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Fait partie de La Chronique de Philippe de Vigneulles. Tome second (de l'an 1325 à l'an 1473)
Titre
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DE
PHILIPPE DE VIGNEULLES
•Q.
PUBLIÉ SOUS LES AUSPICES DE L'UNIVERSITÉ DE NANCY
LA CHRONIQUE
DE
PHILIPPE
DE VIGNEULLES
ÉDITÉE PAR
Charles BRUNEAU
Professeur à l’Université de Nancy
TOME SECOND
(de l’an 1325 à l’an 1473)
SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ET D’ARCHÉOLOGIE DE LA LORRAINE
1929
L ’évêque B ertran d reço it le p rem ier m aître échevin
de Metz, B enoît. (Ms. 838 [88], f° 213 v°.)
LIVRE II
(Suite)
LA PAIX FAICTE ENTRE LA CITÉ ET LES IIII CONTE DESSUSDITS
Item, aucy en ceste meisme année, fut la paix faicte de la grant guerre
de laquelle je vous ait par cy devent pairlés, c’est assavoir du roy
Jehan de Bahangne, de Baudouuin, archevesque de Triève, du duc
Ferry de Lorrainne et du conte Édouuart de Bar, et de tout leur povoir, à l’ancontre de la cité de Mets. Devent laquelle il furent asciégé
par l’espace d’ung moix, et n’y firent oncque riens. Et durait la
guerre près de deux ans, tellement que le païs en fut fort destruict.
Et estoient leur questyon et demende tel comme il c’ensuyt 1.
C’ensuil les article des demende que les quaitre prince devenldit fai
saient à la cité de Mets et à toucte la comunallé d’icelle, parquoy ladicte
guerre ce esmeusl entre les partie.
Et estoit leur premier demende telz :
Premier, demendent et vuellent les seigneurs dessusdit que, tous les
héritaiges des fiedz et tous lez arrierfiedz que ceulx de Metz ont acquesté sen leur voulenté et san l’agréacion du seigneur, et encores les
wardes que appartiennent et doient appartenir ausdits seigneurs, les
quelles choses, devant touctes choses, vuellent qu’il leur soient rendus
par ceulx de Mets, ensemble les ariéraiges et lez levées desdits héri
taiges qu’il ont receu et levés. Lesquelles chose montent bien à la somme
de trois cent mil livrez de Metz, ou plus. Et, se aincy est que aucun
volcist mestre débat à ces choses, les seigneurs panroient en grey que
ceulx de Metz venissent en leur hostel pour panre et faire droit au
seigneur dez dessusdit héritaiges, dé fiedz et des arrierfiedz, wardes
et héritaiges 2 ; et lez devantdit seigneurs leur feront 3 droit aux uz
et coustumes dez pays.
1. HMe, t. IV, p. 13-17. Le texte publié par les Bénédictins est plutôt inférieur
à celui de Philippe, malgré son aspect plus archaïque. Nous en donnons les var
2. Arrieraigei et levées.
3. Feraient,
2
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
Secondement, demandent et dient lesdit signeurs que, quant ceulx
de Metz ont fait sonner leur bancloche i, et il panissent2 et font grief
et dommaige ausdits seigneurs ou à leurs hommes, ceulx de Mets
dient qu’il ne sont mie tenus de defïaire ne de rendre ne de recroire 3 :
se voulroient lesdit seigneur que ceulx de Mets du temps passez en
fissent restitucion ausdits seigneurs, ou à leur hommes, s’yl avenoit
que painnes 4 fut faicte, ou aultre grief, ausdit seigneurs ou à leur
hommes, ou à leur warde. Et peut bien monter le dopmaige que cil
de Mets ont fait jusques à la somme de cent mil livrez de Mets, et plus.
Thiercement, dient encor lesdit seigneurs et demandent que tous les
méfiais et dopmaiges que ont estés fais par eulx 5 demouresse bien
sur lesdit de Metz, et les dompmaiges et méfiais que ont esté fais par
ceulx de Mets ausdits seigneurs leur soient défiais par lesdits de Metz.
Car la guerre est 6 7faicte et acommenciée a tort et au deffault desdit
de Mets, enssy comme il appert par les raisons dessus dictes.
Quairtement, dient encor et vuellent lesdit seigneurs que les amant
soient ostés et anully 2 ; et que, de cy en avant, n’en soit plus usé. Car
c’est contre droit et contre coustume ; et ne le fait on en nulle cité du
monde. Et, pour ce, veullent que de cy en avant ilz praigne l’usaige de
seelz autentique.
Après, et pour la eincquiesme demende, veullent et dient encor les
dessusdict seigneurs que, de cy en avant, nulz de leurs hommes ne soit
prin ne arestez pour autruy seigneur ne pour debte qu’ilz doient 8, se
dont n’est qu’ilz ayent obligiez de leur corps par le consentement de
leur seigneur lige.
Item, pour la sixiesme demende, vuellent lesdit seigneurs que, tous les
biens qu’ilz ont prins sur ceulx de Metz, en leurs terres et sur leurs hom
mes, soient bestes ou aultres choses, soient debtes que lesdits hommes
deussent à ceulx de Mets, dont les seigneurs aient fait quictance ausdit
hommes, ou receu payment, ceulx de Mets n’en doient rien demander
à nulz jours maix ausdits hommes ne aux seureté 9 qu’ilz en auroient
fait, ains en doient quicter lesdits hommes, leurs plesges et seurreteiz.
1. Bancloche, cloche du ban, la Mutte.
2. Panir, procéder à une saisie à main armée. — Sur le droit de panie, voyez Aug.
Prost, Les Institutions judiciaires dans la cité de Metz, p. 221-222.
3. Réparer ce qu’on a détruit, restituer ce qu’on a enlevé.
4. Prinse. Ni les Bénédictins ni Philippe n’ont compris le mot panie ; ce mot désigne
une saisie exécutée par l'offensé lui-même sur celui à qui il réclame réparation d’une
injure ou d’un tort.
5. A ceulx de Metz demourent...
6. Ait estei.
7. Anullir, annuler, supprimer.
8. Leurs homes ne soient pris ne arrestés pour Vautrai ligej tel qu’ilz dussent. — Les
hommes liges des quatre seigneurs ne pourront être arrêtés pour une obligation ou une
dstte qu’ils auraient contractée à l’égard d’une tierce personne,
9. iSûreté, répondant, caution.
LA PAIX FAITE
entre metz et les quatre
«
contes
» (1324)
3
Et, pour la dernier article, veullent encor lesdit seigneurs que ceulx
de Mets ne puissent d’or en avant lesdit seigneurs contraindre, pour
choses qu’il aient à faire “, à nulz de leur hommes, tant comme il
volront, de raison de leurs dits hommes en leur hostelz l. Et que
lesdits seigneurs soient quicte de touctes dettes et de touctes plégeries
et obligacion 2 que ceulx de Mets leur polroient demander qu’il fussent
tenus à eux de cestuy jour en ayer 3*. 41 2
S’ensuienl les responces que ceulx de Metz font audit seigneurs sur les
demandes deventdicles.
Premier, aux articles et en brief que à présent lesdit seigneurs
demandent à ladicte cité de Mets, respondent lesdit de Mets que les
devantdis quaitre seigneurs n’ont ne n’eurent oncque seigneurie en
ladicte cité de Mets, eulx ne leurs successeurs 4, et qu’ilz ne sont en
rien tenus à eulx de tout ceu qu’ilz demandent. Et ne sont leur arti
cles en rien raisonnables à la fin et à quoy il tendent. Maix, ançois,
sont tenus les devantdit quaitre seigneurs, et leur aydant aucy, de
faire et rendre à ladicte cité touctes lez perdes et dompmaiges qu’ilz
et les leurs ont fais en la guerre qu’il ont acommanciez à toit et sans
cause, que montent à la somme de VIe mil livrez de mesains, et plus.
Et requirent les devantdit de Mets que aincy leur soit fait de par les
dit quaitre seigneurs, et leurs aydans, pour lez raisons que cy aprez
s’ensuyent.
Item, quant a premier article que lesdit quaitre seigneur font, dient
et respondent lesdit de Metz qu’il n’y ait citains en Mets, qui ait acquesté fiedz ou wardes, qu’il n’en ait bonne lectre des seigneurs don
les fiedz et wardes muevent, ou que les seigneurs ne les en aient repris
à homme, ou qu’il ne l’aient d’ancienneteit, comme hoirs de droicte
ligne. Et, se on pouvoit trouver qu’il fuit aultrement, se n’en deussent
mie les devantdits seigneurs encommancier ne amouvoir guerre 5 à
l’encontre de ceulx de Mets. Car il y ait plus de XXX mil personne en
Mets que rien ne tenoient ne np tiennent encor aujourd’huy d’eulx ;
et, pour ce, n’en deussent mie lesdits seigneur avoir brullé leur pays,
ne destruire les églises de l’éveschié de Mets, pour l’occasion desdit
héritaiges, wardes et fiedz, comme il ont fait. Mais deussent avoir
a. Mss. : affaire.
1. Que cilz de AZetz ne puissent de ci en avant conslraindre lesdis Seigneurs, pour
choses qu'ils aient, à faire raison de leur dis hommez en lour hostelz. —* Faire raison,
acquitter une dette. — Les quatre seigneurs seront quittes de toutes leurs obligations
antérieures, et la cité de Metz ne pourra les contraindre à acquitter ces obligations
par la prise de leurs vassaux.
2. Renderies.
3. Arrière.
4. Prédécesseurs ? Ce membre de phrase manque dans HMe.
5. Même s’il en était autrement, les seigneurs devant dits n’auraient jamais dû
pour cette cause susciter (émouvoir) une guerre.
4
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
saisis leur 1 fiedz don les fiéveis 2 ne faisoient leur debvoir, se aulcuns
en y avoit ; et deussent avoir demener leurdit fiefz * selon le droit et
usaiges de leur hostelz. Car, pour la mesprise de fiedveiz qui n’est
sire du païs, ne doit on pas le pays destruire, si comme lesdit seigneur
ont fait, à tors et à péchiés, si comme il apert especiallement pour ce
que, ançois que lesdit seigneurs accommancissent la guerre contre
la cité, les citains, la justice et gouverneurs de ladicte cité de Mets
envoyèrent souffizamment dever eulx, et leur monstrirent et offrirent,
à eulx et à leur conseille aucy : que, ce lesdit citain, en comun, ou
aulcun personnellement, estoient de rien tenus à eulx, par quelcunquez
chose que se fut, ilz en diroient et ferment tant, sans plait et sans
procès, qu’il dobveroit souffîre, et que touctes bonnes gens qui en
olroient parler diroient que ceulx de Mets en faisoient assés. Laquelle
chose lesdits seigneurs mirent à refïus, comme ceulx qui amoient
mieulx la guerre que la paix. Et fut chose bien aparant ; car, incontinant après ce fait, ilz defïièrent la dicte cité, et, le lendemain aprez,
commencèrent à faire dompmaiges à force d’armes ; et n’olt ladicte
cité que une seulle nuyct, sans plus, pour eulx prouveoir et garnir
en l’encontre des deffîances desdit seigneurs. Parquoy on peult entendre
et sçavoir se se fut honorablement fait sur ce que on leur avoit offry,
comme dit est. Et, pour ce, dient et respondent lesdit citains qu’ilz
ne sont mie tenus à paier ausdit seigneurs les trois cent mil livrez de
Mets qu’ilz leurs demandent on devantdit premier article. Maix doient
perdre lesdits seigneurs tel droit et propriété comme il avoient en
devantdit fiedz, pour raison de ladicte guerre et la 4 mesprise qu’ilz
ont fait, espéciallement contre ceulx qui estoient leur fxedveis, maix
les doient 5 dorénavant tenir pour leur franc alleufz, pour le meffait
que lesdit seigneurs ont fais.
Quant au second article, respondent lesdit de Metz qu’ilz ne sont mie
tenus de rendre les dompmaiges que les seigneurs demandent audit
article, jusques à la somme de cent mil livrez de Metz. Car, de sy long
temps qu’il ne scèvent nully du contraire 6, lesdit de Metz ont uzé
paisiblement en l’encontre de ceulx quy à eulx marchissent 7, soient
seigneurs, soient aultres, en tel manière que, se parsonne des citains
de Mets estoient pris, et la justice de Mets les requerroit, et estoit
appareillé de faire raison pour eulx 8, ou ce jornée en avoit esté tenue
1.
2.
3.
4.
5.
Les.
Fiévé, ancien français fieffé, celui qui est muni d’un fief, feudataire, vassal.
FiecLvey. — Les Bénédictins n’ont pas compris ce mot.
Et de la mesprise.
Et les doient de cy en avant tenir les fiéveis qui les tenoient en fiedz à?eulx pour leur
alluez. — Les fiévés sont maintenant dégagés de tout hommage par suite de la forfai
ture
6.
7.
8.
de leurs suzerains.
Qu’ilz ne souvient nullui du contraire, que personne ne se souvient du contraire.
Marchir à quelqu’un, être voisin, limitrophe de quelqu’un.
Lui,
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
5
an estaulx pour eulx et raison ne volcist soprendre 2,
* 1et aucy déli
vrer nen volcist on 3, la cité, selon ce que de raison porte et que bon
luy sembloit, requerroit son citains à son de bancloche 4 et main 5
armée au lieu où lez citains estoit pris et détenu à tort et à force, ou en
la terre du seigneurs que le devantdit citain tenoit. Et, se dompmaige
leur en avenoit, il seportoient 6, car celluy quy est dompmaigié par
sa déserte 7 le doit demander à luy mesme, et nemmie à aultruy.
Et n’ont mie ancy usé leur citains 8 que, pour pagnie a faire ou debte
requerre, soit la bancloche de la cité sonnée ; adez 9 en ont ilz fait
et volroient faire droit aux usaiges dez marches qu’ilz ont en l’en
contre des seigneurs 10.
Item, quant au thier article, respondent lesdit de Mets que les sei
gneurs pueent demander ce qu’il leur plaît. Maix il n’acquiteront jà
au seigneurs les méfiait et dopmaiges qu’ilz leur ont fait à torte et
sans cause. Ains les volront, s’ilz pueent, recouvrés sur eulx et sur
leur aydans, en temps et en lieu. Et, se lesdit seigneurs ont eu dompmaiges pour la guerre qu’ils leur ont fait et à leur tort, lez dompmaiges doient demorer sur eulx, car il leur sont avenus par leur mesprise et oultraige.
Après, respondent au quart article, auquelles les dit seigneurs veullent que les amant de Metz soient ostez. Mais, à cest article, lesdit de
Metz dient qu’ilz ne sont mie tenus de ce faire, ne voulenté n’en ont ;
car lez amant sont fais et estaublis à Metz pour paix et pour le bien com
mun, et de très grant ancienneté, par le consentement et volunté de
leur souverain, que faire le povoit, et que bien en sont previlégiez.
Et, cornent qu’il soit ou puist estre de l’office desdit amant de Metz,
au devantdit seigneurs n’en est rien d’en congnoistre. Car lesdits
seigneurs n’ont nulle seigneurie en ladicte cité, ne citain ne menans
n’en sont. Maix bien polroient requérir les devantdit citain, s’yl voulloient, per plus grant raison, que lesdit seigneurs ostaicent les tabelа. M : pagnien ; E : pagnier. Lire panie (voyez p. 2, n. 2 et 4).
1. Sur les marches d'estaus, voyez HMe, t. IV, p. 21, note h. — Un citoyen de Metz,
arrêté et détenu par un seigneur, est réclamé par la justice de Metz. Le seigneur peut le
relâcher, s’il est détenu injustement, ou prendre journée dans une marche d'estaus,
pour le faire juger par un tribunal mixte. S’il refuse l’un et l’autre, on sonne Mutte et
les gens de Metz délivrent leur concitoyen par la force des armes.
2. Et raison ne vocist on prendre.
3. Ne délivrer non volcist. Non, nen, ne le.
4. Voyez p. 2, n. 1.
5. Et à main armée.
б. Supportaient.
7. Par sa desserte, par sa faute.
8. Li citains.
9. Suppléer avant ce mot : et, s'il avenoit c'on la sonnest.
10. Le sens général est celui-ci : il y a deux procédures, l’une juridique (les marches
d'estaus), l’autre violente (on sonne Mutte; les citoyens se réunissent en armes et
interviennent par force) : les Messins n’ont jamais usé de la seconde que dans les cas
où les quatre seigneurs refusaient d’accepter la première.
6
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
lions qu’ilz ont, n’a mie grant temps, mis en pays volontairement *i,
sans l’auctoiité des seigneurs et des souverains dont ilz tiennent
leur terre.
Item, quant a cincquiesme article, respondent lesdit de Mets qu’ilz
ont uzé, tant en Loherenne comme à Mets, de sy long temps qu’ilz ne
scèvent nulluy du contraire 2, que, quant ung seigneur leur doit, et
on ait clère congnoissance ou monstrance, on puet bien arester les 3
hommes desdit seigneurs pour sa debte per congié de justice. Et
pueent bien aucy les hommes des signeurs obligier leur corps sans le
grey de leur seigneur ; et ainsy en ait on usé anciennement. Car lez
hommes ne sont mie serfz de maisnie, maix sont gens de franchise.
Et, se on trouvoit et arrestoit aulcuns quy fut serfz de maignie, on lez
poroit ° arester pour leur frais et pour lez debtes de leurs seigneur 4,
maix il prenroient moult envifs J obligacion de gens serfz de maignie,
se se n’estoit par le grey de leur seigneurs 5.
Oultre plus, respondent lesdis de Metz sur le VIe articles et dyent
qu’ilz ne sont mie tenus d’acquiter ne ne quitteront 6 lesdits seigneurs,
ne leurs hommes, dez biens, des bestes et debtes que lesdits seigneurs
ont prins sur lesdits de Metz ne sur leur hommes, ne jay n’en donront
quictance, pour choses que lesdits seigneurs en ayent fait et facent
cy après, jusques à tant que lesdit seigneurs de Metz et leurs hommes
en seront restituez et restaublis et paiés enthièrement. Et n’ait lieu
en crestienté que on ne doit tenir ledit article pour desraisonnable ; et
sont merveilleux 7 lesdit de Mets par quel conseil et par quelle volunté
lesdit seigneurs leur quièrent et demandent sy grant forquise 8 corne
c’est.
Item, quant au VIIe et dernier article, qui est aucy desraisonnable
comme le VIe, ou plus, ad ce que lesdits seigneurs vuellent estre quicte,
sen paiement faire, des debtes, plégeries et renderies qu’il ont cranté
et qu’ilz doient à ceulx de Metz du temps passez, et que lesdit seigneurs
n’en puissent estre contrains par prinse de leur hommes, respondent
a. Mss. : povoit.
b. Mss. : evifz.
1. De leur propre initiative.
2. Voyez p. 4, n. 6.
3. Des hommez.
4. Et, se on trovoit que aucun fut serf ou de maisnie, la Cité de Metz lez pouroient bien
arrester pour le fait de leur signeur...
5. Envis, malgré eux. — L’expression est curieuse. Les Messins ne s’interdisent pas
de prendre obligation sur des serfs, mais ils le feraient « bien malgré eux ». On distingue
ici nettement entre l’homme libre, qui a le droit de s’obliger sans l’autorisation de son
seigneur, et le serf, que l’on peut confisquer, comme un autre bien meuble du seigneur,
mais qui ne peut s’obliger lui-même.
6. Ne jà n’acquitteront.
7. Les citoyens de Metz se demandent avec étonnement par le conseil de qui, etc.
8. Forquise, demande injuste, d’un verbe forsquerir, réclamer à tort.
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE <( CONTES » (1324)
7
lesdit de Mets que ce ne doit mie estre, ne jà, à leur povoir, adviendra,
car se seroit contre droit et coustume de usaige de pays 1. Et peult
on veoir appartement 2 le droit que les devant dit seigneurs ont eu
jusques à cy en la guerre qu’ilz leur font, et quelle raison il veullent
faire ausdit de Mets, et à quelle cause il ont cest dite guerre accommencié, et à quelle fin il la maintiennent. Car ilz volroient estre quictes
pour leur haultesse et pour leur force 3, nommye seullement dez bien
qu’il ont pris et ravis sur ladicte cité et leurs hommes, et dez dopmaiges
qu’ilz leur ont fait, que montent à plus de VI cent mil livrez de Mets,
mais vuellent encor, avec ce, estre quicte, et sans payement faire, des
debtes qu’ilz doient, dont ilz ont receu argent, avec 4 ce estre quicte
de renderie et plégerie qu’il ont cranté pour leur amis et pour leurs
hommes, et dont ilz sont 5 obligiez par leur sairment, par leur foy,
par leur esployz 6 et par lettres seellées. Et ne mettent lesdit seigneurs
aultres raison avant, fors que ancy7 le veullent avoir. Ceu qu’ilz ne debveroient requérir ne volloir, voir quant la cité de Metz ceroit ou estoit 8
essize en leur terre, ce que oncque ne fut, ne jà n’aviengne, car ançoy
fut la cité de Metz fondée et establie en touctes franchises que cité
de l’empire 9 peult ou doit avoir, et ainçoys que jamaix y eust archevesque en Trêve, ne roy en Bahaigne, ne duc en Loherenne, ne conte
en Lucembourg, ne conte en Bar.
Sy prient et requièrent pour ce lesdit citains de Mets à tous preudhomme et à touctes bonnes gens que ses choses saveront, et que veoir
polront lesdit articles et demandes desdit seigneurs, et les responces
de ladicte cité de Metz, qu’ilz en vuellent avoir desplaisances des grant
perdre 10 11
et de la destruiction et griefz dompmaige que les devantdit
seigneur ont fait sur ceulxdeMetz et sus leurs consciences n, encontre
raison, et meismement aux église et abbaie de Mets, à leur persones,
leurs biens et à leur hommes, et à telle attencionz 12 et par telle cause et
à telle fin comme les devantdit seigneur ont démonstrez et desclairiez
en leurdit articles : car telle chose ou semblans polroient encor avenir
en plusieur lieu, s’y povoient joyr de leur entreprinse, ce que Dieu ne
vuelle.
— Item, que, sur les demande que les quaitre devendit seigneur fai1. Contre droit, contre costume et usaige de pays,
2. Apertement, d’une manière évidente.
3. Hautesse, orgueil, insolence. Ils n’ont d’autre droit que leurs prétentions insolen
tes et la force de leurs armes.
4. Suppléer : et avec ce.
5. Suppléer : dont ils se sont obligés.
6. Par bons esplois. — Exploit, acte authentique.
7. Si ce n’est que ainsi il le veulent, si ce n’est leur bon plaisir.
8. Bénédictins : se la citeit de Metz estoit assize en lour terre.
9. Il faut corriger : que l’empire. Metz est la plus ancienne de toutes les cités de
l’empire.
10. Pertes.
11. On attendrait : contre leur conscience (contre Dieu) et contre raison.
12. Intention.
8
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
soient à la noble cité de Mets et aus abitans d’icelle, comme cy devent
avés oy, et aucy sur la responce que lesdit de Mets leur firent, comme le
contenus est cy devent escript, furent plusieurs journée tenue entre
les partie. Et tant que gens de biens c’en mellairent, et, désirant la paix,
firent tant que les parties olrent acord et bonne paix ensamble, cellon
que les lectres de ladicte paix cy après escripte le devisent, lesquelles
conthiengne tout le traictiés d’icelle paix, comme la teneur s’ensuyt,
S’ensuit la lettre de la paix faicte sur le fait de ladicte guerre f
Nous, Baudouuin, par la grâce de Dieu archevesque de Trièves,
Jehan, par celle meisme grâce roy de Bahaigne et de Pollenne et cuens
de Lucembourg, Ferry, duc de Loherenne et marchis, et Édouars,
cuens de Bar, et nous, les maistre eschevin et les trèzes jurez et toucte
la comunalté de la cité de Mets, faisons sçavoir à tous que, du descord
de la guerre que nous, Baudouuin, archevesque de Trêves, Jehan, roy
de Bahaigne, Ferry, duc de Lorenne, et Édouuair, cuens de Bair, aviens,
nous et noz hommes et noz aidans, contre la cité de Mets et contre leur
justiciables et leurs aydans, bon accord et bonne paix et lealle en est
faicte entre nous, d’une part et d’aultre, pour tousjoursmaix.
En telle manière que tous les prisonniers qui ont estez prins pour
l’occasion de la guerre deventdicte, que nous tenons d’une part et
d’aultre, leur foidz et leurs ostaiges doient estre tout quicte et tous
délivrez en bonne foix et sans mal engin, d’une part et d’aultre, saulfz
leurs despens payans souffîzamment.
Item, les citains de Mets, les clergies et leur subgès yront et polront
aller en leur terres et en leurs villes et en leurs héritaiges et en leurs
waigiers et à leurs biens, partout où ilz l’aient, et en esploiteront et
lèveront leurs debtes ensi comme il faisoient et povoient faire devant
celle dicte guerre ; saufz ce que nous, lez devantdit seigneurs, noz
hommes et noz aidans, en avons prins 12 3et leveis on temps de ladicte
guerre en leurs héritaiges, leur rante, leurs waigiers, ou aillieur, où
que se soit, en bestes, en bledz, en revenues, en chaptelz, 3 en rentes
d’argent ou en aultres choses ; et, en semblan manière, tout ce que
nous, lez maistres eschevin, lez Trèzes et communalté devantdit,
nous justiciables et noz aidans, avons prins et levez des chaptez et
des biens des devantdit seigneurs, leur hommes et leur aidant, en quelcunque chose que ce ait esté.
Et [de] tous les dompmaiges qui ont estés fait on temps de ladicte
guerre, et de touctes lez seuretez que on avoit donné 4 dedens celle dicte
guerre, sont tous quictes d’une part et d’aultre, ne n’en poions jamaix,
les parties devantdites, rien demander. Saulfz ce que les devantdit
citain, lez clergiez, et leur justiciables, et leur aidans, pueent et pol1.
2.
3.
4.
HMe, t. IV, p. 19-24.
Avons pris don lour et de lours aidans on temps de la guerre.
Châtel, revenu en nature.
Suppléer ; de ce que leveis est dedens la guerre.
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
9
roient demander et lever leur debte de bledz et d’argent que on leur
doit, tout en la forme et en la manier qu’ilz les peussent avoir levez
et demandez devant Iadicte guerre, forsque les choses dessus dites,
qui avoient estés prinse durant Iadicte guerre ; et, en semblan manier,
nous, les devantdit seigneurs, noz hommes et aidans, porons lever
et demander touctes les debtes d’argent et de bledz que lez citains,
les clergies, leurs justiciables et leurs aidans nous doient, forsque les
choses dessusdites.
Item, touctes les revenues1 des héritaiges et touctes escruees 2 3que
nous, les devantdites parties noz homes, nos justiciables et nos aidans,
avons fait d’une part et d’au tre, lez ung sur les aultres, sur la clergie,
sur nos hommes, sur noz justiciables, et sur nos aidans, et sur noz
terres, en quelcunques manières que se soit, on temps de la guerre,
sont et doient estre de nulles valleurs ; et revanront lesdits héritaiges,
les droictures et les rentes, en quelcunque manier que se soit, à 3 les
devantdictes parties, a clergie, a 4 hommes, à nos justiciables et à nos
aydans ; parquoy les devantdit héritaiges, les droictures et les rentes
soient mises et restaublie en leur 5 estât, saulf que les chastelz levés on
temps de la guerre en la manière dessusdite.
Item, nous, par 6 les parties devantdictes, avons accordés que les
citains de Mets ne puent acquester fiedz ou arrierfiedz sans la volunté
du seigneur de cuy le fiedz ou arrierfiedz muelt 7. Et, s’il achètent
héritaiges, tours ou maisons, que mucent 8 des wardes des seigneurs,
ou de gens de preste 9 de dessoubz lez seigneurs, ilz en feront aux
seigneurs tel service et en paieront telles droictures comme l’héritaige
paioit par avant l’aquest.
Pareillement, est accordé que, se les citains de Mets avoient plait
de fiedz où il seroit antré 10, si comme de trefïons, ilz en playdieroient
et feroient droit, en bonne fois, sen mal engin, en l’ostel du seigneur de
cui le fiedz muelt ; et feroit tel service comme ledit fiedz requiert.
Et, se lédit citain ont acquestés nulz fiedz jusques aujourd’huy,
dont ilz n’aient mie repris des seigneurs don le fiedz mueult, ilz11 en
doient repranre, et les seigneurs les en doient recepvoir.
Item, est encor accordez entre nous que lez citains de Mets ne pueent
deffendre ne warentir nulz hommes de nos12, seigneurs, qui sont levant
1. Retenues. Il s’agit ici des confiscations de rentes, etc.
2. Escrues, acreue, supplément qui s’ajoute à une rente, etc. — Tous les biens et
tous les revenus réquisitionnés pendant la guerre seront restitués à leurs anciens posses
seurs.
3. A nous, les devant dites parties.
4. A nos hommes.
5. En leur premier état.
6. Supprimer par.
2. Meut, de mouvoir.
8. Meuvent, subjonctif de mouvoir.
9. Poiesteit, poesté, juridiction : gens placés sous l’autorité des dits seigneurs.
10. Entrés. Entrer dans un fief, l’acquérir ?
11. Ils les doivent reprendre des seigneurs.
12. Corriger : de nous, seigneurs devant dits.
10
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
et couchant desoubz nous, ou desoubz aulcuns de nous, contre nous,
devantdites signories *, ne contre noz homme.
Aucy est accordez entre nous que, se aulcun dez hommes de nos
devantdites signories ou de nos subgectz mefïaisoient sur ceulx de Metz,
ceulx de Metz en doient requérir leurs seigneurs, et s’en pueent panre
à eulx et aux meffaisans, et à leurs aidans et à leurs biens, tant que rai
son soit faicte audit de Mets.
Après, touchant de nos aultres discors qui polroient estre de cy
en avant entre les parties dessusdictes, nos hommes, nos justiciables
et aidans, en 2* doient
1
ouvrer et faire d’une part et d’autre par estault 3
et selon coustume d’estalz.
Item, il est encor accordez que chacun dez seigneurs promest, par 4 luy
et par les siens tant seulement, à tenir les choses desssusdictes tant
comme à luy et aux siens touche.
Et, parmi ce, les parties dessusdictes, nos sommes escordez et avons
promis et promectons en bonne foy que nous osterons et deschasserons
tous les robeurs et tous ceulx quy feront empeschement en conduit
et en chemin qui sont en noz terres, parquoy pèlerins et marchans
et tous aultres bonnes gens y puissent aller et venir bonement et seurement et conduire leurs bien, drois a faisant.
Et ceste paix et accord avons nous, les devantdit seigneurs, fait et
crantés pour nous et pour noz hommes et pour nous aidans ; et nous,
les devantdit maistre eschevin et trèzes jurés de Mets, les avons faicte
et crantée pour nous et pour toucte la communalté de Mets, pour nous
justiciables et pour nous aidant.
Et nous, lez signeur deventdit, avons promis et jurez sur saincte
euvangilles et sur toucte la créance et foy que nous tenons de Dieu,
et promestons en bonne foy, sans malengin, sur obligationz de tous
noz biens, que nous tanrons et garderons ceste paix et touctes les choses
dessus dictes fermement et loialment, sans venir à l’encontre ne faire
venir, par nous ou par aultres, en quelque manier que ce soit, à nulz
jours maix. En tesmoingnaige de laquelle chose, et pour ce que touctes
les choses dessusdictes soient fermes et estaubles à tousjourmaix, nous,
Baudouuin, archevesque de Trièves, Jehan, roy de Bahaigne, Ferry,
duc de Loherenne et marchis, Édouuair, cuens b de Bar, devant nom
mez, avons mis nos seelz en ces présantes lestres. Qui furent faictes
l’an de graice Nostre Signeur mil trois cent et XXV, le tbier jour du
moix de mars.
a. Mss. : drois bien.
b. M : eues.
1. Seigneurs. — La cité de Metz ne peut s’interposer entre les quatre seigneurs et
leurs vassaux.
2. Suppléer : on en doit ouvrer.
3. Sur les estaus, voyez HMe, t. IV, p. 21, note b. Il s’agit ici des marches d’estaus.
En droit privé messin, l'estault n’est autre que la saisie et vente publique des biens
meubles par autorité de justice.
4. Pour lui et four les siens.
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE (( CONTES » (1324)
11
S’ansuit encor une lettre faisant mancion de la dicte paix et en conferment la premier, comme la teneur c’ensuit :
Nous, Baudouuin, par la grâce de Dieu archevesque de Trièves,
Jehan, roy de Bahaigne, de Pollenne et cuens de Lucembourg, Ferry,
duc de Loherenne et marchis, et Édouuair, cuens de Bar, et nous, le
maistre eschevin, les trèzes jurés et toucte la communaté de la cité de
Metz, faisons sçavoir que nous avons fait bonne paix et bon accort
entre nous, d’une part et d’aultre, en la manier qu’il est contenus en
bonne lettres devent dictes, desquelles ces présentes ont estés estraitte i.
Et encor, par ainsy que, c’il avenoit que aulcuns hommes estraingiers, que ne fut hommes aux seigneurs dessusdit ou d’aulcun de nous,
prenist waiget 2 sur ceulx de Metz, et il trespassoit parmy le povoir de
noz seigneurs devantdit, on d’aulcun de nous, lesdit de Metz doverient requérir le seigneur en cuy terre le malfacteur passeroit, ou à son
lieutenant. Et, si on n’en faisoit assés ésdit de Metz, à la journée qui
en 3 vanroit aux estaulx, ceulx de Metz polroient dès lors en avant
chesser 4 leur raisons. Et, en semblan manier, que, se aucuns estrainge
mefïexoit sur nous ou aucun de nous, seigneurs devant dit, et il tres
passoit parmy la cité de Metz ou parmy les bourg de Mets, lesdits citains de Metz seroient tenus 5 à nous en la manier qu’il est devant dit,
et tout aincy comme nous feriens à eulx. Et ne doient lesdit citains de
rien résister 6, ne retenir, allant ne venant, en leur forte maixon qu ilz
ont defïuer de Metz, nulz estrainge malfacteur qui volroient porter
dopmaige aux devantdit signeurs, à leurs hommes ou à leurs sugect ;
et, c’il le faisoient, lez seigneurs en chaisseroient leur raisons en la
manier dessus dit.
Item, quant ceulx de Metz feront chevaulchiée, ou aucun de nous 7, et
on faixoit dompmaiges, par leurs defïault et par leur coulpes, sur ce
que ne sont leur ennemys, ceulx de Metz feroient la recréance de cleire
choses, et du remenant il feront selon coustume d’estaulx ; et autel 8
noz, seigneurs dessusdit, ferons et devrons faire sur ceulx de Mets en
semblan cas.
Pareillement, se aulcun de nous, seigneurs devantdit, ou de noz
subgectz devantdit, mesfaisoient sur ceulx de Metz, lesdit de Metz en
1. Ensqueille ces présentes lettres sont enaixiées (annexées).
2. Suppléer : prenest ou waigest.
3. Que on.
4. Chasser, présenter en justice. Ce n’est qu’à Metz que les mots chasse, chasser ont
reçu l’acception de : demande en justice, poursuivre en justice, etc.
5. Suppléer : seroient tenus de faire à nous.
6. Recepteir, receler, recevoir chez soi : en particulier, un individu recherché par la
justice.
7. Corriger : aucun d’eux.
8. Autreteil : la même chose. — Le sens général est celui-ci : quand les gens de Metz,
en temps de guerre, feront quelque dommage à leurs propres alliés, ils répareront ce
dommage (faire recréance) si le cas ne peut donner lieu à discussion (claire chose) , et
dans les cas douteux, la question sera portée devant les estaus.
12
GEOFFROY GROGNAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1324)
doient requérir les seigneurs. Et, on cas où lesdit seigneur deffalroit
de raison et de justice, il s’en puent pranre à luy et aux mesfaisans, et
à tous leurs aidans, et à tous leurs biens, et tant que raison soit faicte.
Et autretelt nous ferons a et devrons ceulx de Metz, en semblan cas.
Et selon nostre 2* entendement
1
est clamés l’article qui est escript en la
lectre devent dicte de la paix, laquelle fait mencion de ceste dairienne
article.
En tesmoinaige de laquelle chose, et pour ce que ferme soit et estauble, nous, les maistre eschevin, lez trèzes jurés et toucte la comunaté
de la cité de Mets, avons mis nostre seelz de ladicte cité en ces présentes
lestres. Avec ce avons priez et requis a révérend perre en Dieu, nostre
chier et amé signeur, seigneur Louuy de Poitiers, à présant évesque de
Metz, et créés pour celle année, que il vuelle mettre son seel avec le
nostre en ces présantes. Et nous, Louuy dessusdit, à la prière et requeste des devantdit citains, avons fais métré nostre seelz en ces pré
santes lettres avec le seelz comun de ladicte cité de Mets. Que furent
faicte l’an de grâce Nostre Seigneur mil trois cent et XXV.
[de LA PAIX DE
i324 a la consécration d’adémar
DE MONTEIL, SOIXANTE-DOUZIÈME ÉVÊQUE DE METZ, EN l32^]
Item, en l’an devantdit mil trois cent et XXIIII, et durant encor
l’année du deventdit maistre eschevin le sire Jofïroy Grognât, en
laquelle année fut acommenciet le traictiés de la deventdictes paix,
comme icy devent je vous ait dit, avindrent encor plusieur aultre mer
veille.
Sainct Dominicquez canonizés. — Et, premier, en celle dicte année,
le glorieulx sainct Dominicquez, de l’ordre des Prescheur, fut cano
nisés.
Item, en ladite année, morut d’anfïant la femme le deventdit roy
Charles de France. Et, après, print ledit roy Charles à femme Jehanne,
fille de Loys, conte d’Évreux, laquelle estoit sa cousine germennes.
Aucy, en celluy temps, advint encor en France une grant merveille.
Car, à la court du roy, pour cellui tamps, y avoit ung parsonnaige qui
avoit nom Pierre Remy. Lequelle Pier estoit extraict de pouvre
gens ; et, de fait, son perre estoit moistrier em une dez moitresse
de Sens, et depuis il gardait les bestes. Et, après sa mort, ledit Pierre,
son filz, les gardait V ans ; et, depuis, il fuit vigneron. Et, après tout
ce fait, il ce avanturait, et, néantmoins qu’il fut estrait de petit lieu,
a. Mss. : serons.
1. Suppléer : devrons faire.
2. Selon cest entendement. — Il faut comprendre : tel est le sens de l’article, etc.
Clamés doit sans doute être corrigé ; le texte des Bénédictins porte desclairiet.
