait.
Rauenne prinse d’assault et pillée. — Puis, après tout ce fait et acomplis, les cappitaines de la rest de yceulx François, après celle victoire
obtenue, reasemblairent leur gens. Et vinrent couraigeusement et en
grant désir de nuyr aux annemis devant la devant dicte ville de RaVanes,
laquelle il asseigèrent sy vigoureusement qu’i la prindrent et gaingnè-,
rent d’assault, et la soubmirent enthièrement à leur puissance et
Volluntés ; et en laquelle il occirent et mirent à mort tout tant qu ilz
trouvirent de leur pertie contraire. Et furent tous les biens et despouilles
d’icelle ville mise à buttin ; et corne toutte destruictez et mise à confu­
sion. De quoy ce fut une moult grant pitié de veoir une tel désolacion :
car l’on ne Veoit que sanc espandus par les rue, femmes et anffans
esgairés, maison rompue et gens tués. Pancés, crestiens, quel pitié et
quel tribulacion !
Le duc de Nemours enterré a. — Or, après ce faict et touttes ces choses
a* D'une écriture postérieure.

1512, 26

AVRIL. — FUNÉRAILLES DE GASTON DE FOIX

115

ainssy déduictes et expédiées, yceulx François vindrent aux champs
dernièrement dit pour lever honestement et donner honorables sépul­
tures en l’église aux feu duc de Nemours et aux aultres seigneurs dessus
dit. Lequel trèsnobles princes et général lieutenant du roy fut moult
honnorablement et en grant triumphes de duel prins et levés d’icelluy
camp où il avoit estés occis ; et tellement que, le XXVIe jour du dit
moix d’apVril, après le devant dit jour de Pasques, fut celluy corps
apourté à Millan pour sépulturer. Et, en le pourtant, luy fut fait autant
d’honneurs comme à nul prince on pouroit faire : car devant luy furent
menés tous les prisonniers qui avoient esté prins et détenus à cest
journée de Ravane. Et pareillement estoient portés devant son corps
toutes les Lanières, guidons et estandart que lez François avoient
victorieusement conquis et triumphanment gaingnés en cestes batailles,
tant de ceulx des Italies commes semblablement celles des Vénissiens
et Espaignotz, et paireillement celle de Gallice, et aultres provinces et
seigneurie, lesquelz avoient estés tués et occis *1 en cest batailles. Par
quoy je peult dire que à cest honeste sépulture y avoit joye et deul : car
il y avoit moult belle ordre à ces obsèques et funérailles, et estoit moult
noble chose à veoir passer ung tel triumphe.
L’ordre du convoy funèbre a. — Tous les seigneurs et cappitaines
françois y estoient en triumphant deul, comme on ait acoustumé de faire
à la mort d’ung sy nobles princes. Devant son corps estoient ses paiges
et aultres ses familiers, qui menoient ses chevalx d’honneur et aultres
corsiers, desquelz il estoit bien garny, comme prince très Valereux.
L’on portoit aussy devant luy son armet, bien triumphanment, avec
l’espée de victoire, comme lieutenant du roy. Et, bref, ceulx de touttes
l’armée qui estoient à sa sépultures et a convoy qui y fut fait faisoient
et menoient tous grans deul et lamentable désolacion ; car il le avoient
tousjours trouvés princes saiges et libéral, prudent, et à tous débon­
naire. Les gens et seigneurs de la ville, citadins et aultres populaires,
y estoient tous révéranment vestus et habillés de robes noires et chape­
rons de deul, avec ung moult grandes quantités de torches allumées,
esquelles estoient ataichiés le noble escu et blason de armorie du prédict seigneur de Nemours. Et, avec ce, y avoit encor pour acompaignier
ce noble corps deux cens lances, bons gendarmes, et aultres gens de
piedz en soufïîssant nombre. Et ainssy en grande triumphe et pompe de
deul fut tousjours honorablement conduictz jusques en l’église de
Millan, là où il luy fut faict ung bien sollennel service et obsèques.
Dieu perdoinct aux trespassés ! Amen.
Plusieurs annemys des Françoys a. — Item, tantost après ycelles
victoire ainssy faictes, et plusieurs vaillans gens tués et d’ung coustez

a. D'une écriture postérieure.

1, Philippe songe aux seigneurs à qui appartenaient ces drapeaux.

-H6

15-12.

— LES FRANÇAIS ÉVACUENT L’ITALIE

et d’aultres, furent les armée véniciennes et espaignotz touttes dis­
percée et defïaictes. Par quoy plusieurs des François furent envoiez
dessà delà en guernison és villes et places novellement conquise ; et
plusieurs aultres s’en retournirent en France, sans avoir chevaulx ne
asnes sur quoy il sceussent monter. Et alors les Vénissiens, voiant ces
choses et la grant plaie que par deux ou trois fois il aVoient ressus,
firent tant qu’il heurent alliance au roy d’Angleterre. Lequelle, à leur
requeste, fist son armée. Et vinrent à grant puissance assaillir les dit
Françoys du costez de la Normendie et devers La Roichelle. Et, à celle
dessante, firent au dit François plusieurs escarmouche et assault, les
cuidant faire retourner des païs d’Itallye. Paireillement, firent tant le
pape et les Véniciens qu’il firent rompre l’alliance faictez entre le roy et
Maximillian, corne cy aprez serait dit. Et, par cella, furent assaillis dez
Suisses on païs de la Haulte Bourgongne. Et ainssy, en ce temps, aVoient
les François bien de l’ampesche : car il estoient assaillis en plusieurs
lieu. Laquelles choses concidérées par yceulx annemis, tant Véniciens
comme Espaignotz, ce reassemblèrent derechief ; et firent plus grosse
armée que devant ; et ce vinrent espandre par tout le pays et duché de
Millan.
Les François se retire en la contés d’Ast. ■— De quoy, Voyant ce les
Françoy qu’il estoient en petit nombre au regart de leur annemis,
et qu’il avoient perdus tous leur souverains cappitaines ; et aussy pour
éviter le perilz, se sont retirés en la conté d’Ast. Et puis, après ce qu’il
eurent mis bonne guénison és chasteaulx et forte places, conséquanment se sont retirés à Lyon en France, corne cy aprez serait dit. Par
quoy, bien tost après, il pardirent la plus part de tous les pays, cités et
bonnes villes qu’il avoient heu gaingniez.
Et ainsy, en celle année et és précédantes, ce firent moult de mal et
grant dopmaiges és païs d’Itaillie et Lumbardie en destruiction de corps
et de biens, et a grant dopmaiges et préjudices des deux parties. Et en
fut le royaulme fort esveudés *1 d’airgent ; et plusieurs villes et villaiges
d’Itaillie destruictes et gaistées.
Mort du pappe Julius a. — Item, en ce meisme ans, le XXe jour de
febvrier, le devant dit pappe Julius, second de ce nom, lequel en son
temps fut merveilleusement obstinés et contraire au François, mourut
et trespassa à Romme, en l’an IXe de son pontificat.
Aussy environ le temps des devant dicte guerre, c’est assavoir le
XVIe jour d’apvril, je, Philippe, escripvains et compouseur de ces
présentes cronicques, avec ma femme et plusieurs aultres, nous pertîmes
de Mets, bien montés, pour aller en voyaiges à monsseigneur saint
Claude. Et fut par nous tenus le chemin par les villes ycy après desclairée. Premier, de la cité de Mets à la ville du Pon ; puis à Nancey,
à Sainct Nicollay, à Saphat, à Baion, à Charme, à Poucieulx, à Chaitel

a. D’une écriture postérieure.
1. Esvuidier, vider entièrement.

1512. — PHILIPPE DE VIGNEULLES VISITE SALINS

117

sur Muzelle, à Chaveloz, à Tawon, à Espinal, à la ville a bois c’on dit
Sainct Loran, à Uraymany ou à Doneu, à Partegney 1, à la Franouze,
à Oullamba 2, à Corbenay, à Fontaine, à Luceu en Bourgongne, à Saulx,
à Vesou, à Wallefaulx, à Quenoiche, à Riot, à Werray, à la cité de
Besanson, à Arguelz, à Bussy, à Quingy. Puis à Sallin, bonne ville en
Bourgongne, de laquelle je vous veult ung peu perler, et vous conteray
aulcune chose de la richesse et manier de faire le sel, se acouter le
voullés.

La manière des salline estant à Sallin en Bourgongne. —- Premier,
devés entendre que, quant nous vismes en celle ville, désirant de tout
veoir, nous fûmes menés et conduit en une grande maison qui est le lieu
ordonnés à faire le cel. Et premiers, en entrant en la court d’icelle,
laquelle est grande à merveille et samble estre la court de quelquez
grande esbaye, fut là trouvés ung lieu là où journellement sont et se
thiengne plusieurs officiers, recepvoir et conteroilleurs des deniers de
la dicte salline, auquelles il fault pairler, qui veult tout veoir. Et pour ce,
nous présentaismes à l’ung d’iceulx, luy priant que tout nous fût moustrés. Et il le font très voulluntier, moyenant que l’on paie le vin tant à
eulx comme en la mains des serviteurs et servantes. Et, pour ce que
libérallement le vin lui fut paiés, il nous dit qu’il nous en moutreroit
autent qu’il estoit possible d’en veoir. Et nous dit que l’on aillait avec
lui, et qu’il voulloit acommencer a premier bout, comme il fîst. Car alors
ce fîst apourter grant foison de clef, et nous ouvrait ung huys, auquelle
i dévaillait, et nous fîst tous dévailler après luy par au loing des grans
degrés, tellement que nous desvaillaimes bien bas et bien parfon, veu
et considérés que la ville est desjay en ung grant fon. Et en lieu desert
et stérille . car, san celle salline, tout le pais ne vaudroit riens ; et samble
ce lieu bien estrange, et y fait froit à merveille.
Les fontenne de Sallins à faire le sel a. —• Toutteffois, quant nous
vismes au fon, fut trouvés que là y ait une moult belle grande woulte,
en aquelle l’on metteroit plus de quaitre cenc cowe de vin ; et est faicte
a biaulx pillé, comme une église. Et se fîst le dit recepvoir apourter de
a chandoille en une lanterne ; cy nous moustrait en l’ung des coing
yce le woulte plusieurs petitte fontenelle. Desquelles viengne tant de
rie esse . car, comme il nous dit, damme Margueritte de Flandres, seur
a ampereur, avoit tous les ans dessus ycelle fontenelles XVIII mil
escus de rante, et le prince d’Orange en y avoit XIIII mil, cen ce qu’elle
vaille au rest, tant és deniers que l’on en recoipt comme en la despance
que ce y fait. Car, comme nous dit le dit officier, plus de XI ou XII cenc

a. D une écriture postérieure.
cuL as°siz\rmêWaehf*TteSXéd-wfELANT’ p- 207)' Philippe’ <Iui fait ses X «aRsXertigay Semblables a des P> s est tr°mpe en se recopiant : U s’agit évidemment de
2. AiiieviUiers. Faut-il lire Oullanila, comme dans les Mémoires ?

H8

1512.

— LES SALINES DE SALINS EN BOURGOGNE

parsonne vivent sur cella, et qui ne font aultres mestiés que servir en
diverse office, et gaignent leur vie sur la dicte salline ; sans ceulx qui
sont merchant de cel et qui le maigne en diverse lieu parmy les pays,
qui perreillement y gaigne leur vie, que je ne compte pas. Et y ait encor
tant d’aultre coustange, en bois et en l’entretenement des chaudier et
en aultre chose, que c’est merveille. Cy sont les dicte fontenelle à ung
coing d’icelle woulte, comme dit est, toutte encloise de belle treille de
bois, comme se fût une chaipelle. Et là voiez, permy les trellies, plusieurs
petit russellet d’eaue, lesquelle sortissant hors d’une roiche ; et courrent
yceulx ruissiaulx par plusieurs petit roiez 12 qui sont là artificiallement
fait et entailliez en la roiche. Et, an meylieu d’yceulx, y ait une petitte
eaue, environ du lairge d’une passée 3, et bouille an meylieu comme font
ces fontenelle qui sortissent du fon de la terre et qui font dancer le
graviet. Et y ait ung petit russiaulx, qui courre d’icelle fontenelle, qui
est encavé en la rouche, comme les aultres devant dit, mais il thient
ung chemin, et les aultres thiennent ung aultres : car, jay ce que les dit
russiaulx ou fontenelle soient tous près et joindant l’une de l’aultre,
cy ait il bien différence, pour ce que les une sont sallée, et les aultres
est yaue doulce ; et y eust bien manier de les avoir aincy despartis.
Cy nous moustrait celluy officiers permi les dicte treille les dicte fon­
taine, et puis nous dit et demandait ce nous sarions cognoistre entre
ycellé fontaines l’eaue Baillé encontre la doulce ; auquelle nous respondîmes que non. Cy nous fist acroire de la saillée que c’estoit la doulce ;
et puis deffairmait l’uis de la treilliez, et nous menait tout dessus ycelle
fontaine. Et là, ce fist apourter ung biaulx Voire, et l’emplit dedans la
fontaine saillée, disant que c’estoit l’eaue doulce ; et présentait à boire
aux femmez. Lesquelle ce faisoient prier, en ce pourtant l’onneur l’une
l’aultre ; ne n’y avoit celle qui voulcît boire la premier. Et adoncquez
me fut par le dit officier présentés le voir ; et je le prins, et beu ung
petit sans faire samblans de riens ; et leur dis que jamaix n’avoie trové
ne beu eaue de roiche cy doulce. Cy fut alors présentés le dit voir à l’une
d’icelle femme : laquelle, dès incontinent qu’elle en eust santus le goust,
elle fist la plus terrible chier de jamaix, et recrachait tout dehors ; car
il n’y ait rien plus amer que celle eaue. Et par cella fut la chose escusée
et cognutte ; et en fut beaucopt ris. Et me dit cellui officier que je estoie
passé maistre, pour ce que en buvant je avoie tenus bonne migne.
« Non ostant », ce dit il, « que je Vous ait dit la vérité en disant que
c’estoit ycy l’eaue doulce ; et je vous certifie que aussy est elle, veu et
considérés tant de biens et de proffit qui en vienne. Et l’aultre que Voiez
ycy nous est bien amer : car, affin qu’elle ne ce melle avec la sallée, elle
couste tous les ans plus de L escus à la destourner et wuyder, et a la
mener hors de scéans par conduit et angiens, comme vous Verés jay
tantost.
1. Treille, au sens de« treillis, treillage *.
2. Forme masculine du français roière, rigole.
3. Passée, enjambée.

d5d2.

— LES SALINES DE SALINS EN BOURGOGNE

119

Et, incontinant après ce dit, nous menait Veoir à l’aultre bout d’icelle
grant woulte. Et là nous moustray une grande cuve de bois, qui estoit
comme tout dedans la terre, tenant celle cuve environ XX ou XXIIII
cowe d’eaue. Et là vient cheoir et dessant par conduit toutte l’eaue
de la fontenelle sallée. Et là, à l’endroit de celle cuve, tout a plus hault,
hors de terre, y ait ung mulet bourgne qui tourne là en hault autour
d’ung groz pal, comme il font chiez cez ollier Lequelle pal fait tourner
une rue, et de celle tourne encor une aultre, sur laquelle rue ou entour
d’icelle sont plus de deux mil saille 2, en manier de petit béril défoncés,
lesquelle sont tous ataichiez au loing d’une grande courde qui est loiéez
lez deux bout ensamble, comme ce c’estoit une patenoite 3 ; et est celle
grande corde ainsy loiéez mise en eschairpe par dessus celle grant rue.
Et, ainssy que la rue torne, la corde avec les saille monte par l'ung des
cousté et dessande par l’aultre ; et, en dessandant qu’elle font, elle se
vont touttes remplir l’une après l’aultre en la grant cuve devant dicte ;
et, en montant qu elle font, quant elle viegne en hault à fleur de terre,
elle tume touttes les une après lez aultrez, par ung angiens qui lez fait
ainssy tumer, dedans ung aultre grant vaissiaulx qui est là en hault
auprès d’icelle grant rue. Puis, d’icelluy waiciaulx, avec de grosse
anche 4, sont les dictes eaue sallée conduicte et laichée en diverse
canal qui lez maine et despairte en diverse lieu par léans, cellon les lieu
là où sont diverse paeille 5 essuttes. Et les saille, ainsy wuydées comme
dit est, redessande de l’aultre pertie d’icelle rue à l’avallée ; et se vont
arrier ramplir ; et tousjours incessanment font ainssy leur tour, ne jay
ne laicheront le ramplir et le wuyder jusques à tant qu’il aront assés
eaue en hault pour besoingnier.
Puis, après ce veu, nous fut moustrés comment celle eaue est par les
ouvriers justement despartie affin qu’il n’en aye questions ensemble :
car l’ung n’en veult pas plus avoir que l’aultre. Après, nous fut encor
moustrés touttes les paielle, l’une après l’aultre; et vîmes faire le cel.
Puis nous fut moustrés comment, après ce qu’il est fait, l’on le pourte
en de grant waiciaulx ; et là, y ait sertaines femmes qui le moulle comme
ung pains ; et d aultres sont qui le mette rostir en grant range au loing
d ung grant feu de chairbon (car, en ce païs là, il le Vande comme ung
pain) , d aultre sont qui les retourne au feu, et d’aultre sont qui les
lye par douzenne pour les livrer aux merchant.
Après ce veu, nous mena le dit officier en une grande grainge, en
laquelle sont grant multitude d’ouvriers, comme chauderier 6, qui ne
font journellement aultre chose que marteller et forgier à l’entretenement des dictes paelle. Après, nous moustra la chapelle de léans, sci1.

1.
2.
3.
4.
5.
6.

Olier, fabricant d’huile.
Exactement :« seau ». Ce sont des godets.
Un chapelet.
Tuyaux.
Poêles.
Chaudronnier.

120

1512.

— PHILIPPE DE VIGNEULLES RETOURNE EN METZ

tuées au meylieu de la court, en laquelle ce dit tous les jour messe ;
et n’y vont les ouvriés que à la lévacion de Dieu. Item, nous fut moustrés
ung aultres lieu, auquelle y avoit tant de bois à brûler que c’estoit chose
merveilleuse. Puis, en ung aultre lieu, nous fut moustrés une merveil­
leuse multitude de lanterne, de saille de cuir boully, et de plusieurs
aultres instrument pour servir à résister en l’encontre du feu, c’il ce
pernoit léans. Et est chose merveilleuse de veoir le lieu : car c’est une
maison de grant manificence et de grant provision.
De ce lieu nous pertîmes, en prenant congiez des officiés. Et, après ce
qu’il nous oit tout moustrés les chambre des compte et recepte et aultres
offices, et que nostre hoste fut paiés, nous aillaimes au giste à une ville
nommée Paicquiez. De là à Champenoille ; puis à Mourillon ; après au
Grant Yaulx, et dellà à une abaye qui est scituée sus le lac, à la fin du
Grant Yaulx. Puis, de ce lieu, n’y ait que deux lue et demée jusques
à l’église de monsseigneur saint Claude, belle maison édifiée en ung
grant fon, et lieu désert de tous coustés ; et y ait essez bonne ville, et
merchande.
Item, après le pélerinaige acomplis et la dévocion faictes, fut par nous
prins ung aultre chemins pour le retour. C’est assavoir, du dit Saint
Claude au mont des Faucille ; et de là à une petitte bonne ville nommé
Jay. Et dure ce chemin V lue de plus aipre montaignes et malvais che­
min que je vis oncque, et aussy de grande et perfonde Vallée ; et est ung
chemin très difficille à aller. De Jay fut tirés à la bonne cité de Genèvre
(et estoit le jour saint George) ; auquelle nous fûmes bien traittiés et
ressus. De GenèVre, pour retourner à Mets par au loing du lac, premier
fut par nous prins le chemin à une petitte bonne ville sur le lac, nommée
Yercel ; puis de là à Coppette, bonne ville sus le lac de Couppette ;
à Gnon, puis à Rolle, après à Morge, à Corbenay, à la Saira, à la Cia, à
Joygne, à Pontarley, à No, à Vaudauhon, à Ycey, à Balme, à Monboson.
Et, dellà, n’y ait que trois lue jusques à Wezou, auquelle lieu est retrou­
vés le premier chemin de nottre allée que nous fîmes en allant à Saint
Claude, comme ycy devant est contenus. Car nous revîmes par la dicte
Wezou, et d’icelle à Aussaulx, et dellà à Lesseu en Bourgongne, auquelle
lieu (ou bien près) sont les baing chault, comme il en y ait en plusieurs
aultre lieu là où je suis estés. Et puis, de là, fut tousjours par nous tenus
le droy chemin jusques à Mets, duquel lieu nous estions pertis. Dieu,
par sa graice, et le benoît sainct Claude praigne ce voyaige ycy en
greis ! Amen.
Vigne engellée. — Item, nous revenus à Mets, a pénultime jour du
devant dit moix d’apVril, environ à deux heures après minuyt, furent
engellée une partie des vigne d’entours la cité de Mets et du païs d’icelle.
Par quoy les vins furent tantost remontez de pris. Et fut telle fois que
l’on ne sçavoit où aller a Vin ; et n’en trouvoit on nul à Vandre, jusques a
quaitriesme jour aprez, que ung nottaire de la rue des Clerc, nommés
George Baccaras, en mist vin nouViaulx à IX deniers. Et y couroit
chacun ; puis, tantost aprez, furent mis à X deniers.

1512.

RELIQUES PRÉCIEUSES TROUVÉES A TRÊVES

121

[ÉVÉNEMENTS DIVERS A METZ ET DANS LES PAYS VOISINS].

La robe Notre Seigneur et aultre relicques trouvés d Trêves par Maximilian, empereur. — En ce meisme temps et durant que ces chose se
faisoie, estoit encor et se tenoit Maximilian, l’empereur, à Triève en
Allemaigne a. Et c’y estoit tenus depuis le moix de mars devant jusques
en ce temps cy, et encor daventaige : car il y séjourna environ VIII sepmaignes ; et avec luy estoient la plus pairt des princes de l’empire.
Et atendoit on de jour en jours qu’il deust venir à Mets ; mais il ne
aisoit que aller et venir de Triève à Lucembourg et és pays joindant.
Et couroie les nouvelles que le dit seigneur, acompaigniés de seigneur
Riemer, archevesque du dit Triève, et du conte de Rineck, estoient
principalement venus en ce lieu pour sairchier la robbe de Nostre Salvour Jhésu Crist, laquelle, avec plusieurs aultres juaulx et dignes relic­
ques, estoient dès loing temps devant enmurée dessoubz le grant autelz
del esglise cathédralle d’icelle cité (comme aussy il estoit vray). Et telle­
ment alla la chose que, le jour sainct Jaicque et sainct Phelippe, premier
jour de may, le devant dit amperreur, acompaigniez du dit archevesque
et conte de Rmeck, avec tous les chainoigne d’icelle église, et de plusieurs
aultres prélas et scientificque parsonne, avec grant révérance et crainte
hrent sairchier dessoubz le dit autelz.Et,dedans le troisiesme jour après’
lurent en ce heu trouvés plusieurs précieulx et digne relicques. Et’
premiers, fut en ce lieu trouvés trois petit couffre fait d’ergent à l’an­
cienne fasson, dedans l’ung desquelle estoit ensairée et moult bien
pioyées la précieuse et digne robbe, sans cousture, que la glorieuse
damme sa merre luy fïst à Tesguille, et laquelle, comme fidellement nous
créons cressoit avec son corps précieulx. Et avec ycelle robbe fut encor
rouve ung gros dez, de quoy la dicte robbe à la passion du doulx Jhésus
avmt estez juéez. És aultres deux couffret furent trouvés les relicques
ycy apres nommés. Premiers, une piesse de la Vraye crois ; aussy,
une piesse de la robbe Nottre Dame ; paireillement y furent trouvés
au cuns drappellet desquelle la glorieuse vierge enVellopait son doulx
anlians Jhésus quant elle le mist en la crèche. Item, fut encor trouvé ung
Viez coustiau de quoy il fut circonsis, corne on disoit et que les cédulle
estaichée dessus le devisoient ; desquelle en y avoit plusieurs que Ton ne
sçavoit lire, de viellesse. Aussy y fut encor trouvés le corps sainct Maerne, e ebief sainct Cornille, et des relicques de plusieurs aultre sainct
et sametes. Item, fut encor trouvés ung denier d’or auquelle y avoit
11 8 ?°m de pIusieurs relicques estant ensairés dedans. Touttes
quelles dictes relicques et précieulx juaulx furent par sainct Silveste
Pape de Romme, envoiez au dit lieu de Triève; et les y apourtairent

a. Ms. : Allemaige.

122

1512.

— RELIQUES PRÉCIEUSES TROUVÉES A TRÊVES

sainct Agneins, patriarches d’Anthioche,lequelle depuis fut archevesques
d’icelle église de Triève, et avec luy estoit ma damme saincte Ellaine,
mère à Constantin, l’empereur ; et fut cest translacion faictes en l’an de
Nostre Seigneur trois cens et XLVIII.
Mais, pour revenir à mon prepos, après ce que ycelle saincte et digne
relicque furent trouvée, l’on ne les moustra pas sy tost ; ains furent
remise dedans le dit autel jusques à sairtains jour après, durant les­
quelles furent en grant révérance publiés et preschées par ung révérand
et scientificque docteur. Et fut ce fait tous les jour par deux fois : c’est
assavoir une fois devant le dînés et une aprez dînés, la cause pour quoy
que tout le peuple que illec estoit assamblé ne pouoient pas tous ouyr à
une fois ; et fut tousjours ainsy fait, jusques au lundemains de la Pantecouste ensuyVant. Auquelle jour y oit une merveilleuse et sollainelle
triumphe faicte:car à ce jours furent moustrés les dictes sainctes et pré­
cieuses relicques, comme plusieurs jours par avent avoit estés anonciez
et publicquement preschiés. Par quoy, à celluy jour, se trouvait cy grant
multitude de peuple et y oit cy grant presse et foulle en la cité, espéciallemant autour de l’église, que l’on ne s’y pouoit contorner. Et ce tuoient
causy les gens l’ung l’aultre, de grant désir d’estre les premiers ; et, de
fait, y oit une moult belle josne femme de Collongne qui fut cy estraincte
et pressée qu’elle morut en la plaice, et y oit deux ou trois hommes qui
cheurent tous pasmés : car il faisoit grant chailleur, et y avoit ung mer­
veilleux puple. Et, néantmoins que quaitre ou cinq cenc hommes de la
ville, bien embaistonnés, estoient ordonnés pour gairder la presse et
que nul ne fût foullés, se nonobstant, quelque frapper dessus qu’il feissent, il n’en pouoient venir à bout ne en estre maistre ; et fut force de
chacun jour fermer les porte durans que l’onmoustroit les digne relicque :
car au dehors y arivoit encor du puple sans nombre. Et en y avoit à ce
jour plus de quaitre mil, par estimacion, qui atendoient que la porte fût
ouverte pour antrer dedans.
Or estoit une belle chose et de grant dévocion à veoir desploier se
sainct et digne juaulx de la robbe Nostre Seigneur, sans cousture : car
tout le peuple, ou la plus grant pertie, estoient confès et repantans de
leur péchiez, criant miséricorde à haulte vois. Et estoit une piteuse chose
et dévote à ouyr la Vois du peuple, avec le son des cloche et dez cornet
[qui] faisoit tout retantir l’air et la terre ; et n’y avoit cy dur cuer que
les lairme ne luy en venissent aux yeulx. Les recteurs et gouverneurs de
la dicte cité de Triève avoient mendés à ceulx de Metz, espéciallement
au bouchier et au pescheurs, qu’il leur voulcissent amener force beuf,
viaulx et mouton, avec poisson fresche et sallés : car il avoient à gou­
verner cy grant puple qu’il ne pouoient fornir à l’apointement. Et estoit
une chose merveilleuse de l’asemblée. Dieu par sa pitié le preigne en
grez ! Amen.
Le chapitre tenus aux Cordeliers de Mets. — Or avés ouy l’acomencement des perdons de l’église de Triève. Cy vous dirés maintenant plu­
sieurs aultres choses que durans ce meyme estés avindrent. Et, premiers,

1512. — CHAPITRE DES CORDELIERS TENU A METZ

123

vous dirés comment, durans ces jours, ou tantost après, c’est assavoir
par ung dimenche IXe jour de maye, jour de la translacion du glorieulx
sainct Nicollas, fut fait en Mets et tenus le chaippistre aux Grans Cordelliers Dessus le Murs. Auquelle estoient venus grans multitude de Frères,
et de diverse province et pays, jusques au nombres de deux cens IIIIXX
et XVII. Entre lesquel y estoit vénérable religieulx frère Bonifaice,
docteur en saincte théologie et en décret, ministre de la province de
France, acompaigniés de plusieurs constitués en office et dignités d’icelluy
ordre : c’est assavoir, en celle compagnie y avoit IX custode, et lé plus
gradués en saincte théologie, XXII docteur, XLVII gardiens, LIIII discretz, LUI bachelés en théologie.
Prossécion de plussieur docteurs a. — Lesquelx furent à ce jour en
grans triumphe a pourcession ; et avec moult belle compaignie de gens
sortirent de leur couvans, et, en descendant Taison et Fornerue, paissirent par Veizeneuf, puis saillirent de Mets par la porte Sainct Thiébault, et sont rantrés par porte Champenoise. Et, de là, s’en allirent
chanter la grant messe au Grant Moustier, église cathédralle de la cité ;
laquelle chantait monsseigneur le soufragant de Mets. Et fut cest l’une
dez belle porcession que je vis oncque faire, et la mieulx ordonnée : car
tousjours, entre L Frères ou environ, il y avoit deux sergens, qui es­
toient bien acoustrés, avec leur belle verge d’argent. Et en celle porces­
sion estoient causy tous les seigneurs et dammes, chainoignes, prebstres et
clerc de la cité, et tant d aultre peuple que l’on ne ce pouoit contourner,
par espécial en la Grant Église, auquel lieu fut dit le sermon par leur
biaulx perre le provinciaulx de France, docteur en saincte théologie. Et
y oit cellui jour la plus grant triumphe à la Grand Église qu’il y oit de
loing temps.
vj à vij cent persone au dînez au Cordellier a. — Et puis, ce fait et le
servise acomplis, ce trouvairent au dit couvant grant multitude de pup le :
car léans dînairent de VI à VII cenc personnez, tant seigneurs comme
chanoignes, prebstres séculiers et aultres gens de tous estas. Lesquelles
furent tous haultement ressus et servis à grant lairgesse et planté : car
le biaulx perre gardiens, nommez frère Archiles, homme prudent et
saige, et qui estoit bon gentilz homme et frère à damme Yollant, abbesse
de Sainte Fier aux Dammes (deux biaulx personnaiges), celluy y avoit
mis sy grant provision, et sy bien ordonnez de cez besoignez dez loing
temps devent que rien n’y failloit. Et aussy furent lez dit Frères dez
seigneurs et citains de Mets moult charitablement ressus, et de tout le
commun d’icelle : car il leur fut donnés des biens en sy grand abondance
et lairgesse que tous s’en tenoient contens.
Sermon sur le nom de Mets a. — Et, le dînés fait et graice à Dieu
randue, ung biaulx perre docteur, et josne homme, nommé frère Michiel,
homme merveilleusement éloquant et biaulx langaigier, lequelle le

a. D'une écriture postérieure.

124

1512,

MAI. — FAITS DIVERS ADVENUS A METZ

karesme devant avoit preschiez tous les jours au dit couvent, fit et dit
en manier d’ung petit sermon, luy estant tout droit devant la tauble,
là où il esposait le nom de la cité de Mets en fasson tel qu’il fut par son
bien dire merveilleusement loués : car cellui sur tous aultres avoit
graice de bien dire (et, aussy, il avoit une merveilleuse suite à ses
sermon). Et, après dînés, fut preschiez par ung docteur de Paris ; le
lundemains, par ung aultre ; et tousjours de mieulx en mieulx, jusques
au jeudi, que le chapitre faillit : car, durant cellui, furent fait V sermon
par V docteur, lesquelx prindrent pour leur tyesmes à chacun sermon :
Veritatem dico vobis. Et le dernier d’iceulx doctours collauda moult
bien la noble cité de Mets, par l’interprétacion des V lettres METIS, et
en remerciant la cité des biens et de l’honneur qu’on leur avoit fait,
et en sy grant abondance qu’il disoient n’avoir jamaix estez en ville
ne en cité là où chapistre ce thînt qu’ilz fussent estez cy bien receu.
Et eurent en leur couvant, durant ce chapistre, à chacun jour, grant
nombre de gens au dînés, tant seigneurs que aultres. Puis, après le
dînés, tout le chapistre durant, ce trouvoient lez grant clerc enmey la
nef d’icelle église en disputacion, à la veue d’ung chacun ; et ce y trou­
voient tous aultre clerc, sécullier ou régullier, docteurs en médecine
et aultres. Et estoit belle chose à veoir et à oyr. Et n’y avoit de religion
qu’il n’en y vînt, esxepté de Frère de l’Observance, c’on dit à Mets les
frères Baudes, qui n’y venoient point. Car alors entre eulx y avoit
certaines altercacion et ung grant desbat ; en fasson tel que yceulx
frères Baude firent citer les ministres et principal d’iceulx Gordelliers,
et, de fait, les voulloient faire desclairiez excomuniez, pour tant qu’ilz
disoient qu’il soubtenoient et avoient receu de leur Frères contre leur
voullunté, ce que faire ne pouoient ne debvoient. Et perloient aucune­
ment en leur sermon les ung contre les aultres ; touttefïois paix s’en
fist. Et, au despartir de la cité, s’en retourna chacun en son lieux bien
joieusement et très content des habitans d’icelle.
Deux homme faisant le sault aux Champésaille. — Item, en cellui
temps, c’est assavoir le XIIIe jour du meisme moix de may, l’on fist
saulter par justice deux hommez en la Xeuppe en Mets. Et la cause
fut pour ce que l’ung estoit de très malvais gouvernement, ung jueulx,
ung haisairdeur, c’on ne pouoit chastoier. Et l’aultre pour ce que, en
desprisant le sainct sacrement de mariaige, il avoit par dérision
vendus sa femme. Par quoy, après ce fait, furent banis de la cité et
du pais.
Deux aultre menés aux gibel. — En ce meisme jour en furent menés
deux au gibet. Dont à l’ung, qui estoit josne filz, en l’eaige de XVIII ans,
fut perdonnés ; et le demanda une josne fille en mariaige (maix depuis
redevint cy malvais que je l’ay veu pandre et estrangler, plus de trois
ans après, au propre lieu). Et l’aultre, quant il vint hault, priait à
Justice qu’il n’eust pas les yeulx bandés ; et cuydait bouter le bouriaulx à l’avallée.
Une femme minse aux carquant. — Le mardi après, fut mise une
femme au charcant, et fut banie et forjugée à tousjour maix, pour ce

1512. — LES FRANÇAIS ÉVACUENT L’ITALIE

125

qu’el avoit soubtenus le lairsin, et donnoit favour à cellui josne gair
devant dit, qui oit graice a gibet.
Item, en celle année, me pertis de Mets avec plusieurs aultres mairchant pour aller à la foire au Landi à Paris. Et m’en retournait seullet
à Mets, sans trouver que bien par lez chemin. Dieu en soit louez et
bénit !

[guerres EN ITALIE ET EN FRANCE].

Plussieur menéez entre le pape, Vénitiens et François. — Maintenent
est temps que je retourne à parler du roy de France et de son armée,
et qui fut la cause principalle de leur retour en France. Il est vray,
comme cy devent ait estés dit, que, vivant encor pappe Julius, Maximillan, empereur, et Loys, roy de France, avoient grant alliance ensem­
ble, et heurent tousjours durant les devant dicte guerre. Laquelle chose
le devant dit pappe et Vénissiens queroient tousjour de rompre et
deffaire. Et tellement que, ung jour, envoiairent leur ambassaude devers
e dit ampereurs, requérant que son plaisir fût de donner passaige aux
Suisses pour se joindre avec eulx et venir à leur armée; et, en ce faisant,
le dit pappe et Véniciens luy donroient cenc mil escus. Laquelle chose
empereurs rescript au roy ; et fut dit que le roy, comme par regret,
respondit qu’il prînt argent hardiment, et qu’il sçavoit bien qu’il avoit
a faire, et les promesse qu’il avoient ensemble.
Or, durans que ces chose c’estoient ainssy ventillée *1 et demenée,
duroit. tousjours la guerre de loing temps acomensée entre le devant dit
ampereur et le duc de Gueldre. Lequelle duc avoit le roy, devent les
alliance faicte, fort soubtenus et aydez : car, sans luy et René, duc de
ar et de, Loraine, son biaulx frère, le dit duc de Gueldre n’eust sceu
ormr à l’apointement ; maix, par ycelle alliance, comme dit est, ne
devoit le roy plus donner nulz ayde ne favour au dit de Gueldre. Or
avmt que, durans que le devant dit pappe et Véniciens queroient voye
e maniers de rompre ycelle alliance et de avoir le dit ampereurs, avec le
roy d’Angleterre, de leur partie, comme dit est devant, fut trouvés et
rués jus ung messaigier françois que le roy, comme on disoit, envoioit
vers le dit de Gueldres. Par lequelle messaigier, et par les lettres qu’il
pourtoit, fut sceu biaucopt de leur secret : par quoy incontinant et
tantost après furent rompue les alliances faictes entre le dit Maximillian
et le roy.
Les Francoys quite les Halles a. ■— A l’ocasion de quoy les François
estant alors en Ytallye heurent tropt d’empesche, et ne furent assés

a. D'une main postérieure.
1. Ventiler, discuter, débattre.

126

1512. — DÉNOMBREMENT DU PEUPLE DE PARIS

puissant pour résister à sy grande multitude et puissance ; par quoy
force leur fut de en ce temps retourner en France, comme dit est devent.
Et reperdirent la plus part de tout ce qu’il avoie heu reconquis, sauf et
réservés les chaitiaulx : car il furent expulcé et bouter hors de Millan,
et aussy de la cité de Genne. Mais tousjours tenoient il yceulx chaiteaulx, qui sont plaice impernauhle, et qui alors estoient merveilleuse­
ment gairnis de gens, de vivres et d’artillerie. Et, en ce temps, estoient
les Florentins et aultres cités comme ceulx qui ne sçavoient duquel
coustez ne de laquelle pertie se tenir.
Mais, tousteffois, le roy avoit encor en cellui temps des siens et de son
alliance le roy de Navairre et le roy d’Escosse, lesquelles à sa requeste
avoient defïiez le roy d’Angleterre. Paireillement avoit le duc René de
Loraine, et plusieurs aultres grans princez et seigneurs. Et mist le roy
bonne provision en ces affaire. Et aussy luy estoit il bien de besoing .
car à cest heure tout le monde branloit, ne ne fut de loing temps devant
la crestientés cy triboullée comme à cest heure estoit ; et n’y ait païs
qui ne c’en santés.
Gourre des Turc en Espaigne a. — Par quoy les Turs et imfldelle
Moure, sçaichant ces chose, firent leur armées, et ont assaillis les Crestiens en plusieurs lieu. Et, premières, en dessandirent une grosse bande
en Espaigne, et pourtirent grant domaige au païs. Paireillement firent
en Course. Puis se sont mis en haulte mer, tenant la voye des isles
d’Irez, pour et affin de tenir la Province en subjection. Mais mieulx
Vaulcist au pappe, à l’empereurs, au roy de France et aux aultres
princes, avec la seigneurie vénissiennes, de avoir mendés leur armées
encontre d’iceulx païens, annemmins de nostre sainte Foy crestiennez,
que de ce tuer ainssy l’ung l’aultre : car je croy que, depuis l’acommencement d’icelle guerre d’Itallie, tant d’ung coustez que d aultres, en y
ait heu dez mors et tués plus de quaitre cenc mil. Dieu par sa graice
y mette paix ! Amen.
Trêves entre le roy françois, aragonnois et espaignolz. — Après ces
choses ainssy advenue en la manier comme cy devant ait estés dit, et
que le roy Loys, XIIe de ce nom, vit et congneut les choses ainssy aller,
mist provision en son fait. Et, par bon conseil et avis, trouva manier
que une trêves fut faictes et accordées pour certaines espace de temps
entre luy et Ferdinant, roy de Arragon, avec les Espaignotz. Et, ce fait,
il fit fortifïier ces villes et mettre ces gens en ordres.
Ordonnances du roy donnée à ceulx de Paris. — Et, principalement,
ait fait mettre en point tout le puple de Paris. Et, avec se, que de loing
temps ne fut fait, il fist nombrer le peuple d’icelle, josnes et vieulx ;
et ont estés trouvés dedans Paris et au bourgz d’icelle le nombre de
sept cenc mil hommes, comme il me fut dit et jurés par plusieurs gens
de biens et bons marchant d’icelle cité, et, jay ce que je ne le creïsse pas,

a. D'une main postérieure.

1512. — CHERTÉ DES VIVRES

127

cy me fut il maintenus. Et, ce fait et le peuple nombrés, l’on commendait à chacuns mestiers de estre en point, et le plus mistement1 armés
et acoustrés qu il leur serait possible. Et, avec ce, que chacun des dit
mestier heussent et feissent faire une piesse ou deux d’artillerie vou­
lantes, bonne et grosse, lesquelles seraient pour demourer et gairder la
ville, ou pour aller aux chans, ce besoing estoit. Et ainssy en fut fait.
Monstre faicte à Paris. — Et puis fut commandés aux merchans
et à tous les mestiers devant dit de faire leur monstres : c’est assavoir,
à chacune journée ung mestiers ; et puis, quant tout serait monstrés,’
l’on ferait une monstre généralle, comme il fut fait. Et, moy estant à
Paris, vis faire la monstre des chairpanthiers et masson, tous abillés
jalne et rouge, avec la crois blanche devant et derrier ; et furent de
josne hommes d iceulx mestiés, tout fricque compaignons, nombrés
de XVI à XVIIe hommes. Paireillement, au lundemains, je vis faire la
monstres des laboureus et vignerons ; et furent trouvés quaitre mil,
tous josne et de bonne sorte. Et tellement que, quant chacun oit fait
ces monstres, fut trouvés dedans Paris IIIIXX mil jentilz compaignons
adventuriers gens de piedz pour aller où le roy vouldroit, se besoing
estoit ; et ainssy me fut dit et sertiffiés, mé estant au lieu ; et en furent
les nouvelle pourtée en diverse lieu parmi le monde. Item, aussy fut dit
que le roy faisoit faire XVIe lance de noviaulx pour retourner dellà les
mons ; desquelle seroit cappitaine général monsseigneur de Bourbon.
Robert de la Mairche, avec sa gendairmerie, logiés on pais de Mets. —Paireillement en ce temps, le capitaine seigneur Robert de la Mairche,
qui estoit pour le roy, avec grans gens, ce vint lougier on païs de Mets.
Et, jay ce qu’il ce disoit amis à la cité et pancionnaire d’icelle, ce néantmoins il y fist des maulx tout plain et du dopmaige, espéciallement en
vivre , et en furent les pouVre gens interressé 2 et endomaigiés. Toutteffois il y fut par plusieurs jours, esquelle durant il assambloit et levoit
gens de tout coustés pour aller en la guerre. Mais on fist ung huchement
en Mets que nul ne fût sy hardis de y aller ne de c’en meller ; et, on cas
que aulcuns y allait et pernît ces gaiges pour servir, l’on le banissoit,
luy, sa femmes et ces anffans, de Mets et du païs à tousjour maix.
Chier temps de vivre. — L’acomencement de cest année et du prins
temps fut de très malvaise sorte, tant en bruyne et en tonnoire comme
en fouldre, en ouraige et en aultres percécucion qui avindrent sur les
bien de terre tout durant cellui esté : car le temps fut cy très mal dispousés et cy dangereux que les biens, bledz, foins, awaine, avec les
vignes et tout aultres chose, ne pouoient meurir ne venir à perfeccion.
Et olrent touttes chose à souffrir ; par quoy les petit vin de l’an Ve et X
furent mis à X deniers la quairte, et ceulx de l’an devant Ve et XI
furent mis à XII deniers, jai ce qu’il estoient fier comme aysil ou vin
aigre, et de très manre boison. Toutteffois, après ce que plusieurs bledz

1. Mistement, convenablement.
2. Intéresser quelqu’un, lui’faire du tort.

128

1512.

— SORCIÈRES ET SORCIERS RRULÉS

et foins furent estés fouldroiez et tempestés, et meismement les vignes,
en aulcuns lieu, le temps, aprez a la moison, ce mist au biaulx ; et fist cy
grant challeurs que plusieurs aultres chose olrent encor à souffrir par
tropt grant challeur et par orraige. Ce néantmoins, le peu de roisin qui
en aulcuns lieu avoit demouré a seppe furent fort bon ; mais il furent
chier à merveille: car, en la vandange, l’on les vendoit XVI et XVIII
frant la cowe.
Plussieurs sorcier ei sorcière bruslée. — Aussy, en cellui temps, l’on ne
perloit en Mets et on païs que de sorciés et sorciers. Entre lesquelles
en furent prinse deux sorciers, et ung sorciet, au villaige de Luppei, et
furent brûllés ; et dirent à la mort que leur prebstre en estoit tel comme
eulx (lequel, pour ces perrolle, c’en absanta du lieu). Pairellement en
furent d’aultrez, qui furent aussy brûllée en d’aultre villaiges, lesquelle
dirent et congneurent qu’elle aVoient aydés à faire celle grelle par
laquelle la fin de Luppei avoit estés froudroiées. Dieu par sa graice les
confonde ! Amen.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS EN FRANCE ET AU PAYS DE METZ].

Le ponl Noslre Dame à Paris achevys. — Item, en celle meisme année
fut du tout reffait et eschevis le pont Nostre Damme de Paris ; lequelle
avoit estés cheus et fondus en la ripvier de Senne en l’an mil
IIIIC IIIIXX et XIX, comme cy devent ait estés dit. Et est cest piesse
d’euVre la plus belle et la plus riche, pour ung pont, qui soit au monde,
comme je croy : car dessus ce pont sont faictes LXVIII maison, avec
chacune une bouticle, sy paireille et cy samblable, tant en grandeur
comme en lairgeur et en toutte fasson, qu’il n’y ait rien à dire. Et laisse
la cité ycelle maison à luaige à IX ans (et fault tourner sûrtés de la
tenir les dit IX ans) pour le pris et somme de XX escus d’or tous les
ans de luaige.
Aultre sorcières bruslée. — Item, aussy en celluy temps, comme j’ai
dit devent, furent encor escusée et prinse deux sorciers à la ville de
Rumelley. Desquelle l’une estoit pairante à la femme Jehan de Nusse,
pour lors prévôt de Raville.
Sorcierre escapée b. — Sy trouvay manier celle femme Jehan de Nusse
de faire eschapper les dictes deux sorciers. Et, avent que ce advint ne
qu’elle fussent eschappée, elle estant en prison, le seigneur François le
Gournaix, chevalier et eschevin du pallas de Mets, avoit heu fait gaigiés
sur monsseigneur le mareschaul de Lucembour et sur ces consors,
seigneur de la dite Raville, disant le dit seigneur François que à tort et

a. Ms. : aprez après.
b. D'une main postérieure.

1512.

— FAITS DIVERS AU PAYS DE METZ

129

sans cause avoit le dit mareschaul, comme woué de la ville de Remelley,
fait pranre ycelle femme et les menés à Raville, et que son ban en devoit
estre resaisis ; et por ce l’avoit le dit seigneur François fait gaigiez, et
prins de ces hommes et amenés à Mets. Lesquelle y furent loing temps
allant par la ville sur leur foy. Et en furent journée tenue, en fasson tel
que yceulx prisonnier furent laichiez et en levait le dit seigneur François
la mains. Et en estoit la paix faicte, ce ne fût estés pour les despans
d’iceulx prisonniers, que nulz des pertie ne Voulloit paier ; car le seigneur
mareschaul ne les voult reprandre ne recepvoir c’il ne les aVoit franc et
quicte. Et, pour ce que le dit seigneur François fut de ce faire reffusant,
le dit seigneur mareschaul fist tandre le jour de la feste à Chaussy sur
le chemin. Et furent prins deux josnes compaignon de Mets, de la
paroiche Sainct Eukaire, l’ung nommés Dediet de Chavillon, le drappier, et l’aultre Dairan. Et furent ces deux compaignons ycy par le
seigneur mareschaul longuement détenus en prison. Et en furent tenue
plusieurs journée.
ij prissonnier sorty de prisson a. — Et tellemant alla la chose que, ung
jour, les dit prisonniers trouvaient manier d’eschapper : car, avec une
corde, il ce availlairent de la tour en laquel il estoient ; et, de fait, ce
desrompirent tout le cuir dez mains (je le sçay, car je les vis), et furent
plus de trois moix qu’il ne c’en polrent aydier. Et passaient les foussés
par dessus la glaice, en grant dangier de leur vie ; puis retournirent à
Mets. Et croy, moy, que, c’il ne fussent eschappés, il en fût venus du
grant mal et du huttin entre lez pertie. Touttefïois apointement c’y
trouva, et en fut la paix faicte.
Une fille veull faire meurtre a. — En ce meisme temps avint en Mets
une adVenture en la rue d’Oultresaille, d’une josne fille : de laquelle en
eust esté faicte justice, se n’eust estés le bon falme que alors elle avoit,
et aussy à la prièrez de ces voisins et voisines. Celle josne fille avoit
une sienne mairaine de fon, qui demouroit en la meisme rue, laquelle
estoit putains et mal famée. Et, pour ce que la merre d’icelle josne fille
hantoit et frécantoit ycelle femme mal falmée, la dicte fille en avoit
despit ; et luy sambloit que son honneur en estoit raibaissé, et qu’elle
en estoit mesprisée. Et tellement que, pour ce fait, ycelle fille préposait
ung malvais cas. Car, une nuyt, saillit dehors de leur maison, que son
perre ne sa merre n’en sçavoient rien, et c’en aillait en l’hostel d’icelle
femme, sa mairaine, qui n’estoit pas mariée, disant que aulcuns leur
parans estoient Venus, par quoy son perre l’envoioit couchier avec elle.
De ces perrolle en fut celle femme joieuse ; et couchairent ensamble.
Mais, quant ce vint environ la minuit et que la femme fut endormie,
ycelle josne fille, avec ung sairpon qu’elle avoit apourté, luy cuidait
copper le flageol de la gorge ; et, de fait, luy fist une grande plaie.

a. D'une main postérieure.

130

1512. — LE BOULEVARD DE PORTE SERPENOISE ACHEVÉ

Mais quant la dite femme, sa maraine, santit le copt, subit ce esvaillait,
et ce print à braire, non sçaichant que luy fût advenus. Puis, quant elle
santit le sanc courir au loing de sa poitrine et par le lit, fut bien esbahiee.
Et incontinant ce levait et alumait de la chandelle, et ce print à sairchier
par la maison, criant au murtre. Et trouvait que ces huis estoient bien
fermés. Et alors, ce temps pandant qu’elle sairchoit par la maison,
ycelle josne fdle, sa fillolle, voyant qu’elle avoit faillis, subitement
mussa le sarpon au trains du lit*1 soubz le chevet ; et puis fist la dor­
ment. Et celle femme vint, avec la chandelle alumée, et l’esvaillay ;
puis luy conta comment aulcuns lairon luy avoient voullus coupper la
gorge. Et, après plusieurs perrolle, la fille, faindant qu’elle n’en
sceût riens, et la dicte femme se rendormirent. Jusques au matin,
que la fille ce levait, tout au point du jour, et c’en allait ce luer en la
place devant Saint Mamin pour aller à sa journée en la vigne ; et ne
fist samhlant de rien. Et la dicte femme, sa mairaine, quant elle fut
levée, c’en allait en la rue avec le sairpon en sa main, lequelle elle avoit
trouvés en faisant son lit. Et là assemblait les voisins et voisines, et leur
contait comment aulcuns lairons avoit heu antrés en sa chambre, lui
cuidant copper la gourge, et ne sçavoit par où il c’en estoit allés ; et leur
moustroit la plaie et le sairpon. Maix, ainssy comme elle disoit ces mot,
par copt d’aventure, le perre d’icelle fdle sortit de sa maison. Et, non
sçaichant que sa fille eust couchiez avec la dicte femme, comme dit est,
recogneut son sairpon ; et dit ainssy de quel lieu que le sairpon fut venus,
qu’il estoit sien, et ne sçavoit c’il lui avoit estez amblés ou non. Par
quoy, pour cest parolle, fut la fille suspect ; et fut le cas annoncés à
Justice. Laquelle, incontinent après ce qu’elle fut retournée des champs,
firent mettre la mains à elle. Et, son cas cognus, fut en grant dangier
d’estre noiéez : touttefïois, par le bon falme que alors elle avoit, et à la
prière et requestes des voisins et voisines, comme dit est devant, elle oit
grâce, et luy fut cestuy cas perdonnés. Mais, depuis qu’elle fut marié,
je 1 és veu en aultre estât, car a elle chaingeait tellement condicion
qu’elle fut et estoit réputtée pour laronesse et ribaulde ; et la tenoit
chacun qui la cognoissoit pour telle. De quoy grant huttin fut entre elle
et son marit.
Ung compaignon noyés par fortune. — En ce meisme temps, le jour
de la Penthecouste, ce noyait par fortune un guerson près d’Airei.
Lequelle, le jour du réal dimenche, fut trouvé à Mets en la ripvier, qui
venoit aval l’eauue.
Le billewairl de pourte Champenoize du tout achevys. — Item, en ce
meisme temps, fut du tout fait et eschevis le bollouart de la porte
Champenoise.
a. Philippe a corrigé cette phrase sur celle-ci : car [son marit la baitoit bien souvent,
et n’avoient jour en paix ny acort, pour tant qu’elle] estoit réputtée pour laronesse et
ribaulde.
1. Le train du lit (par comparaison avec le train d’une voiture :« partie qui porte le
corps de la voiture et à laquelle sont attachées les roues ») est l’ensemble du bois de lit.
La jeune fille cache le serpon, la serpette, sous la' paillasse, sur le bois.

1512,

AOUT. — UN TAUREAU ENRAGÉ PENDU PAR JUSTICE

131

Aussy, en ces meisme jours, la sourveille de la saint Jehan, fut prins
ung prebstre par deux sergens, et menés en l’hostel de la ville : la cause
fut por ce qu’il avoit démentis seigneur Nicolle Remiat, seigneur eaigiez
et de justice. Et y fut XXIIII heures ; touttefïois, à la requeste des
Ordinaires, fut mis à delivre, par ainssy qu’il devoit demander pardon
au dit seigneur Nicolle : maix il lui quicta son pardon.
La mort du sairchier de la Grant Église de Mets. — Item, en ce meisme
temps, c’est assavoir le XXVIIe jour de juillet, morut et desviait de ce
monde monsseigneur le sairchier de la Grant Église de Mets, ung véné­
rable personnaige, saige, dévolt, fort éclésiasticque, et qui amoit Dieu
et l’Église, ung grant aulmônier et ung biaulx personnaige entre mil,
et amés de touttes gens. Et avoit en ces josne jour estés procureur et
pencionnaire de la cité, lequel s’y avoit gouvernés très saigement.
Et oit ce bon seigneur ung merveilleux plains des povres et des riches.
Et fut dit qu’il estoit en partie mort du desplaisir qu’il avoit heu prins
pour l’amour d’icelluy malheureux prebstre de Luppy, duquel je vous ait
heu par cy devant perlés, qui fut print pour sorciet, et qui eschappa de
prison : car le dit seigneur l’avoit nouris josne guerson, et luy avoit
donnés la cure de la dicte Luppey, et estoit bien son amis, ne n’eust
jamaix estimés qu’il fût estés tel.
Ung compaignon noyés aux Salcys par fortune. — En ce meisme
moix, le dernier jour, ung josne clerc et jantil compaignon, qui alors
servoit Jehan Laiey l’ament, c’estoit allés baignier au Ray l’Évesque,
on Saulcy. Et, pour son plaisir, fîst plusieurs saul en celluy ray et en la
fosse ; mais, à la fin, y demoura et fut noiez.
Ung homme à Bollay cruellement exécutés par justices. — Item, en ce
meisme jour de juillet, fut escécutés ung homme à Boullay ; et en fut
faicte une cruelle justice, en la manier qu’il c’ensuit. Tout première­
ment, on luy coppait le membre d’em bas avec les génitoires ; et puis,
ce fait, lui fut fendus le ventre jusques à la forcelle, et, d’ung aultre
coustiaulx, luy fut coppée la forcelle ; et, ce fait, tout incontinent le
bouriaulx lui ovrit et eslairgit et de grant force, tellement que touttes les
trippes luy cheurent à terre. Et encor lui dist le pouvre malheureux
qu’il luy moustrait son cuer : lequel luy fut moustré. Et, de fait, le vit,
lui estant encor vif : car plusieurs lui ouyrent dire qu’il le veoit. Adoncquez le bouriau frappit dedens ce cuer d’ung Cousteau, et incontinent
morut. Et puis fut destranchiez en V pièces, c’est assavoir les quaitre
quairtier et la teste ; et furent mis en V lieu. Et la cause pourquoy fut
pour ce qu’il estoit traïstres et qu’il devoit trahir et délivrer la ville de
Boullay, et la mettre en la main d’ung des filz le seigneur Robert de la
Mairche, lequelle, corne on disoit, l’eust fouraigée et brûllée.
Plusieurs choses sont estés faicte en cest année, et plusieurs diverse
adventure advenue.
Ung thoreau enragés pendus par justices. — Entre lesquelle je vous
dirés encor comment en ce temps, le XXIXe jour du moix d’aoust, ung
touriaul devint enraigiés. Et fist plusieurs mal ; entre lesquel il corrust

132

1512.

— REPRÉSENTATIONS DRAMATIQUES A METZ

sur à ung homme devers le mollin à vant, en allant à Saincte Barbe, et,
là, le tuait. Par quoy à force de gens fut cellui torreau prins ; et, le
IXe jour de septembre, il fut pendus par santance de justice. Et le
pandit le boureau sur le meisme chemin de Saincte Bairbe.
Le feu en Chambiêre. — Et, en celle meisme semaine, se print le feu en
la maison d ung pescheur, en Chambiêre ; et y fist grant dopmaige.
Item, pour ce que celle année vint de diverse sorte et que plusieurs
vignez ne portirent point de fruit, comme dit est devant, je vis faire ce
que jamais n’avoie veu : car, en la sepmaine sainct Burthemeu, je vis
traire les parciaulx d’aulcune vignez, et, és meisme jours, la provignier.
Le jeu du roy Assuérus joués En Chambre; et ung aultre sus Saint
Hilaire.
Aussy en ce meisme temps, c’est assavoir le XIXe de sep­
tembre, fut juez en la place de Chambre, à Mets, l’istoire de la royne
Hester. Et fut ung très biaulx mistère, auquelle fut moustré comment le
roy Asuérus, luy tenant court pléniers, dégectait et banit la royne Vasty,
sa femme, pour son orguelle ; et puis comment il eslevait la dicte
Hester pour son humilité, et la print à femme. Et y avoit de biaux
secret . je le sçay a vrai, car j’en estoie. — Puis, a Xe jour d’octoubre
après, par ung dimenche, fut jués sus Sainct Hyllaire ung biaulx mistère
d’ung miracle Nostre Damme.
L édifices de la vainne on Salcis commencés, avec les mollins à cuwe. —■
Item, en celle meisme année fut faicte la vaine là où à présent y ait ung
pont (qui fut fait en l’en aprez Ve et XIII) : c’est assavoir la vaine avec
le pont par où 1 on vait on Saulcis à Mets ; et auquelle pont y ait à présent
des mollins. Et fut pour ce faire abatue la maison de l’armoiriés de la
cité , et fut refaicte ung aultre maison pour lui sur la ripvier, en l’endroit
du mollin, avant, en ung lieu innutille et là où par avent n’y avoit riens.
Et fut faicte d icelle maison, qui estait a bout de la rue au Roiche, une
rue, comme à présent elle est, pour venir du Saulcy par cellui pont droit
à la vielle porte qui est au debout de Chambre : car, de devent, l’on
passoit par ung pont de bois, à ung gect de pier plus bas. Et fist on
commendement à tous ceulx qui avoie maison en celle rue dez Roiche,
et encor en jusquez au petit Sainct Jehan en Chambre, que chacun
endroy soy fist faire des petit mur derrier et en l’encontre de sa maison
en la ripvier : et ainsy en fut faicte. Et la ville en fist faire en Rampol,
tout du loing de l’eaue.
Ung preslre, grant ingénieux et bon gardinier a. — Or, en celluy temps
et de loing temps devant, y avoit en Mets ung prebstre, nommés messire
François du Temple (lequelle ce nommoit ainssy pour ce qu’il demouroit
et ce tenoit au Temple auprès Saint Pier au Dammes),hommes subtille
et ingénieulx escort x, et par le conseil duquel se faisoient et estoient
acomencés et eschevis plusieurs noviaulx ouvraigez. Car, jai ce qu’il ne

a. D'une main postérieure.
1. Ingénieur escort, inventeur habile.

1512. — INVENTION DES MOULINS A CUVEAUX

133

fût pas grant clerc, il estoit grant géométricien, et d’ung subtil engiens
sur tous les hommes que l’on vit oncque en Mets, et en tous art, tant en
massonnerie comme en chairpanterie, en orrelouge et en caldrant, et en
plusieurs aultre invencion nouvelle. Et, par espécial, il estoit bon méde­
cins et bon serorgiens ; et venoient journellement à luy plusieurs per­
sonnes pour estre guéris de diverse malladie, et de toutte pars, tant de
Loraine, de Bar, comme d’Allemaigne. Et avoit ce bon seigneur grant
bruit pour sa subtillités ; et, de tout ce qu’il faisoit, n’en avoit jamaix
estés à maistre. L’on le venoit paireillement quérir de toutte part pour
deviser les ouvraige, meismement en la cour du prince tant à Bar comme
en Loraine. Et aussy pour anter et planter en gerdin et faire chose
novelle, on n’en trouvoit son paireille : comme bien le moustra au gerdin
du roy de Cecille à Bar, et aultre part. Et meis[me]ment on gerdin de sa
maison au Temple, à Mets, auquelle beussiés trouvés chose non pai­
reille : c’est assavoir saippe de vignes estres antés de tel sorte qu’il
portoient blan et rouge tout ensemble ; paireillement dez pruniez ou
serisiés porter dez rasins, aussy des prunier portent serise. Et paireille­
ment sçavoit l’art de anter dez rouse qui estoient toutte vert ; et, de
fait, le faisoit. Et tant d’aultre diversités faisoit cest homme que je
n’auroie jamaix faict h Par quoy les seigneurs maistre des ouvraiges de
la cité se gouvernoient en pertie par son conseil. Et fut principal deviseur et inventeur du devant dit pont du Salcey, avec la wenne et lez
vantai. Et principallement des mollins : car sur tous aultres il estoit
subtil en cest art ; et bien se moustra quant il fut premiers inventeur
des mollins à quve, c’on dit à celle occasion les mollin le prebslre ; car
yceulx mollin à cuviaulx, il les devisa et fist *2. Et, pour abrégiez, de tout
ce que cest homme ce voulloit meller, il estoit ouvrier.
La messe Nostre Dame premièrement fondée à Saint Mercelz. — Item,
ce fut en cest année que premier fut fondée la messe Nostre Damme en
l’esglise paroichialle de Saint Mercel oultre Muzelle ; laquelle en ce
temps fut arentée par les armonne de plusieurs bon personnaige, pour
chacun jour à tousjour maix chanter en ycelle église la dicte messe.
Aussy en ce meisme temps, ung cordonnier, jay homme d’eaige,
demourant à Mets, à Pourte Muzelle, nommés Gaspar (belz homme
estoit et révérand entre dix mil ; et estoit collevrenier de la ville), cellui
Gaspar oit grant question à ung compaignon sarurier, qui estoit ung
grant yvrongne, natif de Champaigne, nommés Guiot. Et tellement que
cellui Gaspar rencontra le dit Guiot de nuyt, et luy donna Y ou VI copt
de coustiaulx. Et, ce fait, c’en fuit a simetier de la paroiche Sainct
Illaire a pont Rémon. Et là fut gairdé par les sergent près d’ung demi
ans. Touttefïois le dit Guiot ne morut pas, et le dit Gaspar eschaippa.
Le commencement du procès entre seigneur Androuin Roucelz et sa
L:. 1- Que je n’aurais jamais fini de les énumérer.
2. Dans les Mémoires, éd. Michelant, p. 222, Philippe ajoute ee détail, sur les
moulins à cuve,i que la roue est comme en ung puis et tourne avec petite yawe ».

134

1512. — DIVORCÉ D’ANDROUIN ROUSSEL

femme sur le fait de leurs divorse. — Or vous Veult ycy pairler et aucune­

ment desclairer d’ung nouviaulx procès et d’ung plait merveilleus que
en ce temps ce esmeut en cas de mariaige entre seigneur Androuin
Roussé, fdz au seigneur Wairin Roussé, chevalier, d’une part, et dame
Perrette, fille au seigneur Pier Baudouche et niepce révérand perre en
Dieu monsseigneur de Liège et a seigneur Robert de la Mairche, d’aultre
part. Lesqueulx deux parsonnaiges, de loing temps conjoing ensemble
par le loyens de mariaige, estoient deux aucy beaulx personaige en
leur josnes eaige que l’on sceust regarder ne soubhaidier. Premier, le dit
seigneur estoit assés grant et de moienne estature, et bien lait de corps
et de jambe ; maix, au rest, il estoit biaulx de tout point : les yeulx
avoit riant et la fesse vermeille, les cheveulx blons et crespé ; et tous jour
rioit. Il estoit saige et bon clerc : car il avoit loing temps estudiez à
Paris ; et savoit juer de plusieurs instrument. Et, brief, il estoit tout
gracieulx et bon. Et au regair de la damme, se luy, duquel j’ay parlés,
estoit biaulx et bon, comme dit est, elle, n’en avoit pas moin : car en
toutte chose elle passoit plusieur femme, et estoit ung chief d’euvre et
l’une des belle personne, haulte, droitte et eslevée, que l’on sceût
trouver entre mil. Premier, elle avoit biaulx crins, biaulx rains, bouche
espessette et vermeille, hault fron, ung peu grosse gorgette, qui bien lui
advenoit, belle poitrine, la parolle doulce. Et, avec ce, estoit de belle
manier et gracieuse de toutte piesse. Et savoit ouvrer en soie et en
plusieurs ouvraige. Ces deux noble gens ainssy conjoing ensamble par le
loien a de mariaige, comme dit est devant, furent par l’espaisse de sept
ans et encor plus sen ce estouchier l’ung l’aultre ne acomplir l’euvre de
mariaige, comme on disoit, ne que le dit seigneur Androuin, quelquez
voullunté qu’il eust, en polt jamaix avoir la puissance *1, jay ce qu’il ce
disoit estre vray homme : et, de fait, l’on disoit qu’il luy fut bailliez ung
anffans bastart, lequelle il engenrait en une josne fille, comme elle disoit.
Maix, nyantmoins, il ne polt jamaix avoir la compaignie de sa femme.
Pour laquelle chose, ung jours que aulcuns petit desbat se estoit esmeus
entre eulx deux, la dicte damme, possible par le conseille d’aulcuns, s’en
fuyt hors de la maison du dit seigneur Androuin. Et c’en allait chiés
monsseigneur Nicole de Heu, seigneur d’Anerey ; et là ce thint par plu­
sieurs jours. De quoy se esmeust entre les parans des partie ung grant
plait et ung procès qui cousta mainte denier : c’est assavoir entre le dit
seigneur Androuin, d’une part, et les frères et parans de la dicte damme,
d’aultre part. Et c’en firent citer l’ung l’aultre ; et en plaidoièrent loing
temps à la court de Mets, là où plusieurs tesmoing furent esxaminés et
produit d’ung cousté et d’aultre. Et, après grans procès et despans,
que je lesse, et qui durait loing temps, la pertie qui se santit foullée
reappellait à Triève. Et y fut plusieurs fois maistre Françoy Colligney
comme procureur de la damme ; et meismement en fut en Liège dever

a. Ms. : loiez.
1. Il n’en put jamais avoir la puissance,

1512,

SEPTEMBRE. — MARCHANDS DE METZ DÉTROUSSÉS

135

l’évesquez, l’oncle d’elle. Et, après ce qu’il olrent loingtemps demené la
cause à Triève à grans frais et à grant couste, le partie condempnée
reappellait à Romme. Et tellement que, loing temps après, le dit sei­
gneur Androuin y alla en personne, bien acompaigniez ; et se partit
de Mets en ce karesme, l’an Ve et XII. Et ce tbint là, à Romme, en l’hostel d’ung cardinal, par moult loing temps. Et incontinant à la Pacque
aprez, 1 an V°-et XIII, s en allait à Romme pour cestui fait monsseigneur
le prothonoctaire, frère à la dicte damme ; lequel, en ce temps, estoit
l’ung des biaulx puissant jantilz homme qu’il estoit possible d’estre,
ne en tout le païs n’avoit alors son perreille. Et retournait à Mets a
moix d’aoust après. Puis y fut envoiez le dit maistre Françoy Colligney, procureur pour la damme ; et ce pertit de Mets, acompaigniez de
maistre Pier et de maistre Géraird, ung peu devant la Nativité Nostre
Damme en septambre. Dieu, par sa graice, vueulle mestre paix entre les
pertie ! Car plusieurs gens estoient desplaisans de leur desbat. Et
voulloit on dire que le dit seigneur Androuin estoit enchairiés b
Maix de luy et d’elle n’en dirés plus pour le présant, jusques une aultre
fois, que temps seray d’en pairler : car le procès durait biaucopt avent
que la fin en fût. Dieu doinct bonne vie à ces deux noble personnaige,
et graice de ce concorder ensamble !
Les merchamps de Mets destrossés. — Item, en la meisme année
Ve et XII, environ le XXe jour du moix de septembre, furent assaillis
et rués jus les chairtiers, chair et chevaulx, avec les merchandies de
Mets que yceulx charton ramenoient de la foire à Francquefort pour les
merchant d’icelle cité. Et fut ce fait par aulcuns malvais guerson apertenant à ung jantil homme allemens, nommés Phelippe Sceulter, parans
et alliés à ung cappitaine nommés Franciscus, qui depuis, pour ce
meisme fait, mist son sciège devant la cité de Mets. Et coûtta mainte
denier, comme cy après serait dit quant temps serait. Et estoit celle
guerre de loing temps devant esmeutte à la requeste d’ung citains de
Mets nommés Pier Burtal, duquel je vous ait desjay par cy devent heu
parlés, qui demendoit à avoir droy à ung mollin emprès Vaillier. Et
furent en ces jours par yceulx malvaix guerson espiés et assaillis ; et,
avec ce, desloiez et descouppés tous lez fardiaulx, desrompirent les
pacquet et enfondurent les tonniaulx, et prinrent billon 12, espicerie 3,
futenne, et tout ce de bon et le plus portatif qu’il trouvirent ; et chairgirent tout et emmenairent avec aulcuns charton prisonnier. Et laissirent là le desmourans respandus en la place aval lez champs, comme
cyre, sairge, chandelliers de cuyvre et aircquez d’acier, qui estoient
chose pesante et mal portatif ; par quoy il les laissirent en la place.
Et furent ycelle merchandise rassamblée et refairdellée par aulcuns
1. Encharrier semble signifier ici : « nouer l’aiguillette ».
2. Ce mot signifie sans doute ici : « argent monnayé ». Il désignait primitivement
des lingots, en particulier des lingots de métaux précieux.
3. Les épices et les denrées exotiques.

436

4542. — BLASPHÉMATEUR PUNI PAR MIRACLE

chairtons qui c’estoient saulvés, avec l’ayde du duc Alberch, qui ad ce
les favorisa et ayda ; et furent par yceulx charton ramenée à Mets.
Entre lesquelles en y avoit ung à qui les annemis, de leur plains grey,
donnairent congiez, et lui randirent chair et chevaulx, en condicion telz
qu’il leur jura et promit de apourter leur defïîance en la cité, comme il
fist. Et y olrent à celle fois les mairchant de Mets grant interrest 1 et
dopmaige, sans jamaix en avoir récompance : par quoy on peult dire
que Merchant resgne soubz Fortune; aussy : Nest pas l’hommes en ce
monde pour tousjour gaingnier; et : C’il ne pert en une fasson, qu’il ne
perde en l’aullre.
Je dis cecy pour moy, l’escripvains et composeur de ces présantes
cronicques, qui, en ce temps, me avindrent plusieurs perte et dopmaige,
tant à l’occasion d’ung procès à tort et sans cause esmeus en l’encontre
de moy et mes consors par ung de Sciey, nommés Thierei Roucel,
comme d’ung XXX sols, et encor d’ung XXXI sols, tout de cens
forcellés 2, qu’i fut trouvés que ma maison devoit (et que à présant est
rachetés), comme aussy de bestez mortes, de debte perduees, et de plu­
sieurs aultres perdre et dobmaige que en cest année et és précédente
me advindrent. Dieu en soit loués de tout, et nous vueulle gairder de
pis !
Ung homme avoir le colz rompus par sa malle fortune. — Item, en celle
meisme année, avindrent encor plusieurs aultre besoingne et diverse
adventure. Entre lesquelle, on moix d’octobre, ung pouvre homme qui
pourtoit vendre l’estrain parmy la cité, ne n’avoit aultre mestiés, par
quoy l’on le appelloit comunement Blan Trains, cellui, ung jour, ce
trouva au cabaret chiez ung demourant derrier Sainct Gergonne,
nommé YOsle c’il Dure. Et là ce mist à juer a cairte en l’encontre d’ung
aultres ; car de juer estoit grant costumier. Et, en juant qu’il faisoient,
ce esmeut courous entre eulx, comme bien souvant il avient. Et telle­
ment monta le huttin que celluy Blan Train, en sa fureur, jura Dieu et
ces sainct que jamaix plus à luy ne jueroit a cartes ne à aultre jeux ;
et, encor plus fort, dit qu’il ce donnoit au dyable, et que le diable luy
turdist le col se jamaix plus avec luy juoit. Et quant il oit ce dit par
plusieurs fois, et qu’il ce olrent assés démenés et huttinés l’ung encontre
l’aultre, firent paix et acort ensemble, et fut tout leur huttin appaisantés.
Et dès incontinant racomensairent à juer de plus biaulx ; et sambloit
que jamaix n’en deussent pertir. Mais, pour Dieu, entendés le miraicle
que alors évidentement ce moustra : car celluy Blan Train, qui ainsy
avoit jurés et requis le dyable de son ayde, comme ce on luy eust donné
d’une massue par dessus la teste, cheut à terre ; et, en cheant, se print
à braire et à crier, disant à haulte vois : « Ha ! le diable m’enporte !
le diable m’enporte ! » Et, en disant ces mot, perdit la moitiet de luy,
et oit la teste tornée ce que devant derrier ; et, en tenant diverse gri-

1. Intérêt, perte, préjudice.
2. Forceler, dissimuler. Le vendeur n’avait pas déclaré les redevances de la maison.

1512. — LE MUR DE LA PLACE SAINT HILAIRE COMMENCÉ

137

maiche, demorait en cest estât, tellement que l’on cuidoit qu’il fût mort ;
ne jamaix ne polt plus parfaitement perler a.
L’édifice du groz mur sus Saint Hilai[re] commencés. — Item, on
meisme moix d’octobre, fut acommenciet le fondement du groz mur qui
est devant l’abaye de Sainct Simphoriens et qui subtient la terre de la
plaiee c’on dit sur Saint Illaire, de la pertie dever Anglemur. Et fut ce
mur fait afïin de ragrandir la dicte plaice, lequelle par avent ne venoit
que jusques a ormes. Et y avoit en ce lieu, en ung pandant, une vigne
apartenant a seigneur Nicolle Remiat, avec dez desgrez, qui autrefois
avoie servis à la paroiche de Saint Hillaire avant que l’abaye y fût.
Demende de l’empereur à plussieur ville d’empire. — Maintenent vous
veult dire et conter ung cas de nouvelletés et de grant admiracion que en
ce temps advint. Le cas fut tel que nostre sire l’empereur, par conseil
délibérés, demandoit par toutte son ampire une grosse taille et ayde ;
et, pour l’avoir et recepvoir, en avoit estés rescript par touttes les cité
et bonne ville du Sainct Ampire. Et tellement que, le XXVIIIe jour du
moix d’octoubre, aulcuns des seigneurs et recteurs de la cité de Mets
ad ce faire commis mandairent en la chambre des Sept de la guerre
tous les eschevins des paroiche de la cité ; et, eulx venus, leur fut dit
et ordonnés qu’il fissent faire commendement, chacun endroy soy en sa
paroiche, que ung chacun paroichiens se voulussent trouver le dimenche
ensuiant, après la grant messe, devant leur église. Et, le jour venus, les
dit eschevins, on non de Justice, comme dit est, ordonnairent à yceulx
paroichiens de nommer et eslire quaitre hommes en chacune paroiche,
des plus soufîisant et entendus, pour ce joindre et estre avec lez quaitre
eschevins et pour aller avec eulx en justice oyr ce qu’il leur vouldroie
dire et commender. Et ainssy en fut fait ; et fut de chacune paroiche
elleus quaitre homme, avec les quaitre eschevins. Lesquelles, à tous
ensamble, leur fut dit et ordonnés de ce trouver le jeudi aprez la Toussaincts, qui fut alors le quaitriesme jour du moix de novambre, on Hault
Pallas. Et, le jour venus et que tous furent assemblés, leur fut dit et
relatés par la bouche du seigneur Andrieu de Rineck, chevalier, on non
de tous le Conseil de la cité, comment l’emperreurs nostre sire avoit jay
dès loing temps devent envoiei ces messaigier et héraul par touttes les
cités impérialles et par tout son empire, priant et requérant que on luy
voulcît faire une ayde d’airgent. Et fut encor dit et relatés comment le
dit ampereur avoit aperavent heu fait plusieurs demandes, lesquelles
estoient hors de raison et indiscrète. Et qu’il avoit heu demendés cest
ayde pour VIII ans durans. Par quoy les dit commis et tout le Conseil,
comme il fut dit par la bouche du dit seigneur Andrieu, avoient heu
envoiés leur messaigier par les aultres cités de l’empire, comme Strasbourgz, Collongne, Wourme et aultres, pour sçavoir et enquérir comment
il feroient et comme il ce y conduiroient. Et trouvaient que de cest
a. Philippe a corrigé à une date postérieure sur cette phrase primitive : ... demorait en
cest estât jusques à tant qu’il fut mort, sans jamaix plus boire ne mengier ne perler.

138

1512. — L’EMPEREUR DEMANDE UNE « AIDE »

affaire touttez estoient reffusant. Par quoy il avoit estés remonstrés
au dit ampereur par les princes et électeur de. l’empire, tellement que,
pour les dit VIII ans qu’il avoit auperdevant demender, il estoit à cest
heure remis à ung ans, sem plus. Et l’avoient les aultrez cité ainssy
acourdés et otroyés. Et, pour ce, les dit comis dirent et remontrairent,
par la bouche du dit seigneur Andrieu de Rineck, chevalier, au dit
VIII hommes ainssy prins de chacune paroiche, qu’il voulcissent remonstrer chacun en son endroit et en sa paroiche la voullunté de Justice, et
qu’il n’y avoit que bien de paier pour une fois, comme dit est. Et leur
dirent avec ce beaucopt d’aultre besoingne, en remonstrant au peuple
qu’il ne pouoient rien cen l’empereur, et que, de la cité, ce n’estoit riens
sans son ayde : car pour la doutte de luy plusieurs princes ou aultre
annemis y laissoient à mener la guerre. Et plusieurs aultres langaiges
leur dit encor le dit seigneur, les induisant et amonestant à paier cest
ayde pour une fois. Puis, aprez ce dit, leur desclairait la manier et
comment le devent dit empereur nostre sire entendoit de lever cest
ayde, et comme les aultres cités lui avoient acordés. Et, premier, dirent
qu’il entendoit que tout homme qui avoit Vaillant L florin d’or, ou
moin, devoit paier le thier d’ung solz ; et, c’il avoit anffans en son
gouvernement, il ne paioit rien pour yceulx anffans. Item, tous ceulx
qui ont vaillant depuis L florins jusquez à cenc, dévoient paier les deux
par d’ung sol, et chacun anffans qu’il ayroie à leur gouvernement,
eaigiez de XII ans ou plus, paieroie le thier d’ung solz. Item, tous ceulx
qui ont vaillant depuis cenc florin jusques à quaitre cenc florins, paie­
ront ung solz, et, pour chacun de leur anffans eaigiés de XII ans et plus,
le thier d’ung solz. Item, touttes parsonne non mariée, serviteur et
aultres, estant en libertés, soient spirituel ou temporel, et aussy gens
mariés non ayant anffans, paieront chacun ung solz. Item, tous ceulx
qui averont plus de quaitre cenc florin jusques à mil florins paieront
deux solz ; et, c’il avoient des anffans, comme dessus, chacun les deux
part d’ung solz ; et ceulx ainssy riche qui ne seraient point mariés
paieraient aucy deux solz. Item, ceulx qui averoient mil florin vaillant et
jusque a XVe paieroie quaitre solz, et, pour chacun de leur anffans du
dit eaige de XII ans ou plus non ayant propre, chacun ung solz ; mais,
c’il avoient propre, il paieraient comme dessus est dit et à l’estime de
leur biens. Item, ceulx qui ont vaillant de XVe jusques à deux mil
florin doient paier le quairt d’ung florin, et, pour chacun anffans eaigiez
comme dessus, deux solz. Item, ceulx qui ont la vallue et sont riche de­
puis deux mil jusques à quaitre mil florin paieront demi florin, et, de
chacun anffans non essignés en mariaige, trois solz. Item, cellui qui ait
quaitre mil florin et plus, jusques à X mil, paieront ung florin, et, pour
chacun anffans non assignés en mariaige et en eaige de XII ans, ung demi
quairt de florin. Item, cellui ayant la Vallue de X mil jusques à XX mil
florin paieront ung florin et demi, et chacun de ces anffans, josne ou
vieulx, ung quart de florin. Item, tous ceulx qui averont XX mil vail­
lant, ou XXX ou XL mil ou plus, doient paier trois florin, et, pour
chacun anffans non mariés, josne ou vieulx, demi florin.

1512. — RÉPONSE DES HABITANTS DE METZ

139

Et puis, ce dit, mit le dit seigneur Andrieu fin à ces parrolles. Et alors
s’en retournairent arrier les dit eschevins, avec les aultres quaitre
homme qui prins estoient de chacune paroiche, pour des choses devant
dictes en faire la relacion à tout le peuple de la cité, chacun endroy soy,
et pour leur en demender leur opinion et qu’il leur en sembloit.
Et, ce temps pandant qu’il en besoingnoient, furent mandés devent
les dit commis tous prebstres séculliers, chainoigne et aultre religieulx
et religieuses qui sont fondés et arantés et qui ont cens et revenues ;
auquelles fut dit et espousés comme aux aultrez séculliers, et en la forme
et maniers comme cy devant avés oy. Puis se sont retirés, et ont heu
leur conseille et advis sur ce. Et, pour abrégiés, l’ung d’yceulx respondit
pour tous, et dit en la présence de messeigneurs les commis que les dit
seigneurs d’Esglise, tant séculliers comme aultres, n’estoient point
délibérés d’en rien paier, et que celle requeste estoit une chose que faire
ne pouoyent ne ne dévoient. Et ainssy demoura la besoingne.
Et, en ce meisme jour, retournairent devers messeigneurs les commis
en la chambre des Sept les quaitre eschevins de chacune pairoiche, avec
les quaitre eslus du peuple. Et firent leur relacion, de diverse sorte et de
diverse opinion. Car aulcuns, comme de Saincte Crois, Sainct Jaicque,
Sainct Vit, Sainct Mamin, dirent et conclurent plusieurs bonne re­
monstrance; maix, à la fin, dirent qu’il c’en fioient bien ad ce que leur
seigneur en feroient, et qu’il espéroie bien qu’il ne feroient chose qui leur
fût à deshonneur ne préjudicialle, et que, ce du tamps passés il avoient
bien gouvernés et régentés, que encor feroie il mieulx à l’avenir. Toutteffois, jay ce que yceulx respondirent comme avés ouy, la plus part dez
aultres furent d’une aultre oppinion : ne sçay c’il firent bien ou non,
mais il respondirent et causy tout d’une vois dirent que, après ce qu’il
avoient chacun endroy soy bien remonstrés au peuples la voulluntés
de messeigneurs de Justice, furent la plus part et causy tous de ce
reffussant, et de n’en rien paier. Et leur desplaisoit fort que le dit empe­
reur voulloit ainssy sçavoir leur puissance et richesse, et les voulloit
contraindre d’en faire sairment : qui estoit une chose que ces prédicesseur n’avoient jamaix fait et qui estoit contre les libertés et franchise
de la cité, laquelle les anciens ampereurs avoient donnés. Et furent de
cest oppinion ceulx de Saint Suplice, Saint Mertin et plusieurs aultrez.
Item, aulcune aultres paroiche furent qui n’eurent point d’acort d’en
rien respondre ne d’en rien paier.
Toutteffois, il furent arrier mendés pour le dimenche après ; et res­
pondirent les aulcuns et la plus part qu’il c’en tenoient du tout à ce que
lez seigneur commis en feroient, disant que leur prédicesseur avoient
bien gouvernés du temps passés, par quoy il prétendoient que ceulx de
présant gouverneroient aussy bien, ou encor mieulx, espérant qu’il ne
feroie chose qui fût au préjudice ne au deshonneurs de la cité ne dez
habitans. Et par ainssy leur fut du tout donnée la chairge de cestui fait.
Mais, toutteffois, pour ce que entre eulx furent trouvés de diverse
oppinion, les dit seigneurs commis leur dirent et ordonnairent que
chacune pairoiche donnait par escript en une cédulle leur oppinion et ce

140

1512.

— DIFFÉREND POUR L’ABBAYE DE SAINT ARNOULD

qu’il avoyent conclus, et que chacune cédulle fût signiées de la main
de l’ung des dit eschevin, et perreillement de l’ung dez IIII homme qui
estoient prins. Et ainssy en fut fait ; et furent ycelle cédulle signéez et
apourtée. Entre lesquelle en y avoit aulcuneoùil y avoit escript qu’il leur
sembloit que, jay soit ce que la demande devent dicte soit de petitte
estime quant à la somme de l’airgent, mais néantmoins la conséquance
qui s’en polroit ensuire seroit malvaise pour l’advenir, entendus qu’il
leur semble que se seroit une subjection pour les habitans de la cité, ad
quoy il prioient au devent dis commis de sur ce avoir le regairt. Secondemains, firent remonstrer que, de touttes ancienneté, leur prédicesseurs, qui ont heu le gouvernement et l’aministracion de la chose
publicque de la cité, et pareillement eulx qui de présant l’ont, les ont
tousjours entretenus sans estres tailliés ne paier aulcuns tribus ne ayde
à nulz princes ne seigneurs, sinon pour la gairde et deffence de la cité
et pour gairder et entretenir les franchise d’icelle, laquelle franchise et
liberté, par leur escript, prioient au devant dit seigneurs qui commis
estoient pour la cité en cest affaire qu’il la vueullent gairder et deffandre
à leur loyalz pouoir, comme tousjours il avoient fait du passés jusques à
présant. Et, en ce faisant, il présentoient et offroient de exposer leur
corps et leur bien avec eulx, pour aydier à gairder ycelle franchise pour
la cité et pour tous les habitans. Touteffois, pour conclure au chose
devent dictes et pour la fin, disent yceulx manant et subject que,
touttes chose considérées, et pour éviter le ban et l’indignacion du dit
seigneur empereur, et aussy les dompmaige et inconvéniant qui en
polroient advenir à la cité et aux habitans, il en remette du tout la
chose en leur bonne discrécion, comme vrays et loyaulx obéissant, eulx
confiant en leur preudence et noblesse, et croyant qu’il n’en feront chose
que ne soit à honneur de la cité, de eulx meismes et de tous les habitans
d’icelle.
Et vellà la responce donnée par escript sur les demande devant dictes.
Laquelle chose fut remise en conseille ; et ce y gouvernairent yceulx
seigneurs sy prudentement que jamaix depuis n’en fut ouy nouvelle.
Différent pour l’abahie de Sainct Arnoult. — En ce meisme temps,
y avoit ung grant desbat à l’ocasion de l’abaye de Sainct Arnoult
scituéez devant les porte de la cité de Mets, pour ce que, peu devant,
c’est assavoir le XVIe jour du devant dit moix d’octobre, c’estoit
laissier morir révérand perre en Dieu seigneur Burthelemin de Lecey,
à son vivant abbé d’icellui lieu. Lequelle, peu devant sa mort, avoit
heu résinés et se desmis d’icelle abaye Sainct Arnoul en la main de
révérand perre en Dieu Jehan de Loraines, alors elleus évesque de Mets,
comme dit est devant ; mais la confirmacion de celle résinacion n’estoit
encor pas passée ne confermée en court de Romme. Par quoy, voyant ce,
les religieulx d’icelle abbaye thindrent chapitre, et, cellon leur coustume
et anciens previllaige, esleurent entre eulx ung abbé. Et, ce fait, envoiairent à Romme ; et mirent grant gairde au dit Sainct Arnoult. Et, ce
néanmoins, le dit évesque voulloit joyr d’ycellui bénéfice : de quoy en

1512.

— UN ESCROC EN METZ

141

desplaisoit à plusieurs seigneurs, tant spirituel comme temporel, et pour
raison. Et meismement en desplaisoit fort au religieulx d’icelle abbaye
de ce qu’il mectoit ampeschement à leur élection. Et, pour ces choses
et plusieurs aultres, couchoient toutte les nuyt plusieurs arbolletriers et
collevreniers de la cité dessus la muraille de la cloéson du dit Sainct
Arnoul, avec aussy aulcuns bon hommes des villaige subject à ycelle
abbaye. Et furent loing temps en celle doubte ; durans lequelle yceulx
Lorains cuydairent faire plusieurs traficque et fault tour pour pranre
pocession d’icelle église et pour joyr de leur voullanté. Touttefois, à la
fin, en fut l’acort fait ; et demourairent les moine à leur élection, permi
une annuelle pancion que celluy elleus devoit chacun ans paier au dit
évesque de Mets, et que, aprez sa mort, l’évesque demouroit passible
abbé.
Item, peu de temps après, c’est assavoir on moy de décembre, le
IIe jour, par ung dimenche au mattin, fut trouvés ung anffans au
simetier de Sainct Victeur en Chambre, lequelle y avoit estés mis la nuyt
devant. Et n’estoit pas plus groz c’ung hairan.
Cautelle d’ung bribeux pourchassant ses asmosne. — Paireillement en
ce meisme temps, vint à Mets ung homme françois, assez révérand
personnaige, lequelle se porchaissoit par les église, et, avec une faulce
burle qu’il avoit, se faisoit recomender au moustier. Et contenoient
ycelle burle comment, luy estant merchant, avoit estés prins a bois de
Montagus et détenus par aulcuns lairons malvais guerson, lesqueulx luy
avoient ostés trois mullet chairgiés de marchandie ; puis l’ont heu yceulx
lairon loyés à ung arbres, et luy coppairent la langue ; et que, ainssy
loyez, l’avoie laissiez au bois, cuydant qu’il deust morir ; mais luy,
estant en celle détresse, se retournait de cuer et de couraige à la glorieuse
vierge Marie, avocateresse des povre pécheurs, luy supliant de cuer
contrict et en dévocion qu’elle intercédait graice envers son filz Jhésus,
qu’il le Voulcît aydier et délivrer de ce dangier ; et, en ce disant, promit
a faire aulcuns voyaige à la glorieuse damme. Et, dès incontinant le veu
fait, se rompirent les cordes desquelle il estoit loyés comme c’elle fussent
estés coppées à ung raiseur ; mais, avant que ce avenît, il avoit estés
trois jour et trois nuit ainssy loyés au boix, sans boire, mengier ne
repouser, comme sa faulce lestre le contenoit. Item, contenoit encor la
dicte lettre que, en luy donnant aulcuns biens, on gaignoit de grant
pardons. Et, en porchaissant que ce lairon faisoit permi les église, il
contrefaisoit avoir la langue coppée sy cautement et par cy subtille
manier que l’on cuydoit véritablement qu’il fût ainsy, et qu’il ne peûlt
perler. Et tellement se soit bien pourchassier et briber qu’il amporta de
Mets de l’airgent à fine force. Et vivoit ce gaillant ycy en décepvant le
peuple de menterie et de laircin.Mais toutteffois, tantost après, fut son
cas congneus. Car, quant il vint en ung villaige essés près de Nensey,
h oit discort à ung sien compaignon, qui c’estoit ajoincg avec lui pour le
conduire ; et là, en despertant leur argent, se vouldre baitre ; et telle­
ment qu’il furent prins tous deux et menés à Nencey. Et, leur cas
congneus, furent batus tous nuedz de verge permi la ville par le bou-

142

1512.

— DISPOSITION DU TEMPS

riaulx. Mais l’on leur fist encor trop de graice : car, qui eust fait à point,
il en eussent heu les langues coppée, afïin que d’aultre y princent
exemple.
Item, la semaigne après fut trouvée en une rue à Mets, appellé le
Waydebouton, une femme, qui alors demouroit seullette en une maison,
toutte morte en son lit. Et puoit treffort : car il y avoit desjay quaitre
jour qu’elle y estoit ; et n’en eust on encor rien sceu, sinon ad cause de la
puanteur qui en procédoit.
Disposition du temps. — L’yver de cest année, de son acommencement, fut fort pluvyeulx, hort et fangeux : car il fist ung merveilleux
temps de pluye jusqu es à la Chandelleur, sans neige et sans gellée. Et
tellement pleut que les chemin estoient cy desrompus et pourris qu’il
n’y avoit homme qui peûlt aller ne venir, ne ouvrer au champs. Et fist
tout cest yver, jusques au jour dit, aussy doulx temps que s’c eût estez
au cuer d’esté : par quoy toutte chose cressoient et se boutoient dehors,
et veoit on és gerdin lez romarin florei, et n’y avoit serisiés, pruniet,
amendelliet, ne tous aultres tanre fruit, que ne se voulcissent boutter
dehors. Et durait ce temps ainssy doulcet jusquez au devent dit jour
Chandelleur. Puis, à ce jour, ce refroidait le temps ; et fist ung peu de
gellée ; laquelle, dez ce jour en avant jusques a IXe de febvriés, premier
jour de karesme, se ramforsait tousjour de plus en plus. Et, après, se
mist le temps à la neige ; et négeait cy treffort qu’il n’y avoit personne
qui peûlt aller par les champs ; et, avec ce, faisoit une treffort et aypre
gellée ; et furent prinse les estans et les ripvier. Et vint ce temps bien
à point pour faire coulde les terre, qui estoient merveilleusement
pesante et fort batue de pluye.
Or, escouttés une adventure que à ce premier jour de karesme avint
en Mets. A cellui jour, pour ce qu’il avoit tent négiés, comme dit est
devent, une femme, jay assés anciennes, et servente à messire Pier, de
la princerie, voyant leur maison fort chairgée de la dicte neige, montait
au plus hault de leur maison, dessus leur teys, pour abaitre ycelle neige,
dy avint d’aventure que en la rue em bais y avoit aulcuns Allemans qui
par jeux se gectoient de la neige et se fautroilloient1 dedans. Et elle,
oyant le bruit, ce avensait tellement pour lez resgairder et ce bouttait
cy avent que le piedz luy faillit, et cheut dès dessus cellui hault teys
sur le teis d’une gaillerie, qui estoit plus bais, et dès dessus celluy s’en
vint à l’avallée, et cheut sus ces piedz enmey la rue. Et de cez abis
amenait toutte la neige qui estoit sur le teys de la dicte gallerie em bais ,
et en y avoit cy grant foison que à paine la veoit on dedans. Et fut mer­
veille et grant adventure qu’elle ne fut tuée toutte roide : car elle cheut
de plus de XXX piedz de hault ; et ce rompit et deffroissait tous les
piedz, ne jamaix ne polt plus aller droitte, maix, a rest, ne ce fist point
de mal.
1. Du verbe jautrouiller, a. fr. fastroillier, patois fautreyeu (Zéliqzon, Dictionnaire
des patois romans de la Moselle), qui sejnble signifier ici << s apiuser, se chapiailler

1542. —• MUTINERIES A COLOGNE

L’édifices de la pelitte maison
messire François le Gournaix,
hault de Desirmont, auprès de
à présant ; et fist fort répairer

143

sus Desirmont. — Item, en celluy temps
chevalier, fist faire la maisonnette on
la Belle Croix, là où ce thient l’airmitte
le lieu.

[mutineries et rébellions en plusieurs villes].

Moût de grant besoingne se firent et moult de diverse adventure
avindrent en diverse lieu permi le monde en cest année présente.
Plussieurs mutineries] de bourgeois contre leurs supérieur. — Entre
lesquelle vous Veult' ycy dire et conter diverse mutinerie et rébellion,
et comment le peuple et la commune se eslevait en aulcuns lieu en
l’encontre de leur seigneurs. Et, premier, vous serait ycy dit et narrés
comment, en cest présente année, le jour dez Innocent, la commune de
Northensen, en Allemaigne, en la duché de Rigmen, se eslevait et
mutinairent contre les seigneurs et gouverneurs d’icelle ville. Et tellemant que, en pertent de leur conseil, yceulx mutins en assomairent
VIII ou IX des plus grans et des plus redoubtez et dez principal de la
ville.
Item, tantost après, fut encor pis fait en la cité de Collongne dessus le
Rin ; et fut chose merveilleuse et de grant bruit par tout le monde. Car,
en ce meisme temps, le peuple et la commune d’icelle cité ce mutinait
et eslevait treffort en l’encontre des gouverneur et recteur d’icelle ; et
tellement que plusieurs et la plus part d’iceulx gouverneurs en furent
décapités, et leur femme et anfïans banis à tousjours maix, corne vous
oyrés. Et avint la chose ainssy. Il est vray que yceulx recteurs et gou­
verneurs avoyent par loing temps devent mis, ellevés et imposés sur la
commune plusieurs imposicion novelle ; et eslevoie ycelle imposicion
et gabelle petit et petit1 et de jours en jour, au grant préjudice et
dommaige du bien publicque et du povre communs. Et se ingéroient
les dits gouverneurs de chacun jour plus asougectis le pouvre popullaire
qu’il ne dévoient ; tellement qu’il ne le polrent plus souffrir ne endurer.
Or avint, corne cy devent est dit, que l’empereur demendoit par touttes
les cité de l’empire une ayde et une somme de denier de chacune per­
sonnes, cellon qu’il estoit riche et puissant, en la manier comme cy
devant ait estés desclairiez. Et tellement que les dit recteurs et gouver­
neurs de Collongne avoient gectés celle somme sur le communs peuple,
tout ainssy qu’il l’avoient entendus 2. De quoy se levait le huttin, et en
fut le peuple fort malz content. Car il leur sembloit que yceulx gouver­
neurs dévoient bien paier celle somme ycy, et la prandre au trésors de
1. Ces impôts augmentaient petit.à petit.
2. De leur propre autorité, sans demander l’avis du peuple.

144

1512. — MUTINERIES A COLOGNE

la ville, et faire tellement devers le dit ampereur qu’il fût content, sans
ce que en rien le menus peuple en fût ampeschiez, ne cen ce qu’il en
levaissent aulcune nouvelle malletoute ou imposicion, tant sur la mar­
chandise comme sur touttez maniers de victuaille, ainssy qu’il avoient
de noviaulx fait. Car les dit gouverneurs avoient de noviaulx impousés
novelle imposicion sur les chose devant dictez. Par quoy le peuple,
comme dit est, ce eslevait contre eulx par la manier que vous oyrés.
Il est vray que, comme ce fût*1 une chose advenue par miraicle de
Dieu, que, le Ve jour de janvier, vigille des Trois Roys, desquelles les
corps repouse à la dite Collongne, ce mirent secrètement amsamble les
gaffle, c’on dit les mestiers. Et, par ung jour que les dit seigneurs estoient
au conseil, les dits mestiers vindrent en airme devant la chambre là où
ce tenoit le dit conseil. Et estoient yceulx mestiers bien armés et ambâtonnés, tant de traict, de pouldre, d’arboulaitriez comme de hallebardriés et aultre taillemens et baitons de defîance. Et, eulx venus, firent
ouvrir Puis de la chambre du dit conseil, et bien furieusement antrairent
dedans, comme gens forcenés ou hors du cens. Et préposait l’ung d’iceulx
mutins pour tous en l’encontre des dit seigneurs en la maniers cy après
escript, et, entre plusieurs aultres perrolles, ait dit ainssy : « Vous estes
nous seigneurs, régent et gouverneurs de la cité et de la chose publicque,
et sçavés assés la manier comment nostre sire l’ampereur fait une de­
mande et une ayde d’ung commun a denier.Mais entre nous, pouvre gens
mécanicque, se n’est pas à nous afaire d’en randre compte ne d’en rien
paier. Vous avés et gouvernés les trésors de la cité, et lez avés en mains :
desquelle vous poués bien contenter l’empereur affin qu’il soit tousjours
nostre bon seigneur et amis, et qu’il aye nostre cité pour recommendée.
Et ce fait, et aprez qu’il serait content, airez ancor assez argent de rest
au dit trésort ». Et après ces parolle préposée, et qu’il virent que yceulx
seigneurs en respondoient assés laichement, il leur dirent tout plait et
de fait qu’il voulloient avoir les compte d’icellui trésort ; et tellement
qu’il tindrent yceulx seigneurs en la chambre du conseil par manier de
prisonniers et sans pertir du lieu jusques à tant qu’il leur eussent dit et
ensigniez le lieu où le dit trésort par avant avoit tousjours estez. Et
tellement alla la chose qu’il fut esleu entre eulx pertie de la commune
pour aller visiter le dit trésort. Auquel ne fut trouvés, de touttes piesse
d’or ne d’argent, point plus hault de la somme de cenc et L florin d or.
Dont il furent moult esbahis : car peu devent il y avoit innumérablement
grant somme et grant avoir ; mais les dits seigneurs les avoient prins
et despertis entre eulx, et, chacun endroy soy, en avoient fait leur marchandie, marier leurs anfïans, et aultres choses à leur grans proffit, sans
le sceu de la dite commune. Et tellement que, la chose bien cognue, la
dicte commune heurent conseil ensemble de les prandre. Comme il
firent ; et furent mis en fort prison. Et puis leur firent à ung chacun,
l’ung après l’aultre, congnoistre leur laircin ; et, tantost après, en firent
a. Ms. : commud.
1. Comme si c’eût été...

1512. — mutineries a liège

145

l’escécucion criminelle. Et le premier décappités, se fut le maistre des
bourgeois, nommez le Papegay ; et, après cellui, le fut laultre plus
grant, nommés le Regnart. Et puis, après ces deux, furent encor décap­
pités plusieurs aultres du conseil, que je ne nomme pas. Et furent
tous leur biens confisqués, c’est assavoir ceu qui venoit de part eulx :
mais ceu qui venoit de part la femme demouroit à la dite femme et
aux anffans ; et furent ycelles femmes et anffans banis hors de la cité
à tousjours maix.
Item, après ce fait, la dite commune constituay des aultres seigneurs
et gouverneurs on lieu d’iceulx devent dit, espérant qu il feraient
milleur gouvernement que n’avoient heu fait les dessus dit nommés.
Laquelle chose ne firent pas ; et pour ce furent desmis d’icelle office ;
et, comme aux premiers, fut mis la main à eulx et à leurs biens ,
et, aprez leur cas cogneus, les ung furent décapités, et les aultres bams
et deschassés.
Et, après tout ce fait, les dit de la commune eslirent entre eulx le
nombre des dessus dit pour gouverner la chose publicque. Et gouvernairent yceulx bien et loyallement, sans y contrarier ; et ostairent
touttes les subcides et gabelles que les aultres malvais avoient mis sus,
et remirent les choses comme elle avoient estés d’ancienetés et par avant.
Et, pour sçavoir quant qu’il en y oit des décappités a deux fois, il ut
rescript à Mets, et a vray, que le nombre en fut de XXXVI personnez.
Dieu nous gairt d’ung telz dangier ! Amen.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS, TANT A L’ÉTRANGER
QU’AU PAYS DE METZ].

Item, tantost ung peu après, la commune de la cité de Liège, oyant
les nouvelle des devant dit de Collongnie, se voullurent perreillement
eslever et rebeller en l’encontre de leur recteur et gouverneurs. Et, ensuyvant les dit de Collongne, voulaient sçavoir le nombre de leur trésor,
et voulloient avoir les compte et receptes. Et, de fait, se n eust estés le
révérand perre en Dieu leur évesque, que pour bien de paix s en entre
mist et qui à bien grant paine les appaisantait, il y eust heu ung très
grant huttin. Et, depuis que ce bruit fut appaisantés et que chacun fut
retornés enchiez luy, environ V ou VI sepmaigne aprez, ce réameurent1
la dite commune de rechief, et furent les dit gouverneur en plus grant
dangier que devant. Et fut encor force au dit évesque de s’en meller,
et de luy meisme se humillier pour éviter le dangier et la fureur du puple,
ou aultrement il heussent tous gaistés, et heussent mis eulx et la cité en
grant dangier. Et print moult grant paine cellui évesquez d estaindre
leur fureur, en leur disant qu’il voulloit estre leur amis, et qu il voulloit
1. Se réémurent, se révoltèrent de nouveau.

146

1513

N. ST. — UN REVENANT A METZ

vivre et morir avec eulx ; et par cella il lez appaisanta, parmi aussy
qu’il heurent partie de ceu qu’il demandoient.
Paireillement, en la dicte année, la commune de Nostre Damme d’Ays,
en ensuyvant les dit de Collongne, se cuydairent mutiner. Dieu y mette
paix !
La mort du pape Julius. — Item, ce fut en ce tamps, le XX® jour de
febvrier, que morut et décéday de ce sciècle le devant dit pappe Jullius.
Lequelle en son temps fut cause de la mort de maintes personnes. Et fist
ce que jamaix pappe ne fist touchant la guerre : car par luy et à sa requeste, comme les perrolles s’en ensuivoient, vindrent les François en
Ytallie ; et puis, quant il oit ceu qu’il demendoit dez Yéniciens, il se
tourna de leur ayde et de leur bande, et fut depuis touttes sa vie
contraire aux François : par quoy, corne on disoit, il avoit estés cause
de la mort de plus de L mil personne. Puis, tantost après sa mort,
fut esleu et consacré à Romme le pappe Léon, dixsiesme de ce nom. Et
fut cellui natif de Florance, fdz au Lourans de Médicis, filz de Cosme
de Médicis, très grant et honorés personnages, et des plus riche d’avoir
de la crestientés.
Ung lairon pendus à Mets, duquelz l’esperit revint par plussieur fois. —Or est il ainssy que en mon temps, en diverse année et en diverse saison,
j’ay veu faire pour plusieurs raison diverse justice, et essécuter diverse
parsonne, tant homme que femme, pour diverse cas : desquelles je n’en
dis riens pour cause de briesté, jay ce que plusieurs en ayent escript.
Mais à moy ne plaît de mestre tel chose en mon livre ; et me semble une
chose de petitte vallue de tel follie mettre en cronicques : car chose
semblable et perreille avient tous les jours, de pouvre lairon ou aultre
malfaicteur qui desroube, puis sont pandus. Et pour ce n’en fais compte
d’en rien mettre, se n’est doncquez pour aulcuns grant cas lesquelles
n’aviennent pas souvant, ou sinon doncque qu’il y aye aulcune chose
à esmerveillier et non accoustumée de veoir ou ouyr. Ainssy comme il
avint en cest meisme année, on moix de janvier, que ung pouvre homme
pelletier, demourant à Mets, nommés Vincent, fut trouvés desrobant
par plusieurs fois parmi la cité aulcune petitte lairaucin. Et tellement
que, pour la longue acoustumence, une nuit, se trouvait devers l’église
du Saint Esperit, auprez la Grant Maison, chiez ung prebstre, nommez
messire Otto. Et là ce trouva le pouvre lairon cuidant aulcune chose
desrober : mais il fut suprins du clerc de léans, et fut trouvés entre deux
huis. Et, quant il vit ce, il ce voult deffandre ; et cuydait avoir tuer le dit
cler (et, de fait, le frappait d’ung coustiaulx ; combien qu’il faillit et ne
1 ataindit point en la chair nue) ; puis, quant il oit donnés le copt, il s’en
fouyt. Or oit le dit clerc pour ce copt grant peur, et non sans cause. Et
tellement s’en complaindit que pour ce fait fut prins le dit Vincent, et,
par ung jour de jeudi, à la fin du moix, fut pandus au gibet de Mets.
Auquelle jour il fist ung moult fort et merveilleux temps de vans, de
neige et de grésin. Cy avint que, à l’acomencoment' d'avril'mil Ve et
XIII ans, par plusieurs fois se aparut le dit Vincent à celluy clerc ; et,
de fait, ruoit des pierre après luy, et en plusieurs lieu et plaice ; et telle-

1513 N. ST. — FAITS DIVERS A METZ

147

ment que, une fois entre les aultres, cest esperit ruait le dit clerc en la
ripvier de Saille, et fut en grant dangier d’estre noyez : et, de fait, quant
il vint chiez son maistre,il moustra comment il estoit encor tout moulliés.
Et depuis par plusieurs fois le trouvait, et lui dit cest esperit plusieurs
chose : entre lesquelles il luy dit et certifïiait c’on luy avoit fait tort de
le faire morir le jeudi, et qu’il ne devoit morir jusquez a samedi après,
par quoy c’estoit la cause, comme lui dit l’esperit, qu’il avoit fait ung
sy cruel temps à sa mort. Et lui dit encor le dit Vincent (ou son esperit),
comme cellui clerc certiffioit, qu’il aillait pour luy en pellerinnaige à
Nostre Damme de Rabay, et qu’ilz luy fist encor ung aultre voyaige à
Saincte Bairbe. Et il promit de le faire ; et y allait à mey avrilz; et avec
luy menait aulcuns des Frère saint François de l’Observance. Et, eulx
estant par le chemin, leur furent gectée plusieurs pier, et meismement °
à l’esglise, sen ce qu’il weissent parsonne, comme il disoient. Et, au
dernier voiaige que le dit clerc fist et achevait, et que cellui esperit lui
avoit fait promettre et ordonner de faire, le dit Vincent ce apareut de
rechief à lui devant l’aultel d’icelle église (mais nul ne le vit que luy) ,
et là, le remerciait et lui dit qu’il l’avoit allégiés et qu il estoit bien .
« Par quoy », dit il, « je m’en vois, et cy ferés ta plaice en paradis ». Et
touttes ces chose et plusieurs aultres rescontoit le dit guerson ; et ne
pairloit on en ce temps d’aultre chose permi la cité, et en fut grant bruit.
Mais, pour ce que l’on ne creoit pas du tout*1 le guerson, le dit messire
Hotto en fut mendés et interrogués par la plus part dez seigneurs et
dammes, et de plusieurs bourjois de la cité. Et tesmoignoit que tout
ainssy estoit que le gairson l’avoit dit, sauf et réservés qu il ne 1 avoit
pas veu visiblement, comme son clerc disoit l’avoir veu, mais plusieurs
fois l’avoyt ouyr cheminer permi sa chambre et ruer des pieres à huis
cloz ; et se coursoit treffort quant on ne l’en voulloit croire. Je ne scez
au rest comment il en fut. Dieu aye l’âme des trespaissés ! Amen.
D’ung violleux de fille qui fui fouuellé. — Aussy, en celluy tempts y
avoit en Mets ung violleux qui estoit venus de France, luy, sa femme et
• son fdz, josne guerson. Celluy violleus juoit merveilleusement bien de
son instrument, et son fdz, josne gair, chantoit encor mieulx . car sur
tout il avoit belle organne, et chantoit sy très mélodieusement qu il
sambloit estre une seraine. Et y pernoit on grant plaisir , par quoy le
plus souvant il estoit mendés,luy et son perre, en diverse compaignie et
en bon lieu, tent dez seigneurs spirituel comme temporel, bourjois et
aultre; et n’estoit point ung bon convive fait que le violleux ne fût
mendés. Et tellement que cellui gair ce atruendait et se agloutit 2, qu il
ne faisoit tous les jours aultres mestiés que d’estre a jeux de la palme,
ou chanter ; or, pour la glotonnie et pour l’oisivitez qui estoit en luy,
il devint paillair. Et, de fait, luy qui estoit desjay grandellet, de XIIII

a. Ms. : meisment.
1. Pas du tout, pas complètement, pas entièrement.
2. Il devint un truand et un glout, un paresseux et un ivrogne.

148

1513.

— FAITS DIVERS A METZ

ou de XV ans, se print à une josne fillette de IX ans, et à force et malgré
elle la viollait et corrumpit. Cella venus à congnoissance de la Justice,
par le plaintif dez perrans d’icelle fillette, fut le dit guerson pris et en
grant dangiers d’estre pandus. Et, a meisme jour que le devant dit
clert fut à Rabay pour le pelletier, corne dit est devent, fut celluy
chanteur pris à X heure on Pallas, et menés batant depuis là jusquez
au pilloris ; et là fut mis au chaircans jusques à XII heure ; et puis fut
de rechief prins par le bouriaulx, qui l’amenait tousjours baitant jusques
à la croix a Pont des Mors, auprès du Pont au Loups. Et ne vis jamaix
homme, tant fût robuste ne fort, ne pour chose qu’il eust fait, estre sy
cruellement batus ne foaités que fut le gairt devent dit : car, de force
de baitre, ne luy demourait piaulx enthier ; et cuidait là morir. Et en ce
lieu le atendoit sa mère ; laquelle, le voyant en cest estât, cheut toutte
pasmée. Puis, après ce qu’il heurent quelque peu reprins leur allâmes,
furent banis à tousjours maix de la cité et du pays.
Or est temps pour cest année que je mette fin à mes dis ; car de
touttes ces choses vous lairés à présant le perler jusques ad ce que je
vous ayrés dis qui fut en cest année maistre eschevin.

[l’année

i5i3].

Mil vc et xiij ans. — Durans ce temps et que le milliair courroit par
mil Ve et XIII ans, qui fut l’an XXVIIIe du devent dit Maximillian
en son Royaulme des Romains, fut alors fait, créés et essus pour maistre
eschevin de la noble cité de Mets Jehan Raudoiche, seigneur des Estans,
et fdz a seigneur Pier Raudoiche. Et fut pour celle année qu’il estoit
revenus des guerres d’Ytaillie avec ces nepveux et les gens de son oncle,
messire Robert de la Mairche. Et fut le dit seigneur Jehan Baudoiche
marié et mort avent que XIII moix fussent passés, comme cy aprez
serait dit.
Item, en celle année il fist le plus biaulx moix de mars qu’il eust
point fait de XX ans devant ; et aussy fit il la plus part du moix d’apvril.
Et escheut le dit ans la Nonciatte le jour du Grant Vandredi ; et n’en
fut faicte le service ne la sollanités en l’Esglise jusques au vandredi
devant les Palme, par quoy le jour de Paicquez fut le XXVIIe jour du
dit moix de mars.
Deux chiens se battent pour ung os a.—Auquelle jour avint une adventure en Mets essés estrange : se fut de deux chiens qui ce vinrent à eulx
combaitre en la rue de Fornerue pour ung os ; et là auprès y avoit ung
petit anfïans cheminent par la voie ; et, en ce triboullant que firent lez
deux chiens, l’ung d’iceulx se gectait de coustier et donnait cy grant

a. L’écriture ne semble pas être celle de Philippe.

1513. —- FAITS DIVERS A METZ ET AU PAYS DE BAR

149

copt contre la jambe du dit anfïans qu’il lui rompit franchement parmy
le mettel \ tellement qu’elle ne pandoit que à la piaulx.
Une jonne fillette noyée en ung puis par fortune. — Pareillement, le
lundemains, qui fut le lundi de Paicque, XXVIIIe jour de mars, avint
une aultre aventure. C’est assavoir que, à cellui jour, une josne fille,
eaigée de environ XXIIII ans, cheut en ung puis, et fut noyée ; ne
jamaix ne soit on comment cella avint. Et demouroit celle josne fille
en Wésigneus, en l’ostel Françoy Chainel, filz à Pier Charnel le merchamps, apertenant celle maison à Toussaincs l’escuier. Et, alors que ce
advint, estoit le dit Françoys à la porte et en sepmaigne de gairder ;
et sa femme, qui estoit toutte josne, estoit allee a sermon, et estoit
grosse de son premier anffans ; et son marit avoit lez fièvre. Ne n estoit
pour l’eur demourés à la maison que la devant dites servante et ung
josne serviteur, lequelle, quant celle fortune advint, lisoit en ung livie.
Et ouyt bien braire ; et, de fait, y acorrut ; mais, ad cause qu il estoit
seullet et que les gens estoient au sermon, ne polt la dicte fille estre
secourue à temps qu’elle ne fût noyéez. Touttefïois, le jour devant, elle
avoit ressus son Créateur : Dieu vueulle que se fût à son salus ! Et, dès
incontinent que Justice en fut advertie, il furent visitez le lieu , et fut
celle fille repeschée et visitée. Puis fut le serviteur prins et interrogués.
De quoy son maistre et sa maîtresse heurent grant peur , maix le dit
serviteur fut trouvés innocent du cas, et fut laichiez et remis à delivre.
Ung preslre sot tue troy oye a. — Item, au lundemain, mairdi de
Paicque, avint encor une piteuse aventure en une ville en la duché de
Bar, nommée Joidreville, scituée auprès Noeroy le Sot. Le cas fut tel
que, à cellui jour, chevalchoit auprès de la dite Joidreville le prebstre de
ung aultre villaige leur voisin. Or ne scet on c il fut yvre ou sot, mais
par luy avint ung grant inconvénient. Car, comme ung vray fol, tiiait
à ce jour son espée hors du îourraulx, et d icelle tuait troys oye. Pour
lesquelle en avint ung grant dommaige, comme vous oyrés. Là auprès
que le copt fut fait estoit l’homme à qui les dite oye apertenoyent, qui
en voult parler ; mais cellui prebstre, comme enraigiés, vint à luy et lui
rompit ung bras. Et à force amportait 1 une des dite oye, et les deux
aultre il les laissa en la plaice. Et, après plusieurs parolles qu il heurent
ensemble, celluy pouvre homme trouvait le prebstre de leur ville,
auquelle il contay l’outraige que l’aultre luy avoit fait, se complaindant
à luy et luy en demandant conseil ; et luy donna l’une des deux oye qui
estoient demourée.
Plussieurs maisons bruslée par fortune en ung vilaige, et aultre dopmaige
advenus. —- Or ne ce tenoit pas ne n’avoit son ménaige cellui prebstre
à Joidreville : maix ce tenoit en ung aultre villaige là emprès, qui estoit
de la meisme cure. Et, pour ce, priait à une femme d’icelle ville qu’elle
luy voulcît prester une belle neufve chambre qu elle avoit fait faire de

a. jVécriture ne semble pas être celle de Philippe.
1. Mustel, gras de la jambe.

150

1513. — LE VILLAGE DE JONDREVILLE INCENDIÉ

noviaulx, afïîn de y dîner et de y aprester son oye ; et la femme luy
presta. Combien que voulluntier lui eust reffusé, ad cause qu’elle n’estoit
encor guerre hantée, et estoit la cheminée d’icelle defîandue et trouuée.
Et le prebstre, que rien n’en savoit, alumait ung grant feu. Et par celle
fante du mur en cheut sur ung troussiaulx 1 de bief en estrains qui
estoit là auprez en une grainge, de l'aultre pertie. Et fut incontinent la
maison toutte alumée en feu et en fiâmes (car, en celle ville, ne sont que
couverte d’estrains) ; et puis tantost se boutta le feu de l’une en l’aultre,
tant que tout le villaige fut tout ars et brûllés. Et y oit là une mer­
veilleuse pitiet : car en tout le villaige ne demourait que trois ou quaitre
boverye, avec la maison d’ung pouvre homme et une partie de l’esglise.
Et encor fut ce plus grant merveille : car, comme par permission divigne,
les biens et ménaige qui ce portoient et wuidoient hors des maison et qui
ce mectoient bien loing du feu, sur les fumiés, il estoient incontinent
alumés et ars ; et n’en polt on jamaix rien rescoure. Et, avec ce, y oit
en celle ville tant de milliers de quairte de grains estant és greniers qui
furent airs et brûllés que ce fut pitiet et dopmaige ; et n’en polt on
jamaix mengiés 2. Et y fut airs ung guerson qui estoit en l’une d’icelle
maison ; et s’en cuidoit fouyr et ce salver : mais, en sortissant dehors
d’icelle, le feu le souprint ; et fut trouvées la teste dedans la maison,
laquelle estoit toutte airs et en pouldre, et le corps du dehors, qui
n’estoit comme rien brûllé.
Et, après celle mescheutte advenue, et comme par punicion divine,
leur en avint encor une aultre. Car alors il avoient la plus belle fin de
bief, d’aVuaine et d’aultre enhan que de loing temps on eust point veu :
laquelle fut peu de temps aprez toutte tempestée et fouldroiéez ; et
tellement que la grelle estoit par dessus lez bief ung piedz de hault, et
furent les bief couchiez et tout gaistés.
Et, après celle fortune, il leur estoit encor demourez aulcuns porc et
aultre beste. Et l’ung d’iceulx porcquez, par mescheance, fut mordus
d’ung malvaix chiens enraigiez ; et incontinent il devint malvais et
enraigiés, et, avant que l’on s’en aperceust, il mordit la plus part de
touttes les aultres beste de la ville, tant vaiche, buef, chevalx que
porcquez ; et tantost aprez morurent touttes meschanment. Et ainssy
ne leur demourait rien; et fut pitiet dé leur fait. Par quoy,peu de temps
après, les aultre villaige voisin, ayant compacion d’eux, leur aydairent
à labourer leur terre et à refïaire leur maison. Maix la plus grant disette
estoit qu’il ne pouoient recouvrir 3 d’estrain pour couvrir les dite mai­
son, tant estoit chier, parce que tout avoit estés gaistés au champs et
à la ville, comme dit est. Dieu par sa graice les resconforte et leur doinct
pacience ! Amen.
Ung compaignon mort subitement en denceant. — Item, en celle meisme
1. Trousseau (patois trôhhé) ; ce mot, de même que le mot trousse, a désigné en ancien
français une botte de paille, de foin, etc. — Blé en étrain, blé non battu.
2. II s’agit du blé non consumé.
3. Recouvrer, se procurer.

1513.

— VIGNES MIRACULEUSEMENT SAUVÉES DU GEL

151

année, environ XV jour après le Casimodo, y oit on païs de Mets, en la
ville de Vaulx, une nopce du filz le maire Cugnei. Auquelle nopces,
après le dînés, furent les dances en la halle, comme la coustume est en
tel cas. Et illec estoit ung josne filz à marier de la ville d’Ais sur Muzelle,
et de bonne maison. Ycelluy josne filz vint à dancer avec les aultrez,
et ce mist entre deux josne fdle. Mais incontinent et subit a luy print
une doulleur, et ne scet on comment, par laquelle le cuer luy faillit ;
et se laissait cheoir sur ces genoulx et en disant : « Hé ! ha ! hé ! hé ! »,
sen faire aultre semblant ne cen perler autrement, randit l’âme. Et
morut ainssy. Dieu lui perdoinct ces faulte, et à nous aussy !
Vigne engellée. — En ce meisme temps advindrent encor plusieurs
aultres fortune et adversités, tant és biens de terre comme aux corps
humains. Entre lesquelles, le jeudi, environ XIXe jour après Paicque,
et souverainement le vandredi aprez, qui fut vigille de la saint George,
furent engellée pertie des vigne et les noiez en plusieurs contréez. Et y
fist celle gellée ung grant et merveilleux dopmaige. Et tellement que
c’estoit grant pitiet dez pouvre gens : car de deux ou de trois ans devant
n’avoient heu bonne année de vin. Et, jay ce qu’il avoit heu fait le plus
biaulx et chault moix de mars et bien la mitté d’apvril, et n’y avoit
homme vivant que jamaix l’eust veu plus biaulx, corne dit est devent,
ce néantmoins ce refroiday tellement le temps que, en la mitté du dit
aupvril, il gelloit toutte les nuyt aussy fort que à Noé. Et fut on par
plusieurs nutie, souverainement bien VIII jours en ung tenant, que l’on
sonnoit lez cloche par toutte la cité et par tout le païs touttes les nuyt,
et plus que on ne fait à la Toussainct ; et faisoit on plusieurs procession
de nuyt par plusieurs villaige ; et estoient tous en belle ordonnance,
chacun ung scierge en la main. Et n’y avoit de nuyt qu’il ne gella.it deux
ou trois doy d’espesseur, environ VIII jour durant. Et meismement
gelloit dedans les maison comme aultre part ; et, de fine force de froi­
dure, fut trouvées en aulcuns lieu l’eaue qui desgouttoit de la vigne qui
ce engelloit en cheant : de quoy ce fut grant miracle de Dieu qu’il y
demorait rien vert, veu que lez vignes estoient a plus tandre. Et, après
que les gellée furent laichée, eurent les dicte vigne et aultre biens encor
biaulxcopt à souffrir par deffaulte de pluye ou de rosée, comme [c]y
aprez serait dit. Mais, moiennent la graice de Dieu, la chose se pourtait
mieulx la centiesme pertie c’on n’estimoit. Et fut loing temps aprez
appellée la dite année l’année de miracle; ainsy l’appelloit le commun
puple ; car tout ce qui estoit eschappes de malvais temps creut tousjours
en amendant, et, là où l’on ne contoit rien et que l’on voulloit trapper
les vigne, il y oit encor assez, comme vous oyrés.
Porcession faicte pour le remède du lemps. — Aussy le peuple ce
amendait ; et firent ce que jamaix homme vivent eust veu faire tou­
chant de faire procession et aultre dévocion. Souverainement en la

a. Ici un feuillet blanc ; il avait été réservé par Philippe pour V illustration.

152

1513. — PROCESSIONS A METZ ET AU PAYS DE METZ

sepmaigne devent les Rogacion : car tous les jour, sans faillir, ce assambloient ung quertiers de la cité amsemble en belle ordonnance et en
faisant procession à leur dévocion. Et, premier, la paroiche de sainct
Jaicque, avec tout le colliège de Saint Salveur revêtus en leur plus riche
abis et chappe ; et pourtoient leur plus riche relicque et juaulx ; et
estoient environ XL que prebstres que clerc, revêtus en abit, et chacun
ung relicque en sa main. Et en belle ordonnance c’en allirent en la
Grant Église et en plusieurs aultre lieu de dévocion parmi Mets, et le
peuple aprez eulx. Et estoit belle chose à veoir chacun jour ainssy faire.
Car, le lundemain, se assamblairent tous ceulx d’Oultresaille, et tous les
prebstres et clerc des trois paroiche, revêtus, corne j’ai dit, en leur plus
riche chaippe et abis, en portant leur fiairte et relicque ; et, aprez eulx,
les seigneurs et dames, et tout le popullaire, hommez et femmes, en
belle ordonnance. Et firent de grant voiaige en visitant lez église, tant
parmi la cité comme à Sainct Arnoult, à Sainct Clément et en plussieurs
aultres lieu ; puis retournairent à l’ostel. Et, l’aultre jour après, firent
ainssy ceulx d’Oultremuzelle : c’est assavoir Sainct Vincent, Sainct
George, Sainct Maidairt et Sainct Levier, avec Sainct Marcel ; ety vinrent
les Chairtreulx du pont Thielïroy. Et, comme les aultrez, furent en
belle ordonnance ; et portoient ceulx de Sainct Vincent et Sainct Levier
leur fyairte et leur relicque ; et les faisoit moult biaulx veoir. Le lun­
demain, fut faicte encor plus grosse procession la moitiés x, par ceulx
de Sainct Mertin en Curtis, Sainct Suplice, avec Sainct Thiébault et l’Ospital : car ceulx ycy sont grant gens, puissant et richez, et ont moult de
riche et précieuse chaippe, et moult de biaulx et riche relicquiair ;
et y ait plusieurs seigneurs et dammes és deux paroiche ; par quoy il les
faisoit moult biaulx veoir aller, chacun en son ordre ; et tenoient yceulx
prebstres et chainoigne moult grans trayns. Et furent ainssy visitant
plusieurs église à Mets et dehors. Puis, ung aultre jour, en firent ainssy
plusieurs aultre paroiche, comme Sainct Hillaire, Sainct Féroy, Saincte
Ségolline, Sainct Girgonne, Saincte Crois. Et ce parforsoient de faire de
mieulx en mieulx. Ung aultrez jour, y furent ceulx de Sainct Vit,
Sainct Victour, Sainct Jehan, Sainct Gegoult, acompaigniez de Sainct
Simphoriens. Et, aprez que tous heurent fait, messeigneurs les chanongne de la Grant Église en firent une belle, là où furent portée plusieurs
dignes et saincte relicque ; et y furent plusieurs personnes, tant hommes
que femmes, à les acompaignier. Paireillement touttes les Ordre men­
diantes, et les rantées nonnains et aultres, faisoient chacune nuit et
chacun jour de belle procession, en priant Dieu qu’il voulcît par sa
graice perdonner les péchiez du peuple et leur donner paix ; et, avec ce,
amender le temps, tellement que les bien de terre puissant venir à
mûrisson, affin que Saincte Église en peûlt estre servie et honnorée, et
le povre peuples soubtenus et gouvernés.
Et ce ceulx de la cité faisoient de belle procession et de belle dévocion,

1. La procession était moitié plus importante que la veille.

1513.

— L’ÉGLISE SAINTE BARBE COMMENCÉE

153

comme avés ouy, les pouvre gens de villaige n’en firent pas moins,
cellon leur puissance, et encor plus : car les aulcuns villaige du Vault
estoient toutte la nuyt sen dormir ne reposer en faisant procession
parmy leur fins ; et en chemina[n]t trouvoient en aulcuns lieu lez groz
glaisson pandant au vigne. Maix Dieu, qui est le perdessus1, y moustra
son miracle ; et vint la chose mieulx c’on estimoit. Son sainct nom en
soit loués et bénis ! Amen.
Vous avés par cy devant ouy la stérillité du temps, et comment,
depuis le jour Chandelleur dernier passés en jusques au jours Saint
Clément, second jour de ma-y, ne cheut pluye ne rosée de quoy la terre
en fût en rien trampée ne adoulcie, sinon tousjours, durans ce temps,
tropt grant challeurs, comme il flst en mars et en la mitté d’apvril, ou
tropt grant froideur et aypre gellée, comme il fist en l’aultre mitté
d’apvril jusques à ce présant jour saint Clément. Auquelle jour, pour
cest année, fut le premier jour des Grant Letanie, c’on dit lez Rogacion
ou les Grant Croix, et que ceulx de la cité de Mets vont à ce jour sur le
mont Saint Quantin. Mais, ainssy comme il pleut à Dieu, tout ainssy
que la dicte porcession vint en l’isle du Pont des Mort, il se mist à
plovoir d’une très bonne sorte, et de bonne chaude pluye. Et néantmoins
les terre n’en furent pas encor assés trampée jusques a XIIe jour du
dit moix, qu’il pleut à voulluntés. Et fist ung très grant bien à ce qui
estoit demorez de la gellée, laquelle peu devant avoit estés fort aypre
et dur, comme avés oy : car, par yéelle froidure et haille, rien ne pouoit
croistre ne venir à bien.
En ycelle procession dez Rogacion furent la plus part des josne
seigneurs de la cité, tout armés et bien en point, et tout de piedz ; lesquelz avoient priés plusieurs josne gens pour leur tenir compaignie,
jusques au nombre de trois cent, bien acoustrés et bien am point. Et en
belle ordonnance antrairent en Mets, tout ainssy que ycelle pluye
acommensoit. Et en telz ordonnance, et encor mieulx, furent le maicredi
à Bloureus.
La chappelle du chaistelz de Mollin parfaide. — Item, à ycelle pro­
cession et primier jour des Rogacion, l’on fut en la neve chappelle que
messire Claude Baudoiche avoit de noviaulx fait faire à Mollin ; et fut
la premier fois que jamaix la dicte procession y avoit estés. Et, cellon
que la dite procession ce avoit pertis et bougiez de Mets bien mattin,
jamaix ne la vis cy tairt retourner : car, alors que l’on chantoit l évengille à Saint Girgonne, l’orolouge sonnoit ung heure après midi.
Le commencement de l’esglise Saincle Bairbe aux Champs. - Aussy
en cellui meisme temps fut conclus et passés, et aussy acommencés de
faire une neufve église à Saincte Barbe au Champs. Et fut merchandée
à la faire plus grande, plus manificque et en aultre lieu qu elle n estoit
par devant. Et dès incontinent l’on y acommensait à ouvrer ; et furent

1. Le maître.

154

1513.

— LE MYSTÈRE DE LA SAINTE HOSTIE JOUÉ A METZ

pour celle saison pertie dez fondement fait. Et en fut prinse la forme sur
l’église de Nostre Damme des Carmes à Mets.
Item, en ce temps les procession ce continuoient encor tous les jours.
Et tellement que, bien tost aprez, se assamblairent lez hommes, femmes
et anffans de XXIIII villaige du Hault Chemin, c’est assavoir en pernant depuis la ripvier de Mezelle et en allant par Sainte Bairbe, Oyxey,
Saint Aignel, et en tirant droit à Maignei. Et estoient grant nombre de
gens, et la plus grosse procession que l’on eust encore veu, et qui ce
tindrent en plus belle ordonnance. Car, au premier front et tout devant,
estoient de chacun villaige deux torche, allant deux à deux ; et aprez,
en telz ordre, de chacun villaige, deux crois ou confanon ; et après
Venoient tous lez prebstres et clerc, majester et aultrez qui sçavoient
le chant de l’Église, en belle ordonnance, deux à deux, revêtus en abis,
et portant fiarte et reliquiair. Après venoyent tous les josne guerson
depuis l’eaige de VI ou de VII ans jusques XV, XVI ou XVIII ans,
tous en belz ordre, deux à deux, tenant chacun ung rains de verdeur
en leur mains. Après yceulx venoient en telle ordre toutte les josne
fillette de pereille eaige, tenant chacune ung scierge de cire en leur
mains. Et après venoient les hommes ; et après les femmez, touttes en
telles ordonnances, deux à deux, que l’ung ne passoit l’aultre. Et antray
celle procession en Mets par la porte aux Allemens, en montant amont
Fornerue ; et s’en vinrent à la Grant Église, tellemant que, quant les
premiers antroient au Grant Moustier, les derniers estoient encor au
dehors de la porte aux Allemans. Et les faisoit moult biaulx veoir.
Dieu le preigne en greys ! Amen.
Item, en ce meisme temps, le mairdi des feste de Panthecouste, fut
une procession généralle ordonnées de messeigneurs les aministrateur de
l’Église, avec messeigneurs de Justice. En laquelle procession furent
donnés XL jours de pardon à tous ceulx et celles que dévotement
yroient à la dicte procession. Et fut l’une des belle que l’on eust veu de
loing temps : car tout les prebstres de Mets, josnes et vieulx, y furent
commendés sur ung marc d’argent, c’il n’estoient tant impotent qu’il ne
puissant aller 1. Et fut faicte en ung jour des Quaitre Temps, que Ton
jûnoit. La dicte procession pertist de la Grant Église et s’en aillait à
Saint Vincent oultre Mezelle, et dellà à Nostre Damme des Carmes ;
puis retournaient à la dicte Grant Église, à laquelle fut dicte la grant
messe moult triumphamment.
Le mistère de la Sainte Hostie jués En Chambre. — Item, au lundi
devant, premier feste de Panthecouste, fut jués en la place En Chambre
le jeux et istoire de la Sainte Hostie, laquelle est ajourd’i à Saint Maris
de Paris 2. Et fut ung mistère fort biaulx et bien jués ; et les secret
moult bien fait.
1. A moins d’être impotents au point de ne pouvoir marcher, tous les prêtres étaient
convoqués à cette procession, sous peine de payer un marc d’argent d’amende.
2. Philippe donne de plus grands détails sur ce « mystère », ainsi que sur les deux
suivants, dans ses Mémoires, éd. Michelant, p. 244-245.

1513.

— REPRÉSENTATIONS THÉÂTRALES EN METZ

155

Ung miracle de saint Nicolas jués En Chambre. — Puis, au lundemains,
qui fut le mairdi, fut jués a meisme lieu ung biaulx miraicle de sainct
Nicollay du Bar. Et fut perreillement très bien jués, et au plaisir de
touttes gens.
Le mistère de la Faulse Langue jués En Chambre. — Au lundemain,
qui fut le maicredi, devoit encor estre jués en ce lieu une très belle istoire
et chose moralle de la malvaise langue ; mais, pour la procession que à
ce jour ce fit, comme dit est devent, et aussy pour la jeusne, l’on ne
juait point pour le dit jour jusques a dimenche aprez, c’on dit le réaulz
dimenche. Et aussy, pour ce jour de maicredi, il pleut et tonnait très
bien ; et fut celle pluye moult bonne pour les bien de terre. Et fut
ce mistère et istoire moralle juez le dimanche au dit lieu En Chambre.
Auquelle estoient fait de moult subtil et excellant secret ; et fut belle
chose à veoir, et digne de mémoire. Et je, l’escripvain, le sçay a vray :
car j’estoient l’ung des gouverneurs et conduicteurs de tout les dit
trois jeux, et y levait la somme de XXXIII frant pour les hours a profïït
des dit jueurs.
Item, en ce temps, le derniers jour de maye, fut Ysaibellin, ma
femme, acouchéez d’une fille que a saint fon de baptesme fut appellée
Paulline; et oit lez premiers fon de Panthecouste. Mais, au lundemain,
premier jour de jung, morut l’enffans ; de quoy je fus bien couroussé et
dollans.
En celle année la moisson fut fort belle, et encor milleur : car les
froment furent tant biaulx et bien conrés, et assés à grant planté, et,
avec ce, les milleur qui furent de loing temps devant, et qui mieulx
revenoient x, et estoient yceulx fromment sy naturellement venus qu’il
estoient pour gairder longuement.
Le feu en une servoiserie. — Item, à l’acommencement du moix de
jung avindrent deux ou trois adventure en Mets. Et, premiers, le feu ce
boutait en une servoiserie que la cité avoit sur les mollins, et de plains
jours ; et y oit grant dopmaige.
Ung jonne füz noiés par fortune. — Paireillement, au lundemains, ung
josne guerson, eaigiez de XIIII ou XV ans, se noyait en bien peu d’eaue,
auprès de Wauldrenowe ; et ne soit on comment.
Ung compaignon tués, et l’aultre décapité. —- Puis, tantost ung jour
aprez, en une hostellerie sur les mollins, à Mets, se esmeut questions
pour une gairse entre deux biaulx gallans de Naimeurs 1 ung contre
l’aultre ; desquelles l’ung d’iceulx estoit richement marié à Mont en
Hénault. Et en fureur fut cellui frappés par l’aultre de la mains sur le
visaige. Et alors l’oitesse, voyant leur noise, craindant Justice, fist tant
qu’elle les mist en prison enmey la rue, et les boutait dehors. Et, en
sortissant de l’ostel, le dit de Mont qui avoit estés frappés donnait à
l’aultre qui l’avoit férus deux ou trois copt de cousteaulx ; et fut cellui
le lundemain trouvés mort enmey le chemin. Et, quant le dit de Mont

1. Qui rendaient le mieux, dont le rendement était le plus élevé.

156

1513, 6

JUIN. — LES FRANÇAIS DÉFAITS A NOVARE

oit fait le copt, cuydant que l’aultre ne deust pas morir, il c’en allait
couchiez tout vestus dessus son lit enl’ostel aux Ours,auprès delà porte
Saint Thiébault. Et avoit tant beu qu’il ne sçavoit qu’il faisoit ; ne n’olt
pas l’entendement de ce mettre à saulvetés aux Augustin. Par quoy,
le lundemain, du mattin, il fut prins sur son lit. Et congneut son cas :
aussy ne le pouoit il noyer. Et dès incontinent, bien tost après, par sen­
tence de justice, fut menés au pont des Mors ; et là oit la teste tranchié.
Dont c’estoit pitiet, luy qui estoit de grant lieu et richement mariez, et,
avec ce, l’ung des biaulx josne homme, hault, droit et eslevés, de ainssy
meschantement morir pour sa paillairdie et yvroinerie. Touteffois, à sa
prières et requestes, fut son corps portés ensevelir en terre sainctes aux
Augustins à Mets.

[guerres

entre le roi de frange et ses

ennemis

;

DÉFAITE DE NOVARE].

Le roy Hanrei en France. — Item, en ce meisme temps, le roy Hanry
d’Angleterre, filz du roy Hanry septiesme, entreprint de passer la mer,
et vint jusques à Callas, avec grant compaignie de gens d’armes et force
artillerie. Et à son ayde y alla l’ampereur Maximilian, son alyé, pour et
en intencion de grever et faire nuyssance a roy Loys de France. Mais
contre yceulx furent envoiés grant compaignie de François qui deffandirent le pas, tellement que à la fin retournairent en leur païs sans
aultre chose faire. Et alors s’en retourna le roy Loys à Bloys.
Puis, tantost après, le roy d’Escosse, allyés du devant dit roy Loys,
avec grosse armée, dessandit au pays d’Angleterre, comme prétendant
à avoir droit en ycelluy pays ad cause de sa femme. Et tellement y
besoingnay qu’il fut victorieulx en sertaines baitailles. Et fut ce fait
le dit ans, le troisiesme jour de jung.
Déconfiture des François. — Et, durant que ces choses se faisoient,
avoit le roy envoiez grosse armée en Lumbardie en l’encontre des Suysse
et aultres leur allyés. En fasson telle que, le VIe jour du devent dit moix
de jung, il ce vindrent à rancontrer devant Navaire ; et tellement que à
ce jour y oit entre les pertiez une grande piteuse et mortelle baitaille, et
en laquelles y oit plusieurs François mors et occis. Et y oit le roy ung
moult grant dopmaige et perde, à l’ocausion de ce qu’il y oit plus de
Ve hommes d’armes de la compaignie de monsseigneur de la Trimolle
lesquelx jamaix n’y fraippirent copt d’espée ne de lance ne n’aproichairent la baitaille, ains lez resgairdoient de loing sans aultre chose faire.
Et en ycelle baitaille y fut le cappitaine messire Robert de la Mairche
merveilleusement blessiet ; et y furent deux de ces filz laissiez entre les
mors, faindant d’estre mors et tués, ou aultrement jamaix ne ce fussent
salvés : toutteffois il furent secourus et reguéris ; et y perdit le dit
messire Robert plusieurs de ces gens. Et y oit à celle journée une piteuse

1513,

JUILLET. — RÉJOUISSANCES A METZ

157

escarmouche, et moult de vaillant gens tués et murtris, tant de la pertie
des François corne des dit Suysses, Ytailliens et Lumbars. Mais, quoy
qu’il en fût, les dit Suisse, à la fin, gaingnairent la baitaille pour le
Moùr, qui ce disoit duc de Millan ; et gaingnairent l’airtillerie du roy et
plusieurs millier de chevaulx. Et y oirent les François à celle journée
une merveilleuse perde et dommaige. Dieu perdoinct au trespassés !
Car, durant ces mauldicte guerres venimeuse, plaine d’envie et d’avarice
et de couvoitise de raingner et de humer honneur mondains, depuis
deux ans passés jusques à cest présente journée, y oit une merveilleuse
tuerye et ung grant murtre fait tant d’ung cousté que d’aultre ; et n’y
avoit homme vivant qui eust mémoire d’avoir veu en aussy peu de temps
faire en diverse lieu de la crestienté autant de mortelle et grant baitailles, ne de païs gaistés et destruit comme à cest heure fut. Car, dès
incontinent après la perde de la devent dicte journée, fut arriers le roy
assaillis du roy d’Espaignes et de celluy d’Angleterre, comme cy après
vous serait dit quant temps serait. Mais, de vous nommer les nons et
sornons dez grant parsonnaige et gens de grant réputacion qui “ furent
tués, blessiez ou prins durant ces présantes guerre, je me destourneroie
tropt de mon prepos ; et aussy plusieurs aucteur en ont escript, et
plusieurs aultres livres en perrolle et font mencion. Par quoy je m’en
passerés de légiers et n’en dirés sinon aulcuns peu, en passant oultre,
quant temps serait d’en perler.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ].

Durant ce temps et que les guerres estoient tousjours en Lumbardie,
comme dit est devent, ce desmenoit à la cité de Mets joyeuse vie, et,
quoy que les vivres fussent aulcunement chier, jay pour ce ne ce laissoit
a faire de grant convive et feste. Entre lesquelles, par ung dimenche
dernier jour de juyllet, par l’invencion de moy, l’escripvains de ces pré­
santes, fut faicte une feste par les voisins de la Pier Bourderesse de
derrier Sainct Jaicquez, acompaigniés de aulcuns dez chainoigne de
Sainct Salvour. Laquelle feste fut durans quaitre jours la plus triumphante et la plus gorgiause que jamaix homme vît faire en la paroiche.
Car à cellui jours estoit la dédicaisse de l’esglise parochialle de Sainct
Jaicque : auquelle jours furent tous les compaignonz, femme et hommes
d icelle feste, à la grant messe ; et avec leur enseignes furent tous les
premiers, l’ung après l’aultre, à l’offrande ; durant laquelle juoyent
menestrés, trompettes et tanborin, qui estoit une chose très joyeuse
a ouyr et plaisante à veoir. Puis, a retour de l’église, fut le dînés chiez
Rollin le cuisinier ; auquel ne failloit rien que tous ne furent bien servis
a. Ms. : quil.

158

1513.

— QUATRE MAISONS EFFONDRÉES A METZ

et plantureusement. Et, après les graice à Dieu randue, chacun en ordre,
tenant sa femme par le bras, fûmes avec les menestrés menés à la Pier
Bourderesse, devant ma maison. Là où maistre Petit Jehan, le chairpantier de la Grant Église et de la cité, avoit plantés par angiens l’ung
des biaulx rains et hault que jamaix fût en Mets, dessus lequelle y avoit
en ung grant pennon en painture lez ymaige de sainct Jaicque et sainct
Cristoffe ; et estoit ce maye bien richement acoustrés tout du loing.
Auprès duquelle estoit le biaulx hors pour lé menestrés et tamborin,
parés de maye et de riche tapisserie. Paireillement, toutte la rue enthièrement, et d’ung costés et d’aultre, estoit toutte parée de maye et de
tapisserie ; et y avoit quaitre pourte faictes à quaitre airchet au quaitre
rue d’icellui quairfort. Or, pour vous donner à entendre comment se
conduirent les dancez, vous devés sçavoir que, le jour devant, furent
par les compaignons escript en petitte cédulle les nons d’ung chacun,
et ycelle cédulle mise en ung chappiaulx et tiréez par ung anfïans. Et la
premier venue fut mon non, par quoy je fus le roy de la feste, et pour
celle raison donna à ma femme la premier dance ; et tous les aultres en
suyant, ainssy que leur non estoient_venus. Et à ycelle feste ce trouva
tant de gens qu’il fut dit que à la premier dance y avoit bien Ve et L parsonne dansant ; et tenoit la dance depuis la maison seigneur Thiébault
le Gournaix en jusques à la court Saint Mertin, et de l’aultre pertie en
croix, toutte la rue plaine. Et y avoit tant de monde que l’on ne c’y
pouoit tourner. Et brief, ce fut la plus belle et joyeuse feste que de loing
temps fût faicte en Mets ; car, par l’espaisse de quaitre jours que celle
feste durait, furent faictes plussieurs joyeusetés, et dansoient josnes et
vieulx de joie et de touttes leur puissance. Et meismement dansoit ung
notauble personnaige, eaigiez de IIIIXX ans, nommés Mertin d’Inguehen,
clerc juré de messeigneurs les Sept de la guerre, lequelle estoit d’ycelle
feste ; et perreillement plusieurs aultres causy de son eaige. Et fûmes
tous au lundemains, femmes et hommes, avec les tamborin de Suisse,
quérir le may oultre en voye dellà le pont Thieffroy, et en belle ordre
rantrée par le pont des Mors, puis resaillir par la porte Saint Thiébault,
et rantrer par la porte Champenoise. Et n’y oit cy viez en la feste que
tous n’y furent. Et au londemains, moy, comme roy d’icelle feste, leur
fis ung escus d’aventaige pour aller en l’estuve, là où furent tous, grant
et petit, et menés avec les menestrés et tamborin. Et brief, celle feste
fut l’une des belle que de loingtemps fût faicte en Mets, et la plus joieusement demenée.
Ruyne de iij ou iiij maison sur le mur en Mets. — En ces meisme
jours avint ung inconvénient en Mets, de quaitre maison qui cheurent
de fon en fon, en la Haulte Salnerie, Dessus le Mur, et assés près dez
retrait dez Cordellier ; lesquelles estoient faictes et fondée dessus les
viez mur de la vielle cité (par quoy la dite rue ce appelle Dessus le Mur).
Et aussy il ce trouva : car, en faisant les fondemans d’icelle maison, l’on
trouva yceulx viez mur, qui ce acommensoient depuis la ripvier de
Mezelle, en montant amont devers le guernier de la ville, en tirant à
porte Meselle, droit en ce lieu Dessus le Mur, et en dessandant Salnerie

1513.

— TROUVAILLES GALLO-ROMAINES A METZ

159

tout permi Porcellis et Wyézineuf, droit à l’esglise de Saint Mertin et
à la chappelle du Prey. Et ainssy ce pourtoit la vielle cité.
Vielle antiquaille trouvée és vielle muraille de la ville. — Et, affin que
chacun saiche et cognoisse comment ycelle noble cité fut premièrement
faictes et de noble gens construicte et fondée, comme je l’ay mis à
l’acommencement de ce présant livre, là où j’ez perlés de la fondacion
d’icelle, bien ce trouva en sairchant les fondement des dite quaitre
maison ; car alors fut sairchiez cy perfon que l’on trouva le fon ; et
encor, en aulcuns lieu, fut cayvé plus baix que yceulx fondement, par
quoy fut trouvés, comme j’ay dit devent, la grant magnificence de celle
édificacion et premier fondacion. Car dessoubz yceulx fondement furent
trouvée de grosse pier de tailles platte et cairée, esquelles y avoit
figure et ymaige d’hommes et de femmez eslevée et entaillée ; et estoient
leur corsaige et fasson, avec leur abis, de diverse sorte et maniers ; et
pourtoient par figure lez plusieurs d’ycelle ymaige aulcune chose en leur
mains, de diverse forme et semblance, et, avec ce, tout autour d’ycelle
ymaige estoient plusieurs ancienne lettre rommaine escriptes, lesquelles
nul ne pouoit lire pour leur anciennetés, et n’y avoit causy homme qui
sceût entandre que ycelle lettre voulloient dire ne signifier. Et estoient
ycelle grosse pierre carrée mise et esseutte l’une après l’aultrez tout du
plat, sans mortier, tout du loing par dessoubz yceulx fondemans, en
manier de brossement. Et estoient touttes les devant dicte ymaige
ainssy fugurée és pier, comme dit est, tournée sen que dessus dessoubz,
c’est assavoir la fasse et le visaige contre la terre ; et puis estoient les
mur fondés dessus. Mais d’icelle ymaige en furent la plus part prinse et
levée, et mise et ampée et enmurée és mur des dite maison par devent,
comme encor ajourd’ui ce moustre. Et fut alors veu que par dessoubz
les aultre maison, tout ainssy que ce contenoit la dite vielle muraille et
cloéson de la vielle cité et tout du loing, sont et repouse perreille ymaige
et figure de diverse sorte ; et, qui saircheroit, l’on lez trouvenroit,
comme il ce moustre en Anglemur, là où plusieurs ont estez trouvée, qui
sont ampée et essutte en ce lieu en la muraille de la ville.

[FAITS DE GUERRE EN ITALIE ET EN FLANDRE].

Aussy devés sçavoir que, en ce meisme temps, Loys, roy de France,
fut causy tout déjectés de la Lumbardie et Ytallye. Car, après la journée
devant ditte faicte devant Navaire, s’en retournait le rest d’yceulx
Françoy en leur pays ; et ne tenoient plus pour le roy, en tout les pays
dellà les mons, que le chaisteaulx de Genne, assavoir cellui qui est en la
mer, et le fort chasteaulx de Millan, qui est une plaice imprenable quant
il y ait vivre. Mais yceulx François qui estoient demourés en guernisson
dedans cellui= chasteaulx avoient grant nécessité de vivre, et n’estoit
possible a roy de les en secourir ; par quoy il estoit à cest heure en grant

160

1513. — LA FRANCE ENVAHIE PAR LES ENNEMIS

meschief, et assaillis de toutte pars. Car, par la praticque des Vénissiens,
il estoit de guerre à plusieurs princes et seigneurs : premièrement, à
l’emperreur, au dit Vénissiens, a roy d’Angleterre, a roy d’Espaigne, et
a duc de Millan ; et touttes les aultres cité d’Ytaillie, qui par avent celle
fortune se desclairoient estre bon François, telz comme Florence,
Genne, Pise, Luc, Senne, Boullongne et aultres cité et seigneurie,
estoient alors comme en mue 1, et ne ce oysoient bougier ne faire sem­
blant de riens. Et n’avoit le roy de sa partie plus que le roy d’Escosse,
lequelle, pour ce que luy et le roy d’Angleterre, son serourge, estoient
de guerre mortelle ensemble, le dit d’Escosse ce avoit tournés françoy.
Et avoit encor le roy le duc de Bar et de Lorrainne, avec le duc de
Gueldre. Et tout le rest luy estoit contraire ; dont il avoit bien à souf­
frir.
Or avint, le dit ans, à l’acommencement de septembre, que l’ampereur en personne, acompaigniés d’une grosse armée, avec le roy d’Angle­
terre et plusieurs millier d’Anglois, antrirent au royaulme de France.
Et, maulgrez en eussent les François, mirent le sciège devant la cité de
Thereuaine ; ne n’y polrent résister les dit François, pour ce que à celle
heure il avoient tropt d’empesche, et aussy pour ce que la plus part de
leur milleur cappitaine et gens de guerre estoient et avoient estés prins
ou tués és journées précédante et passée. Et, avec ce, estoit alors le
royaulme fort apouvris et désimés 2 d’argent : car, pour paier les gens
d’airmes des guerre passée, plusieurs tailles et nouvelle imposicion en
furent levéez, et meismement furent pour ce fait tailliés ceulx de la cité
de Paris pour celle année, ce qu’il n’avoient estés de loing temps devant.
Et encor, qui pis est, on meisme temps que le sciège fut mis devant
Thereuaine, comme dit est, vinrent les Suisse à grant puissance asségier
la ville de Dijon en Bourgongne ; et y firent plusieurs mal et grant
dopmaige, que je lasse pour abrégier : mais on composait avec eulx,
tellement que pour la somme de quaitre cenc mil escus d’or qui leur fut
bailliez, il s’en retournirent sans aultre chose faire. Et fut ce fait le jour
de la Nativité Nostre Damme.
Destrousse de François. •— Et, alors que le roy vit qu il en fut delivre,
ressamblait. ces gens, et fist une grosse armée, par laquelle il espéroit
à lever le sciège de devant Thereuaine et d’avitaillier la ville . mais il
furent tellement resseu et rancontrés que plusieurs noutauble François
et grant cappitaine y furent tués, ou prins et retenus prisonniers, et
le remenant se salvait, qui polt. Et, premiers, des prins par les Anglois,
se fut le duc de Longeville, cappitaine de cenc jantilz homme de la
maison du roy ; item, le maistre d’hostel, duc, et cappitaine de XX jan­
tilz homme qui lui avoient estés donnés en chairge ; puis fut encor prins
monsseigneur de Clermont, lieutenant de monsseigneur d’Angoullame ,
et aussy le pourteur d’enseigne de monsseigneur d’Angoullame. Aussy
fut prins monsseigneur de Humbécourt, cappitaine de cenc lance ,
1. Etre en mue, être immobilisé.
2. Désimé,* détérioré », d’où, ici, « dépourvu de »,

1513.__ PRISE DE TÉROUANNE PAR LES ANGLAIS

161

monsseigneur du Fayt, qui estoit cappitaine et lieutenant de monsseigneur d’Alanson ; le cappitaine Bayairt, lieutenant de monsseigneur de
Loraine; le pourteur d’ensaigne Robinet de Franzelle, le pourteur
d’enseigne Gailliasse, le grant escuier du roy, monsseigneur de Brie,
le cappitaine Héraulx, une trompette, le mairquis de Retellenue ; et
monsseigneur de la Pallice donnait sa foy et son espée. Et ainssy avés
ouy ceulx qui à celle détrosse et rancontre lurent pnns, avec plusieurs
baniers, guidons et estandars qui furent ruées par terre et gaingnée des
annemis. — Et aussy plusieurs nobles et aultres y furent tués. Entre
lesquelle estoient monsseigneur de Buxey, le bâtart de Vandosme,
monsseigneur de Pienne, et plusieurs aultres. — Item, les noms des
ansaigne qui furent ruées jus et prinse : ce fut l’anseigne d’Angoullesme,
l’ensaigne a d’Alanson, l’enseigne de Galliasse, le grant escuier, 1 en­
seigne du séneschaul d’Arminach, l’enseigne de Robinet de Fremezelle,
l’ensaigne de monsseigneur de Buxey, l’enseigne du seigneur Robert de
la Marche, et encor deux aultrez. Et, avec ce, y furent pnns tant d aultre
prisonnier que merveille.
Et, incontinent après ce advenus, et voyant le roy Loys ces chose
ainssy mal aller, il fist tant devers le roy d’Escosse, duquelle il estoit
alliés, que le dit d’Escosse oit grant armée, avec laquelle il antrait en
arme au royaulme d’Angleterre ; maix la royne d Angleterre, suei au
roy d’Escosse, sçaichant sa venue, fist assambler ces gens, et fist une
grosse armée, et avec ycelle vertueusement s’en allait au devent du di
son frère, et le deffit. Et, quant le roy d’Angleterre, lequelle estoit devant
Thereuaigne, comme dit est, ouyt les nouvelle de l’airmée du roy d scosse, son biaulx frère, et qu’il estoit entrés en arme en son pays, se
doubtant qu’il n’y feist aulcuns dompmaige, compousait avec la guernisson de Thereuaigne et avec la bourgeoisie d’icelle ; tellement que la
dicte guernisson s’en alla leur vie et baigue salve, et la bourDeoysie
demourairent en leur anthier franchisse b , cen ce c on leur îs Poir* ®
desplaisir ne aux corps ne aux biens (mais, c il eust sceu la pouvre es e
l’indingence qu’il avoient dedans la ville, il ne l’eustpas faicte ainssy).
Toutteffois l’accort fut fait, et s’en retourna l’empereur en Allemagne,
et le roy d’Angleterre en son païs, affin de le secourir et aydier en 1 en­
contre du roy d’Escosse, son biaulx frère. Mais, avent qu’il eust passes
la mer, il oit nouvelle comment la royne sa femme avoit fait une armee
par laquelle estoit deffaictes l’armée du roy son frère, desquelle nouvelle
il fut très joieulx. Et, sans mairchier plus loing, retourna, luy et son
armée, arrier, et manda ces nouvelle à 1 ampereur. Lequelle a ors es oi
bien ampeschiés : car le duc de Gueldre faisoit grosse armee encon re
luy, et, par l’ayde du roy de France, luy faisoit plusieurs annuys e
grant dopmaige ; et n’y avoit pellerin ne merchamps de 1 empire que,
c’il estoient tenus du dit duc ou de ces gens, qui ne fussent prins, tués,

a. Ms. : ensensaigne.
.
b. Ms. : anthier et franchisse. Philippe aura oublié un second adjectif apres et.

162

1513.

— PRISE DE TOURNAI PAR LES ANGLAIS

détenus, emprisonnés ou rués jus, et faisoit dessus l’empire du mal
biaulcopt.
Tournay rendue aux Anglais. — Touteffois l’empereur retournay de
rechief et se joindit encor avec le roy d’Angleterre. Et tout subitement
sans mener grant bruit, s’an allirent mettre le sciège devant la cité dé
Tournay; par quoy les dit de Tournay furent sy soupprins que tout le
pais fut pnns et destruit, et leur bien perdus. Et fut ce sciège mis pour
tant que les dit de Tournay ce avoient mocqués des Anglois en leur
faisant aulcune dérision quant il alloient devant Thereuaigne. Et, après
plusieurs choses faictes et dictes, lesquelles pour abrégiez je lesse, furent
cy contrains les dit de Tournay que force leur fut de ce randre par composicion au roy d’Angleterre ; et fut ce fait on moix d’octoubre l’an
dessus dit Vc et XIII. Et y antra le roy d’Angleterre en grant pompe et
tnumphe. Et furent les dit de Tournay sy court tenus et mis en cy grant
servitude que à pâme leur estoit permis de pourter ung cousteaulx pour
eulx taillier du pam ; et dévoient randre tout lez ans ung merveilleux
tribus au dit d’Angleterre, avec une oultraigeuse ranson qu’il avoient
paiés d’antrée. Mais je n’en dirés plus, pour ce que de celle guerre en sont
aict plusieurs traictiez qui en perle plus à plain. Touttefïois devés
sçavoir que, dès incontinent que la cité fut ainsy prinse et randue,
comme avés ouy, le roy d’Angleterre y mist une grande et merveilleuse
garnisson. Et ce y thint une espesse de temps en y mectant ces édit et
polhce. Auquelle durant il oit conclusion avec l’emperreur (et ne scet
on par quelle conseille) de destruire et arraser toutte la cité de The­
reuaigne avec la muraille, doubtant la rébellion d’ycelle. Et pour ce faire
y fut de rechief envoiez grosse armée ; et fut la muraille de la dite
Thereuaigne toutte araisée à fleur de terre, et la cité toutte airse et
brulléez, et tout le païs pilliés et gaistés, et y fit on dez malz sans
nombre , de quoy c’estoit pitiet et dommaige.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ ET AILLEURS].

Plusieurs aultres adventure et diverse fortune advindrent en celle
année, tant à Mets comme aultre part, Et premier, le jour de la Nativité
Nostre Damme, avint en Mets une adventure assés estrange, ne n’estoit
mémoire que homme vivent en eust veu la paireille. Car, le dit jour, en
juant à la palme, ung josne compaignon menusiet, et grant ouvrier de
son mestier, nommés Thierey, ce rompit le bras tout net en l’hostel
en Bourgongne; et fut ce fait en donnant ung copt de palme, lequelle de
sa puissance pansoit frapper au loing, mais il faillit, par quoy il donnait
cy grant secousse à son bras, sen ce qu’il cheÿt ne fût hurtés, que l’os ce
rompit en deux, et ne tenoit que à la piaulx. Qui fut une chose bien
estrange, car celluy Thierei estoit fort homme, et noviaulx mariez.
II estoit grant jueur de palme, bon arboullethiers, et avec ce le plus

1513.

— DÉFIANCE CONTRE LA CITÉ DE METZ

163

fort et le milleurs archiers que jamaix je vis. Et tiroit d ung cy fort et
gros arcque que à paine ung aultre l’eust sceu bander, et tiroit de grosse
flesche à l’avenent, et meismement tiroit droit et roide comme une
arboullette. Et, nyantmoins qu’il n’estoit pas fort grant ne puissant de
corps, cy estoit il fort homme : car il prenoit une corde d’airque à
quaitre cordon, et à force la rompoit a mains tout franchement. Et
estoit cellui bien jantilz compaignon ; par quoy sa maîtresse, qui estoit
riche femme, après la mort de son marit le print en amour et l’espousa.
Mais celle s’en repantit depuis, chacun le scet : car il estoit tropt josne
pour elle, et buvoit très voulluntiers. De quoy, ung jour qu’il n’estoit
pas maistre de lui, donnait ung copt de coustiaulx à ung que rien ne
lui demendoit ; et en fut deschaissiées et bannis de Mets.
Deffiance conire la cité par Philippe Sluiter. — En ces meisme jour
avindrent encor d’aultre nouvelle. Car, le mairdi devent la Nativité
Nostre Damme. et durant la foire à Francquefort, en laquelle alors y
avoit plusieurs merchamps de Mets, ung conte d’Allemaigne, nommés
Philippe Sceulter, duquel par cy devent vous ay desjay perles, envoiait
deffîer la cité à la requeste du devant dit Pier Burtal, cy devent nommes,
qui demendoit à avoir part en ung mollin auprès Vallier, et on non
duquelle, en l’an devent, furent desjay prinse, robée et rués jus la milleur
pertie de la merchandise d’iceulx merchamps de Mets en retournant
de la dicte foire, comme cy devent avés ouy. Et avoit celluy Philippe
achetez le droit du dit Pier Burtaul. Aussy, durant celle foire, furent
aussy rués jus et arestés les draps et aultre mairchandise des mairchant
de Sainct Nicollas.Et fut ce fait par ung seigneur d’Allemaigne, lequelle
avoit défilés le duc de Loraine pour ce que à tort et sans cause il avoit
estés arestés à la ville de Morhange, et y avoit estés près d ung ans
allant par la ville sur sa foy. Et perdirent yceulx merchamps de bamct
Nicollais touttes leur merchandise, qui montoit à moult grant finance.
Disposition « du temps. — Item, comme j’ay dit devent, lé bief de
cest année, froment, avaine, pois, feuve, navée et aultres grains, uren
bons à merveille, et les plus revenant que de loing temps furent ; et en
oit on à plantés ; touttefïois l’on vendoit les fin froment VI sols la
quairte. Aussy fut la vandange belle et bonne, et la milleur, corne je
croy, pour le païs de Mets, qu’il en y eust point depuis XL ans devan ,
et ost on plus de vin et milleur que on espéroit. Car, depuis que la gellee
cessa, comme j’ay dit devant, les vigne olrent tousjours le temps
soubhait et sans fortune ; et tellement que les raisins qui estoient eschappés d’icellui malvaix temps devindrent par tout les plus biaulx et les
plus groz et lez mieulx meure que jamaix je vis ; et, là où on cuy ox
qu’il n’y deust rien avoir, y oit encor assez, et bon. Et fut la vandange
toutte faicte et les chaucqueu cloz à la saint Remey. Et n’avoit pieu ne
cheut goutte d’yaue dez plus de deux moix devent, ne ne fist au vandangier ny au chaucquier : qui fut ung grant plaisir , mais avoi ou

a. Ms. : Dispositition,

164

1513.

— BONNE VENDANGE AU PAYS DE METZ

les jour fait ung bruit1 du mattin qui faisoit noircir et croier 2 lez
roisin , puis venoit la chailleur qui les faisoit meurir. Paireillement, les
laboureux olrent bon temps à l’anhainer. Et fut celle année, comme
j’ai di devant, appellée l’année de miraicle, pour ce que, durant que l’on
faisoit les porcession, 1 on ne pansoit rien avoir, mais, Dieu mercy !,
il y oit des vin encor essés, et furent les milleur et les plus naturel que
de loing temps furent.
Aulcuns bon homme se tuer par yvrognerie. — Et aussy il ce moustroit
par ce que plusieurs en estoient estourdis et en faisoient leur mal
proffit. Entre lesquel furent aulcuns compaignon qui s’en donnirent
oultre l’ensaigne à Porgnoy la Chaitive ; et tellement que desbat ce
esmeust entre eulx, et, por ce qu’il estoient yvre, ce bâtirent et ce
navrirent de haiche, d’espée et de massue en fasson tel qu’il en demourait deux ou trois en la plaice, et plusieurs en furent navrés.
De celle année de miraicle, et espéciallement des vins, le pays de
Mets en fut enrichis et tout plains d’argent, pour tant que alors en
France les chemins estoient cloz, et n’en yssoit nulz vivre : par quoy
les mairchant du Pays Baix, de Flandres, de Picardie, de Hénault,
d Allemaigne, du pays d Ardaine et de plusieurs aultre pays venoient
à grant routte 3 durant la vandange on Yault de Mets, et achetoient les
vin tout chault venant de la queuve, et qui n’estoient encor ressus 4,
et en donnoient XI et XII frant de la cowe, ce que peu devant leur
venue on avoit pour VIII frant et pour cenc sols. Et menoient yceulx
vin ainsy chault aux Anglois tenant alors le sciège devant Tournay,
et les vandoient ceu qu’il voulloient. Et, dez incontinant après la van­
dange, furent les dit vins remontés de pris : car, par la grant suyte
d’yceulx merchants, il furent mis à XIII, XIIII et à XV frant. Et
faisoient le plus biaulx paiement que jamaix homme vit : c’est assavoir
de florin d’or, escus nobles et angellot.
t L’yssue de pourle pour les vin d l sols. — Puis, tantost après, entre la
Noël et Chandelleur, 1 on ne voulloit moustrer nul d’iceulx vin au merchamps pour VIII florin de Mets. Par quoy yceulx merchamps, voyant
que tout les jours il remontoient, vinrent à chairgier en Mets ; et enmenairent plusieurs tonniaulx. Mais, dez incontinent que les seigneurs et
gouverneurs de la chose publicque de la cité en furent advertis, il mirent
1 yssue de la porte à L sols ; et encor pour ce n’y laissoient le venir.
De quoy le vin ce remontait à Mets, et fut mis à XII deniers la quairte ;
la navée, à XXV sols, les pois, VIII sols, les feuve, XX sols ; la chair
fut chier, espéciallement les porcquez, pour ce qu’il n’en venoit nulz de
France. Et estoient les laine et les draps fort chier : car la fine laine ce
vandoit XL sols le pois 5, et l’aultre à l’avenant.

1. Bruin, rosée du matin.

2. Croître.
3. En grandes bandes.
4. Rassis, reposés.
5. Pois (poids), mesure de laine.

1513.

— INCIDENTS

A

L’ABBAYE DE SAINT ARNOULD

165

Et, néantmoins que toutte chose fussent chier, comme dit est, cy ne
vis je en ma vie autant de josne gens en une année ce marier comme il
firent en cest présente année ; et ne veoit on que nopcez de toutte
part ; et en estoit cause la planté d’airgent qui venoit pour yceulx vin.
Item, aussy durans ces jours, le seigneur François le Gournaix,
chevalier, fut on non du Conseil de la cité envoiés à une journée qui ce
devoit tenir pour le fait du devant dit Philippe Selluster et de Pier
Burtault ; et fut le dit seigneur bien acompaigniez dez souldoieur et
aultre. Mais l’on ne flst rien.
Item, durant ce temps et les guerres devant dicte, ne faisoient que
passer, aller et venir ambassadeurs, messagiers, héraulx et poursuiant
et aultres seigneurs parmi la cité. Auquelles furent fait plusieurs dons
et présens, cellon lez personnaige.
Item, aussy avint que en cellui temps, le pénultime jour de septem­
bre, ce trouvait ung homme dessus le pont des Mors ; et, voyant cellui
venir au loing du dit pont ung chevaulx qui ruoit et regiboit, le dit
homme ce voult destorner du chemin et montait sur le taublement de
pier ; et, ce cuidant salver du dit chevaulx, ce laissait cheoir à 1 avallée,
et ce tuait.
Paireillement en ce meisme jours, qui estoit encor durans le temps
que l’abaye de Sainct Arnoult devant Mets estoit en desbat, ne n estoit
encor point à ce jour l’acort fait, y oit ung moyne d icelle abaye, alors
prieurs, et demourant à La Celle en Allemaigne, lequelle estoit noble
et du lignaige de Haussonville, cellui prieurs de La Celle cuydoit venir
et entrer soubz cautelle et parolle déceptive au dit Sainct Arnoult
pour y pranre pocession pour le devent dit Jehan de Loraine, évesque
de Mets ; et avoit amenez avec luy ung nottaire de Nomini et deux
tesmoing. Maix l’on s’apersust de leur fait. Et y fut causy tués le dit
moyne, et les tesmoing aussy, par les gairde qui gairdoient la porte.
Et furent loing temps les dits de Sainct Arnoult en grant doubte et
crainte, comme j’ai di devent : car plusieurs de Loraine, durant ce
tamps, cuidairent entrer en la dicte abaye pour y pranre poscession,
par quoy y furent on non de la cité mise bonne gairde d arboulletriers
et collevreniers qui gairdoient de nuyt et de jours. Mais, aprez plusieurs
jours, s’en flst la paix, comme cy devent ait estez dit.
Tournay el Thérouenne pririze des Anglois. — Item, aussy durant les
guerre des devent dit Françoy et Anglois, et après ce que Tournay fut
prinse et randue, comme avés ouy, le roy d’Escosse, lequelle avoit
estés deffait et desjectés d’Angleterre, comme dit est devent, flst
derechief une grosse armée, par l’ayde du roy de France, et se print
à mairchier contre les Anglois. Lesquelles, quant il en furent advertis,
n’atendirent pas sa venue, ains luy allirent au devent ; et tellement que,
en dessandant une montaigne, se rancontrirent les armées, et se frappirent les ung parmi les aultres. Et y oit une grosse et mortelle rancontre ,
mais, à la fin, yceulx Escossois ne le pourent endurer, et perdirent la
journée ; et y fut le dit roy d’Escosse, frère à la royne d Engleterre,

166

1513.

— GRANDES GELÉES D’HIVER

tués avec plussieurs aultres grant princes et seigneurs de son royaulme,
que tous demourairent mort en la plaice ; et plusieurs en furent prins
et détenus prisonniers. Desquelles mors ne prisonniers je n’en dis pas
les noms, ne la maniers cornent se perdit la bataille, ne le nombre des
tués : car assés d’aultres en ont escript et en perrolle essés amplement ;
par quoy je m’en tais et n’en dis plus. Sinon qu’il est vray que yceulx
Escossois, encor loing temps après, ne voulloient croire que leur roy
fût mors, ains l’atendoient de jour en jours, espérant que encor deust
revenir ; mais leur espérance fut vaine et de peu de profïit.
Paireillement en ce meisme temps, en l’antrée de l’yver, les François
qui estoient en gairnisson dedans le chaisteaulx de Millan ne le polrent
plus souffrir ne endurer : car il n’avoient secours de personne, et leur
estoient leurs vivre faillis tellement qu’il n’avoient que bouter en leur
dant, et cy avoient desjay souffrir de grant famine. Et pour ce, il ce
compousairent avec le duc de Millan, et sortirent dehors leur vie et
baigue salve, et randirent le chaisteaulx. Mais, eulx venus en France,
fut le roy cy coursé de la perde du dit chaisteaulx qu’il ne les voult veoir
ne ouyr.
La paix entre Vénitiens et Fran[çois], — Et estoient alors les François
en grant meschief et pouvretez ; par quoy force fut au roy qu’il trouvait
manier de faire paix à la seigneurie Vénicienne, et de avoir amour,
aliance et bonne confédéracion ensemble. Et assés tost après fut celle
paix acordée et confermée, et avec ce fut cryée et à son de trompe
publiée sur la pier de marbre du pallays royal de Paris et par les carrefort et lieux publicques de la dicte cité : c’est assavoir que bonne paix
et vraye alliance estoient faictez entre le trèschrestien roy de France,
Loys, XIIe de ce nom, et de la illustrissime seigneurie de Venise, c’est
assavoir pour eulx et leur successeur, d’une part et d’aultre. Qui fut
ung grant bien pour touttez la crestienté. En cest dicte alliance et
traicté de paix a esté expressément réservé lieu honorauble à Nostre
Sainct Perre pape Léon, dixsiesme de ce nom. Et pour cest paix ainssy
faictes furent fait à Paris les feux de joye, avecques feste solennelle.
Et aussy, par ce traicté de paix, fut délivrés et renvoiez à Venise le
noble chevalier messire Barthélemy de Alviane, avec noble compaignie.
Guerre entre Espaignolz et Vénitiens. — Item, assez tost après celle
paix faicte, olrent les dit Véniciens et Espaignotz grant guerre ensamble.
Et tellement qu’il se rancontrirent et eurent grosse baitaille ; en laquelle
demorait de grant noblesse, et en furent plusieurs des mors et tués,
tant d’ung cousté que d’aultrez. Et heurent loingtemps lez Vénissiens le
milleurs ; toutteffois, à la fin, perdirent le champs, duquelle estoit
cappitaine général le devent dit messire Barthélemin d’Alviene. Mais
de celle guerre n’en dirés plus, car aultrez que moy en ont escript.
Grant gellée d’yver. — L’yver de cest année mil Ve et XIII fut mer­
veilleusement grant, froit et de grant aspreté : car, depuis le jour de la
Toussaincts jusques a XXVIIIe jour de novambre, ne fist que gellée,

1513.

— MORT DE JACQUEMIN DE MOYEUVRE

167

neige et bruyne, sans plovoir ne cen desjeller. Et puis, dez ce jour en
jusques à la Chandelleur, ce renforsait le temps ; et gellait cy trefîort
et asprement que ce fut merveille, et jelloit tout les jour de plus fort
en plus fort, sans laichier ; tellement que, quant ce vint és Avant de
Noé, et tout parmi ces jour jusques au dit jour Chandelleur, les mollins,
par tout ces païs ycy, estoient sy treffort engellez qu’il n’estoit possible
de y mouldre bief ne farine, sinon quelque peu à Mairlei et à Maigney :
ains les couvenoit venir a mollin à Mets ; et y venoient aulcuns de
VII et de VIII lue loing, par quoy nuyt et jour y avoit cy grant presse
que l’on ne c’y pouoit tourner ; et, à celle occasion, fut faite commendement et deffance au boullungiés de Mets qu’il ne moullaicent que de
nuyt. Car de loing temps devant n’avoit cy fort gellés ; et durait celle
gellée en telz force et en cy grant froidure que la ripvier du Rin fut
prinse et engellée depuis la cité de Baille en jusques à Collongne ; et
furent plusieurs estans engellée de font en fon, et n’y avoit ripvier que
l’on ne chariait dessus. Et, meismement en celluy temps, y oit aulcuns
merchant fourains, qui avoient achetez dez vin on Vault de Mets, les­
quel, quant il vindrent en Braibant, furent cy treffort engellez és
tonniaulx qu’il fut fourés ung grant tairerre à bair de part en part des
dit tonniaulx : mais il estoient cy treffort engellés qu’il n’en saillit
oncque goutte. Et fut dit que en cest yver y oit plusieurs povre gens
mort de froit. Et n’y avoit homme vivant, comme on disoit, qui eust
jamaix veu faire plus grant froidure, au moins qui tenist cy longue­
ment : car elle durait jusques a jour de la saint Pol, sans grain desgeller.
Changement de temps. — Mais dez ce jour commensirent à fondre lez
neige, et vantoit treffort, avec quelque peu de pluye. Puis, tantost trois
jours après, ce rompirent les glaisse ; par quoy les eaue furent moult
grande, avec le buttin d’icelle glaice qui vint à l’avallée. Et flst biaulx
temps le jour de la Chandellour. Mais, tantost après et par plusieurs
journée, le temps fut moult variable : car, l’ung des jours, il gelloit
treffort de nuyt, et, le jour après, il plevoit ou neigeoit, ou aultrement
il gelloit de jour et plevoit de nuyt ; et ce chaingeoit ainssy le temps
tout les jour trois ou quaitre fois.
La mort Jacomin de Moyeuvre. — Item, en cest yver, environ le Noël,
morut en l’ostel de la ville ung des bourjois de Mets, luy estant en
prison, qui ce nommoit Jaicomin de Moyeuvre. Lequelle, en son temps,
estoit estimés pour l’ung des riche bourjois de la cité ; et avoit par
plusieurs jours servis la cité comme maistre gouverneurs et recepvoir
dez denier de la maison dez Lombairs Dessus le Mur et auprès dé
Cordelliers, en laquelle maison ce prestoit argent à monte à qui en
voulloit, et tout au proufïit de la ville. Gellui Jaicomin fut aussy par
moult loing temps sairgent des Trèsez. Et, luy estant sairgent, fut
trouvés qu’il avoit mal randus compte dez argent ressus au dit Lumbairs : par quoy il fut prins et mis en prison, et fut jugiez à grosse
amande. Et, luy estant dehors prison, en voult plaidoier et en appella ;
mais il fut derechief prins, et, après plusieurs enqueste, il fut condampnés par santance defFmitive d’estre en prison perpétuellement

168

1514 N. ST. — MEURTRE ET VOL AUPRÈS DE WOIPPY

en pains et en eaue, comme cy devant en ung aultre lieu ait estez dit,
là où j ay perlés de sa prinse. Et y fut le dit Jaicommin jusques à cest
présante année, qu’il morut ; et fut menés à Saint Loys. Et à celle
occasion, dès le jour qu’il fut prins, furent les dit Lumbairs abatus et
afïassiez 1 , ne n y prestait on plus argent depuis. De quoy mainte
povre gens furent courcés : car ce leur estoit moult grant plaisir de
tousjour trouver argent à leur grant nécessité, pour ce que l’on ne
pernoit sus chacune libvrez de gaing qui vaulsît le dire Grant mercy ! 2.
Mais lez Frère de l’Observance prêchoient que c’estoit husure. Et pour
ce furent deffait, avec 1 occasion que y donnait le devant dit Jaicom­
min.
La mort de la royne de France. — En cest présante année, le deusiesme
jours de janvier, par ung lundi, cheut en maladie au chasteau de Bloys
ma damme Anne de Bretaigne, royne de France ; puis trespassa le
lundi après ensuyvant, neufviesme jour du dit moix. Et fut anprime 3
mise en terre le jeudi XVIe jour de febvrier. Et fut fait à son corps
autant d honneurs qu il estoit possible de faire à nul corps de prince ne
de princesse, tant au dit Bloys comme par tout le chemin, en tirant à
Paris. Et souverainement, quant ce vint à la recepvoir à Paris et à
Sainct Denis, on y fist chose de l’aultre monde, et sérimonie estrainge,
lesquelles seroient tropt longue à dire ou à escripre. Et pour ce m’en
passe et n’en dis plus. Mais la renommée estoit que celle royne avoit
assemblés cy grant trésors que l’on y trouvait, après sa mort, la somme
de trois million et LX mil escus au solleil.
Ung laidre, sa femme et son fdz bruslés auprès de Vapei. — Item, en
celluy temps y avoit ung laidre demourant en une maisonnette sur le
grant chemin entre la ville de Waipei et Laiduchamps : c’est assavoir
que celle maison estoit droittement scituéez là où le chemin qui vait de
Mets est forcheut, etque cellui de Laidomchamps ce despart de cellui de
Waipey. Cellui bon mallaide avoit grant nommée qu’il avoit de l’airgent
(non pas tant que la royne devent dicte : car je veult perler du petit
comme du grant, et est tout ung quant on sont mort) ; mais, pour
revenir au prepos, l’on disoit qu’il estoit riche et qu’il prestoit à monte 4.
Tellement que, pour le bruit et par couvoitise d’avoir le siens, et possible
aulcuns à qui il avoit fait plaisir, luy juairent d’ung malvais tour :
car, le dit ans, vigille de la sainct Pol, l’on trouvait le povre homme
brûllés en sa maisonnette, et avec luy sa femme et ung petit filz en
l’eaige de trois ou de quaitre ans qu’il avoient. Et fut trouvés que cellui
qui avoit fait le fait leur avoit premier coupper la gourge pour avoir leur
argent, et puis avoit bouttés le feu en la maison : car on trouva les corps
du dit laidre et de sa femme, maix l’on ne polt jamaix trouver les teste ;
1. Affaisser, supprimer. C’est ici le premier exemple de ce verbe en français.
2. L intérêt (gain) que l’on prenait par livre était si faible qu’il ne valait pas un
« merci ».
r
3. En primes, seulement.
4. Il prêtait à intérêt.