Louis DE POITIERS CRÉÉ ÉVÉQUE DÉ METZ (1325)
13
comme dist est, il devint en sy grande prospérité que paisiblement
il gouvernoit le royalme de France, et en faisoit quasy à sa volunté.
Or, il estoit fort bel homme. Mais il faisoit de luy plus que mestier
ne luy fut esté, parquoy il en vint à putte fin. Car, comme il serait
dit cy après quand tamps serait, et a tamptz du [roi Philippe °], il fut
pendus et trainné au gibet de Paris pour ses forfais et desmérittes.
Laquelle chose, comme j’ay dit dessus, est moult dangereuse à ung
homme de petit estât, quand il vient en trop grant graice dez prince
et dez signeurs. Car alors tout le monde en est envieulx, et est tous
les jour en grant dangier de sa vie.
Cy nous tairons de ces chose, et retournerons aulx évesque de Mets.
Loys de Poitiers, lxxje évesques, thint le sciège iij ans; mil iiic et
— Loys de Poitiers fut le LXXIe évesque de Mets. Celluy estoit
premier évesque de Langres, et fut translautés à Mets l’an mil trois
cent et XXV, en laquelle année estoit maistre eschevin de Mets le
seigneur Hugues Hanneborjat. Et fut celluy Loys premier receu à
Marsault. Puis, après, il vint à Mets, la vigille de la Purification, pour
et affin qu’il fist les Trèzes. Et puis pourchaissait tant que Hombourg,
Vy et Rembéviller luy furent restituez dez seigneurs que les tenoient.
Sy fist adoncque refïaire lez murs de ladicte Vy; et, après, pour respargnier lez grant despens qu’il luy eust faillus faire en Mets, il s’en
allait en sa terre, dever Montélimairs, en Provence, et là fit édiffier le
chastel de Pigeron. Et puis, tantost après, il cheut en malladie et ce
laixait morir. Et ne régnait que trois ans ; et, c’il heust plus vesqueu,
il eust grandement amendés l’éveschiés. Et mourut le sixiesme ans de
la créacion du deventdit pape Jehan XXIIe.
Le conte de Flandres print par ceux de Bruges. — Item, en la deventdicte année qu’il fut créés, ceulx de Bruges prindrent le conte
de Flandres, leur signeur, et le tindrent longuement prisonnier. Et,
depuis, le roy de France donnait ayde audit conte et le remist en son
païs, comme cy après serait dit.
Et, en ce meisme temps, faillirent les proudons en Mets.
Grant seicheresse et fort yver ; les pons de Paris rompus. — Item,
aussy en celle dicte année, il fist sy grant sécheresse en France qu il
n’estoit homme que jamaix l’eust veu pareille. Et le temps de 1 yver,
aprez, fut sy très appres et sy angoysseulx de froidure que la ripvière
de Seyne fut sy fort engellée que on charroioit à grant puissance par
dessus ; et, au dégeller, les glasses furent sy impétueuses qu elles
romppèrent les deux pons de Paris.
Aussy, en celluy temps, morut le noble Charles, conte de Vallois
et d’Anger, père à Phelippe, le conte du Mainne, quy depuis fuit roy
de France.
Mil iijc et xxvj. — L’an après, que courroit le milliair par mil trois
xxd.
a. Les mots et a tamptz du roi Philippe, ajoutés dans la marge, ont été rognés en
partie par le couteau du relieur. Voyez, sur Pierre Rémy, p. 20,
14
GUERRE ENTRE LES « PARAIGES » ET LÈS ARTISANS DË METZ (1326)
cent et XXVI, fut maistre eschevin de la cité de Metz le sire Gille le
Belz.
La guerre des bourgeois de Mets contre le comun. — Et, en celle année,
ce acomensait la guerre des bourgeois de ladicte Metz encontre le co
mun d’icelle. Et furent dehors lesdit bourgeois de la cité ; et, de fait,
ont prins la guerre encontre ycelle cité ; et furent avec lez quaitre
seigneurs dessusdits prez d’ung ans. Et vindrent yceulx à ost devant
Mets, et ardirent les bourg de Sainct Jullien tout en jusques la porte
de Pargnemaille. Et, meismement, fut le maistre eschevin fuer de
Metz, avec les bourgeois d’icelle, dès le mécredi devant la sainct Siphoriens en jusques deux jours devant la feste sainct Pier en fenal.
Auquelle tamps la paix en fut faicte, et ce furent lez partie acourdée.
Édouuard, roi d’Angleterre. — Item, en celle année mil trois cent
et XXVI, Édouard fut coronnés à Londres roy d’Angleterre et de tout
le pays, vivant, encor son perre et sa mère. Celluy Édouard fut vail
lant prince, et oit en son temps plusieur guerre contre Phelippe de
Vallois, pour l’eur roy de France, corne cy après serait dit.
Frossairt nous raconte que l’occasion de celle guerre entre les Françoys et les Anglois advint pour ce que ledit roy Phelippe, nommés
le Belz, eust trois filz, avec une fille, nommée Ysaibelz. Laquelle fille
fut mère au deventdit roy Édouard. Et, après la mort dudit roy Phe
lippe, le plus aisnés de ces trois filz, nommés Loys Hutin, duquelle
nous avons icy devent pairlés, fuit roy de France ; et morut sen hoirs
masle. Et, après luy, le fuit son frère Phelippe le Loing, lequelle pa
reillement mourut cen hoirs. Et, après la mort dudit Phelippe, fut
roy Charles, son frère. Et aincy furent tous trois roy de France, et
morurent tous sans hoirs maisle de leurs corps, comme dit est. Parquoy les Angloys vouloient dire que le jonne Édouaird, filz de ladicte
Ysaihel, leur seur, debvoit régner en France. Mais les XII père de
France, par comun accort, donèrent le royalme à monsseigneur
Phelippe, qui fut nepveu a beau 1 roy Phelippe de France dessus dit.
Par quoy, à ceste cause, ce esmeut la grande et mortelle guerre entre
les François et les Angloys, laquelle jamaix ne print fin. Et avoit ledit
Édouair de sa partie le prince de Gales, son filz, le duc de Lenclastre,
messire Régnault de Gobehan, messire Gaulthier de Mauny en Hainault, chevallier, messire Jehan Chauldos, messire Foulques de Harle,
et plussieur aultres. Et, de la partie de Phelippe de Vallois, roy de
France, régnoit Jehan, son filz, Charles, roi de Bahaigne, le conte
d’Alençon, le conte de Foix, messire Sainctrés, messire Arnoult d’Angle, monseigneur de Biaujeu, le père et le filz, et plussieurs aultre.
Plussieur gentilzhomme d’Angleterre décapités. — Or, advint que, en
l’an dessusdit mil trois cent et XXVI, le roy d’Angleterre fist décoller
ung jantillomme, nommés Thomas de Lenclastre, avec XXII des plus
noble de son royaulme, à la requeste d’ung de ces noble homme, nom1, Philippe VI de Valois était le neveu de Philippe le Bel.
HUGH DÉ DESPENSER EXÉCUTÉ EN ANGLETERRE (1326)
15
més Hue le Despencier. Lequelle Hue avoit pour ce tamps grant crédicte en la court dudit roy, et ce gouvernoit le roy par son conseille.
Cy luy fist acroire que ledit Thomas et lesdit XXII le volloient bouter
hors de son royalme. Parquoy le roy, cen grant conseille, fit faire
l’essécussion deventdicte. Et voult on dire que celluy Thomas fit
de grant miraicle depuis qu’il fust décapités.
Cruelle justice excercée aux paiis d’Angleterre. — Pareillement, en
celluy temps, comme cy devent est dit, la conspiracion fut faicte
contre Édouuart, roy d’Angleterre. Car ledit roy avoit en sa court
celluy chevallier bien amés, appellé Huet le Despancier, par le con
seille duquelle le roy se gouvernoit du tout, comme dit est. Et la vielle
reyne, qui estoit seur au roy de France et mère a roy Édouuair, n’amoit point ledit chevallier, ains le haioit sur tout, car par lui avoit
la damme estez déjectée hors du royaulme. Et tellement que, pour
abrégier histoire, ledit Huet vint à telle fin que, en ladicte année, le
jour de la sainct Denis en octobre, furent justiciés trois noble homme
dudit reaulme d’Angleterre. C’est assavoir ledit messire Hue le Des
pencier, lequel fut le premier prins, car ladicte royne le fist panre et
mestre en prison bien estroicte. Et, après, le fist retirer hors, et fut
traynés sur une cloye. Et puis luy fit tirer hors tous les boiaulx de son
corps et les faire ardre devent ces yeulx, qu’ilz lez veoit, luy encor
vivant ; et puis luy fit copper la teste et mestre en quatre quartiers.
Et puis lé fist pandre aux quatres villes principalles d’Angleterre. Et
fist copper la teste à son père et à ung évesque qui estoit son oncle.
Et fut ce fait le dit jour de cost le chaistel de Bristo1. De quoy ce fut une
chose que biaucopt de gens ce donnirent grant merveille, de veoir ung
homme de cy grant auctorité venir à telle fin.
Or dit à ce propos maistre Robert Gauguin que, en celluy tamps, y
avoit heu grant noise et desbat entre ledit Charles, roy de France, et
le roy d’Angleterre, ad cause de la principalté d’Aquitairme. Toutteffois, ladicte Ysabel, royne d’Angleterre, qui estoit suer audit Charles,
roy de France, ce avoit heu partit de son païs avec son petit filz
Edouard ; et c’en vint en France devers son frère, et resseut la princi
palté, de laquelle son filz en fit foidz et homaige au roy Chairles, son
oncle. Mais, quant le roy d’Angleterre en fut advertis, il en fust cy
très maris qu’il fist defîandre à tous les port du royaulme que l’on ne
laissait antrer sa femme. Toutefïois, à l’ayde de ces amis, elle y antra,
et fist tant qu’elle fut en grâce des seigneur, lesquelle déjectairent ledit
roy son mary et couronnairent le jonne anffans Édouard roy d’Angle
terre. Et alors fut faicte celle greuve justice dudit Hugue le Despencier,
comme cy devent ait estés dit, lequelle avoit a roy tout conseillier ce
mal. Car, après ce que l’on luy oit tirés touctes les antraille du vantre,
voyant ces yeulx, l’on les brullait ; et puis l’on luy tranchait la teste.
Et ce fut fait en l’an devent dit mil trois cent et XXVI.
1. Mss. : Brisco. — Hugh de Despenser fut exécuté à Bristol.
16
LÉS MAITRES DES MÉTIERS ORDONNÉS EN METZ (1327)
Mil iijc et xxvij. — Item, l’an après, et que le milliair courroit par
mil IIIe et XXVII, fut maistre eschevin de Metz le sire Thiébault
Feriat, avellet a seigneur Ferry Ghielairon. Et ne le fut que depuis
la sainct Pierre en fenal jusques à la sainct Benoy.
Guerre entre Anglois et Escossois. — Et, en celle année, le roy Robert
deBreux1 d’Escoce deffiait le jonne roy Édouaird d’Angleterre. Lequel
roy envoiait tantost quérir secour de toutte part. Et y vinrent plusieur noble et grant personnaige. Et, entre les aultres, y vint messire
Jehan de Haynault, messire Gaulthier, sire d’Angier, messire Henry,
sire d’Antoingle. Et encor y vinrent plusieur aultre noble de Flandre,
telle comme messire Hector de Villains, messire Jehan de Rodes, et
plusieurs aultre. Pareillement, en y vint de Braibant, des Bahaignons,
des Cambrésis, tant que le devent dit messire Jehan de Hainault avoit
bien en sa compaignie Ve homes d’armes, tous bien em point et bien
montés, comme on treuve és cronicques que de ce sont faictes. Mais
ledit roy Robert morut en celle année. Parquoy ledit roy Angloys,
veant ce, fist sa première chevaulchiée sus les dit Escossois. Et olrent
mortelle guerre enssemble, car ledit d’Angleterre avoit avec luy bien
LXII mil homme d’arme, tant ung que aultre.
Les maistres des mestier ordonnés en Mets. — Item, en celle dicte année
mil trois cent et XXVII, on fit les grans maistres de chacun mestiers
de Mets.
Et aussy, avilit que, en ladicte année, la vigille de la Purificacion
Nostre Damme, morut le deventdit Charles le Bel, roy de France et
de Naples, au bois de Vincennes. Et fut enterré à Sainct Denis. Et,
pour ce que ledit roy n’avoit point de hoirs masle de son corps, le
royaulme esche ut à son cousins germains Phelippe, le conte de Vallois
et d’Angiers, que fuit filz a vaillant prince dont nous avons dessus fait
mencion. Et fuit cestuy Phelippe coronné à Rains.
Bigoreuse justice exercée aux paiis d’Angleterre. — Pareillement, en
celle dicte année, avint en Angleterre de merveilleuse aventure. Car
deux noble hommes, grant parsonnaige de la court du roy Édouairt,
roy d’Angleterre, furent justiciés et mis à mort, dont l’ung ce nommoit le conte de Breut, oncle dudit roy Édouairt, l’autre se nommoit
messire Roger de Mortemer 2. Et la cause fuit pour tant que le dit
Roger de Mortemer fist acroire a roy Édouaird que le conte de Breut,
son oncle, le voulloit empoisonner. Parquoy le roy, qui creut tropt de
légier ledit Roger, fist publicquement décoller son dit oncle le conte de
Breut. Dont il avint, ung peu de temps après, par fortune, que la
vieille royne, mère du roy Édouaird, qui estoit vesve, fut ensaincte
d’enffant ; et fut dit que c’estoit dudit Roger de Mortemer. Le roy,
advertis de ce cas, fist prendre ledit Roger, et fut menés à Londres ; et
fut là délibérés qu’il en estoit de faire. Alors, quant le roy Édouairt
1. Robert Bruce, roi d’Écosse.
2. Mortimer fut pendu le 29 novembre 1329, sur l’ordre d’Édouard III, parce
qu’il avait fait exécuter arbitrairement Edmond de Woostock, oncle du roi.
adémar de monteil
CRÉÉ ÉVÊQUE DE METZ (1327)
17
vist qu’il avoit fait morir son oncle, le conte de Breut, à tort et sans
cause, il fut moult dollant. Et pour ce ne volt pas jugier ledit Roger,
mais le fist juger par les plus nobles de sa court, pour tant qu’il avoit
creu trop de légier ledit Roger. Alors fut jugiés à morir de telle mort que
oyr pourés. C est assavoir qu’il debvoit estre traynés parmy la cité
de Londres sur ung bahu, et après fuit mis sus une eschielle en mey la
place, et luy coupit-on le membre viril, et fut gectés on feu, pour ce
qu il avoit pansses trahison. Et après fuit décartelés en quatres quartiet, et les membres furent envoyés és quatre plus grande cité d’Angle
terre, et sa teste demoura à Londres.
En après, fist ma damme sa mère enfermer en ung chastiaulx, et
luy assigna rentes et revenuees pour elle gouverner, et oit damme et
damoiselle pour la servir ; et fuit illec détenue tout le temps de sa vie,
sans jamaix parler à homme du monde, se ce n’estoit à son dit filz
Édouard, lequelle, en passant temps, c’y venoit embastre 1 aulcune
fois deux ou trois jours l’année.
Cy lairons de ces chose à pairler et dirons des évesques et des maistre
eschevin de Mets.
[de
la consécration d’adémar de monteil, en
i3ay,
A LA MUTINERIE DES BOUCHERS, EN l3^]
Adémas, lxxije évesque, Ihinl le sciège xxxiij ans ; mil iijc et xxviij. —
Adémas de Montil fut le LXXIR évesque de Mets. Et fut ycelluy filz
de la suer Lévesque Louuy, duquelle nous avons icy devent pairlés.
Et estoit, alors qu’il fut fait évesque, archidiacre de Rains. Il fut
créé évesque de Mets par mil trois cent et XXVIII. Et, en celle année,
estoit maistre eschevins d’icelle cité le sire Bertrand de Jeurue. Celluy
Adémas fut de noble lignié extraict, et oit le cueur hardy et large.
Pareillement il fut humble et courtois à ses amis, et corrageulx et orguilleux à ses annemis.
Celluy évesque oit guerre en son temps au seigneur de Rodemake.
Lequel entra en l’éveschié à grant puissance de gens d’armes ; et avec
luy plusieurs grans baneret, chevaliers et aultres ; et vint devant la
ville de Sainct Avoit. Mais, quant ledit évesque, lequelle alors estoit
dedans, le soit, il yssit dehors a champs et se combatit contre eulx,
à tout moins de gens assez que les aultres, et néantmoins il gaingnait
le champs. Et y fut prin le seigneur d’Aigremont et plussieurs aultres
grans seigneurs. Car, de celle desconfiture, ledit évesque oit IIIIXX et
X noble hommes prisoniers, tant baneret comme chevaliers et escuiers.
Chaistelz Sallin destruicl par l’évesque. — Après ce fait et depuis, il
oit grant guerre au duc de Lorraine, et luy destruit grant partie de sa
1. Ébattr».
18
GUERRE ENTRE L’ÉVÊQUE DE METZ ET LE DUC DE LORRAINE
duchié. Puis s’en allait ledit évesque veoir en son pais. Et, quant le duc
le soit, et vit que ledit évesque en estoit allez, il acheta aux hoirs de
Malecourt une pièce de tene près de Malecourt, en laquelle il édiffîait
ung chastel que fut appellé Chastel Sallin. Et là y fit le duc faire des
sallines. Maix, quant l’évesque fut revenus et vit ce qu’on luy avoit
fait, il en fut desplaisant, et abbatit ledit chastel, et destruit les sallines.
Et fit faire tout en costé, sus le teritoire de l’éveschié, ung bel chastel
c’on appelloit Bel Repairt.
Puis, tantost après, le duc morut. Et alors, sa femme, la duchesse,
laquelle on appelloit Marie de Blois, suer au conte de Bloy, voyant que
son maryt le duc estoit mort, sy fist accord audit évesque Adémars, en
telle manière que ledit évesque devoit avoir une grosse somme d’ar
gent, que ladicte duchesse luy devoit baillier, par telle condicion que le
chastel de Bel Repairt devoit estre mis en la mains de plusieurs nobles
homes du pays de Lhorainne, par anssy que, la somme d’argent paiée,
il dévoient errier rendre et remestre ledit chastel en la main de l’évesque. Et fut ainsy la chose faicte et acordée. Or advint, le tamps pen
dant que ces noble devant nommés tenoient en guaige ledit chastel,
comme dit est, la duchesse, par finesse, fit reffaire et réédiffier ChastelSallin, que son feu marit avoit premier fait tout nouviaulx. Et alors,
aprez ce fait, ceulx qui gardoient le chastel dudit évesque, nommés
Bel Repairt, de leur sertains mallice, raièrent et deffirent les fondement
d’icelluy. Mais, tantost après, l’évesque, que de ce rien ne sçavoyt,
paiait l’argent et rachetait son chastiaulx, qui estoit en guaige, comme
dit est. Et, quant l’airgent fut paiet, ceulx quy gardoient ledit chas
tiaulx boutairent le feu dedens, tellement que tout fut ars et destruit.
Et, quant l’évesque vit ceste malvistiet et trahison, il fist tant à ceulx
de Mets qu’il furent de son alliance ; et allèrent a sciège devant ChastelSallin avec luy, et le prindrent à force d’arme ; et fut errier destruit
et abbatus. Et prindrent encor quaitre aultre chastelz en la duchiez,
lesquelle il abbatirent tout et destruirent : c’est assavoir Malacourt,
Dongeulx, Éthinville et Sainct-Êvre L
La ville de Nomynei et Sainct Avolz fermée. — Et puis, ce fait, ledit
évesque, qui ce doubtoit de guerre, fist alors rédiffier et enforcer les
villes et chaistel de l’éveschié, partout où il sçavoit qu’il estoit néces
sité. Entre lesquelles il ferma la ville de Nommeney et la ville de Samct
Avolz, et édiffiait le chastel de La Garde, et fist lez sallines de Redenge, et acquist à l’éveschiés la tour que ly vouuez avoient à Bacca
rat, laquelle estoit à l’entrée du chastel.
La prinze de la ville de Conflan par Vévesque. — Item, après ce fait, il
advint que Robert, le premier duc de Bar, le mandait et luy fist dire
qu’il le volcist aidier contre ses anemis ; lequelle évesque alors y allait
1 Amelécourt, Moselle, Château-Salins, Château-Salins, et non Malaucourt, Mo
selle Château-Salins, Delme ; voyez p. 30, n. 2 ; Donjeux, Moselle, ChâteauSalins, Delme ; Athienville, id., id., Vie ; Saint-Epvre, ferme, commune de Deuxville, Meurthe-et-Moselle, Lunéville, Lunéville-Nord. — Il s’agit de maisons fortes
plutôt que de châteaux proprement dits.
PHILIPPE Vl DE VALOIS, ROI DË FRANCE (1328)
1S
à moult grant gens. Maix, au retourner, aucun de la duchié de Bar luy
firent grant villonnie, et adomaigèrent plusieurs de ses gens et lez
desrobèrent. Parquoy ledit évesque en requist le duc de Bar de luy en
faire restitucion. Et, néantmoins le plaisir qu’il avoit fait, nulle raison
ne l’an fut faictes. Et, quant il vit ce, il en eust desplaisance ; et, pour
cest cause, mist le sciège devant Confflan,et la print par l’ayde de ceulx
de Mets, et fit moult de dompmaige en la duchié de Bar. Mais, aprez
plusieur chose faicte et dictes, on en fist ung accord, tellement que,
dez LXXVIIm livrez de tournois pour lesquelx le duc de Bair tenoit
ledit chastel de Conflan et le chaste de Condey en gaige, lesquelx
chaistel l’évesque Renaît avoit mis en guaige, comme cy devent ait
estez dit, il en fut raibaitus LVII mil. Et, par aincy, on povoit, de ces
jour en avant, racheter les deux chastelz deventdit pour la somme
de XX mil. Or avint que ledit évesque délibérait de les tout affranchis
et racheter ; et, pour ce faire, en paiait et rachetait encore VII mil.
Mais, avant qu’il paiait le remenant, il morut. Dont ce fut dompmaige
pour l’éveschié ; car, c’il eust vescus, il eust raichetez la contey de
Chaistre, que giet en Aussay, laquelle luy meisme avoit mis en gaige
à ceulx de Lietemberg, pour souvenir * à la nécessité de ces guerre.
Cest Adémas fut tout son temps bien en la graice de la ville de Mets,
et ne volt oncque estre contre eulx, ne contre leur aydans.
Icelluy évesque fist et fondait trois anniversaire en l’Esglise de Mets,
chacun de X livrez de messins, pour luy et pour tous ces prédicesseurs,
et les fist confermer par nostre sainct perre le pappe. Puis il fist faire
et fondit une chapelle en ladicte Église de Mets, c’est assavoir celle
chapelle c’on dit la Chappelle l’Évesque, qui est tout devant le puixe
sainct Jehan, en laquelle il gist. Et y mist et fondait quaitre chanonnes
pour faire chacun jour son service. Mais il morut, comme dit est, ençoys que les rentes desdits chappellains fussent bien essuttes et essinées 12.
Celluy évesque oit ung frère, qui oit nom seigneur Gaulthier, lequelle
se mariait en Loherenne, et oit à femme la fille le seigneur Geoffroy,
signeur d’Aspremont.
Celluy évesque fut évesque de la cité de Mets et de toucte l’éveschiés
l’espaisse de XXXIII ans. Puis il morut, le VIIIe an de pappe Inno
cent VIe, le XIIe jour du moix de may, régnant Charles le quaitriesme,
empereur de Romme et roy de Bahaigne ; et fut par mil IIIe et LXI.
Mais nous lairons à pairler de luy et de ces fais, et retournerons à
parler des roy de France et de plusieur maistre eschevin de Mets, les
quelles durant le tamps du devant dit évesque ont estez et régnés, avec
plusieurs aultre chose avenuee en leur temps.
Philippe de Vallois, vje de ce nom, et xle roi de France. — Or retour
nons à nostre premier prepos, c’est assavoir cornent, en la premier
1. Subvenir.
2. Assises et assignées.
20
PHILIPPE VI EN FLANDRE : BATAILLE DE CASSEL (AOUT 1328)
année que le deventd.it évesque Adémas fut créés en Mets, et du tamps
que le milliair corroit par mil trois cent et XXVIII ans, et alors que le
deventdit sire Bertrand de Jeurue fut fait et créés maistre eschevin
d’icelle cité de Mets, comme cy devent ait estés dit, le deventdit
Phelippe de Valloys, VIe de ce nom et XLe roy de France, après
plusieurs contredisant, fut fait roy de France et coronnés à Rains.
Pier Remei, irézorier, pendus à Montfalcon. — Et, incontinant après
ce fait, le devendit Pierre Remey, duquelle nous avons par cy devent
fait mencion, et lequelle, au tamps du roi Chairles, quaitriesme de ce
nom, et dairnièrement trespassé, estoit trézorier, maistre, gouverneur
du royaulme de France, fut accusé par devant le nouvel roy Phelippe.
Pour laquelle chose ledit Pierre fut menés en prison à Paris, la main
mise au sien. Et fuit trouvé que, sans les grant rentes, bien meuble,
vaisellement précieulx, en plus grant nombre que nulz princes ne
polroient avoir, et 1 fut encor trouvé d’or et d’argent monnoiez la
somme de XII0 fois mil livrez, sans les aultres biens, dont nulz n’en
sçaroit extimer la vallue. Et, pour tant que ledit Pierre Remy ne soit
mie souffisanment respondre aux articles qu’on luy opposoit, il fuit
condempnés à estre pandus au gibet de Paris, le lendemain de la
sainct Marcquez, en ladicte année. Lequel gibet ledit Pierre Remy
avoit fait tout nouvellement faire ; et fut le premier qui l’aitrainnait et
que y fut pendus. Et avoit ledit Pierre fait entaillier en l’ung des piller
dudit gibet ces mestre icy :
Quy plus hault monte qu’il ne doit,
De plus hault chiet qu’il ne vouldroit.
Et, por tant, luy eust-il esté plus convenable d’ensuir plus moiens
estât que tant amasser et sy hault monter pour fïner sy misérablement.
Item, aussy en celluy tamps, ce disoit ampereur Loys, duc de Bauvière ; mais le pappe Jehan l’escomuniait. Et avoit ledit ampereur
fait ung aultre pappe d’ung cordelliet ; lequelle depuis vint crier
mercy a pappe Jehan en Avignon, la hairt a col.
Grant guerre en Flandre. — Pareillement, en ladicte année, y oit
moult grant guerre en Flandres, pour ce que les Flamans ne volloient
mye obéyr au conte Loys, leur signeur. Et tellement que, pour ce fait,
ledit conte mist la conté en la main du deventdit Phelippe, roy de France.
Pour laquelle chose ledit roy y allait, acompaigniez de grosse armée.
Car il menait avec luy le roy de Navarres, le roy de Boesme, le duc de
Bourgongne, le duc de Bretaigne, le duc de Bourbon et le duc de Lorrainne, avec plusieurs aultres princes et signeurs en grant nombre.
Et fut alors le siège mis devent Callas.
Mocquerie des Flamans contre le roy de France. — Lequelle venus et
essus, lesdit Flamans firent une chose qui leur tornay à grant préju
dice. Car il firent faire ung coq de drapiaulx collé, et le ellevairent en
hault, et, ce fait, ont escript ces parolles :
1. Il faudrait U pour que la phrase fût régulière.
NICOLE BATAILLE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1330)
21
Quant ce coq chantera,
Le roy trouvé de Callas joyra L
Or il apelloie le roy estre trouvé, disant que le royaulme ne luy
apartenoit, qui est Gallus, que nous disans France. Mais ces parolles
leur coûta moult chier, comme vous oyrés. Car ledit roy le print cy
gros que il fist faire une moult grande et merveilleuse armée, comme cy
devent est dit ; lesquelle il mist en X bande. Et, à la fin, vinrent
errier ariver en une plaine auprès de Callas. Et les Flamans, avec
grosse compaignie de gens, ce tenoient a hault de la montaigne, ne ne
c’en partirent de loing tamps, pour chose que les Françoi leur fissent.
Mais, à la fin, quant il virent les Françoi ce anonchailloir, et qu’il
juoient a carte et a dés parmi le campe, il ce mirent en bonne ordon
nance, et tout à copt vinrent à frapper dessus l’airmée, cuidant assail
lir la tante du roy, léquelle alors estoit assés desgairnie de gens.
xix mil Flamens tués par les Fransois. — Mais, aprez plusieur copt
donné et ressus, firent les Fransoy cy grant destruction d’iceulx Fla
mans que il en demoura dessus la plaice XIX mil, de comte fait, qui
furent tués et murtris, cen ceulx que és jour ensuiant furent trouvés,
qui ce avoye quaichiez és haye et buysson, desquelle à grant nom
bre on fist comme des aultre. Et, en peu de jour après, toucte les ville
ce randirent à la voullunté du roy et ressurent leur conte Loys à sei
gneur. Et fut cest piteuse tuerie faicte le XXe jour du moix d’aoust,
en l’an dessusdit mil trois cent et XXVIII. Item, quant le conte fut
paisible de son pays, il en fist encor morir, de diverse mort, plus de
V mil de ceulx qui avoient esté rebelles et qui estoient cause de ce
huttin.
Cy lairons de cest guerre à parler, et retournerons à dire de plu
sieurs maistre eschevins, avec plusieurs aultre petittes besoigne que
durant ces tampts avindrent.
Mil iijc el xxix. — Durant que ces chose ce faisoient, y oit plusieurs
maistre eschevins en Mets. Dont le premier fut ung notauble signeurs,
nommés le sire Jehan Le Gournaix, de Changes, lequelle le fut pour
l’année que le milliair courroit par mil trois cent et XXIX ans.
Robert, conte d’Artois, déchaissier de France. — Et alors, pour celle
dicte année, messire Robert, conte d’Artois, fut deschaissiet et banis
hors du royaulme de France, ad cause d’ung plait et d’ung procès
qui estoit esmeu per devers luy, dont ledit seigneur Robert estoit
cause ; et fut la femme dudit Robert brullée. Parquoy il pourchaissait
a roy plusieurs mal et grand domaige, comme cy après serait dit.
Mil iijc et xxx. _ item, après, en l’an mil IIIe et XXX, fut maistre
eschevin de Mets le sire Nicolle Battaille.
Raoul duc en Lorainne. — Et, en ycelluy temps, acomensait à
régner en Lorainne le duc Raoulx, lequel depuis morut, en l’an mil
1. Il faut corriger Callas en Cassel. La bataille de Cassel a eu lieu le 24 août 1328.
22
FRANÇOIS TOUPAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1335)
IIIe et XLVII, à la grande journée de Crécy, comme cy après serait
dit.
Ung esprit apparus. — Item, aussy en ladicte année mil
IIIe et XXX, une chose merveilleuse et digne de mémoire advint à
Ligney-sus-Marne, d’une damme qui morut, de laquelle l’âme revint
par plusieurs fois, et parlait à ces amis, en la présence de plussieurs
personnes, jusque au nombre de XXIIII. Et requeroit cest âme
prière et soufïraige. Espéciallement elle requeroit à sa mère, à sa fille
et à son genre, qu’il leur pleust à luy faire dire dez messe ; et disoit
que messes valloient singulièrement aux âmes de purgatoire. Et moult
d’aultres choses qu’elle leur dit, que je laisse ad cause de brieffeté.
Mil iijc et xxxj. — Puis, l’an après, et que le milliair courroit par
mil trois cent et XXXI, fut maistre esche vin de Mets le seigneur
Thyébault Lohiers.
Callais prime des Anglois. — Et, en ycelluy tamps, Édouard, roy
d’Angleterre, print Callas sus les Françoy ; et l’ait tousjour tenus de
puis, ne jamais n’ait plus estés françoys.
Et y oit encor en ce tampts plusieur dicension et mutinerie en
contre ledit Édouard, roy d’Angleterre, et plusieur aultre, lesquelle
je laisse quant à présent.
La seigneurie de Bourbon réduicie à duchiés. — Pareillement, en ce
tamps, la seigneurie de Bourbon fut réduicte à duchiés, et fut son
acomencement de duchié.
Mil iijc et xxxij. — Et, durant ce tamps et que le milliair courroit
par mil trois cent et XXXII, fut maistre eschevin de Mets le sire
Hanry Roucel.
Auquel tamps, ou tantost après, le roy françoi prepousa de mener
son armée oultre la mere, en Syrie. Et, pour ce faire, demenda l’aliance
dudit Édouaird, roi d’Angleterre ; laquel il obtint de parolle, et fut la
paix faictes. Touteffois elle fut rompue pour ce que le roy Phelippe
voulloit que le roy d’Escose y fut compris, laquelle chose ne voult
le roy anglois.
Mil iiic et xxxiij. — Item, l’an après, c’est assavoir que le milliair
courroit par mil trois cent XXXIII, fut alors maistre eschevin de
Mets le sire Poince Cunemans.
Le Landy de Paris bruslés. — En laquelle année le feu ce print
en la bouticque de aulcuns merciet estant au Landi de Paris, enmey
les champs, après de Sainct-Denis en France. Et tellement que, par
fortune, fut le Landy tout brullés et ars ; et y oit ung merveilleux
domaige.
Mil iiic et xxxiiij. — Item, en l’an mil trois cent et XXXIIII, fut
maistre eschevin de Mets le sire Yngrand Bourchon.
Mil iiic et xxxv. — Et, en l’an après, mil IIIe et XXXV, le fut le
sire Françoy Toupat.
Le prévost de Paris pendus. — Auquelle tamps Hugues de Crussy,
prévost de Paris, pour aulcuns jugemens par luy corrompus, fut
puny : car il fut prins, pandus et estranglés.
NOIRON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1338)
23
Et, en celle année, on ardont tous les bigos.
Le grant maislre des meslier de Mets abolly. — Et fut alors abbatus
le grant maistre des mestiers de Mets.
Tremlement de terre en la duchés de Guyenne. — Item, aucy en celle
dicte année, la duchié de Guyenne tramblait sy fort et sy terriblement
que les gens d’icelluy païs ne sçavoient où fouyr, de peur de mort. Et
fuit cest advenue le jour sainct Thomas de Cantorbie, aprez Noé.
Mil iiic et xxxvj. — En l’an mil trois cent et XXXVI, fut maistre
eschevin de la cité de Mets le sire Phelippe Marcoulz ; et morut en son
année. Et, pour ce, refit-on le maistre eschevin pour ladicte année au
meisme paraige de Portemuselle : sy le fut le sire Baudouuin Froideviande, lequelle acomplit la dicte année.
Gros fouldre advenus aux bois de Vincenne. — Item, le XIXe jour
de jullet de celle meisme année, avint une chose merveilleuse. Car la
royne de France, elle estant a bois de Vincennes, fut acouchée de
Phelippe, son filz. Et avint que, durant l’anfantement, il fist ung cy
cruel et orible tamps que tous le monde cuydoit estre perdus de foul
dre, escler et tonnere. Et tellement que, proprement, une partie du
lict là où la royne gisoit tomba, et furent les courtines décyrées. Et
furent alors parmy le boys plusieurs gros et hault arbres arrachez et
déracinez, et plusieur homme occis et tués. Après cecy advenus, fu
rent veue en France plusieurs cornette, et plusieur signe au ciel, qui
estoient figure des grand guerre ad venir.
Commencement des guerre entre les François et Anglois. — Car, de
plusieur année après, ne laicha la guerre entre ledit Phelippe, roy de
France, d’une part, et de Édouaird, roy d’Angleterre, et les Flamans,
avec plusieurs aultres leur alliés, d’aultre pairt. Et furent les armée
cy grande et cy merveilleuse, tant sur mer que sur terre, et y oit tant
de grand tuerie faicte et de sang respandus d’ung coustés et d’aultre,
comme le mestent maistre Robert Gaguin, et aussy fait maistre Jehan
Froissart et plussieur aultre cronicqueur, que ce fut chose merveil
leuse et pitoable. Et, pour ce, m’en paisse quant à présent ; car, qui
plus sçavoir en vouldra, cy lise les istoire que de ce en sont faicte ;
et là trouvanrait le tout. Et tout ce advint par le pourchas de Robert,
conte d’Artois, lequelle avoit heu aulcun jugement à Paris, comme
cy devent est dit, de sa femme qui fut brullée, dont guerre ne luy
plaisoit, parquoy il pourchassa ce mal.
Mil iiic et xxxvij. — Item, l’an après, c’est assavoir en l’an mil
trois cent et XXXVII, fut maistre eschevin de Mets le devent dit
sire Baudouuin Froideviande.
Et, en celle dicte année, trespaissait messire Guillaume, conte de
Hénault, duquelle nous avons par cy devent pairlés.
Aucy, en ladicte année, le duc Jehan de Normendie mit le sciège
devant une ville nommée Thiulevesque.
Mil iiic et xxxviij. — Puis, l’an mil IIIe et XXXVIII, fut maistre
eschevin de Mets le sire Noyron.
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POINCE DE VY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (4342)
Ordonnance en Mets de raier les vigne pourtant roisin de goulx. —
Et, en ceste dicte année, on fit une ordonnance en Metz que tous les
goulz 1 des vigne du pais de Mets et de la jurediction d’icelle fussent
rayez et destruict partout.
La tour du boix de Vincenne parfaide. — Item, aussy en celle meisme
année, le deventdit Phelippe, roy de France, fit perfaire et assevyr
la tour des boix de Vincennes.
Mit HL et xxxix. — Puis, en l’an mil trois cent et XXXIX, fut
maistre eschevin de Mets Jehan de Marieulle.
Ordonnance en Mets de meclre les maistre eschevins de Mets en butte
d argent et chaperon. — Et, en celle année, fut fait ordonnance en Mets,
que, de ces jours en avant, seroient mis les maistres eschevins en butte
d’argent er chaperon 2.
La gabelle du scé au royaulme de France. — Item, aussy environ ce
tamps, le deventdit roy Phelippe de France fîst et ellevait une institucion nouvelle, par laquelle nul n’estoit franc a royaulme de paier
gabelle ; car il mist sus les guernier du scé de mer, de quoy il liève
tous les ans grant tribus ; ne nulz, tant soit pouvre ne riche, ne c’en
peult passer ; et fault que chacun, privés et estrange, soit participant
de ce dopmaige.
Mil iiic et xl. — Après, en l’an mil trois cent et XL, fut maistre eschevin de Mets Jehan Baudoche l’amant.
Et, en ceste année, fut du tout acomplie l’ordonnance de justice :
c est assavoir de rayer les vigne qui pourtoient les roisin goulz 1.
Bataille entre les François et Anglois devent l’Escluse en Flandre;
Tournay asseigiée. — Et, en celle meisme année, y oit une grant battaille entre le roy d’Angleterre et les François ; et fut ce fait devant
l’Escluse en Flandres. Pareillement, en celle dicte année, le roy d’An
gleterre assigea la cité de Tournay avec grant puissance. Et, durant
celluy siège et en la mesme année, le conte de Hénault print la ville
de Sainct-Amant.
Mil iiic et xlj. — Item, l’an mil IIIe et XLI, fut maistre eschevin
de Mets Nicolle Piedzdeschault.
Le conte de Monforl prisonnier. — Et, en celle année, fut le conte de
Monfort prins à Nanttes en Bretaigne, et y morut.
Aucy, en ladicte année, le roy David d’Escosse vint à grant ost
devant Neufchaistel sur Thin.
Mil iiL ej xnj _ Après, en l’an mil trois cent et XLII, fut maistre
eschevin de Mets le sire Poince de Vy.
Benes en Bretaingne prinse. — Et, en celle année, fut prinse la cité
de Renes en Bretaigne par monseigneur Gharle de Blois, avec plusieur
seigneur de France. Et, meisme en ladicte année, fut prins par deux
foix le chaistel de Conqueste par le deventdit Charle de Blois.
1. II s’agit d’une sorte de raisin de grosse espèce, blanc et noir ; voyez Zéliqzon,
Dictionnaire des patois romans de la Moselle, à l’article got; Godefroy, gai.
2. Voyez t. I, p. 371 et n.l.
GUILLAUME WILLANBAL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1345)
25
Mil iiic el xliij. — L’an après, que courroit le milliair par mil IIIe
et XLIII, fut maistre eschevin de Metz le sire Thiébault de Meltry.
Le roy d’Angleterre à Poussy. — En laquelle année, fut le roy d’An
gleterre à Poussy et à Saint Germains, et ardit tout le pays. Puis s’en
revint par Normendie et print la ville de a Chen L
Rébellion en France. — Item, aussy en celle meisme année, y oit
plusieurs noble du royaulme de France qui ce rebellairent contre le
roy. De quoy il en furent grandement pugnis, car les ung furent banis ;
et aus aultres fut tranebiés la teste. Entre lesquelles Olivier du Clisson fut décapités és Halles à Paris, avec plussieurs aultre chevallier
et escuier. Moult d’aultre morurent durant ces guerre, les ung en
bataille et les aultre par justice.
Justice exercée à peu d’occasions. — Comme il advint encor en celluy
tamps de ung citoien de Compiègne, nommé Simon, lequelle, tropt
abandonné en parolle, dit que plus de droit appartenoit à Édouaird
touchant le royaulme de France que à Phelippe. Parquoy incontinant fut ampoingné et levé dessus ung eschauffault, et en fist on cruelle
justice, comme il serait dit. Premièrement, il oit les bras couppés,
puis après les jambes et les cuisses, et finablement fut décapité ; et
receupt paines cruelles.
Cy lairons de ces chose à parler pour le présant, et retournerons a
maistre eschevin de Mets.
Mil iiic et xliiij. — Le sire Thiébault Barbelz fut fait et créés maistre
eschevin de la cité de Mets pour l’an mil trois cent et XLIIII. Et à
icelluy escheut en son année quatre eschevignaige du pallas de Mets ;
l’ung fut du seigneur Boucquin, l’autre du signeur Gille le Belz, le thier
fut de Collignon de Heu, et le quarte du seigneur Pierre de Heu. Et
furent ces quaitres eschevignaiges donnés à quatre jonne escuieis de
la cité.
Grant gellée. — Item, en celle dicte année, ung peu devant la Pantecoste, il fist une merveilleuse et grant gellée.
La confrairie saincl George establie par le roy Édouuard. — Aucy
fut en celle dicte année que le roy Édouaird estaublit la confrairie sainct
George à Vinderosse ; et illec estaublit chanonnes et aultre prestre
pour servir à Dieu.
Et, pareillement, en celle meisme année, le conte Derby print la
conté de Laide devant Auberoiche 2,
* 1avec plusieur aultre conté et
viscontés, jusques au nombre de neufz.
Mil iiic ei x[v _ puiSj l’année que le milliair corroit par mil IIIe et
XLV, fut maistre eschevin de Mets le seigneur Willame Willanbalz.
La guerre des Liégeois contre leurs évesques. — Et, en la meisme
a. Mss. : des.
1. Caen. La prise de Caen est du 20 juillet 1346.
2. Auberoche. Il s’agit de l’expédition du comte de Derby qui débarqua à Bayonne
vers le 25 juillet 1345.
26
BATAILLE DE CRÉCY (23 AOUT 1346)
année, les Liégeulx desconfirent leur évesque et le roy Jehan de Bahaigne.
Plussieurs baterie et granl pouvretés entre François et Anglois. —
Pareillement, en celle dicte année, le deventdit conte Derby print plusieur place en Gascongne, telle comme la forteresse de Rochemilan,
et plussieur aultre. Et, aucy en la dicte année, le roy d’Angleterre
assamblay grosse armée pour secourir ces gens qui estoient contrains
dedens le chastel de Auguillon L Pareillement, en la deventdicte année,
ledit conte Derby print la ville de Maulron, et puis Villefranche en
Gascogne. Et, en celle meisme année, fut banny de France messire
Geoffroy de Harcort. Item, aussy durant ce tamps, et continuant ycelle
guerre des Anglois et des François, furent alors desdit Anglois prinse
la ville de Cam en Normendie, et plusieur aultre. En laquelle estoit le
conestauble de France, et Guillaume Bertrand, évesque de Bayeux,
et Jehan de Tancarville, qui furent tout prins, et menés en Angleterre.
Mil iijc et xlvj. — Puis, en l’an après, que le milliair courroit par
mil IIIe et XLVI, fut maistre eschevin de Metz le sire Thiébault
Baudoche, chevalier. En laquelle dicte année, le samedy après I’exultacion saincte Croix, on mois de septembre, on pais de Mets, furent
les roisin engellé au saept 2.
*1
Jacque d’Artevelle luêsa. — Item, aussy en celle meisme année, fut
tué en la ville de Gand Jaicque d’Artevelle. Et fut ce fait pour tant
qu’il volloit déhériter le roy Louuey, lequel estoit l’hoirs naturel ;
et en voulloit on hériter le filz du roy d’Angleterre.
La journée de Crécey, aux granl dopmaige des Fransois. — Pareil
lement, advint que, en celle meisme année, ce trouvairent les armée
des deux roy l’une devent l’autre. Et alors le roy Philippe envoyait
par devers le roy anglois pour demender et assiner jour de combat.
Et le dit Anglois luy assina et luy fist dire que, quant il seroit tout
devent les porte de Paris, ce ne le refuseroit il jay. Touteffois il s’en
fuyoit, cuidant eschapper, mais le roy avoit fait rompre plusieur pon,
affin qu’il ne c’en allait. Et les Anglois, faindant de c’en foyr par
aultre lieu, reffirent soudains aulcuns pon et passairent. Et le roy
françoy les suyt tousjour jusques à Crécy. Auquelle lieu furent assail
lis des Françoy non tenant ordre ne mesure. Car, a premier front de
leur armée, y avoit XV mille arbalestiers gennevoys, lesquelle furent
du premier copt apoventés, cy c’enfuirent et tournairent le dos, et
furent cause de la perde des Fransois, car alors furent tout desconfis ;
et en y oit tant dez tuez que merveille. Entre lesquelle, au nombre
des occis, pour le premier, ce fut le roy de Bohême, le duc d’Alanson,
frère du roy Phelippe, le devent dit Raoulx, duc de Lorainne, Loys,
conte de Flandre, le conte de Haricourt, le conte d’Alanson, le conte
de Bloix, le conte de Saluce. Et de nous seigneurs de Mets y furent
a. Philippe a ensuite rayé cette phrase.
1. Aiguillon, au confluent du Lot et de la Garonne. Ces événements datent d’avril
1346.
2. Cep (fap dans Zéliqzon, Dictionnaire des Patois romans de la Moselle).
ÉDOUARD III D’ANGLETERRE INVESTIT CALAIS (SEPTEMRRE
1346)
27
mors et tués, c’est assavoir : seigneur Rogier de Heu, chevalier, seigneur
Jaicques de Moelain, chevalier, lequelle estoit avelet a seigneur Thiébault de Moelain. Et messire Willaume le Hungre, chevallier, y fut
prins des gens du roy anglois, et fut emmenés prisonnier en Angleterre.
Et tant d’aultre, à celle piteuse journée, y furent mort et tués que ce
fut pitiet et domaige. Au regairt du roy Phelippe, il ce retirait de
nuyt à petitte compaignie à Amyens. Et fist tout mestre à mort ceulx
qui estoient cause de celle perde.
xxx mil François tués. — Au lundemains, les Anglois fyrent encor
pis, et juairent aus François d’une grant cautelle. Car il ce lougeairent au tante et pavillon desdit Françoy, et ellevairent les airme de
France en hault. Parquoy les fugitif, cuidant retourner en leur campe,
tumbairent entre les mains de leur annemys. Et en y oit ce jour plus
dez tués que a jour devent. Et fut estimés le murtre des occis à
XXX mil homme.
Item, pour ycelle dicte année mil IIIe et XLVI, retournait errier
de prison le deventdit seigneur Willaume le Hungre, lequel avoit esté
prins des Anglois, comme cy devent ait estés dit.
Item, en la deventdicte année mil trois cent et XLVI, avindrent
encor plusieur aultre besoingne digne de mémoire.
Le sciège devent Callaix. — Et, premièrement, avint que, après celle
piteuse journée de Crécy, le deventdit Édouard, roy d’Angleterre,
c’en allait mestre le sciège devant Callas, tant par mer que par terre.
Et, pour ce qu’il ne luy vouloient randre la ville, il jurait sciège à
tenir. Et y fut près de deux ans, comme cy après vous serait dit.
Charles de Bahaingne roi des Romains. — Item, en celluy tamps
fut Charles de Bahaignes coronné pour roy des Romains, et confermé
du pappe pour empereur.
Jehan de Haynalt rendus François. — Aucy, en celle meisme année,
on fist acroire à messire Jehan de Hainault que on ne luy voulloit
plus paier sa revenuee et pancion en Angleterre. Parquoy il ce allait
rendre a roy de France, et renonça le partit des Anglois.
Le roy d’Escoce prisonnier. — Pareillement, en celle dicte année,
y oit grosse bataille après de Neufchastel sur Thin *1, entre le roy
d’Escoce et la royne d’Angleterre, et y fut prins ledit roy d’Escoce.
Le mariage du conte de Flandres d la fille d’Angleterre. — Et, en celle
meisme année, le jonne conte de Flandres fîença la fille du roy d’An
gleterre.
Pareillement a, en celle meisme année, régnoient et ce trouvoient
plusieurs brigant et malvaix guerson parmy les champs. Entre les
quelles en y avoit ung nommés Bacon. Et estoit celluy Bacon comme
maistre et capitenne de XX ou XXX aultres compaignon, qui pilloient
a. Philippe a rayé, dans la marge, la phrase suivante : Aulcuns brigand parmys les
champs.
1. Il s’agit de la bataille de Nevills’s Cross (17 octobre 1346).
28
MUTINERIE DES BOUCHERS DE METZ (1347)
à merveille parmey les pays de tous costés. Et tant avoient pilliés et
robés qu’il en y avoit de ceulx en la compaignie lesquelles avoient
tellement pillés et prins sus ung et sur aultre qu’il estoient riche de
la vallue de XL mil escus. Et, en celle dicte année, en régnoit encor
ung aultre brigand, appellés Croquart, lequelle estoit en son jonne
eaige ung pouvre garson, et avoit servy le seigneur d’Ercle en HoIande. Cy fist celluy Croquart tant par sa proesse et vaillance, et pro
fita tellement, que pareillement il avoit bien la vallue de XLra escus,
sans les coursier qu’ilz tenoit, XX ou XXX tous les jours, à ces despens. Mais il advint une foix, en passant ung fossés, que il estoit monté
sur l’ung dez bon corsier qu’il eust, et ledit coursier trébucha tellement
en passant ledit fossés que ledit Croquart se ronpit le colx ; et aincy
finait ces jour. Parquoy on peult veoir que moult de gens sont essaulciet et ellevés parmy le monde, lesquelles sont venus de petit lieu ;
mais, à la fin, tout retourne à rien, comme cy devent est estés dit.
Cy lairons de ces chose à pairler et retournerons a maistre eschevins.
[de la mutinerie DES BOUCHERS, EN i347, A LA VISITE
DE L’EMPEREUR CHARLES DE BOHÊME A METZ, EN
l356]
Mil iiic et xlvij. — A la sainct Benoy, après le retour du deventdit
seigneur Willaume le Hungre, lequel avoit esté prins des Anglois,
comme cy devent ait estés dit, il fut fait et créés maistre eschevin de
la cité de Mets pour l’an mil trois cent et XLVII. En laquelle année
avindrent plusieurs merveille et de grand mutinerie, tant en Mets
comme aultre part.
Mutinerie de certain bouchiés de Mets contre les seigneur. — Et,
premièrement, furent deux bouchier en Mets, et frère germains, les
quelle, avec plusieur aultre bouchier, ce esmeurent et eslevairent en
l’encontre des seigneurs, gouvergneur et recteur d’icelle cité, et meismement en l’encontre des Trèzes qui estoient fait en Mets pour l’an
née. Et la cause estoit pour ce que lesdit Trèses avoient tailliés et mis
à amande pécuniaire l’ung d’iceulx frère, nommés Huguignon, demourant en la viez boucherie. Car lesdit Trèze, par ces desmérite, l’avoient
mis à XXX livrez d’amande, et avec ce l’avoient banis XX ans hors
de la cité et de la banlue d’icelle. Et avoient cella fait pour aulcune
malvaise parolle que ledit Huguignon avoit dit, et aucy pour aulcun
malvais traictiet qu’il pourchassoit contre la justice et encontre tous
les bourgeois de la cité. Parquoy lesdit Trèze, avertis de ce et de leur
rébellion, assamblairent plusieurs compaignon et gens de fait, bien
embâtonnés, et avec yceulx c’en allirent en la viez boucherie pour
prandre cellui Huguignon et ces frère, avec plusieurs aultre bouchiés
k
CALAIS SE REND AUX ANGLAIS (JUILLET 1347)
29
qui estoient de celle conspiracion, corne dit est, et qui ce estoient
alliés avec ledit Huguignon et cez frère. Et, quand il vinrent là, il
trouvairent la plus pairt de yceulx bouchiers qui desjay ce estoient
armez pour eulx deffandre, c’est assavoir de bassinet, d’arc, de glaive,
d’espiez, de messue et de pétalz, avec telz instrument de guerre qu’il
pouvoient avoir. Et illec, en my la viez boucherie, estoient estandant
pour ce conbatre et deffandre.
Deux frère bouchiés noyés par jusiice. — Touteffois, quelque bon
corps qu’il eussent, fut prins ledit Huguignon avec ung de ces frères,
et toucte à l’eur 1 furent menés on pallais. Et, quant la bourgeoisie
de la cité oyrent le huttin et la rébellion desdit bouchiers, cy s’en allè
rent tantost armer, et vinrent devant le pallais. Et illec, par comun
accord, fut ledit Huguignon de rechief prins, et son frère avec luy, et
tout en l’eur 1 furent menés a premier Pondz des Mors, que on dit
le Moyen Pont, et illec, à la portenne de coste l’hôpitalz de SainctJehan de Rode en Chambre, furent les deux frères noyés et enterrés.
Et, quant les aultres bouchiers, leur alliés, virent cest affaire, il heurent grand peur et s’enfuairent hors de la cité. Entre lesquelles y avoit
Jaicquin Lambellin et Clément le bouchiés, et encor deux des frères
ledit Huguignon (car il estoient plusieur frère), et Gérerdin Chaulcei,
et Hautan, filz Callais le bouchiers, et Collin de Borisanges, et plusieur
aultres. Et la justice, voyant leur desmérites, en banist aulcuns d’eulx
à XX ans, et les aulcuns le furent LX ans. Et, meismement, furent
banis plusieurs pescheur pour ce meisme fait ; car il fut trouvez que
lesdit pescheur ce estoient secrètement armés pour aidier audit Hugui
gnon et à ces alliés. Et estoient alors trèzes jurés de la cité pour celle
année ceulx icy après nommés, c’est assavoir : Jehan Manceulx,
Jehan Barbé, Jehan Rollement, Guerceriat Bollay, Nemmery Baudoche, Ferriat Boucquin, le sire Poince de Vy, Poincignon le Gournaix, et Jehan Renguillon, Perrin de Laictre, Burtignon Paillat,
Collignon Chaige et Gillat le Belz.
Ceulx de Callaix se rande aux roi d’Angleterre. — Item, en celle meisme
année et durans que le sciège estoit tousjour devent Callas, comme
cy devent ait estés dit, les abitans d’icelle ville, espérans de avoir
secour du roy Phelippe de France, ce deffandirent moult vaillamment.
Et tellement que XI moix tindrent, et à cuer couraigeux résistairent
en l’encontre des annemis. Mais le roy, de qui il atandoient avoir
secour, ne pouvoit faire aultrement, car il faisoit tous son pouvoir.
Et tant ce tindrent que à la fin les couvint randre, seullement leur vie
salve, et à chacun une robe au dos, et plus n’enpourtairent. Et fut
ce fait en l’an devent dit mil trois cent et XLVII. Et, pour ce qu’il
ce estoient cy bien deffandus, il c’en aillairent tous vers le roy Phe
lippe, lequelle les receust humainement, et ordonnait que nul office
ne fussent donnée que premier il ne fussent tous prouveus, souverai-
1. Tout à l’heure, eur l’heure.
30
ïhiébaüt
Lambert, maitre-échevin de metz (1349)
nement Jehan de Vyenne, bourguignon, chevallier, par qui on avoit
cy longuement tenus.
Les Theutonyens se disans faire pénitence. — Item, aussy en ce meisme
tampts, ce trouvairent grand foison de gens parmy le monde, nommés
les Theutonyens, lesquelles ce haitoient de foix *1 avec des aguillons
a bout, et disoient faire pénitance des péchiés par eulx comis. Maix
il leur fut defïandus de part le roy.
Cy lairons de ces chose à parler, et retournerons au maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoigne.
Mil iii° et xlviij. — Item, l’an après, que courrait le milliair par mil
trois cent et XLVIII, fut maistre eschevins de Mets le seigneur Poince
le Gournaix, de Changes.
Ung bouchiés de Mets noyés. — Et, en celle année, le deventdit
Collin le bouchiés, lequelle avoit estés banis, comme cy devent est
dit, brisait son banissement. Parquoy il fut prins, et tout incontinant
fut menés noyer, comme les aultres.
Bataille entre François et Anglois. — Pareillement, et en celle meisme
année, fut faicte une grande et mortelle baitaille amprès de Callais entre
le roys d’Angleterre et messire Geoffroy de Chairney avec les Fransoy.
Et, en celle année, fut prins le chaistel d’Abestourf par Bouclain
de Fenestrange.
Grand mortalité en France. — Et, aucy en celle meisme année, y
eust cy grant mortalités en France et en plusieurs aultre pays que
ce fut chose merveilleuse ; et durait celle mortalités ung an et demey.
Souverainement courut la peste cy impétueusement dedans la ville
de Paris que il y morut bien LX mil parsonne.
Grand mortalité aux paiis d’Avignon. — Et, pareillement, fut celle
mortalitez cy grande pour une espace de temps en Avignon qu’il y
moroit pour chacun jour environ IIII ou Ve personne. Et fut ceste
mortallitez du temps pappe Clément VIe, lequelle alors estoit en ladite
Avignon. Mais il c’en fuyait dehors, luy et ces cardinal, pour la doubte
de celle peste.
Mil iiic et xlix. — Item, l’an mil IIIe et XLIX, fut maistre eschevin
de Mets le sire Thiébault Lambert.
Forteresse abalue par ceulx de Mets. — Et, en celle année, fut abbatue
et destruicte par ceulx de Mets et par la comune d’icelle une partie
de la maison de Saincte Éve, et une des maison d’Ameliocourt, et le
chastel de Théheicourt, le chastel de Rodre le moustier en Allemaigne,
et la maison de La Garde dellay Vy, et a la maixon de Dullanges près
de Forpac 2. Et y furent prins, dedens ladicte maison de Dullanges,
a. Mss. : en.
1. Fouets avec des aiguillons au bout.
2. Saint-Epvre, ferme, commune de Deuxville, Meurthe-et-Moselle,
Lunéville-Nord ; Amelécourt, Moselle, Château-Salins, Château-Salins ;
Moselle, Metz, Faulquemont ; Roden, vil., com. de Fraulautern (Sarre) ;
Moselle, Château-Salins, Vie ; Dilling, ferme et moulin, commune de
restes du village de Dittelingen, Moselle, Sarreguemines, Forbach.
Lunéville,
Thicourt,
La Garde,
Bousbach,
CHARTE D’ADÉMAR, ÉVÊQUE DE METZ
31
que maistre que varlet, jusques a nombre de XII11, desquelle il en
y oit XI des pandus, tous devant la porte de ladite maison. Et au deux
aultre en furent coppés lez teste. Et, de ceulx quy furent pandus,
on les fist pandre par ung de leur compaignon meisme, lequelle estoit
leur ménestriés.
Item, aucy en celle meisme année, fut et duroit encor en plusieur
lieu la grande mortallité d’épidimie.
Et, pareillement, en ce meisme tamps, alloient encor les basteurs
en plusieurs lieu parmy le monde, et, jai ce que le roy leur avoit deffandus en France, comme cy devent ait estés dit, cy en y avoit il encor
à grand cantité. Ces deventdit baiteur estoient gens en grant nom
bre, allant par pays, qui ce baitoient jusques au sanc courrant, et di
soient qu’il faisoient pénitence.
Lé bien des Lumbair confisqués aux roi. — Item, en ce meisme temps,
il fut conclus de tous les estât de France de mener une grosse armée
en Angleterre. Et, pour la paier, fut ostés l’avoir au Lumbair, et furent
tous leur biens confisqué. Car il fut dit que il prenoient de monte et
de l’usure plus que les ordonnances royaulles ne leur avoit permis ;
parquoy leur biens furent confisqués, comme dit est.
Trêves entre François et Anglois. — Item, durans ce tampts, ou tantost après, par le pourchas des ambaxadeur de Homme, furent trê
ves donnée entre les deux roy, c’est assavoir des roy de France et
d’Angleterre. Et furent ycelle trêves faictes et crantées pour ung ans
anthier.
Obligés *1 fait par l’évesque de Mds. — Pareillement, en celle année,
Adémairs, alors évesque de Mets, et duquelle je vous ait par cy devent
pairlés, fist et obligeait plusieurs terre, cens et rantes, haulteur et
signourie, en la mains de honnourable personne seigneur Poince le
Gournaix, par cy devent maistre eschevin, et de seigneur Jehan
Baudouche, chevalier. De laquelle lettre et obligacion la tenour c’en
suit :
Nous, Adémairs, par la graice de Dieu et don sainct siège de Romme
évesque de Mets, faisons s çavoir et cognissent à tous, que nos, en
regardant et en considérant le grant et évidant proffît de noz et de
nostre éveschié de Metz, et par grant délibéracion sor ceu eue, avons
vanduit et vandons par cez présentes lestres, pour nous et pour nos
sucessours après nos venans, évesques ou esleus comfermeis de
Mets, à noz bien amez signour Jehan Baudoiche, chevalier, et a signeur
Poince lou Grounaix, le maistre eschevins de Mets, citains de Mets,
et ont li devent dis sires Jehan et li sires Poince à nous acquaisteit en
héritaige en trefïons à tousjourmais IIe livrez de messins, monoie
bonne et coursauble en la cité de Mets, de cens, que nos leur doions
chescun an paier au deux termine, c’est assavoir la moitiet lou a jour
a. M : lour.
1. L’ancien français obligé désigne un engagement (obligatoire).
CHARTE D’ADÉMAR, ÉVÊQUE DE METZ
de îeste sainct Jehan Baptiste, et l’autre moitiet le jour de teste sainct
Estenne, lundemains de Noël. Et lour devons faire pourter à chescuns
desdit deux terme en leur hosteit à Mets, où qu’il voiront. Et doit
ly premyer paiement et ly terme premier doit encommancier a et encommencerait lou jour de feste sainct Jehan Baptiste venant, en l’an
mil IIIe LI, et le second termine le jour de feste sainct Estenne,
lundemain de Noël, venant en l’an dessusdit mil IIIe LI ; et ancy
enxuwant dès dons en avant 1 à chescun des dis termines à tousjour
maix. Et, pour chescun termines dont nous leur défariens de paie
ment, nous leur doneriens XX livrez de messins d’amande avant,
et seriens acy bien tenus de paier ladicte amande comme don princi
pal cens desusdit. Et ces deux cent livrez de messins de cens desours
dictes, et lez XX livrez de messins d’amande avant, se nulles en y
escheoit pour le defïault don paiement, leur avons essis et esseneit à
panre et à avoir chacun an à tousjourmaix sus tout ceu enthièrement
que nous avons, poions, et dovons avoir en la ville de Remilley,
en la court de Remilley, on ban et ez apandixes en la
ville de Ancerville, de Witoncourt, de Faulz en foureste, en
la ville de Baixey, de Audaincourt 2,
* 1d’Ambes et de Wanivalz, et enz
bans et en fins et enz apartenances b de toutes cez villes et de tous
ces leus desourdis. Et encor sus tous quant que noz avons, poions et
dovons avoir en tout lou Valz de Mets et en toutes lez justices don Val
de Mets, c’est assavoir de la mairie de Scey, de Chaistel, d’Airs et
d’Ancey. Et encor sus tout quand que noz poions avoir en la mairie
de Montigney, et en ceu qui à la ville et a ban de Montigney et à la
mairie apant, fuers mis lou prey de Cuvrey. Et sus tout quant que noz
avons, poions et dovons avoir en toz ces leus et en toutes ces villes
desourdictes, en quelle manier que se soit, en champz, en preis, en
boixe, en yauves, en vignes, en fours, en molins, en maisons, en grainges, en gerdins, en hommes, en femmes, en banz, en justice haultes
et baixes, en signoraige, en vouueries, en fourfais, en amandes, en
tailles, en prinzes, en assizes, en cences, en rentes et en droiture de
bleif, de vin, de deniers, de eus, de chaipons, de gelines, de poyr, de
pomme et de cire, en estans, en teulleries et en chaucheurs, soit en touctes aultres manières, an queil qui oneques manière que se soit, an tous
uz, en tous prous et en toutes vaillance, sens riens ou aicques à retenir.
Et lour avons encor essis et esseneit ledit cens et ladicte amande sus
le seel de nostre court de Mes et sus lez profils et yssuwes et reve
nues que dondit seel puent chacun an yssir, après les pancion que lez
singulières persones ont sur loudit ceel, qui sont saielleurs de l’aivecques et de chaipitres devant ceste dicte lectre faicte ; et, encor, après
tel redevances com li dis saielz et tout ly héritaige desurdit doit chescun
a. M : encommanciet.
b. M : apartenante ; E : appartenantes.
1. Dès dont en avant, désormais.
2. Adaincourt, Moselle, Metz, Faulquemont. Nous n’avons pu identifier Ambes
et Wanivalz.
GUERRE ENTRE LES LORRAINS ET LES MESSINS (1351)
33
■an au chaipitre de nostre Esglise de Mets. Et ait encor le deventdit
évesque Ademairs les deventdictes deux cent livre de cens annuelle
essus et essignés sus plusieurs aultre seigneurie et mambre d’éritaige,
comme plus amplement il est contenus et desclairés és principalle
lettre que de ce en sont faicte. Lesquelle furent mise en l’airche Simo
nin Chivalas, alors amans en Mets, en l’an mil trois cent et XLVIII,
et alors que le deventdit seigneur Poince le Gournaix de Change estoit
maistre eschevin de Mets.
Mil iiic et l ans. —- Retournons maintenant à nostre prepos, et disons
cornent, durans ce temps, c’est assavoir en l’an après, et que le milliair
courroit par mil trois cent et L ans, fut alors maistre eschevin de la
cité de Mets le sire Jehan Renguillon.
En laquelle année, et durant encor les trêves entre France et Angle
terre, le XXIIe jour du moix d’aoust, morut le roy Phelippe, à Nogent
le Roy, aagé de cinquante sept ans ; et régna XXIII ans.
Desconfiture faicte par le roy d’Espaingne sus les infidèle. — Item,
aussy durant son tamps, le roi d’Espaigne et de Portingal firent grant
destrousse sur les infidelles de Grenades et de Thunes ; et dit-on qu’il
en y mourut deux cent mil payens.
Jehan, premier de ce nom, créés roi de France. — Pareillement, du
rant ce tampts, Jehan, premier de ce nom, fut fait et créés le XLIe roy
de France ; et fut sacré à Rains ledit ans mil IIIe et L. A l’acomencement de son resne fut décapité Régnault, conte de Auge, en l’ostel
de Nesle à Paris ; car il fut trouvé colpable de avoir comis crime de
layse magesté. Et fut ung nommé Jehan d’Espagne estably en son lieu.
Chier temps de vivre en France. — En celluy tamps, y avoit grant
chierté en France, car le septier de froment ce vandoit huit livres
parisis.
Le jubilé d Romme. — Pareillement en celle année, pappe Clément VIe
renouvellait l’an jubilé, et octroya plaine indulgence à tous vray confés et repentans qui de cinquante ans en L ans visiteroient en pellerinaige à Romme les glorieulx apostres sainct Pierre et sainct Pol.
Mil iiic et Ij. — Et, tantost en l’an après, c’est assavoir que courroit
le milliaire par mil IIIe et LI, fut fait maistre eschevin de Mets le
sire Gille le Belz.
En laquelle année, le jour de Pasques, fut présentés à Gilles Rigault
de Roussy le chappeau rouge au pallais à Paris.
Item, en ladicte année, furent les bons vin, desquelles en fut pairlé3
loing temps après pour leur bontés.
Guerre entre les Lorains el Messains. — Et parei’lement, fut en
celle année la guerre de ceulx de Mets, d’une part, et de la duchesse de
Lorainne et des Allemans, ces alliés, d’autre part. Lesquelles, par
deux foix, vindrent à ost devant la cité ; dont l’une des fois fut à Flerei,
et l’autre à Chaminat. Et puis c’en retournairent sans plus faire, fors
que il boutairent le feu et ardirent plusieurs villes. Et, en ces entrefaicte, lesdit de Mets, c’est assavoir aulcuns chief de seigneur, avec
3
34
JEAN DROUIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1353)
les gens d’airme et le comun, saillirent dehors en airme et les enchassirent tous jusques en leur païs. Et furent en jusques tout devant
Nancey, et brullairent et ardi/ent tout le païs entour. Et, de fait,
assaillirent Frouuart, de laquelles il en brullairent les bourgs, et prindrent plusieurs prisonnier. Et, aprez ce fait, furent encor lesdit de Mets
en plusieur lieu parmy la duchié. Entre lesquelles il furent à Rosières,
et l’ardirent toucte, avec le pays entour. Et d’icelle ville en furent
gaignées les deulx fort maison ; puis les ont arse et destruicte. Et
furent encor ceulx de Mets tous devant le jay 1 le duc de Lorrainne,
et, de fait, le brisont par force ; et y furent deux jours et deux nuyt.
Le sire Thiébault, sire de Blamont, chevalier, qui alors estoit capitenne à ceulx de Mets, conduisoit les ardeur, c’est assavoir ceulx quy
boutoient les feu pour ceulx de Mets, lesquelles estoient IIIe hommes
d’armes.
viixx Lorrains tués par ceulx de Mets. — Et furent yceulx rancontrés de environ VIIe hommes, leur annemys, tant à chevaulx comme
sergent à pied, et se conbatirent à eulx. Et les desconfirent ceulx
de Mets, tellement qu’il en y oit bien VIIXX des mors de la duchié ;
et, de la partie desdit de Mets, n’en n’y oit que ung tout seul ; mais
il en y oit plussieurs des blessiés et des navrés.
Mil iiic et lij ; la paix entre les Lorains et Messains. — Item, l’an
après, mil IIIe et LU, fut maistre eschevins de Mets le signeur Némery
Baudoche. Et, en celle année, fut paix faicte, et cessait la guerre desdit
de Mets, d’une part, et de la duchié de Lorrainne et des Allemans
d’aultre part.
Aucy, en celle année mesme, fut la duchié de Bar en grant guerre
contre plusieurs aultre prince et seigneurs.
La fondations du couvent des Célestiens de Mets. — Et, pareillement,
je trouve que les Célestiens de Mets furent fondés en celle année, les
premier des XVIII couvens des Célestiens.
Innocent vie, [cent] iiijxx et ixe pape. — Et, en ce meisme ans, mourut
le pappe Clément VIe en Avignon. Et, après luy, fut esleu Innocent VIe
et consacré pape pour le cent IIII** et IXe 2 ; et fut pape X ans. Il estoit
Lymosin, appellé Estienne Aubert, puis fut évesque de Clermont
et cardinal d’Ostie. Ce pape voult lever le disme sur toutte lez reve
nue de l’Église ; mais il ne fut pas permis de les lever.
Mil iijc et liij. — Puis, en l’an après, que courroit le milliair par mil
trois cent et LIII, fut maistre eschevin de Mets le signeur Jehan
Drouuin.
L’entrée de Charles, roy des Romains, à Mets; les contés de Lucembourg et de Bar faicte duchiez. — Et, en celle année, vint en Mets
Charles, roy des Romains. Lequelle, durant le temps qu’il y fut, il
THIÉBAÜT BUGLÉ, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1355)
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fist duc du conte de Lucembourg, son frère ; et pareillement fist duc
du conte de Bar. Car yceulx pays aparavent n’estoient que contez.
Et, tantost après ce fait, ce partit de Mets et c’en allait en Lombardie
pour estre couronnés et pour ce faire empereur.
Le conestable de France lues en son lyd. — Et, en ladicte année, Char
les, roy de Navarre, fist occire monsseigneur Charle d’Espaigne, cones
table de France, en son lict. Et fut le deventdit Chairle, roy de Navarre,
fort contraire à la couronne de France. Car, pour ce tamps, il fist
plusieur traïson et grant domaige. Touteffois, à l’anhortement du
daulphin de Vyennoys, il ce purgea, et en fut la paix faicte. Laquelle
ne durait guerre ; car, pour plusieur raison, que je laisse, bientost
apiès fut prins avec plusieur aultre grant personnaige. Desquelle la
plus part furent décapité, et lui mis en prison ; dont nouviaulx huttin
ce esmeust, car tous leur amis ce mirent en arme contre les Fransois.
Le paiis de Guyenne livrés aux Anglois. — Pareillement, en celluy
tamps, ung nommé Guillaume de Bellicor trahit, et livra Guyenne aus
Angloys. Mais, à la fin, il fut pugny.
Mil iiic et liiij. — Item, l’an après, mil IIIe et LIIII, fut maistre
eschevin de Mets seigneur Nicolle Baudoche, filz le seigneur Arnoult
Baudoche.
Confiant prinze par ceulx de Mets. — Et, en ceste année, fut gaingnié
le chastelz de Conflan par ceulx de Metz. Pareillement, en celle meisme
année, furent ceulx de Metz avec les gens du duc de Lucembourg et
les gens du duc de Bar, et aultres plusieurs signeurs, devant Boullay ;
et, néantmoins, elle ne fut mie gaingnié, car on fit paix.
Charles coronnés empereur. — Aucy, ce fust en celle année que le
deventdit Chanes, le roy des Romains, fut fait et coronnés empereur
de Romme, comme ait est.
Et, en celle meisme année, ce partit le deventdit roy Jehan de France
et s’en alla en Normendie, et fut jusques Caen. Et alors fist prendre et
mestre toutte les terres du roy de Navarre en sa main. Et plusieur
aultre chose y furent faicte et dictes, lesquelles je laisse pour abrégiés.
Mil iiic et Iv. — Item, l’an mil IIIe et LV, fut maistre eschevin
de Mets le sire Thiébault Buglez.
Cent mil et quinze meudz de vin trouvés en Mets. — Et, en celle année,
furent visitez lez cellier en Mets et furent contés les vin quy alors
y estoient. Et furent trouvés que dedans la cité, cen le dehors, y avoit
cent mil et quinze meud et demey de vin, le meud XII deniers pour
la malletoste ; et sans ce que fut forcellés et qui ne vint point à cognoissance.
Le roy de Navarre prins prisonnier. — Aucy, ce fut en celle meisme
année que le devent dit Charles, roy de Navarre, fut prins on chaistel
de Rouan, comme cy devent ait estés dit. Et y morurent plusieur
chevallier de Normendie. Et, meismement, en ladicte année, ledit roy
Jehan de France envoya en Normendie son aisnés filz, Chairle, daul
phin de Viennoys, son lieutenant ; et y demoura tout celluy estés.
Pareillement, en celle dicte année, revint Édouard, roy d’Angleterre,
36
L*EMPEREUR CHARLES IV A METZ (1356)
en France avec grosse armée. Parquoy le roy trouvait manier de parler
aus estât ; par lesquelle, tout d’ung accort, fut permis que au despans
du peuple seroie tous les ans livrés a roy XXX mil combaitans homme
de guerre.
Grant mutinerie à Arras. — Pour laquelle levée en advint grant
mutinerie en France, souverainement à Aras. Car le menu peuple
ce elleva en l’encontre des principaulx de la cité, et en y oit plus de
cent pour celle chose dez descollés et mis à mort. Alors fut assaillis
le roy Jehan de tout cousté, tant des Anglois comme des parans et
amis de Charles, roy de Navarre, et dez aultre conte qui avoient estés
décapité.
L’armée de France en Poitou. — Contre lesquelles le roy Jehan
mena son armée en Poytou. Car, alors, et a mandement du roy, vinrent
gens de tout coustés, et tellement que audit pays de Poitiers ce y asambla une grosse armée.
Mais nous lairons ung peu de ces chose à parler, et retournerons au
maistre eschevins de Mets et à plusieurs aultre besoingne, lesquelles
durant ce tamps avindrent.
[de la visite de l’empereur A METZ, EN l356,
A LA CONSÉCRATION DE JEAN III DE VIENNE, ÉVÊQUE
DE METZ, EN l36l]
Mil iijc et Ivj. — En l’an après, que le milliair courroit par mil trois
cent et LVI, fut alors maistre eschevin de Metz le sire Geoffroy Mine.