1514

N. ST.

LONG HIVER

169

et le petit anfïans, l’on le trouva gisant au giron de sa merre, et estoit
tout anthier avec la teste ; par quoy on estimoit que le perre et la mère
avoient heu la teste tranchée. Et ne soit on jamaix qui ce eust fait.
Le tempesl cheus à Venize. — Item, on dit ans, on mois de febvrier,
vinrent certaines novelle à Mets d’une grande fortune advenue en la
cité de Venise. Et fut le cas tel que, en ce temps, le Xe jours de janvier,
fouldre et feu cheurent du ciel en la dicte cité de Venise. Et premiers
ce print le feu en ung lieu nommés le fondicque dez Tudesque (qui est à
dire le fondicque ou maison dez Allemans). Et est ce lieu une grande
maison, comme ung couvant ou une grande religion de moyne, là où
tous les mairchant de plusieurs cité d’Allemaigne ce retraient. Et fut
tout le dit fondicque airs et brûllés, avec toutte la marchandise qui y
estoit, qui montoit à une orible somme ; et avec cellui fondicque furent
brûllée environ trois cenc maison de la cité. De quoy ce fut ung mer­
veilleux dopmaige : car je vis en escript, en aulcune lettre qui pour ce
fait furent envoiéez par dessà, que l’on estimoit à Venise cellui dopmaige
ainssy advenus à plus grant chose que ne vailloit toutte la ville d Envers,
hors de foire. Et disoient encor les dicte lettre que les pouvre merchants
estoient comme au désespérés, et ce tiroient par les cheveulx, que c estoit
pitiet de leur fait. Dieu par sa bonté lez vueulle reconforter, et nous
gairde de encheoir en ung telz inconvéniant !
Item, cest yver, corne j’ay dit devent, fut merveilleusement froit , et
durait cy longuement que, à la sainct George après, l’an mil V cenc et
XIIII, l’on ne trouvoit encor nul fleur de serisiés, de pruniers ne de
peschiez (au moins bien peu), et ne ce bougeoit encor point la vigne.
Mais de ces choses et de touttes aultres vous lairés le parler quant à
présant, jusques ad ce que j’airés dit qui fut en 1 an après maistre
eschevin en la noble cité de Mets. Dont Dieu soit garde, et de tous lez
habitans !

[l’année i5i4] -

Mil vc et xiiij. — Quant ce vint en l’an après, que le milliair courrait
par mil Ve et XIIII, qui fut en la XXIXe du devant dit Maximilian en
son Royaulme des Romains, fut alors fait, crées et essus pour maistre
eschevin de la cité de Mets messire Michiel Chaverson. Et estoit en
présance le devant dit Jehan Baudoiche, maistre eschevin de 1 année
passée, lequelle alors estoit bien joylley 1 et bien joieulx d avoir saillis
à son honneurs de la chairge d’icelle office : mais au londemains luy
print une soudaine malladie, en manier d ung cataire, de quoy il ce
allitta ; et morut le VIIIe jour après, qui fut le XXIXe jour de mars.
1. Jolif, joli, au sens de« gai, content *.

170

1514. — MUTINERIE A WORMS

Dieu luy perdoinct ces faulte ! Amen. Car ce fut grant dopmaige de sa
mort ; et oit ung grant plains, pour ce qu’il estoit biaulx personnaige
en sa force et jonnesse, et, avec ce, vaillant aux airme et hardi. Aussy
il estoit extrait de grant sanc, de la resse de la Mairche, nepveus à mon
seigneur de Liège et à messire Robert de la Merche.
En ce temps vinrent les certaine nouvelle de la grant baitaille et
merveilleuse tuerie qui avoit esté entre les Vénissiens et Espaignotz.
viij bourgeois exécutés à Wormes. — Item, aussy en ce temps, en la
sepmaigne des Palme, c’on dit Pasque Florie, vinrent nouvelle sertaine
que en la cité de Wourme, en Allemaigne, avoient de noviaulx estés
escécutés VIII bourjois d’icelle ville. Lesquellez estoient ainssy nommés :
premier, Jaicob le mercier, Jaspar le pellethier, Jaspar le cordonnier,
Niclasse Raiez et Willemin le nonettier1 — ses Vycy heurentles teste
couppée—;puis,pour le VIe,ce fut Conraird le permenthiet,lequelle eust
ung chault fer bouttez tout parmi le visaige ; et à Hannès Ruter furent
coppés deux des dois de la mains ; et le VIIIe, nommés Michiel le
pottiet, fut batus tout nudz parmi la ville. Et fut ce fait pour ce qu’il
avoient voullus conspirés aulcune chose contre la cité et les seigneurs.
Par quoy debvés entandre que en moins de deux ans avint diverse
esclandre en plusieurs pays et cités assez près nous voisin, comme
Collongne, Wourme, Triève, Liège, Ays et Northenhen. Dieu nous gairde
de telz inconvéniant ! Amen.
Mûrires commys en une ville d’Alemaingne. •— Or escoutés aussy,
c’il vous plaît, une piteuse adventure qui avint en celle meisme année en
Allemaigne, et assés près d’ycy. Celle adventure et traïson avint le
propre jour du grant vandredi. Le cas fut tel que en ung villaige nom­
més Loussème, environ à IX lieue de Mets sur le chemin pour tirer à
une bonne ville en Allemaigne nommée Quierpricque, ou de Berquefelleste, qui sont ville fermée, ung peu à coustier du chemin de Francquefort, en la paroiche du devant dit villaige, environ à demi lieue loing
d’icelluy, y ait une moitresse qui est de la dite paroiche. Et en ycelle
moitresse demouroit alors ung moitriez assez riche et plantureux, luy,
sa femme et ces anffans. Avec cellui moitriet avoit autrefois demourez
ung compaignon estraingiez, et sa femme avec luy, lesquelles tout deux
estoient serviteur au dit moistriés ; puis, pour aulcune occasion, avoient
heu prins congiez. Et furent loingtemps dehors cen retourner ; mais, en
l’yver passés, Ve et XIII, estoient lez dessus dit revenus ; et furent remis
en leur office comme devent. Or avint que durant ce temps il conspirairent mal et trayson encontre leur maistre et maîtresse ; et tellement
que, à ce jour du vandredi sainct, qui est ung jour de dévocion, se
malvais guerson ordonnait à sa femme, qui estoit aussy malvaise que
luy, ce qu’elle devoit faire. Et, pour ce que cellui malvaix lairon ymaginoit que son maistre avoit grant finance d’or et d’argent, il conduit

1. Fabricant d’épingles (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle,
article nonnate).

1514. — CRIME AFFREUX COMMIS EN ALLEMAGNE

171

le dit son maistre jusques à l’esglise, qui estoit à demi lue loing,
corne dit est, faindant de aller en dévocion pour ouyr le service divin ;
et laissait sa femme à l’ostel auprès de sa maistresse, qui ce gisoit
d’anfïans, corne pour la sollacier ; mais la traystre avoit bien aultre
pancée. Car, alors qu’elle soit son maistre et son marit à l’esglise, celle
maldicte femme s’en vint droit au lit la gisante, sa maîtresse, et, avec
ung coustiaulx qu’elle tenoit en sa mains, luy vint à courrir sus. Et, du
premier copt, luy présanta contre la gorge, et bien furieusement luy dit
qu’elle sairoit où estoit l’airgent, sinon, qu’elle la tueroit. De quoy la
pouvre femme fut moult espaventée, et n’olt autre advis que de prandre
son petit anffans entre ces bras ; et la traïstre, la voyant en cest estât,
sans pitiet la parforsoit de plus en plus, menassant, se de brief ne luy
disoit où leur trésort estoit, de lui oster la vie à elle et à son anfïant.
Alors la pouvrette, toutte esperdue, les mains joinctes et à chaulde
lairme, lui crioit mercy ; mais sans pitiet celle mauldicte femme percévéroit en sa mallice. Toutteffois la pouvre gisante lui en dit tant et d une
et d’aultre, avec humble perrolle, luy promectant de lui moustrer l’or
et l’airgent, qu’elle eschappait et sortit de la où elle estoit , mais la
cruelle laironnesse la tenoit tousjour subgect, luy présantant le cous­
tiaulx en l’estomach, jusques ad ce que la dicte sa maîtresse lui moustra
ung escrins, qui estoit en une petitte chambre, auquelle elle dit que leur
argent estoit. Et, alors que ycelle malvaise femme ce abussoit à quérir
en cest escrins, la dicte gisante, sa maîtresse, ce advensait, et bien viste
saillit dehors, et l’enfermait dedans la chambre , et, ce fait, boutait ung
groz tenal 1 de boix au travers de l’uys, parmi ung agniaulx de fer qui
pandoit à celluy. Et, quant elle se santit enfermée, lors ce print à braire
et à cryer sy cruellement et cy fort qu elle sambloit qu elle fût enraigiéez ; mais à la bonne femme n’en chailloit, car la dite moitresse estoit
au bois et loing de toutte gens. Et, après ce fait, elle envoyait inconti­
nent une siengne josne fillette bien en haitte au moustier pour dire ces
nouvelle à son marit. Et alors le traïstre verlet et marit de la malvaise
femme, quant il ost conduit son maistre a moustiet, comme dit est
devant, se despartit secrètement du lieu, et s en vint pour aydier la
dite sa femme. Et, en venant, rancontra la josne fillette qui alloit quérir
son perre ; et, quant il la vit, se pansa bien où elle alloit . par quoy il la
print par la mains et la ramenait arrier. Mais quant la pouvre femme
gisante vit revenir le traïstre qui ramenoit sa fille, et ne vit pas son
marit, Dieu scet en quelle estât elle fut, et, c elle oit grant peur, nully
n’en mescroie 2. Toutteffois elle fist de nécessité vertus : car elle fut
advisée de farmer son huis, et se enclouit dedans la maison. Le traïstre,
voyant ce, la print à menasser, disant que, c elle ne ovroit 1 uys bien
vistement, il feroit chose qui lui desplairoit. Et elle, considérant que,
c’elle l’ovroit, elle estoit femme perdue, et, d’aultre part, elle estoit en

1. Ce mot correspond à un français tenait; il signifie « ce qui sert à tenir ».
2. On peut traduire : et tout le monde me croira si je vous dis qu’elle eut grand peur.

172

1514.

—• ACCIDENT MORTEL A MOULINS-LÈS-METZ

grant détresse pour sa josne fillette que le traïstre menassoit à mort.
Et luy, voyant qu’il n’entreroit pas dedans, tirait son cousteaulx, et
couppa l’une des mains à la dicte fillette, et la mist en la maison par la
poullière 1 de dessoubz l’uis ; puis, de rechief, voiant que la dollante
mère n’en feroit aultre chose, reprint arrier ycelle josne fillette, qui ce
gisoit à terre toutte pasmée devant lui, et luy couppait l’aultre mains,
et la donnait encor à la povre mère par la poullère. Puis, après plusieurs
perrolles qu’il eurent, luy et la dollante mère, laquelle perfondanment
ploiroit pour la pitiet d’icelle fille (et avoit bien cause, car le traystre
voulloit et estoit preste de encor pis faire, et,comme enraigiés et hors du
sancquez, voulloit coupper la gourge à ycelle fillette), quant Dieu par sa
graice envoiait deux ou trois jantilz hommes chevaulchant près de ce
lieu 2. Lesquelles, oyant le cris et le brais de celle malvaise femme qui
estoit enfermée en la chambre, se approichairent du lieu, et trouvairent
la josne fillette en la pitiet c’avés ouy. Et touttefïois, comme chose
miraculleuse, à l’eur qu’elle lez vit, se print à rire; et, le fait cognus, elle
leur moustra le murtreus, qui ce avoit quaichiez en des tison ou en du
bois. Sy fut prins, luy et sa femme, et loyés comme deux viaulx par les
mains et par lez piedz, et ainssy mis sus ung chevaulx, pandant d’ung
cousté et d’aultre. Et furent menés là près en ung chasteaulx en prison,
duquelle ne sortirent jamaix sinon pour en faire une cruelle justice ;
mais de la manier comment, je n’en sçay rien, car je ne m’en suis pas
enquis. Et la povre femme gisant, de peur qu’elle oit, ce laissait tantost
morir après.
Ung homme tués à Mollin d’un traid d’arboulleste. — Plusieurs for­
tune et diverse adventure, avec aulcuns prodige, avindrent en cest
présante année, desquelles je vous en metteras ycy une partie. Et
premier, le dimenche devant lez Rogacion, c’on dit les Grant Crois,
advint ung cas de fortune à la ville de Mollin devant Mets. Car, ainssy
comme à ce jour les josne compaignons et josne hommes d’icelle ville
tiroient après dînés de l’arboullette à leur butte, et que en ce lieu y avoit
plusieurs personnes qui resgairdoient, entre lesquelle y avoit ung josne
homme de la ville, nommés Loys le Velz (et estoit cellui l’ung des biaulx
compaignon du païs), icellui Loys ce estoit apoiés contre ung nouuiet
et resgairdoit le jeux, mais, de copt de malle fortune, y oit l’ung d’yceulx
arboullethier, nommez Arnoult, duquel le trait vint à férir la branche
d’ung arbre, et ycelle branche fist glandir 3 le vireton à coustier, telle­
ment qu’il vint ataindre celluy Loys en l’estomach. Et, incontinant
qu’il santist le corpt, il tirait le trait dehors et le ruait au loing ; puis,
ce fait, demandait confession, et morut. Et fut une grant pitiet, car il
avoit trois ou quaitre petit anffans, et sa femme qui estoit acouchée du

1. Polîreen patois messin (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle),

en français

: chatière.
2. Phrase informe.
3. Ce mot, qui nous est inconnu, a sans doute le sens de« ricocher ».

1514. — LA « PATIENCE JOB )) JOUÉE A METZ

173

jour devant. Cella fait, le dit Arnoult ce absantit du lieu ; mais, peu de
temps aprez, messire Claude Baudoiche, chevalier, leur seigneur, en fist
la paix, en récompensant la dite femme des biens du dit Arnoult.
Grant pluye vers Monloi. — Item, aussy il advint que, en celle meisme
année, le mairdi des Rogacion, fist on Hault Chemin, principallement
devers Montoy et és villaige entour, une orible et soudaine oraige de
pluye. Laquelle vint de cy grant force au lieu devant dit, sans en point
cheoir aultre part que à conter fût, que ce fut merveille : car celle pluye
estoit entremellée de grelle, et cheoit sy oriblement et espessement qu’il
sambloit que tout deust fondre. Et tellement cheut et cy subit que,
de la force d’icelle, vint une ripvier à Lavallée parmi la ville de Montoy,
laquelle yaue dessandoit dez couste et montée entour la dite ville en
fasson tel que, de la force d’icelle yaue, elle abatit aulcune maison, et
fist moult grant dommaige en beste noyéez et aultre biens. Et, de fait,
antrait celle eaue par l’uys devant d’une d’icelle maison, et estoit celle
eaue du hault d’ung homme, et vint de cy grant roideur contre le mur
derrier de la dicte maison qu’elle l’abatit ; et, avec cella fait, enmenait
celle eaue une queuve plaine de bledz hors d’icelle maison bien loing en
des gerdin ; et les gens d’icelle maison n’eurent plus de loisir que de ce
saliver parmey le teys, car aultrement il fussent estez noyez, tant en la
dite maison comme aux aultres, c’il ne ce fussent salvés et gairantis en
montant en hault sur leur maison. Et fist celle eaue moult grant dopmaige tant és terre corne aultrement.
« La Pacience Job » juée à Mets par personnaiges. —■ Item, és feste de
la Panthecouste ensuivant, fut jués à Mets, a piedz dez degrez de Cham­
bre, le mistère de la Pacience Job ; et y faisoit moult biaulx.
Et à ycelluy meisme jour, du matin, vint à Mets une moult belle et
honorable procession de XIII villaige d’Entre deux Eaue, c’est assavoir
de Chamenat, Espley, Morville, Lorei devent le Pon, Joiei, Marieulle,
Veson, Merdegnei, Boursier, Mairlei, Auvegnei, Salney, Con, Coing,
Quevrei, Pournoy, Feey, et plusieurs aultres. Et estoient tous les josne
anffans mis sinq à sincq, en une moult belle ordonnance : c’est assavoir
quaitre guerson et une josne fillette entredeux, laquelle pourtoit ung
scierge en sa main ; et en telle ordonnance antrirent en Mets, et s’en
allirent jusque à Nottre Damme des Carme. La belle Damme le preigne
en grez ! Amen. — Item, pareillement ce firent encor plusieurs aultre
belle procession, en regracient Dieu de l’année précédante, et en luy
priant que de l’avenir les vueulle aydier et préserver aux champs et à
la ville.
Le chapitre tenus aux Frères Prescheurs de Mds. — Aussy, en cest dite
année, le dimenche aprez la Translacion saindt Nicollais, fut tenus le
chaippitre a Frère Prescheur. Au quelle ce trouvairent plusieurs notauble
docteur et de diverse nacion ; et leur fist on ung moult biaulx recueil,
de quoy il ce tenoient très content : car la seigneurie et la bourjoisie leur
firent de grans biens.
Ung paslorialz tués d’oraige. — Item, en celle meisme sepmaine, en
ung villaige on Hault Chemin, soubz la seigneurie de l’ospital de Mets,

174

1514. — TRAITRE EXÉCUTÉ A THIONVILLE

fut tué de fouldre et d’ouraige ung josne guerson pastoriaulx. — Et tout
perreillement en avint à ung aultre guerson en la ville de Chaitel soubz
Sainct Germain.
Ung tixerant noiés par fortune. ■— En la meisme année, le XVIIIe jour
de jung, ung thixerant de Mets, estimés homme de biens cellon son airt,
en retournant en sa maison sur le tairt, après le souppés, le dit cheut en
la rivier et ce noiait. Et ne soit on comment cella avint, ne qu’il fut
noyés 1, tant qu’il fût trouvés.
Ung chevalx ayant les deux nature. — Aussy, en celle meisme année,
furent veu plusieurs prodige en Mets. Et, premier, arivait en ycelle ung
homme d’arme, nommés le groz Richairt, lequelle aultrefois avoit estez
au gaige de la cité ; ycelluy Richairt amenait avec luy ung chevaulx qui
estoit roussin et jeument, et avoit réallement deux nature, l’une de
roussin et l’aultre de jeument.
Ung anffans venant aux monde difformes. — Paireillement, en celle
dicte année, on moix d’aoust, fut neys ung anffans en la ville de Grixey,
qui est de la paroiche de Saint Eukaire de Mets, lequelle anffans avoit
une teste gemelle : car il avoit fasse devent et derrier, et la plus laide
figure que Dieu flst oncque ; et en l’une d’icelle fasse n’avoit point de
bouche. Cest figure n’avoit que ung corps, ne n’avoit que deux jamhe et
deux bras, mais il avoit quaitre mains, et estoient tournés lez dos des
mains l’une contre l’aultre. Néantmoins il fut baptisés en la pelle 2 par
la saige femme, et le curé de Saint Eukaire le confairmait ; et puis
morut.
Ung poullet ayant iiij jambe et ij leste. — Aussy, paireillement on dit
ans et en ce meisme temps, à Mets, en la plaice devant le Sainct Esperit,
c’on dit la plaice Facatte, en l’ostel Jehan l’orfèvre, fut neys ung poullet
ayant quaitre jambe et deux teste ; mais l’une des dicte teste estoit
dedans le vantre d’icellui poussin : car, quant il fut mors, il fut fandus
et ouvert, et fut celle teste trouvée dedans son corps. Et ne vesquit que
deux ou trois jours, qu’il morut.
Plusieurs aultre merveille avindrent encor en celle année, que je laisse
pour abrégiez.
Ung compaignon descartellés pour avoir voullus trahir Thionville. —
Item, en celle dite année, on voult trayr et desrouber la ville de Theonville : car l’on la cuida pranre par trayson, et, la manier comment, l’on
devoit boutter les feu en plusieurs lieu. Et ainssy avoit estez conclus
par le fait d’aulcuns traystre qui la dévoient délivrer à Poincellet, qui
alors estoit cappitaine de Florhenge pour le seigneur Robert de la
Marche. Or advint que, ung jour, l’ung d’iceulx traystre qui dévoient
bouter le feu estoit en la taverne avec plusieurs aultre de la ville de
Thionville, lesquelles chantoient, ribloient et menoient une merveil-

1. Et l’on ne sut même pas qu’il était noyé, jusqu’à ce qu’il fût trouvé.
2. Pelle signifie la chambre où l’enfqnt naquit (poile), On attendrait le masculin.

4514. —■ PAIX ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE

175

leuse et joieuse vie, et faisoient grant chier. Et alors cellui traystre,
qui devoit aydier à boutter lez feu (lequelle, comme je croy, avoit tropt
beu), les oyant ainssy chanter et mener la vie, ait dit ainssy : « Ceulx de
Thionville », dit il, « font maintenant bonne chier ; mais, avent qu’il
soit trois sepmaigne, il n’aront cure de rire ». Sur ces perrolles ainssy
prophérées, fut mise la mains à luy, et fut prins et mis en prison pour
sçavoir qu’il voulloit dire, et dont lui venoit la congnoissance de ces
chose. Et, incontinant qu’il ce santit détenus, cogneust son cas, et dit
comment Poincellet, cappitaine de Florhange, avoit merchandés à luy
et à plusieurs aultres de faire la trayson ; et dit combien qu’il en avoient
desjay resseu. Le dit cappitaine, ouyant ces nouvelle et ce voullant
purifier et nestoier du cas, vint à Thionville, par essurement et saulconduit, allant et venant. Et, le troisiesme jour d’aoust, qui fut le jour
de l’Invencion sainct Estienne, en fut faicte la justice ; et fut escécutés
celluy mal faicteur présant le dit cappitaine Poincellet, auquelle mainthint le dit malfaicteur jusques à la mort que la chose estoit ainssy
et que la trayson avoit fait faire, ne jamaix ne chaingeait son prepos,
quelquez remonstrance c’on lui sceût faire. Et alors en fut la justice
faicte, qui fut tel : premier, on luy coppait le mambre viril avec les
génitoire ; puis lui fut fandus le ventre, son cuer tirés dehors, et lui fut
moustrés, luy encor vivant et tousjour soubtenant que le dit Poincellet
luy avoit fait faire. Et puis, ce fait, fus mis en quaitre quairtiers et
ataichiez à quaitre potance sus les chemin en diverse lieu. Et en sem­
blant manier se devoit faire de Rodemack, se Dieu n’y eust mis sa
graice. Et, au bout de demi ans après, fut encor trouvés l’ung d’iceulx
traïstre, mais non pas cy courpable que le premier : toutteffois il oit
la teste tranchée, et fut descairtellés et mis sus lez chemin, comme
dessus.

[PAIX ENTRE FRANCE ET ANGLETERRE ;
LOUIS

XII

ÉPOUSE

MARIE

D’ANGLETERRE].

Ordonnance du roy. — En ces meisme jours, estant encor le roy Loys
vesve, ordonna et fist ordonner par tout son royaulme que, à l’heure de
la levacion du précieulx Corps de Nostre Saulveur et Rédempteur
Jhésu Crist, és haulte messe chantéez à note, dévotement fût dit et
chanté ce versel de l’hymne du Sainct Sacrement : « O salutaris hostia,
que celi pandis hostium », etc. Et fut ce institués et ordonnés que dès
ce jour en avant il ce feroit.
La paix publiée entre le roy de France et d’Angleterre. — Item, le dit
ans, le mescredi séziesme jour d’aoust, fut paix criéez, annoncée et
publiée à son de trompe et de clérons sur la pier de marbre du palays
royal de Paris entre le trèschrestien roy Loys, douziesme de ce nom, et le

176

1514. — ENTRÉE DE LA REINE DE FRANCE A PARIS

très noble roy Hanry d’Angleterre. Et parmi cest acord fut traictés,
promise et acordée en mariaige au prédict roy Loys douziesme Marie,
suer du prénommés roy d’Angleterre. Par quoy furent randue grâces
et louenges à Dieu, et en furent fait lez feux de joye. Et, pour la confirmacion de ce mariage, la dicte damme fut peu de temps après conduicte
et menée en Frances. Et, acompaignées de grant noblesse, avec grant
goure et triumphe, fist son antrée au lieu de Abeville, le dimenche
huytiesme jour d’octobre. Et en ycellui lieu d’Abeville furent les nopces
faictes, cy grande et cy triumphante comme il est possible de faire à roy
et à royne. Et estoit la cité tandue et parées de diverse draps de tapisse­
rie ; et y fist on feste et joie à tous venans.
L’antrée de la royne de France à Paris. — Puis ce pertit le roy et la
royne du lieu d’Abeville. Et prinrent le chemin tout droit à Sainct
Denis en France, auquelle lieu il furent ressus en moult grant joye et
magnifissance. Et en ce lieu fut Marie, la royne, honnorablement
courognée, avec grant joye et liesse, comme a cas aperthenoit. Et, ce
fait, le lundi sixiesme jour de novembre en l’an dessus dit, fut la dicte
royne mise sus ung moult riche chariot et fort triumphant, et, à descou­
vert, avec une moult riche courongne d’or sur sa teste, fut menées
jusques au lieu de La Chapelle devant Paris : auquelle lieu vindrent
tous les seigneurs et damme, avec tous les noble officier de la court de
perlement de Paris, pour ressoire et acompaigniez la dicte damme à
faire son antrée à Paris. Aussy y vindrent toutte la clergie et touttes
les Ordre mendiantes, et tant d’aultre noblesse, pour ressoire la dite
damme, qu’il seroit loing à escripre. Et ainssy en grant honneurs fut
menée en la bonne cité de Paris ; en laquelles estoient les rue par où elle
passoit tandue de tapisserie et de riche draps d’or et de soye. Et ce
moustroient plusieurs mistère nouviaulx sus escheffault pour resjoir
la dite damme. Et ainssy en grant triumphe, avec trompette et cléron,
fut menée jusques à la grant église Nostre Damme de Paris, en laquelle
elle fist ces oréson. Puis fut remise sus son chariot, comme devent, et
ainssy, noblement acompaignée, fut menées a pallas royal, auquelle
estoit le riche bancquet apareilliés. Pour perler de la feste que ce soir
fut faicte, tant en diverse mets comme en jeus, en mommerie et en plu­
sieurs armonie de diverse instrument et chant de musicquez, ce seroit
chose longue à racompter. Et, après touttes feste passée, fut la damme
menée couchier en une moult riche chambre que pour elle on avoit
apareilliez. Et au landemain, qui estoit mairdi, septiesme jour de
novembre, la dicte damme, moult noblement acompaignée, se partit
du prédict palais pour s’en aller, elle et tout son trein, au logis des
Tournelles, en la rue Sainct Anthoine au dit Paris, là où alors estoit
logé le roy. Et en ycelle fut la dicte damme moult honorablement
receue, et par plusieurs jours, en feste, en joie et en touttes triumphe
et honneurs. Et, encor pour plus ce resjoyr, durant ce temps, mon sei­
gneur le a duc de Valoys, de Bretaigne et conte de Angolesme, prince
a. Ms. : de.

1514. — GRANDES JOUTES A PARIS

177

triumphant, fist crier et publier les joustes et tournoyemens à Paris,
c’est assavoir à trompettes et clérons, par les héraulx et roy d armes,
en telz manier que luy, IXe de jantilz hommes ses aydes, tenans le pas
encontre tous noble et jantilz hommes, de quel heu qu il fut. Et fist
celluy seigneur faire et édiffier en la dicte rue Samct Anthome, près
des Tournelle, ung trèssumptueux parron ou arche triumphant, laquelle
euvre estoit cy manificquement faictes qu'ilz n’y avoit rien mieulx.
Et à ycellui pandoient lez escus et blaison du roy et de la royne, avec
VI aultre escus painct de diverse coulleur :car l’ung estoit tout d or,l aultre d’argent, aulcuns estoient gris, et d’aultre noir ou blan; et n y avoit
escus qui se resambla. Et, tout ceulx qui voulloient jouster ou tournoier,
il devoit premier venir hurter contre l’ung d’iceulx escus. Et cellui qui
estaindoit * ou féroit l’escus d’or, il estoit tenus de jouster a chevaulx
ung nombre de copt à fer enmollus*,et puis, après ce, fenr a 1 espee
tranchant ; et dévoient estre armés cellon qu’il estoit dit et que les juge
le devisoie. Et cellui qui ataindoit l’escus d’argent devoit jouster
d’une aultre sorte, et a dit dez juge. Et cellui qui ataindoit 1 escus
noir ou gris, d’aultre manier. Car aulcuns dévoient combaitre à piedz,
et aultres à chevaulx, aulcuns estoient pour gairder le pas et aultres
pour assaillir ; et estoient les ung armés d’une fasson et les aultrez
d’ung aultre, cellon lez escus qu’il avoient estams. Et, qui vou loit
hurter à tous les escus ou à plusieurs, il luy failloit combaitre d aulta
de sorte comme il avoit hurtés et frappés d’escus. Et amssy estoit la
manier de faire, et de sçavoir comment l’on c y devoit governés E ,
jour venus, furent les lices dresséez pour les dictes joustes et tour­
noyemens. Auquelles vaillanment et en bonne deffance le dit seigneu
tint le pas en présence du dit roy, de Marie, la royne, et de plu^eurs
grant princes et princesse, et de tous ceulx et. celles qui voulloienreegairder. Et durairent ycelle joustes plusieurs jours tenans en deffanse,
dont c’estoit à luy grant gloire et louuanges.
Mais, pour revenir a prepos de ce maryaige de Loys, roy de France,
et de la devant dicte Marie, seur à Hanry, roy d Angleterre, furent
plusieurs gens esbahis. Car ce n’estoit pas ung manaige consonnante ne
de meisme, veu que luy, qui estoit viez, cauducque et goutteux avo
prins une cy belle josne damme comme elle qui estoit en la fle
son eaige. Et aussy les clerc et escolliers de Paris en ce mocqnantjt
fairsant de luy, en firent plusieurs jeux, baillaide et d

lesquelle en fut juées une fairce là où il estoit dit que le roy avo t envoyé
quérir une haiquenée en Angleterre qui le manroit bien tost en parad
en poste. Aussy ne mentoie il pas, car bien os aprez
,
vesquit guerre avec elle, comme nous dirons tantost. - De: celle pa
et mariaige fut l’empereur très couroussé et malcontant, com

2. fftr émoulu, avec des armes tranchantes (on combattait ordinairement avec des
armes courtoises, ou émoussées).

178

1514. — LE DUC DE SUFFOLK S’ÉTABLIT A METZ

disoit. Et aussy fut dit que le roy le fîst pansant avoir lignié qui raignait
aprez luy, et affin que Fransoy, monsseigneur, que puis ait estés roy
ne pervenît à la couronne. Mais ce que l’homme préposé,’ Dieu en
dispose, et advindrent les chose tout aultrement, corne cy après serait
dit.
Item, fut aussy dit que, en celle paix faisant entre les deux roy, le roy
Hanry voulloit que le devant dit Loys, roy dez François, luy livrait ou
envoiait ung noble homme, nommés Richaird, duc de la duché de
Sufort en Angleterre, lequelle communément on appelloit la Blanche
Bouse : car il le haioit à mort, pour ce que celluy duc de Sufort se disoit
estre roy et le vray héritier d’Angleterre. Aussy estoit il, comme on
disoit, mais il en estoit à force dégectés, et ne ce eust oussés trouver en
sa duchiez ny en tout le royaulme ; ains c’estoit depuis ce temps tou­
jours tenus en France, et l’avoit le roy Loys soubtenus touttes les
evant dicte guerre durant, et, avec ce, luy donnoit grosse pancion
annuelle, et ce parforsoit de le remestre paisible en Angleterre. Toutteffois, cellon l’acourt et le traictiez de paix dairnièrement fait, le noble
duc fut mis hors du royaulme de France, mais non pas qu’il n’eust
tousjours sa pancion.
Le duc de Suffort se vient logier à Mets. — Et fut alors envoiez en la
cité de Mets ; et, en la compaignie de environ LX chevaulx, y antra le
samedi second jour de septembre ; et fut lougiez à la court Sainct
ertm. Et ceulx de la gairde du duc de Loraine, avec aulcuns jantilz
homme, qui l’avoient amenés et conduit, furent lougiez à l’hostel à
1 Ange. Et fut dit que le Conseil ne luy avoit pas du premier copt donnés
du tout responce à sa guise pour le soubtenir:ce qu’estoit bien déraison
à faire de avoir advis sur ce, de peur de desplaire à l’empereur. Toutteffois le roy Loys prioit aux seigneurs et gouverneurs de la cité qu’il fût
receu et soubtenus, et, à sa requeste et prierre, il fut fait. Et fîst on
alors sairchier des maison par la cité qui fussent à vandre ou à louer
pour lui tenir : mais il n’en fut point trouvés cellon son estât. Par quoy,
au bout de trois jours, luy fut presté la maison En passe temps, aperthenant a seigneur Claude Baudoiche, chevalier. Et, à sa venue qu’il entrait
en Mets, la cité fîst présant au dit seigneur de deux demi cowe de vin,
1 une rouge et 1 ’aultre cléret, et de XXV querte d’avuaine. Et fut le dit
seigneur moult longuement en la cité, comme cy aprez il serait dit.
Plussieur lansquenedz exécutés au retour de la guerre. — Aussy,
durant ce temps, pour ce que la paix estoit criéez en France, corne dit
est, l’on ne veoit journellement que passer et repasser lanscequenecht
et gens de piedz qui retournoient en leur païs ; et avoient force monnoie,
de quoy lez hoste et lez fille de Mets en eurent leurs pairt. Et, eulx
revenus au païs, fut dit que I’empereurs en fist despeschier une pertie,
les ung pandus, aultre noyez, ou tranchier la teste, pour ce que sans
congiez il avoient servis encontre luy.

1514.

— FAITS DIVERS A METZ

179

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ ;
COURSE DU COMTE SCHLUCHTER AU PAYS DE METZ].

Ung curé pugnis pour avoir cachiés une jonne fille en son hostelz.— Du­
rant ces choses avindrent en Mets plusieurs aultre adventure qui n estoient pas de grant estime ; mais, toutteffois, j’en mecteras ycy une
pertie. Et, premier, avint que le curé de l’esglise de Sainct Gergonne en
Mets qui pour lors tenoit la cure estoit suspect et falmés qu il a voit surbournés et séduit une moult belle josne fille ; et, de fait, fut dit qu'il la
tenoit quaichéez en sa maison; comme vray estoit. Par quoy le maistre
d’icelle josne fille s’en vint complaindre à la Justice, requérant que à
force fût celle fille prinse et tirée de la maison du dit curé. Se que Jus­
tice permit ; et fut la dite fille prinse et menée en l’hostel de la ville
pour sçavoir la manier comment elle c’y avoit gouvernés. Et, cella ait,
le dit curé fut ung jour et une nuyt enclos en son église qu’il n osoit
saillir dehors, pour ce qu’il sçavoit bien qu’il fût estés prms et mis en
prison. Mais, le lundemains, le procureur fiscal, avec quaitre sairgent,
vinrent devers luy en son église ; et lui dit le dit procureur que c il ne
sortissoit dehors, il le prandroient à force, et fût il tout dessus le grant
autel. Toutteffois il n’oisait mieulx, et sortit dehors (autrement il fut
estés prins des sergens et du Conseil de messeigneurs les Ordinaire).
Et alors fut menés en la Court l’Évesque ; et y fut quaitre ou V jours,
aprez lesquelle il fut mis à delivre. Et ne sçay c’il paiait amande ou non ,
quoy qu’il eust méritez grant punicion, mais, corne on dit : lez loups ne se
estranqle pas l’ung U aultre.
En ce meisme temps, ung aultres prebstre de Mets, appellés messire
Hugo Hairan, assés josne homme, légier, abille et bon fairseur, cellui
fut trouvés, en aulcune demande que l’on lui demandoit, qu il ce perjurait : par quoy il fut prins, banis et privés de toutte digmtez sacerdotalle, et à XX blan d’amande pour les Ordinaire et XX blan pour la
partie interressée. Et, de celle santance, il en appe ait
omme ,
et, de fait, il y fut ; mais je ne sçay comment il y besoigna : car, depuis
je l’és veu mainte journée à Mets aller, venir, converser, chanter et
frécanter corne devant.
.
,
Ung lixeranl de Mets se avoir désespérés. — Item, en la dicte année
et causy on meisme temps, y avoit ung thisserant demeurant^a Mets,
devers les Suer de Saincte Claire Dessus le Mur nommés Guérard,
homme honneste et de bonne réputacion cellon sa facultez et mes le
Celluy thisserant avoit trois moult biaulx filz et une belle fi e , e
estoient ces trois frères ycy tous josne et jantilz compagnons, honneste
et habille ; et n’y avoit celluy qui ne sceût juer de diverse instrument de
bouche ou de corde. Espéciallement l’ung d’iceulx juoit de plusieurs
instrument, et fut du coulple de la ville ; et estoit bon air 1er. e p u
anciens estoit bon clerc et stillés du pallais de Mets ; avec ce, il juoit

180

1514. •— COUESE

faite

AU PAYS DE METZ

très bien des fleutes, il estoit ung grant jueur de palme et le milleur de
Mets, il estoit agille de corps, bien faisant le soubresault, et bon jueur
de fairse ; et fut richement marié, et à belle fille. Le thier estoit thisserant et grant jueur de leut. Et hantoient ces trois frère ycy les plus
grans de la cité. Aussy il avoient veu et hantés les païs, espéciallement
le herbier : car il avoit hantés lez court dez princes et les guerres avec
son tambourin et rebech ; aussy il pourtoit biaulx pourpoint de vellours
et la chaîne d argent a col. Et la fille, leur suer, qui estoitbelle et bonne,
corne je croy, fut marié en cest présante année. Et pourtoit moult
grant estât, elle et ces frère, comme dit est. De quoy en desplaisoit
moult au perre, et en prenoit grant tritresse et anuyt. Espéciallement
pour et ad cause du mariaige de la dicte sa fille, que nouvellement
avoit heu espoussé le frère d’ung cappitaine des pietton, nommés Jehan
d Envers, lequelle Jehan peu devant estoit retournés des guerre de
France ; et y avoit moult profïités, car il en rapourta grant trésor
(et gist cellui au Carme, tout devent l’autel Nostre Damme d’Espérance). Mais, pour revenir à mon prepos, cellui thisserant, perre au
devent dit anffans, n’estoit pas contant de l’estât et gourre qu’il pourtoient, espéciallement sa fille : car il lui sambloit qu’il estoit homme
de mestiet, non pas dez plus riche, et que à lui ny au siens n’apertenoit
à pourter tel estât. Par quoy le dyable ce bouttait entredeulx ; et
entrait pour ces chose en désespoir. Et tellement que, le XXIIe jour
du moix de septembre, jour saint Maurice, entre VI et VII heure du
mattin, il ce pertit de sa maison et saillit hors de Mets par la porte à
Maiselle, en tirant devers Bournei. Et illec, au champs, en ung lieu
destournés, en ung gerdin au bout d’une vigne, seullement à l’ocasion
devant dicte, il ce désespérait, et ce plantait ung coustiaulx en la gourge
tant et cy avent qu’il n’y avoit pas deux doys du manche que tout ne
fût dedans en dessandant à Lavallée ; et illec en ce lieu morut misérable­
ment. Et le virent plusieurs gens ; et fut trouvés là estandus par aulcuns
vignerons qui alloient au champs. Toutteffois, à la prière de ces anffans,
il fut enterré on dit lieu : car aultrement il estoit déterminés de Justice
de le trayner au gibet. Et cellui à qui la vigne estoit en fist action,
et voulloit qu’il fût ostez : mais il n’en polt avoir aultre chose, et
demoura là.

Course faicle en païs de Mets. ■— Item, en la dicte année, le Ve jour
du moix d octoubre, le prédit Phelippe Slucter, duquel par cy devant
vous ait parlés, qui actionoit la cité pour le fait de Pier Burtal, et qui
avoit achetés la querelle du dit Pier, cellui lairon, qui ce disoit noble,
avoit assamblés ung nombre de malvais guerson, jusques à trois cenc
chevaulx et cenc piétons, tout gens de sorte et malvaix guerson, les­
quelle n avoient gaige ne demi, sinon à leur adventure. Et avec celle
chamaille vint au jour devant dit celluy Phelippe ariver on Hault
Chemin, sur la terre de Mets. Et, de prime venue, ont heu bouttés les
feu en V ou en VI villaige ; et enmenairent buef, vaiche, chevaulx et

1514. —• PRÉPARATIFS DE GUERRE A METZ

181

brebis, avec aulcuns prisonnier (mais il les laissirent tous railler 1, de
peur de la suyte qui leur fut faicte).
Et, pour vous desclairer quel chose il firent, premier vinrent ariver
à Silley ; et là ont heu bouttés le feu : touttefïois bien vistement il l’ont
heu rétains, pour ce qu’il leur fut dit que ycelle ville est et aperthient
de la seigneurie de l’abesse de Neuf Moustiet. De ce lieu vinrent à
Maixerey ; en laquelle ville ont brûllés environ XI que grainge que mai­
son, qui alors estoient plaine de bief, de foin et d’avuaine, et de plusieurs
aultres biens. De quoy ce fut pitiet et dopmaige. Puis, de là, ce sont tirés
à Puxe ; en laquelle il ont brûllé deux grainge et deux maison. Après
sont allés à Oyxey ; et là brûllairent V que grainge que maison. D’illec
vinrent ariver à Colligney ; et y firent grant dopmaige : car il y brûllai­
rent XXVIII que grainge que maison. Item, en la ville de Mon, quaitre
que grainge que maison.
Et ce fait, les novelle en vinrent incontinent à Mets, et fut sonnée la
grosse cloche c’on dit Meutte ; et fut incontinant le peuple assamblés
et mis assamble, avec aulcuns chief de seigneurs qui à cest affaire furent
commis ; et furent une belle compaignie, et avec eulx fut menés de
bonne arthillerie. Mais ce fut tropt tairt : car il estoient desjay pertis,
et, en c’en fuyant, avoient rompus les pont, tel comme à Domengeville
et'aultre. Et, qui leur eust donnés la chaisse, je croy que la cité y eust
heu honneurs : mais l’on ne c’y oisait fier, pour ce que à l’heurs estoient
plusieurs de leur gens à Boullay, et n’en sçavoit on le nombre ; et, avec
ce, estoient les Lorains ensemble et en arme, par quoy l’on ce doubtoit
de trayson. Touttefïois, qui eust estés certains de leur affaire, l’on eust
gaigniez ung biaulx buttin : car yceulx lairons estoient cy très laisse du
travail qu’il n’en pouoient plus, et leur fut force de abandonner leur
proye, bestes et gens et aultre choses.
Gellui vieillairt Pier Burtal ce tenoit aulcune fois à Fourpach, au
chaisteaulx du conte de Linange, puis en ung lieu, puis en ung aultre,
comme ung homme abandonnés de tous ces parans et amis.
Oppinion de messeigneur de Mels sur le fait de la guerre.
Item,
tantost après ce fait et advenus, furent messeigneurs du Conseil de la
cité ensemble pour avoir advis sur cest affaire. Et fut alors passés entre
eulx une institucion et ordonnance essés estrange et novelle. Car, alors,
il ont mandés en la chambre dez Trèze plusieurs et la plus part des
bourjois de la cité. Auquelle fut dit et commendés qu’il fussent preste
et armés dedans ung brief jour, qui leur fut dit et nommés, ou qu’il
eussent homme à leur gaige et despans pour y servir en leur plaice :
c’est assavoir chacun cellon sa puissance, car à aulcuns fut ordonnes
de y estre en personne, comme dit est, ou de y comestre ung homme
suffisant, et à d’aultre ne fut donnés en chairge que de deux à deux faire
ung homme, ou de trois à trois, affin que chacun servît cellon qu’il estoit
riche et aysiez de biens. Cella dit, en plaine chambre, aulcuns ont

1. Raller, retourner.

182

1514. — DISPOSITION DU TEMPS

respondus d’une fasson, et les aultres d’une aultre ; et y eust de la
murmure biaucopt. Touttefïois, environ a bout de XV jour, chacun fut
arrier mandés de ce trouver en justice pour donner responce. Et, eulx
venus, fut demendés à tous, l’ung après l’aultre, quel chose chacun
voulloit faire de sa plaine voulluntés. De quoy il y oit arrier responce
de diverse sorte : car les plusieurs estoient différant de ce faire, disant
qu’il paioient assés de malletoute pour avoir gens d’airme cen ce que
eulx meisme y allaissent. Cella dit, on les mist tous en la chambre des
Conte ; et puis, l’ung aprez l’aultre, l’on lez fist venir en la chambre des
Trèses, affin de mieulx ouyr leur oppinion ; et pourtoit la perrolle le
seigneur Françoy le Gournay, chevalier. Et, quant l’on oit tout oy les
oppinion, on les renvoiait jusques à ung aultres jour après, qu’il furent
de rechief tout mandés en la chambre des Sept de la guerre. Auquel
lieu le dit messire François le Gournaix, on non de tout le Conseil, fist
une belle hairengue, en remerciant ceulx qui avoie heu bonne voullunté,
et au contraire en lairdant les rebelle et reffusant ; et fut la conclusion
tel que, pour l’eur, l’on avoit trouvés assés gens d’armes, et que chacun
demourait en paix. De ces perrolles furent bien joieulx les aulcuns ;
mais à moy, l’escripvains, n’en chailloit : car je estoient desjay proveux
de mon cas, et me estoit tout ung.
Dispositions du temps. — Cest ennée fut merveilleusement de grant
aparance és biens de terre, souverainement és vigne, en jusque au jour
de la Madellaine : car auparavant il avoit fait le plus biaulx temps et le
milleur de jamaix, et estoient les vigne chairgée à grant abondance.
Par quoy l’on pansoit avoit lez milleur vin pour III deniers la quairte
(comme possible on eust heu ce le temps ce fût tenus). Et à celle occasion
les bon vin de l’an devent, desquelle tel fois fut que l’on n’en pouoit
recouvrir pour XII deniers la quairte, furent fort descheus et ravaillés
de prix ; et furent mis à X deniers, puis à IX, puis à VIII, à VII et à VI ;
et en trouvoit on à grant planté pour le pris, car chacun desiroit à
wuyder ces tonniaulx pour mestre les noviaulx. Mais, incontinant ce
jour de la Madellaine passeis, le temps ce chaingeait et convertit en
pluye et en bruyne, tellement que l’on ne pouoit aller ne venir, tant
faisoit ort et froit ; et tousjours de plus en plus ce rempiroit. Par quoy
les bon vin de l’an devant furent arrier remis à leur premier pris, ou du
moin à IX ou X deniers les plus manre ; car il faisoit merveilleusement
ort et froit. Et fut l’année fort tardive, ne n’acommensait on à vandangier qu’il ne fût la sainct Remey. Et, avec ce, fut le temps, tout le court
de la vandange durant, sy malz dispousés, en vent, en pluye et en bruyne,
que ce fut pitiet ; et tellement que l’on eust de très povre vins, et de
petit pris. Et descheoient tous les jour de pris, tant pour la grant abon­
dance d’iceulx comme pour ce que nulz ne pouoit charier, aller ne
venir pour le lait temps. Et aussy pour ce que les mairchant du Pays
Baix ne oisoient frécanter en cez pais pour la crainte du seigneur Robert
de la Mairche, qui estoit de guerre au Bourguignons, et les destroussoit
et ruoit jus où qu’il les pouoit trouver. Et toutefîois, quoy que yceulx

1514.

— ROBERT DE LA MARCK ATTAQUE THJONVILLE

183

vins ne lussent de grant estime, cy furent il d’aussy grant coustange que
je les vis jamaix 1 : car ung petit tonniaulx coustoit XII ou XIIII sols ;
et, avec ce, l’on ne pouoit finer de chairton, tant pour Torde temps
comme pour la grant foulle et presse. Puis, quant il furent tout descheus
et chairiés, l’on avoit le milleur de la stappe pour XXX sols. Et ainsy,
après la porte 2, le tonniaulx et le chairton paiez, les povre gens n’avoie
pas XIII ou XIIII sols de leur vin.
Au regairt du bief de celle année, il fut causy à perreille pris de l’an
devant : c’est assavoir, le fin froment à VII ou VIII sols ; le moitange,
à V ou à VI sols ; mais l’avuaine fut causy aussy chier que le bief ;
la navée, XXII ou XXIIII sols ; les pois, X sols ; la laine, XXXVI ou
XL sols le pois. Et touttelïois, en cest année, il y oit tant grant abon­
dance de fruit qu’il en y oit pertie des perdus ; et les donnoit on comme
pour rien : car l’on donnoit le cenc de franche angoisse 3 pour VI de­
niers, et donnoit on X ou XII pesche pour une angevigne (que n’estoit
pas le cuyllés) 4 ; et tous aultres fruit à l’avenent. Et souverainement il
y oit tant de nesple, et cy grosse, que l’on n’en sçavoit que faire.
Cest yver fut merveilleusement lait et faingeus ; et ce ampiroit
tousjours le temps en pluye et en bruyne, en fasson tel que rien ne ce
amenoit à Mets, ne ne resgnoit point merchandise. Par quoy, à celle
occasion, fut le bois cy chier que l’on vendoit tel fois cenc sols le millier,
les fagot5 et charbon à l’avenant.
Aussy, en cest année, la nuyt de Noël, qui fut le dimenche, ce levait
ung tel vent et une sy grant pluye qu’il sambloit que tout deust cheoir.
Et le mairdi, jour saint Estienne, fist encor pir : car, celle nuyt, l’on
cuydoit que tout deust fondre ; et durait ce temps à peu près toutte la
nuyt, par quoy il fist plusieurs dopmaige en maison cheutte et en airbre
rayés. Puis, toutte la sepmaigne, le maicredi, le jeudi, le vendredi, fist
grant vent et pluye, espéciallement le samedi, vigille du nouvel ans :
auquel jour fist ung cy grant et merveilleux vent qu’il n’est à croire,
souverainement devers une heure aprez minuit ; ne n’avoit encor fait
le paireille. Et à ce jour, vigille de l’an, y avoit aulcuns mercier vandant
devant la Grant Église en des estaulx de bois, et aultre part ; mais, de la
force du vent, tout fut gaistés et rués par terre, et leur cousta biaucopt.
Robert de la Merche contre ceulx de Thionville. —- On meisme temps,
c’est assavoir en acomensant dès le moix d’octobre, novambre, décem­
bre et une pertie de janvier, le seigneur Robert de la Mairche et ces gens,
tout ce temps durant, faisoient plusieurs mal et grant dopmaige en
plusieurs lieu : c’est assavoir de courre, prandre, pillier et rober les
pouvre gens, et destrousser les bons merchans ; et principallement
autour de Thionville. Et, de fait, furent par luy ransonnés ceulx de la
1. Leur prix de revient était très élevé.
2. Le droit d’entrée.
3. Poires d’angoisse (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle, article
angueuhhe).
4. L’angevine ne représentait même pas le prix de la cueillette.
5. « Telle fois fut que l’on vendait G s. le millier de bois, et les faigots et chairbon
à l’avenant * (Mémoires, éd. Michelant, p. 270).

184

1515

N. ST. — MORT DE LOUIS XII, ROI DE FRANCE

ville de Richemont, et paiairent trois cenc frans ; ne jay pour ce ne
furent essurés. Et avoient yceulx de Florhange avec eulx en garnison
plusieurs Albanois qui estoient pir que Sarrasins, et faisoient des mal
sans nombre.
Le feu a villaige de Mairenge. — Or avint que, durant ce temps, le
samedi après la saincte Lucie, XVIe jour de décembre, le prédict sei­
gneur Robert, lequelle, comme dit est par cy devent, avoit tant fait de
mal à ceulx de Thionville et à leur subject, et faisoit encor tout les jours,
tellement que les dit de Thionville ne oysoient bougier ne saillir dehors
de leur porte, jay ce que alors en la dite Thionville y avoit grant guernison, mais à la dite Florhange, qui aparthient au dit seigneur Robert
et qui est à demi lieue de là, y avoit bien quaitre cenc chevaulx et
plusieurs piétons, lesquelle le dit jour, XVIe de décembre, vinrent à
courrir en la ville de Mairange, qui est de la prévosté de la dite Thion­
ville. Et cuydoient prandre le moustier par amblée ou par essault ; car
dedans n’y avoit alors que VII homme que tout ne fussent à Thionville
en guernisson. Lesquelles se deffandirent tellement et de cy grant
couraige qu’il ne furent pas prins, sinon deux povre anciens homme
qui n’avoient sceu monter hault on cloichiez corne les aultres, par quoy
il furent prins et emmenés. Mais, premiers, ont bouttés les feux on vil­
laige, tellement que VII maison y furent brûllée. Puis, ce fait, ont heu
pourtés force paille et estrains autour d’icelle église, et ont bouttés le feu
dedans, les cuydant par cella avoir et faire randre ; mais virillement ce
deffandirent, et ne les polrent avoir. Et tiront les dit de Mairange plu­
sieurs copt de trait de pouldre : entre lesquelle l’ung d’iceulx trespairsait
le chevaulx du cappitaine de part en part de la pier d’une collevrine ;
et ung aultre tresparsait ung piéton qui ce perforsoit de bouter le feu en
sa maison, et le tuait. Et ainssy c’en retournairent les dit de Florhenge
sans aultre chose faire pour celle fois. Mais, le lundi aprez la sainct
Sébaistien, les gens du dit seigneur Robert vinrent arrier courrir autour
de Richemont, et brûllairent quaitre ou V villaige.
Deslrousse du seigneur Robert et de ceulx de Thionville. — Et, le mairdi
après, la guernisson de Thionville vinrent à rancontrer les dit de Flor­
henge ; et en tuairent X ou XII, et en y oit plusieurs des blessés. Et fut
ce fait entre Fontoy et Heonville 1. Et aussy perreillement, en celle
rancontre, ne Forent pas les dit de Thionville tout d’aventaige : car des
leur en y demourait VI ou VII en la place.

[mort DU ROI DE FRANCE LOUIS XII ;
AVÈNEMENT DE FRANÇOIS Ier],

La morl du roy Loys XIIe. — Item, en ces meisme jours et après ce que
Loys, roy des François, avoit heu apousés Marie, suer au roy d’Angle1. Il faut évidemment corriger TheonviUe, Thionville (Mémoires, éd. Michelant,

1515

N. ST. — FRANÇOIS Ier COURONNÉ ROI DE FRANCE

185

terre, comme dit est devent, et aussy après toutte testes et joyeuse vie
en grant honneurs demenée, comme rien en ce monde n’est permanante
ne durable, la joie retourna en tristesse, en lairmes et en pleur. Et,
pour ce qu’il n’y ait rien plus vray qu’il fault tous morir, autant les
grans comme les petit, le prédict roy Loys, douziesme de ce nom, ne
demourait pas longuement qu’il fut atains de malladie ; et ce eslita
environ la fin du moys de décembre. Et luy, voyant acroistre et augmen­
ter sa malladie, disposa de sa conscience et des affaire de son royaulme ;
et, après qu’il eust receu les sainctz sacremens de l’Église, il randit
son esperit à Dieu, le lundi premier jour de janvier, l’an dessus dit. Son
corps fut honorablement embaulsmé, et gairdé par aulcuns jour, là où
chacun le pouoit veoir, revestu en habit royal. Puis, après biaulcopt de
sérimonie faicte que en tel cas sont requise cellon la coustume de France,
que je laisse pour abrégier, fut ce corps pourtés en grant honneurs, comme
à roy aparthient, en l’esglise de Sainct Denis, en laquelle il fut inhumés
et gist.
La création de François, roi de France. — Puis, après le service et
obsecque du roy faictes, succéda au royaulme et à la corrongne de France
le trèscrestien et illustre François, premier de ce nom, et fut fait roy du
royaulme de France et de tous les païs despandans d’icellui, ensemble
duché de Millan et conté d’Ast et aultres pays à luy deubz. Icellui
trèschrestien roy François se partit de la noble ville et cité de Paris,
où il avoit tousjours esté et s’étoit tenu depuis le décès et trespas du
prédict roy Loys XIIe, pour aller moult triumphanment, acompaignié
des princes et seigneurs de son sang, jusques en sa ville et cité de Reins.
Là où il fut moult dignement sacré et enoing de la saincte unction, le
jour de la Conversion sainct Pol, qui fut le jeudi XXVe jour de janvier,
les XII pers de France ou leur député ad ce faire illec assistans et
appellés faisant ung chacun son office ainsy qu’il est acoustumé ; ce qui a
fut fait moult révéranment. Et à ce courongnement y oit plusieurs dez
nobles seigneurs de la cité de Mets qui furent fait chevaliers.
Puis, aprez, en grant triumphe vint le roy suyvanment à Sainct
Denis en France, là où il fut magnificquement couronné en roy, aincy
que bien luy appertenoit. Et d’icelluy lieu de Sainct Denis vint faire
son entrée à Paris, tousjours acompaignés des princes et seigneurs de
son sang et aultres plusieurs. Et tellement que ycelle son entrée fut la
plus triumphante, gorgiaise et magnificque que jamais fût veue de nul
vivans. Les jouxtes et tournoys furent tenus par plusieurs jours, où il
se porta et maintint sy trèsveillanment et en grande proesse, avecques
yceulx très nobles princes et seigneurs de son sang, qu’il n’est possible
de mieulx. Et, ce le tout vouldrait b sçavoir d’icelle noble festeetantrée,

a. Ms. : quil.
b. Ms. : vouldait. Philippe avait écrit : et, qui le tout vouldait (sic) sçavoir d’icelle
noble feste et antrée, cy le size [lise], etc. Il a corrigé en oubliant de mettre voulez à la
place de vouldrait.

186

1515

N. ST. — MEURTRE DE JEAN L’ALLEMAND

lisés à la fin de la Mer dez Istoire novellement imprimée, et là trouvanra
le tout : car je ne m’y veult pas granment arester, pour ce que d’aultre
chose me couvient parler.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS A METZ ET DANS LES PAYS VOISINS].

Ung compaignon tués par ceulx de Mets près de Sainte Elizabeth.
Pour revenir au prepos et à retourner au fais advenus en la noble cité
de Mets, il fault que premiers je vous dye et desclaire comment en celle
année avoit estés defïandus, on non de l’empereur, à tous mairchans et
aultres, de non mener nulz chevaulx en France pour vandre, et que tous
ceulx qui seroient trouvés venans de ces pays fussent prins, rués jus et
buttinés. Par quoy, en celle année, devers la Pantecouste, y avoit heu
ung josne compaignons allemens, qui aultrefois avoit estés serviteur
à messire Françoy le Gournaix, chevalier, nommés Jehan F Allemens,
lequelle peu devant c’estoit partis de Mets pour aulcune rigour et
courous et ce estoit allés mestre avec aulcuns des alliés du devant dit
Pier Burtaul pour et affin de nuyre à la cité, et tellement que, environ
le dit jour Panthecouste damier passée, ce trouvait le dit Jehan, acompaigniez de plusieurs aultrez, devers le ponton ou le baicque de Joiey.
Et en ce lieu ont rancontrés ung coulple ou deux de chevaulx apartenant à ung marchant de Mets, nommés Jehan d’Ollixey, et à plusieurs
aultres. Lesquelle chevaulx furent par le dit Jehan l’Allemans et ces
consors prins, arestés, et, maulgrés en eussent tous les serviteur du dit
d’Ollixey, emmenés ; et n’y oit oncque seigneurs ny aultres, par tous les
lieux où il passoient, meismement on pays de Mets, qui les oisairent
arester ne rescoure, de crainte de l’empereur : car il avoient espresse
mandement de pouoir faire ceu qu’il faisoient. Et estoient yceulx che­
vaulx estimés à la vallue de VI à VII0 frant, qui furent buttinés et
perdus.
Depuis cella fait et la chose passée, celluy Jehan l’Allement se repantit
d’avoir consentir à ung tel fait. Et tellement que, on dit ans, on moix
de febvriés après venant, qui est le temps présant, à la requeste et
remonstrance de aulcuns ces bienvueullant, c’en vint le dit Jehan rande
à Saincte Élysabecht, devant lez porte de la cité, cuydant avoir sa
paix. Et là ce thint une espaisse de temps en franchise, pourchassant
son cas : mais on luy fist une maigre responce. Tellement que, le maicredi XIIIIe jour du dit moix et jour de sainct Vallentin, environ X heu­
res de nuyt, c’en cuydoit le dit Jehan secrètement fouyr et c’en aller.
Or avoit il dit, comme le commun bruyt corroit, que, ce l’on ne faisoit
comme il le demendoit, il feroit plus de malz que jamaix le devent dit
Pier Burtaulz n’avoit fait, et menassoit treffort. Par quoy, en celle nuyt,
fut espiez par lez arboullestriet et collevrenier de la ville, et par le com—

1515 N. ST. — MARCHANDS DE METZ DÉTROUSSÉS

187

mendement de aulcuns leur maistres, Sept de la guerre. Et fut rancontrés sur les foussés de la ville, tout devant le gerdin damme Collette,
aperthenant a seigneur Régnault le Gournaix le josne. Et là fut le dit
Jehan assaillis de toutte pars, et, non obstant sa bonne defïance, fut
en ce lieu tués : mais premier en blessa plusieurs ; et se deffandit vaillam­
ment. Et le lundemains, tout au mattin et causy devant le jour, fut
envoiez quérir par les gaucheur 1 de l’Ospital, et pourtés en terre à
Saint Loys. De quoy grant mal advint depuis, comme ycy après il
serait dit.
L'entrée du prince d'Espaigne aux pais de Braibanl. — En celle meisme
année, le noble Charles, archeduc d’Austrice, prince des Espaigne et de
Castille, luy estant encor josne, fut amenés és pais par dessà, et fist ces
antrée en ces ville de Louvains, Malline, Anvers et aultres ; esquelles
antrée furent faictes chose singuilliers pour honneur du noble prince,
et en feroit on ung livre, qui vouldroit descrire tout ce que pour luy
honnourer et resjoyr fut fait ; espéciallement en sa bonne ville d’Anvers,
tant en jouste, en tournoy comme en monstre de dyvers mistère suptueusement fait, et par espécial dessus la marine ; et n’y estoit espargniez draps d’or, de soye ne de vellours non plus que buriaulx. Paireillement estoient les feux de joye et les bancquet par la ville, auquelle
n’estoit la romenye 2, ypocras et malvaisie espairgné non plus que yaue.
Et fut à cest antrée tant de choses singuillier faicte que je n’en sçairoient à dire la cenctiesme partie ; aussy, plusieurs aultres en ont plus
amplement escript que moy, par quoy je m en tais et n en dis plus.
Deffance des seigneurs de Mets à leurs bourgeois de non aller à Franc­
fort _Item, en la karesme ensuyvant, l’on ce doubtoit treffort en la cité
de Mets et on pays autour. Et, pour ce, furent mandés en justice et
devant messeigneurs les Trèses tous les mairchant qui avoient acoustumés de aller à la foyre à Francquefort, et à yceulx fut dit et remonstrés
qu’il ce abstincent de y aller, et que, c il y alloient, il feroient mal, et
seroit en leur péril et fortune, ne la cite ne les en ayderoit en riens , et
plusieurs aultrez chose leur fut dit et remonstrés. Ce nonobstant celle
crainte, la plus part d’iceulx merchant y allairent , mais non pas par le
droit chemin : car les ung tinrent ung pays et les aultres ung aultres.
iiij ou v merchamps de Mets destrossé. — Entre lesqueulx furent quaitre
compaignon d’iceulx marchampz de Mets assés avanturiers et tropt
hardis : non craindant les annemis, à leur retour vinrent à passer tout
par devant la place où ce tenoit le devant dit Philippe Sceuster, qui
avoit heu achetés la querelle du devant dit Pier Burtaul , et en celle
meisme y estoit le dit Pier. Et cen crainte passaient yceulx mairchamps
de plain jour ; et ne doubtoient riens, pour ce qu’il estoient bien ambâtonnés de bonne espée, d’arboullette et de collevrine. Mais, nonobstant

1. Gascheur, nettoyeur.
2. Muscat provenant des îles de la Méditerranée orientale.

188

1515 N. ST. — L’ÉGLISE DE SAINT-GORGON VOÛTÉE

leur bonne gairde, il furent espiés et surprins sur le chemin ; et, de fait,
furent livrés par leur propre guides en la mains des annemis. Et furent
prins, loyés et détenus ; et leur fut osteis toutte la finence qu’il avoient
sur eulx des draps qu’il avoient vandus à Francquefort, réservés à l’ung
d’iceulx, nommés Vaynel, le retondeur, lequel n’estoit pas tropt riche
(néantmoins il avoit sur luy environ LX florin d’or, que ne furent point
trouvés). Gy fist le dit Vaynel composicion à eulx de ce ransonner ;
et dit que illec, au païs, avoit ung parans qui l’aideroit. Gy fut mis à
XL florin d’or de ranson; et, ce fait, luy fut bailliés congiés de aller vers
cellui pairans, par telz que les aultres ces compaignons demoureroient
pour luy, comme il firent. Mais ne fut guerre loing qu’il trouvait sa
ranson (car il l’avoit sur lui) ; et par cest manier fut quicte et delivre. —
Item, à ung aultres son compaignon, qui estoit ung jentil ruste et grant
jueur, fut donnés congiez : car il furent bien advertis qu’il n’avoit rien,
et qu’il eust plus tost jués cenc escus que de mettre VI blan en acquaist ;
et estoit cellui filz à ung drappier, nommez Fier l’Allemans. —■ Le thier
d’iceulx prisonnier ce nommoit Baudesson, de la Pier Hardie. Cellui
disoit avoir ung oncle, frère à sa merre, qui demouroit en celluy païs ;
et, jay ce que jamaix il ne ce eussent veu, cy l’envoiait il quérir, et vint,
et demoura cellui oncle pour la somme de Ve frant pour la ranson du dit
Baudesson, son nepveux, en la mains de son seigneur, et le dit son sei­
gneur en demourait en la mains du dit Philippe Scluster. Et par cest
manier fut laichiez le dit Baudesson ; et ce mirent au chemin, lui et le dit
son oncle, pour ensamble venir à Mets faire la ranson devent dicte. Mais
cellui Baudesson, ingract et non recongnoissant la charité et bontté que
cellui son oncle luy avoit fait, le cuydait tromper, et c’en cuydait fuyr
et le laissier en la trappe : par quoy le dit son oncle, voyant la malvystiez et l’ingratitude de son nepveux, c’en allay complaindre en justice
devant messeigneurs les trèzes jurés. Et, la chose bien cogneue, cellui
Baudesson fut prins et menés en la maison de la ville jusques ad ce que
réallement et de fait il eust délivrés le dit son oncle de la paine en laquelle
il l’avoit mis, puisque à sa requestez et prières il l’avoit ampeschiez.
Et fut la dicte ranson paiée avent que jamais il fût mis à delivre ne
laichiez dez prison de la ville. Et ainssy ce moustre et apert la bonne
justice qui ce fait en Mets, autant au grans comme au petit, et aux
anemis et fourains comme aux privés et subjecgt.—■ Et, au regairt du
quaitriesme compaignons, nommés Jehan de Bousse, qui estoit jantilz
ruste et homme de guerre, il fut mis à mil frant de ranson. Mais les
seigneurs et recteurs de la cité ne voulrent point qu’il fût raichetés ;
ains demourait moult longuement en prison, de quoy c’estoit pitiez et
dopmaige. Touttefïois depuis il fut delivres, ne sçay pas la manier
cornent.
L’esglise de Saint Gorgonne uoultée. — Durans ces jours et en la
meisme année, l’on vint à faire woulter l’esglise parochialle de Saint
Gorgonne devent la Grant Église de Mets. Et, en faisant les fondement
pour les bouttéez d’icelle église, l’on y trouvait cy grant multitude

1515

N. ST. — LE CARÊME PRÊCHÉ EN METZ

189

d’ossemens de gens mors et pourris que ce fut une chose merveilleuse ;
et n’y ait homme que à paine le voulcist croire, c’il ne l’avoit veu. Et
furent ces ossement trouvés du coustés de la maison Hainrequel le
marchamps, en une ruelle qui est entre la dite maison et l’église : car
en ce lieu, en terre, furent trouvéez les teste entercellée 1 les une dessus
les aultrez ; puis les aultre ossement à l’avenant ; et tellement que c’est
une chose merveilleuse de veoir le lieu, et croy, moy, que és trois milleur
paroiche de la cité n’en n’y ait pas autent. Puis, après cest fousse, l’on
trouvait encor une woulte soubz terre, laquelle est toutte plaine d’aultre
ossement ; et en y ait sans nombre. Par quoy je croy que la place de
devant la Grant Église soulloit au temps passés estre cimetier ; comme
aussy il ce moustray quant on fîst les fondement des neuve boutisque
qui sont devent et amprès l’esglise de Sainct Pier, par les corps et sercus
que en ce lieu ce trouvairent. Et est à croire que, quant l’on fist de celle
plaice terre prophanne, l’on print yceulx ossement, et les mist on en ce
lieu en grant fousse en l’église Sainct Gregonne.
Item, en la dicte année, durans la karesme, y oit en Mets ung Frère
de sainct François de l’Observance qui preschoit sur tout bien au grés
du peuple. Et, pour ce qu’il avoit fout les jours preschiez en l’esglise de
Saint Pier devant le Moustier, il preschait la passion le jour du grant
vandredi à la Grant Église. Là où alors y oit moult grant multitude de
gens ; et la raison fut qu’il preschoit bien, corne dit est. Et, avec ce, il
fist faire ce que jamaix l’on n’avoit veu en Mets : car auprès de luy avoit
fait faire ung tabernaicle cloz de tapisserie en manier d’une chaipelle,
en laquelle y avoit Corpus Domini en ung vairsiaulx d’argent avec
luminaire, corne au Saint Sacrement ; et y avoit encor en celle chaippelle
deux ou trois personnaige enclos, avec ung crucifis de bois (et ne veoit
on riens de tout cella). Et quant ce vint, durant son sairmon, celluy
Frère fist par plusieurs fois cryés au peuple « Miséricorde! » à haulte
vois. Puis, quant ce vint à desclairer comment le doulx Jhésus fut cloués
en crois, l’ung d’iceulx personnaige qui estoit enclos, avec ung gros
martiaulx, frappoit dessus ungne anclume par trois fois, comme c’il
clouoit lez cloz és mains et és piedz du Rédempteur. Et, ce fait, avec
piteuse parolle lamentable et qui resportoient lez larme aux yeulx de
tous lez auditeurs et resgairdant, en faisant crier « Miséricorde! »,
eslevoit celluy crucifis en hault, et puis, ce fait, ilmoustraitlevray corps
de Jhésu Crist avec force torche et luminaire ; et alors eussiez ouy
crier et braire à haulte vois « Miséricorde ! », que c’estoit pitiet d’ouyr le
peuple. Et ainssy avoit il fait devent en tout les mistère. Et meismement,
quant la santance de Pillaite avoit estez donnée, il fist sonner à son de
trompette par trois fois dedans celluy tabernaicle cloz. Et estoit le
mistère fort piteux : car, quant il venoit à dire et à desclairer comment
Pillaite, de crainte et de peur que les Juif ne l’escusaissent devers
l’empereur de Romme, avoit gectés sa santance sur le doulx Jhésus,
l’ainiaulx doulx et débonnaire, que ne disoit mot, alors le dit Pillaite en
1. Entasseler, de tassel, tas, signifie» entasser » .

190

1515. — MARIAGES PRINCIERS

lavay ces mains et fist sonner, sa trompette à hault son pour publier
celle santance, « et afïîn que chacun y vînt veoir », ce disoit le biaulx
perre, et tout ainssy, dit-il, « corne à cest heure vous oyrés », et, en disant
cella, la trompette sonnoit trois fois, comme j’ai dit devent. De quoy
le peuple estoit esmerveilliez et très piteux. Et fist encor cellui biaulx
perre plusieurs biaulx mistère, que je laisse. Puis, au jour de Paicque
ensuyvant, en preschant la Résurrection au meisme lieu, il fist mer­
veille : car, en lieu de VAve Maria, il fist chanter les chantre et anffans
de cuer de la Grant Église, et, ung peu devant la fin, en moustrant que
lez ange chantoient en paradis pour la noble résurrection, il fist sonner
les grosse orgues.
Tout cest yver passés, ne cheut point de neige en Mets, ne ne fist
gellée que à conter fût, sinon environ VIII jour en la semaigne saint
Benoy : car toutte celle sepmaigne il neigeait et gellait treffort. Et
estoient desjay une partie dez arbre en fleur ou en groz boutton, pour
le doulx temps qu’il avoit fait, et estoient les viollette toutte faillie 1.
Mais de ces chose vous lairés le pairler quant à présant ; et retournerés à dire qui fut maistre eschevin en l’an après, et de ce qui avint
durant son année.

[l’année

i5 i5].

Mil vc et xv. — Après ces choses ainssy advenue, et que le milliair
courroit par mil Ve et XV, qui estoit lors la XXXe du devant dit
Maximilian l’ampereur en son Royaulme des Romains, fut pour celle
année fait, créés et esseus pour maistre eschevin de la noble cité de
Mets le seigneur Philippe de Raigecourt.
L’archeduc acourdés à la fdle du roy de France; et le duc de Nausou
à la fdle du prince d’Orenge. — Et en ce temps fut fait ung apointement
entre le roy de France et l’archeduc, moyenant ma damme Renée, suer
du dit roy et fille du feu roy Loys douziesme, laquelle par ambassadeurs
fut acordée au dit archeduc. Et, perredlement en ce temps, le mariaige
du conte de Nausau et de la fille du prince d’Orenge fut acordé.
Monsseigneur de Bourbon fait coneslable. — Et, en ce meisme temps,
fut fait et constitués monsseigneur de Bourbon connestable de France.
Le duc de Sufforl alliés à la femme du roy Loys. — Item, on meisme
temps, le roy d’Angleterre donna et acorda en mariaige au duc de
Sufïort damme Marie, sa suer, jai dicte, femme au feu roy Loys et
royne de France. Et, pour l’aller quérir, le roy anglois envoya le devent
dit duc en France, qui l’amena ; et fut acompaignée de plusieurs grant
princes et princesse, tant de France corne d’Angleterre.
Le duc de Lorenne mariés à ma damoiselle de Bourbon. — Tantost,
1. Les violettes étaient déjà passées, flétries, tant l’année avait été hâtive.

1515.

— SEIGNEUR DIMANCHE SACRÉ ABBÉ DE SAINT ARNOULD

191

bien tost après, le roy fit espouser monsseigneur de Loraine avec ma
damoyselle de Bourbon, seur du devent dit connestable de France.
Et fut fait groz triumphe aux dictes nopces, et estoit le denjon du
chasteau d’Amboise tout couvert de toilles, de paour du soleil, qui alors
estoit chault. Quant ce vint à la nuyct, y eut plusieurs mommeries et
morisques bien richement accoustrez, qu’i faisoit bon veoir. Puis, à
certains jours après, retourna le dit seigneur ; et amena ma dame sa
femme en son pays de Loraine. Et le roy François se partit aussy du lieu
pour aller à ces affaire en l’encontre des Suisse, comme nous dirons ycy
après.
Dispositions a du temps. — Le temps de celle année, devers la Paicque,
fut convertis et tournés en grant froideur ; ne n’avoit de tout l’yver
fait ung cy grant froit ne cy fort gellé comme il fist le jour du Causimodo,
qui estoit alors VIII jour devant la sainct George ; et le lundemain, qui
fut lundi, négeait tout le jour, et fist moult froit, jay ce que alors estoient
les arbres moult bien flory, par espécial les poiriers.
Les grant perdon à Mets. — Item, en la dite année, le jeudi devant la
saint George, vint en Mets un légat de Romme, lequelle apourta avec
luy sertaine bulle, par lesquelle il esleva ung merveilleux et grand
pardon. Et disoit que l’airgent qu’il en levoit estoit pour reffaire et
édifier l’église de Sainct Pier de Romme (mais d’aultre disoient qu’il
avoit ampétrés yceulx pardon pour enrechier ces povre pairans). Touttefïois, quoy qu’il en fût, il fist dresser la croix à la Grant Église de Mets
le premier jour de may ; et fut publiez et anoncés ce perdon comme au
grant jubillé de Rome.
L’abahie de Saint Arnoull pasible. ■— En ce meisme jour, premier de
maye, jour de saint Jaicque et saint Phelippe, fut sacrez et essus abbé
de Saint Arnoult devant Mets le devant dit messire Dimanche, religieulx de léans, lequelle avoit estés esleu comme cy devent est dit.
Et demoura abbé, parmy grosse pancion qu’il en randoit tous les ans
au révérand perre en Dieu Jehan de Loraine, évesque de Mets ; et,
encor, parmi ce que le dit évesque Jehan devoit estre abbé aprez la
mort du dit seigneur Dimenche, c’il le sorvivoit. Mais il eust mieulx
vallus pour ycelluy monastère, et pour l’abbé meisme, qu’il eust fait
aultrement : car aulcuns des seigneur de la cité voulloient que ung
notable prélas de la court de l’emperreur, qui desiroit d’estre abbé, le
fût ; et voulloit cellui prélas mestre le dit seigneur Dimenche gouver­
neurs général de toutte ycelle abbaye, et, avec ce, lui donner chacun ans
grosse pancion ; et, c’il eust ce fait, il eust heu plus de rest qu’il n’avoit,
et à moins de chairge, et n’eust point estés la povre église despouilliez
de ces manbre ne engaigée, comme elle fut.
Item, je me recorde que en mon temps ont estés faictes et édifiée en
Mets et on pays entour moult de noviaulx et sumptueulx édifice (et
plus, ce croy, que l’cn n’avoit fait en trois cent ans devant), tant en
a. Ms. : Dispotitions.

192

TRAVAUX PUBLICS A METZ ET DANS LES ENVIRONS

église comme en belle maison et aultres édifice : car bien peu d’esglise
y ait en Mets ne on pays joindant que je n’aye en mon temps veu ouvrer,
par espécial en la Grant Église kathédralle et és paroiche de la cité.
Et, tout premièrement, en ycelle église, de mon temps, ait estés faicte
la tour de Meute, avec la cloiche qui est dedans. Puis ait veu acomenser,
eschevir et perfaire lez trois cuer d’icelle église. Et, plusieur année
aprez.fut fait le jubé, avec lez chayre du dit cuer. — Item,le billevairde
porte Champenoise et cellui de la porte aux Aullemans, Saint Thiébault
et Maizelle ; et à touttes lez aultre porte ay veu ouvrer. — Item, j’ay
veu acommencer de fon en fon l’esglise et monastère de Saint Siphoriens, Saint Livier, Saint Marcel, Saint Farroy, lez Repantie ; et en
toutte lez aultres ay veu ouvrer, tant ez cuer tout neuf, cymboire1,
comme aultre ouvraige. — Paireillement le pont et la venne du Saulcey,
comme dit est devent, la maison de Passe Temps, celle de monsseigneur d’Ainerei, la Haulte Pier, et aultres plusieurs. — Et tant d’aultre
despance ait fait la ville depuis mon temps que c’est chose merveilleuse,
corne en grosse serpantine, bombairde, courtal, cagnon et gros faulcon,
avec la grainge d’Anglemur, la Burlette, la maison du guet et la maison
du doien. Et avec aultrez infiniee despance et angiens aussy du dehors :
Wauldrinove, les pont, les chaussée et les chemin.
La ville de Nomynei premièrement pavée. — Item, environ l’an mil
quaitre cenc et IIIIXX, fut premièrement pavée la ville de Nomini.
Puis, tantost après, le duc René de Loraine fit faire et fonder de noviaulx
de fon en fon sa maison du Pon à Monson. Paireillement vis faire toutte
la muraille de Nancey, avec les tours et billevairt ; et, loing temps
après, vis faire de fon en fon la maison du prince, scituée au dit Nancei,
qui est ung lieu sumptueulx, et que par avant estoit une très laide
maison. Aussy furent fait de mon temps les Frères de l’Observence de
Nancey. Puis, environ l’an mil Ve , fut faicte l’église de Saint Nicollay
de Pol, c’on dit Wairengéville, laquelle par avant estoit une très laide
et vielle église. Paireillement l’église paroichialle de Saint Miel, celle de
Rambécourt, et aussy celle de Thionville, qui sont à présent moult
magnificquez et belle. Item, en l’an mil Ve et XIIII, qui est l’année
précédente, fut premier pavée la ville du Pont, qui par avent estoit une
très orde ville, ne jamaix n’y avoit heu pavés.
Tantost après fut commencée de bonne sorte l’église de Sainte Bairbe
au champs : Dieu leur doinct graice de la bien eschevir ! — Plusieurs
aultres et diverse édifice sont estés faicte en mon temps, comme le
groz mur sur Saint Illaire, et aultres, desquelle je ne fais nul mémoire.
Item, en celle année, on moix de jung, je, l’escripvain de ces présente,
estoient allés au Landis à Paris en la compaignie de plusieurs aultres.
Auquel lieu nous fut dit que certains malvais guerson des gens le devant
dit Phelippe Sluster ou Pier Burtaul espioit sur nous. Par quoy, à ung
mattin devent le jour, fut nostre despairt en prenant aultre chemin.
1. Ciboire, sorte de baldaquin, soutenu par des colonnes, que l’on édifiait au-dessus
de l’autel.

1515.

— FRANÇOIS Ier EN ITALIE

lyd

Et, premier, de Paris a pont à Challanton, en tirant par plusieurs
boùrgaide droit à Provins et à Nogen sus Saine, et de là à Troye ; de
Troye, visme par plusieurs villaige à Saint Dysiet en Partois, et de là à
Bar le Duc ; et, en tirant droit à Sorxei, fut passés plusieur villaige
jusque à la cité de Toul, de laquelle visme ariver a Pont à Monson, et
puis à Mets. Et par ainssy achappâmes le dangier.
Item, en ce meisme temps, on moix de jung, retournait de Romme
maistre Françoy Collignei, lequelle y avoit estés ung ans et trois quert
comme procureur de damme Perrette, fille au seigneur Pier Baudoiche
et niepce a seigneur Robert de la Marche, en l’encontre du seigneur
Androuuin Roussé, son merrit, comme cy devant ait estés dit ; en fasson
telz que santance difinitive fut donnée pour ce desbat, et par une fasson
bien estrainge, comme on disoit : car, en paiant la somme de deux mil
ducat, la damme ce pouoit remarier. Et fut l’airgent paiez a bancquez
à Lion, moyennant l’ayde de l’évesque de Liège et de messire Robert
de la Mairche, ces deux oncle. Et par ainssy fut le dit seigneur An­
drouuin versés x, qui de noviaulx estoit retourné de Romme.

[le ROI FRANÇOIS Ier EN ITALIE; RATAILLE DE VILLA FRANCA]

Le roy à Bourges; le roy à Mollin en Bourbonois; le roi â Lyon. — En
celluy temps, et après ce que le roy Françoys, premier de ce nom, eust
par aulcuns jours depuis ces mariaige ainssy fait, comme cy devant est
dit, triumphés, et menés bonne et joieuse vie en visitant son royaulme,
aultre nouvelle lui sont venue. Car il luy fut rapourtés comment es
Suisses estoient venus corrir jusquez auprès de Briançon, qui est au pays
du Daulphiné ; et avoient brûllé ung villaige auprès du Chasteau Daulphin. Par quoy le roy partit soubdainement ; et c’en vint en la ville de
Bourges, où luy fut faicte une moult belle et notable entrée. Puis, au
lundemains, pertit le roy ; et vint en poste à Moulins en Bourbonnoys ;
en laquelle ville ma damme de Bourbon le resceut très honnestement, et
luy fist faire une triumphante et magnificque antrée. En ensuyvant
vint le roy à Lyon sur le Rosne, où pareillement luy fust fait tant
d’honneurs à son entrée et chose singulière qu’i seroit loing à raconter.
Et là ordonna le roy de ces affaire pour le fait de la guerre laquelle il
avoit desjay préposés de faire pour aller à Millan et passer les mons.
Et lassa sa merre en France, duchesse d Anjou et du Maine, contesse
d’Angoullesme, pour gouverner.
Le roi à Grenoble. — Ung peu de temps après ce pertit le roy de Lyon,
et c’en vint à la ville de Grenoble ; en laquelle lui fut aussy fait une belle

1. Débouté de sa demande.

194

1515,

AOUT. — VICTOIRE DE VILLA FRANCA

antrée. Et là fut une espasse de temps, en préparent ces arméez et aultre
chose nécessaire pour la dite guerre.
Le roy à Saint Pot. — Aprez que tout fut preste, ce pertit le roy, en
intencion de passer les mons, et tira luy et ces gens droit à Nostre
Damme d’Ambrun ; et, brief, vint à Guillestre ; de là à Sainct Pol ; et
finablement passa par ung chemin impossible, ce sambloit, et où jamais
homme n’estoit passé. Et y eurent biaucopt de misère les piettons et
aultres. Le roy fist mener une partie de l’artillerie par ce dit chemin ;
et en oit on moult de paine.
Et fut dit que le roy avoit à heure présante assamblés et faicte une
plus grosse armée que n’avoient heu fait tous les aultre roy ces prédicesseur : car tout cappitaine et guernisson, avec tous ces subgect et
allyés, y estoient mendés. Et, avec celle puissance, avoit le roy plus de
XXXVI mil lanscequenecht allemans et gens de piedz. Entre lesquellez
y estoit monsseigneur de Loraine, le duc de Gueldre, le grant governeurs de Champaigne, messire Robert de la Marche et ces deux filz,
et tant d’aultres grant princes et seigneurs que je n’en sairoie à dire le
nombre. Et avoit alors le roy les Véniciens de sa partie, avec la cité de
Genne et plusieurs aultrez. Et, brief, c’estoit une merveilleuse puissance
et une armée à redouter. Aussy estoit il bien de besoing, car il avoit
plusieurs annemis qui luy estoient contraire, comme de Nostre Sainct
Perre le Pappe, Suisses et Espaignotz.
Victoire des Fransois. — Et, qu’il soit vray, sus ces entrefaicte, le dit
Nostre Sainct Perre le Pappe avoit heu envoiez environ XVe chevaulx,
bien équippez et acoustrez, dont estoit chief ung homme de grant
réputacion, nommé Prospère Coulonne, natif du pays de Rommanie ;
lequel, luy et ces gens, estoient venus en ayde à Maximilian et à ses
allyés pour cuider seurprandre le roy ou aulcuns de ces gens aux estroit
passaiges. Mais le dit Prospère ne sçavoit pas que les François feussent
sy près, ne qu’il eussent passés les mons : par quoy le dit Prospère s’en
vint réfreschir en une ville nommée Ville Franche, qui est au pays de
Piémont. Cepandant y avoit en l’armée du roy ung gentilz hommes qui
estoit du meisme païs de Piémont ; auquel ung rusticque de ces soubjecgt luy vint à dire l’aventure, et luy conta secrètement comment
ycelluy Prospère Collonne estoit en la dite ville de Ville Franche, et ne
se doubtoit de riens, et qu’il y feroit bon aller pour les surprandre.
Par quoy cellui seigneur vint incontinent annoncer ces nouvelle a
mareschal et seigneur de la Palisse, au seigneur d’Aulbigny et au cappitaine Ymbercourt, Bayard et aultres. Lesquelz furent tout d’accord,
moyennant le dit seigneur d’Ymbercourt, qui marcha le premier et
envoya essaier le guet par ung de ses archiers ; lequel luy fist raport qu’il
estoit bon qu’il ce hastassent d’y aller durant que le dit Prospère et ces
gens estoit assis à disner et qu’ilz ne se doubtoient de riens. Et alors
bien hastiveemnt envoya le dit Ymbercourt par devers le mareschal de
la Palisse et aultres, à celle fin qu’il venissent hastrvement. Ce nonob­
stant, le dit seigneur d’Ymbercourt hardiement marcha tout le premier,
et entra incontinent à grant courses de cheval, luy et ses gens,dedans la

1515.

— FÊTES ET RÉJOUISSANCES EN METZ

195

ville. Mais, quant ce vint à la porte d’ycelle ville, la trompette boutta son
cheval avant et commensa à sonner à hault ton dedans : « Ville gaignée ! », et incontinant fut la porte sarrée, en fasson tel que le col de son
cheval fut enserré entre les porte de la dicte ville. Toutteffois il fut
tantost secorus ; et y oit plusieurs hommes d’armes qui croisèrent leur
lances, et antrèrent dedans, et tuairent et occirent tous ceulx qui avoient
résisté. Puis coururent parmy la ville et mairchairent, criant. « France !
France ! ». Et vindrent jusques où estoit le dit Prospère Coulonne,
lequel alors estoit assis au disner ; et ’à y oit moult frappés et battus,
et maintes copt donnés à l’entrée du dit lieu. Ce pandant le seigneur de
la Palisse et aultres vindrent moult dilligemment. Et, brief, le dit
Prospère fut prins, et plusieurs de ces gens furent tués, et tout leur
baigaige prins et pillé, et mainte biaulx chevalx, que furent trouvés
dedans les estables de la dicte ville. Et fut amenés le dit Prospère Cou­
lonne et aultres prisonniers par devers le roy ; puis fut admené en France
et mis au chasteau de Montagu, apartenant au dit seigneur de la Palisse,
en prison.

[ÉVÉNEMENTS

DIVERS AU PAYS DE METZ].

Passe temps fait par aulcuns seigneur de Mets.
Durans que ces
chose se faisoient ainssy en France et Lumbardie, ce faisoit la bonne
chier en la cité de Mets ; et n’avoit on crainte sinon de ce guemement
Pier Burtal et ces aydans. Et ce firent durans ce temps plusieurs feste
et joieusetés. Entre lesquelles ce mariait ung jantilz homme d’icelle cité,
nommés Joachin Chaverson, filz a seigneur Jehan Chaverson, qui
apoussait et print à femme une très belle damoiselle, fille que fut au
seigneur Conraird de Serier ; et furent les apousaille au moix de juillet.
Auquelle y oit grant feste et grant triumphe. Car, après le soupper, en
la Neuve Salle, se trovairent VI josne seigneurs, tant mariés comme à
marier, et vinrent yceulx VI seigneurs faire une joieusetés en la dite
saille. La manier comment ce fut : il estoient tous armés de piedz en
cappe, et blan comme ung sainct George, l’espée toutte nue a poing , et
aincy abilliez entrirent en la dicte salle, c’est assavoir trois par la porte
devers le Champaissaille, et les aultres trois de 1 aultre partie, devers
Viseneuf. Et une chacune des dicte partie avoient trompette et gros
tambourin de Suisse avec eulx. Or, pour vous dire et desclairer qui
estoient les partie, de l’ung des coustés estoient les trois filz au seigneur
Phelippe de Raigecourt, seigneur d’Ancerville : c’est assavoir,^ pour le
premier, c’estoit Phelippe, alors maistre eschevins de la cité, lequel
estoit moiens des dit trois frères, le second estoit seigneur Nicollas,
seigneur d’Ancerville, qui estoit le plus annés, et le thier et le plus josne,
c’estoit damoisiaulx Joffroy de Rougecourt. Et, de 1 aultre pertie,
estoient seigneur Nicolle Dex, jandre a seigneur Françoy le Gournaix,

196

1515.

—• ACCIDENT MORTEL A METZ

le second estoit damoysiaulx Michiel, filz au dit seigneur Françoys, et le
thier estoit ung josne seigneur fourains qui estoit au gaige de la cité.
Et, en entrant en la saille que chacune des dicte partie firent, tant
d’ung cousté que d’aultres, il ont fais la révérance au dammes bien et
honnestement ; puis, de chacune partie, s’en est aproichiez ung : c’est
assavoir, pour les deux premiers, ce fut le dit seigneur Phelippe, maistre
eschevin, lequelle vint en l’encontre du dit seigneur Nicolle Dex ; et,
en ce aproichant, ce sont férus de toutte leur puissance, tant que le feu
sault de leur hairnais et espée ; et ce dennairent de bon horion, sans
laichier, jusque à ce que les soldoieur qui là estoient commis les despar­
tirent. Et, en ce faisant, sonnoient trompette et tamborins, que biaulx
faisoit oyr. Puis, après ces deux, ce aproichairent damoisiaulx Geoffroy
et le souldoieur fourains ; et firent comme les premiers. Et, après que
l’on les eust despartis, vint damoisiaulx Michiel en l’encontre du sei­
gneur d’Ancerville ; et pareillement yceulx firent comme les aultres,
et ce donnairent de bon et lourt copt. Et, aprez que l’on les oit despartis,
les dit trois frères tous ensemble ce refiert au dit trois aultres tout à une
fois, entendus chacun à son homme ; et, ainssy tous six ensemble,
fraippoit chacun dessus le siens, et ce donnairent arrier de grans et
pessant copt, jusques à tant que de rechief l’en les despertit. Puis, ce
fait, furent rebouttée les espée aux foureaulx ; et print chacun une josne
dammes ou damoiselle pour mener dancer, et, ainssy tous armés,
dansait chacun d’yceulx combaitant quaitre ou cinq dance. Et, ce fait,
ce sont retirés on paillé là où le bancquet estoit apresté, qu’il n’y failloit
riens. Et vellà tout.
Ung jonne compaignon lues par fortune. — Item, en celle meisme
année, le XXVe jour du dit moix de juillet, vigille de la feste sainct
Victour, avint en Mets une fortune à ung josne gairt, qui ce tuait.
Cellui gair estoit paige a seigneur Thiébault le Gournaix, et filz à ung
cordier de la devant dicte paroiche Sainct Victour. Et, pour ce que au
Iundemains estoit leur feste, cellui cordiet avoit envoiés prier son filz
qu il c’y trouvait au dîner et tout le jour. Par quoy cellui son filz, en
allant abrever ung groz puissant chevaulx que son maistre avoit,
pansait qu’il yroit de sa voye parler au dit son perre, qui besoingnoit
de son mestier entre lez muraille de la cité et la cloéson de Sainct Vin­
cent. Et, après ce qu’il eust abrevés auprès de l’église Saint Mercel,
tirait celle pairt pour perler au dit son perre. Or, en ce lieu là où son
perre besoingnoit, l’on avoit mis durant la guerre de grosse chaînez de
fer, comme encor ajourd’ui ce moustre, lesquelles chaînez pernoient de
mur à aultre a travers du chemin, affin que sen congiez nulz chevaulcheurs n’y peussent passer. Mais celluy guerson estoit cy bon chevaulcheurs que, le plus souvant, pour son plaisir, faisoit saillir son chevaulx
tout par dessus ycelle chaîne. Et tellement que, à ce jour, le fist saulter
tout oultre, comme il avoit acoustumés, affin d’aller perler à son perre ;
mais, ainssy comme il ce dit communément que tant vait le pot à l’eaue
qu il brise, de copt de mal fortune, le crampon du fer de derrier demourait en ycelle chaîne et antrait dedans, en fasson telle que le chevaulx,

1515. — DISPOSITION DU TEMPS

197

qui estoit groz et puissant, comme dit est, cheut et tombait sus ces
genoul, et le guerson cheut perreillement, la teste devant, en terre, et se
desvoiait le col. Et possible qu’il en fût encor reguéris ; mais, ainssy
comme le chevaulx se voult relever, il tirait cy grant copt la chaîne
qu’il rompit le mur, et saillit dehors d’icellui mur une grosse pier de
taille, en laquelle estoit celle chaîne encramponnée et mise en pblonc ;
et vint celle pier à donner cy grant copt contre la teste d’icelluy guerson,
qui ce gisoit en terre, qu’elle luy defïroissait tout. Et ainssy piteusement
morut devant son perre, qui le pansoit avoir au lundemains à sa feste.
Dont ce fut pitiés et dompmaige.
Dispositions a du temps. — Item, pour vous dire et advertir de la
disposicion du temps qu’il fist en cest année mil Ve et XV, il fut d’une
merveilleuse et estrainge condicion, et tout contraire aux aultre, espéciallement à celluy de l’année précédante et passée. Car, premièrement,
tout l’esté durant, il fist ung temps très pluvieux et moiste. Et fist à son
acommencement plus grant froit qu’il n’avoit fait en yver. Et puis,
quant ce vint au moix de juillet, il fist encor plus froit, soverainement à
son acommencement ; et durait celle froidure jusque à la fin d’aoust.
Et croy, moy, que jamais homme vivent ne vit faire ung paireille temps
ne ung cy froit estés : car il n’y avoit de journée qu’il ne pleût deux ou
trois fois. Et oit on une merveilleuse paine à lever les foins ; et encor
pir pour les bledz : car, en cest année, en y oit plusieurs des gaistés et
germés. Et furent en cest esté plusieurs fois les ripvier touttes hors de
ryve. Et, avec ce qu’il n’y avoit guère de roisin és vignes, il ce ampiroient merveilleusement : car les ung estoient coullés, les aultres estoient
embrussiez h ne rien ne c’en pourtoit bien, et estimoit on que le rest ne
mûriroit jamaix et qu’il ne vauldroient rien. Mais, au contraire de l’an
devant, quant ce vint à l’acommencement du moix de septembre,
Dieu y mist sa graice, et envoiait le plus biaulx temps, et le milleurs
pour les vigne, que jamaix homme eust veu. Et tellement que ce peu de
roysin qui estoient demourés amendirent et multipliairent cy bien, et
avec ce devindrent tant mûr en peu de temps que ce fut chose mer­
veilleuse. Et tellement que le chairaul de vin, que auparavant les vigne­
rons eulx meisme ne estimoient pas vailloir trois frant ou XL sols, fut
alors mis à VII frant ou à VIII frant pour la bonté d’icelluy vin, lequelle
aparavent les plusieurs estimoient qu’il ne vauldroit pas le cuyllir.
Et acommensait proprement ce biaulx temps en la propre sepmaigne en
laquelle en l’an devent il acomensait à plovoir. Et pour ce di ge que celle
année fut toutte contraire à l’an devant : car, l’anné précédante, il
avoit tousjours fait biaulx jusques à la vandange, et alors ce muait le
temps et convertit en pluye qui durait toutte l’année, comme dit est ;

a- Ms. : Dispotitions.
1. Au propre, ambrûsieu, ambrûsser (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la
Moselle) se dit de la rouille du blé.

198

1515.

— PHILIPPE TRADUIT LA GESTE DES LORRAINS

mais maintenant, on temps que celle pluye acommensait, c’est remis le
temps a biaulx, qui durait longuement.
Aussy touchant des fruyt, cest année fut fort contraire à l’an devent,
c’est assavoir que en l’an devant il y oit de tout fruit à grant abondance,
et à cy grant plantés qu’il en y oit une pertie dez xeilliez 1 et gaistez ;
et en cest année présente n’en y oit point, sauf et réservés les noix,
desquelles en y oit tant en cest année que l’on ne les sçavoit où mettre.
Deffance faicte aux merchamps de Mets de non aller à la foire de Franc­
fort. — Item, on meisme moix de juillet furent mandés en justice tous
les mairchamps de Mets, espéciallement les drappiers, qui avoient
acoustumés de aller et mener drapperie à la foyre à Francquefort.
Et à yceulx fut deffandus, sur corps et sur biens, qu’il n’y allaissent
point : car les annemis de la cité, c’est assavoir ceulx qui ce melloient
pour le fait Pier Burtault, ne voulloient venir ne antendre à nulle jour­
née, espérant que au retour d’icelle foire il agrapperoient quelquez bon
merchant, duquel il porroient avoir grant finance. Car le commun bruyt
corroit que yceulx lairons qui servoient le devent dit Philippe Sluster
n’avoient aultre gaige que leur adventure.
Marchamps de Sainct Nicolas délrossés. — Item, aussy durans la
devent dicte foire de Francquefort, aulcuns mairchamps de Sainct
Nicollay furent prins et rués jus à la requeste d’ung hostellier du dit
Sainct Nicollas, auquelle l’on avoit conficqués ces biens pour ce qu’il
estoit fuytif, pour l’amor d’ung siens serviteurs qu’il avoit tués, corne
on disoit. Et celluy hostelliés, voyant que l’on luy avoit tout prins,
saisis et buttinés, et que encor, c’il eust estés tenus, il eust estés malz
loigiei, il s’en allait aux Allemaigne. Et là trouvait incontinant aulcuns
conte, malvaix lairon, qui ce nommoie les Saincque, avec lesquelle
y avoit ung tas de satallite pire que Sairasins ; et d’iceulx en fist ces
maistre, et leur mist sa querelle en mains. Et vellà comment yceulx
pouvre mairchant furent prins, détenus, et pardirent grant partie du
leur. De quoy c’est moult mal fait à l’empereur de ainssy soubtenir en
ces pays yceulx lairons pillairs, qui destruissent et robbe pellerins et
merchamps, et ne demende que à mal faire ; et n y ait hommes que
seurement ossaicent aller ne venir par ces pays et ampire. Dieu y
vueulle provoir ! Amen.
Item, aussy en celle année, je, Phelippe, escripvains et facteurs de
ces présente, translata et mis de anciennes rime et rétoricque, c’on dit
chanson de geste, en prose et par chapistre, le livre c on dit La belle
Beaullris, avec celluy du Lorain Guérin et du duc Baigue de Bellin,
ces deux filz, et conséquanment de toutte leur généalogie et dessandue.
Et d’iceulx en fis quaitre partie, comme chacun pourrait veoir à qui il
plairait de les lire. Pareillement, en la meisme année, fis et composa
ung aultre livre contenant cenc novelles ou contes joieulx. Lesquelles
livres furent fait et eschevis en l’an dessus dis. Non pas que je die ou le

1. Gâtés, perdus (patois moderne : hhèyeu).

1515.

— TRAVAUX PUBLICS A METZ ET DANS LES ENVIRONS

199

raecte ycy estimant que ce soit chose digne de mémoire, ne de quoy l’on
en doyve perler ne faire estime, mais seullement affin que en les lysant
voustre plaisir soit de corrigier les faulte, quant aulcune en y trouvenrés.
Plussieurs réparation faicte autour de la ville de Mets. — Durant ce
meisme temps furent encor faicte en Mets plusieurs piesse d’euvre au
fray de la ville, cen les ouvraige desquelles je vous ay heu par cy devant
perlés, et desquelles jamaix n’en avoit heu en Mets au lieu où elle furent
faictes. Premier, sus la haulte Saille, furent en cest année fais des
mollins à queuve, paireille au Mollin le Prebstre du Saulcey, telz que à
présent vous les veés. — Item, en cest année furent eschevis les murs qui
sont au loing de la ripvier de Mezelle, en Ramport ; lequel lieu par
avent estoit ung lieu très imfamme et ort de fomeroy et aultre ordure. —
Pareillement, en celluy temps, y avoit ung très ort chemin depuis
Longeville en jusques à Mollin, et encor en venant à Wauldrenowe ;
lequelle en celle année fut fort rammendés, et foucellés 1 de tout coustés ;
et y furent tous les chairetiers et tous les bons hommes du pays et vaulx
de Mets à crouuée ; item, y furent fait trois ou quaitre poncel de pier et
de muraille, telz comme vous les veés. Et, en faisant les fondement de
l’ung d’iceulx pont, l’on trouvait merveilleusement grant foison de
teste de gens mors gectée et mise en terre l’une sur l’aultre, cen regairder
comment ; et y avoit aussy plusieurs aultres ossement ; mais aulcune
d’icelle teste furent trouvée la fasse dessoubz ou de cousté, et bien loing
des aultre ossement. Et, pour ce, fault dire et est à croire que au temps
passés fut là en ce lieu faicte une baitaille et grant tuerie : car avec
yceulx ossement furent trouvées plusieurs vielle piesse de fer anrouyllié
et pourrie ; et sambloit avoir estés d’aulcune piesse de hairnois et espée.
Mais, comment qu’il en fût, il y ait cy loing temps que la chose avint
qu’il n’y a ajourd’uy homme vyvant que jamaix, par escripture ny
aultrement, en oyt parler, ne que en ce lieu y eust heu baitaille ne
melléez. Toutteffois, c’il sont crestiens, Dieu, par le mérite de sa Passion,
leur veullent leur péchiez perdonner !

[FRANÇOIS

Ier EN ITALIE; BATAILLE DE MARIGNAN].

Vous avés par cy devent ouy cornent le seigneurs de la Palisse, mareschai de France, avec les cappitaine Ymbercourt, Bayard, et le seigneur
d’Aulbigny, et plusieurs aultres, prinrent prisonnier à Ville Franche en
Piémont le cappitaine Prospère Coulonne, et cornent il fut menés en
France ; et perdirent, luy et ces gens, chevaulx, harnois et aultres biens.
Et, pource que ces chose ne ce font pas du tout 2 en ung jour, j ay
dillautés à eschevir cest ystoire jusques à temps et lieu, pour parler
1. Fosseler, munir de fossés .
2. Du tout, entièrement.

200

1515,

SEPTEMBRE. — FRANÇOIS Ier EN ITALIE

d’aultre besoigne. Par quoy est temps que je vous dye comment, après
ce fait et que les novelle en furent venue au pappe, il en fut bien esbahy.
Et non sans cause ; ne jamais n’eust creus que le roy eust sceu passer
par ce chemin terrible et désert, et à grant paine le voulloit il croyre.
Puis, aussy, lez Suysses, qui alors estoient à Suze, à Villane, à Rivolle
et aultres lieux pour garder les passaiges, eulx advertis au vray de cest
affaire, incontinent et à grant diligence commencèrent à maircher et
eulx en aller tyrant vers la ville de Millan. Et les François, suyans après,
vinrent jusques à la cité de Thurin, où alors le duc de Savoie estoit ;
lequel vint au devent du roy, son parent, et luy fist bonne réception.
Et, avec ce, le mena le roy avec luy ; et furent menée VI grosses piesses
des artillerie au dit duc quant à eulx. Et en belle ordre ont tousjours et
par plusieurs journée marchiei après les dit Suysses. Lesquelle sambloit
qu’il tiraissent droit le chemin vers Yvorée : mais tout court vindrent
ariver à Novare. Et le roy et ces gens, tousjours suyvans les dit Suysses,
vindrent abourder en la ville de Verseil. Là où il y eust aulcun bruit de
quelque perrolle de faire apointement entre le roy et les dit Suysse ;
et estoient ad ce faire commis mon seigneur le bastard de Savoye, le
seigneur de Lautrect, et aultres. Ce temps durant vint et ariva en la ville
d’Alexandrie le seigneur de Prie, qui estoit pour le roy, acompaigniez
des Génevoys ; et prindrent et pillairent touttes la dite ville en récompance des bons tours que plusieurs fois avoient fait aux François. Mais,
ce nonobstant celle paix qui ce traictoit, le roy faisoit tousjours marcher
son camp après les dit Suisses ; lesquelz s’en estoient desjay partis de
Novarre, et tindrent le chemin vers la ville de Millan. Ce pandant vint
de renfort au roy une bande de lansquenetz, que on appelloit la Bande
Noire; laquelle bande estoit moult bien acoustrée. Et alors fist le roy
marcher son camp devent Novarre, où fut donné incontinent l’assault ;
et furent ceulx de la dicte ville incontinant randus et soubmis en la
mains du roy. Après celle prinse de Novarre fist le roy marcher son
camp vers la ville et cité de Millan. Mais, ce temps pandant, vindrent
novelle comment l’apointement estoit fait entre le roy et les Suysses,
moyenant une grant somme d’or que le roy leur devoit baillier ; et fut
novelles que les dit Suysses avoient promis foy et loyaultés. Ce qu'il ne
tinrent pas, comme vous oyrés.
Le roy, pansant estre bien esseuré de la dicte promesse d’yceulx
Suysses, fist marcher son camp à Marignan, qui estoit en approchant
près de Millan. Mais il n’y fut pas longuement que les Suisses ne retour­
nèrent leur robbes, nonobstant que le roy leur avoit envoyé par aulcuns
seigneurs une somme d’or, c’est assavoir ce qu’il leur avoit promis et
acordés ; mais, ce temps pandant que l’on menoit ycelluy argent,
yceulx Suysses et leur allyés furent délibérés de venir surprendre le roy
et son armée. Aussy y avoit une aultre chose : car le cardinal de Syon les
avoit corrompus et preschez ; et paireillement les cytoiens a de Millan
a. Ms. : cytoiez.

1515,

SEPTEMBRE. — VICTOIRE DE MARIGNAN

201

leur avoyent donnés de biaulx dons afïîn qu’il ne ce tournassent devers
le roy ; et, avec ce, l’on leur faisoit de belle promesse. Par quoy, concidérant ces chose, pansant*1 que, ce fortune leur estoit bonne, il seroient
en partie seigneur et maistre de tout le pays, et, avec ce, crainct et
doubtés de toutte aultres nacion, qui fut la cause principalle de tourner
le dos au roy et de ce hardiement mairchier encontre luy. Mais incon­
tinent furent ces nouvelle contée au roy ; de quoy il fut bien esbahis, veu
que l’airgent que il leur avoit promis estoit en voye. Ce non obstant,
comme hardy et vaillant, en faissant de nécessité vertus, non ayant
cremeur 2, se délibéra de recevoir les ditz annemys, et fist mettre dilligemment ses gens en bon ordre. Et si, comme il estoit en telz affaires,
nouvelles luy vindrent qu’il estoit sorty de la ville de Millan ung grant
nombre de gens de pied, bien armés, qui venoient donner la baitaille
avecques les Suisses.
Bataille des François et Suysses. — Ce que il firent : car incontinent,
la journée meisme, entre trois et quatre heures devers le soir, vinrent
une route et grant compaignie de Suysses hardyement frapper sur l’ar­
mée du roy. Où il furent aussy receuz moult vertueusement (ce non
obstant qu’il en y eust de la pertie du roy qui n’en voullurent oncques
mairchier, ains regardoient par où ilz s’en retourneroyent). Le roy,
qui menoit la baitaille, voyant les annemys venus, incontinant luy
meismez vint en personne avec aulcuns de ses gentilz homes en la bai­
taille. Et tellement ont les François chairgiés dessus leur annemis qu’il
en ont defïaict une bande. Puis, ce faict, les adventuriers françois se
sont venus mettre on lieu et en la plaice dez lansquenetz, lesquelz, une
pertie, avoient tournés le dos. Mais ce n’estoit pas par couairdise ;
sinon que par avant on leur avoit signifïié 1 appointement faict entre les
partie (dont il en estoient bien courroucez, et ne demandoient que à
combaitre) : par quoy les dit lansquenetz estoient bien estonnés, et
disoient les aulcuns qu’il estoient trahis, et que le roy pour son plaisir
les voulloit faire tuer. Ce non obstant, quant il virent que c estoit à la
bonne essient, et que les advanturiers a françois se bouttoient cy har­
dyement dedans les dictz Suysses, il prindrent cuer et couraige, et se
portèrent au mieulx qu’il leur fut possible. Mais, à brief pairler, les
adventuriers françois faisoient merveilles ; et sy n’y avoit pas grande
quantité des dictz advanturiers. Touttefîois il deffirent une bande
des dictz Suisses où il estoient bien quatre mille, et les dictz Françoys
advanturiers n’estoyent pas deux mille. Là eussiez veu chairpanter 3,
et frapper à grans coups de picques fortes et roiddes, et forces espées
à deux mains. Somme toute, il thindrent vertueusement et jusques à
bien tairt, que l’on ne sçavoit lequel l’avoit le milleurs. Alors les dictz
Suysses vindrent sy très hardyment que merveilles, et chargèrent sus la
a. Ms. : abventuriers.
1. Ils pensèrent.
2. Crainte.
S. Frapper à coups redoublés ; l’image est banale.

1515,

SEPTEMBRE. — VICTOIRE DE MARIGNAN

batailesetarriergarde a : qui estonna fort les Françoys. Et pansoient faire
les dit Suysses comme ilz firent à la journée de Novarre ; mais alors
l’artillerie, qui pas ne dormoit, resveilla bien les dictz Suysses (ce non
obstant que, du commencement, il cuydoient venir ruer dessus ycelle
pour la gaigner ; ce qu’il ne firent pas, car il trouvairent bien à qui
parler), et ne tyroit coup la dicte artillerie qu’elle ne occist beaucopt
des dictz annemys. Brief, la dicte bataille dura jusques à la lune cou­
chant ; avecques ce que alors il faisoit une merveilleuse poulcière, pour
la trèsgrant challeur qu’il avoyt fait és jours précédant. Et, de fait,
combattirent tousjours tant que ilz se peurent veoir ; et tellement que,
pour l’obscurités de la nuyt, et aussy d’ycelle pouldre, en y oit plusieurs
qui cuidoient estre retirez en leur camp, et ilz estoyent au camp des
Françoys, et meismement y oit aulcuns Françoys que, cuydant estre
avec leur gens, se sont trouvés au camp d’yceulx Suysses ; dont il
furent bien esbahis. Aussy y oit une chose qui abusa fort les dictez deux
pertie : c’est que les dictz Suysses crioyent à haulte vois : « France !
France !»; et puis occioyent les Françoys. La nuyt ne fut pas longue;
et fut tousjours le roy François parmy ses gens, en leur donnant couraige et bon espoir, solicitant de lieu en aultres, et principallement à
son artillerie, auprès de laquelles avoit moult grant nombre de lansquenetz, qui la gardoyent bien. Puis, après tout visité, se reposa le roy
ung petit sur le lymon de une charrette, tout armé. Et vous promès,
sans nulle faulte, que, sans sa présence, les Françoys eussent heu bien
affaire.
Victoire des François contre les Suysses. — Quant ce vint le lendemain
au matin, que le jour commença à poindre, les dictz Françoys *1, ce
nonobstant que dès le soir avoyent les dictz Suysses pardu plus de gens
que ilz ne pensoient, vindrent, ce dit jour Saincte Croix, le quatorziesme
jour du moys de septembre mil V° et quinze, au lieu de Saincte Brigide
hardyement ; et eussiés dict que ilz venoyent à une feste ou à une
dance ; et donnèrent vertueusement sur les dictz François. Et alors
eussiés veu batre et chairpanter les ungs sur les aultres : c’estoit à qui
en avoit du milleur. Mais l’artillerie, où estoit le roy de France, faisoit
beaucoup de meurtre des dictz Suysses, et principallement en une
moult grosse routte et compaignie des dictz Suysses, lesquelz estoyent
emparquez ensemble, et ne bougeoyent. Mais, à la fin, après plusieurs
testes séparées des beux 2, bras couppés, et vaillant hommes tant à
piedz comme à chevaulx rués mors et estandus sur les cairiaulx, eulx,
voians que on tuoit tant de leurs gens par la dictes artillerye, se retirairent et tournèrent le dos devers la dicte ville de Millan ; eulx voyans
aussy que le demourant de leur gens, lesquelx combaittoyent, ne résis­
terait pas longuement encontre les dictz Françoys, délibérèrent de eulx
a. Ms. : arriegarde.
1. Il faut corriger : les dits Suisses.
2. Bu, tronc.

1515, SEPTEMBRE. —■ VICTOIRE DE MARIGNAN

203

en fouyr. Et tellement que en brief terme tout le demourant fut amassé 1
et vaincu ; et, ce n’eust esté la grande poulcière qu’il faisoit lors, il n’en
feust pas tant retourné ; mais à très grant paine ce veoit on l’ung l’aultre.
Et souffrirent le roy et tous les aultres pour ce soir une trèsgrant soif :
car alors il faisoit une véhémente chailleur, et, avec ce, l’on ne sgavoit
où trouver eaue que fussent bonne à boire ; et encor estoient toutes
ensanglantées et plaine de sanc : ce néantmoins, tel qu’elle estoient, il
estoit bien force d’en boyre, tant a roy comme aux aultres. Toutteffois, à la fin, aulcuns furent qui lui en apportairent de la cler ; et en
beut. Et estoit moult joieulx d’avoir cy bien rencontrés les dictz Suyssez
en attandant hardyment le lendemains, corne une brisée quant on suyt
la chasse.
xvj mil Suysses tués. — Et fut trouvés, au londemains, que, des dit
Suisses, en avoit bien demouré au camp de quinze à XVI mil, ou envi­
ron. Lesquelles toutteffois ne morurent pas en anffans, ains morurent en
gens de grande prouesse. Et en demoura biaucopt des mors par le che­
min en eulx fuyant vers la ville de Cosme et Millan, lesquelz avoient
esté navrez et blécez en la bataille. Et fut cest baitaille ung tairible
fait ; et une merveilleuse victoire pour l’acomencement du resgne du roy,
veu qu’il avoit estés seurprins par manier de déception, en ensuyvant
leur apoinctement par eulx promis, comme dit est devant. Et ne trouve
on point par escript que jamaix pour ung jour en fust défiait en ung
camp seize mil d’ycelles nacion beliqueuse, sinon du temps de Jullius
César (item, le roy Loys XIe, luy estant daulphin, en deffeist de trois
à quaiti'e mil, et ung duc de Millan en deffeist une foys de deux à trois
mille). Et pour ce celle journée fut moult heureuse pour le roy Françoys, premier de ce non, veu aussy la grande multitude qu il estoient,
et bien délibérés ; et fut estimez que ceulx qui sortirent de Millan, sans
les aultres, estoient environ XXXVI mille hommes. Et en ces entre­
faites ariva le secours de la seigneurie de Venyse, que monsseigneur
de Bourbon, connestable de France, avoit esté quérir pour le roy ;
lequelle secours venoit à grant diligence, très bien acoustrez et fort bien
en point pour combatre. Mais à leur venue il trouvairent les Suysses
desjay deffaitz, qui fuyoient vers Millan et vers Cosme. Par quoy, les
voyant fuyr, frapparent sus yceulx Suysses et leurs aliez ; et se moustrèrent gens de bien, principallement le devant dit messire Bartholomy
d’Alvyane, chief et cappitaine de l’armée des dit Véniciens, et lequelle
par a vent avoit esté prisonnier en France.
Le fîlz du conte de Pylelenne tués. — Aussy ce moustra vaillant le filz
du conte de Petillane, lequelle à ce jour fist merveilles d armes , mais
à la fin Fortune luy tourna le dos : car, comme il voulût saillir ung
fossé lequelle estoit tropt lairge, son cheval cheut, et luy dessoubz le dit
cheval, et fut occis par yceulx Suysses. Et meismement, à celle tant
crueuse journée, morut chevalereusement le seigneur de Imbercourt,

1. Amasser, massacrer, au propre, assommer avec une masse.

204

1515. — MILAN SE REND AU ROI DE FRANCE

lequelle entra dedans eulx, eschauffé comme ung sanglier ; et fut de sa
mort pour les François ung trèsgrans dompmaige, car il estoit home
hardy et couraigeux en guerre. Aussy y demoura et fut occis François,
monseigneur de Bourbon, qui fut enclos des dit Suysses, néantmoins
qu’en cest affaire ce porta moult vaillanment. Pareillement y furent oc­
cis le prince de Tallemont, le conte de Sanxer, leseigneur deBuyssy, le
cappitaine de Mouy, et plusieurs aultres grans seigneurs, cappitaines et
jantilz hommes, pourteur d’anseignes et gens usitez à la guerre et digne
de nom. Et en ce jours fist le roy plusieurs chevalliers.
Aussy, durant celle tant crueuse baitaille, s’en fouyt le cardinal de
Syon, qui estoit cause de la mort de tant de gens ; et donnait à entandre
à Maximillian, lequel estoit filz de Loys Force, dit Le More, qui fut
prins prisonnier et menés en France par le feu roy Loys, qu’il alloit
requérir du secours : mais il fault croire qu’il ne revint pas à temps.
Suysses bruslés. — Puis, après celle tant piteuse occision, se retira
aulcuns grant nombre de Suysses vers une maison, au dellà de l’avangarde où estoit le conestable de France, seigneur de Bourbon ; lequelle,
suyvant yceulx Suysses et saichant qu’il c’estoient retirés à saulvetés
en ce lieu, les fist tous brusler dedans la dite maison ; et n’en eschappa
pas üng de tous ceulx qui là estoient.
Aussy furent trouvés aulcuns aultres d’yceulx Suysses navrez et
blessez, qui a despartir de la bataille c’en estoient fouys à Millan ; et
firent acroire au citadins qu’ilz avoient gaigné la journée : par quoy il les
firent mestre en l’Hostel Dieu pour eulx reguérir. Mais, après ce que la
ville fut reprinse, les lansequenetz les achevèrent de médeciner. Dieu par
sa graice perdoinct a trépassés !
Millan rendue aux roy. — Puis, tantost après ycelle tant furieuse
bataille, vindrent ceulx de Millan par devers le roy, luy criant mercy,
se sométantà sa miséricorde des faulte qu’ilz avoient faicte envers le
roy; et, en ce disant, luy livrèrent les clef de la dite Millan. Alors le roy,
miséricordieux, les receut, moyennant quelque appointement qui fut
fait présentement de œuvre pécunielle. Et, tantost a après, le roy envoya
son camp devant le chasteau de Millan, où estoit le seigneur Maximil­
lian et aucuns nombre de Suysses et aultre gens amassez. Duquel chas­
teau le roy fist donner l’assault, et batre de grosse artillerie ; et, avec ce,
pertie en fut mynés, par laquel myne fut fundus ung grant quairtier
du dit chasteau. Par quoy, voyant ce le devant dit Maximillian, filz à
Loys Force, et qu’il estoit en grant dangier, envoia par devers le roy
pour traicter d’appoinctement. Et alors le roy luy envoya son chancellier, avec grant quantité de ses gentilz hommes, lesquelles estoient
tous moult noblement et richement vestus et acoustrés (entre lesquelle
le dit chancellier avoit une grant robe de drap d’or frisé) ; cy sont entrés
dedans le chasteau, auquel estoit le dit seigneur Maximillian. Et telle­
ment furent leur perrolles, de l’une en l’autre, que le dit chancellier
a. Ms, : tantantost.

1515,

SEPTEMBRE. — LE PEUPLE DE METZ EN ARMES

205

l’amena quant à luy au camp par devers le roy. Et là fut le dit appointement confermé, moyennant que les Suysses qui estoyent au dit chasteau s’en puissent aller leur vies et bagues sauves, et, avec ce, qu’il
receucent aulcune sommes de deniers de par le roy, qui fut dit par celluy
apointement. Aussy déclaira le dit seigneur Maximillian que jamaix à
perpétuité il ne prétendoit à demender quelque droit en la duché de
Millan. Et lüy fist le roy bon recueil ; puis l’envoya en France pour y
demourer et ce tenir.
Le roy aux chasleau de Millan. — Item, tantost après ce fait entra le
roy à Millan. En laquelle lui fut faicte essés belle antrée ; et y demoura
assés longuement et par plusieurs jours, durans lesquel plusieurs gentilz
hommes de la ville luy firent forces beaulx convives et bancquetz.
Au regairt dé cytadins de Pavye, la plus pairt ce estoient retirés à Millan
quant il furent avertis de la venue du roy : par quoy à cest heure fut
faict leur apointement, moyennent quelque somme d’airgent qu’ilz
baillèrent.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ;
MENACES DE GUERRE].

Le peuple de Mets en armes. — En celluy temps, l’on n’estoit pas tropt
essuré en la cité de Mets ; car alors, de nuyt, estoient venue aulcune
nouvelles à messeigneurs les Sept de la guerre ; par quoy le Conseil de
la cité en fut ensemble, de nuyt, a Pallais, pour conclure sur cest affaire.
Et tellement que, le jour venus, de bon mattin, qui fut ung vandredi
XXIe jour du devant dit moix de septembre et jour de saint Mathie,
apouste, et sept jour après la devent dicte journée de Millan, furent on
nom du dit Conseille envoiez les baneret des paroiche de la cité, chacun
en la paroiche de laquelle il avoit l’aministracion, dire et comender en
chacune maison et en chacun ménaige qu’il n’y eust hommes qui peust
porter baiton qui ne fût armés, preste et am point, et que incontinant
ce trouvait on Champz Paissaille. Et la cause pour quoy estoit que,
en celle nuyt passée, novelles sertaines estoient venues aux seigneurs
Sept de la guerre comment ung cappitaines allemans, nommés Fran­
cisque, qui ce disoit estre parans au devent dit Phelippe Sluster, avec
le dit Phelippe meisme, pour le fait de Pier Burtault, estoient alors sur
les champs en arme ; et estoient yceulx acompaigniez de trois ou quaitre
cenc chevaulx, et plusieurs aultres satallites, malvaix guerson, qui ne
demandoiént que à pillyer, à desrober et à boutter les feux ; et avoyent
yceulx lairons délibérés de brief faire une course sur le pays de Mets, on
Hault Chemin. Comme vray estoit ; par quoy il estoit déterminés de leur
aller au devent à mains forte. Et ainssy en fut faict. Car, incontinent
après ce que les banneret heurent fait leur déchairge, le puple fut assamblés de bon matin au Champaissaille, comme il leur avoit estés dit. Et là

206

1515, SEPTEMBRE. — SORTIE DES MESSINS

ce sont trouvés aulcuns des seigneurs gouverneurs et recteurs de la cité,
tous armés de piedz en cappe, comme vaillant champion et conduicteurs de leur peuple ; et, avec ce, de cuer et de couraige bien délibérés de
antrer les premiers en la baitaille pour deffandre et gairder leur peuple
et les franchise de la cité. Aussy furent avec eulx les soldoieur de la ville,
bien en point et armés, avec aulcuns verlet d’hostel. Et tout incontinent
se sont mis sus les champs, acompaigniez de environ sept ou VIIIe
jantil compaignons de piedz, bien armés et en point. Et avec eulx fut
menés pains et vin et hairans, avec sept ou huit piesse de bonne artillerie
voullant *1, bien forniez de canoniers, de fonde 2 et de pouldre. Et
en bon ordre sont sortis de la cité, [et se] priment à mairchier on Hault
Chemin, désirant de rancontrer leur annemis. Et alors, en atandant
l’adventure, furent mandés, par tous les villaige d’ycellui pays, que tous
ceulx qui de loing temps avoient estés nommez et escript pour le fait
d’ycelle guerre fussent prest et a en point pour le dymenche après, à
XII heure, on baille du pont des Mors. Et ainssy en fut fait : mais l’on ne
fut point plus avent, car, tantost le lundi après, les cappitaine et conduicteur d’ycelle assamblée furent advertis que les annemis retournoient
arrier, et qu’il avoient bouttés le feux sur la terre de Loraine en je ne
sçay quel villaige devant Boullay. Toutteffois, eulx estant encor aux
champs és villaige devant dit on Hault Chemin, voullurent yceulx
cappitaine et gouverneurs de l’airmée de Mets, pour leur plaisir, aprouver leur peuples ; et secrètement, avec leurs gens d’armes et chevaulcheurs, vinrent assaillir le lieu là où les dit piettons estoient apairqués,
et là firent une grande alairme, faindent à estre leur annemis : mais il
trouvaient sy bon recueille qu’il leur fut tout biaulx de bien tost ce
déceller 3 et moustrer qu’il estoient leur seigneurs et amis, ou autre­
ment yl y eust heu des copt mal prins. De quoy yceulx seigneurs et
cappitaine furent bien joieulx, et ont remereyez les compaignons du
bon couraige que en eulx il ont trouvés, disant que l’on ce tenoit très
content de leur vraye obéissance et bonne voullunté. Au lundemain,
tout a mattin, qui fut le macredi, par comandement, ce despertit le
camp, et en belle ordre s’en sont retournés à Mets. Et fut renvoyez
chacun enchiez luy ; ne ne fut aultre chose faicte pour celle fois, sinon
ung cas joyeulx que je veult mettre ycy'pour ryre.
Ung bon rallari punis b. — Ce fut que, en ce temps, demouroit en la
cité ung revendeur et thixerant de son mestiet, nommés Simonin
Hurtebise. Celluy estoit boiteux et contrefait, et l’ung des grant raillair
qu’il estoit possible ; ne n’y avoit homme qui le peult affiner 4, tant
estoit plains de langaige et faucerie. Toutteffois, quoy qu’il en fût, il fut
a. Ms. : en.
b. Cette indication, ainsi que les suivantes, n’est pas de la main de Philippe de
Vigneulles.
1. Artillerie volante, artillerie légère.
2. Sans doute fonte, qui désignerait le boulet de fer (fondu).
3. C’est ici le premier exemple connu du verbe déceler.

4. Surpasser.

1515,

OCTOBRE. — FORTES GELÉES AU PAYS DE METZ

207

pugnis pour ces raillerie. Car, comme ainssy que les compaignons retour­
noient en belle ordre en la cité, comme dit est devent, celluy mal
plaisant, deshainchains 1, tourtus de bouche et de corps, venoit au
devant d’eulx, et, par dérision, leur demandoit à avoir la malletoute du
buttins qu’il avoient conquis et vandus (car il ce melloit d’icelle malletoutte de revendaige). Par quoy aulcuns des dit compaignons, ouyant
la mocquerye et baverye 2 d’ycelluy, le prindrent en malle part, et c’en
complaindirent à leur maistres les Sept de la guerre. Lesquelles incontinant firent ampoignier le devent dit Hurtebixe ; et, on non de Justice,
fut menés en l’hostel de la ville, et mis au fon de fousse, au pain et à
l’yaue. Et y fut quaitre jour et quaitre nuyt anthier. Puis fut amenés,
voyant tout le peuple, au Pallas, et luy couvint demender perdon et
cryer mercy à Justice ; dont il fut bien amployer 3, et en fut bien
mocqués et railliés depuis.
Changement de temps. — Item, en la vandange ensuyvant, il fist
merveilleusement biaulx temps, cellon l’esté qu’il avoit fait devant;et
estoient desjay les roisins plus meur et plus amendés que l’on ne cuidoit
qu’il deussent estre de toutte l’année. Mais, toutteffois, les seigneurs
et gouverneurs du bien publicque en Mets, désirent qu’il ne feussent
pas gaistés, et que les vin fussent encor milleur qu’il ne ce moustroient,
firent mettre les bans partout, et fut deffandus et proïbés de non vendangier devent le lundi après la feste saint Michiel, qui estoit le jour
saint Remey. Toutteffois, ce tamps durant, le temps ce chaingeait
et muait, et ce convertit en froidure : par quoy l’on rompit les bans mis,
et fut donnés lisance de vandangier, qui voulloit. Et vandangèrent lez
aulcuns, et les aultre non. Et ainssy, cuydant bien faire de mestre les
bans, fut causy tout gaisté : car il avint que, le jour sainct Michiel, il
pleut une très froide pluye sur le tairt, laquelle refroidait tellement le
temps, avec ung très froit vent d’Ardaine qui levait, que l’on ne pouoit
durer de froit ; et puis le temps ce esclairsit de nuyt, et gellait à grosse
glaice. Et tellement fut celle gellée aypre et dur, comme au plain cuer
d’iver, que les roisin, qui alors n’estoient pas meur, souverainement les
blan roysins, furent engellés et gaistés en plusieurs lieu. Puis, au lundemain, qui fut le dimenche, gellait tout le jour et toutte la nuyt ensuyant
trefïort et à grosse glaice. Et n’y avoit homme vivant qui eust mémoire
d’avoir veu cy fort gellés devant la sainct Remey : car, par la force
d’ycelle gellée ainssy faicte ces deux nuyt précédant, descheurent les
roisins d’ung quairt. Dont ce fut à plusieurs grant dopmaige. Toutteffois
les vin d’iceulx roisin qui à Leur d’icelle gellée estoient meur furent
encor bien bon, et ceulx vandangiez devant la gellé encor milleur.
Et furent fort requis des mairchant pour une espasse de temps : car,
alors et tantost après la vandange, il vandoit qui voulloit des vin du
1. Du verbe déhancher ? Ce serait le premier exemple connu de ce verbe.
2. Baverie, du verbe baver, plaisanterie, en particulier, plaisanterie désagréable.
3. On dit en ancien français employer un coup, « asséner un coup ». Ici employer est
pris au figuré.

208

1515, NOVEMBRE. — NOUVELLE TOUR ÉDIFIÉE EN METZ

Vaulx pour X frant ou X frant et demi ung bien petit tonniaulx. Maix,
depuis ce temps, il descheurent tousjours, jusques à l’aultre vandange
après, qu’il revindrent à leur primier pris.
Fortune annemie à ./. battelié. ■— Durans le cours d’icelle vandange
avint une fortune et piteuse adventure au baucque d’Ay sur Mezelle,
c’on dit le ponton ; et fut en dangier d’estre encor pir. Le cas fut tel
que alors arivait à cellui ponton plusieurs chairaulx de vin sur chair
et sur chairette, avec aussy plusieurs chevaulcheur et gens de piedz.
Par quoy le ponteney, couvoiteux et avaricieulx, chairgeoit tropt sa
nefz ; et, avec ce, regardait mal à son fait : car sa nefz, de force qu’elle
estoit chairgée, comme dit est, ne le polt endurer, et enfondray en l’eaue.
Et, tout premièrement, fut le dit passaigiez ou ponteniez, luy et ung
sien filz, noiez sans nul remyde. Et, touchant de tous les aultres, n’y oit
hommes qui ne fût en grant dangier ; maix, moyennant la graice de
Dieu et de tous les saincts, il ce salvairent : l’ung ce salvait par ung
moyens et l’aultre par ung aultre. Et, tout premièrement, en y oit ung
que, quant il vit le dangier, il ampoignait ung chairaulx auquel n’y
avoit rien, et boutait l’une de ces mains dedans par le bondon; et, luy
estant en cest estât, tournoyait deux ou trois fois en la ripvier cen que
dessus dessoubz, et à la fin vint à rive et ce salvait. Et ung aultre, bien
abillement, montait sur ung chevaulx ; et fut le dit chevaulx noyez
soubz luy, et luy ce salvait. Et chacun fîst ainssy du mieulx qu’il polt.
Et, tout incontinant, tous yceulx parsonnaige ensembles, en grant
dévocion, ce mirent au chemin pour aller en voyaige au glorieulx baron
sainct Nicollas, qu’il avoient réclamés et requis en leur nécessité ;
et y furent tous en lainge 1 et deschaulz. Et, au regair dez chairaulx
qui estoient plain de vin, cher et chairette, tout c’en allait au fon
de l’yaue (entre lesquelles y avoit ung double chairaulx de Sainte
Glossine) ; mais, tantost après, tout fut repeschiez, sans perde point
de vin.
Une ior édiffié[e] de noveau. — En ce meisme temps, par l’ordonnance
des maistres des murs de la cité de Mets, furent acommencés les fondemans de la grosse ronde tour qui fait le quair2 du baille de porte Cham­
penoise, en l’endroit dez Waissieulx et sus la fontaine de Maigus. Et
tellement que, en l’an dessus dit Ve et XV, le XVIe jour de novembre,
fut mise et asseuttes la premier pier d’icelle tour. Et estoit présant le
seigneur Nicolle de Heu, chevalier, seigneur d’Aignerei, et maistre pour
l’année de la muraille et de toutte la fabricquez d’icelle, avec aussy lez
damoysiaulx Nicollay et Robert, ces deux filz. Et, pour vous desclairiés
la manier comment et la sérimonie que l’on y fîst, vous debvés sçavoir
et entendre que, tout premièrement, le dit seigneur, au jour devant dit,
1. En laine. L’expression t nu-pieds et en lange » est courante au moyen âge. On
ajoute parfois : « en lange et sans chemise ». Le fait de porter un vêtement de laine
directement sur la peau était considéré comme une mortification parles pèlerins,
2. Le coin.

1515,

NOVEMBRE. — INONDATIONS A METZ

209

du mattin, fist dire, chanter et célébrer une messe du Sainct Esperit ;
en laquelle le dit seigneur fut à l’ouyr et fut à l’offrande. Et avec luy
estoit le devant dit damoisiaulx Nicolas de Heu, son aignez fîlz, et
aussy le devant dit Robert, son second filz ; puis furent aussy à celle
messe, par l’ordonnance du dit seigneur, le maistre masson, nommés
Grant Jehan, acompaigniez de tous les aultre ouvriés et manouvriez,
et de tous ceulx qui ce melloient du dit ouvraige. Et, le servise divin
acomplis, l’on c’en allait tous ensamble au dit lieu des Waissieulx pour
asseoir la dicte pier. En laquelle avoit entaillée une foussette en manier
d’ung mortier, et dedans celle foussette et pertuis ait estés mis et
pousés deux voirre plains de vin, l’ung rouge et l’aultre blan ; puis,
ce fait, fut là mis et pousés ung biaulx florin de Mets par le dit seigneur,
et perreillement y fus mis ung florin de Horne, vaillant X sols, par le
devant dit Nicollas, son aygnés fîlz, et je ne sçay quant groz de Mets
par Robert, son second filz. Et, ce fait, fut mis en une aultre petitte
foussette, assés près de la premier, une taublette de ploncquez en
laquelle est escript l’an, le jour et l’eur que cest euvre fut faictes et
acommencée, et qui fut l’ouvriez qui la fist, et'aussy les nons des sei­
gneurs qui alors estoient maistre de la muraille, et quelle pappe tenoit
l’Esglise de Romme, quel ampereurs d’Allemaigne ne quelle roy de
France régnoient pour l’eur, paireillement qui tenoit le sciège épisco
pâlie de la cité de Mets, ne qui estoit maistre eschevin d’ycelle. Et puis,
ce fait, furent couvers yceulx pertuis d’une grande lairge pier, et tout
enclos dedans et enmurés (sauf et réservés les piesse d’or et la monnoie
devent dictes : car créés que les masson ne les y laissaient pas). .
Les vivier hors de rive. — Aussy en celle année, le XVIe jour de
novambre, furent les eaue et ripvier merveilleusement grande et hors
de rive, et tellement que toutte l’isle du pont dez Mors estoit coverte
jusquez à Saint Mertin.

[les FRANÇAIS EN ITALIE (SUITE)].

Le cappilene de Vienne mort. — Pour revenir a prepos des François
et de la guerre acomencée en la duché de Millan, vous avés par cy
devant ouy comment Fortune fut cy bonne et cy favorisable a roy
François, premier de ce non, qu’il vint à bout de son entreprmse, et
reconquesta la dicte Millan, avec le chasteau et toutte la duché. R ,
environ durant ce temps, ou tost après, mourut le cappitame g n ra
dé Véniciens, messire Bartholomy d’Alvienne ; lequelle ce eschaufïait
tellement à la journée devant dicte de Saincte Croix qu il eut la fievre,
dont il morut. Qui fut ung grant dompmaige pour la seigneurie vémcienne : car sur tout il estoit vaillant, hairdi, et ung grant con uic eur
d’armée. Aussy, durant ce temps, eurent lez lansquenetz double paie
par deux fois, que le roy leur fist bailler. Item, aussy, durant que le roy

210

1515.

PAIX ENTRE FRANÇOIS F* ET LE PAPE LÉON

estoit encor au dit Millan, fut conclud et pacifié apointement entre luv
badiZl” “
d6S SUySSeS' m0y“,nt gr“se ™
que 1J
Paix entre le roy et le pape Léon. — Après celluy appointement fait
y eus aulcuns ambassadeur entre le Sainct Père It le roy dTïrance
que ëpTesTtrFnZ FZ
^ ^ 1>auItre’ fut inclus
que le royvroit 5 o?

* BouIongne ^ Grasse, et aussy
a chemin meelnt
Pf!°“e' Par m le dit roy se partit et se mist
qu’il arivà^u dfi PoH
“ ÏT*
' et tel,ement 0nt ^evaulchiez
fist e rov la révè
gnC' U où luy ™ faicte belle récepcion ; et
ist le roy la révérance a pape ; et se firent bonne chier l’ung à l’autre
rovPf,
°DgUement de Pleurs affaires. Durant le temps que lé

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r°yne, avec ma damme sa mère et tout leur

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faicte
très belle
entrée.
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14 *°Ù,al6Ur
r°yne
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1 * y <»ent

Ferdinant, roy d’Arragon, mort. — En cellui temps morut Ferdinant
rovaulmeTT “ Espaife' LecIuel en son vivant a conquis plusieurs
royaulmes et pays vers les partie d’Occident et Midi ; et principalle"o„dC„râ„te‘aeSv“°reS ila"S',eS,Uek “ 8y
<* ™ » » «"W
fJrîT"ZZ “ ?tempS m°UrUt 16 maëniûCque Laurens de Médicis,
frere du pape, lequel estoit tant riche, et cappitaine de l’Église
Le Grant Turc déconfis. - Item, aussy en ces meisme jour, fut tenue
une grosse journée entre Sophie, dit Ysmael, et le Grant Turc de Tararie, sy que le Turc gaigna une grant journée contre le dit Sophie ;
ledit'ïï f bien °CC1S cenc et LX mil hommes. Et, depuis ce fait,
L l P 7aSSambIa SCS g6nS’ 6t reffîst une auItre nouvelle armée plus

L,

ra ’•de Iaqueiie n deffîst teiiement ie t^c et ses
ConstantinSoWalSSait d.U payS ’ et Ie Poursuyvit jusque en la terre de
Gonstantmoble, qui est la premier Grèce.

1515,

DÉCEMBRE. — LE SEIGNEUR DE JAMETZ DÉFIE METZ

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ].

Disposision du tanps. — L’yver de cest année fust terriblement
moitte et pluvieux, sen geller, aussy peu ou encor moin que l’an devent :
car il ne gellait, depuis le devent dit jour sainct Michiel que les roisin
furent engellés au sappe, corne dit est devent, en jusques au jour de l’an,
premier jour de janvier : auquel jour gellait quelque peu, et deux ou
trois jour après. Et cheut aussy ung peu de neige : mais ce ne fut rien.
Deffiance contre la cité. — Item, aussy en ce meisme ans, en la sepmaigne sainte Lucie, vierge et martir, qui est XI jour devent Noël, le sei­
gneur de Jamaix, filz a seigneur Robert de la Marche, envoiait ces
deffiance contre la cité et contre tout leur aydans ; et, avec ce, deffioit
lez chanoignes de la Grande Église d’icelle cité et tout le cbappitre
enthièrement, et paireillement monsseigneur le souffragant de Mets
avec monsseigneur de Sainct Mertin devent Mets. Et la cause pour quoy
estoit pour ce que la devent dicte damme Pairétte, sa coussine, fille au
seigneur Pier Baudoiche et niepce au devent dit seigneur Robert de la
Marche, avoit ung peu devent heu santence pour elle à Romme en l’en­
contre du seigneur Androuin Roucel, son marit, comme cy devent
ait esté dit, pour laquelle santence à avoir les dit des Baudoiche, avec
le dit seigneur Robert et ces anfïans, avoient paiés grant somme de
ducas ; et, par la tenour d’icelle santance, en avoit, Nostre Sainct Perre
le Pappe remis la chose sus le dit souffragant de Mets, sus messeigneurs
de chaippitre et sus le dit seigneur de Sainct Mertm,pour en concience
tauxer les frais et les arriéraige et levées des terre et seigneurie de la
dicte damme Pairette. Pour laquelle chose le dit seigneur Androuin, ce
santant foullés de la santance, avoit retournés à Romme, et avoit^
rapellés de la routte a saint concilie, qui est le dernier jugement et la'
dernier sentence. Or ne sçay je se son appellation fut receupte ou non ,
mais, le temps durant d’icellui appel, les dit de la Mairche voulloient à
force que les dit seigneurs d’Esglise en feissent leur raport ; et, avec ce,
voulloient contraindre et requester au dit seigneur de la cité qu il
remissent la dite dame Pairette en vraie pocession de ces terre et sei­
gneurie, que le dit seigneur Androuin tenoit et avoit tenus depuis le
mariaige de luy et d’elle fait ; et, avec ce, que la dicte damme fût
ramboursée de toutte lez levéez que le dit seigneur Androuin avoit fait
d’ycelle terre et seigneurie. Et estoit, alors que ycelle requeste se faisoient, le dit seigneur Androuin absant : par quoy les seigneurs et
gouverneurs de la cité, comme saige justicier, difïéroient à ces requeste,
ce il ne moustroient santence souffisante et le procès finés, tellement que
cen ofïancer il puissant ce faire. Par quoy le dit seigneur de Jamaix,
pour cest cause, deffiait la cité et tout le chappistr.e, comme dit est ;
et demendoit grosse intérest. Et pour cest cause seullement en furent à
Jamaix par deux fois aulcuns des seigneurs devent dit, ad ce commis
pour en faire la paix. Et, néantmoins, l’on ne feist riens pour celle fois.

212

1515, DÉCEMBRE. — DÉBAT ENTRE DEUX SEIGNEURS DE METZ

Car nullement il ne ce voulloit acorder c’il n’avoit ce qu’il demendoit,
pour tant que alors il y avoit au pays woisin tout plains de piétons
lansquenetz qui retournoient des guerre devent dicte de Millan (et
estoient par estimacion de XII à XIIII mil), et ne demandoient sinon
à ce venir yvéner 1 au païs de Mets. Et pour ce menassoit le dit seigneur
de Jamaix que, ce 1 on ne faisoit à sa guisse, qu’il feroit venir yceulx
piétons on pays de Mets pour le tout brûller et destruire. Par quoy,
voyant les seigneurs que acord ne bon traittiés n’y pouoit estre trouvés,
l’on fist fouyr les bonne gens avec leur biens à reffuge. Et fut celle
doutte cy soudaine qu’il sambloit que lez bonne gens ce voulcissent
tuer, de haitte de amener leur biens. Aussy le dangier y estoit grant :
par quoy les charton voulloient avoir pour l’amenaige 2 d’une cawe de
vin VI ou VII sols.
Or, ce temps pandant, retourna de Romme le dit seigneur Androuin :
lequelle fut bien ambahis d’ouyr ces nouvelle. Toutteffois le Conseil
ont heu avisés sur cest affaire ; et en furent ensamble par plusieurs fois,
et, comme vray gouverneurs du bien publicque, et affin que leur pouvre
subjecg et vray obéyssant n’en portasse lez soldée, ont heu par plusieurs
fois envoyés leur messaigier et commissaire et d’ung cousté et d’aultre.
Et tellement que aulcuns desputés de part le dit seigneur de Jamaix
vinrent à Mets ; et y furent plusieurs journée pour traictier celle paix.
Maix le dit de Jamaix demandoit cy grosse somme, tant au dit seigneur
Androuin comme à la cité et au chainoigne, que nulz n’estoit qui en
peult faire la paix ne 1 acord. Toutteffois fut la chose pour cest fois mise
en bon terme ; et retournaient les dit commis et desputés à Jamaix
pour faire la relacion à leur seigneur. Et croy que tout ce porteray
bien. Et aussy en fut fait, tellement que depuis l’on n’en oyt nouvelle.
Desbal entre deux seigneur de Metz. — Ce temps durant que ses choses
se faisoient, avint ung desbat et une subit noise en la cité de Mets entre
aulcuns noble et gens de lignié : qui fut une chose bien dangereuse, et de
quoy grant mal en fût venus, qui n’eust apaisantés la chose. Le cas fut
telz que ung jour, environ le Noël, se trouvaient en la chambre des Sept
de la guerre aulcuns d’iceulx Sept pour leur affaire ; entre lesquelles ce
trouvait le seigneur Phelippe Dex, fdz au seigneur Nicolle Dex que fut,
et perreillement ce y trouvait le seigneur Michiel Chaverson, filz au
seigneur Jehan Chaverson que fut, lesquel estoient pour ycelle année
tous deux en ycelle office de Sept. Et estoient alors yceulx deux josne
seigneurs aussy jantil ruste, hardis et couraigeux, sans nulz blâmer 3,
qu’il en y eust point en la cité de Mets ; avec ce, il avoient le feu en la
teste, chault, bouyllant et colloricquez, et en leur force et florissante
jonesse. Cy vinrent ces deux bon seigneurs ycy à arguer l’ung l’aultre
1. Hiverner.
2. Amenage, transport.
3. Sans vouloir rabaisser personne. Formule de précaution : Philippe ne veut blesser
aucun de ses compatriotes.

1516

N. ST. —- NOUVELLE ORDONNANCE EN METZ

213

et à ce entreprendre de parolle pour le fait du chasteaulx et seigneurie
de Werey. Car, comme il est ycy devent notté en ung aultre lieu, le dit
feu seigneur Jehan Chaverson, père au dit messire Michiel, y avoit
aultrefois demendés à y avoir droit : dont grant huttin en avoit desjay
estés en la chambre dez Trèses. Et tellement que, pour revenir a prepos,
les deux seigneurs devent dit en eurent de rechief plusieurs perrolles,en
fasson telz que en grant couroux vinrent leur perler jusques à ce amentir *1 et à c’en voulloir frapper, qui les eust laissiez faire. Et, de fait,
montait leur courroux et leur desbat cy avent qu’il ce vindrent jusques
à deffier aux champs, à glaves esmoullus, sen estre armés : car, comme
j’ay dit devent, tous deux estoient bien destre à piedz et à chevalx.
Et incontinant, tout subit, le dit seigneur Phelippe, chault et bouyllans,
c’en vint enchiés luy, et montait sus son chevaulx, et, avec une picque
dessus son col et l’espée au coustés, s’en sortit hors de la cité au champs
et en l’isle du pont des Mors, et là ait atandus son homme à piedz ferme.
Lequelle, advertis de ce, ne demoura.it guerre après qu’il ne sortist,
tout eschauffés, comme ung lyon, sus son chevaulx, l’espée au coustés.
Et, quant le dit seigneur Phelippe le vit venir, il mist tantost le piedz
à terre. Mais, tout incontinent que le peuple de la cité fut de ce advertis,
vous les eussiez veu sortir à la fille par gros trouppiaulx hors de la
porte, plus de quaitre cenc personne, jusques à la croix du pont a Loups ;
puis, tantost après, vécy venir Nicollas, seigneur d’Ancerville, seigneur
Régnault le Gournaix le josne, seigneur Michiel le Gournaix, et plu­
sieurs aultres qui de ce estoit advertis. Lesquel à force firent retourner
le dit seigneur Michiel Chaverson ; et fut retournés et remenés malgré
luy arrier. Et devés entendre que, qui les eust laissiez faire, il ce fussent
afoullés 2 et gaistés l’ung l’aultre ; et, non obstant qu’il fussent deux
nepveus et près parens en consancguinités, jay pour ce ne ce fussent
espairgniez, ains ce fussent deffait ou possible tués 1 ung laultie.
Et encor, le plus grant dangier qui c’en fût ensuit, se fust estés dez
parans et’amis, que, à celle occasion, s’en feussent entreprins ; et, encor
pis, le peuple de la cité se fust mutinés et eust tenir 3 bande pour l’une
des partie et pour l’autre, et se fussent entretués : de quoy ce fût esté
tout gaistés, et une chose très dangereuse pour toutte la cité. Car, ce le
dit seigneur Phelippe, ou son lignaige, eussent voullus dire ung mot à la
commune d’Oultresaille, il y feussent tous courrus à pal et à massue ;
pareillement ceulx de porte Mezelle, bouchiés et aultres, eussent tout
courrus à l’ayde de seigneur Michiel Chaverson ; et en cecy eust estés
le grant dangier. Dieu par sa graice et bontés leur domct paix ensamble,
affm que leur peuple puissant vivre en amour soubz eulx ! Amen.
Nouvelle ordonnance a en Metz. — Item, en cest yver, fut faictes une

a.
1.
2.
3.

Ms. : noveuvelle ordonnace.
Démentir, traiter de menteur.
Afoler, blesser.
Eust voulu tenir (Mémoires, éd. Michelant, p. 289).

214

1516 N. ST. — PRIX DES DENRÉES A METZ

nouvelle ordonnance en [Mets] et ung estatus touchant le vandaige du
boix et charbon (qui ne durait guerre). Et fut cest ordonnance passée
par le Conseil et par tout les pairaige de la cité ; ce fut que, dès ce jour
en avent, il estoit proïbés et deffandus que nus ne nulle n’achetait boix
sec ne vert que a millier, qui estoit alors mis a pris de XL sols le vert,
et le sec LX sols ; et le cenc de faigot, VIII sols, et le cenc de sect, X sols ;
et VII frant la née de chairbon *1. Et fut en pertie celle ordonnance faicte
pour aulcuns clerc du stille du Pallas, et aultres, qui levoie tout le bois
et charbon et tout les faissin, et en faisoient grant chier temps à les
revendre. Et, par celle ordonnance, leur fut force que chacun en eust,
qui en voulloit, pour le pris. Mais, quant cella fut faillis et qu’il n’eurent
plus ne boix ne chairbon, et que l’on n’en ramenoit point de l’aultre,
force fut de trespasser celle ordonnance pour une espaisse de temps, et de
les acheter comme devent, jay ce que ycelle devent dicte ordonnance
estoit escripte par touttes les porte de la cité et en plusieurs aultre lieu
permi la ville : mais, pour ce que c’estoit une chose que jamaix n’avoit
estés faicte, il sambloit au gens moult difïicille à la tenir. Et fut une
espaisse de temps que les ung la tenoient, et les aultres non.
Item, cest yver fut merveilleusement ort et moiste, sans geller ne sans
neigier, comme dit est devent. Et aussy, comme j’ai dit, descheoient
tousjours les vin de leur pris. Et estoient yceulx vin en leur vandaige
de très différant pris ; et, ce que jamaix ne œ fut veu, il ce vandoie a
double les ung plus que les aultres : car aulcuns, qui estoient bons et qui
estoient vandangiés devant la gellée du jour sainct Michiel, ce vandoient
à VIII deniers la quairte, et aulcuns à VII deniers, puis d’aultre, qui
estoient vandangiés depuis ycelle gellée sainct Michiel, se vandoient
à V ou à VI deniers, et le blan vin à IIII deniers. Item, les vin de l’année
précédant, les milleur ce donnoie pour IIII deniers, et aulcu[n]s aultres
à III deniers, à ung double ou a deux denier. Et par ainssy, comme j’ay
dit devent, se vandoient les vins à très différant pris, et plus que on ne
vis oncquez. Item, le viez froment ce vandoit XI sols la quairte * les
pois, les fève, orge et avuaine, et perreillement la navée, touttes ces
chose ycy estoient essés à compétent et moyens pris.
En celle année, le temps fut fort à cort2 : c’est assavoir que la karesme
fut par temps, car le jour du gras dimenche fut le lundemains de la
Chandelleur. Et n’avoit encor en cest yver comme rien gellés : mais
alors, il gellait quelque peu le jour des Brandons et lez deux jour ensuiant ; et puis cessait.
Item, en ce temps, le XXIIIe jour de febvrier, paissait monsseigneur
de Guise (nommés Claude, monsseigneur, filz a roy de Cecille trespassés)
auprès de Mets, à petitte compagnie. Et s’en aillait pour ce jour à
Sainte Bairbe faire ung voyaige, lequel il avoit promis et woués durans

a. Ms. : ne ne.
1. La nef de charbon, le bateau ou la mesure de charbon de bois
2. A court : Philippe veut dire que Pâques fut de très bonne heure (par temps).

1516 N. ST. — INFANTICIDE A METZ

215

la devant dicte journée de Saincte Crois devant Millan, en laquelle il
estoit. Et y donnait ung scierge au pris et vallue de IIIIXX frans. Et,
de là, s’en retournait à Saint Nicollas, sen entrer à Mets.
Item, ce meisme jour, le duc de Suffort, qui ce disoit roy d’Angle­
terre, lequelle longuement avoit estés à Mets, se pertit secrètement de la
cité. Et, luy troisiesme de ces gens tant seullement, s’en allait à force
de chevaulx, tenant le chemin de France. Et, comme il fut dit et cer­
tifiés depuis, il chevaulchait sy très royde et viste, pour ce qu’il ce
doubtoit, qu’il fist près de XL lues entre deux soilleil. Et n’avoit de
touttes ces gens que son cuisinier et son paige. Toutteffois l’on ne scet
qu’il fist ; mais il ne demoura pas longuement qu’il revint à Mets, et ce
y thint comme devent.
Item, durans ce temps, avindrent encor plusieurs adventure et diverse
besoingne, tant en la cité de Mets comme aultre part. Et, premier,
avint en Mets, le premier jour de karesme, une bien estrange chose
et ung prodige bien grant. Car, à ce jour, en la Viez Boucherie, y oit une
chaitte, chiez ung bouchier nommés Hannès Broucquelange, qui fist et
délivrait de deux chiens, vray chiens, avec ung petit chaisson 1 ; et fut
cest chose véritauble, et veutte de plusieurs personnes.
Murlre d’un enfans. — Paireillement, en la dicte année, le dimanche
du mey karesme, c’on dit le dimanche Letare, second jour de mars,
avint une très piteuse adventure en Mets. Le cas fut tel que, à ce jour,
fut trouvés on chairnier dez Frère Prescheurs ung petit anffans, nés
de deux jour, lequelle on avoit gectés là dedans ; et estoit mors. Et
estoit cest anffans une fillette, aussy belle et bien formée, de son eaige,
que l’on [n’Jen vît point de loing temps. Or est ce chairniet en terre,
comme chacun peult veoir, à la manier d’ung cellier. Et est ung lieu là
où jamaix on n’alloit : mais, à ce dit jour, par copt d’aventure et comme
une chose advenue par miracle et ainssy que Dieu le voult et permit,
plusieurs des josne anffans de léans, novisse et aultres, avoient ce jour
congiés de ce aller juer et embaitre ; entre lesquelle l’ung d’iceulx, en ce
jouuant, laissait cheoir ung livret qu’il avoit en son sain par la fenestre
du dit chairniet, et, pour le aller reprandre, il demanda les clef à celluy
qui en avoit la gairde ; et en sairchant le dit livret fut trouvés cest
anffans. De quoy les religieulx de léans furent bien esbahis ; et non sans
cause, car le dit anffans estoit tout fresche. Et estoit envelouppés en dez
povre petit drappellet tout dessaignant. Puis, incontinant, Justice en fut
advertie ; et alors furent les enqueste faictes de toutte parts. El fut
une josne femme d’Oultre Muzelle, de la paroiche Sainct Mercel, suspect ;
laquelle josne femme estoit femme à Arnoult Le Moine, dit le nottaire,
qui alors estoit absent et banis de Mets, et ce tenoit à Nomini (car cellui
Arnoult avoit en son temps fait moult de chose que gaire ne vailloient).
Par quoy celle femme, pour la suspicion que l’on avoit à elle, fut prinse ;
et fut menée en l’hostel de la ville. Et incontinent cogneut son cas,
1. Chaton, petit chat.

216

1516 N. ST. — EXÉCUTION DE LA COUPABLE

disant que celluy anfïant estoit à elle du fait d’ung prebstre, et pour la
honte du monde elle l’a voit ainssy murtris, et puis l’a voit portés en ce
lieu. Mais, premier qu’elle le tuait, elle le baptisait on non du Perre,
du Filz et du Sainct Esperit, et ainssy le print elle sur sa mort ; puis
luy mist le puchat sus le noult de la gourge 1 et l’estrainglait ; et, pour
ce que le dit anfïant remuoit encor, elle lui donnait de la teste contre le
mur, et ainssy fina et le murtrit. Puis, ce fait, dit la faulce louve que,
en 1 estât où elle estoit, ce levait de sa couche, et print cest anfïant soubz
ung mantiaulx, et cy le aillait getter au dit chairnei. Et ainssy le con­
fessait et dit à Justice.
Justice de la dicte mu[r]trière. — Pour laquelle chose elle fut airse et
brûllée entre les deux pont, avent son moix passés. Et, à cest justice
à faire, le seigneur Nicolle Dex l’eschevin y devisait ung angiens lequelle
on [n Javoit jamaix fait. Et estoit cest angiens en manier d’ugne chayre
trouées, laquelle fut pandue en hault encontre ung grant paul. Et estoit
celle chayre ayant quaitre bras derrier, esquelle y avoit deux clef de
bois qui ambraissoient cellui paul, et pandoit cest angiens contre le paul
en la manier d’une haie à planter les gros pault ez ripvier. Et, quant on
eust leuz son procès, elle fut mise asseoir en celle chaire ; et puis l’on
alumait le feu, lequel couppait tantost la corde à quoy pandoit cest
angiens : par quoy la chayre cheut en xaillant 2 et s’avallant au loing
du paul jusques à trois piedz près de terre, et demourait ainssy jusques
que tout fût consumés. Et fut cest angiens bien trovés cellon l’office
à quoy il servoit ; et estoit le premiers que jamaix on eust veu en Mets
de la sorte.
Mais d elle et de toutte aultres chose je lairés le perler pour le présant,
jusques ad ce que j’ayrés dit qui fut fait maistre eschevin en l’an après,
et de plusieurs chose qui advindre digne de mémoire en son années.

[l’année i5i6].

Après ces choses ainssy advenue en la manier que avés ouy, et que le
milliairt courroit par mil Ve et XVI, qui estoit lors l’an XXXIe du
devent dit Maximilian l’emperreur en son Royaulme des Romains, fut
pour celle année fait, créés et esseus pour maistre eschevin en la noble
cité de Mets le seigneur Michiel le Gournaix, fxlz au seigneur François le
Gournaix, chevalier. Lequel alors estoit ung moult biaulx josne parsonnaige, et fort bon clerc et bon légiste : car par plusieurs jours avoit
estudiés en droit et en aultre science, tant à Collongne comme à Paris
et à Orléans ; et sçavoit moult bien juer d’orgue et de plusieurs aultre
instrumens ; et, avec ce, sçavoit faire tout ce que à ung noble homme
1. Puchat, pouce.
Le nœud de la gorge, la pomme d’Adam.
2. En glissant (hhâyer en patois moderne).

1516. — GUERRE AU DUCHÉ DE MILAN

217

aparthient, comme saulter, dancer, luyter, juer à la palme, gecter la
pier et la bair, et de tous aultre esbas qui apairthienne à noblesse.
Et fut celluy seigneur Michiel mariés en cest année passée Ve et XV ;
de quoy il fut maistre eschevin pour l’an après, Ve et XVI, comme dit
est. Et oit en mariaige l’une^dez damoiselle de la royne de Cecille, fille
de bonne maison et de noble lieu.
Guerre en la duchiée de Millan. —- Et en cellui temps, qui estoit à la
fin de la karesme, et que le roy Françoy, premier de ce nom, estoit
encor à Lyon sur le Rosne, survint et s’esmeut encor une aultre guerre
au païs et terre de Millan par le moyen de l’empereur Maximillian,
lequelle, à la requeste du roy Henry d’Angleterre et de ces angelotz \
avoyent tirés à eulx une partie dez païs de Suysses, nommés la Ligue
Grise. Paireillement furent séduict et tornairent le dos au roy aulcuns
citadins de la ville et cité de Millan, et principallement les Galiaches,
viscontes du dit Millan, lesquelles pansoient et ce perfoursoient de faire
révolter la dicte ville. Par quoy, yceulx ainssy assamblés et amassés
par le dit ampereurs, délibéra de venir à Millan, acompaigniez de Maximilian, filz à Loys Force, avec grant nombre de gens. Et avec celle compaignie vinrent à dessandre en la plaine de Véronne jusques à Landes.
Et, eulx venus en ce lieu, le seigneur de Bourbon, qui alors estoit
lieutenant général pour le roy au pays et duché de Millan, assambla
le plus tost qu’il luy fut possible gens d’armes et aultre gens nécessaire
à la guerre, puis marcha en personne quant à son camp 12. Et, néantmoins qu’il n’estoient pas grant nombre, ad cause de l’entreprinse
sy soubdaine, ce non obstant, il estoit délibérés de frapper à eulx et de
attendre le hasart ; et fist tousjours marcher ses gens jusques à la ripvière d’Ade, là où leur annemis estoient desjà descendus. Et estoient
lez deux ost l’ung devent l’aultre, qu’il n’y avoit que la ripvière entre
deux.
Ung peu devant ce huttin, furent mandés de par le roy de France
aulcuns dez cytadins de la cité de Millan ; lesquelz ce mirent en chemin
et vindrent jusques à Suze. Et, là, ce sont trouvés environ XXXVII des
dit de Millan ; cy ont conclus ensemble de leur affaire, et tellement que,
a lundemains, s’en sont retournés XXXIII d’iceulx cytadins vers
l’empereur. Et les aultres quaitre s’en vinrent en France a mendement
du roy, à Lion ; lesquelle ont contés a roy le cas des aultres.
Mais, pour retourner a prepos premier acomencés, le devant dit sei­
gneur de Bourbon, connestable de France, luy estant devant ces ânnemis, comme dit est devant, avoit heu bien vistement envoiés devers
aulcuns cantons des Suisses, auquelles le roy de France avoit heu appointement, pour et afïin d’en avoir aulcuns nombre pour secourir la duché
de Millan. Par quoy, incontinant qu’il en oyrent les nouvelle, en descen­
dirent jusques a nombre de neuf à dix mille devers Yvrée. loutteffois,
1. Angelot, monnaie d’or anglaise (et aussi française) qui portait l’image de l’ar­
change saint Michel.
2. Avec son camp (quant et).

218

1516. — GUERRE AU DUCHÉ DE MILAN

en attandant leur venue, le dit seigneur de Bourbon fut adverty que
ceulx de la ville de Millan se vouloient retourner, veu qu’il leur sambloit
que les François n’estoient pas pour résister à l’empereur ; par quoy
l’on donnait conseil au dit seigneur de Bourbon de laissier sa queste
et son entreprinse, et de retourner à Millan. Et ainssy en fut fait ; et
retournait l’armée à Millan, pour illec attendre le secours d’yceulx
Suisses qui estoient à la ville d’Yvrée, comme dit est devent.
Et, quant l’airmée du seigneur de Bourbon vint à Millan, ceulx de la
ville furent moult esbays de les veoir ainssy acourir. Mais encor le furent
plus quant il sceurent la cause pour quoy : car incontinent le dit seigneur
fist faire enqueste de ceulx qui ce vouloient révolter, et les fist prandre
et bouter en prison ; puis, leur cas congnus, furent aulcuns qui en eurent
la teste tranchée, et les aultre non. Et, quant le “ rest des cytadins
veirent que les Françoys avoyent gaignée la ville, délibéraient, plus
par peur que par amour, de voulloir morir François.
Lors l’empereur, voyant ainssy fouyr les François de leur camp, et
non sçaichant la cause pour quoy, fist mai[r]cher son camp après' et
tellement qu’il les ont heu assegiés dedans Millan. Par quoy les dit de
Millan olrent belle peur, et ne sçavoient desquel tenir. Ce voiant, le
seigneur de Bourbon fist incontinent brusler ung faulx bourgz de la
dicte Millan, de peur que leur annemis ne se fortifiassent au dit faulx
bourgz. Et, pour ce que les Suisses mettoient tant à venir, le dit sei­
gneur de Bourbon envoya au principaulx cappitainez d’yceulx Suysses
aulcunes pièces de draps d’or et de soye, pour et afin qu’il se haitessent
et qu’il vinsent vistement a secours : par quoy les dictz Suissez vindrent
incontinant. Et entrèrent par devers le chasteau ; et les receut le dit
seigneur de Bourbon à grant joye. Et, tout incontinent, le dit seigneur
fist besoingnier aux foussez et autour de la dicte ville de Millan, pour la
mieulx fortifïïer qu’elle n’estoit par avent. Et, alors, le dit ampereur,
après ce qu’il eust bien assegiez son camp, il fist tirer à grant puis­
sance contre la ville ; et ceulx de la ville contre eulx.
Mais ne demourait pas longuement que l’empereur, voyant que ceulx
de la ville luy avoient faillis de promesse, c’est assavoir de luy fornir
de vivre, et qu’il avoit ung cy grant peuple et une cy grosse armée, et
n’avoit nulz vivre, ilz fut bien estonné ; par quoy le dit ampereur,
congnoissant que les François avoient eu secours de no veau, et aussy
congnoissant qu’il ne pourroit pas tenir son camp longuement devant
la dicte ville sans avoir vivres, se retira vers Bergame. Laquelle ville
fut de part luy requise de ce randre. Et les cytadins, voyant qu’il ne
pouoient de nul part avoir secours, se tauxèrent et baillèrent une
grosse somme d’argent au dit ampereurs. Et, après qu’il oit ce fait,
fist maircher son camp vers Landes ; laquelle ville fut prinse, pillées et
destruicte : car partie des citadins furent tués, et une partie de la ville
brûllée. De quoy ce fut grant dopmaige.

a. Ms, : les.

1516. — CRAINTES DE GUERRE A METZ

219

Et, alors qu’il faisoient ces chose, leur estoit le seigneur de Bourbon
tousjours à la queue, là où il escarmouchoient le plus souvant aulcuns
des gens du dit ampereur, tantost en ung lieu et tantost en ung aultres,
aucuneffois cincq cens en ung lieu, ou trois ou quaitre cens, ainssy qu’il
ce trouvoient ; et tellement que à plusieurs fois en demoura grant nombre
des tués dessus le champs, tant d’ung cousté que d’aultre. Et, après
plusieurs choses faictes et dictes, que je laisse ad cause de briesté,
l’ampereur deffit son armée. Et s’en retourna chacun chiez luy.

[CRAINTES DE GUERRE AU PAYS DE METZ].

Durans le temps que ces choses se faisoient en Lumbardie comme dit
est devent, l’on ce doubtoit moult fort en Mets. Car alors par tout le
païs de Loraine y avoit moult grant multitude de gens de guerre , et ne
veoit on que yceulx lancsequenetz, qui retornoient des guerre devent
dictes, aller et venir, et passoient et repaissoient journellement parmi
Mets : par quoy l’on [n’jestoit pas tropt essurés.
Item, aussy en ce temps, le troysiesme jour d’apvril, retournait à
Mets le devent dit duc de Sufïort, dit la Blanche Rouse ; lequelle, avec
bien petitte compaignie, avoit estés en France, comme dit est devent.
Et retournait à ce jour, en abit incogneus.
Et, tantost après, environ la Panthecouste, le roy se partit de Lion,
acompaigniez de plusieurs gentilzhommes, pour aller tout de piedz faire
et acomplir ung sien veu et voyaige au Saint Suaire de Nostre Seigneurs,
qui est et repose en la bonne ville de Chambéry. Par quoy se partit le
roy de Lion, corne dit est, avec yceulx gentilzhommes, qu’il faisoit
moult biaulx veoir, car il ■ estaient fort gorgias d’acostremens fais à
plaisir, et force plumalz, et tous à piedz, suyvant le roy. Et tant ont
cheminés qu’il sont arivés à Chambéry. Auquel lieu se trouva monsseigneur de Bourbon, lequelle fut resseu à grant joye et consolacion . car
luy, sgaichant le roy venir en ce lieu, ce pertit de Millan pour le venir
veoir. Et là fut festoyé le roy et les siens par plusieurs jours du duc de
Sçavoye.
Aussy, durant ce temps, fut fait appointement aux Espaignotz et à
plusieurs aultres qui en ce temps se avoient amassez au chasteau et ville
de Bresse. Lesquelle s’en allèrent leur vie et bagues saulves , et a celle
heure lez Véniciens se mirent dedans ycelle ville et chasteau : car ainssy
avoit esté appointé au trayttés fait du feu roy Loys douziesme et des dit
Véniciens.
Paireillement en ces meisme jours, se esmeut une grosse guerre au
païs de Loraine, c’elle eust durés ; mais bien tost après en fut la paix
faicte, et ne fut pas grant chose, comme vous oyrés. Le cas fut tel que
aulcuns conte d’Allemaigne, nommés les Sincque, ce sont alliés ensem­
ble. Et, comme il fut dit, ont heu deffiés le duc Anthonne de Loraine

220

1516.

— PRÉSENTS OFFERTS A LA DUCHESSE DE LORRAINE

pour le fait dez migne d’airgent qu’il ait au pays d’Aulsay. Et puis, ce
fait, avec grosse armée, sont yceulx conte entrés au dit pais de Loraine
devers le dit pais d’Aulsay ; et tellement ont besoingniez que, à l’acommensement de may, prinrent yceulx conte une ville sus le dit de Loraine,
nommée Conflans, qui est scituéez devers le pays de Woulge. Et paireillement prindrent une aultre ville, nommée Saincte Apolline. Par
quoy incontinent le duc Anthonne fist assembler a cez gens ; et fîst une
grosse armée de gens de piedz, parmy l’ayde que son frère l’évesque
de Mets lui fist : car il lui presta tout les gens de cez pays et esveschiez.
Et aussy furent assemblés tous les bailliaige et prévostez, tant de la
duchiez de Loraine et de Bar comme de l’éveschiez : et, quant tout fut
assamblés, fut dit qu’il estoient de XI à XII mil hommes. Puis luy vint
encor en son ayde trois ou quaitre mil aventurier françoy, que le roy
luy envoyoit à ces frais et despans. Et, avec ce, avoit encor le duc
quelque V ou VI mil lancsquenetz à ces gaige. Par quoy, tout mis
ensamble, il fist une grosse armée de XX ou XXI mil hommes : qui fut
bien chose pour craindre les annemis. Et tinrent les champs, en coustoyant l’armée des dit conte, par l’espaisse de VII ou VIII sepmaine.
Et coustait mainte denier cest assemblée a bon hommes du païs : car
yceulx conte, avec leur gens, ne ce arestoient point en ung lieu, ains
alloient et venoient, et ne queroient que d’antrer au pays ; et tousjours
les Lorains aprez, qui les poursuirent jusques à la rivier de la Sayre.
Et ne fut aultrement aproichiez ; sinon que par plusieurs fois ce donnairent des escarmouche les ung aux aultres, auquelz plusieurs hommes
furent mors tant d’ung cousté que d’aultre. Et voulloit on dire que
l’empereur favorisoit au devant dit conte, et souffroit tout cella.
Item, à l’acommencement d’icelle guerre et en maye, furent commis
par le Conseille de la cité de Mets aulcuns des seigneurs et gouverneurs
d’icelle pour en embassaude aller en Loraine faire, on non de toutte la
cité et comunalté de Mets, une bienvenue à la nouvelle duchesse, la­
quelle n’ait guaireavoit leduc amenée de France en son pays de Loraine :
par quoy la cité, pour luy faire honneur, y envoiait les embassaude
devent dit, c’est assavoir le seigneur Andrieu de Rineck, chevalier, et le
seigneur Françoy le Gournaix, chevalier, lesquelles, on non de la cité,
luy firent présant de une moult belle et riche coupe, bien faicte et bien
ouvrée. Et pesoit ycelle coupe trois marc et demi, et fut achetée LU libvrez et demée, monnoie de Mets ; et, avec ce, fut mis dedans la dicte
coupe deux cenc et L florin de Mets. Lequelle présant receut moult
agréablement le duc Anthonne ; aussy fit ma damme sa femme, qui
estoit suer au duc de Bourbon. Et furent yceulx embassaude beaucopt
remerciez, et par plusieurs jours grandement festoyei, en ce paroffrant
le duc d’estre à la cité bon amis, et de recongnoistre le don en temps et
lieu. Puis, ce fait, prinrent congiez les dit seigneurs et sont retorné
à Metz.

a. Ms, : assembrer.

1516. — LES HABITANTS DU 'PAYS DE METZ MUNIS D’ARMES

221

Tantost après, c’est assavoir le XIIe jour de jung, le seigneur Robert
de la Marche, acompaigniez du devent dit cappitaine Francisque, qui
guéroioit la cité pour le fait de Burtaul, eulx deux ensamble firent
alliance ; et ont defïïez le duc de Loraine. De quoy l’on estoit bien
esbahis, que le dit seigneur Robert, qui alors estoit françois et au
gaige du roy, se avoit alyés avec celluy Franchisque, qui estoit bour­
guignons et a gaige de l’empereur : car alors le dit ampereur hayoit sur
tout le dit seigneur Robert, et estoit celluy Francisque que, peu devent,
avoit tant fait de malz et grant dopmaige sur la cité de Wourme, qui
est terre d’empire ; maix la paix en estoit nouvellement faicte, et estoit
le bien venus en court. Et pour ce l’on ne pouoit pancer ne ymaginer
comment le dit seigneur Robert avoit affinités ne amitté à luy, si non
par ung proverbe qui ce dit : « Similis similem sibi queril », car sur tout
l’on disoit qu’il le resambloit en condicion et malvistiet. Et aussy le dit
seigneur Robert le rescripvoit en ces lettres « son grant amis et compaignons », et pour ce, comme j’ay dit dessus, qu’il luy estoit samblable,
il le queroit.
Aussy, durant ce tamps, pour l’amor de ces guerre et huttin, l’on ce
gaittoit fort à Mets. Et furent, par l’ordonnance des Sept de la guerre,
esleus plussieurs compaignons on pays d’icelle, lesquelle furent tous
armés et en point, c’est assavoir de courset, hallecrect et gairde-bras 1
blan comme neige (car peu devent en avoit estés ramenés de Collongne
une navyères toutte plaine, desquelles on en fist acheter à chacun villaige ce qu’il leur en failloit, cellon la quantités des compaignons que
prins estoient, et a frais de la comunaltés ; et y furent contrains tous les
villaige soubjecgt à la jurediction de Mets). Item, avec yceulx harnaix,
avoient la plus pairt des compaignons de bonne secrète 2 ; et furent
ycelle armure gectée et paiéez par les aultres bon homme, que point
n’estoient prins pour aller dehors.
Item, assés tost après, fut la paix faictes entre le duc de Loraine et
une partie d’yceulx conte, mais non pas tous. Touttefïois, les bonshommez et subgectz du païs de Barois et de Loraine qui estoient prins pour
aller en ycelle guerre furent renvoyés ; et retourna chacun chiez luy. Et
alors le dit duc fist abaitre les muraille de sa ville de Saincte Appolline,
et en fist ville champeste, pour ce qu’elle estoit hors du païs du cousté
devers Bourgongne : car elle estoit tropt hors de mairche pour la gairder,
et luy pouoit plus nuyr la cloéson d’icelle que le aydier.
Item, aussy en cellui temps, fut renchéris le bledz à Mets : car le bon
froment ce vandoit XII sols la quairte, et le bon vin VIII deniers.
Et se remforsoit tousjour le guet.
Le moix de maye d’ycelle année, jung et juillet, furent merveilleuse­
ment biaulx et de grant chailleur ; tellement que, la Dieu mercy !
1. Corset à armer, plastron de cuir ou d’acier ; halecret, cuirasse légère des hommes
de pied ; garde-bras, pièce d’armure qui protégeait le haut du bras, de l’épaule au coude.
2. Secrète, calotte de fer placée sous la coiffure de l’homme d’armes afin de protéger
la tête.

1516. —• ACCIDENTS DIVERS A METZ

tous les biens de terre amendoient fort, et estoient touttes chose hastive,
et tempéréez.
En celle année avindrent plusieurs choses et diverse adventure à
Mets, comme il s’ensuit. Et, premièrement, en la paroiche Sainct Levier,
y oit une femme qui anfanta ung anffans ayent deux teste. Et estoit
cest anffans une très belle fdlette, drue et en bon point, ne restoit que
ycelle teste qui pandoit derrier sur le col, qui la deffiguroit. Et n’y avoit
en ycelle teste ne yeulx, ne bouche, nés, ny oreille, ne esparance *1 d’en
avoir. De quoy plusieurs, qui le virent, en furent bien esbahis : car
maintez gens le virent, que l’on le pourchaissoit 2 par la ville.
En ces meisme jours, y oit ung hommes de Franconrue lequelle, luy,
sa femme et une fillette eaigée de environ XIIII ans, saillirent hors de la
porte du pont Thieffroy, et là ce pourmenoient et devisoient ensemble.
Et alors estoient les maistres et Six des ollyés 3 en leur tours, qui
essaioient et tiroient aulcuns de leur bâtons à feux, pour les doubte
d’icelle guerre. Mais, par copt de fortune, l’une d’icelle piesse d’artillerie
tirait et vint à frapper tout au travers du ventre d’icelle josne fillette,
et luy crevait parmy, et ampourtait la piere les trippe en voie ; et
ainssy morut la povre gairse. Par quoy yceulx maistrez et Six, et principallement ceulx qui avoient fait le copt, se absantirent ung peu de
temps ; mais, assés tost après, il heurent leur paix.
Item, aussy en ces meisme jour, y oit ung compaignons, biaulx josne
gallans, lequelle sçavoit moult bien néger en l’eaue, cy ce baignoit en la
ripvier de Saille, assés près de Maiselle, en ung lieu là où il n’y avoit
comme point d’eaue. Et néantmoins il ce noya, sen ce que ceulx qui près
de luy estoient c’en apperseussent jamaix.
Item, en ce meisme jour, qui fut le jour de la sainct Jehan Baptiste,
y oit ung pelletier d’Oultresaille, demourant assés près de la porte aux
Allemens, nommés Florentin, cellui pellethier, à ce jour, se pourmenoit
par dessus le pont des Mors avec plusieurs aultres. Et là, tout soudains
et en ung movement, il fut prins et ampourtés depuis la bairier jusques
bien loing dessus le pont, et de là fut rués du hault en baix ; et fut causy
tués du copt ; mais toutteffois il en reguérit. Et fut bien vray qu’il y
cheut présant ces compaignons, et fut pourté corne dit est : mais il ne
virent riens, ne ne solrent jamaix comment cella lui avint, sinon que
tout soudains il fut perdus d’entre eulx et rués en bais. Qui fut une
chose bien estrange a.
Item, en celle dicte année, on moix de jung, avint ung grant dopmaige pour la cité, et qui cousta beaucop : se fut d’une vayne (ou aultrea. Ici Philippe a rayé quatre lignes, que l’on retrouvera dans les Mémoires, édition

p, 295 : « Aussi pareillement ce dit jour se noiaient deux hommes devers
les Grants Faisins ; l’ung fut que la terre luy faillit dessoulz ses pieds, et cheut en l’yawe ;
et l’aultre se noiait en se baignant *.
1. Apparence.
2. On le promenait par la ville en l’exhibant, tout en faisant appel à la charité des
bonnes âmes.
3. Olier, huilier, fabricant ou marchand d’huile.
Michelant,

1516. — ORDONNANCE SUR LA GARDE DES MURAILLES

223

ment dit une chaussée) rompue en la ripvier de Mezelle, derrier les
mollin à pappier, là endroit où est le mollin foullans. Laquelle vayne
y avoit justement cenc ans qu’el estoit faicte : mais, és jours devant
dit, elle fondit en l’eaue, avec ung grant pans du mur de la maison qui
est on gerdin qui est là scituées, au bout du Saulcey, en l’androy du
mollin à vent. Et aussy fondit une grosse tour qui estoit essitte sus deux
grande bouttée, là où estoient et sont encor les vantaulx. Et cousta cest
ouvraige mainte denier avent qu’il peust estre reffait. Car, premier,
il fut force de faire au dessus une vayne ou chaussée de terre pour des­
tourner la ripvier qu’elle ne passait par là. Et ne firent riens tous les
mollin que là sont essus jusque ad ce que tout fût fait ; et fut force de
alors faire laichier les ouvriés qui estoient et besoingnoient en Wauldrenawe pour venir secourir à cest ovraige tant nécessaire (jay ce que à la
dicte Wauldrenawe y avoit alors ung grant déluge, et fort nécessaire
à y ovrer).
Item, en cest année, messeigneurs du Conseil de la cité de Mets, avec
la Justice d’icelle, avoient par plusieurs fois estés ensemble pour adviser
pour le fait du guet du Champaissaille, qui ce fait de nuytà piedz et à
chevaulx. Car d’icelluy gait venoient journellement plusieurs reclains,
pour ce que la plus pairt de tous ceulx qui estoient commis et qui
c’estoient louués et prins la chairge pour le faire estoient gens de petitte
estimes, paillairs, truans et gens de riens ; et respondoient, quant on les
lisoit, pour ung et pour aultres, voir le plus souvant pour Y ou pour
six à cop 1 ; par quoy le guet estoit mal fornis, et ce y tenoit ung piteulx
ménaige. Et tellement que, après plusieur langaige que pour ce fait
furent randus, messeigneurs du Conseil en mirent quelque chose en jeux
pour et affin de faire celluy guet d’une aultre sorte. Et, pour en décentir 2
les oppinion des bourjois de la cité, et aussy pour leur dire et annoncer
la manier comment il le voulloient entendre, donnairent yceulx sei­
gneurs la comission a seigneur Nicolle Roussé, a seigneur Thiébault le
Gournaix et a seigneur Phelippe de Raigecourt. Lesquelle trois dessus
nommés, deux jour après la saint Jehan, l’an dessus dit, mandairent
à deux heure après midi, en la chambre des compte on Pallas, tous les
bourjois, ou la pluspart de ceulx qui faisoient la haulte porte ou qui
faisoient ayde. Et alors les trois seigneur dessus dit estoient en la
chambre des Trèsez. Et firent appeller la mitté de yceulx bourjois,
par leur non et surnon, l’ung après l’aultre, à venir en la chambre
dez Trèses. Et, quant tout fut antrés, le seigneur Nicolle Roussés, à
ce comis, fist et préposait une hairangue bien et honnestement, et
luy sceoit moult bien à le dire. Et furent ces parolle couchée sur
biaucopt de chose touchant la gairde de la cité ; et dit comment
messeigneurs du passé (dont Dieu en aye les âme !) avoient sy
bien gouvernés le bien publicque qu’il y avoient acquérir grant
1. Quand on faisait l’appel des noms (on les lisoit), l’un d’entre eux répondait pour
plusieurs, quelquefois pour cinq ou six à la fois (à cop).
2. Dessentir a ici le sens de pressentir.

224

1516.