Et, en celle dicte année, la vigille de la feste sainct Jehan Baptiste
fut et escheut le jour du Sainct Sacrement de l’autel, qui est une chose
qui n’avient guerre souvent.
Grant crollement de terre. — Aucy, en ycelle meisme année, le
jour de feste saint Luc, fut le crollement de terre en Metz et en plussieurs païs entour, espéciallement à la cité de Baisle sur le Rin, laquelle
cheust causy toucte, et bien LXVIII forteresses que cheurent en icelluy pays.
Chier temps de vin. — Et fut le tamps fort diverse et merveilleux,
tellement que en celle année fut le vin sy chier que on vendoit le septier
de vin d’Ausay VIII sols de messain, quy estoient alors VIII gros de
Metz, et le septier de vin de païs V sols, que pareillement estoient
V gros de Mets. Car le groz de Mets ne valloit alors que XII deniers de
ladite monnoye “.
L’empereur et sa femme à Mets. — Item, aussy en celle dicte année,
revint le deventdit Charles de Bahaigne, empereur de Romme, en
Mets, luy et l’enperier sa femme, et tous les éliseurs avec luy, et maint
a. Philippe a rayé, en marge, cet mots : le groz de Mets ne valt que XII deniers.
|
L’EMPEREUR CHARLES IV
A METZ (1356)
37
aultre grant prince et seigneurs. Et fut receu pour empereur desdit
de Metz, tout ainsy comme il apparthient à recepvoir ung ampereur.
Premier, l’évesque de Mets et touctes les ordres mandions, et touctes
les congrégacion des clergies, chanonne et aultre, yssirent dehors en
grand triumphe, trestous revestus et en habit, et luy allairent au devent
en belle porcession jusques à la croix au Pont Thiefîroy, acompaignié
de deux cent torches, toucte ardentes, que biaulx jonne anfïans pourtoient. Et illec, en ce lieu, furent apourtés et apparilliés deux riche
cielx paillés 1 à frange d’or, chacun à VI lances, pour pourter et mestre
c’est assavoir l’ung sur l’empereur et l’autre sur l’emperier sa femme.
Et le ciel de l’empereur pourtoient VI chevaliers de Mets, c’est assavoir
seigneur Philippe le Gournaix, signeur Poince Guenendin, seigneur
Poince de Laicte et seigneur Poince le Gournaix, seigneur Geoffroy
de Raigecourt et seigneur Geoffroy Aisier. Et le pourtairent les VI des
sus nommés tout à pied jusques à la Grant Église de Metz. Et le ciel
de l’emperier le pourtèrent six escuiers de Mets, c’est assavoir Gille
le Bel, Perrin Xavin, Collignon Renguillon, Jehan son frère, Jehan
Lohiet et Jehan Braidi du Nuefbourg. Et le portirent pareillement
tout à pied jusques à la Grant Église de Mets.
Or, icy après, oyrés et seront les nons escript de une partie dez
prince et signeur qui avec ledit ampereur vinrent en Mets. Et, premier,
y fut l’archevesque de Triève, l’archevesque de Collogne, l’archevesque
de Mayance, le duc de Bauviers, le duc de Saxonne, le marquis de
Brancbourch, qui sont les septz éliseurs du Sainct Ampire. Item,
l’évesque de Strabourg, le marquis de Julliers et le marquis de Misse,
le duc de Caissés, l’évesques de Liège, l’évesque de Verdun, l’évesque
de Toulz, le duc de Braibant, le duc de Bar, Charles, daulphm de
France et duc de Normendie, qui estoit filz au deventdit roy Jehan de
France. Et avec luy estoit le cardinal de Périgort et desquelles 2 nous
parlerons icy après, l’abbé de Cliny, le duc de Burtaigne, le conte de
Poitiers, le conte de Grant Prez, le conte d’Estampes, l’archevesque de
Rouan, le conte de Tancreville, l’archevesque de Sans, le conte d’Anjou,
le conte de Salbruche, le conte de Doulpont, le conte de Saulme, le
conte de Salminnes, le conte de Lynanges, le conte de Nansoul, le
conte de Naymur, le conte de Spanehaim, le duc de Xowaints, filz
au roy de Cracowe et serourge à l’empereur, le duc de Pollainne, le
conte de Xowairtsembourg et le conte de Starconbert, et plusieurs
aultres seigneurs, chevallier et escuier, sans nombre, qui acompaignoient ledit ampereur.
Et demeura ledit ampereur à Mets jusques a mardi après 1 Apparicion. Et fut à matinne, le nuyt de Noël, à la grande église cathédralle
de la cité, et avec luy les cardinal, archevesque et évesque, tous revestus,
les pallion en teste ; et grant foixon des ducz, des conte et des prince
1. Il s’agit vraisemblablement de dais (ciels) ornés de riches draps (pailes) à fram
ges d’or.
2. Corriger : le cardinal de Périgort, duquel...
38
L’EMPEREUR CHARLES IV A METZ (1356)
deventdit estoient entour de luy. Et fut alors ledit ampereur tout
revestu en guise et en habit impériaulx, c’est assavoir la haulte coronne
d’or sur la teste, avec tout ce qu’il luy appartenoit. Et chantait la
VIIe lisson de mâtine, tenant l’espée au poing toucte nue hors de son
fourriaulx.
Cours plenière tenue aux Champs à Saille par l’empereur. — Et,
le londemain, qui fut le jour de Noël, il thint sa court plainnyère on
Champassaille, en ung grant parc clos de pallis que on luy avoit fait
faire.
Vachelin de Braibant fait roy de Bahaingne. — Et, alors, constituait
et mist en lieu de luy, pour roy de Bahaigne, Waichellin i, duc de Brai
bant et duc de Lucembourg.
Et y estoient, en celluy parcquez, cez éliseurs, ung chacun pour
tant et faisant son office comme il apparthient à faire et comme il sont
tenus de faire. Et fut ly empereur a chief du parcque, essis à une
tauble tout par luy, en guize d’ampereur et en vestemens impériaulx,
et là dînait, et cez VII éliseur le servoient, comme dit est, ung chescun
chevaulchant grand destrier, et apourtoient lez mez, en luy servant en
la manière qu’il aparthient à ampereur. C’est assavoir, de ceulx qui
servoyent : premier, y estoit l’archevesque de Maence, l’archevesque
de Collongne et l’archevesque de Tryève, Lancellin, duc de Braiban,
le duc de Bauvier, le duc de Sansonne et le mairquis de Brandebourch,
qui sont les elliseur deventdit. Et fut servy cy haultement comme il
apparthient à ampereur.
Et, d’aultre part, fut essutez l’emperier en une aultre tauble, avec
le devantdit cardinal de Périgort et avec le duc de Normendye. Et
touctes manières de prince et seigneurs, chevalliers et escuiers sy
furent à d’aultre table, et furent servis moult richement, sans feu.
Le merquisaize de Juillet faicle duchés. —■ Et, en icelluy jour, fit
l’empereur duc du merquis de Jullien «, et donnait plusieur aultre
office ; et y oit grant feste et grant triumphe par tout le jour ; pour
laquelle à veoir y avoit grant assamblée de puple, tant de Mets que du
pays entour.
Cy lairons de luy à parler et retournerons a roy de France et à plu
sieurs aultre avanture et diverse fortune de guerre que durant ce
tampts avindrent.
Item, en celle meisme année, c’est assavoir quand le milliair courroit
par mil trois cent et LVI, le roy Jehan de France, luy estant en Poytou,
comme cy devent est dit, vint ; et là ce trouvait en ce lieu le deventdit
cardinal de Périgort, duquelle nous avons icy devent pairlés, et lequelle, après, ce transpourtait à Mets avec l’empereur. Lequelle car
dinal de part pappe Innocent VIe estoit envoyés, affin de acourder les
deventdit prince enssamble. Mais, quand il eust perdu l’espérance de
a. E : Julliers.
1. Wenceslas de Luxembourg.
BURTHE FAIXIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1357)
39
novoir ployer les couraiges d’iceulx princes, et1 que nullement ne ce
voulloient acorder, il c’en vint à Mets devers l’ampereur, comme dit
est ; puis c’en retourna à Romme. Et, jà ce que les Anglois ofïroient
a roy à tout randre, perde et domaige, néantmoins sa fortune ne le
voulloit, ains queroit ledit roy de tous son povoir à ce vangier. Mais
telle ce 'cuide vangier qui chiet en plus grant inconvéniant, comme
il luy en advint.
Le roy Jehan de France prias prisonier avec grant noblesse, et Fran
çois desconfis. — Car, après ce que les baitaille furent mise en ordre,
le XIXe jour de septambre, l’an dessusdit mil trois cent et LVI, ce
aprouchairent des annemys, lesquelle c’estoient retrait en ung treffort lieu. Mais, par la résistance des archiés Anglois, les Fransoys
furent tous mis en fuyte. Et fut le roy Jehans prins prisonnier par ung
chevallier d’Arthois, nommé Denis Morbeque. Et, avec le roy, fut
prins Phelippe, son fdz, et XVII conte. Et y perdit le roy toucte la
fleur de sa noblesse, avec mil et VIIe homme de guerre. Et fut le roy
mené à Bourdeaulx.
Alors fut grant dueille démené par tout le royaulme. Et fut conseilliés
a deventdit Charles, duc de Normendie et filz aisné du roy Jehan,
de ce retirer à Paris. Et, après ce que en parlement il eust fait sa com
plainte touchant l’ayde qu’il demendoit, furent prins L homme pour
entre eulx en déterminer. Et, pour plus secrètement estre, c’en allairent
au couvant des Frère Mineurs, auquelle il furent XV jour anclos. Et,
après ce, ont mandés ledit duc Chairles. Et pairla l’ung pour tous, et
luy dit ce qu’il avoit en chairge de dire.
Le cardinalz de Périgort avec le duc de Normendie d Mets, vers l’em
pereur. — Mais le conseil ne pleut pas du tout audit Charles. Parquoy,
comme le mest Gauguin, après plusieurs journée tenuee, que pour abrégiés je lesse, ledit duc Charles, avec ledit cardinal de Perrigort, ce
transpourtairent devers Charles, l’ampereur, en la cité de Mets, comme
cy devent ait estés dit. En laquelle alors estoit ledit Charles, roy de
Bohême et empereur romains, qui estoit son oncle. Puis de brief re
tourna en France. Et, durant ce tamps, fut le roy Jehan son perre
mené en Angleterre ; et furent treuve acourdée pour deux ans.
Mil iijc et Ivij. — Puis, après, quant le milliair courroit par mil
trois cent et LVII ans, fut alors maistre eschevin de Mets le seigneur
Burthe Faixin.
Mutinerie dedens Paris. — Auquelle tamps durant, à Paris, y oit
grand mutinerie du prévost des mairchamps, ad cause de 1 institucion
des nouvelle monnoie que ledit Chairles faisoit forgier. Et fut le peu
ple tout mis en arme. Et plusieur aultre chose furent faicte et dictes,
lesquelles ad cause de brieftez je laisse.
Paireillement, durant ce tampts, Estienne Mercel, prévost des merchampts de Paris, et ces alliés, c’en aillairent en la chambre du pallais,
1. Suppléer : et qu'il vil que...
40
JEAN EULECOL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1358)
et illec ont tués le mairechault de Champaigne et cellui de Clermont,
Et, celluy jour meisme, fut aussy tués seigneur Régnault d’Ansey i.
Et fut ce fait le jeudy devent la sainct Denis. Parquoy plusieurs malz
advindre.
Item, en celle année, les trois estas de Paris envoyèrent plusieur
gendarmes contre messire Godefïroy de Harcourt ; desquelles estoit
ehief messire Loys de Ravenal ; et heurent grosse baitaille enssamble.
Aucy, en celle dicte année, le duc de Lenclastre mist sus une grosse
armée et alla asségier la ville de Renes en Bretaigne ; et n’y fïst rien
pour cest fois.
Charles, roy de Navarre, délivrés de prison. — Pareillement, durant
ee tamps, le deventdit Charles, roy de Navarre, eschappait, ou il fut
délivrés de prison.
Plussieurs pillair parmei la France. — Et, en ce meisme tamps, courroient plusieurs lairon et pillair parmy Paris et au païs joindant. Et
estaient à cy grant nombre que l’on n’y sçavoit mestre remède, car
telz fois fut qu’ilz estoient plus de VI mille. Toutefois, après ce qu’il
furent deschaissiés du lieu, il peillèrent Estampes, de laquelles il enmenèrent plusieur prisonnier. Or je croy, moy, que à cest heure Dieu
voulloit du tout pugnir les Fransois pour leur orgueille. Car, en ce
tamps, il ce pourtoient cy démesuréement en leur abis que l’on ne congnoissoit ung jantil homme encontre ung compaignon de mestier. Et
ne pourtoit on jamaix deux ans anthier ung abis d’une fasson qu’il
ne fut rechaingiés et remis en aultre sorte ; comme encor à cest heure
il font. Parquoy Dieu les voulloit pugnir de leur meffais et orgueille.
Et pouvoit-on cuidamment cognoistre sa vengeance, d’aultant que
partout estoit tribulacion et misère. Et fut le royaulme cy triboullés
que de tout coustés branloit.
Le prévost de Paris conducteur des mutin. — Souverainement, les
Parisiens, rebelle a roy et à ces ordonnance, avec ledit Estienne, pré
vost des merchamps, firent plusieurs fois de grant mutinerie. Et avoient
entre eulx prins une enseigne d’ung chaperon rouge et bleu, de laquelle
anseigne il contraindirent ledit Charles, duc de Normendie et aisnés
filz du roy, et plusieur aultre, de la pourter. Parquoy tant d’aultre
grand dangier par mutinerie en ce tamps avindrent, que se seroit
chose tropt loingue et prolisse à raconter, et pour ce m’en passe quant
à présant. Car, qui le tout sçavoir vouldra, cy lisse les Gronicque
de maistre Robert Gauguin, et illec le trouvanra.
Mil iijc et Iviij. — L’an après, mil trois cent et LVIII, fut maistre
eschevin de Mets le sire Jehan Eulecol.
Les mur de Paris réparés. — Et, en ladicte année, le deventdit
prévost des merchamps fist faire les murs entour la cité de Paris ;
car par avant n’en n’y avoit nulle qui fussent de vallue.
Le prévost de Paris tués. — En celle meisme année fut Paris assei1. Régnault d’Aci, avocat au Parlement.
LÀ JACQUERIE EN FRANCE
41
giées par le deventdit duc de Normendie, régent de France. Et debvoiton faire plusieurs trahison, mais il furent accusés ; et fut tués le prévost
des merchamps, lequelle, comme on disoit, estoit cause de ladicte
traïson.
Grand faminne en France. - Or advint que, en celluy temps et durant
la guerre, y oit grande et merveilleuse famine en France, pour tant
que les Navarrois y estoient. Parquoy la famine fut cy grande que
une tonne de harenc coustoit bien XXX escus, et les aultre chose à
l’avenant.
Cas exécrable perpétrés par plussieur ribleurs aux paiis de Biavaix.
— Item, pareillement et durant ce tamps, avint ung grand et merveil
leux cas, lequelle est digne de mémoire pour la cruaulté et innormité
de la chose. Avint que, durant ce tamps et en ces meisme jour, au
territoire de Biauvays, se leva une impétueuse torbe de laboureux, en
la conduicte de ung nommés Guillaume Callet. Ses gens icy, et comme
Dieu le permetoit, sortissant des villaiges, couroie dessa délia contre
les gentilzhomme, faisant plusieur meurtres et partinuelles *1 ribleries,
et couroie depuis Compiègne jusques à Sanlis. Il peillèrent la cité de
Souessons et plusieurs chasteaulx entour. Et estoit cest multitude 2
principalle conspiracion et crudellité en l’ancontre des noble. Et, nyanmoins que je ne veult pas dire tous les malz ne les honteux cas que
yceulx firent et perpétrairent, car tropt loing seroie, sy vous veult je
compter et réciteray tant seullement deux crimes d’excellances et
espécialle crudellité. Car, entre plusieurs meurtres, ces mauldis enragiés donnairent assault à quelque chastel et le prinrent. Puis ont liés le
signeur du lieu à ung pault 3, et, ce fait, les traictre, sans honte ne
vergongne, ont enfïorcés et vyolés sa femme et sa fille devent leregaird
de ces yeulx. Et puis, ce fait, les occirent, et tantost cruellement ont
murtry le mary. Et, encor pire, ont empognés ung aultrez chevallier,
et l’ambrochèrent en ung hattiez 4, et le rôtirent, en la présence et
au veheu de sa femme, laquelle après fut violée de douze putiez. Et,
après qu’il olrent ce fait, la contraindirent de menger de la chair de
son mary ainsy rôtie. Et, non comptant de ce, les tirant enragié, peu
après, minrent à mort celle povre misérable femme.
Or, je vous veult maintenant dire pourquoy c’est que on dit, quant
aulcun sont rebelle à leur signeur, on les appelle communément, tant
en ce pays comme aultre part, les Jaicquez, et dit on qu’il sont de la 0
Jaicquerie. Ce non icy vient à dire pour ce que ces mauldit guernemens
firent entre eulx ung capitenne et instituèrent pour leur roy ung d’entre
eulx nommés Jaicquin, on nom duquelle furent tous appellés Jaicquins, menant enssemble une Jaicquerie.
a.
1.
2.
3.
4.
Mss. : dellay.
Contamination de perpétuel et de continuel ?
Suppléer : chez cette multitude.
Pieu.
Hastier, grande broche à rôtir.
42
ALBERT BOULLAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1359)
Mil iiic et lix; les buttes aux faire les maislre eschevins perdue. — Et,
l’an après, que courroit le milliair par mil trois cent et LIX, fut maistre
eschevin de Mets le sire Aubert Boullay. Et, en ceste année, furent
perdue les bustes 1 et la coustumes d’icelle, desquelles alors on faisoit lez maistre eschevin.
Or, advint en celle année que les Navarrois rendirent aux François
Sainct Valéry.
Escarmouche entre François el Anglois. — Pareillement, advint que,
en celle dicte année, y oit grant bataille à Nogent-sur-Senne, faicte
par messire Broquart de Fénestrainge, de la nacion de Lorrainne, et
les François, d’une part, et messire Eustache d’Aulbertvicourt, de la
nacion de Haynault, avec les Anglois, d’aultre part. Car, ce jour, en
ce lieu, y oit une grosse escharmouche, en laquelle furent plusieur
dez mort et dez navrez.
Merveilleuse mutinerie aux paiisde France. — Aucy, en ce meisme
tamps, se rassamblirent enssamble dedans Paris plusieur compaignie de maulvais guersons, que on appelloit les perdus, lesquelle sail
lirent hors de la ville, environ trois cent, soubz la bannière de Pierre
Gillon. Et rancontrirent en leur chemin ung aultrez compaignie de
Ve homme en armes, qui estoient d’iceulx Jaicque, en la conduite
de Jehan Vaillant. Sy se assemblèrent enssemble, et tinrent le chemin
à Meau en Brye, cuidant de prime face prendre le merchief d’assault.
Quant les habitans de Meaul furent de leur venue avertis, il les receurent en grant joye et liesse, cuidant qu’il y vinsent pour bien. A
ceste heure estoient au merschief de Meaulx le conte de Foix et plu
sieur aultrez noble, à grant nombre, tenant compaignie à la duchesse,
femme audit Charle, régent de France. Lesquelle, quant il virent et
conurent la mutinerie et maulvitiez d’iceulx Jaicque, ce préparèrent
à defïence. Et y oit grant occision et d’ung coustez et d’aultre. Entre
lesquelles Jehan Solan, bailly d’icelle cité, fut empoignés et trainés
dehors, et l’occirent. Aucy fut Guillaume Callet, principal murtrier,
cy devant dit. Et fut partie de la cité arse et brullée.
Nulz ne s’ose confesser citoiens de Paris. — Ce temps durant que ce
faisoient telle chose, nuis n’osoit saillir hors des murs de Paris, ne
s’osoit confesser estre cytoiens d’icelle cité. Car ledit duc Charle, fllz
au roy Jehan, pour ce qu’il luy estoient rebelle et contraire, les faisoit tous mettre à mort. Et y avoit à ceste heure la plus grant muti
nerie dedens Paris que jamais fut. Car, de jour en jour, y estoient
faicte de grande occision et tuerie, desquelles je me déport quant à
présant. Et, touteffois, ainsy comme ces choses ce faisoient, le nombre
des gens d’armes audit Charles cressoient tousjour, lesquelles dépoulloient les Paiisiens par tout où trouver les pouvoient. Et ne estoit
aulcuns en ce temps quy osait entrer en la ville ou sortir hors sans grans
dangiers de sa personne, et qu’il ne fussent assaillis des gens dudit
Charles. Touteffois il couroyent principallement sus les Jaicquins du
1. Voye* t. II, p. 24 et n. 2.
PIERRE DE LAITRE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1360)
43
Beauvoisins, desquelles il occirent en peu de jours jusques au nombre
de XX mil.
Paix entre le roy de Navarre et Charles, filz du roy Jehan. — Après
ce fait, pour le pourchas de la royne Jehenne, fut journée prinse pour
acourder ledit duc Charles, fîlz au roy Jehan, et Charles, roy de Navars. Et fut la paix faicte, parmei IIIIC mil florin que ledit duc Charles
devoit paier à sertains tairme, et parmy X mil livre de rante annuelle
que ledit roy de Navarre avoit et devoit tous les ans recep voir sus
sertaine seigneurie du royaulme de France. Et ainssy bon amis ce
sont despartis l’ung de l’autre.
Mais l’amour ne dura guerre. Car le duc Charles, aisnés filz du roy,
réconcilia les Parisiens à luy. Parquoy ledit Charles, roy de Navarre,
acomencè à ribler et à courir, faisant de grant domaige par le païs.
Et print Melun, car il estoit aidés des Anglois.
Miracle contre les pillair d’esglise. — Or, escoutez ung biaulx miraicle qui en ce tamps advint. Il est vray, comme raconte les istoire, que,
en celle meisme année, le rest de yceulx pillairs et malvaix guernement,
nommés les Jaicquins, lesquelles tousjour alloient et venoient et faisoient de grant malz par les païs, comme dit est, vindrent ariver en
ung villaige, appellés Ranay, et comencèrent à faire beaucolpt de
malz. Tellement que, par ung matin et alors que le prestre dudit villaiges chantoit messe, lesdit pillars se vinrent foncer on moustier.
Donc, l’ung d’iceulx, cen honte et cen craindre Dieu, ce aprochait
de l’autel et print le calice estant sus ledit autel, ausquelz le prestre
debvoit consacrer le précieulx corps de Nostre Seigneur. Et, ce fait,
gecta le vin qui dedans estoit en la voie ; et, pour tant que le prestre
en parla, il le ferit de son gand à traverse main, sy fort que le sang en
voila sur l’autel. Puis yssirent ces paillars a champs ; et portoit celluy
lairon escnier en sa mains la platine et le corporal. Mais, par la vollunté de Dieu, aincy comme il chevaulchoient au champs, le chevaulx
d’icelluy comensait telle tempeste et de telle sorte à ce demener que
nul ne l’osoit aprouchier. Et, pareillement, luy qui avoit fait le délit
devint comme hors du sanc 1. Et tellement ce sont démenés que lui et
ledit son chevaulx cheurent illec en ung mont, et ce estranglèrent l’ung
l’autre, et puis furent soudains convertis en cendre et en pouldre.
Lors tous ces compaignons, voyant le miraicle, vouuairent que jamaix
église ne violleroient, ne ne feroient telle euvre. Et aincy avés oy
cornent ce misérables finait ces jours.
Mil iiic et Ix. — Après ces chose aincy advenue, et en l’an que le
milliair courroit par mil trois cent et LX, fut alors maistre eschevin de
Mets le sire Pier de Laitre.
Et, en celluy tamps, retournairent les ambaixadeur d’Angleterre qui
traictoie pour la ranson du roy. Et fut le compromis tel, comme il fut
dit et criés sur la pierre de maibre devent le pallas à Paris : « Que le
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LA PAIX ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE (1360)
roy d’Angleterre demendoit pour ycelle ranson les pays et les ville icy
après desclairée à tousjourmaix, c’est assavoir : la duchiés de Nor
mandie, Xaintonges ; avec tout le demaine comme il c’ensuit : Agenestz,
Tarbe, Périgor, Lymosin, Cahors, les contés de Thourainne, Boullongne, Pontyeu, et Guymes, Callès et Monstruel. Et encor, avec ce,
paieroit a roy Édouaird pour une fois quarante foix cent mil phelippus
d’or ; et qu’il donneroit XII obstaige, avec quelque nombre de ville,
entre lesquelles Rouen et Caen estoient spécifiées. » Mais, pour ce que
sa demende estoit oultrageuse, dérasonable et inicques, on n’en fist
rien ; et leur fut signifiet la guerre ouverte.
Tantost après, fut trouvé manier que le roy de Navairre fut plus
grant amis à la corone de France que jamais n’avoit estés ; et fut biens
réconcilliés aus Parisiens.
Ne demoura guerre après ce ranfus que ledit Édouard, roy d’Angle
terre, fist une merveilleuse armée. Puis vint mestre le sciège devent
Rains. Et, après qu’il y oit estés VI semaigne, c’en allait mestre le
sciège à Sainct Marciaulx, tout devent Paris, demendant a duc Charles
la baitailles, cuydans tirer les Parisiens aus champs. Et, quant il vit
que nullement ne les pouvoit avoir, il c’en tirait droit à Chartres. Et
alors fist le plus terrible tamps que jamaix homme vit faire, ne de loing
tamps l’on n’avoit veu le pareille. Duquelle Édouard fut merveilleuse
ment espovantés ; et fut la cause qui le fist venir à traictiet de paix.
Cy envoyait ces ambaixaide a vers le duc Charles, lequelle de ce fut
bien joyeulx.
Paix entre François et Anglais. — Et tellement que, après plusieur
allée et venuee, en ladicte année mil trois cent et LX, fut la paix faicte
entre les prince, en la manier qui s’ensuyt. C’est assavoir que tout
Poictou, Touars, Belleville, Xaintonge, Agenestz, Périgot, Limosin,
Cahors, Tarbe, Bigore, Angolesme, Rouergue, et les conté de Pothieu,
Callès et Guines, avec les aultre villaiges despandens, viendroient à
Édouard, et à sa perpétuelle jurediction et seignorie aperthiendroient,
sans aulcune diminucion de droit ou de majesté.
xiiic mil escus de ranson.— Aussy,avec cella,luy seroient paiet XIIIe
mil escus à certains termes. Et ainsy furent ces chose jurées et promise
soubz le seaulz dez prince, et obstaige donnée et d’ung cousté et d’aultre.
Le roy de France délivrés. — Et fut le roy Jehan ramenés à Callas
(après ce qu’il oit tenus quaitre ans prison), où ledit Charles ce trans
porta pour veoir son père. Alors fut le roy à grant joye ressus en
France.
Et furent les roy devent dit par loing tampts après en cy bonne acord
et en cy parfaicte amour qu’il ne ce appelloient que frères, et ce visitoient souvant l’ung l’aultre.
Item, tantost après et en celle meisme année, ce partit le roy de France
tout de piedz pour c’en aller en pellerinaige à Nostre Damme de Bola. M : ambaixande ; E : embassaide.
JEAN DE VIENNE CRÉÉ ÉVÊQUE DE METZ
(1361)
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longne, et y arivait la vigille de la Toussâmes. Auquelle lieu il fut ressus
à grand honneurs.
Mil iiic et Ixj ; bande quassée. — Et, tout incontinent que le roy
Jehan fut ainssy délivrés en la manier comme cy devent avés oy, et
que ces besoingne furent ung peu appaisantée et eschevie, c’est assa
voir en l’an que le milliair courroit par mil trois cent et LXI, et que
alors estoit maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Géraird
Paperel, alors et pour celluy tampts fut comendés en France que touttes
les guernison wuidassent hors, comme il avoit estés dit a compromis
de la pais. Desquelle nouvelle furent la plus part des gens d’armée
comme à desespéré. Cy ce mirent ensamble par grand troupiaulx, et
firent entre eulx plusieurs capitaine, desquelles le souverains ce nommoit l’Archeprestre. Et avec yceulx ce joindirent tant de malvaix
guerson qu’il furent à cy grand nombre qu’il n’y avoit païs qui les peult
résister.
Grant riblerie de pillair parmei les paiis. — Cy c’en allirent en Bourguogne, et heurent grosse baitaille, après de Lion sus le Rosne, encontre
messire Jaicque, duc de Bourbon, et son ost. Lequelle messire Jaicque
ne fut pas assés puissant pour résister à cy grande compaignie comme
il estoient ; parquoy luy et ces gens furent desconfis. Et fut ce fait en
l’an deventdit mil III cent LXI. Et alors lesdit lairons victorieulx ce
despartirent en deux bande. Dont l’une c’en allait en Avignons ;
et prinrent le Pon Sainct Esperit et le pillairent,sans homme ne femme
espairgnier. Parquoy cest viollance moult espoventa le pape Inno
cent VIe, lequelle alors ce tenoit en Avignon ; et oit grant paine de les
déchaissiés à force d’argent. Car de luy ressurent LX mil florin, néantmoins qu’il avoit fait faire une croisée pour aller contre eulx, comme ce
se fut estés contre les annemis de la foy catholicque ; mais de ce ne tenoient compte. Ains, alors plus fier que devent, ce espandirent yceulx
lairons et roubeur en diverse lieu parmy le monde ; et avoient entre
eulx fait XVII capitainne; lesquelle firent moultde mal et dedomaige.
Item, aucy en celle meisme année, morut Adémars, lequelle avoit
estés évesque de Mets par l’espaice de XXXIII ans. Dieu luy face
pardon ! Amen.
(de
la consécration de l'évêque jean de vienne,
EN l36l, A CELLE DE THIERRY DE BOPPART, EN l365]
Jehan de Vienne, lxxiije évesques, ihint le sciège. — Jehan de Vienne
fut le LXXIIIe évesque de Mets. Celluy estoit premier archevesque de
Besansson, et fut translaté à l’éveschié de Mets en celle dicte année mil
trois cent et LXI. Cellui évesque estoit bel prélas et saige, et aucy estoit
riche. Car, en son temps, il n’enprunta ne engaigea riens de l’éveschié.
Et tint le sciège tout en paix tant comme il fut évesque.
46
JEAN DE VIENNE, ÉVÊQUE DE METZ
Toutefïois il oit grant plait et procès au seigneur et citain de la cité
de Mets pour plusieur cas, et espéciallement pour ce qu’ilz luyempescheoient sa juridicion, comme il disoit. Et, de fait, luy banissoient cez
clerc et ces prestres. Et, sans doute, s’il fut demouré évesque de Mets, il
disoit qu’il heust gangnié le plait, voir, s’il heust voullus estre rigoureulx.
Celluy évesque Jehan tenoit et gairdoit bien justice. Toutefïois, il
ne fut pas comptant de cestui grant bien, ains voult avoir milleur, et
ce fîst translater à l’éveschiés de Baille. Dont il ce repantist depuis,
comme icy après serait dit. Car, quant il vint premier en l’éveschiez
de Mets, et il vit que le pays estoit plain de malvaise gens, de robeurs,
de meurtreurs a et de pillairs, et qu’il estoient gens de fait et de voluntez, sans raisons ; et aussy que on luy demandoit plusieurs debtes és
terre sus l’évescbié ; se luy fut moult grief à pourter, car il avoit acoustumez à estre en paix avec le duc de Bourgongne, lequelle il avoit gou
vernez, et on quel lieu on usoit de justice et de raison. Parquoy, pan
sant de mieulx avoir, yl rescript à ung sien oncle que estoit cardinal de
Cliney, et luy mandait cornent qu’il estoit venu en ung pays que ne luy
plaisoit point, et que c’estoie gens cen foy et cen loy, comme cy après
serait dit. Et, pour ce, luy prioit cbierrement que, c’il escheoit aulcune
éveschié de son pays de Bourgogne, qu’il y fut translatey.
Sy escheut en ce tamps l’éveschié de Baille en Souisse, quy est près
de la contey de Bourgongne, et quy estoit essés près de son païs et de
sa teire, et pareillement de ces amis. Parquoy le dit cardinal monstrait
la lettre a pappe, et pourchaissait tant que l’évesque Jehan fut trans
latey à ladicte éveschié de Basle dessus le Rin. Maix, quant il le soit,il
en fut moult corroucié et desplaisant. Car, depuis ces lestre faicte, il
avoit aprins à cognoistre le païs de Mets et les gens entour, et faisoit
tant que chacun luy lassoit la sienne chose. Et, de quaitre ans qu’il fut
évesque de Mets, on ne meffît en l’éveschié en rien, et n’y fîst-on
quelque domaige. Et aussy il se faisoit amer et dobter parmy le scens
de luy et pai la force de ses amis, qui estoient les plus grans signeurs
de la Franche Conté de Bourgongne. Et ne luy souvenoit plus de la
lestre qu’il avoit heu envoyé au cardinal de Cliney. Et pourchassa,
depuis plusieur jour, que la chose fut nulle ; maix il ne ce polt faire.
Jehan de Vienne transmués à Baisle, et Thiédric de Boparl prouveux
à l’éveschiés de Mds. — Car nostre sainct perre le pappe, à la prière
du deventdit Charte, quart empereur de Romme de ce nom, et roy de
Bahaigne, avoit desjay pourveu Théodorich de Bopart, qui alors estoit
évesque de Warmaise, à l’éveschié de Mets. Se ne polrent estre ses
choses anullées, et convint ledit évesque Jehan laixier l’éveschié de
Mets. Laquelle il laissait bien envis et malgrey luy, et c’en allait demourer à Baille en Alemaigne, où il trouva les gens aucy mal raison
nable, ou plus, qu’en Lorainne, et aussy que plus de leur voulentey
o. E : meurtreux.
i
|
I
.
,
LÈS ÈRETONS DANS LE VAL DE METZ (1363)
41
I usent. Se vesquit toute sa vie là en guerre et en tribulacion, et à la fin
morut povre homme (selon son estât).
Gy lairons de luy à parler pour le présant, et retournerons aulx maistre eschevin de Mets.
Mil iiic Ixij.— Or retournons à nostre propos et aumilliair deventdit,
c’est assavoir quand il courroit par mil trois cent et LXII. En laquelle
année estoit maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Pier Renguillon. Et, en celle dicte année, en la grant semainne de caresme,
lesdit de Mets c’en aillirent assigier Winesperch ; et fut tantost prinse
d’assault.
Vigne engellée. — Pareillement, en celle meisme année, advindrent
de grant fortune és biens de terre. Souverainnement, tantost le jeudi
après Paisque, furent les vignes engellée par toucte Lourainne et on
pais de Mets. Et ce qui eschaippait de celle gellée ne vailleust rien,
ains furent les raisins tout perdus et gaistés au sappe. Parquoy le vin
fut tellement ranchéris que la querte de vin, que par avant ne ce vandoit que deux ou trois denier, fut mise à X denier le plus manre (que
sont enviion XX denier cellon la monnoye que courre maintenant).
Item, il avint encor ung plus grand mal : car, cest année, il fist ung cy
diverse tamps que on ne poult enhayner 1 ; parquoy avint ung grant
■ chier tamps.
Aucy, en celle dicte année, firent alliance a deventdit évesque de Mets
trois chief de seigneur. Lesquelles, acompaigniés dudit évesque, furent
Rolerge, et la prindrent ; et fut toucte abatuee.
Î devant
Pape Urbain, Ve de ce nom. — Et, pareillement, tantost après et
en celle meisme année, trespassa pappe Innocent deventdit. Et fut
fait pappe Urbain, Ve de ce nom.
Aucy avint que, en celle dicte année mil IIIe et LXII, s’esmeut arrier
la guerre entre le roy Jehan de France et le deventdit Charles, roy de
Navarre. Et olrent de merveilleuse battaille enssamble, lesquelle seroient tropt long à racompter, parquoy je les laisse pour abrégier.
Mil iiic Ixiij. — Item, l’an après, mil IIIe LXIII, fut maistre esche
vin de Metz le sire Pier Faissault.
Les Burlon en Vauls de Mets. — En laquelle année vinrent et dessandirent en Vault de Mets une grosse armée, lesquelle on appelloit les
Burton. Et, eulx venus, boutirent les feu et ardirent trois villaige on
dit Vault, et puis ce fait, ce mirent sur la montaigne Sainct Quentin
devent la cité. Item, avec lesdit Burtons, ce boutait le conte de Vauldémont, pour nuyre a duc de Lorainne et à la dicte cité de Mets. Et,
tantost après, ce sont pertis de ce lieu, et c’en sont tirés droit à Colligney, puis à Vézelixe, et enplusieurs aultre lieu en ladicte conté de Vauldémont. Et alors lesdit de Mets mirent et ressurent à leur gaige VIXX
souldoieur pour l’amour du duc de Lorainne et pour luy aidier. Et'
avec lesdit souldoieur, ce armirent plusieurs bourjois, lesquelle furent
1. Enhaner, cultiver, ensemencer.
NICOLE FRANÇOIS, MAITRE-ÉcHEVIN DE METZ (1364)
avec les aultre devent lesdicte forteresse. Et y furent en personne le
duc de Lorainne, le duc de Bar, et le duc de Lucembourg, chacun avec
grande compaignie de ces gens, tant à chevaulx comme à piedz. Et,
niantmoins, à celle fois les annemys n’y firent riens, pour la pluye qui
les en destournait. Parquoy il c’en retournirent tous enssamble, et c’en
allirent devent Coligney, et la gaingnairent. Et puis ce fait lez ramenait
ledit conte de Yauldémont errier gésir on Vault de Mets. Et, a lundemains, furent lesdit corrir jusques en Genetroy et à Sainct Laydre, et cy
jeurent encor à plussieur aultre ville on dit Vault de Mets, telz comme
à Corney et à Joiey, et y ardirent plusieur maison. Et puis ce fait c’en
retournairent en leur pays.
Pareillement “, en ce tamps, avindrent encor plusieurs fortune. Entre
lesquelle y eust moult grande mortallité à Mets et on pais joindant. Et
d’icelle mourut moult de signeur et damme, de bourgeois et d’aultre
puple. Et par ainsy fut la cité avec tout le pais autour en grand meschief et tribulacion, tant de la famine comme de la guerre et mortallité
qui alors régnoit.
Gy lairons de ces chose à pairler et retournerons a maistre eschevin
de Mets et à plusieurs aultrez besongne, lesquelles durant ce tampts
advindrent.
Mil iiic Ixiiij. — Quant ce vint en l’an après et que le milliair courroit par mil trois cent et LXIII1 ans, alors fut maistre eschevin de Mets
le sire Nicolle Fransois.
Le conte de Valdémont de guerre d l'évesquez de Strasbourgz. — Et,
en celle année, oit le deventdit conte de Vauldémont grant guerre en
l’encontre l’évesque de Strabourg et le jonne seigneur de Saulmes,
seigneur de Vivier, et espéciallement contre le signeur Thiébault de
Havesteinne. Et la cause principallement fut pour ung sien sergent qui
l’avoit servi, pour lequelle plusieurs choses furent faicte et dicte, que
je laisse. Et tellement que, à la fin, ledit conte amenait lez Brettons en
son aide, comme cy devent ait estés dit, et chevaulchait en Aussay
et en la terre du seigneur de Saulmes. Et n’osèrent oncques les Saluxiens assaillir les Brettons, parquoy ledit conte demoura en paix tout
à sa volunté, et thinrent les champs par l’espace de trois sepmainne. Et,
après ce fait, c’y en allirent par devers Morhange. Puis ce sont retourné
arriez en l’ayde Pierre de Bar, corne cy aprez serait dit, et en l’ancontre desdit de Mets.
La court romainne en Avignon. — Item, en celle meisme année, Pier
Lusignac, alors roy de Jhérusalam, c’en vint avec son train en Avignon
pour pairler a pappe Urbain, Ve de ce nom. Car, en celluy tampts, ce
tenoit la court romaine en ce lieu. Et fut ledit Pier ressus en grand
triumphe du devent dit pappe, du roy de France et des cardinal
estant alors en ce lieu. Et tellement que, pour luy donner secour contre
a. M ; Mortalité on paiis de Mets (en marge; rayé par Philippe).
CHARLES V LE SAGE, ROI DE FRANCE (1364)
49
les infidel, le roy Jehan de France print la crois, en intencion de mener
son armée en Sirye.
La mort du roy Jehan. — Mais premier voult aller en Angleterre pour
disposer de ces besonne envers le roy d’icelluy pays. Cy luy print
grant maladie à Londres, de laquelle, le VIIIe jour d’apvril, en l’an
dessusdit mil trois cent et LXIIII, il trespassa ; et est enterré à Sainct
Denis.
Et en ce tamps acomensa messire Bertrand du Guescluyn à florir
en arme et à faire ces vaillance et proesse.
Murtre commys en Mets. — Item, en celle meisme année, advint en
Mets une grande merveille d’ung murtre qui fut fait. Car, pour ce tamps,
demouroit en ycelle cité, en la grand rue de Maizelle et en la paroiche
Sainct Mamin, une bonne femme essés eaigiées. Et avec ycelle demou
roit sa breu, c’est assavoir la femme de son filz. Or avint que le dyable
tantait d’avarice ung jonne compaignon, nommés Estienne, filz de
maistre Ferrey l’escripvain. Lequel, avec celle malvaise volluntés,
antrait secrètement de nuyct en la maison d’icelle bonne femme, et les
occit, et couppait la gourge à touctes deux. Puis, ce fait, print or et
argent et aultre juaulx, et amblait tout ce enthièrement de bon qu’il
polt avoir. Et fut la chose cy secrètement faicte que de loing tampts
après l’on ne pouvoit avoir la cognoissance dont celle chose estoit
venue. Jusques à ung jour que le deventdit Estienne se voult marier.
Et, de fait,avoit desjay fîancié une jonne fille que on appelloit Mariatte
la Releveresse, à laquelle il avoit jay donné partie des joyaulx deventdit.
Par lesquelx le fait fut congnu ; et fut prins et trainnez, et fut mis sur
la rue ; et aincy misérablement fînait ces jour.
Cy vous souffise quant à présant de ce qui en est dit, car je veult
retourner a roy de France et à plusieurs aultre merveille, lesquelles
durant ce tampts avinrent.
Charles, xliie roy de France. — Après la mort du deventdit roy
Jehan, Charles le quint, son filz, duquelle par cy devent je vous ait
heu plusieurs fois parlés, fut le XLIIe roy de France. Et, à la manier
acotumée, le jour de la Trinité, fut couronnés à Rains.
L’hérésie des Turlupin. — Et, en son tamps, fut une manier d’hérésie
issue des Turlupins (c’estoit le non d’iceulx héréticque), lesquelles s’esjouyssoient d’estre nommez de la compaignie des pouvres. Leur livres
et vestemens furent bruslés au marchés au pourceaulx de Paris.
De celle secte fut Jehanne Dabantonne, et ung aultre avecques elles,
duquelles le nom est cellés et ne ce desclaire. Car ces deux icy furent
des principaulx prescheurs de ceste secte. Mais celluy lequelles je ne
nomme pas fut mis en prison, et y morut avent que avoir sa santance.
Parquoy, affm que son corps ne pourist,on le garda XVjour dedans de la
chaussine *, et puis fut le corps jugiés d’estre airs et brullé.
Viclore du roy Charles contre les Anglois. — Item, aucy en ce meisme
1. Chaux,
50
NICOLE DROUIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1365)
tamps, le deventdit Charles menait grant guerre aus Anglois. Et, moyenant l’ayde du vaillant chevallier mcssire Bertrand du Guescluyn,
oit plusieurs belle victoire, et reconquaista grant foison de ces ville,
perdue durent les guerre passée.
Le roy entretient V armée en diverse lieu. — Et fut telle fois que le
roy entretenoit en diverse lieu de son royaulme cincq grosse armée.
Dont la premier estoit menée du duc d’Anjou, acompaigniés du
vaillant Bertrand du Guescluyn, conestauble de France.
Discord entre les seigneur de Mets et leurs évesques. — Item, ce fut
pareillement en celle meisme année que les signeur et bourgois de la
cité de Mets olrent discord et grand plait encontre révérend perre en
Dieu seigneurs Jehan de Vienne, leur évesque, comme cy devent ait
estés dit. Et la cause et mocion d’icelle dicencion advint pour ung
compaignon nommés Jehan, le fîlz Plantesauge, lequelle le seieleur qui
pour leur estoit avoit heu prins pour aulcun méfiait. Dont il advint
que les trèzes jurés de la justice requirent audit saieleur qu’i leur
voulcist rendre leur homme. Et il leur respondit que il n’avoit pas
puissance de ce faire, et n’apartenoit mye à luy de le rendre sans le
congier de son maistre et seigneur l’évesque devent dit. Parquoy lesdit
Trfizes ne prinrent pas en grés celle responce, et tout à l’heure c’en
allirent en l’hostel dudit évesque, et illec ont prins leur homme, et l’ont
ameinés dehors à force et malgrey ledit saielour. Et, tantost, ycelluy
saielour s’en alla hors la cité, et emporta avec luy lez sayel ; et cessa
alors la grant court des archidiaicres. Et, encor plus fort, et à celle occa
sion, ledit évesque oit et thint pour celle année les signe *1 à Vy. Mais
lez curé de Mets n’y compareurent a mye, ains y envoiont aultre pour
eulx. Parquoy le devent dit évesque Jehan les thint pour constumasse
et escomuniet. De laquelle santance il en appellairent à Romme. Et
vella l’une des principaile cause pour lesquelle ledit évesque en rescript
à son oncle le cardinal, disant et priant qu’il fut transmués en aultrez
éveschiez, et que ceulx de Mets estoient gens sans foy et cen loy,
comme par cy devent en la vie dudit évesque ait estés dit.
Item b, aucy je trouve que, à l’acomencement d’icelle année, l’yawe
de la rivier de Muzelle et de Saille, et pareillement des aultre rivier,
furent cy demesuréement grande et hors de rive que c’estoit chose
merveilleuse et incrédible à ceulx qui ne l’ayroie veu.
Paireillement, durant ce tampts, le devent dit Charles, roy de France,
fist son frère duc de Bourgongne. Et y oit encor en France, durant ce
tampts, plusieurs aultre chose faicte et dictez, que je laisse pour
abrégiés.
Mil iiic txv. — L’an mil trois cent LXV, fut maistre eschevin de Mets
le sire Nicolle Drouuin.
a. Mss. : compreurent.
b. : U : les ripvière hors de ryve (en marge; rayé par Philippe).
1. Syne, synode.
GUERRE ENTRE LA CITÉ DE METZ ET PIERRE DE BAR (1365)
51
Guerre entre ceulx de Mets et du paiis de Bar. — En, en icelle année,
ce esmeust une grand guerre entre Pier de Bar, filz à Hanry de Bar, et
les cytains et gouverneur de la cité de Mets. Et la cause avint pour la
ville de Noeroy, laquelle le sire Poince de Wy avoit heu achetté au duc
de Bar en treffons a tous jourmaix. Cy avint que, depuis ce vandaige
fait, ledit Pier de Bar et ces hoirs volrent retraire ycelluy vandaige, et
revenir à la dicte Noeroy comme hoirs, pour la somme payant qu’elle
avoit cousté audit seigneur Poince de Wy. Et lesdit de Mets différoient celle retraitte, et ne s’y volrent consentir. Parquoy il en vint
moult grand guerre. Et tellement que ledit Pier de Bar oit en son ayde
le capitainne Grimonet et plusieurs aultre Bretons, lesquelle ung peu
devent le conte de Blamont avoit heu avec luy quant il avoit heu
guerre encontre ceulx d’Ausay, comme cy devent ait estez dit.
Grant briganderie de gens autour de Mets. — Item, tantost après et
dever la Pentecoste, avint que ung capitainne desdit Bretons, nommés
l’Aircheprestre, et duquelle je vous ait heu par cy devent parlés, avec
sa grande compaignie (lesquelles estoient touctes maulvaises gens
sans foy et sans loy, et pire que ne sont Sarasins ; et estoient à cy
grand nombre que l’on les estimoit de LXm, cen les verlet et poursuiant, que ne prisoient leur vie une angevinne), yceulx enraigiés en
ce meisme tamps c’en vinrent on Val de Mets à grand ost. Puis ont
passé la rivière de Muzelle encontre Mollin, et c’en allairent abourder
à la ville de Magney. Et alors les signeurs et gouverneur de ladicte
cité, voiant celle grande multitude de satallite, contre lesquelle n’avoient
puissance de résister, la vigille de la sainct Jehan Baptiste, ce retirairent en leur pallas a conseille pour sçavoir et déterminer cornent
et en quel manier on en polroit faire pour le milleur. Car il estoit sceu
et cogneus qu’il n’y avoit prince en toucte France ny Allemaigne, ne
cité, tant fut forte, que ne ce fut ransonée en la mains de ces mauldis
chiens enragiés ; et meismement nostre sainct perre le pappe, comme
cy devent ait estés dit. Parquoy il fut advisés et conclus que, tout
premièrement, on arderoit les bourgz de la cité. Car il leur sambloit
que c’estoit tropt fort affaire et tropt grant péril de garder les bourg
contre cy grand quantité de gens, et que il souffisoit de bien gairder
la ville. Touteffois, l’on dit que les bourgz de la cité, que alors furent
ars, c’il eussent estés tous ensamble, il eussent fais et tenus causy
autans de plesse que contenoit toutte la ville. Et, après ce advisés et
déterminés, il fut encor conclus de les assaier, ce à force d’argent on
les pourrait apaisanter, comme peu devent avoit fait l’ampereur en
Aussay. Ou sinon, autrement, et qui n’eust fornis à l’apointement, il
heussent gaistés et destruit tout le pays.
Apointances de donner aux annemys xviij mil florin d'or. — Alors,
après ce conseille acordés, envoiairent lesdit de Mets leur comis devers
le devent dit capitaine l’Aircheprestre et ces aliés. Et fut apointés
avec yceulx pour la somme de XVIII mil florin d’or. Pour lesquelles
à trouver il fut advisés là où ce trouvanroit ycelle somme. Et tellement
que, d’iceulx XVIII mil florin, les manbours de l’abbé de Sainct Sim-
5â
LES GRANDES COMPAGNIES AUTOUR DE METZ
(1365)
phorien en prestairent X mil, malgrés eulx. Et, pour ce fait, cy en fut
encor le conseil et les paraiges mis et semonus ensemble, à heure de
nonne, au Grand Moustier, pour veoir cornent on poulroit trouver les
XVIII mil devent dit. Sy furent trouvés de cost lesdit mainbours
les X mil devent nommés. Et le conseil fist tant que aultres VIII mil
furent trouvés aultre part ; et furent délivrés audit Archeprestre et
à ces gens. Et, par aincy, promirent que lesdit de Mets dévoient avoir
bonne paix. Et, quant a fait du débat de la ville de Noeroy, la chose
en devoit demourer et estre mise sur le conte de Salbruche.
L’Archeprestres parmei l'éveschiés. — Après ce fait, ledit Arche
prestre et ces gens se partirent du pais de Mets et c’en allirent parmy
l’éveschiés. Et fut ce fait, comme on disoit, par le pourchais et con
seille d’aulcuns qui n’amoient pas les partie A Car, desjay en ce tampts,
estoit venus et essus pour évesque de Mets le devent dit Thiédric
de Bopart, duquelle nous parlerons ycy après. Et n’estoit point alors
ycelluy évesque amés de la signourie ne des citains de Mets, pour le
plait qu’il menoit en l’encontre d’eulx, comme jay tantost vous serait
dit. Parquoy yceulx lairons capitenne leur furent ainsy envoiés. Mais
ledit évesque Thiédric, lequelle alors estoit à Wy, c’en deffit a mieulx
qu’il polt. Car il fist tant que les capitaines vinrent parler à luy, et
adoncques il leur donna plusieurs biaulx courciers. Et par cest manier
il les appaisait, tellement que d’illec ce partirent et c’en aillirent tout
parmy l’éveschiez sans y rien mefïaire. Et disoient yceulx Bretons
que c’estoit l’ung des biaulx prélas qu’il eussent oncque veu.
Puis s’en allirent en la duchié d’Osteriche. Car le sire de Coucy y
clamoit part pour sa mère, parquoy il y envoya celle gens, lesquelles
furent aincy envoiés pour gaingnier et conquérir la conté de Fairaite.
Puis furent à Salleverne, et de là c’en allirent jusques à Sarebourg.
Et tellement qu’en ce voiaige l’empereur, ne toutte Allemaigne, ne
leur firent oncque rien, sinon d’autant qu’il brisairent et desrompi
rent les paissaiges, parquoy il ne polrent passer le Rin. Et, quant il
olrent estés en Aussay par l’espace d’ung moix, alors ledit ampereur
s’enforsait de gens, et avec yceulx les poursuit jusques à Sainct Nicolas
de Wairangéville, sans leur rien mefïaire. Et là ce despartit la compaignie l’Archeprestre ; et c’en allirent les ung dessay et les aultres dellà,
cen sçavoir que tout devint.
Cy lairons à parlés de ces chose, et retournerons à parler cornent
fut faictes celle translacion de l’évesque Jehan de Vienne en la cité de
Baille, et l’évesque Thiédric de Bopart mis en son lieu à Mets.
1. Cette expression obscure désigne évidemment l’évêque et son parti.
JEAN DE VIENNE TRANSLATÉ A L’ÉVÊCHÉ DE BALE
[de
(1365)
la consécration de thierri de boppart, en
au renvoi des prisonniers barrois, en
53
i365,
i36g]
Translation de l’éveschiés de Baisle contre celle de Mets. — Or doncque
je trouve que, en celle meisme année mil trois cent et LXV, fut alors
faicte celle translacion du devent dit seigneur Jehan de Vienne, évesque de Mets. Lequelle, en ce tamps, par une supplicacion0 malicieuse
ment donnée à nostre sainct perre le pappe, fut transmué d’icelle
éveschiés de Mets à l’éveschié de Baille en Suisses, comme dit est.
Or estoit celle suplicacion faictes pour cuyder confondre et déhonnorer
les bons bourgeois de la cité de Mets, comme cy devent ait estés dit.
La supplicacion en brief langaige estoit telle et aincy escriptes :
« Sainct perre *1, nous vous saluons et suplions, pour l’amour de
Dieu, que vous nous voulliens pourveoir par vostre graice en aulcun
aultre bénéfice de Saincte Église. Car, vrayement, en l’éveschié de
Metz, je n’y peulx plus estre ne demourer, car se sont gens sans foy
et sans loy, et qui ne croyent mie en Dieu. Ains sont telle gens que je
ne vous poulroie racconter de leur estât, ne de leur clergie, et plus n’en
dit. »
Or avint, ung peu de temps après celle suplicacion donnée, que
Charles de Bahaigne, empereur de Romme, et duquelle nous avons
cy devent parlés, vint en Avignon parler à la personne nostre sainct
perre le pappe, pour aulcune besongne qu’il avoit à faire. Et alors
ledit sainct perre ce advisait de la supplicacion le deventdit évesque
de Mets, et la présenta audit ampereur, et luy dit que il la volcist lire.
Et il la leut de motz à motz. Et alors le sainct perre luy demandé
qu’il luy en sembloit. A quoy l’empereur respondit tout à l’heure
qu’il avoit esté à Metz par deux fois : « Mais, « dit-il, » j’ay esté en plu
sieurs citez et en plusieurs villes, ne jamais ne vit cité ne ville où la
clergie fissent guerre plus beaulx service nez 2 qu’il font à Metz. Et,
quant au resgard des bourgeois ne de la comune, je n’y vit oncquez
que tous biens et tout honneur et révérance. Et sont gens fort obéissans à leur souverain, et servent dévotement Dieu Nostre Seigneur,
comme il me samble. » Et, dès incontinant, ledit empereur, voient
cette malvitiet, pansait à son cas, et priait au deventdit sainct perre
qu’il voulcist pourveoir ung sien clerc à l’éveschiés de Mets. Et le
sainct père luy respondit qu’il ne povoit oster ledit évesque de son lieu
jusques à tant qu’il l’averoit pourveu aultre part. Et alors fut trouvés
que l’éveschiés de Baille estoit vacquant. Parquoy, tout incontinant,
fut faictes ung enchange de l’éveschiés de Mets contre ycelle éveschiés
de Baille. Dont ledit évesque Jehan, quant il le soit, fut bien couroussé ;
et moult c’en repantist depuis, comme cy devent ait estés dit.
a. E : qui par avant avoit estez (adjonction de la main de Philippe).
1. Cette lettre est reproduite par Meurisse, HÊv., p. 517.
2. Net, en ancien français neïs, net, renforce ici simplement la conjonction que.
54
BERTRAND DU GUESCLIN EN CASTILLE
Ung compaignon de Mégneg décapité. — Item, aucy en celluy tamps,
fut trouvés et prins par lesdit de Mets ung malvais guerson, nommés
le Rullart, nacionés de la ville de Maigney, au territoire de Mets ; et
fut mis a pillory, et puis fut traynés sus la brouuette et décapité sus
la rue, pour ce que ledit avoit fait moult de malz avec les deventdit
Burthon. Car il les avoit guidés, et fait plusieurs aultre cas.
Bertrand du Guesquiti sus les Turcqz. — La Merre des Istoire nous
raconte que, en celle dicte année mil trois cent et LXV, messire Ber
trand du Guescluin prinst et allya à soy la greigneur part de touctes
les compaignies des devent dit pillars, tant des Anglois comme d’iceulx
Burthons, Normans, Gascons et aultres nations, qui dégastoient le
royaulme de France, et fit tant qu’il les mena sur les Sarrazins, où ilz
ce pourtèrent vaillamment.
Ung escollier vers Lubec dormir vij ans. — Item, aucy en ce temps,
il avint que, en la cité de Lubec, y eust ung escollier qui dormit VII ans
sans se esveiller, et puis après vesquit encor longuement.
Le roy de Honguerie de guerre aux Véniciens. — Et, aucy en ce meisme
tamps, Loys, roy de Honguerie, esmeut grant guerre contre les Vénissiens.
Vaillance de Bertrand du Guesquin. — Pareillement, aprez ce que
ledit Bertrand du Guescluyn eust prins la cité de Burs et conquesté
le royaulme de Castille, il fist couronner en roy Henry d’Espaigne,
frère de Pietre, roy de Castille et conte de Tristemare. Et, par ainsy,
ledit Hanry donna au dit messire Bertrand la dite conté, et le fist duc
de Tristemare, comme de la terre des Turcz. Ledit Bertrand conquesta
ledit royaulme de Castille et pays dudit Pietre en moing de trois moix.
Et disoit-on que c’estoit miracle et vengeance de Dieu. Car ledit roy
Pietre estoit ung des plus puissans roys des christians en terres, en subgectz et grans trésors. Et si estoit cruel et hardy, dont avoit fait maintes
tirannises à son peuple, parquoy il en estoit hay, et n’osoit avoir recours
à eulx. Aussy il avoit fait murdrir cruellement sa femme espousée,
qui estoit très honneste et loyale créature, fille du duc de Burbon qui
mourut en la journée de Poictiers, et seur de la reine de France.
Arnoull Canoll, pillair, dépeschiés. — Item, aucy en ce tampts,
messire Arnoult Canolle, chevallier et capitaine de plusieurs compaignie d’iceulx malvais guerson qui encor faisoient infmitz maulx en
France, fut tués et mis à mort par ces homme ; dont tout le pays fut
moult joieulx, car il estoit malvais, faulx et traytre garnement.
Bertrand du Guesquin prisonier, avec aultre prince. — Paireillement,
advint en ce tampts que, le troisiesme jour d’avril avant Pasques, le
devent dit messire Bertrand du Guesclin, avec messire Arnoult de Denehan i, mareschal de France, et le Bègue de Villaines, avec plusieurs
aultres François, Bretons et Arragonnois, furent prins et détenus
prisonnier par le prince de Galles et par le devent dit roy Pietre de
Castille, lequelle peu devent avoit estés deschaissiet de son pays par
1. Le maréchal Arnoul d’Audrehem.
THIERRI DE BOPPARD CRÉÉ ÉVÊQUE DE METZ (1365)
55
ledit messire Bertrand, comme dit est. Mais aulcune istoire meste
que ce fut fait en l’an aprez, mil IIP LXVI. Et d’icelle journée s’enfuyt le roy Henry de Castille avec ces Castellains.
Gros vent aux paiis de Mets. — Item, il avint aucy en celle meisme
année, par ung macredi devent l’Assümcion Nostre Damme, qu’il
fist ung cy grand et orible vent que de loing tampts l’on n’avoit a veu
le paireille. Et tellement que d’icelluy vant fut le quart du moustier
Sainct Pier aux Ymaige en Mets cheut tout à terre. Et, pareillement,
les gros ormes qui alors estoient en la grand court de Sainct Vincent
furent rayés. Et cheurent encor de ce vant plusieurs aultre édifice,
tant on pais de Mets comme aultre part.
Mais nous lairons de ces chose à parler, et retournerons aulx évesque de Metz.
Thiédricle de Boparl, lxxiiije évesque, thinl sciège xviij ans. — Thiédryt, de Bopart sur le Ryn, fut le LXXIIIIe évesque de Mets. Et fut
fait évesque à la prière de Charles le quart, empereur de Romme et
roy de Bahaigne, comme cy devent ait estés dit. Car, en celle devent
dicte année mil trois cent LXV, il fut translatey de l’éveschié de
Warmase à l’éveschié de Mets, corne dit est.
Celluy évesque estoit noble homme, et estoit frère le Baier de Bo
part. Il estoit aussy hault de corps, ou plus, que homme que fut on
pais de Lorrainne ; et estoit bien cognus de l’empereur Charle et du
duc de Brabant, son frerre. Et, parmy les bons services qu’il leur avoit
fait, il fut pourveu à l’éveschié de Mets. Celluy évesque fut plusieurs
fois ambaxadeur dudit empereur au pappe et du pappe à 1 empereur.
Il gouverna bien et gracieusement son éveschiés jusques près de sa
fin, tellement que il estoit riche et plain, et l’éveschié en bon estât.
Ce noble évesque savoit bien parfaictement les trois langaiges, c est
assavoir allemans, roman et latins. Et fut receu à 1 éveschié de Mets
le lendemain de la Toussainctz, et comença bien à gouverner son
éveschié, comme dit est.
Mais les cler, aient envie de la temporalité *1, dissent que à la fin il
guaitait tout, de ce qu’il fit accord à ceulx de Mets du plait que son
devantrien avoit accommencié, et duquelle il en oit grant argent ;
parquoy il l’em blamairent moult depuis. Car, s’il heust maintenu
la plait, il disent qu’il eust gaingnié, et eust affranchy son clergié,
quy avoit esté et est encor en servitude de taille, de banissement,
d’amande et de gait et de toutes aultrez chose, comme sont les corvisier, savetier et lenternier et telle manier de gens de la ville de Mets.
Toutefïois, ne fut pas ce fait sans grand huttin. Car, avent que la paix
en fut faictes, il les fit excomuniés, pour ce qu’il avoient banny aulcuns
de la clergiez. Parquoy il les plaidoiait à court de Romme, et mist
a. Mss. : l’on avoit.
1. La phrase signifie que les clercs, avides de richesses (ayant envie de la tempo
ralilê)t n’ont point pardonné à l’évêque son accord avec la ville de Metz.
56
THIERRI DE BOPPARD, ÉVÊQUE DE METZ
le cesse en la ville de Mets. Et y fut deux ans et trois mois, c’est assavoir
dez la sainct Jehan, l’an mil IIIe et LXVI, en jusques en l’an mil trois
cent et LXVIII. Et ne chantoit on que à huis clos par touttes les
églises de la cité. Et, quicunque moroit, on le mettoit en terre prophainne. Toutefïois, après plusieurs chose faicte, à la fin, le cesse fut
osté. Et en oit ledit évesque, pour celle paix à faire, bien la vallue de
V mil frans, comme on disoit.
Celluy Thiédrich édiffioit très voulentier. Et fit faire à Nommeny
ung belz chastelz. Et, à Vy, il fit reabillier les tours du chaistelz, les
salles, les fossés, et plussieurs aultre édifices. Item, il fit fermer Moienvy de murs ; et pareillement Bacarait, et y fonda une belle église. Et
le chastel de Rambeviller, qu’estoit ars et destruit dez long temps,
fist-il moult noblement rabillier ; et y fit plussieurs nueves édiffices.
Puis il reffit le chaistel de Sairebourg, qui pareillement avoit esté des
truit passé cent ans. Item, aussy à Hombourg fist-il plusieurs belle
édiffices. Et pourchassa tant que le chastelz de Helfredenge fut rendauble à l’éveschié. Et celluy d’Aspremont, lequelle aultrefois avoit
esté rendauble à l’éveschié, et que, par la force des seigneurs du passez,
il estoit comme obliez, fit ledit évesque tant au duc de Braibant,
frère au devent dit empereur, en cuy main il estoit venus, qu’il le
reprint de luy comme rendauble. Pareillement, il racheta le chastel
de La Garde, qui estoit en guaige.
Ce noble évesque estoit hons de grant porchais et de bel traictiez,
et fist une grande paix entre le duc de Lorrainne et l’arcevesque de ■
Triève. Pareillement, il porchassa une landefride à plusieurs année
entre luy et le duc de Loherenne et le duc de Bar. Item, en son temps,
le duc de Braibant fut prins en une battaille du duc de Julliers. Maix
ledit évesque allait après l’empereur Charles, son frère, et fist tant que
l’empereur vint à moult grant puissance pour le ravoir, et tellement
que ledit duc de Braibant et de Lucembourg fut quicte, parmy une
cortoise ranson paiant et parmy le pourchas de l’évesque.
Or, avint que, en celle meisme année, ledit ampereur c’en aillait en
Lombardie avec grosse armée. Car il emmenait avec luy tant de ceulx
d’Allemaigne, comme de plusieurs aultre païs et nacion, qu’il furent
bien environ douze mil lances. Et fist ledit ampereur cest armée en
intancion de destruire Bernabo, le sire de Millan, lequelle déséritoit
et menoit la guerre encontre l’Église. Et, en celle compaignie, avec
ledit ampereur, y fut ledit évesques de Mets à grant gens d’armes.
Et en ce voiaige fist plusieurs foix messaige et ambaxade de l’empe
reur au pappe, et du pappe à l’empereur.
Mersault prinse et reprinze. — Or advint que, pour l’année |
qu’il fut revenus de Lombardie, ung escuier de Loherenne, qui
estoit appellé Bertrand de Nouviant, print et gaingnait la ville
de Marsault. Et entrèrent secrètement dedens, lui et les siens :
car il c’estoient desguisés et vestus en habit de bons homme de I
villaige ; mais il estoient armez desoubz à la couverte. Et, à leur
premier venuee, firent tant que il gaingnèrent l’une des porte de la
LOUIS CROUVELET, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1366)
57
ville, et la deffandirent jusques à tant que la grosse rotte, qu’estoit en
embûche, vint tantost après ; et entrirent tous ; et ancy gaingnèrent
la ville. Et, quant le deventdit évesque, qui alors estoit à Vy, le soit,
il fist tout incontinent armer ses gens, et y mena son seroirge, messire
Jehans, seigneur de la Pierre. Lesquelx seigneur Jehan de la Pierre,
et ces trois filz, et avec yceulx XXX lance tant seullement, et plusieurs
sergens, tout ces gens icy, en la compaignie dudict évesque, entrent
à Mersault par une poterne, cy secrètement que les annemys ne se
prindrent oncque en garde. Car il estoient tous dispars par la ville,
qui roboient et pilloient tout ce qu’il pouvoient trouver. Et tellement
qu’ilz furent sousprins, et ne se polrent rassembler. Parquoy la plus
grande partie en furent prins et tués. Et en furent mis en une seulle
fosse bien environ IIIIXX, tous gentilz hommes, chevaliers et escuiers.
Et, avec ce, en y oit grant foison des prins ; et aulcuns aultre c’en
fuirent et eschappirent.
Pareillement, celluy évesque, durant son tamps, fist encor plusieurs
chose. Entre lesquelles il mist le sciège devant Sarebruche, pour ce
qu’ilz ne luy volloient mie congnoistre plussieurs de ses drois. Et,
après plusieurs domaige fais par le moien du conte de Petitte Pierre
et de Sareberden, fut fait escord entre les pertie. Et fut ce fait essés
loing tamps après, quant le milliair couroit par mil trois cent et LXXVI.
Le chief sainct Eslienne apourtés à Metz. — Item, aucy en celle année,
le jour des Palme, il fist la grant procession dez Sainct Arnoulfz jusques
à la Grant Esglise, ensi comme avoit fait l’évesque Regnauld dessusdit.
Et, en celle procession, il apporta en ses mains le chief sainct Estenne,
et l’offrit sur l’aultel de la Grant Église de Mets. Lesquelx chief pappe
Urbain cinquiesme avoit donné à Charle le quart, empereur, et ledit
empereur le donna au deventdit évesque Thiédrich. Et ledit évesque
le fist mettre en or et en argent et en pierres précieuses, comme il
est encor de présant, puis le donna à la Grant Église de Mets, pour le
jour meisme et au retour de la deventdicte grant porcession.
Celluy Thiédrich fut évesque de Mets XVIII ans. Puis morut, la
XVe kalende de febvrier, l’an mil IIIe IIIIXX et trois ans. Et fut son
corps ensevelly en la chapelle que l’évesque Édémars avoit fait faire
en la Grande Église de Mets.
Mil iiic Ixvj. — En l’an après, que le milliair courroit par mil trois
cent et LXVI, fut maistre eschevin de Metz le sire Louuy Crouvelet.
Et luy escheut le IIIe jour de son an l’eschevignaige le seigneur Ni
colle Drouuin, que avoit esté maistre eschevin l’année devant.
Deffiance contre la cité par Palmaire. — Item, en celle année, déi
fiait Palmaire la cité de Metz, pour aulcun dons qu’il avoit fait au
conte de Spanehen de l’héritaige Jennat Bataille. Mais, avant que
l’ans fut passés, ledit Palmaire eust bonne paix envers la cité de Mets,
et fut son acord fait. Touteffois, en celle meisme année, espiait ledit
Palmaire ung citains de Metz, et homme de linaige, nommés Bertrand
le Hungre, lequel alors alloit oyr la messe à Nostre Damme en Champs.
58
ARNOULD LAMBERT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1367)
Et là le print ledit Palmaire, et le menait à force devant luy, et voulloit qu’il luy crantit de venir où qu’il luy plairoit. Laquelle chose il
ne volt oncquez faire, et fist une alairme. Et, quant le peuple le soit,
il y acorurent à pal et à massue, à wouge et à dairt. Et adonc il le
laissait aller, pour la doubtance du cris qu’il fist.
Les Breton aux paiis de Lucembourg. — Aucy, en celle dicte année,
après la sainct Remy, revindrent les Brettons en la conté de Lucem
bourg; dont le conte de Brabant les en chassait en jusques a dellay de
Bar-le-Duc. Et en celle chaisse en y oit aulcuns dez retenus, lesquelles
furent prins et pandus.
Deux escuier décapités en Mets. — Pareillement en celle année, la
justice de Mets fist copper la teste de Geoffroy de Lustange et de
Hanri d’Anserville, escuier, pour plussieur meffait qu’il olrent fait
contre la ville a bonne gent trespaissant par païs.
Le sénéchal de Tholouze dêconfisl. — Aucy en celle dicte année, le
sire d’Albrech desconfit le sénéchal de Tholouse emprès de Montauban,
et y oit en ce lieu une grosse escarmouche faictes.
La nativités de Bichair d'Angleterre. —Item, en celle meisme année,
délivra la royne d’Angleterre d’ung biaulx filz, nommés Richart ; et
fut baptisés à Sainct Andrieu de Bourdiaulx, et oit pour parains l’évesque d’Argen en Aginoys, et le roy de Maillorques. Et fust depuis cest
enffant roy d’Angleterre.
Mil iiic txvij. — Item, l’an mil trois cent LXVII, fut maistre eschevin de Mets le sire Arnoult Lambert, chevallier.
Partie du chasteau de Wery abalus. — Et, en celle année, durant le
karesme, fut abbatu le chastiaulx de Verry, c’est assavoir la partie
Jehan de Verry, par ceulx de la conté de Bar. Et fut aussy prins le
chastiaulx qu’on dit Halsedange par ceulx du conte de Bar. Lequel
chastiaulx fut vendu audit conte par le filz de celluy à quy estoit la
moitié dudit chastiaulx.
Guerre entre ceulx de Mets et Pier de Bar. — Pareillement en celle
meisme année, olrent ceulx de Metz grant guerre encontre Pierre de
Bar. Et fut prins par lesdit de Mets le chastiaulx de Mandre le samedi
devant feste sainct Benoy ; et ne thint à gaire que on n’eust prin Beuconville. Et meisme eust estés prins ledit seigneur Henry de Bar, se
se ne fussent estés les Allemans qui estoient du partis desdit de Mets,
lesquelles firent une grand heuées 1 en cuidant prandre lé bestiaulx.
Parquoy le gait fut rompus, et adoncques ce retirait ledit seigneur
Henry on chastiaulx ; car alors il estoit en ung beffroy ou baille 2.
Le chastelz de Heys prins et le seigneur décapité devant la Grant Église.
— Pareillement, lesdit de Mets, en celle meisme année, par ung lundi
devant feste sainct Jehan Baptiste, c’en allairent asségier le chastel
1. Huée. Il faut comprendre que les Allemands se précipitèrent avec des cris pour
enlever les bestiaux, abandonnant la surveillance du château.
2. Il est difficile de préciser ici le sens de beffroi (baille) : le mot désigne sans doute
une tour de guet médiocrement défendue par une palissade.
LE PAPE UBBAIN V QUITTE AVIGNON (1367)
59
de Heis, onquelle Henry de Heis et sa femme estoient enclos, pour
plussieurs méfiais qu’il avoit fait. Et y estoit aussy ung sien frerre,
moinne de Gouxe, avec luy enclos. Et ne volt oncquez ledit Henry se
rendre à ceulx de Metz, tant comme il polt tenir, maix que saulve son
corps et sa vie. Toutefïois, au dernier, quant il vyt le cheton *1 que on
dressoit, et les autres artillement, il se randit, et mist son corps, son
chastel et toucte la sienne chose en la main de la justice de Mets pour
faire toutte leur volunté. Et tantost au lendemain fut amenez en
Metz, et luy coppait-on la teste tout devant la Grant Église d’icelle
cité.
Cy lairons de ces chose à pairler pour le présant, et dirons cornent
nostre sainct perre le pappe Urbain, Ve de ce nom, laissait le sciège
d’Auvignon, et c’en aillait ce tenir à la cité de Viterbe, et de ce qui
en avint.
Mutation de lieu par le pappe Urbain. — Maintenant vous veult
dire et raconter cornent, en celluy tamps, devers le moix de maye,
nostre sainct perre le pappe Urbain, sincquiesme de ce nom, se partit,
luy et toucte la court, de la ville et cité d’Auvignon, pour c’en retour
ner à Romme, auquelle lieu le premier siège des papes fut establys
et ordonné. Et ce luy fit faire la bonne dévocion qui estoit en luy. Car
il luy sembloit que c’estoit chose plus raisonnable et plus digne que
le sainct siège fut on lieu propre et là où premier il fut estably, que aultre part. Et, pour ce, fit trousser malle et somier, et fist comender à
ces gens des parties de Avignon que, c’il avoit nulz que de ces jour en
avant volcist plaidier ou citer l’aultres, qu’il le fist citer en la cité de
Viterbe, pour ouyr la cause et les raisons, jusques à tant que luy et
ses cardinaul et sa famille seroient assis paisiblement en ladicte cité
de Romme. Et tellement dilligentait ledit sainct perre qu’il vint en cel
luy moix mesme à la cité de Viterbe, et là tint sciège en jusques à
tant que ses besongnes fussent mieulx ordonnées pour c’en aller à
Romme.
Grant inconvénient advenus à peu d’occasion. — Or, escoutés
ung grand cas digne de mémoire, lequelle avint en celle meisme année
durant que ledit sainct perre estoit à la cité de Viterbe, comme dit est,
et par lequelle plusieur mal avindrent, et pour petite chose. Le cas
fut telz que, en ce tamps, ung varlet de la livrée le cardinaul de Vienne
vint à laver ses mains en une fontainne de la dicte cité, en laquelle l’on
puisoit l’eawe pour cuisiner et pour mestre au feu, parquoy l’on n’avoit
pas à costumes a de c’y laver les mains, ny aultre chose, ains la tenoit
on fort nestement. Sy sourvint ung jovanciaulx de la ville, qui de ce
fut mal contant, et l’en blaimoit. Mais celluy verlet, fier et orguil-
a. E : acostumés.
1. Chat : machine de guerre ; sorte de galerie couverte montée sur roues. Philippe
emploie ici un diminutif.