— ORDONNANCE SUR LA GARDE DES MURAILLES

louuange, et comment messeigneurs qui estoient de présant se travailloient nuyt et jours pour en faire leur acquit ; et plusieurs aultre
chose dit et préposait, que je lesse. Puis, tout soudains, conclut et
retournait tout son prepos sur le fait du guet de nuyt, en remonstrant
au dit bourjois que c’estoit une chose digne de grant recommendacion
et digne de louuange que bon guet fût fait. Et dit que, après le miracle
de Dieu, ce avoit estés l’une des cause qui desjay aultrefois avoit savés
la cité d’estre prinse et destruytte, comme il avint du temps que le duc
Nicollas de Loraine voult antrer furtivement en ycelle. Par quoy, tous
conclus, messeigneurs du Conseil avoient heu le regairt sus cest affaire,
et que cellui gait, dès ces jours en avent, fût fait d’une aultre sorte, et
tousjour de mieulx en mieulx : c’est assavoir que la cité prandroit
XLVIII compaignons, gens de fasson et de bonne taille, lesquelles on
lueroit, et gaigneroient bon gaige de la cité. Et, de ces XLVIII compai­
gnons ainssy lués, on en pranroit touttes les nuyt XVI pour faire le gait,
lesquelle ne seroient point endormis, ains seroient bien embâtonnés,
airmés et am point ; et leur soigneroie la cité les armure et bâtons. Et,
d’iceulx XVI, en yroient les VIII parmy la ville et par les lieu des­
tournés jusques à minuyt ; et, après minuvt, les aultre huit en feroient
autant. Et par ainssy estoit conclus que ces XLVIII hommes yroient
au gait tousjours de trois nuyt à aultre, et qu’il n’y aroit point de faulte,
sur leur péril. Et, aprez ce dit, la conclusion du dit seigneur Nicolle fut
telz que, pour paier celle somme, messeigneurs de Justice et du Conseil
avoient esleu environ la mitté de ceulx qui solloient faire le guet à
chevalx, dez plus riche, et les nommoit l’ung aprez l’aultre par leur nom,
et leur dit et desclaira que l’intencion de messeigneurs estoit qu’il
paieroient chacun ung florin de Mets de XXV sols pour ans ; et les
aultre, dit il, qui sont là dehors et qui ne font que le gait à piedz, avec
aulcuns aultres qui font ayde, yceulx paieront chacun XV sols pour
l’année. Et ainssy, parmy cest somme, se trouvenrait le gait paiés.
Et alors, après ce dit, il fist fin à son sermon, et demendait au auditeurs
se luy et ces compaignons se retireroient hors, afïïn que les dit bourjois
eussent conseil ensemble et qu’il en donnassent leur responce. Toutteffois
il fut respondus d’aulcuns que le dit seigneur Nicolle voulcist lire les
nons des bourjois l’ung après l’aultre, et qu’il demandait à chacun parti­
culièrement son oppinion. Et ainssy en fut fait. Et y oit illec quelque
peu de murmure ; mais, touteffois, la plus part ce thint ad ce que messei­
gneurs du Conseille en avoient déterminés. Et, à fait que ung chacun
avoit pairlés, on le faisoit saillir dehors, jusques à la fin. Et, quant cest
premier chambrée eust dit, on fist entrer les aultres, qui ne faisoient
que le guet à piedz, en les appellant tous l’ung après l’aultre, comme
on avoit fait a premier. Et à yceulx fist le dit seigneur Nicolle une
toutte perreille hairangue qu’il avoit fait a premiers ; et tellement
qu’il ost essés bonne responce, et fut dit de la plus part qu’il ne
feroient pas pirrement que les premiers. Et, ce dit, retourna chacun
en son lieu ; ne n’en fust aultre chose fait pour celle fois. Mais, assés
tost après, fut mise en essécucion la devent dicte ordonnance, et

1516. — DISPOSITION DU TEMPS

225

fut le gait essus et faict par la manier comme cy devent ait esté
dit.
Item, en ce meisme temps, devers le moix de jung, fut fait, acourdés
et passés le mariaige de la devent dicte damme Pairette, fille a seigneur
Pier Baudoiche et femme a seigneur Androuuin Roussé (pour lequel sy
grant procès avoit estés pour le diversement d’elle et du devant dit
seigneur Androuin), et print à mary damoisiaulx Bernaird de Pol, filz
au seigneur Anthonne de Pol, escuier. Et furent les partie appaisantee
d’ung cousté et d’aultre : car par ce mariaige fut le plaît et le procès
finis (lequelle avoit cousté sy grant somme de denier comme cy devent
ait estés récités en plusieurs passaige). Et furent touttes chose preste
et apareillée pour espouser a chasteau de Jamaix, là où ce devoit trouver
toutte la seigneurie, mais il y oit encor quelque peu d’empêchement mis
de part le dit seigneur Androuin ; et n’espousairent point pour celle
fois jusques à ung aultre jour, comme vous oyrez ycy apres.
Item, cest estés Ve et XVI fut moult biaulx et sec ; et ne fut veu
esté de loing temps devent cy biaulx, ne le temps cy net ; et durait
tousjours jusques à la saint Mertin. Et n’avoit on besomg que de pluye :
car, par defïaulte de pluye, biaucopt de chose laissoient a croistre
Toutefïois lez froment furent les plus biaulx et les milleur que en eus
veu de loing temps devent, et aussy furent les foing et les vin ; mais les
avuaine et masuaige heurent biaucopt à souffrir par defïaulte d yaue.
Et y oit tant de fruit, souverainement de posme, que ce lut chose
merveilleuse : combien qu’elle furent très menue et petitte pour la
grant challeur. Tous les biens de terre vinrent par temps : car 1 on
avoit tout moisonnés et bouttés les bief en grainge on moix de fenaul.
Paireillement la vandange et aultre fruit vinrent par temps et bien os .
car l’on acomensait à vandangier VIII jour après la saint Burthemeud,
et oit on tout fait, vandangiés et pressé, VIII jour ou environ apres a
Nativité Nostre Damme en septambre.
Item, aussy environ ce temps mourut le roy de Navarre, filz du
seigneur d’Alebret, lequelle estoit déjettés et bouttés hors de son dit
royaulme de part le roy Ferdinant d Arragon.
Et en ce meisme temps fut fait appointeront entre le roy de h rance
et l’archeduc, roy d’Espaigne (et fut celle paix cnéez et publiée a Pans
et aultres villes du royaulme), moyennant que le dit roy d Espaigne
prandroit à mariaige ma dame Loyse, fille umequez du roy François.
Et pour ce faire y furent en ambassade le Grant Maistre de France,
l’évesque de Paris, le présidant Olivier, et aultres. Et fut cest appoin­
teront composé en la ville de Noyon, esquelle estaient de grant sei­
gneurs de Flandres, d’Espaigne, et aultres. Et, depuis, fut envolés de
par l’archeduc, roy d’Espaigne, le seigneur de Ravestam par devers le
roy de France ; et fut acompaigniez le dit seigneur de Ravestam d
plusieurs grant seigneur de Picardie et aultres.
1. De bonne heure.

1516,

NOVEMBRE. — DAME PERRETTE SE REMARIE

Tantost après, c’est assavoir le samedi Vie jour du moix d’octobre
arriva le roy, qui venoit de Tourayne, en sa bonne ville et cité de Paris !
ou il fut receu honorablement en la manier acoustumée. Et, au lundeTceUeT T
d™enfe’ 86 Partit ]e r°y Pour aller à Saint Denis
a celle fin de remectre les corps sainctz qui, par lui et à sa requeste
® P0" 6 bl6n et utlhté de son dit royaulme, avoyent estés descendus
en les remerciant humblement de la victoire que par leur mérite il avoit
eue et gaignee. Et, aussy, c’est la coustume que les dit roy de France
doient estre en personne pour remettre les dit corps sainctz
em le jour samct Burthemeud, aposté, vint en Mets le mairquis de
mcembourg. Auquelle la cité fist présant de IIIpx quairte de vin
en flascon et de XX querte d’avenne ; et paiait la ville tous les despans
que luy et ces gens avoient fait en Mets.
P
Item, le mécredi aprez, XXVIR j0Ur d’aoust, fut fait le merchiez de
a guin ma fille, eaigee de XV ans acomplis dez le XVR jour du dit
moix, et de Jaicommin le Braconniet, le merchant
Item, au lundemains, XXVIII® jour du dit moix, ung compaignon
de la cité, nommés Hodinet, maistre du jeux de palme Sur îe Mur
se levait la nuyt d auprès sa femme, et, tout en chemise, s’en courrut
en la ripvier de Mezelle, auprès de Sainct Mercel, et là, cen sçavoir la
ause, se noyait.. Par quoy, quant il fut trouvés, fut prins et traynés
pa e bounaulx jusques Entre deux Pont, auprès des rues; et là, en ce
beu, fut mis et pandus à une potence 1. 2
Item, comme j’ay dis devent, furent les bledz et les vin de cest année
tort bon et causy en perreille pris de l’année passée ; et aussy furent
toutte aultre vitaille et aultre danrée.
Tantost après, c’est assavoir le XXe jour de novambre, jour sainte
nalîdTp’ 7*7 ^ Tartir’ esp0usait Ie devant dit damoisiaulx BerPerdRd u°Una ^
°te damme Paifette Baudoiche. fille a seigneur
Pier Baudoiche et mepce a cappitaine seigneur Robert de la Mairche
eigneur d Esdan. Et fut alors le plait et le procès du tout finis (lequelle
T \7uTgUeTnt dUréS’ 6t qui tant 3V0it coustés’ comme °y devent
a t esté dit en plusieurs passaige). Et furent ces apousaille et la feste
et les nopce fautes au châteaulx de Mollin devant Mets. Auquel y oit
moult grant triumphe et joie : car il sambloit, de la dicte damme Per- '
rette, que ce fut une déesse ou une fée, tant estoit belle ; et possible
que en tout ung païs n’y avoit point de plus belle damme ne de corps
ne de fasson. Premièrement, elle avoit petitte bouchette, ung peu
ellevée et vermeille, grasse gourgette, les yeulx rians et le front hault,
traictis surcil, petitte oreilles, et les cheveulx blons comme fin or
haulte et droitte de coursaige 3, et bien faictes parmi le corps : et, pour
abrégiez, c estoit la mieulx acomplie de toutte fasson que l’en sceust
1. Philippe a rayé ici quatre lignes ; on en retrouvera l’équivalent dans les Mémoires,
éd. Michelant, p. 299. Elles concernent Hodinet.
2. Traitis, fait à plaisir, régulier.
3. Corsage, corps.

1517.N. ST. —• FORTES GELÉES

227

veoir ne trover. Et y oit faicte chose merveilleuse : car elle, qui desjay
avoit estés sept ans mariéez, et qui tout ce temps durant avoit couchiez
avec son aultre marit, le seigneur Androuin Roucel (lequelle seigneur,
comme j’ay dit devent, estoit ung très biaulx josne gentilz homme,
doulx, courtois et bien parlant, et, avec ce, bon clerc, sçaichant juer dez
flûtes et de plusieurs instrument), et néantmoins la dicte damme
Parette fut divorsée et séparée de sa compaignie, comme dit est, et,
avec ce, fut à ce jour menée au moustiet la teste nue et descouverte,
corne vraye pucelle, jay ce que X ans devant elle avoit desjay estés
menée en telle abis (car sept ans fut mariés, et trois ans durait le plait
et le procès). Qui fut une chose estrange et à esmerveillier, et laquelle
jamaix plus on [n’javoit veu, comme de deux aussy biaulx personnaige
et josne estre cy longuement ensemble cen ce avoir estouchiez. Et,
encor daventaige, que le dit seigneur Androuin veoit ycelle belle josne
damme, sa femme, en pranre et espouser ung aultre et aller à nue
teste. Néantmoins force luy fut de avoir la pascience.
Item, en ce meisme yver, le maicredi devent la saint Andrieu, vinrent
lougier quaitre puissant ribault allemans en ung villaige du pais de
Mets, nommés Avency, près de Very ; lesquelles tenoient pnns et loyés
ung bon prisonnier merchant, nommés Simon, de Wairgaville. Et,
ainssy que hôtesse là où ces quaitre lairon c’estoient loigiez s’en aperceut, elle fist monter son marit à chevaulx, faindant aller quérir du vin
dehors ; mais bien en haitte et vistement s’en aillait quérir la guernison
au chaisteaulx du dit Wery. Et furent ces quaitre groz ribaulx pnns,
et, avec leur prisonnier, amenés dessus ung chair à Mets. Puis furent
mis en l’hostel de la ville ; et, leur cas congnus, furent le samedi après
menés a gibet (qui fut lors la vigille de la saint Andrieu), et là furent tout
quaitre pandus et estranglés, tout en la présance du dit merchant.
Lequelle fut délivrés franc et quicte, et fut randus en la mains de son
prévost, qui le vint réclamer avec les messaigier du lieu meisme.
Et ainssy en aviengne à tous aultres lairon et tandeur de hault chemin .
On dit ans, vigille de la Nativités Nostre Seigneurs, vint et ariva en
Mets le duc de Gueldre, secrètement, en abbit dissimullé et mcongneus ; et fut logiés à la Teste d’or. Et au lundemains, qui fut jour de
Noël, se pertit secrètement de la cité pour en aller en France. Car il ce
celloit tant corne il lui estoit possible,et ne voulloit estre cognus d ame
vivent, pour cause des grant guerre que de moult lomg tempts menoit
en l’encontre son prince, comme cy devent ait estés dit. Et tenoit celluy
duc la bande de France, et pour ce y alloit. Et à ce voyaige enmenait
avec luy le duc de Suffort, nommés Blanche Rouse, lequelle perreillement se pertit secrètement de Mets, avec bien petitte compagnie ; et
s’en allairent ensamble à Paris perler a roy. Et ne retournait le dit duc
de Suffort en la cité jusques a XVIIe jour de février.
_
Item, cest yver fut fort, et gellait merveilleusement jour sur aultre
c’est assavoir depuis les petit Roy jusques a XIIe de febvner. Et fut
cest gellée cy très aypre que l’on chairioit tout a travers de la ripvier

Ï01 / N. ST.

NOMBREUX INCENDIES

de MezeUe et par toutte aultrez ripvier ; et y oit grant foison de neige

JJ,
^SSy’ par la détresse de la froidure, furent plusieurs
vigne engellée d îver.
Item, en cest dicte année et en l’aultre après, advindrent de grand
fortune et adversités, avec grant povretés et chose merveilleuse, tant en
Mets comme es pays par dessà et en plusieurs aultre lieu et contrée.
Car, es dictes annéez, l’an fut persécutés de guerre, de famine et de
mortallites, comme il serait dit quant temps serait. Et oit on encor
d aultre grant persécucion, comme de divers feu qui avindrent par
fortune, comme cy aprez serait dit. Et aussy de plusieurs lairon et brigant de bois et tandeur de hault chemin : tellement qu’il n’y avoit
homme que seurement oysait aller ne venir ; car alors estoit le peuple
aussy povre et indigent que de cenc ans avoit estés.
Aussy en ce meisme temps, le XlXe jour de febvrier, vint en Mets ung
cappitame ytalhens que ce nommoit Marcus Anthonius Collognes
Lequel estoit 1 ung des principal cappitaine que l’empereur eust en
,, ,, ’ car aussy Ie Lnaige dont il estoit, c’est assavoir lez Collonez,
c est 1 ung des puissant lignaige d’Itallye, avec les Orssins (mais
ousjours ces deux lignye sont de pointe ensemble et se héent). Et vint
ce cappitame en Mets acompaigniez de environ XL chevaulx ; et venoit
de Veronne en Lumbardie, à laquelle nouvellement avoit estez la paix
laicte ; et s en alloit vers l’empereur. Et lui fist la cité présant seullement de plusieurs flascon de vin, et paioit on les despans de lui et de ces
gens pour deux jour qu’il y fut.
Item le dit jour, XIX^ jour de febvrier, fut brûllée par fortune de
eu toutte la ville de Maisier devent Mets, aparthenant à l’abbé de
oainct Vincent ; et ce y print le feux tellement qu’il ne demourait que
trois ou quaitre maison droitte. Et y oit ung merveilleux dopmaige
pour les povre gens : par quoy la plus pairt en furent povre et mendiant ;
et furent causy tous leur biens airs, tellement que à paine en polt on
rien saver, et les mesnaige et aultre hutancille de maison que l’on pour­
vu il
ÎTjf à 1>UiS et bien Ioin& d’iceIle se alumoient à par
eulx et brulloient, tellement estoient eschauffés.
Item fist encor le feux plusyeur aultres grans dopmaige pour cest
année et en plussieur aultres lieu, comme vous oyrés. Car, comme ce
sc eust estés par permission divigne, l’on ne oyout journellement aultre
chose que de dire : « Ycy est une maison brûllée, et une aultre là >»,
tant dedans Mets que dehors en plusieurs lieu par le pais. Et, de fait
ce prmt le feux dedans les grant forest et les grant bois en plusieurs
îeu , e y fist de merveilleux dopmaige, souverainement és bois de
Chanterayne et devers Aunoulx la Grainge ; et y fist le feux pour plus
J® rtIX/T vfl0nn de doPmaige! comme on disoit. Aussy, depuis, ce
bouttait és boix de Lorey devent Mets : mais il fut secourus et rescous.
Pareillement en cest dicte saison, se boutait le feux és grant boix de
oige , et brullait et fist dopmaige és sappins pour plus de L mil frant,
1. D’eux-rnêmes.

1517 N. ST. — DISPOSITION DU TEMPS

comme on disoit. Et n’y avoit homme qui sceût dont ce feu venoit.
Et oit on grant paine de secourir que les planche qui estoient sur l’eaue,
toutte scéës \ ne feussent brûllée. Et furent plusieurs maison brûllée
de plain jours, comme dit est ; et ne sçavoit on dont le feu venoit.
Laquelle chose estoit desjay signe et acomencement des grant mal et
percécusion qui estoient à advenir, et comme vous oyrés ycy après en
plusieurs passaige, tant de mortallités comme de biens faillis et gaistés.
Et avoyent desjay nous woisin entour de Mets fort estés persécutés et
pugnis par mortallités, telz comme à Toul, à Sainct Nicollas, à Nencey,
a Pont à Mousson et ailleur tout environ nous. Et, avec ce, nous furent
desmoustrée plusieurs signe en l’année après, sur le prins temps : car,
quant se vint à xawoultrés les vigne, moult de gens, homes et femmes,
trovoient leur mains et leur manche de chemise toutte desseignée de
sanc, non pas ung peu sy rouge que vray sanc ; et ne sçavoit on dont ce
venoit ne procédoit, et se cuydoient les aulcuns avoir couppés.
Touteffois, comment qu’il en fût, le temps se mist a biaulx sur le prins
temps. Et fist le plus biaulx mois de mairs et le plus chault que jamaix
crestiens vît faire, et tesmoignoient les anciens que jamaix n’avoient
veu le paireille ; et meismement le moix d’abvril, jusques a XVe jour
que le temps ce chaingeait, comme vous oyrés ycy après. Et n’avoit on
alors besoing de chose quelconcque fort que de pluye . mais, par deffaulte de cheoir de l’eaue, moult de chose laissoient le croistre , souve­
rainement les prey, les avuaine, et touttes manier de masuaige : touttes
tel chose estoient arestée et ne cressoient point. Et y avoit alors tant
de pouldre par les chemin que jamaix n’en vis tant, et sambloit des
arbres et des herbes que ce fût gris camellin 2, pour la pouldre qui
estoit dessus ; ne jamaix homme n’en vit autant en ces pays ycy.
Touttefïois, les vigne qui n’estoient point engellée d’yver cressoient
treffort, et n’y oit jamaix homme qui y vît plus de raisin qu’il y avoit.
Et, pour la grant multitude, les vignerons et aultres estimoient que l’on
aroyt la querte de vin pour ung denier : et aucy eust on heu, et encor
pour moins la moitiet, c’il heussent venus a parfection comme il ce
nioustroient d’aparance ; car il y en avoit sans nombre.
Mais je ferés fin à ce chapistre pour vous desclairer et dire qui fut fait
maistre eschevin en l’an après, et quelle chose advindrent en son année
digne de mémoire.

[l’année i5i_7-]

En l’an après, qui fut de nostre salus mil V° et XVII, et de l’ampereur
Maximilian en son Royaulme des Romains la XXXIIe année, fut alors
2. Camelin, espèce de drap, du genre des aversins; on en fabriquait à Metz (Ordon­
nances des métiers de Metz, B. N., f. fr. 8709, f® 3 v» et 165). Le gris camelin tirait sur le
brun.

230

1517,

AVRIL. — CHANGEMENT DE TEMPS

créés, fait et essus pour maistre eschevin en la cité de Mets le seigneur
Nicoul Roussé, filz au seigneur Wairin Roucel, chevalier, que fut.
Celle année, de son acommensement, fut merveilleusement belle et bien
disposée jusques a XVe jour du moix d’apvril, qui alors fut le dernier
jour des feste de Paicque. Auquelle jour le temps se acomensait à refroydir, et tellement que, la nuyt ensuyvant, y oit plusieurs vigne gaistée
d’icelle gellé, souverainement de la partie oultre la ripvier de Saille et
en plusieurs villaige au loing de l’eaue. Puis, le jeudi et le vandredi
après, gellait encor très bien ; et fist de rechief grant dommaige en
aulcune aultre ville. Et eust estés tout gaistés ce les vigne eussent estés
aulcunement ung peu moillié ou frèche ; et, néantmoins qu’elle fussent
bien saiche, sy n’y oit il gaire de villaige à trois lue atour de Mets là où
il n’y eust aulcuns coustés de vigne gaistés, réservés Lessey, Sciey,
Charnelle, Pletteville, Lorey, Salney, Noroy, Vault ne Sainte Raffine :
lesquelles villaige, pour celle premier fois, n’avoient encor point de malz
qui fût chose à compter. Item, le samedi ensuyvant, de nuyt, il gellait
encor pluffort que devent ; et vint une petitte bruyne, le dimenche au
matin, qui gaistait toutte la mitté de la fin 1 de Lorey devent Mets, et la
mitté de la fin de Vignuelle. Puis, le lundi et le mairdi après, fist’assés
biaulx temps ; et fut tournés le vent sus droy vent 2, et -tousjours sans
plovoir, jusques a maicredi, la vigille sainct George. Auquelle jour on ait
de coustume en Mets, de deux ans à aultres, de mener l’ymaige et
stature de monsseigneur sainct George, tout armés en plain harnoy
et montés sus ung bon chevaulx ; et ainssy montés et armés, avec la
belle pucelle auprès de luy, l’on le maine, acompaigniez de touttes la
seigneurie et jentillesse, depuis la Grant Église jusques en son église.
Et, alors que l’on le menoit, le dit jour, à heure de vespre, se levait ung
vent, une pluye, avec le tonnoire, laquelle vint sy abondanment que
toutte la noblesse, souldoieur et aultres qui luy acompaignoient, furent
tous moullyés et trespassés 3. Et de celle pluye en fut le peuple tout
resjoys, pour ce qu’elle estoit bonne et chaulde, et venoit de bonne
sorte : car de loing temps devent n’avoit pleus que à compter fût, telle­
ment que par deffaulte de pluye, comme dit est devent, se gaistoient
plusieurs besoingnes au champs. Item, le lundemains, jour sainct
George, fut biaulx et chault ; et aussy fut le jour après. Jusques environ
le vespre, que le vent se retournait dessus l’Airdaine, et estoit très froit ;
et puis il pleut quelque peu, sur le tairt, dever Lessey, Sciey, Chaizellé
et Chastel Sainct Germains. Et tellement se reffroiday le temps se van­
dredi, vigille saint Marc, que, la nuyt ensuyvant, furent fondue 4 et
engellée grant partie de toutte les vigne de Noeroy, de Sciey, de Lessey,
Cbaistel Saint Germains et Sainte Raffine, et en plusieurs aultre lieu.

1.
2.
3.
4.

Du finage, du territoire.
Le droit vent, le bon vent, celui de la pluie.
Transpercés.
Détruites, anéanties.

1517.

— LES VIGNES GELÉES AU PAYS DE METZ ET AILLEURS

231

Et estoit le Vaulx de May 1 desjay tout gaisté et fondus ; et gellait cy
fort que ce qui estoit demouré en plusieurs aultres villaige fut celle nuyt
tout gaisté. Et, pour cest cause, fut le povre peuple fort desconfortés,
et non sans cause. Et tellement que les aulcuns, mal pacient, estoient
causy à désespérés, et se tiroient par les cheveulx ; et estoit pitiet de leur
fait, qui ne les eust réconfortés : car, comme j’ay dit devent, l’on avoit
alors les plus belle vigne que jamaix homme eust veu.
Et encor avint pirement le jour saint Marc au mattin. Auquelle jour
le temps estoit assés biaulx et serain, et luysoit le soilleil assés cler et
chault. Mais, avant que la porcession fût retournée, il ce levait le plus
tairible et froit vent d’Ardaine, tellement que l’on ne pouoit durer de
froit ; et, avec ce, il grisselloit2 et négeoit cy treffort que toutte les rues
et les teis en estoient blan. Et ainssy en fist en plusieurs aultre païs.
Et, jay ce qu’il n’y avoit heu journée (ne perreillement de nuyt) depuis le
maicredi de Paicque que dyverse procession ne se feissent, fût en ung
lieu ou en ung aultre, tant à Mets comme a villaige, et que l’on ne
sonnait les cloiche, le plus souvant toutte la nuyt, ce néantmoins,
comme vous oyés, furent les vigne par plusieurs fois engellée. Et fut le
vin fort renchéris : car, devent celle fortune, l’on avoit le milleur à
VII deniers la quairte ; et, le jour saint Marc, l’on le vandoit desjay
X deniers.
Puis, quant ce vint le dit jour sur le tairt, le temps devint cler, et
tousjour plus froit ; et tellement se refroidait que, quant ce vint le
dimanche a matin, l’on trouvait les gros glasson, et que tout estoit causy
gaistés et fondus, non pas seullement en ung lieu, mais partout, et n y
avoit comme riens demourés de vert. Et jai ce, comme j ay dit devent,
que touttes les nuyt on sonnoit à puissance, tellement que l’on n oyoit
goutte par la cité pour le bruit des cloche, et aussy que plusieurs per­
sonnes estoient en dévocion, priant Dieu qu’il gairdait les biens de terre,
et continuoient lez procession, ce néantmoins à Dieu ne plaisoit d essaulcier leur prières : mais voult pugnir et corrigier son peuple. Tellement
que, cellui jour de dimanche, se reffroidait le temps tousjour de plus en
plus, en fasson telle que, le lundi au matin, tout fut consumés et espédiés,
et ne demourait de verdure nés que après feux 3. Et ne fut pas cecy en
ung lieu : car,jusquez à Paris, voir jusques à Rouen et és Allemaigne et
aultre part, par tout les pays dessay les mons, tout fut gaistés et perdus,
réservés quelque peu en Aussay et en Bourgongne, en la Franche Conté.
Et tellement furent les païs gaistés et destruit d’ycelle gellée que ce fut
la plus grant pitiet que jamaix crestiens vit : car rien de bon ne demou­
rait alors vert que les bledz ; et encor olrent moult à souffrir ; et furent
les soille engellés tout autour de Mets et en moult d aultre lieu ; et puis
furent les froment tempestés et fouldroiés en plusieur lieu. Tellement
qu’il y oit en cest année une grande chiertés et une grande famine et
1. Le Val de Metz (May est une faute ; ay a été amené par desjay).
2. Il grésillait, il faisait du grésil.
3. Pas plus qu’après un incendie.

1517.

— MISÈRE DES VIGNERONS AU PAYS DE METZ

pouvretés , et fut partout, comme vous oyés : de quoy ce fut une mer­
veilleuse pitiet et ung dopmaige inrécuparable. Espéciallement je puis
pairler du pais de Mets, et a vray : en quelle lieu que ce fût, ne hault ne
baix, ne demoura rien de verdeur, réservés quelque peu au plus haut des
vigne de la couste Saint Quantin, là où il n’avoit pas pieu ; et là, en ce
lieu, furent environ XXV ou XXX journaulx de vigne que ne furent
que à demi engellée : mais je vous promès que le vin que y fut ne vailloit
pas II deniers la quairte, et fut de très povre boisson. Et perreillement en
furent quelque peu des salvée devers Marieulle et Veson, esquelle
demoura bien le thier ou le quair, qui olrent encor essés à souffrir
d ouraige et de tempeste, et ne vallurent riens. Et, de tout le rest des
vigne du pais de Mets ne de Loraine, vous n’eussiez pas prins en mil
journaulx ung chauderon de vin ou ung chairpignon de roisin. Dont ce
fut grant pitiet pour pouvre gens.
Paireillement furent à cest fois tout les fruit gaistés et consumés, et
n y demourait rien devert:nouier, serisier, prunier, pommier, neppliet1,
ne quelque fruit que ce fût, au moins bien peu ne que à compter fût. Et
estoient à celle piteuse journée les serise desjay grosse, bien vert et à
grant abondance : mais elle furent toutte cuytte d’icelle gellée, et n’y
demourait rien. Et, au regair de ce qui estoit oultre la ripvier de Saille,
ce quairtiet fut encor plus estains 2 que aultre part ; et n’y demorait de
verdeur nés que après Noël, et n’y oit pas le plus gros vignerons une
pinte de vin. Et je, 1 escripvains, le sçay pour moy : car, se le temps fût
venus comme il estoit d’aparence, j’espéroie d’en avoir en ma part plus
de cenc ou VIXX chairaulx, desquelle je n’en oit pas une pinte, non pas
une goutte, se on ne me le donnait pour essaier 8. Et alors fut le vin fort
ranchéris ; et furent les plus petit vin mis à XII deniers la quairte. Et
encor n en pouoit on finer :car alors n’y avoit homme vivant que jamaix
eust oy dire aux anciens que la gellée fîst autant de dopmaige, ne que sy
affait34 fût par tout engellés comme alors fut. Par quoy tout fut chier ;
et meismement ° fut le bief remontés de pris. De quoy pouvre gens furent
cy très estonnés que c estoit pitiet : car les plusieurs, qui dévoient plus
qu il n a voient vaillant, et qui cuidoientbienpaier,se le temps fût venus
bien à point, et qui n avoient alors ne pains ny argent, ces povre gens
ycy se trouvairent sy très espoventés, et non sans cause, que, le lundi
après la saint Marc, il en vint plus de deux mil en Mets, pour sçavoir,
devers ceulx à qui il dévoient et de qui il tenoient leur héritaige, c’il les
vouldroient encor aydier sur le temps venant, ou, sinon, leur estoit
force d’aller briber, ou de aller en aultre pays sairchier leur adventure ;
et pleuroient la plus part de ces gens ycy que c’estoit pitiés. Encor ne
a. Ms. : meisment.
1. Néflier.

2. Atteint.
3. Plaisanterie : il n’eut de vin, cette année-là, que celui qu’on lui offrit pour qu’il le
goûtât.
4. Si à fait, si complètement.

1517.

233

— COURSE DE CHEVAUX A METZ

fut pas tout : car en cest année fut force au povre gens de tuer ou vandre partie de leur bestial de quoy il ce dévoient noirir, comme vaiche,
berbis, chèvre et moutons ; et tout par defïaulte d’airbaige et d’aultre
fouraige pour les antretenir : car alors tout estoit tant saiche, et y avoit
cy peu de verdeur par les champs que les povre beste se moroie de fain.
Aussy en ce temps, les seigneurs et gouverneur de la cité, voyant les
vigne estre ainssy gaistée et fondue, mirent pour l’yssue de la porte,
pour chacune cowe de vin, [que] l’on paieroit cenc sols, ou aultrement
ne sortiroit dehors. Car, qui n’eust cella fait, on eust emmenez tous les
vin de la cité, et eust on vandus en Mets plus d’ung groz de Mets la
uuan

,

Et ainssy avés oy, et a vray, une bien grande fortune que desjay en
ce temps avint. Le doulx Jhésus en soit loués et bénis, et doinct confort
à tous les désollés !
Item, durans ces jours, et que le duc de Suffort, dit la Blanche Rouse,
estoit encor à Mets et y faisoit la résidance, luy et ces gens, et que encor
alors cetenoit en une maison que jaidit fut à Jehan de Vy (qui en son
temps estoit l’ung des principal seigneur de la cité), scituéez auprès de
la grant maison \ celluy seigneur Blanche Rouse, durans celluy temps,
hantoit journellement et frécantoit avec les seigneurs de la cité, et tonsjours, ou le plus souvant, estoit en leur compaigme, tant a la chaisse
comme aultrement. Or avoit cellui seigneur ung chevaulx qu il tenoit
bien chier, et l’amoit et prisoit merveilleusement, espéciallement pour
son bien courir ; et par plusieurs fois se avoit vantés et se vantoit que en
la cité de Mets ne à X lue à l’entour n’avoit son perreil à la course Jay
ce que alors en Mets y eust de bon chevaulx ; entre lesquel en avoit ung
le seigneur Nicolle DeX, josne escuier, et jandre au seigneur Françoy le
Gournaix, chevalier, qui estoit ung grant chevalx et qu’il prisoit moult.
Or avoit celluy seigneur la Blanche Rousse conversé par plusieurs fois
avec le devent dit seigneur Nicolle Dex, tant à la chaisse a gibier comme «
aultrement ; et, en devisant d’une chose et aultres, quant il venoit a
perler de son chevaulx, il ne le sçavoit essés loer. Et, pour ce que le dit
lrmnnit aussv le siens, le dit seigneur Blanche Rouse

•ir eulx meisme, en personne, montés sus les dit chevaulx, entendus
que la
la chose
chose fût
lut tenue
tenue secrète et que âme ne le sceust que eulx deux , e
rlotrAianf n nnm TY1 PTlL*PT‘ leur course à l’Orme à Auvegney jusques dedans

a. Ms. : comment.
1. La grant maison de coste le Saint Esperit, Mémoires, éd. Micheiant, p. 306.

234

1517. •—- LE ROI D’ANGLETERRE FORTIFIE TOURNAI

bourse, lesquelles dévoient estre mis en mains neutre, pour les délivrer
à cellui qui gaigneroit la course. Et ainssy en fut fait. Car, le dit ans, le
jour sainct Clément, premier évesque de Mets, par ung samedi, second
jour de maye (qui est le propre jour que ce courre l’avuaine et le baicon
au dit lieu Sainct Clément), les seigneurs devant dit se sont levés de bons
matin, et, en la compaignie de plusieurs aultres, firent ovrir la porte
Sainct Thiébault ung peu devent l’heure acoustumée, et sont sortis
dehors au champs pour courir comme il avoit estés dit. Or avoit le dit
seigneur Nicolle Dex, par deux ou trois jour devent, traictés et pancés
son chevaulx a 1 amis 1, Dieu scet comment ! (je croy que aussy avoit
fait le duc) ; mais le dit seigneur Nicolle, comme il fut dit et sertiffiés,
durant ces jours, ne donnait oncque foin à son chevaulx, ne n’avoit beu
aultre brevaige que vin blan ; et, avec ce, luy avoit fait faire des petit
légier fer d’acier. Puis estoit le dit seigneur montés dessus à dos, sans
selle ne aultre chose que une couvertes lyées dessus son dos ; et ainssy
estoit le dit seigneur montés dessus, tout en pourpoint, avec ung petit
bonnet en sa teste et sans soulliers j et sambloit a le veoir que ce fût ung
pallefrenier. Et tellement que, quant ce vint à courrir et à desloigier, le
dit seigneur la Blanche Rouse, aussy luy meisme sus son chevaulx, avec
la saille, se prindrent tous deux à desloigier de telz randon et force qu’il
sambloit que la terre deust fondre dessoubz eulx. Et fut loing temps
que le duc, avec son chevaulx, paissoit le dit seigneur Nicolle ; mais,
quant il vindrent en l’endroit de Sainct Laidre, le chevaulx du duc n’en
poult plus, et demourait derrier, jay ce qu’il le feroit tellement et contraindoit à force d’esperons que le cler sanc en sailloit par le coustés.
Mais, néantmoins, ce ne luy vaillut : car il demoura derrier, et gaignait
la course le dit seigneur Nicolle Dex. Et luy fut délivrés la bourse avec
les VIIIXX escus au soilleil. De quoy plusieurs furent joieulx : car il
estoit bien emploiés en luy, d’autant qu’il estoit jantil ruste, courtois,
débonnaire et gracieulx. Et, avec ce, luy et son frère, seigneur Phelippe
Dex, estoient bien destre aux airme et à la luitte, au saulter et à faire
haulte et diverse gambaide : en ces chose il ne trouvoient que gair 2
les en passait (en ensuyant la resse de leur perre). Et néantmoins que,
à veoir le dit seigneur Nicolle aller et mairchier, il sambloit qu’il fût
a demi anregnés 3 et qu’il ne se peûlt contourner : mais, quant ce venoit
à faire, c'estoit merveille de luy, fût à la luytte, à saulter ou à dancer.
Aussy estoit ce bon seigneur homme fort dévocieulx ; et aministroit
voulluntier justice au povre, et faisoit plusieurs biens. Dieu par sa
graice luy doinct vertus et force de mieulx en mieulx percévérer !
Durant se meisme temps que le devent dit seigneur Blanche Rousse,
que se disoit roy d’Angletterre, faisoit ycelle chose en la cité de Mets,
la Rouge Rouse, lequelle alors possédoit le royaulme d’Angleterre, et
1. Comme il eût fait d’un ami.
2. Ils ne trouvaient guère de gens pour les dépasser.

3. Esrené, patois modernes anrené, estropié, mal bâti (Zéliqzon, Dictionnaire des
patois romans de la Moselle).

1517.

— LES BAINS DE PLOMBIÈRES INCENDIÉS

235

qui depuis peu de temps, avec l’ayde de l’empereur, avoit heu gaigniez
la cité de Tournay, comme cy devent ait estés dit, faisoit en ce temps
merveille de fortifier la dicte Tournay et de y envoyer force vivre.
Et principallement fist renforcer et avitailler ung fort chaisteaulx
qu’il avoit fait faire tout de noviaulx en la dite Tournay ; et y mist
grant garnison. Et, avec ce, fist encore faire plusieurs aultres chasteaulx
et fort maison au loing de la rivier, pour tenir la cité et le pais en subjeccion. Et fut dit qu’il voulloit tout transmuer, et rechaingier le peuple
de la dite Tournay, et l’envoier en Angleterre, là où il leur donroit
terre et pocession suffisante pour eulx tenir et demourer, et qu’il peu­
plerait la dicte cité de la nation angloise. Dieu domct que bien en
viengne ! Amen.
En ces meisme jours, c’est assavoir le mairdi XIIe de may, la royne
Claude, royne de France, fist son antrée à Paris. Laquelle fut la plus
gorgiase et la plus manifique que jamaix fût antrée de royne, et là où
furent plus grant noblesse ne 1 plus de joieusetés desmoustrée : car à
celle tant triumphante et somptueuse antrée furent faictes tant de
chose novelles, moralles et plaisantes, qu’il n’est à croire à ceulx qui ne
l’aroie veu. Et, avec ce, y oit sy grant noblesse, tant de la partie la
dicte damme comme de la cité de Paris, que ce fut chose merveilleuse.
Et fut au soir, on pallas royaulx, le souppés et le bancquet sy riche et
plantureux, et auquelle furent tant de mommerie et de diversité moustrée, que chacun s’en esmerveilloit. Et, bnef, ce fut ung triumphe oultre
l’enseigne. Ne plus n’en dis : car ceulx ou celles que ces chose virent
vous en sairont bien pairler.
Item, aussy en cellui temps, avindrent plusieurs fortune en diverse
lieu permi le monde ; et ce desmoustrairent plusieurs signe au cielz.
Et, tout premièrement, avint que, en ce meysme moix de may, furent
brûllés par fortune de feux les baing à Plumier en Bourgongne. Et ne
scet on comment ne dont ce avint. Et fut le feux, comme on disoit,
sy merveilleux et pénétrant que meismement ceu que on gectoit en
l’eaue ce alumoit et brûlloit. Et y oit on grant dopmaige.
Puis, tantost après, en celle meisme année, le lundemam de l’Ancencion, qui fut le XXIIe jour de may, par ung vandredi a soir, entre
IX et X heure, l’an vit clèrement, entre la cité de Mets et le villaige de
Noeroy, une cornette de feux en l’air, grosse et lairge par samblant ;
et ce moustrait comme de XIIII ou XV piedz de loing, et comme ung
tref2 de feux pendant en l’air. Et se moustrait le groz bout estre par
samblant le lairge de quaitre piedz, et tenoit du couste devers A emaigne ; et le petit bout se moustroit la lairgeur de deux piedz, et
tournoit du coustés devers la France. Et se thint amssy longuement
en l’air, et par autant de temps que l’on mettroit à dire smcq fois le
Pater noster et Y Ave Maria; puis ce diminuait et se perdit, tellement
que de brief l’on ne sceust que tout devint.
1. Ne (ni) est amené par l’idée que jamais il ne fut montré plus de noblesse et de
joyeuseté.
2. Tente, pavillon.

236

1517. — GRANDE SÉCHERESSE ET CHERTÉ DE VIVRES

Mais une chose fut à esmerveillier : car, en celle meisme nuyttée que
ycelle cornette se moustrait, fut airse par fortune de feux la plus part
de tout le villaige de Mondellange. Et ne soit on jamaix dont ce feux
vint, sinon que aulcuns présumoieiit et creoient qu’il venoit d’icelle
cornette : car premier fut veu ce feux saillir d’une maison déserte et
aruinée qui de loing temps estoit trexe et waulgue \ et en laquelle,
passés trois ans, n’y avoit demouré parsonne. Et puis, d’icelle maisier’
se print. le feux par tout le villaige ; et y fist moult grant dommaige,
tant en beste comme en aultre biens airs et brûllés.
En ce meisme moix, on avoit moult grant nécessité d’eaue ; et disoit
le peuple que, se Dieu n y mettoit remède, que l’eaue cousterait plus
que le vin : c’est à dire que alors y avoit sy grant deffaulte de pluye
que tout ce saichoit et ce brûlloit au champs. Et fut encor dit que
possible la grant chailleur feroit autent ou plus de domaige que avoit
fait la gellée. Car, par ycelle chailleur, tous les hairbes 12, et les herbes
avec, aussy le rest qui estoit demourés en vigne, furent mangée et
rongees de ces petitte beste qui voulle, que l’on appelle hurlât ou sairhal3. Et encor ce poc d’erbe et de verdure qui estoit és prés estoit
demangiées et gaistées des saulterelle ou singalle. Aussy les seigle
estoient la plus part engellés et perdus, comme dit est devent ; touchant
des froment, il estoient au plus biaulx, mais qu’il eussent heu de la
pluye. Brief, c estoit pitiet d ouyr les pleur et lamentacion dez povre
gens, tant pour eulx que pour leur beste. Et ne sçavoient à quoy ce
pranre : car il estoit grant chiertés par tout, et plus encor en Loraine
que en Mets, et y vandoit on la querte de bief XVIII ou XX sols,
et, pour ce, estoient alors les chemin cloz. Et, en Metz, l’on l’eust heu
pour IX sols, ce ne feust les estraingiers qui le venoient quérir de tout
cousté. Et se acomansait à ranchérir, tellement que adoncque ce vandoit
XIII, XIIII et XV sols la querte. Mais alors les seigneurs et recteurs
de la cité, voiant le nombre de bief que journellement se menoit dehors,
firent faire deffance et commendement par tout que nulz bledz n’en
fût menés hors du territoire de Mets ; et adoncquez mirent en vente
ung monciaulx de bief du guernier de la ville, auquelle en y avoit plus
de XII mil quairte ; et fut mis à XI sols la quairte. Mais, incontinent
qu il fut sceu, il y eust telle foulle et tel presse des bonne gens de dehors
que force fut de sairer les huis, et les laissier aller l’ung après l’aultre ;
et ne pouoit nulz saillir hors dez porte de la cité sans avoir anseigne du
quairtier 4 qui livre et d ung des Trèses de la Justice. Et, après ce que
les bonne gens avoient leur bief, encor avoient ilz grant meschief de le
mouldre, par deffaulte d’yaue : car alors une nef ne fût point allée en
1. 'lresche et vague, abandonnée et inoccupée. Tresche survit dans les patois moder­
nes (an trèhhe, Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle)
2. Les arbres.

3. Hurlât, hanneton (Zéliqzon, op. cit., art. heulat). Sairbat (ibid , sèrbat) désigne
1 escarbot.
4. Du quartemer, de l’officier préposé à la surveillance de cette distribution L’office
se disait à Metz quarterie (cf. p. 249 bas), et l’officier portait le nom de quartier.

1517,

JUILLET-AOUT. — ORAGES ET PLUIES

237

VIII jours de Mets à Triève, tellement estoient les ripvier courte.
Item, en la Champaigne, tout fut gaisté ; et s’en fuyoient partie des
povre gens de villaige de tout cousté, eulx, leur femme et leur anffans,
là où chacun pouoit mieulx pour se saver.
Item, en celle année, je, l’escripvain de ces présante, m’en aillas au
Landis à Paris par le chemin acoutumés ; et y fis mon amploit en
drapperie ; puis m’en retournait à Mets sen trouver que bien. Dieu en
soit loués !
Aussy en ce meisme temps, on moix de jung, le devent dit duc de
Sufïort, dit la Blanche Rouse, se partit de Mets, acompaigniés de
aulcuns josne seigneurs d’icelle cité. Dieu les conduie et les vueulle à joie
ramener !
Item, le XXVIIe du meisme moix, le lundemain de la sainct Elloy,
il fist en ces païs ycy une merveilleux tempeste de fouldre et grant
ouraige, qui cheut en plusieurs lieu : car cest année fut toutte plaine de
grant fortune et de diverse adversités. Et cheust celle tampeste et
oraige en prenant depuis le Neuf Châtel en Loraine, et en venant droit
à Nomini, et dellà à Morhange en Allemaigne, et en tirant tousjours
oultre droit à l’avallée. Et fist ung orible et innumérable domaige.
Et principallement il gaistait, entre Nomini et le Neuf Chaitel, plus de
XXX villaige. Paireillement celle tempeste et fouldre vint à gaister la
plus pairt dez vigne qui estoient demourée sus le mont Saint Quaintin.
Puis, après, en ce meisme moix de jullet, il fist encor de merveilleux
oraige et tempeste en plusieurs lieu, tellement que plusieurs bief en
furent fondus et tampestés, souverainement devers le ban de Desme et
là entour.
Puis vint le moix d’ouost. Lequelle fut tout contraire à sa nature :
car, durant le may et les aultrez moix devent, l’on crioit alairme pour
avoir de l’eaue, comme dit est devent (et, de fait, c’en firent plusieurs
procession, priant à Dieu qu’il envoyait de la pluye) ; mais, au contraire,
durant cellui moix d’aoust, qu’il deust faire chaultet sec, et que chacun
desiroit le biaulx temps pour mestre les biens à l’hostel, il n’estoit
causy point ung jour cen plovoir. Et tellement estoit le temps mis à la
pluie que les povre gens avoient meschief à lever les bledz, les avuaine
et aultres biens ; et en y oit assés et la plus pert des germés et maulx
conrés. Dieu en soit bénis et loués !, car cest année fut en toutte ces
saison contraire. Au regair des foingz, c’estoit pitiet a les veoir ; et les
failloit pourter en des sacque ou en des lincieulz, tant estoient courte
les herbes. Et pour la grant deffaulte qui estoit se vandoit IX ou
X frant une bien petitte chairée ; et encor n’en pouoit on finer.
En meisme moix d’aoust, le VIIIe jour, la sourveille de la sainct
Lorans, l’an dessus dit, vint et arivait en Mets, à belle eompaignie de
XXV ou de XXX chevaulx, ung cardinal de Romme, lequelle alors
venoit de devers l’ampereur. Et estoit ce cardinal Collonnes, qui est
l’une dez grosse et ancienne lignié de Romme et de toutte Ytallie ;
et estoit frère germains au devent dit seigneur Marc Anthonne Col-

238

1517,

SEPTEMBRE. — LE PEUPLE DE METZ EN ARMES

lonnes, lequelle peu devent avoit estés à Mets, comme cy devent est
récités. A celluy cardinal la cité fist présant de deux cowe de vin, qui
alors vailloient environ XL frant, et de XXV quairte d’avuaine, que
bien vailloient XII ou XIII frant. Item, le dimenche, vigille sainct
Lorans, il oyt la grant messe en la Grant Église de Mets, et donnait la
bénédiction à cellui qui dit l’Évengille. Puis, après dînés, fut conduit
et pourmenés par la cité, acompaigniés de aulcuns des seigneurs et
recteurs d’icelle, pour lui moustrer la ville. Et, le lundemains, bien
matin, c’en pertit, luy et les siens, et s’en retourna à Romme.
Item, le duc de Suffort, dit Blanche Rouse, lequelle on moix de jung
ce estoit pertis de Mets pour aller à Lion dessus le Rosne, puis passait
les mons pour aulcune affaire qu’il avoit (et fut à Venise et en plusieurs
aultre cité d’Itallie et de Lombardie), et en sa compaignie estoit le
seigneur Phelippe de Raigecourt, avec plusieurs aultres citains de Mets,
et1 retournairent les dessus dit en la cité la vigille de la sainct Privé,
qui fut le jeudi XXe jour d’aoust.
En celle saison et année, le temps fut merveilleusement mal disposés ;
et tousjours de pis en pis. Et fut tout contraire à sa nature, comme dit
est devent. Car, après ce que les biens de la terre olrent heu tant à
souffrir comme avés oy, plusieurs inconvéniens et diverse malladie
advindrent au créature. Et tellement que, on moix de juillet, l’on
acomensait fort à morir en la cité des aprinson ; et paireillement fit on
à Triève ; et en morurent en Mets plusieurs parsonnes, gens de tout
eaige et de tous estas.
Item, aussy en celluy temps, y avoit grant chier temps de tout vivre.
Premièrement, le fin froment se remontoit tous les jours (qui estoit
chose merveilleuse de ce que après la moisson il ce eslevoit ainssy de
pris) ; et le vandoit on XVIII et XX sols la quairte. Et ne ce trouvoit
nulz bon vin à XII deniers. Et estoit la chair fort chier ; et aussy estoit
le foin et l’avuaine, euf, bure et fromaige : tout estoit chier sen comparéson.
Et ainssy est vray ce que j’ay dit devent : l’on fut en cest année persé­
cutés de guerre, de mortallités et famine. Car, tantost après, le XIIIe jour
de septembre, par ung dimenche, vigille de l’Invencion Sainte Crois,
par le comendement de Justice, fut alors assemblés le peuple de la cité,
tous ambastonnés et en armes, on baille de la porte Champenoise.
Et, paireillement le dit jour, furent assamblés ceulx du païs de Mets et
de toutte la jurediccion d’icelle on baille de la porte des Allemans,
et tous en arme, avec leur hairnois, que depuis ung ans on leur avoit fait
achetés. Et la cause de cest assamblée fut tel : que nouvelle sertaine
estoient nouvellement venue a Sept de la guerre comment le devent dit
Phelippe Sleuster, qui alors estoit annemis à la cité pour le fait de
Pier Burtal, duquel jay moult de fois vous ay pairlés, estoient sur les
champs, acompaigniez du devent dit Francisque et de six ou sept cent

1. Alors. Et sert ici à marquer le commencement de la proposition principale,

1517, OCTOBRE. — COURSE DES ENNEMIS SUR LA TERRE DE METZ 239

chevaulx, et voulloient venir faire une course et une malvistiés on païs
de Mets. Par quoy, à celle occasion, fut ainssy le peuple assamblés ; et
fut le pains cuyt, et plusieurs piesse d’artillerie toutte preste. Et avoit
on à celle fois délibérés que, c’il venoient, il aroient bon recueille. Et
faisoit on en ce temps gros gait par tous les villaige, affin que l’on ne
fût souprins. Et, avec ce, avoient les seigneurs et gouverneurs de la cité
envoiés plusieurs espie en diverse lieu et passaige pour sçavoir des
novelle. Et ainssy doncques l’on estoit frappés des trois glave dessus dit :
c’est assavoir guerre, famine et mortallité.
Item, aussy en ce temps, l’on ne perloit que de lairon et tandeurs de
hault chemin (et en furent plusieurs des prins et pandus), lesquelles
par famine c’estoient mis a mestiés d’estre coupeur de bourse. Et en
y avoit à sy grant abondance que l’on n’oisoit aller ne venir.
Puis, après tous ces mal et fortune advenus, vint le temps de la
vandange, auquelle l’on deust coupper les roisin : mais, las !, il n’y
avoit riens. Par quoy le povre popullaire furent cy très attonnés qu’il
ne sçavoient quel contenance tenir : car alors il n’estoit novelle de
vandangier, ne de chauquier, ne aussy de luer chairton avec leur buge \
ne de pourteur de tandellin ne de bassine a, ne ne veoit on aller ne venir
religieulx ne religieuse mendier ne demender, non plus nés que vigne
ne fussent jamaix estés. Et aussy l’on ne fut pas ampeschiez de cuyllir
les fruit, pour ce qu’il n’y avoit riens. De quoy c’estoit moult grant
pitiez, que povre gens et petit anffans ne se sçavoient à quoy prandre.
Et croy, moy, que jamaix homme ne vit une paireille année, au moins
que l’on ne vandangeait quelque peu en aulcuns lieu. Le non de Dieu en
soit loués et bénis, et vueulle le povre peuple reconforter !

LA GUERRE « PIERRE RURTAL )).

Par lez raison devent dictes, devés entendre se le povre peuple estoit
desconfortés, tant pour la famine qui resgnoit comme pour la mortallités, qui s’enforsoit de jour en jour. Et tellement que l’on avoit
desjay tout obliés la grant peur et la crainte que l’on avoit heu des
annemis, qui alors estoient sur les champs en airme, comme on disoit ;
et ne s’en pairloit plus. Par quoy, yceulx voyant le peuple ainssy
endormis, par ung dimenche XVIIIe jour d’octoubre, jour saint Luc
évengéliste, vinrent de plain jour les annemis, environ IIIIXX ou cenc
chevaulx, se frapper dedans le ban Sainct Pier, à trois bonne lue de Mets.
Et là ont bouttés le feux en ung villaige nommés Burlixe, auquelle y
avoit environ XXX maison, aparthenant a seigneur Claude Baudoiche,
a. Ms. : bassne.
1. Buge, français moderne bouge, « cuveau pour porter les raisins au pressoir ».
Zéliqzon ne connaît plus que le dérivé boujerèye, « cellier ».

240

1517, OCTOBRE. — ACCIDENTS DIVERS A METZ

chevalier ; et fut le dit villaige tout airs, réservés quaitre maison : car,
après ce qu’il eurent tout chairgiez, pelle 1 et tuppin 2, et tout ce qu’il
leur pleut à prandre, il ont bouttés le feux par tout, et en plain midi.
Et y prindrent V prisonnier. Puis retournirent arrier à Longeville en
Allemaigne, auquel lieu ce tenoit la foire ; et là avoient laissiez de leur
compaignons pour aprester le souppés. Et estoient ces gens ycy au
devent dit Phelippe Sluster et a cappitaine Francisque, pour le fait de
Pier Burtal, comme cy devent est dit. Et, alors que ce fut fait, estoit le
seigneur François le Gournaix en son chastiaulx de Viller, luy et touttes
sa famille, fuyant pour la mortallités. Et pareillement estoit messire
Claude Baudoiche au chausteaulx de Pange, qui est environ à demi lue
près de la dicte Burlixe. Et, lez premier nouvelle qui en vinrent à Mets,
ung compaignon de Franconrue les apourta, lequelle à ce jour estoit
allés à la dite Burlixe pour le lundemains baitre sa moysson et la recuillir : mais, quant il vint près et vit la ville en feux et en fiâmes, il s’en
retournait arrier, et tellement ait cheminés que, environ une heure de
nuyt, vint ariver à la porte aux Allemans, qui estoit desjay fermée.
Et, après qu’il fut interrogués dès dessus la muraille, on le laissait entrer
dedans la ville ; puis ait contés la vérités. Et je le sçay a vray : car moy
meisme, l’escripvains de ces présante, qui en celle sepmaigne gairdoie
à la porte, fut celluy qui le interrogais, et puis le menais perler a seigneur
Jehan le Gournaix, a seigneur Régnault du Neuf Bourgz et a seigneur
Phelippe Dex, pour et afïîn de leur dire ces nouvelle. Aussy le temps
estoit alors merveilleusement mal dispousés : car, celle nuyt et environ
deux ou trois devent, il vantoit et faisoit le plus orible temps de jamaix.
Toutteffois, quelquez troublez que le temps fût, le feux estoit cy grans
et cy fort alumés que, environ les IX heure de nuyt, nous vismes plainement reluire l’air androit là où estoit le feux dès dessus la tour de la
porte aux Allemans.
Item, en celle meysme nuit fut par fortune bouttés le feux en une
maison on Champaissaille : maix, Dieu mercy ! il fut vaillanment
secourus, et estains ; et ne fist comme point de malz.
En ce meisme temps, avint une esclandre en Mets d’ung josne clerc
que on trouvait pandus et estranglés. La manier comment : il avoit
son oncle chainoigne de la Grant Église de Mets, nommés messire Gille.
Cellui, demi ans devent, c’estoit pertis de Mets pour c’en aller à Romme
avec le princier d’icelle église, et avoit laissiés son nepveux en gairde
à maistre Andrieu, maistre des anffans de cuer, pour le gouverner,
aprandre et entretenir jusques à son retour. Ce guerson, eaigiez environ
de XIIII ans, juoit voulluntier, comme on disoit ; et tellement qu’il fut
dit que, pour ce qu’il avoit jués, la servente du dit maistre Andrieu le
menaissait de le faire baitre. Et ne scet on au vray comment il en fut :
mais, au bout de deux jours, que l’on pansoit qu’il s’en fût fuys, il fut

1. Poêles.
2, Pots de terre ou de fer

-1517. __ - LES ENNEMIS DE METZ AU BAN DE L’EMPIRE

241

trouvés pandus et estranglés en ung tison qui estoit tirés à demi hors en
ung gros monciaulx de boix en leur grainge. Et fut trouves le lundi,
lundemains que le feux fut bouttés à Burlixe. Et incontmant Justice
en fut advertie ; et, pour ce que l’on estimoit que luy meisme ce fut
pandus et deffait, il fut prins et traynés dessoubz les rue Entre deux
Pont, là où ce mette les malfaicteur ; et là, en ce beu, fut enterre. Mais,
comme la vérités en fut trouvée depuis, l’on lui faisoit tort de le mettre
en celle terre prophane : car il fut trouvés que une faulce femme 1 a voit
tués, et puis pandus, comme ycy derrier en l’an Ve et XIX, on moix
décembre, serait plus amplement contenus.
Item aussy en celle meisme semaigne, fut airs par fortune de feu
pertie d’ung villaige devers Briey ; auquelle y oit grant dopmaige.
Paireillement en celle meisme semaigne, pour ce que 1 on ne trouvoit
nul bon vin à XII deniers la quairte, et que aulcuns cramdoient d ofian­
cer 1 d’en mettre à plus hault pris, le Conseil, de ce advertis, souveraine­
ment les maistre du XII® et des mollins, firent annoncier par toutte la
cité que chacun boutait son vin à quel pris qu il lui plairoit
fure
les cellier visités pour sçavoir combien de vin qu û y avoilt encor en
Mets. Puis, tantost après, furent mis les vins a XV, a XVI et à XVIII
111 Aussy^en'celle meisme année, le jour saint Jude et saint Simolj’
faicte encor grant assemblée de gens, pietton armes, u peup
Mets, par le commendement de Justice ; desquelles en furent esleus
grant nombre pour aller dehors, se nécessité venoit.
Kern aussy pour ce que en ce temps l'on se double* fort de cellu
Phelippe Slucter de EiTenstein, qui tousjours ce desclairoit annemis
la cité ad cause du devent dit Pier Burtal qu’il soubtenort, corne dit e t
devant et aussy que cellui Phelippe avo* acompa.gmes de ce fait le
cappitaine Franokques, qu'il dise* este, sou para» avec plusieurs
aultre malvais guer.on qui lui aydoient et favor.ssoient, tellement que
en ce temps nul hommes de la seigneurie et prédiction de Mets ne ce
oysoit seurement trouver au pais d’Allemaigne, et2, a ce e °“a^0I\’
seigneurs et gouverneurs de la cité firent tant, des 1.an devent qu
obtinrent et impétrairent une lettre et ung:
lian, amperreur, lequelle fut imprimes en a emans
*é ^
en furent plussieur coppie mise et ataichee par ez por
estoient
Pallas de Mets et aultre lieu publicquez ; esquelles lettres estoient
és deux langaige contenus plusieurs article, dont la teneurs s en y .
Coppie de la lettre.
Nous, Maximilian, par la graic, de Dieu esle» empereur des Bom.jns,
tousjours august.roy de Germanie, Hunguene, Daltaac.met (>oa ,
•.
archiduc d’Austeiche, duc de Bourgongne, de Br.tant
conte pâte
tin, etc,, mandons, à tous et chacuns, princes el.seurs et «ultres prmees,
1. Ils craignaient d’être blâmés et punis par la justice.
2. Alors.

m

1517.

— LES ENNEMIS DE METZ AU BAN DE L’EMPIRE

spirituel et temporelz, prélats, contes, barrons, chevalliers escuiers
cappi aines, c . astellams, vidâmes, wouez, régens, gouverneurs, officiers'
prevostz, maistres de bourgeois, justiciers, conseilliers, bourgeois’
comunitez, et a tous aultres subjectz et feaulx de nous k du Sainct
mpire, ensemble de noz prmcipaultez et pays héréditables, en quelle
imptieâlLSsaouUnCOndlC10n qU’ilZ S°ient’ qui Pâr C6S Présentes noz Iettres
impenalles ou par vrayes copies d’icelles seront sur ce appeliez et
requis, nostre grâce et tous biens \
PP
et
Révérends, vénérables, haulx, excellons cousins princes éliseurs et
autres princes, nobles, honorables, dévotz et chieïs feaulx, comme
T* ^ ^ SainCt Empire’ P°Ur Ie Liendu di‘
mpire et de toutte chrestientés, de l’advis et conseil des éliseurs
ria'prm if
D0US Ct de 1>Empire faicte et inclue
la premier journée impériale tenue à Wormes, et, conséquenment
aux autres journées impériales tenues à Fribourgz, Augsbour^et Collongne, amplement déclarée 2 et commandée estre entretenue, signifiée
aussi de toutes pars,
’ ë
soit 3 par motz exprès contenu et statué que, depuis le temps de
intimation et notification d’icelle, nul, de quele dignité, estft ou
Empiré

despouTlerqanm°b ’ "d d0lt defFier aUt™y’*Uy mener guere’ destro™,
pouller, appréhender, ne aussy, par luy meismes ne par aultres à son
occasion, servir, assaillir, assigier ne eschieller chasteaulx, villes, forte"
esses, ourgs, places, villaiges et gaingnages, ou autrement, par force et
rairement' 1
V* V°IUnté d’aultrUy ^ prandre
> «mA
endommager _ina lcieusemen^’ y Goutter le- feux, ou aultrement les
pmrefilement, nul ne doit en aulcune manière donner conseil, faire ne
bailler ayde, confort ou secours à yceulx forfaisans, et aussy ne les doit
rbruwrenso°Utm C16USTent haberger’ récePter> sustenter^ alimenter,
anruver, soustenir ou endurer ;
au ben eHUy qUi pr,étendroit ^ereDer autruy, il doit ce faire et cercher
au lieu et jugement la ou la cause, paravant ou maintenant, par l’ordondiffinie ou°o
ffimbre impé™le’ «PP^thient ou appartiendra estre
ditlmie, ou que ordinairement y compète ;
tnnf°pUr qU°y aUSSy aV°nS levé’ °sté et annichiIé par tout l’Empire
outes rigueures, guerres ouvertes et œuvres de fait ;
et sy aucuns de queles dignités, estaz ou condicioks qu’ilz fussent,
faisoient ou entreprenoient faire contre les choses dessus dictes ou
aucunes d icelles, ilz seroient de fait et par droit jugez et desclairez estre
escheuz au ban et amer ban de nous et du Sainct Empire, et en autres

L^anStZolhr8

^^^



Z’ ceS PfItlC1PeS 86 rapportent ^ mot paix, exprimé au début du paragraphe
3. Soit dépend de comme, à la fin de l’avant dernier paragraphe
trait pa1sU1deqUfluiemParerait
°U ^ ^ bienS ne Rendrait pas, ne commet-

1517.

243

— LES ENNEMIS DE METZ AU BAN DE L’EMPIRE

et toutes obligacions, confédérations, foy ou promesses à eulx faictes
ou appertenantes, et sur quoy ilz porroient avoir aucunes actions ou
demandes, doyvent envers ceulx qui seroient à eulx tenus estre extmc, . .
. .
tes, mortes et abolies,
aussy les fiedz, autant que les transgresseurs en tiendraient, seroien
escheuz au seigneur féodal, comme nostre dicte déclaration le contient
et ne seroit tenu leur laisser suyvre le fiedz, ou pertie, la vie duran
l’enfraindeur de paix, ne recevoir au fief [le filz]le dit enframdeur ou
autres héritiers du fief, ne aussy laisser à luy ou aux siens partie des
usufruictz d’icelluy, comme ce nostre dicte paix, par ses declaracions,
avecaultres plus amples ordonnances, le contient;
et ainsy soit que, en l’an douze, dernier passés, et autres années
subséquentes, ung appellé Philippe Sluchterer de Effenstein,
en contrevenant au contenu en la Bulle d’or *1 la reformacion royale
la dicte paix et droit commun, à cause d’ung qui se nomme îerr
Souffroy, duquel, comme de son serviteur, il s’entremectait, [a] ehu
mandé et escript aux honorables, chiersfeaulx de nous et de 1 E™P>reJ
maistre eschevin, trèzes jurez et communate de la cite de Mets, u
téméraire guerre, deffiance, insidiacion ou inimité ,
et encores, avant délivrance, intimacion ou notificacion de sa dicte
deffiance, il a, avec plusieurs ses aidans, entrepris et ruez sur les dictz
de Mets et leurs bourgeois, par prises, destrousses et feuz boutiez ,
aussy a il eheu appréhendé et pris aucuns bourgeois de Mets fur les
haulx chemins de nous et du Samct Empire, les tenans en
illicitement et irraisonablement ;
,
, ,
par quoy luy et tous ses aidans, adhérans, receptans, favonsans,
confortans^ complices et alliez e„ cest affaire sont«»hetu Je propre
lait, qui est tout cler, notoire et évident, et n ay mes 1er
P
approbation, au ban et amer ban de nous et du .a
autre griesves peines, punicions et amendes amplement contenues et
déchirées en la dicte Bulle d’or de royale reformation en la
corn
mune, en la déclaracion d’icelle amples ordonnances et droit commun
et affin que plus formelement fût besomgne en cest affaire par les
dis bans, pênes, punicions et amendes, à l’instance et requeste des di
de Mets, nous ayons ehu commis au vénérable Richart, arche*»**
Trêves, archichancellier du Sainct Empire par Ga,lcs et e r ya ln c
d’Arles, nostre chier cousin et prince éliseur et a Eonorab'e n°f n
chier dévot Loys de Senserheim, commandeur de 1 Ordre d Atog
à Covelence, nostre conseiller, de besoingner entre les d s de Mrt ^
ycelluy Schluchter amiablement ou par droit, tout se o
nostre commission à eulx transmise à ceste occasion ;
laquelle commission les dis de Trêves et Senserheimi ont heu accepte,
et, en oultre, à la poursuicte et requeste d iceulx de Mets, décrété,

JL’

1.
2,

Âpr ■ la Bulle d’or de la réformation royale.
, métier, et il n’y a pas besoin de plus ample approbation.

et

244

1517.

LES ENNEMIS DE METZ AU BAN DE L’EMPIRE

°Ctr0:5[e cltacion ou adjournement à l’encontre du dit
tpm)llC
qUf Uy 3 GSté notlflée et intimée au chasteau de Wartemberg et autre part ;
et, combien que les dis de Mets se sont démoustrez obéissans et
sCe°c“ndeUeStPtro -UrS Pr°CUreUrS ayans Plainière Paissance à la première,
seconde et troisième journée jüridicque, en accusant la contumace ou
desobdssance du dit Scbluchterer, et, icelle contumace ou désobéissance
obtenu par trois sentences, requérons estre procédé et exploicté en
autre6m enC°ntre de luy et de ses adhérans par ban et arrierban et en
autre manière, comme dessus ;
neantmoms nostre dit chier cousin et prince éliseur l’archevesque
ensemble^ 't «
Senserheim ont renvoyez les parties à nous,
n emble les actes ou procédures, soubz leurs seelz, lesquelles nous
avons veuz et visitez diligemment ;
*1
“eh.Ure déllbéracion de Conseil sur ce ehue, d’autant que le
attestacioTn^érfccln,1

de plUS ample

sont les dis Schluchter, pour ycelluy cas et pour sa désobéissance
esche^T T
rS’ adhéranS’ C°mpliceS 6t allyez en cest affaire aW
escheuz au ban et arrierban de nous et du Sainct Empire, et és aultres
pâmes, amendes, corrections et punitions contenues en la Bulle d’or de
maynifesrtée.rmaC1°n ^ “* n0Stre C°mmUne paix instltuée- Publiée et
En quoy aussy, de superabundant, jay çoy qu’il ne fuist de nécessité,
us les y avons jugez, declairez, dénoncez et publiez, et de plénitude
impériale puissance scientment par ces présentes les y jugeons
“"T: d7“ et Pui>l‘ons y estre ,i»sy esche», et cl»,»
T t8 T?“ t<n,S et “ “g chacun de T0“s “"ghlièrement,
soubz crainte de nostre gnefve indignacion et correction, aussy des
tution 61 PU
°nS COntenues ^ déclairées esdictes ordonnances, insti­
tution et paix commune ;
et voulons que vous ne soustenez, habergez, receptez, logez, secourrez
E™ ire ’ SUStentez ne subvenez de boire ne de manger, par le Sainct
t “fil ’ n ""T3" 6n T Gt V°Z PrinciPaultez> Païs> seigneuries, chasdit 9 Vt8’ bourgs, forteresses, justices, villages ne jurisdictions, le
t Schluchter ses aydans, adhérans, réceptans, favorisans, complicez
et alliez en cestuy fait ; et n’ayez aucune conversacion *, communicaou acomtance avec eulx, et en manière que soit ne le souffrez,
erez ou permectez faire ne avoir aux vostres, en apert ne en occult,
a ns que tenez et tandez sur eulx, et laissez tenir et tandre, et, là où
vous les porrez rencontrer et attrapper, ensemble leurs destrousses,
sy aucunes en avoient, les arrestez, appréhendez, occupez et détenez,

o. Ms. : aces.
1, Relation.

1517.

•—- LES ENNEMIS DE METZ AU BAN DE L’EMPIRE

245

et administrez contre yceulx aus dis de Mets, à leur instance et requeste,
brief acomplissement de justice ;
et autrement exploictez et procédez contre eulx, leurs corps et biens,
comme il appartient à faire contre notoires et publicques enbannis,
aggravez, téméraires, désobéissans et contempneurs de nous et du
Saint Empire, sans vous démoustrer en ce désobéissans, et sans dilater
ne attendre les ungs sur les autres.
Ce faisant, ferez nostre expresse et très acerte intencion et voulloir ;
et ce que ainsy vous entreprandrez, besongnerez, exploicterez et ferés
à l’encontre du dit transgresseurs, de ses aidans, adhérans, réceptans,
favorisons, complices et allyés en cestuy fait, et contre les corps et biens
d’un chacun d’eulx, conjoinctement ou diviséement, vous ne aurez
offencez, délinquez ne mespris à l’encontre de nous, du Sainct Empire,
ne aucuns autres, et ne serez tenus d’en respondre en aucune manière
en jugement ne dehors. Selon ce vous sachez conduire.
Donné à l’an de graice, le tréziesme jour du mois de février après
la Nativité Nostre Seigneur quinze cens et sèze, de nous Règnes des
Rommains on trentiesme, et de Hunguerie on vingt sixiesme ans.
Ainsy subscript et signé soubz le remploy : « per regem » ; et, sur le dit
remploy : « ad mandatum domini imperatoris proprium. Sernteiner ».
Item, pour ce que on vit que, quelque mandemant ne ordonnance
que l’empereur eust heu fait encontre du devent dit Phehppe Schluchter
ne de ces aydans ne favorisant, comme dit est, jay pour ce ne laichairent
leur maldictes entreprinse, et tousjours de pis en pis (comme cy devent
est contenus là où il est pairlés que, le jour samct Luc evengeliste, qui
fut le XVIIIe jour d’octoubre, le dit, acompaigniés de IIIIXX chevaulx,
non obstant le mandement devant dit, boutait le feu on ban Saint Pier
en la ville de Burlixe, et y fist plusieurs mal et grant dopmaige), par
quoy, à celle occasion, messeigneurs du Conseil et Sept de la guerre
firent alors mettre plusieurs coppie de la devent dicte lettres et ataichier
par touttes les portes de la cité, et encor, avec ce, contre le mur du
Pallas de Mets, et en plusieurs aultre lieu commun et publicque. Et,
daventaige, le XIXe jour de décembre, l’an dessus dit, fut criés a son
de trompe par la bouche de Mertin, clerc et secrétaire des Sept de la
guerre sur la pier du Pallas, devant la Grant Église, et là ou l’on crye
les Trèzes. Et paireillement fut huchiez et cryés, après la trompette
cornées, par le dit Mertin, en la plaice sur les desgré de Chambre, et en
plusieurs aultres caireffort et lieu publicque en Mets. Et fut celluy
huchement fait publiquement environ les IX heure du mattrn dessus
le dit Phelippe et ces aydans. Et, affm que nulz ne peult mnorer ne dire
qu’il ne l’eust oy et entendus, il fut cryés et huchiez és deux langages,
c’est assavoir en allemans et en romans ; et, avec ce, lez coppie d ice luy
és deux langaiges furent mise et ataichée après des aultres contre le
coing du mur du Pallas et en plusieurs aultre lieu par la cite. Duquel e
huchement la tenour s’ensuyt.

246

1517. — LA TÈTE DES ENNEMIS DE METZ MISE A PRIX

Saichent tous que, comme Phelippe Schluchter de Erfenstein, ad
cause d’ung appeliez Pier Soufïroy, dit Burtalz, duquelz il s’entremet,
ont ehus escript et mandés à nous, les maistre eschevin, trèzes jurez, et
à toute la communaltez de la cité de Mets, une téméraire et malicieuse
guere, defïience et inimité ;
et, avant que avoir ehu saulvez *1 ne eulx acquitez de leur honneurs, et
aussy depuis, en directement contrevenant au droit commun, réformation
impériale et Bulle d’or, ilz ont grandement et fort endomaigiez nous,
nous bourgeois et manant, par prinse et destroussent 2 sur les hault
chemin du Sainct Empire et aultre part, et encor nous [ont] fort endomaigez et molester par feu bouttez en divers de nous villaige, et y ait
ancommis grant pilleries et rouberie, et, avec ceu, prins et détenus
prisonniers plusieurs nous bourgeois et subgectz, et yceulx reansonnez
à grant sommes de deniers, et ycelle somme par force obtenir et eheu
d’eulx ;
à cause de quoy le dit Phelippe ait estez juridicquement cité à compa­
roir par devant très révérend prince et seigneur seigneur Richard
archevesques de Trêves, archichancellier et prince éliseur, etc., et par
devant circunspect, honorez et dévot seigneur messire Loys de Senserhein, commandeur de l’Ordre d’Allemaigne au lieu de Covelance, noz
gracieulx seigneur, comme déléguez, juges et commissaire impériaulx ;
par devant lesquelle dit juges impériaulx, ou leurs déléguez et députtés, les procureurs de nous, les dit de Mets, comme obéissant, ont com­
parus par trois fois, mais le dit Sluchter ne comparu, ne aultre pour
luy ;
par quoy nous dit procureur ont par trois fois juridicquement et par
droit obtenu sa désobéissance et contumace “, de laquelle désobéissance
et fuicte de droit, ensemble des violences, œuvres volluntaires, témé­
raires et malicieuses du dit Schluchter, Soufïroy et de leur allyés, nostre
trèssoverain et redoubtez seigneur nostre sire l’Empereur en ait estez
véritablement informez et adverti ;
par quoy Sa Majestez Impériale, comme Empereur des Rommains,
ait jugiez et déclairez le dit Phelippe Shuchter, avec tous ses aidans,'
adhérans, complices et alliez, estre escheuz au ban et arrierban du
Sainct Empire, et leur corps et bien habandonnez à ung chescun, et,
ceulx qui entreprendront et esploicteront à l’encontre de leur dit corps
et biens, il n’auront offensez, délinquez ne fait chose contre droit ne
raison, comme tout ce s’appert clèrement par vrayes coppies et trans­
script b des mandement de notre dit sire l’Empereur sur ce encorrus
et amenez, cy athachez ;
en ensuyvant ce, et affin que les dit mandement impériaulx puissens
plus formellement et diligenment estre mis à exécution, nous, les dis
a. Le mot, ajouté entre les lignes, est peu lisible.
b. Ms. : transsumpt.

1. Comprendre : « avant d’avoir sauvé leur honneur », c’est-à-dire : « avant d’avoir
envoyé leur défiance ».
2. Il îaut sans doute corriger détroussement.

1517.

—• LA TÊTE DES ENNEMIS DE METZ MISE A PRIX

247

maistre eschevin, trèzes jurez, Sept de la guerre et tout le Conseil en
ycelle cité de Mets, notifiions et faisons sçavoir à tous, en général et en
particulier, que, s’il y a aulcuns que puissent appréhender et amener
prisonnier en vyes en la dite cité de Mets yceulx dit Phelippe Schuchter
et Pier Souffroy, l’en baillera, pour la parsone d’icelluy Phelippe, la
somme de douze cens florins de Mets, et pour la parsonne du dit Pierre
Souffroy, quatre cens florin de Mets ; et celluy qui mectra à mort le dit
Philippe, en apportant certainnes et vrayes enseignes, il sera mis a
gaiges de soldoieur à cheval en la dite cité pour toutte sa vye durant, et
avérait encor cent florin de Mets contant ; et cellui qui mectra à mort
le dit Burtalz, en apportant paireillement vraye enseignes, il avera les
gaiges des piétons en la dite cité, assavoir quarente sols pour moys,
toutte sa vye durant, et recevra encor contant la somme de XL florins
de Mets. Et sy aulcuns, estant en la chaisse, crainte et doubte de la
dicte cité pour cause qu’ilz averoient heu servy ycelluy Phelippe ou le dit
Pierre Souffroy contre la dicte cité, ou pour quelque aultre cas, et
meis[me]ment aussy ceulx qui pour leurs desméntes seroient bannis et
forjugez d’icelle dicte cité, faisoient et commectoient yceulx dit exploit,
en ce faisant ilz recevront les dites sommes et gaiges en la sorte et
quallité que dessus, et sy seront mis hors de crainte et chaisse d’icelle
dicte cité de Mets, et leur di banissement et forjugement remis, quictés
et aboly franchement. Ce que nous, maistre eschevin, Trèzes, Sept,
Jurés et Conseil de la dite cité de Mets devent nommés, tiendrons
fermes et estable, tesmoing le seel secret d’icelle cité de Mets applacqués
en marges de cest, le XIXe jour du moix de décembre, l’an de grâce^
Nostre Seigneur mil cincq cens et dix sept.
Après que avés ouy le contenus du huchement fait sur la personne
d’icellui Phelippe Schuchter et de Pier Burtaul, pour lequelle le dit
Phelippe s’entremect (duquelle huchement plusieurs personnes furent
très esbahis, car il n’estoit mémoire que jamaix l’on eust veu faire ung
telz huchement en Mets), rest maintenant à veoir comment en fut la fin.
Mais premier, et avent que je procède plus avant, dirés aulcune petitte
aventure estre advenue de ce temps en la dite cité de Mets. Et, pre­
mièrement, au lundemains que cellui huchement fut fait, qui fut e
XXe jour du meisme moix, vint et arivait en Mets ung cappitaine
piétons allemans, lequelle avoit soubz luy et en sa chairge deux mil
piétons. Et veult bien dire que celluy cappitaine des piétons estoit
l’ung des biaulx hommes que je vis de ma vie : car il estoit josne, hault,
droit et puissant oultre messure ; et, avec ce, il avoit belle fasse, blanc
et chairneus, le cheveulx blon et crespe; et estoit sur tous aultres ung
biaulx parsonnaige. Celluy cappitaine estoit au gaige du roy de France ,
et ne faisoit que venir des guerres d’Ytallye et Lumbardie, là où plu­
sieurs jour avoit servis pour le roy. Se cappitaine ce thmt à Mets jusques
à la vigille des Roy. Et, tout le temps qu’il y fut, il ne bougeoit de avec
le duc de Suffort, dit Blanche Rousse. Et, durans ce temps, il donnait
congiez à tous ces gens, réservés sa privée mesgnie. La cité lui fist

248

1518

N. ST. — ACCIDENTS DIVERS AU PAYS DE METZ

présent de plusieurs flascon de vin. Et, la vigille des Rois, se partit de la
cité, à bien petitte compaignie ; et, au plus secrètement qu’il polt,
print le chemin de Strasbourg a, pour plus à la couverte retourner en
France dever le roy : car il ce craindoit fort.
En ce meïsme tempts avindrent diverse adventure et fortune, tant
en la cité de Mets comme au païs joindant. Et, premiers, fut brûllés
par fortune le villaige d’Emmaviller, apertenant au monastère de
Sainct Vincent. Lequelle villaige n’avoit pas XX ans, ou environ,
qu’il avoit estés rédifïiés tout neuf : car par guerre avoit autrefois estés
destruit, et y avoit plus de deux cens ans qu’il n’y avoit abités personne.
Et, depuis qu’il fut ainssy rédifïiés comme avés oy, il avoit jay estés
brûllés une fois ; et, maintenant qu’il estoient tous remis sus, et leur
église refaicte toutte neufve, la fortune advint, comme dit est, qu’il
fussent derechief plus fort brûllés que jamaix. Et sambloit que à Dieu
ne pleut que en ce lieu désert et dedans les boix y habitait personne.
Aussy, en celluy temps, le jour du gray dymenche, qui fut le XIIIR
jour de febvrier, et jour saint Valantin, a soir, avint une aultre adven­
ture en Mets. Le cas fut telz que, en ce temps, y avoit ung bourjois
en la cité, nommés Perrin l’Osillon, lequelle c’estoit annamourés et
acointés d’une servante, femme assés d’eaige, que alors servoit et
demouroit en l’ostel du seigneur Joachim Chaverson. Cellui Perrin
avoit, au jour devent dit, heu parolle à ycelle servente, et tellement
qu’il devoit, le soir ensuyant, venir couchier avec elle. Et, de fait, vint
à la nuyt, tandis que le seigneur n’estoit pas à l’ostel et souppoit dehors ;
et fut le bien venus. Mais, affin qu’il ne fût veu ne trouvés, ycelle femme
le fist caichier en leur cave ou cellier jusques à ce que le seigneur son
maistre seroit venus et couchiez. Et, pour ce que alors faisoit grant
froit, elle luy pourtait du chairbon alumés pour luy chauffer. Mais, de
mal fortune, ainssy que le seigneur Joachim retournoit à l’ostel, en
passant par la rue, il vit aucunement reluire en la cave la clairtés
d’icelluy feux. De quoy il ce esmerveillait que se pouoit estre ; et s’en
enquiert à la dicte sa servente, assavoir mon c’elle en sçavoit riens : mais
elle dit que non, et le nyait fort et ferme. Alors luy, qui estoit couraigeux et hardis, délibéra de sçavoir que c’estoit ; et, sen avoir aultre
compaignie, avec une bonne espée au coustés, antrait en la cave, résollus
de combaitre. Puis, quant il vit l’aultre fouyr devent luy, sen ce qu’il le
congneust ne qu’il sceust la cause pour quoy il estoit venus, il desgueina
son espée, courut après luy, et, sen plus aultrement enquérir du fait,
fraippait dessus ; et tellement le navra qu’il le randit à la mort. Et, jay
ce que le dit Perrin luy crioit mercy, disant pour Dieu qu’il eust pitiet
de luy, et qu’il n’estoit lairon ne murtreus, ains estoit venus laians à la
requeste de sa servante, et se escusoit le dit Perrin à son pouoir, mais,
néantmoins son doulx pairler, le dit seigneur estoit icy cy très innimés
qu’il le randit fort navrés, et qu’il ne vesquit gayre depuis. Et, aprez ce
fait, s’en aillait avertir Justice. Et fut le dit Perrin prins, ainssy navrés
a. Ms. : Stasbourg.

1518. — EXPÉDITION DES MESSINS CONTRE LES ENNEMIS

249

qu’il estoit, et mis en l’hostel de la ville. Touteffois, à la requeste de sa
femme et de ces amis, il en fut mis dehors ; et fut remenés en sa maison,
là où il ce allitta. Et devint sy très mallaide des copt qu’il avoit ressus
que dedans XV jours après il morut.
Gy vous lairés de luy et de touttes aultres chose le pairler pour
retourner au maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoigne.

[l’année i 5 i 8].
Quant se vint en l’an après, et que le milliair courroit par mil Ve et
XVIII qui fut l’an XXXIIIe de l’ampereur Maximilian en son Royaulme des Romains, fut alors fait, créés et assus pour maistre eschevin en
la cité de Mets le devant dit seigneur Joachin Chaverson, filz de feu
seigneur Jehan Chaverson.
Et en celle année, le premier jour que la dabte se acommence cellon
le temporel de la devent dicte cité, c’est assavoir à la Nonciatte de la
glorieuse Vierge Marie, à celluy jour, quy est le XXVe de mars, advint
ung grant bruit en Mets. Car novelles certaines vinrent au seigneurs
Sept de la guerre que, à celle journée, les annemis de la cite, c’est assa­
voir le devant dit Phelippe Schuchter et ces aydans pour le fait du
devant dit Pier Souffroy, dit Burtalz, estoit alors en airmes sus les
champs, et avoient desjay passés la ripvier de la Saire, environ le
nombre de XV cenc chevaulx. Et, incontinant ces nouvelle ouyes,
furent tantost les banneret envoiés par tout lez pairoiche de la cite
commender au peuple, sur corps et sur biens, et que chacun ce trouvait
en ung lieu dit en airme et en point. Et fut alors mandes le seigneur
Françoy le Gournayx, chevalier, lequel se tenoit à la Horgne ; mais
tantost qu’il le soit, il fut des premiers armés, luy et les siens. Et, quant
il fut venus, sortirent de la cité environ XVe piéton, bien am point
sens les chevaulcheur ; avec lesquelles l’on fist mener pains .vm et
bonne artillerie pour eulx deffandre et assaillir, se besôing estoit. Et fut
ce fait environ les VII heure du matin. Touttefïois, je ne sçay par
quelle espie, les annemis furent advertis, et leur fut dit que leur entre­
prise estoit descouverte, par quoy il retournairent amer sans aultre
chose faire. Et par ainssy les dit de Mets s’en revindrent amer en la cite
pour le jour meisme, au soir. Et, à leur retour, les faisoit très biaulx
veoir ; et faisoit bon ouyr les trompestes et tambourins de Suisses ;
en en très belle ordonnance rantrirent en la cité.
Item, en ce meisme temps, c’est assavoir quaitre jour apres a devent
dictes entreprinse, fut faictes une nouvelle ordonnance en Mets. Car,
alors et a jour dit, XXIXe de mars, fut establis, décrétés, institues et,
avec ce, passés par tout le grant Conseil de la cité que de ces jour en
avant, l’on ne vanderoit plus milles sairgentene, ne nulle bannerie ne
quairterie de l’Ospital en Mets ne és bourgz d icelle : ains fut dit et

250 1518.

— ORDONNANCE SUR LA GRATUITÉ DES CHARGES PUBLIQUES

destourrés*1 qu’el se donroient toutte franche et quicte, cellon la coustume ancienne, sauf et réservés les paisté et le dînés c’on ait de coustume de faire. Affm de éviter les inconvéniant que journellement en
venoient, et les mangerie et roberie que s’y faisoient. Et fut ce décret
et ordonnance faictes par l’amonestement d’ung bon perre Cordelliers,
nommés frère Estienne, d’Airas, lequelle pour celle année preschait la
karesme en Mets. Et avoit cy grant crédite et sy grant suyttes que tout
le monde corroit après ; et, pour la grant multitude de peuple qui le
suyvoit, tant de Mets comme de dehors, luy fut force, par licence, de
aller preschier en Wézeneux enmey la place de Chainge, et y fist plu­
sieurs sermon. Et croy, moy, qu’il estoit saincte personne, comme aussy
il en moustroit lez euvre. Maix, pour revenir à mon prepos, fut au jour
devent dit celle ordonnance faictes, instituées et passée. De quoy ce fût
estés ung grant biens pour le peuple, qui l’eust bien entretenue. Car,
devent celle institucions faictes, l’on achetoit plainement une sergenterie cenc ou VIXX libvrez, sans le paisté et les grans dînés qu’il fault
faire, qui coustoit la moitiet d’aultant ; et ainssy s’en faisoit des bannerie et dez querteries. Mais, tantost après, l’on n’en fist plus ainssy : car
les seigneurs et gouverneurs des dites offices les juoient a dés, et estoit
pour cellui qui la gaingnoit et à qui elle escheoit pour la donner et en
faire tous ces bons et plaisir. Et tellement que aulcuns, à qui le copt
escheurent, la donnirent à d’aultre, leur compaignons, que l’achaingeairent contre de l’airgent.
Item, le dit ans, par ung maicredi XIIIIe jour a du moix d’apvril,
à celluy jour le maistre eschevin sceoit avec ces perres pour déterminer
aulcune plainte à luy donnée. Entre lesquel y avoit alors ung grant
desbat et une hayne mortelle entre le seigneur Nicolle Roussel, ad cause
de damme Mergueritte, sa femme, pour aulcune perrolle et injure
rapourtée, que ung nommés maistre Maithieu, le médecin, natif de
Millan, et damme Marie, sa femme, natie de la ville d’Espairgnay en
Champaigne, avoient dictes, a grans deshonneurs de la devent dicte
damme Mergueritte, par le raport de ung nommés Dediet, l’apoticaire,
demourant en la rue de Fornerue. Et tellement que a jour devant dit en
estoit la plainte devent le maistre eschevin pour en déterminer, tant
du dit maistre Maithieu comme du dit seigneur Nicolle et de cellui
apoticaire. Pour quoy advint que, ce meisme jour, le dit seigneur
Nicolle, à l’heure dez IX heure du matin, vint à rencontrer le dit maistre
Maithieu devent la Grant Église de Mets ; et, là, le interrogait d’aulcune chose, et heurent deux ou trois parolle ensemble, bien rigoreuse.
Et tellement que, tout subit, le dit seigneur Nicolle tirait ung dollequin
qu’il avoit, et d’icellui donnait au dit maistre Maithieu deux ou trois
copt permi le bras, le cuidant frapper en l’estomach. Et, du copt, fut le
dit maistre Mathieu renversé en terre ; et cuidoit on qu’il fût mort.
Par quoy le dit seigneur Nicolle ce absentit et s’en fuit se tenir à Sainct
a. Ms. : jour jours.
1. Décidé. Destourrés est peut-être un dérivé de atour (prononcé étour).

1518. — ÉPIDÉMIE A METZ

251

Mertin devent Mets en franchise, de peur c’on ne le prînt. Et là fut
tousjours jusques à l’Ancencion Nostre Seigneur ; auquelle jour il ce
partit, et c’en allait se tenir à une bonne maison qu’il ait à Antelley.
Et, ce temps durant, le dit maistre Maithieu se commensait à guérir ;
mais, de sa malvistiés, quant il fut à peu près reguéris, il contrefit le
mallàide plus que devant ; puis, secrètement, fist tout chairgier le
siens et enmener. Et, tantost après, il c’en aillait, lui et damme Marie,
sa femme, sen commender 1 personne à Dieu. Et, premier que ce pertir,
il escript plusieurs cédulle, et ycelle mist et ataichait sur aulcuns escrms
et buffet qu’il avoit laissiet; et faisoient les dite cédulle mencion com­
ment en yceulx buffet et escrins y avoit grant trésor. Et, de fait, il en
fist plusieurs requestes à la cité, comme cy après serait dit quant temps
serait
Item, aussy en celle année, avindrent encor plusieurs fortune et
adversités, tant de guerre, de mortallitez comme aultrement. Et pre­
miers, le lundi après les Palme, se bouttait le feu en ung villaige en
Barroy, nommés Geus, scitués sur la ripvier d’Orne; auquelle y oit sept
ou huit maison brûllée par fortune d’icellui feux. — Et, paireillement
le dit ans, le maircredi des testes de la Panthecouste ensuiant, furent
brûllée par fortune de feu plusieurs maison en ung villaige en la duché
de Bar nommés Fléville. — Et, en celle meisme sepmaigne, fut brûllée
une maison, de nuyt, devent l’église de Sainct Mammm, à Mets, aperthenant à Baistien, portier de la porte aux Allemans.
Item, en celle année, environ la Paicque, fut bailhés le chapiaulx
rouge arévérand Perre en Dieu seigneur Jehan de Loraine, alors evesque
de Mets, et filz au duc René que fut, et ainssy fut fait cardinal du Saint
Sciège apostolicque. Et, tantost après, se partit le dit seigneur, et c en
allait à Romme, bien acompaigniez de ces gens et de aulcuns ces bons
amys, et là fut ressu et confermés ; puis tantost retournait, pour le dit
ans, environ la saint Jehan aprez.
*
Aussy, en celle meisme année, le jour de la sainct Clement, le deven
dit duc de Suffort, dit Blanche Rouse, non content de l’an passes,
entreprint de encor faire courre son chevaulx, par ung paige, encontre
le seigneur Nicolle Dex (lequelle desjay en l’an devent, par ung tel jour,
avoit courrus, corne cy devent ait estés dit) ; et valloit celle course la
somme de XXI escus au soilleil. Mais, de malle fortune, le paige du duc
se laissait cheoir en terre ; par quoy le dit seigneur Nicolle gaignai
encor la course et les escus. Puis, tantost après, se partit le duc, et s en
aillait en France dever le roy.
,
,
Environ cellui temps, ce ranforsoit la mortallites, et moroit on p us
fort en Mets que devent.
Mais le bief ce ravailloit de pris, et redevint quelque peu a bon merchief (car on donnoit le fin fromment pour X sols la quairte) ; et
estoient lez vigne en fort belle aparence.

1. Recommander. La phrase signifie : sans faire ses adieux à personne.

252

1518.

— ORDONNANCES NOUVELLES A METZ

En ce meisme temps, l’on ce craindoit tousjours fort en la cité de Mets
et au païs subgect, et n’atendoit on de jour en jours que la venue du
devant dit Phelippe Schulchter et ces aydans : car, quelque mandemans
c’on eüst obtenir de l’empereur, il n’en tenoient compte, et estoient plus
preste à mal faire que devent. Par quoy l’on fist fouyr les bonne gens du
païs, et leur fut comendés qu’il ne laissaient à la ville 1 que ce qu’il
voulloient perdre. — Et, daventaige, fut alors fait unghuchement devent
la Grant Église de Mets, lequelle contenoit que tous les bon homme qui
vouldroient aller cillier et gaingnier 2 leur moyxon fussent ambâtonés,
et qu’il fussent sur leur gairde. — Et, daventaige, fut encor huchiez et
criés que nulz hoste vendant vin, subgect au tairitoire et jurediction de
Mets, ne logeait ne habergeait nulz estraingier, quel qu’il fût, sur paine
de confiscacion de corps et de biens, sinon qu’il le congneust bien, ou
qu’il eust enseigne et paisseport de son cappitaine ; ou, aultrement, que
l’on mettît la main à luy.
Aussy, en ce meisme temps, l’on ce moroit tousjours en Mets ; et
encor plus se renforsoit la mortallités de jour en jours ; et, les premiers
qui moroient, c’estoient les plus josnes et les plus fort. Car le temps
estoit alors chault, estouffays 3, et de très malvaise ayr ; et se muoit et
chaingeoit souvant en ouraige, en fouldre et en tonnoire. Et tellement
que, le XXVIe jour du moix de juillet, jour sainte Anne, de nuyt, cheut
la fouldre ; et antrait en la maison de la Belle Croix, scituées au hault
de Désirmont, en laquelle estoit l’ermitte pour lors. Et veoit on plainement les enseigne et aparence en plusieurs lieu de la dite maison : et,
premièrement, au dehors, aux habis de l’imaige sainte Bairbe, nouvelle­
ment faicte et pourtraite, et en plusieurs lieu au mur. Paireillement,
du dedans d’icelle maison, fut fandus le mur de l’aitte 4 du feux ; et
sambloit, en aulcuns lieu de la chambre en laquelle estoit l’ermitte, et
au guernier, que le mur fût tout escorchiez, et y estoient tresse 5 amprainte et escriptes en plusieurs lieu par la maison. Et, avec ce, estoient
les mur noir par aulcune plaice ; et puoit léans comme ce fût estés pouldre de canon.
Paireillement advint encor, on meisme moix, le XXVIIIe, jour de la
sainct Panthaléon, du matin, qu’ilz y oit une femme du villaige de
Saincte Raffine devent Mets, laquelle à ce jour, acompaigniez de trois
aultres, c’est assavoir d’une de ces fille, grande à marier, et d’une aultre
josne fille du meisme villaige, grande aussy pour marier, et d’ung sien
frère, eaigiez de environ XV ou XVI ans, lesquelles tous ensemble s’en
ailloient au dessus de Génivaulx pour illec cillier du bledz. Et alors se
changeait le temps, et vint une grosse pluye, et tonnait deux ou trois
petit copt. Et celle femme et ces anfïans ce mirent soubz ung petit
1. Au village.
2. Gagner, récolter (le blé et les céréales).
3. Tofé, lofe, chaud et lourd, se dit du temps (Zéliqzon, Dictionnaire des patois
romans de la Moselle).
4. Atre.
5. Trace.

1518. — DISPOSITION DU TEMPS

253

airbre à refuge, et affin de ce gairder d’estre moulliez. Et, en atendent
que le biaulx vînt, se desjunoient de telz bien que Dieu leur avoit
donnés, c’est assavoir du pains bis et de l’eaue. Mais alors et tout sou­
dains vint et cheut ung copt de tonnoire et de fouldre, tellement qu’il
fouldroiait les deux josne filiez avec le guerson ; et la mère, qui estoit
ung peu arrier, fut causy morte et affollée 1 : mais toutteff^is elle en
eschaippait, et fut reguérie.
Puis, tantost après cest advenue, c’est assavoir a XXXe jour du
meisme moix de juillet, en advint encor ung aultre. Car, à cellui jour,
fîst ung merveilleux et orible temps. Et tellement que la fouldre et
tempeste cheut en l’église de Nostre Damme des Carmes. Et, qu il soit
vray, y fist des anseigne très évidante : car, en dessandant devers le
jubé, la où sont esseutte les petitte orgues, il vint prandre et araicher
une grande piesse de la cloéson de bois qui doit l’autel ; et la print tout
a plus près de la terre, et l’ampourtait. Et moy, l’escripvains, ay veu
touttes ces chose.
Et vous promect que cest année, à son acomencement, fut de mer­
veilleuse aparance, tant és bledz comme és vignes et és fruit. Mais il fist
cy grant chailleur environ le moix de may, jung et juillet, que les vigne
et les bledz heurent beaulcopt à souffrir ; et à celle occasion coudoient
les vigne treffort. Et furent ycelle véhémente chailleur cause des devant
dit oraige. Et aussy furent cause que l’on oit celle année grande deffaulte et indigence de foin et d’avuaine : et vandoit on une bonne chairée
de foins sincq ou six frant (et, qui l’eust voullus faire bien bonne, elle
eust bien vallus IX ou X frant), et la quairte d’avaine VI ou VII sols.
Touttefïois les froment furent les plus biaulx et les milleur que de loing
temps on eust heu ; et en y oit assés et à grant abondance. Combien que
en cest année en y oit moult de perdus et fouldroiés par tempeste, et en
plusieurs lieu : car, ainssy que l’en commensoit à cillier et à moixonner,
il advint ung merveilleux oraige, de nuyt, et le plus impétueulx et malgracieulx, espoventable et dangereux que de loing temps devent fût
veu, tant de l’esclaire, du tonnoire comme de la fouldre et du tempeste ,
et sembloit que tout le monde deust estre fondus et perdus. Et fist cest
oraige ung merveilleux et grans domaige és biens de terre, en acommensant devers la ville de Chamenat et en tirant devers Coing, Queuvrey,
Con sur Saille, Porgnoy la Chaitive, Loyville, Sillegnei, Pomérieulx,
Paulley, Flerey, Verney, et tout oultre en voie, en prennant tout ce
païs jusques à Ancerville. Et fouldroiait celle tampeste XVI ou XVIII
villaige, auquelles estoient les bief tant biaulx que de loing temps 1 on
[n’javoit veu les paireille.
Item, avindrent encor en cest estés plusieurs aultres fortunes et
plusieurs adventure à diverses personnaiges, desquelles à présant je me
despourte : les ung par mortallité à eulx ou à leur proichains, les aultres
par feux de guerre ou de fortune, et d’aultres par prison ou aultre

1. Tuée,

254

1518, JUILLET. — MEURTRE DE PIERRE BURTAL

inconvéniant et mescheutte. Car, à cest heure, tout le pays branloit,
et n’y oit guerre a de gens qui s’en sceust eslaver.
Tantost après ces choses ainssy advenue, en advindrent d’aultres plus
grandes, et plus dangereuse la moitiez, en fait de guerre et aultrement.
Et, promier, vous serait par moy dit et contés comment, en cellui temps,
y avoit en la ville d’Ainerey ung maréchaulx lequel aultre fois
avoit fait plusieurs malz et grant dommaige contre la cité de Mets ;
et avoit estés de guerre par deux ou trois fois : par quoy il avoit mérités
d’estre banis et forjugiés, et d’estre en la chaisse de la cité, et, avec ce,
d’estre mis et escript en leur registre corne annemis. Et tellement que,
pour les raison devent dicte, il n’y oysoit entrer ne venir : dont ce lui
estoit grant paine, et desiroit bien d’estre en graice affin de retourner
en la cité. Et alors, pour les raison devent dicte, quant il oyt dire et
qu’il luy fut contés la forme et le contenus du huchement que peu
devent avoit estés fait et criez en la cité de Mets en l’encontre du devent
dit Pier Burtault et ces aydans, comme cy devent avez ouy, celluy,
désirant de ravoir sa paix, et aussy pour l’amour de la pécune et du
profïit qu’il en prétendoit à recepvoir, se mist en adventure de tout
perdre ou gaignier. Et tellemant y besoingnait que, le dit ans, on moix
de juillet, il se trouvait au chasteaulx de Quesester, auquelle le dit
Pier Souffroy, dit Burtaulz, se tenoit, avec le cappitaine Francisque et
avec le devent dit Phelippe Sluchter, à qui le chaisteaulx apertenoit.
Et estoit son intencion de tuer le dit Phelippe, c’il eust trouvés son copt
à point ; mais il faillit, et tuait le dit Pier. Et puis, se fait, s’en vint à
Mets apourter les novelle. Et, néantmoins qu’il fût vray, et que l’on en
fût bien joieulx, l’on ne le creust pas du premier copt ; ains, pansant
qu’il le fist pour quelque fainte et affin d’estre en graice de la cité, fut
prins et mis en l’hostel de la ville en prison ; et là y demoura environ
sincq journée, jusque ad ce que la royalle *1 vérité du fait en fut congneue. Puis fut mis à delivre ; et lui fut fait comme on luy avoit promis.
Et, encor daventaige, l’on fist pour son honneur faire ung huchement,
le jeudi devant la sainte Mergueritte, et fut au dit jour criés publique­
ment, devent la Grant Église, qu’il ne fût nulz ne nulles, quelle qu’il
fussent, des manans et sougect de Mets, des bourgz d’ycelle ne du païs
subjecg, que, de ces jours en avant, reproichaisse en rien cestuy fait
au dit mareschault, sur paine de grant amende.
Item, le dit ans, devers le moix d’aoust, l’on ce racommensait treffort
à morir en Mets, et plus la moitiet que par devent.
Et furent en ce temps les bledz à bon merchief : car l’on avoit de bon
bledz pour IIII sols VI deniers ou pour V sols la quairte, et le fin froment
VI sols, ou VI sols VI deniers ; mais l’orge et l’avuaine estoient plus
chier la moitiés. Et faillirent en celle année les pois et les feuve : au moins

a. Ms. : geurre.
1. Réelle.

1518, AOUT. — LES ENNEMIS DE METZ RASSEMBLENT LEUR ARMÉE

255

n’y oit chose que à conter fût, et encor, ce qui estoit ne vailloit riens
pour la grande et véhémente chailleur qu’il avoit fait ; et ceulx qui en
avoient, tout ainssy malvaix qu’il estoient, lez vandoient XVIII ou
XX sols la querte. Et la navée se vandoit XVI sols. Touchant des fruit,
il en y olttantet àsygrant habondance en celle année que de loing temps
devent il n’en fut autant, ne cy bon, et de touttes sortes : réservés les
noix, qui furent tout affait greffane 1.

[les

ennemis pénètrent en force dans la terre

DE METZ].

Or avint, en ce meisme temps, environ l’Asumpcion Nostre Damme
au mey aoust, que les seigneurs Sept de la guerre de la cité de Mets et
tous le Conseille d’icelle furent bien a vray advertis et deuhement
informés que grande assamblée se faisoit, tant de gens à chevaulx
comme à piedz. Et couroient les nouvelles que c’estoit cellui cappitaine
Francisque, sy devent nommés, que faisoit cest assamblée, en aydant le
devent dit Phelippe Schluchter, son parans, pour le fait Pier Burtaulz ;
et estoit celluy Francisque compaignons au seigneur Robert de la
Mairche, comme cy devent ait estés dit. Et d’aultrez disoient que on
craindoit le filz du dit seigneur Robert, seigneur de Jamaix, pour le fait
de maistre Maithieu le médecin. Et d’aultre disoient que c’estoit monsseigneur de Guise, frère au duc Anthonne de Loraine, pour le fait du
princiés de la Grant Église de Mets, lequelz alors estoit à Romme pour le
fait de l’évesque Jehan de Loraine, cardinal et évesque de Mets : car
celluy princiet estoit de guerre à monsseigneur d’Ainerey. Aultre en y
avoit qui disoient que c’estoit pour le fait du compaignon qui ruait jus
les chevaulx Jehan d’Ollixey, le merchamps, et qui fut tués sur les
foussés de la porte aux Allemans, comme cy devent est récités. Et en
pairloit on diversement et en plusieurs maniers.
Mais, comment qu’il en fût, ne pour quel chose que ce fût, l’on crain­
doit fort la devent dicte assemblée. Par quoy l’on flst fouyr tout le païs
enthièrement, et fut commendés, le propre jour de la sainct Burthemin,
apostre, que chacun apourtait ceu qu’il avoit de bon à reffuge, c’il ne le
voulloit perdre. Et, avec ce, l’on flst assembler tout le peuple pour faire
leur monstre. Et fut commendé au gens de villaige qu’il ne demourait
és ville que les vielle femme, pour estaindre le feu, se besoincg estoit.
Et encor fut commendés à tous les laboureux et aultres qui avoient
grains en estrain, qu’il les feissent baitre au plus tost qu’il leur seroit
possible, et que tous l’estrains, et cuvelles, fût pourtés à l’uis et brûllés,
que riens n’y demourait. Et, incontinent ces novelle ouyes, les bonne

1. Proprement, les noix grijaigries sont les noix qui poussent sur un noyer non encore
greffé (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle, art. gréfenne).

256

1518. — LES HABITANTS DU PAYS SE RÉFUGIENT A METZ

gens se prindrent à wuyder tout ce qu’il avoient de bon. Et meismement a en furent les novelles espandue en Loraine et en plusieurs aultres
pays : par quoy l’évesque Jehan, cardinal du Saint Sciège apostolicque, mandait à ces subgect, telz comme Airs sus Muzelle, Ancy,
Chaitelz Saint Germains et aultres, qu’il ce salvaissent chacun là où il
pourroit mieulx.
Et dès tantost vindrent les sertaines nouvelle et la vraye vérités de
cest affaire ; et tousjours de plus en plus. Et tellement que, au dit jour
saint Burthemey, qui estoit le merdi, furent les seigneurs et gouverneurs
a conseil, de nuyt, jusques à mynuyt. Puis, tantost le lundemains a
matin, furent envoiez messaigier et soldoieur de toutte pars. Et encor,
de renfort, l’on fist fouyr les bonne gens, et commender que, ce il ne
voulloient tout perdre, qu’il vincent à refuge b, et corps et biens. Et,
aflin que l’en vît que le dangier y estoit, eulx meisme ne se laissoient
riens à wuydier par toutte leur place et forteresse que tout ne fût ame­
nés. Et alors fut la foerie *1 cy grande de toutte pars, tant le jeudi comme
le vandredi et le samedi, que ce fut merveille. Et estoient les gens à la
porte sy espessement qu’il ne se laissoient entrer l’ung l’aultre. Et fut
celle presse encor plus grande le samedi, pour ce que, le vandredi
devent, estoient venue novelle ce[r]taine comment l’armée estoit desjay
devers Boullay ; et que le dit Francisque y estoit en personne, lequelle
se desclairoit annemis à la cité de Mets et à tous les subjecgt et habitans
d’icelle. Et disoit on qu’il avoit délibérés de venir copper et trapper et
tout fouldroier les vigne du pays de Mets (dont se fût estés ung moult
grant dopmaige, car à cest heure elle estoient au plus belle, et sur le
point de meurir) ; néantmoins il avoit délibérés, comme on disoit, de
tout destruire et de tout mestre à feu et en flame. Et faire le pouoit,
pour ce qu’il avoit avec luy et en sa compaignie plus de XXII cenc
chevaulx, et deux fois autant de gens de piedz, et touttes gens de guerres.
Et, pour ces novelle, furent les gens sy espoventés que, à celluy samedi,
devent le jour, furent trouvés devent les porte de la cité plus de XII cenc
chair chairgiés tant de grains comme de biens meubles et d’anffans.
Et y avoit des gens à piedz cen nombrez, femme et hommes, viez et
josnes : ca[r] à cellui jour tout le monde subjecgz à la cité de Mets, et
d’aultres, s’en vindrent mestre à refuge en la cité. Par quoy les vivre
furent tantost ranchéris : et fut mis le froment à XI et à XII sols la
quairte (lequelle, le sabmedi devent, on avoit pour six et sept solz).
Et ainssy fut tout le peuple fort triboullés et esmus, et non sans cause,
corne vous oyrés.
Puis, quant ce vint au lundemains, qui fut dimenche, XXIXe jour
du moix d’aoust, auquelle jour estoit la feste de la Décolacion saint
Jehan, moy, l’escripvains de ces présentes, estant lors à ce jour, du
a. Ms. : meisment.
b. Ms. : refure.
1. La fuirie. Mot créé par Philippe ? Ou bien est-ce un dérivé de foire ?

1518, 29 AOUT. — LES LETTRES DE DÉFIANCE APPORTÉES A METZ 257

matin entre sept et huit heure, à la porte des Allemans, vint la et
arivait le messagiers des devant dit Francisque et Phe ippe Schluchter
à chevaulx et bien montés ; lequelz venus print et tirait dehors
lettres de deffîances, et là les desploiait. Et, ce fait, les voulloit donner
à Baistien, pourtier d’icelle porte, affin qu’il les pourtant présenter a
maistre eschevin. Mais le dit Baistien, saige et advises, nere SU^aS’
ains ait prins cellui messaigier par la bride de son chevaulx, et le menait
luy meisme devant le Pallas avec ycelle deffiance, lesquelles a la vueue
de tout chacun, estoient estaichée au bout d’ung baitorlei eseve<een
hault. Et là fut le messagier plus de demi heure devent 1 eghse,>usjou
à chevaulx et tenant ycelle lettre comme dit est,en * ""sakier
Conseil fût assamblés. Puis, quant tous fut venus, fut
qui estoit ung josne guerson, menes devent eulx. Et futout pre
ment requis de moustrer ces lettre de messagerie : lequeUe-fat cy tron
blés qu’il fut une bonne espaisse de temps qu il ne les pouoit trouv^
Touttefïois il les trouva et moustra. Et apres ce qu
nvovait
ycelle deffiance, et bien avisés le contenus des dicte lettre, on e
y
celluy messaigier dîner ; et fut conduit en l’hostel au Loups en pendant
si relponce • et alors tout le monde courroit après pour le veoir. Et des
incontinant l’on envoiait encor de rechief dire par !les
chacun vînt à reffuge, et corps et biens, en a cite,
î e
et a vray estoit la guerre ouverte et mortelle. Et, aussy a ce meism
jours, l’on ressut aulcuns compaignons pietton au gaiges.
Pa reillement a meisme jour, avint une piteuse adventure Car, auprès
de iT eX devent MeJ, s, vmrent
rinvier tout au bout de la ville, du coustes devers Mets. Et, en la presse
d’ycelle doubte et foerye qui alors estoit, et que chacun se ai
,
yceulx chairtons, désirant chacun de espédier sa, ^auî tiroTt à
tront hastif de ce boutter en l’eaue, especiallement cellui qui Ur0lt. a
Mollin et qui alloit tout à wuyde, courrant de force ; par quoy au
,
qui estoit clairgiez et qui venoit à Mets, se voult destourner pour luy
et entrait en la ripvier plus avent que mesüer- ne luy fuL
Ft vint à nasser la rue d’icelle chairette sur une roiche qui estoit en
IVaue de quoy grant meschief advint : car la dite charrette tombait et
fut renversée en la ripvier. Sur laquelle estoit une j°sne “une ^quelle
de vif anffans, avec ung homme, qui estoient de^7" ^1 eaue et en
homme voyant la povre femme grosse estre ch u
. f


passant pa, là «tant tons

t'ont inc.n-

a Cairme, et, moienant la graice de la belle uamme,
ba£mc.llui dimanche, aussy le lundi et le mairdi apr^i«~y que
l’on amenait en Mets, tant de nuyt que de jour plus de X
h
de bledz en estrain, et tant d’aultre biens qu’il n estoit point a dire.

1518, 1er SEPTEMBRE.

— LES ENNEMIS AVANCENT SUR METZ

Car il estoit de nécessités, pour ce que, durant ce temps, les annemis
aproichoient tousjours. Et néantmoins que diverse messagiers alloient
et venoient tous les jours, et disoit on que la paix ce traictoit, comme
vray estoit.
. Toutteffois, cellon que alors la cité fut au plus despourveutte que
jamaix fut, l’on faisoit grant préparacion pour ce deffandre. Et fut, le
mairdi, fait une monstre de gens de piedz, la plus belle que de loing
temps devent fut faicte en Mets, et de gens les mieulx acoustrés et en
point : car il furent estimés et nombres à XXII cenc ou plus, tous jantilz
compaignons, et fricque 1 gallans. Et furent conduit et menés permi le
baille du pont des Mors, auquelle il furent mis en ordonnance ; et
sortirent par la porte du pont Thiefïroy, et puis passairent oultre le
pont, et c en allairent en belle ordonnance, sept et sept 2, par le poncel
de W aippei, et, dellà, tout parmi l’isle du pont des Mors ; puis ont
retournés arrier dedans Mets. Et vinrent à passer en telle ordonnance
tout par devent la Grant Église, droit à l’avallée de Fornerue, et, dellà,
parmi Chamge, jusques au Champs Paissaille. Auquel lieu furent
faictes plusieurs monstre, revoulte 3 et fait de guerre, tant pour assaillir
comme pour ce deffandre. Et fut ce fait pour aprandre et enseignier les
compaignons, et pour leur moustrer comment, en estrémités et en
nécessités, il se debvoient deffandre et assaillir. Et n’y avoit alors en
celle compaignie nulz estraingiers, que touttes gens de Mets et du païs
subjegz : desquelles en y avoit plus de XV cenc, des bien armés et
em point.
Or, durant que ces chose se faisoient, estoient et se tenoient les anne­
mis ampairqués en ung prey auprès de la ville des Estans. Desquelles
annemis s en despartirent plusieurs adventuriers pour courir et ribler
par le pays. Et tellement que, le derniers jour du dit moix d’aoust, s’en
vmdrent yceulx adventuriers courrant en fouraige par devant ung petit
chaisteaulx aparthenant au seigneur Françoy le Gournay, chevalier,
nommes Viller, auprès d’Airs Laquegnexey. Et, pour ce que la guémsson 4 qui alors estoit au dit chaisteaulx ont heu tiriés aulcuns bâton
à feu après les dit aventuriers, il ont, en despit de ce, bouter le feu en
une petitte moitresse auprès de là, apertenant au dit seigneur Francoy
Et, à ce jour meisme, ont touttes brûllée la ville de Glategney, sur le
tairt ; et y firent leur gait toutte la nuyt.
Puis au lundemains, premier jour de septembre, il ont despairqués
de ce lieu ; et mairchairent en venant devers Pontoy, apertenant au
seigneur Michiel Chaverson. Et alors, ceulx qui estoient commis à
gairder celle plaice et qui estoient enclos dedans, voiant venir celle
multitude, abandonnairent le lieu et c’en fouyrent. Et les annemis
1. Frische, en bon état.
2. Sept à sept.
:ereifeT^' ^ m0t’ d’°rigine italienne’ semble ici désigner des manœuvres ou des
4. Garnison.

1518,

SEPTEMBRE. — SITUATION EN METZ

259

vinrent loigier en la ville ; et le devent dit Francisque, luy et aulcuns
des principal, furent lougiés en la fort maison. Puis, ce fait, le dit jour,
V oit plusieurs des leur qui coururent par le pays, par vmcg, par cenc,
et en plusieurs bande. Et, de fait, prindrent la herdre d’Oixey tout au
plus près des Bourdes à Vallier. Et prindrent encor, le dit jour, plusieurs
aultres bestes, brebis, chair et chevaulx, avec aulcuns prisonniers.
Et, à ce jour meisme, boutairent le feu en une chairée de bief en estrains
crue ung povre homme laboureux amenoit à Metz à refuge. Et furent
courrir jusques tout dedans les vigne d’Oultre Saille. Et, à ce jour
meisme, estaient les soldoieurs de la cité sur les champs ; et en priment
aulcuns des leurs. Entre lesquelles fut prins ung gentilz homme qui
estait homme à l’ung dez fîlz seigneur Robert de la Mairche, seigneur de
Jamaix.
Par quoy pour ces choses et plusieurs aultres, 1 on se doubtoit fort en
Mets de trayson, pour ce que avec ces gens ycy estaient plusieurs
aultres qui demendoient et acqueroilloient la cité de diverse querelle.
Premier demendoient réparacion de la mort du devent dit Pier Burtault. Item, d’aultres, comme l’en disoit, demendoient, par 1 aveus
de l’empereur, grant somme de denier et ung pris hors de raison pour
la mort du devent dit compaingnon qui fut tués sur les fousses de a
porte aux Allemens pour ce qu’il avoit heu rués jus les chevaulx Jehan
d’Ollixey, le merchampt, comme cy devent ait estés dit. Et y avoi
alors plusieurs aultre querelle et demande que les annemis faisaient
à la cité, et que tout revenoit ensemble. Et tenoient amssy le pais en
sugection, pour ce qu’il sçavoient biens que la cité estait alors a plus
despourveute de vivre que jamaix fût : car alors, en Mets, n y avoi
comme nul bledz, foingz, ny avuaine, au moins chose que a compter
fût pour longement tenir, sauf et réservés se que les bonne gens y avoient
amenés de nouviaulx à reffuge (que n’estoit pas le quairt de ce qu i en
avoient laissier dehors). Et, avec ce, n’y avoit nul vin ; et dévoient les
povre vignerons plus qu’il n’avoient vaillant, ad cause de la malvaise
année précédante, et de plusieurs aultres fortune qu il a\oien ressus
par devent : car, par le chier temps de vivre qui avoit estes, comme cy
devant est dit, le povre peuple, tant laboureux comme vignerons,
avoient la plus pairt mangiés leur bledz et aultres chaistes en herbes.
Et, qui pis est, maintenant leur créditeur, lesquelles jusques ycy les
avoient aydés et secourus de bledz, d’argent et aultres choses, espérant
de en cest année recueillier les fruict et chaistés des dite vignes pour ce
paier, et voyant le dangier où tout pandoit, estaient reffusant de les
plus aydier : car chacun, ou la plus part, avoit bon besomg de ce qu i
pouoit faire, et de restraindre le sien, de peur d’en avoir nécessites.
Par quoy le pouvre peuple estaient comme à desesperes ; et, qui es
eust laissiet faire, il ce eussent fait tuer, ou il en eussent eu es P e
Mais les seigneurs et gouverneurs du bien publicque en e s ne
laissoient aller dehors au champs à leur voulluntés, ains, comme saige,
les entretenoient en doulseur et : « Vivon ensamble ! ».
Ce non obstant, quelque chose qu’il en fût, y oit plusieurs aventuriers

260

1518, 4 SEPTEMBRE. — ATTITUDE DU PEUPLE DE METZ

de la cité lesquelles, à ce jour, olrent lisance de saillir dehors. Et se
mirent à 1 aventure ; et tellement ont fait et besoingniez, et se bouttairent sy avent au champs qu’il ont ramenés deux ou trois des annemis,
et, paireillement, les souldoieur autant ; et fut ung bon homme de
villaige qui en tuait ung, et le ruait sur les cairiaulx. Et furent leur
chevaulx et armeures vandues et buttinées devent la Grant Église de
Metz.
Item, au jour devent, qui fut le maicredi, estoit venus en Mets le
Rm de Grève à XX chevaulx (qui est ung conte on païs d’Allemaigne).
Auquelle la cité fist présant de plusieurs flascon de vin ; et furent les
seigneurs et gouvergneurs de la cité pour ce jour parler deux ou trois
fois à luy en son logis. Et, le lundemain, qui fut jeudi, troisiesme jour
de septembre, après le dînés, s’en retournait le dit conte au campe des
annemis. Et fut à ce jour ordonnés par Justice à la porte que, c’il
retournoit de nuyt, à quelque heure que ce fût, c’on le laissait dedans.
Mais il ce advensait plus tost qu’il ne pansoit ; et retournait encor à
Mets le jour meisme. Et, avec ce, y couchait ; et furent derechief les
seigneurs et commis de la cité, le vandredi a mattin, quaitriesme jour
de septembre, pairler à luy en son logis, à l’hostel à l’Ange. Et venoit
ainssy et alloit le dit seigneur pour traicter de paix. Mais, toutteffois,
l’on ne fist rien pour celluy jour, et ne se polt on acourder. Ains furent
se vandredi, environ les deux heure après midi, bouter les feu à la ville
de Beveux, à Domengeville et en d’aultre lieu. Et passairent à ce jour
les aulcuns de l’armée le wey d’Olxey ; et prindrent aulcuns chevaulx
devers Sainct Ëloy. Par quoy y oit une grosse alairme on Vaulx : car il
cuidoient que tout le campe paissait oultre, et qu’il ce Vincent lougier
on Vault.
Paireillement, ce dit jour, y oit grant murmure en la cité entre le
peuple. Car, pour ce que les bonne gens se veoient ainssy destruire, et
que nul espéreance ne reconfort n’avoient alors de leur seigneurs, se
leur sembloit, il se mutinoient ; et estoient quaisy délibérés de faire des
choses assés mal faictes, et disoient de grosses et villaines perrolles.
Et, qu il soit vray, le seigneur Andrieu de Rineck, chevalier et seigneur
de Laiduchamps, avoit heu requis au Conseil et Sept de la guerre de
avoir vivre de la ville, avec ung cantités de compaignons pour mestre
en guernison en son chaisteaulx de Laiduchamps. Laquelle chose lui fut
acordée ; et furent mandés quelque XXX ou XL compaignons, vigne­
rons et aultres, tous josnes, gallans, bien délibérés et am point, les­
quelles furent menés au piedz des degrez de Chambre ; et illec, en ce
heu, le dit seigneur fist sa hairangue, disant qu’il woulcissent aller à
Laiduchamps en guernison, et que là leur seroit envoiés assez vivre.
Alors respont pour tous l’ung d’iceulx compaignons, nommés Jehan,
de Wegy, et demandait au dit seigneur, et dit qu’il estoient très content
d y aller, entendus qu’il sceussent quel gaige leur seroit bailliez et qu’il
aroient pour ce faire. A quoy le dit seigneur respondit que nul gaige ne
s’y donnoient ; mais, de vivre, il en aroient à planté et habondance,

1518, 4 SEPTEMBRE. — VILLAGES BRÛLÉS PAR LES ENNEMIS

261

avec servoixe. Et, quant il oyrent celle responce, furent très malz
content ; et ont demendés qui gouverneroit1 doncques leur femme et
anffans. Et alors y oit grant murmure et d’ung cousté et d’aultre ; et,
jay ce que en ce temps le dit seigneur Andrieu fût l’ung des crains et
redoultés de la cité, ce néantmoins, tous soudains et court, il ont tournés
le dos, cen dire adieu. Et, encor plus fort, en allant, ont dit les aulcuns
au dit seigneur que, c’il avoit estés à Laiduchamps faire la bonne chier
et boire ces vins à plantés durant la mortallités, qu’il y retournait
encor pour la gairder : car eulx n’y entreroient jay ; et amoient mieulx
boire du vin à Mets que de la servoise en son chaiteaulx de Laidu­
champs. Et plusieurs aultres parolles injurieuse dirent encor, lesquelle
pour abrégier je laisse. Et fut encor pour ces chose alors la murmure
plus grande que devent. Et moy, l’escripvain, le sçay au vray : car,
pour ce jour meisme, je fus convoiés au dînés et à la tauble du dit
seigneur, avec d’aultre 2 ; de quoy il en y oit durant ce dîner plusieurs
parolles randues.
Mais, pour retourner a prepos du Ringrève, à ce jour de vendredi,
retournait a campe des annemis ; et emmenait avec luy le seigneur
Michiel Chaverson. Et fut derechief ordonnés au portes de la cité de les
laissier rentrer en Mets, à quelque heure que ce fût.
Aussy, en ce meisme jour, yceulx annemis assaillirent le chasteaulx
de Viller, aparthenant au seigneur Françoy le Gournaix. Lequelle ne
thint gayrre ; et fut tantost prins et fouraigiés. Et y perdit le dit sei­
gneur Françoy, tant en bledz, en avuaine comme en artillerie et en
meuble, la vallue de plus de XV cenc franc. Car il estoient bien trois mil
hommes à l’entour : néantmoins que au dit chaisteaulx y eust de bonne
artillerie et de bonne provision, sy n’estoit il possible de longuement
tenir. Puis, ce fait, et qu’il heurent prins et emmenés tous ce de bons qui
y estoit, avec les prisonniers, il donnaient congiez aux lansequenecht
et aultres serviteur qui estoient au dit seigneur Françoy, et ne rethindrent que quaitre ou sincq d’iceux prisonniers, pour ce qu’il estoient
natif de Mets : c’est assavoir ung compaignon de la paroiche Sainct
Mamin, nommé Rambustaire ; et ung aultres, nommés Dediet Le
Course, demorant alors on gerdin du dit seigneur à la porte aux Allemans ; et le thier fut ung pottier d’estains nommés Jehan Collair, de
dessus le Pont à Saille ; et ung collevrenier de la ville, nommés Françoys
Thisse ; et avec eulx estoit encor ung compaignon fondeur de derrier
Saint Suplice, pour bonbairdier, nommés Jehan de Fer.
,
Et, après ce fait, il boutirent encor les feu a Laquenexey ; et n’y
demourait rien, tant en ce lieu comme en trois ou quaitre aultre villaige
entour, que tout ne fût brûllés et airs. Aussy, de celle guerre, fut toutte
brûllée la ville de Sorbey ; et y perdit moult Jehan de Viller, l’ament.

Item, en ce meisme jours furent et paissairent les aulcuns des anneassurerait la subsistance de leurs femmes et de leurs enfants.
2. D'aultre remplace un nom propre qui a été effacé (c’est celui de « Jaicomin Travaulx l’amant », Mémoires, éd. Michelant, p. 334).
1. Qui

262 1518, 5

septembre.

— les ennemis se rapprochent de metz

mis l’eaue à Maigney. Mais on en fut advertis, et furent incontinent
envoiez environ XL chevaulx de la cité, lesquelles bien en haitte les
reschaissirent.
Item, aussy le dit jour de vandredi, quaitriesme de septambre, la
guernisson du chasteaulx de Pontoy, apperthenant au seigneurs de
chappistre de la Grant Église de Mets, voiant que lé chaisteaulx de
Viller, Montoy, Sorbey et aultres estoient prins etrandus, et leur baitons
et artillerie et aultres biens perdus, heurent conseil ensamble. Et, après
tous advis, doubtant que ainssy ne leur en prînt, et qu’il ne puissent
résister a contre cy grande multitude b de gens (comme vray estoit),
délibéraient de prandre chair et chairette de léans, et de tout faire
chairgier, artillerie et aultres biens, et de abandonner la plaice et c’en
venir à Mets à reffuge. Et ainssy en fut fait, comme saige. Et parmy
ce il se saulvirent, eulx et leur biens.

[les

ennemis devant les portes de metz].

En ce meisme jour de vandredi, au soir, retournait en Mets le devent
dit Rin de Grève, et avec lui le seigneur Michiel Chaverson. Et le furent
les seigneurs commis pour la cité visiter en son hostel à l’Ange. Et alors
fut faictes trêve de non plus boutter lez feux jusques au lundemains
à midi, qui fut le jour de la saint Marcel, sincquiesme jour de sep­
tambre.
Auquelle jour furent arrier mandés tous les compaignons de guerre
on Champs Paissaille : c’est assavoir les piétons de Mets et du pays.
Et se y trouvaient environ XIIII ou XV cenc, bien en point ; lesquelles
furent tous despartis et séparés aux portes et au baille de la cité, pour
gairder l’antrée. Et, avec ce, l’on fîst toutte retirés lez bestes és'baille
et auprès des portes : car il fut dit, pour ce que alors l’on estoit sur
traictiés de paix, que les annemis avoient délibérés de assaillir quelquez
porte, et lever les bestes.
Et, de fait, environ une heure après midi, il ce pertirent de Montoy,
et s’en vinrent, plus de Ve , devers les Bourde à Waillier ; et la grosse
armée venoit après, tellement que tout le païs en reflamboioit et en
estoit couvers. Et puis ont bouttés le feu au dit villaige de Montoy ;
et y brûllairent plusieurs maison. Aussy fut à celle fois toutte airs
Glategney, Failley, et perreillement la ville des Estans (jay ce que
monsseigneur le protonoctaire Nicollay Baudoiche se y tenoit, lequelle
estoit cousin germain à monsseigneur de Jamaix, qui estoit en l’airmée).
Item, à celle meisme heure, furent sincq ou six cenc des annemis qui
paissairent l’eaue à Maigney, cuidant aller en Vault.
Et, durant qu il faisoient ces chose, et environ une heure après midi,
a. Ms. : resirter.
b. Ms. : multiture.

1518, 5 SEPTEMBRE.

NÉGOCIATIONS POUR LA PAIX

quaitre des seigneurs de la cité, c’est assavoir seigneur Andrieu de
Rineck, chevalier, seigneur Claude Baudoiche, chevalier, seigneur
Régnault le Gournaix l’annez et seigneur Androuuin Roussé, yceulx
quaitre seigneurs, ad ce commis de part le Conseil, avoient mandés par
devent eulx en la chambre des Sept de la guerre tous les estât de la cité.
C’est assavoir les chainoigne de la Grande Église, ceulx de Sainct
Salvour et ceulx de Sainct Thiébault, les abbés et abesse de Mets et des
bourgz, les Célestin, et les curés, et plusieurs aultrez rantés et béné­
ficiés. Et, avec ce, furent mandés tous les riche bourjois de la cité, et les
riche weufve, et tous ceulx et celle que on pansoit ou présumoit qui
eussent airgent d’anffans en gairde par aulcune maimburnie ou aultrement. Et, illec, les firent entrer l’ung après l’aultre dedans la dite cham­
bre et devent les quaitre commis devent dit. Et fut à ung chacun d iceulx
bourjois remonstrés perticullièrement la grant nécessités et le grant
dangiers auquel nous estions ; et fut dit que les annemis avoient déli­
bérés de tretout fondre et destruire le païs, ou il failloit qu’il eussent
une merveilleuse somme d’airgent. Pour laquelle à trouver, et pour
éviter cellui dangier (et aussy la conséquance qui en poulroit venir),
force estoit que chacun mestît la mains à l’euvre ; et pour ce voulaient
enquérir, et demandoient yceulx quaitre seigneurs commis assavoir
combien chacun presteroit voulluntier à la ville pour aydier à trouver
cest merveilleuse somme, promectant yceulx que dedans le jour de
Noël après, ou la Paicque ensuyvant, a plus tairt, de le randre tout
enthièrement. Et ainssy en fut fait. Et dit alors chacun de combien il
ayderoit la ville à cest affaire. Et de chacun escripvoit le greffier la
somme et les nons, c’est assavoir combien chacun devoit prester. Et je,
l’escripvain, sçay ces chose a vray : car je fus mandés avec les aultres ;
et fis mon debvoir cellon ma facultés et puissance.
Durans que ces chose se faisoient, le seigneur Michiel Chaverson, avec
le devent dit seigneur Rin de Grève, retournairent de perler au annemis
pour le fait de celle paix. Et s’en vint le dit seigneur Michiel en la cham­
bre des Sept de la guerre, tout ainssy houssés, esperonnés et airmés de
toutte piesse qu’il estoit, avec ung biaulx hocqueton de vellours qu’il
avoit vestus sur son hairnaix, mespartis rouge et vert. Et aussy, ce
temps durant, desvaillait deux ou trois fois l’une des gaitte de dessus le
grant cloichier de Meutte pour venir annoncier aux seigneurs commis
en la chambre les alléez et venues d’iceulx annemis ; et dirent comment
il bouttoient les feu, et ce approchoient forte des porte. Par quoy nulz
n’oisoit saillir dehors.
Et aussy, au camp des annemis, venoient tous les jours dez gens
nouviaulx, eh se renforsoient à chacun jour de plus en plus. Et avoient
et tenoient en leur camp tous les jour le biaulx merchief, comme en
une bonne ville : car touttes danrée suyvoient après, c’est assavoir
drapperie, mercerie, espicerie, vandeur d’espée, fourgeurs d’esperons,
forbisseurs et aultres fairaige \ boullungiers, cordonniers et maires1. Instruments, objets de fer.

264

1518, 5

SEPTEMBRE. — EXPLOITS D’AVENTURIERS MESSINS

chault, bouchier, taverniers, et fille de joye, et de tous les mestier qui
sont de nécessités et requis en campe et en tel affaire ; et aussy y venoient les merchamps de Louraine et d’Allemaigne pour acheter le
buttin et enchaingier contre aultrez danrée. Et baitoient les bledz és
grainge, et les vandoient à qui en voulloit pour deux ou trois gros la
quairte (le plus fin froment que l’on sceust trouver : car de loing temps
devent 1 on [n Javoit heu point de cy bon bledz, ne cy net, ne cy bien
conrés comme cest année, et aussy ce moustroit à l’estrains, qui estoit
blanc comme neige ; et en avoit on à cy grant plantés que tout le païs
en estoit plains).
Mais, à cellui jour, il fut cy ranchéris en Mets qu’il estoit desjay à
XII sols la querte, et plus (ce que l’on eust heu aparavent pour V sols).
Et, ce le temps durait1 ung peu, il ce fût vandus XVIII et XX sols.
Item, aussy durant ces chose, y oit ung compaignon, natif de Avencey on païs de Mets et auprès de Sainte Bairbe, nommés de son droy
non Maithieu (mais communément l’on ne le nommoit que le maire
Beuze), lequelle alors estoit ung biaulx gaillans et ung puissant ribaulx,
fort et roide ; et avoit hantés és guerre devent dicte dez Ytaillye. Cellui
compaignon, luy XIIe de josnes gallans qu’il avoit assamblés à Mets, de
plusieurs airt, se mirent à l’aventure. Et, en la conduicte d’ycelluy
maire Beuse, se en aillirent ambûchiés par deniers le camp, du coustés
vers les Estans. Et là vinrent à ruer sur les vivendiers et mairchamps
de Loraine et d’Allemaigne qui venoient d’icellui coustés ; et tellement
exploitairent les gallans devant dit qu’il en ruairent jus plusieurs, et en
despeschairent quaitre ou sincq des leurs ; et gaignairent deux chevaulx et environ douze cenc franc d’airgent, lequelle argent fut buttinés
entre eulx. Et aussy fut par eulx rancontrés ung messaigier qui pourtoit
une lettre au campe, avec ungne moult belle tairtre, bonne et bien faicte,
que une damme d’Allemaigne envoioit à son seigneur et mary qui
estoit au campe ; mais celluy messaigier, avec la lettre et la tairtre, fut
amenés à Mets, et furent ces lettre desploiées et leutes, et la tairtes
mengée en grant joie. Mais le mal fut car yceulx gallans, quant il olrent
bien beu, se combaitirent ; et olrent grant question ensamblez en des­
partent leur argent ; et tellement que l’ung d’yceulx, nommés Gerdines,
qui estoit josne clerc au seigneur Françoy le Gournaix, en oit causy la
teste fandue, et en resseust une grant playe. Par quoy, depuis, ne firent
aulcuns biaulx fait.
Item, à ce meisme jour, ainssy comme le campe ce levoit de son lieu
(c’est assavoir de la ville de Montoy, comme cy devent ait estez dit),
se despairtirent plusieurs malvaix guerson de la grosse armée, et s’en
vinrent, courrant devent, se fourer a villaige de Vaillier, pour illec pillier
et desrouber, se aulcune chose eussent trouvés. Entre lesquelles y avoit
ung josne laichyer 2 qui print ung menon de xoul3 alumés de feux, et,
1. Durât, eût duré.
2. Lechière, cas sujet de lecheeur,« vaurien *, « brigand ».
3. Un menon de hhoû, une poignée de glui, de paille de seigle.

1518, 5 SEPTEMBRE. — MAUVAIS GARSON TUÉ PAR UN PAYSAN

265

ainssy le tenant en sa main et brûllant, courroit de toutte sa puissance
vers une maison pour y bouter le feu. En laquelle maison estoit par
copt d’aventure venus le bon homme maistre d’icelle pour aulcune
affaire qu’il y avoit. Mais, quant il vit cellui gair avec son feu, il fut
tous esbahis, et lui demanda où il alloit avec ce feux. Et le gair malvaix
guerson, cen rien estre esbaihis, luy respondit franchement et dit :
« Je viens boutter le feux en ta maison et la brûller ». Et pairloit ainssy
hardiement et aroganment pour ce qu’il santoit la suitte de leur gens
qui venoit après luy. Mais le bon homme, à qui le cuer fist mal de l’ouyr
ainssy orgueilleusement respondre, ne le polt plus souffrir ne endurer .
ains de cuer et de couraige luy vint à donner ung sy grant copt de son
espiés parmy le ventre qu’il le trespairsait de part en part , et, daventaige, le frappait de sy grant roideur et force que la pointe du dit espiet
entrait dedans ung huis de bois, tellement qu il thint à la planche.
Puis, ce fait, c’en retournait à Mets avec son espiez tout dessaingniez et
ploiez ; et laissait illec son home mort.
Aussy, durans ces jours, avindrent encor plusieurs aultre adventures.
Desquelles d’une partie je me desporte ; toutteffois vous en dirés ycy
une très piteuse, qui avint pour le jour meisme. Le cas fut telz que,
pour ce temps, le seigneur Nicolle Dex avoit et tenoit ung biaulx manoir
et lieu de plaisance scitués et essis au bout du bourgz Sainctz Jullien,
dessus le ruyt de Waillier. Et, en se lieu, y avoit ung mollin à papier ;
et paireillement y avoit une bonne tour en la maison, avec la court et
les muraille entours, esses souffisante et forte, se sambloit, pour une
course. Par quoy le devent dit seigneur Nicolle, non pansant ne doubtant que les annemis deussent venir cy près de la cité, délibéray de y
mestre aulcuns jantil compaignon, pour seullement la tenir close, et la
guerder que aulcuns malvaix guerson adventuriers n’y mist le feux.
Et pour ce faire y envoiait ung sien serviteur, en qui moult se fyoït,
nommés Baistien ; et aymoit moult cellui seigneur le dit son serviteur,
car il l’avoit trouvés loyal en plusieurs ces affaire. Paireillement le dit
seigneur avoit ung sien voisin, demourant devent sa maison en la grant
rue des Allemans oultre Saille, nommés Phelippe, le bairbier , celluy
Phelippe hantoit journellement chiez le dit seigneur. Et avoit celluy
herbier ung gendre, josne compaignon, nommés Géraird, auquel pai­
reillement le dit seigneur avoit grant fiance, et l’amoit beaucopt pour
sa bonté. A ces deux ycy fut principallement donnés la chairge de la
gairde d’icelle maison. Et, pour les y asister et aydier, leur fut encor
donnés ayde de sept ou huit aultres gentilz gallans. Et premier y fut
envoiés ung josne et royde gallans de Porcellis, nommés Jehan Michiel,
le chaussetier ; paireillement y fut envoiez ung compaignon de la ville
de Montigney, nommé Privé ; et aussy y fut le bon homme papellier
de léans, nommés Mouffin, avec ung sien filz, qui estoit nouvellement
1. Ouvrier papetier (Philippe a expliqué plus haut qu’il y avait là un moulin à papier).

266

1518, 5

SEPTEMBRE. — NEUF COMPAGNONS MESSINS TUÉS

mariez, et qui estoit bien gentilz ruste ; puys y estoit encor ung aultres,
nommés Fairey, avec encor deux ou trois aultrez compaignons, tant de
Vallier que du bourgz Saint Jullien, avec ung josne guerson. Iceulx
IX ou X josne hommes furent mis et commis à la gairde d’icelle maison,
comme dit est devent, pour la tenir fermée. Et ne craindoient pas que
les annemis fussent sy oysés de c’y trouver ne de se venir esbaitre cy
près de la cité. Mais leur cuidier les desseust, et en fut aultrement.
Car plusieurs aventuriers d’iceulx annemis vindrent illec abourder, et,
avec biaulx copt de haiche, sans crainte nulz, descoupairent les huys et
les portes de la maison, et tellement que ceulx de dedant n’y polrent
mettre remède qu’il n’entrissent en la baixe court. Et se combaitirent
ensamble ; en fasson tel que le bon homme de léans en ruait ung dessoubz luy, et ung de ces compaignons vint et le trespairsait d’une picque
tout parmi le corps ; puis luy ont tranchiez la teste (et ainsy en fut il
dit ; mais je ne le vis pas). Toutteffois, comment qu’il en fût, il est vray
que, durant qu’il ce combaitoient, les annemis vinrent à grant puissance
et assaillirent la maison de touttez part ; et furent les aulcuns qui
montairent les mur du coustez de derrier, et tellement les souprindrent,
et leur livrairent ung sy fier assaulx qu’il n’estoit possible à eulx d’y
résister. Et fut le dit Moufïîn et son filz tués tous des premiers ; et
paireillement le fut Baistien, le serviteur, et Géraird le bairbiet, et tous
les aultres anthièrement, jusques à IX. Ne de tous ceulx qui léans
estoient n’en eschaippait que trois : ce fut Jehan Michiel, le chaussetier,
qui le gaignait à fuyr; et celluy Ferrey devent nommés, qui fut con­
trains du feu, se ruait par une fenestre d’ung des hault estaige de léans
en terre en ung gerdin, se cuydant salver et eschapper : mais il ce
estonnait 1 tellemant les jambe qu’il ne poult fouyr, et fut reprins ;
et le josne guerson fut gectés deux ou trois fois sur le corps de Géraird,
le berbier, qui estoit mors, et en grant dangier d’estre tués ; toutteffois
aulcuns d’iceulx en eurent pitiet, et le laissirent en paix. Puis, ce fait,
ont yceulx annemis prins et fouraigiés tous ce de bons qu’il vouldrent
prandre. Et, après, ont assamblés tous les corps mors en ung monciaulx, et ont bouttés le feux léans. Et, ce fait, s’en sont allés leur voye
au campe avec les aultres, sans trouver hommes qui ad ce faire les
ampeschait. Et emmenairent avec eulx celluy gair avec le dit Farrey
prisonnier : lesquelles il destindrent environ trois semaigne après la
paix faictes. Et alors, après ce dellit fait, en vinrent les nouvelle en
Mets ; maix il estoient cy très tant de gens que nulz n’y oysoit aller.
Toutteffois aulcune femme de grant couraige, de la rue des Allemans,
y allairent la nuyt ensuiant ; et estaindairent le feux, qui avoit desjay
fait ung grant dopmaige. Et trouvairent yceulx corps mors gectés les
ung dessus les aultrez, l’ung sans teste, l’aultre sans'bras, en la plus
grant pitiet du monde. Et fut ce fait, comme il fut dit et rapourtés,
pource que yceulx josne gallans, Baistiens, Géraird et les aultres,
avoient heu tiriez de baitton à feux après aulcuns des annemis que
1. Étonner, frapper d’impuissance, paralyser.

1518, 5

SEPTEMBRE. — MESURES DE DÉFENSE

A

METZ

267

premiers les avoient estes veoir : par quoy il amenairent celle compaignie qui les prindrent et destruirent. Et ainssy firent mal d’avoir
tirés : car il fut dit que le dit seigneur Nicolle leur avoit deffandus.
Dieu par sa graice vueulle pardonner au trépassés !
Or avint encor, à celluy jour, plusieurs merveilles. Desquelles je ne
vous en sçairoie conter la moitiezicar la cite alors estoitcy triboullée que
l’ung ne sçavoit à moittiet que l’aultre faisoit, tellement estoit le peuple
esbahis et esmeus. Toutteffois, les seigneurs et recteurs du bien publicque d’icelle cité ne dormoient pas ; ains estoient de nuyt et de jour en
conseille et sur leur gairde, en advisant de faire le milleur, et, comme le
bon pastour est tousjours en doubte et en soing de ces berbiettes, aussy
estoient yceulx seigneurs et gouverneurs de leur peuple. Et tellement que
à ce jour, pour ce qu’il virent et aparsurent les annemis ainssy hardiement approichier de la muraille, et à sy grant nombre, se doubtairent
de traïson. Par quoy derechief il firent armer leur peuple ; et furent
commendés de ce trouver à XI heure devent midi au Champs Paissaille ;
et là se sont trouvés environ six ou sept cenc homme de la cité, bien
am point. Lesqueulx furent divisés par les commis à ce faire ; et en
furent envoiez par les dit commis à chacune portes environ ung cenc
pour gairder toutte la nuyt : c’est assavoir, la mitté en fut mise en la rue
du dedans de la ville, et l’aultre mitté on baille. Et avec ce fut encor
remforciet le guet de dessus la muraille, et fut ordonnés que, de chacun
mestiet couchaissent trois ou quaitre homme de nuyt en leur tour,
avec ung canonier et gens propre à tirer batton. Puis fut encor ordonnés
que, le soir, fût fait de grant feux par tous les cairefourt de la cité, avec
dix ’ou XII homme de chacun quairfort pour gairder ; desquelles fut
ordonnés l’ung d’iceulx à estre capitaine pour une nuyt ; et leur fut
par les seigneurs commis donnés telz cris comme en ung telz cas aparthient, et tous les jours de noviaulx. Et furent les josnes seigneurs de la
cité commis à estre touttes la nuyt en airme et bien montés, allant
visitant d’ung cairefourt en aultrez parmi la ville, affin de veoir que
chacun feÿt bon devoir. Et d’aultres, de plus moyens eayge, s’en aillirent
visiter sur la muraille. Et ainssy faisoit chacun, petit et grans, tous son
possible de bien gairder. Aussy en estoit il bon besomg ; car alors l’on
avoit plusieurs annemis, tant publicque que secret, qui ne resgairdoient
aultre chose que de souprandre la bonne cité. Et, qui pis est, l’on ne
pouoit rien aventaigier ne gaignier sur eulx : car il n’avoient rien a
perdre, sinon de leur corps, qui les eust peu avoir prisonnier.
Mais, pour revenir à mon prepos et pour vous dire et conter dont vint
le bruit d’une alairme et d’ung grant efïroy qui à ce jour de sadmedy
fut faictes en la cité, dessus le tairt, environ le vespre ou les trois heure
après midi, vous devés sçavoir que, ung peu avent, y avoit smcq ou six
aventurier, désirant de perdre ou de gaingnier, qui desiroient à sortir
dehors la ville à leur adventure et plaisir. Et, pour ce faire, vinrent à la
porte aux Allemans,qui alors estoit cloise,et ne laissoit on parsonne de­
hors sans congiez ; toutteffois, il firent tant au ung des seigneurs corn-

1518, 5

SEPTEMBRE. — GROSSE ALARME EN METZ

mis, qui pour ce temps estoit montés sur le billouairt de la dite porte,
qu’il obtindrent de sortire dehors. Mais, en saillant fuer de la porte, cellui
seigneur leur escriait et deffendit qu’il n’alaissent guerre loing ; et,
quant il vinrent au dehors de la bairier, l’ung d’iceulx gallans deman­
dait au seigneur devent dit jusques où il voulloit qu’il abaissent, et il
leur escriait et dit par plusieurs fois qu’il abaissent jusques à la porte ;
et estoit son intencion qu’il ne passacent point plus loing que la faulce
porte qui est auprès de Saint Hurbis : mais il ne l’entandoient pas bien
pour le vent, et aussy pour ce qu’il estoit hault; touttefïois celluy sei­
gneur leur escriait par plusieurs fois, disant : « A la porte, à la porte. »
Cy avint aussy que, durans ces chose, y avoit ung compaignon drappier,
demourant à Mets, lequelle alors estoit à ycelle faulce porte Saint
Hurbis ; et, voyant les gallans devent dit qui venoient et montoient en
hault devers luy, leur fist signe de la mains, montrant à eulx qu’il
retournaissent arrier, et que les annemis aproichoient. Alors les compaignons, arboubetriers et collevreniers et aultres, qui alors estoient en
airme du dedans de la ville et és baille, oyant ainssy crier « A la porte »,
corne dit est, et non sçaichant que c’estoit, se pansoient qu’il y eust
quelque trayson ; et, voyant que à leur porte n’y avoit que bien, fut
tantost murmurés entre eulx et fut dit qu’il estoit possible qu’il veoient
dès dessus le billeuairt quelque effroy aux aultre porte. Et toutte incontinant vobairent et courrurent les parolle de l’ung en l’aultre, disant
que la porte estoit prinse. Par quoy, tous soudains et comme à retourner
une mains, fut toutte la cité tellement esmeutte que jamaix on ne vit
ung telz alairme. Et courroient les ung au pont dez Mors, les aultres au
pont Rémon, et aulcuns aultres courroient à la porte Champenoize, à sy
grant foulle que il gectoient femme et anffans par terre. Et fut criés en
cenc lieu parmi la ville : « Alairme ! A la porte ! A la porte ! », disant que
nous estions trahis. Alors heussiés veu pleurer, crier et braire, que c’es­
toit pitiet de ouyr les alairme que alors se firent. Et creoit on véritable­
ment que toute la cité fût perdue, ne jamaix vous ne vistes une telle
alairme, ne sy soudaine : car, au loing de Fornerue et aultre pert, il
sambloit que ce fussent copt de collevryne d’ouyr sairer les boutticque
et de tout ruer à terre. Et voult bien Dieu que le conte Rin de Grève,
qui venoit pour faire la paix, ne fût point à cest heure trouvé en la rue,
car le peuple, comme malz advisés, l’eussent tués et descouppés en cenc
mil piesse, luy et ces gens. Et disoient la plus pairt : « Ha ! Jhésus, se
traystre ycy nous est bien venus esbusés et decepvoir ! ». Et, ce qui fist
encor le plus grant mal et la plus grant peur, se firent deux homes de
dehors, on ne scet d’oulx, qui portoient deux pennon de blan fer airmoiez dez airme de Loraine, et, en courrant depuis Fornerue, tousjour
au loing de la Grant Rue, cryoient : « Alairme ! A la porte 1 A la porte ! »
Touttefïois, quant on eust essés allés et venus, l’on trouvait que ce
n’estoit tout rien b Dont on fut bien joyeulx : mais encor ne pouoit on
raipaisantés aulcune femme de pleurer, et en heurent causy les aulcune
1. Absolument rien.

1518, 5 SEPTEMBRE. — ANDRIEU DE RINECK RÉCONFORTE LE PEUPLE 269

une sanglante estrainne. Et, non obstant que je, l’escripvains, aye heu
fait tout debvoir et diligence de me enquérir et ensairchier dont vint
premier le movement de cest alairme, je ne trouve point ne ne puis
sçavoir qu’il vint aultrement que comme dit est dessus : car en la cité
sont encor deux mil personne, et estoient à celle journée, que ne soirent
jamais dont celle subit esmutacion fut venue.
Puis, après ce huttin appaisantés, les seigneurs commis et gouver­
neurs du bien publicque firent retirer tous le bestialz auprès des porte.
Car il fut dit et rapourté que cellui cappitaine Franchisque avoit jurés
de les venir lever tout devant les portes de la cité. Par quoy l’on les mist
au Grant Saulcey, devent le pont des Mors, et n’en demourait point
une *1 Oultre Saille ; et en y fut tant mis que, en ung jour et une nuyt,
le dit Saulcey, que auparavent estoit drus et vert, fut cy très araisés
qu’il sambloit que ce fût ung champs en soumay 2. Aussy fut dit (et
estoit vray) que le dit Francisque avoit juré qu’il ne feroit jamaix paix
à la cité, pour quelque somme d’airgent c’on luy sceust donner, jusque
à tant qu’il aroit tirés trois ou quaitre copt d’artillerie à son plaisir
dedans la ville (comme il fist, et comme ycy aprez serait dit quant temps
serait), et, avec ce, qu’il aroit donné quéquez assault. Et, pour ces
chose et plusieurs aultres, l’on fîst faire ainssy grant guet comme avés
ouy.
Item, aussy à ce meisme jour de samedi, sincquiesme de septembre,
retournait encor le Rin de Grève en Mets ; lequelle a toutte dilligence
traictoit pour la paix. Et furent les seigneurs commis du Conseil parler
à luy ; puis s’en sont retournés au Conseil. Et, au sortir dehors qu il
feirent, grant multitude de peuple estoit assamblés devant la Grant
Église, tous triste et desconfortés, en attandant d’ouyr quelque bonne
nouvelle. Et, entre yceulx seigneurs, estoit le seigneur Andrieu de
Rineck, chevalier, lequelle, resgairdant et voyant le peuple estre ainssy
triste et désollés, et se mutiner, comme dit est, aussy craindant leur
fureur, en appellait plusieurs et assamblait autour de luy, et dit .
« Ha ! biaulx anffans », ait dit ce bon seigneur, « comment semblés vous
estre ainssy esbahis ? Pour Dieu, ne soiés sy esperdus ne cy triste,
vous samblés estre tous esbaïs ° et murmurans : réconfortés vous et
prenés couraige. Car je vous promect que, quant vous dormés, nous
besoingnons pour vous. Et croy, au plaisir de Dieu, que tout ce porterait
bien, et espère que de brief vous oyrés bonne nouvelle ». De ces parolle
fut le peuple cy très resjoïs que vous ne vistes jamaix telz joie, et sam­
bloit desjay que la paix fût faicte ; et tellement que les nouvelles en
coururent de l’ung en l’aultre, et disoient tous sertainement que, devent
qu’il fût la nuyt, la paix seroit faicte et ceellée ; et par tel parolle estoient

a. Ms. : eshaïs.
1. Une herde, un troupeau de bêtes.
2. Somart, jachère.

270

1518, 6 SEPTEMBRE. — NÉGOCIATIONS POUR LA PAIX

desjay les aulcuns cy essurés qu’il estoient preste et voulloient dès
tantost retourner en leur ville. Mais l’on en estoit encor bien loing.
De quoy en y oit plusieurs des bien honteus : car, avant qu’il fût le
lundemains la nuyt, en y oit les plusieurs qui eussent bien voullus estre
au vantre de leur merre, de peur et de crainte, comme vous oyrés.
Puis, après que le dit seigneur Andrieu oit ainssy réconfortés le
peuple comme avés oy, il ce partit d’illec, luy et tous les aultres sei­
gneurs ; et s’en aillirent de droit copt à l’hostel à l’Ange visiter le Rin de
Grève. Et, pour plusieurs bonne raison, fut ordonnés par yceulx sei­
gneurs que, la nuyt ensuyant, fussent mis plusieurs josne gens, avec
aulcuns souldoieur, tous airmés, dedans celluy hostel de l’Ange auquelle
le dit conte estoit, afïin que le peuple, qui alors estoit essés mal moriginés 1, ne luy feist quelque desplaisir. Car, ce jour meisme, comme dit
est, estoit cellui seigneur retournés en Mets ; et faisoit grant dilligence et
tout son effort de faire la paix.
Or se passait le jour, et vint la nuyt ; en laquelle fut fait bon guet,
tant és portes hault et baix, sur la muraille, és baille, on Champpaissaille, comme par tout les quairfort de la cité. Auquelle quairfort
vinrent nouvelles assez pour craindre et doubter : car aulcuns des sei­
gneurs ad ce commis vinrent dire au compaignons et baineret qui alors
estoient tenant le feux par les dit querfort qu’il ramforsaicent leur gait,
et que certainement lez annemis se approichoient de plus en plus, et que
il avoient conclus, corne l’on en estoit bien advertis, que environ les
sincq heure du mattin seroit donné assault à la cité. Alors ce mist chacun
en point pour ce deffandre. Mais, toutteffois, il n’en fut rien fait.
Et ainssy se passait le samedi. Et vint le dimenche ; auquelle jour,
du matin, le Rin de Grève retournait arrier au campe donner sa responce. Mais, avent que pertir, il priait aux seigneurs que l’on ne tirait
point de dessus les murs de baiton à feux dedans une heure (pour ce que
alors incessanment l’on ne faisoit que tirer, tant de nuyt que de jour).
Durans que ces chose se faisoient en la manier comme cy devent avés
oy, fut dit et rapourtés au seigneurs de la cité que véritaublement le dit
Francisque, avec son campe, se voulloit venir apparquer au plus hault
de Désirmont, pour mieulx à son ayse tirer en Mets ; comme il fit.
Par quoy le seigneur Phelippe Dex, avec Nicollas de Raigecour, sei­
gneur d’Ancerville, firent mettre et afïutter deux grosse sarpantine en
ung gerdin, derrier la maison le seigneur Jehan Xavin, qui estoit sire
au dit seigneur Phelippe, lequelle alors demouroit entre l’esglise de
Saincte Ségollaine et les Cordelliers. Et d’ycelle firent plusieurs mal aux
annemis, comme vous oyrés.
Item, à ce dit jour de dimenche, sixiesme de septembre, se partit du
campe monseigneur de Jamaix, qui estoit filz au seigneur Robert de la
Mairche et cousin au seigneur Claude Baudoiche, chevalier, et s’en
aillait avec le dit seigneur Claude dîner à son chaisteaulx de Mollin.
1. Mal moriginé signifie à la fois « mal élevé » et« mal disposé »,

1518, 6 SEPTEMBRE. — PUISSANCE DES ENNEMIS

271

Et, niantmoins tout cecy, ne le pairaige qui estoit entre eulx, à paine
polt obtenir la damme, qui alors estoit grosse d’anffans, que le dit de
Jamaix se voulcît entreporter de boutter les feux au villaige du dit
Mollin. Et fut dit qu’il avoit ransonnés et appaités 1 tous les
villaige du dit son cousin, c’est assavoir la dicte Mollin, Yault,
Jeuxei, Rouzérieulle et Lorey devent Mets. Car celle mauldicte guerre
ycy estoit sy très cruelle, et de sy loing temps enrassinée, et, avec ce,
voulloient yceulx annemis avoir les chose sy à leur guyse que c estoit
pitiet. Et tenoient la cité et le païs sy très subjecg qu’il n’estoit mémoire
que jamaix prince l’eust ainssy tenus subjecte que à cest heure estoit ,
ne n’estoit aussy mémoire que jamaix le peuple fût estés sy pouvrë ne sy
désollés que à cest fois estoit. Et tout par les malvaise année qui par
avent avoient estés. Et fault croire que à cest heure fut la cité et tous
le pais en grant ballance, qui n’y eust trouvés remide. Car alors le
menus popullaire ce mutinoit treffort, et ce eslevoient contre leur
seigneurs et contre les grans ; et disoient tout plainement que tout le
mal venoit par eulx, et que de loing temps devent 1 on eust fait la paix
par plusieurs fois, et à bon merchief, et que une fois le viez Mertin, clerc
des Sept de la guerre, que Dieu absoulve !, en avoit fait la paix pour
douze florin d’or : mais jamaix on n’y voult antandre, ne ne voult on
craindre ne doubter le dit Phelippe, ne Francisque, son cousin, jusque
à tant qu’il les virent à l’oiel ; et disoient, devant ce advenus, qu il
n’avoient puissance de faire ceu qu’il disoient. Mais le dit Phelippe et
ces consors trouvairent tant d'alliez, de banis et forjugés, et daultie
malvais satallite et annemis à la cité, et qui demandoient à la ville
plusieurs querelles, et touttes à une fois, que les seigneurs et gouvergneurs d’icelle en furent bien estonnés. Car tout les jours gens nouviaulx et force vivre venoient aux annemis ; et, de fait, en y vint se
dimenche, sixiesme jour de septembre, plus de deux mil de tous noviaulx.Et ce trouvairent tant de gens ensamble qu’il tenoient sciège en
plusieurs lieu ; et venoient courir jusquez aux portes, et ne se faisoient
que juer et mocquer de la cité, pour ce qu’il sçavoient bien que sur eulx
l’on ne pouoit rien adventaigier 2 ne prandre, que leur corps tant
seullement ; et aussy que alors la cité n’avoit contre eulx ne force ne
puissance de résister. Par quoy l’on les veoit courrir et saulter parmi les
champs et parmy les vigne, et faisoient des grans feux des parciaulx
d’ycelle. Et vous ce[r]tifîe qu’il eussent bien destruit tout le païs, c il
eussent voullus. Mais, pour ce qu’il ce atandoient d’avoir une grande
somme de la cité, ne faisoient pas le disme 3 des mal qu’il eussent bien
fait. Laquelle chose, à l’acommencement, lez annemis eussent bien
traictiés à meilleur merchief, se on y eust voullus entendre ; mais, à la
fin, fut bien force de ainssy le faire, ou il heussent fait le plus povre

1. Le Dictionnaire du XVIe siècle d’Edmond Huguet ne connaît que « tenir en
apatis », au sens de« mettre à contribution ». Apater peut se traduire par « exploiter ».
2. Avantager, prendre quelque avantage sur quelqu’un.
3. La dixième partie.

272

1518, 6

SEPTEMBRE. — LES ENNEMIS SUR DESIREMONT

païs que jamaix fût. Et, avec ce, comme j’ai dit, eust estés la cité en
grant dangier par la murmure de la commune, qui alors n’estoient pas
bien unis ensamble, pour ce qu’il avoient trop de flagellacion l’une sur
l’aultre : car, toutte à une fois, il estoient batus des trois flaiaulx de
Dieu, c’est assavoir guerre, famine et mortallités. Laquelle encor en ce
temps régnoit tousjour, et se mouroit on treffort. Mais le povre peuple
avoit tant d’aultre mal et de tribulacion que l’on n’y pansoit plus, et
n’en estoit causy nouvelle, pour les aultre incovéniant qui journelle­
ment venoient. Et ne faisoit on compte ne estime d’en veoir pourter
X ou XII en terre, non plus que se *1 fussent brebis.

[les

ennemis bombardent

la ville

DE METZ].

Item, se dit jour de dimenche, sixiesme de septembre, furent arrier
mandés à XII heure après dînés tous les estas devant dit au Pallas :
c’est assavoir chainoignes, curés, prebstres, clers, avec les Célestins,
bourjois a, merchamps, et weve femme, et gens de plusieurs estas ;
et, avec ce, furent mandez tous les eschevins des paroiche et mainbours
d’anffans ; et aussy y furent mandés tous les mainbours et maire de
villaige. Auquelle fut remonstrés et dit le grant dangier où la cité estoit,
et que, pour éviter la fureur des annemis et le dangiers, force estoit
de paier une merveilleuse somme, pour laquelle à faire et à trouver il ne
soufïîsoit point au Conseil les sommes que chacun avoit promis de prester
le jour devent ; et leur fut dit qu’il failloit eslairgir la mains.
Or oyés quel chose faisoient les annemis durant le temps que l’on
estoit bien ampeschiez pour cest affaire et pour trouver la dite somme
qu’il demandoient. Vous devés entendre que, tout à la meisme heure
que les quaitre commis devant dit estoient en la Chambre, comme dit
est, et qu’il remonstroient au peuple ce que dessus est narrés et dit,
et proprement environ le midi, vinrent les annemis à se despairquer
et à se desloigier de leur lieu. Et sambloit, à les veoir dès dessus le grant
cloichier de Meute, que toutte la terre en fût couverte. Et à cest heure
s’en vindrent à se pairquer devers Saint Jullien, non pas en intencion
de ce y tenir du tout 2 (car il avoient leur campe à Waillier, à Vantous
et au Bourdes à Vailliers), mais, ce dit jour, furent les aulcuns sur le
Hault de Désirmont, ung peu a dellà de la Belle Crois, et là, en ce lieu,
en ung viez chemin qui est entre la dicte crois et la maison de Bribray,
effûtairent yceulx annemis plusieurs baiton à feux. Et alors, l’une des
gaitte qui estoit dessus le dit cloichier de Meutte les vit, et se aperseut
que c’estoit pour tirer dedans la ville. Par quoy il desvaillait tantost
a. Ms. : bourjours.
1. Que se ce fussent, que si o’eussent été brebis,
2. De s’y établir complètement.

1518, 6

SEPTEMBRE. — BOMBARDEMENT DE METZ

273

à l’avallée, et le vint dire et annoncer en la chambre des Sept de la
guerre en laquelle alors estoient les seigneurs devent dis pour pairler
aux bourjois, comme dit est. Et, pour ce, firent tantost les dit seigneurs
dire et anoncer a peuple allant parmi la cité qu’il fussent sur leur gairde
car l’on voulloit tirer dedans la ville. Et, en ces entrefaicte, estoit
devent dit seigneur Phelippe Dex, acompaigniez du seigneur Nicollas
d’Ancerville, avec les deux grosse serpantine devent dictes, derrier a
maison du dit seigneur Jehan Chavin, son sire, auquelle lieu ü les
avaient mise, comme dit est. Et, voiant à cest heure es annemis à
l’œil Dieu scet c’il les firent bien sonner 1 et bondir ; et tellement que,
d’un’g seul copt d’icelle, le dit seigneur d’Ancerville tuait plusieurs des
annemis, entre lesquelle l’on voulloit dire qu’il y avoit ung grant parsonnaige qui morut des leur (mais je ne sçay a vray c: û fut ainssy)
touttefïois, comment qu’il en fût, il en y demeurait plusieurs. Et fut
puis dit et certifiés que la pier de ce copt passait tout au plus près du
cappitaine Francisque. Aussy, pareillement de dessus le billouairt de la
porte aux Allemens et des aultres tours des mestiet, et pairellemen
touttes les portes de la cité, espéciallement de celles qui reBgairde' »‘ CCJ?
partie l’on tiroit incessanment, et cy très drus qu’il sambloit que se fut
fa fouldre, du huttin, du bruit et du tabourement qu il menoient car
de toutte pars, sur la muraille, l’on tiroit sy très espessement et sy
souvant que l’on n’oyoit goutte. Mais néantmoms le dit Francisque ne
laissait jay pour ce à achevir sa voulluntés ; et affûtait ses serpantme
,t “^plusieurs H». Dont ta plu, part turent mis au hanlt d« la
montaigne, en ce viez chemin que j’ay devent dit, qui est entre Br b y
ou entre le Chaucqueu l’Évesque et la Belle Croix. Et unf
^
taulx vinrent mestre et effutter on meisme viez chemin, c est assavo r
essez plus près de la ville et au plus baix de la montaigne là ou il est
enfondus 2 derrier les butte des archiers, on heu c on d t au Reu
d’Amours; et cellui baitton estoit mis là pour tirer contre la murail e,
C° Mais, 'pour' revenir au prepos, les premiers tirant furent ceulx qui
estoient sur la montaigne. Et, du premier copt il cuidairent t r r a a
haulte tour qui est en la maison maistre Nicolle Hanrequel JO ndant
à la maison Saint Levier ; mais il faillirent, et vint le copt cheoir b
près de ma maison. De quoy j’eus belle peur, néantmoms qu
fusse bien advertis, et en avaient advertis tous mes voisinet vois n^
(par quoy, après ce que je leur oit dit que de bnef on voulloit tirer e
Mets il en y oit plus de XX, tant femmez que josnes fillesqui e
vinrent fuyant en ma maison). Et, tout en parlent, vin
P ’'
cheut en la maison que fut damme Perrette Cuer de Fer, a u P
demeure le seigneur Thiébault le Gournaix, filz au seigmmr Fran^! y,
chevalier, laquelle est scituées entre l’esglise collegialle de Samct Sal
vour et la Viez Boucherie. De quoy la josne damme de lea
1. Gomme on dit : sonner un domestique, l’avertir en sonnant.
2. Là où le chemin est en contre-bas.

274

1518, 6

SEPTEMBRE. — BOMBARDEMENT DE METZ

peur, et non sans cause : car il sambloit que ce fût le dyable qui voullait
en 1 air, de la pier qui souffloit ; et, à son venir, fist lever plus de mil
escaille de dessus les teys, puis vint à férir contre le mur d’ung guerniet
d icelle maison, et tout auprès d’une cheminée, et le parsait de part
en part, puis c’en aillait à férir contre I’aultre mur : mais la pier recullait
errier en ung monciaulx de bledz, et là fut trouvée ; et estoit celle pier
e a grosseur de la teste d’ung petit anffans. Puis, ce fait, ont encor
tires smcq ou six copt. Dont le premier cheut on gerdin de monsseigneur
le souffragant, devant les Carmes ; ung aultre vint à frapper en une
maison auprès de la maison du dit seigneur Jehan Chavin (et cuidoient
a ta indre les dit seigneur Phelippe et monsseigneur d’Ancerville, qui
tiroient dez baiton léans, comme dit est) ; une aultre fut tirée contre la
muraille, qui n’y fit riens ; et une aultre fut tirée en l’air, tout par dessus
la Grant Eglise, cuydant estaindre 1 le cloichier a de Meute.
Puis ont tirés du devant dit courtaulz qu’il avoient efïuttés au viez
chemin du Reux d’Amours, qui est au piedz de la montaigne, comme dit
est devent. Et d’icellui ont tirés contre la muraille devers la fin et le
bout de la rue de Chandellerue, c’est assavoir entre les bairre de la
ripvier de Saille et le pont Rémont, et en l’androit d’ung grant gerdin
qui est du dedans de la ville et qui appartient à une grande maison
scituees en Ayette. Et illec,en l’endroit du dit gerdin, ont heu attains la
muraille essés hault ; et là fut percée toutte oultre : c’est assavoir au
hault mur qui vait par dessus la grosse muraille ; et vint la pier cheoir
au devant dit grant gerdm, et cheut sur ung pommier chairgier de
pommez, et en fist cheoir plusieurs ; puis cheut celle pier en terre soubz
e pommiers, sans aultre mal faire. Non celle cy seulle, mais touttes les
aultre enthièrement qui furent tiréez des annemis, n’y oit jamaix pier
qui fist mal, non pas seullement à ung chat. De quoy tous les habitans
de Mets sont bien tenus de Dieu regracier, et en glorifier son non. Et,
d icelle dernier pier, m’en fut a vray la mesure donnée, et la retondités
d icelle, comme de I’aultre partie de la pairge en est la mesure figurée b.
A ce meisme jour, et après ces chose ainssy advenue, environ le
vespre, retournait arrier cellui seigneur Rin de Grève a campe; et y
couchait. Puis, le lundi, a mattin, retournait arrier en Mets.
Item, à ce meisme jour de dimenche, avindrent encor plusieurs
aultres adventure, et furent plusieurs aultres chose faictes. Desquelles
d une partie je me despourte : toutteffois, je voult ycy dire et conter
encor aulcune chose qui advindrent au dit jour de dimenche. Premier,
comment deux bonhomme de la ville de Sciey ce partirent à ce jour de
a. Mb. : choichier.
«
*hÜJPP/- a ^ T hT dU feUiUet 202 (’°’ au comP“’ “»
de quinze centimètres
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üritt en
? Z?6 la pler de caenon> et a vray> que le cappitaine Francisque
tirait en Mets ; et estoit une grant hideur d’oyr le bruit que celle pier menoit en l’air ■
et pesoit justement XXX livre et plus, car elle estoit faite de fer
t. Atteindre.

1518, 6

SEPTEMBRE. -— AVENTURIERS MESSINS TUÉS

275

r‘;, tiî d» mal” .» dit chevaulcheur avec leur collevriud : mais le
r»” v“
alumer ce prendre » la p.t.ldre, ad cause <,ue alors

"‘"'HfJïrSi

dtsiâniï ï

Sari ':rÆ sss =SS
z%z rÆ; srnr;rcr::de :^Lk
K^^æ^rîs=Sî5i:
qu’il ne sçavoit que dire, smon crier et ^ire^par quj ^
de 1 a ville oui alors gairdoient à la porte et qui p

J.^.^
,.i f a.

*,ait'rw>
je laisse pour abregier, tant an b
dont c’estoit pitiet. Dieu, par sa bonté, y messe sa g

et bonne paix !

Amen'

lrf f f fajt pareille gait et telz que l’on avoit fait
Aussy en celle nuyt fut fmtpareiiiega
h ^ ^ muraille)
la nuyt devent, tent sur les porte hault et ba ,
comme és quairefort et aultre part.

[FIN DE LA GUERRE « BDKTAL »

LA SIGNATURE DE LA PAIX].

Pdia. a« lundemain, »n M lundi, »P«'
a matin, furent arrier mandes tous ceulx
1. Mauvais, désagréable (Zéliqzon,
art. hèrous).
2. Tumer, renverser, jeter à terre.

q

Dictionnaire des patois romans de la Moselle,

276 1518, 7 SEPTEMBRE. — LES ENNEMIS TOUT PRÈS DES MURS DE METZ

argent pour le délivrer. Et pareillement y furent mandés tous les mambour et gouverneur des villaige, avec aussy aulcune bonne gens de
dehors qui estaient riche, affin que d’yceulx fût prestés argent pour
aydier a paier la devent dicte somme.
Item, aussy à cellui lundi, environ les deux heure après midi, et
urant que ceulx qui estoient mandés pour délivrer argent estoient
devent la chambre des Sept de la guerre, vinrent et dessandirent de
essus le cloichier de Meutte par deux fois l’une des gaitte. Et dit à la
premier fois, au dit seigneurs commis que les annemis avoient boùttés
le feux a Choibey et à Chaittillon. Puis, à la seconde fois, dirent que il
ussent sur leur gairde, et qu’il venoient à moult grant compaignie
et a puissance infime et sans nombre vers la porte dez Allemans. Et, de
tait, furent rapourtée nouvelles qu’il venoient brûller la menandie de
i^am e ^ isabecht, avec la maison de Bribray et le gerdin messire
Françoy le Gournaix, avec tout le bourgz. Par quoy fut tantost envoiez
au portes, et dire qu’il fussent sur leur gairde, et que, c’il approichoient,
que 1 on n espairgnait point à tirer les batton (car auparavent, du
mattm, 1 on avoit heu deffandus de non plus tirer, pour ce que l’on
estoit sur traictiez de paix). Toutteffois les seigneurs et gouverneurs
du bien publicque en Mets n’estoient pas tropt essurés d’ouyr ces
nouvelle. Et, qu il soit vray, moy estant avec plusieurs aultres en la dite
chambre devent eulx, oys dire à aulcuns d’iceulx seigneur : « Je me
doubte », dit il, « de trayson, et que, quant ces gens ycy aront nostre
argent, qu il ne thiengne rien de tout ce qu’il aront promis ». Et alors,
quant ceulx de la porte aux Allemans, et paireillement des aultres
porte, et aussy des tours des mestiet qui sont de celle partie au loing
e la muraille ouyrent ces nouvelle, Dieu scet c’il ont laichiés leur
baitons a toutte puissance ! Par quoy les annemis, ouyant le bruit, et
aussy pour le dangiers, ont crains et ne se oysairent approicbier, sinon
aulcuns adventurier qui ce abandonnairent de venir 1 à Saincte Élisabecht, et sairchoient le moine de léans, et d’aultre biens, c’il les eussent
peu trouver Mais il ne firent aultre mal, sinon, en c’en retournant,
i brullairent la maison du chaucqueu l’Évesque, qui est scitués essés
omg es gerdms, devent la faulce porte aux Allemens. Et ont tués ung
homme de villaige devant la Belle Croix, en Désirmont ; lequelle c’estoit
bouttes dehors au champs, avec plusieurs aultre adventuriers, cuydant
gaigmer : mais il c’estoit tropt abandonnés de ce boutter hors de la
routte ; car il laissait ces compagnons pour seullement aller cuyllir
des pesche en une vigne ; de quoy malz lui en print. Et, en réconpance,
y oit ce jour plusieurs aultres adventuriers de la cité qui en tuairent
aulcuns des leur.
Et furent encor ce jour tant d’aultre chose faicte et d’ung coustés
et d aultres que ce fut chose merveilleuse, et qui tropt loing seroient
Paireillement, a meisme jour, revint encor en Mets le Rin de Grève.
1, S abandonner de, se risquer à.

1518, 7 SEPTEMBRE. — MANIÈRE DE VIVRE DES ENNEMIS

277

Et n’y fut comme rien, qu’il retournait arrier au campe. Puis, derechief,
retournait encor en Mets pour le jour, et amenait avec luy le serourge
du devent dit cappitaine Francisquez ; et y couchairent celle nuyt.
Item, durant ces allée et venue, les annemis prindrent une herdre
de vaic'he de Noeroy ; et cy en prindrent aulcune 1 de Pierviller et de
Mairange. Mais on fut après, et furent la plus part redonnée et randue
(non pas touttes : car il en avoient jay tués et mengiés une pertie).
Paireillement, en ce meisme jour revindrent plusieurs prisonniers,
pouvre gens de villaige, de ceulx de Mets, qui avoient eschappés de
nuyt de leur campe. Et disoient et sertiffioient que les ennemis estaient
des gens sans compte et sans mesure 2, et qu’il tenoient tout le pais,
et qu’il estaient estimés à XXVe chevaulx ou à trois mil, et XII mil
piétons, malvaix guerson, gens de guerre et de toutte sorte, et qui
estaient la plus part venus sur leur adventure et cen mander. Maix
yceulx prisonniers disoient et certiffioient qu’il moroient à moitiet de
fain touchant le pains, ad cause que leur vivendier, qui soilloient venir
de Loraine, avoient estés rués jus, comme cy devant ait esté dit. Au
regairt des bledz, il en avoient tropt ; aussy avoient il tropt de chair,
qu’il mangeoient à moitiet sans pains, avec des rasins et des fruit.
Il avoient tant de bestial qu’i donnoient une brebis pour VI denier, ou
pour ung groz les milleurs.
Item, il fut dit et raportés que, ce jour, ceulx de la guermson de
Werrey qui gairdoient le chaisteaulx pour les dit de Mets ont heu rués
jus deux gros tonniaulx de vin d’Aussay que l’on menoit au campe au
annemis : mais la plus part en fut butte 3 dedans le dit chaisteaulx de
Werey.
Et ainssy, comme avés ouy, ce passait encor ce jour en grant doubte
et tribullacion, jusques à bien tairt que le peuple fut resjoys, comme cy
après il serait dit.
Item, à ce meisme jour de lundi, fut causy prins le seigneur Michiel Le
Gournaix. Lequelle, bien simplement, s’en estait allés hors de la porte
du pont Thieffroy, à son plaisir, montés sur une petitte haïquegnée
blanche, sans estre armés, et à bien petitte compaignie. Et, quant il
vint ung peu loing hors de la porte, il luy print en voulluntés d’aller
en plus oultre sur le chemin de Waipey : mais il ne fut gaire avent qu il
fut rancontrés, et, c’il ne l’eust gaigniez au courre, il eust estes prins
Ces gens ycy faisoient ung piteux ménaige au campe ; et y flairoit et
puoit corne charoigne. Il couppoient les arbre, qui en ce tempts estaient
tout chairgiei de fruit : pommier, poirrier, noier etaultres, tout estait
couppés pour faire du feux. Paireillement brûlloient cowe, wuidange et
aultre tonniaulx qui n’estoient reffait ; mais, ceulx qui estaient reffait
et reliez, il s’en aidoient, et les seoient 4 avec une saye en deux, par le

1.
2.
3.
4.

Aucunes vaches, un certain nombre de vaches.
En quantité innombrable.
Bue.
Ils les sciaient avec une scie.

278

1518, 7

SEPTEMBRE. — LA PAIX CRIÉE A METZ

millieu, du travers, comme deux cuviaulx, et prennoient des raisins, et
faisoient du vin dedans à force de piller.
Ce jour, se fist encor plusieurs murtre et chose mal faictes, tant
d’ung coustés que d’aultres. Et, se tout dire voulloie, je n’airoie en
piesse fait.
Et, pour ce que à ce jour on murmuroit et disoit on sertainement que
la paix se faisoit, ou qu’elle estoit faicte (comme vray estoit), et qu’il ne
restoit plus que à la publier, le peuple se désolloit et se ennuoit qu’il
n’en sçavoient la vérité. Par quoy, pour les resjoyr et contenter, le dit
jour, vigille de la Nativité Nostre Damme, septiesme jour du dit moix
de septambre, environ entre les sincq et les six heure après midi, fut
ordonnés de l’annoncer et publier (ce que possible on eust dilatés jusques
au lundemains du mattin). Et incontinant il fut sceu et dit que à celle
heure on voulloit aller crier et publier la dite paix devant la Grant
Église et par plusieurs des quairfort de la cité. Par quoy chacun, petit
et grant, y acourreut. Et à ycelle heure, devant la Grant Église et a lieu
dit, se trouvait le josne Mertin, clerc des Sept de la guerre, avec Jehan,
la trompette de la cité, tous deux montés à chevaulx. Et fut la manier
du cris telz : c'est assavoir que le dit Jehan sonnait par trois fois sa
trompette, à hault ton, avec ung tambourin de Suisse qui tambouroit;
puis, ce fait, le dit Mertin acomensait à haulte vois à lire le cris de la
devant dicte paix. Dont la tenour et le contenus s’ensuit, et a vray,
sans point y mestre ung seul mot daventaige. Et là ce trouvait tant de
monde que l’on ne c’y pouoit contourner.
« Oyés, de part mon seigneur le maistre eschevin, messeigneurs les
« Trèze, sept jurés de la guerre et tout le Conseil de la cité de Mets,
« que, comme ainssy soit que, depuis certain temps en sçà, que guerre
« et inimité ait esté entre mes dit seigneurs de la dicte cité et toutte la
« comunaulté d’icelle, d’une part, Franciscus de Seekyngen, Phelippes
« Schuchter, avec leurs consors, aydans et alliez, d’aultre part, assavoir
« est que la dite guerre et inimité ait esté ce jourd’uy aimablement
« appaisée, accordée et apointée, et est la paix et unyon prinse et
« acordée entre les dite deux partie, et ung chacun mis hors de craincte,
« doubte et dangier de l’une des pertie et de l’aultre. Publiée le lundi,
« vigille de la Nostre Damme nativité, VIIe jour de septambre XV cenc
« et XVIII. »
Quant celle paix fut ainssy cryées et publiée devant la Grant Église
et en plusieurs aultres lieu parmy la cité, comme cy devent ait estes
dit, vous ne vistes jamaix le peuple plus joieulx nez que à l’eur fut.
Et non sans cause : car celle guerre estoit très malvaise pour tout
chacun, pour ce principallement que l’on ne pouoit rien conquester
sur eulx, qui ne les agrippoit par le collet. Et aussy, je vous sertifie
que le povre bestiaille ce moiroit desjay à moitiés de fains, et, se ycelle
guerre eust longuement durés, l’on eust criés à la fain : mais, la Dieu
mercy, les seigneurs et recteurs d’icelle cité, hunis de bon conseil, y ont
trovés le remide.