60
NICOLE NOIRON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1368)
leux, luy respondit fierrement, et de fait luy dit de grant villenie. Et,
encor plus fort, luy dit que en son despit il y Iaveroit ses mains, son
nés et quant qu’il pourtoit. Et celluy jouvanciaulx de la ville c’en
complaindist tantost à aulcuns ses compaignons, et leur dit tout le
fait, et la villennye qu’il luy avoit dit. Parquoy ceulx de la ville c’y
en allont parler à luy pour luyremonstrer sa faulte. Mais il respondit
encore plus haultement et plus fièrement qu’il n’avoit fait, et à la fin
il se combatit à eulx. Parquoy il les ameute *1 à courous, et fut moult
bien battu. Sy s’en allit incontinant à la livrée dudit seigneur, tout
saingnant, et leur montrait le sanc et les copt, cen leur desclairer le
tort qu’il avoit. Et, tantost, ses compaignons, cen enquérir du fait, c’en
allirent bien furieusement pour batre ceulx qui l’avoient aincy battus.
Et, incontinant ce fait, toute la comune fut esmeutte, et se sont armés,
et c’en allirent à l’hôtel dudit cardinaul, et de fait navrirent et tuairent plusieurs de la famille dudit cardinal. Et fut à celle petitte occasion
le huttin cy grand que à painne en eschaippait ledit cardinal de leurs
mains. Et encor, de fait, ont assaillis le sainct perre et les aultres cardinaulx, tellement que ledit sainct perre, qui de ce fait oit grant peur,
envoya tantost à Romme quérir secours. Dont ceulx de Romme
vindrent à ladicte Viterbe, jusques a nombre de XVI mil combattans.
Et, quant ceulx de Viterbe lez seurent venant, alors il heurent grant
peur, et vindrent en la mercy du sainct perre. Lequelle les y print et
ressut très voullunthier, voir par tel cy et en la manier que cy aprez
s’ensuyt. Premier, il en fist pandre plusieurs és chénault de leur mai
son. Et puis fist arraser les murs de ladicte ville, tellement que à tous
jours maix elle ne fut plus cité, ains en fist ville champeste. Et de
ses pierres fit faire après de là ung chastel, auquel y demoureroit à
tousjour maix une quantité de gens pour le garder et pour tenir la
ville subjette. Et, avec ce, que ceulx de la ville paieroient leur despens, et que jamais les enffans de la ville ne puissent tenir nulle béné
fices de Sainct Esglise, et que la ville perdit son nom d’éveschié à
tousjour maix. Et encor, avec ce, qu’il fussent à tousjour maix re
devable à tous les aultre pappe de Romme qui après luy vanroient. Et,
tout ce fait et crantés °, le sainct perre s’en allayt à Romme. Et aincy,
pour une petitte occasion, vint ung grant mal, comme cy devent avéa
oy.
Cy vous lairas de ces chose à pairler, et retournerés a maistre eschevin et à aultres merveilles que durans ce tampts avindrent en Meta
et on pays.
Mil lilc Ixvilj. — L’an mil trois cent et LXVIII, fut maistre eschevin de Metz le sire Nicolle Noiron.
Meussei prime par ceulx de Mets. — Et, en celle année, fut prina
le chastel que on dit Meussei par ceulx de Metz. Et fut ce fait le jeudi
a. E : quant tout ce fut fait et crantés (de la main de Philippe).
1. Il les émut.
I
LE DUC DE BAR PRIS PAR LES GENS DE METZ (1368)
61
après l’Anunciacion Nostre Damme en karesme ; et fut ledit chaistel
tout airs, et la ville desoubz pareillement.
Combat assignés à Lynei en Barrois. — Or, escoutés une merveille
et une adventure digne de mémoire que en cest année advint. Il est
vray que alors estoit ung seigneur, nommés seigneur Jehan de Mars,
chevalier, lequel, par envie, ou possible per le bouttement 1 d’aultrui, appellait et arainait de traiexon le seigneur Robert de Hervilley, sire de Gravilley, chevalier, qui, à ce temps d’adoncquez, estoit
capitainne de la cité de Mets. Et, de fait, ledit sire Robert luy assi
gnait et mist journée de luy faire bon et de luy purifier et ce deffandre de ladicte traïson corps à corps encontre luy. Et fut le jour essinés et mis pour le quart jour du moix d’apvril, en la court du conte
de Sainct Polt ; et ce devoit tenir celle journée à Linei en Earois.
Et tellement allait la chose que ledit seigneur Jehan de Mars fut
recuillés et les gaige et ostaige prins des partie. Et, le jour venus,
lesdit de Mets envoiairent de leurs gens pour acompaignier ledit
seigneur Robert, jusques a nombre de VIXX glaives tant seullement,
pour luy aidier son honneur à retenir. Et n’avoient lesdit de Mets
alors nulle querrelle ne nulle voullunté de nully grever, tant 2 com
me pour le fait de ladicte journée. Et tellement ont chevaulchiés
que, au jour assignés, ledit seigneur Robert ce vint présenter. Et fut
là en atandant son homme tout le jour, et tant que le mardi fut paissé ;
ne jamaix homme vivent ne s’apareust pour ledit seigneur Jean de
Mars, à l’heure déterminée ny aprez. Et, ce fait et acomply, ceulx
de Metz, congnoissent que nul ne venoit, prinrent tesmoing de la
chose, puis montairent à chevaulx et s’en allont paisiblement et bien
joieulx avec leurs compaignong champion, comme victorieulx de la
besoigne. Mais, en s’en retournant qu’ilz faisoient, cen panser à malz,
ne sans ce doubter de nully, leur sourvint à l’encontre ledit duc Robert,
duc de Bar, et le sire Jehan de Saulme le josne à tout leur puissance.
Lesquelles estoient bien armés et montés, jusque a nombre de VIIXX
glaives et plus. Et, dès incontinant qu’il virent nous citains et anfïans
de Mets, ont saillis hors de leur ambuche, et leur coururent sus, cri
ant : « A mors ! », et disant : « Randés vous ! » Mais lesdit de Metz,
voyant la trayson, ce defïandirent comme lions.
Le duc de Bar prins par ceulx de Mets. — Et, de fait, après plusieur copt donnés et ressus, ont tellement labourés qu’il ont prins le
duc de Bar, avec le conte de Petitte Pierre, lequel devoit estre de la
partie de ceulx de Mets pour l’amour de l’abbé de Gorse, son oncle.
Et avec yceulx prinrent encor ceulx icy après nommés, c’est assavoir
le seigneur Robert des Armoises, le seigneurs Loys du Saulcy, le sei
gneur Jehan d’Arranthier et son filz, ledit seigneur Jehan de Mars,
1. Faut-il corriger : par l’aboutement ? Le sens est clair : à l’instigation d’un autre
(le duc de Bar).
2. Il semble qu’il faille ici suppléer quelques mots : tant en général qu’en ce qui
concernait cette affaire particulière.
I
62
TENTATIVE D’ÉVASION DU DUC DE BÀR (1368)
le seigneur Guillaume d’Estainville, Huart de Villey, Jehan du Chastellet, Jehan Vautrouville, Jehan l’Ardennoy de Toul, et encor plus de
LX dont je ne sçay les nons. Et y furent occis le seigneur Jehan de
Saulme le jonne, seigneur Hunbert de Lunéville, le seigneur Raulx
de La Tour en Ardanne, Jehan de Sorhey, et plussieurs aultres avec
eulx. Et en furent blessé et nauvré plusieur jusques à la mort. Et,
après celle belle victoire, lesdit de Mets enmenairent ledit duc de
Bar à force et malgré luy tout parmy la duchié de Bar.
Or, escoutés, c’il vous plaît, ce qui en avint encor. Il est vray que,
quant la bataille ce devoit acomancier, les paiges de la partie des Barisiens enmenairent partie des chevalz à la cité de Toul ; et y furent
près de quinze jours ; et à la fin furent ramenés à Metz par Geoffroy
de Gondrevaulx. Cy advint que, en celle rancontre, le seigneur Jehan
de Vy, citains de Mets, avoit estés prins en ladicte bataille d’ung des
filz de Vaultrouville. Et avoit promis sa foy ; parquoy, tantost aprez,
lesdit de Mets ce en allirent dehors en airme et enmenairent avec eulx
ledit seigneur Jehan de Vy. Mais, dès incontinent qu’il vint là, sa foy
luy fut quittée.
La Chaussiée et halle brullée par ceulx de Mets.— Et, au revenir qu’il
faisoient, il s’en allont à la Ghaulcie, et ardirent toute la ville et la
halle, et prinrent partie de la forte maison. Et, de fait, l’eussent heu
toute prinse ; mais ilz se ranssonnèrent et ce mirent à la mercy desdit
de Mets.
Le duc de Bar pense eschaper. — Peu de tamps aprez ce fait et ne
tairgeait pais lunguement que ledit duc de Bar, luy estant en prison
à Mets, en une chambre, volt eschapper par deux fois. La premier fois,
ce fut chieu Jehan Gellée ; et, l’autre fois, chieu Gymel en Veseigneul;
et fut la vigille de la sainct Pierre en fenal. Cy vous diray la manier
cornent ce fut. Il est vray qu’il estoit avec le conte de Petite Pierre
et Huart de Viller et Richart de Chardigne, lesquelles on avoit mis
avec luy pour luy tenir compaignie. Or estoit il ainsy que la servande
de l’ostel avoit coustume de luy faire chacun jour son lict. Sy advint
que ledit Gemel, qui estoit le maistre de la maison, demandait à ladite
servande s’elle avoit fait le lict le duc. Laquelle luy respondit que
non, et qu’il y avoit bien trois jours passé qu’elle n’avoit esté en la
dicte chambre. Et, adonc, Gemel, doubtant du fait, ce partist tantost,
et l’alla conter aux Septes de la guerre. Et eulx, avertis de la chose,
vindrent incontinant veoir que ce purroit estre, et trouvairent ung
grant pertuis desour le chavet du lict là où le duc couchoit. Lequel
pertuy il avoient fait entre eulx d’ung instrument de fer qu’on appelle
pied de cheuvre et d’ung saiplat b Et trouvairent encore des dagues
et des espées, nommée bauzelaires 12, avec des cordes pour lui avaller.
Et tout ce trouvairent lesdit Sept de la guerre quaichiés au train 3 du
1. Serpelet, petite serpe.
2. Baselarde, sorte de coutelas.
3. Il est difficile de préciser ce que Philippe entend par le train du lit : peut-être
i’agit-il d’une sorte de ciel de lit.
Naissance
de
Charles
vi,
ro! de
France
(1368)
63
ltct et en la chambre, comme vous oyés. Mais, incontinent que l’on vit
le lait, ledit duc fut errier mis en prison plus forte que devent. Et
plusieurs autres prisonnier, qui par avant alloient sur leur foy permey
la ville, furent destenus en chiez leur hostes. Pour laquelle chose l’on
en fit ung dictier, parlant de ceste prinse, comme la teneur s’ensuyt :
L’an mil trois cent LXVIII
Fut mort le Salmon à grant bruit
Et le Bar prins, je vous promès,
Et avec ces barrons mené à Mets.
Tout ce fut fait, bien dire l’oize,
Le jour du benoit sainct Ambroize.
Mais depuis, s’on n’y eust resgardé,
Le duc de Bar voult eschappé ;
Toutefois, aincy corne Dieu le voulte,
Falleust primier compter à l’oste
Que saillir hors par le partuis ;
Ains couvint passer par le droit huis.
Encor, avec ces vers ycy, en furent pour ce meisme fait des aultre
compousés en latin, comme ycy aprez il sont escript :
Mille cum cento sex undecies quoque bina
Ambrosii festo Barry ductore mollesto
Hosty quique datur dux ipse Métis reseratur l.
Gy vous souffize quant à présant de ce que j’en ait dit du duc de Bar
et de sa prinze, car à aultre chose veult retourner.
Chier temps de vivre. — Item, en celle meisme année mil trois cent
et LXVIII, y oit ung grand chier tamps en la cité de Mets et par tout
le païs entour. Et tellement que alors l’on vandoit la quairte de bief
froment XXXII sols de ladicte monnoie, le groz de Mets pour XII de
niers la pièce, et plus ne valloit en ce tamps. Et le soille valloit
XXV sols. Et tantost, à la moisson après, la quarte de fin froment
ne valut que X sols, et le soille que VI sols. Et puis, après, à la sainct
Remy ensuyvant, le plus bel du merché de Mets ne vallut que IX sols,
et le meud de vin que XX sols, lequel avoit vallu auparavant L sols.
Et, en celle dicte année, entour la Pasques ensuyant, ne vallut la quarte
du millour bled du merché de Mets que V sols.
La nativité de Charles, filz de Charles Ve. — Item, en celle dicte
année, le dimenche IIIe jour de décembre, fut nez Charles, premier
filz du roy Charle cincquiesme. Et à son baptesme y oit la plus grant
triumphe que jamais fut à filz de roy.
1. Il nous a été impossible de rétablir ces vers dans leur forme correcte,
64
MARSAL PERDUE ET REPRISE PÀR L’ÉVÊQUE DË METZ (1368)
Pareillement, en celle meisme année, le deventdit pappe Urbain
fit à Monflascon VIII cardinal ; desquelle en furent le patriarche de
Jhérusalem, le patriarche d’Alixandrye, l’archevesque de Cantorhie,
et plusieur aultre.
Le roy de Gall[es] honorés. — Aucy, en celle dicte année mil IIP
et LXVIII, fut grandement honnorés le roy de Galles, pour tant qu’il
avoit déconfis le roy Henry d’Arragon, avec bien cent mil hommes,
devers Espaigne.
Pareillement, en celle dicte année, oit arrier grant guerre messire
Bertrand du Glesquin, cy devent nommés, encontre le roy dan Pietre.
Et fut ledit roy occis et desconfis avec toucte son armée.
Mariage de Phelippe le Hairdi d la fille du conte de Flandre. — Item,
pareillement ce fut en celle meisme année que Phelippe le Hardi,
duc de Bourgongne, print à femme Mergueritte, fille du conte de
Flandres.
Une tour près de Gondrecourt prinse par ceulx de Mets, et XIII des
pendus, et le capitainne le colz coppés. — Item, en ladicte année, ceulx
de Metz allèrent avec le conte de Sainct Pol por assegier une tour
séant près de Gondrecourt, en laquelle tour y avoit plusieurs maulvais garson et malfecteurs. Entre lesquelles estoit Collas des Armoises
et Franc de Laicte. Et y furent lesdit de Mets avec ledit conte l’es
pace de XV jours avant qu’ilz se vaulcissent rendre. Et, au dernier,
on minait ladite tour ; et adoncquez se randirent à ceulx de Mets
et au seigneurs de Sainct Pol. Et par cest manier fut prinse ladicte
tour, et furent les gallans de dedans prins. Entre lesquelles en furent
XIII desdit malfacteurs pandus et estranglés tout devent ycelle
tour. Et, ce fait, fut botté le feu dedans la mysne dessoubz la tour.
Et à cest heure là, et tout à ung instant, durant le temps que ladicte
tour cheut, on coppa la teste audit Collas des Armoises. Et aincy
fut paiet de sa déserte.
L’entrée de Charles, empereur, d Romme. — Aucy, en celle meisme
année, devers la sainct Remy, Charles de Bahagne, quart empereur
de Romme, à tout son povoir s’en allait à Romme. Et là fist sa venue
et son entrée en ladicte cité de Romme. Et, quant le devent dit sainct
perre pappe Urbain, Ve de ce nom, sceut sa venue, il luy vint à l’en
contre, luy et toucte sa clergie, et avec les V paraiges dudit Romme
à tout lé panoncel, et XVm homme à chevaulx, pour faire révérance
audit ampereur. Et, quant ledit ampereur vit ce, esmeu de dévocion,
descendit à l’entrée de ladicte cité encontre ledit sainct perre tout à
pied, et ce anclinait encontre luy, en luy pourtant tel honneur qu’il
aparthient.
Item, pareillement, il avint et fut en celle mesme année, le mécredi
devant la conversacion sainct Polt, que Burtrand de Nouviant, Simo
nin de Mercheville et Girard d’Alsey, et desquelles je vous ay heu icy
devent parlés, firent et menairent la guerre encontre l’évesque Thiédri
de Bompart, alors évesque de Mets. Et tellement que, en cest présanté année mil trois cent et LXVIII, ledit Simonin et ledit Girard
NICOLE MARCOUL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1369)
65
gaingnèrent et prinrent furtivement la ville de Massaulx par ung
matin, comme cy devent ait estés dit, là où j’ay parlé des fait dudit
évesque. Et fut reprinse la dicte ville par lesdit évesque, acompaigniés
de ceulx de l’éveschié de Mets, et souverainement du serorge dudit
évesque, lequelle à cest journée fut chief de l’airmée.Et fut ce fait à
ce mesme jour, entour le vespre. Et y furent prins des gens dudit
Burtrand de Nouviant, Simonin et Girard, environ LX personnaiges, et IIIIXX, ou plus, y furent mors et occis et mis tout en une fosse.
Mais ledit Simonin de Mercheville à bien grand painne eschappait
tout à piedz. Et aincy avint bien souvant que telz cuyde gaingnier
qui pert.
Gy vous souffïce quant à présant de ce qui en est dit, car à aultre
chose veult retourner.
[du RENVOI DES PRISONNIERS BARROIS, EN
i369,
A LA GUERRE DES CHANOINES, EN
Mil iiic Ixix. — En l’an après, que courroit le milliair par mil IIIc
et LXIX, fut maistre eschevin de Metz le sire Nicolle Marchoul.
Les prisonniés relâchés. — Et, en celle année, les prisonniers qui
furent prins avec le duc de Bar s’en retournirent en leur pais, sur
leur foy, dez le dimenche devant l’Assancion en jusques à la sainct
Jehan Baptiste, sans ceulx qui orent esté ung ans et cinq sepmainne
avaulx la ville, lesquelles pareillement estoient emprisonné sur leur
foy.
Trois escuier prins par ceulx de Mets, dont les deux furent pendus.
- Item, aucy en celle année, la vigille de la Pentecouste, furent prins
à Laiduchamps trois escuiers, qui estoient de la famille à Phelipin des
Armoises, par ceulx d’Estemples. Et furent menés à Metz, dont les
deux en furent pandus pour la journée.
Belleville prinse par les Lorains et Messains, et xx des pendus, ei
v prisonniés. — Pareillement, en celle dicte année, la vigille de la sainct
Laurent, s’en allèrent lesdit de Metz avec le duc de Lorainne asségier une forteresse qui estoit appellée Belleville ; et y furent trois sepmainnes. Et, au dernier, elle fut prinse et abbatue par lesdit de Metz,
et espéciallement par la force et vertus de Jaicomin, le filz Jennat
Simon. Lequel Jaicomin fut le premier qui entrait en ladicte forte
resse, et Maheu, son frère, entrait après ; et ne fut mye esté sy tost
prinse, se se n’eust esté par la vertus et force des deux frères deventdit.
Sy furent ceulx de dedans prins, et tout en Leur en furent pandus
XX escuiers, que ung que aultre, tout devent les porte dudit chastiaulx ; et V en furent retenus et gairdés pour la cause d’ung seigneur
quy estoit prins, nommés sire Aubry, et affin qu’il fut randus en enchange d’iceulx, desquelles icy après sont escript les nons. Et premier
66
COMBATS ENTRE LES FRANÇAIS ET LES ANGLAIS (1369)
lut Geoffroy de Serière, puis le second Perrin de Dulley, Hanselin de
Fontenoy, le Bastard de Tilley et Vaultherin Pailledelz du Pon. Les
quelles V furent prins et gairdés pour la cause devent dite.
Le sciège inutille mys devent Collais par le roi de France. — Item,
aucy il advint, en celle meisme année, que le roy de France c’en allait
asségier Callas. Et, quant il oit estés grant temps devant, le roy Angloys à touttes sa force y alla pour deffandre la ville. Et furent les ost
l’ung contre l’autre sans riens faire par l’espace de VI sepmainnes.
Et, touteffois, le roy de France avoit plus de gens que l’Anglois. Et
néantmoins, quant ce vint à la fin dever la sainct Remy, ledit roy de
France levait le sciège et s’en fuyt, et touctes ses gens, sans rien faire.
Et ne fut celle fuit sinon pour tant qu’il virent en la mer plusieurs
nef flottant dessus ; car ilz cuidoient que se fussent gens que venissent
à l’ayde du roy Angloys. Laquelle chose n’estoit pas, ains estoient
seullement ung peu de gens, lesquelles venoient quérir ledit roy,
pour tant que alors le roy d’Escousse et messire Bertrand du Claicquin estoient arivés en Engleterre, et ardoient et destruisoient fort
le païs. Parquoy force estoit que ledit roy anglois c’en retournait errier, luy et son armée, pour guider et deffandre son païs.
La mort de la royne d'Angleterre. — Item, en celle meisme année,
trespassa de ce sciècle la royne Phelippe d’Angleterre. Et, à la mort,
et devant et ansoy qu’elle déviait de ce monde, elle demanda à son
mary trois dons. Le premier, c’estoit que, à toutte les gens à qui
elle avoit merchandés et fait aulcune merchandises, qu’il les contentist bonnement. Secondement, que, ce qu’elle avoit donnés à l’Église,
qu’il le tenist, et acomplist les dons. Tiercement, que, quant il mouroit,
que son plaisir fut d’estre ensevely a plus près et de coste elle. Et
tout cecy luy promist et crantait ledit roi son marit, dont elle en fut
plus consollée ; et puis mourut.
Vaillance et apartis[e] d’armes de messire Jehan Assueton, chevalier.
— Aucy, en celluy temps, régnoit ung chevallier moult vaillant, qui
s’appelloit messire Jehan Asseton. Lequelle fist une apartise 1 d’armes
et une entreprynse de grant hardiesse. Car il se partit de son armée,
l’espée a poing, avec son escuier tant seullement, et vint devant les
barrières de Noyon. Et, illec, mist le pied à terre et jus 2 de son chevalx,
et dit et comendait à son paige en disant aincy : « Or, ne te part point
d’icy. » Puis print son glaives en son poing, et s’en vint jusques és
barryères de la ville, et saillit oultre, par dedens lesdite barrières,
dedans lesquelles y avoit plussieurs chevalliers, ausquel tous seulle il
se combatit, et les vaincquist tous. Et puis, quant il oit fait cela, il
print errier son glaive en son poing, et se relansa de l’autre partie des
baires, et c’en retournait arrier en l’armée. Pour laquelle vaillance il
fut fort louués et prisés de tous ceulx de la ville que cela avoient veu,
et en oit grant bruit, tant dez privés que des estrainge.
1. Apertise, exploit qui met en évidence les qualités morales ou physiques d’un
homme.
2. Suppléer : il sauta jus, il sauta à bas de son cheval.
JEAN BAÜDOCHE, MAITRE-ÉCHEVIN DÈ METZ (1370)
67
Le sciège inutile mys devent Pierreforl par les Lorains et Melsains.
— Item, en celluy mesme tamps, dever la sainct Remy, le duc de Lorrainne et ceulx de Mets et de Fénestrange estoient allez asségier Pierrefort, où le seigneurs Olry estoit prins et détenus ; et y furent trois
sepmainnes tenant le sciège. Maix, à la fin, on ne soit par quelle
manier ne par quel conseil se fut, car on levait le sciège ; et ce des
partirent, du lieu et c’en allirent les dessus nommés à grant confu
sion. Et, encor plus fort, il olrent cy grand peur que, de haiste de
c’en fouuir, il y laissirent la plus pairt de leur artillerie, et plusieurs
armures de fer et d’aicier. Et fut ce fait par ung jeudi. Dont on
disoit que, c’il fussent démourés, avant que le dimenche fut estés
passés, il l’eussent prins et heu ladicte plaisse tout à leur aise, par les
minoir qui la minoient au deux coustés ; parquoy ceulx de dedens ne
s’eussent seu defïandre ne soubtenir.
Les bour de Briey et de Mouson brullés, et Sarixei 1 prinse. — Tantost après, en celle année, lesdit de Metz gaingnont et ardont les neuf
bourgs de Bryey, la vigille de la Toussains, et pareillement les bours
dessoubz Moussons. Et, en ce meisme ans, la vigille de la saincte
Lucie, lesdit de Mets abaitirent la plaice de Sarrixy b
La gabelle du scelz a. — Item, aucy en celle année, Charles Ve, roy
de France, mist sus l’imposicion qui est de XII deniers pour livre, la
gabelle du selz et plusieur aultre malletote et exactions, qui estoient
pour soustenir le faitz et charge dez guerres.
Pareillement, en ceste année, fut assize la premier pierre de la bas
tille de Sainct Anthonne à Paris.
Cy vous souffice quant à présent de ce qui en est dit.
Mil iiic Ixx. — Puis, après ce fait, en l’an mil IIIe et LXX, fut maistre eschevin de Metz le sire Jehan Baudoche, filz le seigneur Nemmery
Baudoche.
Fait d’armes de deux chevalier estrangier. — Et, en celle année, deux
chevaliers estrangiers ce deffiairent à Mets ; et fut journée mise de
ce combatre on Champassaille, de glaves à fer amoulus 2*, 31et tout à
pied. Cy ce trouvairent les deventdit à la journée, bien armés et bien
em point ; et se ferirent de daigues et d’aultre instrument de guerre,
et tellement qu’il se navrirent en plusieur lieu. Et, de fait, il se eussent
heu occis, se la justice ne les eust despartis. Et furent à cestuy faict
plus de Xm personnes.
Pouvre saison. — Le prinstemps de ceste année fut fort haillé 3 et
dificille. Car il ne pleut point, ne ne fît rousée on temps là où il est
plus de besoing, c’est assavoir tout le moix de mars durant, ne on
a. Philippe a rayé : minse sus en la France.
1. Sorcy, Meuse, Commercy, Void.
Emo ulu, aiguisé. L’on se battait ordinairement à armes courtoises, qui étaient
émoussées.
3. Hâlé, sec. Le verbe héler est encore vivant dans les patois lorrains avec la valeur
de dessécher.
68
PAIX FAITE ENTRE LA CITÉ DE METZ ET LE DUC DE BAR (1370)
moix d’apvril, ne pareillement on moys de may. Et, après, il pleut
tousjour jusques à la sainct Jehan Baptiste. Et, avec ce, il fit sy grant
froit qu’il convenoit tousjours avoir du feu à son mengier.
Le duc de Bar délivrés, parmei renson. — Item, aucy en celle dicte
année, fut la paix faicte, et oit le duc de Bar accord à ceulx de Metz
parmy une ransson paiant ; et fut délivrés, luy et tous les autres pri
sonniers aussy.
Pareillement, advint que, en celle année, devers la sainct Remy,
le bon sainct père Urbain, pappe de Romme, revint en Avignon.
Mais il n’y demourait guerre, que tantost après il luy print une grande
mallaidie. Et veullent aulcuns dire qu’il estoit ampoisonnés. De la
quelle poisons, environs le Noël après, yl morut, dont ce fut grant
dompmaiges. Son successeur fut messire Rogier, cardinal d’Acre,
filz du conte de Beaufort et nepveu du pappe Clément VIe, par lequel
il avoit esté fait cardinal. Il estoit aagé de XL ans, ou environ, et
fut esleu par la voye du Sainct Esperit, sans ce que nul contredist,
nonobstant qu’il ne vouloit pas accepter son élection.
Grégoire XIe, pape. — Mais, finalement, l’accepta, et fut nommé
Grégoire XIe, couronnés en l’église des Jacobins d’Avignon, la veille
des Roys. Après son couronnement, monseigneur Loys, duc d'Anjou
et frère du roy de France, le mena des Jacobins jusques à son palais,
estant à pied et tenant le cheval dudit pappe par la bride. Le dessusdit
pape gouverna l’Église environ VII ans, et puis rendit son âme au
Créateur.
Tribulation en l’Église. — Après sa mort sourdit grande tribu
lation en l’Église de Dieu, que ma damme saincte Brigide avoit prédit,
monstré et prophétisé à venir a, pour les péchez du clergé principa
lement.
Robert de Bar és Alemaingne. — Aucy, en celle meisme année, le
duc Robert de Bar c’en allait en Allemaigne à grant ost sur le conte
de Salme et sur Lévesque de Metz. Et y fut par deux fois à bannier
desploiées. Et, néantmoins, n’y oit oncque sy hardis de tous ces annemys qui fit dompmaige à personnes de tout son ost dont on én puisse
parler ; et s’en revint sain et saulf, luy et les siens.
Item, en celle dicte année, avint une esclandre en Mets. Car ung
Picart fraippait et donnait ung copt ou deux d’ung glaives à ung
noble bourgeois de la cité, nommés Poincignon Humbert, et d’iceulx
copt le tuait tout roide. Et incontinant le puple, voiànt le copts, y
acoururent, tellement que en leur fureur il eussent tueis le dit Piccart
tout sur la plesse, qui les eust laissiet faire ; mais la justice, c’est assa
voir les trèzes jurés, le deffandirent, et fut salvés pour celle fois ; car
aultrement il fut estés tous descoppés.
Ung prisonier raichetés de morir. — Cy fut ledit Picart prins et
mis en l’ostel de la ville. Puis, tantost après, il fut menés on pallais,
et en eust-on fait griuve justice b, ce ne fut estés le seigneur Robert, et
------------------ a. Mss. : advenir.
b. E : cruelle justice.
NOTRE-DAME DES CARMES ÉDIFIÉE
A METZ (1370)
69
Claude l’eschevin, et le seigneur Nicolle François, lesquelle firent tant
par leur pratticque que l’accord fut fait entre les amis du trespassés,
d’une part, et les le malfacteur, d’aultre part. Et aincy eschappait
d’ung grand dangier, dont bien luy en advint.
Bertrand, du Glesquin fait conestable de France. — Pareillement, en
celle dicte année, le deuxiesme jour d’octobre, le devent dit Bertrand
du Clasquin, par ses proesses et vaillans entreprinses, fut fait cones
table de France. Avant luy n’y avoit eu nul en tel office de sy bas lieu
comme luy. Mais il estoit grand en vertu et chevalerie, et aussy il
avoit esté fait conte de Longueville par ses mérites et dessertes ; pour
lesquelles semblablement, en Castille, le roy Henry luy avoit donné
terre vallent plus de X mil livres de rente.
Destruction de paiis par les Anglais. — Quant il fut fait conestauble, il s’en alla en Anjou, où estoient environ VI mil hommes d’ar
mes Angloys et deux mil V cens archiers, conduitz par messire Robet
Canole et messire Thomas Grançon, nouvellement descendus en France
par Calais. Lesquelz Anglois destruirent et brûlèrent tout le pays par
où ilz passèrent, depuis Calais jusques en Anjou. Car ilz vindrent de
vant Sainct Orner, puis devant Reins, et passèrent les rivières d’Aisel,
d’Aube, de Saine, en allant vers Sainct Florentin, d’Yonne, en allant
vers Juygny, retournans deçà Corbeil, près de Paris, et allans par la
Beaulse et Gastinoys. Lesquelz Angloys furent quasi tous mis à mort
par ledit messires Bertrand avant le bout de l’an en diverses rencon
tres faictes on dit pays. Et, par ce moien, plusieurs forteresse de la
duchié d’Anjou furent réduites à l’obéissance du roy de France.
L’église des frère des Carme commencée. — Item, aucy je trouve que,
en celle dicte année, fut acomanciées en Mets, puis fut faictes et eschevée la neuve église de Nostre Damme des Carmes, en la sorte et manier
comme elle est maintenant. Et y donnait le devent dit duc de Bar de
premier antrée et du reste de sa ranson la somme de XVIII mil piesse
d’or nommées rides 2, moienant lesquelles fut parfaictes et échevie
la plus part d’icelle église. Puis, a rest, y oit plusieurs bon personnaige
que y firent des biens. Entre lesquelles, en celluy tampts, demouroient
amprès d’icelle église, en la rue c’on dit En Ayelte, deux bon proudhomme masouuier, lesquelles ung jour ce disputoient en une taverne
de leur dévocion ; et ce arguoient l’ung l’aultre assavoir mon lequelle
donroit plus à la réfection de la dicte église. Et tellement allait leur
parolle, de l’ung en l’aultre, et en remontant, comme l’on remonte
quelque marchandise de plus en plus, que eulx deux ensamble y donnairent et contribuairent toutte plaine une chausse d’or et d’argent.
Et estoit ycelle chausse avec une aguillette a cousté, et à la fasson
comme l’on les pourtoit en celluy tampts. Et veult-ondire que d’icelluy
argent on en fist faire le pourtaulx de la dicte église, telle qu’il est. Car,
aparavent, l’église de léans estoit une petitte église, scituée là où à
1. Aisne.
2. Ridre, monnaie d’or d’une valeur de cinquante *ols.
70
GUERRE ENTRE LES MESSINS ET LES LORRAINS (1371)
présant est le cloistre. Et cressoit alors ung gros arbre là où à présant
est le grand autel.
Et furent faictes léans en ce tampts plusieurs aultre neuve édifice,
desquelles je laisse à parler.
Cy vous souffice quant à présant de ce que j’en ait dit, car à aultre
chose veult retourner.
Mil iiic Ixxj. — L’an après, que le milliair courroit par mil trois cent
LXXI, fut maistre eschevin de la cité de Metz le sire Geoffroy Cueurdefer.
xiiic chevaulz avivés en paiis de Mets. — Et, en celle meisme année,
vinrent et arivairent entour de Mets environ XIIE chevaulx pour
aller à l’ayde le conte Yalrain de Spanehem. Maix il n’y furent point ;
ains retournont arrier, et, en passant pais, il firent de grant dopmaige,
tant audit païs de Mets comme aultre part. Et, au dernier, ceulx de
Neufchastel en Bourgongne saillirent dehors sur eulx, et occirent une
partie de ceulx qui estoient logiés près d’eulx et qui leur pourtoient
dopmaige.
viixx glaives et iiiixx archier à l’ayde de ceulx de Mets, et plussieur
aultre. — Item, aucy en celle meisme année, environ le tamps de la
feste sainct Pierre et sainct Pol, vint en Mets ung vaillans capitainne,
nommés Yvain de Galles, acompaigniés de VIIXX glaves et de IIIIXX
archiers. Et vint celluy à l’ayde desdit de Metz pour guerroier le duc
de Lorrainne et Pierre de Bar. Et tellement que, en ladicte année, prindrent lesdit de Metz Triecourt. Et, aprez ce fait, y oit plusieurs gentilzhommes du Saulnoy lesquelles aportairent les clefz de leur chasteau
audit de Mets, et ce mirent du tout en leur obéissance.
Pareillement, en celle meisme année, heurent encor lesdit de Metz
en leur ayde Jehan Roullant et Beaurin, avec trois cent glaves et cent
archiers. Lesquelles, avec ceulx de Metz, ardirent la plus pairt de Lor
rainne, souverainnement le plain pays. Et, de fait, il ardirent les bourgs
du Nuefchastelz en Bourgongne, et la moitié de Rosières. Et y furent
par l’espace de douze jours, sans rien perdre. Et prindrent à force
seigneur Thierry de Gralz et son filz dedens leurs chastelz, et firent son
chastel tout araser.
Bataille donnée entre le duc de Braibant et le conte de Sainct Polz,
d’une part, contre le merquis de Juillet et de Gueldre, d’aultre part. —
Aucy, en celle année, se combatit le duc de Braibant et le conte de
Sainct Pol, d’une part, encontre le merquis de Juyllet et le duc de
Gueldre, d’aultre part. Et fut ce fait entre la ville Tle Durs et Nostre
Damme d’Ay ; et perdit le duc de Braibant la batailles. Et, de fait, y
fut prins aussy le conte de Nave et le filz dudit conte de Sainct Pol,
et plusieurs autres sans nombre. Et en y oit plusieurs des occis et descoppés ; entre lesquelles ledit seigneur de Sainct Pol y fut tués, et le duc
de Gueldre aucy. Et, de la partie du duc de Brabant, y fut tué le mer
quis de Juillet, et plusieurs aultres. Et, incontinant qu’il fut abaitus,
tous les gens d’armes de son party de Braibant s’enfuyairent.
JACQUES LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1372)
71
Le duc de Lorainne devent Mets. — Or, en ce tamps, ce esmeud telle
ment le huttin entre les Lorrains et les Messains que, en celle dite
année, vint le duc de Lorrainne devant Metz à grant force de gens, du
cousté par devers la river d’Oultresaille. Et, quant il fut là arivés, il
demanda bataille contre les citains de Mets. Mais lesdit de Metz n’oirent mye en conseille de ce combaitre pour celle fois, pour tant qu’il
avoient doutance que les compaignons qui estoient avec eulx ne fus
sent mye bien loyaulx. Et, pour ce, demeura la baitaille, et ne ce aprochairent aultrement. Sinon que deux escuiers, l’un de dehors et l’autre
de dedens, ce requeront de jouste, et joustairent enssemble l’ung
contre l’autre : c’est assavoir : trois coptz de glaves, trois coptz de daigues et trois copz de haches, sans se rien malfaire.
Trêves entre les Messains et Lorains. — Puis avint, après la Toussains, en ceste dicte année, que ceulx de Mets olrent triesves avec
lesdit de Lorrainne en jusques à la Pentecouste. Et, le jeudi et le vandredi aprez la Toussainct, ce despertirent les deux oste, et c’en allirent
les compaignie chacun chiés luy.
Perrin de Foussieux décap[ités]. — Aucy, en celle dicte année, fut
prin Perrin de Foussuelz, qui estoit en la chasse de la ville pour ces
desmérites. Et, pour ce, il ne fut pas longuement gairdés ; car, le vandredi aprez feste sainct Luc, l’on lui tranchait la teste.
Ung prestre mort soubdainnemenl. — Item, en celle dicte année, il
advint une esclandre en Mets. Car le sire Jehan d’Amance, le prestre,
fut mort subitement au disner, la vigille de feste Nostre Damme, en
l’hostel Jehan de Sainct Mamyn.
Aucy, ce fut en celle meisme année, le XXVIIIe jour de may, que
Margueritte, fille du conte de Flandre et femme de Phelippe, duc de
Bourgongne, fut acouchée d’ung filz, lequelles fut appellés Jehan. Et
par celluy Jehan advindrent depuis moult de malz en France, comme
cy après serait dit, quant tamps serait. Car celluy Jehan fut celluy
qui fist tuer et murdrir le duc d’Orléans à Paris, par laquelle mort
tout ces mal advindrent, et moult de tribulacion et grand domaige. Et
lui mesme, à la fin, il en resseust mort a Monstreau fault Yonne, comme
il apperra cy après.
Et, en celle dicte année, le XXIIIe jour de mars, fut aucy neiz le
deuziesme filz du roy Charles, nommés Loys.