1518, 8 SEPTEMBRE. — LES ENNEMIS LÈVENT LE CAMP

DE DEVANT METZ

279

Aussy, à ce jour meisme, fut pareillement au son de trompette et
tambourin celle paix criées et publiéez au campe des annemis.
Mais créés que celle paix ne fut pas faicte qu’elle ne coustait grant
chose à la cité, comme plusieurs l’ont bien sceu depuis. Et fut dit que
le dit Francisque et ces consors en heurent et resseurent la somme de
plus de XXIIII mil florin de Rin, d’or et de pois ; laquelle somme, e
lundemains.au matin, fut comptée et délivrée au devant dit seigneur le
Rin de Grève, avec aultres seigneur qu’il avoit amenés, et qui estaient
ad ce faire commis. Puis fut mise la dicte somme sur une chairette, en
ung petit tonnellet tenant environ XXV quairte de vin ; et fut con­
duite, voyant tout le monde, par yceulx seigneurs, avec aulcuns messagier de la cité, jusques a campe.
. .
.
,
Et dès incontinant qu’il heurent ressus Tangent, il se desloigeairent
et despairquairent de ce lieu, et prindrent païs, les ung dessà, les au res
dellà. Mais, toutteffois, la plus part retournèrent par la ou il estaient
venus. Et furent alors randus les prisonnier et d’ung couste et d au tre.
Et retournait encor pour ce jour le dit seigneur Rin de Greve à Mets,
et y couchait. Et croy, moy, que l’en luy donnait ung bon cheveu x
pour la pâme qu’il avoit prinse ; aussy fut dit qu’il estait tenus a la cite
d’aulcune grosse somme d’airgent, laquelle, corne je croy, luy fut quictee.
Cellui seigneur estait l’ung des biaulx puissant homme que je vis de ma
vie, et l’ung des grans et des courtois ; et se disait bon messains, car î y
avoit demouré en sa jonesse.
,
..
.
i t
Le peuple du païs de Mets estait tant joieulx de celle paix qu il n est
à dire ny à croire. Et ne les pouoit on tenir de c’en aller dehors car,
dès incontinant que la paix fût ainssy criées, chacun s en vouUoit retour­
ner en son lieu ; mais les seigneurs, bons et saige, firent clone les portes
Et firent encor bon gait plus de trois jour après, et niy avoit porte
là où il n’y eust, tant de jour que de nuyt, plus de XXX homme bien
armés et am point, tant des seigneurs eulx meisme comme des bourj o s
et des collevrenier de la ville ; et veult bien dire que, touttes les nuyt,
estaient plus de sincq cenc homme vaillant1 sur la muraille sans ceu
qui estaient ordonnés à faire le gait par la ville a piedz et à,
et par les quairefort ; et tiroit on de dessus la muraille toutte la nuyt,
que c’estoit hideur d’oyr.
.
, ^
Et la cause pour quoy les seigneurs ne vou loient les bonne ge
laissier aller estait pour ce que le Rin de Grève leur rapourtait noveUe
et dit que Francisque ne luy ne pouoient estre maistre
deschaissier
ung tas de lancequeneth, aventurier, malvais guerson, 9ui e^ ®nt
estimés à plus de deux mil, et qui estaient venus sur leur adventure
sans estre mandés et sans avoir gaige ne demi. Et estaient ceulx qu
faisoient le malz, avec ung tas de coqumaille, lairon, bams et forjugiez
de Mets et du païs, qui pareillement estaient venus a campe , e. fut-d t
que yceulx firent plus de dommaige que toutte 1 armee. Toutteffois

1. Veillant.

280

1518, 9 SEPTEMBRE. —• LES VILLAGEOIS RETOURNENT CHEZ EUX

firent les dit cappitaines tellement qu’il en despaichairent1 le lieu et
que, le jour de la nativité Nostre Dame, huitiesme de septembre prindrent pais. Et, ce dit jour, fut encor mil personnez de la cité veoir la
plaice la ou il tenoient leur campe, tant aux Bourde comme à Vaillier •
et estent grant hideur de veoir le lieu et le piteux mesnaige qui là estoit’
Et le lundemains, jour saint Gorgonne et IXe du dit moiXi fut donnés
usance a tout chacun de s’en retourner. Et là eussiez veu, du mattin
tant de cher et chairette chairgée de femmes, d’anffans et de mesnaige’
et aussy du bestialx, que touttes les rue devant les portes en estoient
plaine ; et ne se laissoient sortir l’ung l’aultre.
Touttefïois, la mercy à Dieu !, l’on trouvait que, cellon la multitude
de gens qu il estoient, il n’avoient pas fait de mil mal l’ung de ce qu’il
eussent bien peu faire. Et avoient assés cortoisement allés en besoingne
touchant au fait des vignes : car il les avoient tellement entrepourtés
qu il ne sambloit pas que jamaix homme y eust estés, for que en aulcuns
Heu. Et n y avoit pas grant dopmaige, sinon autour du campe • là où il
avoient, en ces heu, raier tous les pairciaulx des vignes, et couppés les
airbres pour faire du feux, comme dit est devent ; et, avec ce, avoient
prms les gerbes dez bief qui estoient en grainge pour faire leur louge •
de quoy c’estoit grant dopmaige à qui le fait touchoit. Aussy tout lé
principal dopmaige cheut sur ceulx qui eurent leur maison brûllée avec
leur grainge et leur bledz et aultres grains qu’il avoyent laissiés dédans
et qui n avoient encor labourés ny enhainés, et à qui leur bestes furent
prmse perdues et emmenée : de ceulx ycy fut grant pitiés, car il furent
tous destruit et gaistés à jamaix sans recouvrance. Je prie à Dieu
qu’i leur doinct pacience, et les vueulle en paradis récompenser.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ],

Tantost après que le dit Francisque, avec son armée, se furent des­
partis du païs de Mets, comme dit est, il s’en aillirent au dellà de la cité
de Collongne sur le Rin. Et illec firent de merveilleux maulx et grant
dopmaige au païs du lancegrave de Hesse, qui est ung grant seigneur
en Allemaigne, contre lequelle le dit Francisque estoit de guerre mor­
telle. De quoy c’estoit malz fait et péchiez à l’empereur de ainssy souf­
frir a son homme de destruire ces pays : mais l’on voulloit dire que luy
meisme luy aydoit et favorisoit. Je ne sçay au vray comment il en vay.
Je prie à Dieu qu’il leur doinct bon conseil, et messe paix sur terre '
Amen.
Or avés ouy comment fut la paix faictes ; et retournait chacun en son
beu. Gy vient le temps de vandangier. Lequelle fut merveilleusement
1. Despeschler, débarrasser.

1518, OCTOBRE. — BONNE VENDANGE

281

biaulx, et continuait tout le cours de la vandange durant sans jamaix
cheoir une goutte d’yaue de quoy les raisins en fussent moulliez, sinon
du bruit *1 de l’air, qui les noircissoit et les faisoit croier 2. Et moy,
l’escripvain, le sçay a vray : car, Dieu mercy !, j’en ressus pour celle
année cent et L tonniaulx a plains, qui estoient à Dieu et à moy. Et
furent ces vin ycy essez compétanment bons, cellon la multitude. Mais
les froment sur tout furent les milleur et les mieulx conrés que l’en
eust veu de loing temps ; et aussy furent touttes manier de fruit : et,
avec ce, en y oit à cy grande abondance que l’on les donnoit à moitiet
pour niant. Paireillement le vin fut bien ravaillés de pris : car l’on avoit
desjay le milleur vin noviaulx pour six ou sept denier la quairte. Et
avoit on le fin fromment pour VI sols, ou VI sols VI deniers le milleur.
Mais l’avuaine et le foin estoient au plus chier : car on vandoit la quairte
d’avuaine sept ou huit sols, et l’orge huit ou neuf solz, les pois, XV ou
XVI sols (et ne vailloient gaire), et les feuve et la navée à l’avenant.
Et tout cecy venoit par deffaulte de pluye, qu’il n’a voit pleus à l’acommencement de la saison, quant il estoit temps.
Item, tantost après, le XXIIIe jour du moix d’octoubre, qui fut alors
le samedi, vigille de la feste à Longeville devent Mets, y oit en la dicte
Longeville une maison ou deux airse par fortune de feux ; et ce advint
par une femme qui faisoit la tairtre.
Aussy, ce dit jour, retournait errier en Mets le duc de Suffort, qui ce
disoit roy d’Angleterre, nommés la Blanche Rouse, lequelle avoit estés
longuement dehors en Lumbardie.
Et, au lundemain, fut acouchée Maiguin, ma fille, d’ung filz qui fut
appellés Phelippe : mais il ne vesquit pas longuement.
Et, en celluy tamps, ou tost après, cessait la mortallités en Mets ;
laquelles avoit durés moult longuement, et de laquelle furent plusieurs
personnaigez de diverse estât et de diverse eaige mort. Dieu par sa
graice en soit loués, et aye pitiet de leur âme !
Et, par ainssy, avés ouy plusieurs fortune, grant pouvretés et diverse
adventure que depuis l’an mil Ve et XVI ont resgnés en Mets, tant en
guerre, en famine et en mortallité b comme aultrement, et lesquelles,
moienant la graice de Dieu, sont à cest heure passée et anichillée (et ne
souvenoit plus au plusieurs des fortune passée).
Aussy, en celluy temps, et voyant les seigneurs et gouvergneurs du
bien publicquez de la cité que la guerre et le malvaix temps estoit
passés, et que la ville et le païs estoit retournés à covalessance et à son
premier c estât, comme bon gouverneurs, pansant au dit du saige qui
dit « Beata çivitas que tempore pacis parai se ad bellum », qui vault autant
à dire« Que bien heureuse est la cité que en temps de paix se prépaire contre
a.
b.
c.
1.
2.

Cent et L tonniaulx a été rayé et remplacé par une grant cantité de tonniaulx.
Ms. : mortallalité.
Ms. : prepier.
Bruin, brouillard du matin.
Croître.

282

1518, DÉCEMBRE. •— INCENDIE A METZ

les rebelle»,par quoy, eulx estant alors a repos, vinrent à ce excerser et

à faire ouvrer pour le bien publicque et fortifïicacion et deffance de la
ville. Et, premièrement, ont achetés une maison sceant auprès du
couvant des Frères Cordelliers ; et là, après ce qu’il l’eurent faicte édifier,
y firent faire une fonderie pour faire l’airtillerie. Et, jay ce que la cité
fût de loing temps devent bien fornie de battons à feux, ce néantmoins
furent en ce temps prinse on pallais plusieurs piesse de grosse ancienne
bombairde, et qui estoient faictes à l’ancienne fasson (et avoient lez
bouche lairge plus que n’ait une hairenguier 1 à hairen), et furent ycelle
desrompue et mise en piesse, et menée à la devant dicte fonderie, et,
de la mette 2, avec d’autres nouvelle, l’on en fist les plus grosse sairpantine et caignons qui à présant soient en la grainge de la ville. Paireillement en ce temps, fut ordonnés et commendez que l’on couppait
tous les hairbe qui estoient és gerdins autour de Mets, espéciallement
du coustés du pont Rémont et de la porte des Allemans : mais les plu­
sieurs furent de ce faire reffusant, c’il ne veoient ceulx qui avoient
institués celle ordonnance acommencier les premiers.
Item, en celle année, le jour de Noé, de nuyt, advint ung grant dangier, c’il ne fût estés bien secourus. Car à celle nuyt se print le feux en
une grainge en Taison (aparthenant à Jehan Dorin, l’orfèvre de Fornerue, et joindant du darrier à sa maison), en laquelle alors y avoit
merveilleusement grant boix, estaille 3 et chairbon : par quoy fut tost
amprins et alumés. Et fut l’ung des orible feux, pour une seulle maison,
que jamaix je vis. Et, nonobstant qu’il fut bien secourus, et que à le
rescourre y avoit plus de sept cenc personne, il n’y demoura rien que
les quaitre mur. Et, se n’eust estés à force de gens, toutte la rue fût
brûllée : mais l’on y gectait tant de auue que, depuis Sainte Crois en
jusques la rue des Bons Anffans, et depuis la Grant Église en jusques
bien bas en Fornerue, furent tous les puis aveudiez 4 d’yaue.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS EN FRANCE ET A L’ÉTRANGER;
TRAITÉ DE METZ, ENTRE L’EMPEREUR ET LE DUC DE LORRAINE,
POUR LE RACHAT DE LA « TERRE COMMUNE ))].

En celuy temps, c’est assavoir on moix de janvier, fut faictes à la cité
de Paris une merveilleuse festes et grand triumphe. En laquelle se
trouvait cy grand noblesse qu’il n’est à croyre ny à dire, tant de la
partie de France comme du royaulme d’Angleterre. Et fut celle feste sy
1.
2.
3.
4.

Harengiêre, tonneau qui sert au transport des harengs.
Métal en fusion.
Astelle, éclat de bois, planchettes, copeaux, bûches, etc.
Esvuidier, vider, épuiser.

1519

N. ST. — TRAITÉ NÉGOCIÉ A METZ

excessive, tant en joustes, en tournois, en riche bancquet comme en
aultrez oultrageuse despance, que de loing temps devant n’y avoit
encor heu sa paireille. Et fut celle grande teste faictes à l’ocasion du
mariaige, jay de loing temps faicte et traictés entre les deux roy, pour
les deux'josnes anffans de France et d’Angleterre. Car à cest heure en
furent les appousailles et nopces faictes, et celle grande feste sollainisée
dedans la bonne ville et cité de Paris. De quoy plusieurs bons mairchamps, et aultres, furent joieulx de la paix et hunion d’iceulx deux
roy.
.
Item, aussy en cellui temps, le XIe jour du meisme moix de janvier,
trespaissait de ce sciècle en l’aultre le très inlustre et redoubtés ampereur Maximilian, Roy des Romains et d’Allemaigne, en sa cité de
Passort, on pays d’Osteriche ; et illec fut enterrés et ensépulturés.
Et luy fut faictes son servise et obsaicque, tant en ce lieu comme par
toutte l’ampire, comme à empereur aparthient. Dieu par sa graice le
vueulle ressoire en son saint paradis ! Et tantost après sa mort en vin­
rent les nouvelle à Mets. Par quoy de longue mains fut préparés à luy
faire son service : lequelle fut fait bien et sollainellement, cellon que à
son estât impérial aperthenoit, et en la manier comme ycy après il
serait dit quant temps serait.
Mais, premier, vous veult ycy dire et desclairer comment, durans le
temps qui se faisoit la préparacion du dit servise, vinrent et abourdairent en Mets plusieurs grant parsonnaiges, acompaigniés de environ
yjxx chevaulx, tant dez partie de Bourgongne comme de Loraine ; et
arivairent en ycelle cité le Xe jour de février. Et la cause de leur venue
fut pour raicheter et retraire la mitté de la Terre Commune, que, de
loing temps devent, avoit estés par yceulx Bourguingnons mise en
gaige en la main du duc de Loraine, avec aussy trois ou quaitre aultre
plaice et fort chasteaulx aparthenant à la duché de Lucembourg (et que
de rien n’estoient de la Terre Commune), telz comme la ville de Verton,
Danviller et Chaivencey. Et furent les seigneurs devent dit en Mets,
en traictant d’icelle affaire, dès le dit jour, X* de févriet, en jusques au
XXIIe du dit moix, qui fut le jour de la Chaire sainct Pier . car il
thinrent plusieurs journée avent qu’il se puissant acorder. Nonostant
que chacune des partie avoit plains pouoir et puissance de leur souve­
rains laquelle puissance leur avoit par avent estés donnée par les
prince et seigneurs à qui la chose en aparthenoit, tant pour cest affaire
comme pour entretenir et maintenir leur ancienne alliance. Et comme la
chose en fut faicte et passée en Mets, le XXIe jour de febvrier, l’an dessus
dit en l’ostel de l’airchediacque de Vy et gouverneurs de Gouxe. Et en
furent bonne lettre faictes et sceellées, tant d’ung coustés que d’aultres,
comme la tenour s’ensuit, sans y avoir une parolle ne plus ne mains
nés que les dictes lettre le disent et conthiengne.
« Nous Witasse de Bousiez, seigneurs de Vertain, Claude d’Ollen,
chevalier,’ justicier des nobles on duchey de Luxembourg, Loys de
Marenchés, docteur ez drois, seigneur de Sainct Aulbin, maistre des

284

1519 N. ST. — TRAITÉ SIGNÉ A METZ

requestes ordinaire de l’hostel du roy de Castille, et Ni[c]ollas de Naves,
aussy conseillier du dit roy en son Conseil du dit Luxembourg, commis
et députez par très hault et très puissant prince Charles, par la graice
de Dieu roy de Castille, etc., archiduc d’Austrice, etc., duc de Borgongne, de Brabant et de Lucembourg, etc., et nous, Théodore de Sainct
Chaumont, par la pacience de Dieu abbé de Sainct Anthone de Vien­
nois, Barthazart du Chastillet, par la mesme pacience abbé de Sainct
Èvre lès Toul et de Sainct Vincent de Mets, Oulry Wys, seigneur de
Gerbévillers, bailly de Nancey, Jehan Bodenays, Estienne de Saint
Thillier *1, Maixe Cousin, licenciez en loys, et Thierret Meliant, auditeur
en la Chambre des Comptes de Lorrainnes, tous conseilliers, commis
et députés de hault et puissant prince Anthone, duc de Lorrainne et
de Bar, etc., sçavoir faisons que, en vertus des pouoirs et puissances
à nous données par les dessus dit roy et duc, nos dit seigneurs et maistres, par leur lettres patentes, à l’originales copies desquelles sont
attachiées et annexées ces présantes, la dite coppie signée d’aulcuns de
nous et des notaires soubscripts, nous eusmes, puis six jours passés,
trouvés par assemble 2 en cest cité de Mets, tant pour vacquer au rachat
et retraict de la moitiet de la Terre Commune et du totaige 3 des places,
maisons, terres et seigneuries de Dampvillers, Chavancey et Verton
et leurs appartenances et dépendences, tenues par le dit seigneur duc
à tiltre et condicion de rachat au profïit du dit seigneur roy de Castille,
et aussy pour par assemble traicter touttes bonnes amitiés, alliances,
confédéracions et voisinaiges avec les dit seigneur roy de Castille et
duc de Lorrainne, nos dit seigneurs, avec hantise 4 et communication des
subgectz, d une part et d’aultre, ou celles faictes par aultres traictés
précédans aggréer, ratifïîer et confirmer, auquelles charges y avons
vacqué par assemble par aucuns jours. Tellement que les deniers du dit
rachat, montans à la somme de vint cincqs mil florins d’or de Rin,
à nous, les dit commis de la part du dit seigneur duc et pour et on non
de luy, sont estés paiez, bailliez et délivrés réallement et de fait par les
dessus dit commis du dit seigneur roy ; dont, en vertus de nostre dit
pouoir, et pour et on a nom du dit seigneur duc, nostre maistre, nous
sommes désistez et déperty de la dite moitiet d’icelle Terre Commune,
et du totaige des dite terres, places et seigneuries de Dampvillers,
Chavancey et Verton, leurs appartenances et despendences, au proufïit
du dit seigneur roy, ses hoirs et successeurs, pour cy après par luy en
joyr et les tenir et posséder tout ainsy que ces prédicesseurs, ducs de
Luxembourg, en jouyssoient auparavant qu’elles venissent ez mains

a. Ms. : et en on.
1. Estienne de Saint Hiilier.
2. Par ensemble, ensemble.
3. Totage, totalité.
4. Hantise, fréquentation. C’est la question des relations internationales qui est ici
posée.

1519 N. ST. — TRAITÉ SIGNÉ A METZ

285

du dit seigneur duc de Lorrainne ne de messeigneurs ces prédécesseurs.
Dont, pour tousjours entretenir de mieulx en mieulx les parenté,
amytié et voisinaige des dit seigneur, roy de Castille et duc de Lorrainne,
et pour le bien de paix, tranquillité et seureté de leurs pays et subgect,
et en ensuyvant leurs bons vouloirs et intencion, avons, en vertus des
dit pouoirs qu’ilz nous en ont sur ce baillé, par assemble traictez,
accordez et conclud ainsy que s’en suyt: assavoir, que les traictez de
paix, alliances, intelligences et pactions faictes et passées par feu de
très excellante mémoire domp Philippe, roy de Castille, père du dit
seigneur en présent roy du dit Castille, dompz Charles, son filz, le
troiziesme jour de jung, en l’an mil cinq cens et ung, en sa ville de
Meddebourg, et par feu de très recommandée mémoire le roy de Sicile
René, père du dit seigneur duc de Lorrainne, on dit an quinze cens et
ung, le XXVe jour de may, au lieu de Nancey, seront et demouront en
leur force, vigueur, valeur et auctorité, et seront cy après entretenus
et gairdés selon leur forme et teneur. Et lesquelx, en vertus de nos dit
pouoirs et puissances, avons pour et ez nons des dit seigneurs, roy
Charles de Castille et duc de Lorrainne, Anthone, noz maistres, aggréez,
approuvé et ratiffié, aggréons, approuvons et ratifiions spécialement par
cestes, et, en tant que mestier seroit, les avons de nouveau faict et
accordés, faisons et accordons par la tenour des présantes, sans que cy
après y soit par l’un de nos dits seigneurs et maistres, leurs hoirs et
successeurs, aucunement contrevenu ne contrarié, ains seront perpé­
tuellement en tous et chacuns les pointz et articles d icelles entretenus
et gardez. Fors et réservé que l’article y descript et faisant mencion
du droit que le dit seigneur duc pouoit prétendre, qu’estoit le droit de
gaigier et ypothéque en la moitiet de la dite commune, ensemble le
totaige des dite places, terres et seigneuries de Dampvillers, Chavencey
et Verton, avec leurs appertenances et despendences, et aussy le droit
que par tous aultres traictés précédants icelluy seigneur duc y pouoit
quereller 1 et demander, demeure cassé, annullé et de nulle valleur,
veu que le dit raichat en a esté fait. Et de la dite somme y contenue
le dit seigneur duc de Lorrainne en a esté paié et satiffait, et, pour et
on non de luy, nous, ses dit commis, l’avons entièrement receue, comme
dit est. Et, pour plus grande seuretté et corrob[or]acion, avons, ung
chescun de nous endroit soy, promis, et promettons par cestes tout le
contenu en ces présentes faire confirmer, ratifïîer et approuver par les
dit seigneurs, roy de Castille et duc de Lorrainnes, mes dits seigneurs et
maistres 2, et en faire expédier leurs lestres de confirmacion en forme
dehue. Fait à Mets, soubz les seelz manuelz d’un chacun de nous, les
dessus dit commis et députez, le XXIe jour de febrvrier, 1 an mil Ve et

1. Réclamer.
2. On attendrait : nos dits seigneurs et maîtres.

286

1519

N. ST. —• SERVICE FUNÈBRE DE L’EMPEREUR A PARIS

XIX 1. » (Mete Ftoma.no sumpto. Nulz ne ce esbahissent de la dabte de
ces présente : car lez plusieurs stille pranne à Noël).
Item, au dit seigneurs commis, tant à ceulx de la partie de Bourgongne que de Lorainne, et à leur venue,leur fist la cité présent de plusieurs
gros flascon de vin. Et puis, quant il oyrent besoingniez en la manier
qu’avés oy, il partirent de la cité a lundemain, qui fut le XXIIe jour
du dit moix de febvrier.
Durans ces jours, et du temps que les seigneurs devent dit besoingnoient à Mets pour le fait du devent dit raichat de la Terre Com­
mune et aultres, comme dit est, le très crestiens roy de France, Françoy, premier de ce non, fist faire et célébrés à sa bonne ville et cité de
Paris le servisse du très illustre Maximilian, en son vivent ampereurs
des Romains et d’Allemaigne, roy de Germanie, Hunguerie, Dalmacie
et Croacie, etc., archeduc d’Austriche, duc de Bourgongne et de Bra­
bant. Auquelle servisse y oit tant de triumphant dueille que, se tout
dire voulloie, je n’airoie fait en piesse, tant en luminaire comme en
sonnerie et en plusieurs aultres choses qui furent faictes : tellement
qu’il n’est à croire se que pour l’onneur de ce noble prince fut faict à
Paris. Et fut la grant messe chantée par ung archevesque acompaigniés
de neuf évesques et de tant d’aultres prélas d’Église et de scientificques
personnes que l’on ne les sçairoit nombrer. Et pourtoit le groz dueil le
roy luy meisme, avec plusieurs aultres dez plus grans et des plus noblez
de son royaulme, qui à cest affaire luy acompaignoient. Et avoit le roy
fait faire ung taubarnacle de bois dedans l’église Nostre Damme de
Paris lequelle estoit aussy grant et aussy hault, et lairge à l’avenant,
comme est l’église de Sainte Élizabeth de Honguerie scituéez à Metz
devant et au dehors de la porte des Allemans ; et estoit ce taubarnacle
tout couvers de luminaire, qui estoit ung grant triumphe à veoir ; et,
avec ce, y avoit plusieurs hommez dessus pour les ralumer et pour y
avoir le regairt. Et, daventaige, fist le roy faire deux cenc robe de noir 2,
avec deux cenc chapperon, que furent donnée à deux cenc hommes
qui portaient chacun unne torche à conduire cellui servisse ; et
paireillement en furent encor plusieurs robe et chapperons donnés à
d’aultres, qui pourtoient chacun ung scierge de vierge sire. Et, pour
abrégiez, se fut l’ung dez biaulx servisse que jamaix homme vît ;
et fut merveille de ce que le roy en fist. Dieu luy vueulle mérité en
son sainct paradis !
1. M. Pierre Marot, archiviste de Meurthe-et-Moselle, me communique aimablement,
au sujet de ce traité, les renseignements suivants. C’est en 1499, après les guerres de
Bourgogne, que les châteaux en question furent laissés par Maximilien, duc d’Autriche,
à René II de Lorraine (Layette Traités et Accords, II, n° 11 ; B. N., Collection de Lor­
raine, vol. 249, n° 11). — Un accord du 21 février 1518, « style de Cambrai », relatif
à Marville, est conservé dans la layette Marville (n° 26, pièce 2 ; B, N., Collection de
Lorraine, vol. 216, n° 26, pièce 2). — Enfin la procuration du duc de Lorraine à Théodore
de Saint Chamont et aux autres plénipotentiaires (20 janvier 1518) se trouve dans la
layette Marville (n° 51 ; B. N., Collection de Lorraine, vol, 211, n° 51).
2. De drap noir.

1519 N. ST. — SERVICE FUNÈBRE DE L’EMPEREUR A METZ

287

Aussy, en ces meisme jour et durans celluy temps, messeigneurs de
chaippistre de la Grande Église de Mets ont heu prestés et laissier à
vicairie au duc de Suffort, nommés la Blanche Rouse, une maison que
yceulx chainonnes ont en Mets, nommée la maison de la Haulte Fier,
scituées auprès du monastère de Sainct Siphoriens. Et fut cest laiéez *1
faictez en telz condicion que le dit seigneur devoit la dite maison tenir
sa vie durant, sam plus ; parmy ce encor qu’il n’en devoit rien paier,
sinon qu’il seroit tenus de faire rédifïier et répairer la dite maison
(car alors elle estoit très desharetéez 2) : comme il fist. Et fist le duc
se mairchiez pour ce que le seigneur Claude Baudouche voult ravoir ses
maisons, ausquelle le duc avoit tousjours demourés depuis sa venuee.
Et, dès incontinent le merchief fait, le duc fist tout abaitre celle maison
de la Haulte Pier ; et furent mandés ouvriés de touttes pars ; et telle­
ment que, en l’espaice de environ ung ans et demi, le duc y mist en
ouvraige la vallue de plus de deux mil florin d or et de pois. Et ne fut
pas encor l’ouvraige achevis, pour ce que, pour certaine occasion, il
abandonna la cité et s’en alla tenir à Toult, comme ycy aprez il serait
dit.

[SERVICE FUNÈBRE FAIT A METZ
EN L’HONNEUR DE L’EMPEREUR MAXIMILIEN].

Meismement a en celluy temps, c’est assavoir par ung dimenche
XXe jour de febvrier, messeigneurs du Conseil et de Justice de la cité de
Mets firent anoncer le dit jour à l’esglise par touttes les paroiche de la
cité que, le vandredi ensuivant, XXVe jour du dit moix, l’on feroit le
service et obsecque du devant dit Maximillian, ampereur des Rommains,
en la Grande Église de Mets. Et, avec ce, firent encor les dit seigneurs
prier et commender au peuples que à ycelluy service a faire y eust, de
chacune maison, l’ung des chief, femme ou homme, en toutte honneurs
et dévocion. Puis, ce fait, firent ordonner par touttes les paroiche de la
cité et commender aulx eschevins d’icelle qu’il envoiaissent de chacune
des dicte pairoiche deux grosse torche à cordon, avec deux homme
vestus de noir et en dueil pour les pourter. Puis, quant se vint le jeudi,
deux sergent vestus en noir furent ordonnés pour aller par la cité prier
touttes manier de gens au dit service, et que au lundemains chacun se
trouvait au Pallas de la cité, comme au lieu qui représente la maison ae
l’empereur.
Et ainssy en fut fait. Car, le jour venus du vandredi, à 1 heure de
a. Ms. : memeismement.
1. Laiée, cession, bail,
2. Ruinée, en mauvais état.

288

1519 N. ST. — SERVICE FUNÈBRE DE L’EMPEREUR A METZ

huit heures du mattin, tous les seigneurs, gens de linaiges, avec les
contes, et touttes la bourjoisie de la cité de Mets, se trouvairent au lieu
devent dit du Pallas, pour illec atandre que les seigneurs d’Église les
Vincent quérir ; comme il firent quant temps en fut. Et là furent XL tor­
che des paroiche, avec XII pillés que la cité avoit fait faire, tous airmoiées des airme du dit seigneur ampereur, lesquelles furent pourtéez
par LII hommes tous vestus de noir et en dueil ; paireillement y avoit
quaitre gros scierge, pessant chacun sincq livre, armoiés des dites armes
et pourtés par quaitre clerc vestus de sorplis.
Et, durans que se faisoient ses préparacions au Pallas, vinrent en
la Grande Église touttes les Ordre mandians, avec crois et eaue bénicte ;
aussy firent les Frères de l’Observance, et perreillement tout les noir
moine et aultres religieulx de la cité. Paireillement y vinrent touttes les
dammes de religions, c’est assavoir Sainct Pier, Saincte Marie et Saincte
Glossine ; et aussy firent touttes les dammes et gentilz femmes de la
cité, touttes vestue en noir et en dueil. Et, alors que tous yceulx moine,
religieulx et religieuses, mandians et aultres, furent venus en la dite
Grant Église, comme dit est, l’on acomensay les vigilles des mors à
neuf lesson en la dite Grande Église de Mets.
Lesquelles quant elle furent dictes, les dit seigneurs de la Grant
Église, acompaigniés de ceulx de Sainct Salvour et de Sainct Thiébault,
s’en vinrent en belle ordonnance, deux à deux, au Pallas, pour quérir
le service (duquelle faisoit l’office monsseigneur le Chantre de la dicte
église, ad cause que monsseigneur le souffragant, qui estoit ung révérand prélas, estoit alors mallaides). Et, eulx venus au Paillas, et que le
Chantre, revêtus en aube et en abis comme à tel cas aparthient, oit
gectés l’eaue bénicte par tout le Pallas, les torche toutte alumée et les
pillés, avec les quaitre groz scierge, sortirent dehors ; et après vinrent
tous les chainoigne des trois église collégialle, deux à deux. Après les­
quelles sortit touttes la seigneurie, en belle ordonnances, et tous vestus
de noir et en dueil. Premièrement sortit le maistre eschevin, auquelle
faisoit compaignie le duc de Sufort ; puis sortirent tous les aultres
seigneur, en belle ordre, tous deux à deux, et tousjour les plus honnorable et les plus anciens devent ; avec lesquelles estoient plusieurs
noble seigneur de Loraine, qui se acompaignièrent d’iceulx seigneurs
de Mets. Puis, après eulx, marchèrent en perreille ordonnance touttes
gens de lignaige ; et, après, aboient les compte de l’ancienne a justice.
Après lesquelle mairchairent tous les soldoieur, gens d’airme et vairlet
d’hostel de la cité. Et alors, après yceulx, mairchairent tous le peuple
enthièrement, homme et femme, josne et viez. Et tous ensemble sont
entrés en la Grant Église, en laquelle estoit la présance *1 mise et esseutte,
au dehors du cuer et en l’antrée. Sur laquelle y avoit ung hault taubarnaicle fait de bois, avec plusieurs crois, et tout pains de noir ; et en
ycellui taubarnaicle y avoit quaitre cenc petit scierge (c’on dit couppon
a. Ms. : ancience.

1. Ce mot désigne encore aujourd’hui, à Metz, un catafalque.

1519. — LA DATE DE PAQUES TRÈS TARDIVE

289

ardant), chacun de demi querteron pesant. Et, dessus la présance, y
avoit ung grant noir draps damas figurés 1 qui traynoit tout au ou
iusques en terre ; et dessus ycellui y avoit ung draps d or, non.pas cy
grand de la moitiet. Et, alors que tout chacun fut antres, fut celluy
service acomenciet. Et chantait la grand messe le dit seigneur Chantre
d’icelle église ; et y oit tant d’aultres petitte messe chantee que je n en
sçairoie à dire le nombre. Puis fut l’offrande, soullainelle et grande
en laquelle furent tous les seigneurs, tant espirituel comme tempore ,
et en moult belle ordonnance. Le doulx Jhésu le praigne eji gre .
Et après le service ainssy fait, fut ordonnés de mettre les airmes qui
estoiènt autour des dit sierge, torche et pillés, c’est assavoir es plu
belle, qui estoient grande et dorée, en la Grande Église et en la c p
de la cité, scituées devent la Grant Église. Et, touttes les «mitres fut
ordonnés qu’elle fussent mise és portai des paroiche . c est assav ,
à chacune paroiche, deux d’icelle airme, et autant qu il avoie^^oigniez
de torche. Et ainssy fut l’ordonnance du service du devent dit ampereu^
comme il fut fait en Mets et a vray. Le doulx Jhesus par sa
vueulle pranre en greys ! Amen.

[l’année

i5i9].

Puis après la mort et trespassement du devent dit ampereur, et ces
services et obsecques faict et acomplis en la sorte et manier comme y y
devant ait estés dit, ne fut faictes chose digne de mémoire que je
en tout le rest de celle année. Par quoy ü fault que je vous dye comen
en l’an après coirant le milliair par mil smcq cens et XIX ans, tut tai ,
créés et essus pour maistre eschevin en la noble cite^de Mets le seigneur
Michiel le Gournaix, filz au seigneur Françoy e Gournaix chevalier
duquel ycy devent vous ait parlés, qui desjay 1 avoit estez en 1 an m
Y et XVI. Et fut cest élection faictes waulcant alors e scieg
Sainct Ampire ; et n’estoient encor nul nouvelle certaine qui
estre elleus pour ampereurs.
, utrandons
En celle année fut la karesme comme au plus tant : car es Brandons
que nous disons les Balles, furent le XIII- jour de mars ; e _ fut la, samct
George le jour du Grant Sabmedi : par quoy ne fut pas menes o> y
g
en triomphe par la ville la vigille (qui fut le vandredi sainct , comme la
coustume est en Mets de le mener ; ams fut dilattes a fa
jusques à l’uytiesme jour après.
.
. . ;s
Et fist en ce dit jour de sainct George une moult belle journée pu ,
à la nuyt, il pleut une moult doulce pluye et chaulde et tonnait et a o
dait. Et fist le railleur temps du monde ; de quoy chacun fu
J y •
1. Le damas est un drap de soie à dessins de ramages,
ton.

figures ou animaux, ton sur

^519. • • LETTRES EN ALLEMAND AFFICHÉES A METZ

Pareillement au lundemain, jour de Paicque, qui alors fut le XXIIIIe
jour d apvril, il fist tant chault que merveille ; et n’estoit possible de
faire une p us belle journée. Et aussy fist la nuyt ensuiant. Mais, quant
ce vint le lundi au mattin, jour sainct Marc évengéliste, le temps ce
muait, et retournait le vent à la froidure, et tellement se convertit en
pluye et en froidure que l’on ne pouoit durer de froit : car il pleut tout le
jour une très froide pluye et malvaise.
Item à celluy jour saint Marc, qui fut le lundi, comme dit est devent
Ion ne fist pas la sollanitté de la feste en l’Église ad cause du jour de
aicque, mais fut laissiez et dillatés jusques au lundi après, qui fut le
lundemain de Kasimodo : auquelle jour fut faicte la feste et la porcession, comme la coustume ancienne est de chacun ans faire. Aussy en
celle année le dimenche des Rogacion fut le XXIXe jour de may ; et le
jour de l’Ancencion Nostre Seigneur escheut le deuxiesme jour de
jung ; la Panthecouste, le douziesme jour de jung ; la Trinités, le
Y^TJ°Ur de JUng ’ Ie Saint Sacrement, c’on dit la Feste Dieu, le
AAllie jour de jung, qui fut et escheut la vigille de la saint Jehan
Baptiste : car la saint Jehan est tousjours le XXIIIIe j0Ur de jun^.
Et estoit le karesme en cest année a plus tairt, fort que d’ung jour.
Rem, aussy en celle année, le premier jours des Avant de Noël sont le
-NX VIIe jour de novembre.
Or, en laissant se propos, venons à dire de plusieurs adventure et
chose digne de mémoire qui ce firent en celle année. Premier, advint
que le dit ans V° et XIX, le dernier jour d’abvril, qui fut le samedy
vigille de Kasimodo, furent mise, posée et estachée à la cornée du mur
u Pallas de Mets, là où ce huche les Trèses, deux lettre en allemans,
differans 1 une de l’aultre ; et, de l’aultre partie d’icelle cornée de mur,
lurent encor estaichée deux paireille lettre. Esquelles lettre estoit
contenus et escnpt : c’est assavoir, en l’une d’icelle, desclairoit la grande
alliance que nouvellement ce avoit fait entre plusieurs grand prince
d Allemagne pour le fait de l’Ampire (et en ycelle alliance et avec les
devant dit prince estoient comprime plus de LXX ville fermée tant
cite comme bonne ville) ; et contenoient les dite lestre comment ÿceulx
prince et ycelle cité d’Allemaigne estoient advertis que ung prince
d aultre nacion que de Germanie prétandoit et desiroit à estre ampereur, contre laquelle chose il voulaient à leur pouoir résister, par quoy
il mandoient à ceulx de Mets, à Triève, à Strasbourgz et à plusieurs
au très lieu, cité et comunaultés, qu’i fussent sur leur gairde et se thincent fort, et que, se il oyoient nouvelles que l’on les voullût enforcer,
en quelque manier que ce fût, qu’il le sceuscent à dire, et il aroient incon­
tinent secourt d’une sy grant multitude de gens de guerre que se seroit
fort chose a les combaitre (car il fut dit et a vray certiffiés que, en leur
alliance, il estoient assés gens pour combaitre la moitiet de la cresîentés). Item, 1 aultre lettre disoit et desclairoit comment yceulx seigneurs alliés avoient conjointement elleus pour vicaire et lieutenant
dampereur, jusques à provisions, le très inlustres et très redoubtés
prince monsseigneur le Pallessegrève, pour faire justice et pour randre

j519.

— MONSEIGNEUR DE GUISE A SAINTE BARBE

291

à chacun son droy : par quoy les dit seigneurs mandaient par touttes
cité et bonne ville de l’Ampire que, ce l’on avoit affaire de justice, que
l’on retournait par devers le dit seigneur, car ad ce faire estoit commis
jusques ad ce que ung aultre ampereur fût fait et créés.
En ses meisme jours, c’est assavoir le dimenche après Kasimodo, qui
fut le VIIIe jour de may, monsseigneur de Guise, fdz au duc Rene , roy
de Cecille, et frère au duc Anthonne de Loraine et de Bar, arivait se
jour à la ville de Joiey, tout de piedz et moyenement acompaigniez ;
et y dînait, luy et ces gens. Car le dit seigneur avoit, en l’an devent,
estés à celle tant dangereuse baitaille de la journaie de Sainte Crois
en Lumbairdie, en laquel, au servise du roy, avec les lansquenecht,
avoit par plusieurs fois estés en grant dangier de sa parsonne, par quoy,
se rescommandant à Dieu et à ses sainct et sainctes, il avoit wouees
de ainssy aller en voyaige à ma damme saincte Barbe auprès de Mets,
tout à piedz, et de y offrir ung scierge de cire le pesant de luy tout airmes.
Et ainssy le fist ; et, avec ce, fut offerte une estautuee de bois faictes
à sa samblance et grandeur. Et alors, à ce meisme jour, et apres ce que
l’on fut advertis de sa venue, plusieurs de nous seigneurs de Mets, avec
tous les souldoieurs et collevreniers de la ville, et avec aussy plusieurs
bourjois et aultres, luy furent au devent jusques à Joiey. Entre les­
quelles seigneurs y fut le duc de Suffort, nommes la Blanche Rouse
acompaigniez de ces gens ; lequelle, après ce qu il vint a Joiey, û m
piedz à terre, et acompaignait le dit seigneur de Guise tout de piedz,
jusques à la bonne cité de Mets, et toujours le tenant par la mains.
Et vint le dit seigneur de Guise, tout en biaulx pourpoint, tout descouppés et déchicquetés, chausse et pourpoint comme ung lancsquenectht ; et sy estaient ces chausse doublée de fin draps à or, e son
pourpoint perreillement. Et aussy, à celle journée, estait le temps
moult biaulx et moult serains. Et estait alors celluy seigneur ung moult
biaulx josne hommes entre dix mil, hault, droit et esleves, et en la
fleur de son eaige. Et, en allant, avoit toujours ung compagnon
devent luy lequelle incessanment tambouroit ung. groz tambourin
Suisse pour luy resjoyr. Et ainssy fut conduit jusques a a por es
Champenoize. Devant laquelle et à son antrée se trouvait tant de
peuple que force fut de cloire la porte : car, de la grand presse des ge ,
l’on ne ce pouoit contourner par les rues. Et ainssy antrait leditseigneur ; et fut honnorablement ressus, et luy fut faicte ung b
.
Leste recueille de la plus part de la seigneurie, que iUec estait venue.
Et debvés sçavoir que avec le dit seigneur vinrent etantraireat p usieurs banis et forjugiés, lesquelles par leur esmeri e ^v01®
banis de la cité et du païs (et estaient en nombre plus de XX tant
homme que femme), lesquelles pour l’honneurs du dit seigneur• olrent
tous leur graice. Et alors, ainssy acompaigniez fut menez et co
jusques à l’abbaye de Sainct Vincent ; et là fut lougiez et y souppa et
couchait pour celle nuyt. Puis, tout incontmant qu il fut anves à Sa
Vincent, et après ce que le rest de tous les seigneurs et gouverneurs

292

1519. - AVENTURES DIVERSES AU PAYS DE METZ

de la «lé luy heurent fait la révérance, disant qu’il fût le très bien venus
Ion luy fist presant, on non de la cité, de ung coulple de moult Sx
a pris et vTlîUeXd
Y’^ assavoir ™g courtaulx et une haiquenée,
“ e CenC °tT d’0r Ies deux (et tant avoient 11 coustés).
t-uis, après le souppes, fut le dit seigneur conduit par la ville • et fut
bancqueter chiez le seigneur Françoy le Gournaix! cheval ’ Et au

BmrbT'eT’àt1

^ * “ay’ fut C0»dait à “

p • ’
,
conduire y furent plusieurs seigneurs, tout de piedz
et ni ’ aPreS T V°yaiSe acomplis, il retournait en Mets. Et fut menés
demaSutîa C*8H*# T aüItreS’ et festoiez grandement. Et, au lunaS’i
rand ^gIlSe Parée et acoustrée- et tous les sainct relicfût estés 1 e in rnis sus le grant autel, tout et ne plus ne moin comme ce
r f6 .SainCt EStIenne 0U le j0lir de Noël (et encor mieulx),
les faisoit ouvr eItC 01tCîe’mi 68 gr°SSe °rgUe qui juoient’ que biaulx
x•
,Y ’ .1 fut le dlt se]gneur baisier et atouchier une grande
bonne ÎhierYi ;CqUeS\Pals’ aPrez dînés et que l’on luy eust fait la
e chier, il fut menes tout a plus hault du cloichier de Meute •
et a, acompaigmez d’aulcuns des seigneurs de la cité, fut longuement
“S 6n r6Sgairdant la ville- Et, après la bonne chier faictes,
tens Et nrtf JcUr “T®’ ^ M
^ J'°ur de may- lu^ et ces
g e ' Et pnnt congies des seigneurs de la cité en les fort remerciant •
et se contentoit grandement du biaulx recueil et de la bonne chier qu’i

klort Is; '

" 3lllait 16
SCigneUr’ Iuy 6t l6S Siens- mairander
ort sur Saille, et puis soupper à Clémery, qui est tout près.

enï arrr?M^ Cnt -eHe P-éSante anné6’ plusieurs diverse adventure
bourio dt ^ t 63 PaïS JOmdant' Pl'emier’ avint que
des riche
la rue c’on dfi r ’• TJeMat’ 16 tainneUr’ aI°rS demeurant en
et s" rompit ie col
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“ 'a“S>it cheoir d W
orarf|ia' aU,SS5lfenV1™n le may’ y oIt ung compaignon sarurier de la
g a d rue de Maizelle qui, par fortune, se noiait en la ripvier de Saille.
Safnct P
’ “ tCeIle,meiSme Sepmaigne’ y o!fc
*>«» femme à
mari
estoit Presse, et, par jalloisie qu’elle avoit de son
mant, elle se désespérait, et se pandit et estranglait
. AuSfy’ assés_tost après, environ XV jour en jung, y oit une aultre
josne femme gisant d’anffans, en la rue du Serisiet, auprès de l’Ospital
Samct Nicollas qui pareillement fut trouvée en sa maison estre pandue
e estranglee. Toutteffois, de cest piteuse advanture, en fut tenue
suspect une femme, laquelle tout son josne eaige avoit servis le curé de
ai ey , mais, pour ce que cellui prebstre, son maistre, ne la voulloit
p us pour sa ma vistiez et crudellité (et aussy pour ce qu’il c’estoit
omtiez d une plus josne), la dite vint à demourer en ce lieu du Serisie , avec yce e josne femme, et toutte en une maison. Mais, par sa
ma vistiez, estaient ycelle femme tousjours en huttin, ne n’avoient
jamaix journée de paix : par quoy se fut la cause qu’elle fut suspecionee du fait ; avec ce, aussy, qu’elle s’en estoit fouyees, et cuydoit

1519. — AVENTURES DIVERSES AU PAYS DE METZ

293

eschapper. Et eust eschappés, se n’eust estés le marit d’icelle josne
femme pandue, qui courreut après jusques en Génivaulx ; et là fut
prinse, et ramenée à Mets ; et fut mise en l’hostel de la ville et examinée
du fait. Et fut trouvée courpauble : car, aprez plusieurs chose, elle
confessait qu’elle avoit tuéez et assomméez la devent dicte josne femme
gisante, elle estant sus le retrait1 ; puis, ce fait, elle l’avoit traynée et
l’a voit pandus en la sorte qu’elle avoit estés trouvée. Et confessait
encor celle mauldicte femme plusieurs aultre grant mal et villains crime
qu’elle avoit en son temps fait. Par quoy, avent que en faire justice,
l’on voulloit sçavoir d’elle encor quelque chose a vray, de laquelle elle
estait suspect ; et elle print dilacions et jour d’avis jusques au lundemains, qui estait le dimanche. Mais, se temps durant, et après ce que
au dit jour de dimanche l’on luy oit pourtés à dîner, elle ce pandit en la
prison et estranglait. Et fut ce fait par la plus estrange fasson du monde :
car, au dedans d’icelle woulte et prison, y avoit une fenestre, en laquelle
le fuste estait de fer 2, ouvrant du dedans, et à ycelluy guichellet de fer
y avoit le matton 3 d’une clanche, auquelle la malheurée et cruelle
forcenée se pandit. Et, pour ce faire, n’avoit corde ne chénette ny
aultrez chose que le cordiaulx de quoy elle lioit ces cheveulx (car elle
avoit les plus biaulx cheveulx et les plus biaulx crins que femme puissent
avoir) ; et, jay ce qu’elle estait grande, haulte et puissant femme,
celluy cordiaulx la soubtint et estrainglait. Par quoy elle fut traynée
Entre deux Pont, soubz les rue. Et là fut mise et pandue en la propre
potance en laquelle estait encor le devent dit Odinet, lequelle environ
deux ans devant ce avoit noiez : cy fut le dit Odinet ostés, et elle mise en
sa place.
Puis, tantost après, se noiait en Mezelle ung povre josne compaignon
tixerant, par fortune.
Item, pour ce que celle annee et tout celluy estes fut le temps mal
dispousés et adonnés à pluye, le peuple et tout chacuns murmuroient
et disoient que c’estoit pour celle malheureuse femme, qui estait mise
et pandue au lieu des crestiens, et qu’elle n’en estait pas digne. Par
quoy, environ la sainct Denis après, on moix d’octoubre, la Justice la
fist oster de ce lieu ; et fut enterrée dessoubz les rue, et là demoura et
est encor.
Tantost après ces fortune advenue, avindrent encor en Mets plusieurs
aultre besoingne. C’est assavoir, pour la premier, je vous veult ycy dire
et relattés comment par fortune ung josne filz, mairliet de Sainct
Arnoult, se tuait. Celluy josne filz estait montés en hault du dedans des
petitte woulte d’icelle église, dessus les elles ; et là fouroit ung pertuis
en une piesse de bois, en intencion de y mettre aulcuns crampon de fer
1. Lieux d’aisance, cabinets.
2. Le bâti de la fenêtre. — L’expression « fût de fer » est curieuse.
3. Maton, partie du loquet sur laquelle on appuie pour ouvrir une porte (Zéliqzon1
Dictionnaire des patois romans de la Moselle). En français, mentonnet présente des sens
analogues.

294

1519.

— CHARLES D’AUTRICHE ÉLU EMPEREUR

pour pandre la taspisserie pour pairer l’esglise du dit Sainct Arnoult,
pour ce que la feste en aprouchoit ; et, en fourant et ce pressant, le
taireire rompist en deux. Par quoy cellui guerson s’en vint la teste
devant a 1 avallee et cheut de la hault en mey la nef d’icelle église j et se
tuait tout roide.
Item, en celle année fut faictes en tout les pais d’Allemaigne une
grant joie et ung grant triumphe, corne vous oyrés. Car, par ung mairdi
XXVIIIe jour de jung, la vigille de la sainct Fier, fut publiés dedans
Francfort et aultre part, à son de trompette et de cléron, comment
Charles, roy catholicque, lequelle alors estoit roy de Castille, de Cicille
et d Arragon, archeduc d’Austrice, duc de Bourgongne, de Brabant et
de Lucembourgz, avellet à l’empereur trespassés Maximilian et filz a
noble duc Phelippe d’Austrice, lequelle en son vivant fut roy d’Espaigne
et de plusieurs aultre terre et seigneurie, celluy, en ces jours, fut elleus
pour ampereur de Romme et d’Allemaigne, et publiés comme dit est.
Puis, ce fait, 1 on envoiait courrier à pouste de tout coustés pour anoncer
1 élection du Samct Ampire. Et alors heussiez veu et ouy sonner les
cloches par touttes les cités et bonne ville d’Allemaigne, paireillement
faire pourcession, juer des orgues és église, randre graice à Dieu et
chanter TeDeum laudamus, puis faire grant feu de joie, chanter, dancer,
caroller, et en toutte jubillacion ce resjoyr. Car c’estoit sur tout tant
qu’il desiroie 1 ; et, pour ce qu’il estoit nouvelle que le roy très crestiens,
Françoy, premier de ce non, y avoit bon partit et taichoit de l’estre, il
ne craindoient tant chose qu’il le fust, et ne voulloient yceulx Allemans
avoir point d’aultre ampereurs sinon ung qui fût de la généracion
de Germanie. Et ainssy furent touttes leur joie acomplie.
Item, en celluy temps, à l’acomencement du moix d’aoust, avint
encor une adventure en Mets. Se fut que ung josne filz, nommés Françoy, le chaussetier, et filz a Jehan d Olxey, en son temps merchamps
de chevaulx, cellui josne filz, en chevaulchant ung chevaulx par devant
la porte Champenoize, par fortune (et aussy pour ce qu’il estoit malvaix
à donter), le mort de la bride rompit, et tellement que à force il amportait le dit Françoy en Mets. Et courroit ce chevaulx comme ung diable,
pour ce qu’il ne le sçavoit à quoy retenir. Et, en antrant en la porte'
il ruait ung cy grant corpt des piedz de derrier qu’il tua tout roide ung
riche vigneron de la paroiche Sainct Gegoul, nommés Jehan le Gouget.
Et alors le dit Françoy s’en fouyt à Saint Arnoult en franchises. Et on
le huchait sur la pier devant Saint Gergonne, corne la coustume est ; et,
pour ce qu’il ne se fut pas escusés, il fut banis. Mais, tantost après, la
paix en fut faictes, et acourdés 2 a la femme et aux amis, et retournait
le dit Françoy en Mets.
Puis, tantost après, le jour de la feste sainct Arnoult, et auquelle
jour en la cuisine comme au moustiet l’on faisoit une grosse feste, et

1. C’était ce qu’ils désiraient par dessus tout.
2. Et il fat accordé à la femme, et l’accord fut conclu avec la femme et les amis.

1519. — SIBYLLE ET LE DUC DE SUFFOLK

295

tellement que le cuisinier, qui estoit eschaufïés du feux, et, avec ce,
avoit bien beu, print question encontre ung bouchier de Mets. Auquelle
le dit cuisinier donnait ung grant copt de coustiaulx, par quoy d’icellui le
dit bouchier fut en grant dangier de mourir.
Plusieurs aultrez chose se firent encor, lesquelle je laisse pour abrégier.

[SCANDALE CAUSÉ

a

METZ PAR SIBYLLE,

FEMME DE NICOLAS L’ORFÈVRE],

Après ces chose ainssy advenue, en advindrent encor d’aultre, plus
grande et digne de mémoire. Entre lesquelle avint que, en cellui temps,
tout chacun, grant et petit, murmuroit du gouvernement d’une josne
femme demourant alors en Fornerue, nommée Sebille, femme à Nicollas
l’orfèvre et fille à Goudin le bouchiés. Et la cause de celle murmure
estoit que l’on voulloit dire que le seigneur Blanche Rouse, duc de
Suffort, l’antretenoit (comme vérité estoit) : car celle Cebille estoit
pour lors l’une des belle josne femme qui fût point en la cité de Mets,
haulte, droitte et eslevée, et blanche comme la neige. Or avoit le dit
duc, pour parvenir ad ce qu’il serchoit, longuement devent entretenus
le mary d’elle ; et luy faisoit ouvrer en waicelle d’or et d’argent, et le
paioit tout à son dit. Et, de fait, durans que se faisoient les acointance
devant dictes, le envoiait le duc à certains prepos à Pans, du tout a ces
frais et coustange, pour acheter ceu qu’il luy failloit. Et prmt par tropt
grant acointance à luy ; et tellement allait la besoingne que ceUe belle
Cebille alloit aulcune fois bancqueter et faire la bonne chiere en hostel
du dit duc (lequelle encor alors se tenoit en la maison seigneur Claude
Baudoiche, auprès du Sahict Esperit). Et tant que chacun en perloit,
pour ce souverainement que tropt souvant le dit duc venoit de nuyt en
l’hostel d’ung couturier voisin à la dite Cebille, nommes Mangenat,
de Noeroy ; et, alors qu’il y estoit, ne se oysoit trouver personne par les
rue : car au dit duc sambloit que tout le monde l’espioit, par quoy il
voulloit baitre ou tuer tous les passant. Et tellement que, pour ce lai ,
le dit Mangenat en escheut en grant hayne de ces woism et woismez,
lesquelles disoient tout plainement que lui et sa femme en estoien
reschous 1 et macreaulx.
Et de fait, en celle année, advint ung jour, à 1 acommencement de
septambre, et du temps que le duc se tenoit desjay en sa. maison de la
Haulte Pier qu’il avoit novellement fait édiffier, se esmeust grant
huttin des dit woisin en Fornerue à l’encontre du dit Mangenat pour ce
que le dit Mangenat les menassoit, et disoit que par leur parolles il en
1. Racheus, teigneux, galeux, terme d’injure.

296

1519.

—• SIBYLLE ET LE DUC DE SUFFOLK

viendrait encor du mal, et corps sans âme. Et, pour ces parollez et plu­
sieurs aultres chose, se assamblairent les dit woisins et se bandirent
tous encontre luy, tellement que, le samedi Xe jour du dit moix de
septambre, s’en aillirent yceulx woisins complaindre en justice. Par
quoy furent mandés le dit Mangenat et la dite Cebille, avec le devant
dit Nicollas, l’orfèvre, son marit ; et là leur fut remonstrés plusieurs
parolle touchant ce fait.
Et tellement que, quant elle vit que la besoingne se portoit mal, elle
trouvait manier d’avoir l’airgent de son marit ; et fist ces fairdiaulx de
ces roube et juaulx, et de touttes ces milleur baigues, et, la nuyt ensui­
vant, à minuit, ce desroubait, elle et sa servante, et s’en aillait se fourer
en la maison de la Haulte Pier, chiez le dit duc.
Et, quant ce vint le dimenche a mattin, XIe jour du dit moix, vous
ne vistes de voustre vie telle rumeurs ne tel murmure qu’il fut alors
parmi la ville pour celle femme ; et en perloit on en publicque et en
celler par toutte la cité : car l’on ne sçavoit encor a vray là où elle fût.
Touteffois, jay ce que l’on pansoit bien qu’elle estoit au dit lieu de la
Haulte Pier, cy ce thint elle illec secrètement en mue par l’espaisse de
aulcuns jours, et estoit cy très couvertement tenuee que l’on ne la veoit
point. Par quoy son mary, durant qu’elle y fut, faisoit tout debvoir
et pourchaissoit de toutte sa puissance que du moins il peult ravoir ces
biens qui lui estoient prins et amblés. Et tellement pourchaissait qu’il
retrouvait les fairdiaulx ; et lui furent randus ; et fut la vielle qui en
estoit courpable, mère à la devent dicte servante, prinse et mise en
l’hostel de la ville en prison pour ce qu’elle soubtenoit et celloit les dit
fardiaulx.
Et, durant que le devent dit Nicollas pourchaissoit ainssy pour
sa femme et pour ces biens, comme dit est, il advint une aultre adventure en Mets, d’ung josne homme menusier, nommés Thiérei, et duquelle
aultre fois vous ait perlés, qui se avoit rompus le bras en juant à la
palme. Cellui Thierei s’annivroit souvant ; et, ung jour de mairdi a soir,
vigüle de saincte Croix, qu il avoit bien beu, se mutinait en l’encontre
d’ung josne fïlz, cordonnier en Fornerue, lequelle ne lui demandoit
rien ; et lui donnait cellui Thierei ung grant copt de coustiaulx. Pour
laquelle chose il fut loing temps déchaissiet de Mets.
Mais, pour revenir a prepos de cellui orfèvre et de sa femme, toute la
semaigne anthièrement ne fist aultre chose le dit Nicollas que pourchaissiez pour ravoir la dicte Cebille, sa femmes, avec les biens qu’elle
en avoit pourtés, c’est assavoir roube et juaulx ; et en fut pour ce fait
plusieurs fois en justice. Mais il n’avoit gairde d’aller qu’il n’eust tousjour la main armée et le hairnaix 1 au dos : car sur tout il haioit le duc
et le menassoit. Et tellement que, le vandredi ensuiant, XVIe jour du
dit moix, le duc vint à passer par Fornerue, lui et ces gens ; et vit le dit

1. Harnais signifie ici, comme au xvn® siècle, l’ensemble des armes défensives.

1519. — SIBYLLE ET LE DUC DE SUFFOLK

297

Nicollas, l’orfèvre, qui estoit apoiés sur l’estault d’aulcuns ces woisins.
Et, sans aultres perrolle dire, il ce aperseust, comme il fut dit, que le dit
Nicollas lui getta ung regaird du travers et le menaissoit de la teste par
samblant ; par quoy le duc, voiant ce, ait dit ainssy : « Non, non »,
dit-il, « tantost, tantost, en voullés vous à moy ? ». Puis, ce dit, escriait
à ces'gens qu’il se rangissent. Et, ce dit, ait tiriez son dollequin \ et en
cuidait férir le dit orfèvre. Mais il aperseust venir le copt et bien viste
se mist à salvetés dedans la maison du dit son woisin. Et alors la Blanche
Rouse, voiant qu’il avoit faillis son copt, ait gectés le dit poignal de
toutte sa force après luy.
Par quoy ce fut une grande esclandre et grand murmure par toutte la
cité. Et tellement que, le sabmedi lundemain, XVIIe jour du dit moix
de septembre, le dit Nicollas ce trouvait devant la Grant Église, tout
armés, l’espée au coustés et la haillebairde dessus le col ; et illec, présant chacun, ait dit et requis au peuple de la cité et à tous chacun que il
trouvoit que pour Dieu il luy thinsent compaignie en justice : car,
comme il dit, c’il le souffrait, cecy pourrait redonder à plusieurs aultres.
Et alors tout chacun fut de son alliance, et l’ensuivirent. Et fut le grant
Conseil pour ce fait mis ensamble. Et tellement que, pour le dangier
et fureur du peuple, aulcuns seigneurs estant alors au Conseil envoia
hâtivement dire a duc que pour Dieu il ne vînt point, ne ne se trouvait
devant l’église. Et fut rancontrés en chemin, luy et ces gens, qui venoient ; mais, au parolle du messaigier, il retournait ; et n’y fut de lomg
temps après.
Or estoient tous les seigneurs (ou la plus part) en conseil pour se lait
ycy. Et y furent jusques au X heure et demée, pour ce que instenment
le dit Nicollas demandoit et requérait que justice luy fût faicte. Et
tellement que aulcuns des dit seigneurs furent commis et envoiés devers
le dit duc pour courtoisement luy remonstrer ces faultes, et, avec ce,
pour ramener la dite Cebille et la randre à son marit. Et ainssy en fut
fait • car après plusieurs parolle que pour ce fait furent randue, le dit
seigneur duc acourdait de la randre, combien que se fût contre cuer et
que moult envis 3* le
1 *fist. Toutteffois il leur mist celle femme en mains,
par telle condicion que, par sa prière, il fist promectre en foy de gen­
tillesse au dit seigneurs qu’il ne la randroient point au dit Nicollas, son
marit sinon qu’il promist et jurait que pour celle faulte il ne l’en atoucheroit ne baitteroit par malztallant 4, 5ne ne l’en dirait parolle qui l’en
puissent desplaire, sinon doncque que leur huttin ou desbat vînt pour
aultre chose, ou qu’elle, de ces jours en avant, se mesdonnît 3 encor et
faisît aultre faulte. Laquelle chose yceulx seigneurs promirent « au duc
a Ms : promirent.
, , .
...
1. C’est une sorte de poignard, comme le dira Philippe plus loin, et non une petite
hache (ou une petite doloire), comme le croit Godefroy.
,
2 Un Anal,comme J poignard, est exactement une arme que l’on tient avec le
poing.
3. Envis, malgré lui.
4. Mallaient, dépit, colère.
5. Se deshonorât.

298

1519. — SIBYLLE ET LE DUC DE SUFFOLK

de le dire, toutte en la sorte et manier qu’il l’avoit couchiez. Et alors,
en grand regret des pertie, fut la dite Cebille randue és mains des dit
seigneurs, et fut ramenée par les bras d’yceulx seigneurs, comme une
espousée, c’est assavoir de messire Andrieu de Rinack, chevalier et
seigneur de Laiduchamps, la tenant à la destre, et le seigneur Phelippe
Dex à la senestre ; et avec eulx estoient encor plusieurs aultre seigneurs
et plusieurs sergent. Et Dieu scet se à cest heure y avoit du peuple après
elle pour la resgairder. Et en cest estât fut menée devent Justice ;
et là fut interroguée de plusieurs chose : auquelle interrogacion bien
vivement et sans se faindre 1 elle respondit. Puis fut le mary mandés,
et luy fut dit la manier comment on luy voulloit randre, en faisant les
promesse devent dicte et en tournant bonne seurtés de ainssy le faire
et tenir. Mais de tout ce fut reffusant ; et voulloit et instanment requéroit qu’elle luy fût randue pour en faire à sa voulluntés. Toutteffois,
à la requeste d’aulcuns, le dit Nicollas print dillacion, pour ce adviser,
jusques à ung aultre jour. Et alors fut la dite Cebille, elle et sa servante,
mise en gairde des sergent et enfermée on Pallais, en la chambre des
Sept de la guerre. Et en ce lieu fut plusieurs jours et plusieurs nuyt ;
et luy pourtoit on à boire et mangier de bonne viande, prinse au frais
de la ville en l’hostel à l’Ange.
Et ainssy demourait la chose jusques aulcuns jour après, que le dit
Nicollas, son marit, se despitait de ce c’on ne luy randoit sa femme ; et
pour ce, sans donner aultre responce, s’an allait soy faire bourjois à
Theonville. Et alors le duc de Sufïort, dit Blanche Rouse, s’en aillait
soy tenir au chaisteaulx d’Aignerey, aperthenant a seigneur Nicolle de
Heu, affin de illec passer millancollie, et pour oblier son dueil. Maix,
luy estant au dit chasteaulx, par ung jour après, en allant au champs
à l’esbat, il fut en adventure d’estre sourprins (et, de fait, c’il fût estés
cogneus, il estoit mort ou prins) par aulcuns Allemans que le dit Nicollas
avoit assamblés. Par quoy luy, voiant le dangier, s’en allait soy tenir
en la cité de Toul ; et y fïst mener une partie de son mesnaige.
Alors le Conseil fut mis ensamble pour sçavoir que l’on feroit de celle
josne femme, laquelle estoit encor détenue en la chambre des Sept de
la guerre. Et, tout conclus, voiant que le duc en estoit allés, fut mandés
au marit qu’il retournait à Mets, et que l’on lui randroit. Mais, jay ce
que par plusieurs fois luy en fût le messaige fait, il le desprisait, et n’y
daignait à venir. Par quoy, environ XV jour après, Justice, voyant qu’il
ne venoit, randit et délivrait la dite Cebille ; et fut mise entre les mains
et en la gairde de Françoy Goudin, le chaussetier, son frère. Et puis,
par le consantement de luy et des amis, fut mise à desmourer en gairde
en l’hostel de une bonne weve femme, leur parante, nommée Mariette,
la chandellier de cire, de decost Saincte Crois. Puis, bien tost aprez,
la dicte Mariette, voiant son train, s’en deffit ; et fut la dite Cebille
mise à demourer en la Viez Boucherie, en la maison qui fut à son perre,
decoste sa grant merre (car le dit son perre et sa merre estoient mors, et
1. Sans hésiter.

15d9.

__ DISPOSITION DU TEMPS ET QUALITÉ DES RÉCOLTES

299

pour ce fut mise decost ycelle ancienne femme, sa grant merre). Par
quoy la dite Cebille, bien tost après, abusait la povre vielle de parolle,
et lui fist acroire de aller en voiaige à Saint Trottin 1. Mais elle ce
desroubait ; et fut dit et certifflés que, en forme et vestue en abis de une
vandangeresse, avec ung vil abis de toille, c’on dit rouchet, et avec ung
panier et ung sairpon, saillit dehors de la cité ; et, en ung lieu dit,
trouvait ces gens tout prest, qui l’acoustrairent et abillairent enpaige;
et ainssy acoustrée fut emmenée, que l’on ne soit qu’elle devint.
Néantmoins que l’on disoit et pansoit on bien qu’elle estoit à Toul.
Or, en ce temps, estoit pour cestuy fait la devant dicte gairse sa
servante mise en l’hostel de la ville ; et congneut à Justice tout le fait
de leur acointance. Et tellement que le devant dit Mangenat, le taillour, fut trouvés coulpauble du fait ; et fut accusés par la dicte servante,
et dit que luy, et ung nommés Jehan Xaillat, cordonniet, demourant
alors à Joiey, en avoient ressus plusieurs escus. Car le dit Nicollas,
l’orfèvre, avoit nouvellement fait faire une belle moitresse et ung lieu
de plaisance au dit lieu de Joiey. En laquelle la dicte Cebille, sa
femme, alloit souvant; aussy faisoit le duc ; et là faisoit on les bains et
la bonne chier; et tout ce merchiés pourmenoient les dit Jehan Xaillat
et le dit Mangenat. Par quoy, bien tost après le despart de la dicte
Cebille furent les devant dit clamés et huchiez sur la pier que dedans
sept nus se vausissent escuser d’icelluy crime que on leur impousoit ou, sinon, que Justice y pourveyroit. Et, lé sept nuyt passée, qui
furent le sabmedi XXIIe jour d’octoubre, pour ce qu’il ne ce vmdrent
escuser, il furent arrier huchiez sur la dicte pier ; et furent bams et
forjugiez à tousjour maix, sans rapel.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ].

Item, celle année mil sincq cenc et XIX fut terriblement moiste, et le
temps mal dispousés : car tousjour ne finoit de plovoir, et souveraine­
ment depuis la Translacion sainct Mertin en estés en jusques à la Toussaincts. Et tellement que les bien de terre, lesquelles en celle année
estoient en aussy grant aparance d’estre bons et en grant multitude,
olrent à souffrir, et grant paine de meurir et de venir à parfection. Car,
ad cause des grant pluye qu’il fist, les bledz ne furent pas des railleurs :
jai ce que on en oit assés grant abondance, et donnoit on la quairte
pour sincq ou six sol, et l’avuaine pour deux sol et demi, ou, a plus,
pour trois sol ; et fût encor estés à milleur mairchief la moitiet, se ne
fût que on n’avoit peu bien labourés ne enhainés : car de XX ans devant
l’on n’avoit sy mal labourés ne semer comme l’on avoit fait alors ;
et la cause estoit pour le temps mal dispousés et des grande pluye. Pois
et feuve furent à bon merchief. Pareillement le fom, duquel on avoit
1. Pèlerinage fantaisiste.

300

1519. — ENFANT DÉTERRÉ PAR JUSTICE

heu aparavant grant nécessité, voir par deux ans de routte, fut en cest
année à essés compétant merchief, comme de XV sol, de XVIII ou de
XX a plus pour la charée ; et eust encor estés à biaucopt milleur marcbief, se ne fût pour les grande pluye que en ce temps il fîst, comme dit
est devent : car jamaix l’on n’avoit veu plus grande abondance d’erbes
que cest année avoit ; mais la plus part fut gaistée de pluye, et en fut
grant partie emmenés de ripvier, qui alors estoient hors de rive, et en y
oit assés du gaistés et du porris au champs. Au regaird des vigne, elle
estoient chairgée à grand abondance. Par quoy, au moix d’aoust, l’on
donnoit desjay la quairte de vin de l’an devant pour quaitre ou sincq
denier ; et l’eust on heu pour deux denier, ce le temps fût venus à point.
Pluye continuelle a. — Mais la pluye continuait tellement, comme
dit est, que on ne pouoit aller ne venir, ne, avec se, rien faire en vigne.
Et, daventaige, les roisins ne pouoient meurir : ains furent et se tinrent
loing temps en vergeus ; et, de fait, fut la sainct Remey venue avent
que vandangier.
Petit vin. — Par quoy les dit vin furent de povre boisson, et de petit
pris : la cause pour quoy estoit que, a plus les laissoit on a sappe, et plus
se ampiroient et se pourissoient. Aussy je croy que, de l’eaige du plus
anciens homme qui alors fût, l’on n’avoit veu les chemin plus ors ne sy
faingeus, ne la vandange sy mal plaisante ne de sy grant coustange que
alors fut, tant en tonniaulx comme en ouvrier et en chairois : car tous
les chemins estoient sy desrompus, par les grande pluye que incessanment faisoit, qu’il n’y avoit chairton qui s’en peult tirer dehors, ne
créature vivante que bonnement peult aller ne venir ; et estoit bien
ampeschiez ung chairton, avec quaitre ou six chevaulx, de tirer le chair
à wuyde. Toutteffois, la graice à Dieu, je, l’escripvains, en ressus en cest
année plus de sept vincg cowe : dont j’en oit moult de paine et de tra­
vail.
Peu de fruict. — En cest année, l’on [n’jolt guaire de fruyt, souveraine­
ment de pommes ne de tous fruyt qui se gairde ; et, -encor, se poc qui
estoit venus se pourrissoit à merveille.
Enfans déterré par justice. — Item, en celle année, y oit encor plusieurs
chose faicte et diverses advenue. Entre lesquel l’on fut advertis que à
tort et sans cause l’on avoit anterrés ung josne gairson soubz b les rue
Entre deux Pont, au champs là et on lieu auquelle se mette les malz
faicteur. Et la cause pour quoy fut pour ce qu’il avoit estés trouvés
pandus et estranglés deux ans devant, environ le jour saint Luc, XVIIIe
d’octoubre, en ung monciaulx de bois en l’hostel maistre Andrieu,
maistre des anffans de cuer de la Grant Église de Mets : par quoy fut
traynés au champs et enterré, comme dit est devant, en terre prophane.
Mais, en cest présante année sincq cenc et XIX, fut congneus et con­
fessés en l’hostel du doiens de la ville par celle malheureuse, inhumaine
a. Ms. : continelle. —- Cette indication marginale, et les suivantes, sont d'une main
postérieure à l'époque de Philippe.
b. Ms. : gairsoubz.

1520 N. ST. — ASSASSINAT DE HUSSON LE BOULANGER

301

et cruelle femme, de laquelle j’ay ycy devent pairlés, qui se pandit en
celle meisme année en l’hostel du dit doiens, qu’elle meisme 1 avoit tués,
et puis l’avoit pandus au dit laigniez en la grainge maistre Andrieu.
Par quoy les amis du dit josne clerc, eaigiez de environ XIIII ans, sont
venus de la ville de Gourxe ; et, la chose bien congneue, ont requis à
Justice que le corps de se josne fîlz, leur parans, fût déterrés, et qu il
leur fût livrés pour le pourter au lieu de Gourxe et là 1 ancevelir. La­
quelle chose fut faitte ; et fut cest anffans déterrés le jour de la vigille
sainct Thomas l’apoustre devent Noël, et honnourablement par ces
parans et amis pourtés à Gourxe, et là en terre saincte ensevellir et
innumés, et le service fait comme a cas aparthient. Mais une chose
digne de mémoire veult réciter, et causy tenue pour miraicle : ce fut que
l’on trouvait le corps de cest anffans aussy anthier comme au jour qu il
y fut mis, sauf et réservés dessus le col, là où la courde 1 avoit heu
foullés; et furent plusieurs gens, tant de la cité comme de dehors, à le
veoir, qui donnoient tesmoignaige de cest chose.
Artillerie approvée. '•— Item, en celle année, le IXe jour de janvier
ensuivant, furent assaiés et tirés dessus Saint Simphoriens, hors, et
devent la porte Champenoise, les sincq groz batton à feux que 1 on
avoit heu novellement fait en la neuve fonderie devant les Cordellier .
c’est assavoir deux groz et orible cagnon, et une grosse sarpentine, et
encor deux aultres grosse et longue sarpantine, tout d ung molle
et tout d’une mesure ; et estoient et sont encor les plus grosse et les plus
longue que jamaix avoient estés faictes en Mets. Et furent tirée a jour
devent dit chacune trois copt, fore que une quez tirait deux fois.
Puis, tantost après en celle meisme année, le XVIe jour du dit moix
de janvier, par ung lundi, du mattin, avint en Mets une grand esclandre
et ung grant inconvéniant — voir le plus grant (et de quoy plusieurs
parsonnes furent esmerveilliez) que de loing tempts devant fût estés.
Le cas fut telz que, en celluy temps, demouroit et faisoit sa residance
ung grant riche homme en la grant rue de Maizelle, nommés Husson e
Boullungier, eschevin de la pairoiche de Sainct Mamin (cai celluy
Husson, en son josne eaige, avoit tousjours huser du mestiet de boullangerie ; mais à présant il estoit viez et n’en faisoit plus riens) , et estoit
tenus le plus riche qui fût en la cité d’icellui mestiet. Et aussy, il vivoit
de ces cens et de ces rantes, sans ce meller d’aultre praticque . car il
estoit fort bien enhérités et bien baigués d’or, d’argent, de waiselle et de
juaulx. Celluy Husson avoit deux anffans, ung filz et une fille , le filz
estoit prebstre, et se nommoit messire Démanché Husson, et déservoit
en celle meisme église de Saint Mamin; et la fille,nommée Panthecous^e,
estoit mariée, mairchande et mercier, demourant en ycelle meisme rue.
Et leur merre estoit morte ; par quoy le perre, estant weusve, demouroit
seul en la dicte rue de Maizelle, sur le tour desWaide,ne n avoit quelque
1. Du même modèle. — Ce membre de phrase ne s’applique qu’aux deux dernières
« serpentines ».

302

1520

N. ST. — ASSASSINAT DE HUSSON LE BOULANGER

famille en sa maison, sinon une vielle mamin 1 pour le servir. Or avint,
a jour devant dit, XVIe de janvier, que cellui Husson se estoit leveis de
bon mattin, et c’estoit vestus et chaussiet, et se asseit à son feu. Et la
vielle sa mamin, que perreillement estoit levée, le laissait seul à l’hostel,
et s’en aillait à leur paroiche Sainct Mamin ouyr la messe sainct Michiel,
laquelle chantoit le devant dit messire Dimanche Husson, leur fîlz. Cy
advint que, durant le temps que celle femme estoit à l’esglise à prier
Dieu, aulcuns malvais garnement, traystre et lairons, et gens cruel et
digne de mort, antrairent, on ne scet par quelle lieu ne cornent, en celle
maison, et inhumainement ont heu tués et murdris le dit Husson ;
et tellement l’ont heu frappés en la teste, on ne scet de quoy, que l’on
luy veoit lez serviaulx ; et, avec ce, il avoit l’ung dez yeulx hors de la
teste, plus gros que ung euf. Et estoit une grant pitiet de le veoir en
l’estât où il estoit. Et, alors que se meschief fut fait, les vignerons et
aultres gens lesquelle à ce mattin estoient venus en la plaice commune,
qui est tout près de là, pour ce luer, oyrent bien le hutin : mais il pansoient et leur estoit advis que c’estoit le dit Husson qui tansait à sa
servante ou à aultres ; et, pour ce, n’en firent estime d’y aller veoir. Et,
tantost après se fait et la messe dicte, retournait la dicte vielle sa ser­
vante du moutier, et antrait dedans la maison. Et, quant elle ouyt le
bruyt qui estoit léans et vit la pitiet de son maistre, cuydant reculler
et s’en fuyr, gectait ung cris ou deux, et fist une alairme : par quoy
yceulx murtrier la prinrent par les cheveulx, tout dessus l’uys devant
de la maison, et la traynairent à l’hostel. Et virent bien aulcuns vigne­
rons estant en la rue comment elle fut prinse à force et retirée dedans :
mais il ne sçavoient de qui se fût ne comment. Toutteffois, pour le
bruit que l’on ouyt mener, aulcuns furent qui ouvrirent l’uys et antrirent
dedans. Et tout premièrement fut trouvée celle pouvre vielle, qui avoit
fandue la teste en deux moitiet ; puis l’avoient yceulx murtreux tirés
ou traynés en une chambrette derrier. Et estoit une grand cruaultés
de veoir se piteux ménaige : car tout estoit là entour plain de sanc, et
n’y avoit tauble ne fenestre qui n’en fût entaichiez. Quant Justice fut de
se villain cryme advertie, firent tout premièrement mestre gairde en la
maison. Puis à toutte dilligence ont fait anqueste pour sçavoir et trouver
les malz faicteur, lesquelle bien vistement s’en estoient fouys (et ne
soit on jamaix comment, ne par quelle lieu). Et alors fut visités le corps
du dit Husson ; et fut trouvés qu’il avoit encor quelque peu de vie
(maix la vielle non) : par quoy luy fut baillée la saincte et dernier
onction. Puis, après que l’airme fut séparée du corps, fut à grant pleur
et lairme de ces anfïans et amis conduit et inhumés en sa paroiche de
Saint Mamin. Et dès incontinant la justice ont fait tout leur effort et
debvoir de anquérir et sairchier pour trouver yceulx murtreux et maldis
gairnemens. Et en furent prins pour cestuy fait plusieurs (qui n’y avoient
cause ne courpe) et mis en l’hostel de la ville : car on en print environ
1. Grand’mère, vieille femme. — Les patois modernes emploient mamiçhe avec le
même sens.

1520

N. ST. —MALFAITEURS EN METZ

303

une douzenne, tant hommes que femmes, de ceulx ou de celle qui
estoient les plus suspect, et ne veoit on, par deux ou trois jour durant,
aultres chose que mener et ramener les devant dit en l’hostel du doiens.
Mais néantmoins, quelque chose c’on en sceust faire, jamaix Justice
ne polt venir à congnoissance de cestuy crime, jay ce que l’on fîst ung
merveilleux debvoir d’en sçavoir la vérité, et que pour cestui cas fût sur­
tout détenus ung josne compaignons vignerons, luy et sa femme, avec
la mère, pour ce qu’il estoient fort suspect : et fut le dit compaignon
tellement gehiner qu’il fut causy laissier pour mort, et oit les piedz
tout perdus et dérompus (de quoy c’estoit grant pitiet à le veoir) ;
et fut trouvés innocent, et délivrés et mis en l’Ospital jusques qu’il fut
reguéris.
Et, nonobstant touttes ces chose, yceulx lairons, ou aultres à leur
tistre, furent loing temps après faisant de grande esclandre par la cité.
Et tout premièrement, au lundemains, l’on cuydait desrober ung bon
mairchant, demourant en la rue de Rampol, nommés Jehan d’Anerey.
Et fut on en sa maison luy estant de nuyt gairdains à la porte ; et, se sa
femme et famille n’eussent fait une alairme, il heussent fait quelque
malfait : car les devant dit lairons ne queroient point à prandre roubbe,
draps, vaissaillement ne juaulx,fort que orou argent monnoiez.afïïn qu’il
ne fussent congnus. Et cecy est à croire, pour ce que, en l’hostel du
devent dit Husson, il prindrent en ung buffet la monnoie qui estoit en
une tasse d’argent, et ne prindrent point la dite taisse, avec encor une
douzenne d’aultre qui estoient en ce lieu : mais très bien fut trouvés
qu’il ce avoient parforcer de rompre l’airche pour prandre ceu qu’i
estoit, c’il eussent heu le loisir.
Deux jour après, de nuyt, se trouvairent les dit malfaicteurs (ou
d’aultre en leur lieu et à leur conte) en la rue des Clerc. Et là ont antrés
en celle belle grant maison où il y ait une grande court, en laquelle
jaidi soulloit demourer le seigneur Jehan Phelippe, prebstre et chainoigne de la Grant Église de Mets, et là où alors demouroit maistre
Andrieu le chainoigne, sonriez de Remermont et filz a présidant de
Loraine ; et en celle maison firent yceulx lairons en celle nuyt une grande
peur au dit maistre Andrieu : car il rompirent, comme il sertiffîoit, deux
ou trois huis, et voulloient à force antrer en sa chambre ; et, se n’eust
estés aulcuns Woulgiens qui couchoient léans pour celle nuyt, il eust
estés en grant dangier.
La nuyt après, furent yceulx lairons et se availlairent en la corcelle
messire Waultier, le prebstre, demourant devant la Teste d’Or, en la
rue des Dons Anffans. Et disoit le dit seigneur Waultier les avoir veu :
par quoy il fist une alairme, et s’en fuyrent. Et disoit on qu’il pourtoient une eschielle de corde et une lanterne (car alors il n’y avoit point
de lune, et pluyt deux ou trois nuyt sans laichiez).
Les aultrez jours ensuyvant, et environ huit jour durant, il n’y oit
de nuyt qu’il ne feissent quelque peur à aulcuns. Et furent une nuyt à
Sainte Élisabecht, une nuyt chiez Willaume, le sairgent, une nuyt
chiez Jehan Laiey, l’ament, une nuyt chiez Jehan le Chandellier, vers

304

1520 N. ST.

PLUSIEURS SIGNES AU CIEL

la porte des Allemans, et en plusieurs aultrez lieu. Tellement que alors
l’on ne perloit d’aultre chose, et, à celle occasion, se bairoient et se
ensairoient les ung et les aultres en leur maison, que c’estoit merveille
de veoir la peur que le peuple avoit, et n’estoit nulle assurés tant és rue
corne ez maison. Dieu par sa graice y vueulle pourveoir ! Amen a.
Plussieurs signe au ciel tant au soleil qu’à la lune. — En celle année
avindrent encor plusieurs nouvelletés et estrange chose parmi le monde.
Et se moustrairent en aulcun lieu diverse signe au ciel : entre lesquelle,
on meisme moix de janvier, se sont moustrés au firmament de mer­
veilleuse besoigne et diverse figure en la ville de Vienne, au païs d’Austeriche, et en plusieur aultre lieux ; et sont tesmoing de ces chose
plusieurs milliers de personnes que clèrement et magnifestement les
ont veu. Et, tout premièrement, le premier jour du dit moix de janvier,
depuis les trois heure après midi jusques à sincq, ait estés veu ung signe
au soilleil, appellé dez astrologiens halo *1, lequelle signe samble que le
soilleil soit environnés tout en l’entour de noir, et que en l’entour, plus
en sus, soient deux aultres grant saircle de roye noir, mais non pas sy
lairge ne sy ténébreuse que la primier. — Item, le quaitriesme jour du dit
moix, environ une heure après midi, ou ung peu plus tairt, c’est mous­
trés ung signe en l’air, en manier d’une église, sur laquelle y avoit par
samblance une lance brûllant par le bout comme ung fallot. — Puis, au
sinquiesme jour du dit moix, du matin et au soilleil levant, l’on ait veu
trois soilleil avec en manier d’ung tref tortus par dessus ; et se appelle se
signe des astrologiens paraphech. — Quairtement, au sixiesme jour du
dit moix, environ les trois heure après midi, se moustra le soilleil assés
cler : maix, bien loing d’icelluy, y avoit ung grant noir sercle, et bien
lairge, et noir comme une moure, et après cellui en y avoit encor ung,
maix non pas lairge ; et se appelle ce signe halo maximus. — Item, au
meisme jour, environ lez huit heure et demi de nuyt et après midi, se
moustra la lune de diverse forme et figure. Premièrement, tout parmi
elle, sambloit avoir la croix.de la Trinitez ; puis, tout en l’entour, deux
petit saircle, comme de l’épesseur d’une ligne ; et, au dessus, encor deux
demi saircle d’icelle espesseur ; et, ung peu plus hault, encor ung aultre
demi saircle fort lairge, noir et obcure. — Au septiesme jour du dit
moix, au soilleil levant, furent encor veu trois soilleil, lesquelz les
astrologiens appelle parahelios. — Et, au meisme jours, depuis les six
heures jusques à sept, se sont moustrés trois croyssant de lune tout
à une fois, l’ung sur l’aultre : de quoy celluy du meylieu estoit fort noir
et obcur ; puis, au dos et joindant du croissant qui ambrassoit lez
aultres, y avoit quaitre demi ron de quaitre ligne, tournant le dos et au
contraire des dit cressant. — Lesquelles figure se sont manifestement
a. C'est ici que prennent fin les Mémoires de Philippe de Vigneulles, édités par MicheAprès ce dernier récit, ils ne contiennent plus que quelques renseignements d'ordre
personnel, d'ailleurs très brefs (environ un tiers de page).
lant.

1. C’est ici le premier exemple connu de ce mot en français.

1520 N. ST.

VIOLENTE TEMPÊTE A METZ

305

moustrée et à la veue de plusieurs gens. Qui sont grans et merveilleux
signe et grande signifiance des chose ad venir. Dieu par sa graice y
pourvoie de remède, et nous doinct paix sur terre ! Amen.
Ung jone garson lués au a Saucy. — Item, tantost après, c est assavoir
le XIIIIe jour de mars, advint en la cité de Mets une adventure fort
estrainge : c’est assavoir d’ung compaignon mairéchault qui fut tués
par un inconvéniant duquel l’on ne ce fût gaire doubtés. Cellui compai­
gnon avec ung aultre du meisme mestiet, s’en sont au jour devant dit
allés ’à leur mollin du Saulcei, dedans Mets, pour emmoudre *1 aulcuns
taillemans : car il ce melloient de celle praticque. Et, ainssy comme 1 ung
d’iceulx, qui estoit ung biaulx josne gallans, natif de Lucembourg, oit
fait son cas, il se approychait près de la meulle là où son compaignon
ouvroit, et luy demande c’il aroit tost fait et c’il en voulloit point retour­
ner. Et, ainssy comme il pairloit et estoit tout droy devant luy, par ung
copt de malle fortune, le rouuet d’icelle meulle, qui tourne à yaue corne
ung mollin, acroichait aucunement à la roube d’icellui josne gallans, et
le tirait tellement par le pans d’icelle roube que, en tournant qu il
tournoit 2, sans laichier, et à force d’eaue, cy le renversait par dessus
ycelluy rouuat, malgré qu’il en eust ; et fut atams contre la testfe > et
puis fut à force renversés, et anclos dessoubz celluy rouuat, et la lut cy
très sairés et sy estrains entre la terre et le dit rouuat que la meulle en
laissait le tourner ; et fut illec le pouvre compaignon crevés et murtris.
Dont ce fut une piteuse et estrange adventure. Dieu ait son ame .
Amen.
.
,
,
Item, toutte celle dicte semaigne, qui estoit lors la sepmaigne devant
le mey karesme, il fist ung merveilleux temps. Espéciallement il acomansait le mairdi, jusques a vandredi a soir. Et puis le temps se ramforsait de vent, de pluye et de grésil ; et fist celle nuyt ung cy merveileux temps et ung vant sy impétueulx que de XX ans devant n en avoi
fait le paireille ; et durait moult longuement. Et fist ce vent plusieurs
grant dopmaige, tant en maison comme és tours, és cloichier et aussy
en airbre raiez et desrompus. Et estaient en ce temps les chemins sy
très hoirs 3 et sy fangeux qu’il n’y avoit homme qui peult aller ne venir.
Mais de ces chose et de touttes aultres vous lairés le pairler pour le
présant, jusques ad ce que je aray dit qui fut fait maistre eschevm
pour l’ans après, et quelle chose digne de mémoire sont en son temps
advenues, corne cy après trouvenrés escript.

a. Ms. : au au.
,
.
1. Esmoudre, aiguiser. - Taülement, outil tranchant, arme tranchante.
2. Corriger : en tournant qu’il faisoit.
3. Ords, sales.

306

1520.

— MARCHANDS DE METZ ARRÊTÉS ET RANÇONNÉS

[L’ANNÉE 1020].

Puis, après ces choses ainssy advenue, et que le milliair courroit par
mil sincq cenc et XX, qui fut lors l’année seconde de l’élection de Char­
les I ampereurs, fut fait, créés et essus pour maistre eschevin en la cité
de Mets Humbert de Serrier, filz au seigneur Conraird de Serrier que
fut.
Item, en celle année, le XXVIIe jour du moix de mars, il aloudait,
et fist trois gros copt de tonnoire, sans plus ; et, avec ce, cheut de la
grosse grelle, et à plantés.
Paireillement, en celle année advindre encor plusieurs aultre fortune
et diverse adventure, comme és précédante. Et, tout premièrement,
en la grant sepmaigne devant Paicque, advint que en ces jours y avoit
ung malvaix gairnement allemens (lequelle aultrefois et de loing temps
devant avoit estés a gaige de la cité), celluy traïstre, acompaigniés de
plusieurs aultre satallites, demandoit aulcune chose indehutes à la
seigneurie d icelle ville de Mets. Et tellement que, sans congnoissance
de cause, luy et les siens se vinrent mettre en ambûche et tandre sur les
chemin entre la cité de Trêve et Mets, cuidant attrapper et ruer jus
aulcuns des mairchamps d’icelle cité au retour qu’il faisoient de la
foire à Francquefort ; mais il ne vinrent point celluy chemin. Par quoy
yceulx lairons vinrent à espier sur d’aultre citains et mairchamps de
Mets qui retournoient de la cité de Triève ; et tellement qu’il vinrent
à ruer sur eulx, et les souprindrent (et aussy il ne se dobtoient de riens) :
cy furent loyés et à force emmenés prisonniers en ung chaisteaulx bien
loing en Allemaigne ; et furent yceulx pouvre compaignon villainement ransonnés. Et, tout premièrement, y estoit le filz d’ung riche
mareschaulx de Franconrue, nommés Huairt « (qui eust paier grant
chose, c’il fût estés congneus : mais il se haista de compouser à eulx,
et ne fut mis que à XXV florin d’or). Ung aultre bon compaignons,
nommés. Dediet d’Airgent, le corrier, de Salnerie, fut mis à LX florin
d’or. Puis le filz du groz Jaicob, le massouier, d’Oultressaille, fut mis à
cenc florin d’or. Clausquin, l’oste de l’hostel à l’Ange, fut mis à cenc et
L florin d’or. Et ung aultre ruste, nommés Mangin Musquin, filz à
Peltre le Rouge, corrion, de Salnerie, fut oultraigeusement ransonnés
à la somme de mil florin d’or. Et, quant il furent prins, y estoit encor
ung aultre compaignons de Mets qui se melloit de acheter et revandre
chevaulx, nommés Collignon Aillexandre, de la plaice au Lièvre, et
amenoit cellui aulcuns chevaulx qu’il avoit achetés en Allemaigne ;
lesquelx luy furent ostés : maix luy eschappait, et en rapourta les
nouvelle à Mets.

a. Ms. : Hiairt.

1520. — VIGNES GELÉES AU PAYS DE METZ

307

Item, en cellui temps, et bien tost après la Paicque, se partit de Mets
le seigneur Nicolle Dex, janre au seigneur Françoy le Gournaix, cheva­
lier, acompaigniez d’ung seul serviteur, pour aller à Jhérusalem ; e y
fut. Aussy fist damoisiaulx Nicollay de Heu : maix cellui n y u pas
pour aulcune malladie qui luy sorvindrent. Puis, bien tost apres, damme
Pairette, fille a seigneur Pier Baudoiche que fut, de laquelle par plusieurs
fois ycy devant vous ay heu pairlés, c’est assavoir celle damme pour qui
fut cy grant procès tant à Triève comme à Romme, pour le dyvoursement d’elle et du seigneur Androuuin Roussé, et laquelle, depuis qu elle
fut dyvorsée de son mary, qu’elle avoit heu sept ans, apousay e prm
à mary Barnaird de Pol, filz au seigneur Anthonne de Pol sur Saille
par quoy, depuis la mort d’icelluy Barnaird, son mary, elle estant
wesve, entreprint celluy woyaige de Jhérusalam, en la compagnie de
une riche bourjoise de Mets, aussy wesve, nommée Jennette Minairt,
avec Françoy Forquignon, son frère. Et avec ces deux femme fut encor
ung messaigier de la cité, qu’elle avoient lués pour les conduire, nommes
Nicollas. Dieu leur doinct graice de bien acomphr celluy voyaige et de
à joie retourner !
, . , , ._
Item, en celle année se eschevissoit fort l’ouvraige et la fau r q
de la Grant Église de Mets, et y ouvroit on journellement. Et, nyantmoins que du passés, moienant la graice de Dieu, il n’y oit comme per­
sonne a foliés ne tués, toutteffois, en cest année presante en lurent deux
à deux fois, qui ce laissaient cheoir ; et furent tues tou , royc e.
premier fut en ces jours, et bien tost après Paicque : lequelle se laissait
cheoir du hault du cuer derrier le grant autel, et fut tout desrompus et
mlItImPaussy en celle année, advindrent plusieurs fortune et grand
inconvéniant és biens de terre. Premièrement avint, le jour de la
Translacion sainct Nicollas, qui fut la sorveille de la sainct ^goult e
IXe jour de xnaye, qu’il gellait tellement que une partie des vignes
d’Air, d’Ancey, de Joiey et du petit Vaulx furent gaistee et fondue
et perreillement en furent des esmouchetees en plusieurs au
Mais se ne fût riens, se le rest se fût bien pourtés Car, au lundemams
vigille de sainct Gegoult, de nuyt, fut am prime le groz meschief n
pas en ung lieu, may par tout le pâte, souverainement. a Lessey, ^
Chaistel Saint Germains, en Vaulx, a Airs, à Ancey. E
J
villaige le plus fort et le plus grant dopmaige ; et furent à peu pr^
tout gaistés, sans rien réserver que a compter fut. E
P
_
aultre villaige ne furent gaistée que à demi ; et d aucuns comm
^
mais, touchant les vignes d’oultre la ripvier de Saille, û n y demeura
rien, et furent tout fondus et gaistes. Par quoy, au
J
_
.
Gegoult, estoit le povre peuple à qui le fait touchoit fort descon ortes^
car, en celle année, l’on avoit fort fait et laboures les vigne et a gra
coustange. Et, avec ce, l’on avoit incessanment, de nuyt et de Jour,
plusieurs belle et honnourable procession, et avoit on sonner les cloche
tant en Mets comme dehors, plus de XV jour durans. Mais, nonmbstant
toutte ces chose, ne pleut à Dieu. Et furent alors les vin remontes

308

1520. — LE SACRIFICE D’ABRAHAM JOUÉ A METZ

Mets et mis à six denier la quairte (se que devant l’on donnoit pour
deux deniers et maille) ; la cowe se donnoit pour trois ou quaitre franc
devent celle griefve plaie advenue : mais, au londemain, l’on la vandoit
X frant. Et ainssy fut le temps bien renchéris en peu d’heure.
Item, le temps ne se appaisantait pas encor du tout1 : ains fist encor
depuis plusieurs grant dopmaige en diverse lieu et contrée. Et, tout
premièrement, le vandredi après la Panthecouste, qui fut le second
jour de jung, il vint ung merveilleux temps, qui procéda d’ugne nuée ;
et tellement que d’icelle il cheut grand et grosse grelle, espéciallement
entre la cité de Mets et la ville de Saincte Bairbe. Et fist encor dompmaige à cella qui estoit demourés : mais le dopmaige ne fut pas grans,
pour ce qu il n y avoit comme riens en toute les vigne de ce quairtier. ___
Puis, durans ce meisme temps, le vant se tournait, et fist encor de
grant ouraige, duquel morurent et beste et gens. Entre lesquelle alors
estoit une josne fillette sur le pont a Mollin, qui voulloit passer oultre,
et à celle heure cheut ung orible et merveilleux copt de tonnoire,
lequelle vint à férir dessus ycelle povre fillette, et tellement la dissipa
en ces abis qu’il n’y demoura rien enthier que tout ne fût déjectés et
mis en mil piesse, en fasson telz que la plus grande n’estoit pas demi
piedz de loing ; et fut perreillement son couvrechief tout dissipés et
ruez dessà dellà en diverse lieu ; et demoura la fillette illec tout mortte,
et son corps aussy nus et anthier qu’elle sortit du vantre sa merre, né
sans quelque aparance qu’elle eust aulcuns mal ne grief, sinon qu’elle
avoit en manier d’aulcune cicatrisse ou griffe en l’une de ces mains.
Plusieurs aultrez fortune et diverse adventure avindrent encor en celle
année. Entre lesquelle, le sabmedi après la Feste Dieu, y oit le guerson
d’ung tonnellier, demourant on Champaissaille, lequelle, en retournant
de la vigne, se voult baignier auprès de Wauldrenowe en Mezelle ;
et là fut noyez, on ne scet comment. — Paireillement, en ce meisme
jour, en y oit encor ung aultre qui se noya en Saille auprez du xaweu 2
de l’Ospital.
Au lundemain, qui fut dimenche, fut jués en la plaice En Chambre
le mistère du sacrifice Abraham ; qui fut une chose belle à ouyr et plai­
sante à veoir.
Et en ce meisme temps furent eschevis lez cuer du Grant Moustier de
woulter.
Paireillement en ces jours, corne j’ay dit devant, ne fut pas encor du
tout espaisantés le temps d’orraige ne de tonnoire. Car, en celle année,
le jour de la sainct Pier, pénultisme jour de jung, fist ung orrible et
merveilleux temps de tampeste, de grelle, de fouldre et de grésil. Et
fouldroiait se temps plusieurs villaige en la duché de Bair, espécialle-

1. Pas encore tout à fait.
2. Lavoir (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle, article hhawi avec
la variante hhâveû).

1520.

— ACCIDENT MORTEL A LA CATHÉDRALE DE METZ

309

ment devers Amelle ; et y cheoient de tel glasson qui estoient à peu près
aussy groz que ung euf ; et tuait se temps gens et beste aulcunes.
Puis, tantost aprez, avint encor d’aultre inconvéniant. Car, le jour
de la Visitacion Nostre Damme ensuiant, second jour de juillet, aulcuns
bons laboureux de devers Luppey avoient amenés aulcune wéture
à croées pour le seigneur François le Gournaix, chevalier, qui alors
estoit leur seigneur ; entre lesquelles en y avoit ung qui avoit amenés
avec lui ung seul filz qu’il avoit, grant à marier : mais, par fortune,
celluy josne guerson, en abre[vant] a ces chevaulx devant la porte,
à Marsaille, se bouttait trop avant en une fousse ; par quoy il fut noyés.
Pour laquelle mésavenuee et fortune le doullant perre perdoit la pacience : car il n’avoit plus d’anffans.
Item, le maicredi après, quaitriesme jour du dit moyx de juillet,
advint encor de grand fortune et adventure. Entre lesquelle fut à ce
jour despessez, tués, mort et mis en plusieur piesse cellui masson
du quelle j’ay ycy devent parlés, qui se laissait cheoir avec l’airvoult*1
du cuer de la Grant Église, comme ycy après oyrés. Vous debvés sçavoir
et entandre comment, en celluy temps, après ce que tout les cuer de la
devant dicte église furent eschevis de woulter, comme dit est devent,
que l’on diligentoit fort de toutte abaitre le viez ouvraige et à nectoier
le lieu, «fhn que, à la saint Estienne c’on dit aux oye, qui est le jour
que les crois et procession d’Aiey et de plusieurs aultrez villaige viengne
à visiter la dicte église, que tout fût biaulx et mis à point, et que au dit
jour l’esglise fussent nette, pour plus honnestement recepvoir ycelle
procession, avec les Dammes des Religions et aultre qui c’y trouve.
Et n’y avoit, à ce jour de la Translacion saint Mertin, quaitriesme jour
de juillet, plus à abaittre que ung groz arvoulx qui soulloit soubtemr
le viez cuer ; et prenoit depuis le gros pillés en antrant on grant cuer,
à la main senestre, du cousté vers l’aultel Nostre Damme, en jusques à
l’aultre gros pillés qui est en montant les degrés dedans le cuer, à la
meisme partie. Et estoit délibérés de-sintrer celluy arvoult affin de
avaller les pier petit à petit. Mais cellui masson ne se voult contenir de
baichier 2 entour, quoy que l’on luy dît qu’il ne faisoit pas bien, et se
mettoit en grant dangier. Et tellemant baichait, avec grant copt de
martel, qu’il en crollait 3 tout cellui ouvraige ; et néantmoins continuait
tousjoiïrs. En sorte tel que tout s’en vint à l’avallée, et luy avec ; et fut
le pouvre compaignon par sa follie sy très desrompus et despiessés que
à paine retrouvait on la moitiet de son corps : car, par la grosseur et
pesanteur d’icelle [pierres] “, avec aussy pour ce qu’il cheut de fort
hault il fut mis et desbrissés en plus de mil piesse, et tellement qu il n y
oit né trippes, bouiaulx, ne piedz, ne teste, aussy jambe ne bras, que

a. Le coin de la page est arraché.
1. Un arc.
2. Exactement bêcher.
3. Qu’il ébranlait tout l’arc par ses coups.

310

1520. — UNE SORCIÈRE BRÛLÉE EN METZ

tout ne fût séparés d’amsamble. Et la raison fut pour ce qu’il tumbait
de cy hault à l’avallée, avec plus de quaitre vinct milliers pessant de
pier et de bois ; et tellement que, pour la pesanteur des dicte pier, les
grosse piesse de mariens estoient aussy desrompue et mise en petitte
piesse qu’il sambloit, des aulcune, que se fût pour faire des alumette de
chandelle : car, entre ycelle pier, en y avoit plusieurs qui pesoient plus
d’une cowe de vin chacune.
Se meisme jour, sur le tairt, y oit ung compaignon mariés, demourant
oultre Mezelle, qui se ailloit baignier auprès du mollin foullant ; et avec
luy estoit sa femme et plusieurs de ces anffans qui le resgairdoient dès
sur le bout1 de l’eaue. Mais la fortune luy tourna mal, d’autant qu’il se
boutait en une fousse, de laquelle il ne se soit ravoir, et fut noyés.
Puis advint encor une aultre fortune au meisme jour saint Mertin
d’esté, quaitriesme de juillet (ou du moins fut le lundemains), que deux
femme vinrent à avoir question ensemble, comme bien souvant advient ;
et tellement que, après plusieurs parolles, se vinrent à baitre et à se
tirer par les cheveulx. Et, ainssy comme elle s’antrebaitoient et estoient
en leur fureur et couroux, se trouvait ung josne anffans de la rue entre
elle ; lequelle, pour ce qu’elle n’y avisoient pas, fut par elle foullés a
piedz et tués tout roide. Et fut ce fait auprès de porte Champenoise.
Et, incontinant qu’elle virent le meschief et l’inconvéniant, elle s’en
sont fouyes hors de Mets et du païs ; et ne soit on qu’elle devindrent.
Avint encor, au dit moix de juillet, le XXVIe jour, feste sainte Anne
et lundemains de la sainct Jaicque, que ung vaillant prélas d’Église,
et de noble maison de Loraine extraict, alors abbé du couvant et monas­
tère de Saint Mertin devant Mets, se rompit le col ; et ne renonsait
jamaix 2. Et, néantmoins qu’il fût estimés homme de bien, prudant et
saige, il fut dit qu’il entretenoit une femme mariée en l’ung de ces villaige, après laquelle il voult monter une eschielle sur ung guernier
chairgiez d’estrains et aultre fouraige ; et, pour ce qu’il estoit pesant
homme, lez eschellon rompirent, et tombait du hault en bas, et ainssy
morut. Dieu luy perdoinct ces faulte et nous les nostre !
Item, en celle année, environ l’Asomption Nottre Damme en aoust,
de nuyt, fist ung fort temps d’oraige, de tonnoire et d’ailloide. Et telle­
ment que alors cheut le feu du ciel sur une grainge plaine de bledz en
estraint3 à la ville de Vegney ; et fut la grainge et tout le bledz airs et
brûllés, sans jamaix en riens salver : et y avoit plus de trois cenc quairte
de bledz, comme on disoit ; onquelle bledz Jehan Guérin, le mairchamps,
alors recepvoir des denier de la cité, y avoit environ cenc quairte.
Aussy, en celluy temps, fut prinse à Mets une femme, de loing temps
malz falmée et de chacun réputée pour sorcier, nommée la Crossette.
Et tellement que, au lundemains de l’Asompcion Nostre Damme au dit

1. Bord (prononcé bourd dans les patois modernes),
2. Il ne recouvra pas, avant de mourir, l’usage de la parole.
3. Blé en estrain, en paille, blé non battu.

1520. — L’ÉGLISE DE VIGNEULLES RECONSTRUITE

311

moix d’aoust, la dite fut examinée, et eschaufïadée 1 2en la Court l’ÉvesqUe, et, avec ce, preschée par frère Nicolle Savin, dez Frère Prescheurs.
Et, pour ce jour meisme, en furent encor plusieurs dez prinse et menée
en l’hostel de la ville, qui puis furent laichée et banie. Mais, deux jours
après, c’est assavoir par ung samedi, XVIIIe jour du dit moix d’aoust,
la dite Crossette fut essécutée et airse Entre deux Pont.
Et, à se meisme jour, furent faictes et fondue les trois plus grosse
cloche de l’abbaye de Saint Simphoriens en la court du couvant d’icelle
église.
Item, aussy en se meisme tamps, c’est assavoir le jour saint Genoy ,
XXVe jour du dit moix d’aoust, le seigneur Andrieu de Rineck et le
seigneur Claude Baudoiche, ambedeux chevaliers, avec le seigneur
Jehan le Gournaix, retournairent de devers l’ampereurs pour le fait de
la cité ; et sont arivés se jour en Mets (maix le seigneur Jehan le Gour­
naix y estoit allés pour son plaisir).

[RECONSTRUCTION DE

l’ÉGLISE

DE VIGNEULLES ",

COURONNEMENT DE CHARLES QUINT A AIX-LA-CHAPELLE].

Item, je, Phelippe de Vignuelle, escripvains de ces présantes, par
plusieurs fois et par plusieurs vandange, és années précédantes et
passées, ait solicités et amonétés à ceulx de la dicte Vignuelle devent
Mets de refïaire et réédiffier leur église, souverainement et espéciallement és deux année devent et passée, mil sincq cenc et dix-huit, et mil
sincq cenc et dix neuf. Et tellement que, en cest année présante, sincq
cenc et vinctz, je fis tant que, le dimanche dernier jour de septambre, je
mis le peuple et communaulté d’icelle ville ansamble, et leur remonstra,
et fis remonstrer par leur chaippellains, comment, pour plusieurs
raison, il estoit force et de nécessité de abaitre le viez cuer d’icelle église
et de en reffaire ung tout neuf. Laquelle chose à ce jour fut mise en
tairme, passée et concluttes ; et, moienant la graice du Sainct Espent
qui leur descendit és cuer et couraige, avec aussy aulcune ayde que je
leur fis, l’ouvraige fut ce jourdélibéréement passés etdétermmés de faire,
Et dès tantost fut mis en escript tout ce que chacun hbérallement 5
voulloit donner, tant en vin comme en argent ; et tellement qu’il fut
gectés et contés que la somme des dons que l’on y faisoit montoit desjay
environ à L libvrez, et daventaige. Par quoy chacun oit couraige de
parcévérer et de frapper dedans.
Item, en cellui temps, Charles, sincquiesme és royaulmes des Espaignes, Arragon, Grenade, des Deux Cicilles, archeduc d’Austenche, de
1. Échafaudée, exposée sur un échafaud.
.
.
2. Saint Genest, le comédien qui se convertit au christianisme en jouant en présence
de Dioclétien une pièce où l’on parodiait les cérémonies chrétiennes.

312

1520. — ENTRÉE DE CHARLES QUINT A AIX-LA-CHAPELLE

Bourguongne, de Brabant, etc., esleu ampereur, fist son advénement et
joieuse antrée à Airs en Allemaigne. Et tellement que, le XXIe jour du
moix d’octobre, se partit le dit seigneur de la ville de Trect, acompaigniés de plusieurs grans princes, duc, mairquis, contes et barons, et
aultres plusieurs de ces subjecg et païs, tant des Aspaignes et aultres
païs à luy subjecgz comme du Sainct Amp ire de Romme et d’Allemaigne. Et, avec celle tant belle et noble compaignie, s’en vint à ce jour
jusques auprès de Gulpen, au chasteau de Guitcem ; et là séjourna, et
y coucha pour celle nuyt, afïin de au lundemains faire son antrée,
comme il fist. Et fut celle antrée faictes avec sy grant triumphe et gloire
qu’il n’est possible de mieulx. Et, tout premièrement, se trouvaient
à celle noble antrée les seigneurs allemans, et aultres plusieurs, avec
leurs appareil mis en ordonnance, chascun en sa partie, curieusement et
triumphanment, tout en biaulx harnoys, avec estandartz desploiez,
confanon et baniers ; et tellement qu’il estoient XIIII diverses bandes,
sans les piétons, lesquelles tous ensamble attendoyent l’empereurs
devant la dite ville d’Aix pour antrer avec luy. Mais, pour ce qu’il n’estoit possible de avec cy grant nombre antrer tous ensamble en la dicte
ville d’Airs, il fut ordonnés de n’y antrer que les nobles et gentilz
hommes, et non pas encor tous : car les plusieurs furent ordonnés à
entrer par une aultres porte et aultres rue ; et furent aussy plusieurs
que on fist passer par la ville, devent et après, affût qu’il ne feissent
aulcuns ampeschement à l’antrée principalle, et aussy pour tant qu’il
n’eust pas estés possible qu’il fussent entrés trestous sur ung jour.
Par quoy il firent monstre à l’empereur hors de la ville d’Ais, en plain
pré.
Et, tout premièrement, de ceulx qui sont antrés devant et qui firent
monstre comme dit est, il furent nombrés à mil collevregniers, mil halbardiers et mil picquenairt 1, qui sont trois mil, tous biaulx hommes,
grans et puissant, lesquelle, avec leur banières, antrèrent six et six 2
dedans la ville, et passairent oultres. Item, après mairchoient les hom­
mes d’armes, sur beaux et grans destriers. Et entres yceulx hommes
d’armes et les devant dit picquenairt estoient et marchoient cent
halbardiers, avec chacun ung pourpoint de noir velour, couvert de la
livrée l’ampereurs.
Puis, après yceulx, antrirent les ordres. Desquelles la premiers conduisoit messire Robert d’Arenberge, avec cenc et XX demi lances,
abilliés et acoustrés aulcuns de velour, et aultres de sattin, et tout
couvers de la livrée du dit ampereurs. Le secondre menoit le duc de
Gulicq, avec sept cenc demi lances, entre lesquelz furent deux cenc
nobles en velour cramosy, damas ou satin cramosy. Le troisiesme ordre
estoit l’ordre du duc de Sasse, avec mil demi lances, tous vestus en noir.
Le quaitriesme ordre menoit le Vieuconte ou Palgrave, avec douze cens
demy lances, entre lesquel estoient quatre cens nobles en velour noir,
1. Piquenart, piquier.
2. Six à six, six par six, sur six rangs.

1520.

— ENTRÉE DE CHARLES-QUINT A AIX-LA-CHAPELLE

313

en noir sattin ou en noir damas ; et avoient avec eulx XII trompettes.
Item, le sincquiesme ordre fut l’ordre de Brandenbourcq, avec VIII cens
demy lances, entre lesquelz furent trois cens nobles abillés et vestus en
velour, sattin ou damas, tous cramosy. Le sixiesme ordre fut celle de
l’archevesque de Couloigne, et avoit XIIII cens demy lances, tous
vestus de noir, entre lesquelz estoient quaitre cens nobles en velour,
sattin ou draps damas. Le septiesme ordre estoit celle de l’archevesque
de Triève, lequelle menoit sept cens demi lances, entre lesquelz y avoit
deux cens nobles abilliés et vestus comme dessus. Puis le VIIIe menoit
l’évesque de Liège, auquelle y avoit trois cens noblez abilliez de meisme,
et y avoit mil demi lances. Le IXe ordre menoit l’airchevesque de Mens,
et avoit mil demi lances, tous acoustrés comme les aultres, entre les­
quelles y avoit quaitre cenc noble, tous abilliez de soie noir, velours,
sattin ou draps damas, et tous montés sur grant corsier. Le Xe ordre
estoit celle de l’évesque de Brême et de l’évesque de Salsburcq, lesquelles
ensamble avoient XII cenc demi lances, tous vestus de rouge, entre
lesquelz estoient quaitre cens nobles, tous vestus de velour, sattin ou
damas cramosy. Puis le XIe ordre menoit monsseigneur de Ravestain,
avec sept cenc demy lances, tous vestus en coulleur de l’amp erreur,
entre lesquelles estoient deux cenc nobles vestus de soye de la meisme
colleur. Après venoit monsseigneur de Reux, grant maistre de l’ampereur, qui menoit la XIIe ordre, en laquelle y avoit sept cenc demi
lances, tous vestus de meisme colleurs, entre lesquel estoient deux cenc
nobles, vestus de velour, damas ou sattin. Après mairchoit le conte de
Nassou, qui menoit la XIIIe ordre, en laquelle y avoit mil demy lances,
parmy quaitre cens nobles acoustrés comme les aultres devant nommés.
Puis, après touttes lesquelles ordres, venoit et mairchoit le mairquis de
Chièvre, qui menoit la XIIIIe et dernier ordre, en laquelles y avoit sept
cens lances, tous vestus en coulleur de l’empereur ; et entre yceulx
estoient deux cenc nobles, vestus de soye en meisme colleurs. Puis,
d’abondance x, mairchoit après le conte d’Espinoy, avec cenc lances,
tous vestus de la coulleur l’ampereur. Item, la plus pairt de touttes
ycelle ordre et compaignie devent nommée estoient montés sur biaulx
et grans destriers, et armés de piedz en cappe, comme tous prez et
appareilliez pour entrer en baitaille ; et avoient les plusieurs grans
chaînes d’or au col ; puis estoient aulcuns qui avoient moult grant
richesse de perles et aultres piererie à l’entour de leur chappiaulx et
bonnetz. Touchant des Espainotz, il y avoit plusieurs grant parsonnaige,
tous vestus en drapz d’or.
Item, après les ordres devant dictes mairchoient douze paiges,
acoustrés et abilliés en estrange sorte et en diverse abis : car le premier
estoit vestus sur la moude d’Espaigne, le second à la mode ytallienne,
le thier à la mode de Turquie, et avoient heaulmes et armeures de diverse
maniers et fasson, avec aussy aircquez turquois, ou dart, ou aultre
instrument. Touchant au fait de la richesse de leur abis et atour de
^ 1. En outre, par surcroît.

314

1520. — ENTRÉE DE CHARLES-QUINT A AIX-LA-CHAPELLE

teste, c’estoit chose merveilleuse ; et n’y estoit le vellours, sattin ou
draps d’or espairgniez non plus que buriaulx, descouppés et déchicquetez de tors et de travers, que biaulx les faisoit veoir.
Puis, après ce train, suyvoient six cens seigneurs et nobles, tout en
plain hernoix, montés sur grand destriers bardés sy richement qu’il
estoit possible ; et estoient tous yceulx seigneurs sy richement vestus,
avec sattin, draps d’or ou damas descouppés et deschicquettez, eulx et
leur chevaulx, qu’il n’estoit possible d’y amender.
Puis, après, venoient plusieurs trompette aperthenant à monsseigneur du Reux, comme grant maistre de l’ampereur.
Après tous ce train marchoit Nassou, Hisselstain, Vassenair, les­
quelles trois seigneurs devent dit estoient trois capitaines qui estoient
très richement parés et acoustrés.
Item, auprès de la parsonne de l’ampereur estoient plusieurs grant
seigneurs qui n’avoient pas d’ordre, telz comme le cardinal de Zuytse,
le cardinal de Croy, le prince d’Araigue, le prinse de Simay, le frère du
duc de Savoye, le duc de Dualbert, avec plusieurs aultres gentilz
hommes d’Allemaigne et d’Espaigne, lesquelz ne sont pas ycy nommez.
Item, les lacays du seigneur menoient trois beaulx destriers, covers
tout en or et cramosy ; et estoient yceulx lacays vestus comme les
paiges devant dit.
Puis, tout au plus près de l’empereur, marchèrent les ambassadeurs
du pape. Item, entres yceulx ambassade, y estoit celluy de Hongrie,
lequelle estoit acoustrés et vestus moult richement oultre l’anseigne 1 ;
et daventaige, portoit sur luy ung grant trésort en baigue et en juaulx :
car il avoit une grande chaîne et une grande courroye d’or, et, avec ce,
la gayne ou le fouriaulx de son espée estoit tout d’or batu. Paireillement son destrier avoit une sainture d’or au col, et le frain estoit aussy
tout de fin or ; et vailloient les devant dictes baigue une grande richesse.
Item, après les ambassadeurs marchoit mon seigneur le Habbart,
cappitaines de halbardiers et archiers, moult richement vestus ; puis,
après, venoient les gens et privée famille de l’ampereurs, et plusieurs
aultres.
Alors vinrent les chainoines et seigneurs d’Esglise de la devant dicte
chaippelle d’Airs, lesquelles apourtairent au devant du dit seigneur une
grande piesse de la Saincte et Vraye Croix Nostre Seigneur, avec le
chief de l’ampereurs Chairlemaigne, duquelle il ont le corps tout anthier.
Et, eulx venus à la porte, descendit l’ampereurs, et en grant humilité
et révérance baisa la Saincte et Digne Croyx, et fîst révérance et hon­
neur au chief du dit Chairlemaigne. Et incontinant fut remontés, et
passa par la ville jusques à la maîtresse église de Nostre Damme. Puis
descendit, et fut menés dedans ycelle église jusques dessoubz la grant
couronne, et là se mist à terre dessoubz ycelle, ses bras estandus, et
ainssy demoura longuement, jusques à tant que les chantres avoient
chanté Te Deum laudamus.
1. Outre l’enseigne, plus qu’on ne peut dire.

1520. —- COURONNEMENT DE CHARLES-QUINT A AIX-LA-CHAPELLE

315

Puis, ce fait, fut remenés au logis jusques au lundemains, le mairdi,
du matin, jour sainct Séverin, que, en la compaignies de tous les princes
et principal seigneurs, fut ramenés en la devent dicte église Nostre
Damme, avec grant solempnité de chant, de musicque et de plusieurs
instrument de corde et de bouche. Et, tout incontinant qu’il fut antrés,
l’on acommensa la grant messe et le service divin. Laquelle chanta
l’archevesque de Colloigne ; et, avec plusieurs grande solamnités et
révérance, furent dictes plusieurs dévotte oréson. Et là estoient les
électeurs vestus d’escarlate, comme ce fussent manteaux*1, entre
lesquelx les spirituelle estoient fourés d’ermine ; et par dessus yceulx
manteaux avoient chapperons d’escarlate, avec armynes 2 pandans
jusques à la ceinture. Item, le seigneur ampereur estoit tout vestus en or.
Jusques que l’on vint à chanter la séquence ou la prose ; et alors fut
prins par le devant dit archevesque de Gouloigne, et despouillé tout nud
jusques à la boudiné 3, et fust oint du dit archevesque ; auquelle mistère
faisant furent faictes plusieurs cérémonyes. Puis, ce fait, fut menés le dit
seigneur par deux prélatz d’Esglise jusques a revestiaire 4 5; et là l’ont
vestu d’une albe 6 très richement parée dessus et dessoubz de perles,
d’or et de pier précieuses ; et par dessus ycelle luy ont vestus une riche
chappe, laquelle estoit rouge, avec grans bordz et lairge, tout d’or,
plains de perles et de pier précieuses ; et luy fut chaussé des souliers
blans. Et, en ainssy 6 acoustrés, fust ramenés de deux évesque hors de
ce lieu dedans l’église. Et là, durant la messe, luy fust administré et
receupt très dévotement le Sainct Sacrament de 1 autel , tellement que,
en le recepvant, l’on veoit au dit seigneur cheoir les grosses larmes hors
de ses yeulx. Puis, ce fait, fut de rechief prins de deux prélatz, et menés
au hault d’icelle église et au lieu là où est la chaire du devant dit Charlemaigne ; et là fut il du devant dit archevesque de Couloigne comme
chancelliers d’Ytalie principallement7 mis et essus en la dite chaire.
Puis le oindit derechief [devjers a les espaulles avec la cresme.
Or oyés, pour Dieu, quelle parolles il disoit en se faisant, et aussy
quelles parolles de grant louanges ont dit tous les aultres électeurs.
Premier, le dit archevesque ait dit ainssy en l’oindant : « Dieu, le
Seigneur des Seigneurs, me vueulle faire digne de vous oindre en ung
Roy des Rommains, qui comanda à oindre David par Samuel le pro­
phète en ung roy des Juifz ou des filz d Israhel 1 )>. Et, quant il oit se dit,
vint l’archevesque de Triève, comme chancellier du pays de Gaulle, et
mist sa mains destre sur le chief du Roy des Romains oint, disant .
« L’esperit de sapience éternelle, l’entendement de science descende en
vous, et tellement que plain de l’esperit du conseil de Dieu puissiez vous
а. Une tache ne permet plus de lire les premières lettres du mot.

1.
2.
3.
4.
5.
б.
7.

Comme si c’eussent été des manteaux, en forme de manteaux.
Fourrures d’hermine.
Jusqu’au nombril.
Revestiaire, sacristie.
Aube, vêtement blanc.
En ainsi, de cette manière.
Avec le cérémonial qui convient à un prince.

316

1520.

— COURONNEMENT DE CHARLES QUINT A AIX-LA-CHAPELLE

estre ! ». Et, après, est venus l’archevesque de Mayance, comme chancellier d’Allemaigne, disant : « Le Seigneur Dieu et Roy tout puissant
soit à tousjour maix avec vous, et vous vueulle deffandre de tous vous
annemys avec l’escus royal de la Foy, à cest heures présantes et à
tousjour maix ! ». Après venoit le mairquis de Brandenbourcq, et luy
présenta ung aigneau 1 d’or, disant : « Prenez ycy le signacle 2 3de la
monarchye et empire de Romme, ce que vous gairderez et défendrés du
tumulte de Barbariens ou Turczpar votre force et vertu invincible ! ».
Item, en ce temps, le duc de Sasse estoit demourés malade à Collongne ;
par quoy il envoia son lieutenant, lequel bailla au noviaulx ampereur
l’espée que fut a roy Ghairlemaigne et ung sceptre, disant : « Prenez ycy
le sceptre royal et l’espée royal, par laquelle vous corrigerez durement
les rebelles, et gouvernerez les bienvueillans en bonne et saincte paix ! ».
Puis, après, vint le duc de Bavière et le Palsgrave, et luy baillèrent une
reonde boulle d’or, avec une croix d’or par dessus, et disoient ainssy :
« Sire, prenez ycy une ronde boulle, et comme ung vaillant ensuyveur
des œuvres du victorieulx Auguste, vueulliez subjuguer tous les nacions
du monde à l’empire de Romme ! ». Après ce dit, vinrent l’évesque de
Couloigne, acompaigniez de l’ambassade du roy de Geeme, comme
verseur du roy, lesqueulx deux seigneurs luy mirent une courronne
d or sur la teste en disant : « Prenés cest couronne reluissante, et soyez
vaillant, fort et ferme en œuvres vertueuses ycy dessus la terre, afïin
que cy après puissez recepvoir la courongne de la béatitude éternelle ! ».
Item, après tout cez mistère acomplis, fîst l’ampereur plusieurs che­
valiers avec la devent dicte espée Chairlemaigne. Et puis derechief
fut chantez à chantre et à deschantre Te Deum laudamus. Et alors fut
gectés et semés argens de tout coustés ; puis on dessanda 4 ; et fut
achevés 1 office, et furent dictes plusieurs belle oreison et dévotes, en
priant Dieu qu’i luy concéda grâce de régner au proffit de la Foy catholicque.
Et, alors que tout ce fut fait et acomplis, furent les XII heures
sonnée , et fut 1 ampereur, acompaigniez des électeurs et princes devant
dit, ainssy acoustrés comme dit est, la pomme d’or et le sceptre royal
és mains et la courongne sur la teste, acompaigniez jusques à la maison
de la ville. En laquelle estoit le dînés sy richement aprestés que ce seroit
une chose trops longue se tout vous voulloie dire et conter : car à celluy
dîner furent faictes plusieurs chose joieuses, avec belle fontaines gectans le vin de Rin de touttes pairs, et en prenoit qui en voulloit. Trom­
pettes et clérons cornoient, qu’il faisoit moult biaulx ouyr. Mais, pour
ce que je vous seroie tropt ennoieulx et prolix, je m’en tais, et plus
n’en dis.

1. Un anneau d’or.
2. Du latin signaculum. Le mot symbole n’existe pas encore en français.
3. Mot créé par Philippe pour traduire èchanson.
4. On descendit. Toute cette cérémonie avait eu lieu « au hault d’icelle
(p. 315, ligne 27).

1520. — PHILIPPE DE GUELDRES ENTRE EN RELIGION

317

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ;
PHILIPPE DE GUELDRES AUX CLARISSES DE PONT-A-MOUSSON].

Or avés ouy la triumphantes et magnificque antrée que nostre sire
l’ampereur Charles des Espaignes fist en celluy temps en sa bonne
ville et chappelle de Nostre Damme d’Airs. Rest maintenant à veoir
et que je vous dye quelle aultres choses avindrent encor durans celluy
temps.
Et, tout premièrement, vous veult dire comment, la vigille de la
Toussaincts, dernier jour du devant dit moix d’octobre, fut la premier
pier mise et assutte és fondement du cuer de l’esglise collégialle de
Sainct Thiébault, à présant édiffiée et assutte dedans la cloéson de la
cité de Mets.
Puis, tantost après, c’est assavoir le XVIIIe jour de novembre, fut
arrier remise la malletoutte de la burlette de Mets à son premier estât ;
et fut passés par le Conseil de la cité que, de ces jour en avant, l’on ne
paieroit plus que six denier pour livre, comme on avoit tousjours heu
fait du tamps passés, et du plus et du moins à l’avenant.
Item, trois jours après, c’est assavoir le maicredi XXIe jour de
novambre et jour de la Présentacion Nostre Damme, vint et arivait en
la cité de Mets le prince d’Airange. Auquelle, durans quaitre repas
qu’il fist en ycelle ville, luy fut donnés et envoiez à chacun repas
LX quairte de vin (qui vaillant XIIXX quertes) ; et à son antrée luy
donnait encor la cité XX quertes d’avuaine. Puis, le vandredi ensuyant,
jour saint Clément d’iver, ce partit de la cité celluy seigneur ; et s’en
allait couchier au Pont à Mousson.
Item, le huitiesme jour de décembre ensuyvant, qui est le jour de la
Conception Nostre Damme, fut à la devant dicte ville du Pont ung
grant pardon. Lequelle par plusieurs jour devent avoit estés annoncés
et preschiez dez curés ou chappellains par touttes les esglise parochialle
de la cité de Mets et par tous les païs de Bar et de Loraines et aultres
pais joindant. Et la cause de ce pardon fut pour ce que, au jour devent
dit de la Conception, la royne de Cecille fut de dévocion esmeue, et
voulluntairement se randit a Suer de saincte Clère au dit lieu du Pont :
par quoy, dez loing tempts devant, avoit envoiez à Romme pour
impétrer yceulx pardon, qui estoient donnés tous franchement à tous
confés et repantans qui, en l’espasse de XXIIII heure, visiteroient
dévotement la devent dicte église de Sainte Clère du Pont, ou seullement dire ung Pater noster et Ave Maria devant l’ymaige d’ung crucifis
estant au dehors d’icelle église. Et fut une merveilleuse chose et une
fervente dévocion à une sy grande et noble damme, qui longuement
avoit estés femme a duc René, roy de Cecille, et merre a duc Anthonne,
à présant régnant en Bar et en Loraine, a révérand perre en Dieu
Jehan de Loraine, cardinal du Saint Sciège apostolicque et évesque de

318

1520.

—• GUERRE ENTRE FRANÇOIS Ier ET CHARLES QUINT

Mets, a révérand perre en Dieu l’évesque de Verdun et à monsseigneur
de Guise, de se randre en celluy reclusaige 1, sans jamais plus veoir
parans ny amis. Et furent yceulx pardon, ou la coppie des bulles, tant
en latin corne en françoy, mise et ataichée par tous les portai des église
de Mets et aultre part, comme la tenour s’ensuit : « Nostre Sainct Père
« le Pape Léo moderne 2 donne à tous chrestiens et chrestiennes, les­
te quelz, contris et confessés de leurs péchiés, visiteront le monastère de
« Saincte Clère du Pont à Mousson, le jour que très illustre princesse
« dame Philippe de Gueldre, royne de Sicille, fera profession au dit
« lieu, qui sera le jour de la Conception de la Vierge Marie, VIIIe de
« décembre, rémission plénière et absolucion de tous et quelconques
« péchiés et délietz, combien qu’il soient grief et énormes, mesmes des
« réservez au Sainct Siège apostolicque. Et dure le dit pardon tout le
« jour de la dicte profession. Et n’est requis, pour gaignier les dicts
« pardons, faire aulcune contribucion ou donation de pécune, ne entrer
« en l’église du dit monastère, mais seulement entrer en aulcuns lieux
« des enclos du dessus dit monastère, et devant la croix à ce préparée
« dire ung Pater noster et Ave Maria pour l’intencion de Nostre Sainct
« Père le Pape, de monsseigneur le cardinal et de la dicte royne ».

[GUERRE ENTRE FRANÇOIS Ier ET CHARLES-QUINT].

Cy avés ouy la manier comment yceulx pardon estoient donnés et
gaigniés, sans paier denier ne maille, fort que avoir pure et nette concience et desplaisance de ces péchiez, avec ferme prepos de après la
confession n’y jamaix plus rancheoir. Qui estoit une belle chose : par
quoy à celluy jour se y trouvait peuple innumérable, et y oit sy grant
presse que l’on ne s’y pouoit tourner. Dieu doinct graice que se soit
a sallut de la dicte royne et de tous ceulx et celles qui en dévocion furent
visiter le lieu !
Mais, en laissant se prepos, veult à cest heure antrer en une aultre
matier, qui n’est pas chose de sy grant proffit ne sy salutaire. Ains vous
serait ycy dit et contés l’acomancemant d’une très malvaise et veni­
meuse guerre qui en se temps se esmeust entre le très illustre, très hault
et puissant prince le devant dit Charle, Ve roy és Espaigne, à présant
elleu ampereur, comme dit est devant, d’une part, et le très crestiens
roy de France, Françoy, premier de ce non, d’aultre part. Laquelle
guerre, se acoutter la voullés, fut très grief, pestilencieuse et malvaise ;
et tout par envye et covoytise de resgner, comme ycy après oyrés, se
entandre ou acoutter y voullés. Et, afïîn que de nulz je ne soye reprins
1. Reclusage, retraite, clôture,
2. Léo dixiesme ?

1520. —• DÉMÊLÉS ENTRE ROBERT DE LA MARCK ET CHARLES QUINT 319

ou nottés, je dis pour mon escuse que je ne suis pas bien advertis ne
imformés de touttes les choses comment elle sont allées, ne dont vint le
principal motif de celle guerre, synon, comme j’ay dit devant, par une
envye encloise és couraige des plusieurs et une hayne de loing temps
enracinée ; laquelle ne se moustroit pas magnifestement, fort se qu ’on en
pouoit congecturer, et que, petit et petit1, par l’annortement d’aulcuns
malvaix conseillier, yceulx deux noblez princes, et la fleur de tous les
chrestiens, se sont desclairés estre annemis. Par quoy avindrent plu­
sieurs grant mal, destructions de peuplez et de biens, comme ycy après
il serait dit.
Et tout premièrement serait par moy, l’escripvains, ycy mis la coppie
d’une lettres ou remonstrance que damme Margueritte de Flandre fait
faire à messire Robert de la Mairche, seigneur de Sedam, lequelle par
aulcuns temps devant avoit heu abandonnés le service du roy de France
et estoit à présant a service de l’ampereur ; et fut la comission de celle
remonstrance donnée à ung noble homme, nommés Simon de Thisnack,
maistre d’hostel du prince de Chimay, qui à toutte diligence fut par la
dicte damme envoyez devers le dit de Sedam ; et furent ces lettre faicte
et escripte au Bruxelle, le propre jour des devant dit pardon du Pont à
Mouson ; par quoy je l’ay ycy mis et escript.
Le contenu d'icelle remonstrance.

Premier, après avoir présentés au dit seigneur de Sedan les lettres de
ma damme contenant crédance sur luy, dira que ma damme a receu
les lettres d’icellui seigneur et veu celle qu’ilz ait escriptes à mon dit
seigneur le prince, par lesquelle elle ait entendu que le dit seigneur de
Sedan se deult2 de l’empereur, de ceu qu’ilz n’ait advisés de luy faire
droict touchant la place de Hierge (car, à ceu qu’ilz peult entendre,
ycellui seigneur empereurs n’ay voulluntez de luy rendre la dite place),
se doulant aussy de ceu que ses raisons ne furent mieulx entendues
à Ays, et de la maigre responce que luy fut faictes sur cestes affaire ;
sur quoy luy serait remonstrés, quant à sa plaintes de ce que le dit
seigneur empereur ne luy avoit voulus faire droit ny entendre ses
raisons, il ne se trouverait point que l’on ait refusés de l’oyr et de luy
administrer justice, car, dès la première foid que le dit seigneur empe­
reur fut adverty du différant qui estoit entre les dit de Sedan et d’Amery,
il manda venir le di seigneur d’Amery par devers luy, et lui fut com­
muniquer du dit différant, tant à Louvain que ailleurs, affin qu ilz
voulcist remectres la dictes place entre ces mains pour la faire garder,
et, parties oyes, la rendre à celle qui seroit trouvés y avoir le plus appa­
rent droit ;
que, depuis, à Tricht comme à Ays, fut continués et rafréchis la dicte
requeste et porsuittes, et, que plus est, le dit seigneurs empereurs,
1. Petit à petit.
2. Se plaint (du verbe douloir).

320

1520.

— DÉMÊLÉS ENTRE ROBERT DE LA MARCK ET CHARLES QUINT

avent son partement du dit lieu d’Ays, manda vers luy le dit seigneur
d’Amery, luy ordonnant remectres la dite place et seigneuries de
Hierge entre ses mains, comme dessus ;
à quoy ilz ne volut jamais acquiescer ne optempérer, remonstrant
comme la place et seigneuries de Hierge estoit son vray héretaiges, et
que, oultre ceu, elle luy avoit estés adjugés par santences passée en
force de chose jugée, et en vertu d’icelle avoit estés réintégrés en la
possécion des dites places, terre et seigneuries, du sceu, bon gré et
consentement de ceulx qui les tenoient et occupoient ; par quoy, selon
tout stilz et ordre de droit, on ne la luy peult oster ne l’en débouter que
présentablement il n’en soit advisés par voye de justice et par nouvelle
sentences, luy oy, et son droict cogneus et entendus ;
et, combien que la dites sentences passée en force de chose jugée,
comme dist est, ne soit raisonnables ne appellable, en tant qu’elle est
donnée par juge délégués par le feu empereur, néantmoins, pour moustrer qu’ilz ne veult defïuyr justices et ne se deffie aulcunement de son
droit, a tousjours offert et offre d’estre au droict, et respondres à tous
ceulx et celles qui vouldroient prétendre querelle et demender aucune
chose aus dites places, terres et seigneuries de Hierge, et fornir au
juges ;
que la dite offres et présentacion est sy rasonnables que en tous
termes et droict de raison et bonne justices l’on ne luy sçauroit requérir
ne demander aultre chose, et, de le vouloir presser et contraindre plus
avant, luy seroit fait tort, injure, force, violences et injustices ;
et, combien que, au jugement de touctes gens de raison et de justices,
le dit seigneur d’Aymery, en faisant les dite offres, se soit mis en tous
debvoirs, néantmoins l’empereurs ne s’en 0 ait voullu contenter, ains,
en favour du dit seigneur de Sedan et pour luy complaire, a voulu et
veult que la dicte places soit mises entre ses mains, comme séquestre,
pour la faire garder et en ordonner comme dessus,
et, pour le reffus que en ait fait le dit seigneur d’Aymery, ait ordonnés
saisir et mectres en ses mains tous ses biens, et deffendist, par lettres b
publicques, que nulle ne s’avances de le servir, ayder, favoriser ne
asister au dit affaire de Hierge, et sy est Sa Majestés délibérés de tant
faire que la dicte place soit mise en ses mains, aux moyen de quoy est
plus souffisanment satiffait au dit seigneur de Sedan, et n’a cause,
couleur ne occasion quelconque de se douloir de Sa Magestés, ains, en
se faisant, le dit seigneur d’Aymery est grandement foullés, grevés et
injuriés, et ait juste cause de se plaindre de tort et injustices ;
et, quant à ceu que le dit de Sedan allègue et maintient que la court
de Buillon n’y seroit appellées ny réformables, il ne soufïîst point de le
dire, mais le fauldray moustrer et en faire apparoir en jugement contra­
dictoires, ceu que n’ait estés fait ;

a. Ms. : n’en sen.
b. Ms. : ces. Philippe^ en recopiant, a mal résolu Vabréviation de lettres.

4520.

— DÉMÊLÉS ENTRE ROBERT DE LA MARCK ET CHARLES QUINT

321

toutefois, ycelluy seigneur de Sedan, non content dé devoirs en ce “
faictz par le dit seigneur empereur, telle que dessus \ veult que la dite
place luy soit renduees, et, par faulte de ceu, veult renoncer et habandonner le service de Sa Magestés, qui est chose fort deshonneste et
dérasonnables, et contre les traictés fait et jurées par ycelluy seigneur
de Sedan avec Sa Magestés, par lesquelz est dist et declaires expressé­
ment que, és choses que le dit seigneur de Sedan porra avoir afaire
avec l’empereur ou ses vassaulx ou subgectz, il le ferait par voye de
justices, par devant Sa Magestés ou les gens de son Conseil, et non
autrement, laquelle voye luy serait ouvertes et justices administrées,
qui est à entendre la voye de justice ordinaire et non voluntaire, et,
honneur et serment saufz du dit de Sedan, il ne luy sçauroit aultre
chose demander, ains, en faisant autrement, contrevient notoirement
et directement au dit traictiez et serment, comme îlz appert par extraict
d’iceulx délivrés au dit maistre d’hostel pour les moustrer et communi­
,
quer au dit de Sedan ;
ceu fait, dira que ma damme ne se scet assez esmerveillier des lettres
du dit seigneur de Sedan, ne qui le peult mouvoir de amssy vouloir
presser l’empereur de chose sy desraisonnable, et de vouloir habandonner son service sans cause, et, de tant plus 2, veu que, pour com­
plaire 3 Sa Magestés est contant de faire tort, injure et injustices a ung
son vassalz, qui ait touctes sa vie bien et loyalment servy ses predicesseurs et luy, et dont ilz est reprochiés de chacun,
et veues les belles et gracieuses parolles que le dit seigneur de Sedan
luy ait tousjour portés, ne peult bonnement croire que sy hgierement,
et à sa grant honte et confusions, ilz se voucist despartir du services
du dit seigneur, entendu meismement le bon et grant traitement que
luy ait estés fait, et qu’ilz ne sçaura jamais dire ne moustrer que on
luy ait failly ne donnés aulcune occasions de mescontentement ,
sv luy pria le dit maistre d’ostelz vouloir bien penser à tout, et meismement à son honneur, qu’ilz doit peser et extimer sur touttes choses ;
et, au sorplus, que, en faveur de ma damme, a laquelle ilz s offres tant
vouloir demourer serviteurs, ilz veullent estre content de la
touttes choses en l’estât qu’elle sont, sans prendres au très party
du moyns pour le termes de six sepmamnes, moiennant lequelle
espère que l’empereur, devers lequelz elle ait envoyés pour ceste affaire
y ordonnerait et pourvoira, de sorte » qu’ilz aura cause raisonnables
deLe6 diTmaistre" d’hostelz remontrerait aucy les choses dessus dites
à ma damme de Sedan, orra et entendra sur tout 1 mtencion d eu
deux, et en advertira ma damme à diligence.

a.
b.
1.
2.
3.

Us. : ces.
Ms. : fort.
D e la manière qu’il a été exposé ci-dessus.
D autant plus.
Pour lui complaire.

322

1520.

ROBERT DE LA MARCK ALLIÉ DE FRANÇOIS Ier

Faictes à Bruxelles, le huitiesme jour de décembre, l’an XVe et vingz.
Amsy signée : Margueritte; et, du secrétaire, Havelon.
Vous poves, par les choses devant escriptes et narrée, ouyr et antendre
comment et à quelle occasion, ou en partie, se esmeust le huttin, et
comment il sambloit que cellui seigneur de Sedan ne queroit sinon
cause et occasion d’estre hors du service du dit ampereur, afïîn qu’il
peult retourner françoy, pour plus à son ayse moustrer se que on cuer
luy gisoit. Et aussy, comme je croy, il en estoit fort requis, et luy estoient
plusieurs grans biens présentés : car il fut dit que, durans se procès
entre luy et le dit d’Amery, damme Katherine Yollante de Croy, femme
au dit seigneur de Sedan, s’en aillait et fut en France, là où ’luy fut
promis (et avec ce donnés) mons et merveilles, et en rapourta plusieurs
escus. Par quoy la dite damme pourchaissoit à toutte diligence de faire
retourner son seigneur et mary, avec le seigneur Guillaume de la Marche
seigneur de Jamaix, leur asnelz filz, à estre françoy, comme desjav
aultre fois avoyent estés.
Et, pour acomencer à antrer en matier et à vous desclairer tous ce
que j’en ay sceu congnoistre « et antendre, vous devés sçavoir comment,
durans se temps, le dit seigneur Robert, seigneur de Sedan, luy et
touttes sa hgmé, florissoient en honneurs, et estoient montés à fin plus
hault*1 2de la roue de fortune, cellon leur estât et le lieu dont il estoient
extrais et venus. Et n’y avoit, comme je croy, celluy des deux nobles
princes devant dit qui ne appétait bien et desirait de l’avoir de son
party; la raison : qu’il avoit plusieurs bonne et forte place, et causy
sambloient imprenable, lesquelles estoient esseutte entre les pays
d yceulx deux princes ; par quoy il pouoit assés nuyre ou aydier à l’ung
ou à 1 aultre, et auquel il voulloit. Mais, par son orgueil et par son tropt
hault monter, il fut ravallés ; et tournait luy et les siens en grant for­
tune et adversité, et perdit plusieurs de ces places et fort maison • et
son filz, le seigneur Guillaume, prins et détenus * prisonnier, comme
ycy aprez il serait dit.
Mais, pour revenir a prepos et vous desclairer la manier et comment
ce avmt, vous avés par cy devant oy corne, après la mort et trespassement du très mlustre princes Maximilian, ampereur b de Romme et
d’Allemaigne, le devant dit très crestiens roy de France, Françoy,
premier de ce non, par les promesse et belle parolles que aulcuns des
électeurs luy avoient faictes, se voult entremectre et fist aulcunement
son efïors et devoir de pervenir à la corrongne impérialle. Touttefïois,
après plusieurs allée et venue, le dealdelme en fut donnés et fut esleus
le très mlustre prince le devant dit Charles sinequiesme, roy chaitoîcque és Espaigne, filz à Phelippe de Bourgongne, lequelle Phelippe
a.
b.
1.
2.

Ms. : congnoustre.
Ms. : amprereur.
Tout à fait au plus haut.
Fut pris et retenu prisonnier,

4520.

•— ROBERT DE LA MARCK ALLIÉ DE FRANÇOIS Ier

323

estoit filz à damme Marie de Flandre, fille au duc Charle de Bourgongne
qui morut devant Nancey. Par quoy le devant dit Françoy, roy très
crestiens, fut frusté de son intencion, comme dit est devant. Et, pour
ces choses et plusieurs aultres, l’on voulloit dire que aulcune petitte
hayne se avoient engendrés és cuer des deux princes devant dit, comme
les parolles s’en ensuivoient.
Or estoit advenus que, environ le temps de la mort et trespassement
du devant dit ampereur Maximilian, le devant dit seigneur Robert de la
Marche, seigneur de Sedan, avec son filz, seigneur Guillaume, seigneur
de Jamaix, avoient heu laissiez le party de France et c’estoient rendus
bourguignons (mais son aultre filz, Robert, seigneur de Florhange,
demeura tousjour françoy). Et, eulx estant en court de ampereur,
desiroit et appétoit à avoir aulcunne place, seigneurie et fort maison
en Ardanne, et aultre part, apertenant à monsseigneur d Amery
anciens chevalier, telz comme Hierge et aultres, comme cy devent ait
estés dit. Lesquelles, à la fin, à la requeste du dit seigneur Robert, le dit
seigneur ampereurs en parla au dit seigneur d’Amery luy requérant
que du moins, pour éviter noise et huttin, il les laissait al er en enchamge
d’aultre. Mais au dit seigneur d’Amery ne pleut pas celle parmutacion
et requeste ; et dit que plus tost se lairoit tranchier la teste que pour
une noviaulx baptisé se laissait despouilher de son hentaige paterne ,
et que nullement n’en voulloit estre desaisis, se par santance de justice
ou par force ne luy estoit ostés (et l’appelloit le dit seigneur d Amery
noviaulx baptisés pour ce qu’il luy sambloit qu’il n’estoit bourguignon
que de trois jour). Par quoy le dit de la Marche fut très mal contant ,
et fut une des cause principalle qui le esmeust à abandonner le service
du devant dit Charle l’ampereur, et à soy, avec son filz le seigneur
Guillaume, retourner françoy. Avec aussy le pourchas et dilligence
que en faisoit la devent dicte damme Katherine, sa femme, laquelle,
comme dit est devant, en avoit ressus plusieurs escus du tamps qu elle
fut devers le roy. Qui furent cause qu’elle joyt de son intencion , et is
tant que le dit son mary, et son filz Guillaume, furent aussy bon rançoys et aussy bien venus en court que jamaix avoient es es.
_
° Mais de touttes ces chose ycy vous lairés ung peu le parler jusques
ad ce que je vous areis dit et contés aulcune petitte besomgnes lesquel es
durans ces jours advindrent en la cité de Mets et ez pays antour, tant
de la disposicion du temps comme aultrement.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ].

L’yver de cest présante année Ve et XX, de son acommencement fut
merveilleusement biaulx : car il fist le plus biaulx estes samct Mertm
pour aller et voyagier, que je vis jamaix faire. Et durait tousjours se
biaulx temps, sans geller ne négier, jusques au jour des Roy. Touttefîois,

324

1521 N. ST. — ÉVÉNEMENTS DIVERS A METZ

depuis environ le jour de la saincte Katherine, il pleut tousjour • et
gellait environ huit jour devant Noël. Mais, a rest, le temps estoit sy
ou x que a Noël et a Roy l’on eust trouvés en plusieurs lieux les
amendellier et aultres germes et airbres floris ; et paireillement se
trouvaient en plusieurs lieux les viollette c’on dit les viollelle de karesme
e en furent mise sur les aultel et sur les sainte relicque en plusieurs lieu
en Mets et dehors.
Item le dit ans, le jour des Roys, qui estoit le dimenche, revint de
Jherusalam le seigneur Nicolle Dex, à présant chevalier.
Aussy, en celle meisme année, le seigneur Nicolle de Heu, seigneur
Amerey donnait l’une de ces fille en mariaige a seigneur Jehan de
aissonville, à présant bailhf de l’éveschief de Mets. Et en furent faicte
es nopces on moix de janvier, en la maison du dit seigneur Nicolle on
Neuf Bourgz devant l’Ospital. Et, après la bonne chier feictes, le dit
seigneur bailhf et plusieurs aultres donnairent a servant de l’hostelz
environ smcq ou six escus pour leur paine et pour leur vin ; et devoit
estre cest argent à despartir entre eulx.Or avint, par aulcuns jour après
que les dit serviteurs olrent aulcuns desbat ensamble pour le partage
d iceulx escus. Et, entre les aultres, estoit l’ung des dit serviteur, qui
ce nommoit Petit Jehan, à qui le dit seigneur d’Ainerey avoit puis peu
de tamps heu donnés la fille de son gouverneurs d’Aynerey en mariaige •
par quoy les aultres serviteurs disoient que celluyne devoit point partir
au buttm, pour ce qu’il estoit mariez ; et, avec ce, luy impousoient qu’il
Cf. °it
quaichoit aulcuns argent que l’on luy avoit bailliez, et que,
c il voulloit partir au buttin, il devoit tout mestre en plaice, et boutter
e sien avec 1 aultre. Et tellement que, pour ces chose, les parolles furent
tant injurieuse et d’ung cousté et d’aultre que, à la fin, cellui Petit
. ehan se entreprmt avec ung des aultres serviteur du dit seigneur ; et,
de fait, leur montait la fureurs cy très fort au serviaulx que, sans
granment plaidoier, il se sont deffier aux champs. Et, sans plus dire
sont saillis de la porte Saint Thiébault en Champs Baipanne; et en ce
lieu se sont assaillis l’ung l’aultre, et tellement se sont lairdés, avec les
be es espee nue, que, qui n’y eust acourrus, il se fussent tués tout roide
dessus le champs, sans jamaix renoncier. Et oit cellui Petit Jehan le
bras coppés en deux ou en trois lieu, et fut fort blessé ; mais, en se
vangeant de l'injure, il blessait tellement l’aultre son compaignon qu’il
fut reportes à Mets comme mort : et, de fait, ne vesquit pas longuement
qu 1 morut. Par quoy le dit Petit Jehan, ainssy blessé, s’en fouyt à
Sainct Mertm devant Mets. Et Justice, de ce advertie, le fist huchier
sur la pier, disant que dedans sept nuyt il ce vînt escuser du cas à luy
împouses. Laquel chose il ne fist pas ; ains, comme bien avisés, s’en
at +
d,U P91S' P°Ur laqueIIe chose 11 fut barns et forjugiés hors de
Mets et de la terre : car, le second jeudi du karesme après, morut cellui
evant dit serviteur en l’hostel le seigneur d’Ainerey ; et fut honnorablement anterrés, et son servise fait en la paroiche Sainct Mertin.
Item, en celluy temps, le jour de la Chandelleur, premier jour de

1521 N. ST. — BRUITS DE GUERRE EN METZ

325

febvrier, vint et ariva en Mets la suer du devant dit prince d’Orange,
et femme a conte de Nauso, grant gouvergneurs pour l’ampereur és
pais de par dessà. Et menoit celle damme ung merveilleux et puissant
trayn : car elle s’en alloit veoir ses parans et amis en la Haulte Bourgongne, et tenoit aussy grant estât, tant en chariot dorré, en damoiselle,
en acoustrement de riche et sumptueulx abis, en chaîne d’or, et en riche
lictier, et en puissance de serviteurs et servantes, comme eust fait une
royne. Et menoit avec elle deux josne anfïans, ces filz. Et, à sa venue,
luy fist la cité présant, pour deux repas qu’elle y fut, de plusieurs
flascon de vin, tenant le tout cenc et six querte de vin clairet (et je,
l’escripvains, le sçay bien : car je le vandis) ; et luy fut encor donné avec
ce XX quairte d’avuaine.
Item, le sincquiesme jour après, jour saincte Agathe, retournait de
Jhérusalem damme Parette Baudoiche, femme que fut a seigneur
Androuuin Roussel (de laquelle je vous ais par cy devant tant heu
perlés, qui fut despartie et dyvorsée par santance de court de Romme
du dit seigneur Androuuin, son mary, et puis, son premier mary encor
vivant, fut remariée aux damoisiaulx Bernard de Port sur Saille).
Et avec la dite damme retournairent Françoy Forquignon, avec Jennette la Minairde, fille de feu Jehan Forquignon, le merchant, sa suer,
eaigée de environ LX ans, qui dernièrement avoit estés femme à Jehan
Nol, clerc des Trèses de la cité de Mets. Et avec les dite dammes estoient
encor, et firent le saint voiaige avec elle, Françoy Fourquignon, le
merchamps, frère à la dicte Jennette, et Nicollas, le messaigier, qu’elle
avoient lués pour les conduire.
iij solleils au ciel a. — Item, aussy en celluy temps, le vandredi
XXIIe jour du dit moix de febvrier, jour de la Chayre saint Pier, du
mattin, entre les neuf et les dix heure, furent de plusieurs gens de Mets
et du païs entours veu trois soilleil au ciel, avec plusieurs aultres signe.
Aussy, en celle année, environ ce temps, le seigneur Françoy le Gournaix, chevalier, et le seigneur Michiel, son filz, et avec eulx le seigneur
Jehan le Gournaix, et plusieurs aultres, s’en allirent devers le nouviaulx
ampereur pour aulcune leur affaire. Et y furent plusieurs jours ; et
retournirent en Mets la vigille de la Nonciatte, corne cy après il serait
dit.
Grand bruid de guerre; novelle ordonnance en Metz. — Item, en cellui
temps furent grant nouvelles par tous les païs dessà les mons que entres
les princes y avoit de grant discort, et que tout le monde branloit de
guerre. Et fut dit que plusieurs grant assamblée de gens d’airmes, tant
à piedz comme à chevaulx, se mettoient sus en dyverse lieux et païs ,
et ne sçavoit on pour où se fût aller. Par quoy les seigneurs du Conseille
de la noble cité de Mets, advisant sur cest affaire, et pour y donner
ordre et provision, se besoing ou nécessités venoit, le dimenche du mey
karesme, c’on dit le dimenche Letare Jherusalam, qui fut alors le dixiesme
a. Cette note marginale, ainsi que celles qui suivent, sont d’une écriture postérieure à
l’époque de Philippe.

323

1521 N. ST. — BRUITS DE GUERRE EN METZ

jour de mars, firent anoncer par touttes les paroiche de la devant dicte
cité, on non de Justice, que tous les citains manant et habitant en
ycelle, depuis porte Ghampenoize jusques à la porte du pont Rémon,
c est assavoir la partie du cousté du Champaissaille, fussent sur piedz
et en arme ; et que, se nulz efïroy de gens d’airmes ou de feux bouttés
venoit, fût de nuyt ou de jour, en la cité ou dehors, que touttes celle
partie de Mets, avec tout le bourgz d’Oultresaille, se trouvassent, tous
armes et en point, au dit lieux du Champaissaille ; et que là leur seroit
dit et ordonnés ce qu’il deveroient faire par le seigneur Françoy le
Gournaix et par le seigneur Jehan le Gournaix, ad ce commis, et, en
defïaulte d’iceulx, le seigneur a Nicolle Dex. Et, au cas pareille, fut
anoncés et ordonnés que tous le rest de la cité, c’est assavoir toutte
l’aultre pertie d’icelle grant rue de porte Champenoize, avec tous le
bourgz d’Oultre Mezelle et tous ceulx qui habitte et demeure de celle
partie, se trouvaissent en la place En Chambre, là où ce dévoient trouver
le seigneur Andrieu de Rineck, chevalier, et le seigneur Claude Baudoiche, chevalier, pour ordonner de leur affaire, et, en leur deffault,
le seigneur Nicolle Roussé et le seigneur Jehan Roussé. Item, avec ce
fut ordonnés et anonciés que chacun mist lumier à l’uis, et, paireillement, plaine quewe d’eaue. Et que nulle femme ny anfïans ne sortissent
dehors, sur cenc sols d’amande, sinon en cas de nécessité ou pour pourter
de l’eaue. Et que tous mairlier d’esglise se trouve en plaice, sur C sols
d’amande, pour livrer les eschielle et les saille des dite église, se besoing
estoit ; et que, dedans deux jour après ce que l’on s’en aroit aydier, l’on
les rapourtait au lieu auquelle l’on les aroit prins, sur paine de confiscacion de corps et de biens.
ij seigneur vers l’empereur. — Item, bien tost après cest ordonnance
faicte, le seigneur Françoy le Gournaix et le seigneur Jehan le Gournaix,
qui estoient devers le nouviaulx ampereurs, comme dit est devant,
envoiarent en la cité Claude, l’ung des messaigier d’icelle. Lequelle
rapourta aulcune nouvelle par quoy fut commendés et ordonnés au
bonnes gens de dehors de amener ou apporter le milleur de leurs biens
à refuge en la cité ; et einssy en fut faicte.
Par quoy devés antandre que, au nouvelles qui courroient, tout le
monde estoit en craintes. Et non sans cause : car à cest heure y avoit
plusieurs hayne secrètes entres les princes devant dit.
Et, afïin que je vous conte et desclaire plusieurs petitte besongnette
servantte à cest affaire, et aussy afïin que mieulx entendiés la fondacion
de cest guerre acommencée et esmeutte entres les très inlustre et
nobles princes Chairle l’empereur, sincquiesme roy és Espaignes, et le
très crestien roy de France, Françoy, premier de ce non, vous devés
premier sçavoir et antandre se que j’ay dit dessus de l’anvye qui se
esmeust pour l’élection de l’ampire. Et aussy avés oy et antandus
comment le seigneur Robert de la Mairche b, seigneur de Sedan, abana. Ms. : seigneur le seigneur.
b. En marge : le seigneur de la Marche.

1521. — MENÉES POUR SURPRENDRE LIÈGE

327

donna le service du dit ampereur et, à poc d’ocasion, retourna françoy.
Pareillement vous veult donner à congnoistre comment, devant et
ainssois que le dit seigneur Robert fût jamaix bourguignon ne au gaige
du viez ne du nouviaulx ampereurs, luy estant françoys, avoit heu prins
prisonniers, et avec ce ransonnés le filz du prévost de Monmaidi, qui
estoit homme subject au conte Félix, seigneur de Chaisteaulx sur
Mezelle Par quoy le dit conte Félix, que de toutte ancienetés estoit bon
bourguignon, ne voult souffrir que celluy prisonnier, son home et
subject, fût raichetés, ne que pour luy fût paiéez nulle ransom Et a celle
occasion print grant hayne en rencontre du dit seigneur Robert. Et
demourait celluy prisonnier en prison jusques au temps que le dit
seigneur Robert devint bourguignons, comme dit est devant ; ne jà
pour ce ne voult le dit conte Félix, pour l’amour de celle oultraige,
jamaix ceeller, cranter ne faire paix en l’encontre du dit seigneur
Robert, ains tousjours, quelque bourguignons qu’il fut, se desclairait
son annemis. Et daventaige, par plusieurs fois, eust fait la guerre au dit
seigneur Robert, se ne fût estés à la prières et requestes de monsseigneur de Chièvre, à qui la femme du dit seigneur Robert estoit panantes
par consanguignités.
...
,
Mais de tout cecy vous lairés ung peu le pairler jusques ad ce que je
vous ayrés dit quel fut celluy qui en l’an “ après fut maistre eschevin de
Mets, et quelle chose furent faicte en son temps digne de mémoire,
corne cy après oyrés.

[l’année IÔ2I;
GUERRE ENTRE FRANÇOIS

1er ET CHARLES QUINT],

Après ces choses ainssy advenue, et que le milliair corroit par mil
sincq cenc et XXI, qui alors fut la troisiesme annee du devant dit
Charles l’ampereur en son Royaulme des Romains es eu ampereur
d’AUemaigne, fut fait, créés et esseus pour maistre eschevin de Mets le
seigneur Joachin Chaverson, filz au seigneur Jehan Chaverson que u .
Mennée pour surprendre Liège. — Or, par sy devant aves 0UY Fr
des occasion, cause et raison, comme j ay peu apran re, c°^sn°
entendre, par lesquelles fut celle guerre esmeutte. Et affîn doncque
pour revenir a prepos et à déduire la matier acomencee et aussy poui
sçavoir comment le dit seigneur Robert acomansa le huttm, et a
trer qu’il n’estoit pas grant amis à l’ampereur ne a tous ceulx de so
perty, vous devés premier antandre les hayne et envye secrette que en
ce temps estoient és cuers des prince devant dit à l’ocasion de 1 ampire,
comme dit est devant. Et pour ce que le dit seigneur Robert de la
a. Ms. : quil fut celluy qui en l’an l’ans.

328

4521. —• ROBERT DE LA MARCK ASSIÈGE VIRTON

Mairche, avec le seigneur Guillaume, son fîlz, seigneur de Jamaix,.
tenoient pour le roy et se estoient puis peu de temps retournés du party
de France, firent secrètement une grosse armée et assamblée de gens,
tant à piedz comme à cbevaulx, avec lesquelle, en la compaignie de
Robert, son aultre filz, seigneur de Florhange, il cuydairent furtivement
prandre la cité de Liège. Et pour vous desclairer la manier cornent,
il est vray que, plusieurs année devant, les Liégeois, que de toutte
ansienetés solloient estre bon françoy, c’estoient tournés bourgui­
gnons ; par quoy on estimoit (et possible estoit vray) que le roy appétoit
à lavoir, afïîn que mieulx à son ayse il peult nuyre et grever à ces
annemis. Or, pour parvenir à celle chose, fault entandre que le devant
dit seigneur Robert avoit encor plusieurs anfïans : entre lesquelles il
avoit deux aultres filz, dont l’ung estoit seigneur du Saulcey, et l’aultre,
nommés Anthonne, estoit chainoigne de Liège et abbé de Beau Lieu.
Lequelle abbé Anthonne, à la requeste de son perre, devoit par cauttelle
et décepcion aydier à délivrer la ville et en boutter hors seigneur
Ëverard de la Mairche, son oncle, frère à son dit perre, et évesque de
Liège, pour ce que fermement il tenoit la bande de Bourgongne. Et,
pour sçavoir la manier comment, vous devés antandre que, quiconquez
est chainoigne d’icelle cité, il doit estre noblez de quaitre ligne ; et sont
yceulx chainoigne tenus de gairder la porte de la ville, quant leur tour
vient, avec les bourjois de la dite cité. Sy avint, comme il fut dit et que
l’on me l’ait donnés à antendre, que il avoit estés déterminés que, quant
le devant dit seigneur Anthonne, seigneur de Biaulx Lieu, viendrait
à son tour de gairder la porte, il devoit délivrer la cité à l’airmée de son
perre et de ces frères. Et creoit on que ces chose se faisoient à la requeste
du roy Françoy, ou du moin le di seigneur de Sedan le faisoit pour lui
complaire. Touttefïois, ainssy comme il pleut à Dieu, la chose fut accu­
sée et décellée ; et tout confusiblement retournait l’airmée.
Siège mis devant la ville de Verton. — Alors le dit de Jamaix et ces
gens, lesquelle on estimoit à quinze cenc chevaulx et environ sincq ou
six mil piettons, voyant la chose ainssy aller, pour recouvrir leur hon­
neurs, se pansairent et, de fait, délibérairent de assaillir quelque
bonne ville ou chaisteaulx de Bourgongne, laquelle il avoyent intencion
de pillier et de despouillier de ces biens pour paier leur gens d’airmes.
Et pour ce faire, le dit ans mil sincq cenc et XXI, le XXVe jour du moix
de mars, et jour de l’Anonciacion de la glorieuse Vierge Marie, s’en
vinrent avec celle compaignie de gens devant la ville de Verton, et là se
sont venus mettre et apairquer. Et les dit de Verton, que par plusieurs
jours devant estoient advertis et se doubtoient bien de leur venue, se
avoient préparés à deffance et à la gairde de leur ville. Et, de toutte leur
puissance, firent bon guet de jour et de nuyt ; puis ont fermés et bairés
leur porte, sans se bougier ne faire sàmblant de rien. Et alors, les dit de
Jamaix et de Florhenge, voiant leur contenance, se mirent à tirer de
grosse artillerie, et tellement qu’il ont trouués et pertusiés leur muraille
en plusieurs lieu. Et, voiant que ceulx de dedans ne se bougeoient ne ne
faisoient quelque bruit ne samblant de ce deffandre, il ont remués leur

1521. — CHARLES QUINT RÉUNIT SON ARMÉE

329

sciège, et, sans rien craindre, se sont aproichiez plus près de la muraille,
cuidant au premier assault prandre la ville. Alors les dit de Yerton,
voiant leur point luyre, ont tirés quaitre ou sincq piesse de légier artille­
rie qu’il avoient toutte aprestées à l’androit de celluy scyège ; et ont
tirés en fasson telle que, au deslaiché d’ycelle artillerie, elle enfrondait1 tellemant dedans le campe des dit Françoy, ad cause qu’il ne se
gairdoient en riens et cuidoient desjay avoir tout gaingniez, que deux
ou trois cens en sont demourés que mors que blessiet. Entre lesquelles
fut en grant daugier le josne conte de Briane, seigneur de Commercy, et
serourge au dit seigneur de la Mairche ; et fut telz heure que l’on cuydoit
qu’il y fût demourés.
Le siège de devant Verton levez. — Et, se voyant, le dit seigneur de
Jamaix, conduicteur de cest armée, comme par despit ou par impacience, fist ruer la pouldre de son artillerie permy les champs ; et puis
boutta le feux en plusieurs grainge et maison de la ville de Sainct May,
scituéez devant la dicte Verton, apertenant a conte Félix devant dit et
seigneur de Chaistel sur Muzelle, lequelle il haioit de loing temps, comme
dit est devant ; et puis, ce fait, print ou fit prandre les corps mors de
ces gens et les fist tous brûller ; et après donna congiez à la plus part de
ces gens, sans paier. Et vellà comment à celle occasion fut esmeuttes
la guerre entre les Françoy et Bourguignons, et tout par les biaulx fait
du dit seigneur Robert.

[CONTINUATION DE LA GUERRE ENTRE FRANÇOIS Ier ET
CHARLES QUINT; ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ;
PRÉDICATION DE MARTIN LUTHER]-

Or, incontinant après se fait, en furent les nouvelles par tout espanduees. Et en fut la vérité contée a très inlustre prince le josne ampereur. ;
lequelle, à la requeste de ces nobles, espéciallement du devant dit conte
Félix, jurait et promist que de celluy oultraige en seroit prmse cruelle
vangeance.
Le conte de Nausoult chief de l’armée. — Et tellement que à cest
affaire fut commis monsseigneur le conte de Nausoult pour chief et
cappitaine général ; et luy en fut donnés le don et passés par le Conseil
de toutte l’empire ; laquelle chairge il agréay très voulluntier et de couraige 2. Et avec luy fut commis le devant dit conte Félix, seigneur de
Chaistel sur Mezelle, lequelle paraillement agréay moult voulluntier
celle comission, pour la grande et ancienne hayne qu’il avoit au dit
seigneur Robert, et encor pour cest nouvelle oultraige de ce qu il luy
avoit brûllé Saint May, comme dit est devant.
1. Enfonder, enfondrer, au sens de « faire des dégâts ».
2. De bon cœur.

330

1521.

— UNE JEUNE FEMME TUE SON ENFANT

Par quoy, pour ces chose et plusieurs aultres, firent les seigneurs
devant dit leur mandemant ; et assamblirent gens de touttes pars, et
tellemant que, on moix d’apvril ensuiant, firent une grosse armée, tant
à piedz comme à chevaulx. Et avec yceulx seigneurs estoit monsseigneur de Chièvre, lequelle, ad cause de pairantaige, y eust voulluntier
mis la paix : mais la chose estoit desjay se très enraicinée qu’il ne luy
fut possible ; par quoy il en oit sy grant despit que bien tost après
morut : et creoit on que celle guerre en pertie luy abrégeait ces jours,
corne cy aprez il serait dit.
Temps froit. — Mais, en laissant quelque peu à parler de cest affaire,
et endementier qu’il faisoient leur armée, je vous dirés aulcune
petitte besoingne que en celluy temps avindrent tant en la cité de
Mets comme dehors. Et premièrement de la disposicion du temps et de
la fin de l’yver. Car vous devés sçavoir, comme j’ay dit devent, que
l’yver fut tousjours pluvieulx et doulx, sans néger ne sans geller que
a compter fût, jusques en mars. Auquelle moix, de son acomancement,
fut tant biaulx, XV jour durant, que merveille ; mais, les derniers
XV jours, il fist le plus deputaire temps, et le plus froit et malgracieulx, que de loing temps devant fût fait. Et puis le temps ce remist
au biaulx.
Une jone femme tue son enfant. — Item, aussy en cest présante année,
le lundemains de la sainct Grégoire, XIIIe jour de mars, avint en Mets
une piteuse adventure. Car, en celluy temps, y avoit une josne femme
weusve, puissant gairse, laquelle, après la mort de son mary, s’en aillait
servir à maistre à Chaistel soubz Sainct Germain ; et y demourait envi­
ron l’espasse de trois moix. Auquelle durant y oit ung compaignon de la
ville qui l’engrossa. Et la folle, quant elle se santit en telle estât, sans en
rien dire à personne, s’en vint tenir à Mets chief son perre, qui estoit
vigneron, demourant Oultre Saille, nommés Clausse Humbert ; et
tellement se gairda et cellay que l’on n’en sçavoit rien. Combien que
aulcune matronne qui en telle cas se congnoissoient en murmuroient
en derrier, et le dirent à sa mère : mais elle le nyoit fort et ferme, pour ce
qu’elle prétandoit à briefment se marier, et à faire secrètement son cas.
Or avint que, le jour devant dit, XIIIe de mars, celle gairse avoit
fiancés ung aultre compaignon que cellui qui l’avoit engrossée ; et,
ainssy comme elle retournoit chiez son perre (lequelle alors n’estoit pas
à la ville, et n’y avoit que sa merre), le mal d’anfanter la print. Sy s’en
alla en ung guerniet en hault, et là, seullette et par elle, enfanta ; puis,
voiant que personne ne venoit, elle gectait cest anffans (qui estoit une
fillette) par trois fois sus une couchette. Et alors le deable se boutta en
sa pancée, et la tanta tellement qu’elle print ung cousteaulx sans
pointe qu’elle pourtoit, et d’icelluy couppa la gourge à son anffans.
Et, en ces antrefaicte, sa mère, qui estoit en baix, ouyt braire l’anffans ;
par quoy subittement monta en hault. Et alors trouva le piteux murtre ; dont elle cheut toutte pasmée et esperdue. Puis, quant elle oit
reprins ses esperis, tout soudainement saillit en la rue, et, comme une
femme esperdue, à haulte vois ce print à crier : « Alairme ! A murdre ! ».

1521. — AVENTURES DIVERSES A METZ ET AU PAYS

331

Et incontinant chacun y escourut. Et, voiant le cas estre telle, le furent
dès tantost anoncer à Justice ; par quoy elle fut prinse et menée en la
maison de la ville.
Rivierre débordée. — Item, une merveille advint pour celle nuyt : ce
fut que tous soudainement les eaue de la ripvier de Saille et de Mezelle
devindrent sy très grande et hors de rive, que de loing temps devent
n’avoient estés cy grande ; et tellement qu’elle couvraient toutte l’isle
du pont des Mors que l’on n’en veoit rien, ou bien peu ; et meismement
on ne veoit corne rien du pont au Loups. Ne ne furent jamaix veue
sy grande sans neige ou sans glaice, ne en aussy peu de temps.
Item, aussy, le samedi XXIIIe jour de mars, qui fut deux jour devant
la feste’de la Nonciatte, fut brûllée Entre deux Pont celle povre miséra­
ble malheureuse josne femme qui avoit tués son anfïans, corne dit est
devant.
Item, au lundemains, jour de dimanche et vigille de la Nonciatte,
revindrent en Mets de devers l’ampereur le seigneur Françoy le Gournaix, chevalier, et ces deux filz, Michiel et Gaisper, et aussy le seigneur
Jehan le Gournaix, et plusieurs aultres ; et leur furent au devant les
soldoieurs jusques à Thionville.
Aussy en celluy temps, la vigille de la saint Marc, vinrent et anvairent
en Mets plusieurs grand parsonnaige. Premier, le grand gouverneur du
pais de Bresse, le conte de Wairay, monsseigneur l’abbé de Samct
Claude, le baillif de Chamon, et plusieurs aultres ; et leur fist la cite
aulcuns présant de vin et d’avuaine. Puis, au lundemains, après qu’il
eurent veu passer la procession et qu’il furent dînés, s en partirent pour
retourner en leur pais.
Item, comme cy devent avés oy en l’an devant V et XX, je, escripvain, fist tant et procurait tant que le cuer de 1 esglise de Vignuelle fut
marchandés. Et tellement que, en cest présante année mil sincq cens
et XXI le quinziesme jour du moix d’apvril, je, l’escripvain dessus dit,
mis et e’ssus la premier pier du fondement en la bouttée derrier du couste
devers Lorey. Dieu nous doinct graice de bien eschevir !
Grand grelle et gro lonnoire. — Et puis, tantost après, par ung diman­
che XXIe jour du dit moix, depuis les deux heure après midi jusques
à quaitre, il tonna et aulouda par plusieurs fois (car alors il faisoit une
fort grant chailleur) ; et cheut de la grelle, de environ quaitre doy
d’espesseur, à la dicte Vignuelle, à Lorei et là entour : car celle grelle
durait à cheoir environ heure et demey. Et perreillement au lundemam,
qui fut lundi, il tonnait et aloidait plus que devant ; et faisoit merveil­
leusement chault. Et aussy fist il au mairdi et au maicredi aprez ; et,
avec ce, cheut une hée * de pluye à Mets, la plus grosse et la plus sou­
daine que de loing temps fist. Item, aussy, pour ce que le temps ce
tenoit tousjour en grant chailleur, le jour Saincte Croix en maye a deux
heure du mattin, il fist ung merveilleux copt de tonnoire, tellement
qu’il sambloit que tout le monde deust fondre ; et fist tout trambler
1. Averse (hâye dans Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle).

332

1521.

— PRÉDICATION DE MARTIN LUTHER

les édifïîce. Et cheust en l’église Saint Mamin ; mais il n’y fist comme
point de mal. Paireillement, tantost le dimenche après, sincquiesme
jour de may, il tonnait encor treffort et aloudait ; et cheust force grelle
en la ville de Vaulx, qui leur fist grant dopmaige.
Lhuler compose plussieur livre. — Item, environ cellui temps, ung
nommés maistre Martin Luther, allemans, docteur et héréticque, reli­
gieux de l’Ordre des Frères Augustins, fist et compousa plusieurs grande
et merveilleuses escriptures imprimée et publiées par la chrectienté,
touchant certains articles de nostre Fois et des sainct Sacremens, et
aussy des gouverneurs et suppôtz de Saincte Église. Dont plusieurs
grans clers et docteurs l’ensuivoient, et aultres non. Entre lesquelx, de
ceulx qui l’ensuivoient, estoit ung josne Collongnès, merveilleusement
grant clerc, et petit de corps, nommés maistre Agrippa, qui tout son
temps avoit hantés le monde, et perloit tous langaige, et avoit estudiés
en toutte science. Et avoit estés cellui maistre Agrippa, en l’an sincq
cens et XIX, au gaige de la cité de Mets. Et avoit une femme native de
Pavye en Lombardie, la plus mignongne et la plus diversement acoustrée que jamaix fût veue en ces païs. Et hantoit cellui maistre Agrippa
et frécantoit fort maistre Jehan, curé de Sainte Crois, qui estoit ung
grant clerc ; et voulloit on dire qu’il tenoit aulcunement de son oppinion. Pour lesquelle chose les Frère Prédicateur de la devent dicte cité
firent disputacion, et donnairent plusieurs arguement, tout en publicque
et au mey lieu de leur église, y cuydant avoir le dit maistre Agrippa.
Mais il print congiez de la cité, et s’en allait pour le meisme jour que
ycelle disputacion se faisoient. Et, aussy en ce meisme moix d’apvril
mil sincq cens et XXI, furent condampnés à Paris les livres et escripture du devant dit maistre Martin Luther. Mais jay pour ce ne fut qu’il
ne parcévérait de plus en plus en son hérésie ; et convertit plusieurs
grant clerc de sa sette, qui furent de son alliance.
Cy lairés de luy à pairler, et de toutte aultre chose, pour retourner à la
guerre devent dictes, et quelle en fut la fin.

[CONTINUATION DE LA GUERRE ENTRE FRANÇOIS Ier
ET CHARLES QUINT : ROBERT DE LA MARCK PERD LES PLACES
DE LOGNE, MESSINCOURT, FLORANGE].

Le château de Longue assiégé. —- Vous avés par cy devant ouy et
entendus comment en cellui temps le conte de Nausoult, acompaigniez
du conte Félix, seigneur de Chaistel sur Mezelle, au comandemant et par
l’ordonnance de l’ampereur et de tout son Conseil, faisoient leur préparacion et diligentoie de faire une grosse assamblée pour et en intencion
de grever et nuyre au devant dit seigneur Robert de la Mairche, à ces
anffans et à tous ces aydans, en vangeance de l’outraige que les devant

1521. — CHATEAUX DE ROBERT DE LA MARCK PRJS ET RASÉS

333

dit de la Mairche avoient fait sur la terre, haulteur et seigneurie du
devant dit ampereur. Par quoy, après ce que l’airmée fut faictes et
qu’il furent assamblés, c’en vinrent tout premièrement soy apairquer
et mettre le sciège devant une fort place apartenant au dit seigneur de
Sedan, nommée Longne. Devant laquelle, avent que le dit conte de
Nausoult y arivait, le conte Félix, de couraige qu’il avoit, et apétant
vangence, l’avoit desjay tant batus d’artillerie que c’estoit merveille.
Car, alors, le dit de Nausoult ne poult venir cy tost, pour ce que en cellui
temps le mal print à sa femme, qui estoit suer a josne prince d’Orange
(et qui naiguaire avoit estés à Mets, comme dit est devent), laquelle,
durans celluy sciège, morut d’anfïans ; par quoy le dit seigneur fut bien
ampeschiez et maris.
La dite Longne prise, et la garnison pendue. — Toutteffois, après
qu’il oit dispousés de ces affaire, s’en vint au sciège avec les aultres.
Et, à sa venue, les voulloit le dit de Nausoult prandre à mercy, et les
laissier aller leur vie et baigue salve. Mais, à la remonstrance du conte
Félix, il n’en fîst rien : car le dit conte Félix lui dit et sertifia qu’il
avoient par leur artillerie tuez plus de gens de biens que ne fut jamaix
Robert de la Marche h Et dit qu’il avoit intencion que ad ce jour il
dîgneroit avec eulx ; et alors fut tirés XVIII corpt d’artillerie toutte à
une fois sans laichier. De quoy la guairnison se espovanta tellement
que à la fin se vinrent tous mettre à genoulx sur la muraille et crier
mercy. Mais tout ce ne leur vaillut riens : car le chaisteaulx fut prins,
et en furent plus de XXV des pandus. Et fut ce fait le dit ans, environ
les foyre en may. Puis, ce fait, fut tout butinés et vandus ; et fut la
dicte Longne toutte brûllée, et arasée à fleur de terre. Or y avoit à celle
heure grande armée des François au loing de la ripvier de Meuse ; les­
quelle ne ce meurent pour celle fois.
Musaincorl prise et rasée. — Et, tantost après ce fait, l’on aillait
mettre le sciège devant une aultre fort plaice appertenant au dit sei ­
gneur Robert, nommée Musaincourt. Et, après plusieurs chose faicte
et dicte, que tropt longue seroient à raconter, en fut faicte comme de
Longne : et fut toutte arse, abatue et arasée, et les pier menée à la ville
d’Yvoix ; et furent pandus grant partie de ceulx de léans.
Quant ces deux plaice furent ainssy abbattue et destruictes comme
avés ouy, le thier jour de jung, firent les Bourguignons samblans de
voulloir assegier le fort chasteaulx de Jamaix. Et, de fait, leur fut de­
mandés c’il se voulloie randre : a quoy il respondirent que non. Et alors
passairent oultre, et ne leur fut faicte aultre chose ; sinon qu’il leur fut
dit qu’il se gairdassent bien, et que l’on les aroit encor tout à temps.
Item, en celluy temps morut monsseigneur de Chièvre, duquelle je
vous ay heu ycy devant pairlés, qui alors estoit grant gouverneurs de
Flandre pour l’ampereur ; et estoit l’ung des souverains chief de guerre
1. Les gens de bien qui avaient été tués étaient plus « gens de bien * que n’avait
jamais été Robert de la Marck.

334

1521. — GUILLAUME DE JAMETZ ASSIÉGÉ DANS FLORANGE

de cest présante armée. Et aussy estoit estimés l’ung des riche et grant
financier de tous les païs de par dellà : car le siens comptent fut prisés
et astimés à neuf cens mil ducas monnoiez, et à deux cenc mil en waissaille d’or et d’argent et aultre baigue (qui estoit ung grans et mer­
veilleux trésors), sans les terres, possession et seigneurie. Et voulloit
on dire que de celle finance il en avoit donné grant partie à l’empereur :
car il n’avoit nulz anffans. Item, aussy il ordonna par son testament
de faire édifier et, avec ce, aranter et douuer ung couvans dez Frère
Célestin au coustier de Louvains ; et pour ce faire donnait la vallue de
six mil*1, pour seullement faire édiffier l’église, le clostre et les maison
entour ; puis donnait encor une aultre grosse et orible somme pour
acquaister de la rante pour vivre yceulx Frère Célestins. Et en la quairesme ensuiant, pour la meisme année, ma damme sa femme fist acomancer cellui édifice.
Mais, pour revenir au prepos de la devant ditte guerre, l’airmée
se despartit de ce lieu sans aultre chose faire. Et tellement ont allés, de
nuit et de jour, que, le Xe jour de jung, arivait et vint celle multitude
de gens encloire le devant dit seigneur Guillaume, seigneur de Jamaix,
qui alors estoit dedans le fort chasteaulx de Florhange, au demi lue de
Theonville.
Mais, avent que procéder plus avant, il est raison que je vous die et
desclaire comment il c’y avoit laissiez encloire. Il est vray que en ce
temps le seigneur de la dite Florhange avoit ung cappitaine, nommés
Guillaume, lequelle donna à entendre au dit seigneur Robert a que en la
dite Florhange y avoit bonne guernisson de sincq cent pietton lancquenecht, qui estoient souffisant à la gairde d’icelle. Mais il mantoit, et n’en
y avoit pas trois cent : par quoy le dit de Jamaix se repantoit fort d’y
avoir estés venus ; et se fût voulluntier salvés, c’il eust sceu. Et à celle
occasion y oit grant mutacion entre ceulx qui estoient léans.
Toutefïois celluy chasteaulx estoit alors l’une des forte maison de
tout ces pays ycy entour : laquelle plaice apertenoit au dit seigneur
Robert de la Mairche ad cause de la dicte damme Katherine Yollante
de Crouy, sa femme. Et à ce jour fut la dicte Florhange environnée de
toutte pars, afïîn de gairder que nulz ne saillît dehors, en atandantque le
sciège y fût mis. Et dès incontinent vinrent et arivairent gens d’arme de
toutte pars, tant à piedz comme à chevaulx ; desquelles estoient sou­
verains chief et lieutenant de l’empereur en cestuy fait les devant dit
contes de Nausoult et le conte Félix, seigneur de Chastel sur Muselle,
avec plusieurs aultres grans seigneurs, chevaliers et escuiers, qui leur
asistoient en cest affaire. Et estimoit on le nombre dez gens de piedz,
tous gentilz compaignons et gens de fait, à neuf ou à dix mil hommes, et
environ deux mil chevaulcheur ; et tellement que, en tout, l’on les
estimoit, parmy les vivandier et poursuiant, à XIIII mil parsonne, avec

a. En marge : Robert de la Marche à Florhange,
1. Six mille ducats.