Le paiis de Lymoges réduict en l’obéissance du roi. — Et, avent que le
premier jour de jullet ensuiant, furent réduicte en la mains du roy
plusieurs plesse que les Anglois tenoient, entre lesquelles tout le pays
de Limoige fut bon françoi.
Mais de ces chose nous tairons pour le présant, et retournerons a
maistre eschevin et à plusieurs aultre besoigne.
Mil iijc txxij. — Item, en l’an mil trois cent LXXII, fut maistre
eschevin de Metz le sire Jacques le Gournaix.
Ung seigneur Trèzes mort subitement. — Or, advint que, en celle
année, seigneur Pierre Fessai, qui alors estoit Trèses et amans, et qui
72
SORCIERS ET SORCIÈRES BRÛLÉS A METZ PAR JUSTICE (1372)
adoncquez estoit en la chambre des Trèzes, pour aulcun discord gui
estoit des hoirs de Jehan Donville, lesquelx hoirs rapelloient le dit
seigneur Pierre de dire la vérité de ce dont ilz appelaient en justice
car, comme dit est, il estoit alors Trèzes et amans ; et, aincy comme il
voult prepousés son cas et voultdire ceu qu’il en sçavoit, il cheut pâmés
tout arrier dos *, comme mort estandus ; et le convint pourter fuer
de léans en ung ostel devent le palais. Et, tout incontinent, ne demeu
rait guerre qu’il morut. Et Jehan Chavresson eust son amendellerie.
La Hongrie au Sauvellon bruslée. — Item, il advint, aucy en celle
année, que la Hongne a Savellon 2* 1fut tout airxe et brullée par ceulx
de Pierfort.
Crollement de terre. — Pareillement, en celle dicte année, le mardi
après le Sainct Sacrement de l’autel, advint que mouvement de terre
et grant crollement fut bien fort en la cité de Metz et en tout le pais
entour.
Entreprinze de ceulx de Pierfort contre ceulx de Mets. — Et advint
aucy que, en celle année, y oit septz compaignons de la garnison de
Pierrefort, lesquelx firent une antreprinse sur lesdit de Mets. Car, par
ung dimenche au soir, vinrent on champs Pampanne, par devers la
Momoie, en jusques la bairre de Sainct Thiébault. Et illec, en traïson,
ne cen ce que l’on c’en donnait en gairde, se prindrent iceulx compai
gnons à frapper et descopper tous ceulx qu’ilz rencontroient. Car,
comme dit est, l’on ne ce gardoit point d’eulx. Et tellement qu’il
navront à mort Bertrand de Nouvian, Simonin Loys, Geoffroy d’Ex
et Jaicomin, son frère. Maix ceulx de Mets, advertis de celle traïson,
leur firent bien comparer chièrement celle venue. Car, en la sepmainne
après, c en allèrent lesdit de Metz mestre en embûche devant Pierreort, et illec en occirent V des leurs, et en prindrent VII, et plusieurs
autres furent noiez avalx l’yawe en fuyant qu’il faisoient. Et, se n’eust
esté la nuyt qui survint, ilz les eussent tous descoppés.
Quaitre que homme que femme bruslé par justice a. — Aucy, en celle
meisme année, une bourjoise de Mets, nommée Biétry, qui estoit fille
à Simon Halfredange, et son mary aucy, avec deux autres femmes,
furent justiciées et arses Entre deux Pont. Et la cause fut pour tant
qu elles faisoient des veulz et des diablerie et autre cas deffendus par
Samcte Église ; pour lesquelles choses on en fîst ycelle justice. Et,
pareillement pour cestuy fait, fut prins Willame de Chambre, lequel
estoit nepveulx à maistre Guillaume le seelleur. Mais, de honte qu’il
o t, il se estranglait en la volte de la prison. Et, quant on le trouva
mors, il fut lié et trainné jusques en l’isle du Pont des Mors, et illec,
ainsy tout mors, fut lié à ung paulx et fut brullés et ars comme les
aultre.
Songne prinse et bruslée; v décapité et xxix des pendus. — Puis,
a. Philippe a rayé : et ung aulcune estranglés.
1. Sur le dos.
2. La Horgne au Sablon, commune de Montigny-les-Metz.
JEAN D’ESCH, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1373)
73
tantost après et en celle dicte année, fut gaignié le chaistel que on dit
Songne, lequel alors estoit plains de noz ennemys. Mais yl furent prins
et amenés à Mets ; et tantost après on en coppait la teste à cincquez,
et en y eust XXIX des pandus et estranglés.
Champenoi asseigée en vain. — En celle propre année, et après ce
fait, lesdit de Mets allairent assigier Champignei. Et n’y fire rien de
leur proffit, ains y perdirent des leur. Car damp Pier et damp Jehan,
Rémond de Metry et Goefïroy Grognet y furent mors et tués d’une
plumière qui voulloit en la nue.
Le duc de Braibant délivrés de prison. — Item, ce fut en celle année
que le duc de Braibant fut délivrés de la prison du duc de Jullet, par
l’ayde de l’empereur Charles son frère et des VII éliseurs, qui allèrent
avec luy pour luy aidier à ravoir sondit frère à force, et pour destruire
le pays du duc de Jullet. Et aincy fut ce fait par le pourchas de Thiédric, évesque de Mets, lequelle fort c’en mellait, comme cy devent est
dit, là où il [est] parlé des fait dudit évesquez.
Le curé de Nostre Damme aux Mairie murtris en son lict, et le murtreux exécutés. — En celle meisme année fut le curey de Nostre Damme
au Mayrtre, de cost Sainct Clément, occis et tué d’une haiche en son
lict. Et fut ce fait d’ung sien nepveulx, qui demourait avec luy. Et le
gardait le dit son nepveulx par l’espace de V jours ; et, au dernier, il
fut prins et mis on pillori, et fut trainné en la brouuète Entre deux
Pont, et puis fut mis sur la rue.
Les Anglois desconfis. — Aucy, en celle dite année, fut prins et des
confis le conte de Pennebroth du roy de Castille et des Espaignolz.
Et, après cela, lesdit Espaignolz se partirent du havre de la Rouchelle
avec VIII mil prisonnier Angloys, et c’en retournirent arrier en leur pays.
La fondation du colliègede Beavais. — Item, aucy en celluy tamps, fut
fait et fondés de nouviaulx le colliège de Beauvais, à Paris, par trois
frère, c’est assavoir par messire Jehan, cardinal et évesque de Beau
vais, messire Guillaume, chancellier de France, et messire Milles,
archevesque d’Angiers.
Et, pareillement en ce tamps, furent réduictes plusieurs ville a roy
de France, que les Anglois tenoient.
Cy nous tairons de ces chose, et retournerons a maistre eschevin.
Mil iiic Ixxiij. — Après que le milliair courroit par mil IIIe LXXIII,
fut maistre eschevin de Metz le sire Jehan Dex, lequel oit l’eschevinaige
le seigneur Jehan Baudoche, chevalier. Et, en celle année, avinrent
plusieur adventure digne de mémoire.
Ung gentil homme tués par son serviteur. — Et, premier, avint que
ung jantilz homme de Mets, nommés Villequin de Boullay, fut occis
en ung champs de bataille par ung sien garson.
Paix entre Pier[re] de Bar et ceulx de Mets. — Aucy, en celle année,
ceux de Metz olrent paix encontre Pierre de Bar et encontre tous ses
aidans. Et fut faicte cest paix et accord au Pont à Mousson, présant
le deventdit Thiédrich, évesque de Mets, et pareillement l’évesque de
74
PAIX ENTRE LA CITÉ DE METZ ET PIERRE DE BAR (1373)
Verdun et l’évesque de Toul. Et aucy y furent le duc de Lorrainne, le
duc de Bar, et plusieurs aultres grant personnaige. Et alors c’en re
tournait en son païs le seigneur Baicarat et toute sa compaignie, les
quelles avoient estés à l’ayde de Pierre de Bar encontre de la cité de
Metz. Et fut ce fait en celle meisme année que, à la requeste du devent
dit évesque de Mets, le cesse fut mis par toucte la cité de Mets ; laquelle
chose fut faictes ledit ans, le jeudi devent feste sainct Jehan Baptiste,
comme cy devent ait estés dit.
Les bour de la cité de Millan bruslés. — Item, avint que en celle
meisme année furent arses et brullés tous les bourgs de la cité de Mil
lan. Et fut ce fait par le conte de Savoye, lequelle en ce tamps menoit
la guerre audit duc de Millan, pour et ad cause de nostre sainct perre le
pappe de Romme, qu’il aidoit.
Le roy d’Angleterre serche la bataille. — Aucy, en celle meisme année,
fut l’ung des filz du roy d’Angleterre par touttes France avec mer
veilleusement grand puissance. Contre lequelle ne s’apparut oncquez
le roy de ladicte France, ne gens qu’il eust, pour le combatre.
Depuis la sainct Remy jusques aux Brandon, lousjour plouuoir. —
Or, avint en celle dicte année une adventure assés digne de mémoire.
Car les yawes furent sy grande et sy dérivée par tout le monde qu’elles
furent touctes hors dez rive et hors de tairme. Et croy que, depuis le
déluge, elle ne furent oncquez sy grandes ne cy merveilleuse comme
elle estoient alors. Car il y eust en plusieurs pays plusieurs cités et
villes et fortes maisons, assizes sur ripvières, qui cheurent et furent
toutte aruinée. Et aucy plusieurs en y oit que ycelle aywes avoient
tellement desrayé qu’il ne sembloit point que jamais y eust heu ne ville
ne maison. Car il pleust depuis le jour de la sainct Remy en jusques
au jour des Brandon en karesme, fors tant seullement qu’il fut
VIII jours durant lesquelles il gellait, et ne pleust point.
Le roy David d’Escoce trespassés. — Item, le dit ans, on moix de
maye, le septiesme jour, trespassa de se ciècle, en la ville de Handebourg, le roy David d’Escoce. Et fut ensevelly en l’abbayee de Domfremilly, de coste le roy Robert de Bruys, son père. Et, après luy, fut
fait roy ung sien nepveu, nommés Robert, qui estoit sénéchal d’Escoce.
Et fut ce fait pour tant que ledit roy n’avoit nulle hoirs malle de son
corps.
Les Anglois desconfis. — Pareillement, il avint que en celle année
furent prins et occis plusieur Anglois par le seigneur de Subise, devant
Ribeumont, auquelle lieu y oit grosse escarmouche.
L’empereur à Lubec. — Item, en celle meisme année, l’empereur
Charles, avec sa femme, acompaigniés de plusieur grand prince et
signeur, firent leur antrée à Lubet, là où il furent moult honorablement
ressus.
Ne aultre chose ne saiche avoir estés faict en la cité de Mets pour
celle année, ne aucy és pays entour, que à pairler faisse. Parquoy je
retournerés a maistre eschevin, et à plusieurs aultres besoingne qui
ce firent és année après.
LES GRANDES COMPAGNIES DE NOUVEAU AUTOUR DE METZ (1375)
75
Mil iüc Ixxiiij. — En l’an aprest, c’est assavoir quant le milliair
courroit par mil trois cent LXXIIII, fut maistre eschevin a de Mets
le sire Simon Bairon. En laquelle année je ne trouve chose à mestre
en escript quy soit digne de mémoire. For que, en ycelle année, le
devent dit Charles l’ampereur, et en la XXVIIe année de son ampire,
assigea Erfordie à tout XL mil hommes. Mais ne profita en riens, fors
en destructions des povres villaiges.
La Rochelle rendue aux roy de France. — En cest ans, au mois de
may, la ville et chasteau de La Rochelle se rendirent à Loys, duc
d’Anjou, pour le roy de France, en expulsant les Anglois.
Mil iiic Ixxv. — Puis, après, en l’an mil trois cent LXXV, fut mais
tre eschevin de ladicte Mets le sire Nicolle Morrel. Et oit l’eschevinaige
le signeur Thiéhault de Meltry.
Les Burlon de rechief en groz nombre on paiis de Mets. — Et veullent
aulcuns dire que en ycelle année vinrent de rechief une grant compaignie des devent dit Bretons, lesquelles se disoient lez grant Burlon.
Et voulloient yceulx passer oultre le pays de Mets pour aller en Ostriche. Et, de fait, se lougeairent yceulx Burton à Longeville et à Sainct
Martin, tout devent Mets, et aussy firent par tout le Vaulx. Et en celle
compaignie y avoit bien LUIm lances, comme on disoit ; et voulloient
ardre tout le pays et gaster tous les raisins qui estoient aux sappes,
ce l’on ne ce fut acourdés à eulx. Parquoy la seigneurie et bourjoisie
de la cité, en regardant le mal qu’il en poulroit venir, parfirent à eulx,
les cuidant deschaissier par belle parolle. Mais il respondirent qu’il
gaiteroye tout le pays, ou qu’il ce rachatissent, aincy comme avoient
fait les autres contrée et royaulmes esquelles il avoient passés devent
eux. Et alors lesdit de Mets firent accord avec yceulx pour la somme de
XXX mil frans. Mais, depuis l’accord fait, les traistres ardirent le
pays entour de la cité, environ trois lieux de tous sans. Et puis, ce
fait, c’en allirent parmy l’éveschié de Mets, en faisant du mal biaulcopt.
Et ledit évesque Thiédrich, lequelle encor vivoit, traictait avec eulx,
et leur donna XVI™ frans. Et ne povoient durer ville ne forteresse ne
fort maison devent eulx, puis qu’i les voulloient assaillir, qu’il ne les
eussent, c’il estoit possible que aultre les puissent avoir. Néantmoins
que il failloient bien par des fois cen rien panre. Mais il firent du malz
sans compairéson durant le tamps qu’il furent enssemble.
Le duc de Bretaingne entre en son pais. — Item, en celle année, le duc
de Bretaigne ariva en son païs de Bretaigne, et y print plusieurs villes
et chasteau par force, lesquelles par avant ne luy volloient obéir.
Ordonnance que l’aisnés filz du roy poulrait estre coronnês en la xiiije
année. — Paireillement, en celle dicte année, Charles le quint, roy
de France, fîst, par le consentement de son conseil, de la court de par
lement et de l’université de Paris, ceste loy, c’est assavoir que l’aisné
filz du roy de France poura estre couronné a XIIIIe an de son aage,
et recepvoir foy et homages et tous autres devoirs des subgectz en ce
dit aage.
“• Eschevin manqut dans M.
76
PLUSIEURS ÉGLISES BÉNIES A METZ (1376)
Cognac rendue aux Fransois, et plussieurs aultre place. — En ce
mesme an, la ville et chasteau de Coingnac furent rendus des Anglois
à messire Bertrand du Claquin, quant il les eut assiégez longuement.
Item, la ville et chasteau de Sainct Sauveur, le vicontés de Constantin
furent rendus à messire Jehan de Vienne, admirai de France. Et avoient
esté les dictes places XX ans en la subgection desdit Angloys.
Et n’y saiche aultre chose estre advenue que à compter faisse pour
celle année. Parquoy je retournerés au maistre eschevins et à plusieurs
aultre advenue qui depuis ce tampts advindrent, tant en ces pays ycy
comme aultre part.
I
\
I
î
Mil iii° Ixxvj. —- Quant ce vint en l’an après, et que le milliair courroit par mil trois cent et LXXVI, alors fut fait et créés maistre eschevin de la cité de Mets le signeur Poince Louve.
L’église de Sainct Vincent beneite, et celle des Cordelliers sus le mur,
et celle des Célesliens. — Et, en celle année, le devent dit évesque
Thiédrich de Bopart, alors évesque de Metz, bénist et consacrait l’é- ?
glise et monastère de Sainct Vincent, et pareillement celle des Grand
Cordelliers dessus le murs, lesquelles église estoient de nouviaulx
refaictes et rédiffiées toutte neuve. Et, aucy pour celle meisme année,
ledit évesque bénist et consacrait la chapelle Burtrand le Hundre, que 5
siet on Champaisaille, là où à présent sont lez Célestin. Car alors n’estoit celle église que une petitte chaipelle. Puis, après, il fît les ordes à la
Grant Église de Metz. Et fit toutte ces office icy pour Dieu et en almone, cen en rien pranre. Et visitait touctes les abbayes de Mets, tant
de moynne noirs, de nonnains a, comme aultres. Et fit faire une généralle procession le dimenche des Paulmes, comme cy devent ait estés
dit. Et fit on ce jour ung sermon bien mattin en la grant crouée quy est
entre Sainct Arnoult et Sainct Gurry, au lieu et en la plesse là où
l’église et monastère de Saint Simphorien solloit estre. Et y pourtait
ledit évesque le chief de monsseigneur sainct Estienne ; et entrait-on
en Metz par porte Serpenoize ; et y furent touctes la clergie, fors que les
Mandians, lesquelles ne c’y comparurent point.
Le coronnement du filz de Vempereur. — Item, en celle meisme année,
le devent dit empereur Charles de Bahaigne fit coronner son filz roy
d’Allemaigne. Et fut ce couronnemens fait à Ars-la-Chapelle par les
éliseurs, auquelles il donna tant d’or et tant d’argent qu’il fut couronné,
comme dit est. Car il se doubtoit du duc d’Anjou, le filz du roy de
France, qui s’en volloit traire avent.
Paireillement, en celle dicte année, les-embassades de France et |
d’Angleterre se assemblèrent souvent és parties de Flandres pour
accorder les deux roys ; mais ne profitarent riens. Car, jà soit ce que le
roy de France offrist grandes seigneuries et se mist en ses devoirs de
vouloir tenir les traictiez jà piéça accordez, touteffois n’en voulut riens
faire ledit roy d’Angleterre, s’il n’avoit les souverainetez et ressortz
a. M : nonnian.
VICTOIRES DES FRANÇAIS SUR LES ANGLAIS
77
telz qu’il demanderait. Laquelle chose le ray de France ne trouvoit
point en son conseil qu’il le deust faire.
La mort du prince de Galle[s]. — Mais, tantost après, aincy comme il
pleust à Dieu, et en ladicte année, le jour de la Trinités, trespassait
de ce sciècle, en la cité de Varvich, la fleur de chevallerie de toutte An
gleterre, c’est assavoir le devent dit roy Édouuairt, princes de Galles
et d’Aquitainnes, aagé de LXXIIII ans, et en Tan cinquante deuziesme
de son règne. Et laissait son aisnés fîlz roy dudit royaulme.
Le roy entretient v armée. — Et, en celluy tamps qu’il mourut, tenoit
le roy de France cincque armées en cincq diverses parties de son reaulme.
Et partout estoit le plus fort, c’est assavoir en a Guienne, sur la mer,
en Picardie, contre Calaix et Guines. Aussy estoit le siège en deux
chasteaulx de Bretaigne, c’est assavoir Brest et Aulroy, qui encores
tenoient pour Jehan de Montfort, aliez aux Anglois. La quinte armée
estoit en Aulvergne, devant le chasteau de Carlac L En Guyenne èt
Pierregort estoient le duc d’Anjou, messire Bertrand du Guesclin,
messire Loys de Sancerre, mareschal de France, les sires de Coucy, de
Montfort, de Montauban, du Ray, messire Guy de Rochefort, messire
Olivier de Maugny, le Besve de Villaines, le sire de Bueil, messire
Pierre de Villers, et plusieurs aultres chevaliers, qui firent maintes
belles vaillances et prindrent plusieurs forteresses.
oixx et xiij que ville que chasleaux reconquestés par les François. —
C’est assavoir le chasteau de Pierregort, appellé Condac, la ville de
Bergerac, d’Aymec 2,
* 1de Sannerat, Saincte Foy sur la rivière Derdonne,
le chasteau et la ville de Chastillon, Sainct Machaire, Langon, le
chastel d’Andate, la ville et chaste de Landuras, Blaves, Massidan 3,
et d’aultres citez, villes, chastiaulz et forteresses, jusques au nombre
de VI» et XIII. Item, le chasteau d’Aulroy en Bretaigne fut rendu en
l’obéissance du roy de France par le seigneur de Cliçon. Et, en cest an,
les François de la mer allèrent en Angleterre, prindrent la Rie 4, qui
estoit grosse ville, et Tardirent ; et amenairent les habitans prisonniers.
Item, le duc de Bourgogne et sa compaignie, estant vers Calaix, prin
drent la ville d’Ardre, le chasteau de Banhugnehan, de Baudruit et la
forteresse de la Planque. Et puis s’en retourna à Paris à son frère,- le
roy de France, pour l’yver qui aprouchoit.
Mais de ces chose nous lairons le parler pour le présant, et retour
nerons a maistre eschevin de Mets, et à plusieurs aultre besoigne digne
de mémoire.
a. En manque dans les mss.
1. Carlat, Cantal, Aurillac, Vic-sur-Cère.
2. Eymet, Dordogne, Bergerac.
3. Mussidan, Dordogne, Ribérac.
4. Froissakt, Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, Chroniques, t. VIII, p. 391 :
Rye, Sussex, Angleterre.
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DISSENSION ENTRE LES CHANOINES ET L’ÉVÊQUE DE METZ (1377)
[DE LA GUERRE DES CHANOINES, EN i3?2, a la mort
DE THIERRI DE BOPPARD, EN l383]
Mil iiic Ixxvij. — Puis, après, en l’an mil trois cent LXXVII, fut
maistre eschevin de la cité de Metz le seigneur Jehan Bertrand.
Gy a advint que, en celle dicte année, le devent dit évesque Thiédrich
de Bopart, encor alors évesque de Mets, eust discort encontre les
chanonnes de la Grant Esglises d’icelle cité, et pareillement encontre
les chanonnes de Sainct Saulvour. Et la cause fut pour ce qu’il les !
voulloit visiter comme les autres ; mais il ne le voulloient souffrir.
Et tellement que, pour ce fait, il en appellont à court de Romme.
Or advint que, quant l’on pourtait les premières croix à la Sainct
Marc, les moyennes noir ne les nonains n’allont mye avec eulx. Et,
quant ce vint aux secondes croix, qui sont dictes les Rogacions, lesdit
moyennes, et aucy les dite nonains, et pareillement tous les curés,
firent clore les huys de leur église, et ne lessèrent point entrer lesdit
chaynonnes en leur esglise. Et, de fait, ne sonnèrent nulle cloches
à leur venue, ne n’en firént quelque estime, non plus nés *1 que lez
bergiés des champs avec leur bestiaulx eussent passés par devent leur r
maison.
Ung bourgeois de Metz nauvrés par ung prestre. — Pareillement, en
celle mesme année, avint que ung d’iceulx chenoigne de la Grant
Esglise de Metz fut mis on palais pour l’amour de ung preudhomme,
bourjois de Mets, qu’il avoit navré à mort ; et y fut par l’espace de
trois sepmainnes. Touteffois, à la fin, les Trèzes le randirent au seigneur
de chappitre ; et il le jugèrent à en estre X ans en chartre, parmy ce
que touteffois il averoit sa prébende.
L’empereur Charles arivés à Paris. — Item, en ceste dicte année,
l’empereur Charles c’en allait en pellerinaige à Sainct Mor des Fossés.
Et, de là, c’en allait, luy et ces gens, à Paris, auquel lieu alors estoit le
roy de France, acompaigniés de touttes sa noblesse. Et receupt ledit
ampereur à grant honneur et triumphe, car il estoit son cousin, filz de
sa seur.
Grant recuiel fait à l’empereur et plussieur dons offert, jusques à la
somme de Ix mil frans. — Et fit le roy, la royne et la cité de Paris audit
ampereur plusieurs dons, tant à luy comme à ses gens, anssy comme cy
après vous serait dit et desclairés. Et premier, après le biaulx recueil
que l’on luy fist, et après ce qu’il fut arivés en son logis, la cité de
Paris donnait audit empereur une nefz d’argent et une bouteille dorée
pesant deux cent et L marcz. Item, donnairent au filz dudit empereur
une fontainne et deux pottz d’argent pesant VIIXX marcz. Item, la
a. En marge, Philippe a rayé Discort entre l’évesque et les chanoingne de la Grant
Église et Sainct Salveur.
1. Sur l’expression nés que, voyez p. 53, n. 2.
PIERRE BOUGNIÈRE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1378)
79
royne de France donnait audit empereur ung relicque à pierre de
XIIe franc ; et donnait encor a filz dudit empereur ung fermelet d’or
au pris de XIIe frans. Puis dormait encore le roy audit empereur son
oncle une couple d’or et une aguyère vallant XXXVI cent frans.
Et, avec cé, luy donnait encor deux bouteilles d’or, lesquelles pareille
ment valloient XXXVIe frans. Item, encor deux pottz vallant mil
franez, et deux aiguyères de XVIe frans. Puis luy donnait encor une
couppe d’or de deux mil frans, et ung dyamant qui valloitVIm frans.
Encor luy donnait le roy ung goublet et une aiguière d’or de VIIIe
frans. Et, après yceulx dons d’or et d’argent, luy donnait encor le
roy deux beaux destriers du païs de Poulies, on reaulme de Neaple,
et encor une littière, et deux autre coursieres dudit païs de Poulie,
pour la pourter.
Item, donna encor ledit roy au roy d’Allemaigne, filz à l’empereur,
une sainture de VI mil frans. Et donnait au duc de Brabant une espée
garnie d’or, et ung habourjon d’acier et ung fermai d’or, vallant le
tout XIIe frans. Puis donnait au duc de Sansogne ung pot et ung
gobellet d’or et ung fermeil, pesant tout cecy LXIII marez. Après,
donnait encor ledit roy au duc de Strabourg ung goubellet d’or de
IIIIXX marez. Et au duc Henry donnait une fontainne de L marez
pesant. Puis, après, donnait au fdz le seigneur de Lippre une fontainne
et ung pot d’argent pesant LX marez. Aucy, donna au chancellier
deux bouteylles et ung goubellet pesant L marez ; et encor luy donnait
une pierre nommée baillay *, vallant la somme de VIIIe frans. Et, au
seigneur d’Allay, donnait le roy une fontainne pesant L marez. Aucy,
donnait au seigneur de Condiche ung goudet et une aiguière de
VIe frans. Puis donnait au maistre d’hostel ung goudet et une aiguière
de VIIIe frans. Et, après ces devent dit dons, donnait encor le roy à
XXXVI chevaliers à chacun une couple de XX marc. Et aux varlet
de chambre, qui estoient XII, à ung chacun d’yceulx donnait une
couppe de deux cent frans. Et, pareillement, donnait a clerc dez chancelliers à chacun une couppe de XII marc. Somme, lez dons que le
roy fit, le tout monte à LX mil frans, rien contés lez coursiers du
reaulme de Poulies.
Le coronement de Richair, roy d’Angleterre. — Item, en celle dicte
année, fut coronnés le roy Richart d’Angleterre, filz au devent dit
Édouard, a palais de Wemostier ; et y fut ce jour faicte grant feste
et sollemnités par tout le pays.
Cy lairons de ces chose à parler, et retournerons a maistre eschevin.
Mil iiic Ixxviij. — L’an après, que courroit le milliair par mil trois
cent et LXXVIII, fut maistre eschevin de Metz messire Pierre Bougnière. Et, alors qu’il fut fait maistre eschevin, ne fut mie sonnée la
cloche de Mutte. Ne aussy n’avoit-elle mye estés sonnée à faire les
Trèzes, ne pareillement à prendre les bans, quant on thient les aynalx
1. (Rubis) balais.
80
LE GRAND SCHISME (1378)
plait, ne quant on leust les drois l’empereur, le jour que on les lit en la
loge du Champassaille. Et fut ce fait pour tant que les mariens du
travaul là où ladite Mutte pendoit estoient tous pourris et desrons
Plussieur pape en l’Église romainne. - Or advint que, en ceste
année, nostre sainct perre le pappe Grégoire, XI* de ce non, tenoit
son sciège à Romme, et il partit de ce lieu, et c’en vint en Avignon
auquelle lieu le mal le print ; et tellement se ranfïorsait sa mallaidié
qu il en morut. Et, incontinant après le my karesme, tous les cardinalx estant alors à Romme se mirent enssemble pour faire ung nouviaulx pappe. Et tout à l’heure les Romains ce assamblairent et c’en
allirent a lieu là où yceulx cardinalz c’estoient assamblés pour ce faire,
et vouloient lesdit Romains et par force, cornant qu’ilz fut, qu’ilz
fissent ung pappe du pays de Rommenie, ou il dirent et jurairent qu’il
les occiroient tous en ce lieu. Sur ces parolles, lez cardinalx olrent
advis ansamble, et, pour éviter leur fureur et le dangier, il parlirent
à Berthélemy de l’Aigle, alors archevesque de Bar en Puille, et luy
dirent qu’il voulcist estre pappe pour saulver leur vie, et par condicion
que, quant ilz vanroient en Avignon, il ce desmeteroit de sa pappallité,
et ilz le feroient cardinal. Et ledit Berthélemy, comme il fut dit, leur
promist de aincy le faire, et de ce desmetre. Et sur cest promesse fut
fait pappe cent IIIRx et XIR, et fut appellé Urbain.
Mais, quant il fut pappe, et qu’il vit qu’il avoit le piedz en l’estriés,
il ne leur voult rien tenir de ce qu’il leur avoit promis, ne, pour parolle
qu’i luy sceussent dire, ne ce volt desmestre. Parquoy les autres car
dinalz, couroussés de ceste affaire, firent entre eulx ung antipappe de
Robert, alors cardinalz de Geneuvre en Sçavoye ; et fut appellé Clé
ment VIR. Parquoy vint ung très grand scisme en l’Église de Dieu,
très cruel et horrible, qui dura moult loing tamps. Et, pour cest affaire!
le roy de France fist assambler plusieurs prélas d’Esglise et docteur!
pour sçavoir et enquérir lequelle estoit le vray pappe. Et fut trouvés
Clément y avoir plus grand droy que l’autre. Parquoy Urbain, ce
voiant délessés, fist XXX nouviaulx cardinal, pour laquelle « se
ranforsait ce mal. Et durait ce scisme l’espace de XL ans, c’est assavoir
depuis ce tamps jusques au concilie de Constance, auquelle pappe
Mertin fut esleu.
Les Flamens rebelle à leurs seigneur. - Et, pour ce que plusieurs
aultre font de ces chose plus ample mancion, je n’en dirés plus pour
cest fois, ains retournerés à ma matière acomencée, et vous dirés
cornent en celluy tamps se rebellairent les Flamans contre leur seigneur,
de quoy ce esmeust grant guerre, que aucy je laisse pour abrégier.
Pier du Glesquin de guerre aux Navarrois. - Pareillement, durant
ces jour, fut par messire Bertrand du Guescluin menés grand guerre
encontre les Navaroys, traystre à la couronne de France. Dont plusieur
grant personnaige furent amenés à Paris, lesquelles furent descartelés
et mis en piesse, et les quartiés pandus à des potance aus souveraine
a. Suppléer chose après laquelle.
Nicole
de ragecourt, maiïre-échevin de metz
(1379)
81
porte de Paris. Entre lesquelles Jaquet de Rue, Chamberlain, et maistre
Pier du Tertre, secraitaire dudit roy de Navarre, furent escartelez
és halles de Paris et eurent les testes couppées, et leurs membres mis
à VIII potences hors les portes. Les testes demourèrent aux Halles
et les corps au gibet. Car ilz avoient esté cause de plusieurs mal que le
roy de Navarre faisoit et machinoit contre son seigneur le roy de
France ; et, finablement, le dit Jaquet, à la requeste de son dit maistre,
voulut empoisonner le roy de France Charles le quint.
Item, lors, par Philippe, duc de Bourgogne, le duc de Bourbon, le
conestable de France et aultrez, furent prinses et abatues touctes les
forteresses que ledit roy de Navarre tenoit en Normandie, exepté la
ville et chastel de Chièrebourg.
Plussieurs bon bourjois de Mets tués en une chevalchiée. — Paireillement, en cest année, furent tués et occis plussieur noble bourjois de la
cité de Mets. Entre lesquelles fut occis seigneur Perrin Baudoche, le
filz Burtignon Paillat, et plusieur aultre, en une chevaulchié que ceulx
de Varnepech firent sur ceulx de Biche. Car ceulx de Biche les rancontrirent à descouvert, et tellement qu’il en prindrent bienIIIIxx)OU pjus>
Mais de ces advenue ne dirés plus pour le présant, et retournerés
a maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultre chose.
Mil iiic et txxix. — Après ces choses aincy advenue, et que le milliair
courroit par mil trois cent LXXIX, fut alors maistre eschevin de
Metz le seigneur Nicolle de Ragecourt.
Le cardinal Greffile à Mets. — Et, en celle année meisme, trois jour
aprez feste sainct Jehan Baptiste, le cardinal Greffile vint et arivait
en la cité de Metz, et y demeurait ung ans anthier. Et toucte la clergie
de ladicte cité de Mets, de Verdun, de Toul et du païs entour obéis
saient du tout à luy, fors l’évesque des Proicheux, lequelle estoit
souffragent de Mets, et pareillement l’archevesque de Triesve. Yceulx
ne le voulrent obéyr, ains c’en allaient demeurer à Couvellance.
Et avint que, pour cestuy fait, le sire Nicolle de Metry thint en prison
le quair d’ung ans maistre François et Thiriat Faber, bourjois et
citains de Mets. Et, an dernier, il eschapèrent, et furent délivrés par
ung faulconnier.
Aucy avint que, en ladite année, fut le chastelz d’Aulroy en Bretaigne rendu a Françoy. Et mirent lesdit François grant garnison à
Montbourg.
Paix entre le roy d’Espaigne et le roy de Navarre. — Et fut la paix
faicte entre le roy d’Espagne et le roy de Navarre.
Venlzelaus, créés empereur, inutile à l’empire. — Item, en ceste
année mourut Charles de Boesme, roy d’Allemaigne et ampereur de
Homme. Après la mort duquelle fut elleu et créés Wentzelaus, filz au
deventdit ampereur trespassés, lequelle estoit desjay roy des Romains
son perre encore vivant, comme cy devent est dit. Et dit-on de luy
que, en l’aige auquelle il fut fait roy, il demoura tout le tamps de son
ampire. Car, jà çoyt ce qu’il se augmentast en quantité corporelle
«
82
ARNOULD NOIRON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1380)
et en aage d’ans, toutefïois ne croissoit il point en sapience ne bon
gouvernement, mais en toucte meschanceté et ordure. Parquoy
jamais ne receupt la couronne impériale, ne eust honneur en sa vie.
Car l’honnesteté et preudhonmie de son perre ne fust point continuée
en luy, mais en son frère Sigismond, qui, par la grâce de Dieu, assez
tost fut empereur après luy. Pour lesquelles causes, après plussieurs
motions, fut finablement déposé et chassé hors de l’empire. Et, pour
ce que en son temps il ne fist nulle chose digne de mémoire, nous ne
continuerons point nostre nombre par luy, mais prendrons les ans de
Nostre Seigneurs Jhésu Crist pour continuer nostre matière.
La rébellion de ceulx de Monlpelier, avec leurs condempnalions. —
Ainsy doncquez, en son an premier, qui est l’an deventdit de Jhésu Crist
mil trois cent LXXIX, au mois d’octobre, fut la rébellion de ceulx de
Montpellier contre les officiers du roy et du duc d’Anjou, dont ilz
occirent grant nombre, c’est assavoir LXXX ou environ. Entre lesquelx estoit le chancellier dudit duc, le lieutenant, le sénéchal, et
autres les principaulx gouverneurs du pays. Parquoy print mal ausdit
habitans, car l’université en fut condamnée à perdre consulz, consulatz,
maisons, arches, comunes, seel, cloches et touctes autres juridiction
envers le roy de France et le duc d’Anjou ; et, quant aux séculiers,
VE des plus coulpables condamnez à mourir. Item, les deux portaulx
de la ville, six tours et les murs à abatre, et les fossez à emplir. En
oultre, que la dicte université fonderoit une chapelle de six chapelains,
à chacun LX livres de rente, et qu’en ladicte chapelle seroit mise la
cloche de quoy on sonna le tanquehan on befïroy, quant fut la dicte
émotion faicte contre les dit officiers.
Pareillement, durant ces choses, les Anglois de rechief avec grosse
armée dessandirent au royaulme de France et en Burtaigne.
Et furent encor en ce tampts plusieurs aultres chose faictes, des
quelles je me despourte pour le présant. Et veult retourner a maistre
eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoingne.
Mil iiic iiiixx. — Item, en l’an mil trois cent et IIIIXX, fut maistre
eschevin de Mets le seigneur Arnoul Noiron.
Et a, en celle année, le lendemain de feste sainct Jacques et sainct
Cristofle, vinrent et arivairent en Metz deux chevalliers, lesquelles
furent envoyés de part nostre sainct perre le pappe Urbain et de par le
roy des Romains. Et avec yceulx chevallier vinrent le deventdit
évesque des Prescheur, soufïragant de Mets, et lesdit maistre Françoys
et Thirion Faber. Lesquelles apportèrent ung procès de par le dit
sainct perre Urbain, et furent conduis par le seigneur Thiellement
Boisse, chevallier, à la princerie. Et, alors qu’il arivairent, il avoye
desjay prinse une plaisse, nommée Chastillon, que aparthient au
princier, qui que le soit. Et avoient tellement fait leur cas que maistre
François devoit estre trésorier.
a. Philippe a rayé, en marge : deux chevallier envoyés] de part nostre sainct père
le pape.
MORT DE CHARLES V, ROI DE FRANCE (1380)
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Pareillement, avint que, en celle année, le duc de Bar et ceulx de
Verdun asségeairent Charnei, que Pierre de Bar tenoit à force ; et
firent tant qu’il la prindrent.
La mort de Pier de Bar. — Et, en celle meisme année, ledit Pier de
Bar morut ; et fut ensevelly au champs.
Et fut aussy en ce meisme tamps mort le bon abbé de Gorse, quy
estoit de la lignée de Petitte Pierre.
La burlette en Mels premièrement instituée. — Item, en celle meisme
année, fut premier institués et acomancée la burlette en Metz. En
laquelle institucion fut ordonnés de paier la malletotte de tout vandaige
ou acquaist d’aritaige, c’est assavoir pour chacune livrez VI deniers.
Et fut au tamps et vivent encor le deventdit évesque Thiédric, duquel
je vous ay icy devent parlés.
Le roy d'Angleterre à l’ayde du duc de Brelaingne. — Pareillement,
avint en cest année que le conte de Boquignen, filz au devent dit
Édouard, jaidit roy d’Angleterre, paissait avec une grande armée
tout parmy le reaulme de France pour aller en Bretaigne au secourt
du duc de Bretaigne, et pour aider à tout le pays encontre les Fransoys.