1521. — REDDITION DE GUILLAUME DE JAMETZ

335

grosse et impétueuse artillerie. Et venoient tous les jour de nouviaulx :
car yceulx Bourguignons se craindoient fort, pour environ XVIII ou
XX mil Françoy qui tenoient les champs sur la ripvier de Meuse ou
environ, comme on disoit.
Florhange, forte place. — Et tellement que, néantmoins que celle
plaice fût alors de grant defïance et de grant résistance (car elle estoit
cy très ancloise de toutte pars que à paine la veoit on, de force de grosse
dougne *1 de terre et espesse qui estoient à l’antour, et à double foussez,
et y avoit merveille là dedans, tant en plaisance comme en deffance, ne
n’y ait home que à paine le voulsît croire, c’il ne l’avoit veu), mais,
néantmoins toutte ces chose, et que dedans y fût enclos, pour la gairde
et deffance d’icelle plaice, le devant dit seigneur Guillaume de la Mairche, seigneur de Jaimaix, avec grant vivre et baitons à feux, trait de
pouldre et aultre deffance de guerre, se nonostant touttes ces choses,
et que le dit seigneur de Jamaix sceust bien que c’estoit de guerre 2,
les antrée et les yssue (car plusieurs fois y avoit estés ; espéciallement il
avoit heu chairge de gens d’airme dellà les mons pour le roy, là où il
avoit estés en grant dangier de sa personne, comme dit est devant),
toutteffois, quelque chose qu’il en fût, le maicredi au soir, douziesme
jour du dit moix de jung, il se randit °, salve sa vie, par la manier que
vous oyrés.
Il est vray que yceulx lancsquenecht, qui dedans estoient, n estoient
point unis ensamble, et craindoient fort, voyant 1 example des aultres
plaice c’on avoit prinse ; par quoy, et davantaige quant il virent et
aperseurent le nombre de ceulx du dehors, et secours ne leur venoit de
nulle pars comme il leur avoit estés promis, il se mutinairent entre eulx
plus fort que devant, et délibérairent de soy randre, doubtant et craingnant que, se par force il estoient prins, qu’il n’en fût fait comme avoit
estés fait de ceulx de Longne et Mesaincourt. Et alors le dit seigneur de
Jamaix, voyant que contre leur oppinion ne pouvoit seulle résister, se
print à plourer ; et tellement que, à la fin, perlement fut tenus entre
eulx, et par acort furent yceulx lancequeneht d’oppinion de envoier
aulcuns d’entre eulx pour pairler a conte de Nausoult. Et firent tant que,
pour abrégiez, il heurent leur apointement, salve leur vie, et à chacun
sa daigue, sans aultre baiton. Et, quant le dit seigneur de Jamaix vit
que secours ne luy venoit de nulle pars, et que seulle avec ces gens
ordinaire ne pouoit deffandre la plaice, il envoia demander saulconduit
pour parler au dit conte de Nausoult. Et le dit de Nausoult, le maicredi,
au vespre, douziesme jour du dit moix, luy envoya plusieurs de ses
gentilz homme au devant pour le conduire et l’amener en sa tante, qui
estoit bien loing comme à ung quert de lue de Florhange. Et estoit le dit
seigneur de Jamaix vestus d’ung riche manteaulx d’escarlette bandés
a. En marge : le seigneur Robert de la Marche se rend prisonnier.
1. Doie, fossé. La forme des patois lorrains actuels est douye. Sur ce mot, voyez
W. von Wartburg, Franzôsisches etymologisches Wôrterbuch, art. doga.
2. Il savait ce que c’était que la guerre, il avait une grande expérience de la guerre.

336

1521.

— REDDITION DE GUILLAUME DE JAMETZ

de noir vellours, avec ung poupoint et collet de cuir et ung petit saion
de soye, et une chausse d’ung fin blan, descouppée et deschicquettée en
lancquenecht. Et, là venus, se prostarna par trois fois en terre devant le
dit conte de Nausoul, luy demandant perdon et miséricorde. Et puis,
pour son escuse, ait dit qu’il n’estoit pas venus à Florhange pour nuyre
à l’ampereur ny au siens, mais seullement estoit venus, a commendement de son perre, pour gairder et deffandre le douuaire de ma dame
sa merre. Et puis dit encor, en soy escusant de ce qu’il avoit fait, que,
c’il avoit estés pour ung temps bourguignon, il avoit servis l’empereur
de son possible, sans fraude et sans décepcion ; et que, la cause de son
despart et qu’il c’estoit arrier randus françois, estoit soubz espérance
de ce que l’on luy avoit promis d’estre briefment fait cappitaine des
piétons, avec grant gaige que le roy luy donnoit. « Par quoy », dit-il,
« sire, ayés pitiet de moy : car je me rans à vous avec la maison et les
biens qui y sont, vous priant, on non Dieu, que m’ayés pour recomandés. » Alors le dit de Nausoult le print par la mains et le leva ; et luy dit
que, puis qu’il se randoit à luy, qu’il le traicteroit en gens d’armes.
Et, dès incontinant, furent envoiez sertains nombres de gens de guerre
et piétons pour gairder la plaice ; et ces gens a d’airme, en nombre de
environ XIIII, furent mis en une salle en mains seur *1 pour gairder ;
et pareillement les lancequenecht furent mis au villaige en gairde
jusque à provision. Puis, ce fait, le soupper vint ; et souppa le dit de
Jamaix avec monsseigneur de Nausoult en sa tante et pavillon. Et alors,
pour luy resjoyr, chacun des seigneurs estant à tauble buvoient à luy.
Puis couchait pour celle nuyt en une couchette auprès du lit du dit
seigneur de Nausoult. Au lundemains, qui fut jeudi XIIIe jour du dit
moix, le dit de Jamaix fut emmenés à Theonville ; et y fut par tout ce
jour enthjer. Puis, le vandredi XIIIIe jour, du mattin, fut livrés entre
les mains de sertains jantilz homme ; et fut menés prisonnier au chaisteaulx de Naimeurs ; et là fut moult longuement. Puis fut dit que l’on le
voulloit mener à Villewoulte, qui est l’ung des fort chaisteaulx que
l’ampereur ait, scitués entre Malline et Brucelle.
Et au lancequenecht qui estoient tenus en gairde au \illaige, comme
dit est, fut parler le dit de Nausoult. Et, entre plusieurs aultres perrolle,
leur dit que l’on les deveroit tous pandre, pour ce qu’il avoient aban­
donnés et trahis leur maistre, et qu’il c’estoient cy tost randus, veu la
force et la merveilleuse deffance d’icelle plaice ; mais leur escuse estoit
que premier il ce estoient abandonnés et offrir 2 a service de l’ampereur.
Toutteffois, quoy que le conte leur dît, il leur fut tenus ceu qu’il leur
avoit estés promis ; et furent disparcés par bande, et conduit en voye.
Et, au gens ordinaire du dit de Jamaix, avec lesqueulx estoit Petit
Jehan, cappitaine du dit Florhange, et ces gens (lesqueulx n’estoient en

a. Ms. : et à ces gens.
1. En main sûre.
2. Offerts.

1521.



LE CHATEAU DE FLOBANGE BASÉ

337

tout aue XIIII homme d’arme, comme dit est devant), fut donnés
congiez franc et quicte, eulx et leur biens, fort qu’il perdirent leur
chevaulx et hairnaix.
. ,
,
Et dès incontinant après ce fait et que la dite Florhange fut randue
comme dit est, furent mandés tous les bons hommes, laboureus, vigne­
rons et aultres de la prévoulté de Theonville ; et furent mis en besomgne
à abaitre les dougne, qui estait chose merveilleuse de 1 espesseur et de la
force de celle plaice. Puis, ce tamps durant que tout le peuple estait
ampeschiez à deffaire la fortificacion et à ramplir les fousses, et aussy
queP tous masson et chairpantbier estaient ampeschiez à abaitre et à
desrompre le chaisteaulx, les seigneurs et conducteurs de 1 ost, ou
commis, estaient antendant à vandre le buttm. Car, descjeudl’ van'
dredi et toutte la sepmaigne, l’on ne fist que wuyder lesbledz les vins,
les lairt et aultre biens, et mener à Theonville ; et deffit on les fenestraige, lez wairier, les traweure, les planche, les avis , les escaille
et vandoit on tout. Et fut vandus le plomb qui estait dessus le teys de
la tour L florin (et fut dit qu’il en vailloit bien trois fois autant) , et
paireillement fut raiez tous le plomb dez conduit de la fontaine e en y
fut trouvés environ IX millier : et l’avoit le dit seigneur de Florhange
fait faire toutte neuve. Touchant dez escaille, le conte de Nausoult les
bailla à son hoste de Theonville pour amploier es tour de la ville
Ce temps pandant que celle plaice se abaitoit comme dlt est’ P “de
des seigneurs de la cité de Mets, et aultres bourgois, mairchant et de
* gens, y ta-* veoir ; et
avec les aultres. Et y menoit on vivre à grant plantes et de
PaESt aussy durans que ces chose se faisoient, furent par les capitaines
et ch’ief de guerre envoiez certains nombre de gens pour P™“(Jr flz
nlaice scituées entre Gourxe et Mailatour, apartenant à 1 ung des falz
du dit seigneur Robert, nommée le Saulcey. Laquelle fut /ncontmant
prinse, abattue et arasée, et tous les biens pillés et amenés a TheonV1 Et fut causy le jour sainct Jehan venus avant que touttes ces choses
fussent faictelet acomplie. Auquelle temps durant les boullungier de
“■elient jo»r ne nuyt a repos ,ne tousjou,,Ç- P»™'
mener a campe ; et y menoit on journellement de touttes manier
vivre et de touttes mairchandise.

t

Aucy durans que ces choses se faisoient et que l’on abaitoit Florhatge comme
est, furent cassés des gaige de l’empereur environ
de Jukitr^à sincq cens d’iceulx lancequenecht du campe, et biaulx
eallans La cause pour quoy fut que, le lundi devant, firent une grande
alairme et une grande mutinerie au camp. Et firent ce pour tant que

1

! Avis, escalier (en ancien français vis). Dans les patois lorrains actuels, le mot e»
(à visser) se présente aussi sous la forme evis, « avis ».

1521.



MARCHAND DE METZ ATTAQUÉ PAR DES RRIGANDS

l’on ne les paioit pas à leur guise, ne sy tost qu’il eussent voullus. Et, de
fait, mirent la mains à l’airtillerie (dont il en y avoit XXV piesse, tous
groz batton et puissant, réservés trois ou quaitre petit courtaulx),
et à force la voulloient yceulx lancequenecht saisir et emmener. Et, se
n eussent estés les Naimurois et les aultres Waullons, il y eust heu des
choses malz faictes ; et eust estés le conte de Nausoult en grant dangier
de sa personne. Et pour ce heurent congiez. Et prinrent la plus part le
chemin de Sainct Nicollas pour tirer en France.
Item, aussy durans ces jours, et sur le despart, que le camp se voulloit
lever, c’est assavoir le jour saint Albain, XXIP de jung, et la sorveille
de la sainct Jehan, ung mairchant de Mets, nommés Jehan d’Orin,
l’orfèvre, lequelle entre tous les mairchamps estoit l’ung des riche
de la cité, envoya Jehan le Braconnier, son janre, avec son serviteur,
au camp ou à Theonville pour vandre du vellour. Et, de fait, le dit
son janre en avoit vandus pour environ deux cenc florin d’or. Puis, sans
ce doubter ne sans ce gairder de rien, se partit du camp dessus le ’tairt.
Et s’an cuidoit retourner arrier avec l’airgent : mais il furent pourpiés 1
et rancontrés d’aulcuns malvais guerson qui c’estoient caichiez ez
bledz. Et tellement que, environ à demi lieue de Theonville, fut le dit
Jehan le Braiconnier ahatus de son chevaulx, et luy fut bailliez trois ou
quaitre copt d’une collevrine a travers du dos, et luy fut ostés son
paicquet de vellours : mais il ce savait d’ung cousté ; et le verlet, qui
estoit à piedz, d’ung aultre. Ne ne sçavoit l’ung que l’aultre fût devenus.
Par quoy celluy verlet retournait à Mets ; et y arivait le dimanche a
mattin, XXIIP jour du dit moix. Et le dit Jehan couchait és bledz
jusques le lundemains, du mattin, qu’il retournait à Theonville. Et,
alors que cest inconvéniant fut sceu par le verlet, et qu’il oit dit qu’il né
sçavoit où le dit Jehan fût, ne c’il estoit mors ou prins, Dieu scet le
bruit et le dueille qui en fut demenés par tout le jour ! Jusque au vespre,
qu’il se fist reconduire et retournait à Mets, bien defïait et traivailliés 2.’
Item, environ la saint Jehan, et au despairtir que le sciège fist de
devant Florhange, il s’en aillirent abourder vers aulcune plaice aparthenant à monsseigneur de Mallebert, scituée en la duchié de Lucembourgz, pour les prandre et saisir. A Tocasion de ce que le dit de Malle­
bert n’avoit jamaix voullus en reprandre ne en faire foy et homaige
à 1 ampereur, ne ne ce disoit en rien estre bourguignon, ains estoit
parfait françoy ; et aussy, le plus et le mieulx, il se tenoit en France
auprès du roy. Et puis, quant il olrent fait ce qu’il vouldrent, l’airmée
ce thint par plusieurs jours en l’entour d’Erlon, comme je dirés ycy
après quant temps serait.
Se temps durant que ces chose se faisoient, le dit de la Mairche fist
boutter les feux et tous airdre et brûller aulcuns villaigez appertenant
au conte Félix. Et aussy, durans ces jours et à Tocausions de la devant

1. Épiés.
2. Travaïllier, blesser, endommager.

1521. — FOUILLES A LA CATHÉDRALE DE METZ

dicte guerre, se firent plusieurs course, rancontre, riblerie et lairsin :
desquelles je me despourte pour le présant, car, se tout dire voulloie,
je seroie tropt prolixe et annoyeulx.
Item, paireillement à l’acomancement du moix de jung, il fist de
merveilleux tamps, et grant oraige de grelle et de tampeste, tant à
l’antour de Mets comme aultre part. Et d’icelle furent fort tampestee
et fouldroiées les vignes d’Airs sur Muzelle, et partie de celle de Vau t .
et fut dit et estimés a le dopmaige à plus de mil escus d’or. Paireillemen
en ce tamps, ou tost après, fist la fouldre et la grelle ung grant et ori ^ e
dopmaige és vigne de devers Amance en Loraine. Puis, tantost apres,
le tamps se chaingeait, et fut convertis en pluye et en froydure Qui u
fort contraire au biens de terre, espéciallement à la fleur des roman
et au navée : car, par celle froidure, laissait à venir cenc mi quair e
de bledz, au païs de Mets seulement, et de la navée et aultre bien à
l’avenant. Dieu en soit loués !

[travaux

exécutés

dans

le

chœur

DE LA CATHÉDRALE DE METZ].

En ces meisme jours, et durans que ces choses se faisoient, les chainoigne de la Grant Église de Sainct Estienne de Mets, pour ce que le
cuer d’icelle église estoit de noviaulx fait et eschevis, comme dit est
devant, conclurent entre eulx de reffaire en celluy cuer des nouvelle
chaire ; et, avec ce, de eslever le pavés d’icelluy cuer de trois ou de
quaitre degrés plus hault qu’il ne soilloit estre, et comme il est a presant.
Et, pour ce faire, vindrent à desrompre le viez ouvraige et taubarnaicie
de’la vielle muraille qui faisoit cloéson d’icellui cuer ; et, avec ce,, vindrent à ovrir plusieurs anciennes sépultures et monumens, et a detouyr
plusieurs corps des évesques qui anciennement en ce lieu avoien es
inhumés et enseveley, pour et afîin de faire les fondement d icelluy
nouviaulx ouvraige.
Et premier, à l’entrée du cuer, à la mains senestre, c est assavoir en
l’anglet du cousté de devers Chambre, en la devant dicte annee, le
septiesme jour de jung, fut trouvés le corps de l’évesque Thierey (ou
autrement dit Déoderich), filz du conte Hanry de Bar, qui fut nepveu
à l’évesque Estienne de Bar, duquelle je parleres jay asses tost. Et ne lu
pas celluy Thierey prebstre, sinon diacre ; et, pour ce qu il n estoi
mye prebstre, comme dit est, ne fut en son sépulcre et monument
trouvés mitte, calice ne crosse, fors q’une petitte croix de plomb en

a. Ms. : dit et stimés.

340

1521

.

— TOMBEAUX ANCIENS DE LA CATHÉDRALE DE METZ

neuf ans
ans et
et sept
sept moix
moix ; et geust son corps en se lieu l’espace de trois cens
et XLVIII ans 1.

s

1Vi V-4 1/ O

S

p}en7eteci?ûWorirc2i

Auprès d icelluy évesque, c’est assavoir en celle meisme pertie et
plus près de l’entrée du cuer, dessoubz ung autel que maistre Adam
Poullet, chanoine de la dite église, avoit puis fait faire, là se gisoit, et à
ce meisme jour fut trouvé l’évesquez Régnault de Bar, lequel obtint
le sciège épiscopal l’espace de XIIII ans ; et fut celluy Régnault empoi­
sonne en l’abbaye de Sainct Vincent. Celluy en son temps fut moult
vai lant prelas. Et y avoit justement deux cens sincq ans que son corps
gisoit en ce lieu. Au sépulcre d’icelluy évesque Régnault fut trouvé ung
moult beaulx petit calice, avec la platine d’argent, moult richement
tait et bien dore par dedens, qui peult valloir huit florins d’or. Item,
au dit sépulcre fut encor trouvé deux anneaulx, l’ung d’or, auquel y
aist ung saphir qui peult estre estimé trois ou quaitre florins de Rin,
et aultre anneaulx estoit d’argent doré et avoit une pier de rubis,
de petitte value. Le dit évesque Régnault fut trouvé bien richement
vestus d une chappe de draps d’or, avec une mitte en la teste ouvrée de

1

VI IDVS AVGVSTI OBIIT DHEODERICVS, METTENSIS ELECTVS, CANONICVS ET LEVITA

— Hauteur : 132 mm. sur largeur : 96 mm

1521.

— TOMBEAUX ANCIENS DE LA CATHÉDRALE DE METZ

341

diverse figures, en laquelle y avoit, à une des pertie, ung Moyses assis
sur une chaire, tenant ung livre ouvert en sa main, et, de l’aultre pertie
de la dicte mitte, y avoit Aaron tenant ung livre clos sur son genoulz,
assis perreillement sur une chaire ; lesquelz ornement et orfïrois 1 ne
furent jamays fait pour cenc florin d’or. Item, y fut encor trouvés une
crosse d’yvoire toutte pourrie. Mais il n’y avoit point de crois.
Puis, au londemain, de l’aultre partie, en antrant en celluy cuer à la
mains droitte, dessoubz ung autel fondé de sainct George, fut trouvé le
corps d’ung vaillant prélas nommés Estienne de Bar, qui fut oncle
au devant dit évesque Thiéry et nepveux a pape Calixte le second :
car celluy pape estoit frère à la mère du dit évesque. Cellui Estienne
obtint le sciège épiscopal par l’espace de XLIII ans ; et oit tiltre d’archevesque et de cardinaulx. Et geust son corps en ce lieu l’espace de
trois cenc et LVIII ans. En la sépulture du dit évesque furent trouvée
trois espingles de fin or de telle forme, figure et grandeurs comme ycy
après vérés la figure et pourtraicture ; et est en chescune d’icelle espingle, en la teste, une pière précieuse : assavoir, en l’une, une pière nom­
mée amétiste, et, aux deux aultres, à chescune une pière de rubis,
vallant les trois ensambles environ douze escus au solleil. Or est à notter
que, pour ce que le dit evesque avoit tiltre d archevesque et de car­
dinal, comme dit est, ad cause de quoy il avoit previlaige de user de
paelle 2, qu’est dignité attribuée aux archevesques, par quoy les trois
espingles devant dites servoient pour attachier le dit paelle sur les deux
espaulles, et au pectoral3 du dit archevesque. Item, fut encor trouvé
au dit tombeau une crosse dont le pommeau estoit d’yvoir ; et le rest
estoit tout consummés et porris. Cy fut encor trouvés auprès d’icellui
évesque une croix de plomb, toutte pourrie et desrompue de viellesse,
et escripte des deux perties, de laquelle la figure s’ensuit4.
En après fut levée une petitte tombe en lamme de marbre noir, qui
estoit la première en l’entrée d’icelluy cuer. Dessoubz laquelle, en ung
tombiaulx de pier, se gisoit et avoit anciennement estés ensevellis le
vaillant prélas Bouchairt, filz au conte de Hénault, lequel fut évesque
et obtint le sciège d’icelle cité par l’espace de XIIII ans. Celluy fist
moult de biens à la devant dicte Église de Mets : car, corne le met sa
légende, de son propre patrimoine il acquestait la conté de Caistre, et la

1.
2.
3.
teur
4.

Orfroi, parement, galon brodé, frangé d’or.
Latin pallium, français pallion.
Pectoral, orfroi, de forme quadrangulaire, que l’on applique sur 1 aube , à la hau­
de la poitrine.
Voyez page 342.

ANNO AB INCARNATIONE M« C° LXIII°, IIII. K.L. IANVAR., OBIIT STEPHAN VS ,

EGLESiE Bpiscopvs. —- 99 mm. sur 39 mm.
op. clt., p. 3 ; Kraus, t. III, p. 605, 606. .

rie sancte metemsis

Thiriot,

PIE MEMO-

1521. —• TOMBEAUX ANCIENS DE LA CATHÉDRALE DE METZ

343

donnait à la dite Église ; et agrandit fort l’éveschiez ; et pour ce, en
l’honneur de luy, sont pourtée ses bannières et couste d’arme 1 devant
le chief saint Estienne le dernier jour des Rogacions. Son corps geust
en ce lieu l’espaisse de deux cent XXIIII ans. Auprès duquelz fut
trouvés ung callice avec la platine d’argent, qui peult vailloir sept
florin d’or. Item, auprez d’icelluy fut encor trouvé ung anneaulx
d’argent doré, auquelle y avoit ung doublet2, de petitte value. Encor y
avoit une crosse, de diverse couleurs, qu’estoit toutte consummée de
viellesse et de pourriture ; paireillement les vestemens, réduictz en
cendre et du tout ennichillez. Avec les devant dictes pièces fut encor
trouvée une croix de plomb, de laquelle la figure est ycy mise au vray,
et toutte en la forme, manier et grandeur qu’elle estoit, avec aussy les
aultres ycy devant et après mise, sans y riens y avoir ajouster ne
diminuer 3.

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Après, en allant plus dedans le cueur, dessoubz le pulpitre de cuyvre
et au piedz d’icelluy Bouchart, le dixsiesme jour de jung, fut ouvert le
sépulcre et monument de l’évesque Jehan, qui fut frère au seigneur
d’Aipremont ; lequel estoit des lignaiges de la cité de Mets et du paraige
de Porcellis. Et fut celluy sy vaillant aux armes qu’il fist trois ans la
guerre contre la dicte cité ; et agrandit moult l’éveschiez, et fist plu­
sieurs choses digne de mémoire. Celluy Jehan obtint le sciège XV ans.

1. Cotte d’armes (voyez Gay, Glossaire archéologique, l’article cote à ar™er')-

2. Doublet, pierre fausse (formée de deux épaisseurs de cristal entre lesquelles o
met
une couche de peinture, etc.).
3. ANNO D O MINI M° CC° NONAGE0 SEXTO, IN VIGILIA SANCTI ANDREE APRILI,OB.IT
DOMINVS BOCHARDVS, METENSIS EPISCOPVS, FRATER DOMINI IOHANNIS, COMITTIS
HANONIA, TERTIO KALENDAS DECEMBRIS. — 164 miR. SUÉ 127 mm.

p. 6 ; Kraus, t. III, p. 611.

HIRIOT,

op.

C

344

1521

.

— TOMBEAUX ANCIENS DE LA CATHÉDRALE DE METZ

Et geust son corps en ce lieu par l’espace de deux cenc IIIIXX et ung ans.
Et fut trouvez le corps d’icelluy Jehan moult richement aorné, avec
une mitte de drap d’or figurée de diverse sorte, si corne oyseaulx et
lyons rampans, etc. Auprès duquel fut trouvé ung petit calice avec la
plattine d argent, toutte noire de viellesse, qui peult valloir six florins
d or. Et fut encor trouvés en celluy tombeau ung anneaulx d’or auquel
y avoit une moult belle esmeraulde, qui fut estimée et prisée par orfèvre,
et aultres que en tel cas ce congnoisse, L escus d’or au soleil. Item, auprès
du dit évesque fut encor trouvée une croix d’argent pandant à ung
fillet d or, là où estoit escript le non du dit évesque, le jour et le moix
qu il trespassait. De laquelle croix, avec la lettre, la figure s’ensuit, et a
vray, de la grosseur et grandeur, tant de celle cy corne de touttez les
aultrez1.

Puis, après, au piedz d’icelluy évesque Jehan, tout anmey le cuer,
dessoubz la grant couronne, fut le dit jour ouvert le monument de
l’évesque Déderis ou Deodericus le josne. Lequel, comme le mect sa
légende, fut premier fondateur d’icelle église, c’est assavoir du neuf
ouvraige de la grant nefz ; et, avec ce, donnait à ycelle église moult de
riche juaulx, et acreust moult la terre. Et thint le sciège l’espace de
XXX ans. Et fist faire la grant couronne, dessoubz laquelle yl gist,
comme dit est. Et geust son corps en ce lieu l’espaice de environ sincq
cenc ans. Et, jai ce que son sépulcre et tombiaulx fût le plus riche et

1. IIII IDVS DESEMBRIS OBIIT IOHANNES*{*, METTENSIS EPISGOPVS.—-110 mm
85 mm. — Thiriot, op. cü., p. 5 ; Kraus, t. III, p. 606, 610.

SUr

1521.

345

— TOMBEAUX ANCIENS DE LA CATHÉDRALE DE METZ

excellant de tous les aultres, et eslevés par dessus, l’on ne trouvait
riens dedans que les os, avec une croix de plomb comme la figure est
ycy porttraictes avec la lettre et au vray 1.

Car on estime que desjay par aultre fois il avoit estés sairchiez,
et que on avoit heu prins et levés touttes les baigue, comme
callice, plattine, chappe, mitte, et touttes aultre baigue de vallue
ou estimée.
Or avint que, après ce fait, les seigneurs channoines d’icelle église
firent faire une belle casse 2 de boix, en manier d’ung tombiaulx ou
sépulture, auquelx furent faictes six antrechaites 3 en manier de six
petitte laye, esquelles, en chacune d’icelle laiette, furent mis les ossemens de l’ung d’iceulx évecquez. Et puis fut encor mis, après de chacun,
c’est assavoir en chacune laiette, une épitaffle faicte en plomb, là où est
escript le non d’icelluy évesque, et le jour qu’il fut relevés et mis en
ce lieu. Et, le dit ans, le XIIIIe jour de jung, par ung vandredi, fut la
dite grant laye, là où tous les ossemens des six évesques devant dit
estoient, mises et ensevellies dessoubz la dite couronne, au propre
sépulcre et monument du devant dit Deodericus le josne ; et y sont
encor. Et, à ce jour meisme, fut par les devant dit channoines fait ung
service et haulte messe sollempnelle pour les âmes des dit évesquez ,
et fut celluy service aussy triumphanment fait, avec grant luminaire
et à cloiche sonnant, corne se à l’heure présante fussent estés mort.

1. Il K.ALENDAS MAII OBIIT THEODERICVS IVNIOR, ECOLESIE METTENSIS

EPISCOPVS.

— 100 mm. sur 97 mm. — Thiriot, op. cit., p. 2; Kraus, t. III, p. 604.
2. C’est le même mot que châsse et que caisse ; il présente à la fois les deux sens.
3. Entrechastre, compartiment.

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IVMIORISIOHKNfS-bE-ftSPERO
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NO.E'ËTLEVITE-METErÎELECTIPRIOIE SVlS-F-TVIWLiSlBSMi
PÜHrieAIEM-CHOK/EXTMCW !

1521. — TOMBEAUX ANCIENS DE LA CATHÉDRALE DE METZ

347

La forme et figure d’icelluy tombeau et casse ou laye de bois x.
L’épitaphe en latin qui est mise en la dite caisse dessus yceulx ossemens 2.* 1
L’esposicion d’icelluy épitaphe en françois.

A XVIIIe kalende de jullet, l’an de Nostre Seigneurs mil sincq cenc
et XXI, ycy sontz mis les osses de 3 bonne mémoire Théoderic le josnes,
Jehan d’Apremont, Bochard, Régnault, et de Estienne, jaidis évesques
de Mets, et aussy de Déodéric, channoine et diacre, esleuz de Mets,
avant hier a de leurs sépulcres pour l’amplicacion 4 du cueur extraictz.
Desquelz les âmes puissent en paix repouser !
Puis, en ouvrant que l’on faisoit on dit cuer, l’on trovait encor
d’aultre ancienne sépulture et monument, auquelle se gisoient aulcuns
prélas d’Esglise. Et furent en yceulx sépulcre trouvées aulcune crois de
plomb escriptes de lettre anticque ; les aulcune estoient en lattin, et les
aultres en romans et en anciens langaige. Desquelles les figures et la
lectures s’ensuit ycy d’une part et d’aultrez.
Et, premier, d’ung chainoigne nommés Jehan Gillet, trésorier de
l’Église de Mets et chantre de l’Église de Triève 5.
mnobo \

ombof i

cmpœo i
•v'*";v *■

.

ITOITOTT'4

OBii0'Offs-®si)as0LLÉO
! C[Kn(>OR-€[acfel€(ÔÉ^yp i

a. Ms. : avant thiere.
1. Voyez page 346.
2 XVIII0 KALENDAS JVLII,

ANNO DOMINI MILLESIMO CCCCC0

XXI0,

HIC RECONDITA

SVNT OSSA BONE MEMORIE THEODERIGI IVNIORIS, IOHANNIS DE ASPEROMONTE, BOCHARDI,
REGINALDI ET STEPHANI, QVONDAM METENSIVM EPISGOPORVM, NEC NON THEODERICI,
CANONICI ET LEVITE, METENSIS ELECTI, PRIDIE SVIS E TVMVLIS

OB AMPLIATIONEM

102 mm. SUT 140 mm.
Thiriot, op. cit., p. 8. L’estampage de cette inscription a été publié : Metzer Dombaublatt, t. II, p. 31. On peut donc ici comparer la copie de Philippe à l’original.
3. Comprendre : de, de bonne mémoire, Théodoric le Jeune.
4. Contamination de ampliation et de amplification, qui ont tous deux le sens
d’« agrandissement ».
CHORI EXTRACTA. QVORVM ANIME IN PAGE REQVIESCANT.

5. ANNO DOMINI MILLESIMO GCC° PRIMO, OBIIT DOMINVS IOHANNES DOMINICVS
GILLET, THESAVRARIVS METENSIS ET GANTOR EGCLESIE TREVERENSIS, QVINTO NONAS. —
117

mm.

sur 118

mm. — Cf.

Thiriot,

op. cit., p.

19.

348

4521.

— TOMBEAUX ANCIENS DE LA CATHÉDRALE DE METZ

Puis, ycy aprez, de l’aultre cousté de la pairge, sont les épitaphe, en
romans et en anciens langaiges, de deux aultres chanoigne, comme
lisant trouvenrez i.
08ÏSTEÎ
SlRESTHOf
V»CÜ;A
îZ-Sovo;
170H€(SZSOVOlKrC(RÔ
msmïïns’WjnoftiLft

viôiLLfrD&Lmomim
<xion*&
pOL+V*

fncaxx*

LI-Ans

aiôisr-,
LI‘SIR€(- ;
S-LOV- i

(lOtmORT&JT.

■FvvatiKtton&S'V&i

5T?€(fî-Qyt5nORVT*LK|
VGÜL#ST€[‘A(?ATh€(|

LKn-maact^ xxxvHf
lX)€(VS
îLftrrcra!

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ].

Maintenent retournerons à parler de la devant dicte guerre acomancée entre François et Bourguignons, et quelle en fut la fin.
Mais premièrement, et avant que y rantrer, vous serait par moy dit
et contés aulcune aultre petitte besoingne qui avindrent durant se
temps. Et, premièrement, en ces meisme jours, c’est assavoir le XVIe de
jung, se thint le chapittre en Mets au couvant des Frères piedz deschaulx de 1 Observance d’en bas. Et firent à ce jour une moult hono1. CI GIST LI SIRES THOMES D}EXIVERY, CHANONES ET SOVDIAICRE DE SAIANS, Kl
MORI LA VIGILLE DE LA CONVERCION SAINCT POL, PER M. CGC. LI. ANS. —• 117 mm.

sur 117 mm. —•

Thiriot,

p. 28.

CI GIST LI SIRES LOVVI DE HONBORT, QVI FYT CHANONES DE MES, QVI MORVT LA VEILE
saincte agathe, l’an m. ccc. et xxxvi. devs l’aiice I — 117 mm.sur 117 ram.__
Thiriot, p. 23.

1521.

— GRAND PROCÈS ENTRE DES SEIGNEURS DE METZ

349

rauble pourcession à la Grant Église d’icelle cité ; et portoient Corpus
Domini avec eulx, corne ce fût estés le jour de la Feste Dieu. Et là,
en la dicte Grant Église, fut fait le premier sermon par ung révérand
docteur et scientificque parsonne. Et furent en celle pourcession environ
deux cenc et XXV Frères.
Item, en ce meisme temps, Jehan de Loraine, cardinal du Sainct
Sciège apostolicque et évesque de Mets, luy acompaigniez de plusieurs
de ces nobles et officiers, s’en allirent à Romme.
Paireillement, en cellui temps se esmeust ung grant desbat et ung
gros discort en la cité de Mets, entre honeste et honorable chevalier
seigneur François le Gournaix, d’une part, le seigneur Nicolle Dex,
aussy chevalier, son jandre et son biaulx frère, d’aultre part. Car le dit
seigneur François avoit heu plusieurs femme en mariaige : entre les­
quelles il avoit heu la suer du dit seigneur Nicolle Dex, par quoy c’estoit
son biaulx frère ; puis le dit seigneur Nicolle avoit en mariaige l’une des
fdle du dit seigneur François, qui estoit fille au l’une des premier femme
du dit seigneur François, avec plusieurs aultres anffans. Et voulloit on
dire que d’icelle premier femme tenoit et pocédoit le dit seigneur Françoy plusieurs grans biens, terre et seigneurie. Or avint que, peu de temps
après ce que le dit seigneur Nicolle fut retournés et revenus du sainct
voyaige de Jhérusalam, comme cy devant ait esté dit, le mal print à la
dite sa femme, de laquelle maladie elle morut. Par quoy se esmeust
le huttin, à l’ocasion de la devise1 de la dicte damme trespassée : car
elle faisoit par ycelle devise plusieurs dons au dit seigneur Nicolle, son
marit, qui n’estoient pas fait du grés, consantement ne voulluntés du dit
seigneur Françoy, son perre ; et, avec ce, le faisoit mambour de tout
le siens. En sorte telle que, pour ces choses et plusieurs aultres, antrirent
les partie en procès : c’est assavoir le dit seigneur Nicolle, comme
clamant, d’une part, et le dit seigneur François, defïandant, d’aultre
part. Et, tout premièrement, pour ce que le dit seigneur François estoit
mal comptant de la devise et dernier voulluntés d’icelle damme, sa
fille, et qu’il ne l’agréoit pas, ains y contredisoit à son pouoir, le dit
seigneur Nicolle luy faisoit tout premièrement demande qu’il fût
satifïait2 de son mariaige et de tout ce que à la dicte sa femme appartenoit à avoir de part sa feu mère, damme Pairette Louve, trespassée.
Et plusieurs aultres demande luy faisoit encor le dit seigneur Nicolle,
lesquelles seroient à dire tropt loingue et prolixe, par quoy je m’en
passe pour abrégier. Paireillement le dit seigneur Françoy faisoit au dit
seigneur Nicolle plusieurs aultres demande, cellon son plaisir et voul­
luntés. Et tellement que, les partie par plusieurs fois ouyes en justice,
fut le dit seigneur François comdampnés de la plus part des devant
dictes querelle, tant en demandant corne en deffandant. Et, après ce

1. Du testament.
2. Qu’il reçût satisfaction de, qu’il lui fût fait abandon de. ■— Il semble que Nicole
exige la dot de sa femme, et la part d’héritage qui lui revenait de sa mère.

350

1521 — GRAND PROCÈS ENTRE DES SEIGNEURS DE METZ
.

que le maistre eschevin en oit dit, le dit seigneur François, mal contant
de la santance, je ne sçay à quel occasion, sinon du chapistre de Volo,
ne voulloit acomplir ycelle santance ; et y furent les sairgent envoiez
par plusieurs fois pour luy contraindre et le gaigier somme sur somme.
Et tellement se mutinairent les ung contre les aultres que le dit seigneur
Nicolle, voyant que bonne et brief justice ne luy estoit pas faicte ainssy
comme il l’entendoit et desiroit, et que tropt d’ausaisoire 1 et d’aloingnement 2 le dit seigneur Françoy y trouvoit, délibéray de tout vandre
le siens, biens meubles, cens, rantes, revenues, haulteur, seigneurie
et héritaige, et de c’en aller demourer hors de Mets en aultres terre et
contrée. Et, de fait, fit anoncier par touttes les paroiche de la cité, le
dimenche lundemains de la sainct Lorans, XIe jour du moix d’aoust,
que, le lundi ensuiant, à XI heure, on acomanceroit à vandre plusieurs
biens meubles, chainevaige 3, pottaige d’estains et de cuyvre, et plu­
sieurs aultres mesnaige devant la maison du dit seigneur, et que, qui en
averoit afaire, qu’il ce trouvait au dit lieu : car l’on y vanderoit tout
oul[tra]iement4. Item, au sourplus, fut anonciet que, c’il y avoit aulcuns
seigneurs, ou aultres, qui heussent affaire ou qui voulcissent acheter
le mollins à pappier, avec la fort maison et toutte la despandance, qui
est scituées sur le ruyt de Vaillier, au bourgs Sainct Jullien, avec une
moitresse de bledz scituée à la ville de Montigney, et une tueillerie
qu’il avoit à la ville de Faiey, cy viengne pairler au dit seigneur Nicolle
Dex, ou à Dedier d’Esplei, son clerc, et il en feront bonne compaignie 5.
Et ainssy en fut fait ; et furent vandus yceulx biens meubles par plu­
sieurs jours et en lieu publicque par maire et par eschevins, cellon la
coustume de Mets.
Item, aussy en celluy temps, par ung dimanche XXVIIIe jour du
moix de juiellet, avint en la cité une aultre fortune et ung copt mal
prins, fait d’avanture. Le cas fut tel que, au dit jours, les collevrenier
de la ville tiroient leur jeux, cellon leur coustume, en leur baille du pont
Thiefïroy. Et, entre yceulx, y avoit ung josne homme allemans, cor­
donnier, demourant en Fornerue, lequelle alors estoit l’ung des biaulx
gallans et gracieulx de toutte la cité ; et estoit là venus désirant de ce
mettre et de briefment estre de leur compaignie. Mais, par fortune, il ce
tirait tropt près du rondeaulx 6 : par quoy il luy en mescheut. Car alors
tiroit le filz du groz Lambert, le cordonnier, qui n’estoit pas tropt
husités du mestier, et tenoit mal droitte sa collevrine ; en fasson telle
que, au délaiché d’icelle, vint à frapper tout parmi les flans et tout au
travers du corps du dit josne cordonnier allemans. Et cheut mort en la
plaice tout estandus, sans jamaix renoncer.
1. Accessoire, embarras, difficulté.
2. Éloignement désigne ici les atermoiements.
3. Comparez l’ancien français chanevas, « toile de chanvre ». Chanevage désigne sans
doute à la fois le linge de table et le linge de maison (draps, taies d’oreiller, etc.).
4. Outréement, entièrement.
5. Compagnie a ici un sens voisin de « arrangement ».
6. De la cible. Le mot rondel désigne toutes sortes d’objets ronds.

1521. — RÉUNION DE SOLDATS AUTOUR DE THIONVILLE

351

[CONTINUATION DE LA GUERRE ENTRE FRANÇOIS Ier
ET CHARLES QUINT].

Or revenons à pairler de la guerre devant dicte acomancée entre
Françoy et Bourguignons. Vous avés bien par cy devant ouy et a vous
ait estés dit et souffisanment desclairés comment le sciège fut mis devant
Florhange ; puis comment le seigneur Guillaume de la Mairche, seigneur
de Jamaix, se randit avec la forteresse, et comment il fut envoiez pri­
sonnier au chasteaulx de Naimeur, et la dicte Florhange pillées, abatuee
à fleur de terre et mise à ruyne. Puis vous ay heu dit et contés comment,
après ce que yceulx Bourguignons heurent estés en ce faisant tenant
le campe par plusieurs jours, se sont partis du lieu. Et, après qu’il
heurent brûllés et fait plusieurs dopmaige dessus la terre et seigneurie
du seigneur Mallebert, comme dit est devant, se sont retirés et ont
plantés leur sciège et leur campe en ung biaulx lieu et fort, près d’ung
villaige en Allemaigne nommés Martellange, qui est environ à deux lue
d’Erlon et à quaitre lue de Bastonne. Et là se sont tenus longuement, en
atandant aultre novelle. Et tous les jours, durans le temps qu’il y
furent, leur venoit gens nouviaulx, et plus c’on n’en voulloit.
Entre lesquelles vinrent ariver à Theonville une grande et puissante
compaignie, tant à chevaulx comme à piedz, là où estoient plusieurs
cappitaine allemans et grant seigneurs. Et entre yceulx estoit celluy b
cappitaine Francisque, qui n’ait guaire avoit heu mis le sciège devant
la cité de Mets pour le fait Pier Burtault, comme cy devant ait estés
dit. Et furent celle compaignie par plusieurs jours tenant leur campe en
ung lieu assés près de la dicte Theonville ; durans lesquelz furent jour­
nellement menés vivre, pains, vin, drapperie, mercerie et de touttes
aultres merchandise de la cité de Mets. Et furent ces gens ycy longue­
ment en ce lieu, en atandant pour veoir se les François se bougeoient
en riens : car yceulx François, comme il fut dit, estoient en airme sur les
champs avec une puissantes armée devers Masier sur Meuse, devers
Revegney a Vaiche *1, devers Sermoixe et là entours sur les frontiers.
Puis ce vindrent yceulx Françoys apaircquer à moult grant puissance
environ à quaitre lue de Mousson. Et furent ainssy les choses jusques
environ à l’acommensement du moix d’aoust. Lequelle tamps durans
venoient tousjours gens nouviaulx à grant puissance, tant au campe
qui tenoit auprès de Martellange, corne dit est, comme à cellui tenant

et. Ms. : et et,
i. Ms. : celluy le cappitaine. Philippe avait écrit le cappitaine ; puis il a ajouté celluy
a la fin de la ligne précédente, oubliant de rayer le au début de la ligne suivante.

1. Revigny (Meuse, 14 km. au N.-O. de Bar-Ie-Duc) a porté le nom de Revigny-auxvaches.

352

1521. — LE CHATEAU DE BOUILLON PRIS

devers Theonville ; et ne faisoient que passer et repaisser gens de piedz
par le païs de Mets, tant de ceulx de la Haulte Bourgongne comme
d’aultre pars.
Et, durans ces jours et que ces chose se faisoient, c’est assavoir le
jour saint Estienne, troisiesme jour du dit moix d’aoust, il fist ung mer­
veilleux temps par deux ou trois fois le jour ; et d’icellui cheut encor
ung groz fouldre, environ le meidy, devers la ville d’Airs sur Muzelle
et devers Ainssy. Et, meismement à ce jour, environ les quaitre ou
sincq heure après midi, il cheust soubdainement et subit une nuée de
grelle à Mets, laquelle grelle estoit grosse, lairge et plaitte plus que nulz
homme vivant heussent veu ; mais elle ne fist guaire de malz, pour ce
que le plus fort cheut à Mets, et ne durait comme riens.
Or revenons à perler de celle guerre. Car, durans celluy temps et à
l’acomancemant du devant dit moix d’aoust, ceulx qui estoient tenans
leur campe devers Erlon et Martellange, comme dit est devant, et
desquelx estoient cappitaine lez devant dit conte de Nausoult et conte
Félix, se partirent de ce lieu, et s’en aillirent planter leur campe à une
petitte lue près du fort chaisteaulx de Sedan. Auquelle alors estoit le
devant dit cappitaine le seigneur Robert de la Mairche, seigneur d’icelle
plaice ; et avec luy avoit quaitre ou sincq cenc chevaulx, sans les piettons, et tous gens husités de guerre. Et se tinrent ainssy, les ung contre
les aultres, sans ce aultrement aproichier, environ huit ou X jour.
Le château de Boullon pris; le capitenne de Florhange pendu a . —
Lesquelle durans partie d’iceulx Bourguignons furent envoiez devant
Bouillon, qui est une forteresse apperthenant au dit seigneur Robert ;
et, sans faire longue résistance, fut la dicte Bouillon prinse, destruicte
et toutte arrasée, avec ceulx qui estoient dedans, qui la plus pars furent
prins ou tués. Entre lesqueulx Poincellet, qui solloit estre cappitaine de
Florhange, et qui, depuis la prinse d’icelle, c’estoit retrait léans, fut
prins ; et, pour ce que aultrefois avoit voullus trahir la ville de Theon­
ville, comme en aultre lieu par cy devant ait estés dit, sans rémission,
la vigille de la saint Loran, IXe jour d’aoust, fut le dit Poincellet
pandus et estraingliés à la branche d’ung pommier. Et, quant il vit qu’il
n’y avoit nulz remède, et qu’il n’airoit point de mercy, ait dit ainssy :
« Hé ! », dit il, « le malvais maistre que j’ay servis ! »
Le seigneur de la Marche en grand soucy. ■— Et, après ces choses
ainssy faictes, le dit seigneur Robert, voyant que tous le monde venoit
sur luy et que chacun se assambloit de touttes pars pour le destruire
et grever, ne fut pas tropt assurés. Car, jay ce que Esedam, en laquelle
alors il estoit, sambloit mieulx plaice imprenable que aultrement, et
qu’elle estoit assés forte pour résister en l’encontre de tout le monde,
se néantmoins le dit seigneur Robert délibéra de ce salver par quelque
voie ou manier. Et tellement que, durans ces jours, ung cappitaine
bourguignons, nommés le conte d’Istains, en retournant de devant la
a. Cette note marginale, et les suivantes, sont d’une main postérieure à l'époque de
Philippe.

1521. — ROBERT DE LA MARCK DEMANDE LA PAIX A L’EMPEREUR 353

dite Bouillon, vint à rencontrer une trompette du dit
Rpb*£
et luy demanda à quy il estoit ; et, après ce qu’d tuy eust dl qu ü este t
au seigneur d’Esdam, luy ait dit le dit seigneur d
^ edras
dit-il, « à ton maistre, c’il se veult jamaix saver qu il est temps qu
provoie à son cas. » Alors la dicte trompette luy demanda a qu. û d ro^t
qu’il avoit perlés, et il se nommay ; puis ont prms congiez es ungde.
aultres Et après ce que la trompette oit fait son messaige et contes
Lut à'son seigneur, le dit d’Es'edan fut en grant millancolhe e en
diverse pancée. Et néantmoins, comme ]’ai dit deV“L^puisslnLrde
sambloit impernable, et fort pour résister contre toutte la Pu“e
l’amnereur sy print il conseil que à la fin ne polroit resistei. Et pour ce
mandLauLampe au dit conte d’Istains pour
saulconduit et essurement de aller avec une cantites de ces gens
campe pour perlamenter à eulz. Mais il luy fut respondus qu non
et ale se luy meisme voulloit donner le saulconduit, avec bon ostaige
t»Tr’oî perler à luy à Essedam. Et de ce fut le d,ls seigneur Robert
très content ; et vinrent les seigneurs communs perler a uy
voir le conte de Nausoult et le conte Félix, avec sept ou hu^ c
P
tons Et anrès ce qu’il olrent loing temps perlamanter ensemble,
„£.ur’Robert llet boutter huit tuunr.ulx de vin sur leur ton pour

boire yceulx compaignons piétons.

, . __Et fut
Le seigneur de la Marche se veut rendre au gens de l ernP^e ' ^
alors dit' et en corroit le commun bruit, que le dit je^
se humilioit fort, et qu’il se randoit corps et biens a
l’ampereur, avec ces plaice et touttes ces terre et sel^””e’ ü me
condicion que le dit empereur le voulcist prendre a mercy, luy septie
et que, en récompance de ces place et seigneurie,
^
gt
assigneroit terre en son pais pour uy, sa emm
entretenir son estât comme à ung baron aparthient Et,
ampereur obtempéra à sa péticion et eust pitiet de y.
egtoit
lettre du roy signée et ceellée de son ceaulx, par
d
congneu. quïi ntovoit tort chose q»e ce ne fut'd”“ri
Et, sur ce compromis, fut envoies, comme il fut dit '
,
1, dit ampereur et son Conseil, pour »£avO'r se cel uy ™mtirt to,
estoit plaisant, et c'il agréoit le merch.ef. Et fut ce fait le jeudi
ÜT:mP~i recepvoir ,e »>e„r de
je croy qu’il oit maigre responce ; par quoy de tout c y
fist, et fut le dit de la Mairche pire que devant
aTirnif,hemeilt de
Et aussy, durans ces choses, ne se moustroit nulle aproichement
paix : car journellement venoient encor

l'entour de Mets et de Theonville, gens a piedzet à chevau^ •
^
Les Parisiens se mocquent de lemperew.
E
q
loient aller en France et sairchier les François
Paris. Car comme il disoient, et aussy que le commun bruit en courroie
l’empereur estoit advertis qu’ilz avoient juez dedans Pans ^
se fairsant de luy ; et faindoient ung ampereur qui sairchoit en^sa

354

1521. — UN MARCHAND PARISIEN ARRÊTÉ EN METZ

gibecier c’il y trouvoit riens pour paier ces gens d’armes ; mais à plus
y sairchoit et moins y trouvoit ; par quoy derechief il y remectoit la
“t :.e^l0,rS a g^ier tomboit à terre- Et plusieurs aultres chose
ent jueez dont les perrolles touchoient tousjour en lairdant l’amnereur et ces gens. Car, meismement en ce tamps, faindirent l’ampereur
estre ung anffans, lequelle plouroit, et, pour l’apaisanter, luy fut bailliez
uug jon en mains, puis luy en fut bailliez deux, trois oii quaitre maix
nullemans ne ce voulloit apaisanter, jusques ad ce que l’ung d’icéulx se
advisa et dit que l’on luy en baillait jusquez à dix" : alors'luy furent
bailliez dix jon en mains ; et il se teut et ne dit plus mot Oui estoient
outte perrolles er.taird.pt le dit ..pperepr, i m„„st„»t q„t c”î
"H' a,.vl1 e
11 «”»<■ apaisantes et ne pleureroit plus (car
y
VI le tenoit le roy à force contre sa voulluntés). Daventaige
disoient encor yceulx Allemans que le roy avoit dit et prophérés de fa
bouche que le dit ampereur avoit tropt petitte et nisse *1 teste pour pourter la courrongne d acier, et qu’il deust encor aller à l’escolle : par quoy il
avoient délibérés, comme pubhcquement le disoient en Mets, de cha Jun
ETdïïL1szrigne une escriptoire’et de alIer estudier
Ceutx de Paris font grosse garde au porte. — Dont pour ces choses se
TefT ?rt leS F™a”SOiS' E‘
scrtai»esPno„ve,le à Me?:
que a Pans 1 on se gairdoit fort, et qu’il y avoit tousjours plusieurs
ZZTn -fméS gfdaDt 3UX P°rteS’ 6t Ondoient à tous Z
passant dont il venoient et où il alloient : qui estoit une chose non acoustumee, et qui gaire souvant ne se fait en ce lieux ne en celle cité.
Le conte Guilau[me] en Metz. ~ Item, en la dicte année, le XIIP j0Ur
d aoust, vinrent encor à Mets tout de noviaulx force gens d’armes
d iceulx Bourguignons allemans. Entre lesquel y vint le conte des Olmes,
qui la cite fist presant de plusieurs flascon de vin. Paireillement, au
lundemams, vigille de l’Asompcion Nostre Damme, y vinrent encor
grant compagnie d’aultres Allemans. Et en revenoit tous les jour de
noviauJx, tan à Mets comme au pais autour, et en estoit Maigney,
1 « gni7’
7’ F 6rei’ 6t plusleurs aultres ville toutte plaine. Entre
e quel e estoit le conte Guillaume de Xouaube, qui vint et antrait en la
cite Et aussy a ce jour, y vint l’ung des secrétaire de l’empereur.
ng lapidaire de Parys aresté prisonnier en Metz; le dit lapidaire mis
en prison contre les franchise - de la cité. - Lesqueulx trouvairent en
y
ung mairchamps de Pans, lapidaire, nommés Le Camus, que bien
m MfS: f JOurnellement y frécantoit ; mais, sçaichant
par aulcuns qu il estoit françoy, le dit secrétaire fist mettre la mains à
uy, tout dedans a cite, et le fist arester en une hostellerie. Et, pour ce
que c estoit une chose non acoustumée que nulz faisît arester aultruy en
13 Clte SanS Ia Justlce d’icelIe- le dit secrétaire, avant le midi passés,
a. Ms. : franciche.
1. Nice, sans connaissance, sans expérience (nescius).

-1521. — GENS D’ARMES DANS LES VILLAGES MESSINS

355

moustrait au seigneurs d’icelle lettres et comission de sy grant P^anc
qui luy estoit donnée de part l’empereur, que yceulx seigneurs» et gro
verneurs de la cité n’osairent mieulx que d’acomplir son voul o , d
eulx meisme en personne, c’est assavoir que ad ce faire furent comm
et envdez en l’ostellerie le seigneur Thiébault le Gournaix et Jehan
Laiey, comme Trèzes, pour aller quérir le dit mairchamps e e me
eulx meisme en la maison de la ville. Qui estoit une grant novelletes
une chose acomplie contre touttes les ancienne franchises de
di
CltEt aussy, pour ces choses et plusieurs aultres, se faisoit en ces jours
grant gait « la cité, tant au portes comme aultre part, de nuyt et de
jour. Et paireillement, auscy pour le fait du Camus lapi aire
^
fut au lundemains, jour de l’Asompcion Nottre Damme, de P
Conseil, envoiez le seigneur Françoy le Gournaix, chevalier a Theon
ville, devers le cappitaine Franchisquez, pour en déterminer , m
néantmoins tout cella, ne fut pas pour ce delivres le dit Camus ,
vmilloit cru/il lui fut menes.
.
.
Plussieur village plein de gens d’armes. — Item, en ce :meisme jour
nertirent les piétons allemans qui estoient à Metz, a Maignei,
:ey eU*ePpert. Et se muent pae plus.eurs bande pour estr, oug.e
en diverse villaige plus à leur aise. Et, premièrement, en furent sin q
cent à Rousérieulle, aultre sincq cent à Chaistel, et, à Lessey,
cenc Mais il estoient assés courtois, et ne faisoient aultre mal ne do
mai»e ne ne demandoient rien que du vivre ; et encor en paioient il un
pertie.’ Et disoit on (comme aussy il estoit vray) que de neî se e™i
assambler « touttes les compaignie et armee devant
on estimoit à LX mil, tant à piedz comme a chevaulx’^^f^evers
aller devers Mouson. Sans ceulx que l’ampereur amenort de dever
Flandres que perreillement l’on estimoit à une grosse armee , et a
! dx qui venoLt encor tous les jours à grosse compaignie, lesquel es
c™ on disoit, tiroient d’ung aultre coustez pour ^
^
en la Haulte Bourgongne. Mais, néantmoins que c ne fut riens
Y
avaient il intencions de l’aissaillir en trois ou en
““devers
Espaignotz devers le royaulme de Navairre et sur les frontiers devers
^Armédu pape en Itallie, à Millan. - Et, paireillement en ce temps
Nostre Sainct Perre le Pappe
avec
ÎÆÏÏLSS “SI -au et«. pats t 1W»
qui estoient obéissant au roy.

.

. 1-nnrnelle-

piedz, lesquelles s’en alloient tous a campe apres les aultres. Et

î: St: phraSsignifie qu’il ne s’a.it P- d’at^ues Passées à fond, mais seulement
de diversions. Ou encore : quoique cela ne dut aboutir

356

1521. — MOUZON ASSIÉGÉ PAR LES IMPÉRIAUX

ment que, a ceue occasion, pour ce que, de la cité de Mets et du païs
l’on avoï h1"1" Tn°u 1!1Cessanment vivre- et Jay ce que en celle année
néantmoins ilUr T
A compétenment, et du vin perreillement, ce
la ouairte • et l
tousJour chier- Et se vandoient huit ou IX sols
cowe et cêi? H Pr

d6UX anS 86 Vandoit XI ou XI1 frant la
XXIT t t iUf^ „annee montait tellement qu’il ce vandoit XX frant
S x Et f t ?" ^ XXIIH frant 19 C°We’ 6t enC°r’ Petit tonnés du
ux. Et fut le pais cy esweuidiez de vin qu’il les venoient quérir
jusques tout dedant Mets.
"
JrZ don6 l’TPereUr d le sei9neur de la Marche. - Durans ces
ours, fut donnée la responce au seigneur Robert de la Marche de par
demaPndeUiie, -Tt d°nSeiLtEt ** tek qUe’ P°Ur aV01r ad™ -ces
d
f0”"63 r6VeS juSqueS à la sainct Mertin ensuyvant
ouhz espérance de faire paix, sans lui aultre chose promettre ; auquelle
deTlW
S61gneUr R°bert P°UOit 9lIer 6t Venir’tant au campe
R n t gMDS C0Inine aU,tre pert; Paireillement l’on alloit à Esdam,
faülie le dd d^l’ T ■ ‘ T J® taime d’iCelIe trêve fussent inspirés * et
eI on 1 lr Ï t
""h6’ by °U CCS gmS’ M 86 ahstindrent point,
l’auître
C0u8tume ancienne, de courrir et de pillier sur l’ung et sur
1 aultre, corne ycy aprez serait dit.
Mouson asiégé. — Mais, pour revenir à mon prepos, bien tost après la
responce a lui donnée, fut levés le campe de ce lieu. Et, par ung vandredi
dit 1Ro d6
Bamct Ba^meu, XXIIR jour du mo’ix d’aou^ïnt des
suiant XgXVe°r
le.scle%e devant Mouson ; et, le dimanche enS nlûsfe Z
,
T1X’ fut dU t0Ut aSSegiée8‘ Et fut en ce tampts
fait Plusieurs malz sur les povre gens, tant d’ung cousté que d’aultre
Car, des à ce dit jour de dimanche/fut la dite Mouson assegiéez en trois
desiav dS sar01r,qU;- 6, "lu dG NaUSOufet 16 C°nte Félix Soient
desjay, des le vendredi, la ville assegiéez d’ung cousté, par quoy le
populaire de la ville se estoient tous retirés, femme et anfïans, de Pauvre
pertie, du cousté devers la haille, affin de éviter le trait de l’airtillerie •
puis avoient les dit de la ville affûtés pertie de leur batton à feux dessus
taresse qui estoit en hault sur l’église. Et alors arivay Je cappitaine
JTSqUe’ ™elXy banier et — grant multitude de gens^tant à
cité
(6ntre le8queu,x y avoit auIcuns soldoieur de la
ni
f estoient fmt casser des gaiges et y estoient allés pour leur
p aisir , de quoy il n y heurent pas grant proffit). Et planta le dit Francisque Son sciege de j auitre partle de ]a viIle> et là endroit où Je
]e
d icelle c estait retires. Et, avant qu’il oit fait ces tranchée ne qu’il fût
en asseyez, plusieurs de ces gens furent tués de l’artillerie du dedans.
mattifxXVre
'S m611*
1 Gar’ quant ce vint Ie lundi au
mattm, XXVI* jour du dit moix d’aoust, l’on comansait à tirer de tous

1. Expiré.
2. Terrasse.

1521. — MÉZIÈRES ASSIÉGÉ PAR LES IMPÉRIAUX

357

les coustés en l’encontre de la muraille d’ycelle ville de Mouson. Et a
fut tirés par l’espaisse de trois ou de quaitre heure sanslaichiez,tousjours
de deux groz batton à une fois, tellemant que du taubourement que
ycelle machine menoient, la terre en trambloit et l’air en obcursissoit, et
estoit grant hideur de les oyr. Et tellemant que l’une d’icelle vint à per­
cer la muraille d’oultre en oultre, là endroit où le peuple c’estoit retirés,
en une rue près de la haille ; et là estoient les hommes de la ville en
conseil pour sçavoir comment il pouroient faire ne comment il se polroient contenir ; et, alors qu’il perloient comme dit est, celle maldicte
pier vint à frapper entre eulx tous. Et tellement que de celluy copt,
comme il fut dit et sertiflé, il en y oit XXVIII que des mors, que des
affollés ; par quoy alors l’on oyoit clèrement dès le campe les brais et les
cris de ceulx de la ville, tant hommes que femmes ; et estoit grant pitiet
de les oyr. Et croy, moy, qu’il n’y ait cy dur cuer, c’il les eust ouy, que
les lairme ne l’en fussent venue au yeulx. Aussy n’est à oblier comment
plusieurs aultres copt furent fait, desquelles plusieurs furent tués et en
randirent l’âme. Entre lesquelles fut tuée en la rue, comme il fut certifïiés au vray, une femme alectant son anffant, et d’icelluy copt fut le
dit anfïans ampourtés que jamaix l’on ne soit qu’il devint.
La ville de Mosson rendue au Borguignon. — Dont le povre peuple
esbahis, et non sans cause, heurent conseil de se randre ; et ont deman­
der tresve pour perlamenter ensamble ; laquelle leur fut donnée. Alors
ont envoiez deux d’entre eulx devers le conte de Nausoult, et une de
leur trompette vers le cappitaine Francisque. Et tellemant ont prati­
qués devers yceulx cappitaines que, à ce dit jour, XXVIe,d’aoust, fut
la ville randue, par les condioion ycy après desclairées : c’est assavoir
que les gens de guerre s’en yroient leur vie salve, perdant chevaulx et
hernaix, avec ung blanc baiton en leur mains ; et les bourjois et manans
d’icelle ’demoureroient en leur terre et pocession permi une grosse
somme paiant, qui fut entre eulx composée et crantée, et encor permi
qu’il fissent le serment d’estre bons et loiaulx à l’empereur et de ce
randre bourguignons; ou sinon, ceulx qui ne vouldroient cella faire,
s’en allissent dehors à leur adventure, avec ung blan batton en leur
mains.
La ville de Maizière assiégées par les gens de l’empereur. — Tantost
après ces choses ainssy faites et passée, c’est assavoir le plus proichains
samedi et dernier jour du dit moix d’aoust, fut levés le campe. Et fut
à ce jour mis le sciège devant la ville de Maisier. Et, en allant que l’airmée flst, fut prinse Donchery, et randue bourguignons. Par quoy les dit
de Maisier heurent grant peur, et se voulloient bien randre par composicion ; mais yceulx Bourguignons ne s’y vouldrent acourder. Par quoy
les dit de la ville, avec la gairnison, lesqueulx desjay c’estoient mer­
veilleusement fortiffier, se deffandirent comme vaillant champions.
Et tellement que, par la conduitte d’ung cappitaine françoy nommés
a. En marge : continuation du siège devant Mouson.

358

1521. — MÉZIÈRES ASSIÉGÉ PAR LES IMPÉRIAUX

Baiairt, lequelle avoit estés envoiez léans avec puissante garnisson,
tuairent plusieurs d’iceulx Bourguignons et lancequenecht de leur
artillerie. Puis firent une saillie de nuyt dessus le campe du cappitaine
Franchisque, là où plusieurs y furent tués, tant d’ung coustez que d’aultres ; et y gaignairent ceulx de dedans plusieurs chevaulx de saille, et à
force les ont amenés à la ville. Puis, au lundemain, qui fut mairdi,
ceulx de dehors ne laichairent point le tirer contre la muraille, tellement
que la terre en trambloit et l’air en obcursissoit ; et estoit une grant
hideur d’ouyr le son, le brais et les cris du menus peuple estant en ycelle
ville de Maisier. Toutteffois il c’estoient tellement fortiffiés du dedans
que celle artillerie faisoit encor peu de mal à la muraille d’icelle. Par
quoy fut donnés plusieurs escarmouche, là où plusieurs lancscequenecht
et aultres y furent tués et y laissirent le moulle du chapperon. Car léans
y estoit le devant dit cappitaine Baiair, françois, avec trois ou quaitre
cenc lance et mil pietton aventurier, que vaillanment et virilement se
defïandoient, comme ceulx qui chièrement vueullent vandre leur vie.
Et, le maicredi après, ne fut rien tirés ; et voulloit on dire que l’on
atendoit la venue de l’empereur, qui alors estoit à Brucelle, affin qu’il
eust l’onnours de celle prinse. Mais toutteffois, se temps durant, ceulx
de dedans se fortifiairent tellement de terre, de dougne \ de paillis et
aultres fortifïicacions et deffance, que c’estoit chose merveilleuse ; et
fut dit que, ce touttes la muraille eust estés arasée et mise à fleur de
terre, encor n’eust on sceu avoir la ville, tellement se avoie fortifïler de
terre, de foussés par les rue, et de paillis et tranchée. Et furent yceulx
Bourguignons, avec moult grant puissance, comme dit est, tout le moix
de septembre devant celle villette, au grant frais et couste de l’empe­
reur, sans rien faire de leur proffit. Et fut dit plusieurs fois que force leur
seroit de lever le campe et tirer aultre part : car léans, comme dit est,
se defïandoient sy oriblement que nul n’y oisoit aproichier.
Toutteffois, durant ce moix de septambre, se menoit journellement
grant vivre de la cité de Mets et du païs d’icelle au campe, tant en vin
comme en pains cuit et en aultres mairchandise. Et tellement qu’il
firent ung grant chier temps au païs : car le bledz, que l’on eust heu pour
quaitre gros ou sincq la quairte, fut montés et mis à XII sols.
Vivandier destroussez. — Par quoy plusieurs adventuriers, tant fran­
çois comme lorain, et aultrez malvais guerson, voyant les vivandier,
mairchamps de draps et aultres merchant de plusieurs mairchandise
journellement aller et venir par les champs, et traverser païs avec grant
finance, tandoient sur les chemins. Et meismement se y bouttoient
aulcuns des gens du dit seigneur Robert, qui alors estoit en trêves,
comme dit est : maix il faisoit samblant qu’il n’y touchait. Et furent
par yceulx malvaix guerson destroussés plusieurs mairchamps, tant
de Mets comme d’aultre part. Entre lesqueulx le josne Phelippe Rollin,
citains de Mets, et nesveulx à Phelippe du Lièvre, et mariez pour Tan­
née, fut prins, rués jus et détenus : et avoit le dit Phelippe, alors qu’il
1. Doie, fossé.

1521. — MARCHANDS DE METZ DÉTROUSSÉS

359

fut prins, une bource en laquelle y avoit deux cenc double ducas,
waillant six frant piesse, avec ung gros fardeaulx de fin draps de France.
Lequelle draps fut incontinant d’iceulx lairons descouppés et entre eulx
despartis et buttinés. Et la bourse, avec les ducas, fut par le serviteur
du dit Phelippe ruée en une haie à coustier du chemin : mais elle tom­
bait sur ung groz tisson 1 et resaillit on chemin. Et fut trouvée par ung
simple laboureux de la prévosté d’Aitains, lequelle, après ce que par
plusieurs jours l’on en oit fait l’anquaiste et la poursuittes par devers le
prévoit du lieu, l’on lui fist à force randre, en paiant le vin. Et furent
yceulx malvaix guerson devant dit tellement poursuis que trois en
furent des prins, et, aprez plusieurs jours, pandus à Mailaitour ; et ung
aultres d’iceulx fut arestés, détenus et prins prisonnier à Port sur
Saille et y fut longuement. Aulcuns aultres vivendier de devers Theonville olrent la gorge couppée. Et y faisoit pour ce tamps fort dange­
reux à y aller ; mais, pour le grant gaings que y estoit, plusieurs se
mettoient en l’aventure. Desquelles en y avoit aulcuns à qui Fortune
estoit favorisauble, et y gaingnoient très biens ; et d’aultres y furent
très mal fortunés : car, tous ce que par plusieurs jours il avoient gaino-niez il le perdoient en une heure. Et d’iceulx mal fortunes en fut ung
Françoy Gaudin, le chaussetier, de Fornerue, citams de Mets, avec son
compaignon Cristoffle, le bouchier : car, après ce qu’il avoient bien
gaina-niez il furent arestés en chemins et prins des gens du dit messire
Robert ; et leur fut ostés IIIIXX double ducas, qui estoit grant chose a
eulx. De quoy le dit povre compaignon Françoy Goudm (qui estoit
frère à la belle Cebille, que le duc de Suffort, dit Blanche Rouse, en avoit
menée à Toul, comme dit est devant) oit cy grant despit de celle fortune,
et en print tant d’anuyt, qu’il morut assez tost après.
Pareillement en ce temps, environ l’Exeltacion Samcte Croix en
septambre, le dit seigneur Robert, voyant son point » rompit les treve
due l’on luy avoit donnés : car par luy et par ces gens furent destrousses
une grande bande d’iceulx vivandier, mairchamps, et aultres plusieurs
de tous estas ; entre lesqueulx estoit maistre Gérerdin le serourpens.de
Mets qui V perdit tant qu’il pourtoit. Et fist le dit seigneur d Esedan
comme font les tandeur d’oysiaulx, lesquelles laissent mamgier a
pâture à aulcuns petit oysellet sans les prendre, puis, quant û en voie
grant multitude, il tirent leur retz et fiUet, et encloient tout. Et amssy
en fist le dit seigneur Robert ; et guignait pour celle fois ung groz
buttin. Par quoy, dès ce jour en avant, nulz n’y oysoit plus aller ne
venir ; et firent ung très grant chier temps au campe.
Aussv en cellui temps, c’est assavoir a 1 acomancement du dit moix
de septembre, plusieurs des soldoieurs de la cité de Mets demandairent
congiez pour y aller. Et furent ressus des cappitames au gaige de
pereur ; mais il n’y firent pas granment leur proffît.
Paireillement en cellui temps, furent envoiez a Brucelle, on non de
a. Tison. Le motsignilie «pièce de bais en général » : ici.il désigne une grosse branche.
2. Voyant l’occasion favorable.

360

1521.

— LE SIÈGE DE MÉZIÈRES LEVÉ

cité, devers le dit empereur, le seigneur Françoy le Gournaix, chevalier,
et le seigneur Jehan le Gournaix, l’eschevin, pour le fait du Camus,
lapidaire de Paris. Lesqueulx retournairent en ycelle cité le jeudi
vigille de la sainct Colme et sainct Damien. Et fut délivré le dit Camus.
Item, aussy en ces meisme jours et durans que le sciège estoit devant
Maisier, comme dit est, les Françoys, voyant que yceulx Bourguignons
et Allemans avoient prinse Mouson, et tenoient Maisier en grant destroy, et avoient desjay fait plusieurs grant mal et grif dopmaige sur
ceulx qui tenoient le party de France, comme dit est devant, se mirent
sus. Et fit le roy une grosse armée, avec laquelle furent courrir et
adopmaigier plusieurs ville et villaige en Picardie qui tenoient la bande
de Bourgongne ; puis sont allés devers Arras et és quairtier là autour, et
firent de grant dopmaige sur povre laboureux et mairchamps, qui n’en
pouoient may. Et estoit pitiet de ainssy destruire et pillier les païs.
Car, en cellui temps, l’on ne veoit que lairons et malvais gairson
resgner, tant autour de Mets comme en Loraine et en Bairois, ruant jus
les vivendier et aultre gens. Et, de fait, en ces meisme jours, és trous de
Maisier, devant Mets à une lue, furent destroussés plusieurs chair et
chairette chairgiéez de vin d’Aulsay que l’on menoit au campe. Et
furent tous les chevaulx prins, avec aulcuns d’iceulx merchamps, et
menés en voye. Paireillement, en ce meisme tamps, fut d’aulcuns
malvaix guerson prins le moystrier de Chanteraine avec ces chevaulx,
luy estant à la charue ; et en fut menez on ne scet où. Plusieurs aultres
mal à l’ocasion de celle guerre se faisoient et journellement perpé­
traient, et qui loing seroient à raconter : car, se tout dire voulloie, je
n’airoie jamaix fait. Et estoit grant pitiet et dopmaige des mal que on y
comettoit.
Camp levé de devant Maizière. —- Et tellement que, par ces chose, nul
n’osoit aller ne venir ; dont en avint ung grant chier temps au campe.
Par quoy, voyant ce les cappitaine bourguignons et allemans que rien
ne faisoient de leur proffit, et aussy sçaichant que l’airmée des François
c’estoit tirée devers Arras et au païs de Picardie, comme dit est devant,
conclurent yceulx seigneurs capitaines tenant le campe devant Maisier
et fut par eulx déterminés de lever le sciège, et eulx en aller aultre pert.
Et ainssy en fut fait. Car, par ung jeudi XXVIe jour du moix de sep­
tembre, vigille de la sainct Colme et sainct Damien, ont yceulx Bour­
guignons boutés le feux dedans leur louge, et se partit l’airmée de ce
lieu ; puis se mirent en belle ordonnance, tenant le chemin devers
Tournay (laquelle alors tenoit pour le roy, et ycelle cité pocédoient les
François).

361

1521. — MOUZON REPRIS PAR LES FRANÇAIS

[mouzon

repris

ÉVÉNEMENTS DIVERS

par les français

AU

;

PAYS DE METZ].

La ville de Mosson derechief rendue. — Pais, tantost après le despart
du sciège, c’est assavoir environ le jour sainct Remey, monsseigneur de
Monmort, lequelle estoit cellui que Richement avoit heu randus Mouson
par composicion au Bourguignons, comme dit est devant, fist tellemant
que derechief il assambla et oit chairge de environ quaitre cenc chevaulx. Et, saichant au vray que le sciège de devant Maisier estoit levés
et s’en estoient allés en Picairdie, corne dit est, s’en vint le dit de Mon­
mort avec sa compaignie devant la dicte ville de Mouson, de laquelle il
avoit estés déjectés. Et, luy venus, fist semondre la gairnison d’icelle,
qui estoient environ de deux à trois mil piettons allemans et bourgui­
gnons, de soy randre et à délivrer la ville. Et, après ce qu il olrent fait
le refus, les menassa de les avoir par force : par quoy yceulx Bourgui­
gnons et Allemans, pansant que les Frangoy fussent plus de gens qu’il
n’estoient, pillairent la ville et prindrent tout ce de bon qu’il polrent
avoir, et puis ont bouttés le feux en la ville et s’en fuyrent ; et laissirent
léansgrant nombre de leur artillerie. Mais, incontinant qu’il furent
pertis ceulx de la ville ont estain le feux, et tellemant ont secourus
contre cellui qu’il n’y oit que dix ou douze maison des brûllées.
La moisson d’icelle année fut moult belle. Et encor le fut plus la
vandange 5 et furent les vins fort bons et de belle colleur , et en y oit
moienement par quoy il ce tenoient tousjour chier. Mais, tantost
aprez, environ le jour saint Luc, il descheurent de leur pris et redevindrent à compétant mairchjef, cellon le tamps. Et paireillement les bief
descheurent de leur pris. Et fut pour deux raison . la primier, pour ce
que l’on ne menoit plus rien dehors au campe (car il estoit levés, comme
dit est) ; l’aultre raison estoit pour ce que en celluy temps l’on ce doubtoit treffort au païs de Mets. Car ung tas de malvaix guerson estoient
alors, que ne faisoient que aller et venir par la duché de Bar et de
Loraine, tant à piedz comme à chevaulx, et se disoient françoy : par
quoy l’on fist comandemant au bonne gens du païs de amener leur biens,
bledz, vins et aultre vivre à Metz à refuge. Et, à celle cause, furent
toutté manier de victuaille descheutte de leur pris et remise à compé­
tant merchief.
Durant celluy temps, c’est assavoir par ung samedi sincquiesme jour
du moix d’octoubre, avint a Mets une aventure. Le cas fut telz que,
à celluy jour, entre XI et XII heure de nuyt trois ou quaitre compaignons menétrés juant du tanbourin et du chalemiau, yceulx josne
galiant sçaichant ung aultre josne compaignon mariez (que perreillement juoit du chaillemeau et estoit menétrés comme eulx) estre cou­
chiez avec une josne femme mariée demourant derrier l’esglise des

362

1521.

— LE CARDINAL DE LORRAINE VISITE METZ INCOGNITO

Carmes, et alors que le marit d’elle estoit au gait, par quoy yceulx
gallans devent dit ont heu trouvés fasson et manier d’entrer léans par
une fenestre de derrier ; et, eulx venus, ont très bien batus la paillairde.
Tellement que à celle occasion se esmeust le huttin entre eulx: ; et en heurent plusieurs rigoureuse perrolles les ung contre les aultres. Et puis,
après ce qu’il furent saillis dehors et qu’il s’en aboient, cellui qui avoit
couchiez avec celle femme se levait du lit, puis ce veste et ce chausse, et,
avec ung dollequin en son poincg, saillit dehors en la rue, et, après plu­
sieurs parolle, en ait donnés parmi le vantre à ung d’iceulx cornemusette : qui estoit ung biaulx josne homme, et le milleur juant d’icelluy
instrument de tous les aultres. Lequel, d’icelluy copt, morut deux jour
aprez. Maix ce fut permission divigne : car, luy qui fut tué, deux ans
devant, en celle meisme plaice, avoit heu tués ung sarurier d’ung copt
de pier (et estoit venus leur débat pour ung meisme cas). Dont il en
avoit estés fuigitif par plusieurs jour hors de la ville ; puis oit sa paix et
retournait. Mais, maintenant, luy fut fait le cas paireille ; et en oit son
paiement comme dit est. Par quoy cellui qui avoit fait le copt, avec
tous les aultres ces compaignons, s’en sont fuis hors de la ville par
dessoubz les baire ; et aulcuns, qui n’estoient pas courpauble de ce
murtre, se mirent à salvetés au Grant Moustier ; et celle ribaulde mariée,
par qui le huttin estoit venus, fut prinse et menée en prison en l’hostel
de la ville.
Enfant monstre. — Item, aussy en celluy temps, c’est assavoir par ung
samedi XIIe jour du dit moix d’octoubre, avint en Mets une aultre mer­
veille. Car, en cellui temps, et que l’on ce doubtoit de guerre, vinrent
plusieurs gens de villaige en la cité. Entre lesqueulx y vint une josne
femme du Hault Chemin, qui alors estoit fort grosse de vif anffans, et
preste d’anfanter. Et tellement que, au jour devant dit, le mal la print
en la maison d’une sienne pairante de la pairoiche Sainct Eukaire ; et
délivrait d’ung anffans maille, lequelle vint sur terre avec ung biaulx
corps bien fait et bien formés, mais la teste et le visaige estoit propre­
ment tout ainssy et ne plus ne moins que la teste d’ung singe, avec
le groing, les yeulx enfondus en la teste et des haulte sorcille avec le poil
par dessus, puis avoit les oireille jointe contre la teste ; et tout le rest
anthièrement qu’il n’y failloit rien. De quoy tous les présans furent bien
esbays. Et morut cest anffans pour le meisme jour ; dont ce fut grant
joie pour le perre et pour la merre.
Le cardinal de Lorraine à Metz en habit dissimullé. — Item, au lundemain, qui fut dimenche, XIIIe jour d’octoubre, Révérand Perre en Dieu
monsseigneur le cardinal de Loraine et évesque de Mets, avec son aultre
frère, l’évesque de Verdum, acompaigniez de environ dix ou douze
chevaulx, estoient à la chaisse autour de Gourse. Sy print voulluntés
au dit seigneurs de secrètement venir veoir et visiter la ville : car encor
n’y avoient il jamaix antrés, que on sceût. Par quoy, après la conclusion
faictez, s’an sont venus, simplement abilliez, en la cité, sans ce qu’il y
eust homme vivent, clerc ne lay, qui fût advertis de leur venue. Toutteffois, pour ce que l’on fut advertis que aulcuns seigneurs estraingier

1521. — MARANGE EN PARTIE BRULÉ

363

estaient venus (et néantmoins que l’on ne les congneust pas), aulcuns des
seigneurs de la cité furent les visiter, et les ont acompaigniés de nuyt,
après le soupper, parmy la ville, tant à Sainct Pier au Dammes comme
en l’ostel monsseigneur d’Ainerey, au Champaissaille, veoir la cheuppe,
et en plusieurs aultres lieu. Et ne fut fait au dit évesques aultres hon­
neurs ne bien venue, pour ce,- comme dit est, qu’il n’estoient pas congneus. Car, en allant parmy la ville, il estaient en biaulx pourpoint, la
grande espée au coustés, comme laiquaye, avec des collés de velours sur
leur pourpoint ; et disoient estre hommes à monsseigneur de Sainct
Anthonne. Et avoient prepouser de aller veoir et monter sur le cloichier
de Meutte ; mais il furent congnus à Saint Vincent, et n’y furent pas,
pour ce que desjay les nouvelle courraient et estaient espandue qu’il
estaient en Mets. Par quoy se sont partis, bien mattin, et s’en sont
retournés en leur païs.
Item, environ ce temps, fiansait Andrieu, mon filz. Et puis espousait
tantost après, le sincquiesme jour de novembre.
Perlye du villaige de Marange brûllée. — Et, à ce meisme jour, c’est
assavoir la nuyt des nopces, aulcuns courreurs aventurier tenant le
partit de France vinrent nuytanment bouter le feu à la ville de Mairange
devant Mets, qui est Bourguongne et de la prévousté de Theonville ; et
en brûllairent une grant partie, et priment aulcuns prisonnier. Par
quoy aulcuns gallans d’iceulx de Mairange, qui n’avoient pas granment
à perdre, se mirent sus ; et firent ung cappitaine entre eulx d’ung
compaignons estraingier, nommés Dediet le Roy. Puis, en vangence de
ces chose, sont allés de nuyt courre à ung villaige nommés Charexei, qui
est à deux bonne lue de Mets et près de Pournoy la Graice. Et là ont
assaillis le chaisteaulx, qui n’estoit pas fort, et fut prins. Et ont saisis
la damme, qui estait josne, tout en chemise (car alors son maryt
estait en France, qui avoit chairge de gens d’airme) ; cy firent à force
ouvrir toutte les huge par la damme meisme ; et luy eussent fait des­
plaisir, c’elle ne se fût acordée et ransonnée à la somme de cenc et
L frant. Et pour celle ranson à paier en ont demourés plusieurs maire 1
du lieu. Pour lesquelle chose aulcuns aultres d’iceulx de Mairange, qui
avoient des biens à perdre, et qui n’estoient pas du fait, craindant que
l’on ne leur en fesît autant, se absantirent du lieu et se vinrent faire
bourjois à Mets.
La ville de Tornay assiégée. — Or avés ouy comment la ville de Mouson fut arrier randue fransoise, et comment l’airmée des Bourguignons
c’estoit tirée devers Tournay. Laquelle cité, après plusieurs course,
riblerie et lairsin que en ce temps furent faictes en ces païs de par dellà,
desquelle je me despourte, fut assegiées d’iceulx Bourguignons et Allemans, et tout le plains pays fort maingiés et mis à subjections.
Procez entre des seigneurs de Metz. — Mais, en les laissant illec tenir
leur sciège, je vous dirés quel chose en celluy temps se faisoit en la noble
1. Plusieurs sont demeurés pour occuper le lieu jusqu’à ce que la rançon fût payée?

364

4521.

— PROCÈS DE FRANÇOIS LE GOURNAIX

cité de Mets. Et, tout premièrement, quant au fait du desbat esmeus
entre noble chevalier seigneur Françoy le Gournay, d’une part, et le
noble seigneur Nicolle Dex, aussy chevalier, son janre, d’aultre pert,
vous devés antandre que, à l’ocasion d’icellui desbat, la plus part des
aultres seigneurs de la cité en estoient mal comptant, et eussent bien
désirés que paix et acord c’y fussent trovés. Et tellement que, pour ce
fait, s’en esmeust aulcune perrolles rigoureuse entre le devant dit
seigneur Françoy et messire Nicolle de Heu, seigneur d’Ainery, cheva­
lier ; pour lesquelle perrolle et injure le dit seigneur d’Ainery se plaindist
à Justice, et fut condampnés le dit seigneur Françoy des trèzes jurés de
la cité à aulcune amande, avec estre banis pour aulcuns temps, ou à
demander pardon de l’offance au dit seigneur d’Ainerey. De laquelle
santence le dit de Gournay se santant foullés, en ait appellés au maistre
eschevin. Puis, ce fait, et avant que celle plainte fût receupte, environ
le IXe jour de novembre, le dit seigneur Françoy, luy XIXe de chevaulx, se pertit de Mets ; et s’en aillait dehors devers la duchiez de
Lucembourgz pour pourvoir à cest affaire. Et ne retournait en Mets
jusques au lundemains de feste saint Thomas l’aposte. Et durant ce
temps fut sa plainte conseillié ; et ne fut point receupte. Et, aussy
en ces meisme jours, une pertie de ces aultres anffans, c’est assavoir
seigneur Thiébault, seigneur Régnault, avec seigneur Michiel Chaverson, son jandre, et aultrez de ces fille mariée dehors, qui estoient venuee
et estraicte d’icelle damme Perrette Louve, sa premier femme, poursuivoient fort et ferme le dit seigneur François en justice, demandant
à avoir les biens, cens, rante, héretaiges, haulteur et seigneurie que leur
compétoit et qui leur estoit venus et escheus de part la devant dicte
damme Parette Louve, fille a seigneur Thiébault Louve, leur perre, et
de toutte leur ligne, lesquel biens le dit seigneur François leur détenoit
contre droit et raison, comme il disoient. Dieu y messe paix par sa
bonté !
Item, aussy durans ces jours et que yceulx seigneurs et dammes
plaidoioient ainssy leur perre, comme dit est, le devant dit seigneur
Nicolle Dex, pour son fait, et le devant dit seigneur Nicolle de Heu, pour
le siens, poursuivoient journellement en justice leur querelle. Et, après
ce que plusieurs aultres seigneurs et gens de biens se fussent par plu­
sieurs fois mis en debvoir de les apaisanter, et que plusieurs journée,
tant amiable que rigoureuse, s’en fussent tenue, esquelle ne firent riens
pour ce que les demande du dit seigneur Nicolle montoient à une mer­
veilleuse somme (de plus de XXX mil frant), et jay ce que le dit seigneur
François luy offrît à lui donner tous les ans cenc frant de pancion, et
sincq cens frant pour une fois, nonobstant touttes ces chose, le dit
seigneur Nicolle, voiant qu’il ne voilloit obéyr à Justice ne acomplir la
santance du maistre eschevin pour ce fait donnée, et que du dit seigneur
Françoy, son sire, ne pouuoit avoir raison comme il entandoit, se despitait. Et, après ce qu’il oit vandus ces biens meuble, comme dit est de­
vant, vint à vandre tous ces maisons, moitresse et manoir de dehors,
à retrait dedans certains temps pour la somme et le pris qu’il les van-

4524. — MORT DE COLIGNON THIÉBAUT

365

doit. Et, avec ce, il se mist hors de la gairde de la cité et de touttes les
franchise d’icelle, et ne se thint plus pour bourjois. Et puis, luy
sincquiesme de chevaulcheur, bien montés et armés, se sont partis de
Mets aux octave de la sainct Mertin, qui fut le XVIIe jour de novem­
bre ; et print son chemin en la Haulte Bourgongne. Et, alors qu’il par­
tit, estoit le dit seigneur Françoy vers l’ampereur, possible pour cest
affaire, corne on estimoit ; et retournait en Mets pour la semaigne que
le dit seigneur Nicolle se partit.
Item, en la meisme année et pour celle meisme sepmaigne, assavoir
le XXe jour du dit moix, avint à ung bourjois de Mets une adventure
assés estrange, et mavaise. Car celluy bourjois, qui alors estoit l’ung des
riche mairchant de la cité, nommés Collignon Thiébault, demourant
Oultre Saille, en la grant rue de Maiselle, lequelle en ces josne jour avoit
estés serviteur à Jehan Rollat, le marchant, et, pour ce qu’il estoit
tenus pour sçaige guerson au cas de mairchandise, il parvint à avoir
Mangeatte Ancillon en mariaige, femme que fut à Ancillon d’Aiey, qui
en son temps estoit le plus riche mairchant de la cité : car, par le grant
trésor qu’il avoient assamblés, la fille d’icelle Mangette fut donnée en
mariaige et l’apousa le seigneur Chairle de Beavais, chevalier, et se
pourtoit en damme, avec les atour de vellour ; et la dite Mangette,
corne folle, apousait cellui serviteur. Lequelle, jay ce qu’il fût tenus
pour ung sçaige compaignon, ne luy fîst gaire de biens : car, loing temps
après ce qu’il l’eust apousés, pour ce qu’elle estoit beaucopt plus vielle
que luy, la desprisa, et tellemant que entre eulx n’y avoit journée
d’acort. Par quoy, pour ces grant richesse et qu’il n’avoit nulz anfîans,
plusieurs, tant seigneurs comme aultres, l’entretenoient. Et fut celluy
Collignon loing temps en grande malladie,comme ung homme inorme et
caducque de ces mambre. Aussy fut la dite Mangette, sa femme; et,
par le peu d’acort qui estoit entre eulx, furent causy despartis l’ung de
laultre. Touttefois il revint à luy et retournait à santé. Et puis, pour
tromper la dicte sa femme, il ce mist à acquaister tout plain de cens et
héretaige par gaigier, affin qu’il les peult donner là où bon luy sambleroit. Et avoit fait sa devise et testament ung peu devant, qui n’estoit
pas à l’avantaige de la dicte sa femme : mais elle n’estoit pas encor
crantée, dont ce fut grant bien pour elle. Et tellement que, pour revenir
au prepos, au jour devant dit, vigille de la Présantacion Nostre Damme,
le dit Collignon Thiébault montait à chevaulx pour aller à Mollin perler
a aulcuns merchamps, que illec l’atandoient. Et, ainssy comme il voult
faire du vaillant, et courrir celluy chevaulx à bride avallée, ung peu au
dessà de Mollin, le dit chevaulx trébuschait et cheut tout en ung mont,
en fasson telz que le dit Collignon se rompit le col, sans jamais renoncier.
Et ainssy morut intestat et sans devise : par quoy tout les acquaist
des cens, rantes et revenue qu’il avoit acquaisté par gaigier, desquelle il
cuidoit faire ces voulluntés, et aultres biens, montant à plus de dix mil
libvrez, furent et escheurent à la dicte sa femme, et retournairent dont
11 venoient. Et pour ce est vray le proverbe qui dit que l’homme prepouse,
mais Dieu, qui est le vray juge, en dispouse.

366

1521. — POÉSIE SUR LES ÉVÉNEMENTS DU TEMPS

Aussy, durant ces jour, celluy devant dit orfèvre de Paris, nommés Le
Camus, alloit et venoit parmi la cité ; et ne s’en oisoit bonnement
pertir. Car, corne cy devant ait estés dit, à la requeste de Francisque
de Seckynguen et aultres officier de l’empereurs, il fut pour ung temps
arestés et fait prisonnier en la cité. Mais, aprez ce que les commis d icelles
cités olrent remonstrés le cas au dit empereur, estant alors à Brucelle,
emsembles les libertés et franchise de la dite cité, en sorte que le dit
ampereur fîst mestre ycelluy Camus franc et quicte, comme dit est
devant. Mais, pour ce que seullet ne se oysoit partir de la cité pour
retourner en France, il acourdait à trois sairgent, et leur promist de leur
donner aulcune baigue ou argent, et qu’il le menaissent et conduissent
jusques au Pont à Mouson. Et ainssy le firent : par quoy Justice, advertie du fait, firent mettre la mains à eulx, et en furent mis en prison en
la maison de la ville, et olrent grant paine d’en saillir.
Item, aussy, pour les guerre devant dicte, se faisoient journellement
et par bons facteur estoient compousés aulcuns dictiers, rondeau,
baillaide et virrelay, tant d’ung cousté que d’aultres. Entre lesquelle
fut en celluy temps apourtés à Mets ung dictiers en bonne rétoricque,
pairlant de plusieurs chose (et ne scet on dont il vint), duquelle dictier
en ryme la tenour s’ansuyt.
« Cheval faveau 1 à piedz blan demi mors
Fust à Mouson aveuglés sans veoir gouttes.
Honte luy fust que la picques et le mort
Comme ung viellart affamés par goutte.
Bayart haignyt et demande la joustes ;
Bourguygnons porsuyt, l’empire est en décors ;
Faincte, poursuittes, boutte feu ont le cours.
Lorraine dort, Escousse est en escoutte,
Allemans ont paour. Mets les assaulx redoubte,
Flandres ymagines à recourir secours,
Les Hainoyers se mutine tousjours,
Espaigne veult faire une grande wellecomme 2, 3
Banis ne sont bien assurés à Romme,
Craintes conduictz ores Neapolitains,
Gueldres en secret fait ouvraiges haultains,
On fait à tort ung grant oultraiges à Guyses
Qui est absens, son fer trempe et esguyse,
Mais brûlles et art ses ars de sang tainct,
Et la salmande est norice et estainct,
Quant du lion assis sur la tarresse ®,

1. Fauvel, de couleur fauve.
,
2. Welcome, bienvenue, bon accueil. L’ancien français ne connaît que le verbe weicorner, « accueillir avec bienveillance ».
3. Sur la terrasse.

1521. — POÉSIE SUR LES ÉVÉNEMENTS DU TEMPS

367

Qui ses annemys poursuycte, serche et les trasse,
Le cerfz voullant espérances conduictz,
A soy vengier le tygre prent déduyct.
Promesse ait courus entre France et Venise,
Pape est pensifz, Luther prophétise,
Le liège est tainct en rouge en espérantes 1
De faire l’aigle à Millan impérant ;
L’Église ait deulz que son bien l’on empire :
Mais de deux malz fault éviter le pire;
La Bonde ne veult plus de florins bailler,
Ne les Allemans sans argent batailler.
Suysse plus prest son à mener la picques,
Que maistre és ars ravoir la pragmaticques.
Navers attant pour recovrir le siens ;
Quant à La Mairche, on n’y entens plus rien.
En la balance est la paix ou la guerre,
Pour en juger en mode d’Angleterre.
Mais Luxembourg n’attans que le hazair.
Telz veult sans droict le bien d’aultruy conquerre,
Qui du sien propre en pert la plus grande part 2. »
Or avés ouy le contenus de celle ryme qui fut apourtée en Mets
(et aulcuns disent qu’elle fut en ce tamps trovée en la Grant Église
d’icelle). Laquelle, comme avés ouy, pairie obscurément, et touche à
plusieurs personnes, païs et cités, les ung en louuant et aultres en despri­
sant. Et, premier, cheval faveau, s’entant 3 monsseigneur de Monmort,
qui randit Mouson ; le cappitaine Bayairt ; l’aigle, pour l’ampereur ; le
cerf voullant, pour le roy ; le liège taint en rouge est qu’il ce fist cardinal ;
et ainssy des aultres. Mais tantost vanront aultre nouvelles, corne cy
aprez oyrés.

[CONTINUATION DE LA GUERRE ENTRE FRANÇOIS Ier
ET CHARLES QUINT ; PRISE DE MILAN ET DE TOURNAI].

Vous avés par cy devant ouy comment, durant ces chose, estoit le
sciège devant la cité de Tournay. Lequelle, de loing temps et avant
que les Bourguignons et Allemans y aryvassent, les Gantois et aultres

1. En espérant.
2. Ces vers, volontairement obscurs, ne sont pas toujours intelligibles ; un certain
nombre de fautes de mesure semblent prouver qu’ils ont été transcrits par Philippe de
manière peu correcte, et sans doute de mémoire.
■’■ H faut comprendre, par « cheval faveau »...

368

1521.

— MILAN PRIS SUR LES FRANÇAIS

pour l’empereurs tenoyent desjay la devant dicte cité et tout le pais en
grant subjections. Paireillement devés antandre que, à l’ocausion de
celle mauldicte guerre, à peu d’ocasion acomensée, estoit tout le inonde
triboullés. Et furent faictes encor de grant merveilles en diverse lieu et
contrée : tellement que, pour cestuy fait, plusieurs princes crestiens,
tant spirituel comme temporel, furent bandés et alliés en 1 encontre du
très crestiens roy de France Françoy, premier de ce nom. Par quoy, en
cestuy temps, il ce esmeust de nouviaulx grant guerre et discencion ;
et furent encor faictes diverse armée et grant assamblée de gens de
diverse pays et nacion pour nuyre, pranre et pillier sur le royaulme et
aultres terres et seigneurie appartenant au devant dit roy.
Siège devant la ville de Millan. — Entre lesqueulx Nostre Sainct
Perre le Pappe Léo, dixiesme de ce nom, alors régnant et alliés du roy
catholicquez Chairles d’Espaignes, elleus ampereur de Romme et
d’Allemaigne, flst son armée avec les Espaignotz, Neapolitains, Lumbars et Allemans. Lesqueulx, tous ensembles tenant le partis du devant
dit empereur, s’en allirent mestre le sciège devant la ville et cité de
Millan, laquelles alors tenoit et possédoit le roy François, avec touttes
la duché. Et firent ces armée au dit païs plusieurs grief mal et grant
dopmaiges ; et tellement que, après plusieurs chose faicte et acomplie,
que je laisse, le dit ans, le XVIIIe jour de novembre, fut par yceulx la
cité assaillie en la manier qui s’ensuit. Et premièrement, est à entendre
comment, à ce dit jour, lé très Révérand Perre en Dieu les cardinalz
de Médicis et de Syon, avec les capitaines tenant le partit du dit ampe­
reur, se pertirent de une ville nommée Marrigniano pour donner l’assault au dit Millan. Et, à celluy jour, à une heure après midi, arrivait
l’armée à une lieues près d’icelle ville. Et illec, entre les vignes, fui en
les armée mise en ordre. Et fut pour ce jour l’avant gairde donnée
aux Allemans ; après lesquelles furent mys les piétons espaignotz ;
puis, après yceulx, chevaulchait le devant dit cardinalz de Sion, avec
les Suysses ; puis, après, vint Anthoinne de Layve, avec l’avant gairde
des gens d’armes de l’ordonnances de Neaples ; après yceulx estoit le
cardinalz de Médicis, acompaigniez du merquis de Mantua, avec la
baitaille ; puis, aprez les Allemans et Espaignotz, venoit le seigneur
Prospero Colonne, le marquis de Pascada et le marquis Del Guasto,
connestaubles pour le dit empereurs à Neaples.
La ville de Millan prise sur les Françoys. — Et, alors qu’il furent
aincy mys en ordre, sont premier arrivés les piétons devant dit aux
faubourgz qui sont hors des grant faubours de la dite Millan, c’est
assavoir à la partie de la porte Senix. Et la ont trouvés que ceulx tenant
les parties des François gardoient yceulx premier faubourgz, avec
aulcuns petit renfort assés foibles ; auquelz les gens du dit empereur
ont mis le feux, et, ce fait, ont assailly sy puissanment leur annemis que
incontinent se mirent en fuytes. Alors, durant ces choses, les Allemans
et Espaignotz, entremellés ensembles, entrèrent après eulx ; et prinrent et gaingnairent l’ung d’iceulx grant faubourgz ; et là, à la porte
de la ville, prinrent prisonnier le seigneur Théodore de Tumulie. Et par

1521.

— MILAN PRIS SUR LES FRANÇAIS

^b9

cest manier sont antrés dedans la ville de Millan. Mais, premier qu ilz
entraissent, environ sincq cenc piétons de la partie du dit ampereur
prindrent prisonniers trois cens hommes d’armes véniciens, lesquelz,
avec plusieurs aultres tenant la partie des François, estoient en la
citadelle en baitaille, la lance couchée. Puis, après leur entrée à Millan,
ont encor les gens du devant dit ampereur prins le seigneur Julhen de
Saint Severino. Yceulx piétons devant dit menoient avec eulx quaitre
pièces d’artillerie, desquelles il ne s’en servirent en riens : car il n en
avoient que faire.
Et alors les François devant dit se sont retirés aux paire du chasteaulx. Et voulloit on dire que les devant dit François estoient délibérés
de, la nuyt ensuiant, prendre leur chemins à Pavye, smon doneques
qu’i craindissent le passaiges qui est sus la ripvier au dit païs, en ung
lieu qu’on appelle Busalore; par quoy l’on estimoit que, craindant ce
passaiges, il pranroient le chemin dez lande pour passer a Crema et a
Crewen.
Et fut encor dit que, à cest prinse, n’y oit homme d’armes des Vemciens, tenant le party du roy, qui ne fût pillés ou prins. Aucy fut encor
dict et certiffiés que à celle prinses le seigneur Andréas fut prins pri­
sonnier et détenus secrètement. Paireillement, en cest prinses, e
devant dit seigneur Théodore fut prins fuiant dessus une mulle ; et fut
causy tués, tant des Espaignotz comme Allemans, pour ce que chacun
desiroit à l’avoir ; et, à la fin, il demourait prisonnier pour les deux
partie.
L’antrée d’iceulx seigneurs devant dit faicte à Millan ne fut pas
touttes à une heure : car les piétons, acompaigmés du seigneur Prospero
avec le mairquis de Pascada et le connestauble de Neaples, fut faictes a
quaitre heure après midi, et l’antrée du cardinalz de Médias, avec le
merquis de Mantua, acompaigniés de plusieurs aultres qui le suyoïen ,
ne fut que jusques au XI heures du soir. Touttefïois, quoy qu 1 z en
fût, moyennant la grâce de Dieu, fut cest victoire faicte sans grant
effusion de sancg : car, de la partie des dit Millannois, Véniciens e
François tenant pour le roy, n’en furent que environ L parsonnes es
tués, tant ung que aultres ; et, de la partie du devent dit empereur,
tant Papalle, Espaignotz comme Allemans, n’en furent que environ
XX des tués. Qui fut une chose merveilleuse, et miracle de Dieu.
Challeau de Millan assiégé. — Alors, après ce fait, fut ordonnes
d’iceulx capitaines de encloire au chaisteau de Millan les devant dit
François, comme il fut faicte ; et furent environnés de tous coustes ;
et fut rapourtés à Mets que on y avoit fait de merveilleuse franchie
affin qu’il ne s’en puissant sortir. Dieu par sa graice vueulle que la fin
en soit bonne pour l’une des pertie et pour l’aultres, et qu il mette en
leur couraige la volluntés de faire bonne paix ensamble ! Amen.
Plusieurs aultres malz et grant guerre advindrent encor pour celluy
temps. Car le devant dit roy fut des dit Bourguignons assaillis en
plusieurs aultre lieu et contrée.

370

1521.

— TOURNAI PRIS SUR LES FRANÇAIS

La ville de Tournay rendue par les Françoys. — Entre lesquelx, en
ung meisme temps, ou bien tost après, fut la cité de Tournay des dit
Bourguignons prinse sus les François et randue à l’empereur en la
manier qu il c ensuit. Il est vray que, en celle meisme année, environ
la sainct Jehan Baptiste, fut la dicte cité assegiée des gens du dit
ampereur, espéciallement des Gantois, comme dit est devant. Et y fut
le sciège moult longuement, sans ce que l’une des pertie ne Paultre
fissent chose qui fût de grant estime. Et, jay ce que yceulx Tournésiens
fussent bons françois, et qu’il eussent bon couraige de tenir et ce
deffandre, néantmoins, voiant que leur vivre apetissoit1, et que
nullement le roy ne leur pouoit donner secourt, pour plusieurs malvais
passaige et destrois qu’il couvenoit passer, et qui estoient entre les
pays et és villes subjecgt au dit ampereur, par quoy, après plusieurs
conseil et plusieurs aultres choses faicte et dictes, que je laisse, les dit
de Tournay se rendirent à la voulluntés de l’ampereur, sauf et réservés
le chasteaulx. Et fut ce fait le dit ans, le propre jour de sainct Andrieu
l’aposte, XXXe et dernier jour de novambre, et douze jour après la
prinse de Millan. Et, au dit jour, estant l’ampereurs devant l’esglise de
Odernade en Flandres, se moustrait en l’air une grande croix sainct
André, avec ung nombre innumérable de petittes, que plus de cincq
cens personnes virent assez longuement, et de beau plain jour. Et, à
celle meisme heure que ycelle croix furent veues comme dit est, sont
arivés deux postes devers le dit ampereur : desqueulx l’ung luy ait dit
et rapourté nouvelle comment ses gens, Espaignotz et Allemans
avoient gaigniez la cité de Millan ; et l’aultre luy dit que la cité dé
Tournay c estoit randue à la voullunté du dit empereur. De quoy il fut
très joieulx.
Meismement on dit ans, le deusiesme jour de mars, par ung dimanche,
environ les quaitre heures après midi, icelle crois, ou samblables[
furent vueue et plainement apparceue de plusieurs gens en la cité de
Mets, comme je dirés ycy après quant temps serait.
Mais, pour revenir a prepos de ceulx de Tournay, assés tost après que
la ville se fut randue, comme dit est, la gairnisson du chasteaulx, qui
encor tenoient pour le roy, ont demandés à avoir trêves, de peu de jour,
pour veoir se secour leur venroit, en promettant que, en deffaulte du
secours, il se randroient au dit ampereur par composicion. Et tellement
que, le dimanche XVe jour de décembre, il randirent le chaisteaulx
et firent ouverture a Bourguignons, leur vie et baigue salve. Et, tantost
après ce fait, ceulx de la ville furent mis à une grosse ranson : car,
afTin de ce raicheter du dangier, il furent composés et mis à chacun
six escus pour teste, autant les grant que les petit, pouvre et riche,
1 ung parmi 1 aultrez. Par quoy grant partie du pouvre peuples aban-

1. Apetisser, diminuer.

1521. —

tombeaux anciens ouverts a la cathédrale

371

donnairent biens meubles a , maison, héritaiges, terres et possession,
et s’en aillirent aultre part à leur adventures, querant et pourchassent
leur vivre. De quoy c’estoit moult grant pitié de tant perpétrés de malz
pour une héréderie *1 et couvoitise de régner. Dieu y messe sa paix !
Amen.

[travaux

exécutés dans

le

chœur

DE LA CATHÉDRALE DE METZ].

Item, assés tost après en celle meisme année, la vigille de la samct
Nicollas d’yver, sincquiesme jour de décembre, fut derechief par les
seigneurs chainoignes de la Grant Église de Mets fait sairchiez les
sépulture et monument d’aultrez évesques d’icelle cité, lesqueulx
anciennement avoient estez inumés et ensevelis on cuer sainct Nicollas
en la dite Grant Église.
.
Et, tout premièrement, au jour devant dit, fut trouvés et sairchiez
le tombiaulx et monument de l’évesque Philippe de Florhange, LXIII6
évesque de Mets. Lequelle fut éleutz l’an mil deux cent LXII ; puis,
a troisiesme ans de son pontificat, de sa propre voulluntez, renonsait
à l’éveschiez et s’en desmist du tout, sauf et réservés que seullemant î
demandait à Nottre Sainct Père le Pape, Boniface huittiesme, luy estre
réservée la prébande de Mets et la trésorerie, ensemble le ban de Remelly, pour son estait 2. Et y oit, durant le temps de sa renonciacion
jusquez au jour de son trépas, quaitre évesques de Mets et vesquit
XXXIII ans chanoine et trésoriez. Et, combien qu’il eût renonciez
à son éveschiez, sy néantmoin il fut inhumés en pontifical 3, bien
richement aornez de drap d’or, la mittre, les offrais4 5des tunicques et
dalmaticques, et aultres ornemens, corne sandalles et gans, se fermoient
à bouttons d’argent. Item, en son monument, y ait esté trouvez ung
calice d’airgent, que peult estre extimez V florin d’or, onquel y ait estez
trouvez le vin fresche et encor humide et moitte. Item, l’on y ait encor
trouvez ung anel d’argent dorez, avec ung doublet \ Puis fut encor
trovez en celle fousse une crosse épiscopalle de bois, du toutte consumée
;

a. Ms. : biens meubres.
1. Le mot semble signifier ici « désirs injustes, appétits criminels ». Ne serait-ce pas
une déformation du mot hérésie ?
2. Pour assurer son train de vie, pour lui permettre de tenir son rang.
3. Pontificat, habit pontifical.
4. Orfroi; voyez p. 341, n. 1.
5. Doublet, voyez p. 342, n. 2.

372

4521.

— TOMBEAUX ANCIENS OUVERTS A LA CATHÉDRALE

et pourrie. Et fut encor trovez en la dicte fousse une crois de pblomq
escripte en lettre encienne, de laquelle la figure, avec la lettre, est ycy
mise et pourtraicte, et a vray 1.

feU]R04»)lri î

liroactaon ;
Kffîsmox

/IIOBIfFDO ,

O0PV3aTGHSKVRHi;iVS*flW(Jlî€{

ogrL0Rdfi7fr?r>gs

Tantost deux jour après, c’est assavoir le septiesme jour du meisme
moix de décembre, ait estés retirés de sépulture lez ossemens de Jaicque LXII® evesque de Mets, lequelle gisoit auprez de l’autel sainct
Nicollas. Lequel évesque fust extraict du sang royal, frère à Mathieu,
duc de Lorraine, et anffans du conte de Bar. Avant son élection, il estoit
princier de la dicte église de Mets. Et thint le sciège épiscopalle par
espaice de XXII ans, au temps de pape Alexandre quaitriesme,
onquel temps régnoit sainct Loys, roy de France, et aussy sainct Pier
e martir. En la sépulture du dit évesque ait estés trouvez le dit évesque
bien richement vestus de drap de soie fourniz de plusieurs offrois d’or,
tant à 1 autour de la mitte comme ez aultres ornemens. Item, l’on y ait
trouvés ung calice d argent dorrez, avec la platine, que peult estre
extime sept florin d’or. Item, encor y ait estés trovez ung anel d’or,
auquel y ait ung saphir bien ample et matérielle 2, qui peult valloir
XXX florins d’or et davantaige. Paireillement y ait estés trouvés une
crosse épiscopalle de cuivre dorez, en laquelle y ait au dessus ung
gland d’argent dorrez, bien riche et anticque ; mais il n’y fut point
trouvé de croix.
Puis, ce fait, fut a meisme jour ouvert le sépulcre et monument de
l’évesque Géraird de Erlanges, qui fut le LXVIIIe évesque de Mets.
Et ne fut rien trouvés que les os.
Or est il assavoir que tous les ossemens des devant dit trois évesque,
c’est assavoir de l’évesque Jaicques, de Phelippe de Florhanges et de
1. + ANNO DOMINI MILIESIMO DVCENTESIMO NONAGES1MO ET VII0, OBIIT DOMINVS
PHILLIPVS, METENSIS EPISCOPVS ET TESAVRARIVS MAGNE ECCLESIE, DESIMO TERTIO
kalendas janvarii, dictvs

de

FioREHANGEs.—Hauteur :

Cf. Thiriot (G.), La cathédrale de Metz, Les épitaphes, p. 18.
2. Matériel, gros, considérable.

168 mm.

sur

167 mm.—

i 521.

— TOMBEAUX ANCIENS OUVERTS A LA CATHÉDRALE

373

Géraird de Erlanges, furent par les devant dit seigneurs chainoignez
de la Grant Église de Mets remis et inhumés ensembles en la devant dicte
chapelle sainct Nicollas, et en la meisme sépulture du dit évesque
Jaicque. Et fut ce fait en la dite année, le XIIe jour de décembre ;
et fut à ce meisme jour par yceulx chainonne chantée et célébrée une
haulte messe solennelle pour les âmes d’yceulx évesques.
Item, aussy est à notter que, en la sépulture de tous les devant dit
évesque, y furent trovés plusieurs piesse de leur vestemans, comme
chappe, mitte, paille, offrais et aultrez. Entre lesquelle y avoit ung
manteaulx fait d’une estrainge fasson, en manier d’une chaiteure 1
à mouche, avec la testier dessus ; lequelle estoit fort riche et tout bourdés d’or. Cy furent touttes les devant dicte piesse recueillies par yceulx
seigneurs chainoignes, mises ensamble et brûlée en cendre. Mais primier
fut présantés ce manteaulx à Françoy, l’orfèvre demourant devant
Sainct Jaicque, pour la somme de cenc frans : lequelle il refusa, et dit
que, c’il plaisoit au dit seigneurs chainoignes, il en retirerait l’or dehors,
en lui paiant ces paines. Et ainssy en fut fait. Et y trouvait le dit
Françoy pour trois cenc libvrez de fin or, lequelle il eust heu pour
C francs, c’il eust voulu.
Pareillement, en ouvrant que l’on faisoit on dit cuer sainct Nicolas
et aultre part, furent encor trouvés aultres sépulture et monument,
auquelle se gisoient et anciennement avoye estés inhumés plusieurs
prélas d’Église, chainoines et aultres. Auprès desquelles furent trouvées
plusieurs croix escripte en anciens langaige, les une en romans et aulcune en latin, desquelles les figure et pourtraicture s’ensuivent, et au
vray, tant de cest cy comme de celle ycy après, de l’aultre partie et és
aultres fuyllès ensuyvant2.

CtlGl^T
Liâmes
RiaoLLe
Dwietcar

i-Ljar-

1. Une chatoire, une ruche.
2. CI GIST LI SIRES NICOLLE DE TIALCORT, CHANONE ET COSTRE DE SAIAN, QVI MORVT
on moy de may m.

ccc. Lxvu. —148 mm. sur 148 mm. — Cf. Thiriot, op. cit., p. 35.

+ CI GIST LI SIRES JEHANS VILAIN, CHANOINE

J or

d’aivoste per m.ccc. et lxii. —193

DE

SAIANS, QVI MORV LOV XII.ZIME

mm. sur 184 mm. — Cf. Thiriot, op. cit., p.33.

374

1521.

— TOMBEAUX ANCIENS OUVERTS A LA CATHÉDRALE

Icy est la forme et figure d’ugne aultre crois qui fut trouvée auprès
le corps d’ung chaignogne, duquelle le noms est escript dedans K

Paireillement, aprez celluy, en ung aultre monument, fut trouvée
celle crois, en telz forme et aincy escripte corne ycy est figurée, et a
vray ; en laquelle est escript le non de celluy qui là se gisoit, et est très
malz ortografié. [Aucun dessin ne correspond à ces indications.]
Plus avant, en ung aultre lieu, fut ouvers ung aultre monument,
auquelle, auprès du corps, fut trouvés une crois de telle grandeurs et de
telle figures, avec telles lettres escriptes, et, encor pir, la moytiez la­
quelle est en lattin, corne vous veés1
2, et dit que ce fut d’ung chainoines,

1. SEI GEIT SIRE JEHANS DE MET., ETCOHAIT., CHAINOINE DOV GRAN MOISTEIT. __

126 mm. sur 127 mm. — Cf. Thiriot, op. cit., p. 39.
2, ANNO DOMINI MILLESIMO TRECENTESIMO SEXTO
FESTVM

SANCTI

BARTHOLOMEI

DECIMO, FERIA QVIITTA POST
APOSTOLI, OBIIT PONCIVS, PROVINCIALIS, PRESBYTER,

vs. — 150 mm. sur 148 mm. (le couteau du’
a rogné légèrement la partie droite de la croix). — Cf. Thiriot, op. cit., p. 23.

cvstos et canonicvs metensis, prebendat

relieur

1521.

— TOMBEAUX ANCIENS OUVERTS A LA CATHÉDRALE

375

nommés Poncius, qui en son tempts estoit provinciaulx. Item, en
l’antrée du grant cuer de la devant dicte Grant Église, à mains senestre,
soubz ung autelz que maistre Adam Polet fist faire, et a meisme lieu
là où gisoit l’évesque Régnait de Bar, comme dit est devant, fut trové
le tombiaulx et monument du devant dit maistre Adam Polet ; auprès
duquel fut trouvée une croix de pblomcx, dont la figure s’ensuit1.

Plusieur aultres choses furent trouvée en terre, tant és devant dit
sépulcre comme aultre part, comme seaulx de cire et aultres besoingne .
desquelle je ne fais nulle mencion ; ains vous souffice quant à présant
de ce que j’en ait dit, car je veult retourner à pairler d’aultre besoigne,
et, premier, de la guerre acommencée.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS DANS LA REGION ET A METZ].

Pour revenir doncques a prepos et au perler de celle mauldicte guerre
acommencée entre Françoy et Bourguignons, vous debvés entendre
que, en celluy temps, les païs estoient cy triboullés et cy plains de mal­
vais’ guerson, tant à l’antour de Mets comme en Bairrois et en Loraine,
qu'il n’y avoit homme qui oysait seurement aller ne venir. Car en plu­
sieurs chasteaulx de France y avoit plusieurs garnison qui faisoient du
malz beaulcopt.
Et tellement que, entre plusieurs aultres mal que en ces jours furent
commis et perpétrés, il avint que la gairnison de Monfalcon en France,
avec plusieurs aultres, se mirent sus és Avant de Noël, et tant ont allés
et venir, en espiant le païs, que, une nuyt, c’est assavoir à la saincte
1. + CI GIST H SIRES ADANS POLET, CHANONES DE SAIANS ET CHAIPELAINS DE SAINCT
GALZ, QVI MO R VT LE JOVR DE FESTE SAINCT MICHIELZ, PER M CCC ET LUI ANS.
1
III m.

sur 184 mm. — Cf.

Thiriot,

op. cit.,

p.

29.

376

1521. — PILLERIES DE LA GARNISON DE MONTFAUCON

Lucie, se vinrent lancier et frapper dedans la ville de Gorney dessus
Muzelle, apartenant au seigneur Phelippe de Raigecourt. Et furent les
povre gens cy sousprins, au cause que l’on ne se donnoit en gairde
d’eulx, ne n’y cuidoit on riens avoir à faire, qu’il firent à celle ville ung
très grant dopmaige, montant à la somme de plus de trois cenc frans,
comme on disoit. Et emmenairent trois prisonnier ; desquelle l’ung
eschaippa, l’aultre morut de froidure, et au thier ont couppés la gourge
pour ce qu il estoit viez et ne pouoit aller. Mais il n’en retournirent
pas tous : car ung bon homme de la ville tuait l’ung d’iceulx gairnement,
qui fuylloit i en sa huge et voulloit à force ampourter une corroie
d’argent. Et firent yceulx lairon se dopmaige à la requeste d’aulcuns
d’eulx qui disoit que, à la guerre Francisque, qu’il avoit gairdés et
salvés le villaige d’estre pillés ne brûllés, et que l’on luy avoit promis
aulcune somme de denier, lesquelle l’on luy desnioit à paier : par quoy il
se ingérait de faire ce dopmaige. Et tantost après, à celle occasion,
furent envoiés dessus les champs grant nombre des piettons de la cité,
avec aulcuns gens d’airme, desquelles estoit fait cappitaine et conduicteur le devant dit seigneur Phelippe. Et se sont tenus par plusieurs
jours à Mardegney, à Lorey devant le Pont et là entours, pansant
que les annemis deussent retourner, comme on disoit ; et estoient tous
délibérés de se joindre à eulx et de les combaitre. Mais il ne vinrent pas :
par quoy, après plusieurs jours passés, il s’en sont retournés à Mets.
Paireillement, durant ces jours, se firent encor plusieurs aultre grant
mal, roberie, pillerie et laircin en diverse lieu et contrée. Et tellement
que, qui tout dire ou escripre vouldroit, on en feroit ung groz livre.
Entre lesquelle avint que celle meisme gairnison de Monfalcon, joincte
et assamblées avec d’aultres, leur consort, environ a nombre de cenc
chevaulx et L piétons, se mirent dessus les champs en ambûche en ung
bois, assés près de la ville de Lonwey. Et là se tenoient coyement en
atandant que aulcuns Ardenois venît au mairchief, comme journelle­
ment il avoie acoustumés de faire. Et tellement ont espiés que, par ung
sabmedi XIe jour du moix de janvier, yceulx Françoy ont heu prins
et rués jeus grant nombre d’iceulx Ardenois, hommes et chevaulx, qui
alloient a mairchief pour acheter du bledz. Et, à fait a qu’il venoient,
il les tiroient dedans le bois, et leur ostoient tous tant de bons qu’il
pourtoient, et puis, ce fait, il les lioient comme des viaulx et les emmenoient prisonnier. Et, durans ces antrefaicte, se sont partis de la compaignie d’iceulx Françoy environ L chevaulx, bien montés, lesquelz
s’en sont allés courre sur le mairchief de la dite Lonwey, lequelle alors,
pour aulcune raison, se tenoit hors la ville. Et là firent ung grant
désairoy, tant en biens corne en prisonniers. Puis, ce fait, ont tout
chairgiez, et s’en retournairent avec le buttin. Et, en ce faisant, ne
trouvairent jamaix homme qui les contredît.
a. Ms. : afïait. — A fait que, au fur et à mesure que.
1. Contamination du verbe fouiller et du verbe fugner (Zéliqzon, Dictionnaire des
patois romans de la Moselle, art. fûgneu) : ce dernier, qui s’emploie, au propre, en parlant
du porc ou du sanglier, signifie « fouiller avec le groin », « fouger ».

1521. — TROUPEAU DE PORCS ENLEVÉ PAR CEUX DE MARANGE

377

Et, à ce meisme jour, furent apourtée nouvelle au prévost du lieu
comment à Mouson et à Maisier y estoient de nouviaulx arivés une
grand armée de Françoy.
Item, avint, le lundi aprez, XIIIe jour du dit moix, que ceulx de la
ville de Mairange devant Mets, avec leur compaignie, sçaichant que en
Mets y avoit aulcune grosse sonre de porcquez, apartenant à aulcuns
mairchant fourains, pour les mener en Allemaigne, se mirent en ambûche devers le chaisteaulx de Laidonchamps, sur le chemin de Thionville. Et là furent par eulx rués jus les compaignons qui les menoient,
et les porcque prins et emmenés ; qui montoient à une grant somme.
Mais il fut compousés avec eulx ; tellement que, pour les ravoir, fut
retournés bien viste en Mets chiez leur hoste, Jehan Hanriot, en la
Grant Rue, là où la nuyt devant il avoient couchiez, pour avoir environ
ung cenc d’escus pour le raichet des dit porcquez. Et, à ce meisme jour,
se pertit de Mets le cappitaine de May la Tour, lequelle avoit la plus
part au dit porcquez, corne on disoit. Et fut le dit cappitaines sçuys et
pourpiés *1 d’aulcuns malvaix guerson d’iceulx Bourguignons, qui le
cuiydairent prendre et ruer jus dever Longeawe, au dellà de Mollin.
Mais il estoit bien montés, par quoy il ce guérantit et le guaignait à
fouyr. Et pour ce fait en fut au lundemains prins ung compaignon de
Sainte Raffine, et bouttés prisonnier en la maison de la ville : car on
voulloit dire qu’il c’estoit melles de l’espier. Toutteffois le devant dit
cappitaine trouvait manier que le duc de Loraine en rescript , et
tellement y fut besoingniez que la plus part de la ranson qui avoit
estés paiée pour le raichait des dit porcquez fut randue et restituées.
Et furent en ces jour plusieurs d’iceulx compaignons de Mairange prins
à Mets et mis en prison en l’hostel de la ville, pour ce que journellement
il venoient espier en la cité après aulcuns marchant fourains, et les
ruoient jus tout au plus près des porte. Et furent, pour ces chose et
plusieurs aultres, en grant dangier d’estre noyés.
En celle année, c’est assavoir à l’acommencement du moix de décem­
bre, morut et desviait de ce monde Léo de Médicis, qui estoit pape de
Romme. Puis, au feste de Noël après, furent les cardinal en conclave
par l’espaice de neuf jours. Et là, on moix de janvier, fut maistre
Adrian, de
en Hollandre a, docteur en théologie, homme
de bonne et saincte vie, néantmoins de petit lieu, estant lors lieutenent
général gouverneur pour l’empereur Charles sincquiesme és royaulmes
des Espaignes, Arragon, Grenade, etc., esleu pape en son obsence , ne
jamais n’avoit estés à Romme. De quoy plusieurs furent bien joieulx,
et d’aultre non.
Et, en ce meisme temps, le roy Françoys fist et assembla une grosse
armée de Suysses, de environ XVI ou XVIII mil, comme il fut certiffiés
a. Philippe a laissé ici un blanc. Adrien VI, de son nom Adrien Boyers, était fils d’un
artisan d'Utrecht ou d*Amsterdam, nommé Florent Boyers.
1. Suivi et épié.

378

1522 N. ST. — FAITS DIVERS EN METZ

a vray, pour, avec plusieurs aultres Françoy, recouvrir la cité de Millan,
dernièrement prinse pour l’empereur par les Ytailliens, Neapolitains
et Espaignotz, comme dit est devant. Et fut dit et a vray certifiiez que,
pour destourber leur passaige, le visroy de Neaples y venoit avec grosse
armée tant de Cecillian corne d’Espaignotz. Et disoit on que les Millainois haioient tant la nacion françoise qu’il disoient qu’il brûlleroient
avent tous leur biens et leur maison, et abandonner 1 le pays, que
d’encheoir en leur mains ne d’estre subjecg au dit François. Et aussy
yceulx Françoys et Suisses n’y firent riens pour celle fois ; ains furent
très bien batus, et en y oit grant nombre des tués, et le rest mis en
fuyttes. Car, en celluy temps, y oit plusieurs rancontre et grant escar­
mouche faictes tant d’ung coustés que d’aultres, desquelle je me despourte, et n’en dis plus pour le présant, pour ce que, ce tout dire voulloie, je seroie tropt loing et prolicxe.
Item, aussy en ce meisme temps, avinrent plusieurs petitte adventure
(et qui estoient grant fortune à ceulx ou à celle à qui le cas touchoit)
en la cité de Mets. Et, premier, le samedi après la Purificacion Nostre
Damme, qui fut le huitiesme jour du moix de febvrier, une josne gairse,
fille à La Mouche, chantre de la Grant Église, c’est assavoir avec les
cler de cuer, fut envoiéez, avec ung demi stier d’estain, quérir de l’eaue
en la ripvier de Mezelle. Laquelle ripvier alors estoit toutte prinse de
glaice, et passoit on à piedz par dessus : car en cest année, depuis le
Noël, fist ung fort yver (et devant, non). Et pour ce, afiîn d’espuisier
de l’eaue, aulcuns avoient fait ung trous en la glaice à l’andret de la rue
au Roiche ; et là voult ycelle gairse espuisier comme les aultres : mais
le piedz luy faillit, et cheut dedans avec son demi stier, et incontinant
fut noyéez ; et ne fut retrouvée jusques au lundemain.
Item, aussy, le maicredi aprez, XIIe jour du dit moix, le pallefrenier
du seigneur Claude Baudoiche, chevalier, laissait et obliait sa chandelle
ardant en l’estauble. Par laquelle ce amprint la paille, et fut tout le lieu
en grant dangier d’estre brûllés, c’il ne fût estés bien secourus ; et ce y
moustrait vaillant le dit seigneur Claude luy meisme en personne.
Et néantmoins y oit deux chevaulx et deux haiquenée, qui vailloient
mieulx de deux cenc livre, à peu près ars et brûllés.
Paireillement, en cellui temps, ou peu devant, c’est assavoir le jour
saint Biaise, lundemain de la Purificaciqn Nostre Damme et troisiesme
jour de febvrier, ung compaignons, bien jantilz ruste, et nacionés de la
cité, nommés Nicollay Ruct, qui avoit hantés la plus part de la crestientés, et estoit mariez à l’une des belle josne femme de toutte la cité,
celluy Nicollay, que perreillement estoit ung biaulx josne gallans, et
qui sçavoit juer de plusieurs instrument, estoit alors en procès à la court
spirituelle en l’encontre de la dicte sa femme, laquelle requéroit à estre
divorsée et séparée de sa compaignie, à l’ocausion d’ung prebstre, alors
comandeur de Sainct Jehan de Rodes en Chambre, qui alors détenoit
ycelle femme en une chambre encloise, comme on disoit. Et tellement
1. L'infinitif dépend de l’idée de « préférer

»,

qui n’est pas exprimée.

1522

N. ST. - « RONDEAU >» SUR LES ÉVÉNEMENTS DU TEMPS

379

nllnit ia ch0se que au jour devant dit, cellui Nicollay Ruct vint à rancontrer le prebstre sur les desgrez de Chambre. Et là heurent aulcune
rigoureuse perrolle ensamble. Par quoy le dit Nicollay qui le haioit
à mort cuydant avec sa rapier luy oster la vie du corps et luy fandre
teste vint le copt à desvaller sur le bras du dit prebstre pour ce qu il le
mist au devant pour ce couvrir, et de ce copt luy tranchait tellement que
l’on pansoit que jamaix n’en deust reguérir. Puis, ce fait, vint à passer
tout parmi l’église du dit seigneur Jehan de Chambre. Et oit tout intencion 1 d’entrer en la maison pour tuer sa femme ; mais il n oisait de
, frrmt demourer et ne flst aultre chose smon en passant qu il luy
S" = disant : . Ribaulde, est tu léans T Pleût or
Sqije«o^.,far^s;,nKtcers„,^
1. pier. comme la cou.tome
en est en Met» il fut barris, et tons ce» biens vandus pour 1 amande.
Mais touteffois, quelque bon droit qu'il «ust de
il ne deust pas ouvrer d’euvre de fait, puis que leur fait estoit en jus

tice: Et aussy Pon luy
Ïlebo" mangier, et tout malgré elle. Mais maintenait elle y estoit
r:Bde mars par un,
dimanche, enéron les quaitoe heure *P- -di que un.
Bourgongne, avec plusteurs petrtte, furent^reu
P

^

«ne heure, présent mil
personnes. Et sambloit estre de plus de LX pied» de longueur et de
environ quaitre piedz de lairgeur.
Plusieurs facteur et rétoriciens, durant les guerres devant dictes

congnoissance de gaire de gens jusque» au temp» presant), dont la teneur
s’ensuit.
Pierre print le glaives de samct Polz,
Dont de rechief cuyda coupper le colz
A sainct Denis : car sainct Jaicques en Calices
Appétoit fort luy faire préjudices
De son boudon 2, dont il fist ung f aïo z.

1. Il était bien décidé à entrer.
2. Bourdon.

380

1522 N. ST. — CRAINTES DE GUERRE AU PAYS DE METZ

Sainct Marc le sceut : il luy despleust du dolz
Et de la fraulde ; alors, d’ung gros licolz,
Lya bannys cognoissant lé malices 1.
Sainct André vint en secret de plain vol,
Cuidant trouver sainct François lasche et mol,
Qui desira soy vengier d’ung telz vices.
Sainct George y fut comme chiefz de justices :
Apperceut bien que l’ung de eulx estoit folz.
Aincy se desmenoient les choses pour celluy tempz. Et ne veoit on
aultre chose en la cité de Mets que gens, banier, et raillier les ung contre
les aultre pour cest affaire ; et voulloit chacun par parolle deffandre la
bande qui luy plaisoit le mieulx, et desquelle il avoit le cuer plus près.
Et eust mieulx vaillus pour aulcuns qu’il ce fussent mellés de leur
affaire que de en tant langaigier : car c’estoit une chose très mal scéant.
Touteffois, quoy qu’il en fût, journellement se faisoit quelque escar­
mouche, tant de 1 ung des cousté que de l’aultre. Et tellement que, à la
fin de febvriés, une compaignie, cuidant secrètement venir frapper et
adomaigier la duchiez de Lucembourgz, furent escusés et pourpiez ; et
furent enclos, en fasson telz que plusieurs y laissairent le moulle du
chaiperon, et d’aultres furent prins, et le rest ce salvait.
Item, aussy en celluy temps, pour ce que le cappitaine Francisque
faisoit ces requeste à la cité pour le fait du Camus de Paris, lequelle à la
requeste du dit Francisquez et d’aultre avoit estés arestés et fait pri­
sonnier à Mets, et depuis l’on luy avoit donné congiez — et l’avoit on
délivrés par la lisance du noviaulx ampereur, en conferment les previlaige de la cité, comme dit est devant, — et néantmoins le dit Francis­
quez requérait à avoir son homme, — par quoy le dit ampereur et son
Conseil, oyant la doléance des dit de Mets, en ait heu rescript au dit
Francisque, luy signifiant que ce qu’il avoient fait, touchant d’avoir
délivrés celluy Camus prisonnier, c’estoit par son aweu et licence, et
qu il n aivoient fait chose touchant ce fait qui fût répréhensible, et que
par luy et par son Conseille ne fussent awoué et aprové, pour lesquel
chose il luy mandoit et exprécement commendoit qu’il ce gairdait bien
d en plus molester les dit de Mets, ains les en laissait en paix, sur paine
d offancer Sa Majestés Impérialle. Et ces novelle manda depuis le dit
ampereur à Mets par son héraulx, environ l’acommencement du moix
d apvril. Mais, nonobstant toutte ces chose, l’on n’estoit pas encor
très bien essurés du dit Francisque. Car, plusieurs jour après, pour ce
qu il avoit assamblés grant armée, et ne sçavoit on pour où ce fût aller,
on commendait a bonne gens d’estre sur leur gairde et de fouyr le milleur
de leur biens.
Item, nonobstant toutte ces chose, et quoy qu’il en fût des guerre
devant dicte, ne des plais et procès qui c’estoient esmeus entre les sei1. Ce vers est resté pour nous inintelligible.

1522

N. ST. — RÉJOUISSANCES DES JOURS GRAS EN METZ

381

gneurs l’ung l’aultre en la cité, comme du fîlz au perre, et du janre au
sire, du frère au frères, et des serourge ensamble, néantmoins toutte ces
choses, durans le gray temps, ne ce laissoit pas à faire la bonne chier en
Mets, et ce firent plusieurs grant raillerie et joieusetés. Entre lesquelles,
le gray lundi, troisiesme jour de mars, fut ung chairiot menés parmi la
ville, avec trompette et tanbourin de Suisses. Auquelle y avoit huit
jonnes damoiselle, fille des seigneurs de la cité, acoustrée comme
déesse. Et après celluy chariot, y avoit environ XVI ou XVIII chevalcheur : desquelles en y avoit huit des armés de toutte piesse, et blan
corne ung sainct George, c’est assavoir deux des filz au seigneur Fran­
çois le Gournaix, chevalier, ung des filz mon seigneur d’Ainerey, et le
filz seigneur Phelippe Dex, et quaitre des soldoieur de la cité, avec
plusieurs laicquaie. Et, quant il venoient en aulcune belle plaice ou
maison de seigneurs, il ce arestoient pour moustrer qu’il sçavoient faire.
Et alors les huit josne dammes sortissoient de leur chairiot et donnoient
aulcune dance avec leur tambourin. Puis, ce fait, les laicaye qui à ce
faire estoient commis eslevoient quaitre picquez, couchée du travers,
de la haulteur de leur sinture, et les tenoient ainssy au travers du che­
min ; et alors yceulx huit hommes d’armes, qui avoient mis piedz à
terre, dansoient en cheminant l’ung aprez l’aultre, et tenoit chacun
l’espée nue toutte droitte en la mains. Et, quant il olrent fait aulcuns
tour, il ce mectoient tous d’une pertie des picques. Et les VIII damoi­
selle, qui alors estoient de l’aultre partie, avec chacune une belle blanche
verge en la mains en lieu d’espée, avec ung biaulx jollis chappellet de
romarin parmi celle verge, se prinrent à mairchier, en tenant humble
contenance, et en dansant l’une aprez l’aultre, comme les homme
avoient fait, et là, faisant la virvoulte par devant les dit hommes d’ar­
mes, vinrent à passer et à repasser une fois ou deux. Et puis, aprez
qu’elle olrent fait aulcuns jolley tours, se mirent toutte l’une de cost
l’aultre et de l’aultre partie des picque, c’est assavoir la fasse devers les
hommes. Puis la premier de celle daymoiselle venoit au premier hommes
d’airme qui estoit de l’aultre pertie des picque devent elle, le ventre
contre la picque, comme dit est ; et, après la révérance faicte, luy
pernoit l’espée nue hors de la mains, en luy mettant en ycelle celle
blanche vergette en lieu de son espée ; et, après ce fait, retournoit en son
lieu. Et puis touttes les aultres faisoient ainssy, jusques à la dernier.
Puis, après, avec les espée, ont dancés deux ou trois tour de dance ;
et se sont remise en leur lieu, toutte droitte,arangée l’une après l’aultre,
le ventre devers les picque. Et, quant elle olrent ce fait, yceulx hommes
d’armes, qui perreillement estoient tous droit de l’aultre pertie des
picque, se mirent à dancer en mairchant l’ung aprez l’aultre, tenant la
verge droitte en la main, comme avoient fait les damoiselle ; et, en
faisant plusieurs virevoulte, vinrent à passer et à repasser par devant les
dite damoiselle. Puis le premier reprint son espée de la mains de celle
qui l’avoit prinse, en luy rebaillant sa verge, et en luy faisant l’honneur ;
et ainssy firent tous les aultres. Et incontinant après ce fait et que les
espée furent randue, les damoiselle se sont tirée à part avec leur verge.

382

1522 N. ST. — RÉJOUISSANCES DES JOURS GRAS EN METZ

Et tout subit se mirent quaitre d’iceulx hommes d’armes du coustés
des picque, et au lieu là où estoient les damoizelle avent leur pertement,
et les aultres quaitre demourant en leur lieu ; et alors, sans grains
songier 1, avec l’espée nue et tranchantes, tant que bras leur pouoit
estandre, se mirent à frapper les ung dessus les aultres, chacun à son
homme. Et telz copt se sont donnés sur les heaulme et sur les bras que le
feu en sailloit en plusieurs lieu, et rompoient les aulcuns leur espée.
Puis aulcuns commis se mettoient entre deux pour les despartir. Et, ce
fait, l’on ce mectoit arrier à dancer deux ou trois dances, comme devent ; après lesquelle rantroient les dammes au chairiot, et les hommes
à chevaulx, jusques en ung aultre lieu.
Paireillement, en ces meisme jours du gray temps, se mirent sus la
compaignie dez mairchamps avec leur femmes : c’est assavoir ycelle
femme en ung chariot, tant richement et triumphanment acoustrée
qu’il n’estoit possible de mieulx, et le chairiot acoustrés de meisme ;
et les hommes, montés à chevaulx ou sur mullet, estoient tous trium­
phanment mis, et acoustrés en princes. Sauf et réservés moy, 1 escripvain de ces présantes, avec Phelippe du Lièvre, le merchant : car lui et
moy nous aviens deffier au jouster à lance, avec butte 2 a bout, par
quoy nous estions en aultres abit : l’ung soubtenoit la bande du Karesme, couvers de bicquehoul3 et de hairans ; et l’aultre, qui estoit
Chairnaiges, estoit couvers de trippes et de boudin. Et en nostre com­
paignie estoit desguisés seigneur Joachin Chaverson, alors maistre
eschevin de Mets, lequelle avoit fait aprester ung riche bancquec en sa
maison, et donnait moult bien à mairander à toutte la brigaides.
Plusieurs aultres bonne railleries et diverse mommerie, joieusetez et
fairce se firent en celle année, desquelles je n’en dis plus pour le pré­
sent.
Item, en cest année, le jour des Brandons, il fist ung merveilleux
temps de vant, de pluye et de grésil. Espéciallement il vantoit horrible­
ment : par quoy la Justice fist ordonner et deffandre que l’on ne feiseît
point de feu ne de bulle par lez kairefort, comme on ait tous les ans a
ung telz jour acoustumés de faire. Et aussy n’en fut point fait en plu­
sieurs villaige de labouraige.
Item, aussy, bien tost après vinrent nouvelle à Mets comment à
celluy jour c’estoient rancontrés les François, Suisses, Vénissiens et
Espaignotz en la duchié de Millan, et y avoit heu ung grant murtre,
espéciallement dessus yceulx Suisses qui estoient pour le roy. Dieu
y messe sa paix ! Amen.
Paireillement, durant celluy temps de karesme, le seigneur Françoy
le Gournay, chevalier, se desclairait estre homme à l’emperreur ; et luy
en furent les lettre apourtée par ung héraulx. Par quoy alors la cité
1. Sans le moindre retard.
2. Boute ? Ce mot désignerait le bouton, partie ronde qui termine l’extrémité d’une
arme « courtoise », comme le fleuret, etc.
3. Biquehol, hareng saur.

1522. — NICOLE DEX REVIENT A METZ

383

envoiait ces commis devers le dit ampereur pour cestuy fait : c’est
assavoir le seigneur Jehan le Gournaix, qui fut mallaide à Lucembourgz
et retourna, le seigneur Nicolle Roussé, le seigneur Michiel Chaverson
et le seigneur Régnault le josne, filz au dit François. Lesquelle commis
furent pour remonstrer le fait à l’empereur, et que le dit seigneur Françoy ne faisoit ces chose sinon affin qu’il n’obéît ne ne respondît à la
justice ordinaire de la cité. Et ne sont retournés les seigneurs commis
devant dit jusquez a jour saint George après, l’an Ve et XXII.
Cy vous lairés de ces choses à pairler et de touttes aultres pour le
présant, jusque à ce que j’airés dit qui fut maistre eschevin en l’an
après.

[L’ANNÉE l522].

Maintenant, moyennant la graice de Dieu (auquelle soit louange et
gloire !), je suis venus jusques en l’an de nostre salus que le milliairt
courroit par mil sincq cens et XXII, qui alors fut l’année quaitriesme
de l’élection Chairle l’empereur en son Royaulme des Romains. Pour
laquelle année, à la sainct Benoy, fut faict, créés et essus pour maistre
eschevin en la noble cité de Mets le seigneur Claude Raudoiche, cheva­
lier, neupveux au seigneur Robert de la Mairche.
Item, deux jour après son élection, par ung dimenche a matin,
qui fut le XXIIIe jour de mars, aulcuns tenant la bande de France, je
ne sçay à quelle occasion, ont heu courrus à Haconcourt. Et emmenairent aulcunes gens et beste prisonnier, et firent en cest ville plusieurs
grant dopmaige.
Ung seigneur de Metz revient de Borgongne. — Item, aussy, tantost
aprez, c’est assavoir la vigille de la Nonciatte, que en cest année fut le
mairdi devent le mey karesme, retournait le devant dit seigneur Nicolle
Dex, chevalier, en Mets. Lequelle, à l’ocausion du desbat qui estoit
entre luy et le seigneur Françoy le Gournaix, chevalier, se avoit absantis
de Mets pour une espasse de temps ; et c’en estoit allés en la Haulte
Bourguoigne ; et avoit fait plusieurs requeste à la cité. Par quoy plu­
sieurs gens de biens, noble et aultres, c’estoient entremis de les apaisanter ; et firent tant qu’il retournait en Mets, corne dit est. Mais,
à faire celle paix et à les acourder, y avoit grant dificultés : car chacun
tenoit fort son opinion. Dieu leur doinct la graice d’en faire pour le
mieulx !
Des Borguingnon délrousés par les Françoys. — Paireillement, en
cellui temps de karesme, monsseigneur de Roichefort, qui tenoit la
bande des Bourguignons, fut rancontrés de une grande bande de Fran­
çois. Et tellement se sont férus les ung parmy les aultres que le dit de
Roichefort fut desconfis ; et y perdit plusieurs de ces hommes.

384

1522. — MIRACLE D’UN ENFANT RESSUSCITÉ

Ung enfans enterré sans baplesme. — Item, aussy en celle année
mil Ve et XXII, le sixiesme jour d’apvril, qui alors estoit le dimenche
de la Passion, moienant la graice de Dieu et par l’intercession et prières
de la glorieuse damme saincte Bairbe, fut à ce jour fait ung biaulx et
évidant miraicle en son église au champs, distans de Mets à deux petitte
lue, nommée Saincte Bairbe. Le cas fut telz que, environ ung moix
devant, fut une josne femme de la paroiche Saint Vyt acouchée d’anffant. Et, alors que celluy anfïans cheut au monde, ne fut trouvés en
luy quelque vie : par quoy la mère, bien dollante, fîst tant et priait à
son mary, qui estoit tixerant de toille, qu’il le pourtait au dit lieu de
Sainte Bairbe au champs, affm d’intercéder envers la belle damme que
l’anfïans peult avoir baptesme. Et y fut longuement le perre, en pleur
et en lairme, affm de veoir ce l’anfïans aroit vie. Mais, quant il oit
assez atendus, et qu’il n’y vit quelque aparance ne signe de vie, fut
l’enffans enterré, et mis en terre prophaine, hors du simetier, au champs.
De quoy la povre mère, sçaichant ces nouvelle, fut tant triste et doullante qu’elle ne pouoit dormir ne repouser. Nonobstant que, pour la
contenter, son mary luy faisoit acroire que l’anfïans avoit ressus bap­
tesme et estoit mis en terre saincte au simitier ; touttefïois, à la fin,
force fut de luy en dire la vérité. Et tellement que, a XXVIIIe jour
après ce que l’anfïans fut mis en terre, la pouvre femme gisante releva,
et, d’ung grant couraige, se fist mener par son marit au lieu là où il
avoit mis l’anfïans : car, tout son moix durant, en dormant et en weillant, le cuer luy disoit que son anfïans n’estoit pas mort. Par quoy,
comme dit est, d’ung grant cuer fervente, en ayant bonne espérance
à la belle vierge sainte Bairbe, se mist en chemin, deschausse et en
lainge. Et fut menée dessus le lieu là où l’anfïans estoit mis. Mais, pour
ce que alors y avoit des ouvrier masson et aultres qui besoingnoient
là antour à l’édifîcacion d’icelle église, ou gens qui passoient, il n’oisoient bonnement ouvrir la terre pour sairchier l’anfïant ; et ne faisoient
le perre et la merre que aller et venir, et tournoier antour. De quoy
aulcuns d’yceulx passant s’en aperseurent, et les virent qu’il trouylloient
et fouylloyent en la terre entre les pierrette que les masson avoit fait
en taillant leur ouvraige. Mais, quant il veoient que l’on les resgairdoit,
il ce tenoient tout quoy, jusques que les resgairdant fussent passés.
Ung enffans désenterré et baptisé au bout de viij jour. — Touttefïois
il firent tant, en deffoyant la terre de leur mains, qu’il ont trouvé
l’anfïans, aussy biaulx et aussy enthier que au jour qu’il y fut mis,
saul et réservés que le drappiaulx qui estoit autour de luy estoit desjay
tout tairnis et brinnis 1. Et, tout incontinent qu’il olrent prins et levés
de terre leur anfïans, il ce mist à saingnier par la boudiné. Cy l’ont
prins en grant joie et l’ont pourtés dessus l’aultel. Et le prebstre, appellés, ne le voult pas baptisés, c’il ne sçavoit la chose a vray que l’anfïans
1. Brunis. Les patois modernes disent brinè (Zéliqzon, Dictionnaire des patois ro­
mans de la Moselle). Ou s’agit-il d’un dérivé de bran, bren ? — Le ms. porte baimis,
avec, sur l’a, le signe d’abréviation des nasales.

1522. __ • LE CHŒUR ET LES NEFS DE LA CATHÉDRALE ACHEVÉS

385

eust vie ; car il ce doubtoit que la merre, par cautelle, n eust fait
sancque. Mais incontinent, l’anffans estant là sur 1 aultel, sans le touchier se mist à saingnier plus que devant ; et, encor plus fort, ouvr t
la bouche et tirait la langue deux ou trois fois ; et fut trouves chau
et en vye voyant plus de XXV personnes. Entre lesquelle y avoit deux
mairchant, hommes de biens, de Monbelliairt en Bourgongne, qui
estoient venus en pellerinaige, qui furent présant a ce biau^ miraic e
et virent tout le misterre ; et, de fait, furent compere et perrams à 1 anffans Et requirent à avoir par lettre sceellée tout le mistere par escr p ,
et avec grant joie, en glorifiant le non de Dieu et de la glorieuse vierge
saincte Bairbe, en ont pourté celle lettre de certificacion en leur pais.
U Ldi, — prlu par ung Carde,1er. - Et, au 1»,, = d«
Paicauez après, fut ce biaulx miracle annunciez et publiquement
preschiei par ung frère Cordellier à Mets ; et dit tout hautement que
î’anffans avoit estés XXVIII jour et XXVIII nuyt en terre. De quoy
chacun regracioit Dieu du biaulx miraicle, et la glorieuse damme sainte
^Demende de Vabbé de Beau Lieu. - Item à ce meisme jour dimenche
de la Passion, VI- jour d’apvril, du mattm vint et amait^deven
Grant Moustiet de Mets une trompette, qui donnait une lettre a mmstre
eschevin on non de son maistre l’abbé de Biaulx Lieu, filz a seigneur
Robert de la Mairche. Laquelle lettre fut donnée

manier d’une requeste que le dit abbe faisoit à la cite, disan
q
rant que l’on luy laissait aller, sans nulz ampeschement ne contredic
qulrd^qu'i. avoit heu fit latte pat m.istr. Frets»,s, le
fondeur, demeurant à Mets et a gaige de la cite
, di
Ung homme mari eibitemenl (tic). - Item, en celle antm»h. vendredi
devant lez Palme, XI* jour d'apvr.l, ung powe
paroiche Sainte Croix ponrtoit une bottée de drapp.aul* dessus a np
vier Dour laver Mais, ainssy comme il dessandoit la rue du Wivier, q
est darrier le cuer du Grant Moustier, il luy print une laic^tes en manier
d’ung cattaire ; et cheut là tout roide mort en terre, sans jamaix renon
“'Le cœur et les chaire du Grand Moliel achevy. - Et à ce meisme jour
pour ce que tous les ans, de bonne coustume Ion fait en ?Jets. u
honnoraible procession, en remerciant Dieu et ces samets du b au
miraicle que'par ung telz jour fut fait en Mets en
et tous les habitans du dangier auquelle le duc ^lco1 a
t
cuidait mettre la dite cité et tous les habitans,
est devant
furent faictes et du tout eschevie les chayre de a Grant
^e fut de
cité, avec la grant courongne qui pant en mey le
noviaulx redourée et burme, et fut remyse en son 1.it lvecfes
fut à ce jour tout eschevis le cuer de paves, et touttes 1 esglise, avec les
woulte et wairier,ramonnée et nectoiées.Et là,pour sa P™
au retour d’icelle pourcession y fut chantée la grant messe, avec
grosse orgues, à chantre et deschantre, et y fut dit ie^sermon
Grand cherté de plussieur danrée. - En celluy tempts furent plu

386

1522. — PRIX DES VIVRES ET DISPOSITION DU TEMPS

sieurs danrée moult chier oultre le pris acoustumés, comme cire, huille,
navee, poisson de mer, pairciaulx de vigne, et plusieurs aultres chose!
Car 1 on vandoit ung hairanset ung bichou 1quaitre ou sincq denier la
pièce, sept ou huit sols la livre de cire, XXX sols la navée, sincq sols la
querte d uylle, ung escus au soilleil ou XXXVI sols le cenc de perciaulx,
ou, a pris du Vault, VIII ou IX sols la chairé. Et y oit en cest année
plusieurs vigne autour de Mets engellée et congnée 2 d’yver.
Temps divers. ■ Touttefîois, en celle année, le prinstemps, à son
acomancement, fut moult biaulx : car il fist le plus biaulx et chault
moix de mars, et paireillement le moix d’apvril tout anthier.que jamaix
je vis faire, avec les trois premier jour de may. Par quoy, à la Paicque,
l’on avoit le biaulx mirguet florey, et en vandoit on à ce jour à grant
abondance devant la Grant Église d’icelle cité. Et aussy estoient desjay
à celluy jour les serise grosse et toutte noiée. Et se moustroient les
vignes qui estoient eschappée de la gellée d’yver tant plaine de roisin
que c estoit une grant beaulté à veoir. Paireillement toutte manier
d’arbre pourtant fruit ne furent jamaix veu plus biaulx ne plus chairgiés
ne que alors estoient. Dont chacun estoit joieulx, regracient Dieu de
ces biensfait. Maix, a quaitriesme jour de may après, le temps se muait,
comme dit est. Et se convertit tellement en pluye et en froidure que,'
a sixiesme jour, il fist très froit, et cheust force grésin. Et encor au
lundemain, septiesme du dit moix, fist plus froit, sans comparéson ;
et cheust force grelle devers Chaitel Saint Germain, Lessey, Sciey et
là entour : qui fist ung grant dompmaige à ceulx à qui le fait touchoit.
Plusieus (sic) riche borgeoys mort. — Item, aussy en cellui temps,
morurent plusieurs personnaiges des plus riche bourjois de la cité de
Mets, telz comme Jaicommin de Corney, le merchant, Jehan de Haitange, et aultrez. Entre lesquelle, le propre jour de Paicque, Grant
Jehan, le bouchier, qui alors estoit l’ung des révérand et honneste
viellairt de la cité, grant de corps et d’avoir, et homme bien famés,
cellui ouyt sa grant messe, fut aministrés ; puis luy print aulcune
laicheté. De laquelle, après qu’il fut quelque peu pourmenés, revint à
luy ; puis dînayt essés bien. Et, quant ce vint après le dîner, luy print
de rechief une laichetés : car il estoit viez de plus de IIIIXX et six ans.
Et estoit droit corne ung jon. Cy envoiait quérir l’amant ; et fist remuer
sa devise 3 4; et pairla, tousjour en bonne mémoire, jusques à la mort.
Puis randit l’âme pour le meisme jour. Et fut son corps enterré en la
paroiche Saint Mertin, de laquelle église il estoit eschevin.
Ung borgeoy de Metz se rompt le col en tombant. — En la meisme
paroiche y avoit ung clerc du stil du Pallais, nommés Françoy d’Airencey, homme riche et bien famés, lequelx, le merdi des feste de Paicque,
jour de la samct George, après le dînés, se voult esbainoier 4 à oster
1.
2.
3.
4.

Le mot désigne encore aujourd’hui dans les patois'un hareng sec ou salé
Abîmée ? Ce serait un sens dérivé du verbe cogner.
Il fit modifier ses dernières volontés.
Se distraire, s’amuser.

1522. — ROBERT DE LA MARCK SURPRIS ET BATTU

387

aulcuns vermine estant en ung petit prunier en ung gerdm derrier sa
maison. Maix, par fortune, l’eschielle, qui n’estoit pas du hault de
IX ou X piedz, glissa ; et vint sa teste à frapper “““
tauble de pier de taille qui estoit dressee en cellui gerdm. Et ne ch
pas du hault d’ung homme,qu’il ce rompit le col, sans
Paireillement avindrent encor d’aultres adversités, tant deh°^
que dedans. Car, environ cellui temps de Paicque, on mo*capw 1
aulcuns de la guernison de Danviller, avec aultres, se rancontrairent .
furent les Bourguignons batus, et deux des tues.
. .
Le seiqneur de Sedan court la terre de Lonvy. — Item, tantost âpre ,
ceulx de là gairnison de Jamaix, tenant le partit de France en la conduicte de Robert, seigneur de Floihange, et filz a seigneur e e an
“t ensemble.’ Etirent tant qu’il assemblaient environ mi piéton
et sincq cenc chevaulx de leur alliance ; avec 1
par le pays, pillier, desrouber et fouraigier sus les povre gem»,tard en k
nrévosté dé Lonvey comme en celle de Monmaidi et d Yvoixe. Et
tellement qu ’il y firent ung grant dopmaige, et en ont amenés une grosse

•tiïZSZ ££» ir-» **

alors qu’il faisoient se dopmaige, y oit ung homme d a me bomgm
gnon (lequelz autrefois, en ses josne jour, ayoït estes_chairton et
tefïois avoit estés chairgiés des vin on Vaulx de Mets , - P™J «
homme d’airme, et fut premier longuement serviteur
d tde
seigneur Robert de la Marche, luy estant françoy , et,le
la Marche devint bourguignon, il fist le serment avec uy mais ja^
il retourna arrier françoy, corne dit est devant cellui dit quil avoit
le serment à l’emperreur et qu’il ne partant de «on semse , et ce^t
celluy appeller Corvica), celluy Corvica doncque qui Çongnoissoit
les liéux et les passaige, et, avec ce, congnoissoit a plus P“^ e
sonnaige, luy, et aulcuns aultres ces fiables es furent
iour et lé nuvt et les contrechevaulchairent tellement, depuis Chain
'p,i nt q„”l went et co„g„e„™t tout leur fuit et
que yceulx Frunçoy (entre lesquels y avoit plusieurs grant pureon^
naiges), avec leur proie, le premier jour de xnay, c estolen
^
du fort chasteau de Jamaix. Et, pour ce qu’il n’eussent sceu tou entrer
au dit chasteau ne en la ville, comme gens qui estment essures et qu
craindoient riens pour la grant multitude qu’il estaient
™ “
seulement leur buttin au dit chasteaulx de Jamaix, et ulx b-geanent
en ung villaige distant environ à ung quert de lue de la d te Jamaix,
nommés Remoyville, qui est à une lue de Mairville. A °rs ce u
t ^
tenant pour Bourguoigne, qui ne dorment pas, an* tout lej^eU
nuyt devent les avoit espiez, comme j ai dit dessu ,
,
et
advertis ceulx de son alliance, et assemblait tous les bons hommes et
aultres qu’il poult trouver de son partit ; et tellement que quant il
furent tous assemblés, il ne furent en tous que quai re
P
XXXII chevaulx, tant ung que aultres. Et alors se mir
assavoir mon, se aulcuns d’entre eulx avoit crainte ou peur, qu

.
*

388

1522. — ROBERT DE LA MARCK SURPRIS ET BATTU

despertît de la compaignie et s’en retourna arrier. Puis, le conseil tenus,
se rescomendairent à Dieu et à la glorieuse vierge Nostre Damme
d’Avioulx, sa chier merre, laquelle il elleurent pour leur gairde et
defïance. Et alors, aprez ce qu’il olrent jurés et promis fois et loyaultés
les ung aulx aultres, d’ung couraige hardi, sont venus assaillir leur
annemis, qui alors estoient a plus endormis, et ne craindoient riens,
comme dit est. Et, tout premier, se sont venus ruer dessus le guet ;
et ont heu tués environ XII hommes d’airmes qui faisoient et estoient
commis pour le dit guait à faire en celle nuyt : par quoy y oit une trom­
pette des^ leur, oyant le bruit et la noise, qui à hault ton corna deux
fois , et, à la troisiesme, il fut assomés et tués. De quoy incontinant se
levay le bruit parmi le villaige, et se levairent qui polt mieulx *1 ; et tous
hattivement, comme gens souprins en dormant, se abilles et se armè­
rent les aulcuns en intencion de se deffandre. Mais l’on les haittay sy
fort, et leur couroit on sy très durs qu’il n’eurent lésir de se faire 2.
Plussieus (sic) François mort et tuez. — Et alors fut fait ung grant
alairme : car les ung, tous neudz, sailloient en la ripvier, se cuydant
salver, qui furent noyés ; d’aultres en y oit que, se cuydant deffandre,
furent brûllés en leur lougis ; et aultres passaient parmi le tranchant de
l’espée, ou il morurent d’airboullette, de hallehairde ou de collevrine.
Tellement que, des mors et tués, que, au lundemains, qui fut vandredi
second jour de may, en furent bouttés en une fousse environ LXV hom­
mes de fait ; entre lesqueulx y avoit XXII noble hommes, et y avoit
de grant personnaiges. Et dit on qu’il en fut, que noyés que brûllés,
plus de Ve , sans plusieurs qui morurent par chemin, qui estoient blessé
à mort. Et la plus part des aultres qui eschaippairent estoient neudz
et deschault, et perdirent chevaulx et hernaix, or, avoir et chevance,
avec tous leur aultre biens qu’il avoient apourtés. Dont Françoy s’en
tinrent bien de rire. Car il furent sy souprins qu’il n’oirent jamaix
loisir de monter à chevaulx. Par quoy yceulx Bourguignons y gaingnairent plus de cenc chevaulx de pris, cen ceulx qui furent brûllés.
Et ce qui fist le plus de mal aux dit François, fut que yceulx Bourgui­
gnons avoient amenés environ XVIII ou XX piesse d’artillerie légier,
corne hacquebutte et aultres samblable, qui fist au dit Françoy ung
grant déluge. Et puis yceulx Bourguignons, pour donner à entendre
qu il estoient plusieurs millier, cryoient diverse cris ; les ung crioient :
« Lucembourgz ! », d’aultres cryoient : « Erlon ! », « Bastonne ! », « Monmaidi ! », « Yvoixe ! », et samblable cris, afïîn que on pansait qu’il fussent
plus grant nombre qu’il n’estoient ; pour ce aussy que c’estoit de nuyt
et que l’on ne les veoit pas. Entre tous ceulx qui eschaippairent, le dit
Robert, seigneur de Florhange, en fut ung : lequelle, pour ce qu’il
estoit nuyt, corne dit est, ne fut pas congnus, et, tout en pourpoint,
cryant : « Vive “ Bourgongne! »,se mussait entre les aultres et sesalvait.
a. Ms. : vivre.
1. Au plus vite.
2. On leur courait sus si rudement qu’ils n’eurent pas le loisir de se mettre en défense.

1522. — LES FRANÇAIS DÉFAITS EN ITALIE

389

Dont bel luy en print. Et fut ce conflit une tel ou samblable adventure
que desjay aultre fois avoit estez à Sainct Humbert sur le devant dit
seigneur Robert et ces gens, comme en ce présant livre en aultre lieu
ait estez récitez. Et pour ce dit on souvant que par des fois Vhommes
est bien mordus du propre chiens qu’il ail nouris : comme il apert du
devant dit Corvica, qui solloit estre l’ung des grant lairons et tandeurs
de hault chemins que le dit seigneur Robert eust, et qui estoit plus
crains et doubtés des marchamps et aultres passant (car il faisoit tous
les malz qu’il estoit possible de faire) ; par quoy il ait moustrés ung
tour de maistre à celluy qui l’avoit aprins. Et ainssy vont et se desmaigne les fortune de guerre : car tantost l’ung gaigne, puis, au lundemains,
l’aultre pert. Maix plusieurs tindrent cest affaire à miraicle, pour ce que,
comme il fut dit, aulcuns d’iceulx avoient estés desroubés et viollanment prandre et pilliés aulcuns juaulx et chose sacrée jusques tous
dedans l’esglise et sus l’aultel de Nostre Damme d’Avioulz. Et, quant
ce vint au lundemains et que le dit de Florhange vit ce meschief, et,
avec ce, congneust entre les mors plusieurs de ces amis, grans personnaiges, qui eussent paiés de ranson autant ou plus que n’eust1 le dit
seigneur Robert, son perre, il cuyda enraigier ; et plouroit de dueil
comme ung anfïans.

[CONTINUATION DE LA GUERRE ENTRE FRANÇOIS Ier
ET CHARLES QUINT].

Deffaide des Suisse par les Espanol. — Durant que ces choses advindrent par dessà, sont venue certenne nouvelle en Mets comment, peu
devant, c’est assavoir le XXIIe jour d’apvril, les Espaignotz, Millénoy,
Bourgongnons et aultres tenânt le partit de l’empereur vinrent à mettre
une ambûche, avec grosse artillerie, dedans ung petit bois assés près de
Millan. Et, ce fait, vinrent partie d’iceulx Espaignotz, Lumbars et
Millannois faire virairde et, avec ce, assaillir le campe des Suisses tenant
pour le roy ; lesquelles alors c’estoient merveilleusement fortiffiés en
terre. Et avoient, comme on disoit, yceulx Espaignotz et Millannois
amenés avec eulx aulcune piesse d’artillerie légier. Et firent tant que
yceulx Suisses saillirent hors de leur campe, corne il fut dit, pour combaitre. Tellement que, après ce que touttes l’artillerie d’iceulx Lumbars
et Espaignotz oit tirés, et que ce vint à 1 aproichier, yceulx Lombair,
Millannois et Espaignotz se mirent en fuittes ; et, en se demandant avec
leur artillerie, firent tant qu’il menairent yceulx Suisses, qui desjay
avoient gaingniés la dite artillerie, jusques tout dedans l’ambûche là où
estoit la grosse artillerie, laquelle impétueusement fut laichée dessus
1. Que n’eût fait, que n’eût payé. — Ou bien : que n’avait, que ne possédait.

390

1522. — L’ANGLETERRE EN GUERRE CONTRE LA FRANCE

yceulx Suisses. Tellement que en brief espaisse il furent tous mis en
désorde, rompus et deffait, et séparés les ung des aultres parmi les
champs. Et en fut alors tués plusieurs milliers, tant de celle artillerie
comme aultrement. Et furent gaingnée plusieurs banniers, guidons et
estandars d’yceulx Suisses. Entre lesquelles ceulx de la cité d’Estrasbourgz, qui estoient à celle rancontre pour l’empereurs, y ont gaingniez
la souveraine bannier de la cité de Baille, lesquelx y estoient avec les,
Suisses pour le roy ; et fut ycelle bannier apourtée par dessà, et mise et
posée en la grant esglise de la dite Estrasbourgz. Touttefïois aulcuns
disent que celle bannier fut gaingnée au XXVII[e] jour du dit moix
d’apvril ; auquelle jour le Moure, fdz à Loys Force trespassés, jaidit
en ces jour duc de Millan, se partit de la cité de Pavye, avec grosse
armée, pour s’en venir à la dite Millant. Et en son chemin vint à frapper
sur le campe des François, lesquelx à grarit puissance c’estoient apairqués en ung lieu essés fort, entre la dite Pavye et Millan. Et là olrent
grosse rancontre ensamble ; en laquelle furent mors et tués plusieurs
noble François. Et, tant en ycelle journée comme à la premier de
laquelle je vous ay heu ycy devant perlés, faictes au XXII[e] jour du
dit moix, y furent tués et deffait plusieurs grant cappitaine et gens de
grant réputacion pour le roy. Entre lesquelle y morut le cappitaine
Albert de la Pierre ; et encor ung aultre cappitaine des dit Suysses,
duquelle je ne sça le nons. Et, des seigneur de France, y morut monsseigneur de Monfort, filz de monsseigneur de Lavalle ; aussy y morurent
Montigens, Myollant et le cappitaine Grant Jehan, monsseigneur de
Lotracque, monsseigneur de Lescutz ; puis monsseigneur de la Rochepotz, et aultres, sont fort blessés. Et y furent despeschiez XXII cenc
Suisses, de compte fait, salve le plus 1.
Le roy faict une armée pour aller en Itallie. — Item, vinrent nouvelle
certaine cornent, à l’acomencement du moyx de may, le roy y envoioit
l’admiralz de France, acompaigniez de cenc gentilz hommes de la
maison du roy, et deux cenc archiers de la gairde, et X mil hommes de
piedz. Et se pansoit le roy et avoit prepousés de pertir brief après, et de
avec luy mener huictz cenc homme d’armes et grosse quantités de gens
de piedz, avec tous les jantilz homes et pansionnaire de sa maison.
Mais aultres nouvelles luy sont venue, par quoy il n’y aillait pas, ne luy
ne ces gens.
Le roy d’Angleterre défie le roy de France. —- Car, durant le tempts
qu’il se cuidoit partir comme dit est, c’est assavoir environ le mey may,
le roy d’Angleterre, à la favour et requeste de l’ampereur, comme on
disoit, luy envoyait ces defïiance. Et firent les dit Anglois une grosse
armée, qui fut mise dessus la mer pour dessandre en Normendie, affin
qu’il destournait le roy Françoy et qu’il luy empeschait son voyaige de
Lombardie, comme il fist. Et creoit on facillement ces chose, pour ce que
le dit ampereur prenoit en mariaige la fille du devant dit roy d’Angle­
terre.
1. Sauf le plus, c’est-à-dire « deux mille deux cents Suisses au moins, sans compter
ceux qu'on a pu oublier ».

1522. — PILLERIES DE CEUX DE MARANGE

391

Item, aussy durans ces jours et que ces choses se faisoient en Lumbardie, France et Angleterre, c’est assavoir environ le huittiesme jour
de may, aulcuns traystre cuidairent trahir la ville de Bétune et la livrer
aux François. Mais leur fait fut escusés *1 ; par quoy il en heurent les
teste tranchée en plain merchiés d’icelle ville.
Et, en ces meisme jour, se tenoit à Mairange, devent Mets, grosse
gairnison pour les Bourguignons, et se renforsoient de jours en jours.
Et tellement que à paine osoit on seurement aller ne venir par le païs,
de peur d’iceulx gairnemens : car il en prenoient sur l’ung et sur l’aultre,
là où il en pouoient avoir. Et ransonnoient tous les prebstres, et aultres
demourant a villaige, qu’il sçavoient estre françois ; et leur faisoient
souvant acroire qu’il avoient dit merveille des Bourguignons, et qu il
avoient perlés en mal de l’amperreur.
Les bon homes du village de Flocort font ung empereur de naige. —
Et, qu’il soit vray, durans ces jours, les dit de Mairange furent avertis
que, en l’iver devant, le jour sainct Biaise, les bons hommes d ung
villaige devers le ban de Desme, apertenant à messeigneurs de Chaipistre de la Grant Église de Mets, ou a 1 aicoulaitrie d icelle église, nom­
més Flocort, avoient yceulx bons hommes, à cellui jour, qui estoit leur
feste, fait en passant tempts ung homme de naige tout au mey heu de
leur ville. Et, comme gens qui sont joieulx, qui rye et se esbaitte,
railloient et se devisoient autour d’ycellui homme de naige ; et telle­
ment que, entre plusieurs aultres perrolle, dit l’ung d’eux que c’estoit
l’ampereur a. Et ung aultre vint, qui avoit bien beu, tirait son braiquemair et dit que, « par la chair bieu !, il trancheroit la teste à 1 empe­
reur ».
Les home de Flocort rançonnés. — Et, ces perrolles venuee à la congnoissance des dit de Mairange, vinrent ariver, durant ce temps de
maye, à la dite Flocort ; et demendoient une grosse ranson, de cenc
florin d’or, pour cest offance. Toutteffois, à la fin, il compousairent
au dit de Flocort à une douzenne de florins ; et olrent respit de les
paier. Mais, durans ces jours, il s’en vindrent complaindre et doloser
au dit seigneurs de Chaipistre, et principallement à leur maistre, l’acoullaitre d’icelle église. Et lé dit seigneurs en furent devant les Sept de la
guerre. Lesquelx, aprez meure délibéracion et advis sur ce heue, ont
ordonnés au dit bon hommes que, c’il y retournoient plus pour demender celle ranson, et que il fussent plus fort que eulx, qu’il les assomaissent comme pourciaulx, et que de ce faire il avoient lissance de
leur souverains le prévost de Thionville et aultres officier de la duché de
Lucembourg.
Les Marangien prenne plusieurs personne prisonnier.
Item, aussy,
en ung aultre villaige près de Flocourt, desmouroit ung grant josne
guerson, natif, baptisés et nouris d’icellui villaige : mais, pour ce que son
perre estoit venus de France, passés estoient XXX ans, il le mirent à
a. Ms. : amperereur.
1. Accusé, dénoncé.

392

1522. — UNE FEMME TUÉE A METZ PAR UN MAUVAIS GARÇON

ranson, ou, aultfement, lui eussent fait desplaisir. — Et, en ces meisme
jour, prinrent ung bon hommes à Clémery, et le amenairent à Thionville
prisonnier, pour ce seullement qu’il disoient que aultrefois il avoit servis
messire Robert de la Mairche. — Paireillement, à Vignuelle devant Mets,
prinrent ung bon homme, et le voulloient emmenés prisonnier, pour ce
seullement qu’il disoient qu’il avoit aulcuns biens en gairde d’ung siens
parans, lequelle longuement avoit estés a gaige à Mets, puis il se estoit
en allés randre françois, comme il disoient. —■ Et ainssy celle gairnisson
trouvoient journellement quelquez occasion sur aulcuns pour pillottés 1
et lui oster du sien. Et n’y avoit cellui, ne Lorains ne Messains, que à
paine en ousait rien dire, de peur d’en estre en malle graice de l’ampereur, pour ce qu’il ce tenoient nustre 2, et ne se melloient pour l’une des
pertie ne pour l’aultre.
Item, en ces meisme jours, furent apourtée novelle à Mets comment,
par ung vandredi XVIe jour de may, la gairnison d’Yvoixe et plusieurs
aultres Bourguignons furent advertis que les Robertus, tenant la bande
de France, en nombre de L hommes, tant à piedz comme à chevaulx,
tandoient sur les mairchamps de la dite Yvoixe, qui alors retournoient
de Flandre. Par quoy ycelle gairnison vinrent assaillir yceulx lairons et
tandeur de hault chemin entre Verton et Dampviller. Et tellement que,
d’iceulx L hommes, n’en eschappait que quaitre, qui furent mis à
ranson, que tous ne fussent mort et despeschiez.
Une femme tuée par ung mauv[ais] garson. — Aussy, en ces meisme
jour, c’est assavoir le XVIIe du dit moix de may, par ung samedi,
jour saint Ambroise, advint une adventure à Mets. Car, au dit jour, ung
compaignons de Saint Privé la Montaigne, qui estoit famés assés
malvaix guerson, vint en la cité pour vandre ung chevaulx. Et, ainssy
comme il estoit montés sur ycelluy, vint à rancontrer une belle josne
femme, haulte et eslevée, qui demouroit auprès Englemur, et qui n’ait
guerre, avec son marit, estoient venus demourés à Mets. Et voulloit on
dire que celluy gairnement la congnoissoit et avoit hayne à elle : car,
dès qu’il l’aperseust au mairchiés En Chambre, auprès de la maison au
Quaitre Vent, il vint comme de sertains prepos en l’encontre d’elle, et
la boussait 3 ung grant copt de son chevaulx en passant oultre. Et telle­
ment que elle, mal comptante du copt, se couroussait et le destrana 4
des fièvre. Et alors, en disant le mot5, il passait oultre, sans riens dire.
Puis, tout soudains, retournait arrier, et, comme à course de chevaulx,
la boussait derechief, tellement qu’il la fist cheoir à la reverse toutte
estendue. Et, de certaine mallice, mairchait sur elle, en fasson telle
que le fer du piedz vint à férir sur la temple d’icelle josne femme : par

1. Pilloter, piller.
2. Neutre.
3. Pousser (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle, art. boussieu) .
4. Destreiner ; elle lui souhaite (comme étrenne) d’être atteint des lièvres.
5. Comme la femme disait ces mots.

1522.

— MURMURE EN METZ AUX PLAIDS ANNAUX

393

quoy elle morut illec tout subitement, sans jamaix renoncier. Et le
gairnement s’an fuit, sans jamaix retourner.
Embûche el deffaiie sur les Françoys. — Item, assés tost après, aulcuns
seigneurs d’Allemaigne, de devers Très, tenant pour l’ampereur, envoiairent plusieurs collevreniers, jantilz compaignons et gens de guerre,
au maire de Liège. Lesqueulx, avec aulcuns Liégeois, se mirent aux
champs en la conduicte du conte de Rouchefort. Et tellement qu il
furent estimés à environ quaitre mil hommes de fait, tant à chevaulx
comme à piedz. Et, avec yceulx, le dit conte de Roichefort se mist en
chemin, en tirant devers Maisier. Et tellement que, lemaicrediXXIe jour
de mayî vinrent à mettre deux ambûche de deux mil homme en aulcune
raipaille et boucaige devers Maixier. Puis, environ XI ou XII cenc
hommes, des plus mal am point, furent commis et envoiés à escuilhr *1
le bestialz du pays. Alors se levait une grosse alairme : c’est assavoir le
jeudi et le vandredi aprez, XXII et XXIIIe jour du dit moix de may.
Et furent chaissiet yceulx devant dit, qui emmenoient la proie, par
messire Robert de la Marche et ces gens, avec les bons hommes du
païs, jusques oultre le lieu là où estoit l’ambûche.Ettellementqueyceulx
qui emmenoient la proie, qui estoient environ XI ou XII cenc hommes,
comme dit est, virent 2 ainssy venir après eulx, sçaichant l’ambuche
qui estoit mise, se aresturent, et ont tirés leur collevrines et arboullaitre,
et se sont mis en deffance contre les François. Et alors yceulx François,
les voiant, au descouvers qu’il estoient, peu gens pour eulx, et voyant
aussy qu’il avoient tous tirés leur trait, les assaillirent de tous coustes.
Mais incontinant saillirent hors les deux ambûche des deux mil hommes,
et se sont lancier à eulx, en fasson tel que, celluy jour de vandredi,
XXIIIe jour de may, en furent des François que tués que prins, tant à
piedz comme à chevaulx, environ sept cens ; et le reste s’enfuit. Et y
gaingnairent les Rourguignons a environ IIIIXX chevaulx de pris, et
grant multitude de bestiaulx, sans les prisonnier.
Murmure des échevins au annaux plaicl. — Item, en celluy temps,
par ung lundi XIIe jour de may, qui estoit en celle année le jour que l’on
tenoit les aynault plait en Mets, quant on oit sonnés Meute, comme la
coustume est tous les ans de faire à ung telz jour, et que heure vint que
les eschevins du Pallais se vont asseoir on hault Pallas pour recepvoir
les desmoinement, il y oit alors une très grant murmure, à l’ocasion du
seigneur François le Gournaix qui se seoit comme eschevins. Par quoy
les aultres ne se voulaient pas esseoir avec luy, pour ce qu’il ne voulloit
obéyr à la justice ordinaire d’icelle cité et reffusoit ces gaige, corne on
disoit.

a. Ms. : Bourguiguignons.
1. Escueillir, rassembler, ramasser.
2. Suppléer : quand ils les virent.

394

1522.

— PROCÈS DE FRANÇOIS LE GOURNAIX

[CONTINUATION DES PROCÈS DE FRANÇOIS LE GOURNAY ;
ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ].

Ung seigneur de Metz ne veut obéir à la Justice. — Or avés par cy
devent en plusieurs passaige oy, et vous ay bien amplement heu escript
une pertie du desbat esmeu entres les honourable chevaliers seigneur
François le Gournaix, d’une pert, et le seigneur Nicolle Dex, son janre
et son serourge, d’aultre part, et avés oy comment, après ce que le dit
seigneur François avoit estés condampnés d’aulcune santance de
messeigneurs les trèses jurés et du maistre eschevins, il s’en allait pour
ce fait à Brucelle vers nostre sire l’empereur, et mist son corps, ces biens
et toutte la sienne chose entre les mains du dit ampereur, et impétrait
lettre d’estre en sa protection et salvegairde ; et, avec ce, fut fait et
créés, comme le disoient ycelle lettre, cappitaine de Brucelle, avec
grosse pancion annuelle qui lui fut donnée du dit ampereur. Par quoy,
luy retournés, ne voulloit en riens obéyr à l’ordinaire justice de la cité ;
et voulloit huser d’iceulx previlaige de l’empereur, ou de ceulx de la cité,
quant il voulloit.
Des seigneur de Metz devers Vemperreur. —- Pour laquelle chose,
comme je vous ay heu dit devant, furent envoiez en commission pour la
dite cité devers le dit ampereur les seigneurs ycy après nommés, c’est
assavoir le seigneur Jehan le Gournaix, qui devint mallaide à Lucembourgz et retourna, par quoy en son lieu y fut renvoyés le seigneur
Nicolle Roussé ; et le seigneur Régnault le Gournaix le josne, filz au
devant dit seigneur François, et le seigneur Michiel Chaverson y furent
pour leur fait en l’encontre du dit seigneur François. Et ont yceulx
commis rapourtés lettre que nostre sire l’empereur ne son Conseil n’entendoient point aultrement que au dit seigneur François et à tous aultres
ne fût faictes et aministréez bonne et briefve justice sellon les ancienne
coustume et husaige de la dite cité ; mais, néantmoins, il prioit et requéroit que il pleût aux aultres seigneurs ou aultres gens de biens de se
entremeller de les acourder et pacifier ensamble. Laquelle chose, après
ce que plusieurs jours furent passés, l’on n’y poult trouver acord : par
quoy il furent tousjours en procès comme devant.
Gro procez entre deux seigneur de Metz. —- Et tellement que, durans
ces jours, fut dit et santanciés, tant des trèses jurés de la cité comme du
maistre eschevin, que, touchant le fait de plusieurs demande que le
devant dit seigneur Nicolle Dex, chevalier, faisoit au devant dit seigneur
François le Gournaix, son sire, aussy chevalier, tant pour une pancion
annuelle qu’il lui demendoit comme pour aultre chose, que le dit sei­
gneur François, comme deffandant, avoit à faire telz loy que le dit
seigneur Nicolle luy voudrait enjoindre, ou qu’il la print de luy. Pour
laquelle santance à eschevir le dit seigneur François, à la requeste du

1522. —- FRANÇOIS LE GOURNAIX REFUSE DE SE LAISSER GAGER

395

dit seigneur Nicolle, fut comandés devant Claude Houdebrant, et fut
contrains d’eschevir ycelle santance. Mais quant se vint a joindre, et
que chacun voülloit faire son cas bon, le dit seigneur Françoy dit qu’il
estoit contant d’en faire chairge et qu’il y eust gens de biens prins pour
leur différans 1. A quoy le dit seigneur Nicolle respont qu’il en estoit
contant. Et puis, ce dit, demandait au dit seigneur François quelz gens
il voülloit pranre pour sa part ; et il respont qu’il y panceroit. De laquelle
responce ne fut pas comptant le dit seigneur Nicolle : car il voülloit que,
à l’eur présante, il nommait ses gens, ou, si non, qu’il allait avant de la
santance donnée des Trèses et du maistre eschevins. Toutteffois il fut
acordés que chacun escriproit se qu’il se voulloient demender, 1 ung
l’aultre. Mais leur escripture furent trouvée sy très différans qu il n y
avoit hommes qui les sceût apaisantés. Par quoy le huttin fut esmeus
plus que devent. Et jurait le dit seigneur Nicolle que jamaix chairge
n’en feroit Et, de fait, venoit journellement requérir au devant dit
Claude Houdebrant que la santance du maistre eschevin eust son lieu,
et que le dit seigneur François fût contrains de l’eschevir. Lequelle
différait, et disoit que, sur les promesse qu’il avoient faicte ensamble d en
chairgier gens, il n’avoit à acomplir celle santance. Et, de fait, requist
au dit Claude d’en estre mis devant ces compamgnons Trèses. Et le dit
seigneur Nicolle disoit qu’il n’y avoit à estre. Toutteffois, jay ce qu’il ne
fût point autrement commendé, le dit seigneur François clamait sur
luy à la premier antrée, et dit qu’il avoit à aller avent de celle chairge.
Et sur ce le dit seigneur Nicolle dit qu’il n’estoit point comandés ;
et 'néanmoins il respondit et dit qu’il ne l’avoit mye ainssy à faire.
Par quoy fut dit des seigneur Trèses que, se le dit seigneur Nicolle
voülloit faire sermans qu’il n’eust estés comptent que chairge en fut
faite, le sairment fait, le dit seigneur François avoit a aller avant de la
santance du seigneur maistre eschevin, ou, sinon, le dit seigneur Nicolle
avoit à aller avent de celle chairge. De laquelle santance se santant
foullés, en ait le dit seigneur Nicolle rappellés au seigneur maistre
eschevins.
Unq seiqneur de Metz ne se veult laissier gager. — Et, se tamps durant,
je ne sçay à quel occasion, le devent dit seigneur Nicolle obtint lisance
de envoier gaigier le dit seigneur François, son sire. Et, pour ce que 1 on
voülloit dire que par plusieurs fois il avoit heu refïuses ces gaiges, par
ung jour de salmedi XXIIIIe jour de maye, furent envoies neuf ou dix
sergens, tout à une fois, en l’hostel du dit seigneur François, pour avoir
et pranre tant de gaige comme il en pouroient pourter, pour la déso­
béissance qu’il faisoit à Justice. Lesqueulx sergent sont retournes sans
rien faire, car le dit seigneur François les menaissait comme il disoient :
par qU0; il n’avoient oisés antrer. Et, avec ce le dit seigneur fist
appeller aulcuns woisin pour estre tesmomg de la chose ; devant les­
queulx il fist lire sa lettre de previllaige, et fist planter, et lui mesme,
1 Au moment d’exposer devant la justice les deux thèses, François le Gournaix
accepte de remettre l’affaire entre les mains d arbitres.

396

1522. — FRANÇOIS LE

gournaix accepte de se laisser gager

avec sa femme, plantairent les airme de nostre sire l’ampereur, paincte
en papier, en plusieurs lieux devant sa maison et dedans ycelle. De
quoy plusieurs gens murmuroient, et en estoient très esbahis.
Le deuandid seigneur se laisse gager et en prenl actte. — Item, pour ces
chose ainssy faicte, le lundi ensuiant XXVIe jour du dit moix de may,
furent arrier on non de Justice renvoiez plusieurs sergens en l’hostel
du dit seigneur Françoy pour gaigier. Entre lesqueulx ° y estoit maistre
Dediet, alors maistre sergens des Trèses, qui dit au dit seigneur Françoy
qu’il ne luy despleût c’il le gaigeoit, car il luy estoit ordonnés, sur corps
et sur biens, de le gaigier. « Et pour ce », dit il, « vous me poués bien oster
la vie, c’il vous plaît, mais du moins les biens demoureront à ma femme ».
Or estoit il ordonnés que, se le dit seigneur Fransoy ne se laissoit gaigier
par amour, l’on y envoieroit les collevreniez et soldoieur de la ville, qui
le gaigeroient par force (dont il en fût venus du mal). Mais, toutteffois,
il se laissait gaigier à celle fois. Et ne fîst riens au sairgent, sinon que,
alors qu’il les vit, il fîst encor appeller sept ou huit de ses voisin, et,
devent yceulx, fîst de rechief lire sa lettre de previlaige et de sa pancion
(et se disoit en celle lettre qu il estoit cappitaine de Brucelle pour l’em­
pereur). Et, alors, le dit seigneur Françoy print en tesmoing tous yceulx
voisin par instrument de noctaire, et fîst mettre en escript leur nons et
sournons, disant qu il eussent mémoire, en temps et lieu, comment à
force et malgré luy l’on le gaigeoit, en luy rompant son previlaige.
Mais, nonobstant touttes ses choses, ne quoy qu’il sceût dire ne aléguer,
il fut gaigiés : et lui fut prins en son chief d’hostel ung groz tuppin
de cuyvre. Et, en le prenant, pour ce qu’il les avoient tous à certains
prepos i pandus hault, le dit tuppin cheust, et oit ung piedz rompus.
Item, assés tost après, furent les pertie commendée a maistre eschevin
pour déterminer la plainte devant dicte, que le dit seigneur Nicolle
avoit faict dessus le jugement des Trèses. Et, aprez ce que l’on oit oys
les pertie, il fut dit et pourté fuer, du maistre eschevin et de son Conseil,
pour ce que nulz sairgent ne tesmoignoit qu’il eussent commandés le
dit seigneur Nicolle pour le fait de l’aussaisoire 2 de se mettre en arbi­
trage, et dont desbat estoit entre les pertie, comme dit est devant,
le dit seigneur Nicolle en avoit bien à demourer en paix, sinon que, se le
dit seigneur Françoy se voulloit aydier de celle chairge, et il y voulloit
contraindre le dit seigneur Nicolle, il le devoit faire comander comme
devent, et faire tesmoignier le commendement, se partie le requéroit.
La disposicion du prinstemps de cest année fut d’une merveilleuse
sorte. Car, comme j’ay dit devant, il fîst le plus biaulx et le plus chault
mois de mars, et aussy fist il en apvril, que jamaix je vis faire. Et encor
fîst il biaulx et chault trois ou quaitre jour de maye. Mais, puistantost
a. Ms. : lesquelux.
1. A dessein, exprès.
2. Accessoire. Le fait de remettre l’affaire à des arbitres est un fait secondaire,
accessoire à l’action principale.

1522, 23 MAI. — VIGNES GELÉES AU PAYS DE METZ

397

après, le temps se chaingeait et se couvertit en grant froidure ; telle­
ment que, de tout le moix de may, il ne fist chailleur que environ IX ou
dix jours.
Vigne engeüée. — Et, de fait, ung vandredi, XXIIIe jour du dit
moix de may, le samedi et le dimenche après, il gellait trefïort. De
laquelle gellée furent oultre la ripvier de Saille plusieurs vignes engellée,
et paireillement au loing de Meselle ; et les aultres olrent granment à
souffrir : car il faisoit journellement sy grant froidure qu’il couvenoit
maingier aux feux, et se couvrir de nuyt comme au cuer d’yver. Et
durait celle froidure jusques près de la mitté du moix de jung : par quoy
les povre gens estoient bien estonnés, et pansoient que tout deust estre
fondus x. Et, à celle ocasion, journellement se faisoient diverse, poursacion 12, tant en la cité comme dehors. Mais le vray Dieu piteux et miséricordieulx y mist sa graice ; et se ramendait le temps, et fist grant chail­
leur à la fleur dez roisin et dez fromment. Ce nonobstant, toutte chose
fut plus tardive que l’on ne pansoit ; mais il y oit tant de serise, de prune
et de poire que de loing temps n’en y oit à sy grant plantés.
La garnison de Monfaucon prent le moilriel de Grévellale prisonier. —
Item, en cellui temps, se faisoient encor journellement diverse roberie,
pillerie et lairsin, tant des Bourguignons que des François. Et tellement
qu’il n’y avoit homme que seurement osait aller ne venir par le païs,
de peur d’estre rancontrés. Et, qu’il soit vray, avint que en celle année,
par ung dimenche, du mattin, premier jour de jung et jour de la feste
en Vaulx, vinrent six gairnement malvaix gairson de la gairnison de
Monfalcon (entre lesquelle en y avoit ung, nacionés de la ville deChaistel
Saint Germains, que puis peu de temps, après ce qu’il avoit despandus
tout le siens, et que l’on ne luy voulloit plus riens croire ne prester ne à
Mets ne dehors, estoit allés soy tenir à cellui chaisteaulx de Monfalcon,
et estoit guides d’yceulx lairons). Or avint que, à se jour de dymanche,
yceulx six gairnement devent dit vinrent du mattin ariver à Gravellatte,
qui est de la seigneurie de messire Nicolle de Heu, chevalier, citains de
Mets et seigneur d’Ainerey. Et là ont prins et à force détenus et emme­
nés le moitriez de la dite Gravellatte, nommés Jehan, de Hénault, lequelle estoit réputés ung très homme de biens, sellon sa faculté et vocacion. Et avec luy ont encor heu prins six ou sept des milleur chevaulx
qu’il eust, avec tous les biens meubles et aultre baigue portatif qu’il ont
peu chairgier. Cella venus à congnoissance, se mutinairent par tout le
païs, et se assamblairent aulcuns de là entour, c’est assavoir les deux
filz et le genre du dit moitriez ; et avec eulx vint ung compaignons de
Rousérieulle, assés ansiens, nommés Perrin Fumier, duquelle il firent
leur cappitaine ; et VIII aultre compaignons de la meisme Gravallatte,
gens d’aventure, lesquelle n’ait guerre estoient venus demourés en se
lieu. Et furent douze en tout, lesqueulx, de bon couraige, coururent
après de lieu en aultres. Et tellement qu’il leur fut dit et enseigniés
1. Abîmé, gâté.

2. Processions.

398

1522.

— PILLARDS POURSUIVIS ET TUÉS

le chemin par où il s’en ailloient. Et, pour ce qu’il estoient en aultre
seigneurie, comme en la duché de Bar,craindant qu’il ne fussent arestez,
et aussy craindant que, se l’on sçavoit qu’il fussent après pour leur mal
faire, que l’on ne leur vouscist enseignier, il prinrent l’ung d’entre eulx,
et ly ont loiez les bras par le mey lieu derrier le dos, et, faindant qu’il
fussent françois et que cellui fût ung prisonnier bourguignon qu’il
eussent prins, demendoient au paysant par où s’en ailloient leur compaignons, qui emmenoient l’aultre prisonnier avec les chevaulx. Et, par
cest manier, leur fut dit et enseigniés, sans crainte nulle.
Les dit pitlar tuez, et le prisonier recoux avec le butin. — Et tellement
les ont poursuis qu’il furent trouvés au dellà de la ripvier de Meuse,
entre Verdum et Sainct Miel, en ung villaige nommés Thilley, qui est
distant de Mets à XII lue. Et là furent trouvés les gallans qui repousoient et dormoient tout à leur ayse, pour ce qu’il pansoient estre
bien essurés en ce lieu : car auparavant il avoient fort travailliés, et
n’avoient guerre dormis. Alors ont trouvés les dit de Gravellatte ung
homme d’icelle ville, allant au champs, qui à force leur enseignait le lieu
et au vray où il estoient habergiez ; et estoit environ une heure devant
le jour. Cy vinrent les dits de Gravellatte acouster à la fenestre. Et, après
plusieurs choses faictes et dicte, que je laisse, les ont tellement assaillis
que, des six lairons, en y oit quaitre des tués mort en la plaice, et les
deux aultres se salvairent par l’uis derrier, et le gaignairent à s’en fouyr.
Et entre yceulx mors fut tués cellui de Chaistel qui estoit cause de tous
ces malz : car il les guidoit et menoit, pour ce qu’il congnoissoit les gens
et le païs. Et, pour plus grant sertificacion de leur fait, il ont ramenés le
prisonnier, avec les chevaulx qu’il avoient emmenés. Et, encor daventaiges, rapourtairent les baiton d’yceulx lairons, picque, collevrigne,
hallebairde et espée, avec leur gibecier, robbe, corroie et aultres baigue.
Et en grant honneur sont retournés arrier ; et leur fut donnés du sei­
gneur Nicolle de Heu, leur maistre et seigneur, une douzenne de florin
de Mets.
Item, en se meisme jour, premier de jung, vint et arivait en Mets ung
grant seigneur de Sçavoie ; à qui la cité fist présant de plusieurs flascon
de vin. — Et, en ces meisme jour, passait assés près de Mets le conte de
Genèvre, qui s’en alloit vers l’ampereur.
Plussieur seigneur en Metz. — Aussy, en celle semaigne, vinrent en
Mets plusieurs noctauble chevaliers et escuiers, lesquelles estoient prins
et avoient la chairge de espaisanter le seigneurs François le Gournaix,
chevalier, avec ses anffans (non pas avec le seigneur Nicolle Dex, qui
estoit une karelle et ung procès à pert). Et tout premièrement, pour se
fait, estoient venus messire Phelippe de Noeroy, messire Anthonne de
Port sur Saille, son frère, maistre Nicolle de Nauve, conseillier de l’em­
pereur, lequelle estoit l’ung de ces principal gouverneur, et recepvoir en
la duché de Lucembourgz, et avec luy vint le greffier de la dicte Lucembourgz, et’ plusieurs aultres ; auquelle la cité fist aulcuns présant.
Et tellement que, en la premier semaigne du dit moix de jung, les devant
dit seigneurs, avec monsseigneur Andrieu d[e] Rineck, chevalier, et le

1522. —

ACCORD ENTRE FRANÇOIS LE GOURNAIX ET SES ENFANTS

399

seigneur Jehan le Gournaix, l’eschevin, et avec plusieurs coustumiers
et gens entendus de la cité, par plusieurs journée se entremirent de
apaisanter le discort devant dit, qui estoit entre le devant dit honnorable chevalier messire Françoys le Gournaix, d’une pert, et les sei­
gneurs Thiébault, seigneur Régnault et leurs consors, anffans au dit
seigneur François, d’aultre pert.
Accort entre le perre et les enffans. — En tel manier que, après plusieurs
journée pour ce fait tenue, fut l’apointement fait entre les partie.
Lequelle fut telle que, de tous les biens, cens et héretaiges, haulteurs et
seigneurie, rantes et revenue, terre de fiedz, trefïons et gaigiers, qui leur
estoit venus et escheus de part damme Pairette, leur merre, et aultres
leur ancestre, et que le dit seigneur François tenoit à force et polcédoit
contre leur voulluntés, tant de la maison où luy meisme demouroit
comme aultrement, devoit le dit seigneur François lever la mains de la
mitté de tout ce devant dit ; et en dévoient les dit anffans dès tantost
estre saisans 1 et tenans, et en faire partaige entre eulx. Et le dit sei­
gneur François, par cestuy présant acord, devoit tenir l’aultre mitté sa
vie durans ; et, après son décept, devoit encor celle mitté retourner
au dit ces premiers anffans, qu’il avoit heu de la dicte damme Pairette,
pour en faire leur proffit comme devent, sans ce que leur aultres frère
et suer, qui estoient puis venus d’aultres merre, y praingnent riens, ne
n’y doient avoir part ne parson, corne le dit seigneur François le voulloit
et c’y estoit acourdés. Et parmi ce encor que le dit seigneur François
doit dès maintenant demourer quicte et en paix de toutte les levée,
tant de bledz, de vin, comme d’argent, qu’il avoit fait du passés dessus
les dit héretaiges, cens et revenue, comme les dit ces anffans demendoient en leur clamouse 2 ; et, perreillement, les dit anffans demouroient quictes et en paix des demandes que le dit seigneur François leur
faisoit touchant de la réfection qu’il disoit avoir nécessairement fait en
la dite maison et aultre part. Et ainssy fut cest acort fait et crantés.
Maix cellui du seigneur Nicolle Dex démolirait encor en sorcéance.

[INVASION DES TURCS EN HONGRIE ;
GRANDE PROCESSION FAITE DANS METZ A CETTE OCCASION].

Les Turc en Hongrie. — En ces meisme jours avindrent et furent
encor fait plusieurs aultre besoingnes. Entre lesquelle, pour ce que,
en l’an mil sincq cens et XXI, et à l’acommencement de cest présante
année mil sincq cens et XXII, les Turc, infidelle et annemis de nostre
saincte Foy catholicque, firent (et font encor de présant) tous les jour
1. Participe présent irrégulier du verbe saisir, qui signifie « mettre en possession de
quelque chose » ? C’est plutôt une inadvertance de Philippe pour saisis, qui est le
terme ordinaire.
2. Plainte, réclamation (ancien français clameur, clamoison).

1522, 11

400

juin.

GRANDE PROCESSSION A METZ

grans persécutions et de grande destructions dessus les crestiens és
partie de Honguerie, en Prusse et là entours, en diverse partie et
royaulme ; et n’y pouoit on mettre remède, car il estoient bien advertis
et dehutement informés que les crestiens estoient sy triboullés et innimés par guerre les ung contre les aultres, à l’ocausion de quoy il1
estoient sy très ampeschiez que facillement et à leur ayse il 2 pouoient
venir à grant puissance bien avent vers celle partie en crestientés.
Comme il firent ; car avec grant puissance sont dessandus au dit païs
de Honguerie, et y ont fait du mal inrécupérable et sans nombre, en
destruisant église, ville et cité, et en tuant le peuple, en viollant et
efforsant josne femme et vierge sacrée, et en perpétrant et comettant
d’auître mal ung million. Et voulloit on dire que les Vénissiens, qui
alors tenoient le partit de France, comme dit est devent, à la requeste du
roy avoient donnés port et passaige au dit Turcz pour et afïin qu’il
vinsent sur le pays du dit ampereur et de son frère Fernandus, roy de
Honguerie, comme il firent.
Maulx comis par les Turc. — Et, entre les aultres ville et cité, fut par
eulx prinse et misérablement destruictes la cité de Criste Wissambourgz (qui est à dire Blan Chasteau la Creslienne) 3. En laquelle les
chiens inhumains et maitins ont heu commis tous les maulx ycy devent
dit, et daventaige : car, aprez qu’il heurent fait du peuple tout à leur
voulluntés, il ont destruit les église, et en ont fait estauble aux chevaulx,
puis ont prins les ymaige, crucifîs et chose sacrée, et en despit de Jhésus
il ont traynés, prophanés, et en ont fait leur dérision et mocquerie.
Par quoy, pour ces chose et plusieurs aultres, seigneurs Audrians,
alleu 4 pape de Romme, et Chairles, sincquiesme roy en Espaigne, et
alors esleu ampereurs, par bon conseil et advis, et pour apaisantés l’ire
de Dieu, firent ordonner une généralle processions par tous les païs de
l’empire. Et tellement que, en celle année, au moix de may, il envoiait
ses lettre et mendement par touttes les cité du Saint Ampire, datté du
XXVIIIe de mars : auquelle estoit contenus le jour et heure qu’il
voulloient que celle procession fût faictes. Et, avec ce, prioient et faisoient amonéter le peuple que chacuns et chescunes woulcissent pré­
parer leur conciance et se mettre en bon estât, affm que le doulx Jhésus
prînt leur prières en grés et woulcist essaulcer leur requestes.
Procession en Metz. — Et alors, après ce que messeigneurs du Conseil
de la cité de Mets olrent ressus celluy mandemant, le dimanche premier
jour de jung, le firent annoncer, par touttes les paroiche d’ycelle cité,
pour le mécredi XIe jour du dit moix de jung, jour de la saint Barnabe
et dernier feste de Panthecouste. Laquelle procession, de l’ordonnance
de Nostre Sainct Perre le Pape et du devent dit ampereur, fut ordonnée
de la faire à se jour, pour plusieurs raisons. Et, daventaige, fut comen-

1.
2.
3.
4.

Les chrétiens.
Les Turcs. — La phrase est informe.
Stuhlweissenburg, ou Szekes-Fehervar, Hongrie ?
Élu.

1522, 11 JUIN. — GRANDE PROCESSION A METZ

401

dés, on non de messeigneurs du Conseil de la cité de Mets, que, à cellui
jour, il y eust de chacun mesnaige ung des chief d’hostel, sus X sols
d’amende. Item, fut encor commendés, sus la dite amende, que l’on y
allait en grant révérance et dévocion, sans cacqueter ne langaigier ; et
que chacun se thinsent en belle ordonnance, c’est assavoir que nulle
femme ne fille, tant fût grant damme, ne se avansait de mairchier
avent que les hommes, ne de se mettre entre deux. Et fut encor
annoncés que, à celle honnourauble procession, y seroit pourtés le vray
corps de Jhésu Crist, comme le jour de la Feste Dieu : par quoy l’on
faisoit prier et amonétés à tous dévot crestiens et crestiennes, et à tous
ceulx qui aroient puissance, qu’il voulcissent faire l’onneur au benoy
Sacrement de torche, de pillés de cire, ou de sierge, ou aultre luminaire,
chacun cellon sa puissance et dévocions. Item, fut encor comendés que
l’on préparait les rue, chacun endroit soy, par où passeroit celle honourauble procession. Et ainssy en fut faicte, au mieulx et au plus richement
que jamaix je vis, tant de riche draps, d’ymaige, comme de maye et de
tapisserie ; et faisoit chacun du mieulx qu’il sçavoit, et de grant couraige. Car celle procession fut encor derechief annoncées le jour de
Panthecouste par touttes les paroiche de la cité. Item, fut encor ordon­
nés à tous les colliège, c’est assavoir Sainct Salvour, Sainct Thiébault,
et tous les abbé et moine de sainct Benoy, à tous Mendians, et meismement « les Frères de l’Observance, à tous les curés, tant de Mets comme
des bourgz, et à tous aultre religieulx, saulve et réservés les Célestin,
que, ung chacun endroy soy en son église, feissent chanter ou chantaissent une messe du Sainct Esperit, du matin, premier que partir.
Et que, après celle haulte messe en grant dévocion chantée et célébrée,
chacune des dictes religion, chainoigne et moyne, se trouvaissent
tous, révéranment revêtus de leur chappe, avec crois et yaue bénitte,
et avec leur luminaire, fiertés et relicque, en la Grant Église, environ
les sept heure du mattin. Et paireillement tous les curés et chaippellains,
acompaigniés de leur pairoichiens et paroichiennes, avec sierge et lumi­
naire, corne dit est devant. Item, pour ce que les Frères Célestin, ne les
Dammes de Saincte Glossine, Saincte Marie ne Sainct Pier n y venoient
pas, il leur fut ordonnés de faire et préparer, chacune endroy soy, ung
biaulx taubernaicle et ung riche autel : c’est assavoir, les Célestin, au
Serisiés, les Dammes de Saincte Glossine, au dedans de la pourte Cham­
penoise, et ainssy chacune des aultre endroy son église.
Et, le jour venus et à heure dicte et ordonnée, se trouvait touttes celle
congrégacion à la Grant Église : c’est assavoir tous yceulx colliège
religieulx, de l’ordre sainct Benoy, avec ceulx de Sainct Mertin devant
Mets, les Mandians, ceulx de Sainct Éloy devant Mets, avec la Vraye
Crois, la Trinités, et tous curés, chappellains et aultres, lesqueulx
estoient tous moult richement revêtus de chappe, de tunicque et aultre
riche et somtueulx abis éclésiastiquez. Et n’y avoit cellui qui n eust
et pourtait aulcuns relicquiaire, ou aulcuns sierge alumés, en la mains.
a. Ms. : meisment.

402

1522, 11 JUIN. — GRANDE PROCESSION A METZ

Et tellement que ce fut une chose merveilleuse, quant tous fut venus
ensamble, de veoir une telle multitude de prebstre, et une sy grant
richesse. Ne jamaix la paireille n’avoit estés veue ne faicte en Mets : car
tous relicquiaire et aultres digne et précieulx juaulx, avec les fiertés,
furent à cest heure tous moustrés ensemble ; et se pansoient les aulcuns
que en dix cité n’en y eust pas atant. Avec ce, il y avoit sy très tant de
peuple, femmez et hommes, tant de ceulx de la cité comme de dehors,
qui estoient venus pour veoir la triumphe, que c’estoit chose merveil­
leuse. Et tellement estoient les gens pressé que l’on ne se pouoit tourner
ne remuer en la Grant Église. Et y avoit aulcuns seigneurs et mambre de
justice, ad ce ordonnés et commis, qui prenoient une merveilleuse
paigne de mettre chacun en bon ordre premier que on sortît d’icelle
église : car alors y avoit sy très grant foulle, comme dit est, qu’il avoient
grant paine d’en venir à bout. Et, avec ce, y avoit sy très tant de lumi­
naire, tant en torche et en pillés de cire comme en sierge, qui estoient
bien parés et acoustrés des armes ou devise de ceulx à qui il estoient,
qu il sambloit que tous fût en feux et en fiâmes. Puis les grosse cloiche
sonnoient, les orgues juoient et les prebstre chantoient, et menoient
ung sy grant bruit qu’il sambloit que le ciel et la terre tramblait. Et n’y
avoit alors sy dur cuer que, de pitiet, se sceût tenir de plorer.
De l'ordonnance qui fut tenue à celle procession, et la manier comment
elle fui conduitte.

Premier, debvés sçavoir que, le jour devent, se firent de grant préparacion pour l’onnour de Dieu et pour plus décorer celle noble procession.
Entre lesquelle les seigneurs et recteurs du biens publicques et du
Conseille de la cité firent faire par les commis ad ce ordonnés ungbiaulx
taubairnaicle de mariens on Champs Baipaigne, sur le hault, tout devant
et en l’endroit de la tour Commouffle. Lequelle taubairnaicle fut biens
parés et richement acoustrés de may et de riche tapisserie ; et y fut fait
ung bel autel, avec ymaige et crucifîs, pour repousés le vray corps de
Jhésu Crist.

Or vous veult donner à antendre quel temps il fist la nuyt. Vous
debvés sçavoir que le temps se embroilla tellement de pluye, de vent et
de tonnoire qu’il sambloit que tout deust fondre, et sambloit que tous
les dyable fussent en l’air sortis d’anlïer pour détourner que celle pro­
cession ne se fîst. Et tellement que celluy vent, qui vint soubdains et
impétueusement, fist plusieurs dopmaige par la cité. Entre lesqueulx
il abatit cellui taubairnaicle, desrompit la tappisserie, et ruait tout és
foussés de la ville ; et furent ceulx qui le gairdoient en tel crainte qu’il
ne pansoient jamaix mieulx morir. Toutteffois, la graice à Dieu, le
temps se reffit ; et fut très bien dispousés du mattin, tellement que
tous chacun en estoit réjoys : car il sambloit que jamaix n’eust pleus.
Par quoy fut racoustrés cellui autel mieulx et plus richement que
devant. Et, le jour venus, la plus part du puple fut confès et repantans
de leur péchiez. Et se trouvait chacuns à l’heure dictes a Grant Mous-

1522, 11 JUIN. — GRANDE PROCESSION A METZ

403

tiet. Et alors, après que touttes choses furent mise en bonne ordre, se
pairtirent tous premièrement hors d’icelle église L josne clerc ou mairlier, tous revêtus, ou la plus part, de chaippe, d’aube ou aultre abis
d’Église, tenant bonne ordre, deux à deux ; et pourtoient chacun une
tourche ou ung pillés de cire, bien fait et richement parés et acoustrés
de fleur et aultrez jollivetés. Entre lesqueulx il en y avoit six, qui maircheoient tous devant, qui estaient airmoiés a des armes l’ampereur :
dont il en y avoit deux blan et noir, et les aultres quaitre estaient paint
jalne et blan. Puis, après yceulx, mairchoient et furent mis en telle et
samblables ordonnances XXXVIII aultre josne clerc, tous revêtus de
tunicque et d’aube, qui pourtoient chacun une crois, avec le confannon ;
desquelle la plus part estaient d’airgent. Item, après mairchoient
innumérable multitude de josne clerc d’escolle et aultres, tous vestus
de sourpellis. Et, après celle multitude d anfïans, furent mis et mair­
choient les moines de Sainct Elloy devant Mets, avec le précieulx et
digne juaulx de la Vraye Crois j et avec eulx estaient et furent acompaigniés de tous les Frères de la Trinitez, et, en belle ordonnances,
estaient revêtus de leur chappe, pourtant reliquiaire et sierge en leur
mains. Item, après mairchoient tous les Mandians ; et, premiers, les
Frères de l’Observance saint François, scituées en Grant Mèse, en
nombre de XLV ; puis, aprez, estaient les frères Cordelliers , et, après
yceulx, les Jaicoppins, environ en nombre de XLVII Frère ; item, les
Carmes aboient après ; et les derniers estaient les Augustins. Lesquelles
Ordrez et religieulx, tous ensamble, faisoit moult biaulx veoir. Et
tenoient ung grant trayn ; car, devant chacune des dite Ordre Mendians, y estoit pourtée une crois d’airgent et deux pillés de cire , et
estoient tous yceulx religieulx revetus moult richement, avec chappe et
tunicque, pourtans sierge de cire ou relicquiaire en leur mains. Item,
après yceulx venoient les noir moyne de l’ordre sainct Benoy. Et, tous
premiers, mairchoient ceulx de Sainct Clémens, premiers apostolle et
évesque de la cité, acoustés i et revetus de riche chappe et tunicque,
avec leur fierte, acompàignées de deux riche crois et de deux pillés de
cire, avec ansancier d’argent. Et après yceulx, 1 on fist mairchier la
fierte du glorieulx martir amis de Dieu sainct Sébaistiens, avec aulcuns
des paroichiens, acompaigniés de deux pillés de cire et de deux crois.
Puis, aprez, estoit pourtés le chief sainct Biaise de Sainct Hillaire du
pont Rémon, avec aulcuns dé paroichiens, acompaigniez de deux pillés
de cire et de deux crois d’airgent. Puis, après, mairchoient ceulx qui
pourtoient la fierte sainct Simphoriens, avec tous les religieulx d icelle
abbaye, honnestement revestus en chappe ou tunicque, pourtans sierge
de cire, luminaire ou aultre relicque en leur mains, acompaigniez de
deux crois d’argent et de quaitre pillés de cire. Item, après venoit la
fierte de sainct Arnoult, avec tous les religieulx du dit lieu, tous en telle
et samblable ordonnance que Sainct Simphorienz. Après venoit la fierte
a. Ms. : armomoiés.
1. Accoutrés.

404

1522, 11

juin.

GRANDE PROCESSION A METZ

saint Mertin devent Mets, en perreille ordre que Sainct Simphoriens.
Puis, après, mairchoient ceulx de Sainct Vincent, avec leur fîerte,
tous en telz ordre que les aultres, et tous ainssy revêtus, avec crois
d’argent, pillés de cire, sierge, relicquiaire et ensancier d’airgens. Et
estoient yceulx noir moine environ cenc et X, allans tous deux à deux
et en belle ordonnance. Puis, après, mairchoient six homes pourtans
chacuns ung groz sierge bénit, de aulcune pairoiche. Et, après lez six
hommes, fut pourtés le chief du glorieulx martir sainct Levier, anffans
de Mets, et estrais de noble lignié, avec la grosse fîerte d’argent, acompaigniés de deux croix et de deux pillés de cire, avec aulcuns paroichiens pourtans scierge ou aultre luminaire en leur mains. Puis, en
après, venoient tous les prebstre de l’Ospital Sainct Nicollas on Nueuf
Bourgz, avec leur groz relicquiaire, acompaigniés de deux croix d’argens
et de deux groz pillés de cire.
Item, aprez alloient XVIII guerson, tous revestus de tunicque,
chacun portans ung pillés de cire en la mains, biens acoustrés et somtueusement mis à point de fleur de romarin et viollette. Après mair­
choient tous les prebstre des paroiche et des messe Nottre Dammes que
journellement se chante en la cité, tous revêtus comme dit est dessus,
avec relicques et juaulx d’or et d’argens, et avec sierge en leur mains.
Et, tous premiers, mairchoient ceulx de la paroiche Sainct Eukaire,
avec six pillés de cire. Item, ceulx de Sainct Victour venoient après, en
toutte telz ordre, fore quez il n’avoient point de pillé. Puis, après, mair­
choient ceulx de Sainct Suplice, avec huit groz pillés de cire armoiés des
arme l’empereur d’ung cousté, et de la cité de l’aultre ; et estoient ycelle
torche et pillés paint moult jantillement, et de diverse coulleur. Aprez
alloient ceulx de Sainct Mammin, avec six pillé de cire, en telle ordre,
avec les chappellain, comme dessus. Item, ceulx de Saincte Ségoullenne
alloient après, avec deux pillés, comme dessus. Puis, aprez, alloit Sainct
Fairyolle. Et, après, Sainct Mertin. Item, après, alloient ceulx de
Sainct Jaicque, avec IX chaippellains et huit pillés de cire. Après,
Sainct Gigoulx, acompaigniés de deux pillés. Puis, après Sainct Gigoult,
alloit Sainct Marcel, acompaigniés de six pillés. Ceulx de Sainct Girgonne mairchoient après, sans pillés. Item, après mairchoient ceulx de
Sainct Vyta, acompaigniés de quaitre pillés. Et, après ceulx ycy,
mairchoient ceulx de Sainct Jehan, de Sainct Madair et de Sainct
George, chacuns acompaigniés de deux pillés. Puis, après, pour la
dairnier des pairoiche, mairchoient ceulx de Saincte Croix, avec deux
pillés ; et pourtoit le curé d’icelle paroiche la Vraye Crois, qui est encercelléez en or et en argent, grosse, haulte et pesante ; et estoit cellui curé
bien richement revêtus en riche chappe, et bien révéranment et honnorablement la pourtoit : car il est homme grant et puissant, et grant clerc,
et luy sceoit très bien à la pourter.
Après, estoient pourtés deux biaulx pillés de cire, c’est assavoir deux
groz tourtis 1 de diverse coulleur de cire, lesqueulx estoient mis et essis
1, Tortis, torche, flambeau.

1522, 11 JUIN. — GRANDE PROCESSION A METZ

405

sur deux biaulx jollis baiton ouvrés de menuserie ; et estoient ceulx
ycy apparthenant au chairpantier et menusier de la comfrairie Sainct
Josept. Item, après, venoient environ L petit clerc, avec sourpellis
vestus. Puis, après, estoient encor pourtés deux groz scierge bénit, par
deux compaignons revêtus en tunicque. Item, après ceulx ycy, alloient
deux biaulx josne guerson vestus de sorpellis ; et estoient acoustrés
comme ange, avec leur faisse painte vermeille, et grosse faintes pairucque en la teste ; et, au lieux des elles d’ange, il avoient chacun deux
grande elles d’aigle, et d’ung propre aigle, comme c’il voulcissent vouller;
et pourtoient yceulx deux josne guerson deux merveilleusement biaulx
pillés, avec tortis de diverse colleur de cire, hault et eslevés plus que
tous les aultres, et moult richement painct et acoustrés, avec les airme
de l’amperour pandant tout atour en belle tairgette 1 2de blan fer . et
estoient yceulx pillés et appertenoient aux paintre et aulx vairnier de
la Grant Église. Puis, après, estoient pourtée deux riche crois, par
II chainoigne richement vestus, avec deux caffanon 3, de meisme apartenant à la Grant Église. Après lesquelles mairchoient tous les chappellains des trois colliège, c’est assavoir la Grande Église, Sainct Salvour
et Sainct Thiébault, tous revêtus en chappe ou en tunicque, les ung
portant livre de chanterie, les aultres aulcuns relicque, et les aultres
pourtoient scierge de cire et luminaire. Item, après venoient et mair­
choient en belle ordonnance tous les chainoigne des dit trois colliège, et
aultres. Et, premier, ceulx de Sainct Thiébault ; après alloient ceulx
de Sainct Salvour ; et puis, tout au dernier, mairchoient ceulx de la
Grant Église : tous moult richement revêtus, et chacun ung gros scierge
en la mains, le manre d’une livre, aulcuns estoient de deux livre, ou de
trois. Entre lesqueulx en estoient aulcuns qui pourtoient de moult
riche et somptueulx relkquiaire et digne juaulx. Puis, après, estoient
pourté douze pillés de cire par douze anffans revêtus de sorpellis : qui
estoit la mitté des XXIIII pillés que la cité avoit fait faire, armoiez
des airme de la dite cité, avec chacun ung escus pandant de blan fer,
painct blan et noir, qui estoit une belle chose à veoir. Item, après les
dit pillés, mairchoient trois chainoigne de la Grant Église, moult riche­
ment vestus de tunicquez, lesqueulx portoient les trois grosse croix
d’or d’icelle église, qui sont touttes aournée et gairnie de riche piererie,
et sont tant riche que à paine les sçairoit on estimer. Après ycelle crois
mairchoient deux des plus grans en dignités d’icelle église, lesqueulx
estoient vestus de moult riche chaippe de fin brocait, battue en fin or
qui pourtoient le chief du glorieulx amis de Dieu monsseigneur sainct
Estienne, prothomartir, paltron, protecteur et conservateur de la noble
cité de Mets. Puis, après, mairchoient encor quaitre des principal cl ainoigne de la Grant Église, moult richement vestus et acoustré de riche
chappe de drapz d’or. Après lesquelle alloient encor quaitre des plus
1. Targette, petite targe, petit bouclier.
2. Verrinier, peintre verrier.
3. Gonfanon, bannière.

406

1522, 11

juin.

GRANDE PROCESSION A METZ

grans en dignitez, vestus de riche tunicque d’or : entre lesquelle estoit
le grant doiens et le viez sceelleur, revêtus des plus riche tunicque, dont
l’ung pourtoit la Vraye Crois de la Grant Église, qui est ung moult digne
juaulx, et moult richement aornés d’or et de pier précieuse, et l’aultre
pourtoit le bras sainct Estienne, que perreillement est moult richement
enchaircellés *1 ; et, les deux aultres, l’ung pourtoit ung riche ymaige
d’airgent doré d’or 2 de sainct Estienne, et l’aultre ung aultre ymaige
de sainct Pol. Item, après yceulx, mairchoit le chantre de la Grant
Église, moult richement vestus et acoustrés, qui pourtoit le digne
bourdon auquelle est partie du bourdon sainct Pier l’apouste, duquelle
sainct Materne fut résuscités. Et, d’une partie et d’aultre, estoient
maistre Andrieu, fdz au présidant de Loraine et escollaitre de Mets,
lequelle pourtoit l’imaige de Chairlemaigne, tout à chevaulx ; et Morialis, chancellier d’icelle église, pourtoit le chief sainct Gergonne : et
estoient tous deux moult richement vestus. Après lesquelles mairchoient
encor XII anffans, vestus de sorpellis, qui pourtoient les aultres XII pil­
lés de cire armoiez dez arme de la cité. Puis, après, mairchoient deux
aultres chainoigne, l’ung à desdre 3, l’aultre à senestre, avec riche
ansancier d’argent, et tous deux vestus de riche chappe de draps damas
rouge. Item, après, venoient encor deux chainongne, l’ung abilliez en
dyacre, et l’aultre en soudiacre ; lequelle soudiacre pourtoit la crosse
devant le soufïragant de Mets. Et aprez tous ceulx ycy devant nommés
venoit et mairchoit le devant dit soufïragant, comme représantans et
lieutenant en cest affaire de révérend perre en Dieu Jehan de Loraine,
cardinal du Sainct Sciège apostolicque et évesque de Mets. Lequelle
seigneur soufïragant estoit moult richement acoustrés, avec la mitte en
la teste et les gros aniaulx au doyt ; et moult révéranment pourtoit en
ung moult riche vaisiaulx le vray corps précieulx de Jhésu Crist, dessoubz ung riche ciel, lequelle pourtoient quaitre des principal seigneurs
de la cité, par repousée 4; et estoient yceulx seigneurs moult honnestement vestus et acoustrés. Item, d’une part et d’aultre du dit souffragant, estoient encor deux honnourauble personnaige, c’est assavoir
le sairchier, abilliez en diacre, et l’aircheprebstre de Mets, avec son
bourdon, abilliez en chappe. Puis, derrier le dit souffragant, et entre les
deux dernier d’yceulx seigneurs qui pourtoient le ciel, estoit et mair­
choit son chappellain, abilliez et vêtus en chappe.
Item, vous devés sçavoir que yceulx prebstres furent par moy comptés
et estimés en nombre de sincq cent et six, tant religieulx comme aultre ;
lesqueulx, comme avés ouy, estoient tous moult richement vestus de
chappe et de tunicque. Et vailloient les juaulx qu’il pourtoient une
richesse inestimable a : car il n’est à croire la grant richesse qui alors
a. Ms. : intestimable.
1. Encercelé, exactement « encerclé ».
2. Expression fréquente. Elle semble signifier ici que l’argent est recouvert d’une
feuille d’or.
3. A destre, à droite.
4. Ils se relayaient, quatre par quatre, pour porter le dais.

1522, 11 JUIN. — GRANDE PROCESSION A METZ

407

fut mise au champs, tant és dit juaulx corne en abis. Et les faisoit moult
bien veoir mairchier en belz ordre, deux à deux, l’ung après l’aultre,
chantant hynnes et canticque. Et tellement que, avant que le dit
souffragant fût sortis hors de la Grant Église, les premiers estoient
desjay au dehors de la porte Sainct Thiébault.
Après que touttes celle multitude fut passée en la manier que avés
ouy, mairchoit le temporel. Et, tout premièrement, derrier le chaippellains du souffragant mairchoit seigneur Claude Baudouche, alors maistre
eschevin de la noble cité de Mets ; auprès duquelle estoient tous les
aultres seigneurs et gens de lignaige, en moult belle ordonnance. Puis,
après yceulx, mairchoient les contes, qui est l’ancienne j ustice, avec leur
chapperon.
Item, après les contes, estoit pourtés l’ymaige de sainct Jaicque,
hault eslevés sus ung biaulx tabarnaicle de bois bien fait et paint de
diverse coulleur ; et, d’une part et d’aultre, quaitre pillés ardant ;
puis, ung peu plus derrier, alloient encor deux pillés : lesquel six pillés
estoient moult joiliettement acoustrés de fleurs et aultres jollivetés.
Et, tous joindant yceulx, mairchoient ung grant nombre de comfrère
d’icelle confrairie sainct Jaicquez, de laquelle nulz ne peult estre c’il
n’ait fait le sainct voyaige de Sainct Jaicque de Campostelle en Gallisse.
Et mairchoient yceulx comfrère en moult belle ordonnance, deux à
deux, tenant chacun ung scierge de cire alumés en leur mains. Et tout
au derniés y estoit et mairchoit l’ung d’iceulx confrère, nommés Aillixandre, le bonnetier, qui alors estoit viez, et mairliez de la Chappelle de la
cité ; cellui Allixandre estoit acoustrés et abilliez en armitte, avec ung
grant mantiaulx d’ung groz gris qui luy traynoit derrier, et le chapperon
de meisme, avec la coucqueluche 1 derrier pandant, à laquelle pandoit
une cuilliés de boix avec plusieurs cocquille : et ne vistes jamaix pappellaire 2 ne hermitte mieulx acoustrés que lui ; et oit celluy plus de regairt
que tous le rest ; et fut dit qu’il voulloit morir et estre entairrés en
celluy abis. Item, tous joindains les pellerins, venoient deux à deux les
confrère de sainct George et ceulx de sainct Privé, lesqueulx paireillement pourtoient chacun ung scierge alumés en la mains.
Puis, après, mairchoient tous le peuple : c’est assavoir tous les hom­
mes, en moult belle ordonnance, dix ou XII de fronc. Et tenoient moult
bel ordre, sans se boutter 3 ne cacqueter ; et en y avoit la plus part qui
tenoient scierge alumés en leur mains ; et estoient, se sambloit, en
moult grant multitude et en moult grant dévocion. Puis, après, venoient
les dammes, avec gros luminaire, et en toutte perreille ordonnance que
les seigneurs. Après lesquelles venoit innumérable multitude de femmes
et de fille, avec scierge et chândoille de cire ou de bougie en leur mains :
1. Coqueluche, sorte de capuchon.
2. Papelart est employé par Eustache Deschamps, à côté de hermite, avec un sens
favorable ; il semble donc avoir eu le sens d’anachorète.
Il a pris ensuite le sens
d’hypocrite (celui qui pappe du lard en cachette, les jours de jeûne).
3. Sans se bouter, sans se pousser, se bousculer.

408

1522, 11 JUIN.

GRANDE PROCESSION A METZ

car bien peu en y avoit qui n’eussent aulcuns luminaire. Et mairchoient
touttes celles multitude de femmes en belle ordonnances, comme les
hommes.
Le tour que la procession fist par la cité. — Or debvés sçavoir que alors
estoient les rue par où celle notauble procession devoit passer moult
biens et richement acoustrées et parée ; et n’y avoit cellui ou celle qui
n’eust fait tout debvoir, comme dit est devent. Et, pour vous desclairer
quel tour fut fait, tant en allant comme en venant, tout premièrement,
au pertir de la Grant Église, fut prins le chemin tout droit en dessandant à l’avallée de Fournerue, là où furent veue moult de riche et belle
besoingne, tant en ymaigerie, en riche painture comme en aultre chose.
Puis, dellà, l’on vint à passer parmi la plaice c’on dit En Chainge ;
au bout de laquelle l’on avoit aprestés ung moult biaulx et sumptueulx
autel, et très richement acoustrés d’ymaigerie, de riche taipisserie, et
aultrez chose, pour repouser Corpus Domini. Et y avoit orgue et chan­
tre, que biaulx faisoit ouyr.
Au despartir de ce lieu, l’on print le chamin tout droit par devant le
grant hospital Sainct Nicollas du Neuf Bourgz. Auprès duquelle, en une
plaice c’on dit Au Serisiez, vinrent en moult grant révérance et en
moult bel ordre au devant de celle noble congrégacion les Frères Célestin, au nombre de XXY, tous revêtus de riche chappe et moult noble­
ment acoustrés ; et pourtoient de moult riche relicque et précieulx
juaulx. Et, en tenant bel ordre, avec scierge en leur mains, et avec crois,
yaue bénicte et ansancier d’airgent, avec grant révérance et dévocion,
en chantant himnes et canticque, se vinrent à prosterner à deux genoulx devent celle notauble procession, pour faire révérance et hon­
neurs au précieuse et digne relicque qui y estoient pourtée, et principallement au vray corps de Jhésu Crist, que le révérand perre le souffragant pourtoit. Item, après tous passés, s’an retournairent les Frères en
leur couvant.
Et vint celle noble compaignie à passer parmi la porte Sainct Thiébault, laquelle estoit moult bien parée et richement acoustrée de riche
tapisserie ; et, avec ce, en la chambre des gairdains, l’on y juoit des
orgues, que moult biaulx faisoit ouyr. Et au dehors de la porte estoient
grant nombre de collevrenier de la ville, lesquelle estoient moult bien
armés et acoustrés, et les faisoit moult biaulx veoir. Puis l’on tirait
oultre on Champbaipaine ; et tellement que les premiers de celle con­
grégacion firent ung sircuit et vinrent à pranre leur tour par devant le
gerdin le seigneur Jehan le Gournaix, en tirant droit au quert 1 qui fait
le bout de celle plaice, là où est le chemin qui vait à Sainct Clément,
puis en retournant par devant le gerdin au Rouse, et en retirant devers
la porte, qui alors estoit cloise ; et tellement que celle congrégacion de
prebstres et religieulx, avec ceulx qui pourtoient les crois, lez sierge bé­
nit et les pillés, faisoient ung saircle tout en l’entour d’icelle plaice. Et se
tinrent illec à piedz ferme en atandant les chainoigne ; et les faisoit
1. Coin, angle.

1522, 11

JUIN. — GRANDE PROCESSION A METZ

409

moult biaulx veoir. Lesqueulx chainoigne, avec le souffraigant estant
dessoubz le ciel, prinrent leur chemin depuis la faulce porte Sainct
Thiébault droit à cellui noble taubarnaicle, que l’on avoit préparés et
richement acoustrés dessus le hault, devant la tour Commouffle, et
tous les seigneurs, les Trèses et gens de lignaige après. Et là en ce heu,
fut par le dit souffragant le vray corps de Dieu mis et moult reveranment pousés dessus le riche autel ad ce préparés et fait. Et là fut chantes
à chantres et à deschantres plusieurs bel himnes et canticque a 1 onneur
de Dieu et de touttes la court célestielle, que moult biaulx faisoit ouyr.
Et y fut on assés longuement que nulz ne se bougeoit de sa plaice
jusque ad ce que tout le puple, femmes et hommes, furent venus. Et
alors, en grant dévocion et tous le monde à deux genoulx, fut chantes
celle himnes : Verbum supernum... O salutans hostia, etc.
Et quant tout fut fait, se partit celle belle compaigme, tenant te
ordre comme il estoient venus ; et fut la porte ouverte, par laquelle il
ont antrés. Mais, avant que tout fût dedans, il y oit une demi heure
passée Et, comme à la porte Sainct Thiébault, estoient les coUevremer
de la ville à ycelle porte, moult bien em point et à grant nombre, qui
gairdoient l’antrée. Item, du dedans de la cité, devant hicrucifif c est
assavoir du cousté devers Saincte Glossine, les dammes d icelle abbaye
avoient fait faire ung biaulx et riche taubernaicle, couvers et art tout
à l’entour de riche tappisserie dessus et dessoubz ; et tenoit le airge
de toutte la rue qui vait en leur maison. Dedans lequelle taubernaicle
y avoit ung riche autel, tant bien fait et tant triumphanment pares et
acoustrés de plusieurs mamers de riche ymaige d’or et d argent, avec
digne et précieuse relicque, qu’il n’estoit possible de mieulx Et, avec ce
estait ce lieu pairés de diverse noble pointure h de fleur de maye et
d’aultre verdeur ; et le faisoit moult biaulx veoir. En 1 antree d icelluy
taubarnaicle, quant la pourcession passoit, estaient touttes les Dammes
de celle religion sur biaulx tappis prosternée en terre à deux genoulx,
les mains jointes, en resgairdant devers le ciel. Et, en chantant devote
himnes et canticque, se tinrent tousjours ainssy a
tant que toutte la procession fût passée : qui estait une be j
à veoir. Et n’y avoit hommes, les veant en cest astat, a qui le eu
n’apitoia et ne se esmeust à dévocion, et à qui les lairme n en vissen
aulx yeulx. Item, la gaillerie de la maison jomdant estoit bien richemen
parée et acoustrée de riche tapisserie et de maye, avec ymarge et pamture ; dedans laquelle y avoit ung organisa que moult dou “t et
mélodieusement juoit. Paireülement, l’autel des Lorams, ques. en
l’antrée d’icelle porte, du dedans de la ville la ou est le crucihs, celu
estoit moult noblement et richement pares et acoustrés, comme dg
et d’aultre chose servant ad ce. Aussy estait toutte la rue des ung
bout jusques à l’aultre, tout ainssy et encor mieulx que se fut estes e
jour de L Feste Dieu. Et, quant se vint que les chainoigne, avec le
souffragant, vinrent en se lieu, il firent une petitte stacion devant cellui
1. Peintures.

410

1522, 11 JUIN. — GRANDE PROCESSION A METZ

autel et devant l’imaige du crucifix, en chantant à haulte voix, à chantre
et à deschantre, O crux, etc,.
Puis se sont partis du lieu, tenant tousjour bon ordre, en paissant
par devant Saincte Marie, auprès de Sainct Jehan au Neuf Moustiet.
Auquelle lieu les Dammes d’icelle église Saincte Marie avoient faicte
et préparés ung riche autel et triumphante, là où elle estoient à deux
genoulx en chantant himnes et canticque, comme avoyent fait celle de
Saincte Glossine. Puis fut passés oultre jusques atour Sainct Vit, en
l’endroy de Sainct Pier. Et là, en ce lieu, sur le quair de la rue, devant
la maison Sainct Benoy, avoient les Dammes du dit Sainct Pier fait faire
et acoustrer ung riche tabernaicle et ung aultel très jantillement parés
de riche tapisserie, de fleur, de maye, avec plusieurs digne et précieuse
relicque enrechie d’or et d’argent, avec pier précieuse. Et, en ensuyvant
les aultre, estoient illec les dicte Dammes à deux genoulx, chantant en
grant dévocion plusieurs seaulmes, himnes et canticque ; et les faisoit
moult biaulx ouyr. Car c’estoit une moult belle chose et de grant dévo­
cion de en ung jour veoir tant de digne et précieuse relicque, et aussy
de veoir sy grant richesse d’or et d’argent, de riche abit, pier précieuse
et draps d’or : et estoient ces chose estimée à ung grant et merveilleux
trésors.
Après que touttes ces choses furent veute et passée, mairchait celle
noble congrégacion droit en dessandant au loing de la rue des Clerc,
par devant la Trinité et Saincte Roynette, en tirant tout droit à la
Grant Église, dont elle estoit partie. Et là sonnoient les grosse cloche,
et juoient les grosse orgue, que moult biaulx faisoit ouyr. Puis, quant
tout fut arivés, fut la grant messe acommensée, et moult révéranment
dicte et célébrée par révérand perre en Dieu et scientificque personne
monsseigneur le souffragant. Durant lequelle service, aprez l’ofertoire,
fut fait le sermon par ung bon religieulx, prieulx des Jacopin ; auquel
fut bien amplement dit et desclairés la cause pour quoy celle procession
estoit faicte. Et, aprez le service acomply, chacun retourna chiez lui.'
Dieu, par sa graice, la praigne en greys, et à la fin nous doinct pert
en son sainct paradis ! Amen.
Item, quant au fait des XXIIII pillés que la cité avoit heu fait
faire, armoiés de blan et de noir, il furent reprins et rampourtés par
ceulx qui ad ce faire estoient commis. Et fist on reffaire tout ce qui
en avoit esté brûllé, comme c’il fussent tout neuf. Puis l’on en baillait
la mitté à la Grant Église, et à chacune des quairtre Ordre mendians,
deux, au Frère de l’Observance, deux, et les aultre deux a frères Célestins.

1522. — EXPÉDITION DE CEUX DE MARANGE

411

[ÉVÉNEMENTS DIVERS EN EUROPE ET AU PAYS DE METZ].

Victoire des Crestiens sur les Turc. - Item, environ cellm temps
furent apourtée nouvelle en Mets comment les Crestiens, Hongrez et
aultres de ces païs dellà, avoient heu grant victoire en l’encontre yceulx
Turcz, infidelle et annemis de nostre saincte Fois catholicque. Et que
celle victoire avoit estés faicte moyenant plusieurs crestiens, qui alors
estoient au gaige du dit Grant Turcz en l’encontre du Souldan .mais,
quant ce vint au frapper contre les crestiens, il tournirent le dos au
Turcz. Et fut arrier reprinse celle noble cité de Criste Vissamburgz,
qui est à dire Blan Chasleau la Creslienne : laquelle cité est tout le
réconfort, la gairde, la clef et la serre 1 de se païs là ; et en laquelle,
peu devant, furent tués tant de millier de crestiens et de crestiennes,
traynés les crucifls par les rue, en despit de Dieu, vielles fille pucelle
et vierge sacrée, et tant de sancquez innocent espandus que c estoit une
grant pitiet. Dieu, par sa graice, vueulle confondre les chiens mauldis
et donner victoire aulx crestiens !
.
,
.
,
Item, paireillement environ huit jour devant la samct Jehan, vinrent
nouvelle en Mets comment les Anglois estoient dessandus en Normandie.
Et estoit grant pitiet du povre puple : car, en cellui temps, a la requeste
de l’ampereur, estoit le roy assaillis de tout coustes.
Germes prise et pillée par les Espagnols]. - Et qu il soit vray, pour
ces meisme jours fut par les Espaignotz prmse la cite de Gennes en
Lombairdie sur les François, et toutte pillées et mise a saicque. Et y fut
trouvés ung merveilleux trésors et une moult grant richesse en diverse
merchandise. Laquelle y fut tellement dissippée que lez lancsequeneste
et Espaignotz y donnoient la piesse de wellours pour trois ou quaitre
ducat, et à moitiet pour niant : dont c’estoit grant pitiet d une cy noble
cité estre par meschant gens ainssy villamement fouraigee.
Marangien près de Toul. - Item, en cellui temps environ le XVII
jour de jung, ceulx de Mairange devent Mets, en la conduicte d une
guide, furent menés en ung villaige environ a deux lue de coustier de a
cité de Toul, nommés Brullés, lequelle villaige aparthient aux Fran o
de Waulcoulleur ; et avoient les bons hommes d icellui villaige dresses
les arme de France tout en mey lieu de leur ville. Par quoy les di d
Mairange, sçaichant ses chose, se y firent secrètement conduire, comme
dit est. Et priment plusieurs bastial et plusieurs chevaulx, lesquelle 1
ont chairgiés de baigues, comme linge, pottaige et aultres
avec ce, priment quaitre prisonnier, qui furent par eulx amenés a Mets,
et ransonnés à cenc escus d’or a soilleil les quaitre.
Deslrouse des Françoy sur les Borguignon. - Moult de diverse adven-

1. Serrure.

412

1522. —■ NICOLE DEX QUITTE METZ

ture advenoient journellement en cellui temps à cause des grant guerre
qui alors rennoient 1 entre le roy de France et l’ampereur. Et tellement
que, en ces meisme jours, estoient aulcuns nombre de Bourguignons
qui tenoient gairnisson en une petitte bonne ville sur la Picardie,
nommé Avaingne, et, à la requeste d’aulcuns traystre, se pertirent
yceulx Bourguignons d’icelle ville, en la conduicte d’iceulx traïstre,
cuidant gaignier, et pour prandre aulcuns François estant sur les mairche des païs entre France et Bourgongne, comme il leur avoit estés
donnés à entandre. Mais, quant il furent au champs, en passant aulcune
raipaille de bois devers Nostre Damme d’Aliance, il furent livrés entre
les mains de leur annemis, et cheurent en trois ambûche ; et furent
assaillis de tous coustés, tellement que les François, qui estoient assés en
plus grant nombre, furent incontinant victorieulx, et ont que tués,
prins ou blessé d’iceulx Bourguignons ung grant nombre. Entre les­
quelle monsseigneur de Crepet y fut tués ; et aussy fut monsseigneur
de Salmey, chevalier, avec XXII hommes d’airmes et environ trois cenc
piéton. Et y fut prins Lyon de Vy et plusieurs aultres ; lequelle Lion,
qui fut nepveux au cappitaine Jehan de Vy, avoit estés mariez à Mets,
et y avoit une fille mariée, qui avoit le filz Phelippe du Lièvre, le merchant ; et estoit celluy filz à monsseigneur de Mouron, bon jantilz
hommes de la Haulte Bourgongne : par quoy l’on lui demandoit une
moult grosse ransson. Et fut celle rancontre le lundemains de la sainct
Jehan, jour sainct Éloy et XXVe de jung. Dieu perdoinct au trespassé !
Amen.
Grelle en Barroys. — Item, en cellui temps, on meisme moix de jung,
y oit plusieurs villaige en la duché de Bar qui furent foudroiez et tempesté de grelle. — Paireillement, le sixiesme jour de juillet, environ le
vespre, jour de la feste à Waippey, qui fut dimenche, ad ce jour il fit ung
merveilleux temps de grelle, de pluye et de tempeste ; et tellement
qu’il foudroiait quaitre ou sincqz villaige en la duchiez de Bar, vers
May la Tour. Et, moy estant à cellui jour à Vignueulle devent Mets, il y
pleut sy très oriblement que jamaix n’y vis tant plovoir pour une fois ;
par quoy je me mis à reffuge en une maison, en laquelle antrait l’yaue
de sy grand roideur que tout en fut plains, et me covint monter dessus
ung lit : car parmi celle maison y passait plus de XXX cowe d’yaue.
Mais, la Dieu mercy !, la grelle n’y fit point de mal.
Le seigneur Nicolle Dex part de Metz. — Paireillement, en cellui
temps, le seigneur Nicolle Dex, chevalier, se pertit de Mets, tout mal
comptent de ce que l’on ne faisoit à sa guise a touchant le procès qui
c’estoit esmeus entre luy et le seigneur François le Gournaix, son sire.
Et, néantmoins que peu devant le dit seigneur François se fût mis en
tout debvoir de traicter paix, comme on disoit, se nonobtant ne voult
le dit seigneur Nicolle pranre en grez, c’il ne l’avoit à sa guise. Par quoy
il se partit de Mets, comme dit est. Et s’en aillit, lui et ces gens, en Allea. Ms. : guige.
1. Régnaient.

1521.

— CONDAMNATION DE MARTIN LUTHER

41d

maigne, en intencion de mettre sa querelle en la mains d aulcuns mal­
vais guerson, comme on disoit, et de mener la guerre : mais l’on ne le
voult pas recepvoir, c’il ne leur vendoit du tout le droit qu il prétendoit
à avoir à ycelle querelle. Laquelle chose il ne voult pas faire . par quoy,
voiant que des Allemans il n’airoit nulle ayde, s’en retournait à Wesou
en la Haulte Bourgongne (comme ycy après il serait dit ).

[CONDAMNATION DE MARTIN LUTHER].

Martin Lhuler, presthe, en Allemaigne. — Or, vous avés par sy devant
bien ouy, et par plusieurs fois vous ais heu parlés d’ung héréticque
allemans, de l’Ordre des hermitte sainct Augustin, qui en se temps
régnoit, nommés Martin Luther. Et paireillement vous ais heu aulcunement dit et comptés en se présant traictiés cornent journellement le dit
Martin composoit et escripvoit livres et articles, tant en latin comme en
allemant ; et avec ce enseignoit et iniquement et faulcement preschoit
chose contraire à Nostre Mère Saincte Église romaine et contre nottre
saincte et sacrée Foy catholicque, et au grant penlz et dangiers des
âmes crestiennes. Et tellement que, en cellui temps, il avoit infectés
plusieurs clerc et plusieurs aultres personnes à son erreurs. Par quoy,
ses choses venues à la cognoissance de Nostre Sainct Perre le Pape Léon,
disiesme de ce nom, comme pasteur général de l’Église universelle,
auquel principallement appertient à mettre ordre aux choses qui
concernent notre saincte Foy et religion crestienne, fist admonester
doulcement et charitablement le dit Martin Luther de soy desporter
des dites erreurs et faulces doctrines, et de yceulx légitimement, comme
à tel cas appertient, révoquer, et soy dédire. Lesquelles choses api ès
que le dit Martin non seulement refusa de faire, mais, que pis est,
adjoutta nouveaux erreurs, pires et plus abhominables que les pie
miers, lesquel il sema par touttes contrées où luy fut possible, et a ors
ycelluy Nostre Sainct Père le Pape fut diligent de trouver les remydes
acoustumés et oportuns pour obvier à telle pestilences. Et, pour ce fait,
manda venir à soy plusieurs cardinaulx et plusieurs archevesques et
évesques, les généraulx des Ordres mendiens, et plusieurs aultres
prélas de diverses religions, ensemble plusieurs notables docteurs, tan
en théologie corne droit canon, et aultres de bonne renommée et cons
cience, et congnoissance de diverse langue. Et, après avoir cité cano
nicquement et juridicquement le dit Martin, luy offrant toutte assurance,
et après ce que longuement fut attendu pour veoir s’il reviendroit
point à cognoissance — mais il demoura obstiné et contumax — par
quoy, du conseil et advis des dessus dit, furent condempnés et réprou­
vés les livres du dit Martin, tant jà escript comme à escripre. Et, avec
ce, fut comandés que les dit livres, en quelque païs ne en quelquez
langue qu’il fussent trouvés ny escript, fussent brûllés. Et, quant à a

414

1521. — CONDAMNATION DE MARTIN LUTHER

personne d’ycellui Martin, s’il ne se recognoissoit et retournoit à péni­
tence dedant certain temps à luy assignés, le déclara inobédiant, enfïant
d’iniquité, scismaticque et héréticque ; et comandoit qu’il fût pugny
selonc l’ordonnance du droit, et sur les pennes et censures contenues és
bulles apostolicques sur ce despêchée. Lesquelles bulles il envoia par
son orateur du Sainct Siège apostolique à la personne de notre sire
l’empereur, comme a vray et souverain defïanseur et perpugnateur de la
saincte Foy catholicque, en luy mandant que, comme empereur et
aisné filz de Notre Mère Saincte Église, il vueulle par tout son ampire et
aultres terres et seigneurie à lui subjecgt bailler la main forte et bras
séculier pour l’exécucions efïectuelle de touttes et chacunes les choses
dessus dictes.
Après lesquelles, et que cellui mandement fut divulgué quaisi par
toutte la Germanie, et, par le comandement du dit ampereur, exécutés,
tant és cité impérialles comme à Collongne, Maiance, Trêves, Liège, et
aultre part ;
et aussy après ce que le dit Martin non seullement n’est revenu à
vraye congnoissance, pénitence et obédience de Notre Mère Saincte
Église, et révocacion de ses erreurs, mais, par plus forte raison, comme
homme plain de maulvestié, en desprisant ycelle, voullant de plus en
plus multiplier sa détestable et perverse doctrine, ait, tant en latin
comme en allemant, compousez plusieurs noviaulx livres plus que par
avant remplis non seullement de nouvelles hérésies, mais aussy des
anciennes erreurs desjay comdempnées par les sainct et sacrés Conseilles
de l’Église universelle, lesquels le dit Martin de jour en jours escript
et divulgue au grant scandalle du peuple ;
par lesquels il cuide destruire l’ordre et l’usaige des sept saincts
sacremens de l’Église par tant de temps inviolablement et dévotement
observés et gairdés ; les loys, les décretz et institucions anciennes, tant
divines corne humaines, il abollit ; paireillement l’honneur de mariaige ;
et deshonnestement il infecte la manier de recepvoir le Sainct Sacrament de l’autel, que toutte l’Église observe, et veult réduyre à l’usaige
que les dampnés scismaticque Boesmes observent ; encor plus la tressalutaire confession sacramentelle il enveloppe, tellement qu’il en fait
une confusion, et dit qu’elle ne sert de riens, et que on n’est pas obligiez
de soy confesser sacramentellement ; paireillement l’ordre sacré de
prestrise il desprise, tellement qu’il provocque les séculiers à laver leur
mains dedans le sang des prebstres ;
item, il appelle Notre Sainct Perre le Pape, qui est vicaire de Dieu en
terre, par nons et tiltre infâmes ;
paireillement, il dit et afferme qu’il n’y a point de franc aibitre, et
que touttes chose viennent par nécessité ;
puis il dit et enseigne que la messe ne se peult offrir que pour cellui
qui la dict, en réprouvant l’observacion des jeûnes et de prier Dieu que
l’Église jusques à cy a gardé et observé, en contampnant1 les doctrines
1. Contemner, mépriser.

1521. — CONDAMNATION DE MARTIN LUTHER

415

et auctorités que les sainct docteurs qui nous ont précédé nous ont
laissiez pour noustre instruction ;
item, il afferme qu’il n’y ait point de supériore les ung sur les aultres,
et destruit toutte civille police ; et n’y a quasy en toutte sa doctrine
chose qui ne provocque les hommes à cisme, division, guerres, meurdres, rapines, et à l’universelle ruyne de la religion crestienne, en insti­
tuant une manier de vivre en laquelle chacun face ce que bon lui sem­
ble, à la manier des bestes bruttes, et comme hommes vivans sans
loys ;
item, aussy il condempne toutte loys civilles et canonicques ; et
tellement que, par présumpcion excessive, a brûlé publicquement les
saincts décrets et décrétalles ; et est à présumer qu’il eust aussy voulluntier brûllé les lois civilles, s’il n’eust heu plus de crainte de l’espée
impérialle et royalle qu’il n’ait heu de l’excommunicacion apostolicque ;
en aprez, il n’a point honte de détracter et mesdire des sacrés et
saincts Concilies généraux ; entre lesquelles Concilies, principallement,
mord et destruit aultant qu’il luy est possible le sainct Concilie de
Constance, assemblés de pert le Sainct Esperit, sy aultre Concilie fût
jamais assemblés ; en quoy faisant il deshonnour toutte la crestienté, et
par espécial la Germanie, en appellant ycellui sainct Concilie la sinagogue de Sathan, en affermant que tous ceulx que à cellui Concilie
estoient, et qui furent cause de brûller ou faire brûller ung nommés
Jehan Hus, hérésiarche, tant fut Sigismonde \ empereur, comme les
aultres princes et seigneurs estant présant, estoient tous Anthecrist
ou disciples de l’Anthecrist; et que tous les articles du dit Jehan Hus,
condempné au dit Concilie corne héréticques, sont évangélicques et
crestiens, et les veult deffandre et aprouver, et au contraire ceulx qui
furent approuvé par le Concilie il desvouue et reffuse ;
et, affin de point réciter tous et chacuns ses erreurs, il semble que cest
personne de Martin ne soit point homme, mais ung dyables soubz
l’espèce d’ung homme couvert de habillement d’ung religieux,
pour plus facillement mettre à la mort éternelle l’humain linaige, et,
soubs espèce de prédicateur euvangélicque, il labour de anichiller et
tourner toutte la paix euvangélicque, et finablement de deshonnorer et
vilainner toutte la beaulté de la face de Notre Mère Saincte Église ,
lesquelles choses vennues à la congnoissance de la Majesté Impé­
rialle du devant dit empereur, et diligemment considérée, et aussy pour
satiffaire et deffendre la sainte Foy catholicque, à 1 honneur du vicaire
de Jhésu Crist et du Sainct Siège apostolicque, après qu il en fut requis,
comme dit est devant, fut délibérés et appareilliés de y emploier et
despandre tous ses biens, se besoing est, et, avec ce, de y exposer sa
personne. Par quoy, pour cest cause, incontinant fist appeller et venir
à luy tous les Électeurs du Sainct Empire, tant éclésiasticque comme
séculier, avec tous les Estats d’icellui empire, en sa bonne cité impé­
riale de Vormes; et, après avoir très souvent et très diligenment exa1. Y compris Sigismond, etc.

416

1521. — CONDAMNATION DE MARTIN LUTHER

miné et disputé la matière, comme le cas le requéroit, du consentement
et conseil de tous et chacuns, fmablement il sont venus à la sentence et
conclusion. Laquelle santence, contre le dit Martin donnée, est couchée
essés plus au loing que je ne l’ais ycy mis, car je n’ait prins sinon la
substance et en brief, en la forme et manier comme il s’ensuit.
Premier dit celle santence de nostre sire l’empereur et de tout son
Conseil que,
comme il soit ainssy que ung nommés Martin Luther, jà piessa
comdempné, et endurcy en son obstinée perversité, et séparé de la
manier de vivre des chrestiens, et notoire héréticque, ne soit, selont les
droicts, besoing de ouyr ou interroguer,
toutteffois, pour oster touttes occasion de tromperie, et, aussy, pour
ce que plusieurs affermoient aulcuns livres intitulés au dit Martin
Luther non avoir esté composé ou escript par luy, et que, pour ce, aul­
cuns disoient que l’on ne debvoit procéder encontre le dit Luther que
premier ne fût ouy en ses deffance,
par quoy fut mandés le dit Luther de venir, à sertains jour à lui
assignés, se comparoistre devant la Majestés Impérialle, pour ouyr seu
que lui seroit exposés et dit ; et lui fut bailliés bons saulconduit allant
et venant ; et fut acompaigniez du propre héraulx de l’empereur ;
et, luy venus, fut interrogués des Électeur, princes et Estats du
Sainct Empire, assavoir mon s’il avoit ou non composés et fait les
livres lesqueulx au doy luy furent moustrés, et intelligiblement nommés,
pour sçavoir de luy s’il vouloit révoquer le contenu des dit livre, c’est
à entendre de ce qui seroit trové estre contre la Foy catholicque ; et
s’il voulloit point tenir à bons les sacrés Concilies général, décrès apostolicques, cérimonies de l’Église, et louuables coustumes observées et
gairdée par les aultrez empereurs et par lui jusques ajourd’uy ; et touttes
ces choses furent gracieusement dit et remoustrée au dit Luther, tant
on non du dit empereur comme de tout l’empire ; et, par diverses admonucion et exhortacion, luy fut dit, et priés, qu’il voulsist humblement
retourner à l’unité et communion de Notre Mère Sainte Église ; et
tellement s’y ait on pourté et se sont prins près de réduire 1 le dit
Luther qu’il souffisoit 2 assés pour l’amollir et couvertir, s’il n’eust esté
plus dur que pierre ;
lequelle Luther, après ce devant dit, recongneut devant la Majestés
Impérialles et devant tous les princes dessus dit que les livres devant
luy nommés estoient siens, protestant qu’il ne les pourroit ne vouldroit
jamais nyer ; mais toutteffois, quant ad ce de quoy à présant il estoit
requis, c’est assavoir de révoquer à ce qui appertient du contenu des
dit livres, il en demanda dilacion pour y penser ;
laquelle, combien que justement se peult dénier, attendu que les
choses que sont contre la Foy ne doient avoir dilacion, et que pour ce
1. Réduire peut se traduire ici par « ramener à de meilleurs sentiments *.
2. Que cela suffisait.

1521. — CONDAMNATION DE MARTIN LUTHER

417

fait il avoit desjay esté cité affin qu’il pansait à la responce qu’il vouldroit donner, toutteffois, par bénignité et clémence, luy fut octroyé le
ferme cIg vinfît cru9.rtre heures 5
lesquelles passées, comparut de rechief devant le dit empereur et ses
Estats, et fut encor de rechief admonétés et exhortes pour a redueexon
d’icellui i, luy promettent que, s’il voulloit révoquer le mal que dessus
est dit, toutte l’empire se travailleroit devers Notre Samct Pere le
Pape qu’il seroit receupt 2 en grâce ; et, avec ce, l’on feroit tant ver luy
que de chacune nacion seroyent esleus deux nobles personnages,clers
et excellens par bonne vie, lesqueulx sépareroient a bonne> doctrine
de avec la malvaise, faisant confermer la bonne par 1 auctorite apos
liC™eis, non obstant touttes ces offres, dïct et respont le dit Luther
publicquement qu’il ne chaingeroit, pour à monr, ung seul mot de tout
ce qu’il avoit escript et qui estait contenu en ses livres , et, encor
davantage, présant leur faisse, dit et desclairait qu il ne reputoit rien
les sainct et sacrés Concilies, signanment cellui de C°n^ance (lequ
toutteffois fut sy excellant qu’il rendit la paix par toutte Notre Mere
Saincte Église) ; et dit encor et afferma, et, avec ce, protesta que jamaix
“ ne seroit révolqué ouloune chose de ce qu'il avort«senpt.s ,1
n’estoit convencu par tesmoignaiges de la Saincte Escnptur ,
sorte que sa conscience jugera qu’il serait convencu ;
prnX)eTem
par laquelle responce, tant inique et mfidelle, le devant dit empereur
et tous les Estais du Sainct Empire grandement scandalisa, et, pour sa
perdicion, ensembles des povres âmes qu’il abuse, contrista ameremen ,
puis fut déterminés de le renvoier, sans arester ;
_
toutteffois, à la requeste de tous les Estats de 1 empire
donnés au dit Luther trois jours de délay pour soy révoquer et amandes
pendant lequel temps deux Électeurs, deux princes, deux députas d
Estats du Sainct Empire, on non de tous les devant dit Estats qui
fstotttsscorblcs, firent encor appelles le
luy remoustrant comment le dit ampereur estait debberes de procéder
en l’encontre de luy par diverses tormans et pâmes ;
tous debvoir, par touttes les voyes et mamers, sans rien laissier que aire
se pouoit, en allégant tous ce qui pouoit servir à la réduction du dit
^lesquelles labeurs et p.ines, rnntillement portée «
suffisante à l'ung des Électeurs devant d.t, lequel, P™»”1
faire que tous les aultres, print avec luy deux docteurs en théologie,
de doctrine singulier et de vie louuable, et derechief a,i dit Marùn^pou
luy révoquer, fist par les dit docteurs faire telle remonstrances qu
ycelluy Martin, comme confus, ne sçavoit que dire et entre plusiet^
aultres perroles, luy remoustrarent et admonestairent qu^ Lvoulc
retourner à l’usaige et observance ecclesiasticque, et que Nostre Sain
1. Réduction, retour au sein de l’Église.
2. Si bien qu’il serait reçu en grâce.

418

1524. — CONDAMNATION DE MARTIN LUTHER

Pere le Pape, l’empereur et toutte la crestientés thienent et observe, en
luy promectant que, s’il vôulloit retourner à obédiances, et laissier son
errours, son honneurs et son salut luy serait gairdés ;
auquel choses respondit le dit Martin que non seullement il ne se
voulloit soubmettre ne rigler à la rigle et sentement i des dessus dit,
mais, que plus est, dit que, se le Conseil général estoit pour son fait
assemblés, se 2 ne s’y vouldroit il pas soubmettre ; et dit tout plattement qu il n estoit pas délibérés de tant seullement révocquer une seulle
sillable de ses escript, sy premièrement, par décrets ou décrétalles, loys
ou auctorités des hommes, par lesquelx toutteffois, en ce qui n’est
exprimés au Nouveau et Ancien Testament, l’Esglise a esté gouvernée,
par la simple auctorité de TEscripture, tellement qu’il sentît sa cons­
cience satiffaicte, n’cstoit vaincu et surmonté 31 ;2
pour laquelle responce, et les choses ainsy demenées, attendu que le
dit Martin demouroit tousjours aresté et obstiné en ses oppinions
héréticques, et considérés que gens prudens l’avoient veu et ouy, fut
de tous jugiés et réputés estre forcenés, ou qu’il estoit possédés de quel­
que malvaix esperit.
Touteffois, selont la tenour de son saulconduit, le dit empereur le fist
seurement reconduire. Et lui fust commendés de briefvement se partir
de la cité, et s’en aller au lieu dont il estoit venus, en luy donnant encor
terme de XX jours pour luy adviser : lesqueulx expirés et faillis, il
n’airait plus de remeide, et serait dès lors en avant procédés d’aultres
remeides. Comme il fut fait, et en la manier qui s’ensuit.
Sy après est en. brief la desclairacions et le jugemens Martin Luther,
ou en sustance, faictes en ces jours en la court de notre sire l’empereur
comme la teneur s’ensuit.

Et premièrement, à l’honneur de Dieu, protection et deffencion de la
saincte Foy catholicque, à l’honneur et révérence du vicaire de Dieu et
du Samct Siège apostolicque, pour estre en perpétuelle et inmortelle
mémoire de l’auctorité impérialles à nous appertenant, du conseil et
consentement des Électeurs, princes et Estas du Sainct Empire Rommain assemblés en cest notre cité impérialle de Wormes, en exécutant
la sentence et condempnacion du dit Luther et sa doctrine faicte par
Notre Saint Père le Pape, vray et légitime juge en cest partie, contenue
és bulles dessus dite à nous présentées,
déclarons et décernons le dit Martin Leuther estre mambre pourry
et trenché hors du corps de Notre Mère Saincte Église, comme obstiné
scismaticque et notoire héréticque ; et pour tel le tenons, et par vous et
chacun de vous voulions estre tenu pour tel ;
1. Sentement, sentiment, « opinion ».
2. Se, si, « alors », « dans ces conditions ».
3. Phrase très-confuse. Le sens est clair : Luther refuse d’accepter l’autorité des
œuvre deeDièiTUVre ^ h°mmes’ si eIie n’est pas aPPuyée sur l’autorité des Écritures,

1521. — CONDAMNATION DE MARTIN LUTHER

419

vous mandant et commandant, du consentement des dessus dit, sur
neinne de crime de lèse majesté et de l’indignacion très gnesve de nous
et du Sainct Empire, et de perdre les fieds, seigneuries, tous les biens,
touttes les grâces, tous les previleiges de nous et du Samct Empire
deppendens et tenus, lesquels tenés maintenant, et comme vous prédé­
cesseurs, en quelque manier que se soit, ont tenus, et aussy sur penne de
ban et interdict impérial, que nul de vous ne présume recepvoir, deffen-,
dre, soustenir, favoriser par parrolles ou par faict, par vous ou par au très, le dit Martin Leuther ;
mais se, après les XX jours dessus dis, trouves le dit Martin Leuther
où le pourés faire réallement appréhender, soient1 tenus de le prandre
et appréhender personnellement, et le présentés ou le faictes présenter
devant nous, ou pour le moins le faictes seurement garder tant que nous
ayés de ce advertis, et vous ayons mandes de la manier de procéder
oultre contre le dit Martin ; si vous rénumérerons dignement, et ferons
satiffaire tous les despens faictes en la poursuitte de cest affaire
et quant à tous ceulx et celles qui en riens favorisant le dit Mart: n
ou sont imitateurs de sa doctrine, s’il ne vous font apparoir qu il ne se
meslent plus du dit Martin, et qu’ilz sont absoltz du pape des censures
et maulx par eulx encourus et commis à l’occasion du dit Martin,
debvés procéder contre yceulx selonc la forme des sacrées cons i ucions de l’interdict et ban impérial, sans que aulcun empeschement
vous y soit fait ne donné.
Mandons aussy et commandons à vous et à ung chacun de vous, u
les pennes dessus dites, que nulz, de quelque degre auctorite ou prev
laige qu’il soit, présume de acheter, vendre, tenir, lire, escnpre
p
mer, ou faire escripre ou imprimer, affermer, soustemr prescher ou
deffendre aulcun des livres, escriptures ou oppmion du dit Mart
aulcune choses qui soient contenue és dis livres ou escriptures d icel ui
Leuther, tant en latin, allemant, flamans que en quelcunque au
langaige que se soit, tant de ceulx livres qui sont desjay
condampnés par Notre Sainct Père le Pape comme aultres soit qu il
soient desjay composés ou à composer; et, jà soit ce que es
aulcune doctrine catholicque et salutaire entrelassee, Pour P uS fac1^
ment décepvoir et tromper les simples personnes, ce nonobstant, vo
Ions les dis livres universellement estre prohibes et deffendus.
Et pour tant, sur les pennes dessus dites, vous et ung chacun de vou
tant ayant administracion de justice que aultrement, debves, avec
cure et diligence et réal effect, faire brûller et pubhcquement desLune
tous les livres du dit Martin, en quelque languaige quilsoieiM, m ,
tant de lui comme de ses disciples ou imitateurs de sa faulse doctrine
béréticque, en donnant favour, ayde et assistance aux messaigiers de
Notre Sainct Père le Pape toutes et quanteffois que ParJ™? ™u^és
leurs députés en serés requis. Et, néanmoins en leur obsence’ P0^
et debvés faire brûller les dit livres, comme dit est, commandant à
1, Changement de personne : vous serez tenus...

420

1521.

— CONDAMNATION DE MARTIN LUTHER

les subjects de nous et du Sainct Empire, sur les mesmes pennes, vous
y assister et obéyr comme à notre mesme personnes.
Et, pour ce que à toutte diligence fault pourveoir que les livres du dit
Martin et sa doctrine ne soient multipliés et publiés par nous terres et
royaulmes, provinces et cités, voulions et à cest cause, affîn d’estaindre
cest peste tant mortel, du consentement et commung accort des Élec­
teurs et Estats du Sainct Empire, que tous les dessus nommés, nous
subjects, tant de l’empire que de nostre héritaige paternel, sur les pennes
dessus dictes, ne présume composer, escripre, imprimer, vandre, tenir
ou acheter, en quelque manier que se soit, telle manier de livres pestilencieulx et diffamatoire, répugnant à la saincte Foy catholicque et
apostolicque, gairdée et observée jusques à présant.
Et encor voulions et comandons par ce présant mandement que tous
ceulx qui feront au contraire soient appréhendés au corps réaullement
et de fait, soient vendeurs, acheteurs, escripvains ou imprimeurs, et
que leurs biens meubles et aultres biens soient par vous prins et détenus,
pour en huser comme bon vous semblera, et tout ne plus ne moins que
de voustre propres choses, sans jamaix en estre tenus, en jugement ne
dehors \ de en rendre compte ou en faire restitucion, fort seullement
que faictes apparoir que les devant dit despoullés arroient contrevenu
à aulcunes des choses dessus dite.
Et, affîn de oster occasion que le venin de celle faulce doctrine ne
soit respandus par la crestienté, de nostre auctorité impérialle et
ioyalle, et par meur et bon conseille et délibéracion des dessus dicts
~lecteurs et Estats du Sainct Empire, voulions, et sur toutes les pennes
devant dictes mandons et commandons que, deshorenavant, nulz
libraire ou imprimeur ne imprime ou face imprimer aulcun livre ou
aultres escriptures quelconques, que fasse mencion de la Saincte
Escripture ou interprétacion d’icelle, quelque peu que ce soit, sans pre­
mièrement avoir le consentement et lisance de nous ou de nous député,
avec approbacion d’aulcun commis en cest affaire, bien fondé en théolo­
gie d’aulcune université. Et, qui aultrement le feray, les desclairons, en
ce faisant, encourir crime de lèse majesté, et nostre trèsgriefve indignacion, et aussy de tout l’empire. Tesmoing noz présentes lettres gar­
nies de notre seau. Donné en nostre cité impérialle de Wormes, le
huittiesme jour du mois de may mil cincq cens et XXI, de noz Royaulmes Romain deusiesme, et des aultres sixiesme.

[GUERRE ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE].

Item, la cause pour quoy je n’ay heu mis ce présant mandemans et
comdempnacion du dit Martin Luther au lieu et en l’an où il deust
estre, c est pour ce que plus tost je n’en ait peu avoir la vraye congnois1. Ni par jugement ni autrement.

1522. — L’ANGLETERRE EN GUERRE AVEC LA FRANCE

421

sance. Laquelle touttefïois n’est pas pourtant ycy mise cellon le con­
tenus mot pour mot d’icellui mandement et condempnacion : car il est
biaulcopt plus grant et plus prolisse que n’est cestui ; et n’ait sinon
prins la substance en brief, comme ycy devant vous le veez, en évitant
plusieurs parolles qui de gaire ne me serve, lesquelles, corne dit est,
j’ay lessée pour éviter prolixité.
Défiance du roy d’Angleterre] au roy de France. — Pareillement en
ces jours, m’est venus à la congnoissance comment, en celle année, le
XXIXe jour de may, le trèschrestien roy de France, luy estant à Lion
sur le Rosne, vint à luy le hérault d’Angleterre, lequelle, on non de son
maistre, ait dit a roy comment le dit son maistre, roy d’Angleterre,
luy mande qu’il se garde de luy, et qu’il se desclaire estre son annemy
mortel, à feux et à sancg. Et que c’est au moyen qu’il1 luy avoit promis
et juré, au tracté d’Ardre, ne faire point la guerre à l’empereur : ce qu’il
ait faict. Et, avec ce, a incité monssieur de Esdan à ce faire et mis aulx
champs, et lui a baillé gens et argens. Daventaige, avoit esté dit qu’il
ne se debvoit aidier et servir de gens estrangiers en ses affaires : et que
de ce a faict le contraire. Item, plus, qu’il ne permetteroit au duc d’Al­
banie allez en Escosse : ce qu’il a faict. Item, qu’il ne mènerait point
d’armée au royaulme de Navarre pour le conquerre sur le dit empereur.
Item, que le roy ne l’avoit point voulu paier de ses pensions ainsy qu’il
avoit acoustumé : mais, daventaige, avoit fait prendre ses navires et
pillés par les Françoys. Au moyen desquelles choses, qui est entière­
ment défailly 2 au dict traicté d’Ardre, se déclaire estre son annemy,
comme dit est.
Ce ouy, le roy, ainssy qu’il scet bien qu’il peult faire, sans délay ne
sans attendre aultre conseil, respond trèssaigementetd’auctoritéroyalle,
soy justifiant. Et premièrement dit, en soy escusant, que, au premier
poinct, il ne fut point moien 3 de mectre le dit seigneur d’Essedam aulx
champs, ne de l’avoir aulcunement secouru ne de gens ne d’argent :
mais, par pluffort raison, avoit mandé à l’empereur que, s’il avoit
affaire de gens ou d’argent pour faire la guerre au dit seigneur d’Esse­
dam, il luy en aiderait. Et, quant à ce que luy est obicé 4 qu’il ne se
debvoit point aidier ne servir de gens estrangiers, que sont les Suisses,
il respond avoir esté contrainct s’en aider, car le dit empereur, faignant
faire la guerre au dit seigneur d’Essedam, fist descendre son armée en
Champaigne et prandre sa ville de Moson ; et, en ses entrefaictes, et
avant la levée des dict Suysses, le roy d’Engleterre, son maistre, avoit
envoyés ces embassadeur aus ditz Suisses, qui leur bailla cincquante
mille angelotz pour et affin qu’il les destournait qu’il n’aillaissent point
au service du roy de France. Et, quant au fait du duc d Albanie, duquelle
il fait mencion, respond qu’il s’en est allés sans son sceu en Escosse ;
et que, depuis, il l’a bien cuidé et voulu retirer, ce qu’il n’a peu faire.
1.
2.
3.
4.

Il, le roi de France. C’est parce que le roi de France avait promis...
Ce qui est entièrement défaillir...
Moyen peut se traduire par « instigateur ».
Obicié, objecté.

422

1522.

— LETTRE MENAÇANTE DE NICOLE DEX

Respont encor le roy que, touchant le voyage de Navarre, au dict
traicté d’Ardre n’en fut rien escrips : mais, plus fort, promist le dit roy
d’Angleterre de remectre le dit royaulme és mains du roy dedans trois
moys, ce qu’il n’ait pas fait. Et, quant à l’article de sa pension, qu’il dit
ne luy avoir esté paié, le roy respond qu’il est bien assuré qu’il est son
ennemy, tel qu’il est, il y a desjay deux ans : et ne luy baillera jamais
argent pour luy faire la guerre. Et, pour plus amplement luy moustrés
qu’il est tel, et estoit dès le dit temps, il offre moustrer articles, signez
de luy, lesquelz il envoia au feu pape. Et, pour ce, fmablement, le roy a
pronuncé telles parolles : s’il y avoit homme qui voulsilt maintenir
qu’il n’eust entretenu la promesse qu’il fist au dict Ardres, il estoit
pour l’en démentir. Et dit au héraulx devent dit que, se le roy son maistre n’avoit aultre querelle que celle ycy, elle n’estoit bonne ne louuauble.
Par quoy il luy dit que, quant il plairoit au dit son maistre soy mectre
aux champs, il y seroit aussy tost, ou plus, que luy.
Guerre entre l’Angloys et Françoys. — Et, dès incontinent la responce
ouyees, furent les armée mise tant sur terre comme sur mer et d’ung
cousté et d’aultres. Et fut fait de grand dopmaige au païs de Normendie
et aultre pert, corne dit est devent. Dieu par sa bonté y messe paix et
les vueulle acordez ! Amen.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ].

Demande du seigneur Nicolle Dex. — Vous avés par cy devent ouy
comment, au moyx de juillet, le seigneur Nicolle Dex, chevalier, se
partit de Mets, tout mal comptent de ce que à son grez justice ne luy
estoit faicte et administrée. Par quoy, après qu’il se fut retirés à Wesou,
en la Haulte Bourgongne, il envoiait son serviteur à Mets, avec une
lettre contenent plusieurs demande qu’il faisoit a seigneur Françoy le
Gournaix, son sire. Et, avec ce, en envoiait une au trèses jurés (qui
estoient en bien petit nombre pour ycelle année). Et estoit celle lettre
escriptes en manier d’une defïiance ou menaisse. Auquelle Trèses il
demandoit, à chacun, mil escus d’amende : c’est assavoir à Hanry de
Gouxe, à Jaicomin Traval, à Dédiet de Hainonville et à Claude Houdebrant (et plus n’en n’y avoit, fort que le seigneur Michiel, filz au devent
dit seigneur Françoy : lequelle n’estoit pas comprins avec les aultres,
pour ce qu’il n’avoit pas estés a jugement). Et la cause d’icelle demende
estoit pour ce qu’il disoit que les devent dit quaitre Trèses l’avoient
heu faulcement jugiés,et condempnés sans avoir estés comendés, comme
cy devent ait estés dit. Ou sinon, en cas de refîus, le dit seigneur Nicolle,
par ces lettres, les menaissoit treffort.
Détrousse faite sur les Françoy. — Item, en cellui temps et on meisme
moix, fut encor faicte une grosse détrousse et une grande desconfiture
devers Maisier par les Bourguignons sur les François. Car yceulx Bour-

1522. — BOURGEOIS DE METZ ATTAQUÉS

423

guignons avoient couppés des grans bois, et les avoient rués et nais au
travers dez chemins. Mais les François, en celluy temps, désirent à faire
une course sur yceulx Bourguignons, firent secrètement tous lever et
oster. Et leur adversaire, que de ce furent advertis, olrent gens tous prest
pour remestre cellui boix au travers du chemins, quant il sairoient les
François estre empeschiez au lever la proie. Et ainssy en fut fait. Par
quoy, quant il pansoient à s’en retourner avec leur proie, il furent enclos ;
et en y oit plusieurs des tués.
Demande d’un Alternant. —Aussy, en celluy temps, y avoit ung
Allemans, nommés Melchior, lequelle aultre fois avoit estés au gaige de
la cité, qui ce disoit annemis d’icelle. Et la cause estoit pour le fait d une
maison qu’i avoit heu achetés du temps qu’il demouroit à Mets ; de
quoy il n’avoit fait nulz paiement, comme cy devent en aultre lieux ait
estés dit. Et aussy pour une arboullette qu’il disoit qu’il avoit rompus
au service de la cité ; pour laquelle il demendoit plus X fois qu elle ne
vailloit. Dont, pour ces chose et plusieurs aultres, qui n estoient fondée
en droit ny en raison, emprint le dit Melchien carelle 1 à la cité. Et en
fist plusieurs requeste.
Destrousse sur ij soydoyeur et iij borgoys de Metz. - Et, après plusieurs
choses par luy mal faicte,avint que,le XXIIIIe jour du devent dit moix
de juillet, vigille de la sainct Jaicque et sainct Cristoffle, ung bon mairchant de Mets, nommés Regnauldat, le bouchiez (qui en ce temps faisoit
grant fait en cas de marchandise de draps, de bestes et de laine), cellui,
à ce jour, s’en alloit, acompaigniés de deux soldoieurs de la cité et deux
aultres josne bouchiez, ces voisin, à une journée de play qu il avoit à
une ville devers le ban de Desme, nommée Dompjeux. A laquelle jour­
née à luy assignée se cuidoit trouver le dit Regnauldat ; mais, en ce en
allant et qu’il vinrent à passer essés près du chaisteaulx de Wivier, les
sincquez devent dit furent rancontrés en ung destroit, auprès d ung
petit boix, de seize chevaulcheurs biens armés ; et d iceulx furent bien
vivement assaillis, avec lance, gévelline, arboullette et collevrine ,
et tellement qu’il en y oit des très bien blessez. Mais, à la fin, après ce
que les deux soldoieur de Mets se furent vaillanment et virillement
defïandus et longuement combaitus, à 1 ung d iceulx, le janre Pier
Mertin, qui n’avoit espoussés que de XV jours, fut tués son chevaulx,
car il entrait en ung broibiet 2 duquelle il ne polt saillir; et fut prins.
Et le devant dit Regnauldat, qui alors fuioit de toutte sa puissance
devers le chaisteau de Wevier pour se mestre à salveté, aprez lequelle
courroit ung des annemis, et à paine oit le dit Regnauldat la bairier,
d’aventaige 3. Et, pour le secourir, courroit après cellui annemis l’aultre
souldoieur de Mets, nommés Nicolas Saint Pier, jantilz ruste, qui se
defïendit vaillanment, et salva le dit Regnauldat. Et, de fait, se fût
bien salvé : mais il abaitit, tout sur les foussés et devent la pourte du
1. EmprencLre querelle, se prendre de querelle (avec quelqu’un).
2. Bourbier (patois modernes : brobieu).
3. « En vitesse », tout juste.

424

1522.

— GROSSE PLUIE ET GROSSE GRÊLE

dit Wiviet, cellui annemis qui poursuioit le dit Regnauldat, et le cuidoit
tuer; et, alors qu’il estoit ampeschiez à cest affaire, vinrent plusieurs
des annemis, desquel il fut prins et enclos, et villainement baitus. Puis
tous deux furent loyés et emmenés prisonnier en Allemaigne, en ung
lieu nommés Ausbourgz ; auquelle il furent moult loinguement. Et le
petit Thomas, le bouchiez, revint à Mets. Et Cristofïle se mussait és
bledz, et eschaippait. Item, plusieurs jours aprez, les messaigier vinrent,
qui rapourtirent nouvelle que les annemis demendoient pour la ranson
des devent dit souldoieur deux mil escus, disant qu’il ne les congnoissoient pas pour hommes d’airmes, ains les détenoient comme verlet de
bouchier et bourjois de la cité. Par quoy, oyant leur oultraigieuse
demande, à tort et sans cause faictes, fut au dit Regnauldat et aulx
femmes et amis d’iceulx souldoieurs faicte deffance qu’il ne les raichaitaisse pas, et qu’il n’en fissent semblent ; ains leur fut dit qu’il les en
laisse couvenir.
Item, à la manier acotumée, la ripvier de Mezelle print sa proie,
comme elle ait causy tous les ans acoustumé de faire. Car, en cest année,
le premier jour d’aoust, fut noyés dedans ycelle à Mets, on Saulcey, au
lieu c’on dit le Ray l’Évesque, ung compaignons chairpantier, de derrier
Saint Suplice, que illec se baignoit.
Grosse pluye et grelle. — Paireillement, à cellui jour, premier d’aoust,
il fist fort grant chailleur. Mais encor ne fut rien a regairt du second,
troisiesme et quaitriesme jour, et, par espécial, le sincquiesme jour,
qui fut la feste saint Dominicque. Auquelle jour, aprez ce qu’il oit fait
grant chailleur du mattin, le temps se muait : car, environ les deux
heure après midi, il vint ung horraige et ung tonnoire, avec une cy
grande et grosse pluye que de loing temps l’on ne vit la pareille. Durent
laquelle vint une tempeste de grosse grelle qui durait ung demi quert
d’heure, en fasson telz que lez vigne et aultres biens qui encor estoient
au champs furent en grant dangier. Mais, la Dieu mercy !, l’on avoit
causy tout cilliés. Et aussy, à l’ocausion de ce qu’il ne vantoit point, se
ne fut pas grant chose du dopmaige (néantmoins que à la couverture
des maison, Entre deux Ewe, elle fist pour plus de cenc groz de dop­
maige, en mes maison seullement).
Item, en cellui temps fut prins et détenus par les François le serviteur
Phelippe du Lièvre, le merchamps, citains de Mets ; auquelle on demendoit grosse ranson. — Paireillement, durans ces jours, furent prins et
emmenés prisonnier en France quaitre pescheurs de la cité, et villaine­
ment ransonnés. Mais les seigneurs et recteurs d’icelle firent deffance
aulx femmes et aulx amis d’iceulx que l’on ne les raichetait point, et
que l’on ne cuydoit rien avoir à faire aus dit François. Et pour ce furent
incontinent envoyés messaigier au bailley de Champaigne : duquelle
il heurent maigre responce.
Plusieurs pillar par pays. — Et ainssy, en cellui temps, nulz n’estoit
essurés, jusque tout dedans les portes de la cité. Et, pour ce, l’on faisoit
tous les jours gros gait, et de nuyt et de jours. Car tant de malvais
gairson régnoient et faisoient journellement tant de malz, en destrous-

1522.

— PILLARDS AU PAYS DE METZ

425

sant merchant et aultres gens que, se tout dire ou escripre voulloie, on
en feroit, seullement de leur fait, ung groz livre. Et ne se sçavoit on en
qui fier.
Et, qu’il soit vray, durant ces jours, c est assavoir le XVIIIe jour du
dit m’oix d’aoust, une grande assamblée d’iceulx compagnons, et gens
de toutte nacion, qui se disoient de Mairange, ne faisoient que aller et
venir, par XX ou XXX. Et tellement que, à cellui jour, en y oit environ
huit ou dix, sairchant leur avanture, lesquelle, à la requeste d’ung
compaignon nommés Jehan, natif de Besancey, josne environ de XXX
ou XXXVI ans, demourant alors au bourg Sainct Arnoult devent
Mets, vinrent yceulx gallans au dit bourgz, cuydant prandre et arester
prisonnier ung homme, françoy, qui estoit de la ville meisme dont estoit
cellui Jehan. Et estoit venus pour et en intencion de marier ung sien
filz charier \ lequelle passé quaitre ans demouroit au dit bourgz Sainct
Arnoult. Mais il fut advertis, et fut secrètement conduit jusque au Pont
à Mouson. Et le dit Jehan, corne traistre, voiant que du perre estoit
désaisis, leur livrait et mist entre leur mains cellui josne filz, chaînez.
Etl’emmenoient, loiez corne ung lairon, le chemin de Joiei. Mais incon­
tinent les Sept de la guerre, advertis du fait, envoiairent environ
XV ou XVI souldoieur après, et environ XX ou XXX piétons ; lesquellez les prindrent tous et ramenairent en Mets ; et leur ostairent
tous leur baiton, et furent mis en l’ostel de la ville. Toutefïois, avent
qu’il fût la nuyt, une pertie en furent délivrés. Et, le lundemams au
mattin une aultre pertie furent encor mis hors et delivres. Et n en y
demourait que trois ou quaitre, de la nacion de Mets ou du païs ; entre
lesquelle estoit cellui Jehan qui avoit fait la trayson.^Et, son fait congnus, pour cellui jour meisme fut, par santence des Sept de la guerre
jugiez à estre descapité, et son corps mis sur la rue, comme il fut fait.
Item, en celle année, tout le temps d’esté durans, regnoit treffort en
Mets et on païs une malladie aux anffans, nommée propneulle
Et
tellement que, de XX, n’en eschaippoit pas ung que ne fut entaichiez
de la dite mallaidie.

[LES TURCS ATTAQUENT RHODES].

Lecllve du Grant Turc. - En celluy temps, comme j ay dit dessus,
estoit par tout le monde fort triboullés de guerre. Et tellement qu il n y
avoit alors pays ne contrée que bonnement s’en sceust alaver , tant des
Grestiens les ung contre les aultrez comme des Sarrasins, Turct m idelle et annemis de nostre Foy, lesquelles journellement taichoient
1. Dans les patois modernes, charier (chéri) signifie à la fois « charron » et « charretie2.'’propelieure, dans Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle, désigne

la3°U|4°Lr, se débarrasser, se délivrer de quelque chose.

426

4522.

— LETTRE DU GRAND TURC A FRÈRE PHILIPPE

à destruire la saincte et sacrée religion crestiennes. Et, qu’il soitvray,
en cest présante année mil V° et XXII, comme j’ay dit devent, ont heu
menés (et encor maine tous les jours) une très aipre et fort guerre sur les
mairche de Honguerie. Et encor, non comptent de cest affaire, le grant
Turcquez, préposant en son couraige à tout destruire, envoiait ses
messaigier a révérandissime le Grant Maistre de Rodde, lesquelles
arivairent en ycelle cité le dit ans, le premier jour de jung, avec ces
lettres, desquelles la tenours s’ensuit et a vray.
Sultain Solimain salz par la graice de Dieu trèsgrant empereur de
Gonstantinoble, tenant l’une et l’aultre Perse, et Arabye, Serye, Meiche,
Jhérusalem d’Assie, Eurouppe, et toutte l’Égipte, et de toutte la Moré
seigneur et possesseur, au révérandisime Père seigneur frère Phelippe,
Grant Maistre de Rodde, et à ces conceilliers et à tous les citoiens,
grant et petit, salus, et mandons digne et couvenables salutacion à vous
révérance. Saichiés comment, premièrement, avés mandés devers ma
Impérialle Magestés George, servant, avec vous lettres, par lesquelles
j’ay bien entendu tout ceu que m’avés escript. Et, par cest occasion,
nous vous mandons le présent nostre commendement, affin que saichiés
seurement comment, par notre sentence, voulions avoir celle ille, pour
le grant dompmaiges et mal euvres 1 lesquelles nous avons tous les jour
d’icellui lieu. Et pour celle cause mandons le présent comandement de
notre Impérialle Majesté, que la desmandons et voulions avoir de bonne
vollenteit : en ferés obéyssance, et donnerés le chaistel et l’isle à mon
Impérialle Majesté. Et jurons le Dieu qui ait fait le ciel et la terre, et
vingt six milles prophètes nôtres, et les quaitres musaicque que sont
dexandus du ciel, et par le nôtre premier prophète Mahumet que, sy
vous en faictes obédiance et vous randés de bon cuer, soubz le sacre­
ment 2 que je vous fais, tous vos aultres que vous trouvés en cellui
lieu, grant et petis, vous n’averés peure ny perilz ny dompmaige quel­
conques de mon Impérial Majesteit, ne vous, ne votre avoir, ne vous
gens. Et, qui s’en vouldrait aller en aultrez lieu, le pourait faire, avecson avoir et sa famille, sens avoir peur d’aulcun. Et, c’il y ait aulcun
principaulx et dignes, nous luy donnerons gaiges et perty, milleur qu’il
n’ont. Et, sy aulcun vouldrait desmeuré en la dicte isle, le poulrait faire
seloibg l’ancienne coustume quq vous avés, et milleur. Et pour ceu, si
vous acceptés mes juremans et pactions, vous manderés votre homme,
avec vous lettres, à mon Impérial Majesté incontinant. Et sy vous faicte
le contraire, soiés bien esxurés que mon Impérial Majesté est desjay
sur vous, avec toutte provision ; et en sortirait ceu que plairait à Dieu.
Et ce faisons affin que ne puissiens dire que ne vous en aye escript.
Et, sy vous ne voullés randre de bon cuer, je vous metteras les fonde­
ment de votre chaptel le dessus desoubz, et vous ferons tous esclaulx 3,
et vous ferons tous morir, avec la voullenteit de Dieu, comme avons
1. Males œuvres, attaques, etc. Celle île, l’île de Rhodes.
2. Serment.
3. Esclaves. On trouve aussi les formes esclas, esclauf, etc.

1522.

427

— LE COMTE FRANCISQUE ATTAQUE TRÊVES

fait biaulcolpt d’aultrez. Et de cela n’en faitte doubte. En la court de
notre Impérial Majesté, en Constantinoble, le premier jour de jung
mil sincq cent et XXII.
Par les chose devent ditez poués entendre comment Dieu, par les
péchiez du peuple, parmettoit toutte la crestienté estre assaillie et
ennimée de guerre de touttes pars.
L’armée devant la ville de Rode. — Et pour ce, incontinant après ceu
que les nobles chevaliers de Rodde olrent donnez leur responce, le dict
Turcquez, sultain, fist mairchier ces gens. Et se mirent en mer ; et
tellement que en l’an dessus dit, le XXVIIIe jour du devent dit moix
de jung, sont arivés devant la dicte ville de Rodde et en l’isle d’icelle,
acompaigniez de deux centz et cincquante voille, armées et équicpée
de cent et cincquante mille hommes, avec touttes provision appertenant à tenir ciège. Dieu, par sa graice, clémance et bonté, les vueullent
confondre, ou réduire et convertir à la saincte Foix crestienne ! Amen.

[le

comte francisque attaque trêves

;

MESURES PRISES A METZ].

Guerre du conle Franscique contre l’a[r]chevesque de Treive. — Aussy,
en ces meisme jours, suscitait arrier ung aultre annemis, ou ung diable
saillis d’anfïer, pour tribouller le monde : c’est assavoir celluy cappitaine Francisque, lequelle, en l’an mil sincq cent et XVIII, mist le
siège devent Mets, à Waillier, et au bourde de la dite Waillier, et fist
plusieurs mal, comme dit est devant. Or ait à cest heure cellui Francis­
que derechief assamblés une grosse armée, en laquelle y avoit sept ou
huit conte, et plusieurs milliers de gens de chevaulx, avec grant nombre
de piéton. Et, avec celle multitude de gens, je ne sgay à quelle occasion,
est venus assaillir le pais de révérand perre en Dieu monsseigneur
l’airchevesque de Trêve. Et tout premièrement, après plusieurs malz
par luy et par les siens fait et acomplis, vint celluy lairon à mettre son
sciège devant une petitte bonne ville, apperthenant au dit seigneur
archevesque, nommée Sainct Wandellines. Et tellement l’ont assaillis,
d’airtillerie ou autrement, que, le maicredi troisiesme jour de sep­
tembre, fut la dicte ville prinse, et toutte pillée, et la plus pairt des
hommes prins et emmenés prisonnier, auquelles, aprez leur biens per­
dus, il demendoit encor grosse ranson. De quoy les scitams de Triève
olrent telle peur qu’il ne dormoient en lit. Et firent coupper la plus part
des airbre estant autour de la dicte cité, avec aulcun hédifice qu’il
firent abaitre. Et néantmoins que le dit seigneur archevesque avoit
avec luy et de son ayde plusieurs grant seigneurs d’Allemaigne, se non
obstant le dit Francisquez se préparait pour aller mettre le sciège
devant Palce, et puis devent la dite cité de Triève.
Grosse garde en Metz; l’on se craint en Metz. — Puis, luy et ces filz,

428

1522. —• LES MESSINS JURENT FIDÉLITÉ A LEURS SEIGNEURS

menaissoient forment la cité de Mets. Par quoy, pour ces chose et plu­
sieurs aultres, l’on n’estoit pas tropt essurés. Et fut ordonnés que les
gairdains des portes fussent tousjours du moins eulx trois. Et leur fut
commendés de chacune nuyt faire l’aichairgaitte par dessus la muraille,
devent et après mynuyt, avec aulcuns chief de seigneurs et aulcuns
sergent. Paireillement fut mis deux bourgeois, de ceulx qui font ayde,
à chacune porte, avec les baix gairde. Et faisoit on fort gait à piedz et à
chevaulx. Oultre plus, par l’ordonnance de Justice, fut donnés lisance
de juer a guille par touttes les porte.
Serment d’eslre loyaux à la cité de Metz. — Et, avec ce, le dimanche
VIIe jour de septambre, fut tout le peuple d’Oultre Meuselle assamblés
on baille du pont des Mors. Et, paireillement à cellui jour, tous ceulx
d’oultre la ripvier de Saille furent assemblés on baille de la portes aux
Allemans. Et là, en chacun des dit baille, y furent ordonnés aulcuns
chief de seigneurs, avec l’ung des secrétaire et avec plusieurs sairgent,
pour à ycellui peuple dire, annoncer et desclairer comment l’on ce doubtoit treffort de guerre, par quoy messeigneurs du Conseil prioient à tous
chacun qu’il voulcist estre bon et loiaulx à la cité ; et, avec ce, estre
délibérés de vivre et morir avec leur seigneurs ; et de obéyr en tout ce
qui leur seroit commendés pour le biens, hutillités et gairde de la dite
cité ; et que tous ceulx qui aroient bonne voullunté et seraient délibérés
de ainssy le faire woulcissent lever la mains en hault, en promectant et
jurant de acomplir et tenir tout ce que le secrétaire leur liroit ; et que,
ce aulcuns estoient trouvés entre eulx qui ne levait la mains, que les
aultres qui le verroient le rapourtaissent et le dissent au dit seigneurs
commis. Et alors, après ce dit, le secrétaire dit, en lisant la cédulle qui
lui avoit estés données : « Vous tous qui estes ycy assemblés, jurés et
promettés d’estre bon et loyaulx à vous seigneurs ; et que, c’il venoit
quelque effroy, de nuyt ou de jour, de deffandre vous corps et vous
biens, et de vivre et morir comme il ait estés dit dessus. » Et fut ainssy
dit en allemans et en romans. Et, incontinant, chacun levait la mains.
Mais ce ne fut pas tout. Car les dit commis se sont retirés devers
l’antrée du baille, avec leur secrétaire et sairgent, et là se sont essis
après d’une tauble. Et fut mis en la mains du secrétaire le rolle de
chacune paroiche, comme les banerat l’avoit heu, auquelle estoient
escript les nons et sournons de chacun paroichiens qui avoit esté commendé du dit baneret. Et là, l’ung aprez l’aultre, furent nommés et
appellés ; et leur fut derechief demendé c’il estoient bien délibérés de
tenir ce qu’il avoient promis.
Et, quant tous ce fut fait, au lundemains, jour de la Nativité Nostre
Damme, huittiesme jour de septembre, furent arrier les banneret par
les hostel de ceulx que au jour devent n’avoient pas estés commendés,
c’est assavoir Sainct Supplise, Sainct Mertin, Sainct Jaicque, Sainct Vit,
Sainct Jehan au Neuf Moustier et Sainct Gegoult : ycelle pairoiche
furent tous envoiez on baille de porte Champenoise. Et le rest de la cité,
comme Sainct Victour, Saincte Crois, Sainct Gergonne, Saincte Ségoulline,
Sainct Fairoy et Sainct Hillaire au pont Remmon, tous ceulx ycy furent

1522. — LES RELIGIEUX MESSINS JURENT FIDÉLITÉ AUX SEIGNEURS 429

envoiez au baille du pont des Mors. Et, là venus, és dit baille, en l’ung
et en l’aultre, furent les commis avec les secrétaires et sergent, que leur
en dirent tout autant, et ne plus ne moins comme avoit estés dit aux
aultres la journée devent.
Arbe coupé à l’entour de Metz. ■— Item, pour le meisme jour, fut
ordonnés et commandés de coupper les airbres tout à l’entour de la
cité, et de tout abaitre les gerdin. Et, qu’il soit vray, au lundemain,
grant nombre de chairpantiet, et causy tout ceulx de la ville, furent
envoiez coupper et abaitre tout les gerdin, avec les haie, estant au dehors
du pont Thiefroy, on lieu c’on dit derrier Chambière; et paireillement
au pont Rémon, en tirant droit à Sainct Jullien, d’ung cousté et d’aultre. Et y fut fait ung merveilleux déluge.
Item, aussy en ces meisme jours, furent mis et ressus plusieurs piéton
au gaige de la cité. Et, avec ce, l’on fist moudre deux cenc quairte
de fromant, affîn d’estre pourveu pour une nécessités, c’elle venoit.
Le pape fait son entrée à Rome. — Item, ung peu devent, c’est assavoir
le XXVIIIe jour du moix d’auost, pappe Audrien, le Flamans, lequelle
dairnièrement avoit estés esleu, comme dit est devent, en lieu de pappe
Léon, Xe de ce non, dairnièrement décédé, fist à cellui jour son antrée
à Romme (ne jamais n’y avoit plus esteis 1 : car à son obsance il fut
esleu). Et, le damier jour du dit mois, il fut couronnés en grant triumphe. Et ne muait point son non. Sy fist merveille cellui pappe, à son
acommencement, de voulloir régir et bien gouverner son Église : car il
mettoit grandement son efïection de tout mettre en bon ordre, et de
corrigier les vice. Laquelle chose, comme on disoit, polt estre cause
de abrégier sa vie.
Serment des religieux. — Mais, pour revenir a prepos de la guerre
devent dictes injustement acommencée par cellui cappitaine Franciscus
encontre d’icellui révérand perre archevesque de Triève et de tout le
corps d’icelle cité, pour et à celle occausion, l’on ce craindoit fort en la
cité de Mets, comme dit est devent. Par quoy, après les ordonnance
ycy devent dicte faicte et acomplie, Justice d’icelle cité, et les gouver­
neurs et recteurs de la chose publicque, cy envoiairent quérir devent
eulx de chacune Ordre mendiantes, avec aussy les Frères de l’Obser­
vance, c’on dit les Frères Raude de Grant Mèse, de chacune Ordres
aulcuns des souverains d’icelle. Auquelles il fut dit et préposés comme
on avoit fait au bourjois de la dite cité : c’est assavoir, ce guerre leur
venoit, c’il voulloient estre bons et loyaulx à eulx et à la cité, et c’il
estoient délibérés de vivre et morir avec eulx. Et il respondirent tous
que ouy. Puis, après leur responce donnée, leur fut dit et commendés
que, c’il venoit sciège ny aultre efïroy, qu’il ordonnassent entre eulx
de ne mestre ne soubtenir, à chacun des dit couvant, que dix prebstre
messe chantant et quaitre novisse tant seullement, avec quaitre
convers pour leur aministrer et servir, et que le rest fût envoiés dehors
en aultre lieux.
L II n’y avait jamais été davantage, il n’y était jamais allé.

430

d 522. — LE COMTE FRANCISQUE DEVANT TRÊVES

La fause porte au pont Rémon abalue. — Item, en ces meisme jours, la
cité fist abaitre la faulce porte qui estoit scituées sur la fontaine de
Pernemaille, devent la porte du pont Remmon, avec tout les harbes de
là entour, et plusieurs mur de gerdin et aultres chose, de peur du dit
Franciscus.
Le siège mis devant Triève. — Car, durant ces jours, vinrent nou­
velle sertenne comment le dit Franciscus, avec toutte sa bande, que
n’estoit pas en petit nombre, ce aproichairent tellement de la devent
dicte cité de Triève que, le jour de la Nativités Nostre Damme, VIIIe
jour du devent dit moix de septembre, il vint mettre une pertie de son
campe à Sainct Maximian, qui est une bonne et grosse esbaïe scituées
tout devent les portes du dit Triève ; et l’aultre bande d’iceulx gens
d’airme furent mis et lougiés à une aultre abaïe, plus loing de la cité et
du dellà, sus le bourt de la ripvier, fondée de Nostre Damme. Et bien
viste firent leur tranchée et leur repaire. Et puis, ce fait, tiroient à toutte
force de leur cagnon et bonbairde et aultres baitons à feux, tant dedans
ycelle ville de Triève comme en l’encontre de leur porte et muraille.
Or vous lairés ung peu d’icellui sciège le perler, et des malz et grant
dompmaige que journellement à l’ocausion du dit Franciscus ce faisoient, tant à la dicte cité de Triève comme à Mets et aultre part. Et
vous conterés et escriprés aulcunes aultres choses que durant ces jours
avindrent.
Demande de l’empereur aux ville d’empire. — Vous debvés sçavoir que,
environ ce tempts, nostre sire Chairles, sincquiesme roy en Espaigne
et esleu ampereur, cy ait heu mandés en sa cité de Neurambert touttes
les cités du Sainct Ampire, pour illec tenir journée pour aulcune choses
que le dit ampereur voulloit demender au dictes cité et aux aultres
païs à luy subjegt. Et pour cest affaire y fut envoiés maistre Hanry, le
docteur, pancionaire de la cité de Mets. Et, là venus, leur fut dit et
desclairés de part le dit ampereur commen une chacune cité et aultres
païs du Saint Ampire luy woulcissent donner et faire une ayde pour faire
la guerre aux François. Et, après le conseille tenus sur cest affaire, fut
respondus tout d’une vois que, ce le dit ampereur faisoit la guerre aux
François, il entendoient bien, par ce moyens, que ce seroit de leur argent;
par quoy il amoyent très mieulx que eulx meisme fissent la guerre.
Et que, ce l’ampereur, leur seigneur, woulloit que l’on luy feist ayde,
que premièrement il fist que tous ces chemins fussent ouvers, et, avec
ce, nettoiés de pillairt et de lairons, affin que tous merchamps puissant
seurement aller et venir, et que touttes merchandise puissent régner.
Et ces nouvelles en rapourtait le devent dit maistre Hanry, le docteur,
lequelle y estoit envoiez pour et on non de la cité, comme dit est devent.
Le siège levez de devant Trieuve. — Mais, en laissant cest demande
en sorcéance, et pour revenir a prepos de la guerre devent dicte, vous
devés sçavoir que le dit archevesque de Triève, voiant cestuy Sathanas
ainssy assaillir sa cité et faire des malz sans nombre, tant en ycelle
comme a plain païs, comme homme prudant et vertueulx, ait pour-

1522. — LES TURCS DONNENT L’ASSAUT A RHODES

431

chassiet tous ces aydans et amis. Entre lesquelles il ne laissait pas
ces voysins, la cité de Mets, des dernier. Lesqueulx très voulluntiers de
cuer et de couraige y ont envoiez secrètement de leur gens, telz comme
cannonier, fondeur de batton à feux et aultres aydes ; car de bon cuer
il le faisoient. Et tellement ont batailliés et résistés que, après ce que le
dit Franciscus, avec ces aydans, olrent là estés par plusieurs jours,
et voiant qu’il n’y faisoient pas grandement de leur proffît, il ce sont
despartis du lieu. Et ont bouttés le feux en leur lougis ; et, avec ce, ont
touttes airs et brûllées deux bonne grosse abbaïes de moine noir estant
situées tout devent les portes du dit Triève, c’est assavoir Sainct Maxi­
mien et Sainct Paullin. Et, ce fait, par ung jour de dimenche, feste
Saincte Crois, XIIIIe jour du moix de septembre, entre IX et X heure
du mattin, ont le dit Francisque et ces aydans levés leur campe. Et
c’en sont en allés leur voye, comme gens conffus.
Porsuite de Varchevesque contre le conte Fransique. — Mais jay pour
ce le dit archevesque ne les laissait pas à les poursuyre : car, comme ung
homme vertueulx de cuer et de couraige, ait tellement pourchaissiet et
quis ces amis, plus qu’il n’avoit fait devent, qu’il ait assamblés plu­
sieurs nobles personnaiges, avec une grosse armée, lesquelles tous ensamble ont poursuis le dit Franciscus cy de près que, à la fin, il ont destruit
lui et ces aydans, avec leur chaistiaulx et leur plaices, comme je dirés
jay assés tost ycy après en temptz et en lieu.
Mais, avent que je parachève cest matier, je vous dirés l’acommencement d’une aultres plus griefve et malvaise guerre que durant ce tempz
acommensa.

[LES TURCS ATTAQUENT RHODES (SUITE)].

Vous avés par cy devent oy comment, en cellui temps, le Grant Turc,
annemei de notre saincte et sacrée Foy catholicquez, pour ce qu’il
sçavoit la crestientés cy triboullée par guerre, et par l’envie que les ung
ont en l’encontre des aultrez, espéciallement les grant princes et sei­
gneurs, pour ce avoit alors le dit Turc fait et préparés une grosse et
merveilleuse armée de cenc et sinquante mil hommes, avec lesquelles,
comme je vous ait dit devent en aultres lieu, vint, le dit ans, le
XXVIIIe jour du moix de jung, à se abourder et dessandre, et à mestre
son sciège, devent la ville et cité de Rodes, qui estoit lors la clef et la
serre de toutte la crestientés quant à celle partie ; et prêtant le dit
Turc à l’avoir ou à la du touttes destruire.
Assaut contre la ville de Rode. — Or vous dirés, en ensuiant ceste
matier, comment, par ung jeudy après dînés, quaitriesme jour du
devent dit moix de septembre ensuiant, environ les trois heure après
midi, et après ce que lé dit Turc ce furent bien assegiés’et fortifïiés en
leur repaire et tranchiées, vinrent à baillier le premier assaulz en l’en-

432

1522. ■—• LES TURCS DONNENT L’ASSAUT A RHODES

contre de la dite cité. Auquelle durant y oit plusieurs grant faictz
d’armes fait et acomplis, tant d’ung coustés que d’aultres, et plusieurs
aultres choses faictes et dictes, que je laisse pour abrégier. Entre les­
quelles yceulx Turcs, que par plusieurs jour devent avoient minés
dessoubz le billevart nommés d’Angleterre et le billevart de Sainct
Anastaze, boutairent le feu aus dite myne, en sorte telle que du dit
billovart tombit, d’une part, une petitte partie. Et, incontinant ce fait,
donnairent l’assault les dit Turc, au dit billevart tant seullement.
Et, de fait, par leur effort, fut par eulx bouttée sertaine banyère sus
ycelluy billevart.
Les Turc repousés de l’assault. — Auquel alors monsseigneur le Grant
Maistre d’icelle cité de Rode estoit, avec plusieurs aultres ces aydans :
par quoy, par leur grant vaillance, ne demourèrent gaire yceulx Turc
que bien légièrement furent expulcés et gectés arrier. Et durait le dit
assault jusques bien près de environ six heures. Et créés que alors ne
dormoit pas l’artillerie du dit Rodes : moyenant laquelle y oit grant
tuerie dez annemis qui, alors, estoient partie à leur tranchié, et les
aultres dehors, avec aulcuns qui estoient venus jusques au foussés du
devant dit billevairt. Par quoy, la Dieu mercy!, ce premier assault ne
fut point à leur honneurs ne proffit. Maix nyantmoins il donnairent au
vaillans crestiens assés de penne et d’enuyctz ; et en blessairent environ
XXX ou XL, et environ XX ou XXV en furent tués, tant Frères que
séculier.
Et, après ce fait, yceulx maldict Turcs se fortifïîairent tous les jours
de plus en plus dedans leur tranchié et dedans leur mynes soubz terres.
Puis, a IXe jour du meisme moix de septembre ensuiant, donnairent le
second assault, au meisme billevart d’Angleterre. Auquel jour, et la
nuyct ensuiant, ne bougèrent une partie du secour de mon dit seigneur
le Grant Maistre 1 ; lequel seigneur estoit alors tout au plus près de la
porte du dedans d’icellui billevart. Et, alors, yceulx Turcs donnairent
feux à une aultre myne, par lequelx firent encor tomber une aultre
petitte partie du dit billevart. Et levairent yceulx Turcs sept ou huit
de leur enseigne sur le dit billevart : lesquelx ensambles furent par les
vaillant crestiens bien viste reboutez. Et, à ycellui assault, y demoura
plussieurs d’iceulx Turcs dedans les foussés, tant des mors comme dez
blécés.
En après, toutte à une meisme heure, fut arrier donnés assault par les
dit Turcs en trois lieux, avec force myne : c’est assavoir on dit bille­
vairt d’Angleterre, et à la porte d’Espaigne et d’Avergne, et meismement à la porte d’Itallie et de Provence. Et dura cellui assault dez les
sept heure du mattin jusques a X heure. Et par tout lez coustés furent
les dit Turcs bien rebouttés et repoussés, et dégectés arrier.
Puis, en ensuiant, le XXIIIIe jour de septembre, auquelle jour, de
toutte ancienetés, est célébrée à la grant église d’icelle cité de Rodes la
feste de la Concepcion de monsseigneur sainct Jehan Baptiste, paîtrons
1. Certains des défenseurs restèrent à leur poste tout le jour et toute la nuit suivante.

1522.

— LES TURCS DONNENT L’ASSAUT A RHODES

433

d’icelle, mais, le dit jour, environ une heure avant le jour, yceulx
Turcs donnairent le feu à deux ou trois de leur mynes. Desquelles
entre les aultres, la myne qui estoit entre Avergne et Espaigne 1
brèche compeltant1 à monter sur la muraille d’icelle cite, c’est assavoir
à l’androit où il avoient loing tempts batus. Et tellement que, avan
qu’il fût jour, y avoit desjay force Turcs sur la dite muraille ; lesqueix
mirent environ XXX enseignes au plus hault d’icelle muraille. Et, alors,
donnairent assault aus dite Avergne, Espaigne et Ytallie, et paraillement au billevart d’Angleterre devant dit. Et dura le dit assault jusques
bien près de midi, tousjours estant yceulx Turcs sur la dite murailles
du billevart d’Espaigne. Mais, la Dieu mercy !, à la fin furent reboutes,
à leur gro deshonneur et dopmaige : car d’iceulx en furent plusieurs
dez tués. Et fut à ce jour celluy assault autant cruel que de loing temps
devant il en y eust point en tout le Levant, et auquel y oit grant murtre
d’iceulx mauldictz Turcs. Combiens que, par l’espace de quaitre ou six
heures, il demourairent seigneurs et maistres de la haultes pertie du dit
billevart d’Espaigne ; mais, à la fin, par la graice de Dieu, de Notre
flamme et de monsseigneur sainct Jehan, paîtrons d icelle ci e, uren
pour celle fois yceulx mauldictz à leur grant deshonneur et dopmaige
déjectés, comme dit est. Et croyent fermement yceulx chevaliers et
citains que, sans grant miraicle de Dieu, il estaient pour celle fois pnns
et perdus, et que alors estoit le benoît sainct Jehan sur celle muraille
se combaitant pour eulx : car, aultremant, leur besomgne se fut très
malx portée. Et, jay ce qu’il coûtait bon au chevaliers et aux aultres
fi déliés crestiens, et qu’il y perdirent plusieurs, et en grant nombre,
de nobles et vaillans personnages, ce nyantmoins, moyenant la grâce
de Dieu, il heurent à ce jour une belle victoire. Entre lesqueix, des grant
parsonnaiges qui morurent à celluy assault de la part es cres îens,
fut monsseigneur de la Romainne, lequelle, comme ung Rolland se
deffandit vaillamment. A ce meisme jour, monsseigneur de Chaillou
y perdit le bras destre anthièrement. Pareillement y fut tuez Irere
Pier Phelippe, vaillant homme de guerre, avec YI aultres chevaliers
de Rodes, et trois aultres Frères, chappellains, et plusieurs aultres
sécullier, qui tropt loing serroient à dire et escripre.
Item, depuis cellui grant assault donné, espéciallement depuis e jour
sainct Luc, XVIIIe jour d’octobre, ont encor estés donnés par dyvers
jours sept ou huyt assaulx : mais ce n’estait qu’en ung heu tant seule­
ment, et la plus grant part on dit billevart d’Angleterre, auquel estait
tousjours mon dit seigneur le Grant Maistre en propre personne, eque
seigneur s’y pourta moult vaillant et vertueulx, et tellement que, jus­
ques celluy jour, obtint dix victoire en l’encontre de ces annemis ,
jai ce que les dit Turcs s’approichoient tousjours de plus en plus.
Tmïslre deden Rode pris. — Item, aussy, durant ces entrefaites, se
sont trouvez aulcuns traystre, lesqueix à leur pouoir se perforsseren
de décepvoir et trahir ycelle noble cité et religions. Et, premièrement,
1. Compétant à..., suffisante pour...

434

1522.

—• MORTALITÉ EN LORRAINE

fut trouvez ung juyf baptisez, lequel confessait plusieurs cas d’icelle
traysons. Et, après, fut trouvé ung esclave (jaidit Turc) baptisés, qui
pareillement estoit du fait. Lesquelx enssambles, par leur desmérites,
furent aquairtellez par la justice d’icelle cité. Item, pareillement, le
XXIIIIe jours du dit mois d’octobre ensuyvant, fut arrier prins ung
serviteur pour traystre. Lequelle alors servoit et estoit à l’ung d’iceulx
Frères, nommés André d’Amarac, le chancellier ; et lequel, a commancement, ne voulloit rien confesser, maix, à la fin, jehit 1 et confessa
tout. Et, davantaige, il dit que le dit chancellier, son maistre, par
plusieurs fois luy bailloit et chairgeoit des lettres, de nuyctz, pour
pourter aux Turcs. Par quoy le dit frère André d’Amarac fut prins,
la vigille de la Toussaincts, et, sincqz jours aprez que la dite trahison
fut contre luy plus que prouvée, on en fit la justice. Et premier fut
déposés et privés de son habit ; puis oit la teste coppée ; et, au lundemain, fut mis en quaitre quertiés, et ung chacun d’iceulx quertiés mis à
l’ung d’iceulx quaitres billevairt de la ville.
Item, depuis ce fait, furent plusieurs aultres assaulx donnés. Et
tellement que yceulx mauldit Turcs ne les lassoient ne jour ne nuyctz
reposer. Et estoit leur puissance moult grand, au regard de celle des
crestiens : par quoy, à celle heure, qui estoit le XVe de novembre,
estoient desjay yceulx nobles crestiens en grant dangier de leur vie,
pour ce que de nulle part il n’avoyent secours (au moins bien peu, ne
que à compter fût). Et tout par les grant gueres et mauldictes envie
que ceulx de qui il deussent estre secorus et aydés avoient les ung
encontre les aultres. Pour laquelle chose je crainct le jugement de Dieu
venir sur nous, et que, à la fin, tout ne c’en pourte malz.
Mais de ces choses je lairés quelquez peu le perler pour le présant, et
vous dirés et escriprés aulcune aultres petitte besoingnette que durans
ces jours avindrent en ces pays ycy par dessay.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ;
DÉCOUVERTE d’üNE INSCRIPTION ROMAINE].

Premièrement, vous veult dire et conter comment en celluy temps,
ou peu devent, c’est assavoir environ le moix de juillet, et tous le tamps
durant jusques en Tyver après, l’on ce mouroit treffort de l’épidimie
par tout le païs de Loraine, espéciallement en la cité de Toult, à Sainct
Nicollas et à Nencey, et quelque peu à Mets : mais, la Dieu mercy !, ce
ne fut rien au regairt de leur voisin.
Saint Privé au Champ édifyé. — Pareillement, durant ces jours,
c’est assavoir on moix de septembre, l’on faisoit ouvrer et woulter
1. Gehir, avouer, confesser.

1522. — INSCRIPTION ROMAINE TROUVÉE A METZ

435

l’église de Saint Privé au Champz hors dez portes de la cité, là où ce
thiennent les bon mallaide. Et, ainssy que les ouvriers vinrent à caver
et à faire les foussés, bien parfon en terre, pour faire le fondement de
l’une dez bouttée d’icelle église, fut là trouvée, a plus perfon, une lairge
et longe pier, en manier d’une couverture de quellequez anciens tombiaulx : car dessus ycelle pier estoient escriptes ces lestre ycy, en très
ancienne fasson, et lesquelles à paine veoit on perfaictement. ny à grant
paine les sçavoit on congnoistre ne interpétrés, tant pour l’ancienetés
d’icelle comme pour ce que, en tirant hors la dite pier, elle fut desrom­
pue et despiessés en aulcun lieux. Et estoit ycelle pier d une grosse
roiche, entaillié dez devent l’Incarnacion, avec grant bour et une
mollure de deux boucel1 on mambre tout en 1 entour.
La figure cTicelle lestre qui estoit enchavée dedans la pier 2.

\ /Â.PVE.IiiaoFs hc !
myTAtlV)1
MOSALLICOribOSËt ITWLKRTOUÏÏIV1 j

AVGWJD\n*i.
Interprétation des lettre de la devant dite pier. — Plusieurs scientificque
personne furent assamblés pour congnoistre et interpétrer la sigmficacion d’icelle lestres. Entre lesquelle maistre Jehan Rougier, alors cure
de Saincte Croix à Mets, avec le damoisiaulx Nicollas de Heu, lesquelles
estoient grant clerc et bien fondés en plusieurs sciences, ont heu à len
grant paine et en grant dificultés interpétrés ycelle lettre en la manier
qui c’ensuit. Et, premièrement, ont dit que cellui seigneur, que îllec ce
gisoit soubz celle lame, pouvoit de son propre non estre appelles Mairque, par l’ame 3, premier lettre d’icelle épitaffle ; et, pour son sournon,
Publicien le Secondien, qui est autant à dire comme Marque Publicien
le Second, ou, autrement, d’ung telz lieu 4. Puis fut mterpetres, pour
nautarum mosallicor, que c’estoit à dire qu’il se disoit « nestomer de
1. Bousseau, moulure saillante, tore.

M PUBLICIO. SEC...DANO. NAVTARV... MOSALLICOR LIBEI... TABVLARIO LIIII LV ...
.AVGvsTALi. - C. I. L„ vol. xni, pars i, fasc. h, p. 671, n° 4335. m. pvblicio.
2

SECltnDANO.

NAVTARVm MOSALLICOR LIBER! TABVLARIO UlIUVlrO .AVGVSTALI.

3. L’m.
4, sec peut être, d’après ces savants, une abréviation marquant le lieu d’origine.

436

1522.

- LE COMTE FRANCISQUE LÈVE LE SIÈGE DE TRÊVES

la ripvier de Mezelle ». Et, en après, où il est dict libero tabulario, est
interpétrés « le très franc recepvoirs » ; puis, où il mest Lim lyi augustali, il ont voullus dire qu’il ce doit antandre qu’il estoit recepvoir
de Lim mil et lvi libvrez pour l’ampereur.
Par quoy, pour ces choses et plusieurs aultres, on peult congnoistre
et antandre combien grant choses ait estés du passés de celle tant noble
et fameuse cité de Mets. Et est cest chose assés pour confermer ce que
j ay dit devent au premier livre, là où je vous ait heu moustrés et desdairés comment ancienement celle noble cité estoit chief de toutte
la province, et comment, au lieu et en la rue qui ce dit en Romme Saille
ce soilloient paier les denier César Augustus. Et y estoient demourant
lez recepvoir dez ampereurs de Romme, que en ce lieu recueilloient les
tribus de touttes les province dessà les mons, comme cité capitalle et
chief de tout le pays. Par quoy celluy devent dit scientificque josne
escuyer d’icelle noble cité, nommés seigneur Nicollas de Heu, demandait
à avoir les piesses d’icelle lame, et les fist amener en sa maison à Mets ;
et ycelle piesse fist remasticqués et rejoindre ensamble ; puis fist celle
pier mettre et asseoir en ung mur, allevée en hault, en sa coursaille \
pour memor perpétuelle.

[guerre de l’archevêque de trêves
CONTRE LE COMTE FRANCISQUE].

Guerre de l archevesque contre le dit Fransique. — Or, revenons main­
tenant à pairler et à vous dire et conter comment, après ce que ci
tirant bairbaire, cruel et innumains, Francisque, duquelle je vous at
heu par cy devent pairlés, qui à tort et sans cause avoit heu mis son
sciège devent 1 ancienne cité de Triève 12; et avés ouy comment, après
ce qu il vit qu il n’y pouuoit rien faire, il levait son sciège, luy et les
siens , et, après ce qu il oit brûllés et du tout destruit les devent dites
deux esbayees Sainct Maximien et Sainct Paulin, il c’en allait son
chemin. Car aussy il oit peur de la grosse armée que le révérand père en
Dieu Maximilien, archevesques d’icelle cité, luy préparoit. Or, avoit
ycellui noble seigneur Maximiliens tant quis et pourchassiez qu’il oit
plusieurs noble homme de sa partie : entre lesquelle vint à son ayde le
landegrave de Hessen, et aussy fist le conte Pallautin ; lesqueulx deux
princes ensambles avoyent bien VIII mil homme combaitant, tant à
piedz comme à chevaulx. Mais, niantmoins celluy groz secours, le devent
dit seigneur archevesque, appétent et désirant vangeance, ne lez
atandit pas.
Ville reprinse par Varchvesque (sic). — Ains, trois jours après ce que
1. Courcele, petite cour.
2. La phrase n’est pas achevée d’une manière régulière.

1522.

— GUERRE CONTRE LE COMTE FRANCISQUE

437

le dit Francisque oit levés son sciège et c’en fut en allez, le dit seigneur,
avec son armée et puissance, s’en aillait reconquester la ville de Saint
Windellin, laquelle le dit Franciscus avoit heu prins en s’en venant à
Triève, comme cy devent ait estés dit ; et est celle ville distant de la cité
de Triève à six ou à sept lue. Dedans laquelle ville Saint Vindellin estoit
alors en gairnison le plus anciens dez fîlz du dit Franciscus, nommés
damoisiaulx Jehan, acompaigniez de environ cent homme de guerre.
Mais cellui damoisiaulx Jehan, sçaichant leur venue, ne les atandist pas :
car nuytanment avec ces gens s’en sont fouys, et ont abandonnez la
plaice.
Concquesle sur le conte Fvansisc. — Par quoy, après que tout fut remis
en bon ordre en ycelle ville, ce partit le dit ârchevesque, le thier jours
après. Et, avec son armée, s’en aillait mettre le sciège devent une place
du dit Francisque, nommée Hathwiller, laquelle est environ à dix lieue
du dit Triève. Et finablement fut la dite place prinse par assault, et
brûllée. Puis, ce fait et tantost après, se joindit le dit ârchevesque de
Triève avec les deux aultres princes devent dit ; lesquelles tous ensambles s’an allirent, eulx et leur armée, conjoinctement mettre le sciège
devent une aultres place, apertenant à ung des aydans du dit Fran­
cisque, nommée Kronenberg, assitte entre Mayence et Frankfort.
Laquelle finablement fut prinse ; et se randirent leur vie saulve. Puis,
de là, en retournant, se sont tirés les princes devent dit devant une
aultre place, nommée Wertemberg, apertenant à Phelippe Slusterer,
cousin germain du dit Francisque, et duquelle plusieurs fois je vous ait
heu par cy devent parlés durant le sciège qui fut mis devent la cité de
Mets ; et est celle place scituées environ à XIIII lieue du dit Triève,
en tirant devers le Rin. Et, finablement, pour les desmérittez de son
maistre, fut la dite place prinse, arse et arrasée. Puis, en retournant
tousjours devers Triève, fut encor par les dit trois princes assaillie une
aultre place de leur annemis, nommée Merlrsem, environ à XI lieue de
la dite cité de Triève. De laquelle maison en fut faictes comme des
aultrez ycy devent nommée : car, après l’assault donnés, elle fut prinse
et brûllée. Et, après ce fait et acomplis, les trois princes devent dit ont
délibérés et déterminés de laissier passer l’yver et de ce repouser jusques
a prinstamps après. Et là ont renforcés leur alliances, et ont promis de
ce tous retrover assamblés en armes a moix d’apvrilz après, en intancion a de destruire du tout le dit Francisque et ces alliés : comme il
firent, et comme ycy aprez il serait dit, quant temps serait.
Mais, en laissant aulcuns peu du dit Francisque le parler, je veult
revenir à vous dire et desclairer dez deux soldoieur de Mets qui alors
estoient prins au chastiaulx d’Albourt et détenus prisonnier.

a. Ms. : ytancion.

438

1522. — SOUDOYEURS DE METZ EMPRISONNÉS

[le COMTE DE LIN AN GE ET WOLF STUBER, ENNEMIS DE METZ,
MIS AU BAN DE L’EMPIRE].

Deux soldieur de Metz prisonnier au château de Dasbourg. — Environ
au Xe fuyllet ycy devent, je vous ay heu dit et contés comment ung
bourjois de Mets, nommés Regnauldat, le bouchier, pour aulcune ces
affaire, et principabernent pour ung procès et ung plait qu’il menoit
devers le ban de Desme, le XXIIIR jour du moix de juillet, se estoit
partis de la cité, acompaigniez de deux souldoieur d’icelle, avec aulcuns
aultres ces voisin. Et vous ay heu dit comment il fut rancontrés, devers
le chaistiaulx de Vyvyer, par ung Allemans nommés Wolff Stuber, de
Durckhem, avec ung aultres Allemans, lequelle autrefois avoit estés au
gaige de la cité, nommés Melchien. Et yceulx, acompaigniez de XVI
homme d’airme bien montés et armés, vinrent en ung destroit à ruer
sur le dit Regnauldat et ces complice *1. Puis vous ait dit comment,
après plusieurs deffance et plusieurs copt donnés et ressus, fmablement
le dit Regnauldat se salvait ; aussy firent ces woisin. Mais les deux
soldoieurs, c’est assavoir Nicollas Sainct Pier et Conraird, janre à Pier
Mertin, qui furent cause de leur salus, furent prins et emmenés à celluy
chaistiaulx Dasbourg ou Dabour, qui est une forte place, et chief de
la conté Dalbour, et qui est scituée à sincq lue de coustier de Stracbourg,
et assez près de Hauguenowe, et environ à XX lue d’Allemaigne de la
cité de Mets. Et en ce lieu furent yceulx prisonnier menez et soubtenus
par ung nommés Emich l’aisnés, conte de Linangez, et par le dit Wolff
Stuber.
Or est ainssy que, aprez la prinse des devent dit soldoieurs, les sei­
gneurs, recteurs et gouverneurs de la chose publicque en Mets en ont
heu par plusieurs fois rescript tout « à la parsonne de notre sire l’ampereur, lui remoustrant le cas, et comment l’on ne cuydoit rien avoir
à faire au dit conte Emich, ne aux aultres ces complise comme au dit
conte meisme, luy faisant requeste de randre yceulx deux soldoieurs
ainssy prins à tort et sans cause. Mais tout ce n’ait rien probités. Ains
demendoient au dit prisonniers une très grosse et oultraigieuse ranson,
de la somme de deux mil escus, disant yceulx lairons qu’il ne les détenoient pas pour hommes d’armes, ains les détenoient comme verlet de
bouchier et bourjois de la cité. Pour laquelle choses en fut encor rescript
au dit ampereur. Lequel, du fait bien dehument informés et advertis,
fist mander et comender au dit conte Emich, et perreillement au dit
Wolff Stuber, que, incontinent ces lestres vueues, il voulcissent laichier
yceulx prisonnier francquez et quicte, ou, sinon, qu’il vincent à une
a. Ms, : tant.
1. Complice a ici le sens de « compagnon », sans nuance défavorable

1522. — ENNEMIS DE METZ AU BAN DE L’EMPIRE

439

journée à eulx assignée pour dire cause et raison pour quoy il les détenoient. Et fut ce mandement par deux ou trois fois rescript au dit conte
et à ces aydans ; duquelle jamais n’ont tenus conte, ains de plus en plus
ont yceulx prisonnier détenus court, rudemant, et, avec ce, traictés
villainement, en les appellant : « villains bouchier », et en leur disant
que : « par la mort bieux !, se brief il n’avoient deux mil escus de ranson,
il les feroient saulter du hault du donjon à l’availlée dessus la roiche ».
Les deux soldieur cy devant dicl eschappe de prison. — Par quoy,
voyant yceulx soldoieurs que leur cas ce portoit mal, comme par désespéracion, à la fin du moix de septembre, ont entre eulx préposés de ce
mettre en aventure et en voye d’eschapper. Et, pour ce faire, ont tant
fait qu’il ont trouvé manier d’avoir des cordes d’ung viez panés de cerf1
que assez près d’illec pandoit ; avec lesquelles ont tellement besoingniez
que, nuytenment, du plus hault du donjon se sont availlés és foussés, là
où il n’y avoit point d’yaue, car c’est tout roichier. Mais, en ce faisant,
il olrent les mains touttes brûllée et escorchée ; et en furent moult
longuement impotant, qu’il ne s’en pouuoient aydier. Et encor ne fut
pas tout : car, quant il vinrent és dit foussés, il olrent encor une mer­
veilleuse paine à s’en retirer dehors, et à passer des grosses et. espesse
haye que illec estoient. Touteffois, à quelque meschief 2, il eschappairent
de ce lieu ; et toutte la nuyt et le jour ensuyant ont cheminés, tant qu’il
parvindrent à la ville de Morhange. Et là lez furent requérir XXX sol­
doieurs de la cité.
Lecllre de l’empereur pour l’esgart des dit soldieur. — Et fut ce fait
durans le tempts que les devent dit seigneurs de la cité en faisoient la
poursuittes, et que le dit ampereurs en avoit rescript. Mais, jay pour ce
c’il en avoit rescript ne c’il 3 estoient eschappés, ne fut laichiez du dit
conte Emich et de ces complices de en faire requestes pour la devent
dictez ranson. Par quoy nostre sire l’ampereur, Chairles cinquième,
esleu empereur des Romains, tousjours aguste, roy de Germanie, d Espaigne, des deux Cecilles, de Jérusalem, Honguerie, Dalmacie et
Croacie, archeduc d’Austriche, duc de Bourgongne, conte de Habspourg,
de Flandes et Tyrol, etc., après qu’il oit veu la désobéysance du dit
Emich et de ces aydans, et qu’il fut bien advertis de leur malvistiet et
de la vérités, en fist telle mandemant : c’est assavoir que le dit seigneur
mande à tous ces princes, Éliseurs et aultres princes spirituelz et tem­
porel, prélas, contes, barons, chevaliers, escuiers, cappitainez, chastellains, vydames, wouuez, régens, gouverneurs, officiers, prévost,
maistre des bourgeois, justiciers, conseilliers, bourgeois, comunaultés,
et à tous aultres ses subgectz, en quelque dignités, estât ou condicion
qu’il fussent, à qui ce présant mandement seroit moustrés ou notifiiez,
1. Panel de cerf. Le mot panel désigne un morceau, un lambeau d’étoffe, etc. S’agit-il
ici du cuir d’un cerf, que les prisonniers ont débité en lanières ?
2. Quelles que fussent les difficultés qu’ils rencontrèrent. — Tournure archaïque,
conservée de l’ancien français (à quelque peinne).
3. J à pour ce qu'il en avoit rescrit ne qu’il estoient eschappés, malgré 1 ordre de 1 empereur et l’évasion des prisonniers.

440

1522. —• ENNEMIS DE METZ AU BAN DE L’EMPIRE

auquelles il mandoit et faisoit assavoir comment1, depuis certains
jours passés, les honorables de luy et du Sainct Ampire chier feaulx
les maistre des bourgeois, eschevins et trèzes jurés de la cité de Mets
luy ont heu fait remonstrez en son perlement impérial comment ung
nommés Emich l’aisnés, conte de Linanges, ait heu recepté ët soustenus,
et avec ce détenus prisonniers en son chaisteaulx de Dagspourg les deux
soldoieurs devent dit, que Wolff Stuber, de Durckhem, avoit heu prins
et appréhendés, sans forme ne poursuicte de droit, et desquelles il
demandoit reanson et despans, le tout contre droit ;
et, oultre ce, qu’il avoit par avant heu le commendement du dit
seigneur de s’en désister, et deffaire du dit Stuber, et que ycelluy ne
aultres ne woulcist plus soubstenir ne logier contre les dit de Mets ;
et, depuis ce fait, pour ce qu’il n’en faisoit riens, à la porsuittes des
dit de Mets, le dit seigneur ampereur eust derechief commandé au dit
conte Emich, par ung aultres mandement publicquez 2, aprez la déli­
vrance des dit mandement, il eust délivrés et laissier aller les dit deux
prisonnier francs et quictes de reansons et despans ;
et, avec ce, luy fut mandés que à l’avenir il ne soustînt plus ne feist
favour au dit Stuber ne à ces aydans au préjudice ne domaige d’iceulx
de Mets, avec citacion y adjointe, par laquelle fut le dit conte mandés
de comparoir à ung certain jour par devent son perlement pour illec
bailler noticez et congnoissance qu’il eust obéys et obtempérés a con­
tenus de son mandement et commendement de la délivrance des dit
prisonniers, ou sinon, alors, il devoit estre desclairé, par santance et
droit, estre pour son inobédience, mespris et contempt 3, encheu és
dictes pênes, ou dire causes raisonnablez en droit pour quoy ce ne se
debveroit faire, le tout plus amplement contenus és dit mandement et
citacion ;
mais, quelque mendement ne commendement que lui fût fait, le dit
conte Emich, depuis la notifïicacion d’icellui mandement, et pandant
le temps de la citacion en jusques à la dabte de cest, n’est comparu
selon droit, ne baillé notice ne congnoissance de son obéyssance ne que
il eust aptempérés et ensuyvis au dit mandement impérial ; ains ait
heu et 4 envoyés une lettres au dit perlement, par laquelle il confessoit
avoir receu cellui mandement, en oultre, il ne fut trouvés en aulcune
chose son escuse, ne déchairge appartenante à droit ;
par quoy, à cest cause lay, pour sa désobéyssance et cotennances 5,
sur la complaintes, doléances et poursuites des dit de Mets en nostre dit
parlement, ait estés desclairés et prononcés par sentences et jugement
estre escheus en bans de nostre sire l’empereur et du Sainct Empire.
1. La phrase, trop longue, est en quelque sorte « relancée » par ces mots, dont la
construction est irrégulière.
2. Il faut suppléer que. L’empereur ordonne que, dès la publication de son mande­
ment, le deux prisonniers soient relâchés.
3.Constemps, mépris.
4. Supprimer et.
5. Contemnance, mépris.

1522. — ENNEMIS DE METZ AU BAN DE L’EMPIRE

441

Et, sur ceu, fut incontinant par le lieutenant impérialz publiés et
dénoncés, à ciel descouvert, estre escheu on dit ban, comme tout ceu
est plus amplement contenus on dit mandement impérialz et jugement
sur ceu baillés. A l’occasion de quoy, et affins que plus assuréement et
par fructueuse nécessités peust estre besoingniés, et procédés à l’espédicion de ce en l’encontre du dit inobédiant et comtempneur, fut déclairés et dénoncés ycelluy conte, Emich l’aisnés, de l’Empire publiques
embannys. Et, pour ce, commende le dit ampereur sur ceu, à tous et
à ung chacun emsemblez et en particulier, de l’impérialz puissances, et
très à certes \ que ung chacun de vous veullent réputez et estimer, et
avec ceu tenir ycelluy conte Emich publicques ambannis de l’empereur
et de touttes l’empire ; et que désormais ung chacun des dit seigneurs
ne le laissait entrer en leur principaltés, pays, signorye, chastiaulx,
villes, bourgs, forteresse, justices, villaiges, juredictions, comunaltés
ou habitacions, et qu’ilz ne fût sostenus, habergés, receu, logés, secourus,
alimentés, sustantés ne sostenus de boire ne de manger, par vendaiges,
par achet ny aultrement, et que nulz n’ayent fréquentacions avec luy,
et qu’il ne soit permys à nulz de leur subgetz, en manière que ce soit ;
ains commande le dit ampereur et son Conseil qu ilz soit arestés,
appréhendés, détenus et occupés, tant à son corps comme à ses biens,
là où vous lez pourrés trouver, consuyvre et attaindre, tant sur terre
que sur mer, et qu’il soient mis en leur mains et puissances , et que au
dit de Mets et à ceulx ayans puissance et ordonnance de part eulx de ce
faire singulièrement permettés, en donnant au dit de Mets sur ceu
conseille, ayde, favour et secour, touttes et quantes fois que pour ceu il
en seront requis et en touttes manières qu il entreprennent en 1 encontre
du dit conte Emich, comme publicques déclairés et embannis, tant et sy
longuement qu’il se serait réduyt à obéissances et que de ycelluy ban
il soit absolt selon qu’ilz appartient.
Et fut donnée puissances au dit seigneurs et aultres de l’empire que,
ce qu’ilz feroient, besongneroient et exploiteroient en 1 encontre du dit
transgresseur embannys, tant au corps comme au biens, il n aroient
offencés ne mesprins en l’encontre du dit emperreurs ne du Sainct
Empire, et ne seroient tenus d’en respondres en nulle court.
Et ne polrait celluy embanys garder, deffendre ne affranchir aulcuns
impériaulx saulconduyt, grâces, franchize, previlaiges, paix de païs,
alliances, intelligences, confédéracions, droit de chasteaulx, villes, ne de
pays, que sont ou seront, par les anciens empereurs, Roy des Romains,
ou aultres princes, seigneurs spirituelz ou temporelz,fait, baillés, ottroyés
et concédés, ne en touttes aultres chose où il volroit pranre aventaiges.
Et veult encor le dit empereur que nulz des princes et seigneurs
devent dit ne faicent, serche ne entrepraignent sur l’aultres on dit
affaire par ampêchement, dilacions ne suspence, ne soy laisser aulcune
chose à soy ampescher.
Et, en ce faisant, leur desclaire le dit empereur, à ung chacun, qu’ilz
1. A certes, expressément.

442

1522. — ENNEMIS DE METZ AU BAN DE L’EMPIRE

feront en ensuyvant le mandement de sa très adcerte intencion. Et,
pour ce, mandoit le dit ampereur à tous ceulx qui transgresseraient le
devent dit mandement et ordonnances, et feraient aroye *1 ou exploite­
raient au contraire, seraient encheus en perreille painnes de droit et on
ban du Sainct Empire ; et seroit exploitiez en rencontres d’iceulx comme
d’aultres ambanys.
Et fut ce mandement donnés en la cité de Nuremberg, le XXIXe jour
du moix d’octobre, l’an dessus dit XVe et XXII, et du Royaulme des
Romains en sa 1111e année, et de tous les aultres on VIIe ans. Ainsy
suscript et signés : Ferdinandus, arch. aust. :c: in impl. locum tenens,
R. episcopus tridentinensis. vice reverendus, collegerunt ad mandatum
dominum imperatoris in consilio imperiali.
Pairellement, en celluy mandement est narré cornent le devent dit
Wolff Stuber est encheu on ban de l’empire, pour ceu que, sans forme
ne porsuites de droit, ait eheu prins yceulx deulx devent dit soldoyeurs
de la cité, et yceulx ait menés prisonniers on chasteaulx du conte Emich,
appellés Dagspour a , demandant une grosse somme tant de ranson que
de despand, qu’est une chose allant contre la paix généralle qui ce
appelle en allemant la Landsfrid. Et, oultre ce, que par mandement
impériaulx eust estés commandés, sur les poinnes contenues en ycelle
paix, comme dit est devent, et en perilz d’encheoir on bans impériaulx,
on cas que, dedans VI jours après la récepcions d’icellui mandement,
il fist tellement 2 que les dit deux prisonniers fussent mys hors et à
belivre, franc et quictes de ranson et de despand. Et, avec ceu, fut cité
due dedans certains jours il comparût en personne on devent dit perlement impérialz, pour notifier et apparoir qu’il eust faicte ycelle déli­
vrances, ou, sinon, pour veoir et oyr soy estre déclairés par droit encheu
és dites peinnes, ou dire cause et raison pour quoy ycelle déclaracions
n’en debveroit estre faicte.
Lequelz toutteffois ne comparut, ne ne fist ycelle notifïicacions ;
mais seullement escript certaines lettres au dit parlement, par lesquelz, entre aultrez choses, il cognoissoit avoir fait la dite prinses.
Aud cause de quoy le dit Wolff Stuber fut sentenciez, prononcés et
déclairés estre en ban de l’empire ; par quoy ycelluy seigneur empereurs
fist commender à tous princes, seigneurs et Estât de l’empire non le
laisser entrer en leur principaultés, seigneuries, etc., ne le soustenir ne
habergier, etc., tout cellon le contenus de la déclaracions du devent dit
conte Emich ycy devent myse et escriptes.

a. Ms. : Dogspour.
1. Faire arroi, se conduire, se comporter, agir d’une certaine manière.
2. Il ne fist tellement que...

1522. —• DÉCOUVERTE DES ILES PHILIPPINES

443

[ÉVÉNEMENS DIVERS EN EUROPE ET DANS LE MONDE].

L’empereur va en Espaigne. — Depuis ce fait en la manier que avés
ouy, nostre sire l’empereur se partist ung peu aprez dez pays de par
dessà ; et s’en tirait, luy et les siens, on pays d’Espaigne, duquelle il
estoit venus. Puis, après son despart, les devent dit seigneurs et recteurs
de la cité de Mets firent tant qu’il heurent coppie du devent dit mendement ; lequelle fut imprimés, et, la vigille saincte Bairbe, troisiesme
jour de décembre, en fut la coppie ataichée en l’encontre la porte du
portai du Pallas de Mets, et par touttes les portes de la cité.
Et, tantost ung poc après, vinrent nouvelles en Mets comment ma
damme la régente et gouvernantes des pays de 1 ampereurs par dellà ait
envoiés la coppie d’une lectres, translatée d’espaignolz en françois,
que le vice roy de Naiples avoit receu du secrétaire du dit seigneur
empereur, nommés don Pedro a Garcia. Et contiennent les dite lettres
la rigoreuse justice que l’empereur notre sire ait fait faire par dellà de
ceulx qui avoient fait mutiner le puple, luy estant par dessà. Et, entre
les aultres, l’évesques qui fut chief et principalz de ce huttin ait estés
menés par la cité de Waldolly sur une mulle, à visaige descouvers, entre
deux prévost des mareschaulx, vint cinquez homme d’armes devent
lui, et autant derrier. Cella fait, il ait estés mys en cul de fosse en une
tour qui s’appelle la Motte, en ung lieu nommés Sarucques, près de la
dite cité. Et ont les Espaignolz accordés au dit seigneur empereur,
oultres les ordonnances acoustumée, XXXm homme de piedz et dix
mil à chevaulx, deffraiez et entretenus, tant que la guerre durerait.
Plusieurs aultres nouvelles sont meisme venuee en celluy temps.
Entre lesquelles y avoit comme Nostre Sainct Perre le Pappe ait octroiés
au dit seigneur empereur le quaitriesme denier des rantes des gens
d’Esglise pour faire la guerre contre les Infidelles. Et, avec ce, ont les
héritiers de feu monsseigneur le cardinalz de Croy consenty à Sa Majestés
tout le revenus de l’archeveschiez de Tholette. En oultre, aura Sa
Majestés tous lez vacans et despoulles de plusieurs aultres éveschiez.
Item, perreillement, les confiscacion des fugitifz que par contumaces
sont enfuys ad cause des mutacions qui ont estés par dellà. Et monte
bien cecy à ung million d’or, comme il estoit escript és dite lettre.
Et, perreillement, les argent des marquisatz et croizades.
Une isle novelle conqueslée pour l’empereur h — Item, aussy en ce
meisme temps, ung cappitainne du dit seigneur, nommés Fernando,
ait heu trouvés une ysle nouvelle ; laquelle il ait conquestés et mys
soubz l’obéyssance de l’empereur. Et sont estés trouvés en ycelle isle
a. Ms. : Predo.
1. Il s’agit des Philippines, découvertes par Ferdinand Magellan.

444

1522. — VIGNES VENDANGÉES PAR LES ENNEMIS

de XXV à XXX tant ville que villaiges et bourgz. Entre lesquelles en
y ait une ville, appallée Denyeta, là où sont LXm feu ; et perreillement
à l’avenant és aultres. Et ait heu le dit cappitaine rescript au dit empe­
reurs que celle ysle luy vauldra tous les ans prez ou environ de VIIIe mil
ducas, ad cause de toutte manier d’espicerie que illec sont trouvée,
fore que le poivre. Et dévoient briefvement venir aulcuns députés du
pays devers le dit emperreur, avec grant présant, pour luy faire fois et
hommaige. Paireillement vinrent novelle que seize nefz armée françoize vinrent à rancontrer le cappitenne dessus dit, et luy cuidairent
porter dopmaige : mais elle furent fînablement ruées jus.
Plusieurs aultres besoingne ont encor estés faictes et advenue durant
ces jours és pays de par dellà, desquelles je me passe quant à présent
d’en plus dire, pour revenir à aultres besoingne.
Les vignes de Damviller vendengée par la garnison de Jamais. — Item,
le dit ans, le disiesme jours du moix d’octoubre, les François de la
gairnisons du chaistiaulx de Jamaix, avec leur aydans, se vinrent
apairquer devent la plaice de Dampviller, faindant de y mestre le
sciège. Et y furent le dit jour, avec le samedi, par tout le jour. Auquelle
tamps durant il olrent puissance de gens qui vinrent à vandangier
touttes les vigne qui sont en plusieurs villaiges là entour, et qui sont
du resors de Bourgongne ; et firent touttes emmenés la vandanges
au dit lieu de Jamaix, avec tout tant de tonniaulx wuidangé qu’il ont
trouvés, tant des reffait comme à refïaire ; et, avec ceu, ont emmenés
plusieurs home tonnelliers du pais pour rabillier et reffaire yceulx ton­
niaulx ; et ont encor emmenés plusieurs quewe et quewiaulx. Et encor,
qui pis est, après tout ceu fait, quant il olrent prins le fruit et emmenés,
comme dit est devent, il ont couppés et trappés une partie des dite
vigne. Et firent en ces deux jours ung horribles dopmaige au povre
gens du pais. Hé ! Dieu glorieulx de paradis ! Mais qui polrait récompancer ne satifïaire à tant de grant et inestimable dopmaige que à
l’ocausion de celle mauldictes envie advint ? Je ne sçay qui ce ferait.
Et bien deveroit doubter la concience cellui d’yceulx nobles princes 1
à qui il thient que la paix ne ce fait et qui ait le tort de celle mauldicte
guerre. Je prie à Dieu qu’il leur doinct cuer et couraige de ce briefment
acourder, et de donner aydes au crestiens dessus les Infidelle.
Delluge d’iawe en Ville de Panazye 2. — En ces meismes jours vinrent
aultre nouvelles en la cité de Mets, c’est assavoir que lettre certaines
furent apourtée faisant mencion comment ung noble homme, nommés
Manuel Gorges, facteur du roy de Portingal, ait heu rescript au dit son
seigneur que, luy estent en une isle d’icelluy pays, se firent de mer­
veilleux signe de déluge. Et, premièrement, avint que, le dit ans et le
1. Le prince qui est responsable de ces méfaits peut bien craindre en son for intérieur
la punition de Dieu,
2. Les Açores. L’île de Saint Michiel est Plie de San Miguel; Agba du Pas est Agoa
do Pao. etc.

1522—

LES AÇORES DÉVASTÉES PAR UN OURAGAN

445

XXIIe jours du dit moix d’octobre, sur ung jeudi, entre quaitre et
sincqz heure du mattin, l’on cuydoit certainement que tout deust
fondre et périr par les grande eauue qu’il fist en ycelle ysle, nommée de
Sainct Michiel, près de la grande Canarie. Et tellement que, en ung
villaige nommés le Pont Estroit, tombairent LXX maison, et y furent
XXVII personne perdue et noyéez. Item, en une aultre petitte ville,
appellée Lagoa, sont tombée touttez les maison, avec l’église, et y sont
périeez XV personnez. Puis, après, en ung aultres lieux d’icelle isles, est
tombée une montaigne, laquelle a abatu et enfondus touttes les maison
de là entours, avec une église ; et ait l’eaue en celle pertie couvers tout
le païs ; et y sont demourez X personne. Paireillement, sur une ripvier
courante vers bise, est scituée une ville en laquelle sont enfondue L mai­
son ; et y sont demourée VIII parsonnes. Item, dessus une aultres
petitte ville, nommée Biaulx Port, sont tombée deux grande montaignes, et ont abatuee touttes les maisons ; et y sont demourés LX per­
sonnes, avec tout le bestiaulx qui estoit là environ. De quoy cellui
recepvoir rescript a roy son seigneur que en ycelle ville il avoit assamblez
grant multitude de froment pour le dit son seigneur, lequelle ait tout
estez perdus. Paireillement sont encor tombée d’aultres montaignes qui
ont enfondus et gaistés aulcuns villaiges nommés Chimda, Quindastes
et Fanes, et touttes enfondus lez maisons et enruynée. Item, encor, on
quertier de bise d’icelle isle, est une petitte ville là où touttes lez maison
sont enfondue et pardues. Puis y est encor une aultre ville, nommée
Villa Franca, qui est la principalle de toutte cest ysle, et contenoit
environ trois cenc et L maison et deux mil parsonnes ; sur lesquelles sont
tombée et touttez esparses deux montaignes qui après d’icelle ville
estoient ; et tellement se sont frattriés 1 dessus qu’elle ont confondus
toutte la ville, maison, église, et l’ont enthièrement covert, en fasson
telz que l’on ne sçaroit congnoistre que jamaix y eust heu ville ; et y
ait estés tout le peuple d’icelle ville mort et péris, exceptés deux frères
et sept maison ; et est la terre d’icelle deux montaignes par dessus la
ville plus de XX piedz d’espesseur. De celle ville receupt le roy de
Portingal moult grant dopmaige, et plus c’on ne sçairoit pancer : car
c’estoit le lieux là où tout le trésor et la recepte d’icelle isle estoit.
Item, d’une aultres montaigne est tombée une roiche de XX piedz
d’espesseur dessus une ville nommée Agba du Pas, et là ait abatus plu­
sieurs maison, et tués plusieurs personnes. Et aussy ait fait sur ung
aultres villaige nommés Las Furnas, esquelle lieux sont périees et
noiéez plus de deux mil bestes, avec plusieurs aultres personnes. Et sont
touttes lez voye et chemins couvers et perdus. Et tous ceulx et celles
qui polrent eschapper de ce dangiers s’en sont fuys devers la mer,
comme gens esgairrés et perdus : desquelles les plusieurs estoient blessés
en aulcuns lieux de leur mambre. Le doulx Jhésus y vueulle mettre sa
graice ! Amen. Et advint cest fortune a jour devent dit, XXIIe d’oc1. Effondrées. Le verbe fratrier (fraitrier) semble formé sur fraitien, fraiture, dérivés
de fraindre, qui expriment l’idée de brisure, de rupture, etc.

446

1522. — TREMBLEMENT DE TERRE EN AFRIQUE

toubre. Desquelle nouvelles le devent dit roy de Portingal en resseust les
lettres le XXVe jours du dit moix d’octoubre.
Grand tremblement de terre au royaume de Grenade. — Item, aussy en
ces meisme tempts, furent envoyées aultrez lettres au mairquis de Villa
Real et au seigneur Anthonne, son frère, touchant ung aultre tramblement que peu devent ce tempts avoit heu fait au royaulme de Grenaide
et en plusieurs aultres ville en Barbarie. Et, premier, advint en ce tempts
au dit royaulme que, par ung tramblement et crollement de terre,
fut toutte destruicte la ville d’Almerie, qui est port de mer, avec plu­
sieurs aultres villaigez là entour. — Aussy, durant ces jour, sont arrivés
au port d’icelle aulcuns religieulx, qui venoient de raicheter les crestiens
captif de la mains des Turcs, lesqueulx ont dit et rapourtés pour vray
comment, en ce meisme tempts et au meisme jour, eulx estant au port
de Bélès, et ainssy comme il furent antrés en ung bergantins dessus la
mer pour s’en venir par dessà, se eslevait ung cy orible a vent et une
cy orible tempeste, environ les huit ou IX heure du mattin, et tellement
que leur navire fut regectée sur la terre. Et, du merveilleux tramble­
ment que alors flst, la ville de Bellès de la Gomera, avec le chasteau de
Purion *1, gisant sur la mer, sont enthièrement perdus et fondus en
abisme, avec la plus grant part du puple qui estoit dedans ; et telle­
ment que, de la ville et du chaisteaulx, n’est demouré enseigne quel­
conque. Et alors les dit Frères, estant ainsy gectés sur terre, sont allés
en ung aultre port, nommés Oram, pour remonter sur mer ; et disoient
que perreillement à celluy port y avoit heu dopmaige. Et, eulx estant
encor là, ouyrent dire que plus avent on pays estoient enfondrée et
périeez du dit crollement de terre plusieurs ville : c’est assavoir Conyfees
et Trituan, avec leur grand temple, que les Mores apellent Mesquita,
auquelle le roy d’icellui pays, avec ces nobles, c’en estoit enfouys, se
cuydant là mieulx salver que aultre part. Et, encor daventaiges, l’on
disoit que cellui crollement avoit estés plus de XL lue de parfon au dit
pais, jusques à la ville de Maroque ; et avoit gaistés et destruit plusieurs
villes et maison, avec lez habitans : car, de destresse 2, lez pierres sailloient l’une contre l’aultre, et dez esclaittes d’icelle estoient tués et mis
à mort plusieurs parsonnes. Et perreillement vinrent nouvelles que ces
meisme chosez estoient advenue on pais d’Aulfricque.
Cy vous souffise quant à présent de ceu que j’en ait dit.

[ÉVÉNEMENS DIVERS AU PAYS DE METZ].

Cest présante année, l’an Ve et XXII, fut d’une terribles condicion
et nature. Car, de son acomencement, il fist la plus belle et bonne saison
qu’il estoit possible de faire pour les biens de terre. Et tellement que l’on
a. Ms. : oblible.
1. Velez de la Gomera, sur le littoral du Maroc septentrional, à peu de distance d’un
îlot fortifié, le penon de Velez.
2. Sous l’effet de la pression.

1522. — PETITE VENDANGE ; PRIX DES DENRÉES

447

recuyllait lez plus biaulx et lez milleur fromen que de loing temps fu­
rent, et à grant abondance (néantmoins que l’on lez tenoit assez chier,
ad cause dez guerres devent dictes, et aussy pour la dyversitésdu tempts
qui vint après, comme je dirés tantost).
Petilte vendenge. — Car, après la moisson, et que les vigne estoient
a plus belle, se muait alors tellement le tempts, et tousjours de pis en
pis, en pluye et en froidure, qu’elle descheoient tous les jours. Et, encor,
ce peu qui estoit demourés aux champs oit plusieurs adversités ; et oit
on grant paine à lez lever. Et tellement que, pour la froidure qui alors
raignoit, à paine à la sainct Remey avoit on acommenciet à vendangier :
car, depuis le moix d’auuost en jusques en janvier, ne fut guerre journée
sans plouoir. Et tellement pleut que les chemins estoient cy ort et cy
fangeus que à paine pouvoit on aller ne venir. Et fist l’une des orde
vandange que jamaix je vis faire. Par quoy lez vins en furent assez plus
manre, et de petitte boisson. Mais néantmoins, à l’ocausions des guerres
devent dictes, les merchant lez venoient quérir à grant abondance,
pour ce qu’il doutoient d’en avoir nécessité ; et vandoit qui voulloit
XII frant la cawe. Au regairt dez vigne de dessus la ripvier de Saille
et Oultre Saille, n’y oit comme point de vin : car, en chacun journaulx,
l’ung pourtant l’aultre, n’y oit point demi cowe de vin. Mais, de la
pertie du Vault, il en olrent environ le quert d’une année. Et, devers
Noeroy, Mairange, Salney, Lorey et Vignuelle, il en olrent bien à demi
année. Et, ce lez vignerons olrent paines de lever leur vins, encor en
avoient plus les laboureux pour ce qu’il ne pouoient enhainer ne semer
leur bledz. Au regaird dez fruit, il en y oit à grant abondance et plantés,
et de tous fruit ; mais il furent menus, et de peu de gairde. La nauvée
fut plus chier que de loing temps devent n’avoit estés : car on vendoit
XXVII ou XXX sols la quairte (mais encor fut elle plus chier ez année
après, comme nous dirons quant tempts serait). L’avuaine fut à bon
merchiez, comme de II sols VI deniers la quairte, ou III sols. Le viez
vin à XII deniers la quairte, et le nouvel à X deniers.
En celle année, devent le Noël, ne gellait point que environ VIII ou
X jours, for que tousjours plovoir ; par quoy lez ripviers furent par
plusieurs fois hors de ryve.
Procez entre parans. ■— Durant ces jours avindrent plusieurs besoingne en la cité de Mets et aultre pairt. Entre lesquelles se esmeust ung
plait, ung procès et une hayne entre aulcuns mairchans de la cité qui
estoient serourge et frères en loy. Le cas fut telz que, environ en l’an
mil Ve et X, estoit alors ung riche mairchant, demourant en ycelle cité,
en la rue de Fornerue, nommés Jehan Stévenin (et fut celluy qui flst
faire et fonder la chaipelle à Saint Jaicque, sa paroiche). Cellui Jehan
oit trois femme ; desquelles il n’avoit nullz anffans, fort trois belle josne
fillette, de Ysaibellin Rollat, sa seconde femme. Or avint que, environ
ce temps, Ve et dix, il morut, luy estant encor josne homme ; et laissait
ycelle trois fillette à marier, auquelles il donnait plusieurs grant richesse
pour leur mairiaiges. Et furent ycelle fillette mise en la gairde de la
mère du dit Jehan, qui encor vivoit, et demouroit en la meisme maison,

448

1522. — PROCÈS ENTRE PARENTS

en Fournerue. Peu de tempts après, l’année d’icelle fdle, nommée
Lorette, fut mariée à ung jantilz fîlz, alors serviteur du seigneur Jehan
Le Gournaix ; et vint à ce tenir et demourer avec la vielle merre, en la
meisme maison qui fut au dit Jehan Stévenin, en Fournerue. Et ce
appelloit celluy josne homme Françoy de Craihange ; et estoient, lui et
sa femme, deux aussy biaulx parsonnaige qu’il en y eust point en Mets.
La seconde fdle, nommée Collette, fut après mariée ; et oit à marit le
seul fîlz Dediet Minairt, le merchant, nommez Françoy Minairt. Puis,
après, par suscession de tempts, la plus josne des dite trois suer, nommée
Mergueritte, fut mariées ; et oit espoussés Phelippe Rollin le josne,
qui estoit moult riche alors qu’il la print. Ces trois josne femme ycy, et
toutte trois suers, estoient belle femme, et bien entendue a cas de
merchandie ; aussy estoient leur marit paireillement. Mais, par susces­
sion de temps, ce anjanrait une envye et une hayne és cuers et couraige
du dit François Mynairt et Phelippe Rollin en l’encontre du dit Françoy
de Crehange, leur biaulx frère. Et fut pour ce que, après la mort de la
vielle Collette, mère au devent dit Jehan Stévenin, firent les dit pertaige ensambles des maison, biens meuble, cens et héritaiges ; et telle­
ment que yceulx deulx voullurent dire que le dit François de Crahange
et la dite Lorette, sa femme, avoient plus heu des biens et du contant
de la dite grant merre que eulx, ad cause qu’il demouroient avec elle.
Et, pour ces choses et plusieurs aultres, en entrirent en grant perrolles et
hayne, qui durait loing tempts. Par quoy groz procès c’en esmeust
entre les pertie, à l’ocausion de plusieurs villames perroles injurieuses 0
dictes entre eulx.
Et tellement allait la chose que, en ceste présantes année, mil Ve et
XXII ans, le devent dit Françoy Minairt, qui du tout menoit cest dance,
après ce qu’il fut retournés du saint voyaiges de Jhérusalem, impétrait
à Romme, ou fist impétrer, une hurle et ung mandement, laquelle burle
ce disoit avoir estés impétréez on non dez héritiers du dit feu Jehan Sté­
venin le merchant trespassés. Qui estoit fault : car la dite burle disoit
que à la requestes des dites suerz fût gectée excomunicacion et mallédiction, à pier gectant, à cloiche sonnant et à chandelles tindant*1, en
rencontres 6 de tous ceulx et celles qui celléement et en requoy détenoient aulcuns des biens qui furent au dit Jehan Stévenin, ny à Collette,
sa merre, contre la voulluntés ne le sceu des dites héritiers ou d’aulcunes
d’ycelle ; et celluy mandemant avoit le dit François Mynairt fait faire,
comme dit est devent, sans le sceu ne le consantiment des aultres héri­
tiers, suers à sa femme, et depuis que luy et la dites Collette, sa femme,
avoyent heu fait généralle quitance de tous les biens et suscessions qui
leur pouuoient avoir estés venus et escheu de part le dit Jehan Stéve­
nin et Ysaibellin, sa femme, perre et merre aus dites trois suers, et de
pair la dite Collette, leur grant merre. Et ycelle burle, par ung dimenche
a. Ms. : injurieures.
b. Ms. : enconcontres.
1. Esteindant, éteignant.

1522. — LES TURCS DONNENT L’ASSAUT A RHODES

449

és Avant de Noël, vint le dit Françoy Minairt, acompaigniez d’ung
nottaire et de deux tesmoing, à la présenter à messire Jehan le Cop °,
alors chappellain du dit Sainct Jaicque, sa paroiche, disant et luy
requérant, par la bouche du dit noctaire, que ycelle woulcist lire et
annoncer à plain loitriez durant la grant messe. Et, jai ce que espressement estoit commendés par le devent dit mandemant papalle, sur pâme
d’estre excomuniet, de ainssy le faire, ce nyantmoins, le dit seigneur
Jehan print dilacion pour s’en conseillier ; et tout ainsy le fist maistrez
Jehan, curé de Saincte Crois, à qui le dit mandement fut présentes pour
en faire comme dessus. Et alors, après ce que la chose fut venue a la
cognoissance du dit Françoy de Crahange et de la dite Lorette, sa femme,
qui estoit la plus année des dites trois suers, et voyant aussy que cecy se
faisoit et estoit fait et faulcement ampétrés pour l’amour d’eulx et a leur
grant préjudice et deshonneur, sont allez à remeide. Et ont tant fait et
pourchaissiez qu’il ont obtenus licence que cest chose ne fut point
publiéez ne annoncée en secret ne en publicquez, pour ce que le dit de
Crahange, avec sa femme, disoient et alégoient que ycelle hurle estoit
faulcement faicte, et par fault donnés à entandre, d’autent qu elle disoi
avoir estez ampétrée on non dez héritiés et héritiers du dit Jehan
Stévenin que fut, et il ce oppoisoient en l’encontre, disant la dite
Lorette que ce n’estoit fait de son grey ne consantement, ams estoit
faicte et ampétrée à sa grant confusion et deshonneur ou du mom
c’estoit l’intencion des dit faicteur. Par quoy, pour ces choses et plu­
sieurs aultres, fut deffandus, on non de la justice tamporelle, de non
annoncer ne publier cest chose, et sur grosse pâme. Et, daventaige, le dit
de Crahange et la dite Lorette, sa femme, y ont tellement besomgn
que le dit Françoy Minairt, leur biaulx frère, pour ce qu il avoit ceu fait
sans lisance de Justice, et pour donner example aux aultres, en fu
jugiés à LX libvrez de messins d’amende, et a estre hanys demy
hors de Mets et de la banlues ; et encor fut condampnes a redeffaire ceu
cm’il avoit fait. Et paiait la dicte amande tout comptant ; mais, au ai
du banissement, à la requestes et prières d’aulcuns ces bien vueu an
et bons amis, il luy fut quictés.
,
Par quoy, pour ces chose, en avint une grant hayne entre lez per .
Et ay cecy voullus mestre pour ung avisement du temps [a] venir.

[PRISE DE RHODES PAR LES TURCS].

Continuation du siège devant Rode. — Mais, en laissant le perler d icelle
petitte besoingnette que durant ces jours avindnait ■et dez ^alt de ^
cité, maintenant je veult revenir à vous dire et conter la fin de celle
a. A la suite du p, Philippe a ajouté après coup deux lettres peu lisibles (q, Z ?) surmontées d?une abréviation.

,

450

1522.

LES CHEVALIERS DE RHODES DEMANDENT SECOURS

r*J°T '"""T

6Î Pestilancieuse guerre que durant celluy tamps le
P*1*"08’
barbfre’ crueI et ^humains, annemis de nostre
samcte Fois cathobcque, faisoit et journellement menoit en l’encontre
de nous frères crestiens, les nobles chevaliers de la cité de Rode (et tout
par envye et hayne dez princes crestiens, que ne leur donnoient aulcuns
ouïs . par e deffault desquelles je doubte et crains que briefment

iZre ™deT
P°Ur 6 T Z’ et que Celle tant noble cité’ qui est la clef et la
touttes la Crestientes, ne soit pardue et aruynées). Or avés
cruel'assT °T
fUylIet’ et V°US ** heu dit et escriPt les
au t que les dit Turcs ont heu donnés, et journellement don­
nent encontre celle noble cité, et la grant résistance que les nobles
chevaliers leur faisoient. Mais, néanmoins leur grant prouesse et vail­
lance leur pouvoir descheoit et deminuoit tout lez jours ; et celle dez
turcs cressoit de plus en plus.
Par quoy voyant maintenant le dangier auquelle il estoient, et qu’il
ne pourvoient plus tenir ne endurer leur grant fureur sans le secour de
ur icres crestiens, ont en ces jours heu mendez et rescript à Nostre
a net Perre le Pappe Audrien les grant tourmant que journellement il
souffroie, demandant son ayde et secour. Et fut principallement ce
mandement et rescripcion fait on non de révérand perre en Dieu le
cardinal commendeur « de l’isle de Rode. Lesquelles lettres contenoient
h

“ «T ^ 6 ?

e cité estoit en grant peril et dangier’ ad cause que

dessus . Et contenoient encor ycelle lettre comment, depuis six moix
passes, continuellement estoient assaillis par l’air, par la terre et par la
mer Par I air, car a grant et terribles son celluy maldict chien enraigiez
ait heu tires ces bombairdes, serpantines et aultres instrument bellicqueuz, esquelles batton ont gettez des pierres de fer et cailloux de neuf
palmes de retondîtes, en démollissant les maisons et église. Par quov les
pouvre citams n’avoient nulz refïuge seur, mais faisoient caverne en
terre pour ce musser. Et ait la cité, les maison, les église et les tour
celie par bombairde, collevrmes, arboullettre et aultre traict telle­
ment demollus et deffaict qu’il n’y ait aparance de cité : car alors, de
onte fait, avoient yceulx Turcs desjay tirés en la dite cité XII mil
pierres, tant de fer comme aultres. Et, quant il apersut que ces bomnombrePde XXXnnT1’
^ CUnecieiS * en terre- Jusques a
mnre de XXXIIII, lesquelles estoient perfonde presquez jusques

brûiiés ïtT; nen aul!;une n furent par Ies citains
cité airs et
f
es aaItres> ad cause des yawe qui sortissoient de terre, ne lui
nt guerre proffités. Ce nyantmoins, il ait une pertie des murs rompus
Anrès r ■fmalS1IeSdit1de Rodes- aa “iculx qu’il peulrent, les reffirent.
Apres ceu fait, il ait tellement occuppés la mer qu’on ne peult naviguer,
non a grant dangier et péril. Et ait les dit de Rodes impétueusement
d’iceIle

a. Ms. : Philippe a écrit comen, surmonté d’une abréviation.

1. Pour toutes les raisons que j’ai exposées ci-dessus

1522.

— RHODES RENDUE AUX TURCS

451

assaillis à main armée, et à grant effusion de sancquez. Toutteffois la
Dieu mercy !, jusques ycy il n’y ont heu que domaige et honte. Les
fossés sont ramplis, et eulx, qui sont laissés et travaillies [des]
assaillant, lez laisses. Et, pour ce, ont délaissé ung peu de assaillir
Maix, comme la malvaise herbe croist, il ce multiplie tous les jours : et
ceulx d’icelle nobles cité sont tous les jours plus foibles. Et, quant le dit
Turcs ait veu qu’il ne pouoit proffiter, il ait voullus par condicion et par
dons le Grant Maistre corrumpre, luy offrant plus grant chose que Rodes.
Maix celluy noble seigneur le Grant Maistre ait les condicions et les dons
refusé, et ait donné son corps et son âme à Nostre Salvour Jhesu
Crist, comme vray champion de la Foy. Et est celluy seigneur ung
homme en guerre bien advisé, corraigeux, hardis et saige, et, avec ce,
de bon conseille, tant en adversité comme en prospérité, plus que on ne
sçairoit dire ; et ait tousjour exercé l’office de vray ampereur ou capi­
taine. Par quoy les dit de Rodes demandoient pour Dieu ayde et secour
au dit Saint Perre, comme à la collonne et ferme pier de nostre Foy.
Et disoient les dit de Rodes que la victoire serroit facile, à 1 extermmacion des dits Turcs, c’il avoient quelque peu de secours, pour ce que a
dite assamblée de trois cent voilles des dit Turcs est reduycte à sinquante au plus : par quoy, à peu d’ayde, moiennant a graice de Dieu
on aroit victoire. Et le dit exercite de deux cent milles d iceulx Turcs
en partie ont estés tués, tant d’icelle guerre comme par la voullunte
divine, et ont estez mors et pery ; et ce qui est de rest ont peu de vivre,
et sont laiche de couraige. Cest lettre fut dabtee le dit ans, Y et X
,
le sincquiesme jour du moix de décembre (c’est assavoir que a cellu
jour fut apourtée à Romme).
, ■ . .
,
Hélas ! quel dolleurs que celle nobles religions n’est briefment secou­
rue ! Mais la crestientés est cy triboullées de guerres, comme j ay i
devent, par celle maldicte envie et couvoitise de resgner, que nulz n y
veult antandre, ou du moins » ceulx qui vouldroient ne peullent. Par
quoy il faut que ajourd’uy celle tant noble cite chees en mains de ces
annemis, contre lesquelles plusieurs fois c’est virilement deffandue
Hé Dieu ! quelle pitié et quelle désollacion serait ce, quant d fau t qu
ung tant noble lieu soit prophanés et contempmme d iceulx villams
chiens, annemis du doulx Jhésus ! Hélas ! il n’y ait remyde , c est la
voulluntés et punicion de Dieu.
Car, quantyceulx nobles chevaliers et cytoiens eurent fait tout leur de
voir de tenir bon, jusques à tout perdre, et il virent que de nulz part ne
leur venoit secours, ne n’espéroient d’en avoir, il ce randirent par corn
posicion, leur vie et baigne salve, et par telz que
, vouhoit
Semourer en la cité, demeurer y pouuoit, en tenant qu<d loy ù^voulloff ,
et n’en chailloit au Grant Turc, fore que qu’il en eust la haulteur et

a. Mot oublié par Philippe.
b. Ms. : moix.
1. Contaminé, souillé.
2. Par tel que, dans do telles conditions que.

452

1522.

l’hérésie de

Martin luther

seigneurie. Et, la. composition crantée, le devent dit Turc, avec sa
puissance, y antrait le dit ans, la vigille de Noël.
Hélas ! le piteux service à Dieu que alors y fut fait et sélébrés de sa
glorieuse Nativités ! Ha ! quel doulloir, quelle desconfort ! Plorés en
crestiens plorés ! Hé Dieu ! quelle pityé, quelle soussy et quelle mirancollye . Je croy qu’il n’y ait langue qui le sceût dire, ne cuer pancer, ne
c erc escripre la perde que à ce jour ce fist pour la crestientés. Non
certes : car c’est ung cas piteux, duquelle le domaige est grant plus c’on
ne sçairoit dire ne estimer. Dieu doinct par sa graice cuer et couraige
aux princes crestiens de ce pacifiés ensamblez, et que une fois par eulx
soit recouvert !
C.y vous lairés quant à présant de ces chose le pairler pour vous dire
d aultres besoingnes, lesquelles durant ce temps sont advenue en diverse
lieu parmey la crestientés.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS EN ALLEMAGNE ET AU PAYS DE METZ].

Item, en ces meismes jours furent faictes plusieurs petitte besoingnette et advindrent plusieurs petitte adventure és pays de par dessà.
Entre lesquelles vinrent nouvelles, de la cité de Nurenberg, comment,
apres ce que celluy Augustin héréticque, nommés Mertin Luther oit
heu asses labourés contre l’Eglise, fermement fondée sur la piere, et que
apres bien entendus et ruminés ses escript, ne sont estez cogneus que
pour donner vexacion et paine au puples, lequelle ne ce peult refïondre 1
a sa secte, le contenant judicialement ou à prochibés ses œuvres et de
ses adherens 2, après, Nostre Mère Saincte Église appert estre vinceresse
e ces contrainateurs héréticques ; en notice de quoy le seigneur duc de
^achsse, par ses lestres patentes, a desclairé plus non le voulloir sup­
porter. Et furent. le premier jour de l’an ces novelles aportée, et les
estres presantee à plusieurs grant personnaiges que alors, environ le
vespre, estoient devent l’église de Sainct Thiébault en la dite cité de
Nurenberg, telz que monsseigneur l’archeduc vicaire du Saint Empire,
e seigneur Electeur mairquis de Brandebourg, le gouverneur de Prusse,
le duc de Bavyer, Casmérus, le filz du dit mairquis, le duc de Lucembourg, les evesques d’Argentina, Ausbourg, Passot et Trente, et plu­
sieurs aultres grant seigneurs. Auquelles, avec les lettres devent dictes,
lut monstres la pamture d’ung monstre que une vaiche ait pourtés és
jours derniers passés, au meisme pays là où ce thient le dit Luther,
uquelle monstre la teste ait corronne comme ung moine, et pourtant
1. Refondre fondre de nouveau. Ici, au figuré, se transformer complètement
les écrits de Luther u f
“î C'air : après avoir soigneusement examiné
nn’fw n
11 fut décidé oiue ces écnts étaient dangereux pour le peuple et
répandre
empê°her par aUtorité de îustice judicialement) les idées luthériennes dé se

1522. — MORT DE L’ABBÉ DE SAINT-SYMPHORIEN

453

naturellement l’habit d’ung moinne, la rest est comme une vaiche ou
ung veaulx, la queue ait grande et lairge de quaitre doy, avec ce est
blanche : laquelle chose peult estre signe de quelquez malz ad venir.
Item, en ces meisme jours, c’est assavoir le dernier jour de l’an,
morut en Mets ung prélas d’Église, filz de ung mairchant de la cité, alors
abbé de Sainct Simphoriens, lequelle estoit moult riche : car il estoit
prieux de Lay et de Petersigne, et, avec ce, conseillier au duc de Loraine.
Cellui fist moult de biens à la dite église. Car, tout premièrement, il
raichetait grant terres qui avoient estés mise en gaige, tant de luy que
d’aultres. Il fist reffaire par deux fois touttes les cloiche d’icelle abbaye ;
et les fist tellement amender que la plus grosse ne fut que la troisiesme. Avec ce, il fist faire le cloistre tout neuf, avec le réfectoire et le
dorteur, telz que le veés. Pareillement fist faire et douuer 1 sa chaipelle
en la dite église, en laquelle il gist. Aussy fist il faire, de ces denier et de
ces maille, les groz mur qui font cloieson par devent la dite abbaie et
par devent toutte la plaice, affm que la cité lui donnait la ruelle qui
estoit auprès de son église. Item, il fit faire à Ralcourt le chaistiaulx de
fon en fon, avec la grande estans. Et plusieurs aultres choses fist il faire
en son temps, lesquelle euvre coustoient plusieurs deniers. Et, c’il eust
encor vescus, il avoit intencion de faire plus grant chose : car, alors
qu’il morut, il avoit merchandés de faire une grosse, espesse et haulte
tour tout devent l’aultre cloichiez, et qui fût estés plus lairge de celle,
et de XL piedz plus haulte, et une chaippelle sur Sainct Gurris, devent
porte Champenoise, avec plusieurs fondacion, tant en ycelle chappelle
comme en son église et à Sainct Vyt, sa paroiche. Et ordonnait à ces
mambours touttes ces choses estre faicte par sa devise et testament,
que montoit à une merveilleuse somme (je le sçay a vray, car je l’oys lire).
Mais de tout ce n’en fut rien fait, jay ce qu’il laissait moult de biens : car,
alors qu’il morut, il avoit ung grant trésors en vin ; avec ce, avoit plus
de XL mil quairte de bledz et plusieurs aultres biens. Que tout furent
prins et dissipés : monsseigneur de la Grand Fault, qui ce tenoit à
Nominy, saisist tout ce de Ralcourt et de plusieurs aultres ville par dellà
pour et on non de monsseigneur le cardinal évesque de Mets, qui ce
disoit abbé ; et le seigneur Claude Baudoiche mettoit la mains a biens
du païs de par dessà pour et on non de monsseigneur l’évesque et
cardinal de Liège, son oncle, qui perreillement s’en disoit abbé. Et
ainssy sont les biens du Crucifis ajourd’uy gouvernés. Dieu, par sa
graice, le preigne en grey !
En ces meisme jours, avindrent plusieurs aultres petitte besomgne
en Mets, desquelles j’en metterés ycy aulcune. Et premier, vous dirés de
deux josne homme mariés, biaulx gallans, friche et joieulx c il en y eust
nulz en la cité, et grant amis ensamble. L’ung demouroit devent l’église
collégialle de Sainct Salvour, et estoit de son mestiet fourgeur d’espée,
maistre artilliés de collevrines, de javelline et d’arboullette et de plu­
sieurs aultres bâtons de guerres ; et l’aultre estoit librairier, imprimeur
1. Douer, doter, pourvoir d’un revenu annuel.

454

1523

N. ST. — ÉVÉNEMENTS DIVERS EN METZ

et relieurs de livres. Ces deux gallans ycy estoient tous deux moult bon
jueurs de la grand espée, de la haiche d’airmes, de la demi lance, de la
courte daigue, de la pertesenne et de l’espée a bouclier. Or avint, en
cellui temps, le jour dez Grant Roy, qu’il avoient souspés ensembles,
et estoient moult joieulx. Et tellement que, en toutte amours, il priment
chacun ung batton, c’est assavoir le libraire avoit une demy picque, et
l’airtilliez ung verdun *1. Et, en ce juant l’ung avec l’aultrez, san ce
cuyder mal faire, l’airtilliés ce avensait tropt avec son verdun, duquelle
il faulsait 2 le libraire tout parmi la cuisse. Et, jay ce que en la cité n’y
eust point milleur ouvrier de l’espée au bouclier que lui, il resseust ce
copt, duquelle trois jours après il morut : car, par la faulte du herbier °,
le feu ce bouttait en sa jambe. Mais, avent sa mort, pardonnait le tout,
et de bon cuer, à son compaignon : car il sçavoit bien qu’il ne le pouuoit
amender.
Pairellement, VIII jour après, c’est assavoir la nuyt dez Petit Roy,
plusieurs dez chantre de la Grant Église de Mets souppoient ensamble.
Entre lesquelles l’ung d’iceulx, qui estoit prebstre, nacionés de Picardie,
nommés Bille S’en Vay, par joyeusetés, fut mis en abit de femme. Et,
après plusieurs risée, se mist en chemin avec d’aultres pour aller veoir
et visiter aulcuns josne chainoigne leur soussons 3. Et, en leur chemins,
furent rencontrés de trois ou quaitre Allemans, armoiés 4, qui perreillement venoient de soupper chiez aulcuns leur amis, et avoient bien beus.
Entre lesquelles, d’iceulx Allemens, en y avoit ung qui cuydoit, d’icelluy
prebstre desguissés, que ce fût une femme ; par quoy il ce aproichait, et
fist samblant de lui voulloir mestre ces mains on saincts. Alors lui dit
cellui chantre c’il lui voulloit faire ; et il dit que ouy. De quoy ce esmeust
perrolle entre eulx. Tellement que cellui chantre desguisés, qui estoit
l’ung dez ténorisse 5 de la Grant Église, lui donnait sur le visaige. Mais
il ne le pourtait guerre loing : car cellui Allemans desguégna son bracquemair, duquelle il cuidoit fandre la teste à celluy chantre. Mais le
copt vint à dévaller contre sa jouue ; et tellement lui availlait que l’on
luy veoit les dans, et en fist cheoir une grande piesse, laquelle fut
apourtée a bairbiet, avec la bairbe qui pandoit. Et, le copt fait, celluy
Allemans s’en fuyt en la Grant Église. Mais, assez tost après, la paix
s’en fist.
Item, aussy en celluy temptz, environ la sainct Vincent, fut tués en
Mets, en la boucherie de Pourtemuzelle, ung viaulx lequelle véritable­
ment avoit sincq piedz : car l’ung d’iceulx piedz pandoit tout anthier
de coustier de l’ung dez aultres, et estoit à peu près aussy groz que lez
aultrez.
a. Ms. : bebier. — Barbier, chirurgien.

1.
2.
3.
4.

Épée longue et étroite, à quatre arêtes, fabriquée d’abord à Verdun.
Fausser signifie ici « blesser » (par erreur).
Soçon, compagnon, camarade.
Armoier, peintre ou brodeur d’armoieries (armoyeur dans Huguet, Dictionnaire
du XVIe siècle). Godefroy croit que armoier peut aussi signifier « armurier ».
5. Ténoriste, chanteur qui a une voix de taille, une voix de baryton.

1523 N. ST. — ARRESTATION DÉ GILLES DË SAPOGNE

455

En celle meisme année, jay ce que, à l’ocausion dez guerrez devent
dicte se faisoient journellement course et riblerie, pillene et lairsin,
et plusieurs aultres mal, qui tropt loing seraient à dire, se non obstant
au gray temps, se firent en Mets plusieurs joieusetez et mommene, et
plusieurs fairxe et bonne morallités, tant sur chair que sur chairette.
Entre lesquelles aulcuns josne bourjois, avec aulcuns josne filz et verlet
d’hostel, jostairent, le dimenche devent le gray dimenche, En Chainge,
à ung aniaulx pendant à une potance. Et donnoit l’ung d’iceulx bour­
jois pour environ ung florin de Mets de draps pour une paire de chausse
au mieulx faisant, par telle condicion qu’il couvenoit que tous ceulx qui
voulaient, jouster fussent armés, c’est assavoir le courset, bracellet
et gantellet, et, avec ce, l’airmette en la teste. — Item, le maicredi
après une josne damme de la cité donnait une baigue d’or pour le mieulx
faisant, c’est à entendre pour celluy qui mieulx ce pourteroit et que plus
de fois ampourteroit le dit anniaulx à la pointe de sa lence, voir par
telle condicion qu’il fussent tous armés comme en guerre, la visiere
availlée. Par quoy, pour l’honneur de la damme, plusieurs des josne
seigneurs et souldoieurs se trouvaient à celle joste. En laquelle y oit
orant risée ; et les faisoit moult biaux veoir.
Aussy en celluy temps, à l’ocausion des guerres devent dictes, comme
j’av dit’devent, se faisoient tousjours plusieurs course et riblerie,
détrousse de mairchant et de danréez, tant sur les ung que sur lez aultres
Et tellement qu’il n’y avoit homme, quel qu’il fut, qui bonnement
ousait résiner \ ne seurement aller ne venir, quelque passeport ou saulconduit qu’il eussent : car, en celluy tempts, l’on prenoit sur tout e
monde, et n’y avoit personne asseurés. A l’ocausion de quoy, en celle
année Ve et XXII, durant le moix de febvner, se tenoit en Mets, a 1 en
saigne du Rouge Lion, en Ramport, ung riche merchant de Nostre
Damme d’Ays, avec aulcuns aultres, lesqueulx, corne je croy, fournissoient de plusieurs danrée et merchandise aulcuns merchamps de
Loraine ; et possible que c’estoit pour mener en France. Et tellement
que son fait fut escusés ; et fut pourpiés par aulcuns hommes d airmes
bourguignon. Entre lesquelles estoit ung nommes Gifle de Sampoigne,
vaillant homme de guerre et couraigeux ; et estoit cellui Gille lieute­
nant du « cappitaine de la ville d’Yvois. Aussy y estent le cappitame
du Saulcey, avec plusieurs aultres, jusques XI ; entre lesquelle y avoit
trois jantilzhommes, desquelle l’ung «toit baitairt au conte Fd*.
Cy ce vinrent yceulx homme d’airmes, avec aulcuns piéton se tenir a
Mets. Et tellement que, le maicredi, lundemain de la samet Mathias
XXVe jour du dit moix de febvrier, yceulx gens de guerre furent
advertis que cellui merchant se devoit trouver au lieu de Mollm. Par
quoy bien armés et acoustrés, saillirent secrètement dehors au champs
et se en allirent tournoient devers le port de Joiey et devers les Hormes,
tant dessay comme dellà la ripvier de Mezelle. Or avint que a celle heure
a. Ms. : de-

.

.f

« vivre d’une manière normale » (et, en particulier, « circud»!,. D«.i»n,ps P.ut
joint » «.«■-».

456

1523 N. ST. — ARRESTATION DE GILLES DE SAPOGNE

retournoient du Pont à Mouson deulx merciet de la cité, l’ung nommé
Stefïe, et l’aultre Mariens ; lesquelles, après plusieurs perrolles, furent
par eulx prins, saisis et enmenés le chemins de Mollin. Et, jay ce qu’il
fussent bien advertis que les dit merciet fussent de Mets, nonostant
lez prinrent et destinrent, et à force et malgré eulx lez en ont menés
jusques auprès de Longeville devent Mets. Et incontinant en furent les
nouvelle apourtée à Mets par aulcuns Lorains qui estoient en la compaignie des dit merciet. Par quoy subitement les seigneurs Sept de la
guerre envoiairent les souldoieurs après. Avec lesquellez c’estoit mis
cellui mairchant de Nostre Damme d’Ays, qui c’en alloit au dit Mollin :
lequelle le devent dit Gille de Sampoigne voulloit à force prandre et
enmener, tout présant yceulx soldoieurs de Mets. Et, de fait, le voulloit
oultragier ou tuer. Maix yceulx soldoieurs le defïandirent, et firent tant,
par doulce parolle plus que par force, qu’il l’amenairent, luy et les siens,
pairler à leur maistres, lez Sept de la guerres, comme il promist sur
sa foy. Et, lui venus, très mal comptant, disoit que I on luy faisoit
grant tort du mairchant son prisonniers, duquelle l’on ne lui
laissoit joyr, veu qu’il disoit l’avoir prins en bonne guerre (jay ce que
le dit mairchant estoit homme à l’ampereur comme luy : mais il disoit
qu’il fornissoit les François et alloit au contraire des ordonnance impénalle). Et, pour ces chosez, en plaine Chambre, tout devent la Seigneu­
rie, husoit de grant menaisse. Toutefïois, après plusieurs parolles
pour ce fait randue, soubz bonne gairde, il fut remenés en son logis à la
Vignette, a pont des Mors. Et, au lundemains, aulcuns commis et dépu­
tés de part messeigneurs du Conseil furent pairler à luy, luy amonétant que, c’il voulloit donner sa foy, l’on le laisseroit aller par la ville
jusques à provision. Laquelle chose il reffusait. Par quoy, à ce meisme
jour, furent envoiez plusieurs soldoieurs en son lougis, desquelles il fut
amenés en la maison de la ville, luy XIe, et ces chevaulx mis en la mai­
son du mairéchault de la ville. Mais celluy Gille estoit cy très fier que,
jay ce qu il fût détenus és mains des soldoieurs, il pairloit tousjours
fieraient et aroganment. Et dit tout haultement qu’il n’avoit fait chose
que licitement ne peult faire; ne que jamaix il n’avoit fait ne dit chose
a deshonneurs ne dommaige de la cité ; et que, c’il y avoit hommes
d’airme ne jantilzhomme en Mets que aultrement le voulsît dire, il l’en
desmentoit, et, comme jantilzhomme, présantoit sa foy, avec son gaige,
de l’en combaitre à oultrance, corps contre corps et à fer esmollus.
Toutteffois, quoy qu’il sceust dire, il demourait loing tempts, lui et ces
compaignons, en la maison de la ville ; et furent séparés, et mis deux à
deux. Auquelle temps durant qu’il y furent, le devent dit Gille menaissoit tousjours. Et ne ce voulloit contenir ; et tellement que, de fait,
ung jour il voult oultraigier le doyen avec ung coppon de feu, c’il ne ce
fût gairdé. Par quoy le dit doyen, voiant son oultraige, l’eust tués, se les
collevregnier, qui estoient commis de le gairder par journée, ne l’eussent
defïandus. Et, pour ces choses, dez celle heure, fut au a dit Gille et à
a. Ms. : le.

1523 N. ST. — GILLES DE SAPOGNE RELÂCHÉ

457

tous les aultres mis les fer au piedz. Et leur couvint avoir la pacience
jusques a derniers jours de mars après, auquelle jour en fut l’acort fait.
Et fut le dit Gille, luy et les siens, mis à delivre ; en condicion telle que
le dit Gille, luy estant dehors, en libertés, fist ung crant de noctaire,
présant tesmoing ad ce appellés et requis, que à nulle jours maix luy,
ne aultres pour luy, ne demenderoit riens à la cité ne à nulle dez soubject d’icelle, ne ne feroit action pour cause ne raison de cest prinse.
Et ainssy l’ont promis et crantés tous les aultres. Et encor, avec ce,
ont quictés la foy au merchant devent dit, lequelle, depuis le jour de
leur prinse, ailloit sur sa foy par la cité; et estoit demourés pour luy le
damoisiaulx Nicollas de Heu. Et, encor, ont promis les devent [dit]
Gille et ces compaignons de randre au merchant sa bourse et son argent,
qu’il luy avoient heu ostés. Et, a londemains, firent encor lez devent
dit quictance généralle à la cité et à tous les habitans de jamaix ne leur
rien demender pour cest affaire, entendus que, c il santoient avoir bon
droit en la prinse du dit merchant, poursuire l’en pouuoient en forme de
droit par devent damme Mergueritte de Flandre, ou par devent le
merquis à Lucembourg, ou le pranre au collet, c il le pouuoient tenir.
Et en ce faisant furent randus, eulx et leur chevaulx, franc et quictez.
Et s’en allirent les dit par eawe.
En celluy meisme jour que le devent dit Gille et ces compaignons
furent prins, c’est assavoir le maicredi, lundemain de sainct Mathie,
XXVe jour de febvrier, sept compaignon françoy de la gairmson de
Monfalcon vinrent pranre et saisir prisonnier ung monmer demourant
en ung des mollin de Mairange, qui est entre Noeroy et Semécourt,
apartenant à l’abbé de Fristo en Allemaigne ; et enmenairent le dit
monnier, avec ung bon chevaulx qu’il avoit. Par quoy, les nouvelle
venue à ceulx de la gairnison de la dite ville de Mairange, qui alors
estoient plusieurs compaignon adventuriers, et gens de touttes sortes
et de plusieurs lieu, comme j’ay dit dessus, se mirent au champs, environ
en nombre de XXVI ou XXVII, pour rescoure le prisonnier. Et telle­
ment qu’il les poursuirent jusques assez près de Way c’on dit Saint
Formis \ assez près d’Estains. Et, en cest androit, les Françoy, saichant
leur venue, avoient mis une ambûche de environ LX hommes, tant à
piedz comme à chevaulx ; lesquelles, voiant les dit Mairangeois, les
laissaient passer, puis ont atendus à ce moustrer jusquez en temps et
lieu. Et, alors que yceulx Mairengeois virent que nullement il ne pou­
uoient rataindre leur homme pour le rescoure, il ce mirent en une
hostellerie à cellui villaige Sainct Formis pour boire et eulx refrechir ;
et estoit environ les deux heure après midy. Et adoncques vinrent
yceulx François. Et tout premièrement ont tués deux d iceulx de
Mairange qui faisoient le gait. Puis, ce fait, sont entrez en ycelle hostel­
lerie et, de prime venue, ce sont lanciez à eulx. Et, dès incontmant,
l’ung d’iceulx Françoy ait tirés d’une arboullaitre, cuydant tuer ung
; 1. Foameix, sur le ruisseau de Vaux, à trois kilomètres au N.-O. d’Étain ?

458

1523 N. ST. — MARCHAND DÉTROUSSÉ

groz puissant ribault, nacionés de la dite Mairange, nommés Boissemaulx, lequelle estoit fort renommés entre eulx (et pourtoit une
grosse noir bairbe) : maix, comme saige, il ce baissait et se mist desoubz
la tauble ; par quoy le trait vint à férir en la gorge d’ung aultre grant
puissant josne homme, de Noeroy, et le tuait. Et n’avoit cellui josne
homme jamaix plus estez avec eulx ny en leur compaignie ; et avoit
assez bonne renommée. Et tellement allait la chose qu’il fussent estés
tous tuez et mors, se n’eust estés le bien dire d’icelluy Boissemaulx.
Toutteffois il en y demourait quaitre dessus la plaice dez mors, et tout
le rest menés à Monfalcon prisonniers ; desquelles en y avoit plusieurs
des navrés. Et là furent mis en estroitte prison entre les mains de
monsseigneur de Chairxey (qui est ung petit chaistiaulx près de Pornoy
la Grasse), lequelle seigneur estoit alors cappitaine de la dite Monfaulcon. A qui les dit Mairangeois avoient eu, l’en devent, fait plusieurs
grant mal, dopmaige, injures, et desplaisir à ma damoiselle sa femme
et à ces biens en son chaistiaulx de la dite Chairxei, luy estant alors en
France, comme ycy devent en aultre lieu ait estés dit. Laquelle chose
il fault qu’il leur recongnoissent ; et poulrait bien estre digne de leur
tourner à grant préjudice et dopmaige. Toutteffois il en fist encor
mieulx c’on pansoit. Car, après plusieurs jours passés, il furent mis à
grosse ranson, cellon eulx 1, l’ung plus et l’aultre moins. Laquelle ranson
le dit Boissemaulx, avec aulcuns aultres, furent quérir ; ne jamaix les
aultres ne pertirent du lieu jusques la dite ranson fût pourtée.
Paireillement en celle année, environ le huittiesme jours de mars,
passairent parmy la cité plusieurs cheir et chairrette de merchandise,
environ le nombre de XVI ou XVIII, lesquelles aperthenoient à aulcuns
merchant de la Haulte Bourgongne. Et fut dit que celle merchandise
montoit à une merveilleuse finance et à ung grant avoir : car il y avoit
de toutte manier de danrée. Sy fut la dites merchandise espiées et
contrechevaulchée des Françoys ; et tellement que aulcuns messaigier
vinrent à Mets, et vinrent loigier à l’ostellerie demender aux chairtriés
à qui celle merchandise aperthenoit ; puis c’en aillait celluy advertir les
annemis. En fasson telle que, quant il vinrent dellà Nominy, en tirant à
Sainct Nicollas, virent yceulx chairton et apersurent sept ou huit hom­
mes d’airmes, bien montés, saillir du bois, lesqueulx à corse de chevaulx
leur vinrent au devent, et les firent arester jusques tous yceulx chair et
chairettes, qui tenoient ung grant trayn, fussent touttes arivées. Puis
lez firent tirer oultre ung aultre chemin à leur voulluntez. Et, encor
plus, voulloient que le cappitaine de Loraine les aydait à conduire.
Lequel dit et respont qu’il estoit conptent, se le duc son seigneur luy
ordonnoit ; autrement, non. Et pour ce fait en fut rescript au dit
seigneur : mais il deffandit que l’on ne c’en méfiait pour l’ung ne pour
l’aultre. Par quoy yceulx envoiairent quérir environ cenc chevaulx de
leur gens, et enmenairent tout ce buttin à Monfaulcon. Du sourplus, je
ne sçay que tout devint.
1. Selon leur valeur, selon leurs moyens.

1523 N. ST.

— CONSTRUCTION DU JUBÉ DE LA CATHÉDRALE

459

En ces meisme jours, c’est assavoir le XIIIIe de mairs, vinrent
nouvelles en Mets comment ycelle gairnison de Monfaulcon, et plusieurs
aultres tenant le partit des François, avoient fait une grosse assamblée
de gens, comme vérités estoit. Et fut dit qu’il voulloient venir faire une
course on Vault de Mets. Par quoy fut mandés au dit du Vaulx qu’il
fussent sur leur gairde. Mais il ne vinrent point comme on estimoit
(et, c’il fussent venus, il eussent estés rancontrés). Gy priment aultre
chemin : car, le dimenche Letare, qui est le mey karesme, qui fut le
XVe jour de mars, yceulx aventurier s’en allirent fraipper on ban de
Baizelle, apperthenant à messeigneurs du chapistre de la Grant Église
de Mets. Et là ont chairgiés tout ce qu’il polrent avoir de bon, et ont
enmenez plusieurs prisonniers, et plusieurs bestes à cornes et aultres ;
et y firent ung grand et oribles dopmaige. Hé Dieu ! qui serait celluy qui
récompancerait toutte ces chose ycy a pouvre gens ? Bien en debveroient les princes doubter le péchiez.
Aussy durans ces jours, c’est assavoir le XVe jour de mairs, l’an
Ve et XXII, se thint une grosse journée à la cité de Spir, en Allemaine,
par tout les Estât du Saint Empire, sur le fait de plusieurs pillairt qui
alors raingnoient ; et aussy sur le fait dez office. Et tellement que il fut
conclus à celle journée que on esliroit quaitre hommes de l’empire pour
aller devers l’ampereur, qui alors ce tenoit en Espaigne ; et que, pour
l’élection d’iceulx quaitre homme, furent esleuttes quaitre des principalle cité de l’empire, c’est assavoir Mets, Strasbourg, Asbourg et
Noremberg. Et fut elleux de la partie des dit de Mets, pour faire ce
voyaige, le damoisiaulx Nicollas de Heu : mais, pour ce qu’il estoit au
gaige du dit empereurs, fut mis en son lieu le seigneur Phelippe Dex.
Et se partist le dit seigneur de la cité pour faire cellui voyaige la vigille
de la Panthecouste, XXIIIe jour de may, l’an mil Ve et XXIII, acompaigniés luy septiesme, c’est assavoir de Régnault, son filz, josne
escuyer, et de son serviteur, de Géraird, le secrétaire, de Claude Drouuin,
le clerc de la Burlette, de Claude, le messaigier de la cité, et de Clausse
des Estans, le soldoieur. Et ne revindrent jusques loing temps après,
comme je dirés ycy derrier, quant tempts serait.
Item, le vandredi vigille de la sainct Benoy, XXe jours de mars,
l’an dessus dit Ve et XXII, fut esseuttes par les mains de monsseigneur le Chantre de la Grand Église de Mets la premier pier dez fonde­
ment du jubé d’icelle Grand Église ; en laquelle pier est escript l’an et le
jour de celle fondacion, avec plusieurs aultre choses.
Et, en ces meisme jours, fut ataichée et plantée une grande lettres en
allemans contre l’anglée du Paillais de Mets, laquelle perloit des faict
du devent dit Mertin Luther, héréticques.
Mais de ces choses et de touttes aultres je vous lairés le pairler pour le
présant, jusques je vous aye dit qui fut maistrez eschevins de Mets en
celle année après.

460

1523. — UNE TROUPE FRANÇAISE PASSE DEVANT METZ

[l’année

l523].

Puis, après ces choses ainssy advenue, et que le milliair courroit
par mil sincq cenc et XXIII, qui fut lors l’année sincquiesme de l’élec­
tion Chairles l’empereur en son Royaulme des Rommains, fut fait,
créés et essus pour maistre eschevins en la cité de Mets Gaisper le
Gournaix, filz au seigneur François le Gournaix, chevalier.
Item, en celle année, le vandredi devent la Florie Paicque, qui alors
estoit le XXVIIe jours du devent dit moix de mars (et qui est le jours
que tous lez ans, en Mets, l’on fait une porcession généralle pour la
victoire qui fut à telz jour contre les Lorains), ung messaigier de la cité,
nommés Guillaume, s’en alloit vers Lucembourg. Cy fut le dit rancontrés, endroy le chaistiaulx de Laiduchamps, de environ LX ou IIIIXX
chevaulcheur françois, bien armés, lesqueulx venoient de courrir et
fouraigier en la duchiez de la dite Lucembourgz, et enmenoient avec
eulx XXX ou XL bon hommes prisonnier, avec plus de L chevaulx de
charue, sur lesquelle il avoient mis et montés yceulx prisonnier, avec
aulcuns piétons pour les gairder. Et, dès incontinant qu’il virent le
messaigier devent dit, fut par eulx interrogués de son allée. Puis le
firent retourner, et luy dirent qu’il vînt bien en haitte advertir ces
maistre les seigneurs de la cité qu’il ce gairdaissent bien de tirer ne faire
tirer aulcune de leur artillerie après eulx : car il voulloient passer par
devent leur cité et les pont d’icelle, et ne prétendoient à faire malz ne
dopmaige à eulx ne à leur subjegt. Par quoy, pour ces nouvelles, furent
incontinant lé souldoieur envoiez a champs. Et lez devent dit Françoy
vinrent à paisser avec leur buttin tout par devent les pont (mais non
pas tous, comme vous oyrés) ; et, dellà, sont tirés droit à Mollin. Auquelle lieu estoient alors plusieurs Mairangeois bourgongnons, qui
buvoient en une taverne. Mais, quant yceulx Françoy le sceurent,
il ce sont lanciet à eulx. Et tellement que aulcuns en furent tués, et
plusieurs en y oit des blessiez, et aulcuns en y oit qui ce salvèrent. Et
ont yceulx Françoy desrompus toutte la maison ; et, avec ce, ont
deffonciet environ X cawe de vin d’Aulsay aperthenant à aulcuns
merchant bourguignon. Et alors sont là arivés encor plusieurs aultres
François de leur gens, qui avoient passés au wey d’Ollixey, et avoie
coustoier autour de la cité ; et vinrent par Braidi, et sambloit qu’il
vincent du Pont à Mouson. Desqueulx les souldoieurs eurent grant peur,
doubtant aulcune trayson. Touttefïois, il ne melïirent rien és dit de
Mets. Mais il enmenairent sept ou huit d’yceulx Mairangeois prisonniers ;
entre lesqueulx estoit le devent dit Boissemaulx, de Mairange. Et paireillement y estoit l’ung des fdz Gaudair, de Vault, qui estoit tout
josne ; et estoit alors l’ung dez biaulx et puissant homme du païs : mais,
par fortune, en celle mellée il oit ung trait d’arboullette qui lui vint à
frapper au dos, entre les deux espaille ; par quoy il ne l’en polrent mener

1523.

— TROUVAILLES ARCHÉOLOGIQUES A METZ

461

plus avent que jusques à Villesulleron, et là l’ont abandonnés, luy et le
dit Boissemaulx. Et, en passant que yceulx Françoy firent par la ville
de Rouzérieulle, aulcuns bon hommes firent samblant de ce mettre en
défiance : entre lesquelles en y avoit ung, de Jeuxey, qui fut navrés
jusquez la mort ; et d’aultres furent blessés. Ne demourait gairres aprez
que yceulx Mairengeois prisonniers vinrent quérir leur ranson.
Item, en celle année, à la foire de Paicque, les gouverneurs du païs
de Flandres, je ne sçay à quelle occasion, ont heu cy cloz les chemin de
tout coustés que l’on n’eust sceu tirer hors de leur païs aulcune merchandie, non pas seullement pour venir à Lucembourg. En telle manière
que, à plusieurs merchamps qui estoient allés à la foire à Envers, couvint à revendre leur mairchandise à vil pris. Pour laquelle chose chacun
se donnoit grant merveille comment ces choses se faisoient : car, quant
meisme on avoit passe port de par dellà, tant fût de damme Mairgueritte de Flandre, et l’on venoit à Lucembourgz, à Thionville ou aultre
part, l’on n’en voulloit rien congnoistre, et failloit paier comme de
noviaulx. Et par ainssy estoit le monde gouvernés et tailliés ; et, se
Dieu n’y mest sa graice, les gens se maingeront l’ung l’aultre.
Item, aussy en celle année, à la fin du moix d’apvril, l’on acomensait
à wuyder les foussés du billouairt de porte Champenoise. Et, ainssy que
l’on vint à achaver ung peu parfont, l’on vint à trouver plusieurs grosse
et espesse murailles, merveilleusement bien faicte, à la mode ancienne,
et touttes de pier carrée et de bricque, comme les airche de Joiey, ou
comme la court d’Onne à Mets : c’est assavoir que, parmi les dite pierres,
y avoit belle sinture des dite bricque ; et estoit la chose la mieulx faicte
du monde. Et creoit on que cest ouvraige estoit fait de moult loing
temps devent l’incarnacion Notre Seigneur : car il ce moustroit que là
y eust aultre fois heu aulcuns pallas ou châtiaulx, avec grant woulte.
Et plusieurs aultrez chose estrainge estoient au dit lieu, que je lesse
pour abrégier.
Tantost après, le jour de l’Ancencion Nostre Seigneur, advint une
fortune pour aulcuns en Mets. Car, à cellui jour, qui fut le XIIIIe de
may, après le dînez, ung compaignon chairton, demourant en Champaissaille, menoit à celle heure abrever quaitre chevaulx qu’il avoit en
la ripvier de Saille. Mais, par fourtune, il ce boutait en une fousse, et,
ce cuydant salver, se gectait de chevaulx en chevaulx, tellement qu’il
fut ranversés au fon. Et, pour ce que yceulx chevaulx estoient acouplés
ensemble, il fut noyez, lui avec tous les chevaulx. Dieu lui perdoinct !
Amen.

[défaite

et mort du comte francisque].

Vous avés par cy devent, a XVIIIe fuyllet, ouy, et vous ay heu contez
et dit comment le révérand perre en Dieu Maximillien, archevesque de
la cité de Triève, avec le landzgrève de Hesse et le conte Pallautin,

462

1523. —• GUERRE CONTRE LE COMTE FRANCISQUE

acompaigniez de grosse puissance, ont heu destruit et aruynés plusieurs
forteresse et chaistiaulx appairtenant tant à cellui Francisque, duquelle
je vous ay heu tant de fois pairies, qui mist le sciège devent Mets, comme
à ces alliés et aydans. Et avés encor oy comment, après ce fait, les trois
princes devent dit ranforcirent leur alliance et promirent de chacun
endroy soy faire ces préparacion, et, dessus le temps nouviaulx, à ung
certain jour, se retrouver au champz en airmes, en intencion de du
tout destruire le dit Francisquez. Or est maintenant le temps venus
que chacun d’yceulx princes, en acquictant sa promesse, fist son
devoir.
Et, premier, le devent dit seigneur archevesque de Triève se trouvait
dessus les champs, acompaigniez de environ quaitre mil homme, que à
chevaulx, que à piedz, avec l’artillerie ycy après escriptez. Et, tout
premièrement, avoit le dit archevesque deux grosse piesse faicte au lieu
de Franckfort, chacune de XVI piedz de longeur, ou environ, pourtant
grosse pier de fer. Item, avoit encor quaitre groz canons, pourtant
pairellement pier de fer. Après, il avoit deux collevrines, que monsseigneur de Collongne luy ait eheu donnés, de XIX piedz de longuer.
Paireillement, deux courtaulx, l’ung appellés le Chantre et l’aultre
le Roisignou. Item, ait encor le dit seigneur, avec tous ceulx
devent dit, sept serpantine voullantes, avec plusieurs aultres petitte
piesses.
Puis, après, touchant au fait du conte Pallautin, il ce trouvait pai­
reillement au jour dit dessus les champs, luy et ces gens, en nombre
de environ quaitre mil homes, tant à chevaulx comme à piedz. Et,
avec ce, menait son artillerie quant à quant. C’est assavoir, pour la
premier, une grosse piesse de bombairde, appellée le Lyon, qui pourtoit
une piere de piedz et demy de rondeur. Encor avoit le dit seigneur une
aultrez piesse de grosse artillerie, nommée en allemans die bosse Els 1,
pourtant une piere de fer pesant environ cenc livres. Item, encor deux
aultres grosse pièces, l’une appellée le Poullain, et l’aultre, le Vers.
Item, avoit encor quaitre faulcon. Aprez, avoit encor le dit seigneur
une longue collevrine, de XX piedz de longueur, pourtant piere de fer.
Puis, après, avoit encor quaitre serpantines, avec ung mortier, et plu­
sieurs aultres petittes pièces voullantes.
En après, ce trouvait sur les champs en arme au jour dit le devent dit
seigneur le landtgrave, acompaigniez, comme les aultres, environ de
quaitre mil hommes combaitant, tant à chevaulx corne à piedz. Et avec
luy fist mener son artillerie : c’est assavoir sincq grosses piesses pourtant
pier de fer ; item, deux mortiers et deux courtaulx, avec six serpentynes,
et plusieurs aultres menues artillerie. Sommes touttes, les ditez grosses
piesses ensembles monte à XLVI pièces.
Or, vous veult ung peu pairler des fait du dit Fransisquez, et quelle
gens yl avoit de son ayde : car il estoit très bien advertis de cest affaire ;
1. Après le mot Els, une abréviation est nettement visible. Faut-il lire : die bôse
Els ter ?

1523. — MORT DU COMTE FRANCISQUE

463

par quoy il avoit fait sa préparacion, et avoit requis ces amis et alyés
pour luy aydier à ce besoing. Et, premier, il avoit son grant maistre,
Jehan Hellrien, et Phelippe Breiter. Item, le conte Phelippe de Sorrm,
son filz. Puis avoit Phidrich de Sorrn 1, avec le conte Guillaume de
Fiertembergz, Schench Arnechz. Item, Phelippe Sluster, Peter Vinchertz, Bernairdz de Guerbbz, Wiry de Stein et Cristofïz de Hophstem.
Item, Brobach Wolffz, Crinscz d’Uechinn, Phelippe de Hemelstat,
chevalier, Jehan de Hemelstat, son frère. Puis, en après, y avoit encor
Jehan de Sequenqz, filz au dit Francisque, et Swequer, son frère, de
Sequinqz, maistre Baltazar, son conseiller et secrétaire. Lesquelles sei­
gneurs et aultrez sont tous aliés emsembles, et sont bien délibérez de ce
defïandre contre lez princes devent dit.
Or, venons maintenant à vous dire le demainé 2 d’iceulx princes.
Vous devés sçavoir que, quant il furent assamblez ensamble, ce fut une
belle compaignie. Et, premièrement, s’en sont allés devent une plaice
apairtenant au dit Francisque, et en laquelle il estoit alors, distant de
Triève à XII lieue ; et ce nomme la dite plaice Ewerbourgz. Et fut cest
assamblée faicte on moix d’apvril ; mais, dès incontinant que le dit
Francisque les sceust venant, il ce pairtit secrètement de la dite Ewer­
bourgz, et c’en fuit à une aultre siengne plaice, distant à XI lieue de
Triève en tirant à Francquefort, nommée Nastal. Par quoy les princes
devent dit ne ce sont point arrestés à la dicte plaice de Ewerbourgz ;
ains s’en sont tirés droit à la dicte plaice de Nastal. Et illec, le dit ans
Ve et XXIII, environ le XXIIIIe jour du moix d’apvril, ont asségiez
le dit Francisquez dedans ycelle plaice. En laquelle il se cuydoit bien
avoir mis à salvetés : mais il fut bien esbaihis, luy et les siens, quant il
virent la grant puissance et la préparacion qui ce faisoit encontre luy.
Or furent faicte grande tranchié et repaire 3 ; et fut l’airtillerie assegiée 4 en plusieurs lieu. Puis, ce fait, on ait tirés ycelle artillerie, en cy
grant abondance que c’estoit hydeuse chose à ouyr ; et sambloit que ce
fût le fouldre. Et tellement que, en moins de XII ou XIII jour que le
sciège durait, fut tirés d’icelle artillerie le nombre de VI mil quaitre cenc
et XXVI copt. Et tant fut escarmouchié de tout cousté qu’il ne le
pouuoit plus souffrir. Et encor, que pis est, y oit ung copt d’icelle artille­
rie qui fist tomber ung tref, lequelle vint à férir le dit Francisque on
flans : et luy fist une telle plaie que l’on luy veoit le foye et le pourmon.
Et, voyant ce, et que imposible lui estoit de ce plus tenir ne longuement
durer, ait le dit Francisque envoiez aulcuns de sa part au trois princes
devent dit pour parlamenter à eulx et voulloir traicter de paix. Et fut ce
fait le maicredi, jour saint Jehan Porte Latine et sixiesme jour de may,
environ les deux heure après midy. Lesquelx trois princes, après plu­
sieurs parolles pour ce fait randue et d’ung coustez et d’aultres, voyant
1. Sic. L’orthographe de Philippe de Vigneulles semble assez fantaisiste, ici aussi,
pour les noms germaniques.
2. Demener, manière de se conduire, façon d’agir,
3. Abris.
4. Établie, disposée,

464

1523.

— MORT DU COMTE FRANCISQUE

le dit Francisquez qu’il n’avoit pas du milleur, et qu’il estoit fort mal­
laide, se randit, luy et les siens, avec le chastiaulx et tous les biens de
dedans, avec tous les hommes, jantilz et aultres, és mains et à la voulluntés des princes dessus dit. Et, encor, sus condicions que les pri­
sonniers qu’il tenoit seront quictes, francquez et delivre; et, ceulx que
les dit princes ont,seront et demoureront soubz telle serviteude que bon
leur semblerait. Et par aultres manier n’y woulurent yceulx princes
entendre ; et ainssy en fut l’acort. Mais, au lundemains, environ lez
XI heures devent midi, présant yceulx princes, morut le dit Francis­
quez : et n’y oit de domaige sinon de ce qu’il avoit tant vescus. Et, luy
mort, ont yceulx princes ordonnez à quaitre bon hommes de villaige
de le pourter aux champs en terre prophane ; et, à leur commendement,
fut prins, tout chaussiez et tout vestus, et en fut pourtez sans crois ny
yawe bénitte, et gettez en une fosse.
Puis, après ce fait, ont les princes devent dit advisez à leur cas. Et,
tout premièrement, firent abaitre et araser le dit chastiaulx de Nastal.
Et, ce fait, ont fait lever leur campe, et s’en sont tirés devent une place
environ à VIII lieue de Strabourg, nommée Thane. Et furent yceulx
princez devent ycelle plaice dez le lundi jusques Xe jours après. La rai­
son fut pour ce que le jantilz homme de dedans cellui chastiaulx,
nommés Hanry de Thane, fist aulcuns refïus de ce randre : car à cellui
arrivait l’évesque de Spir, lequelle traictoit de paix. Et tellement que
l’acort fut fait entre eulx que celle plaice ne seroit pas abatue : mais,
au rest, elle fut randue.
Cella fait, et durant qu’il estoient encor devent la dite plaice de Thane,
ont heu yceulx princes envoyés trois banières de lantzknecht piétons,
avec VIXX chevaulx, devent une aultre plaice nommée Lutzembourg,
avec XII pièce d’artillerie pour assegier le dit chaistiaulx ; en intencion
que, on cas qu’il différeroient à soy randre, l’on y envoieroit plus grant
puissance. Car les princes devent dit n’olrent point intencion ne voulluntés de laissier droitte nullez dez plaices des aydans du dit Francisque,
mais vueullent nestoier tout le païs d’icelle laironnier 1. Et est cest
plaice scituées au pandant du païs d’Aulsay ; cy fut prinse et arasée.
De là sont allés devent une aultre plaice nommée Drachenfeltz,
laquelle paireillement fut airse et brûllée, et abatue à fleur de terre.
Et puis, ce fait, c’en sont allez encore assaillir une aultre plaice,
nommée Humburg en Wascawe, qui est environ à demi lue de la dite
Thane. De laquelle, finablement, en fut fait comme dez aultres.
Ce tempts durant que le sciège ce tenoit devent le châtiaulx de Thane,
seigneur Adam Baier et le prévost de Scierque furent pairlés a princes
devent dit : l’affaire en est incognus. — Aussy, durant ces entrefaicte,
messeigneurs de Strasburg ont heu envoyés deux cent piéton à l’ayde
de ceulx de Wyssembourg : mais il ont estés rancontrés de l’airmée
monsseigneur le conte Palautin, et tellement ont frappés à eulx qu’il en
y ait heu XX des tués, et les aultres prins prisonniers. Et depuis, pour
1. Larronnière, repaire de larrons.

,[523.__•

l’hérésie de martin luther

aulcune raison, les ont heu relaissés 1 2: 3et, par ainssy, qui est batus ou
te* «t acomplis, le, devent dit pince, tont tout chaircrier ^Dour retourner arrier. Mais toutteffois, avent qu il despairte leu

armée ont intencion qu’il ne lairont pas impugnie la devent dicte p aice
de Ewerbougz, en .agnelle le
dToTËlntsm
e„S 'ËfiTen <“ et ür.it l’airmee tout* à celle part
Et y furent par aulcuns jour, durant lesquelle, elle fut tre, ton b t
t
vivement assaillie. Et tellement que, le smcquiesme jour de Jung, la mte
plaice fut prinse et randue. Puis, apres ce fait Ion jetait top
contre l’ung des filz du dit Francisque, nommes Swicquart de Seking .
Et, quant tout fut fait et acomplis en la manier J^ris ySulx
grant joye et victoire - «-J™**ÏÏÏÏb m“î

Ï2Znder

r^^^^“^etd«r,de,~et
malfaicteurs, qui estoient de guerre a tout le mo
. t
.
fl
que ceu ne fut pas fait sans l’ayde de ceulx de la cite de Met^. car^ ^
avdairent au dit seigneur Maximilian, archevesqu
. .
Lur gens que d’airg^nt presté (lequelle depuis il randist et paiait) , et
sont demourés amis emsambles.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS EN ALLEMAGNE ET AU PAV S DE METZ]

Or avint encor, en cest meisme année, que Notre Sainct Perre le
Pappe envoiait ces ambaissaude à notre sire 1
raison. Entre lesquelles le dit Sainct Perre demendoit ayde et se cour
l’encontre des infidelles Turcs, et pareillement conseü pou 1
celluy héréticque M-tin Luther. Et pour ces^cho^ ^t ^
^

fj

reur ordonner ung perlement au l u de 1;ure“ Aliés »t annondéterminés que, on non de l’impérial e Majestés, fut. pubbes et a
cés, par touttes les cité du Sainct
mendement contenant que, en ensi y
^
, ■ affaire dessus
S”,
rÆ pr'T’opinion
te

lïc^n aultres prince, du Conseil, aucueltes il om­

bles, par l'opinion de tous, estre bon, P“"r

”““ne dez'quaitre cite,

‘prï —^ assavoir Strasbourg
Met», ou, Cil ne plaît en ycelle, aultre pa.rt, là ou la Samctetea Papa

1. Relaissier, relâcher, laisser aller.
. _ A
2. Avoir la dent sur quelqu'un, éprouver de la ha
pour m.
dent conserve parfois encore, même en français, le genre masculi .
3. Les dites affaires.

XVI0 sïècle,

466

1523. — DÉBAT ENTRE LES GENS DE SCY ET DE LESSY

et ampereur s acourderont; et que ce Consille acommence dedans ung
ans aprez. Et, avec ce conclus, mandait le dit ampereurs a Perre Sainct
devent dit plusieurs articles qui avoient estés pour ce fait ycy passée et
conclûtes par le parlement impérial a lieu de la cité de Wormes. Auquelles parlement, entre les aultres articles, fut ordonnés et commendés
à tous prestres et prescheurs de non preschier aultres choses que lez
Evangille cellon l’exposicion et déclaracion aprouvée par Notre Merre
Saincte Eglise, ou par gens qui en tel cas se congnoissent. Et alors fut la
coppie dez choses dessus dictes, plus amplement et a loing desclairée,
împriméez ; et en fut envoiez par touttes les cité du Saint Ampire lé
double : duquelle en fut ataichée une en l’encontre de l’englée du Pallas
de Mets, comme ycy devent en aultres lieu, ung peu devent le maistre
eschevin \ est escript et dit.
Desbas entre ceulx de Sciei et de Lessei d’ung boy dit Forrel. ■— En celle
meisme année, avindrent encor plusieurs aultres petitte chosette, et
desbat les,ung en l’encontre des aultres, tant en la cité de Mets comme
au pays d’icelle. Entre lesquelles y oit ung grant huttin et desbat entre
les bon hommes de la ville de Sciey devent Mets en l’encontre ceulx de
Lessey. Le cas fut telz que, en l’an devent, la comunaultés d’icelle ville
de Lessey, qui en partie est ban l’évesquez, ont tant fait, par le pourchas d aulcuns leur bon amis, qu’il ont acquaistés, et leur ait estés laissiez
par le doyen et chaipistre de la Grant Église de Mets, à IIIIXX et XIX ans,
ung grant bois, contenant environ sept ou huit cent journaulx, gisant
au dessus de la dite Lessei, entre Lorey et Chaistel Saint Germains,
nommés en Fournis. Or estoit celluy bois, avent qu’il fût laissiez, en
pairtie gaistés et fouraigiez tant des dit de Lessei, comme de Sciey, et
aultres, que tous les jours y prenoient et couppoient sans compte et sans
mesure ; et estoit comme une chose à demy abandonnée. Mais, depuis
celle heure qu’il fut ainssy lessiez à année, les dit de Lessey y thinrent
la mains, et ce priment près de le bien gairder et defïandre affin qu’il
eust espasse de croistre et d’en faire ung bon bois ; et meismement en
cest presante année V® et XXIII. De quoy ce desbat avint. Car, de
toutte ancienetés, les dit de Sciei aboient en cestuy bois cuillir et coup­
lé1' du may, espéciallement pour pairer leur église le premier jours
dez Rogacions, quant les Grant Croix de Mets vont à leur église et a
Sainct Quaintin ; et paireillement pour parer la ville le jour de la Feste
Dieu, que nous disons le Sainct Sacrement. Laquelles chose en cest
presante année les dit de Lessey leur deffandirent, et ne voulurent
-souffrir qu’il y en prinssent aulcuns pour l’une des feste ne pour l’aultre,
ne en nulz temps : raison de quoy yceulx de Sciei furent merveilleuse­
ment mal comptent et innimés. Et en antrirent en grant hayne lez ung
encontre les aultres ; et, avec ce, se firent plusieurs desplaisir et despit,
tant en gaigement de beste comme autrement.
Les villageoys des villages de Scey et Lessey ce batte pour les maye. — Et
tellement que, pour plus amflamés leur couraiges, ceulx de Sciey, ou
1. Avant que je ne donne le nom du maître échevin

pour cette année. Voyez p. 459.

1523.

____ LE DUC DE LORRAINE A SAINTE-BARBE

467

en partie, ont dit que en despit des dit de Lessey il yroient, la vigille de
la Feste Dieu, copper dez may au dit bois, cellon l’ancienne coustume,
tout ce qu’il leur en fauldroit, et tant qu’il en eussent assés. Desquelles
pairrolles les dit de Lessei furent plus innimés que par avent ; et ont
iurés que, c’il y estoient trouvés, il en yrait dez batus. Et, de fait se
sont mis sus les aulcuns avec arboullette, woulge et dairt et avec collevrigne, airque, paul et massue. Et tellement qu’il ce sont lanciet dedans
les dit de Sciey, lesquelle alors n’avoient aultres batton de deffance que
leur sairpe en leur mains, sinon, pour ce que lez aulcuns estoient bien
advertis de cest affaire, il avoient mis des pier plarn leur samcts .
Et encor avoient amenés avec eulx, par lisance de messeigneurs les
Trèses, deux sergent de Mets, avec ung nottaire, pour estre tesmomg
et pour, à la requeste des dit de Sciey, escripre toutte la force et viollance qui leur seroit faicte. Mais jay pour ce ne fut qu’il n y eust ung
très grant desbat entre les pairtie. Car, à cellm jour troisiesme e
iung et vigille de la Feste Dieu, après dînés, vinrent les dit de Sciey
pour coupper le may ; en l’encontre desquelles ce trouvaient partie
des dit de Lessey ; et tellement que, après plusieurs parolles, se sont
frappés les ung parmy les aultres. Et, de fait, se sont tant batus et navres
Si en y oit plus de XVIII ou XX des treffort blessés, tant d’ung
coustés que d’aultres. Et y oit des arboullette tires : mais il n en u
personne affollés. Et, à cest effroy, y acoururent aulcune des fe _
de Lessey avec dez sandre plain leur giron pour getter au visaige eti es
yeulx des dit de Sciei. Puis, ce fait, ont demendes chacune des pa
à avoir instrument de ce desbat et de la force faicte, Fet“"e
ung chacun avoir bon droit. Et, après plusieurs pairrolle s en sont
retournés chacun en son lieu ; et en furent repourtes aulcun des blessez
et d’aultres en furent à grant paine ramenés. Et, pour ce desbat’ c e
esmeust arrier ung aultres grant huttin et une merveilleuse hayne es
ung encontre les aultres. Et tellement que, pour cest affaire, par plu­
sieurs fois ce sont très fort battus et navrés. Et furent lomgtempts
yceulx bon hommes se menant treffort guerre et aypre les ung; en 1en­
contre des aultres, comme ce fussent estes gens estramge e
La cause estoit pour ce que alors n’y avoit nulz de ^r se!gneur^
c’en mellait pour les apaisanter ; pour ce dit on bien vray . q
chief ce dueille, tout les mambre c’en santé.
Cy me tairés de cez choses pour pairler de plus plaisantes.
Le duc de Lorraine et ses gens à Saincle Barbe en pellerinage - Item,
en celle meisme année mil sincqz cent et XXIII, par ung; lundi^huittiesme jour de jung, le duc Anthonne de Loraine et de Bair ,de
Wauldémont, mairquis, et merchis du Pont, etc, ave,
^/ài:rbe de
seigneur,son josne frères, et en la compariez de, ma dai^ Barbe de
Bourbon, la duchesse, et suer au connestauble, de France. sa^ femme,
avec lesquelles estoient plusieurs contes, bailhf, cheval e ,
y >
Leur sein, leur giron, ou leur ceint, leur ceinture.

468

1523.

LA DUCHESSE DE LOBRAINE A METZ

pancionaires et jantilz hommes, et plusieurs aultres, tant de la gairde
comme aultrement, jusques au nombre de environ sincquez ou six cenc
chevau x au jour devent dit, sont arivés au chastiaulx d’Ancerville
Auquelle beux seigneur Nicollas de Raigecourt, citains de Mets et seigneur du dit Ancervzlle, les atendoit ; et avoit fait préparer leur venue
e em is ung biaulx recueille. Puis, au lundemains, qui fut mairdi
IX jour du dit moix, du mattin, se sont pairtis du lieu ; et en belle
or onnance s en sont tirés à Samcte Bairbe. Là où fut la messe dicte
et le service divin acomplis. Après laquelle, et que à loisir eurent fait
leur offrande et devocion, se sont essus au dînés en ung gerdin auprez
de église. La ou estoient faictes de moult belle louge et foullyé de mave1
que damoisiaulx Nicollas Baudoiche, prothonoctaire, et frère au seigneur
aude Baudoiche, chevalier, leur avoit préparés et fait. Puis, après
e dînes, et graice randue à Dieu, il ce sont mis au retour, en la compaigme de plusieurs des seigneurs de la cité, et aultres, qui y estoient allés
pour leur plaisir. Et ont tant chevaulchiez, en devisant joieusement
qu il sont aryves au poncel du reus de Waillier, auprès de Sainct Julien.’
, a venus, le duc ait pairlés à la duchesse assez longuement ; et, entre
es aultres pairrolles, luy dit que illec les couvenoit despartir pour celle
Duy . ar, jay ce que à Saincte Bairbe les seigneurs commis de la cité
luy eussent bien abandonnés toutte la ville pour y antrer et lougier à
son plaisir, ce nyantmoins bien humblement les en remerciait, comme à
ces amis, disant que à celle fois il n’y antreroit pas, pour ce seulement
que a presant il avoit tropt de gens ; mais il leur dit et promit de brief
es venir veoir. Et, pour ce, en ce lieu ait dit et ansigna à ma damme sa
femme la manier comment elle ce devoit contenir, car illec les couvenoit
espartir . « Par quoy », dit il, « je vous prie que vous contenés honnestement avec les Messains, et que vous moustrés la noblesse dont vous estes
venues. Et avec ce, vous prie que vous moustrés publicquement, sans
en riens estre caichee de vous, à tous en « bonne graice ». Et tout ainssy
le fist la damme : car elle sortit hors de son chariot ou de la bierre chevau lereuse , et, touttes descouvertes et despoitrenée jusques bien bas,
lut montée sus une hayquenée, avec XII damoizelle, que pairreillement
estoient toutte bien montée et anhairnéchée, et abilléez et acoustrée
outte d une livrée d’ung brun tanés vellours, et doublées de sattin
cramoisin. Et la dite damme estoit moult richement acoustrée, avec
ung cotillon de drapz d’airgent.
Le duc de Lorrenne à Mollin. - Et, après ce fait et dit, print le duc
congiez de la damme. Lequelle, avec sa bande, ont passés la ripvier
de Mouzel e au Grant Fassin pour tirer à Mollin, auquelle lieu l’on l’atandoit. Car le seigneur Claude Baudoiche, chevalier et seigneur du lieu
avec ma damme Yollante de Croy, sa femme, avoient par plus de
a. Ms. : ne.
iemi6vTZde mai' SOrteS de t0nneIleS faites avec des

munis de leurs

de2s‘cfevaufïwr/e’
femée ; Primitivement, brancard porté par
a es chevaux. L expression se trouve dans Chrétien de Troyes, Ërec et Énide
V

1523. — LA DUCHESSE DE LORRAINE A METZ

469

XV jours devent fait préparer le lieu, tant bien et tant richement
comme se sc’eût estés pour recepvoir Notre Sainct Perre le Pappe ou
l’empereur. Et n’estoit possiblez de mieulx faire, tant à l’acoustrement
des chambre, qui estoient les aulcune tapissée de drap d’or, avec les
cossin de meisme, et haulte lisse \ comme en force vivre, poillaille et
venoisson à grant abondance ; et tellement qu’il n’y failloit rien.
La duchesse de Lorrene à Metz. — Mais, pour revenir au prepos de la
damme, après ce qu’il ce furent partis l’ung de l’aultre, elle, acompaigniés de environ cenc et L chevaulx de ces gens, et de aulcuns arboulletriez et lancqueneth, ces sougetz, avec quelques L collevreniers de la
ville, fut conduictes et amenées tout par devent la porte du pont
Rémon, en tirant à la porte aux Allemans, par laquelle la damme
antrait. Puis fut menée en tournoiant par le Grant Waide et par la rue
des Chariés. Et, de là, fut menées et conduictes tout parmy le Champs
Paissaille, par le Cartaulx, en retournant par Visigneux, et de là à
Porsaillis, montez en Fornerue par devent le Grant Moustiet et par la
Pier Hardie. Puis fut passés le pont moiens, et, de là, fut conduicte en la
maison de Passetempts, auquelle lieu elle, avec la plus pairt de ces gens,
fut lougée.
Item, tantost après sont venus la plus part des aultres seigneurs, qui
n’avoient point estés à son acompaignement ne convois, pour luy faire
honneur. Et pairreillement furent touttes les dammes et damoiselle,
que luy firent le bien viegnant. Là en ce lieu estoit le soupper appaireilliés, moult richement, et auquelle n’estoit rien apairgniez. Et y fut
fait moult grant lairgesse, et une despance oultrageuse. Après le soupper,
fut la damme menée à Saint Pier aux Dammes, là où pairreillement le
bancquet estoit moult richement apairreilliez. Puis fut ramenée esbaitre au serains, sur le tairt, en la maison de la Haulte Pier et sur Sainct
Hillaire. Et, de ce lieu, furent veu aulcuns chevaulcheur sur la montaigne Sainct Quantin. Et fut incontinant bien estimés que c’estoit le
duc, avec ces gens, qui venoient faire une virairde par devent elle.
Pair quoy incontinant, par l’ordonnance des seigneurs de la cité, fut en
ce lieu faicte une grande bulle et feu de joye. Et, avec trompette et
tanbourin, fut à hault ton et à puissance cornée : « A l’assault ! A l’assault ! », affin que le prince l’oyt. De là fut ramenée et conduictes en la
maison de Paisse Tempts.
Au lundemams, environ les IX heure du matin, fut la grande église
Sainct Estienne acoustrée et parée, et aussyfut Notre Damme la Reonde,
tout ne plus ne moin que ce fût au jour de Noël ou de Paicque ; et,
daventaige, fut au grant cuer, au coustier du grant autel, mis le ciel,
encortinés tout en l’entour de draps damas cramoisin, et sus le pavés fut
estandue une grant riche sairge, et tout au mey lieu ung petit baincque
cairez, assés bais, couvert d’ung grant lairge draps de vellours cra­
moisin, traynant de toutte part, sur lequelle fut mis ung cussin de
vellours pour elle appoier ; et pairreillement en furent mis sur le tappis,
1. Draps, tapisseries de haute lisse.

470

1523. — LA DUCHESSE DE LORRAINE A METZ

à terre, deux ou trois coussin de vellours cramoisin pour ce agenoillier.
Aussy n’est à oblier que ces clerc et chappellains avoient acoustrés
l’autel qui est derrier le grant autel, et l’avoient moult richement pairés
dez aornement de la chapelle de la dite damme, qui estoit moult belle
et riche : car elle avoit tout ceu qui aparthient à une chaipelle, et a plus
riche, avec callice, encencier, chainette 1 à mettre l’yaue et le vin, et
groz wacel 2 à mettre l’yawe bénicte, tout d’airgent ; et tout l’aultre
acoutrement de fin lin ou de vellours ; et ymaige d’or et d’argent. Au
coustier d’icelluy autel, fut ung riche sciège acoustrés de vellours pour
agenoillier Françoy, monsseigneur. Et en ce lieu par son chappellain
luy fut chantée une messe avent que la duchesse vînt. Puis, la messe
dictes, se partit le dit Françoy, et, avec grant compaigniez de seigneurs,
tant de Loraine que de Mets, c’en sont allés quérir la damme en Paisse
Temps. Adoncque weyssiés les rue et la Grant Église tant plaine de
puplez que plus n’en y pouuoit. A son entrée en l’aiglise, luy vinrent la
plus part des chainoignes d’icelle se prosterner devent elle et la baiser ;
les cloiche de la dite église sonnoient et les orgues juoient, et estoit la
dite église joinchée et parée de may, que c’estoit belle chose à veoir et
plaisantes à ouyr : car, après elle, y avoit de seigneurs et de dammes
que l’on ne ce pouoit tourner. La dite damme fut à ce jour vestue d’ung
abit d’ung riche vellours viollette, avec le riche cottillon de draps d’or ;
et ces damoiselle touttes en noir vellours fourées de blanche foureure.
La grant messe fut moult sollannellement chantée par le seigneur
souffragant de Mets, avec chantre et deschantrez, et les grosse orgues ;
et fist on grant triumphe à l’église. Mais la dite dammes, afïïn que cha­
cun la vît, elle ne voult point estre dessoubz le ciel ne on lieu que l’on
avoit pour elle aprestés : ains ce aillait mettre tout à descouvert, au
lieu là où avoit estez Françoy, monsseigneur, à la petitte messe qu’il
avoit heu fait dire.
Item, après le service divin acomplis, fut ramenée en Paissetamps.
Et dînait ce jour à Sainct Vincent ; et fut menée par les gerdin et par
tout les lieu de léans. Puis, après le dînés, fut menée et conduictes par la
ville. Et, primier, fut chiez messire Nicolle Roussel, visiter le lieu. De là
s’en vinrent tous par devent la Grand Église, et fut menée a Frères
Gordelliers Dessus les Murs, qui l’atendoient : car, le jour devent, elle
l’avoit promis à Frères Archilles, qui estoit venus et extraict dez nobles
de Loraine, et estoit biaulx perre, gairdiens de léans. Et là en grant
triumphe ouyt le Salve. Après lequelle elle voult tout veoir, et fut és
gerdin, on réfectoire et en la librairie. Puis, pour ce qu’elle avoit promis
au seigneur François de Gournaix de aller chiez luy bancqueter (et ne la
faisoit on d’heure en heure que atandre), mais, pour ce qu’il estoit
desjay tart, elle dit qu’elle yroit soupper : par quoy incontinant y
acoururent les cuisinier, et à toutte haitte ont abillés le souppés; et là
lui fut faicte la grant chier. Après le soupper, fut menée à Saincte
1. Chanette, diminutif de chane, « burette ».
2. Vaisseau, « vase », » récipient ».

1523. — LA DUCHËSSË DË LORRAINE A METZ

471

Glossine, là où luy fut faicte ung biaulx recueille et ung biaulx bancquet.
Puis fut ramenée en Passe Tempts.
Au lundemain, qui fut jeudi, fut menée ouyr messe a Suer Collette.
Aprez laquelle elle fut visiter les Frères de l’Observance sainct Fran­
çoy. Aussy fut elle à Nostre Damme des Carmes. Et fut XI heure sonnée
avent qu’elle pairtît, elle et tout son trayn, pour aller dîner à Sainct
Clément, là où l’abbé, qui estoit dez nobles de Loraine, l’atandoit, et
avoit fait aprestés le dînés. La damme, en celle journée qu’elle pairtît
de Mets, estoit vestue en saitin cramoisin, montée dessus sa haicquenées,
et avoit ung cottillon de drapz d’airgent broichiez d’or, et touttes ces
damoiselle on taffetas tanés, avec des manche dessoubz de noir vellours
touttes descouppéez et déchicquetées. Et moult d’aultres riches baigues
et riche piererie et fermellet d’or avoit la damme dessus son corps, qui
tropt loing seroient à deschifrer 1.
Item, aprez le dînés et la bonne chier faicte à Sainct Clément, et
qu’elle oit tout veu et visités le lieu, elle et tout son trayn, en la conduicte de la plus part des seigneurs et de tout les soldoieurs de la cité,
se sont pairtis ; et s’en sont allés couchier au Pont à Mousson (réservés
les dit de Mets, lesquelles, après ce qu’il l’eurent conduittes et menee
jusques à Joiey, humblement priment congiez et s’en sont retournes).
Item, le jour devent, après le dînés, c’estoit desjay pairtis le duc de
Mollin, et, avec sa bande, s’en avoit allés soupper à Preney, et couchier
au Pont.
,
,
,
,
Or maintenant vous veult dire et desclainer les dons et presant qui
furent fait tant au duc comme à la damme. Et, premier, fut envoiez on
non de la cité au duc, estant à Mollin, quaitre cowe de vin et LX quairtes
d’avuaine ; et ne lui fut donné aultre chose. Mais à la duchesse, qui
estoit à Mets, comme dit est, fut donnés on non de la dite cité deux
cowe de vin et XL quairte d’avuaine. Item, lui fut encor donne une
belle coppe d’argent dorrée, et bien gentement faicte, waillent cent
livre Item luy fut encor donnés une riche pointe de dyément myse en
ung ayniaùlx d’or, que fut achetés à Phelippe du Lyvre, le mairchant
waillant deux cenc escus a soilleil. Item, à Françoy, monsseigneur fut
encor on non de la cité donné ung biaulx josne chevaulx, waillant
IIIIXX florin. Item, messeigneurs les chainoignes du chapistre de la
Grant Église de Mets ont donnés à la dite duchesse ung moult biaulx
anel d’or, auquelle y ait une pierre nommées ameraulde, prisiee a la
somme de L escus d’or a soilleil ; et est celluy aynel, avec la meisme
pier que par avent fut trouvés au sépulcre de 1 evesque Jehan d Aipremont, du pairaige de Porsailhs, qui thint XV ans le sciège d icelle cite ;
et fut celluy aynelz en terre l’espasse de deux cenc III xx et ung ans
corne cy devent en pairlant du resgne du dit Jehan d Aipremont ait
estés dit. Item, donnairent encor les dit chainnongne au josne filz, c est
assavoir à Françoy, monsseigneur, une petitte boursette de soye, bien
gentement faicte, en laquelle y avoit XL florin de Mets.
1. A énumérer.

472

1523.

— ESSAIS D’ARTILLERIE A METZ

Mais touttefïois, non obstant tout ces dons, il fut dit que la dite
damme n’avoit pas grandement donnés par tout les lieux où elle avoit
estés, tant à Saincte Bairbe comme aultre pairt : car elle, ne le josne filz,
ne présantairent jamais deniers ne maille aux souldoieurs de la cité, qui
les furent quérir à Saincte Bairbe et qui la conduirent jusques à Joiey ;
non firent il à tous ceulx qui firent les présant. Sinon qu’il fut dit qu’il
avoient donnés au serviteurs et serventes du seigneur Claude Baudoiche,
tant à Mollin comme en Paissetemps, en chacun lieux six escus. Item,
donnait le duc au quaitre menétrés du couple 1 de la ville, et encor â
deux aultres, à chacun ung florin philippus ; et la duchesse leur donnait
deux escus a soilleil.
Item, le dit ans, le jour de la Division des Apouste, XVe jour du moix
de juillet, par l’ordonnance de messeigneurs les Septs de la guerre, fut
prins en la grainche de la ville, en Englemur, et fut menés, chariez et
tirés à XX puissant chevaulx l’ung dez groz canon d’icelle grange. Et fut
au dit jour efïûtés és foussés de la porte Champenoise, du coustés de la
ville, et, par dessoubz le pont du billouairt, fut tirés en l’encontre d’ycelle
devent dicte vielle muraille qui avoit estés trouvées en terre, comme dit
est devent. Et, nyantmoins qu’elle estoit fortes merveilleusement, se
non obstant, le dit canon la trespairsait d’oultre en oultre du premier
copt ; et c’en aillait la pier ce fichier en l’aultre mur derrier, cy très
pairfon que à paine la veoit on. Et, au second copt, elle abatit ung
grant pans de celluy mur derrier. De quoy plusieurs gens se donnoient
grant merveille, veu la forte chose que c’estoit.
Item, en celle meisme année, le jour de l’Invencion sainct Estienne,
troisiesme jour du moix d’ouoste, fist ung cy terrible tempts de pluye,
espéciallement à l’entour de la ville de Boullay et de Scierque, que c’es­
toit merveille. Et tellement que, combien que alors il ne pleût point
dedans la ville de la dite Scierque, mais il pleut tellement aprez d’icelle
que le reux amfïlait sy treffort et devint cy groz, durant l’espaisse de
quaitre ou sincqz heures, qu’il vint à grosse ondée à courrir parmi la
ville, sy impétueusement qu’il enmenait et desmoullit sept ou huit
maison tout en voye, avec une dez porte de la ville ; et encor fist plu­
sieurs dopmaiges en dix ou XII aultres maison. Et pairreillement fist
cest yaue, ainssy subitement venue, ung grant dopmaige tant en bestes
comme en aultres biens : car la plus pairt de ce qui estoit és baixe
estaige dez maison de la ville baixe, sur la ripvier, fut gaistez et perdus,
tant à la dite Scierque comme à Boullay.

[PRÉPARATIFS MILITAIRES DU ROI FRANÇOIS Ier].

Ung peu devant, en celle meysme année, environ le moyx de jung,
avoit le roy Françoy heu fait une merveilleuse armée, prétendant de
aller dellà les mont reconquester la duchiez de Millan. Mais aultres
1. De la bande, de la musique de la ville.

1523.

— FRANÇOIS Ier LÈVE UNE ARMÉE

473

nouvelles luy vindrent, luy estant en Daulfmoy ; et fut advertis, comme
on disoit, que, c’il y fût allés, il estoit vendus et trayhis des Suysses,
qui alors se dysoient estre de son pairtit. Par quoy il retournait ; et ne
fîst on riens pour cest fois.
Puis, tantost après, on moix d’ouuoste, vinrent novelles que grosse
alliance estoient faictez entre Nostre Sainct Perre le pappe Adrian,
entre Chairle, alors ampereur, et entre tous les aultres princes crestien
et les Véniscien, sauf et réservés le roy Françoy et les dit Suisse, qui en
estoient fuer mis.
Item, pour celluy tempts, le devent dit roy François, premier de ce
non, fist de rechief remettre sus une merveilleuse et grande armée
pour aller dellà les mons reconquester la duchiez de Millan, avec la
cité et le chastiaulx, duquelle il avoient estés déjestés, comme dit est
devent en aultre lieu. Et d’icelle armée estoient cappitaines et conduc­
teur ceulx ycy après nommés : c’est assavoir, pour le premiers, y estoit
le conestable, avec cent lances ; puis, après, le grant maistre de France,
avec cent lances, l’admiralz, avec cent lances, le mareschalz Chabanye,
avec cent lances, le mareschalz Monmorancy, avec cent lances, monsseigneur d’Aubigny, avec cent lances, Toulle, avec cent lances, Brion,
avec LXX lances, Mesierre, avec L lances, Sénéchal de Rouargue,
avec LXX lances, Saincte Mesmes, avec L lances, Venderesse, L lances,
Aygreville, L lances, le Vidasmes, L lances, Armignac, L lances, Guyse,
L lances, Sainct Polz, L lances : somme : XIII cent et L hommes
d’airme françoys. Puis, après, sont nommés et escript aultres nobles
Ytalliens qui heurent chairge pour cest affaire. Et, premier, le grant
escuyers, avec IIIIXX lances, le seigneur Barnabo Viconte, L lances,
sire Frédrich, L lances, Paule Tarville, L lances, le conte Gérosme,
L lances, le conte Ludovic, L lances, Joyeuse, L lances, Sermonne de
Casillon, L lances, le gouverneur de Genne, L lances, les deux cenc
chevaulx maistre Pier de Navairre : somme, sans les deux cent chevaulx, hommes d’armes ytalliens : quaitre cenc. Et par ainssy le tout
monte à mil sept cent LXXX homme d armes. Item, avec le nombre
devent dit furent assamblés, pour faire le dit voyaige, six miladventuriers françois et dix mil archiers. Item, dix mil lansquenetz et dix mil
Suysses, avec encor mil et septz cent pour conduire et gairder l’airtillerie. Item, en l’avengairde de celle armée fut mis le conestable ;
et, à conduire la baitaille, la personne du roy ; et, en l’arierre gairde,
messire de Guise.
Item, après ce fait, fut ordonnés gens pour demourer en France en
gairnison. Et, premier, monsseigneur de Vendosme, avec cent lances,
Sainct Remey, avec IIIIXX lances, le conte Remey, XXX lances, le
conte de Dompmartin, XXX lances, le conte de Brierenne, seigneur de
Commercy, XXV lances, monsseigneur de Sairez, XXV lances, Rochebaron, XXX lances, le viconte de Thérouainne, XXX lances, le vicomte
de Jourdain, XXV lances, monsseigneur de Heux, L lances, Longeville, LX lances. Item, soubz la chairge de monsseigneur de Fresnay,
les L lances de Théreuainne, Sandriée, L lances, Monmort, L lances :

474

1523. — DIFFÉREND AU SUJET D’UN MOULIN A METZ

somme : sept cenc et IIIIXX lances. Puis, pour la Haulte Bourgongne,
fut la Trimoille, avec L lances, Soix, L lances : qui font cent lances.
Après fut commis, pour la gairde de Languedoc, Tourvoy, avec L lances,
et le mairquis de Saluse, avec cenc lances : qui sont cenc et L lances.
Pour le pays de Guyennes fut commis le roy de Navairre, avec cent
lances, et Laustrec, avec cenc lances, le mareschaulz de la Foy, avec
cenc lances, d’Esperotz, avec LX lances, Bonnavalz, avec LX lances,
Tontarabie, avec cenc lances : somme, pour la gairde d’icellui pays :
Ve lancez. Item, pour la gairde de Bretaigne, le seigneur de Laval,
avec L lances, Rieulx, avec XL lances, Ghastiaulx Brians, avec LX lan­
ces : somme : sept vinct et dix lance. Puis, après, fut commis, pour la
gairde de la Normendie, monsseigneur d’Alençon, avec cent lances, le
duc d’Albanye, avec cent lances, et Ludes, avec cenc lances : somme :
trois cenc lances. Après, pour la gairde de la Champaigne, fut commis le
duc Anthonne de Lorenne, avec cenc lances ; aussy fut Erval, avec cenc
lances, paireillement seigneur Robert de la Mairche, avec L lance,
le gouverneur d’Orvaulx, avec cenc lances : somme : trois cent lances.
Et, par ainssy, il demoure encor en France, à la gairde du royaulme,
deux mil trois cenc et XXX lances, desquelles il en y ait L à Thérouuenne, et L à Fondzdarabie.
Toutefïois, quoy que les ordonnances fussent ainssy bien faictes
comme avés ouy, trouvait le roy aultre conseille : par quoy il ne paissait
pas lez mons pour celle année ; et ne fut de tout rien fait de l’ordon­
nances devent dictes, ains sont retournés chacune en son lieux. Dieu
leur doinct paix ! Amen.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ].

Item, aussy en celluy temps, les seigneurs chainnongnes du chapistre
de la Grande Église de Mets faisoient de nouviaulx faire ung mollin
à bledz au lieu de la Grève, dedans la cité, sur la ripvier de Saille, près
et joindant ung aultre mollin qu’il avoient desjay au dit lieu. Et, à celle
heure, y avoit desjay de la despance faicte pour plus de Ve frant, tant
au baitair 1 qu’il avoient fait faire en la dite ripvier comme és fonde­
ment d’ycelluy, et à wuydier l’yawe. Mais, pour ce qu’il ne wouldrent
repranre 2, ou recongnoistre lez maistre dez mollin estre maistre et
gouvergneurs d’icelle yawe, ne demender licence pour faire celluy
baitairt, leur fut jué d’ung tour : car, par ung lundi mattin et derniers
jour d’auuost, furent envoyez plusieurs ouvriers qui rompirent et despessairent tous yceulx baitairs et aultres ouvraiges qu’il avoient fait
en la dite ripvier ; et, avec ceu, ont fait laichiez les vantault dez mollins
de la Haulte Saille. Qui fut ung très grant desplaisir et ung grant
1. Bastard, * bâtardeau ».
2. Reprendre, au sens féodal du mot : un vassal reprend un fief de son suzerain.

1523. — AVENTURES DE NICOLAS BASTIEN

475

dopmaige pour les dit chainoigne ; et en fut grosse murmure pour cest
affaire. Toutteffois, queilque chose qu’il en fût, firent tent yceulx chainongne que leur mollin fut eschevis et du tout pairfait.
Item, aussy en celluy temps, le premiers dimenche du moix de sep­
tembre, furent tirés à l’airboullette, a jeux de la Grève, en Mets, pour
cenc frans de juaulx. Par quoy alors y vinrent et ce y trouvaient
plusieurs jantilz compaignons arboulletris, tant de la ville de Nancey
corne du Pont et d’aultre pairt. Et fut tirés dedans ung cuviaulx, de
VIXX passées 1 de loing, et à sincquez compas 2. Et y fut menez ce jour
grant triumphe.
Paireillement, en celle année, environ la sainct Remey, yceulx devent
dit compaignons piétons, gens de toutte sortes et de toutte nacion,
fore que Allemans, qui ce disoient de Mairange, en nombre de environ
deux cenc et L ou de trois cenc, s’en aillirent courrir devers la ville de
Waulcoleur. Et en ramenaient plus de quaitre cenc beste à corne,
avec aulcuns prisonniers et plusieurs chevaulx. — Item, environ la
sainct Luc après, furent encor yceulx piétons courir au dit païs. Et
ramenairent encor plus grant proie que devent, avec plusieurs prison­
niers. Et fut tout ce buttin amenés devent les porte de la cité : mais
nulz dez menans d’icelle n’en eust oyssez acheter, sinon coyement, car
il estoit deffandus sur grosse amende.
Item, en celluy tempts vinrent novelle que les cristiens Hongres
avoient fait grant vaillance sur les Turcs, et en avoient tués plusieurs
milliers. Dieu les vueullent convertir en bien !
Item, aussy en cellui tempts, par l’ordonnance de Justice, furent
contrains plusieurs mestiés en Mets de faire encor plusieurs nouvellez
sairpantine et aultres baitons à feux en leur tours ; laquelle chose
tantost après fut faictes et acompliez.
Après ces choses ainssy advenue, en advindrent encor d’aultres,
desquelles j’en mecterés ycy aulcune. Et, premièrement, je vous veult
dire comment, en ce meisme tempts, estoit et demouroit en Mets ung
recepvoir, c’est assavoir ung clerc du Pallas, nommés de son droit non
Nicollas Bastiens, ou aultrement, et plus et le mieulx, l’on ne le nommoit
que le Riche Clerc. Et luy avoit estés ce non de Riche Clerc imposés
pour ce que, environ XXII ou XXIIII ans devent, qu’il estoit venus
de devers Bar pour demourer en Mets, il estoit alors ung povre josne
clerc, assez biaulx valleton et honneste, mais, de la praticque du Pallas,
n’en sçavoit encor riens. Touteffois fut le dit Nicollas mis à demourer
chiez ung homme bien stillés en ycelle praticquez, nommés Jaicob, de
Millerey ; et y profitait grandement. Puis, a bout de sertaines années
après, ce mariait le dit Nicollas ; et print à femme une wesve, qui
avoit estés femme à Jehan du Celliet, l’orfèvre. Laquelle, alors qu il la
print, estoit sy malz fornye de richesse que, pour éviter ces debtes et de
1. Passée, pas, enjambée (mille passées équivalaient à peu près à une demi-lieue).
2. Compas, « règle », « mesure ».

476

1523. — AVENTURES DE NICOLAS BASTIEN

peur c’on ne les fist arrester, elle print et espousait le dit Nicollas, et
lui elle, à une petitte messe de Requiert d’ung trantault devent le
jour, en l’église de Sainct Suplice : laquelle messe ceulx propre paioient
qui les voulloient faire arester (dont il en fut assés ris). Et en ce tempts
n’estoit encor le dit Nicollas de riens en bruit, et n’avoit encor nulz
maistiez pour servir que aulcune petitte recepte, comme lez Pucelle
du pont des Mors, les Dammes de Clervaulx, la frairie 2* dez
1 curés, et
samblables, qui n’estoient pas receptez de grant vallue ne de grant gain.
Item, depuis ce tempts, la dite sa femme morut. Par quoy luy, qui
estoit wesve, jai ce qu’il ne moustroit a encor guère de braigue3, pourchaissait tellement qu’il fut remariés ; et oit à femme la fille Jehan des
Estans, alors chaistellains du chaistiaulx de Werey. Et, dès lors qu’il
eust celle seconde femme, acommensait le dit Nicollas à braiguer et à
faire merveille, tant en abit comme en aultres despance ; et tellement
que alors lui fut imposés le non de Jollei Clerc : car il estoit homme
miste 4 et petit, et ce faisoit assez bien amer de plusieurs gens.
Or debvés entendre que, depuis ce temps, multipliait le dit Nicollas
fort en richesse ; et faisoit merveille d’acquaister et de maisonner.
Et, jay ce que pairreillement il n’eust pas prins grant richesse en celle
seconde femme, qui, comme l’aultre, estoit weusve quant il la print, se
néantmoins menoit le di£ Nicollas aussy grant braigues et grant estât,
et plus, comme eust fait ung seigneur qui eust heu mil libvrez de rente,
tant en riche abis, en belle maison, en biaulx chevaulx, en courroye,
en sainture et patenostre 5, et en vaixelle d’or et d’airgent, et en plu­
sieurs aultre juaulx. Et, avec ce et daventaige, il multipliait encor en
plusieur aultres grant richesse, comme cens, rantes, revenues et moitresse de bledz et de vin. Et tellement que alors, comme dit est devent,
il fut pour ces choses apellés le Riche Clerc. Et n’estoit bruit que de luy ;
et estoit chacun tout esmerveilliet et esbaihis cornent il pouuoit fournir
à l’apointement. Et, jay ce qu’il fist la grant chier à plusieurs personnes,
et qu’il donnait libérallement de ces biens et fist plusieurs dons, sy oit il
de l’envye tout plains, pour l’outraigeuse braigue et despance que luy et
sa femme faisoient ; toutteffois il estoit bien amés d’aulcuns. Et fut fait
clerc et principal recepvoir de l’église collégialle de Sainct Salvour, et
pairreillement du seigneur Thiébault le Gournaix, filz au seigneur
Françoy le Gournay, chevalier. Lequelle seigneur Thiébault, après ceu
qu’il l’eust servis certaine année, le fist estre et luy donnait l’office
d’estre cler dez Trésoriers de la cité, qui est une bonne office, et honneste 6. Et, depuis, fut encor le dit Nicollas fait clerc et principal recep­
voir de Saint Pier aux Dammes, paireillement de l’abbé de Saint Cléа.
1.
2.
3.
4.
5.
б.

Ms. : moustoit.
Trentel, service funèbre célébré le trentième jour après l’inhumation .
Frairie, confrérie.
Brague, pompe, ostentation ; braguer, se parer, faire le fier, faire l’élégant.
Joli, gentil.
Patenôtre, chapelet.
A la fois honorable et importante.

1523. — AVENTURES DE NICOLAS BASTIEN

477

ment et de plusieurs aultre églisez et grant recepte. Et tellement que
en ce temps florissoit et abondoit en pompe et en richesse et en somptueulx édifice, pour ung clerc, tant qu’il n’estoit bruit ne novelle que
de luy. Et en pairloit on partout, en dyverse sorte et manier : car les
ung disoient qu’il devoit tout plain, et qu’il n’estoit pas possible autre­
ment ; et les autres disoient que non, mais il estimoient qu’il avoit
trouvés aulcun trésor és vielle maison qu’il avoit achetés et qu’il avoit
fait reffaire de fon en fon. Plusieurs autres mettoient avant et disoient
qu’il avoit mis la mains en quelque bon lieu, et qu’il n’estoit possible
d’avoir gaigniez seullement les riche abis que luy et sa femme pourtoient
(comme aussy il estoit vray). Toutteffois, quoy qu’il en fût, se boutait
tellement en avent qu’il fut esleu et fut fait eschevins de la pairoiche
Sainct Mertin, de laquelle il estoit paroichiens ; et fist plusieurs biens.
Mais vous oyrés qu’il en avint, et comment la roye de Fortune se
tournait. Il est vray que, en cest présante année mil Ve et XXIII, par
ung samedi XXIIIIe jour d’octoubre, estant lors le dit Nicollas devent
la Grant Église de Mets, furent envoiez par messeigneurs les trèses
jurés de la cité, c’est assavoir par le seigneur Régnault le Gournaix
le josne, par le seigneur Phelippe de Raigecourt et par leur compaignons,
deux sairgens au dit Nicollas, luy dire qu’il vînt en la Chambre devent
eulx, et qu’il voulloient pairler à luy. Et, luy venus, luy fut dit et prepousés qu’il estoient advertis cornent il avoit heu et ressus XXV libvrez
de messins pour aulcuns raichet que on avoit heu fait en l’encontre de
la frairie des curés, lesquelles XXV libvrez le dit Nicollas devoit remet­
tre en bon et soufïïsant acquaist pour la dite frairie ; et fut ce fait du
tempts qu’il estoit leur clerc. Puis lui fut encor dit qu’il estoient bien
advertis et deuhement imformés qu’il avoit heu et par plusieurs année
retenus le dit argent, et paiés le cens ; et qu’il faisoit acroire aux dit
curés qu’il estoit bien mis et convertis en bon acquaist soubjegt soubz
la blanche verge. Et que, pour mieulx leur faire entendre, il avoit heu
escript ou fait escripre ung fault escript, auquelle il avoit heu pandus
une faulce burlette 1. Et, daventaige, avoit heu enregistrés et mis en ces
recepte le non d’ung bon homme de la ville de Jeuxei, nommés Grant
Jehan Morat, comme paient de la dicte censive, et sur lequelle le dit
acquaist estoit fait. Or estoit venus le tempts que cellui bon homme de
Jeuxei estoit mort : par quoy cellui qui à présent estoit clerc et recepvoir
de la dite frairie avoit heu fait adjournés Wiriat Morat, son filz, comme
hoirs et héretiers de cellui bon homme trespassés, avec ces consors,
pour avoir paiement de cellui cens ou esxurement des about desclairez
au dit acquaist sus quoy cellui cens estoit essis et essignés. Et les dit
héritiers c’en defïandoient, et disoient que eulx ne leur perre n’avoient
jamaix paiet cellui cens, et demendoient à veoir de quoy 2 : tout en
présence du dit Nicollas, que ne disoit mot, et sçavoit bien où le lièvre
se gisoit. Et touttes ces choses et plusieurs aultres furent dicte et pre1. Bullette signifie ici « sceau ».
2. A voir les preuves.

478

1523. — AVENTURES DE NICOLAS BASTIEN

posées au dit Nicollas en plaine Chambre ; lesquelles je laisse pour abrégier. Aprez ce dit, pour conclusion, luy fut dit que pour en sçavoir la
vérité il l’avoient mendés par devent eulx, et que, c’il avoit fait le cas,
il avoit grandemens mespris. Par quoy, pour ces choses, le dit Nicollas,
oyant leur pairler, fut bien estonnés et esbaïs, et non sans cause. Et leur
dit, en soy escusant, et, avec ce, en fort jurant, que, leur honneur
salve, de tout ce ne sçavoit rien, ne n’avoit la lestre ne l’obligiez 1 qu’il
demendoient, qu’il sceût 2. Et alors, pour ce que yceulx seigneurs
Trèses estoient bien advertis du fait, et du lieu où estoit le dit escript,
luy demendairent ces clef ; et avec ycelle fut envoiez en son escriptoire 3. Et du premier copt fut trouvés le dit escript ; et fut apourtés en
justice : mais la burlette, avec le non de l’amant, en avoient estés ostés,
et estoit le dit escript signiez sur le dos de la propre mains du dit Nicol­
las. Par quoy, pour ces choses et plusieurs aultres, fut le dit Nicollas
détenus on Pallas jusques à la nuyt ; puis fut menés en l’hostel de la
ville.
De quoy, pour ces choses, fut grant bruit par toutte la cité ; et en
furent plusieurs personnes esmerveilliez. Et, encor plus, fut mise gairde
sur tous ces biens. Alors sa femme, bien dollantes, quant elle fut advertie
du cas, envoiait incontinant à force de chevaulx en advertir le devent
dit Jehan dez Estans, son perre, au chaistiaulx de Werey, là où il ce
tenoit. Lequelle incontinant et en grant diligence vint ; et, après ce
qu’il oit entendus la chose, fut bien estonnés et esbaihis. Mais, nyantmoins, ad cause qu’il estoit serviteurs à la cité, et bien amés de plusieurs
dez seigneurs d’icelle, pansoit bien tantost le ravoir. Et, pour ce qu’il
estoit desjay tairt, s’en aillait le dit Jehan des Estans devers les sei­
gneurs Trèses leur demender la cause pour quoy il détenoient le dit
Nicollas, son jandre. Auquelle il ont respondus que, c’il l’avoient prins
et le détenoient, que c’estoit à juste cause et pour ces desméritte, et
que, ce il estoit vray ceu de quoy il estoient informés, c’estoit cas de
crimes. Desquelles pairrolles et responce le dit Jehan des Estans fut
plus.esbaihis que devent.
Et alors, avec tous son conseil et ces amis, heurent avys qu’il estoit
de faire. Et, pour ce que au lundemain estoit dimenche, il ne sceurent
en riens besoingnier, sinon à pourchaissier tous leur amis. Puis, le lundi,
fut par Jaicomin Jeho, son advocas, et par Jehan Gaillat, Jehan Praillon et plusieurs aultres, ces conseillier, faire cesser 4 par le maistre
eschevin. Et, sur ce, ont gectés une plainte au dit maistre eschevin :
en laquelle estoit contenus comment le dit Nicollas et les dit ces amis
requéroient qu’il fût mis à delivre, franc et quicte, en présentant le
respondre, se aulcuns ou aulcune lui voulloient rien impouser ou demen­
der ; ou, sinon, le dit Nicollas et ces amis requéroient à avoir pairtie
1. Obligé, engagement, acte passé devant un officier ministériel.
2. A sa connaissance.
3. Escritoire, cabinet de travail.
4. Il fut décidé de faire cesser par le maître échevin. Le maître échevin pouvait faire
mettre le prisonnier en liberté.

1523. — AVENTURES DE NICOLAS B ASTI EN

479

formée, contre laquelle il peult soubtenir de son corps qu’il n’avoit fait
ne consantit de faire chose où il y eust cas de crime, ne chose de quoy
Justice l’en peust reprandre.
Pour laquelle plainte à ressoire le maistre eschevins fut jusques au
jeudi avent qu’il poult avoir conseil de ressoire la dite plainte. Toutteffois elle fut ressutte ; et fist dès ce jour commender son Conseil pour au
lundemains, à l’eure acoustumée, la déterminer. Et, le vandredi venus,
pour ce que c’estoit unggroz cas, chacun desiroit de sçavoirle tout ; par
quoy tant de gens ce trouvairent devent la Chambre qu’il n’en y peult
entrer la moitiet. Et, alors que ce vint à clamer, le devent dit Jaicomin
Jeho vint à préposer comment le dit Nicollas avoit estés mandés devent
les seigneur Trèses, et comment, après ce qu’il l’avoient heu interrogués
d’aulcuns cas qu’il disoient que le dit Nicollas avoit heu fait, laquelle
chose le dit Nicollas nyoit, les dit seigneur Trèses l’avoient détenus et
l’avoient envoiez en l’hostel de la ville sans cause et sans raison, ne sans
plaintif *, ne encor sans ce qu’il peult estre ouy en ces defîances. Par
quoy le dit Jehan dez Estans, avec tous les amis du dit Nicollas, requéroient au dit seigneur maistre eschevins et à son noble Conseil que,
cellon la coustume ancienne de la cité, puis qu’il n’y avoit point de
plaintif, qu’il fût mis à plain delivre et en sa franche libertés, franc et
quicte ; ou, sinon, que le dit Nicollas, avec ces amis, requéroient partie
contre laquelle il peult soubtenir de son corps qu’il n’avoit point fait
ne consentis de faire le cas à luy impousés. Et de ce prioient et requé­
roient pour Dieu au dit maistre eschevin et à son noble Conseil qu’il ne
luy fût fait ne tort ne force ; ainssois fût mis à delivre, comme il le
requéroient, ou qu’il eust partie formée, comme dit est.
En l’encontre de celle clamour se sont levés les seigneurs Trèses, qui
estoient présant. Et pourtait la pairrolles le seigneur Régnault le Gournaix le josne ; et dit, pour lui et pour tous ces compaignons, qu’il
n’avoient fait chose qu’il ne deussent par droit bien avoir fait, et que à
leur office appairtenoit de corrigier et pugnir les malz faicteur, et que
pour ce faire il en avoient fait le sairment en recepvant la dite office :
par quoy à bon droit et à juste cause il avoient le dit Nicollas détenus
pour enquérir la vérités du fait. Mais, alors qu’il y cuydoient besoingnier
et sçavoir le tout, il leur fut ostés hors de leur pouuoir et puissance par
le seigneur maistre eschevins. Pour laquelle chose il avoient mieulx
cause de ce plaindre que les dit dolleant. Et plusieurs aultrez choses dit
encor et prepo usait le dit seigneur Régnault, tant du fait de cellui fault
escript comme de la burlette que faulcement y avoit esté mise, et depuis
ostées, et aussy du non de l’ament qui avoit estez couppés jus, comme de
plusieurs aultre chose, que je laisse pour abrégier. Par quoy, pour ces
choses, le dit seigneur Régnault, pour lui et pour ces compaignons,
conclut et prioit au dit maistre eschevin et à son Conseille que le dit
Nicollas fût remis en leur mains et puissance, pour en congnoistre plus
amplement la vérité.
1. Plaintif, plaignant.

480

1523.

— AVENTURES DE NICOLAS BASTIEN

Et le dit Jaicomin Jeho réplicait pour la seconde. Et dit que, salve
l’onneur de Justice, ainssy ne se devoit pas faire ; mais devoit le dit
Nicollas estre mis à delivre et en sa franche libertés, franc et quitte,
pour defïandre son cas ; ou, sinon, avoir partie formée qui expousait
son corps encontre lui, comme dit est devent. Et, en disant, présantait
le dit Jaicomin Jeho devent le Conseille plusieurs jugement de cas samblables, comme il disoit, lesquelles furent mis sur le bancquet devent le
secrétaire. Et dit encor plusieurs aultres chose servant à la matier,
lesquelles pareillement je laisse pour éviter prolixités.
Mais, quoy qu’il sceût dire, le dit seigneur Régnault et ces compaignons tousjours requéroient que le dit Nicollas leur fût remis en mains,
afïîn que mieulx il en puissent sçavoir la vérités, et affîn qu’il ne fût dit
que à tort et sans cause il avoient mis la mains à luy.
Et alors, les pairtie ouyes, l’on fîst wuydier dehors. Et, après le
conseille longuement tenus pour cest affaire, furent les partie reappellée.
Mais, en entrant dedans la Chambre, y oit tel presse que merveille fut
que aulcuns n’y furent affollés. Et, quant cillance fut faicte, Maithieu
Le Braconnier, alors clerc des Trèses, à haulte vois ait leus la santence.
Et, après tout ce devent dit renouvellés et répétés, fut dit par santance
difïinitives que le dit Nicollas avoit à estre remis en la puissance et soubz
la mains des devent dit seigneurs Trèses, pour et afïin de congnoistre
plus amplement son cas.
De laquelle sentance le dit Jehan des Estans, avec tous les amis du
dit Nicollas, furent bien estonnés et esbaihis ; et, comme tout en plourant, avec les grosse lairme à l’ueil, saillirent dehors sans mot dire.
Toutteffois, depuis, voyant les amis du dit Nicollas qu’il estoit en grant
dangier, tant du corps que dez biens, pour ce que, dès le lundemains
(qui fut samedi), il avoit confessés tout son cas, et encor daventaige,
par quoy les dit ces amis prinrent une aultre voye. C’est que à touttes
dilligences il pourchaissairent tous leur amis, tant dedans la cité comme
dehors (ne jamais, comme je croy, ne fut pour ung homme de son estât
aultant pourchaissiés, tant par eulx comme par aultres, comme alors
fut : car ce fut merveille de la grant dilligence que en fîst le dit Jehan
des Estans, avec tous ces aultres amis), lesquelles par plusieurs fois se
sont gectés à deux genoulx, demendant graice à la Justice, tant pairticulièrement comme en général, en priant que le dit Nicollas ne morût
pas. Et pairreillement en fîst sa femme : car la povre désollée en fist
tout son pouuoir. Et, avec ce, en firent prier tous leur bon amis, telz
que monsseigneur l’abbé de Sainct Clément, plusieurs chainoignes et
aultres. Car, qui eust voullus, tout estoit confisqué, et corps et biens.
Mais, après plusieurs allée et venues, et plusieurs conseille pour cestuy
fait tenus, à la requestes et prières de tant de gens de biens qui en
prioient, Justice oit pitiet de son cas. Et, jay ce que ce fût contre la
voulluntés de plusieurs, oit le dit Nicollas graice, et lui fut faictez
miséricorde, parmey la somme de deux cenc libvrez qu’il fut condennes
à paier d’amende ; et, encor, parmy ce qu’il fut banis deux ans en sa
maison. Et, avec ce, perdit et fut despousés de touttes ces office qu i

1523. — UNE ARMÉE ANGLAISE EN FRANCE

481

avoit de la ville, aussy fut il de l’eschevinaige de l’église de Sainct
Mertin, sa paroiche. Et, encor daventaiges, fut condempnés d estre
amenés en plaine Chambre, devent le Conseille, et à deux genoulx
confesser son cas, et, avec ce, lez remercier de la graice qu’il luy faisoient.
Et pairreillement en fist autant devent les seigneurs Trèses. Et par cest
manier fut bien raibaisés le pouvre Nicollas de la grant braygues qu 1
menoit : jai ce que la chose ne fût pas prinse à pire (car il estoit encor
tout plain de biens et grant richesse).

[ÉVÉNEMENTS DIVERS DANS LE MONDE ET AU PAYS DE METZ].

Or avés oy comment, pour une petitte meschansetés, le povre Nicollas
Bastien, dit le Riche Clerc, fut atains et en grant dangier de sa vie.
Mais maintenant en lairés le pairler, et vous dirés comment en celluy
meisme tempts, c’est assavoir ung peu devent, se laissait morir e
aillait de vie à trespas celluy bon sainct homme seigneur Audnan, alors
pappe de Romme et sisiesme de ce non, qui avoit estes esleu cy canonicquement et sainctement, en son obsance, ne jamais n avoit estez à
Romme quant il fut esleu, comme dit est devent. Et finait ces derniers
jours le dit ans, le XIIIIe jours du moix de septembre. Par quoy, apres
sa mort, les cardinal se assamblairent et firent congregacion ensamb e
pour eslire ung nouviaulx pappe. Mais il y avoit sy grant division entre
eulx qu’il furent loing tempts en conclave avent qu il puissant avoir
acort ; et estoient les dit cardinal cy mal acourdant ensemble qu il y
furent plus de L jour. Toutteffois, à la fin, moyennant la graice de Dieu
et du Sainct Esperit, il heurent acort, et, d’ung consentement, don
nairent tous leur vois a seigneur Juliane, ^^^f**"*ft
Et fut ce fait le jour sainct Clément, évesque de Mets, X
]
novembre. Et, tantost après, le XXVIIIe jour du dit moix, fut corronnes
et fut nommés pappe Clémens, huitiesme de ce non.
Or revenons à pairler d’aultre besoingnez. Vous deves sçavoir com­
ment, en celluy tempts, estoit et duroit tousjours la guerre entre le roy
catholicque Chairle, l’empereur, ad cause de la Bourgongne, un
pairt, et le roy trèscrestiens de France, Françoy, premier de ce non
d’aultre pairt. Et tellement que alors, à l’ocausion de cecy, le dit r y
Frangoy avoit plusieurs annemis. Car le roy d’Angleterre estoit alor
allés avec le dit empereur. Par quoy, en celluy tempts, il fist une grosse
arméez, de environ XLIIII ou XLV mil homme de piedz, et environ
quaitre mil chevaulcheur, pour envoyer en celluy Pays de France
dessus ces anciens annemis. Et pour y mener cest année fut commis
et fait lieutenant du dit roy anglois son biaulx freres, qui avoit apouses
sa suer, c’est assavoir monsseigneur le duc de Sufort Et, de fa ,
jours mairchait cest armée bien avent en France, tellement qu il furent
à moins de XX lieus près de Paris, sans pourter aulcuns dopmaiges sur

482

1523.

— NOUVEAU DÉBAT AVEC FRANÇOIS LE GOURNAIX

le plains pays que à conter fût, ains labouroit qui voulloit sans rien
craindre, ne sans avoir rancontré aulcune. Sinon ung jour que environ
quaitre cent Albanois, tenant le pairtit de France, se vinrent présenter,
cuydant aulcune chose conquester : mais il furent rancontrés et desconfîs par aultre Albainois anglois, par lesquelles il furent tous ou mort
ou prins. Touteffois, aprez ce fait, pour l’yver que venoit, s’en sont les
dit Anglois retournés arrier. Et, en ce voyaige, ont prins et pilliés et
tous mis à feu quaitre bonne ville françoise, c’est assavoir Ancre,
Bray, Roye et Mondedier, avec plusieurs chaistiaulx et forteresse : et
fut ce fait la plus pairt à leur retours. Puis se sont mis en gairnison en
la cité de Tournay et on pays entour, jusquez au prinstempts après,
en intencion de retourner. Mais de ceoy me tairais quant à présant, car
d’une aultre besoingne vous veult pairler.
Vous avés par plusieurs fois par cy devent ouy pairler du grant desbat
et du discort qui estoit entre le noble chevalier seigneur Françoy le
Gournay et ces premier anfïans, à l’ocausion de ce que le dit seigneur
détenoit et possédoit contre leur voulluntés les terres et seigneurie qui
venoient de pairt damme Parette, leur mère, comme desjay est ycy
devent récités et escript en aultre lieu. Or vous veult donner à entendre
de qui venoient les dite terres et seigneurie. Vous devés sçavoir que
jaidit fut ung noble homme, dez pairraige de la cité, nommés seigneur
Thiébault Louve, lequelle oit apousés damme Mergueritte de Fieu.
De laquelle damme il oit plusieurs anffans; entre lesquelle il oit la dite
damme Pairrette, laquelle fut la premier femme du devent dit seigneur
Françoy le Gournaix, et de laquelle le dit seigneur Françoy oit plusieurs
anfïans : c’est assavoir seigneur Thiébault le Gournaix, seigneur Ré­
gnault, son frère, et trois filiez, desquelles l’une fut mariée et oit espousés
le seigneur Michiel Chaverson, l’aultre oit à marey le seigneur Nicolle
Dex, et la thier fut mariée en la Ffaulte Bourgongne. A tous lesquelle
anffans aperthenoit et devoit estre escheu les terres, seigneuries, cens,
rantes, fîedz et arrier fiedz de la dite damme Pairrette, leur mère, que
fut. A 1 ocasion de quoy estoit venus le huttin ; et ce avoit esmus ung
grant procès entre le perre et les anfïans, comme desjay j’ay dit devent
en plusieurs lieu. Car le dit seigneur Françoy avoit, en cest présente
année, desjay espousés la thier femme depuis la premier ; desquelles
quaitre femme il avoit heu plusieurs anfïans. Qui estoit l’une des cause
principalle du desbat devent dit : car les premiers desiroient d’avoir ce
qui leur compétoit. Or avés par cy devent ouy comment chairge avoit
estés faictes de leur discort, et le rapport fait dessus. Lequelle rapport
des arbitre que prins en estoient fut telz que tous yceulx héretaiges,
haulteurs et seigneurie, cens, rantes, revenues, fiedz et arrier fiedz, qui
estoient venus de part la ditte damme Pairrette, se devoit partir égallement en deux pairtie : desquelles pairtiez le dit seigneur François
devoit tenir et lever la mitté sa vie durant de tout les profïit, et, après sa
mort, retourner paisiblement au dit premier anffans, sans ce que les
aultre anfïans y prinsent rien ; et, l’aultre mitté, yceulx premiers anfïans
la dévoient dès tantost despairtir entre eulx. Et fut ce rapport fait

1523.

— NOUVEAU DÉBAT AVEC FRANÇOIS LE GOURNAIX

483

encor par telle condition que, toutte aultre demende que les pairtie
se avoient auparavent fait, comme des arriéraige et de plusieurs aultres
chose, que je laisse pour abrégiés, tout cella demouroit dairrier, et n en
devoit jamais estre plus pairlés. Et de touttes ces choses furent les
pairtiez assés d’acort pour celle fois.
Mais toutteffois, à l’ocausion de ce qu’est dit devent, se sortit arrier
ung nouviaulx desbat, par mal entendre, et pour ce que on rapport des
arbitre y oit poc de pairollez. Le cas fut tel que les devent dit anfïans,
avec les gendre, estoient essés bien d acort que le dit seigneur Françoy,
leur perre, prînt et levait, sa vie durant, sans plus, la mitté de touttes
les cences, rantes, revenuez et aultres biens, comme dit est devent ,
mais il voulloient que, dès tantost, tous les maire et justice leur fissent
fidellités et serment, comme à leur droiturier seigneurs : se que le dit
seigneur François différait, ne ne voulloit consentir qu’ainsy fût fait,
ains en voulloit avoir le serment et honneur, et, de fait, defïandoit au
dit maire et aultre officiers, sur tant qu’il le pouuoient doubter ne crain­
dre, qu’il ne fissent serment au aultres que à luy. Et en furent les pouvre
gens par plusieurs journée en grant tribulacion : car journellement il
estoient commendés, tantost on non du dit seigneur Françoy, et tantost
on non des dit ces anfïans. Par quoy, après plusieurs pairrollez que pour
ce fait furent randue, les dit anffans firent comender à aulcuns des dit
maire, on non de Justice, sur cent solz, que dedans sept neudz aprez
venant il eussent fait le sermant au dit anffans. Et le dit seigneur
Françoy, qui fut advertis du cas, leur defïandit plus fort que jamaix
de non le faire, disant et promettant que, ce on les venoit gaigier, il leur
feroit randre leur gaige franc et quicte. Par quoy, pour la désobéissance,
furent les dit maire et justice gaigiés de cenc sols, et recommendes sur
dix libvrez. Alors yceulx bon hommes, voyant que le dit seigneur
François ne leur tenoit pas bien promesse, et ne leur faisoit randre
leur gaige, comme dit est, vinrent faire le sairment au dit anffans.
De laquelle chose fut très mal comptent le dit seigneur François. Et,
dès incontinant, fist prandre aulcuns d’iceulx maire et justice, et les fist
mener et détenir prisonnier en son chaistiaulx de \iller, auprès e
Aix Laquenexey. Et, encor daventaige, seigneur Gaisper, son filz, alors
maistre eschevin de la cité, lequelle tenoit la bande de son perre, s en
aillait ce tenir au dit chaistiaulx. Par quoy, alors, par ung maicredi
XVIIIe jour de novembre, Justice, advertie de ces choses, y envoiairent
deux sergent, biens montés, pour faire commendement au dit seigneur
de incontinant laichier yceulx bons hommes. Lequelle commendement
ne fut pas seullement désobéys : mais, avec ce, furent yceulx sergent
prins et détenus prisonniers. Pour laquelle chose le Conseille fut mis
ensemble, pour veoir comment l’on s’y devoit gouverner. Et, des incon­
tinant, furent envoiez les baneret de chacune pairoiche par les hoste
commender à ung chacun de ce tenir en la maison, affin que, ce on
avoit besoing d’eux, qu’il fussent prest et en point pour aller au champs.
Et fut l’artillerie toutte preste, en intencion de aller faire quelque chose
de noviaulx. Et, avec ce, furent mise gairde en la maison du dit maistre

484

1523.

— PAIX FAITE AVEC FRANÇOIS LE GOURNAIX

eschevin, pour ce que luy meisme avoit prins et retenus yceulx sairgent.
Mais dès incontinent fut par aulcuns secrètement envoiez au dit Viller
(et voult on dire que ce fut on non du dit seigneur François). Et furent
dès tantost les dit sergent laichiez, et bien viste. Autrement il en fût
venus du malx.
Puis, tantost au lundemains, que fut le jeudi XIXe jour du dit moix
de novembre, fut fait aultre chose de noviaulx, de quoy plusieurs gens
furent esbaihis. Car, à cellui jour, environ les IX heure du mattin, fut
fait ung huchement publicquement devent la Grant Église sur le dit
seigneur Gaspar, alors maistre eschevin de Mets, disant que dedans
sept nudz il ce vînt escuser et purger du cas, ou synon Justice y procéderoit comme a cas apartanroit.
Touttefïois, durant celluy temps, monsseigneur de Sainct Anthonne
de Vyennoys, qui est ung moult grant prélas, se trouvait à Mets ;
moyenant lequelle, avec plusieurs aultre gens de bien qui ce entremirent
de cest affaire, fut du tout la paix faictes entre le perre, les anffans et les
jandre (saulve et réservés le seigneur Nicolle Dex, qui estoit absant et
hors du pays, comme dit est devent : car son fait demourait en sorcéance). Paireillement à cellui jour fut pacifiez et du tout acourdés le
discort que pour ce fait estoit entre le maistre eschevin et le Conseille.
, Tantost après celle paix faictes, c’est assavoir le jour de la sainct
Éloy, premier jour de décembre, sont antrés en Mets et revenus des
Espaignes, de devers Chairle, l’ampereur, le seigneur Phelippe Dex,
avec Régnault, son filz, Géraird, le secrétaire, Clausse des Estans, le
souldoieurs, avec Claude Drouuin, clerc de la burlette. Mais Claude, le
messaigier de la cité, morut en chemin ; et fut enterré en Barcellonne.
Et furent les devent dit envoiez en ambaissaude pour la cité, avec trois
aultre cité d Allemaigne, devers le dit Chairle l’ampereur, comme cy
devent à leur pairtement est dit. Lequelle fut trouvés bien avent en
Espaigne, à une sienne bonne ville nommée Velladolly (et est cest ville
scituées environ à IIIIXX lieue à coustier de Sainct Jaicque, et encor
plus loing, du cousté vers la Lombardie). Et despandirent yceulx de
Mets au fray de la cité environ sept mil florin de Mets : qui fut une
despance essez grande, cellon le temps.
Item, en celluy tempts duroit tousjours celle guerre maldictes entre
Françoy et Bourgongnons. Et journellement se faisoient et commettoient plusieur grant mal, et plusieurs murtre et lairsin, qui seroient
loing à raconter et prolixe à réciter. Entre lesquelles, durant ces chose,
y avoit une petitte bonne ville sur les mairche de la Picardie, du coustez
de Nostre Damme de Lyauce, nommée Avaine, laquelle de tout ancienetez estoit au duc de Bourgongne ; par quoy alors elle apartenoit à l’em­
pereur, et y avoit en ce temps gairnisson de ces gens dedans. Entre
lesquelles y avoit aulcuns piétons malz paiez : pour raison de quoy il ce
despitairent, et s’en aillirent randre françoy ; et, en despit dez Bour­
guignons, ont donnez à congnoistre à yceulx François tout l’estât
d’icelle ville. Et tellement que, en celle année, environ la saincte Lucie,

1523. — PROGRÈS DE L’HÉRÉSIE DE MARTIN LUTHER

485

qui est XI jour devent Noël, vinrent les dit François à grant puissance.
Et donnairent à ycelle ville cy fort et cy aispre assault qu’il la prindrent
à force d’airme, et mirent tout à l’espée ceulx et celles qui furent trouvés
en plaice, et à la chaulde 1. Aulcuns furent qui ce salvairent en ung
anciens chasteaulx : mais les François les y ont assaillis. Et, pour les
plus grever, y ont bouttés plusieurs tonne de pouldre pour acraventer 2
les woulte d’icelluy viez chaistiaulx, sur lesquelles plusieurs c’estoient
retirés à salvetés : mais il n’y firent riens, sinon en l’une d’icelle woulte
qui fut rompue et despecées. Puis, ce fait, ont chairgiés tout le buttin,
et ont bouttés le feu en la ville, et s’en sont retournés dont il estoient
venus. Et ainssy apert les maulx et les fortune qui aviengnent par
celle mauldicte et pestilencieuse guerre. Dieu par sa bonté y vueulle
mestre paix ! Amen.
Paireillement en ces meisme jours et en ce meisme ans Ve et XXIII,
courroit tousjours de plus en plus le bruit d’icelluy héréticque Mertin
Luther, de l’ordre des Frères Augustins, duquelle je vous ay desjay
heu par cy devent par plusieurs fois pairlés, tant de ces hérésie comme
de ces escriptures. Car alors il estoit grant nouvelle et grant bruit par
touttes la crestientés de luy et de ces euvre ; et en fût encor estés plus
pairlés, se ne fût pour la guerre devent dictes. Mais, non ostant toutte
ces chose, se espandoient les nouvelles de ces fait en plusieurs contréez
et régions, espéciallement au païs d’Allemaigne. Car le dit Mertin, qui
alors estoit tenus pour l’ung des plus grant clerc du monde (voir possible
le souverains de tous, c’il eust voullus applicquer sa doctrine a bien),
avoit desjay tellement infectés et surbournés plusieurs contrée és dit
païs de Germanie par sa faulce herrours, desjay par avent condampnée
à Romme, à Paris, à Louvains, à Collongne, et de plusieurs aultres
universités, que plusieurs grant clerc et scientifique personne en
estoient journellement en questions et desbat à disputer de cest affaire.
Et tenoient les plusieurs sa partie, et preschoient desjay et annonsoient
celle seette maulditte, avec ces livres et ensignemens, en ensuyant sa
doctrine. Car il commendoit les prebstre estre mariés ; et disoit que
confessions estoit nulle, et que toutte hommez et femes pouuoient
absouldre de tout péchiez, comme ung prebstre ; et qu’il n’estoit jay
besoing de prier pour les trespassés, car il nyoit avoir ung purgatoire,
disant que incontinent que la parsonne moroit, son âme alloit en paradis
ou en anffer. Et plusieurs aultres grant herreurs desjay anciennement
et de loing temps condempnées par les sainct Concilie soubtenoit et
remettoit sus le dit Mertin Luther, avec plusieurs aultres noviaulx
articlez. Et tellement que, à celle occasion, plusieurs évesques et saincte
personnes en avoient desjay en ce tempts fait et fait faire plusieurs
grant justice de aulcuns de leurs prebstre et clerc, lesqueulx soubtenoient
et ce bouttoient en ycelle follie. Et furent en ce tempts plusieurs dez
livrez du dit Luther en plusieurs lieux, citez et contrées, condempnez
1. A la chaude, sur-le-champ, immédiatement.
2. Accravanter, briser en jetant à bas.

486

1523. — LE DUC DE lorraine contre l’hérésie luthérienne

et publiquement brûllés. Et, meismement, y oit en ce temptz, au pays
de Flandres, aulcuns de ces disciples, de la dite Ordre sainct Augustin,
voullant soubtenir la dite erreurs, qui furent prins et publiquement en
plain merchiez airs et brûllés. Au moiens de quoy le noble duc Anthonne,
alors régnant en Bar et en Loraine, duc de Callaibre, conte de Provence
et de Wauldémont, marchis, marquis du Pont, etc., comme bon fidelle
et catholique, en ensuyvant tous ces anciens progéniteur et prédé­
cesseur, et la bonne resse1 dont il estoit issus et venus, qui, de tous leur
tempts, ont vescus corne bons et vray filz de Saincte Église, cellui
seigneur, ayant peur que celle mauldicte sette et doctrine du dit Luther
ne vînt ou se engendrait aulcunement en ces païs et jurediction, fist à
celle occasion assambler son grant Conseille et la plus grant partie des
nobles de son païs en sa bonne ville de Nancey. Et, après plusieurs chose
à celle occasion remoustrée, faite et dictez, lesquelles seroient loingue
à dire et à raconter, fut déterminés et donnés santance d’en faire ung
huchement publique au dit lieu de Nancey, cellon que au dit Conseille
avoit estés conclus. Lequelle huchement fut fait à son de trompe, le dit
ans mil Ve et XXIII, au jour de la sainct Estienne, lundemainsde Noël,
vingt sixiesme jour de décembre. Et furent les parolles tel, en subtance
et en brief, comment le dit seigneur ordonnoit et expressément commendoit, et sur grant paine de confiscacion de corps et de biens, par tout ces
païs et subjegt, que, c’il y avoit aulcuns, fût chainongne, religieulx,
prebstre, curés, clerc séculiers ou régulliers, et aussy à tous ces nobles
et jantilz hommes, bourjois, mairchamps, et à tous aultres ces subjegt,
de quelque condicion ou estât qu’il fût, qui eussent aulcuns livres ou
ensignemens du dit Luther, que, dedans le premier jour de karesme
après venant, les voulcissent apourter au lieu du dit Nencey, et les pré­
senter au révérand perre l’abbé de Sainct Anthonne de Vyennoys, alors
chief de son Grant Conseil, et au biau perre frère Bonaventure Rennel,
son confesseur, alors gardiens du couvant des Frères mineurs du dit
Nancey, ou à l’ung d’iceulx lesqueulx avoient la chairge de cest affaire,
affin que d’iceulx livres et doctrines en fût faictes comme il seroit trouvés
par bon conseil et advis. Et, aussy, que, c’il estoit aulcuns qui sceussent
aultre qui eust et cellait aulcunes des dits livres, papier, escriptures ou
doctrines, et ne les présantait dedans le jour dit, que, sûr la dite paine,
ceulx que ainssy le saroient les Vincent écuser et annoncer a prochiens
officiers de leur limitte, pour en faire corne il apertiendroit. Paireillement, contenoit le dit huchement que, c’il estoit trouvés par tout les
païs de Bar, de Lorainne, ne aultres ces seigneurie, jurediction, nulz
prescheurs, de quelque estât ou condicion qu’il fût, qui aulcunement
pairlaissent ou anonsaicent en ces sermons, ne aultrement, aulcuns
article de la doctrine du dit Luther, en quelque manier que ce fût ou
peult estre, fût en publicques on en requoy, que dès incontinant il fût
prins et apréhandés a corps, et qu’il luy fût envoyés et amenés au dit
lieu de Nancey, pour en faire ce qu’il seroit trouvés par bon conseil.
1. Race.

1523. — VALEUR DES RÉCOLTES ET DISPOSITION DU TEMPS

487

Et plusieurs aultre chose contenoit encor le dit huchement, lesquelles
je laisse pour abrégier.
Or avint, deux jour après ce huchement fait, c’est assavoir le jour des
Innocent, XXVIIIe jour du dit moix de décembre, de nuyt, qu’il fist
ung grant tramblement et movement de terre en la cité de Baille, en
Allemaigne, sur les mairches des Suisses et on païs entour. Toutteffois,
la Dieu mercy !, il ne fist pas grant mal ne grant dopmaiges.
Paireillement, en ces meisme jours, cheurent et se moustrairent
cheant du ciel plusieurs espasse de feux sur plusieurs villaiges au dit
pays. Dieu par sa graice vueulle que tout viengne à bonne fin ! Amen.
Tantost aprez, vinrent nouvelles en la cité de Mets comment le
Grant Turc, annemis de nostre saincte Foy katholicque, avoit chaussés
dehors et espulcés tous les crestiens de la cité de Rode, et pairreillement
ceulx de Jhérusalem. Et, avec ce, en despit de la saincte Religions
crestienne, il avoit prophanés l’église du Sainct Sépulcre de Nostre
Seigneur et tous aultres lieu sainct, tant en Bechtleam comme aultre
pairt ; et en fist estauble au chevaulx, faisant leur mocquerie et déri­
sion. Dieu, par sa saincte bonté et miséricorde, y veulle mettre pro­
vision 1

[disposition du temps ; inondations a metz].

Celle présante année mil sincq cenc et XXIII fut de taribles condicions
et nature. Car, de son acommencement, elle fut assés modérées, et de
grant chailleur, et tellement que touttes choses cressoient et venoient
par tans 1 et de grant abondance ; et y oit assés poirre, serise et aultres
fruit. Mais, tantost après, le tempts se muait et se convertit en pluye,
tellement que la plus part des foins, et causy tous, furent gaistés et
porris. Et, daventaiges, firent encor les devent dicte pluye grant dommaige aux frommans et avuainez, et à tous aultre grains. Toutefïois,
la Dieu mercy !, les vigne estoient belle et bien chairgées par tout ; et
leur vint le tempts au souhet, biaulx et chault, plus de sincq semaigne
durant devant la vandange. Et fut vendangiez, et causy tout fait au
presseur, au jour de la sainct Remey. Et y oit foison vin, et bon : car il
estoient tropt plus biaulx et milleurs que l’an devent. Par quoy les merchant fourains les venoient quérir on Vault à grant foulle ; et ce vandoient C solz la cowe.
Et durait ce tempts jusques environ la saint Mertin, que tousjours
estoit essés bien dispousés. Mais, alors, se muait en cy grant froydure
de gellée et cy très aypre, environ XV jour durant, que touttes ripvier
furent prinse, d’une grosse espesseur. Et fist cest gellée moult de dopmaige, tant en vigne corne autrement. Et, premièrement, après ce
qu’elle en fut rallée, fut trouvés une grant parties des vigne engellée
1. De bonne heure.

488

4524 N. ST. — INONDATIONS A METZ ET EN LORRAINE

(et fut à l’ocausion qu’elle estoient encor tandre, et non meure) : par
quoy les vins furent incontinant renchéris, et mis à X frant la cowe.
Pairellement furent gaistées touttes les masures, c’est assavoir blanche
joutte et vert, choux naviaulx, et touttes aultre masuaige 1 ; et furent
touttes cuyttes en terre comme les vignes. Et y olrent les masouiers de
Mets ung grant et merveilleux domaige, montant à plus de deux mil
florin d’or. Aussy furent gaistés de celle gellée grant partie des boutons
des airbres, et meismement la plus part dez pomiers carpandus 2 ; les
troncques en furent engellée jusques à l’androit qu’il avoient estés
ampés 3. Et plusieurs aultres grant dompmaige fist celle froidure ;
ne n’y avoit homme vivent qui eust mémoire d’avoir veu faire une cy
destroitte gelléez, sy subitte ne sy soudaine, ne cy par tens comme fut
celle ycy devent Noël.
Puis vint la pluye et le doulx temps, quant on acomensoit à charier.
Mais ne fut pas loinguement, environ le Noël, qu’il fist encor une pairrefile gellées comme la premiers, non obstant qu’elle ne fist point de mal.
Puis, comme devent, quant l’on pansoit charier, et que le tempts fut
afïairmés, pour amener plusieurs biens en la cités, il ce redeffit de
noviaulx et ce muait en pluye. Tellement que, en acommensant lez
deux derniers jour de l’an, et en jusques a quaitriesme jour de janvier,
ne fist jour ne nuyt que venter et plovoir à grant abondance. De laquelle
chose le peuple estoit fort esmayés. Et la raison estoit que, par loing
tempts devent, avoit estés pronosticqués et escript par plusieurs saige
astrologiens que, en cest dite année, environ le jour de l’an, devoit faire
grant yauaige, et devoit fort plovoir ; espéciallement se devoit faire en
aulcuns lieu ung merveilleux temps d’yawe environ le second jours et le
tier de février. Et devoit celle pluye estre cy grosse et cy impétueuse,
et devoit venir de cy grant roydeur, avec grosse goutte telz comme la
teste d’ung homme, [et] qu’elle seroit souffisantes pour tuer gens et beste,
et, avec ce, trespaircer les maison et abaitre de grant édifïïce. Et courroient ces nouvelles de touttes pars. Par quoy, possible à celle occasion,
y oit en Mets sincqz cenc personne qui furent confessé et aministrez,
a jour de la Noël après, qui ne l’eussent pas estés ; et meismement
le jour de la feste Chandelleur ensuyant : car les aulcuns et aulcune
avoient sy grant peur qu’il ne dormoient en lit.
Mais, pour revenir à mon prepos de ces grande pluye que desjay il fist
environ le jour de l’an, vous devés sçavoir que, à celle occasion, les
ripvier Saille et Mezelle crurent tellement, le maicredi de nuyt, sixiesme
jour de janvier, et devinrent sy grosse et hors de rive que, sans avoir
glaisse, jamaix homme vivant ne les avoit veu pairreille ; ne n’y estoit
à comparer touttes les aultre fois que par cy devent j’en ais escript : car
elle ce estandoit depuis le pont des Mors, voir depuis les muraille
d’Anglemur, en jusques a Trous de Chavains, et dellà le prey Sainct
Soibert jusques dedans les vignes, et par ces lieux de toutte part. Et
F 1. Masuage, masures, légumes. Les jouîtes sont les choux.
2. Variété de pomme dite aussi reinette des Belges.
3. Entés, greffés.

1524 N. ST. —• INONDATIONS A METZ ET EN LORRAINE

489

passoit à grant abondance par devent les portes et par les faussés,
jusques au airche du pont, et meismement par dessus les murs qui vont
depuis le pont des Mors jusques au pont a Loups ; et tellement que à
paine veoit on rien d’icellui pont for que les loups. Item, celle yawe
estait à peu près de la haulteur de la bouche du puis devent la Croix.
A rest, elle estouppoit plusieurs airche du pont Thieffroy ; et, de fait,
y fist grant dopmaige : car elle rompit l’une d’icelle airche ; aussy elle
couvrait plusieurs des bouttée du pont des Mors. Par tout le grant
Saulcey l’on ne veoit que ung poc les teste des sault ; et ne veoit on que
yawe depuis Joiey jusques à Thionville. Et fist celle yawe ung grant
domaige en Wauldrenowe, et en plusieurs aultre heu là entour.
Paireillement estoit la ripvier de Saille moult hors de ryve ; et cour­
rait par aulcune rue en celle pairtie. Et vous veult bien dire que celle
yawe fist ung merveilleux et grant dopmaige : car l’on fut souprms, et de
nuyt Par quoy, avent que on la peult secourir, moult de choses furent
gaistée et perdues. Et n’y oit sy biaulx lieu ne cy belle chambre on baix
Champés qui ne fût plaine d’yawe jusquez à la traveure, 1 une plus et
l’aultre moins, cellon le lieux. Par quoy les aulcuns se esbahissoient for ,
et disoient que c’estoit desjay acommencement d’icelluy delluge ad
venir ; et estoit la cause principalle qui leur faisoit croire se que yceulx
maistre avoient dit. Et lors eussiés veu fouyr et wuidier les vins et
aultres biens des rue qui estaient sur l’yaue, comme le baix et hault
Champés, avec tout ce qui est scitués sur les deux ripvier, Saille et
Meselle, tant d’une pairt que d’aultres, et les fuyr en hault heu, comme
en la paroiche Sainte Ségoulline, Sainte Croix et aultrez hault lieux, ou
chacun pouuoit le mieulx. Et encor n’estoient il pas tropt essures, pour
cause des pairrolles devent dictes : car les plusieurs firent bondener
et tancener * leur tonniaulx. Aussy n’estoit pas de merveilles c il c en
estaient fouys, pour ce que la plus pairt des maison estaient sy très
plaine d’yawe qu’il n’eust estés posible d’y demourer. Et entrait celle
yawe par les huis de derrier, et à grant randon venoit sortir par 1 uys
devent en la rue : et fist une ripvier en baix Champés, à peu près du
hault de l’uis de la Grève. Par quoy ceulx qui furent négligent de wuidier
leur vins et aultres biens y priment grant domaige.
Mais, toutefois, quoy qu’il en fût, se ne fut riens du domaige qui fut
en la cité au regairt de plusieurs aultres ville et villaige. Especiallement
au Pont à Mouson : car celle abondance d’yaue fist ung merveilleux
dopmaiges en celle ville du Pont. Et, premier, elle rompist et abatit
quaitre airche d’icellui pont, avec IX ou dix maison de celle pairtie.
Et fut abatue et desrompue une dez porte, avec ung grant pan de mur
d’ycelle ville. Et furent les habitans par plusieurs jours enclos leans,
criant : « Alairme ! Miséricorde ! », et ne cuydoient jamaix mieulx
morir. Celle yawe fist encor tant d’aultre domaiges que ce fut une chose
merveilleuse, tant en terre déraiéez, en biens perdus, en beste noyees,
1. Bondonner, garnir d’un bondon, d’une bonde.
2. Étançonner.

490

1524

N. ST. — CRAINTES A METZ D’UN NOUVEAU DÉLUGE

brebis et aultres, grant domaiges de bledz, de vins et de plusieurs danrées, que ce fut une chose innestimable : car en tout le pays n’y demourait pont de bois qui ne fût levés et enrnenez en la mer. Paireillement,
de cest yawe resseurent grant domaige ceulx de Saint Nicollas de Wairengéville, ceulx de Thionville, et encor plus, cen comparéson, ceulx de
la ville de Scierque. Et meismement de ce déluge ne furent pas quicte
ceulx de la cité de Triève : car nouvelle vinrent qu’elle leur avoit pourtés
grant et grief domaiges. Aussy fîst elle en moult d’aultre lieu, villes et
villaiges scituées sur lez dite ripviers, desquelles je ne fais nulle mencions. Et par ycelle yaue, avec d’aultre pluye qui vinrent depuis, furent
les voie et les chemins sy desrompus que, encor à la Paicque après, ne
pouoit on charier, qui ne se détournoit grandement.
Par quoy n’y avoit sy grant ne sy saige, tant fût en l’espirituallités
comme en la temporallités, qui ne doubtait et craindist treffort cellui
déluge pronostiquez et le temps qui estoit ad venir. Et, à celle occasion,
se mirent et firent mettre le peuples en grant dévocion. Car les seigneurs
du Chapistre de la Grant Église de Mets ordonnairent que tous les jour,
après leur vespre et complie chantée, de tous venir en grant dévocion
et en belle ordre, avec crois et yaue bénitte, dire et chanter ung Salue
Regina devent Nottre Damme la Ronde. Auquelle durant et à la fin
les anfïans de cuer chantoient les virgo à voix faincte en deschanterie.
Laquelle chose il faisoit moult biaulx ouyr, et estoit chose très mélo­
dieuse. Paireillement en estoit fait à Saint Salvour,et à Saint Thiébault,
for que des anfïans de cuer. Aussy les Ordre mendians et aultres reli­
gions faisoient leur devoir, chacun endroy soy, de dire et chanter quel­
que inné et canticque à leur dévocion. Et, daventaiges, fut commendez
et ordonnez par messeigneurs de la Justice que, le dimenche dernier
jours de janvier, serait à chacune des paroiche de la dite cité faicte la
grant procession entour de la paroiche. Puis, au dit jour, fut annonciet
et commendez que, le dimenche ensuivant, qui alors en cest présante
année estoit le gray dimenche (car le karesme fut fort par temps),
serait à celluy jour par toutte la cité, à chacune paroiche, faicte la
processions, tout et ne plus ne moins comme le jour de la Feste Dieu,
avec Corpus Domini. Et fut comendés, sus X sols d’amende, que chacun
ce y trouvait révéranment et en dévocion, et que, avec sierge ou aultre
luminaire, voulcist acompaignier le vray corps de Jhésu Crist, affin
que par sa bonté il mist paix entre les princes crestiens, et qu’il woulcist
apaisanter le temps, et nous donner ce qui nous est mestiet pour l’âme
et pour le corps. Et ainssy en fut fait, tant és pairoiche comme és colliège
et Ordre mendians et aultres religions etpriorés : car chacun c’y amploiait
à son pouvoit, tant au pairer les rue de belle tapisserie comme aultrement, aussy bien ou mieulx que le jour de la Feste Dieu. Et, encor
daventaige, fut ordonnés de, après ou devent la grant messe, chacun
dimenche, de chanter à haulte vois à chacune paroiche celle belle
louange devant la croix qui ce acommence O Crux, etc. Le doulx Jhésus
le preigne en grés ! Amen.
Or devés sçavoir que, tout le temps durant de cellui gray temps,

1524 N. ST. — ASSASSINAT DU SEIGNEUR JEAN CHAVIN

491

devent ny après, ne fut fait en Mets ne on pays à l’antour nulle mommerie de desguiser, fairce ne aultre joieusetés, comme on soilloit faire les
aultres année ; maix fut le peuple, josne et vieulx, aussy rassus 1 et
hors de joie comme ce sc’eust estés on temps de karesme. Par quoy
je croy que nostre salvour Jhésu Crist resgairdait son peuple en pitiez,
comme jaidit fist Dieu le perre sus le peuple de la cité de Ninive : car,
par sa miséricorde, s’en aillait le tempts sy gracieusement que, depuis
ce jour en jusque Paicque, il fist aussy bon tempts qu’il avoit point
heu fait de dix ans devent, fort qu’il estoit tousjours pluvieulx et
moiste; jusques à la fin du moix de mairs, qu’il fist ung très biaulx et
jollis tempts.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ].

Item, en ces meisme jours, advint une grande esclandre en Mets.
Le cas fut tel que, environ quaitre ou sincq ans devent, estoit venus
demourer en la dite cité ung anciens compaignon, eaigiés de plus de
LX ans, nacionés du païs de Bretaigne. Celluy gallans, nommés Pier,
se disoit estre jantil homme. Et, à sa premier venue, vint lougier en la
rue Staixon, à hôtellerie de l’Ange ; et y fut plusieurs jours, en sairchant maistre. Puis, après, pour ce que c’estoit une homme de belle
présance, et qu’il ce moustroit sçavoir quelque chose pour entretenir
gens de biens, il fut mis à demourer en l’hôtel d’ung bon notauble
jantilz homme, des lignaige de la cité, demourant assés près de 1 église
parochialle de Saincte Ségoulline, en tirant devers les suers de Saincte
Claire Sur le Mur, nommés seigneur Jehan Xavin, homme de bonne
sorte, doulx et courtois au peuples, et que chacun amoit. Celluy seigneur
estoit wesve de loing temps ; eaigés estoit environ de la meisme eaige
de son verlet : par quoy celluy serviteur, qui desjay l’avoit servis lomg
temps (c’est assavoir depuis le jour que premier estoit venus demourer
en Mets, comme dit est devent, jusques à présant), gouvernoit le dit
seigneur Jehan Chavin paisiblement. Et, ad cause qu il n avoit point
de femme, ne faisoit cellui serviteur que ce qu’il vouloit ; et buvoit et
maingeoit à la tauble du dit seigneur Jehan ; et avoit 2 cy grant fiance
en luy qu’il ne pouuoit c’il ne l’avoit tousjours auprès de luy. Et, pour
abrégiés histoire, c’estoit le droit maistre d’hostel et gouverneur de
léans
Or n’avoit celluy seigneur Jehan, de tous anfïans en leaulx maria ige,
que une seulle fille, belle josne damme qui estoit mariée a seigneur
Phelippe Dex, lequelle dernièrement estoit revenus des Espaigne de
1. Calme, tranquille (cl. Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle,
article rèssù). C’est le participe passé de rasseoir
.......
.
2. Le seigneur Jean Chavin avait si grand confiance en lui qu il ne pouvait [vivre]
sans l’avoir toujours auprès de lui.

492

1524 N. ST. — ASSASSINAT DU SEIGNEUR JEAN CHAVIN

devers l’empereur pour le fait de la cité, comme dit est devant. Et
avoit encor celluy seigneur ung filz baitairt. Celluy seigneur Phelippe
Dex, avec Régnault, son filz, qu’il avoit heu de damme Gertrus, sa
premier femme, depuis leur retour des Espaigne, se sont par plusieurs
fois trouvés durant ce gray temps au souppés chiez le dit seigneur
Jehan Xavin. Et tellement que, par plusieurs fois, en se juant et truf­
fant au dit Pier, le serviteur, luy disoient que, au retour de leur voyaige
en Espaigne, il avoient passés par son païs de Bretaigne, et qu’il avoient
ouy pairler de luy et de son fait ; et lui disoient qu’il ne se oyseroit
trouver au dit lieu de son païs, pour aulcuns fait qu’il y avoit commis et
fait. Et tellement que le dit seigneur Jehan Xawin luy meisme, en
ensuivant son jandre et en se raillant, disoit que de brief, à la Chandelleur venant, il seroit Trèses, et que, c’il estoit ainssy, il le feroit
mener en l’ostel de la ville, et puis le feroit pandre.
Et tellement que, pour ces chose et plusieurs aultres, le dyable,
annemis de nature, se boutait entre deux, et tantait cellui serviteur en
fasson telle que, dès celle heure, il prepousait et déterminait de tuer
le dit son maistre, ou le dit Régnault, ou le premier que plus luy en
pairleroit. Et, de fait, ne demourait pas longuement qu’il ne mist sa
pancée en essécusion. Car, le lundi, premier jour de febvrier, vigille de
la Notre Dame Chandelleur, le dit Pier, qui couchoit en la chambre de
son maistre, se levait du mattin, et fut à la messe Notre Damme.
Puis, affin de oster sa malvaise voulluntés, prepousait de s’en aller
confesser au Grant Cordelliers Dessus le Mur. Mais, en chemin, il rancontrait une femme, que souvant hantoit chiez le dit son maistre,
laquelle le ramenait à l’ostel pour aulcune chose. Et alors trouvait le dit
seigneur son maistre qui ce Ievoit, et que encor n’estoit pas à demy vestus. Et, de celle heure, sans aultre occasion ne sans avoir aultre parolles,
lui donnait deux grant copt de coustiaulx, l’ung au bras et l’aultre on
vantre, assez près de la boudiné, en xibant de coustier. Et, cella fait,
s’en fouyt au Grant Cordelliers Dessus le Mur. Et, en passant, ait heu
rués sa gibbecier, avec les coustiaulx, en la bouticle du boullungier
devent le portault d’icelle église ; et dit c’on lui gairdait. Et, pour ce que
cellui malfaicteur ne trouvait pas les huis des trilles 1 d’icelle église
ouverte, il saillit dehors, et s’en aillait sonner la cloichette de Fuis du
cloistre, et se mist dedans en franchise.
Et dès incontinant levait le bruit par toutte la rue : car le dit seigneur
Jehan Xawin, tenant sa mains dessus sa plaie, et à demi vestus, vint
luy meisme à Fuis devent crier : « Alairme !» et : «A murtre ! ». Par quoy
chacun y acourut. Et, dès incontinant que Justice, avec le dit seigneur
Phelippe Dex, son jandre, furent advertis de celle offance, firent courir
aux portes et après lui de toutte pars. Mais tantost il fut sceu qu’il fut
au Cordelliers en franchise. Par quoy la Justice, acompaigniés de plu­
sieurs soldairs et sairgens, y vinrent ; et le voulloient avoir par force.
Pour laquelle chose chappistre fut tenus léans. Et, de fait, se sont
1. Treille, grille.

1524

N. ST. — L’ASSASSIN DU SEIGNEUR JEAN CHAVIN EXÉCUTÉ

493

oppousés les religieulx de le voulloir randre, ne, avec ce, de le laissier
prandre ; mais, affin de éviter esclandre, les dit Cordelliers firent tant
que le dit Pier, malz faicteur, fut mis derrier ung autel, en la chapelle
des Chaverson. Et alors Justice, avec leur gens, s’en allirent de l’aultre
partie, du coustés dessus les murs. Et par ce lieu demandoient au dit
Frères antrée et ouverture. Et yceulx Frères leur ont refïusés. Par quoy
à force fut par eulx l’uyz rompus et despessés ; et fut le mal faicteur
prins, et mis en la maison de la ville. Et dès incontinant, sans en riens
estre esbaihis, dit et confessait du premier copt que, c’il n’eust cuydés
tuer le dit seigneur Jehan, son maistre, il ne 1 eust pas frappés.
Et aussy le dit seigneur Jehan ne vesquit guaire depuis : car, après ce
qu’il fut confessés et qu’il oit ressus tous ces sainct sacremens, le jour
de la Chandelleur, de nuyt, il trespaissait et morut. Et fut son corps,
le maicredi ensuyvant, tr[o]isiesme jour de febvrier, environ à IX heure,
empourtés a Grant Prescheur, acompaigniés de touttes les Ordre mendians, et de la plus pairt de la seigneurie et gens de linaiges, et de
XII pillés de cire, avec de groz scierge tous armoiés de ces armes.
Et en tel ordre fut pourtés en terre, au mey lieu de la nef d’icelle église,
au lieu de ces prédicesseur, premier fondateur d icelle église. Dieu luy
pairdoint ces faulte : car l’on l’estimoit bon seigneur.
Et, dès tantost le jeudi ensuiant, qui alors estoit le gray jeudi, quaitriesme jour du dit moix de febvrier, à heure de X heure du mattin,
fut le dit Pier prins on Pallais, auquelle, la nuyt devent, cellon la coustume, il avoit estés menés. Et, luy estant dessus la brouatte, fut menés
a pilloris ; auquelle en grant souffrance et en grant froidure il fut jusques
à deux heure après midi : dont ce lui fut une estraime doulleur et
mesaixe. Puis, heure venue, fut traynés Entre deux Pont, et, là, fut
montés sur l’achauffault. Puis, après son procès fait, lui fut tout pre­
mièrement la droitte mains couppées ; et puis, fmablement, 1 on luy
tranchait le col. Et le propre coustiaulx duquel il avoit donnés le copt
de la mort à son maistre (qui estoit ung coustiaulx d Allemaigne, de
moyenne grandeur, et estroit), celluy luy fut plantés tout parmei celle
mains couppée, et puis fut plantés, avec la mains, contre la perche.
Et, ce fait, fut ellevés en hault, avec la teste dessus la rue, sur laque e
fut le corps mis. Et, se le bouriaulx eust estez homme abille, qui heust
sceu mettre en quaitre quairtiet, il y fût estez mis, et fût estés pourtés
sur quaitre chemin.
Puis, tantost le samedi après, sisiesme jour du dit moix de febvrier,
fut pandus ung compaignon, jantil ruste, de la cité, a gibet d icelle.
Lequelle fut prins le propre jour, de nuyt, que le dit seigneur Jehan
Xawin fut frappez comme dit est devent. Et la cause pour quoy . il est
vray que peu devent, en la dite année mil Ve et XXIII, le jour sainct
Mor, XVe jour de janvier, sur le tairt, se sont pairtis de la dite cité
plusieurs compaignons de guerre d’iceulx rottiers et courreurs, assamblés de plusieurs nacions, jusques a nombre de XV ou XVI. Entre
lesqueulx y estoit celluy gallans devent nommés, avec aussy aulcuns

494

1524 N. ST. —• EXÉCUTION D’UN MAUVAIS GARÇON A METZ

aultres, nacionés de la meisme cité ou du païs d’icelle. Et estoient tous
compaignons aventuriers, qui ne queroient que à pillier et à rober sur
bons mairchans et laboureus ; et ce disoient de la gairnison de Verton.
Yceulx gallans, les ung à piedz et les aultre à chevaulx, se sont trouvés
la nuyt ensuivant au villaige de Waippey, scitués à demey lue devant
Mets. Et là, en ce lieu, firent merveille de pillier et rober ; et prinrent
abillement, chainevaige x, paelle, tuppin, chauderon et aultres huitancille de ménaige. Et à force et viollance prennoient tous ce qu’il trouvoient en plaice. Et encor voulloient baitre ou tuer tous ceulx qui y
contredisoient. Et, entre les aultre mal, firent grant viollance au prebstre
d’icelle ville de Wappey, nommés messire Dimanche. Car, peu devant,
avoient yceulx lairons heu de luy deux escus au soilleille : mais, non
contant de cella, il fut par eulx prins, et fut loiez comme ung lairon, et
tellement l’ont contrains que à force et malgré luy luy ont fait payer la
somme de dix escus a soilleille ; ou aultrement il l’eussent gaistés.
Par quoy aulcuns d’iceulx bon homme, voyant le tort et la force que
l’on luy faisoit, vinrent bien vistement à la cité annoncer au Sepz de la
guerre ces nouvelles. Lesqueulx Sept ne s’y laissairent pas endormir ;
ains incontinant firent armer aulcuns de leur souldairt, jusques au
nombre de XVIII ou XX ; et, en la conduictes de seigneur Michiel
le Gournaix, fîlz a seigneur Régnault le Gournaix Tannés, du Nuef
Bourg, se sont pairtis bien mattin de la cité, le samedi vigille sainct
Ant.honne et XVIe jour du dit moix ; et, le grant gallopt, les poursuirent jusques au dessoubz de Noeroy. Auquel lieu il eussent tous estés
mors ou prins, ce n’eust estez les dit de Noeroy qui firent une alairme,
cuidant que ce fût sur eulx que on aillait. Mais, après plusieurs choses
faictes et dictes, fut finablement tous le buttin rescous ; et furent quaitre
d’yceulx aventuriers prins et amenés le dit jour en Mets, c’est assavoir
deux à chevaulx et deux à piedz. Et à la meisme heure furent mis en
f’hostel de la ville. Et furent en grant dangier de leur vie ; touttefïois,
à la prières et requestes d’aulcuns seigneur estraingier, l’on leur fist
graice pour cest fois, en prennant instrument de noctaire d’eulx .de
non jamaix faire action ne poursuitte de leur prinse. Mais vous debvés
sçavoir que entre ceulx qui furent eschappés estoit cellui gallans duquelle je pairie, nommés Jehan, ou aultrement le Grant Soieurs, qui
estoit ung josne gallans trèsmalz falmés, avec meisme d’aultres, qui
estoient nacionés d’icelle cité, lesquelles, c’il eussent estés agrippés au
collés, tout le monde ne les eust pas salvés qu’il n’en eussent estés pandus et estranglés : car il estoient on registre de la ville dez loing temps
devent.
Or advint que, assés tost après, cellui Grant Soieurs, eaigiés environ
de XXVIII ans, qui avoit perre et merre en Mets, par sa malle adventure retournait en la dite cité, et y vint lougier, sen avoir demendés
assurance ne saulconduit (et voult on dire qu’il y fut envoyés de ceulx
propre ces compaignon qui avoient estez prins dessoubz Noeroy, quant
1. Chanevage, proprement « toile de chanvre », ici, sans doute, « linge en général ».

1524 N. ST. — HAUSSE EXTRAORDINAIRE DU PRIX DU SEL

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il eschaippait). De quoy Justice, advertie du cas, fist mettre la mains
à luy ; et fut prins la vigille Chandelleur, le dit ans Y0 et XXIII,premier
jour de febvrier, de nuyt, comme cy devant ait estés dit. Et, néantmoins qu’il ce cuydoit bien salver par dessus les teys, il fut ampoigniez,
et menés en la maison de la ville. Combien qu’il y sceût bien le chemin :
car desjay par aultres fois et pour plusieurs aultres choses par luy malz
faictes y avoit estés menés, et lougiez par XY ou XVI fois. Entre
lesquelles, une fois, y avoit estez jugiez à avoir le poing couppés, ou à
paier LX libvrez, pour l’amande de aulcuns copt de daigue qu’il avoit
heu donnés et frappés ; et, ce alors ne fussent estez lez compaignons
des chairpantiet, qui paiairent l’amande pour luy, il eust desjay heu à
celle fois le poing couppés (car son perre ne tout son vaillant n’eussent
sceu paier XX frant). Or, comme l’en dit, Qui doit noyer, il ne peuli
pandre : comme à présant il ce moustre par lui, qui sçavoit bien qu’il
estoit en malle graice et en la chaisse de la ville, et, cen lui estre de
nécessité, ce vint randre en ycelle à sa malle heure. Car, tantost après,
le samedi VIe jour du dit mois de febvrier, à heure acoustumée, fut le
dit Jehan menés a gibet, auquelle il fut pandus et estranglés. Et, jay ce
que aulcune fdle le demandairent et se gectairent à deux genoulx devent
Justice pour le avoir et pranre à marey, ce néantmoins il leur fut
déniés ; et passait le pas. Car la chose qui luy fut plus nuysauble fut
ce qu’il avoit desjay tant de fois estés prins et mis en prison, et jay pour
ce ne ce voulloit corrigier.
Item, je vous veult conter et dire une merveille qui en ce tempts
avint en Mets, et une chose de quoy plusieurs gens se esbaihissoient.
C’est assavoir d’une merchandise requise et nécessaire, qui est le scel,
estre en cy peu de temps et en une cy brief espasse ainssy oultre 1 an
saigne 1 remontés de pris, veu que les chemin n’estoient pas cloz entre
les païs de Mets et de Loraine, ne n’y avoit alors noise ne desbat, fort
seullement que, par le lait tempts de pluye, les chemins estoient cy très
lait et cy fangëus qu’il n’y avoit homme que à grant paine peult aller
ne venir ; et, souverainement, l’on ne pouuoit chairier. Et, aussy, pour
ce que le bois estoit ainssy chier oultre mesure. Par quoy le dit cel,
lequelle, en l’an devant et és aultres année précédante, l’on ne soulloit
jamaix vandre que X sols, XII sols, ou a plus XIIII sols la quairte,
voir du cel de cez païs ycy, fut en celle année tellement remontés que,
environ le Noël et en jusques a XXe de janvier, l’on le vandoit XXX et
XXXII sols la quairte. Mais, quant celluy sel fut tout vandus et faillis,
à l’ocasion que l’on n’en pouuoit point aller requérir de l’aultre au
salline, comme dit est devent, il remontait cy très hault que, le jour de
la Convercion sainct Pol, XXVe jour de janvier, il fut mis du mattin
à XL sols la quairte. Puis, tout soudains, il fut encor remontés à cha­
cune heure ; tellement que, devent qu’il fût le vespre, l’on le vendoit
LXIIII sols la quairte. Et fut force a povre gens de villaige qui avoient

1. Outre l’enseigne, d’une manière extraordinaire, plus qu’on ne peut dire.

496

1524 N. ST. — PILLARD ARRÊTÉ ET EMPRISONNÉ

dez lairt à sailler de alitent en paier, c’il en voulloient avoir. De quoy
ce fut une grant murmure en Mets et par tout le pays.
Paireillement, en ces meisme jours, c’est assavoir le XXVIIe du dit
moix de janvier, et a temps que yceulx ribleur et pillairt alloient
tousjour et venoient, espiant sus les chemin pour destrousser aulcun
bon mairchant ou aultres, avint que, à cellui jour, trois de yceulx
gaillans, qui ce disoient de la gairnison du Saulcei en Berroy, sortirent
de leur lieu, et vindrent à aborder à Longeville devent Mets. Et là,
assez près d’icelle ville, en tirant devers Mollin, fut par eulx trouvés
et rancontrés ung dez filz au prévost Conraird de Buxei, homme desjay
mariez, qui amenoit des bestes à cornes au merchief de Mets pour
vandre. Mais yceulx gallans le prindrent prisonnier ; et, après ce qu’il
l’eurent très bien batus, il l’anmenairent à force le chemin du Saulcey.
Mais incontinant y oit aulcuns qui le vint annoncer à ung sien frères,
orfèvre, qu’il avoit, demourant et mariez en Mets, en la rue de Fournerue, nommés Maircque. Celluy orfèvre estoit josne, fort et roide,
et bien jantilz ruste. Par quoy, incontinant qu’il en soit les novelle,
ampruntait ung chevaulx à son woisin, sur lequelle bien vistement
il montait, avec une javelline en son poing, et, l’espée au coustés,
courreust après. Et tant allait et sy vittement qu’il les aconsuyt au
dellay de la ville de Rouzérieulle, assez près des bois. Et, en ce lieu,
yceulx lairon avoient ung peu devent à force destailler 1 ung chairton,
et prins aulcuns de ces chevaulx, sur l’ung desquellez il avoient mis leur
prisonnier. Et, ainssy que celluy Maircque, qui estoit homme josne
et délibérés, vint là en ce lieu, il vit et aparseust que desjay deux d’iceulx
gallans, qui tenoient son frère à destre et à senestre, entroient dedans
le bois. Mais le thier, nommés Hanry, filz à Françoy Rutter, de Haiconcourt (lequelle estoit celluy qui le plus avoit batus le prisonnier son
frère, et aussy à la requeste duquelle il avoit estés prins : car il le haioit
ad cause d’ung plait qu’il menoient), celluy Hanry se estoit esmusés à
l’entour d’icelluy chair, derrier les aultres environ ung trait d’arboullette. Par quoy le dit Mairque, le voiant seulle, luy courreust sus. Et,
après ce qu’il ce fut quelque peu deffandus, le dit Mairque le blaissait
très bien avec sa javelline, tellement que le dit Hanry se randit, et luy
tandist son espée, qui estoit à demy rompue. Puis l’amenait à Rousérieulle, et le mist entre les mains de la Justice. Et, pour ce qu’il estoit
tairt, à force de chevaulx s’en vint à Mets, où le portiet l’atendoit.
Et incontinant c’en allait en la compaignie des seigneurs anoncer ces
novelle : par quoy il luy fut livrés demy douzenne des collevreniers
de la ville, avec lesquelles fut le dit Mairque quérir son prisonniers.
Et ainssy trécaissait 2 toutte la nuyt. Et, luy venus, ainssy blessé qu’il
estoit, fut mis en la maison de la ville, et estroittement tenus. Toutteffois, après environ XVIII ou XX jours passés, à la requeste de son
perre et de ces aultre parans et amis, damoisiaulx Nicollas, seigneur
1. Dételé.

2. Tracasser, circuler (dérivé du verbe traquer).

1524

N. ST. —• UN CHANOINE ENLEVÉ PAR DES BRIGANDS

497

d’Ancerville, son seigneur, et plusieurs aultres ont heu priés à Justice
pour lui. Et tellement que, par le grés du dit Manque, il fut mis à
delivre : car aussy estoit son frère délivrés franc et qmcte
Et ainssy se démenoient les choses pour cellui tampts. Mais on y mist
assés tost provision et remeyde, comme vous oyrés. Car, en ces meisme
jours, pour ce que messeigneurs du Conseille, avec messeigneurs les
Sents de la guerre de la cité de Mets, veoient que journellement yceulx
courreurs et lairons ne faisoient que aller et venir, trescassant parmey
le pays et pilloutant sur l’ung et sur l’aultre, et puis, quant 1 on en avoi
prins aulcuns et amenés en l’hostel de la ville, et qu il avoient par plu­
sieurs jours mangiés le pains de la cité, à la requeste d -icuns seigneur
il leurs failloit donner congiés francquez et quictes, comme il en
advenus de plusieurs que par cy devent avés oy par quoy.
?
fut mise. Et, premier, fut ordonnés à aulcuns villaige soubjegt a la cite
que, c’il venoient plus pour leur faire dopmaige, que, pour eur °nuer
une repue * ou ung dînés de deux ou de trois gros pour chacune fois,
qu’il J’en pernissent point de question, ains devoit cest argent estre
prins et pafés par les mambours de la ville sur le commun. Mais, c il ne
se voulloint contenter de raison, et qu’il voulcissent faire du malvais,
corne par des fois il avoient fait, que la cloiche fût sonnee, et le puple
assemblés, et qu’il fussent très bien batu, Et, c’il - -ttoien en
defïance, que l’on les assomait ; ou, c’il n estaient asses fort qu il le
vissent bien vitement annoncer à la cité : car 1 on ne cuydoit point
estre de guerre à nulluy.
. ,
Or avint, tantost après cest édit fait, c’est assavoir le dit ans
Ve et XXIII, par ung maicredi, Xe jours du moix de mairs, que p u
sieurs d’yceulx ribleurs aventuriers, jusques au nombre de
sont trouvés devers Flerey, environ à une bonne lue de la cite Et là
en cellui villaige, ont levés et à force prins la ganse du prebstre d icelluy
lieu, et l’en ont menés avec eulx. Puis, en passant qu il firent par a
Hourgne à Maiclowe, il ont rancontrés ung josne clerc chainoigne e
Grant Église de Mets et nepveux a princier d icelle eglise equell
clerc encor n’estoit pas prebstre, et, après plusieurs pairrolles et plusieurs
interogacions qu’il lui firent, l’ont heu prins et a force enmenes et on
laissier aller ung aultre qui avec luy estoit. Et faisoient acroyre a cdluy
josne chainnoingne qu’il estaient Françoy, affin qu il dît que aussy
estoit il : mais prudentement leur respondit quil n estait françoy ne
bourguignon, ains estoit et ce tenoit messains et chainnome d icelle cité.
Touttefïois quoy qu’il sceust dire, après plusieurs langaige 1 en ont
menés au ;ülaige de Sorbé. Et là, en celle ville, se sont mis en une
taverne. Et, après plusieurs viollance par eulx faictes, ont r^s°nnes le
prebstre du lieu à LX grant blan, qui furent paies contant. Et,
fait
aprez le souppés, en y oit quaitre d’iceulx gallans qui ont demoures
au lougis avec leur prisonnier ; lequelle il firent devestir, et le _xm eut
au lit avec sa chemise : mais ces aultre abit luy ont heu ostes et quai1. Un repas.

32

498

1524. N. ST. — LE CHANOINE EST DÉLIVRÉ

chiez. Et eulx ce sont remis à la tauble et à boire, comme de noviaulx b
Puis les quaitre aultres leur compaignon furent menés et lougiez en
une aultre maison, pour ce qu’il ne polloient tout en ung lieu.
Or entendés qu il en avint. Cellui qui estoit avec le chainnonne devent
dit, qu’il avoient laissiez aller, vint annoncer ces novelle en chapistre
de la Grant Église de Mets. Par quoy yceulx seigneurs chainnonne ont
estés priés au seigneurs Septs de la guerre de leur prester leur souldoieur
pour recouvrir leur homme. Et, à leur requestes et prières, furent envoiés
eulx douze tant seullement, avec lesqueulx se mist, de sa voulluntés, daimoisiaulx Gaispar le Gournaix, alors maistre eschevin de
Mets. Et ont tant fait et demandés, de ville au aultres, qu’il leur furent
ensigniés qu’il estoient à la dite Sorhey. Et tellement que, environ la
mynuyt, il sont venus hurter à la fenestre. Et eulx, qui encor estoient
à la tauble, cuydoient que ce fussent de leur gens : par quoy il les ont
laissiés dedans. Mais, incontinant qu’il furent entrés, et de prime venue,
les ont assaillis, et tellement navrés qu’il en ont tués trois en ce lieu,
et le quairte fut blessez de deux ou de trois trait d’arboullaite jusques
à la mort, et, de fait, il en morut trois ou quaitre jours après. Et ainssy
leur avoit estés recommendés de leur maistres. Et le povre josne chainoingne, qui alors estoit dessus le lit, oit ung grant copt de rappier
tout a travers du col, et fut merveille qu’il ne fût tués : et encor pis, car
le bras estoit desjay tout levés, c’il n’eust pairlés, pour luy donner sa
rest 12, et pour le despêchier (pour ce que à la chaude cella fut fait),
cuydant que ce fût ung d’iceulx lairon. Or, quant ceulx ycy furent
expédiés, l’on c’en allait en l’aultre maison. Mais possible qu’il furent
advertis, ou je ne sçay comment : car il ce mirent en deffance. Et fut
ung d’iceulx souldoieur, nommés Jaicque Louuiat, tirés d’ung trait
d’arboullaitte à fer camus 3 au gros de la jambe, tellement qu’il en
cuydoit morir (et que à paine soit on comme ce copt avint). Par quoy
ces compaignons furent ampeschiés, tant autour de luy que du josne
chainnonne. Qui fut l’une des chose qui plus prophitait au dit lairon :
car par cella se en salvait trois ; et le quairt fut tués. Cy les ont les bons
hommez, à la requestes des dit souldoieurs, prins et traynés au champs ;
et furent tous mis en une fosse en terre prophane. Et vellà l’acomencement comment de ces jours en avant l’on ait intencion de ce y gouverner
touttes et quante fois qu’il vouldront faire du malvais, et plus qu’il ne
leur est ordonnés : ou aultrement, se on n’en faisoit ainssy, l’on n’en
viendroit à chief, et n’y aroit parsonne à seurtés.
Item, en ces meisme jours, ou bien tost après, c’est assavoir le vandredi devent la Paicque florie, qui fut cest année justement VIII jours
devant la Nonciatte et trois jour devant la sainct Benoy (car en celle
année la feste Nonciatte fut le jour du grant vandredi : par quoy le
servise de l’Église fut fait cellui vandredi devant les Palme, et fust la
1. Comme s’ils n’avaient encore jamais bu. Construire de novel, c’est faire un bâti­
ment entièrement neuf.
2. Reste est féminin à l’époque de Philippe.
3. Fer camus, ter dont l’extrémité est courte et plate (image tirée du nez camus).

1524. —• DIÈTE IMPÉRIALE TENUE A NUREMBERG

499

feste sollanisée tous le jour), à celluy jour, au retour de la poursacion
qui ce fait tous les ans, et après le dînés, ad cause qu’il estoit feste,
comme dit est, plusieurs compaignons se sont trouvés au jeux de 1 airboullette on baille de la porte aux Allemans. Entre lesquelles cy est
trouvés ung josne fïlz, clerc au seigneur Phelippe Dex, lequelle n’estoit
pas tropt essurés de tirer. Cy print cellui josne filz une arboullette, avec
le trait qu’il mist dessus, quant elle fut bandée, et, cuidant tirer au
butte, il tirait tellement de coustier que cellui trait vint à frapper tout
parmi la gourge à ung aultre josne filz, arboulletier et artillier, demourant chiez l’airboulletier en bourg Sainct Arnoult, lequelle estoit apoiez
desoubz l’avventis i, decost le barsault 12, du cousté devers la muraille.
Et, ainssy comme il bouttoit hors sa teste pour regairder qui tiroit, fut
ataint comme dit est. Et d’icellui copt morut trois jours après. Mais il
pardonnait sa mort à l’aultre, lequelle c’estoit absantis et mis en fran­
chise. Et, ce cellui ne fût estés atains, damoisiaulx Humbert de Cerner
fût estez en grant dangier.
Cy vous lairés de ces chose le pairler quant à présant, et retourneres
au maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultres besomgnes.

[l’année i5a4]-

Après ces choses ainssy advenue, et que le milliair corroit par mil
sincq cent et XXIIII, qui fut alors l’année sixiesme de 1’dection Chairle
l’ampereur en son Royaulme des Rommains, fut alors fait, créés et
essus pour maistre eschevin en la cité de Mets le seigneur Nicolle
Roucel, filz que fut a seigneur Wiriat Roucel, chevalier.
Et en cest année, environ la Paicque, furent envoiées, par le docteur
ambaissaude pour la cité, plusieurs nouvelle de la journée qui c estoit
dairnièrement tenue en la cité de Nuremberg. Vous aves par cy devent,
a XXIXe fuiellet 3, 4oy comment grosse journée avoit estes tenue en a
cité de Spir en Allemaigne par tout les Estât du Saint Ampire sur le fait
des office et de plusieurs aultre besoingne. Et trouvenres cecy escnpt
sur la fin de l’année, et peu devent la créacion du maistre eschevin,
de l’aultre pairtie de la [pa]ge où il dit : « aussy durant ces jours »
c’est assavoir le XVe jour de mars l’an Ve et XXII ; puis, a V fue
après ‘ qui est par cy devent le XXIIIIe, troves ung aultres chaippi re
qui ce acomence ainssy : « Or avint encor en cest annee que Nos
Sainct Perre le Pappe envoiait ces ambaissaude a nostre sire amp
reur... », et desclaire cellui chaipistre comment il demende et requiert
avoir ayde pour résister en l’encontre de la puissance du Grant lurc
1.
2.
3.
4.

Avant tit, avant-toit.
Bersaut, but, cible.
Page 459.
Page 465.

500

1524. — DIÈTE IMPÉRIALE TENUE A NUREMBERG

et infidelle, et avec plusieurs aultres chose, comme voir porrés au dit
chaippistre. Pour lesquelles fut alors tenus, par l’ordonnance de notre
sire 1 empereur, ung pairlement au lieu de Nuremberg ; auquelle furent
inventées plusieurs articles. Entre lesquelles fut dit et passés que,
dedans ung ans, seroit ung lieu déterminés pour tenir ung sainct
concilie, c’est assavoir à Strasbourg, à Mayance, à Collongne ou à
Mets.
Or est venus maintenant le tempts que le devent dit docteur estoit
au lieu de Nuremberg pour la cité, comme dit est devent, et, en ensui­
vant les aultres journée par devent tenuee, envoiait de ces nouvelle.
Et, premièrement, dit le premier articles que, à cellui dernier pairle­
ment, ait estés conclus et déterminés que, pour le bien, profit et utilité
de toutte la crestientés, l’on ferait grosse armée pour virilement et à
grant force résister contre la grant et cruelle entreprinse du Grant Turc,
annemis de nostre saincte Fois crestienne. Et, pour ce faire, fut premiè­
rement déterminés que à chacun des couvant des religieulx mendians
seroient prins et esleu de dix religieulx ung, au fraictz et despans des dit
couvant.
Et y fut encor conclus que, de ces jours en avant, nulz moinez ne
nulle religieuses, de quelque estât ou degré qu’il soient, après la mort
et trespas de leur perre et merre et aultres parans, ne puissant en rien
enhériter au cens ne héritages d’iceulx ; et que quiconques, à l’avenir,
vouldra mettre ou randre ung anfïans en religions, soit filz ou filles,
il luy deverait donner ung abit honneste, avec le pris acoustumé pour
son antrée, et, avec ce, luy donrait encor la somme de dix florin pour
une fois : ne aultre chose ne doit avoir,
Item, pairreillement, fut encor conclus et passés à cellui pairlement
que, de ces jours en avant, nulz monastère réformés de religieulx ou
religieuse fondée par la noblesse ne seroit plus réformée, ains seront
remise en leur premier libertés ; et y porront entrés les dit nobles et en
sortir comme il faisoient du passés.
) Item, à cellui pairlement, fut encor passés ung merveilleux article :
c’est assavoir que, de ces jours en avant, il ne ce porteroit aulcuns
argent à Romme, soit pour bénéfices, pancion ny offices quéconques :
mais, à l’avenir, ung chacun princez, seigneurs et cité seroient collateur
des dit bénéfices de leur haulteurs et seigneurie, et les porroient donner
et conférés à gens soufïisant et ydonne, sans ce que le pappe y ait
aulcune chose à cognoistre.
Item, fut encor à celluy pairlement dit et passés que l’on forgerait
de la nouvelle monnoie, de laquelle les XII piesse vauldront ung florin
d’or ; laquelle monnoye serait mairquée et signéez, de l’une des pairtie,
du coing du princes, seigneur ou cité soubz le non duquelle la dite pièce
serait forgée, avec aucy le non d’icellui seigneur, et, de l’aultre pairtie,
le non de l’empereurs, et que au mey lieu soient ces mot escript : patente
soli gloria. Et aussy, pairreillement, en seront faictes certains nombre,
desquelles il en fauldra XXIIII pour ung florin. Et aront les dite pièce
course par tout les païs de l’ampire.

1524. — BLÉS GELÉS ; PRIX ÉLEVÉ DES CÉRÉALES

501

Item, fut encor passés que touttes imposicions et gabelle eslevées par
l’ampereur Phiedrich seront anichillée.
Paireillement, fut encor à cellui parlement conclus et passés que,
de ces jours en avant, les gros mairchant d’Allemaigne, nommés les
Compaignons de Foncques et bancquiers, seront anichillés : car il sont
sy puissant qu’il mangeussent tous les aultres, ne n’y ait riens qui leur
peult eschapper, et aussy il se nomme la Grant Compaignie.
Après touttes les choses devent dictes, fut encor conclus à cellui
pairlement que le concilie devent dit seroit de brief tenus en la cité de
Mets ou de Collongne (mais il n’en fut rien fait).
Plusieurs aultres article furent encor inventés et mis en jeux à celluy
pairlement, lesqueulx n’estoient encor pas passés ny acourdés : par
quoy je m’en tais. Gy vous soufïice quant à présant de ce que j’en ait
dit.
En ces meisme jours, espéciallement environ la fin du moix de mars,
et à l’acommencement d’apvrilz, l’on vit et se aperseust on que, à
l’oucausion de la grande et extresme gellée qu’il avoit heu fait à l’acommencement de l’yver passés, les semence dez bledz avoient estés engelléez et perdue en terre. Car la terre estoit demourée toutte wuyde ;
ne de cenc journaulx n’en y avoit point ung bon. Et n’y veoit on de
verdure non plus que en ung somair, et moins la moitiet que XV jour
après ce qu’il avoient estez enhainez. Et, pour abrégiés, tout s’en pourtoit sy très mal que l’on n’espéroit pas de ravoir la moitiet de la semence.
Par quoy incontinent les bledz furent remontés, et mis à gros pris.
Et encor ne trouvoit on homme qui en voulcist vendre : car chacun
rétraindoit 1 ce qu’il en avoit. Paireillement fut l’orge remontée oultre
mesure, pour ce que chacun en voulloit avoir pour enhainer de rechief
leur terre : et ce vandoit XIIII ou XV sols la quairte (ce que devent ce
meschief ne vailloit que V sols),pour ce que de tout cousté l’on la venoit
quérir en Mets. Le soille de l’année fut mis à XIII sols la quairte, le
frommen, à XV et à XVI sols. Et le frommen de l’an devent fut mis
à XVIII et à XX sols ; et, encor, ce vendoit plus chier hoirs la cité que
en ycelle. Et toutteffois, jai ce que rien, ou bien peu d’aparance ce
moustrait au chant quant à lever les bledz, se nyantmoins l’on avoit
heu aussy bien enhainez pour l’année que de loing tempts devent.
Mais lez avuaine de celle année ce moustroient a plus belle qu’il estoit
possible (et, néantmoins, ce ne fut pas grant chose, et furent chier).
Et, avec ce, les fruit, auquelles les povre gens avoient mis tout leur
confort et espérance, pour ce qu’il estoient en belle aparance de fleur,
furent sur la fin d’apvrilz tout gaistés et destruit. Tellement que, en
celle année Ve et XXIIII, une pomme coustoit ung denier, et les aultre
fruit à l’avenent.
Paireillement, en celluy tempts, advint d’aultre grant merveille et
inconvéniant en diverse lieu parmy le monde. Et, premièrement, par
ung mairdi, de nuyt, XXIIIIe jour de may, fut la cité de Troye en
1. Restreignait, au sens de « conservait soigneusement ».

502

1524. —• VIGNES GRÊLÉES AU PAYS DE METZ

Champaigne en partie (et tout le plus biaulx) brûllée, on ne scet com­
ment. De quoy ce fut pitiet, et ung merveilleux dompmaige.
En ces meismes jours, le roy très crestien, François, premier de ce
non, fist grosse armée, en intencion d’aller dellà les mons reconquestés
la duchiez de Millan, qu’il disoit à luy aperthenir. Mais tout ne montait
à rien pour celle fois.
Item, pairreillement en celle année, la vigille de la Panthecouste, ce
trouvait a bourdiaulx à Mets, en la waide dez Grant Prescheur, ung
boullungier de la porte au Allemans, assés malz falmés, nommés Peterment Xeray, lequelle entretenoit une belle puissant gairxe, nommée
AynelLe Cocque. Et alors ce y vint à trouver ung josne patticier, homme
mariés, lequelle pairreillement on disoit estre ung droit maicriaulx.
Cy ce esmeust desbat entre luy et le dit Pétrement, en fasson telle qu’il
fut chaissiez jusques autour Sainct Vit, et fut rués à terre, et très bien
batus. Et, luy estant desoubz, tirait ung coustiaulx, duquelle il donnait
au dit Péterment ung cy grant copt en la foussette de col1 qu’il luy
faulsait2 la roube et le pourpoint, et luy entrait dedans la chair jusquez
au manche. Et le dit Péterment, santant ce copt, se levait et mist le
doy androit de la plaie, et c’en fuyt au bairbiet. Mais, dès incontinant
qu’il ostait son doy, il randit l’âme. Par quoy Justice, advertie du fait,
fist mettre la mains au dit paticier. Et fut prins on secrétaire 3 de
Saint Jehan a Neuf Moustiet. Et, le Xe jour aprez, de nuyt, fut mis
d’une pairt pour 1111° ans. Et fut la dite Aynelz en grant dangier de
morir : néantmoins, elle fut banye et fourjugée à tousjour maix.
En ces meisme jours, à l’ocasion des grande guerres qui tousjours
régnoient entre le roy catholicque Chairle d’Espaigne, ampereur de
Romme et d’Allemaigne, et le très crestien roy de France, Françoy,
premier de ce non, ce faisoient journellement plusieurs course et riblerie
és païs de par dessay les ung dessus les aultres. Et tellement que, le
jour sainct Vy, XVe jour de jung, ont heu passés par devent les portes
de la cité, par licence, environ cenc chevaulx, bien acoustrés, et trois
cenc piéton bourgongnons, lesqueulx retournoient de courrir en ung
villaige en la conté de Ligney, là où il avoient prins ung merveilleux
buttins. Et, encor daventaige, en leur retour ont heu rencontrés six ou
septz chair de merchandise apertenant aux François, montant à grant
somme de denier, laquelle fut par eulx prinse et butinée.
Assés tost après, c’est assavoir le Ve jour de jullet, furent les vigne
du païs de Mets par fouldre toutte tampétée : car le rest de ceu qui
estoit demourés d’yver fut à peu près tout aruynés. Par quoy n’y oit
pas pour cest année grant vinnée.
En ces meisme jours, Notre Sainct Perre le Pappe Clément, septiesme
de ce nom, esmeu de pitiet pour les guerres et tribulacion qu’il veoit
régner entre les crestiens, donnait franchement ung merveilleux pairdon
1. Fossette du cou, cavité qui se trouve au-dessous de la pomme d’Adam.
2. Fausstr signifie ici « percer, traverser ».
3. Secrétaire, « sacristie ».

1524.

— FAITS DIVERS A METZ

503

par toutte la crestientés à tous ceulx et celles qui, durant le dimanche
après la publicacion d’ycelluy, le lundi et le mairdy, seront confessé et
repentant de leur péchiez, et que, le maicredi, vandredy et sapmedy
d’icelle meisme sepmaigne, jeûneront, et, le dimenche après, recepveront leur Créateur. Parmy les condicion devent dictes, en donnant
aulcune almonne à leur dévocion, polront eslire prebstre qui les absouldra de tous cas, tant soient réservés a Sainct Sciège apostolicque, et
commuer quelconque veuz par eulx fait, exepté les trois 1. Et, en ce
faisant, seront absoulz, en disant, à chacun des dit trois jours de jeusne
et le dymenche de la récepcion, cincq fois le Paler noster et le Ave Maria.
Le XXVIIIe jour du meisme moix de juillet, y oit ung grant bruit à
Mets à l’occasion d’une josne femme, avec son marit, lesquelles à ce jour
furent mis on chaircan auprès de la xeuppe, on Champaissaille, puis
furent banis dix ans de Mets et du païs. La cause pour quoy fut pour ce
que peu devent il avoient céduit une josne fille d’Oultresaille, et la
dévoient livrer à ung moine de Saint Mertin devent Mets. Mais, pour ce
qu’il ne polt fornir a l’apointement, fut ramenée en la cité, et par les
devent dit fut mise entre les mains de maistre Jehan Bidair, le chainoigne de la Grant Église (depuis qu’il l’eurent présentés à maistre
Guillaume, qui n’en voult point). Et, aprez que le dit maistre Jehan oit
couchiez avec elle et fait tous ces plaisir, on queroit celle fille de toutte
part. Par quoy Justice, advertie du cas, firent pranre les devent dicte,
et, avec la mitte en la teste, tant l’homme que la femme, en laquelle
estoient en pointure le chainoigne, le moine, avec l’homme, la femme et
la fille, et en telle estât, ainssy mittré, furent menés comme dit est
dessus,’ et banis. Et, en allant, furent trouvés plus de trois cenc petit
guerson qui à haulte vois cryoient aprez, comme il font quant on fait le
maistre eschevin, et tous à une vois crioient : « Maistre Jehan Biday. »
Moult de choses diverse ce faisoient et advindrent pour cellui tempts,
à l’ocausion des guerre devent dicte, et desquelle 1 on feroit ung groz
livre, que tout dire vouldroit. Car, dez diverse rancontre, de ce tuer et de
ce baitre, l’on ne oyoit tous les jours aultre chose. Et tellement que,
entre plusieurs aultre besoignez, le dit ans, vigille de saint Lorans
IXe jour d’ouuouste, deux biaulx josne compaignon, puissant ribault
et frère d’airme, qui fréquentoient tous les jours ensamble, et tenant le
pairtis de Bourgongne, ce trouvairent à celluy jour à soupper en la
taverne chiez Le Mansay, au Faisan, en la rue des Bons Anffans. Et là,
en ce lieu, à l’ocausion d’une gairse que le plus josne entretenoit, apres
plusieurs pairrolles, ce vinrent à ce baitre et a ce frappei 1 une> au r®>
tellement que le plus viez blessait cellui et navrait jusque à la mor .
Et le couchait à terre, en sorte que l’on pansoit qu’il deust monr :
mais luy ce relevait, et, d’ung verdun qu’il avoit, donnait a 1 aultre
d’estocquez cy grant en la gorge qu’il le tuait tout roide. Par quoy il u
prins et mis en l’hostel de la ville. Et, deux jour aprez, pour ce qu il
1. Les trois vœux : pauvreté, chasteté et obéissance.

504

1524. — DISPOSITION DU

temps et prix des denrées

fut trouvés que ceu avoit estés en son corps defïandant 1, fut boutés
dehors et mis à delivre franc et quicte.
A ce meisme jours qu’il fut délivrés, quaitre aultres d’iceulx Bourgongnons ont heu trouvés une josne femme de Gouxe, qui venoit à
Mets, et qui estoit ensainte ; cy l’ont heu prins, et vyollanment et à
force ont couchiez tous quaitre avec elle. La chose venue à congnoissance
de la Justice, fut envoiez aulcuns soldoieur à Longeville ; lesquelle en
ont amenés deux. Desquelx, pour leur desméritte, en fut fait comme on
debvoit : car il furent alouués 2 et mis d’une pairt. Et les aultrez deux
eschappairent.
Item, aux octave de la saint Loran aprez, à la requeste d aulcuns
de la ville de Sciey, ce sont trouvés à la dite Sciey aulcuns d’iceulx
Bourguignons de Mairange. Entre lesquelle y estoit ung biaulx josne
gallans de Lorey devent Mets, nommés Arnoult Richair. Et, après qu’il
olrent bien beu, vinrent à avoir pairrolle contre aulcuns de la dite
Sciey, tellement que le dit Arnoult fut frappés d’une partusaine au groz
de la cuisse ; et fut le copt cy grant que jamaix ne renonsait, et morut
sur la plaice. Son compaignon, qui estoit de Lessey, nommés Jehan
Abraham, fut blessé à mort. Et, aprez tout ces mal et fortune, fut le dit
envoiés quérir par aulcuns soldoieur ; et, en la compaignie de plusieurs
aultres, fut mis en l’hostel de la ville, là où bien tost après il morut.
En la meisme année, le lundemains de l’Axeltacion Saincte Crois,
XVe jour de septembre, estoient lougiés à Chaistel Saint Germains
plusieurs d’iceulx Borguignon mairangiens. Lesquelx furent espiés par
aulcuns tenant la pairtie de France ; et, après plusieurs copt donnés et
ressus, furent yceulx Mairengiens prins et à force enmenés par yceulx
François.
Item, tantost aprez, c’est assavoir la vigille de la sainct Mychiel, huit
hommes d’armes françois ont encor rencontrés trois ruste d iceulx
Mairangeux devers les Orme à Joyey, lesquelles furent par eulx assaillis
et tués. Touttefîois l’ung fut par ung chairton passant amenés à Mets ;
et fut mort à l’Ospital, et, par lisance, son corps ouvers par les méde­
cins et cirurgiens.
Meismes en ces jours, en fut encor tués ung aultres d iceulx Mairaingeux à Semécourt. Dieu pairdont a trespassés !
La disposicion du temps de cest année fut d’une merveilleuse sorte,
et d’une très difficille manier. Car, tout premièrement, il n’y oit pas de
bledz pour le quairt de la semance ; meismement n’y oit pas grant vin.
Et ce vandoit en celle année le plus manre bledz XVI, XVIII ou XX sols
la quairte, cellon le tempts. Le fin froment fut vandus XXIIII, XXVI,
XXVIII ou XXX sols, espéciallement le bledz nouviaulx pour anhainer.
L’orge ce vandoit XIIII sols, voir, telz fois fut, XVI et XVIII sols ;
et l’avuaine, VII ou VIII sols : car la plus part des povre gens du pais
1. En cas de légitime défense.
2. Aloer, placer, mettre. Cf. la plaisanterie de la page 502, lignes 22 et 23.

1524. — LUTHÉRIENS A METZ

505

ne maingeoient que orge et avuaine. La nauvée se vandoit XL sols,
et les pois VIII sols, la chanewouze XXX sols. Et, avec ceu, qu’il n’y
avoit nulle fruit, comme j’ai dit devent. Par quoy ce fut une piteuse
année pour povre gens. A l’ocausion a de quoy ce trouvaient plusieurs
pillair, lairon et aultres malvais guerson parmy les champs.
Encor advint en celluy temps une aultre plaie. Car les bon vin que
l’on avoit heu en l’an devent, la plus pairt, par la malvaise disposicion
du temps, ce sont mués et tournés dedans les tonniaulx, et, en perdant
leur colleur, ce sont troublés, et cheurent en fain *1. Par quoy les bon vin
ce vandoient dix et douze denier la quairte, et yceulx troublés, V ou
VI deniers. Touteffois, la Dieu mercy !, il fist une très belle vendange,
et le plus biaulx temps pour enhainer qu’il estoit possible de faire.
Item, en celle année vinrent ce tenir plusieurs Lutériens en Mets,
c’est assavoir qui tenoient l’érésie Mertin Luter. Entre lesquelles en y
vint ung, ce disant docteur, qui premier avoit estés religieulx, et à
présant estoit mariés. Et desiroit le preschier. Cy fut mandés en la
chambre des Trèses et du Conseille devent messeigneurs les clers et
messeigneurs de la Justice, pour le ouyr pairler. Mais, pour ce que son
fait ne pleut pas à chacun, luy et sa femme s’en allirent bien en haitte
ce tenir à Strasbourg. — Ung aultre josne gallans, et jantil clerc, qui
pairreillement avoit estés Cordellier, en abit sécullier ce vint tenir à
Mets, en la rue de Rampolt, et demendait à la séculiarite plaice et
licence de preischier. Mais, aprez son fait congnus, fut prins et mis en la
maison de la ville. En laquelle il ne fut gayre qu il fut livrés aux Ordi­
naire ; et fut mis en estroitte prison en la Court l’Évesque. En laquelle
il fut plusieurs journée. Et d’icelluy je pairlerés encor ycy après, quant
tempts serait.
Item, en celluy temps, le septiesme jour d’octobre, deux biaulx josne
seigneurs de la cité de Mets, l’ung mariés et l’aultre non, se esmeurent
en parolles aucunement rigoureuze. Et tellement ce montait la fureurs
qu’il ce vinrent à defïler de ce trover aux champs. Et, a 1 eure meisme,
ce y trouvait l’ung d’iceulx, nommés seigneur Nicollas de Raigecourt,
seigneur d’Ancerville. Et l’aultre, nommeis Robert de Heu, josne escuier,
fut retenus de aulcuns ces bienvueullent et amys ; et ne vint point.
Puis, assés tost après, en fut la paix faicte ; et furent bon amis.
Assés tost après, c’est assavoir le XXVIIIe jour de novembre, vinrent
encor de rechief abourder à la ville de Chaistel Sainct Germains devent
Mets dix compaignons d’iceulx Mairangiens ; lesquelles furent espiés
de trèses François piétons, et finablement prins et enmenés.
Puis,
après, environ le Noël, yceulx François vinrent à grant compaignie et
firent ung grant dopmaige en une ville en Allemaigne, nommée Aixe,
qui est environ à dix lue de Mets, et assés près de Lucembourgz. Car, en
ycelle ville, il ont prins et tués plusieurs personnes ; et, avec ceu, ont

a. Ms. : acocausion.
1. Flens, exactement « fumier », peut se traduire ici par « pourriture ».

506

1524.

— INCENDIES A METZ

prins, ravis et enmenés plusieurs bestial, avec plusieurs chair et chairette
chairgée de biens et de ménaige.
Item, en cellui temps, le jour du nouvel ans, de nuyt, dévyait de ce
monde en l’aultre ce noble chevalier, seigneur François de Goürnay,
lequelle en son temps oit cy belle lignyé. Et estoit celluy la fleur de
noblesse, tenant estât de conte ou de bairon : car c’estoit merveilleuse
chose, pour ung simple chevalier, de l’estât qu’il tenoit, tant en gens
comme en biaulx chevaulx.
En celle meisme année, ad cause que le bledz estoit ainssy chier, la
cité mirent sus 1 plusieurs guerniers, desquelles il refirent ung mer­
veilleux trésort pour la ville. Et d’icelluy, ou en pairtie, fut raichetés
les cens que plusieurs personnaiges, tant spirituel que temporelle,
avoient heu acquaisteis à la ville pour les deniers qu’il avoient heu
presteit à la guerre Franciscus, pour le fait de Fier Burtault. Et en firent
les seigneurs, recteurs et gouverneurs d’icelle cité cy honnestement
que chacun en fut comptent ; et n’y oit homme qui perdît rien.
Puis, en ensuivant tousjours le tempts, la nuyt des Grant Roys, par
fortune de feu, advint en Mets tout en ung heure deux effroy. Le pre­
mier, ce ne fut rien : car le feu fut tantost secoureus et estrains 2. Mais,
quant au regairt du cecond, il en advint double mal et dommaige, de la
manier comment ce advint. Il est vray que à celle heure demoroit à
Mets en Franconrue ung josne compaignon mariés, essés miste3 homme,
juent de la cornemusette et du chaillemiaulx, nommés le petit Robert.
Et est celluy duquelle en l’an mil Ve et XXI j’ay heu pairlés, qui par sa
luxure, le Ve jour d’octobre, tuait ung homme derrier les Carme ; puis
eschaippait, et, depuis, oit sa graice par l’antrée de monsseigneur de
Guise, frère au duc Anthonne de Loraine. Cellui Robert estoit alors très
ennamourés de la femme d’ung vigneron, son woisin, et pairreillement
estoit elle de luy. Et tellement que, à celle nuyt des Roys, et alors que
le dit vigneron estoit à la ressine 4 chiez le dit Robert meisme, il ce
absantait ; et fut bien cy peu honteux et cy hairdy que d’aller couchier
auprès de celle bonne commère. De laquelle chose le marit ce doubtait.
Par quoy il ce liève, cuydant entrer chiez luy : may il trovay l’uys
fermés. Lequelle il rompit et despessait ; et ce baitirent et nauvrirent
trèsbien. De quoy ce levait l’alairme et le huttin parmey la rue, en sorte
que tout chacun y acoureust. Or escoutés qu’il en avint. Alors demouroit auprès de là une josne femme que son marit avoit laissiez, laquelle
donnoit la poitrine à son anffans. Et, oyant le huttin qui ce faisoit en la
rue, remist couchiez le dit anffans, et ataichait sa chandoille au mur, et,
comme folle, cen aviser à son cas, saillit dehors à cest effroy. Et y fut
longuement en caiquellant et braient avec les aultres, et en vitupérant
le ribaulx et la ribaulde. Puis, quant elle cuidait retourner à l’ostel, elle
1. Mettre sus, mettre sur le marché, mettre en vente.
2. Étreint, étouffé.
3. Joli, gentil.
4. Recine, petite collation que l’on fait après la veillée, au moment de se séparer
{Cf. Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle, art. receune).

1524.

—■ LE FRÈRE JEAN CHATELAIN ACCUSÉ D’HÉRÉSIE

507

trouvait sa maison toutte en feu et en flame. Et, jay ce que à toutte
diligence tout chacun y acourut, ceu niantmoins la maison, avec ce peu
de bien qu’elle avoit, fut tout brûllés ; et, qui pis est, l’anfïans fut
trouvés à demy en pouldre. Par quoy le paillair c’en fuyt pour ung
temps hors de Mets.
L’yver de cest année fut merveilleusement biaulx, et le tempts bien
dispousés, tant en neige comme en gellée ; et ce moustroit trèsbon pour
tout les bien de terre et pour la santés des corps. Et estoient les semence
des bledz en aussy belle aparance que jamais furent : de quoy chacun
estoit tout resjoys.

[le FRÈRE JEAN CHATELAIN, CONDAMNÉ COMME LUTHÉRIEN,
EST EXÉCUTÉ A VIC ; TROUBLES A METZ].

Maintenant vous veult dire et conter aulcune chose bien estrainge
estre advenue en cest année présante. Et, premièrement, debvés sçavoir
et entandre comme en celluy tempts, et plusieurs année devent, régnoit
és pairtie de Germanie ung annemis de Dieu (lequelle estoit ung mer­
veilleux grant clerc et ung abisme de science, c’il eust aplicqué sa science
en bien) nommés Mertin Luthère, et duquelle par plusieurs fois vous ait
heu par cy devent pairlés. Celluy Mertin, comme dit est, suscitoit de
nouviaulx l’érésie Jehan Huns, boémiens, jay de loing temptz condampnée au concilie de Constance, auquelle fut brûllé le dit Jehan ; et encor
adjostoit celluy Mertin nouviaulx article, pire la moitiet. Tellement que
plusieurs de ces disciples estoient en ce temps régnant parmy le monde.
A l’ocausion de quoy, en l’an Ve et XXIII, le noble duc Anthonne,
alors régnant en Bair et en Loraine, ayant peur que celle maldicte
scette et doctrine ne ce enjanrait en ces païs et jurediction, fist à celle
ocasion, à son de trompe, le jour saint Estienne, lundemain de Noël,
faire ung huchement, lequelle contenoit comment le dit seigneur ordonnoit et expressément commendoit que, c’il y avoit séculliers ou régulliers
que en leur sermon pairlaissent aulcunement ou anonsaicent aulcuns
article de la doctrine du dit Luthère, ne qui en eussent aulcuns livres,
que dès incontinant fussent annoncés au révérand perre l’abbé de
Saint Anthonne de Viennois, et au biaulx perre frère Bonnaventure
Renel, son confesseur, alors gairdiens du couvent des Frères mineurs
de Nancey, pour en faire comme il seroit trouvés par bon conseil et
advis. Et plusieurs aultres choses contenoit le dit huchement, comme
cy devent a XIIIIe fuiellet plus amplement est contenus \ lesquelx je
laisse pour abrégiés.
Or avint que, en ce meisme temps, vint et arivait en Mets ung Frère
Augustin, nommés frère Jehan Chaistellain, homme assés anciens et de
1. Page 486.

508

1524. — LE FRÈRE JEAN CHATELAIN ACCUSÉ D’HÉRÉSIE

belle manier. Et avoit cellui Frères preschiez à Vy lez Avent de Noël.
Puis, le dit ans, preschait la caresme tout du loing en leur couvant de
Mets. Celluy estoit ung homme assés révérand et de belle manier,
grant prédicateur et très éloquant. Et, avec ce, en ces sermon, réconfortoit merveilleusement les pouvre gens, et les avoit fort pour recommendés : par quoy il estoit en la graice de la plus pairt du peuple, mais
non pas de tous, espéciallement de la plus pairt des prebstres et groz
rabis x, contre lesquelles le dit frère Jehan journellement preschoit,
en desclairant leur vice et peschiez, disant qu’il abusoient le povre
peuple. Pour laquelle chose grant hayne ce esmeust et antrait és cuers
d’iceulx en l’encontre de luy. Et pairreillement luy furent plusieurs des
aultres Mandians fort contraire, pour ce qu’il les reprenoit et publi­
quement leur faulte remonstroit. Et de tant plus qu’il estoit en graice
des seigneurs et du peuple, l’avoyent yceulx en hayne et détestacion.
Et tellement que, à la relacion d’iceulx prebstres et à leur requeste,
fut ung jour le dit frère Jehan mandés en la Court l’Évesque, là où le
atandoient le devent dit seigneur l’abbé de Saint Anthonne de Vyennois,
l’abbé de Saint Vincent, le gouverneurs de Gorxe, et plusieurs aultres,
qui tous estoient encontre luy. Et, luy venus devent yceulx prélas, luy
fut expousés plusieurs parolles, en lui desclairent plusieurs article, disant
qu’il avoit preschiez fault et hérésie. Et luy fut tellement par yceulx
seigneurs dit et remonstrés, qu’il sambloit, à leur parolle, qu’il fût
luthériens et hors de la foy. Et, nyanmoins plusieurs chose contre luy
dicte et exposée, il eschaippait pour celle fois. Mais, pour ce qu’il respondit ung peu fièrement et leur dit des mot que pas ne leur plaisoient,
il fut en malle graice, espéciallement du dit de Saint Anthonne et du
maistre d’hostel de Gorxe ; et le prinrent en grosse hayne, corne on
disoit.
Or ce passait la chose pour ung tempts, durant lequelle il preschoit
tousjours de mieulx en mieulx au grey du peuple. Et souvant disoit en
ces sermont qu’il ne craindoit homme, ne jay pour crainte de la mort
ne lairoit à dire la vérité, et que, c’il y avoit homme, clerc ne lay, qui en
rien ce santist mal édifiés de ces pairrolles, qu’il retournait vers luy, et
il le remetteroit tellement en la bonne voie et on chemin de vérité qu’il
ce tanroit content de luy, ou, aultrement, ce somettoit à leur correction.
Et plusieurs aultre bonne pairrolles disoit, qui tropt loing seraient à
raconter.
Cy advint, durant ces chose, qu’il fut retenus pour preschier le jour
de la Panthecouste, aprez dîner, enmey la rue, devent l’église du Sainct
Esperit, comme tous les ans on ayt acoustumés de faire. Mais, pour ce
qu’il n’estoit point en graice, comme dit est, fut delïandus a prebstre
de léans par les Ordinaire qu’il ne le laissait point preschier ; et fut
retenus, au lieu de luy, ung Jacoppin. Par quoy le seigneur Phelippe
Dex, advertis du cas, fut très indinés. Et tout incontinant, a jour
1. Terme méprisant, qui désigne ici des ecclésiastiques trop riches, trop bien habillés.
Ce mot n’est autre que le mot rabbin.

1524.

— LE FRÈRE JEAN CHATELAIN ARRÊTÉ ET EMPRISONNÉ

509

meisme, que tout le peuple estoit desjay assamblés pour ouyr la prédicacion, fist faire ung commendement par ung sergent à celluy prescheoir
qu’il ne fût cy oysés ne cy hairdis de preschier sur la santaine 1 de la
cité. Et, par ainssy, n’y oit à ce jour point de sermon. De quoy grant
rumeur fut par toutte la ville.
Alors creust tousjours plus la hayne d’iceulx prebstres et officiers
encontre du dit Augustin. Et tellement que, tantost après, fut trouvés
manier de l’atirer au champz : car, parmy la somme de XXXI escus a
soilleil que l’ung de ces Frères, nommés frère Bonne Estraine, en resseust, comme on disoit, le pouvre homme fut trahis et dessus. Et soubz
faulce enseigne fut tirés dehors, disant que le provinciaulx de leur
Ordre le mandoit, et le atandoit devers Hault du Chaistel, et desiroit
grandement de pairler à luy. Et ainssy ce pairtit et c’en aillait, sans
pranre conseille, acompaigniez d’icelluy frère Bonne Estraine et d’ung
novisse tant seullement. Par quoy luy en print mal : car, en passant
parmey Gourxe, fut congneus du dit Mertin Pinguet, alors maistre
d’hostel et gouverneurs du dit Gourxe pour révérand perre en Dieu
Jehan de Loraine, cardinal du Saint Sciège apostolicque et évesque de
Mets, lequelle fist incontinant courir après. Et fut le povre religieulx
prins et arestés ez bois de Chambelles, auquelle il estoit caichiez ; et fut
ramenés au dit Gourxe. Mais cellui Bonne Aventure2 achaippait
(ou, par aventure, lui fut faicte voie). Et fut ceu fait le jour de l’Ancencion Notre Seigneur, qui en celle année fut le sincquiesme jour de may.
Puis, tantost deux jour après, fut le povre Frère menés à Nominy,
et là, on chaistiaulx, mis au fon de fosse. Auquelle il thint longuement
prison.
Pour laquelle chose messeigneurs les gouverneurs et recteurs de la
cité de Mets, desquelles le dit Frère estoit pour cellui temps bien en
graice, furent très malz contant et indignés. Et, très marris, furent au
Conseil pour cest affaire. Et, tout conclus, à ce meisme jour furent les
soldoieurs envoiez au champz pour veoir c’il le pouroient rescourre ;
et y furent toutte la nuyt, mais il ne firent riens. Par quoy, au londemain, qui fut vandredi, à celle occasion furent prins et arestés aux
portes plusieurs personnes, jusque au nombre de XV ou XVI, de la
terre et jurediction du dit Gourxe, et mis en prison ; et y furent environ
dix jours. Toutteffois, après aulcune requeste sur ce faicte, il furent
laichiez et mis à delivre : car le dit seigneur de Sainct Anthonne fut en
Mets pour cest affaire, et promist, comme on disoit, de faire mons
et merveille pour la délivrance de celluy Frère Augustin (mais il n’eïi
fist rien). Par quoy luy et le dit Mertin Pinguet, qui alors estoit chainoigne de la Grant Église de Mets, maistre d’hostel de Gorxe et archediacre de Vy, encheurent en grosse hayne du commun peuple de la cité.
Et tellement que desjay à bien peu ne thint qu’il ne fussent rompre et
1. La centaine. Le mot signifie : le territoire qui appartient en propre à la cité,
(cf. centena dans Du Cange).
2. Bonne Estraine. Est-ce un jeu de mots, ou une distraction de Philippe ?

510

1525 N. ST. — LE FRÈRE JEAN CHATELAIN BRULÉ A VIC

pillier leur maison ; et, c’il ce fussent trouvés alors en Mets, il eussent
heu d’icelluy peuple et commune une malle partie.
Item, durant ces jours, cellui docteur luthériens duquel j’ay par cy
devent pairlés, qui avoit estés en Mets et ce thenoit à Strasbourgz,
journellement rescripvoit épistolle et lettrez à messeigneurs de la cité
et à plusieurs aultres, contenant que, ce on luy voulloit donner seur
saulconduit et asseurance, il vanroit preschier et disputer en Mets en
l’ancontre de tous les clercs. Et, c’il estoit trouvés qu’il eust tort, il
voulloit estre brûliez avec ces livres ; et, c’il pouuoit mestre à baix et
faire reüs *1 yceulx clerc et religieulx, il voulloit qu’il n’eussent malz
ne grief. Et, c’il ne plaisoit qu’il vînt à Mets, et il plaisoit au dit de
Mets d’aller à Strasbourgz, il leur feroit tourner a seur salconduit, port
et passaige ; et de cella présantoit bon ostaige. Encor mettoit en ces
lestres et escripvoit au dit clerc que, ce l’on faisoit morir cellui Frère
Augustin, ne cellui qui estoit en la Court l’Évesque, il les tenoit pour
sainct et martir. Plusieurs aultre chose rescripvoit encor, lesquel je
laisse pour abrégier.
Mais, pour revenir a prepos de l’Agustin, après plusieurs allée et
venue, tant de frère Nicolle Salvin, dez Grant Prescheurs, qui alors
estoit Inquisiteur de la Foy, comme d’aultres, et après loingue prison
et plusieurs jours révolus et passés, se innimait tellement le couraige
des grans, avec plusieurs tesmoing b, que le povre simple homme, et à
la bonne fois, corne j’estime, fut par eulx comdampnés à estre chauffauldé au lieu de Vy et desgraudés, et puis mis entre les mains de la
justice cécullier pour le brûller et mettre en cendre. Et, pour ce faire
et acomplir, fut prins a lieu de Nomini, auquelle il avoit tousjours estés,
et fut menés à Vy. Puis, assés tost après, par ung jeudi, vigille des
Petit Roys et le XIIe jours de janvier, en fut fait comme dit est : car h
celluy jour, environ les huite heure du mattin, fut le povre homme
eschaffauldés et desgraudés, à la vueue de tout le peuple. Puis fut
remis en prison jusques après midi. Et, l’eure venue, fut trovés qu’il
c’estoit mis en lainge et tout deschault, et voulloit ainssy aller à la
justice, disant que Notre Salvour Jhésu Crist avoit moult plus souffrir
pour nous. Mais l’on ne lui voult pas permettre, et luy fut vestus une
meschante vielle jaicqueste de gris, avec ung povre chapiaulx d’AUemans. Et il souffrit tout, et print la passiance, et ce laissait traicter
comme ung aignel. Alors fut sonnée la bancloiche, et fut le povre Frère
tirés dehors, et en telle abis, luy qui estoit cy grant clerc et avoit fait
tant de biaulx sermon, fut menés par la ville ; et puis, de là, fut menés
a lieu de la justice, dehors, au champs, san ceu que jamais dît ung mot,
non plus c’ung aygnel que l’on maine escorchier, fort : « Dieu soit en
mon ayde ! » De quoy le cuer crevoit à aulcuns, tant de Vy comme de la
cité, et en ploroient de pitiet. Et, luy venus au feu, ait dit plusieurs
a. Ms. : tourneur.
b. Après tesmoing, un mot illisible dans le manuscrit (d.....).
1. Faire reüs, réduire au silence, mettre à quia.

1525

N. ST. — LE FRÈRE JEAN CHATELAIN BRULÉ A VIC

511

belle et salutaire oréson, tant en latin comme en roment, avec plusieurs
belle sceaulme du saultier *1, lesquelle très dévotement il disoit. Et, en
eslevant la fasse au ciel, disoit que de loing tempts avoit heu désir de
venir où il estoit, et de souffrir mort pour la Foy et pour soubtenir
vérité. Et, entre plusieurs aultres pairrolles, ait demendés pairdon au
peuple, disant que, c’il avoit dit ne preschiez chose de quoy il despleût
à aulcuns, ou qu’il en fussent mal édifiés, il leur en cryoit mercey.
« Néantmoins », dit il, « que je n’ait preschiés ne dit chose que sainct
Agustin et sainct Ambroise n’ayent premièrement preschiez, et, pour ce,
ce j’ay preschiez fault, il ont doncquez faulcement preschiez. L’on ait
dit que je suis luthériens, tenant la loy Luthère : mais je prant sur ma
mort et sur ma part de pairradis que jamais Luthère je ne vis, ne ne
thient rien de luy ne de sa doctrine ; et m’en vais morir sur cella. »
Et plusieurs aultre pairrolle disoit le povre homme, qui donnoient cause
de plourer. Puis fut menés au pal, contre lequelle l’on le voulloit asseoir
sur une planche : mais il ne voult, ains dit et priait qu’il fût droit,
disant qu’il seroit encor tropt à son aise, et que le Salvour avoit plus
souffert pour luy. Et luy meisme aydoit au bouriaulx à ce mestre à
point, et avoit grant couraige. Puis eslevait ces mains jointe en hault, et,
en cryant plusieurs fois et à haulte vois le non de : « Jhésus me soit en
ayde ! », sans dire aultre chose morut et randit l’âme. A l’ocausion de
quoy le peuple, tant de ceulx de Mets estant présant que de Vy, auquelles il avoit fait tant de biaulx a sermont, furent grandement esmeus et
dollans.
Or, oyés choses merveilleuse et qu’il en advint. Vous devés sçavoir
que alors, en la cité de Mets, estoient tous, grans et petit, désirant en
sçavoir des nouvelle : mais, quant la vérité fut congneute, et que l’on
sceut a vray qu’il estoit brûliez, cen ouyr ne desclairer son procès,
Dieu scet la murmure qui alors fut, espéciallement du menus peuple.
Et en fut randus tant de pairrolles c’on en feroit ung groz livre. Et
n’estoient les chainoignez de la Grant Église alors pas tropt essurés du
peuple. Et, avec ce, en prinrent le dit seigneur de Saint Anthonne, avec
le dit maistre d’hostel, en cy grande hayne qu’il n’est à croire ; et
meismement tous ceulx qui avoient estés tesmoing et favorisant à cestuy
fait.
Cy avint que, au lundemain, qui fut vandredi, XIIIe jour du dit moix,
sur le tairt, le dit de Sainct Anthonne arivait à Mets, acompaigniés de
ces gens. Mais, dès qu’il fut apersus du peuple, il fut resgairdés du
travers et en desdaing, et luy heussent desjay les aulcuns voulluntier
corrus sus, c’il eussent oysés. Et, de fait, la nuyt ensuivant, furent les
wairier de sa maison en pairtie rompue et despecée, on ne soit de qui.
Au londemains, qui fut samedi, XIIIIe jour du dit moix, acompaigniez
de seigneur Nicolle Roucel, alors maistre eschevin de Mets, vint le dit
seigneur en la Grant Église d’icelle cité pour ouyr messe. En laquelle ce
a. Ms. : biaulx et salutaire. Et salutaire & été rayé, d’une encre plus pâle.
1. Psaumes du psautier.

512

1525

N. ST. — ÉMEUTE A METZ

trouvairent plusieurs vignerons et aultres de plusieurs mestier, et gens
mal informés : car, sans licence de leur supérieur, ont assaillis de pairrolles le dit de Saint Anthonne ; et, jay ce qu’il fût du plus grant cenquez
de France, non regardant ad ceu qui en porroit advenir, lui ont dit
tout plain d’injure : les ung l’ont appellés Pillaite, les aultres Anne ou
Cayphe. Et, de fait, après plusieurs grosse et villaine parolles, l’ont
voullus assaillir a corps, et jay luy eussent fait ung grant desplaisir,
ce n’eust estes le dit seigneur maistre eschevin, qui à bien grant paine le
salvait : car à toutte haitte le bouttait et conduit hors par derrier, et le
menait en son hostel de Saint Anthonne, sur les mollin. Et fist tant par
doulce pairrolles qu’il appaisantait aulcunement leur fureur pour celle
fois.
Mais assés tost après ce rassamblairent yceulx mutins à plus grant
nombre, et de rechief sont venus devent ycelle maison sur les mollins.
En laquelles alors estoient venus plusieurs chief de seigneurs de la cité ;
lesquelles olrent une merveilleuse paine pour salver le dit seigneur, avec
ces biens : car leur fureur creust cy trefïort que je croy, c’il fût estés
tenus par eulx, il l’eussent mis à mort et descouppés en piesse. Et, jay
ceu que pour les appaisanter l’on leur gectoit par les fenestre pain et
aultres viande, il ne ce voulloient contenir. Et, de fait, ce eslevoient les
aulcuns de pairrolles contre leur seigneurs. Toutteffois on fist tant, à
bien grant paine, que le dit seigneur Anthonne fut mis hors de sa maison
par derrier, et menés en l’ostel du seigneur Phelippe de Rougecourt.
Et puis tantost, à toutte haitte, en abit dissimullés, fut montés à chevaulx et conduit par le seigneur Phelippe Dex, avec plusieurs soldoieur
de la cité, dehors, par la porte des Allemans. Ne jamaix ne fut le dit
seigneur bien essurés jusques qu’il vint a Pont à Mousson, là où il
trouvait le duc Anthonne, aquelle il racomptait de ces nouvelle.
Or maintenant vous veult dire qu’il avint encor de cest affaire.
Vous devés sçavoir que, quant le bruit de ce huttin fut espandus par la
ville, plusieurs aultres, et à grant nombre, que n’avoient que perdre et
qui estoient à demey enraigiés, tant pour la famine que alors régnoit
comme pour la mort du dit Augustin, ce vindrent joindre avec les
premiers. Et là, de rechief, ont trouvés aulcuns des seigneurs de la cité,
lesquelx olrent bien grant paine de c’en deffaire et de salver les biens
du dit de Sainct Anthonne, disant : « Messeigneurs, vous ne faictez
rien ycy ; le lieu est povre, et n’y pouués rien conquester ». Et en toutte
humiliteit firent tant les dit seigneurs qu’il ce sont despartis de ce
lieu.
Mais, après ce despart, soudains ce sont advisés yceulx mutins de la
maison au gouverneurs de Gourxe, et toutte à une vois ce sont escriés :
<i Allons, allons chiez le maistre d’hostel ! ». Et alors, toutte à une tourbe,
c’en sont passés parmey la Grant Église et par la plaice devent ycelle,
sans crainte de nulluy, et, comme gens enraigiez, avec palz et massue,
sont venus assaillir la dite maixon. En laquelle alors ne demouroit
parsonne que le seigneur Nicolle, chaippellain du dit de Gourxe ;

1525

513

N. ST. — ÉMEUTE A METZ

lequelle à paine ce salvait. Et, ainssy en celle fureur comme dit est,
ont incontinant abatus la grant porte de la court de léans et sont antrés
dedans. Cellay fait, sans plus atandre, sont courras au buttins, qui
mieulx mieulx : les ung au bledz ; les aultres entrairent és chambre,
auquellez ont heu prins plusieurs biaulx draps, tant de vellours, satins,
comme de laine, qui là estoient, avec de moult riche tappisserie et de
belle robe. Puis, incontinant aprez ce fait, et que l’on vit qu il empor­
taient tout sans contredit, ce y trouvaient cy grant nombre de gens,
femmes, hommes et anfïans, tant de la cité que du païs (ad cause qu il
estoit samedi et jour de merchiez), qu’il n’est à croire la presse qu 1
estait. Et dès tantost furent rompus les huis de léans, coffre, airche et
armaire, de tout cousteis, jai ce que aulcuns huis estoient de fer (car
plusieurs mareschault et sarurier, voiant les chose ainssy aller, y acorurent). Et fut tout pilliés et robés : or, argent, monnoyes, grant coppe et
hainapz, taisse et aultres waicelle, tant d’airgent que de métalz. Après
furent prins tout les litz, et aultres linge, ampourtés et traynés dehors.
Et y avoit cy grant presse devent et derrier, et de tout coustez, haut
et baixe, qu'il n’est à croire, qui ne l’airoit veu. Après furent empourtés
les coffre, les couche \ tauble, trétiaulx et bancque, et tout desrompus.
Et tellement qu’il n’y demourait rien de bons que tout ne fût prins,
ravis et descoupés. Et meismement les vin du celliez, desqueulx en y
avoit environ XXXVI cowe, tant viez que nouviaulx, tout fut prins et
enmenés, tant en groz comme en menus ; et estaient les celliers sy très
plains de gens, et de vin respandus et gaisteis, que l’on ne cy pouuoit
tourner. Puis, aprez que tout le milleur fut dehors, il ce prmdrent au
foin, à l’avuaine, au bois et au chairbon. Et, quant il n’y oit plus riens
de bons, la cruaulteit fut plus grande que devent. Car il ont araichier
touttes les wairier, desrompirent les fenestres pour avoir les fer, puis on
desallemés *2 et araichiez les planche des chambres, oster les pblomcquez
des gargolle et chenalx, et oster tout, jusques aux ymaiges de la chappelle : car là ne demourait nez que après feu, salve et réservés le teys de
la maison. Et, quant il n’y oit plus que prandre et que tout fut desrom­
pus et discipés, huis et fenestre, degrey et advis 3, avec les formaulx des
cheminée, il ce sont prins au chambriés 4 du gerdm pour avoir les
montans, et fut tout desrompus, et le gerdin tout gaisteys, tellemen
que c’estoit la plus grant cruaulteit, du lieu, que jamais homme vi .
Et, jay ce que le seigneur Phelippe Dex et le seigneur Phelippe de
Rougecourt vinrent par deux fois devent la dite maison, priant e
requérant au peuples qu’il voulcissent cesser, et qu il souffisoi , nean
moins il n’en woullurent rien faire. Et meismement y fut le seigneur
Michiel, filz a seigneur Françoys le Gournaix, avec le seigneur Gaspar,

i

t. I, p. 306, n. 2, 307, n. 1) signifie « enlever les par­

quets, les planchers ».
3. Avis, escaliers (cf. t. III, p. 346, n. 2).
4. Treille, lattis appliqué au mur d’un jardin pour y attacher la .g
Dictionnaire des patois romans de la Moselle, art. chambn).

17,*liozon

(

Q

514

1525 N. ST. — ÉMEUTE A METZ

son frère, tout armés à chevaulx : pour lesqueulx pairreillement ne
firent rien.
Ains ont les aulcuns encor pis fait la moitiet : car, voyant que léans
n y avoit plus riens de bons, ce sont despartit, et acorurent rompre la
maison de Saint Mertin scituées au baix des Grant Prescheurs, pour ce
qu elle aperthenoit au dit maistre d’hostel, ad cause de la dite abaye
qu’il tenoit, et c’en disoit abbé. Et d’icelle en fut fait comme de l’aultre,
tellement que rien n’y demourait. enthier. Et furent tout les biens desroubés et empourtés, avec les escripture et ancienne chairtre. Et y furent
les aulcuns toutte la nuyt en descouppant et pillant.
Aulcuns aultres ce sont advisés que, en despit du dit de Saint Anthonne et du maistre d’hostel, il yroient délivrés ce josne gallans qui
estoit détenus en prison en la Court l’Évesque, et duquelle je vous ay
heu par cy devent pairlés. Et fut force, pour les complaire, de leur
délivrer lez clef de la prison et de leur mettre en mains le prisonnier,
ou aultrement il eussent tout desrompus. Et fut cellui menés en l’hostellerie et festoiés. Et, au bout de deux jours, luy firent les seigneurs
baillier deux florin d’or en sa bourxe, et oit congiez de c’en aller.
Mais, pour revenir au prepos, aulcuns aultres d’iceulx mutins c’en
sont courrus pillier la Grainge aux Ormes, scituées on Savellon, auprès
de Bloreux, aperthenant au dit de Gourxe. Et furent les Prescheur de
Saint Dominicquez en grant dangiers d’estre pilliez et destruit, pour ce
que léans ce tenoit frère Nicolle Savyn, Inquisiteur de la Foy, lequelle
avoit menés pairtie du procès de l’Agustin, et y avoit estés, et consantir
à le brûller. Et tant luy comme le procureur fiscal, et plusieurs aultres
qui c estoient. mellés de cest affaire, eussent esteit en grant dangiers,
c il ce fussent trouvés en plaice : car alors n’y avoit chainongne qui ce
oysait moustrer.
Item, une aultres grant bande d’yceulx mutins c’en sont allés au
Frères de 1 Observance, scituées en Grant Mèze. Lesquelles, sans l’ayde
de seigneur Nicollas de Raigecourt, seigneur d’Ancerville, avec plusieurs
bourjois, qui les gairentirent et deffandirent, il fussent estez tout
desroubés et destruit : car il les avoient en grosse hayne, pour ce qu’il
avoient esteit tousjours contraire à l’Agustin. Pairaillement furent
yceulx mutins, tant à ce jour comme au lundemain, à Sainct Vincent ;
et viollanment y voulaient entrer, qui ne les eust deffandus. Et ne
sçavoient les seigneurs alors auquelle antandre, ne n’y avoit celluy qui ne
craindît.
Touteffois la chose ce apaisantait ung petit. Et, jay ce que alors
plusieurs grosse et villaine parolles furent desbouchée 1 et dictes par
aulcuns mal advisés contre yceulx seigneurs, il olrent pacience pour celle
fois. Sy firent les dit seigneurs faire grant gait toutte la nuyt, tant à
piedz comme à chevaulx et sur la muraille, et firent encor, par commendement, mettre à chacune maison de la lumier aux huys; et eulx meisme,

1. Déboucher, sortir des bouches.

1525 N. ST. — ÉMEUTE A METZ

515

ou en pairtie, furent assamblés en airme, avec plusieurs aultres, en la
neuve saille.
Puis, au lundemain, qui fut dimenche, dès le matin furent yceulx
seigneurs en conseille. Et, tantost aprez, durans les grant messe, il ont
secrètement mendez tout les bourgois et gens d’estat, qu il ce woulcissent trouver et transporter en armes avec eulx en la dite saille. Et,
là venus, le seigneur Andrieu de Rinechz, chevalier, et seigneur de
Laiduchamps, fist la hairangue pour celle premier fois. Et fut telz son
pairler, ou en subtance : « Messeigneurs », dit il, « vécy que nous vous
avons mandez par devent nous pour vous dire et remonstrer 1 esclaindre
et le dangier qui advint hier. Vous sçavés tous que de loing temps nous
avons fuyr la guerre, et avons achatés la paix et nouris paix . car par la
guerre et mutinerie les riches deviengne povres et les pouvres acunefois
deviengne riche. Or est il ainssy que nous sommes ycy entre les pays
enclos ; avec ce, le tempts est chier et mal disposés a mener la guerre.
Par quoy, se quelque effroy nous advient, nous vous prions que vueuillés
estre bons et unis avec nous, et que veulliés vivre et morir avec nous.
Vous sçavés que de loing tempz vous avons entretenus en paix, et il
samble que vueulliés acheter la guerre. Pour laquelle chose je crains
que, ce brief n’y est pourveu, que mal n’en aviengne. Et, pour ce, vous
avons ycy mendés pour sçavoir de vous se estes bien délibérés de vivre
et morir avec nous. Et, en ce faisant, nous qui sommes vous seigneurs
et gouverneurs, sommes bien délibérés de vivre et morir avec vous.
Qu’en dictes vous ? Le voullés vous ainssy faire ? Levés tous les mains
en hault ! » Et, en disant ces parolles ycy, ou samblables, avoit les
lairme à l’ueil, et ploiroit ce bon chevalier de pitiet : car il estoit alors cy
viez que à paine ce pouuoit soubtenir. Puis, après cella dit, fist fin à son
pairler. Et chacun levait la mains en hault ; et,, toutte à une vois,
promirent d’estre bon et leaulx, parmey que provision 1 fût mise sur les
bledz, et que la ville woulcist encor mettre sus aulcuns guerniet à compétant merchiez. Cella dit, on les fist tous tirer oultre En Chainge., pour
pairler aux aultres qui estoient de nouviaulx venus. Auquelles paireillement fut dict et relatés, par la bouche le seigneur Claude Baudoiche,
chevalier, tout en la manier comme cy devent avés ouy. Et, daventaige,
fut donnés au peuple bonne espérance touchant les bledz. A rest, ce
effroy venoit, fut à chacun donnés son ordonnance.
Durant que ces choses ce faisoient, retournait en ce lieu le seigneur
Humbert de Sérier, avec belle compagnie, qui venoient encor de gairder
Saint Vincent et les Frères de l’Observance : car, à ce matin, c’estoient
trouvés plus de Ve hommes aux portes, avec saicquez et hotte, cuydant
de vray que lé dit monastère deussent estre mis à saicquez et pilhés.
Touttefîois il furent cy bien rebouttés qu’il ne firent rien.
Celluy dimenche, ou la plus pairt du jour, furent les seigneurs au
Conseille pour cest oultraige. Et fut envoiés en Loraine devers le duc

1. Provision, « remède, soulagement ». Il s’agit de pourvoir à la famme.

516

1525 N. ST. — ÉMEUTE A METZ

faire leur escuse. Lequelle leur envoiait son maistre d’hostel, qui vint
à Mets, et vit le tout.
La nuyt ensuiant, fut fait groz gait, et plus que devant. Et, avec ceu,
en furent en celle nuyt plusieurs des prins et menés en l’hostel de la
ville. Et furent le dimenche, tout le jour, les portes cloise.
Le lundi, a mattin, fut de messeigneurs du Conseil grant ordonnance
mise sur cest affaire. Entre lesquelz fut envoiez la trompette de la cité,
avec Jehan de Mollin, sergent des Trèses, par tout les cairfourt de la
ville, et, après trois fois sonnés d’icelle trompette, fut cryés par la
bouche du dit sergent : « On non de monsseigneur le maistre eschevin
et de tout le Conseil d’icelle cité, sur paine de confiscacion de corps a
et de biens, et, avec ceu, d’estre réputés traystre, que tous ceulx et
celles qui avoient prins et ravis dez biens du dit seigneur de Saint
Anthonne et du dit Mertin Pinguet, maistre d’hostel de Gourxe, en
quelque manier que ce fût, qu’ilz les raportes en la maison des Lumbair
Dessus le Mur, dedans cellui jour, ou le mairdi aprez a plus tairt ».
Et, affîn que chacun vît et congneût que messeigneurs de la cité fissent
tout devoir de faire restituer et répairer le deshonneurs, il firent cellui
jour, du mattin, mener au Pallais trois d’iceulx malfaicteurs et mutins.
Et le jour meisme, après le dînés, à la vueue de plus de trois mil parsonne, furent menés noiés, tout devent la maison du dit Sainct Anthoinne. Et, durant que l’écécucion c’en faisoit, estoient, par l’ordon­
nance des dit seigneurs, grant nombre de compaignon armés et assamblés on Champaissaille. Entre yceulx noyés en fut l’ung, ung piccairt,
cy bon raillairt, et congnus de chacun pour sa joieuseteit, nommés
Le Viaulx : mais nyantmoins, pour ce qu’il avoit esteit l’ung des pre­
mier motif \ il paissait le pas.
La nuyt ensuyvant, en furent encor plusieurs des prins, et mis avec
les aultres. Par quoy chacun, tant de Mets comme de dehors, craindant
le dangiers, rapourtoient les biens qu’il avoient prins. Tellement que,
à cellui jour, lundi et mairdi, fut ung grant déduit de veoir rapourter :
car ceulx qui rien n’en avoient les dérisoient et moccoient. Par quoy
les aulcuns, de vergongne et de honte, rapourtoient de nuyt. Plusieurs
personnes furent commis dez seigneurs pour recepvoir ceu qui estoit
rapourtés ; et fut tous mis par escript, avec le nons, et le serment prins
de cellui ou de celle qui rapourtoit. Alors tous chacun y acourroit,
hommes et femmes, pour veoir le piteux ménaige et le déluge que en
ce lieu estoit fait : car tout estoit desrompus et mis par monciaulx
parmy celle court. Touchant des vin qui furent rapourteis, Dieu scet
quelle mellée ! L’ung en rapourtoit en ung bourthiez 2,
* 1l’aultre en ung
crucquegnon 3, l’aultre en des hotte : et n’en fut ramenés en tonniaulx
a. Ms. : coprs.
1. Motif, qui met en mouvement, qui excite, meneur.

2. Récipient de cuir ou de bois, dont la forme et le nom ont beaucoup varié (bout,
botte, botiau, etc.). Les patois modernes connaissent une forme botiate, boutiate, qui
désigne un « flacon de drogue » (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle).
3. Petite cruche. Mot local, qui semble provenir d’une forme cruque, cruche, d’ori­
gine germanique.

1525

N. ST. — UNE TROUPE FRANÇAISE AU PAYS DE METZ

517

enthier que environ trois cowe. Toutte la semaigne l’on fut ampeschiez
de cest affaire : car, le raaicredi et le jeudy, l’on rapourtait encor à force
baigue 1.
Et furent encor prins plusieurs personnaige, pour cestuy fait, qui
furent en grant dangiers d’en estre noyés ou pandus. Aulcuns furent
qui c’en fouyrent, et d’aultre ce mirent en franchises ; les ung furent
banis à certains termes, et en dyverse manier pugnis ; les aultres le
furent à vicairie 2, ou à cenc ung ans moins ; et d’aultre furent mis
d’une pairt pour resverdir. Car le dopmaige que par eulx fut fait, cen
la honte et deshonneur, fut estimés à plus de XL mille.
Aussy ne fait à oblier comment, par tout les villaige, furent con­
traint de rapourter, par serment, tout ceu qu’il avoient prins. Meismement monsseigneur de la Grant Fault, gouverneur pour monsseigneur
l’évesque au lieu de Nominy, envoiait quérir plusieurs d’iceulx pillairt,
demourant on Vaulx en la terre du dit seigneur évesque : lesquelles
furent tous menés en prison à Nominy, en laquelle il furent moult
longuement, et en grant dangier de morir.
Durans ces jours, la cité mirent sus encor ung guerniet de bledz,
de environ XV ou XVI mil quairte ; et fut mis à XVIII sols (qui eust
vaillus bien XXIIII sols on merchiez). Mais chacun n’en avoit pas
qui voulloit, sinon les pouvre gens, par quairte ou demy quairte a plus
à la fois.
Gy vous soufïise de ceu que j’en ait dit : car, ce tout dire voulloient
touchant les fugitif pour cest affaire, on en ferait ung gros livre.

[une

troupe française traverse le pays

DE METZ].

En celluy temps, furent encor prins plusieurs aultre malvais guerson.
Entre lesquelles fut prins ung biaulx josne compaignon, fort légier et
bien corrant, lequelle estoit filz a Grant Robert, nacionés de la cité,
qui tenoit le pertit de France et c’estoit mis soubz monsseigneur l’abbé
de Biaulx Lieux. Et, après son fait congnus, fut mis d’une pairt. Pour
lequelle le dit de Biaulx Lieu en fist aulcune action, comme cy après il
serait dit.
Tantost après, novelle vinrent à Mets que plusieurs guernison de
Ghampaigne c’estoient mise ensamble, et, en grant multitude, soubz la
conduicte du dit de Biaulx Lieux, qui estoit filz a seigneur Robert de la
Mairche, avec plusieurs aultre capitaines, venoient et dessandoient à
l’avallée ; comme vray estoit. Touttefïois, aprez ceu qu’il fut envoiez
devers eulx, fut rapourtés qu’il ne demendoient à la cité ne au soubjecgz d’icelle que paix et amour, moyennant que vivre leur fust aministrés, en passant oultre tout légièrement. Par quoy on ne fist rien
1. On rapportait encore du mobilier (bagues) en quantité (à force).
2. A vicairie, « à vie ». Vicairie signifie exactement « usufruit ».

518

1525 N. ST. — UNE TROUPE FRANÇAISE AU PAYS DE METZ

fouyr a bonne gens de villaige. Et tellement ce sont aproichiez que, par
ung dimenche au vespre, XIXe jour de febvrier, sont en grant multi­
tude arivés, et espandus on Vaulx de Mets. Et, que pis est, ce moustrairent gens très difïicille à servir, et aussy malvaix, ou pir, que c’il
fussent estés de bonne guerre. Et, non concidérant la stérelités du temps,
il voulloient avoir du milleur, et contraindoient leur hoste de acheter
viande esquise, comme chappon, gelline, perdris ou livre x, poudre 12,
espice et orange. Et, avec ceu, les aulcuns pilloient et desroboient tout
ceu qu’il trouvoient en plaice. Puis à tort et sans cause frappoient les
aulcuns dessus leur hoste et hostesse comme sur plaitre. De quoy
messeigneurs de la cité et du Conseielle ne furent pas tropt content.
Au lundemain, qui fut lundy, du mattin, ce sont partis de ce lieu,
tirant a pont à Magney ; puis, de là, à Bourney. Et ce espandirent
pairmey le Hault Chemin ; et y couchairent pour celle nuyt. Et y firent
tant de maulx et d’oultraige que pairtie dez hommez abandonnairent
leur ménaige et c’en vinrent fouyant à Mets. Nouvelle estoient qu’ilz
voulloient aller pillier quelque bonne ville ou chaistiaulx en Allemaigne
tenant le pairtit de Bourgongne. Mais il prinrent en celle nuyt aultre
conseille ; par quoy soudains fut retournés arrier. Et c’en vinrent le
mairdi tout couchier à la ville de Maigney : laquelle les bonne gens
d’icelle avoient du tout abandonnés et c’en estoient fouys. En ce lieu
ont rompus le pont, et ce sont fortifiés, et gaittés toutte la nuyt.
Alors fut envoyés par le Conseille la trompette et Géraird, le secré­
taire, devers le dit de Biaulx Lieu, pour luy remonstrer le domaige que
luy et ces gens faisoient, et pour sçavoir ce c’estoit de pairt le roy qu’il
faisoit ces chose. Auquel il respondit assés fièrement, disant qu’il ne ce
soucioit point du roy. Et fut trouvés par ces pairrolles soy desclairant
causy de guerre, se son homme, que ceulx de Mets avoient heu prins,
qui estoit le filz le Grant Bobert, duquelle j’ay cy devent heu pairlés,
ne luy estoit randus, ou, en lieu de luy, dix mil escus.
La responce oyes, le Conseil fut mys ensamble, et fut déterminés de
faire armer le peuple. Laquelle chose fut tantost faictes ; et, en la
conduicte de plusieurs chief de seigneurs, avec septz piesse d’artillerie
et aulcuns cheir chairgiés de pains, sont partis de la cité par la porte
du pont des Mors. Et là, en la plaine de l’isle, ont heu mis leur gens
en bon ordre, comme tout prestre d’antrer en baitaille. Mais le dit de
Biaulx Lieux, lequelle avec ces gens c’estoient pairtis de la dite Maigney,
cuidant aller couchier à Mollin, à Sainte Raffine, Vaulx et Jeuxey,
sçaichant les nouvelle de cest assamblée, c’en tirait tout droit à Aix
sur Muzelle. Et, non sans cause, ce sont fortifïiés : car alors vinrent
grant nombre d’hommes d’airme et piétons de la duchiés de Lucembourgz pour nuyr au dit François.
Cella fait, l’on fist mairchier nous gens devers Vaulx et Jeuxey.
Et fut advisés de encor envoiés le dit Géraird pairler à eulx, pour sçavoir
1. Lièvre (lîve dans les patois lorrains modernes).
2. Poudre de duc, mélange de cannelle et de sucre blanc. C’était un dessert très
estimé, que l’on considérait comme fortifiant.

1525 N. ST. — DÉPART DE LA TROUPE FRANÇAISE

519

a vray c’il ce disoit de guerre ou non. Auquelle bien humblement
respondit le dit de Biaulx Lieux qu’il ce tenoit amis à la cité ; et que, au
regairt de la pillerie faicte par ces gens, les dit de Mets sçavoient bien
que en une telle multitude il en y avoit tousjours des mal condicionés,
et ce abandonnoit le dit de Biaulx Lieu d’en faire faire restitucion à tous
les dolleans. Mais, au regair de Jehan Chavillette, de Rouzérieulle, qu’il
enmenoit prisonnier, il disoit l’avoir prins de bonne et juste guerre,
d’aultant que, contre la defïance de ces seigneurs, les dit de Mets, il
achetoit journellement les butin que les Bourguignons avoient prins sur
les François. —■ Par quoy, les nouvelle oyes, fut advisés sus cest affaire.
Et estoit l’opinion d’aulcuns de frapper dedans, disant qu’il ne le faisoit
que de peur et par faintise. Toutefïois n’en fut rien fait : mais très bien
fut déterminés de couchier l’airmée au champz, comme il fut fait.
Et firent grant gait toutte la nuyt l’ung contre l’aultre.
Au lundemain, environ les VIII heure, ce sont pairtis. Et passairent
auprès de Gourxe, et l’airmée des Bourguignon tousjour aprez. Les­
quelles les poursuirent jusques au pont de Saint Myel, auquelle lieu le
seigneur Wandre, capitaine de Dampviller, et le capitaine Gille Sampoigne, bourguignons (lequelle, comme dit est, ung ans devent fut mis
prinsonnier en l’ostel de la ville), ont heu requis yceulx François de
baitaillés. Mais, jay ce qu’il estoient en nombre de environ XXIIII
ou XXV0 homme de piedz, et de quaitre à Ve chevaulx, bienam point,
ce néantmoins ne les oisairent recuillir ny atandre. Et en y oit plusieurs
d’iceulx François, gairdant la cowe, qui furent en ce lieu mort et despé­
chiez.

[conspiration et fuite du DUC DE BOURBON ;
FRANÇOIS Ier VAINCU ET FAIT PRISONNIER DEVANT PA VIE].

Plusieurs choses merveilleuse avés oys estre advenue en cest année
mil Ve et XXIIII. Mais encor en advint de plus grande, sans compa­
raison. Car, pour plusieurs raison, qui tropt loingue seroient à raconter,
et par le bouttement1 d’aulcun, ce esmeust une grosse et mortelle
guerre entre le trèserestien roy Françoy, premier de ce non, et très
inlustre prince Chairle de Monpenciés, duc de Bourbon et conestauble
de France. Et, pour vous desclairer la manier comment, il est vray que
jaidit monsseigneur Pier de Bourbon oit apousés ma damme Anne de
France, fille du roy Loys XIe, de laquelle saillit une fille, qui fut mer­
veilleusement diforme de son corps, et sambloit estre innutille a porter
lignié. Or est advenus que, après le trépas du dit seigneur de Bourbon,
le mariaige fut fait de la dite fille et de monsseigneur d’Alanson, et sur
paine de L mil frant de France de repantaille 2. Et, pour autant que la
1. Du verbe bouter, pousser ; « sous l’impulsion de », « à l’instigation de ».
2. Repentaille, dédit.

520

1524. — CONSPIRATION AU ROYAUME DE FRANCE

dite fille estoit fort difforme, et n’avoit en elle point d’aparance d’avoir
lingnié, comme dit est, par quoy fut concidérés qu’il s’en pouroit
enjandrer de groz procès. Et fut trouvés que messire Chairle de Monpanciés, à présant congnestauble de France, et duquelle j’ay cy devent
pairlés, debvoit estre le vray héritier après elle. Pour laquelle chose il
fut conclus de paier à monsseigneur d’Alanson les dit L mil frans, ceu
qui fut fait, et de donner à la dite fille le dit seigneur Charle de Monpanciés en mariaige, qui à présent est appellés monsseigneur de Bourbon.
Et apousait le dit seigneur ycelle fille, de laquelle il ait heu plusieurs
anffans, qui n’ont point sourvecqués la merre h Or est advenus que,
depuis la mort des dit anffans, la merre est allée de vie à trespas, et ait
laisiez sa mère, ma damme Anne de France, douairier. Or est encor
advenus que, après le trespas de la dite douairier, le dit seigneur Chairle
de Monpanciés, seigneur de Bourbon, ait estés pourchaissiez de prandre
en mariaige ma damme d’Angolesme, mère du roy Françoy, premier de
ce non, et régente de France, ceu qu’il ait mis en reffus : de quoy c’en
est engendrés une grosse haynes. Et, de fait, est venue la chose cy
avent que la dite damme, régente de France, ait poursuit le dit seigneur
de Bourbon en pairlement de Paris, disant que ycelle duchiez de Bour­
bon et d’Avergne luy apairtenoient mieulx que à luy. Laquelle chose
ait estés l’acommencement de ce huttin : car le dit seigneur, concidérant la fureur que la dite damme pouoit avoir, n’ait voulus rancontrer 12.
Ains ait prins une aultre voie ; et ait pourchaissiés de loingue mains
d’estre serviteur et aliés à l’empereur. Ceu venus à la congnoissance du
roy, et après plusieurs choses faicte et dictes, que je laisse, le dit sei­
gneur roy c’est trouvés devers le dit seigneur de Bourbon en sa maison
de Mollin en Bourbonois, ou de Chantelle, auquelle lieu il contrefaisoit
le mallaide. Et là, luy ait dit le roy biaucoupt de bon prepos, le cuydant
retirer. Entre lesquelx luy dit qu’il c’en voulloit aller reconquester la
duchiez de Millan, et que, c’il y voulloit aller, il le feroit son lieutenant,
ou, ce luy meisme y alloit, il le lairoit son lieutenant en France. Et sur
ces prepos c’en pairtit le roy, espérant que le dit de Bourbon viendroit
briefment en court à Lion.
Le roy venus à Lion, au bout d’ung jour, flst prandre au corps le
seigneur de Sainct Wailliés, le seigneur de Notre Damme du Puis en
Avergne, et plusieurs aultres grant seigneurs. La cause por quoy, qu’il
fut advertis de l’intelligence qu’il avoient ensambles. De laquelle
prinses le dit seigneur de Bourbon, qui c’en venoit en court, fut advertis
par aulcuns jantil homme [de] ces amis, qui luy vint au devent et luy
dit : « Monsseigneur, où allés vous ? Sçavés vous bien que monsseigneur
de Sainct Walliés et aultre tel sont prins ? » Et luy, bien esbaihis, ouyant
oes nouvelle, ait demendés c’il estoit vray. Et il dit que ouy. Par quoy
bien viste c’en retournait le dit seigneur arrier, en tirant vers le païs
d’Avergne, pour ce saver. Mais à grant paine et en grant difficulté ce
1. Qui n’ont pas survécu à leur mère.
2. Se présenter en l’encontre.

1525 N. ST. — FRANÇOIS Ier FAIT PRISONNIER A PAVIE

521

salvait, pour ce qu’il trouvait les chemins cloz ; et luy fut force de ce
mestre en abit incogneus. Avec petitte compaignie, de deux ou de trois
de ces gens, passait le Rosne ; et ne fut pas ce fait sans grant crainte et
paine. Et, après qu’il fut eschappés, fist tant par ces journée qu’ilz
vint en Lombairdie.
Alors il desploiait du tout son voilloir, avec l’ayde de l’empereur.
En sorte qu’il mist sus une grosse armée, avec laquelle vint dessandre
en Languedocque. Puis vint à mettre le sciège devent Marsaille ; et y
fist merveille. Jusques ad ceu que le roy en personne ce y trouvait avec
son armée, qui le repoulsait jusques tout dedans Millan. Et tellement le
poursuit que, quant le dit seigneur de Bourbon sortoit par l’une dez
porte de Millan, le roy antroit par l’aultre. Et fut de rechief la ville
remyse en la main du roy. Lors le dit de Bourbon c’en tirait à Pavye ;
et y mist bonne guernison. Devant laquelle le roy mist son campe ;
et y fut l’espaisse de trois ou quaitre moix. Ce tempts pandant, le dit
seigneur de Bourbon c’en aillait devers le seigneur damps Fernando,
monsseigneur l’archeduc, pour avoir secours. En fasson tel qu il ait
obtenus, tant du dit seigneur que d’aultres, qu’ilz ait amassés en nombre
de XXX mil homme. Avec lesquellez c’en est venus devers Pavye,
et soy apairquer entre le campe du roy et la ville ; et donnoit tous les
jours une alairme au campe du roy. Et ait une espesse de tempts menes
cest vie ; jusques au jour saint Mathias, XXIIIIe jour de febvrier, qui
estoit le vandredi. Et, à ce jour meisme, donnait encor une alairme,
comme il avoit acoustumés ; puis ce retirait. Et, après cella fait et qu’il
pansait qu’il estoient à leur repos, et qu’il pansoient estre mieulx assurés
que devent, pour ce qu’il n’avoient acoustumés que de faire une alairme
pour la nuyt, vinrent de rechief, à plus grant force et à plus grant puis­
sance que devant. Et les print a despourweux, en sorte que, après plu­
sieurs copt donnés et ressus, et plusieurs choses faicte et dictes, que je
laisse, il gaingnait la baitaille. Et fut le roy prins prinsonniers, avec
plusieurs aultre princes et grant seigneurs. Et, à la fuyttes, en furent
tout plain des noyés dedans la ripvier du Tésin ; et d aultres grant
multitude furent tués et descouppés. Lesqueulx, que de prins que de
tués, furent nombrés à XXXVI mil, ou plus. Dieu pairdoint au trespassés ! La tante du roy fut pillée ; en laquelle il fut trouvés tant d or
et d’airgent, comme il fut dit et sertifiés, que les gens de piedz y estoient
jusques dessus la hausse 1 de leur soillés. Puis fut dit qu il en ont menés
le roy en ung chaisteaulx nommés Pisqueton, qui est entre Millan et
Cremmonne.
Et alors, tout incontinant que ceulx de Millan sceurent ces nouvelle,
il ce randirent, et ce mirent de rechief en la mains de 1 ampereur. Et tous
les aultres qui estoient au dit Millan tenant le pairtit de France ce salvairent, qui ce polt salver. Et c’en fuyrent la plus pairt à la cité de
Cosme pour ce mestre à refïuge.
Touchant a fait dez grant personnaiges qui furent prins ou tués, j’en
1. Ce mot désigne de hauts talons en bois recouvert de cuir..

522

1525

N. ST. — PERTES DES FRANÇAIS A PAVIE

metterés ycy d’une pairtie les nons. Et, premiers, dirés des prisonniers.
Premier, la parsonne du roy de France, François, premiers de ce non.
Item, le roy de Navayrre, monsseigneur de Saint Polz, François, monsseigneur de Saluce, Loys, monsseigneur de Nante, monsseigneur le
prince de Tallemont, monsseigneur le mairéchalz de Foyz, monsseigneur
le maréchalz de Monmerancey,son frère, monsseigneur le Grant Maistre
monsseigneur de Brion, monsseigneur le vidosmes de Chartres, monssei­
gneur de Sainte Mesme, monsseigneur le gouverneurs de Limoze,
monsseigneur de Montpesat, le grant Galias Vicomte, monsseigneur de
Bonnevaulx, son frère, monsseigneur de Ponversalz, monsseigneur le
prévost de Paris, monsseigneur de Riant, monsseigneur de Bray, le
bairon de Burcause, le filz du chancellier de France, monsseigneur de
Nancey, monsseigneur de Lairge, monsseigneur de Mouy, monsseigneur
de Fesannenges, monsseigneur du Cot, monsseigneur de la Gunche,
monsseigneur de Montageu, monsseigneur du Rieulx, maréchalz de
Bretaigne, monsseigneur de Sargney, filz du seigneur Wallon, monssei­
gneur de Mairsailly, monsseigneur le viconte de Lanendon, monssei­
gneur de Cleytte, monsseigneur de Clermont, monsseigneur de Boutiers,
monsseigneur de Berbesieulx et monsseigneur de Florhanges, filz au
seigneur Robert de la Mairche. Et encor tant d’aultres que c’est chose
merveilleuze, tant des jantilz homme de la maison du roy comme de
lieutenant pourteur d’ansaingne ou guidon, et aultres des ordonnances.
Les non des grant personnaige qui ont estes noyés ou tués.
Premier, François, monsseigneur, frère au duc Anthonne de Loraine,
duquelle j’ay cy devent pairlés, qui fut en l’an devent à Mets avec la
duchesse, monsseigneur de la Trimolle, monsseigneur l’Admiralz,
monsseigneur le mairéchalz de Sçabannes, monsseigneur de Bucey
d’Amboise, le grant escuyr de France, de la Poulie, qui ce disoit duc de
Sufïort, et lequelle loinguement c’estoit tenus à Mets, c’on appelloit la
Blanche Rouze, avec encor plusieurs aultres grant seigneur, desquelles
les nons me sont à présant incogneus.
Item, en ce meisme tempts, ce print par fortune le feux en l’église et
en la ville de Sainct Humbert en Ardayne, et y fist ung moult grant et
orible domaige.

[cantique

composé contre les luthériens

;

DISPOSITION DU TEMPS EN L’ANNÉE l525].

Durant ces meismes jours régnoit tousjours de plus en plus hérésie
Mertin Luthère. Et avoient en celluy tempts ceulx qui tenoient celle
scette compousés un Salve Regina, tout contraire à celluy que Nostre
Mère Saincte Église chante tout les jours. Contre lesquelles les fidelles

1525 N. ST. — DISPOSITION DU TEMPS

523

catholicques composairent en cest présante année, au deshonneur du dit
Luthère, ung Victime Pascali laudes, qui ce chante on meisme chant de
l’aultre. Et ce acomence et fornit comme la teneur s’ensuit :
Pessimas Martini fraudes fugiant Cristiani ;
Luter dispergit oves Cristus quas congregavit.
Luterani omnes paccatores.
Falsos viri libellos combussere Romane ;
Duc mortis Martinus fallit unus.
Die nobis, Lutere, quid dévastas tam crebre
Ovile Christi viventis,
Et gloriam tollis resurgentis,
Angelicos testes paulum et Euvangelistas
Tu false interpretaris,
Seducens multos ex Christi charis.
Credendum est tuam tam perversam doctrinam
Tibi et tuis esse in ruinam.
Si cum que papam esse Christi vicarium,
Tu nobis, Deus, tuere in eternum. Amen.
Et, par ainssy, avés ouy comment en ce tempts les affaire dez mon­
dains ce pourtoient, et comment la cristiantés estoit en cest présante
année triboullée en diverse sorte et manier (et le fust encor plus, comme
cy après serait dit). Et estaient desjay bien advenus des grant déluge
et diverse fortune que plusieurs pronosticqueur avoient par plusieurs
année devent dénoncés et prophétisés.
Mais, touttefïois, après plusieurs mal heu et ressus en diverse sorte
et manier, le Créateur ne nous voult pas du tout abandonner. Et, pour
ce, vous dirés la disposicion du tampts, et quelle il fut à la fin de cest
année. Vous debvés sçavoir qu’il n’estoit possible de faire ung plus
biaulx tempts, ne milleur pour tout les bien de terre, espéciallement le
moix de mars et tout le moix d’apvril, qui estoit l’acommencement de
l’an V° et XXV. Car toutte choses cressoient cy bien et à cy grant abon­
dance qu’il n’estoit possible de mieulx. Et estaient touttes chosez en
aussy belle apparance d’avoir une bonne année et estrampée *1 que
jamais fût. Et tellement que, a jour de Paicque florie, l’on trouvoit les
serise a desjay essez grossette et noée, avec aulcune poire. Paireillement
ce vandoit devent la Grant Église le mirguet florey, avec des fleur de
glay. Et ce trouvoit tantost après la rouse blanche et vermeille, avec
force frèse, en plusieurs lieux. Dieu en soit louués et bénis !

a. Ms. : seririse.
1. Atrempée, tempérée.

524

1525.

— LES BOURES OU RUSTAUDS SE RÉUNISSENT

[l’année i525; la guerre des rustauds].

A la sainct Benoy qui fut en cest année, fut fait, créés et essus pour
maistre eschevin en la cité de Mets, pour l’an mil Ve et XXV, le seigneur
Androuuin Roussel, duquelle par plusieurs fois vous ay heu par cy
devent pairlés ; qui fut en l’année septiesme de l’élection Ghairle l’em­
pereur en son Royaulme des Romains.
En cest année avint encor plusieurs aultres besoingne digne de mé­
moire. Entre lesquelles? à son acommencement, environ le septiesme
jour d’apvril, ce thint grosse journée à Thionville pour le fait d’icelle
guerre devent dite. Car, par les grant malz, course et pillerie que jour­
nellement ce faisoient, très inlustre prince Anthonne, alors duc de Bar
et de Lorraine, se complaindoit fort du tort et moleste que journellement
yceulx Mairangeois et aultres Bourgongnons faisoient sur sa terre, et sus
ces gens et subjegt. Pairellement, furent envoiés à celle journée aulcuns
commis pour escuser 1 très révérand perre en Dieu Jehan de Loraine,
cardinal du Saint Sciège apostolicquez et évesquez de Mets, son frère,
lequelle estoit nottés 2 d’yceulx Bourguignons de la duchiez de Lucembourgz, disant qu’il avoit aydés a roy François à la journée dernière­
ment tenuee devent Pavye ; qui estoit l’une des cause principalle de
celle assamblée. Paireillement, y furent envoyés on non de la cité aulcuns
chief de seigneur, avec maistre Jehan, le docteur, pour traicter de leur
affaire.
Et, assés tost après, fut délivrés des prison d’iceulx Mairangeois,
franc et quicte, le fdz le maire de Noeroy, qu’il avoient heu prins lui
estant à la charue : à laquelle prinse en y oit ung de Noeroy, le cuidant
deffandre, qui fut tués, et en furent trois ou quaitre de fort navrés.
Or, advint encor, en celluy tempts, de plus grant chose la moitiet que
cest. Car, pour plusieurs raison, qui tropt loingue seroient à raconter,
une manier de gens de la baixe Allemaigne ce eslevairent et mirent
ensamble par grant trouppiaulx et par plusieurs bande ; et cressoient
et multiplioient tous les jours ; et ce faisoient celle gens appeller les
bourres ou villaigeois.
La cause de leur assamblée, j’en dirés deux mot. Il est vray que en
leur païs, plus baix que Francquefort, leur seigneurs les tenoient fort
soubjeg, et en y avoit plusieurs qui estoient cerf de condicion. Avec ceu,
les bois et ripvier tenoient tous pour eulx ; et, ce aulcuns y estoit trouvés,
yl luy faisoient crever les yeulx. Paireillement, estoient les povre gens

1. Accuser.
2. Etre noté, être bien connu, soit d’une manière défavorable, soit d’une manière
favorable.

525.

— LES XII ARTICLES DES BOURES OU RUSTAUDS

525

fort molesté des prebstres : car, ce aulcuns ce laissoit morir, yceulx
prebstres prenoient et ravissoient une pairtie dez biens du trespassés,
disant que c’estoit leur droit. Et plusieurs aultres mal et grief souffroient, qui tropt loing seroient à dire. De quoy leur en desplaisoit.
Or avint que, durant ce tempts, l’ung d’iceulx bon homme, assés
jantilz ruste, passoit parmy ung boix avec arboullette dessus son col.
Cy vit passer ung cerf, bandait son arboullette, et le tirait ; et tellement
assénait qu’il le tuait. Pansant avoir fait ung biaulx copt et cuydant
estre le bien venus, c’en allait annoncer ces nouvelle à son seigneur,
disant qu’il envoiait quérir le cerf qu’il avoit tués. Le seigneur n’en
fist samblant. Mais, après ce qu’il oit le cerf, fist pranre celluy, et luy
fist crever les deux yeulx hors de la teste. Il avoit des bon amis, qui en
furent merveilleusement mal content.
Ung aultre d’iceulx bourre ou bon homme, qui tout son tempts avoit
hantés la guerre, avoit ung viaulx, le plus biaulx du païs. Et le serviteur
ou cuisinier du seigneur, voiant la biaulteit de ce viaulx, le voulloit
avoir pour son maistre. Et, nyantmoins qu’il le woulcist paier, le bon
homme, qui desiroit à le nourir, ne luy voult vandre ne laissiés aller.
De quoy huttin ce esmeust, en sorte qu’il en y oit des très bien batus.
Le seigneur, advertis du cas, y renvoiait XV ou XVI de ces gens,
arboulletriet et haillebairdiet, commendant que ce viaulx lui fût admenés, avec le bon homme, c’il voulloit résistés. Mais, pansant ce qui estoit
à advenir, sç’avoit cellui bon homme fornis de ces amis, avec aultres du
païs, et tellement ont résistés que IX des gens du seigneur y furent
tués. Et furent ces choses ycy des cause principalle de la rébellion : car
alors tout le païs fut esmeus pour cest affaire ; et souvint à chacun du
tort que aultrefois lui avoit esteit fait.
Quant yceulx villaigeois ce virent les plus fort, il mirent ordre en leur
fait ; et ce thinrent assés longuement és païs par dellà, voullant régir et
gouverner. Et tellement ce multipliairent de jour en jour que l’on ne les
sçavoit estimer. Puis avec eulx ce joindirent plusieurs grant seigneur,
jantilz homme et cappitaines, et, daventaiges, plusieurs clerc et scientificque personne. Et, voyant la choses estre ainssy advenue, ce disoient
estre envoiez de Dieu pour mettre pollice sur les abus du monde, tant
sur les prebstres que sur les seigneurs. Alors firent régent et gouverneur
entre eulx, et eslevairent une banier en hault, en laquelle est en pointure
la remambrance du crucefix, avec plusieurs aultre enseigne de leur
mestiet. Et, affin que tout chacun ce tirait de leur alliance, il dirent
qu’il voulloient affranchir tout le pays d’Allemaigne de taille et de gaibelle, et de toutte extorcion hors de raison, sans rien voulloir oster à
personne de son droit. Et, après plusieurs allées et venuees, et plusieurs
choses faictes et dictes, que je laisse, firent compouser par gens clerc,
et, avec ce, imprimer XII articles, lesquelles il voulloient tenir et en
huser, comme la teneur c’ensuit.
Au premier articles, est escript comment humblement il prient, et est
leur bénigne demende et voulloir, que, à l’avenir, il ayent puissances
tous ensambles de eslire ung curé et pasteur pour les régir et gouver-

526

1525. — LES XII ARTICLES DES BOURES OU RUSTAUDS

ner °, et, avec ce, le desposer s’il forfait ou c’il ce gouverne mal b.
Lequel leur prêcherait l’Évangille purement, sans adjoinction aulcune
des status, doctrines ne commandement des hommes, en annonceant
tousjour la vraie Foy, affin de donner occasion au povre peuple de prier
Dieu pour obtenir sa graice c, à imprimer et confermer en eulx ycelle
vraye Foy, sans laquelle, sy elle n’est fichée en eulx, il seront et demourront tousjour chair et sancg : qu’est chose innutille, car, comme l’Escripture tesmoigne d, seullement par vraye Foy l’en peult parvenir à Dieu,
et par sa miséricorde seulle nous serons salvés e.
Puis, a deuziesme article, il présante de paier le vray desme *1 de bledz,
cellon qu’il fut jaidit ordonnés on Viez Testament et on Nouvelz. Et très
voulluntier présante à le paier sellon qu’il apparthient, à le recepvoir de
par la comunaulté, pour en distribuer porcion à ung curé par eulx esleux,
pour son entretenement honneste et raisonable, lui et sa famille, selon
le jugement du commun. Et ung aultre porcion de ces disme ycy doit
on donner au povre du lieu où le dit desme ce recuillit. Et lerest doit on
gairder pour la nésécité du pays. Toutefïois, ce le cas avenoit que aulcuns
d’iceulx villaiges eussent van dus yceulx dismes, par imfortunes de
famines ou aultres inconvéniant, il n’entende point que cellui personnaige qui l’airait achetés y pert rien : mais il vueullent c’on les peult
raicheter, et acorder avec celluy qui l’airait achetés. Et, quant au
fait des disme qui sont détenus sans raison des seigneurs ou d’aultres
parsonnaiges, il n’entande point d’en plus rien paier, sinon pour entre­
tenir leur curé, et par la manier dessus dicte. — En après, au fait des
menus dismez, il n’en vueullent plus nulz paier, disant que Dieu ait
créé le bestial, comme buefz, waiche, aigniaulx, mouton et aultres, tout
franchement pour la personne ; et que les hommes, par finesse 2, ont
levés et usurpés cellui disme et les thienne pour droicture, ce que faire
ne doient.
Touchant a troisiesme article, il ait du passés tousjours estés jusques
ycy de coustume que, la plus pairt d’iceulx boures ou villaigeois, l’on les
tenoit estre de cerf condicion, laquelle chose est fort misérables, et chose
digne de compacion, veu que Dieu, par sa passions et par l’efîusions de
son trèsdigne sancquez, les ait tous raichetés et les ait délivrés de la
serviteude du diables, autant le povre comme le riche. Et pour tant,
doncque, ne doit cecy avoir lieu, c’il ne moustre et prouve par l’Avengille
qu’il soient de cerf condicions. Non point que leur intencion soit d’estre
du tout libre et francquez, sans avoir seigneurs et supérieurs : car Dieu
ne le dit pas, mais veult que nous l’amons et vivvons en ces commendement, non point en notre chairnelle concupissance et désir, et que
a. En marge, de la main de Philippe : Thimotheos, 3.
b. Titum, 2.
c. Actuum, 14.
d. Johannis, 6.
e. Ut ad Hebreos.
1. La véritable dîme.
2. Malhonnêteté,

i 525. — LES XII ARTICLES DES BOURES OU RUSTAUDS

527

obéyssons au dit nous seigneurs et souverains en touttes choses juste,
licites et raisonnables, fidelle et chrestienne, et estatus et édictz d’iceulx
ordonnés de Dieu. Et non pas seullement au dit seigneurs, mais nous
debvons humillier envers ung chacun, et, avec ce, recongnoistre son
prochain et woisin, et lui faire et démoustrer comme l’on vouldroit à
luy 1 estre fait.
En après, quant au regairt du quaitriesme article, il ait estés jusques
au tempts présent ung usaiges, que, touchant les beste salvaige, per­
sonnes n’ait heu la puissance de chaisser cerfz, biche, livre, hairon,
cigne ou poisson. Laquelle chose leur samble fort desloyalle, et contre
Dieu et raison : veu [que], quant Dieu créa l’homme, il luy bailla puis­
sance et auctorité sur toute bestes, oysiaulx en l’air, et sur les poissons
en l’iaue, pour la subtantacion et gouvernances dez hommes. Desquelle
aussy il ont ressceu grant dopmaiges en leurs bledz, et meismement és
avuaines, et en toutte aultres semance ; et encor n’en oysoient rien dire
ne pairler : laquelle chose est contre Dieu et raison. Toutteffois, sy aulcuns pouuoit prouver qu’il eust achetés certaine yaue, ilz ne luy vueullent pas oster par force, mais wouldroient qu’il y eust ung regairt
chrestien et fidelle, en amour fraternelle, et que en charitez il en secourt
le commun prochain à luy.
L’aultre article, qui fait le Ve, disent qu’il ce santé foullés touchant
des bois que la seigneurie veult seul avoir, et ont tousjour tenus pour
bien paternelle jusque aux tempz présent. Car, c’il y ait quelque povre
homme qui ait affaire de boix, de quelque sorte que ce soit, il luy ven­
dent double. Par quoy leur intencion est que tous boix, de ces jours en
avant, soient communs, et que franchement on en peult pranre, tant
pour édifier corne pour brûller, cellon la nécessité d’ung chacun, sans
oultraige, au regairt de aulcuns bon parsonnaige qui ad ce serait ordon­
nés et commis pour la communaulté. Et, par ainssy, vueulle que tous
seigneurs, soit spirituel ou temporel, que yceulx boix n’ont point ache­
tés, qu’il retourne et ranchoisse 2 à la communaultés, pour c’en aydier
comme dit est. Mais, c’il estoit achetés ou vandus, en ce cas, on c’en
doit gracieusement, charitablement et fraternellement laisser traicter,
et en faire ung acort, par gens digne de croire 3.
Oultre plus, pour le siziesme article, il dient qu’il y ait une aultre
usaige et ung droit que les seigneurs augmentent et resgrandisse de jour
en jour, c’est assawoir des crouuées, desquelles il ce santé fort foullés et
mterressés 4 : car, en les servant, il font souvant leur grant dopmaige,
pour ce que aulcune fois il y fault aller a plus nécessaire de leur labour 5.
Néantmoins, il n’entande point du tout6 aboullir les dite crouuée ; mais
il prient que en cella on vueullent avoir ung gracieulx regairt, sans les
1.
2.
3.
4.
5.
6.

A soi.
Du verbe rencheoir, retomber.
Dignes qu’on les croie, dignes d’être crus.
Intéresser quelqu’un, lui faire du tort.
De leur travail.
Ils n’ont pas l’intention d’abolir entièrement les corvées.

528

1525. — LES XII ARTICLES DES BOURES OU RUSTAUDS

oprimer, et qu’il soient entretenus corne leur ancestre ont estez, cellon
la pairrolle de Dieu.
Item, pour le septiesme article, que, à l’advenir, leur seigneur leur
soient cordialle et débonaire : c’est assavoir qu’il ne les chairge ou
oppresse plus avent que le bon homme peult faire, cellon qu’il thient de
luy, affin qu’il peult faire son proffit. Par ainssy que, ce le seigneur avoit
affaire du bon homme, il fault et est bien raison qu’il luy obéissent avent
tout aultres : touteffois, que ce soit en tempts, heure et lieux opportun,
sans son préjudice ne dopmaige, et pour ung pris raisonnables.
Quant à l’huitiesme article, il allèguent qu’il y ait plusieurs héretaiges
qui sont tropt plus chairgiés de paier rentes, droictures et redoubvances
aux seigneurs qu’il ne waillent. Par quoy les povre gens y exposent et
consument le leur, et se y destruisent : car les terre ne peuwent souffisanment produire assés grains pour y satiffaire. Doncque requiert et
prie en chairiteit que yceulx seigneurs laissent visiter, jugier et modérer
à gens de bien les dit héretaiges, pour y lever et prandre levées raisonnauble, tellement que le bon homme ne perde sa labeur, paine et tra­
vail. Car, cellon Dieu, chacun ouvrier doit estre paiés de son loyer.
Paireillement, en ce temptz présant, et pour le IXe article, il ce santé
fort foullés de ce que l’on fait journellement nouveaux status, en pugnissant aulcunefïois plus par faveur ou par hayne, et plus cruellement les
ung que les aultres, ad cause de congnoissances ou de seigneurie. Par
quoy leur intencion est et seroit que, de ces jours en avant, on doit
pugnir cellon l’ancien tempts : c’est assavoir que l’on usa selon l’an­
cienne correction et pugnicion escripte, non point par vangeance ou
hayne.
Pour le Xe article, disent yceulx villaigeois que pairreillement ce
santé foullés touchant d’aulcuns seigneurs que, du passés, ont petit à
petit apropriés à eulx plusieurs husevigne 1 de ville, comme prey,
pacquin 2, pastural, et aultres terrez appartenant à la comunaulteit ;
et, par espaisse de tempts, les ont tenus et thiennent comme héretaige
paternelle. Par quoy il disent qu’il les vueullent ravoir, et qu’il retourne
en leur premier estre, sinon doncque que cellui seigneur les eust
heu achetés à la communaulteit. En tel cas, il prient à cellui qu’il
reprînt argent, et qu’il remette ycelle terre en la main de ceulx de qui
elle viengne.
En après, quant à l’onziesme et dernier articles, disent encor yceulx
borres qu’il est d’usaige, après la mort d’une homme ou d’une femme,
qu’il faut faire grant obsèque et grant despance : car chacun en prant,
et oste l’en les biens et tollist on aux povre vesves et orphelins, contre
droit et raison, en plusieurs sorte et manier. Par quoy il vueullent que
cecy n’ait plus de lieu.
Et, pour fmauble conclusion, disent, pour le XIIe, que, sy aulcuns des
1. Ce mot extraordinaire semble avoir le même sens que usuaire, « biens commu­
naux » (cf. aisances).
2. Pasquis. Ce mot désigne des terrains communaux, propres au pâturage, qui sont
en général situés à proximité des agglomérations.

1525.

— LES XII ARTICLES DES BOURES OU RUSTAUDS

529

articles cy devant desclairez n’estoient consonantes ou acordant à la
parolle de Dieu, laquelle chose ne présumons point, et que l’en puisse
dehuement moustrer et prouver, il c’en vueullent désister. Et meismement disent que, quant or on permettroit que yceulx articles eussent
lieu, et que pour le présent il fussent tenus pour bon, et puis que, à
l’advenir, il se trouva qu’ilz ne fussent licites ne couvenables, il doient
incontinant estre abollis et anichilés ; en réservant à eulx que, c’il
estoit trouvé en l’Escripture Saincte qu’il y eust aultres articles qui fût
contraire à aulcuns homme de Dieu et oppression de son prochain,
d’en faire et user selon bonne doctrine et chrestienne.
Et, par ainssy, aveis ouy l’acommencement et fondacion d’iceulx
bourre et rusticque, avec les articles et oppinion par eulx donnés. Les­
quelle à plusieurs ne samble pas tropt déraisonnauble : car, ajourd’uy,
tant à l’esperituallités comme à la temporallité, y ait tant d’abus, de
grant maingerie, de pillerie et laircin, au grant préjudice et dommaige
de mairchandie et du povre peuple, que c’est pitiet. Et en doit chacun
avoir compacion. Par quoy je croy que, ce les tirant et maingeur de
povre gens ne mette remeide en leur fait, Dieu, qui est tout clercvoyant,
luy metteray 1.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ;
CONTINUATION ET FIN DE LA GUERRE DES RUSTAUDS].

Item, en celle année et durant que ces chose se faisoient, c’est assavoir
le XIXe jour d’apvril, et dernier feste de Paicque, après les vespres,
se trouvairent plusieurs personnes devent la porte Champenoise soy
esbaitant et juant à plusieurs jeux, les ung à la grosse porte et les aultres
à la plaitte pier. Entre lesquelle y estoit ung bouchiez de Porte Muzelle,
nommés Jehan ; lequelle oit question et desbat à ung nommés Dediet
Bégoinne, ou aultrement dit Chaistellain de Paisse Temps. Et tellement
que cellui bouchier donnait au dit Dediet ung soufflet sur la jouue.
Et, daventaige, ce fussent fort entreprins, se n’eust estés ung josne jantilz homme à marier, des lignaiges de la cité, nommés seigneur Humbert
de Serrier, filz a seigneur Conraird de Serrier que fut, lequelle ce entremist de les apaisanter ; et tellement qu’il leur fist promettre de ne plus
ce hutiner. Mais, assés tost aprez, le bouchier, qui avoit le cuer groz
et amflés de l’injure que le dit Dediet luy avoit dit, racommensait à
noiser. Pour laquelle chose le dit seigneur Humbert ce couroussait, et luy
donnait cy grant palmée 2 qu’il l’envoiait par terre; et, de fait, mist la
main à ung verdum qu’i avoit au coustel, duquel, c’il eust plus dit mot,
l’en eust frappés. Mais là en présance y avoit ung aultre bouchiez, de
1. L’y mettra, mettra remède à cela.
2. Paumée, coup donné avec la paume de la main.

530

1525.

— MEURTRE COMMIS PAR UN SEIGNEUR DE METZ

la Viez Boucherie, nommés Collignon Matisse, dit le Piétons, qui c’en
voult meller. Et, entre aultres parolles, ait dit à celluy seigneur : « Sire,
pour Dieu !, apaisantés votre yre ; car, par Dieu, je veult bien que vous
sçaichiez que, ce plus vous le frappés, vous me frapperés ». Par quoy
le dit seigneur, oyant le mot, fut plus innimés et couroussés que devant.
Cy tirait de rechief le dit son verdum, duquelle il donnait d’estocquez
cy grant copt au coustés du ventre d’icelluy Piéton qu’il le trespairsait
tout oultre de pairt en pairt, tellement que la pointe luy pairoit plus
d ung piedz derrier le dol *1. Car le dit seigneur estoit fort homme, josne
et plain de feu, et estoit alors le plus grant, hault et eslevés qui fût en
toutte la cité ne en tout le païs ; et n’avoit pas encor XXII ans d’eaige.
Après ce copt fait et donnés, il rentrait en la cité et print en sa maison
ceu qu’il voult, puis montait à chevaulx, et bien viste c’en fuyt à Sainct
Mertin devent Mets. Et le dit bouchiez fut rapourtés chiez luy ; et ne
vesquit que jusque à la nuyt, qu’il morut.
Or fut le cas bien grant : car il laissait sa femme, bien désollée, avec
sincqz povre petit anffans orphelin. Cy fut le dit seigneur Humbert
huchiés sur la pier qu’il ce vînt escuser dedans septz nuyt, comme la
coustume est de faire en Mets. Touteffois, assés tost après, tant de gens
de biens ce entremirent de cest affaire qu’il traictairent la paix du dit
seigneur Humbert encontre de la femme, des amis et des anffans,
parmy certaine somme d’airgent qu’il leur fut donnés pour une fois,
avec plusieurs rantes de bledz et de vin annuelle, leur vie durant. Et,
encor, parmey que le dit seigneur fist faire le service, les obsecque et
obit a du trespassés, avec les trantaulx et annualz, du tout de ces
coustange, pour le remeyde de son âme. Paireillement, fut encor le dit
seigneur tenus de donner cens, ou les acquaister, pour la fondacion de
1 aniversaire du défuncgz b: qui fût perpétuelle à tousjour maix. Et, par
les condicion devent dicte, fut l’acort fait à la femme et a amis. Salve
1 intéraisse 2 de Justice : laquelle touttefîois fut traitée assés gracieuse­
ment, parmy certaine amende, et encor parmy ceu que le dit seigneur
fut tenus de jamaix ne rantrer en Mets jusques ad ce que luy meisme en
personne aroit estez à Romme et à Saint Jaicque de Campostelle en
Gallisse, pour l’âme du trespassés et pour la pénitance du dit seigneur.
Touttefîois, ce centant foullés de celle centance, il rapaillait a maistre
eschevin. Duquelle il fut dit que, pour les grant guerres qui alors régnoient et pour les dangier qui estoient, le dit seigneur y pouuoit envoier
aultres en lieu de luy, parmy qu’il rapourtait bonne certificacion d’avoir
acompley le dit voyaige. Par quoy apert la bonne justice qui ce fait en la
cité, et ce moustre bien que l’on n’espairgne grans ne petit.
Tantost après, et en ces meisme jours, aultres nouvelles vinrent à
messeigneurs de la Justice. Car il fut dit, tant de messeigneurs de l’Église
a.
b,
1.
2,

Ms. : abit.
Ms. : defucgz,
La pointe apparaissait (paroit) plus d’un pied derrière le dos.
Intérêt, « préjudice ». Philippe semble employer le mot au féminin.

1525. — GUERRE DES BOURES OU RUSTAUDS

531

comme d’aultres, que alors y avoit en la cité plusieurs luthériens, tenant
la loy Mertin Luthère ; et que, entre les aultrez, il en y avoit environ
sincqz cenc d’une aliance, lesquelles avoient délibérés de tuer tous les
prebstres à la porcession le jour de la saint Mairquez. Et vinrent ces
nouvelles par l’ung d’iceulx alliés, lequelle, ayant contriction et desplai­
sance de la promesse, c’en confessait et relatas le cas à aultres person­
nages de grant lieu. Meismement a furent ces nouvelle dictes et contées
à messeigneurs de chaipitre de la Grant Église ; lesqueulx en furent
devers messeigneurs de la Justice, pour sçavoir qu’il en estoit de faire.
Or, pour ces chose et plusieurs aultres, fut grant murmure en la cité ;
et ne pairloit on d’aultres chose. Par quoy tous les chainoignes anthièrement, et aultres gens d’Esglise, avoient alors tel peur qu’il ne ce osoient
trouver en plaice. Le Conseille fut mis ensamble pour cest affaire,
affin que provision y fût mise. Sy fut déterminés de mander tous les
eschevins d’esglise. Laquelle choses fut faictes, et, eulx venus, leur fut
remonstrés le cas. Et, avec ce, leur fut ordonnés que, le dimenche aprez,
jour du kasimodo, XXIIIe jour d’apvril, et jour saint George, chacun
en sa paroiche dissent au peuple qu’il ce tinsent devent leur église, pour
ouyr ceu que Justice leur mandoit. Et alors fut donnés au dit eschevins,
pour chacune paroiche, une cédulle pour leur lire ; laquelle contenoit
comment messeigneurs de la Justice et du Conseille ordonnoient et
expressément commendoient à tous chacuns que nulz ne nulles ne
woulcissent croire ne tenir aultrez loy que celle que nous prédécesseur
ont tenus, jusques que provision y fût mise, fût par le saint concilie,
ou aultrement. Pour laquelle chose ainssy faictes grant murmure fut
par tout en la cité entre le peuple. Et tellement que, ce les prebstres
avoient estés en grant doubte et crainte, encor le furent il plus. Par quoy,
le jour venus de la saint Maircquez, bonne gairde fut mise aux portes et
sus les champs, de gens bien armés ; et paireillement par tout sur la
muraille. Et, avec ceu, furent les seigneurs à celle procession bien armés
de maille a la couvertes et bien ambâtonnés, car il doubtoient de leur
personne. Meismement furent tous montés et armés les soldoieur et
verlet d’hostel. Et fut ordonnés de faire l’eschairgaitte de nuyt sur la
muraille. Aussy, à ce jour saint Maircquez, par l’ordonnance de Justice,
furent mis hault sus chacune portes plusieurs compaignons bien armés
et am point, avec les gairde acoustumée, jusques la porcession fut
faicte. Car, alors, l’on ce doubtoit trefïort en la cité, tant pour ycelle
mutinerie et alliances ainssy faicte comme pour ce que nouvelle certaine
fut apourtée comment yceulx borres et villaigeois, à grant puissance,
aproichient de nous. Et avoient desjay prins Sainte Ypollite sur le duc
de Loraine.
Et, qu’il soit vray, affin d’y résyster, fist le duc faire son armée et
assambler tous ces gens et alliés de tous coustés. Et, 1 airmée faictes,
furent de prime faisse envoiés devers Dyeuse pour defïandre la contrée.
Puis ce ramforsait de gens qui luy vinrent en ayde, à grosse puissance :
a. Ms. : meisment.

532

1525. — GUERRE DES BOURES OU RUSTAUDS

car monsseigneur de Guise, son frère, amenait grant compaignie de
François et de Lumbair. Paireillement, du païs de Gueildre luy vint
grant ayde. Aussy y envoiait l’airchevesque de Triève force gens de
son païs. Avec lesqueulx il repoursait yceulx bourres et villaigeois jusquez tout dedans Salvairne, qui apairthient à monsseigneur l’évesque
de Stracbourgz. Et y estoit le duc avec ces frères en propre personne.
Aultrement, c’il n’y fust estés, l’on voulloit dire que tout le païs de
Woulge, ou la plus pairt, ce fussent tournés devers yceulx bourres et
fussent esteit de leur alliance : car il leur sambloit que leur articles et
oppinion estoient raisonnables, et qu’il estoient souvant tailliés, maingiés et rongiés sans cause, par quoy à poc d’ocasion ce fussent tournés.
Paireillement, yceulx bourres ce faisoient amés de tous ceulx par où
il paissoient, pour plusieurs raison. Premiers, il avoient en eulx cy grant
discrécion qu’il ce fussent avent détournés d’une lieue que par eulx
eust estés gaistés ung champs de bleidz ny aultres semence. Il ne
pernoient rien de personnes sans paier, fore que sur l’Église, espéciallement sur les abbaye malz réformée : car à ceulx là menoient la guerre, et
pernoient la plus pairt de leur biens pour ce nourrir, et pour en despairtir au povre indigent du païs meisme qui n’en avoient point, et ne
laissoient à yceulx moine et gras abbé que cella qui estoit de nécessité
pour les nourir, disant que yceulx biens estoient les biens des povres,
et que telz gens ne dévoient avoir que leur vivre et leur vestir, tout
simplement. Et, c’il veoient qu’il fussent tropt de moine en ung couvant
malz réformés, et qu’il en y eust ung tas dez malz condicionés, qui ne
servisent que d’empêchiez i le lieu, il les espulsoient et boutoient dehors.
Il avoient encor une aultres manier de faire de quoy il ce faisoient amer :
car, tout mairchant et tout passant, il ne leur ostoient rien du leur, c’il
n’estoient de guerre. Et, avec ce, les conduisoient, c’il en avoient besoing. Et, daventaiges, deffandoient à tout merchant et aultres de paier
passe port, pont, ne passaige, ny aultres malletoute ne gabelle, sinon
qu’il fût deheu cellon Dieu et raison, et que ce fût pour l’antretenement
des pont, de la chaussée, de la muraille, ou pour la deffance et gairde
des dit port et passaige, et non point pour le plaisir du seigneur, comme
aujourd’ui ce fait en moult de lieux ; et, ce on faisoit paier à aulcuns par
force, et il retournoit vers eulx, il l’en deffandoient. Il portoient ung
crucifix paint en leur banier, comme dit est devent, avec Notre Damme
et sainct Jehan d’ung des cousteis, et, de l’aultre pairtie, estoit l’aigle
de l’ampire en pointure, et, dessoubz ycelle, en manier d’une strichouse.
On dit que tous ceulx qui estoient de leur alliance, et que point n’alloient
a champs, estoient tenus de chacun jour paier ung denier pour les aydier
à entretenir. C’il est vray que leur fait ensuissent leur parolles, et que
la fin soit telle comme il ce moustre à l’acommencement, il n’y aroit
que bien.
Mais, pour ces choses et plusieurs aultres, l’on ce doubtoit trefïort en
Mets. Et faisoit on grant gait de nuyt et de jour, tant aux portes que
1. Empeschier, encombrer inutilement.

1525.

— DÉFAITE ET MASSACRE DES BOURES

533

sur la muraille : car, de chacun mestiet, couvenoit avoir toutte les nuyt
deux hommes en leur tour, avec le bombardiez, oultre les gairde acoustumée et ordinaire. Et meismement, touttes les nuyt et de jour, estoient
aux portes aulcuns collevrenier ordonnés, et tout armes, avec les
baixe gairde. Car alors, pour tant de mutinerie et sourde nouvelles, les
seigneurs et recteurs de la cité n’estoient pas tropt assurés. Et, aussy,
n’alloient les aulcuns guerre souvant sans estre aulcunement armés à la
coverte.
Item, tant de diverse nouvelle courroient en ces jours que yceulx
seigneurs et gouverneurs de la cité firent mender devent eulx plusieurs
personnaige, et de diverse estât, pour le fait de la luthérerie, pour ce que
on voulloit dire qu’il c’en melloient. A ung fut pairlés d’une sorte, et,
aux aultres, d une aultre, et non point tout en ung jour. Dieu y messe sa
graice !
Car, alors, la cité estoit cy triboullée que l’on ne sçavoit aquel entandre, pour ce que en celluy tempts plusieurs gens tenoient de diverse
oppinion. Espéciallemant pour yceulx borre devent dit : car aulcuns
estoient qui louuoient leur articles, et d’aultres les desprisoient ; i’ung
tenoit le pairtit de France, l’aultre de Bourgongne ; par quoy souvant
venoit desbat entre frères et amis I’ung l’aultres. Gomme, en ces jours,
il advint de deulx soldoieurs de la cité, et vray compaignon d’airme, qui
ne pouuoient I’ung sans l’aultre, I’ung nommés Maithisse, et l’aultre
Mertin Bousement. Ces deux ycy, le XIIIIe jour de maye, avoient
souppés ensamble. Et, en devisant d’yceulx bourres et luthériens, vin­
rent à antrer en pairrolle rigoureuse, en fasson telle que, aprez les
pairrolles, vinrent à desgueyner. Et ce blaissairent très bien de leur
espée, I’ung en la teste et l’aultre au brais. Puis c’en sont fouys en
franchise. Et vellà comment à cest heure le monde chancelle et branle
de tout coustés. Dieu y pourvoie et y messe sa graice ! Amen.
Or, pour vous dire et desclairer quelle fut la fin d’iceulx bourre, vous
avés par cy devent ouy la grant assamblée que le duc Anthonne, alors
régnant en Bar et en Loraine, avoit fait pour résister à celle nacion de
gens. Car il craindoit fort, pour plusieurs raison ; espéciallement pour
ce que on disoit que l’on avoit trouvés, ez bahus du roy devent Pavie,
aulcune lettrez de luy et de monsseigneur le cardinal, son frères, auquelles estoit contenus qu’il avoient grandement esté contre l’ampereur et
ces aydans. Par quoy, pour cez chose, et aussy pour soubtenir la Foy,
craindant qu’il n’eust une eschaiquez, fist mairchier son armée. Et
tellement que, le XVIe jour du moix de maye, vigille saint Ambroise,
environ lez quaitre heure aprez midi, sont arivés devent ung bon villaige,
distant de la bonne ville de Salverne à demey lieue,auqueulx une grosse
bande d’iceulx bourre, environ de quaitre ou sincqz mil, c’estoient fortilïïés. Et tellement y ont besoingniés que, aprez plusieurs copt donnés
et ressus, furent prins, mors et destranchiez ; et bien peu en y oit qui en
eschappairent.
Par quoy la grosse bande, qui estoient retirés et lougiés dedans la

534

1525.

— DÉFAITE ET MASSACRE DES BOURES

bonne ville de Salverne, ont requis à pairlamenter. En sorte que, par
composicion, il c’en dévoient au londemain, jour saint Ambroise et
XVIIe jour du dit moix, tous en aller dehors, chacun ung blan batton
en la main, en laissant airme et chevaulx. Mais, pour ce que ung secret
messagier d’iceulx bourre fut rancontrés, comme on disoit, avec une
lettre qu’il pourtoit à d’aultre de leur gens, demandant ayde, par
quoy, pour ces chose, voyant qu’il enfraindoient leur saulconduit, la
foy promise ne leur fut pas tenue. Car, en sortissant, et qu’il estoient
par les champs en plusieurs bande, cen ce deffandre, ont estés assaillis,
et inhumainement tués et occis. Car, ainssy comme il estoient espars
par les chemin, par deux cenc, par sincquez cent ou par millier, sans
bâtons de défiance et cen soy gairder, corne on disoit, et cuidant estre
bien essurés, furent assaillis de monsseigneur de Guise, frère a noble duc
Anthonne, avec ces adventurier françois, acompaigniés de plusieurs
Allemans et Gallerois. Et tout premier en fut secrètement envoiés une
grosse bande, qui ont gaingniés la portes, affin que yceulx bourre ne ce
puissent secourir l’ung l’autre. Et tellement les ont espédiés, tant dedans
la ville que dehors, qu’il en demourait pour ce jour, des mors, en nombre
de XV à XVI mil. De quoy ce fut une moult grant pitiet. Et, qui pis est,
fut toutte celle bonne ville, qui estoit lors riche et comble de bien,
pillées, desrobée et destruitte, avec pairtie des hommes et des femmes et
anffans tués et murtris. De quoy aulcuns disoient que c’estoit au
Lourains grant laichetés : mais il ce escusoient, disant que yceulx bourre,
comme dit est, voulloient anfraindre leur saulconduit.
Au londemains, ce pairtit l’airmée pour aller assaillir une aultre grant
bande d’iceulx bourre, environ de quaitre à sincq mil, qui c’estoient
fortifïiés en une aultre bonne ville, nommee Chaitene, distant de la dite
Salverne à six lieue. Lesqueulx ce deffandirent vaillanment, et tellement
ont batailliés que, des Lorains, François et Gaillerois, en ont plusieurs
dez tués et gectés sur les cairriaulx. Mais, à la fin, ne pourent durer ;
ains furent la plus pairt prins et mis à mort. Et fut estimés pour vray
que, en celluy piteulx murtre qui fut fait és journée devent dites, le
nombre fut de plus de XXV mil, tant de l’ung des cousté que de l’aultre.
Dont ce fut pitiet et dopmaige. Dieu pairdoint au trespassés !
Deux jour après, y fut envoiez l’ung des soldoieur de la cité, nommés
Hallebrande, pour en sçavoir les nouvelle a vray : car il estoit du païs.
Et cuidoit passer parmy la ville de Salverne : mais, pour la puanteur des
corps mors, que nulle ne mettoit en terre, il retournait arrier. Car
c’estoit la plus grant pitiet que jamaix homme vît à veoir le lieu, et une
grant cruaultés à regairder. Meismement, en celle tant inhumaine
tuerie, furent plusieurs femme assomées et murtrie en deffandant leur
marit ; par quoy plusieurs petit anffans furent trouvés mors de fain au
bairciaulx, pour ce que nulle ne leur donnoit a maingiez, ne n estoient
alaictés : car possible que les merre estoient tuées, ou fugitive et espandue
désollée par les bois et par les champs. Et tellement que la désollacion
y fut cy grande que nulz ne ce oisoit trouver en plaice. Et demouroient
les maison de cest bonne ville, avec plusieurs villaige, une espaisse de

1525. — JOURNÉE TENUE A HAGUËNAU

535

tempts causy cen gens ne beste. Car lez piétons, espéciallement
les Allemans, avoient tout chairgier les bien, tant en meuble
comme aultrement ; et furent menés en diverse lieu et en plusieurs
pais.
Celle grant tuerie et cellui murtre avoit dez moult loing tempts devent
estés pronosticquée, avec la prinse du roy. Car, en celluy tempts, fut
trouvées une ancienne prophésie, faicte d’ancienetés par aulcuns grant
docteurs d’Allemaigne, laquelle disoit et moult amplement desclairoit
comment, en l’an mil Ve et XXV, ung roy de France devoit estre prins
et détenus prisonnier par le moyens de cez propre gens et soubgiès, et
que, sus les mairche du païs d’Aulsay, devoit estre fait une grosse ba­
taille, en laquelle seroit faicte grant tuerie et ung groz murtre. Et
plusieurs aultre chose desclairoit celle prophésie, desquelle à présant
l’on veoit les espérience, tant en la disposicion du temps comme aultre­
ment.
Environ trois semaigne après celluy grant murtre fait, yceulx Fran­
çois et Gallerois, qui avoient aydés au duc Anthonne, ce tinrent à
Saint Nicollas, à Nency et là entour. Puis ce defïirent les armée, et
retournait arrier chacun en son lieu.
Entre lesquelles estoient retournés en Mets plusieurs compaignons,
de diverse mestiet, qui avoient estés à celle tuerie, et avoient pilliés
avec les aultres. Par quoy, pour cest affaire, en fut le Conseille de la
cité mis ensamble. Et tellement que, le merdi, seconde feste de Panthecouste et sixiesme jour de jung, fut ordonnés et commendés à tous les
dessus dit que, dedans le lundemain, à huit heure du mattin, il wuidassant de la cité, sur paine de mesprandre. Duquelle commendement
se santant foullés, ce trouvairent au lundemain tous ensamble devent
l’Église. Et, par conseille, il furent en justice demender graice. Laquelle
leur fut donnée de seullement demourer jusques à dix heure : car,
quelquez chose qu’il sceussent aléguer, il les en covint wuidier.
Aussy, durans ces jours, pour la victoire devent dicte, furent fait de
grant feu de joye par tout le païs de Bar et de Loraine.
Tantost aprez, fut pour cest affaire tenue une grosse journée à Haugenowe, en Allemaigne, par plusieurs prince et seigneurs, tant spirituel
comme temporel, avec plusieurs ville et cité. Et y furent envoyés de
pairt le Conseille de la cité de Mets le seigneur Régnault le Gournay,
fîlz au seigneur Françoy le Gournay, chevalier, que fut, et le seigneur
Phelippe de Raigecourt, avec maistre Jehan, le docteur, pancionaire
de la cité, et Mertin, clerc des Septz de la guerre, avec plusieurs aultres
en leur compagnie. Et retournirent en Mets le jour de la saint Jehan
Baptiste, XXIIIIe jour de jung. Et tantost aprez, en ensuivant les
alliance faicte à la devent dicte Haugnenowe, furent envoyés dix souldoieur de la cité dehors, bien acoustrés et bien am point, pour ce joindre
avec les aultres. Et, en ces meisme jours, vinrent novelle que lez prince
et seigneurs d’Allemaigne avoient deffait et nus à mort une aultrez
grande et merveilleuse bande d’iceulx bourre, qui c’estoient de rechief
assamblés és Allemaigne, en tirant à Francquefort. Car yceulx princes,

536

1525.

— DISPOSITION DU TEMPS

avec plusieurs cités, c’estoient tous alliés ensamble pour résister à celle
nacion.
En cest présante année, durans les Rogacion, fut par l’ordonnance
de messeigneurs de Justice et du Conseille fait en Mets ceu que jamaix
ne c’estoit plus fait : car, le lundi, que on vait sur le mont Saint Quaintin,
et le maicredi, que on vait à Bloreu, à yceulx jours furent elleus sincqz
cent compaignons, bien armés et am point, pour gairder la poursacion.
Et à chacun fut bailliez ung gros de Mets pour aller boire. Qui fut tenus
pour grant novelleté.

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ;
EXÉCUTION A METZ D’UN LUTHÉRIEN SACRILÈGE].

La disposicion du tempts de cest année mil Ve et XXV fut la mieulx
complectionnée que de loing tempts devent oit point estés pour tous les
biens de terre, sans en nul réservés. Le souverains Créateur en soit
bénit et louués ! Car, depuis son acommencement, il fist tousjours
tempts au souhet. Et fut l’année fort estrampée et par tens i : tellement
que, durant les Rogacions, c’on dit les Grant Crois, l’on vandoit desjay
du groz vergeus devent la Grant Église. Et pairreillement, devent qu’il
fût le jour sainct Jehan, on avoit des poire et des prune à grant plantés ;
et avoit on encor en ce temps des frèze à voulluntés. Item, on avoit
desjay tous faulchiez et fenés la plus grant part des prey. Et avoit on
desjay cilliet en aulcuns lieu, et mangiez du nouviaulx bledz, espéciallement du soille, et à grant plantés. Et, ad cause que les vigne
n’estoient encor pas toutte relevées, l’on amenait du nouviaulx xoul 12
en Mets d’icelluy bledz. Laquelle chose fut à plusieurs grant amiracion
et grant nouvelletés : car peu souvent avient de veoir relevés les vigne
de nouviaulx estrain de la meisme année. Et estoit lors le plus biaulx
xoul, loing, et jalne comme sire, que jamais je vis amenés. Meysmement
furent toutte aultre chose en cest année fort naturelle.
Mais, en laissant cest matier, me couvient d’aultre chose pairler.
Et, premier, vous veult dire et conter comment en ce meisme tempts,
en la cité de Strasbourgz, furent de l’érésie Mertin Luthère tous infectés.
Car, en mesprisant les commendement de Nostre Mère Sainte Église et
les institucions des saint concilie, ne firent en cest année quelque mencion de la Feste Dieu, que nous appelions le Sainct Sacrement de l’aultel.
Meysmement, la plus pairt des hommes et femmes mengeoient de la
chair tout publicquement en karesme. Et ne faisoient point d’estime
de ce confesser. Et plusieurs aultres chose faisoient, desquelles je me
despourte d’en plus pairler.
1. Fort tempérée et hâtive.
2. Glui, paille de seigle dont on fait des liens. — On remarquera que le mot blé désigne
ici les céréales en général, et non le froment.

1525.

— PROGRÈS DE L’HÉRÉSIE LUTHÉRIENNE

537

Item, en celluy tempts, environ la saint Barnabé, XIe jour de jung,
retournait ung moult biaulx jonne chainoigne du Grant Moustiet en
Mets, nommés maistre Fier, duquelle en aultre lieu ycy aprez je pairlerés. Et amenait ung grant docteur, et parfon en science, avec luy,
nommés maistre Guillaume, qui tenoit la loy Luthère ; et, avec eulx,
ung messaigier d’Allemaigne. Et demendoit alors celluy maistre Pier
à estre ouy en justice devent messeigneurs les Trèses jurés : mais on ne
le voult acouster. Par quoy il en appellait au seigneur maistre eschevin ;
et crioit tous les jours aprez luy, afïin qu’il le voulcist déterminés. Mais
son cas fut mis à nonchailloir, et fut pandue sa plainte a crocquez.
Et, avec ceu, fut le dit maistre Pier et ces consors en grant dangiers
d’estre prins au corps. Par quoy luy, craindant les dangiers, avec ces
compaignons, ung peu devent la saint Jehan, bien vistement c’en sont
pairtis de Mets à cheval, hairent 1 toutte la nuyt de peur d’estre happé.
Item, assés tost après, furent mandée en justice plusieurs bourgeoise
de la cité, lesquelles estoient nottée de faire congrégacion ensamble
d’icelle cepte 2 Mertin Luthère. Et estoit nouvelle qu’elle ce disoient
estre évengélienne, en tenant et lisant les livres des Évangille ; auquelle
elle donnoient une glose toutte à leur guise et plaisir, en desprisant
toutte aultres institucions et ordonnance de Notre Merre Sainte
Église ; et plusieurs aultrez arrours 3 tenoient, qui seroient loing à
raconter. Par quoy, pour ces chose, furent interrouguéez en plusieurs
manier, aus une d’une sorte, et aus aultres, d’une aultres. Aulcune
furent appellée abesse de leur religions, et les aultre prieuse ou dissiple.
Et tellement furent ravailléez, en plaine auditoire, que chacun les en
mocquoit. Touteffois, aprez que l’on leur eust remonstrés leur faulte,
l’on les en laissait aller.
En ces meisme jour, le mairdi XXe jour de jung, à .Nencey, fut
dégradés ung josne religieulx tenant l’érésie du dit Luthère. Mais, pour
ce qu’il vint à vraye congnoissance, et qu’il ce repantoit treffort, il ne
fut pas brûllé : ains fut mis d’une pairt, c’on ne soit qu’il devint. —
Puis, au lundemain, XXIe jour du dit mois, fut au dit lieu de Nencey
brûllés le prebstre de Sainte Ypollite pour ce meisme fait : car il tenoit
la loy Lutherre, et c’estoit mariés. Et ne c’en voult jamais repantir :
ains morut fermement, et corne tout en riant, tenant son errour. Et
estoit ung biaulx homme entre mil.
Plusieurs aultres advenue advindrent en celluy tempz, tant par fait
de guerre comme aultrement. Entre lesquelles, en ces meisme jours,
aulcuns François, par cautelle et subtillités, avec l’ayde d’ung serviteur
lequelle ce tenoit mal paiez de son maistre, prinrent par amblée le fort
chastiaulx de Chaivencey. Mais il ne le tinrent que environ trois semaigne ou ung moix ; que ceulx de la duchié de Lucembourgz, avec la
prévosté de Thionville, ce mirent en airme, et, avec bonne artillerie,
1. Errant, marchant.
2. Secte.
3. Erreurs.

538

1525. — l’hérésie luthérienne se répand a metz

ce sont partis en intencion de assegier la dite plaice. Par quoy yceulx
François, saichant le secours estre bien loing pour eulx, et la plaice mal
fornie de vivre, envoiairent au devent leur trompette, et ce randirent
leur corps et baigue salve.
Tantost après, c’est assavoir le dit ans, le jour de la Division des
Apoustre, XVe jour de juillet, ung Albanès, qui de loing tempts estoit
au gaige de la cité, estoit allés boire chiez l’oste du bourgz Sainct
Jullien. Et à celle heure vint là ariver ung josne homme mariés, luy et
sa femme, qui estoit filz à Groz Lambert, le cordonnier, de sur le pont
à Saille. Et, comme par manier de jeu et en fiabletés 1, cellui josne
compaignon mist la mains à ung hault chappiaulx que cellui Albanois
portoit, disant : « George, mon amis, vous avés bien chault », et levait
quelque peu en hault cellui chappiaulx. Laquelle chose le dit Albanès
print en malle pairt, et, cen aultre occasion, luy donnait de son espée
tout au travers du ventre, et le tuait tout roide. Puis c’en fuyt. Par
quoy il fut huchiez sur la pier, corne la coustume est en Mets. Et, les
sept nuyt passée, il fut banis ; et furent ces bien vandus devent l’Église.
En ce meysme temps, la cité de Strasbourgz, de laquelle je vous ait
jay pairlés ycy devent, estoit desjay tellement infectée de celle cepte
luthérienne qu’il n’y avoit pas, de dix personne, l’une qui tenist la
vraye Foy de Nostre Merre Sainte Église. Car publicquement il mengeoient de la chair és jours proybés et deffandus ; meismement, il ne
jûnnoient jour, ne ne commendoient à jeûner. Il ostairent les ymaige
de dessus les autel, disant que, de ces choses, c’estoient tous abus.
Paireillement, ont ostés lez rante et revenues a prebstres. Et ne ce
voulloient confesser à aultres sinon à Dieu, disant qu’il nous abusent.
Et furent plusieurs aultrez bonne ville et villaige qui les en ensuyvoient.
Tellement que, meismement en jusques tout dedans la cité de Mets,
en y avoit plusieurs, hommes et femmes, infectez de celle cepte. Entre
lesqueulx, en celluy tempz, vint à morir ung homme dez lignaige,
et excersant office de la cité, lequelle, à la mort, ne ce voult jamaix
confesser à bouche de prebstre : par quoy il fut nottés qu’il tenoit aucu­
nement de celle cepte, car sa damme, mère à sa femme, en estoit tenue
pour l’une des souveraine. Et ne pairloit on causy d’aultre chose en
Mets que d’icelle luthérerie. Et tenoient les ung aulcunement la bande,
et lez aultrez non. Et tellement que, pour cestuy fait, en furent plusieurs
prebstres mis en prison en la Court l’Évesque, et de grant clerc. Entre
lesquelles y fut mis maistre Jehan Rougiers, alors curé de Sainte Croix.
Paireillement y fut mis et longuement détenus le curé de Saint Gergonne, lequelle estoit ung biaulx josne homme, et le droy compaignon
maistre Pier le chainongne : car il avoient en ce tempts estés à l’estude
ensemble. Et en fut le dit maistre Pier alors deschaissiez de la Grant
Église de Mets, et luy furent ostés tous ces bénéfice, par la manier que
1. Fiableté, confiance ; en fiableté, sans se méfier de rien.

1525.

— SACRILÈGE COMMIS A METZ PAR UN LUTHÉRIEN

539

vous oyrés. Il est vray que, on gray temptz devent, quant il retournait
des estude, requit en plain chapitre à ces compaingnons chaignoigne
d’avoir lieu de preschier tous lez jours la karesme durant : ceu qu’il ne
voulrent permettre, ains en firent une mocquerie. Et ainssy, en celluy
tempts, estoit le monde triboullés en plusieurs fasson et manier.
Or avint que, durant cez entrefaicte, plusieurs tenant celle cepte de
luthérerie ce trovoient souvant ensamble. Entre lesquelle, ung jour,
c’est assavoir par ung dimanche XXIIIe jour de juillet, sur le tairt, ce
trouvaient a simitier de Saint Loys hors de la ville (aquelle y ait plu­
sieurs et innumérable corps humains encevellis, et plusieurs épitaffle)
trois compaignons, desquelles l’ung estoit gairdeur *1 de laine, naitif
de la cité de a Miaulx en Brye, nommés Jehan Le Clercquez, et les deux
aultres de la cité : l’ung estoit clerc du Pallas et recepvoir de Sainte
Glossine, nommés Piéron Guéraird, et le thier, nommés Jaicque, estoit
libraire et imprimeur de livre. Ces trois compaingnons ycy, en passant
parmey celluy cimetier, firent ung grant délis. Car celluy Jehan Le
Clerc,qui mairchoit dairier, print l’os de la jambe d’ung mors, et d’icellui,
sans aultre occasion, vint à une belle armaire ou taubernaicle, en laquelle
estoit l’ymaige de la Vierge Marie tenant son anffans entre ces bras
(et devent elle estoit la statue et présance 2 d’ung chainongne de la
Grant Église de Mets, de Notre Lame la Reonde, prévost et chainoigne
de Saint Salvour et curé de Saint Laidre, nommés seigneur Pier Roussel,
qui estoit extrait dez noble paraige de la cité), et, d’icelluy os, rompit
le dit Jehan le nef3, avec la corroigne, d’ycelle ymaige Nostre Damme.
Puis, après, de certains mallice, rompit tout jus la teste au petit Dieu.
Et, aprez ceu fait, non comptent, rompit tout jeus la teste d’icelluy
chainnongne, avec lez deux mains tenant ung livre : laquelle statue
estoit moult bien faicte ; et estoit prosternés à deux genoulx devent la
Vierge. Et, cella fait, print le dit Jehan touttes ycelle piesse et les ruait
en la grant fosse, en laquelle y ait plusieurs ossement des trespassés.
En après, mairchait plus oultre, jusques en l’androit d’une belle
chaippelle, en laquelle y ait ung autel, devent lequelle gisant aulcuns
noble seigneur des lignaige de la cité. Et, par aulcune pairrolle que luy
dit le dit Piéron, comme je dirés ycy aprez, celluy Jehan Le Clerc,
non comptent de ceu qu’il avoit fait, montait à deux piedz dessus l’aultel, et print ung viez saint Fiaicre de boix, et d’icellui donnait ung cy
grant copt contre la teste de l’imaige du petit anffans Jhésus; que la
Vierge tenoit entre ces bras, qu’il luy fîst voiler à terre ; et, du copt,
rompit le bras à celle ymaige de bois. Et estoient cez deux ymaige ycy
de Notre Damme aussy bien faicte qu’il en y eust point en Mets ; aussy
estoit le priant, avec le tabernaicle de pier (et est celluy tabernaicle
essus dedans le mur, du cousté du chemin, et l’aultel est de l’aultre
a. Afs. : de de.
1. Cardeur.
2. Présence, « cénotaphe ». Le mot est encore vivant dans le français dialectal de
Metz avec cette valeur.
3. Le nez.

540

1525. — ARRESTATION DU LUTHÉRIEN SACRILÈGE

pairtie, devers Notre Damme aux Champs). Puis, aprez ceu fait, c’en
sont allés leur voye, en tournoiant par là entour jusquez au souppez.
Or, quant ce vint au lundemain, du matin, qui fut lundi et XXIIIIe
jour du dit moix de juillet, vigille de la saint Jaicque et saint Cristoffle,
après ceu que l’airmite d’icelle église fut levés, en ce pourmenant par le
cimitier de léans, fut tout esmervilliés et esbahis quant il trouvait et vit
ycelle ymaiges ainssy desrompue. Alors levait le bruit, et en coururent
incontinant lez pairrollez de l’ung en l’aultre, tant qu’elle vinrent jusques aux oreille de messeigneurs de justice, léqueulx firent incontinant
enqueste du fait. Et, pour ce que, le jour devent, sur le tairt, avoient
par aulcuns estés veu les trois gallans devent dit soy pourmenant là
entour, il furent suspect ; et aussy pour ce qu’il estoient nottés de la
luthérerie. Par quoy l’on fist sairchier aprez eulx de toutte pairts. Et
fut trouvés le dit Jehan Le Clerc, avec Jaicquez, qui c’en cuidoient
fouuir ; cy furent prins, et menés en l’ostel de la ville. Mais Piéron
Guéraird fut advertis, et c’en fuyt le chemin de Thionville (en laquelle
il ne polt antrer dedans, et, en c’en retournant, fut rencontrés dez
Mairangiens, desqueulx il fut prins, détenus et menés prisonnier à
Mairange). Et dès incontinant celluy Jehan Le Clerc congneust son cas,
disant que l’on laissait aller le dit Jaicquez, et que luy meisme, sans
aultres, avoit fait le cas. Et il luy fut demendés pourquoy il l’avoit
fait : il dit « pour son plaisir ». Pour laquelle confession il furent dès
tantost menés on Pallas. Et courrait le bruit que dès tantost le jeudi
ensuivant on en devoit faire l’esécucion.
Toutteffois l’on n’en fit rien. Car novelle vinrent comment le dit
Piéron estoit prins dez compaignons piétons de Mairange et menés
prisonnier en ycelle, comme dit est devent. Par quoy fut dilatés à faire
justice jusques au samedi aprez, pour tousjours mieulx sçavoir et
enquérir qui estoient ceulx et celles en Mets qui tenoient de celle cepte.
Et fut envoiés aulcuns soldoieur à Mairenge, cuidant ravoir le dit
Piéron. Mais il ont respondus qu’il n’oseroient le livrer sans licence
du prévost de Thionville ; et celluy prévost dit qu’il ne l’oseroit livrer
cen le Conseille de Lucembourg. Et fut le dit Piéron menés à Thion­
ville et, là, détenus prisonniers.
Alors, le samedi venus, plusieurs personne et gens de toutte pairt se
trouvairent à la cité pour veoir faire celle tant cruelle justice : car le
bruit en courait desjay de tous coustés ; par quoy il c’y trouvait
innumérable peuple, tant de ceulx de la cité comme de dehors. Car,
pour plusieurs raison, chacun désirait à veoir et à ouyr, pour ce que
c’estoit ung cas noviaulx, et une novelle justice non acoustumées de
veoir. Et, avec ceu, elle ce faisoit dedans la cité, toutte a meylieu du
Champs Paissaille, ce que l’on ne vit jamais plus 1. Oultre plus, le bruit
corroit, comme vray estoit, que celluy Jehan Le Clerc estoit le plus
biaulx languaigier et le mieulx essurés en pairrolles que l’on sceust
trouver. En après, fut en celle justice faisant plusieurs chose faicte
1. Ce que l’on n’avait jamais vu.

1525. — EXÉCUTION DU LUTHÉRIEN SACRILÈGE

541

que jamaix on [n’Javoit fait, tant és souldoieurs de la cité, avec les
collevreniers,qui furent à ce jours,par le commendementde leur maistre,
présant, tout airmés et montés, pour gairder le champs (car l’on ce
doubtoit treffort, ad cause qu’il estoit bruit, comme vray estoit, que
aulcuns des grans de la cité estoient infectés de celle cepte et erreus
mauldicte).
Or, le jour venus, qui fut celluy samedi XXIXe jour de juillet, à
l’heure de dix heure du matin, fut la brouette toutte preste a, cuidant
mener celluy Jehan a pilloris jusques à deux heure aprez midi, comme la
coustume est en Mets. Mais, pour plusieurs raison, il fut advisés que
l’on n’en ferait riens. Car, comme dit est devent, il estoit merveilleuse­
ment bien enlangaigiés, et, avec ceu, estoit bon clerc, et bien résollus et
essurés. Par quoy il eust preschiez chose que l’on n’eust pas voullus
ouyr ; et possible en eust couvertis plusieurs à son erreurs : car, luy
estant on Pallas, devent ces juges, il n’y avoit religieulx ne clerc qui le
peult abaitre de pairrolle, ains par son arguement les faisoit tous rehus
et confus. Et pour cella fut dillatés jusques à deux heures, qu’il fut mis
sur la brouuatte et traynés a lieu devent dit. Et, luy venus, cen de rien
estre esbaihis, tout en biaulx pourpoint, avec une belle chausse bandée
d’ung fin rouge, montait en hault dessus le hors *1 (lequelle estoit fait
d’une novelle fasson : car, affln que chacun le vît, il fut mis et loyés avec
une grosse chaîne en l’encontre d’ung groz paulx dessus celluy hors).
Et avoit ung grant lairge pappier, de deux fuyelle mise ensamble, à
l’antour de sa teste, auquelle estoient en pointure tout le mistère des
ymaiges qu’il avoit cassé et desrompus. Alors le dit Jehan eslevait ces
yeulx en hault en resgairdant fermement devers le ciel. Et fut ainsy
ung peu, cen dire mot. Puis, avec ung biaulx langaige, bien aornés, et
avec une vois cy haulte que plusieurs le polrent ouyr, et comme c’il
voulcist preschier, ce print à pairler a peuple, et dit : « Ha ! messeigneurs, ne soyés de rien esbahis ce me voyés ycy, moy qui m’en vais
morir pour la Foy et pour soubtenir véritez. » Alors la Justice, voyant
qu’il acommensoit, ce mirent tous ensamble à bruyr 2 tellement qu’il ne
polt estre ouy ; et luy dirent qu’il pansait à sa concience. « Ha ! messeigneurs », dit-il, « vous ne me voullés laissier dire, pour ce que le cas vous
touche. Dieu m’ait donnés bouches pour pairler : auquelle je prie qu’il
me donne vraye Foy ». Et, en disant ces mot, eslevait de rechief sa fasse
en hault devers le ciel, et bien dévotement ce print à dire ces souffraige
et oréson. Et fut ainssy assez longement, endementiés que le bouriaulx
faisoit ces apreste, espéciallement durant qu’il luy loyoit le bras destre,
avec la mains, dessus ung petit tabernaicle qui estoit fait à cousté
d’icelluy pault, le loing d’ung bras. Aprez cella fait, il voulloit encor
pairler; mais de rechief l’on le fist taire, pour ouyr Maithieu Le Bracon­
nier, secrétaire et greffier des trèses jurés, lire son procès. Et, tout
a. Ms. : prestre.
1. Hourd, échafaud.
2. Bruire, « faire du bruit », spécialement, « faire un grand bruit ».

542

1525. — EXÉCUTION DU LUTHÉRIEN SACRILÈGE

premièrement, fut dit et desclairés tout devent luy cornent, cellui dimenche XXIIIe de juiellet, dînait chiez ung hostellier nommez Le Boy
Hérode, luy et le dit Jaicque ; puis lui dit Jaicquez : « Allons ! car Piéron
Guéraird nous atant ». Alors c’en sont allés chiez le dit Jaicque. Auquel
lieu Piéron Guéraird antrait ; et apourtait ung psaltier en roment ; et
leurent eulx deux chacun une pseaulme ou deux ; et y prenoit le dit
Piéron grant plaisir. Puis, eulx trois, furent mairander en l’hostel de
Jérusalem. Et là leur fist le dit Pierron une baillie pour le soupper h
Et, en atandant le soupper, ce pairtirent tous ensamble. Et sont sortis
de Mets par la pourte Saint Thiébault ; puis sont entrés au simitier
Saint Loys. Et, en c’en allant, le dit Jehan Le Clerc estoit derrier ; cy
print ung os d’ung mors, et d’icelluy frappait sus l’anffans d’une ymaige
de Notre Damme, sur la teste, et luy rompit le col ; et rompit encor la
coronne et le nef d’ycelle ymaige ; puis rompit le priant devent ycelle ;
et gectait touttes les pièce en la grant fosse des mors. Et, alors que le dit
Piéron et Jaicque luy virent gecter, il ce sont aproichiez de luy, et lui
dirent que c’estoit mal fait, et qu’il en porroit bien venir du mal. Et
puis, aprez, en allant devers la chaippelle Saint Loys, le dit Piéron luy
moustrait de sa mains des aultres ymaiges, et luy dit : « Vellà encor des
ydolles ». Et incontinent s’en alla et antrait en ycelle chappelle, et en
fist corne j’ay dit devent ; et les piesse pourtait on chairnier. Et le virent
encor bien le dit Piéron et Jaicque. Toutteffois, tout en riant, luy dirent
encor que c’estoit mal fait. Puis, ce fait et après qu’il olrent tournoiés
par devent Sainct Pier et Sainct Clément, il c’en retournirent sousper
ensemble ; et paiait le dit Piéron leur escot.
Dessus ces choses, fut interrogués pour quoy il avoit ce fait. Il dit :
« pour ce qu’il ne veoit personne entour de luy, et qu’il est escript en la
Saincte Écripture, en Deutéronome, en Exode, a XXe chappitre, en
Levitici, XXVIIe, que Jhésu Crist commende que on destruisent les
ydoles, et defîant d’en faire ; et thient que les ymaiges ne sont que
ydolle, comme dit David en la psealme In exitu Israël... Simulacra
gencium argenlum et aurum, opéra manuum hominum... Similes illi
fiant que faciunt ea 12, et omnes qui confidunt in eis, et en la psealme
IIIIXX et XVII : Confundenlur omnes qui adorant structilia et qui gloriantur in simulacris suis. Par quoy, en tenant fermement son prepos
et son oppinion bonne, ne voult jamaix avoir ne veoir l’imaige du Cru­
cifix devent lui, tant en prison comme a morir, disant que c’est tout
ydolaitrie et mal fait. Et, de fait, quant l’on luy en présantait ung on
Pallas, il le repoulsait arrier du piedz (pour ce que de la mains il n’y
pouuoit estouchier). Et ne ce voult jamaix comfesser à prebstre, sinon
à Dieu.
Item, ait encor tesmoigniez que, a lieu de Miaulx en Brie, de laquelle
cité il estoit naitif, quant les grant pairdon et jubillé de Notre Trèssainct
1. Pierron leur fit une invitation pour le souper.
2. Similes illis fiant qui faciunt ea, Ps. cxiv.— Philippe a écrit, plus haut, simulacia.

1525. — EXÉCUTION DU LUTHÉRIEN SACRILÈGE

543

Perre le Pape furent publiez au dit Meaulx, il araichait les papiers
d’iceulx pairdons ; et en lieu y mist d’aultre papier escript et pairlant
mal du pappe et de ces constitucions. Par quoy luy et ung aultres de ces
consors furent prins et menez à Paris, et par le pairlement furent condampnez à estre foétés au dit lieu de Paris, et, avec ceu, au dit Miaulx,
ce qui fut fait ; puis fut banis de tout le royaulme de France.
Item, confessait encor que, quant il vint à Mets, ce fut environ la
Paicque l’an mil Ve et XXV. Et, ung moix après,le seigneur Nicolle Dex
le manda quérir par Jaicquez, le librairier. Et, quant il le vit, cy luy
interroga que luy sambloit de l’Évengille. Et il respondit que « bien ».
Et alors le dit seigneur Nicolle dit qu’il avoit esté à Monbelliart, et qu’il
avoit oy preschier ung docteur, appellés maistre Guillaume Ferrait,
et que au dit lieu ce avoit trouvés ung Cordelliers qui avoit preschiez
contre le dit maistre Guillaume. Et, pour leur contradiction, furent mis
en prison tout deux. Mais, à la fin, celluy Cordellier ne sceust contredire
à la prédicacion du dit maistre Guillame, car c’estoit la vérité qu’il
preschoit. Puis luy dit le dit seigneur qu’il ne c’en aillait point encor,
car il ferait venir à Mets le dit maistre Guillame, et, c’il pouoit, il le
ferait preschier.
Item, dit encor le dit Jehan Le Clerc que, quant le dit maistre Guil­
laume et cellui chainoigne de la Grant Église de Mets, duquelle j’ai par
cy devent pairlés, nommés maistre Pier, furent venus, il en fut advertis
par le dit Jaicque, le librairiez. Par quoy il ce y trouva, et disna avec le
dit maistre Guillaume et maistre Pier ; et que, après le dînés, le dit
seigneur Nicolle Dex retournait de dîner avec son frère. Et estoit lors le
jour de la Feste Dieu, par quoy le dit maistre Guillaume leur fist une
collacion 1 du jour. Puis, le dimanche ensuivant, et le lundemain aussy,
dynait encor avec le dit seigneur Nicolle Dex en sa maison ; auquelle lieu
estoient les dit maistre Guillaume et maistre Pier. Puis, aprez, au
XXIIIe du moix de juillet, le dit Jehan trouvait le dit seigneur Nicolle
Dex, qui c’en alloit dîner avec le seigneur Phelippe Dex, son frère.
Cy luy demendait à veoir des nouviaulx livre qu’il avoit raportés, en
luy priant qu’il l’en laissait prandre la coppie. Et le dit seigneur luy dit
qu’il luy en donroit ung, et luy donnait le livre appellés La vraye et
parfaicle subjedion des Chrestiens, et le aillait le dit seigneur quérir en
l’ostel du dit seigneur Phelippe Dex ; et luy dit qu’il les avoit raportés
de son derrien voyaige.
Et tout cecy tesmoignait le dit Jehan en pairlant vivement et ferme­
ment. Puis, quant tout fut dit, il eslevait sa vueue, en resgairdant de
tout cousté le grant peuple que illec estoit : « Hélas ! » dit il, « le grant
regret que j’ay en mon cuer, voyant tout ce biaulx peuple aller à perdicion ». Alors frère Nicolle Savin, des Grant Prescheurs, qui estoit
Inquisiteur de la Foy, et qui estoit tout a piedz devent cellui hors, à terre,
le voult reprandre, mais cellui Jehan le resgairde du travers et dit :
« Ha ! biaulx perre ! Ce faicte vous, lez prédicateurs, qui séduisés et
1. Sermon.

544

1525.

— EXÉCUTION DU LUTHÉRIEN SACRILÈGE

subournés le peuple ainssy. Hélas ! mainte millier en sont perdus par
vous ! » Et le dit Frère lui dit que c’estoit luy qui estoit séducteur de
peuple : « Dicte vous ? biaulx perre. Toutteffois », dit il, « je vous ait
disputés on Paillas de trois article auquelle n’avés sceu donner responce ». Adoncquez la Justice, en rompant leur prepos, luy dirent qu’il
pansait à son âme, et qu’il demendait à chacun une Paler noster et l’Ave
Maria. « Messeigneurs », dit il, « je vous demende on nom de Dieu que me
donnez chacun une Pater noster ». Mais, de 1 ’Ave Maria, n’en pairlait
point ; par quoy aulcuns dez seigneur de la justice lui dirent : « Et
1 ’Ave Maria ? ». Et il respont : « Or le dye qui le veult dire ! Cella ne
nuyt point à la Paternoslre ». Puis, cella dit, le bouriaulx vint à lui ; et
lui demenda pairdon de sa mort. Et le dit Jehan lui pairdonnait de bon
cuer, et tandrement le baisait en la bouche. Cella fait, le bouriaulx
apourtait une trecoyze toutte rouge et ardante, de laquelle il cuidait
araichier le nef du dit Jehan : mais il faillit de ce copt, et lui empourtait
les lèvre jusque au dent ; car, pour ce que le dit Jehan ne la veoit pas,
il frémist et tirait quelque peu a la teste arrier. Mais, quant il aperceust
ceu que c’estoit, de sertains prepos il avensait son visaige tout de grey.
Et fut le plus ferme et constant en son mertir que jamais on vit : car,
cen dire : « Oye ! », ny « Aye ! », ne mot du monde, fort qu’il dit : « Sire,
prant de moy cecy en sacrifice », ce laissait araichiez le nef avec celle
trequoize chaude et ardante. De quoy chacun fut tout esmerveilliés.
Encor plus, reprint le bouriaulx celle trecquoize, de laquelle il luy
froittait et trassiait deux ou trois tour dessus son chief en tournoient,
comme une courrogne, et lui fut brûllée la piaulx jusques l’os ; et ne dit
jamaix mot. Puis, aprez ce martir fait, vint le bouriaulx à sa main
destre, qui estoit ataichée et loiéez, comme dit est devent ; et, avec ung
lairge coustiaulx et ung maillet, lui tranchait tout oultre. Et cheut celle
main du hors à terre. Et alors, comme en riant, cy la resgairde, sans dire
jamaix aultre chose, fort qu’il dit : « Mon Dieu, prant encor cecy de
moy ». Ne sans chaingier ne muer colleur ce thint fermement là, tousjour resgairdant au ciel. Et, en disant ces oréson, faisoit signe de l’aultre
mains, comme c’il pairlait à Dieu. Adoncquez vint le bouriaulx en baix ;
et print celle main coppée qui estoit à terre, et lui ruait devent lui dessus
le hors. Puis alumait le feu ; lequelle incontinant fut amprins et ardant,
hault et cler, et vint à environner le dit Jehan de toutte pairt. Lequelle
ne c’en bougeait jamais, ne n’en fist samblant. Ains, par plus forte
raison, oyrés chose merveilleuze ; car, dès incontinant qu’il vit monter
le feu autour de lui, acommensait à haulte vois à chanter celle belle
pseaulme : Benediclus dominus Deus Israël, et en dit deux ou trois vers.
Puis, après qu’il brûlloit desjay de toutte pairt, acommensait de rechief
à chanter : In exitu Israël de Egipto dominus Jacob de populo barbaro.
Et tousjour sans laichiez ne sans dire aultre chose, jusque qu’ilperdit du
tout la pairrolle ; et encor le veoit on dedans le feu faire les signe.
De quoy mil personne furent esmerveilliez : car on le veoit très clèrea. Ms. : quelpeu.

1525. —■ LES LIVRES DE LUTHER INTERDITS A METZ

545

ment, pour ce que devent luy n’y avoit point de bois, et pour ce aussy
que le bois estoit bien secquez, et n’y fut point mis de poudre. Et fut
tellement brûllés qu’il fut tout ars, os et tout, et mis en cendre, sans en
rien veoir de son corps, fort aulcuns petit os. Et ainssy avés ouy la fin de
celle tant cruelle justice.
Item, au regaird de Piéron Guéraird, il estoit tousjour prisonnier à
Thionville : et ne scet on encor c’on en ferait. Et, au fait de Jaicquez,
le librayre, il fut menés quant à quant1 au Champs Paissaille, et mis au
chaicrant du pilloris tout le temps durant que ce faisoit celle tant cruelle
justice, et veoit tout. Laquelle acomplie, furent au dit Jaicquez les deux
oreille coppée ; puis fut banis et forjugiés à tousjours maix.
Item, le samedi, huit jours après l’ésécucion du dit Jehan faicte,
l’on fist ung huchement publicquez devent la Grant Église de Mets
qu’il n’y eust homme ne femme, de ces jour en avent, qui voulcist tenir
ne soubtenir nulz des article du dit Mertin Luther, ne qui lît ou fist lire
aulcuns de ces livre, sus paine de confiscacion de corps et de biens ; et,
quiconque en aroit, qu’i les voulcist aporter en justice. Et, ce autre­
ment le faisoit, et il fût rapourtés par autre, cellui ou celle qui le raporteroit aroit ung thier de l’amende, les Trèses, ung thier, et la ville, l’aultre thier. Et, ce aulcuns le sçavoit et il ne le rapourtoit, il seroit encheus
en pairelle paine. — Et fut encor huchiez que nulz libraire ny aultrez
ne apourtait ne ne vandît aulcuns d’yceulx livre en Mets, sur paine de
dix libvrez de messins d’amende.
Item, en ce meisme samedi, fut très bien fouuaités parmi la ville,
depuis le Pallas jusquez à la porte, et puis banis, le filz maistre Gille Le
Couturier, pour ce que, en plaidoiant devent ung Trèse, on Pallas, il
donnait ung soufflet à son adverse pairtie.
En ces meisme jours, fut cryés à son de trompe par toutte la duchiez
de Lucembourgz, et pairreillement fut fait en France, abtinence de
guerre pour trois mois entre François et Bourguignon, sur espérence de
paix.
Puis, après plusieurs jour passés, le dit Piéron Guéraird, qui estoit en
prison à Thionville, comme dit est, trouvait tant de bons amis qu’il fut
délivrés franc et quicte, et mis dehors. Et fut depuis le bien venus, et
mis en office, au dit lieu de Thionville ; mais tousjours fut il banis de
Mets.
Et ainssy avés ouy les diverse adventure que en celluy tempts advindrent. Dieu, par sa bonté, y pourvoye de remeyde ! Amen.

1. Quant et quant, en même temps.

546

1525.

— DES SOLDATS LICENCIÉS TRAVERSENT LE PAYS DE METZ

[ÉVÉNEMENTS DIVERS AU PAYS DE METZ].

Tantost après, à l’ocausion des devant dicte trêves faicte entre les
deux princes devant dit, ont estés cassés plus de Ve lance, avec quelque
XV ou XVI mil piéton, tant Albanois, Lumbairt comme lancquenecht.
Entre lesquelles vinrent nouvelle que, au païs de Champaigne, en y avoit
une grande bande, auquelle le dit de Biaulx Lieux, filz a seigneur Robert
de la Mairche, qui, n’ait gair, avoit desjay heu amenés grant compaignie on païs de Mets, qui avoient fait grant dopmaige, comme cy devant
ait estés dit, à l’ocausion qu’il disoit que on avoit noyés son homme, et
que on avoit estés en airme au devant de lui à Mollin, à celle fois là qu’il
y fut, par quoy, pour c’en vangier, voilloit donner à ycelle compaignie
gallerois, qui estoient en Champaigne, en nombre de quaitre ou cincq
mil, à chacun ung escus, pour seullement les avoir une reyze 1 à sa
voullunteit. Et estoit son intencion de venir tout gaister le païs de
Mets. Mais yceulx Gallerois ne le vollurent servir, c’il ne les paioit
enthièrement pour trois mois, et en juste guerre. Par quoy, pour ces
nouvelles, à leur venue, furent merveilleusement craint ; et tellement
que, affin d’en sçavoir la vérité, furent envoyés au devent d’eulx maistre
Jehan, le docteur, avec Géraird, le secrétaire, ambdeux pancionaire de
la cité. Lesqueulx raportairent bonne nouvelle. Et arivairent celle
compaignie onVaulx de Mets par ung dimanche XXVIPjour d’ouuoust,
c est assavoir à Rousérieulle, Chaistel, Lessey, Sainte Raffine, Jeuxey,
Mollin, Chaizelle, Platteville et Sciey. Et furent les cappitaine lougiés
avec le seigneur Claude Baudoiche au chaitiaulx de Mollin. Auquel lieu
la cité leur envoiait ung présant de environ L quairte de pain cuyt et de
dix cowe de vin, pour distribués à leur gens, avec plusieurs chaitrons,
affin que les pouvre gens du païs ne fussent pas cy foullés. Puis, tantost
le lundemain, du mattin, ce pairtirent de ce lieu. Et sont allés lougiés
à Maigney et à Mairley. Et y furent le lundi et le mairdi, jour de la
Décollacion saint Jehan, tout le jour. Et en vinrent quelque deux ou
trois cent en la cité. Auquelles, tant de ceulx de dehors comme à yceulx
qui vinrent à Mets, gaingnairent mainte denier tant les mairchant de
draps comme cordouanier et aultres gens : car yceulx lancequenecht et
gallerois estoient tous cy très fornis d’airgent qu’il n’estoit à dire ny à
croire. Et croy qu’il laissairent en Mets plus de trois mil escus, ou la
vallue. Et paioient très bien, et ce moustroient très courtois et humains.
Et estoient touttes gens d’eslitte. Item, la cité envoiait encor a cappi­
taine, au lieu de Maigney, pairreille don comme à Mollin. Et firent les
seigneurs ordonner que, tout ceulx de leur magnans 2 à qui il plairoit
de leur mener vivre ny aultre mairchandise, il ne paieroit point d’issue
1. Reise, expédition militaire, incursion chez l’ennemi.
2, Manants, habitants de la ville.

1525. — TAILLE JETÉE PAR L’ÉVÊQUE DE METZ

547

du vin, ny aultres malletoutte : par quoy il furent en graice. Et ce par­
tirent le maicredi, très contant de la cité, ce porofîrant à leur commandemant et service. Et c’en allairent pour celle nuyt couchier vers Les
Estans.
Item, durant ces entrefaicte, et avant que yceulx lancequenecht et
gallerois fussent du tout arivés au païs de Mets, fut le devent dit Giraird,
le secrétaire, envoyés en comission devers le seigneur Robert de la
Mairche, pour le fait du dit seigneur l’abbé de Biaulx Lieu, son filz.
Et tellement que, la vigille sainct Burthemeud l’Aposte, de nuyt, fut
rencontrés auprès de Nostre Damme d’Avioulx de Guillaume de Sampoigne, lequel avoit estés plusieurs jours détenus en Mets en l’hostel de
la ville, comme cy devant ait estés dit. Et fut, luy et Gillequin, messaigier de la cité, menés prisonniers et mis on fort chaitiaulx de Villewourte, qui est au dellà de Naimur, duquel gaire de gens n’en eschappe.
Et la cause de celle prinse fut principallement pour deux raison. La
premier, que le dit Gille estoit encor couroussé encontre la cité pour ceu
qu’il y avoit esteit détenus. Par quoy il fîst acroire au dit Giraird et
Gillequin qu’il estoit françois, et homme au dit de Biaulx Lieulx, en
sorte qu’il luy fîst rescripre une lettre en laquelle estoit desclairés aulcuns
plaisir qu’il luy avoit fait au préjudice des Bourguignons : qui fut la
seconde raison par quoy il fut menés en cellui chaitiaulx. Toutteffois,
au debout de huyt jours, fut au dit Gillequin donné congiés. Et le dit
Géraird, après qu’il oit estés loing tampts en ce lieu, fut menés devers
damme Mergueritte, tante à l’amperreur, à Brucelle. Et fut en grant
dangier de sa vie : car il y fut longuement. Tellement que de pairt le
Conseille de la cité y fut envoyés le seigneur Claude Baudoiche, cheva­
lier, qui ramenait le dit Géraird ; et arivairent à Mets le dit ans, le jour
de la saincte Lucie.
En celle meisme année, environ la sainct Burtholomi, à 1 ocausion de
ceu que révérand perre en Dieu Jehan de Loraine, cardinal du Sainct
Sciège apostolicque et esvesque de Mets, avoit despandus grant chose,
comme on disoit, à aydier son frère, le duc Anthonne, à reboutter et à
destruire les bourre devant Salverne, comme cy devant ait esteit dit,
fîst le dit évesque gecter une grosse et oultraigeuze taille à tous les
prebstres, tant religieulx possédant corne sécullier, de son éveschiez, et
meismement à ceulx qui sont demourant et résidant dedans la cité de
Mets, et aultres ces subjegt et bon homme. Par quoy grant murmure ce
eslevait par tout le païs. Et ce absantirent plusieurs pouvre chappellains, à qui on demandoit plus trois fois qu il n avoient vaillant. Mais,
a regairt des abbé et abbesses, curés et aultre prebstres demourant en
Mets et és bourgz d’icelle, il opposairent1, et ont du tout refïusés,
disant que très mieulx il voulloient faire ayde a la cité, la où il avoient
leur corps et leur biens, que au dit évesque. Et, de fait, ce soubmirent
du tout à l’obéissance de la dite cité ; et tellemant que, par leur ayde,

1, Ils firent opposition.

548

d525. — RIXE A METZ

furent encor mis plusieurs soudoieur noviaulx au gaige, affin que par
eulx fussent deffandus et soubtenus, ce besoing estoit.
Item, le dit ans, par ung samedi XIÏIIe jour d’octoubre, sur le tairt,
advint une adventure en Mets, d’ung compaignon, nommés Dediet Le
Course, de la paroiche Saint Eukaire, lequelle alors estoit l’ung de mes
moitriez, de moy, l’escripvain (car il estoit vigneron ; et, avec ceu, il
m’avoit pour celle année servis durant le cours de la vandange ; et,
meismement à celluy jour, il estoit à ma journée). Cellui Dediet ce
melloit de juer de la cornemusette ; par quoy, à celluy jour, le midi
passez, il print congiés, pour le lundemain ce trouver avec d’aultrez
tambourin et pour juer à la feste à Antilley. Sy fut le dit rancontrés
devers Saint Julliens, auprès du pont, par aulcuns des serviteurs au
damoisiaulx Robert de Heu, lesqueulx estoient montés sur groz et
puissant chevaulx. Et d’iceulx fut le dit Dediet mocqués et dérisés,
pour ceu qu il estoit montés sur ung meschant chevaulx de charue, et,
avec ce, ne le sçavoit chevaulchiez. Et, de fait, après plusieurs pairrolles
et injure, il fut par eulx, qui estoient yvre et tout noyez de vin, assaillis,
et jay lui eussent fendus la teste, c’il ne ce fût destournés et fuys les
copt. Mais, quant il oit assés fouys, il mist piedz à terre, et ce mist à
garrant 1 en ung gerdin. Et, alors, l’ung d’iceulx gallans, qui estoit ung
biaulx josne compaignon, et bon jantil homme, comme on disoit, saillit
après lui. Et, voiant le dit Dediet que nullement ne ce voulloit contenir,
print couraige en luy : car, avec ung petit court braicquemair 2, à la
fasson du tempts passés, qu’il avoit, donnait cy grant et pessant copt
sur la mains senestre de cellui jantilz homme qu’il lui couppait corne
ung naviaulx, et lui abaitit toutte nette en terre. Et fut celle main
trouvée au lundemain, qui fut dimenche, et rapourtée par le maistre
sergent en la Chambre des Trèses. Le copt fait, fut le dit Dediet chaissiez
et prins par aulcuns du bourgz, et finablement mis en la maison de la
ville. En laquelle il thint prison plus de XVI sepmaigne. Durant les­
quelle furent par plusieurs fois les amis des pairtie en justice ; auquelle
fut donnés jour de prouver leur cas : car, pour en congnoistre, il furent
mis en leur preve et moustrance. Et tellement fut la chose desbaitue,
après plusieurs allées etvenuez,que,veu les tesmoing que les amis du dit
Dediet Le Course ont heu fait et produit, cellui josne gallans, avec sa
mains coppée, fut jugiés à paier tout frais et despans que le dit Dediet
avoit heu fait en prison ; et, avec ceu, il fut encor mis et condampnés
à paier LX libvrez d’amande. De laquelle santance se santant foullés,
en ait raipaillés a seigneur maistre eschevin. Et, après plusieurs allée et
venues, tant de luy comme de ces amis (car, pour ce qu’il avoit tournés
sûrtés 3, n estoit point détenus ne prins, ains, avec les dit ces amis,
faisoient tout devoir de poursuire leur cas), ce néantmoins, tout veu
et congnus, et après que plusieurs dillacion lui furent donnée, fut le dit
1. A garant, en sûreté.
2. Braquemart, épée à lame courte et large.
3. II avait fourni caution.

1525. — ANNÉE FERTILE ET ABONDANTE DE TOUS BIENS

549

jantil ruste jugiés et condampnés qu’il paierait la plainte ; et, avec ceu,
paierait au doiens ou geolliers X libvrez pour les despans du dit Dediet;
et, encor avec ceu, paierait LX sols pour le tempts perdus du dit Dediet.
Mais, à la requeste et prières de ces amis, veu aussy qu’il estoit desmambrés, les LX libvrez d’amande luy furent quictée. Par quoy j’ay
voullus mettre cest istoire, pour moustrer au tampts ad venir la bonne
justice qui ce fait en la cité : car par ce pouués veoir qu’il n’y ait hommes
espairgniés, puis qu’il *1 est trouvés avoir le tort.
Cest année fut fort fertille et abondante de tous biens. La graice en
soit au roy Jhésu ! Et, tout premièrement, les froment furent très bon ;
et en y oit à grant plantés, tellemant que, avant qu’il fût Noël, on avoit
les milleur pour septz groz la quairte ; le moitrange 2 et l’orge, V sols
ou V sols VI deniers ; et le soille, IIII sols ; la nauvée, XIIII ou XV sols ;
les pois, VIII sols ; et les grosse feuve, XXIIII sols. Des vin, en y oit
à grant abondance, et assés bons : mais, ad cause qu’il n’y avoit nul
viez vin, il ce vandoient encor, lez plus manre, VI et VII deniers, et, les
bons vin, IX et X deniers. Au regairt des fruit, il en y oit tant, en celle
année, et de toutte manier, qu’il en y oit assez dez gaistés et perdus.
Dieu en soit louués de l’abondance !
Le temptz d’esté de celle année fut, à son acommancement, assés
biaulx et bien atrampés. Mais, puis après, fut l’air tellement corrompue
par pluye et bruyne que l’on ce acommansait treffort à morir en Mets et
en aulcuns lieu du païs. Et tellement que d’icelle mallaidie morurent
plusieurs personne, femmes et hommes, grant et petit. Et durait celle
infirmités jusques environ les Avant de Noël.
Puis, au husaige et coustume, furent fait plusieurs sot et diverse
mariaige. Dequelles fut essés ris : car les aulcuns en furent très joieulx,
et les aultres très marris.
Item, aussy en celle année, le jour sainct Andrieu l’Aposté, et dernier
jour de novembre, espousait Chairle, l’ampereur,
, fille a
a roy de Portingalle, en sa bonne ville de
, en a Espaigne.
Et estoit alors tousjours le roy Françoy, premier de ce non, détenus
prisonnier au dit païs d’Espaigne, et en la soubjection du dit amperreur.
Or advint, en ce meisme tempts ou bien tost aprez, que en la cité de
Mets ce esmeut ung groz procès entre deux bourjois d’icelle cité, et
woisin, demourant l’ung devant l’aultre, l’ung nommés Dediet La Ronde,
c’on dit Le Laboureulx, riche mairchant de drapperie et mercerie, et de
Nicollas Le Vert, son comperre. Lequelle Nicollas avoit heu et ressus de
grant fortune 3 en sa mairchandie, tant en celle année comme en l’an
précédant, ad cause des guerres qui alors régnoient. Et tellemant qu’il en
estoit devenus très pouvre, et desnués de tout biens. Et, ad cause des
debte qu’il devoit, c’en estoit allés demourer a Pont à Mouson et à
a. Philippe a laissé en blanc le nom d’Isabelle de Portugal, et celui de la ville d’Espa­
gne où se fit le mariage.
1. Puis que, du moment que.
2. Moitange, méteil.
3. Fortune, revers de fortune, malheurs.

550

1525. — PROCÈS ENTRE DEUX BOURGEOIS DE METZ

Nencey. Or advint que le dit Dediet le fut veoir au dit lieu de Nancey.
Et, après plusieurs parolles entre eulx dictez, pour ce que estault1 ce
voulloit mettre sur tout les biens du dit Nicollas, il fist une cédulle au dit
Dediet, son compère, de la somme de LXXII frant. De quoy il ne lui
devoit rien, for que deux escus, que alors il luy prestait. Et, affin de
salver sa maison, qui estoit terre d’Église, lui mist en mains en nombre
de bonne fois2 pour celle somme. Puis, tantost après, vint le dit Nicollas
pairler au dit Dediet au bourgz Sainct Arnoult (car il n’oisoit antrer
en Mets, pour la crainte que le dit Dediet luy donnoit d’estre mis en
l’hostel de la ville, corne il disoit). Et là, en ce lieu, heurent plusieurs
pairrolles ensamble touchant le fait de celle maison. Et tellemant
que, à la requeste du dit Dediet, la cédulle fut rompue et cassée ; et lui
vandit Le Vert son droy d’icelle maison pour la somme de six escus,
comme il disoit. Sy furent les escript fait, burlés 3 et tesmoigniés, avec
la renonciacion que le dit Nicollas en fist en la mains des seigneurs du
chappitre de Saint Salvour, et la reprinse que le dit Dediet en fist.
Or advint que question ce esmeust entre eulx pour cellui fait. Et
tellemant que, eulx venus en plain devant messeigneurs les Trèses, le dit
Nicollas demandoit à ravoir sa maison, en redonnant les six escus,
comme il disoit, et soubtenoit que le dit Didiet luy avoit promis, et que
jamaix ne luy avoit vandus sinon en nombre de bonne foy, pour lui
salver, et affin que par estaulx ne fût donnée à vil pris. Et le dit Dediet,
lequelle alors avoit heu prins et retenus touttes la fleurs des procureurs
et concilliers, luy dit qu’il ne l’avoit ainssy affaire, car il voulloit tenir
ce merchiez estre fait oultraiement 4 ; par quoy il voulloit retenir ces
escripture bonne et loyaulle ; et en présantoit la loy, comme l’ancienne
coustume de la cité est, que toutte personne doyent estre crus sur leur
escripture et sur gaige ; et plusieurs aultrez chose disoient ces procu­
reurs à leur adventaige. Alors Thomas Mondergoute, procureur du dit
Nicollas, dit qu’il n’en devoit avoir la creance, pour les raison qu’il ne
voulloit pas dire : « Mais mon maistre », dit il « le dirait ». Et, cella dit,
le dit Nicollas montait en hault, et racontait devant tous les parolles
qu’il avoient heu ensamble pour cest affaire, présantant son corps à
estre mis en torsure en l’encontre du dit Dediet, ce jamaix luy avoit
vandus aultremant, sinon en nombre de bonne foy. Puis vint à conclure
que le dit Dediet n’en devoit avoir la crance. Et il luy fut demandés la
raison. « Pour ce », dit il, « qu’il y ait environ XII ans que, par son desméritte, il fut désofficiés de l’office des aigneur 5 jurés de la cité. Et,
avec ceu, y ait environ deux ans qu’il voult forcellés 6 aulcune pièce de
draps de la malletoutte ; et présantait de faire sermant : par quoy yceulx
1. Estai, vente judiciaire après saisie.
2. En ombre de bonne foi. Il s’agissait d’un marché simulé, destiné seulement à
empêcher la mise en vente de la maison.
3. Butter, sceller au moyen de la bullette (p. 477, n. 1).
4 Outréement, définitivement, sans appel ni annulation possible.
5. Auneur (cf. plus loin alnour), vérificateur officiel des aunes et autres mesures de
longueur.
6. Dissimuler frauduleusement.

1526 N. ST. — PROCÈS ENTRE DEUX BOURGEOIS DE METZ

551

draps furent confisqués et butinés de la Justice ». Et d’icelle parolles et
injure en print le dit Dediet preve et moustrance. Mais, au regairt de
mettre son corps en l’ancontre du dit Nicollas, il dit qu’il ne l’avoit
ainssy à faire, pour plusieurs raison. Alors l’on fit tous wuydés dehors.
Et, après le conseil tenus, fut pourté fuer de Justice que le dit Dediet
sç’avoit à purger du cas à luy impousés, et que le dit Nicollas avoit à
faire ces preuve et moustrance.
Or est bien vray que, environ douze ans devant, le dit Dediet estoit
alnour jurés de draps, et mairchant ; cy fut trouvés chiez luy des
maistre et Six qui alors estoient une aine tropt courte : par quoy il fut
désoficiés d’icelle office, et luy fut ostée et donnée à ung aultre. De
quoy il en fut fort murmurés par la cité, et en diverce manier. Mais, à
présant, les dit maistre et Six qui alors vivoient estoient la plus pairt
mors et déviés *1. Et, touchant au fait des draps confisqués, cella estoit
encor de fresche mémoire, et tout congneus. Nyantmoins le dit Dediet,
avec ces aydans et amis, faisoient tous leur effort pour ce purifier et
nettoier de ce cas. Et croy que, à son adventaige, il fist faire plus de
XL tesmoing. Le Vert, d’aultre pairt, ne failloit pas. Car, luy et tous
ces aidans, ce perforsoient de deshonnourer le dit Dediet a; et faisoient
enqueste de touttes pairt vers tous ceulx et celles à qui il pansoient que
le dit Didiet avoit heu affaire, ne à qui il avoit heu plait, procès, noixe
ou desbat (car, ad cause que c’estoit son woisin, il sçavoit biaucopt de
ces secret). Et tellemant poursuit son cas qu’il trouvait plusieurs tes­
moing très malvaix et de diverse sorte encontre le dit Didiet. Et ne ce
pairloit alors en Mets que de cestuy fait. Et, ce le dit Didiet oit biaulcoupt de tesmoing, encor en oit plus Le Vert.
Et tant poursuirent leur querelle et d’ung cousté et d’aultre que, en
cellui ans, le jour de la Gonversacion saint Pol, XXVe jour de janvier,
fut santance donnée de messeigneurs les Trèses. Et fut dit que, veu les
bonne preuve et moustrance que le dit Nicollas avoit fait et produit, il en
avoit à avoir la loy. De quoy plusieurs furent esbaihis : car c’estoit ung
cas nouviaulx (et pour cas nouviaulx le mest je ycy) de dire que, contre
escripture faicte en airche, burlée et tesmoignées, le dit Nicollas avoit
la crance, ceu que jamaix n’avoit estés veu. Et fault bien dire qu’il
eust prouvés de grant chose en l’encontre du dit Dediet.
De laquelle santance le dit Dediet rappellait a maistre eschevin.
Toutteffois, ce tempts durant, gens de bien ce entremirent de les appaisanter ; et amiablement, non pas oultraiement, en fut la chairge donnée
à quaitre chief de seigneurs. Lesquelles, après plusieurs journée pour ce
fait tenue, ne les polrent apaisanter ; par quoy il en mirent jus la mains.
Et fut le cas remis devant le Conseille du maistre eschevin. Lequelle,
aprez longuement tenus et desbaitus, fut trouvés que le dit Dediet en
avoit à avoir la loy : car, aultremant, eust estés contrevenir et aller en
l’ancontre de l’atour et ancienne constitucion et ordonnance des amans ;
a. Ms. : Nicolas a été corrigé sur Dediet pur une main récente.
1. Devier, « mourir », exactement « sortir de la vie ».

552

1526

n. st.



paix entre

François Ier

et

Charles

quint

car, jay ceu que ung homme fût trouvés descreanciés 1 et imfâme, voir
quant ce serait le pir du monde, jay pour ceu ne doit estre la loy et
institucion sur ceu faicte aboullie ne anichillée. Et, à donner celle santance, y oit tant de peuple que l’on ne c’y pouuoit contourner : car
chacun désirait de ouyr qu’il en serait dit. Et ne pairloit on alors d’aultre
chose en Mets.
Puis, aprez celle santance donnée, voyant le dit Nicollas Le Vert
qu’il estoit remis au bas, vint rassaillir le dit Dediet, son compère,
d’aultre sorte. Car il fist et produict plusieurs aultres nouviaulx tesmoing comment le dit Didiet, tant luy que Bairbe, sa femme, avoient
par plusieurs fois dit et tesmoigniés que le mairchiez de la devant dite
maison n’estoit fait sinon en nombre de bonne foy. Et, encor pluffort,
tesmoignoient les aulcuns qu’il avoient ouy dire le dit Didiet que, ce
Le Vert ne l’eust entreprins de plait, il luy eust redonnés, mais, puis
qu’il en avoit allés cy avant, il retanroit la bonne foy pour luy. Par
quoy, pour ces chose, aulcuns seigneurs et aultres donnairent de grant
craintes et de grant menaisse au dit Didiet c’il faisoit le sermant, veu les
tesmoing. Alors, pour réparer son honneurs, fut trouvés manier que le
dit Nicollas en woulcist donner la chairge oultraiement à aulcuns sei­
gneur; laquelle chose fut faictes. Et, après plusieurs allées et venuees,
affin que nul sairmant ne c’en fist, fut dit et rapourtés par les arbitrez
que le dit Nicollas aroit XL libvrez, aprez les six escus, de son droy,
pour une fois. Et par ainssy faillit leur plait et procès. Duquelle chacun
pairloit ; et donnoit on grant tort à l’une des pairtie.
L’yver de cest année fut merveilleusement doulx et débonnaire : car,
au jour des Brandons, n’avoit encor gellés deulx jour de routte, ne n’y
avoit heu de naige de quoy l’on laissait à veoir la terre.

[la PAIX EST SIGNÉE ENTRE FRANÇOIS Ier ET CHARLES QUINT ;
RÉJOUISSANCES A METZ, ETC.].

En celle année, par ung dimanche, quaitriesme jour de febvrier, du
mattin, vint et arivait en la cité le héraulx de notre sire l’ampereur.
Lequel vint anuncer à monsseigneur le maistre eschevin et à messeigneurs du Conseille comment la paix estoit faicte entre le dit ampereur
Chairle, roy très catholicque en Espaigne, et le très crestiens roy Françoy, premier de ce non. Et dit le dit héraulx qu’il c’en ailloit en poste
annoncer ces nouvelles par touttes les cités d’ampire. Desquelles nou­
velles fut de part le Conseille en la cité demenés grant joye. Car, dès
incontinant aprez le Conseille pour cest affaire tenus, par l’ordonnance
de messeigneurs les Septz de la guerre et trèses jurés, furent mandés
grant pairtie des chairpantier de la cité, auquelle fut délivrés une grosse
1. Discrédité, déshonoré.

1526 N. ST. — RÉJOUISSANCES EN METZ POUR LA PAIX

553

et longue piesse de sappin de environ XL piedz de longueur, et grosse
à l’avenant, avec plusieurs aultre mandre *1 piesse de mairiens, et d’icelluy leur fut ordonnés d en faire ung paulx pour planter an meylieu du
Cbampts Paisaille, pour faire une grantde bulle et ung feu de joie, pour
en remerciant Dieu de celle paix. Item, avec ceu, leur fut délivrés
XXI tonnette, auqucllcs avoient estes mis des bairans, et environ ung
millier et demey de boix, tout secque, avec plusieurs faigot et aultre
bois.Touttes lesquelles tonnette furent amplittes de faigot, avec pouldre,
souffre, estrains et aultres graixe, et puis eslevées en hault, avec grant
bras de bois tout autour d’icelle grande estaiche. Et, cella fait, fut prins
celluy millier et demy de bois secquez, lequelle on avoit fait soier tout
d’une longuer 2 et mesure. Et furent mis du travers tout à l’antour
d’icelle estaiche, comme une chafïe 3 à prandre masange.
En apres, estoit ordonnés a tous les compaignons collevregniers de la
ville, et aultres compaignons du guet, qu’il fussent prette et en point,
avec leur collevrine et robe de livrée. Et furent menés en l’une des grainge
de cost le Saint Esperit ; et là, tout avec leur collevrine, leur fut déli­
vrés à ung chacun une grosse hocquebutte à crochet 4, avec pouldre et
ceu qui leur estoit mestiet. Puis furent envoiés en quaitre maison du
Champaissaille, a nombre de L des dite hocquebutte : c’est assavoir, en
la saille Hanry de Gouxe l’amant, une d’icelle bande, une aultre bande
en la saille des Célestiens, une aultre bande en la maison qui fut a sei- ’
gneur Maheu le Gournaix devers la xeuppe, et la quatriesme bande fut
mise en la maison qui fut a seigneur Wairin Roussel, du cousté de
l’Ospitaul. Et ainssy furent mis és maison des quaitre rue du Cham­
paissaille. Puis, daventaige, furent encor mise et posées, desoubz les
arvoulx, du coustés des Célestin, plusieurs aultres plus grosse artillerie,
et courtaulx sur chariot. A rest, fut commendez à tout les maistres des
mestiés que chacun, avec leur canoniers, il fussent en leur tour, pour
tirer leur artillerie quant tamps serait. Et pairreillement en fut dit a
chaitellains et gairdains des portes.
Puis fut encor ordonnés que, alors que ycelle bulle et feu de joie
serait alumés, que l’on sonnerait la grosse cloiche de Meute à grant
voilées, et que, dès incontinant qu’elle sonnerait, que l’on fût preste «
de sonner touttes les aultres cloiche de la cité et des bourgz d’icelle,
tant des colliège comme des abbaye, dez paroiche et aultres église.
Et que, à la meisme heure, fussent tirées toutte ycelles artillerie, tant
sur la muraille comme és portes et aultre pairt. Et aincy en fut fait.
Par quoy, pour le bruyt tant d’icelle comme des cloiche, l’on n’eust pas
oy Dieu tonnant ; et estoit une chose merveilleuse d’oyr ce huttin tout
amsamble. Tellement que d’icelluy plusieurs villaige furent cy esmus
et espouventés, cuydant que la cité fût prinse, qu’il c’en aillairent coua.
1.
2.
3.
4.

Ms. : prestre.
Moindre. Contamination entre la forme patoise maure et le mot français.
De la même longueur.
On appelle encore chave, à Namur, les cages en osier où l’on met les poulets.
Haquebute, arquebuse à croc ou à crochet, arme de rempart et d’assez fort calibre

554

1526 N. ST. — RÉJOUISSANCES EN METZ POUR LA PAIX

chier au bois. Et meismement en fut bien estonnés le damoiseaulx
Nicollas de Raigecourt, lequel alors estoit en son chaisteaulx d’Ancerville : car l’on oyoit le bruyt jusques au ban de Desme, jusques à Ralcourt, et aultre pairt, bien loing.
Et, pour plus agrandir et décourer la feste, aulcuns josne seigneurs,
avec aulcuns bourjoys, ce estoient desguisés et montés à chevaulx, et
faisoient merveille de courir tant parmey la ville comme par antour
d’icelluy feu, avec les trompette et clairon qui cornoient, que biaulx
faisoit ouyr. Item, encor, pour plus décourer ycelle feste, furent ordon­
nés lez hault menétré et coulple de la ville, avec tous les aultres flûtteur
et tambourin de Suysse, de juer de leur instrument tout autour d’icelluy
feu. Et tellemant que, pour veoir le triumphe, tout le peuple de la cité,
grant et petit, ou la plus pairt, ce y trouvait ; et y avoit une merveil­
leuse presse : car on tiroit incessanment, sans laichier, tout le tempts
d’icelle bulle durant, tellement que, de force de tirer, aulcuns baitons
en furent rompus.
Item, aussy n’est à oblier que, de pairt le Conseille, fut faicte la bonne
chier à celluy hérault d’airme qui avoit apourtés les nouvelle ; et,
avec ce, luy fut bailliez six florin d’or pour son vin.
Tout chacun, grant et petit, ce resjoissoient de celle paix. Et, qu’il soit
vray, le dimanche aprez, qui fut alors le gray dimanche, aulcuns josne
hommes, tant bourgeois, mairchant, comme clerc et recepvoir du
Paillas, jusques au nombre de environ XXIII ou XXIIII compaignons,
tous jantilz ruste, délibérairent et promirent de au lundemain jouster
à la quintairne 1 (c’est assavoir à ung aygniaulx pandant à une potance),
en fasson tel que le premier qui trois fois polroit ampourter celluy
aygniaulx a bout de sa lance gaingneroit une baigue d’airgent, waillant
environ deux florin, laquelle estoit paiée par eulx coinjointement ensem­
ble. Et failloit que yceulx compaignons fussent desguisés en abit incongnus, avec faulx visaige. Et ainssy en fut fait : car il ce sont tout trouvés
au lieu dit, avec diverse et riche acoustrement. Et, par licence de messeigneurs les Septz de la guerre et de messeigneurs de la Justice, ce trouvairent au jour devant dit dessus le champs. Et, pour mieulx estre
instruit, et par honneur, ont heu requis a damoisiaulx Gaspar le Gornaix, filz a seigneur Françoy le Gournaix, chevalier, que fut, d’estre
leur capitaine (lequel, non ostant qu’il fût josne et en sa force et vailleur,
estoit desjay mariez) ; et, pour ce qu’il estoit bien destre et instruit du
mestiet de la lance, lui ont heu dit et priez qu’il leur flst cest honneur ;
et, en ce faisant, qu’il serait francque et quicte de celle baigue, et la
polroit gaignier comme ung aultres. Toutteffois (je ne sçay qui l’ameust2
à ce faire) il ne ce trouvait pas des premiers dessus les rans ; ains, alors
que yceulx compaignons, mairchamps et aultres, estoient desjay à la
joste, leur envoiait par l’une des trompette une lettre assés rigoureuse :
et, entre plusieurs pairrolles, desquelles je me desporte, requérait et
1. Proprement, une quintaine est un mannequin armé contre lequel les jeunes gen­
tilshommes s’exercent pour apprendre le maniement de la lance.
2. Du verbe émouvoir; je ne sais ce qui le poussa à agir ainsi.

1526

N. ST. — RÉJOUISSANCES EN METZ POUR LA PAIX

555

voulloit le dit seigneur courrir, luy huittiesme, à cellui aygniaulx, tout
franchement. De laquelle chose il fut renfusés. Par quoy, en abit dissi­
mulas et incongneus, acompaigniés de deux ou de trois soldoieur,
desguisés comme luy, c’en vindrent brides avallées courir on champs
En Chainge, et troublairent toutte la feste. Et, pour ce que yceulx
compaignons ostairent l’aniaulx qui pandoit, Jaicque Louuiat, le
soldoieur, qui estoit en la compaignie du dit seigneur, vint à donner cy
grant copt de lance en l’encontre d’icelle potance qu’il en rompist le
bras, et le ruait en terre. Et puis, ceu fait, c’en sont allés leur voye.
De quoy plusieurs estant présant furent très couroussé et marris ; et
causy tous les resgairdant, seigneurs et aultres, en furent desplaisant :
car alors y avoit moult grant peuple, dont la plus pairt en sceurent très
mal greis au dit seigneur. Et ne thint à gaire qu’il n’en vint ung grant
mal et une grande mutinerie. Car, non comptant d’avoir cella fait, après
que les compaignons c’en furent en allés, tout murmurant et couroussés,
le dit seigneur, acompaigniés de seigneur Michiel, filz au seigneur
Régnault le Gournaix Tannés, sont encor retournés avec les dit soldoieurs en la dite plaice En Chainge, et, comme par despit, ont raiez
et gettez du tout à bas la dite potance. Et, que pis est, le dit seigneur
Michiel, lequelle en cest affaire, dès l’acommancemant, l’avoit asister
et acompaigniés (et n’estoit point desguisés), ait dit et prophéré de sa
bouche en l’ancontre d’iceulx mairchamps et clerc plusieurs pairrolles
mal scéant à ung noble homme, corne on disoit : entre lesquelles ait dit
que « on les debveroit tous assomer, ces villains mattins marchamps et
clerc ». Lesquelles parolles anflairent merveilleusement les cuers des
plusieurs, tant de ceulx qui estoient de celle feste comme aultres. Et
croy qu’il en fût venus du mal, ce ne fût que les aultres seigneurs les
apaisantairent. Et en furent très marris ; et en ont fort reprins les dessus
dit josne seigneurs. Et, daventaige, pour moustrer la follie d’iceulx
soldoieurs, le dit Jaicque Louuiat et Didiet de Saint Simphoriens en
furent cassés de leur gaige pour ung moix. Et, pour raipaiser la chose,
les dit deux seigneurs Gaspar et Michiel Le Gournaix firent redresser
une aultres potance ; et donnairent au lundemain une aultre baigue
d’airgent, tout franchement, à tous allans et à tous venant. Mais nulle
des dit compaignons ne c’y trouvairent pour jouster ; et aussy ne firent
pas tant de gens comme au jour devant : car plusieurs estoient marris
et desplaisant du fait et des parolles mal desbouchées 1,aux deshonneurs
de la bourjoisie.
Le jeudi après les Brandons, qui estoit le jour de la Chaire saint Fier,
yceulx josne seigneurs donnairent encore une baigue d’or à tous allans
et à tous venans que plus de copt boutteroit dedans l’anel dedans trois
course, moiennant qu’il fût armés de touttes piesse, salve de grève 2,
avec l’airmette en la teste et la visier avallée. Et furent courir, et la
1. Desboucher, sortir de la bouche, proférer.
2. Grève, partie de l’armure qui couvre depuis le genou jusqu’au cou de pied, jam bière.

556

1526 N. ST., FÉVRIER. — INONDATIONS A METZ

potance plantée on grant chemins devers Saint Laidre. Mais la teste ne
ce pourtait pas bien pour tous. Car, par mésaventure et fortune, la
jambe fut routte 1 à ung josne souldoieurs. Et ung aultre fut rués par
terre de son chevaulx, et fut traynés par le piedz, qui demorait en
l’estriet : de quoy il fut en grant dangier d’estre affollés.
Le lundemains, qui fut vandredi, il pleut merveilleusement tout le
jour, sans laichiez. Aussy fist il le dimanche aprez, XXVe jour du dit
moix. Et tellemant que, à l’ocasion de celle pluye et des neyge qui
fondirent en Woulge et aultre pairt, lez ripviers devindrent cy très
grande et hors de ripve que jamaix homme vivant ne les vit cy grande,
sinon environ deux ans devant, c’on disoit l’année du déluge. Et à peu
près furent celle cy aussy grande ; et firent autant ou plus de dopmaiges
en Mets que les aultres, pour ce que l’on ne c’en gairdoit pas. Et, entre
yceulx mal et fortune, furent noyés et péris six compaignons entre
Wauldrinowe et Longeville : c’est assavoir ung mairchant de Brixey,
avec ung sergent de Mets qui l’avoit allés quérir ; item, ung tonnellier
et courtier de Mollin, avec le maistre natonier 2 et ces deux verlet. Le
sergent fut trouvés devers les Stappe, contre une haye, le nettonnier
fut trouvés devers Allixei, et ces deux verlet vers Lutange. La manier
de leur fortune fut que l’yaue, qui estoit ypétueusement grande, les
enforsait tellement que à force et malgré eulx furent lanciet par dessus
la waigne 3 de la dite Wauldrenowe, et ranversel du hault en bas 4,
cen que dessus dessoubz, cen jamais plus ce moustrer, jusques au bout
de X ou XII jours qu’il furent trouvés comme dit est

1. Rompue, brisée.
2. Le maître nautonier, le passeur.
3. La vanne.
4. C’est le bac qui est renversé sens dessus dessous ; les cadavres disparaissent alors.
a. Lesquelles cronnicques ont estez retirez des mains de monsieur de Marescot par
les dilligences de Philippe de Vigneulle, amant, estant a Paris, le 12« mars 1624.
Le ms. de la Chronique se termine ici brusquement ; les dernières lignes ont pu être
écrites par Philippe vers le 15 mars 1526 (n. st.) ; divers détails prouvent en effet que le
dernier volume de la Chronique a été, vers la fin, composé et transcrit presque au jour le
jour. Philippe a encore deux ans à vivre, puisque sa mort se place entre le 20 mars et le
12 avril 1528.

TABLE DES MATIÈRES

Livre V
Pages

Prologue de l’acteur.....................................
1
L’année 1500 ................................... .........................................................
3
L’année 1501.................................. .........................................................
13
L’année 1502 ............................' [ ’ .............................................................
16
L’année 1503 ................................... ..............................................................
18
L’année 1504 .....................................
.....................................................
29
L’année 1505 .......................................
...................................................
37
L’année 1506 ....................................... .....................................................
44
L’année 1507 ........................................... ’ ’ ' ..............................................
46
L’année 1508 ...........................................
.............................................
55
L’année 1509 ; expédition de Louis XII,’roi’de France,’en'Italie •'vic­
toire d’Agnadel..........................................................
59
Événements divers au pays de Metz...............................
64
L’année 1510.............................................
.............................................
74
Guerres en Italie et en Afrique.................................
'........................
77
Événements divers au pays de Metz et en Lorraine
79
L’année 1511 ...............................................
...................................
96
L’année 1512 .....................................
110
Guerre en Italie ; la bataille de Ravenne ; pèlerinage de Philippe à
balins ...................................................
111
Événements divers à Metz et dans les pays voisins.........................
121
Guerres en Italie et en France..................................... '
125
Événements divers en France et au pays de Metz il!!!!!!"!.’!!.’"!"
128
Mutineries et rébellions en plusieurs villes.........................................
143
Événements divers, tant à l’étranger qu’au pays de Metz..
145
L’année 1513.............................................
148
Guerres entre le roi de France et ses ennemis ; défaite de Novare..............
153
Evénements divers au pays de Metz...............................................
157
Faits de guerre en Italie et en Flandre.........................
159
Événements divers au pays de Metz et ailleurs.......................
162
L’année 1514.........................................
169
Paix entre France et Angleterre ; Louis XII épouse Marie d’Angleterre..
175
Evénements divers au pays de Metz ; course du comte Schluchter au
pays de Metz............................................................................
179
Mort du roi de France Louis XII ; avènement de François Ier..................
184
Evénements divers à Metz et dans les pays voisins.................................
186
L’année 1515...................................................
190
Le roi François Ier en Italie ; bataille de Villa Franca.’.’..’.’.’.’.’.'
193
Evénements divers au pays de Metz...........................................................
195
François Ier en Italie ; bataille de Marignan...............................................
199
Événements divers au pays de Metz ; menaces de guerre.......................
205
Les Français en Italie (suite).............................................................
209

558

TABLE DES MATIÈRES

211
Événements divers au pays de Metz........... ..............................................
216
L’année 1516...............................................................................................
219
Craintes de guerre au pays de Metz...........................................................
229
L’année 1517...............................................................................................
239
La guerre v Pierre Burtal »... .....................................................................
249
L’année 1518...............................................................................................
255
Les ennemis pénétrent en force dans la terre de Metz..............................
262
Les ennemis devant les portes de Metz.....................................................
272
Les ennemis bombardent la ville de Metz.................................................
275
Fin de la guerre « Burtal » ; la signature de la paix....................................
280
Événements divers au pays de Metz.....................; ...............
Événements divers en France et à l’étranger ; traité de Metz, entre
l’empereur et le duc de Lorraine, pour le rachat de la « terre com­
282
mune » ....................................................................................................
287
Service funèbre fait à Metz en l’honneur de l’empereur Maximilien.........
289
L’année 1519...............................................................................................
295
Scandale causé à Metz par Sibylle, femme de Nicolas l’orfèvre.................
299
Événements divers au pays de Metz...........................................................
306
L’année 1520 ........................................................................ . • • • • • • • • • • '
Reconstruction de l’église de Vigneulles ; couronnement de Charles
311
Quint à Aix-la-Chapelle .........................................• • • • ............... ' ' '
Événements divers au pays de Metz ; Philippe de Gueldres aux Cla317
risses de Pont-à-Mousson..................•_.....................................................
318
Guerre entre François Ier et Charles Quint...............................................
323
Événements divers au pays de Metz............................ •_............................
327
L’année 1521 ; guerre entre François 1er et Charles Quint............
Continuation de la guerre entre François Ier et Charles Quint ; événe­
329
ments divers au pays de Metz ; prédication de Martin Luther....... •
Continuation de la guerre entre François Ier et Charles Quint : Robert
332
de la Marck perd les places de Logne, Messincourt, Florange...............
339
Travaux exécutés dans le chœur de la cathédrale de Metz.......................
348
Événements divers au pays de Metz............................... •_......................
351
Continuation de la guerre entre François Ier et Charles Quint.................
361
Mouzon repris par les Français ; événements divers au pays de Metz....
Continuation de la guerre entre François Ier et Charles Quint ; prise de
367
Milan et de Tournai.................................................................................
371
Travaux exécutés dans le chœur de la cathédrale de Metz.......................
375
Événements divers dans la région et à Metz..............................................
383
L’année 1522 ........................................ .................... ••••••.••...................
389
Continuation de la guerre entre François 1er et Charles Quint....... • •.. •
Continuation des procès de François le Gournaix ; événements divers
394
au pays de Metz......................................................... •••••••• y
Invasion des Turcs en Hongrie ; grande procession faite dans Metz a
399
cette occasion .........................................................................................
411
Événements divers en Europe et au pays de Metz....................................
413
Condamnation de Martin Luther...............................................................
420
Guerre entre la France et l’Angleterre.......................................................
422
Événements divers au pays de Metz...........................................................
425
Les Turcs attaquent Rhodes......................................................................
427
Le comte Francisque attaque Trêves ; mesures prises à Metz.................
431
Les Turcs attaquent Rhodes (suite)........................................
Événements divers au pays de Metz ; découverte d’une inscription
434
romaine........................................................................ ...........................
436
Guerre de l’archevêque de Trêves contre le comte Francisque............. • •
Le comte de Linange et Wolf Stuber, ennemis de Metz, mis au ban de
438
l’empire.....................................................................................................
443
Événements divers en Europe et dans le monde........................................

TABLE DES MATIÈRES

559

Événements divers au pays de Metz...................
Prise de Rhodes par les Turcs...................[ ’ [ ’ ......................................
Événements divers en Allemagne et au pays de Metz
L’année 1523 .................................................
............................
Défaite et mort du comte Francisque.................
Événements divers en Allemagne et au pays de Metz..............................
Préparatifs militaires du roi François Ier................................................
Événements divers au pays de Metz..........................................................
Événements divers dans le monde et au pays de Metz
Disposition du temps ; inondations à Metz...............!..............................
Événements divers au pays de Metz...............' ’
L’année 1524 ........................................ .................................................
Le frere Jean Châtelain, condamné comme luthérien, est exécuté à Vie ’•
troubles a Metz.............................................

Une troupe française traverse le pays de Metz ........................................
Conspiration et fuite du duc de Bourbon ; François Ier vaincu et fait
prisonnier devant Pavie...............................
Cantique composé contre les Luthériens' ; disposition du ' temps’'en
1 3.111166 1525..............................

L’année 1525 ; la guerre des Rustauds.................... .................................
Événements divers au pays de Metz ; continuation et fin de la guerre
des Rustauds ............................................
Événements divers au pays de Metz ; exécution à Metz d’un luthérien
sacrilege...............................................
Événements divers au pays de Metz........... ..............................................
La paix est signée entre François 1“ et Charles Quint S réjouissances
à Metz, etc.

/

BESANÇON. ---- IMPRIMERIE JACQUES

ET DEMONTROND.

552