La mort du roy de France et de Bertrand du Guecquin, coneslable. —
Et, tantost après ce fait, et en celle meisme année, le devent dit Charles,
roy des Françoys et Ve de ce nom, luy estant en airme en la compaigne
de messire Bertrand du Guescluyn, et en poursuiant ces annemys,
grant malladie le print,de laquelle il morut. Et fut ensevellis en l’abbayee
de Sainct Denis en France.
Et, aucy, tantost après et en celle meisme année, le devent dit
Bertrand du Guescluym, connestauble de France, fist comme son
maistre et seigneur, et paiait le deu de nature ; car il trespassait de ce
sciècle, lui estant devent le Chasteauneuf de Randon, où il avoit mys
le sciège. Après son trespas fut ledit chastel rendu aux gens dudit
conestauble et les clefz appourtées sur son corps, qui encores estoit
en bière. Et fut le corps dudit seigneur Bertrand ensevelis au piedz du
roy son maistre.
Le duc de Brelaingne raliés aux Fransois. — Pareillement, en celle
meisme année, le duc de Bretaigne fist sa paix encontre les Fransois.
Fait d’arme d’ung escuier anglois et d’ung escuier fransois. — Et, en
ses antrefaictes, y oit ung biaulx fait d’arme acomplis entre ung escuier
françoy et ung escuier angloys, de quoy il olrent tous deux grant
louuange et honneur. Car il firent tous deux cy bien leur fait, et ce
pourtairent cy vaillanment aulx armes que à tous jourenseraitmémoire,
comme plus a loing le raconte les istoire que de ce sont faictes, et
desquelles je me despourte quant à présant, pour retourner a roy
de France et à plusieur aultre besoigne qui avinrent durant ce
tampts.
Les bonne actes du roi décédés. — Celluy roy Charles dairnièrement
décédés laissa deux filz jeunes et dessoubz eaige. C’est assavoir Charles,
qui succéda à la couronne, et Loys, qui fut duc d’Orléans. Avec ce
84
CHARLES VI COURONNÉ ROI DE FRANCE (1380)
laissa trois frères, c’est assavoir Loys, roy de Cecille et duc d’Anjou,
Jehan, duc de Berry, et Phelippe, duc de Bourgogne.
Il fit faire et achever le bois de Vincennes, le chastiaulx de Creilg,
Saint Germain en Laye et Montargis. Par le grant sens, vertus et
bonne conduicte qui furent en luy, il est entre les aultre roys de France
nommé Charles le Saige. Il trouva le royaulme en grande misère,
perplexité et tribulacion, mais le laissa en bonne disposicion, assembla
grans trésors, fit maintes notables enquestes, et, de son tamps, paix
et justice régnèrent en France. Il se entretint sagement avec les princes
de son sang, et ne s’esmeurent de son tamps milles guerres, fors l’an
cienne hayne des Anglois, desplaisans et enraigez des pertes qu’ilz
avoient faictes, lesquelles leur sembloient irréparables. Et, pour ce,
sans cesser conspiroient la destruction totalle de France, et contennoient 1 toute manier de paix. Mais contre eulx se portèrent tousjours
vaillamment les ducz d’Anjou, de Berry, de Bourgogne et de Bourbon,
députez et ordonnez en diverses marches et frontières pour les combatre. Et, en ce, monstrèrent qu’ilz aymoient la couronne de France,
dont ilz estoient descenduz, ainsy comme le filz doit tousjours aymer
sa mère et génération.
Envie des prince pour régner. — Mais, après la mort de celluy Charles,
furent les chose en aultre point. Et ce esmeust ung grant discort pour les
aministracion du royaulme. Car, pour ce que ledit Charles VIe, filz au
devent dit Charles trespassés, n’estoit en aage compétant pour estre
couronnés, chacun voulloit gouverner. Et y oit pour ce fait telle envye
et telle mutinerie entre les prince et seigneur que en grand aventure
fut la chose publicque.Car, alors et à cest ocasion,dessandoie les anciens
annemys Angloys de toucte part au royaulme, et faisoient de grand
domaige en pernant ville et chastiaulx, et en molestant le povre pu pie.
Et, encor aaventaige, les propre gens d’armes du royaulme, pour ce
qu’il n’estoient paié, corroie et ribloie et affligeoient le peuple de toucte
part par larcins et roberie. Car, en ce tamps, estoit mort le vaillant
Bertrand du Guescluyn, comme dit est, et n’y avoit homme qui tenist
la mains.
Charles vie coronnés roi de France àxij ans. — Toutefïois, après ce
que le conseille oit pour ces chose plusieurs fois estés enssemble, fut
déterminés que le jonne anffans, aagé de XII ans, seroit courronnés
à Bains, comme il fut. Et fut Charles VIe, et XLIII® roy de France.
Et, à son couronnement, y oit grant noise entre les frère, ces oncle,
pour sçavoir lequelle yroit devent en ceste office. Toutefïois la chose
ce apaisanta.
Murmure des Fransois pour les taille el gabelle. — Aucy, durant ce
tamps, pour la nécessité du royaulme, ce levoit grosse ganelle deaans
Paris, laquelle estoit a Parisitns uur à pourter ; et tant que, ung jour,
ce assamula le puple, et contraindirent les gouverneurs de les oster.
Et, encor plus fort, viollantement rompirent les maisons et les coffre de
1, Contemnoient, méprisaient ?
LA RÉVOLTE DES GANTOIS
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tous les fermiers et officiers qui tel denier levoye,et per despit gettairent
yceulx denier parmy les rue. Et, avec ce, rompirent en piesse tout les
livre des compte et les recepte d’icelle taille et levée. Et, encor, contre
la voullunté du roy, rompirent les maison, prinrent et ravirent tous les
biens des Juif demourant alors à Paris. Et, quant les officiers royaulx
les reprenoient de tel chose, les plus petit oysairent biens respondre
que à la mal heure furent ces taille ellevée, car c’estoit pour soubtenir
leur gourre, leur orgueille et leur luxure, et que le pouvre puple pourtoit tout ce sus leur espaulle. Et, après, fut advisés par le conseille
que tous ceulx qui avoie rante paieroie de chacune livre XII denier.
Et fut de part le roy cest chose publiée à Paris, à Rouen et à Amyens.
Néantmoins tout le puple générallement le refuza à paier.
Cy nous tairons quelque peu de ces chose pour parler d aultre mestier.
Adventure irouvê[e] d’ung cerf avec ung colier d’arain. — Or escoutés
chose merveilleuse et digne d’estre mise en mémoire. Durant ce tamps,
le roy Charles c’en estoit allé à Sanlins pour soy recréer à la chasse.
Alors, per l’aboy des chiens, fut trouvés ung cerf et mys en fiiyte.
A celluy cerf ainsy chassé fut veu qu’il pourtoit ung collier d arrain
à l’antour de son col. De ce le roy adverty deffendit luy touchier de
ferremens, ne de l’eschaufïer ; ainçoys le fist prendre aux rethz, sans
aulcuns mal. Lors fut resgairdé ce collier, et fut trouvé dessus escript
en lestres latines : « Cecy m’a donné César ». Or, pour ce qu’il y ait loing
tamps que Jule César est mort, il fut interprété que c’estoit d’ung
aultre ampereur que les lestres parloie ; car tous ce faisoient appellés
César. Et, depuis ce tamps, Charles eut tousjour pour enseigne ung
cerf avec les ailes, et l’appelle on cerf voilant, pourtant une couronne
d’or à son col. Et aussy, depuis ce tamps, l’on mest tousjour deux
pareille cerf a deux coustés des armes royalle de France.
Scisme el division en l'Église pour le règne des pape..
Aucy, en
celluy tamps, y avoit grant discenssionet débat en l’Esglise pour le fait
des pape. Car le roy de France soubtenoit Clément, et le roy de Bohême
et de Castille soubtenoient le partit de Urbain. Et, pour cest affaire,
en furent envoiés plusieurs ambaxadeur devers le roy.
En « ce tamps fut condampné en perpétuelle prison a pam et à
l’yawe Hugues Abriot. prévost de Paris, pour son hérésie. Car jour
nellement il hantoit les Juif, et avoit compaignie à leur femme. Et
avec ce, avoit en desdaing le sainct sacrement de 1 aultel , et aucy u
actisé du péchiez contre nature. Et, ce n’eust estés à la prière d au cuns
grand seigneurs, il fut estés brullés.
Grosse mutinerie d Gand. — Item, en celluy tamps, y oit une mer
veilleuse mutinerie à la ville de Gand. Car, pour ce que leur conte, eur
voulloit ellever une nouvelle imposicion et gabelle, il ce ellevairen
encontre luy, et firent une terrible mutinerie et alliance encontre uy.
a. Philippe a rayé, en marge : le prévost de Paris condempnés pour hérésie,
86
LA RÉVOLTE DES GANTOIS
Touteffois, il heurent conseille enssamble ; et ce vinrent offrir aulcuns
gens de biens Gantois, à ce comis de part la comune, de libérallement
donner à leur dit seigneur le conte plussieur grand somme de denier
touteffois qu’il luy seroit de nécessité. Mais autrement il ne voulaient
estre tailliés, ne ne voulloient souffrir de paier nouvelle imposicion.
Et, par cest offre, pansoient les Gantoys avoir rapaisés la fureur de
leur conte. Mais aulcuns de ces officier respondirent à yceulx comis
rebellement en menaissant les Gantoys et en disant que le conte leur
maistre les feroit bien amollir et ployer. Laquelle responce prindrent
mal pacientement. Et, dès alors, constituairent sur eulx pour capi
taine général ung nommés Philippe Artevelle, par le conseille duquelle
fut remise sus la livrée des blan chaperon, qui estoit une enseigne par
eulx de loing tamps delessée. Et soubz plusieur capitainne firent leur
armée, que fut de XII mil homme. Avec lesquelle il sortirent de la
ville pour combatre le conte leur seigneur, lequel alors estoit sur les
champs avec grosse armée. Et, dès qu’il vit les Gantois désirans la
bataille, comenda aux siens qu’il allassent Artevelle assaillir. Laquelle
chose fut faicte. Maix fortune fut au conte cy contraire qu’il perdit
ce jour cinqz mil hommes de ces gens. Et par ainsy se retira à Bruges.
Auquelle lieu on ait de coustume très ancienne, tous les ans, de faire
une pourcession généralle et grant sollennité, à laquelle viennent
plusieur laboureurs dé villaiges et de tout le pays enthièrement.
Sublülités de Artevelle, capitainne. — Or escoutés que fit Artevelle.
Deux mil hommes de ces gens furent acoustrés en laboureurs et armés
à la couverte, et ainsy c’en allairent sur le merchief de Bruges. Et illec
furent assaillis les gens du conte, desquelles plusieur en furent tués
dessus la plesse. Et fut le conte en grant dangier de sa personne, et lui
fut force de ce saver par une fenestre de sa maison ; et à l’Escluse se
retira. Alors furent les Brugeoys pillié, et plusieur des occis.
Après ces choses, y oit encor plusieur grant chose faicte et dictes,
que je lesse pour abrégier. Entre lesquelles ledit conte envoiait à Gand
son baillif, nommé Roger d’Anterve *, avec deux cent chevallier,
1 estendart du prince, selon la mode de la guerre, desployé. Et estoit
leur intencion de par force entrer en la maison d’ung nommé Jehan
Léon, qui ce melloit des affaire de la ville, et de le murtrir.Maix celluy,
pourvoyant à son cas, avoit assamblés grant tas des eschaperonnés,
avec lesquelles, cen faire bruit ne noise, antra au marchés. Et, dès qu’il
aperseurent le baillif, le ruairent par terre. Et fut tués et mis en piesse,
et 1 estandard qu’il faisoit pourter devent soy fut pareillement mis en
pièces et en lopins, et tout désirés 12.
Le chasteau du conte bruslés. — Ung aultre fois, après, en la conduite
dudit Jehan Léon, saillirent les Gantoys en nombre de X mil. Et, par le
conseille d’icelluy Jehan Léon, assaillirent ung biaulx pallas et lieu de
plaisance, auquel le conte prenoit tout son desduit, nommés Andreghemme ; et avoit coustés cent mil livre à faire. Mais par force fut ce
1. Roger d’Autryve (Frojssart, éd. Kervyn de Lettenhove, IX, 178 et sqq.).
2. Deeeirês, déchiré.
LA RÉVOLTE DES MAILLOTINS A PARIS
87
lieu prins et pilliés ; et puis ont boutés le feu dedans. Dont le conte
cuida enraigiés, quant on luy en dit les nouvelles.
Ceulx d'Ypre se rebelle.— Aussy, pareillement en celluy tamps, ceulx
HP la ville d’Ipre ce rebellairent au conte, et avec leur armée ce jour
dirent au Gantoys. De quoy la guerre fut plus innimée * que devent.
Mais maintenant je m’en tairés et n’en dirés plus pour le presant.
Car d’aultre chose convient parler, avent que je achève celle mestier.
C’est assavoir d’aultre mutinerie qui ce firent en diverse lieu et con
trées, comme cy aprez oyrés.
Grand mutinerie à Paris. - Vous avés par cy devent oy cornent
et par quelle manier ce esmeurent les Flamans en 1 encontre du conte
d’icellui païs, leur prince et signeurs ; dont moult de mal avmdrent,
comme cy après serait dit. Cy vous veult maintenant desclairer cornent,
aucv durant ce tamps, ce esmeust le peuple en plusieurs heu et contrées.
Entre lesquelles ceulx de Paris firent une terrible mutinerie et grand
émotion de puple, comme vous oyrés.
Or il est vray que, en celluy tamps, aulcuns des prince du royaulme,
et des plus grand, tel comme le duc d’Anjou et plusieur aultre, vou
lurent remestre dessus nouvelles imposicion et gabelle. Parquoy contre
eulx ce ellevait ledit peuple de Paris, et de fait ce arma
Mutinerie à Rouen. - Et à l’example d’iceulx firent plusieur aultre
ville et cité. Entre lesquelle furent ceulx de Rouen, qui tuerent tous les
fermiers et recepvoir des tailles, et assaillirent le chastiaulx auquelle
estoit la garnison du roy.
Or escoutés, encor plus fort, qu’il avint à Pans environ demi ans
aprez. Ledit duc d’Anjou, alors régent de France, ce pansant que e
populaire de Paris estoit appaisé, flst une
le*» £
taille. Et comenda la publier au consistoire du Chaste et, et tout d ung
train establit officiers pour ycelle tailles lever et recueillir. Cy avint que
environ le premier jour de mars, si comme aulcuns d iceulx officier fut
venus és halles de Paris et demendait aulcuns denier à une pouvre
famellette, nommée Perrette la Morelle, pour vente de tesson, de
quoy la pouvre femme à haulte voix ce complaindoit et crioit, faisa
clamour et cris, dequoy aulcuns marchamps passant par R en vou
parler, et en print la question, et tellement que plusieur c y assamblèrent, et tout à coupt fut celluy officier et leveur de taille tués et m
en piesse dessus le pavés.
,
. ,
„ • .
La guerre des maillet. - Et, ce fait, ce arma le puple, et souveramnement lez maraulx de grève et manouvrier. Et, par trois jour duran ,
n’y avoit homme qui les peust apaisés, car yl courroie par cen e
millier parmy la ville. Et, là où il sçavoye ung fermier ou leveur de
tailles, il estoit fait de luy. Et, meismement, ceulx quy c en fuyoïe
és église, il les tuoient tout dessus les autel. Encor plus fort il rompire
les prison du roy, tant du Ghastellet comme de 1 évesque, e e ivrare
1. Animée ?, au sens d’acharnée.
88
BURTHE PAILLAT LE JEUNE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1381)
tous les prisonnier. Et, pour ce qu’il estoient mal armés, il rompirent
les huis de. l’ostel de la ville, et priment les armure, entre lesquelle y
avoit plussieur maillet de plonc. Et firent tant d’aultre murtre que ce
fut merveille.
Plus sieurs signe aux ciel et prodige. - Aucy, en ce tamps, furent
veu plusieur signe au ciel. Et fut trouvé à Sainct Denys ung monstre
ayant deux testes, troys yeulx et deux langues.
Le roy compose à cent mil francs avec les Parisiens. — Alors le roy,
bien couroussé de cez mutinerie, manda les Parisiens pour sçavoir leur
vo untés. .Et y furent dez plus grans de entre eulx comis, lesquelle,
après plusieurs escuse donnée, et plussieurs allée et venue pour cest
affaire, donnairent a roy la responce pour tout le puple, disant que
plus tost ce mesteroie et exposeroie a danger de la mort que de souffrir
le tribut des tailles, ne que de endurer celle servitude serville. Touteffois,
après plussieurs aultres parolles, que je laisse, fut donnés a roy, pour la
nécessité du royaulme et pour une fois, la somme de cent mil frans.
Et amcy fut la chose apaisée. Et fut celle tuerie appellée la Guerre des
Maillet.
Item, en celluy tamps, fut donnée audit duc d’Anjou la couronne du
royaulme de Neaples par pappe Clément septiesme. Et à force d’arme
y alla et la province occupa. Car celluy duc d’Anjou, nommés Loys,
avoit ressus le dons du drois que Jehanne, royne de Cecille et de Jhérusalem, contesse de Provence et femme de Charles, duc de Calabre, filz
de Robert, roy de Cecille et de Navarre, et suer a roy Phelippe de
France, prétandoit à avoir audit royaulme. Et le constitua son héritier,
car elle avoit jà régné XXX ans sans povoir avoir lignée.
Mais à présant je me tairés de ces chose et retournerés a maistre
eschevin de Mets, et à la mutinerie et malheureuse guerre desdit
Flamans, avec plusieurs aultre chose digne de mémoire.
Mil Hic iiüxx ei ung _ pn pan aprèS) qUe le milliair courroit par mil
trois cent IHIXX et ung, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le
seigneur Burthe Paillat le josne.
La cloche appellée Meule fondue. — Et, en celle dicte année, firent
aire lesdit de Mets une nouvelle cloche nommée Meule; laquelle il
convint refondre par deux fois, pource que la premier foys ce pourtait
mal. Et firent aincy faire ung nouvel clochier de bois pour la mettre.
Car, par avant, on solloit sonner la grosse cloche Sainct Eukaire en
lieu de Meutte.
Le roy de France à l'ayde du conte de Flandre. — Or, maintenant,
retournons à parler et à échevir nostre prepos du conte de Flandres
et de la guerre par lui maleureusement faicte jusques cy. Parquoy,
comme désespérés et que à grant painne, comme cy devent est dit, il
fut à l’Escluse eschapés, ce retira vers le roy Charles en France. Duquelles, après plusieurs chose faicte et dictes, que je lesse, il obtint le
secour. Et à grant puissance c’en vint le roy luy mesme en personne
avec grosse armée en son ayde.
LA BATAILLE DE ROSEBECQUE
(1382)
89
- Çenlx d'Ypre et les paiis joindanl sont humiliés. — Et, après ce qu’il
oit fait randre ceulx de la ville d’Ypre et qu’il oit ressus à mercy en
paient XL mil frant, lors tout le plain païs et le rivage de la mer ce
composairent a roy. Et, pour estre saulves, eulx et leur biens, ont paiés
la somme de LX mil escus.
TJng bourjois de Gand trahis et inhumainement murlris. — Et, en ces
entrefaictes, le devent dit conte Loys fist une grande malvistiet et une
grand laicheté. Car, alors, il manda quérir un bon bourjoys de Gand,
et le assura par ces lettre scellées de son seaulx, et luy mandait qu’il
vint tout seurement parler à luy. Dont il y oit aulcun grant seigneur
qui ce doutairent bien de la trayson et lui conseillèrent qu’il n’y allait
mye. Touteffois il ne les creust pas et y allait. Dont il fit mal ; car,
quant il fut venus, le conte le fit prendre et loyer *, puis le fist mestre
en ung tonnel fiché plain de broches de fer, et puis le fit roiller 12 aval
la ville ; et aincy luy fist finer en grant douleur sa vie.
Bataille donnée aux lieu de Rosebecque, et bien XL milFlamenl tués.
Puis, après ce fait, et que plusieurs rancontre, grant murtre et tuerie
furent faicte et d’ung coustés et d’aultres, journée de bataille fut mise
le XXVe jour de novembre, en l’an dessus dit mil trois cent IIIIXX et
ung, en ung lieu nommés Rosebeque, près de Courtray. Et tellement
que, quant ce vint à l’aprouchier, ce assamblairent grant multitude de
courbiaulx voullant en l’air, et le tamps quy devint noir et obscur,
tellement que à painne veoit on goutte. Alors fut desploiées l’oriflambe, que le roy avoit prins à Sainct Denis. Et, ce fait, ce mellairent
les ung parmy les aultre, et fut grant pitiet de veoir la tuerie et les
occis. Et ce tindrent longuement cen ce que on sceust qui l’airoit
perdus ne gaigniés. Mais, à la fin, furent les Flamans mis en fuit, et en
demeura quarante mil des tués dessus la place, cen ceulx que 1 on tua
depuis en fuyant. Entre lesquelle fut tués ledit Phelippe d’Artevelle,
et son corps pandus.
Ceulx de Bruges se compoze. — Tantost après, ceulx de Bruges
envoiairent leur ambaxade devers le roy, demendant sa mercy des
faulte du paissé. Et, en paiant VIXX mil frant, il furent ressus en grâce.
Courtray rasé. — Mais Courtray fut abatue, airxe et brûlée.
Les Gantois obstinés. — Et les Gantoys, de ce, furent plus obstinés
que par avant et demourarent en leur opinion.
Ollivier du Clisson fail conestable. — Et, après ce fait, le roy fist
connestable de France messire Olivier du Clisson, chevallier très
renommés.
Les rebelle de Paris pugnis. — Et puis ce mist en chemin droit à
Sainct Denis, et de là fist son antrée à Paris. Au quelle lieu il fist grant
punicion des malfacteur et des rebelle, et en furent décapité XII des
principaulx. Entre lesquelles le fut messire Jehan des Maretz, con
seiller et advocas du roy ; et vouloit on dire que ce fut à tort et par
1. Lier.
2. Roeillier, rouler.
90
PIERRE FESSAL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1382)
envie. Et au prévost des merchamps fut ostée son office, et aus aultre
confisca le roy la mitté de tous leurs biens.
Les Anglois veuille a descendre en France. — Ce tamps pendant que
ces chose se faisoient en France, les Angloys ce mestoie sus pour France
destruire. Et à ce les fauvorissoit le pappe Urbain VIe, et ottroia les
dismes a roy Richair pour faire la guère, en despit du roy Charle qui
soubtenoit et defïandoit Clément, son compéditeur. Mais la clairgie
d’Angleterre, et par espécial l’arcevesque de Cantorbie, qui estoit
chancellier du roy, estoient d’opinion contraire. Pour laquelle chose
les serviteur dudit Richair tuairent et murtrire ledit archevesque et
plusieurs aultre, tout devent les piedz du roy angloys, et les corps
traynairent parmy les rue. Et firent encor plussieurs aultre grande
cruaultés, desquelle je me passe d’en plus dire pour le présant.
Ains veult retourner au maistre eschevin de Mets et aulx aultre
gueire qui avinrent durant sa maistrie et son année.
Mil iii iiiixx el deux. — Quant ce vint en l’an après, et que le milliair
courroit par mil trois cent IIIIXX et deux, fut en celle année maistre
eschevin de Mets le seigneur Pier Fessai.
Les confrairie de Mets abollie. — Et alors, en celluy mesme tamps,
furent abatue touctes les confrairies d’icelle cité et furent anichillée
et defïandue. Et la raison pourquoy fut pour ce que entre eulx, cen la
lisance de justice, il faisoient plusieur alliance et assamblée, parquoy
l’on ne voult plus souffrir icelle confrairie. Et furent dès lors en avant
du tout ostée, réservés aulcune et bien peu, qui de ce furent previlaigiés.
En celle mesme année, et durant que le roy angloys ce préparait
à la guerre, comme cy devent est dit, Charles VIe, alors roy de France,
ne dormoit pas. Ains fist une grosse et merveilleuse armée, de laquelles
il assaillirent leur annemys. Et, après ce que en plusieurs lieux furent
yceulx Anglois desdit Françoy assallis et mis en fuyte, cy furent lesdit
Angloys par icelle armée du roy anclos à une ville nommée Burbourg ;
et à la fin ce randirent, leur vie salve.
Le roy de France avec iiic mil chevaulz. — Et dit-on que alors ledit
roy Charles avoit en son armée, comme le mest Froissairt, trois cent
mil chevaulx. Car de Germanie estoit venus en son ayde Féderic, duc
de Bavyère, et plusieur aultre, avec grand puissance. Et, après ce que
lesdit Angloys furent aincy rebouttés, c’en retourna le roy en France.
Loys, conte de Flandre, irespassé. — Et ne demoura guerre après que
le deventdit Loys, conte de Flandre, trespassa.
Miracle advenus contre des pillair. — Item, en celluy meisme tamps,
avint ung miracle en la devant dicte ville de Burbourg ; et fut chose
vraye. Car, quant le roy de France oit prinse ladicte ville et pillée,
comme dit est, advint que ung desdit pillart entrait en une église
c’on disoit Sainct Jehan. Et, là, voult aller prendre une pierre préa.
M : veiulle.
JOFFROI DE WARIXE, MAITRE-ÊCHEVIN DE METZ (1384)
91
cieuses qu’estoit sur le chief d’une Vierge. Mais, quant il la volt pren
dre, la vierge se retournit, et cheut Tomme tous roide mort. Puis, ce
fait, y en oit encor ung aultre, qui ne craindoit Dieu ne sa mère, et
voult aller prendre ladicte pier, et en avint comme du premier. Parquoy on doit craindre d’offancer Dieu et cez sainct.
Et ne saiche autre chose estre advenue en celle année que à compter
faisse. Doncquez me convient retourner a maistre eschevin.
Mil iiic iiiixx et trois. — Et dirés cornent, en Tan après, mil trois
cent IIIIXX et trois, fut maistre eschevin de Metz le seigneur Nicolle
Drouuin.
Six gentil homme de Mels créés chevalier.
En laquelle annee le
deventdit roy de France fist une chevaulchée devant Bourbou 1 en
Flandre. Et là y oit VI chevaliers de Metz, c’est assavoir seigneur
Nicolle de Fieu, seigneur Laurent le Gournaix, segneur Jehan Drouuin,
seigneur Wary le Gournaix, seigneur Jacques Bertrand et seigneur
Jehan Braydi.
Et fut en cest année que morut le deventdit évesque Thiédnch de
Bompart, évesque de Mets.
Pareillement, en celle année, environ le Noé, fut mort le duc de
Braibant, qui estoit appellé Wesselin, et duc de Lucenbourg.
Ne aultre chose ne saiche avoir estés fait en celle année digne de
mémoire. Parquoy, en ensuiant ma mastier, je retoumerés a maistre
eschevin et à plusieur aultre besoingne.
Mil iiic iiijxx el quaitre. — Item, en Tan aprez, que courroit le
milliair par mil trois cent IIIIXX et quaitre, fut alors maistre eschevins
de Mets le seigneur Jofïroy de Warixe.
Ceulx d’Orléans se rebelle. — Et, en celle année, les habitans de a
cité d’Orléans ce eslevairent encontre les fermiers et leveur de malletoutte de ladicte cité ; pourquoy plusieur mal en avindrent.
Aucy, en ce tamps, fut la ville de Graveline prinse par les François
sus les Anglois. Et fut tout mis au feu et à 1 espée.
Ung miracle advenus à Lubec. - Pareillement, avint que, en celle
année, hors de la cité de Lubec, ce fist ung grand miracle ; pour lequelle
fut faicte la chapelle de Saincte Croix audit lieu. Le miracle fut telle :
comme on menoit ung jeune homme pendre, il s’agenoilla devant a
croix quy estoit en son chemin. Quant il eut fait son oraison, ladite
croix ou ymaige du crucifix leva la teste et regarda derrier soy, comme
desplaisant de ce qu’on menoit pendre ledit jeune homme. Dont le
monde fut moult esbahy.
Loys, archevesque de Madebourg, tué en danceanl.
Aucy, oys,
archevesque de Magdeburg, en dançant en la ville de Caluen 2 avec les
dammes et damoiselles jusques à mynuyt, cheut et tresbucha à terre.
Dont ce rompit la cervelle et le col, avec une des damme qu il menoit.
1. Bourbourg (Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove, X, 253 et sqq.).
2. Kallehne, près Magdebourg, Kreis Osterburg ?
JW
LE BIENHEUREUX PIERRE DE LUXEMBOURG, ÉVÊQUE DE METZ
Aulcuns seigneur de France sus les Turcqz. - En la dessusdicte
annéê, Loys, duc de Bourbon, le conte de Harcourt et le seigneur de
la Trimoille s’en allèrent en Barbarie sur les Sarrazins. où ilz firent de
belles vaillances.
phissieur pillair aux paiis de Lymoges. - Et, en ce meisme tamps,
ce assamblairent plu sieur meschant homme Auvergnatz, Lymosins
et Poictevyns. Lesquelx corroie, déroboie et rybloient par les païs •
et estoîent contraire à Dieu, à Saincte Église et à toucte gentillesse.’
Et firent yceulx lairon plusieur chose mal faiete, que je laisse pour
abrégiés. Mais, à la fin, furent partie tués, et le rest pandus.par le duc
de Berry, qui les rencontrait en c’en allant en Avignon, car ledit duc
c en alloit veoir le pappe.
Ung Anglois décapité. — Item, aucy, tantost après, leroy de Navarre
cuydait faire empoisonner ledit duc de Berry et de Bourgongne. Et
pour ce faire, y envoiait ung Anglois, nommé Jehan, lequelle fut prins •
et, son fait cognus, fut décapité.
Pareillement, ce fut en celle meisme année que, après la mort du
devcnt dit seigneur Thiédrich de Bompart, fut elleus et ressus pour
évesque de Mets le bien heureux Pier de Lucembourg, duquelle je vous
par1erés ycy après.
[le BIENHEUREUX PIERRE DE LUXEMBOURG, SOIXANTEQUINZIÈME ÉVÊQUE DE METZ :
l383-l387]
Pier de Lucembourg, Ixxv* évesque. - Sainct Pierre de Lucembourg
fut le LXXVe évesque de Mets. Et fut receu par le chapistre de la
Grant Église d’icelle cité le jour de la Pentecouste, en l’an dessusdit
mil trois cent IIIIXX et qUaitre. Et morut celluy sainct Pior trois ans
après, en Avignon, quant le milliair courroit par mil trois cent IIII*x
et VII, comme cy après serait dit.
Le roy de Porlingal coronnês. - Et en celle année fut couronnés
roy de Portingalle Jehan de Portingalle, le jour de la Trinité, en sa
cité de Couimbre.
Pillair parmei les paiis. — Item, aucy en celluy meisme tamps,
régnoient une manière de malvais garson, que on appelloit Conporselle.
Et ce tenoient dedens les bois de la Respaille ; et avoient dedens
cestui dit boys fait une maison si forte qu’i n’estoit possible de les
prendre ; et faisoient des maulx innestimable.
Différent entre les seigneur et bourgeois pour refaire et créer les sei
gneur Trèzes l. - Item, avint que, en celle année, les bourjois de la
cité de Mets eurent aulcune altercacion de parolle enssamble pour
,
S
^es estvardeurs de la cité. L’atour des treize estvardeurs a été publié HMe,
t. IV, p. 362.
r
JACQUES BERTRAND, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1385)
93
sçavoir qui que referoit les trèses awairdeur à la Chandelleur venant.
Car il ce doutoient que les seigneurs et gens de linaige n’eussent aulcuns
discord enssamble à les faire, pour ce que aulcuns d’iceulx Trèzes
disoient qu’il les dévoient reffaire chacun en son paraige, aincy comme
il avoient fait l’année devent. Et la cause estoit pour ce qu’il disoient
que le deventdit seigneur Pier de Lucenbourg, leur évesque, estoit
devenus cardinal, et que nostre sainct perre le pappe d’Avignon
l’avoit seullement fait aministrateur et gouverneur de l’éveschiez de
Mets. Et, pour ce, requirent yceulx bourjois a Trèzes que, pour ce fait,
il en missent le conseille enssamble, affin que, quant ce viendroit à la
Chandelleur, desbat ne c’en esmeust entre eulx. Toutefïois yceulx
Trèses n’en firent rien pour celle fois.
Parquoy les bourjois deventdit c’en vinrent au seigneur Jofïroy de
Warixe, alors maistre eschevin, comme dit est, et luy dirent et priairent
que, pour ce fait, il voulcist mestre les paraiges enssamble. Et, à leur
reqùeste, fut aincy fait. Et print on de chacun paraige ung homme,
auquelles fut donnés comission et chairge qu’il dissent par leur ser
ment ce qu’il leur en sambloit ; c’est assavoir, ce ledit cardinal, qui
estoit aministrateur de l’éveschiez, referoit les trèzes éwairdeur,ou cela
ville lez referoit, ou les Trèzes qui alors estoient. Et fut crantés et jurés
de tous les paraige de tenir ferme et estauble tout ce que lez deventdit
que prins estoient en diroient. Et furent yceulx seigneur que prins
estoient pour ce fait longuement en conseille. Mais, à la fin, ne peurent
avoir acort, et n’en rapourtont rien.
Parquoy yceulx bourjoys, voient que rien n’en estoit fait, ont errier
elleus encor en chacun paraige ung homme avec lez premier. Tellement
que yceulx firent ung estatus et ung estour, que on pranroit chacun ans
deux homme en chacun paraige, et on paraige du comun trois. Les
quelles, de ces jour en avant, seroient aincy prins pour estre les trèzes
éwairdeur deventdit (qui estoit alors, comme je entant, une justice
alant après les trèzes jureis et la justice de la cité de Mets). Et aincy
fut jurez et crantés de tous lez paraige sur l’aultel on moustiet Sainct
Pier, comme l’estour que de ce en fut fait plus à plain le devise. Mais
d’icelle atour et ordonnance, il me samble que à présant 1 on n en huse
plus, et est du tout abollie.
Touteffois, le conte de Sainct Pol voulloit que on deffit cest ordon
nance pour l’amour de l’évesque Pier de Lucembourg, son frère, mais
on n’en fist rien. Et, de fait, en corrut sur lesdit de Mets et fit plusieur
dopmaige par le pais, comme cy après serait dit.
Mil iiic iiiixx el v. — L’an mil trois cent IIIIXX et V, fut maistre
eschevin de Mets, du paraige de Portemuselle, seigneur Jacques Ber
trand.
L’évesque Pier à Mets. - Et, en celle année, vint en Mets et fist
son antrée le deventdit seigneur Pier de Lucenbourg, alors évesque de
Metz et cardinal du Sainct Sciège apostolicque. Et fist ledit seigneur
à sa venue faire une procession à Sainct Vincent ; et luy fit la ville ung
94
DIFFÉRENT ENTRE LE COMTE DE SAINT-POL ET LA CITÉ DE METZ
présent de cent quartes d’avoinne, de deux gras beuf et deux cowe de
vin. Cellui sainct évesque Pier de Lucembourg fut cy saincte personne
et de cy grant humilités que, comme on dit, il fist ycelle son antrée
en la cité de Mets, de laquelle il estoit évesque, comme dit est, à neudz
pied, dessus une aisne, comme fist Nostre Seigneurs en Jhérusalem.
Puis menait vie de cy grande et austère pénitance qu’il est canonisés
et sainct en paradis.
Procès du conte de Sainct Pot contre ceulx de Mets ad cause des Trèzes.
— Item, en celle meisme année, le devent dit conte de Sainct Pol
son frère, acompaigniés de trois cent cheval et XL arbeulletriet, c’en
vinrent devent Mets. Et ce lougeairent à Ainnery, sus le seigneur
Nicolle de Heu, et y demourairent quatre jour. Lesquelles durant il
mandait a ceulx de Mets qu il volcissent defïaire les trèzes eswairdeurs
qu’on avoit fait à la Chandellour devent, corne dit est, car il empeschoient la juridiction du deventdit évesque Pier de Lucembourg,
son frère, comme il disoit. Mais on n’en fist rien. Parquoy, à celle
occasion, il esmeust une grosse guerre contre la cité, et fist plusieurs
domaige par le pays, comme cy après serait dit.
La tour quarrée qui est aux pont Rémon[t] eschevie. — Aucy, en celle
meisme année, on acomensait à faire la grosse tour quairée qui est
devent la porte du pont Reugmont, en Mets, qui fait la premier porte ;
et fut aucy ramandée la tour de ladicte porte.
La mort de Gascon i de Foix. - Item, en celle année, morut Gascon,
le filz du conte de Foix ; et fut empoisonnés, don ce fut dopmaige!
Car tout ce fut fait par le roy de Navarre, son oncle.
Victoire du roi de Porlingal contre le roi de Castille. — Pareillement,
en celle meisme année, le roy de Castille, avec une grosse armée, furent
desconfis par le roy de Portingal. Et y eust mainte bon chevallier
occis, dont ce fut dopmaige.
L esprit Orthon revenus.
Item, en ce tamps, régnoit ung malvais
esperit nommés Orthon, et faisoit de merveilleuse besogne. Et, entre
les aultre, il servit ung ans anthier le sire de Corasse, et ly apportoit
chescune nuyt novelle de tout les pays du monde.
L’Amorabaquin, turcqz, contre les Grec. - Pareillement, en ce
tamps, régnoit ung sarrazin, prince des Turc, appellés l’Amorabaquin \
qui fit guerre sy mortelle et sy grief domaiges aux crestiens qu’il
rendit l’empereur de Grèce tributaire à luy.
La mort de Loys d’Anjou. - Audit ans trespassa vers Naples Loys,
duc d’Anjou et roy de Cecille, en grande indigence et soufïreté, voulant
conquester le royaulme de Cecille. Et ses gens, tant noble que non
nobles, s en retournèrent à pied, chacun ung baston en son poing.
Les bénéfice départie. — Aussy fut pour lors conclud par le roy, à la
requeste de 1 Université de Paris, que nul or ne argent se transportas!
1. II s agit de Gaston, fils de Gaston III de Foix, dit Phœbus, qui fut jeté en prison
par son père, comme ayant voulu l’empoisonner, et qui y mourut la même année (1382).
2. Bajazet, Basach, dit l’Amourath-baquin (Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove,
XIV, 386, etc.).
JOFFROI LOHIER, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1386)
95
hors du royaulme, et que la IIIe partie des bénéfices fut mise aux
réparacions des églises, l’autre tiers à payer les charges, et l’autre pour
vivre les gens d Esglise.
Plussieur conqueste des François sur les Anglois. — Puis, en ce meisme
tamps, fut le roy Charles amonêtés des prince du royaulme de envoier
son armée en Angleterre. Et, pour ce faire, fut levés sus le royaulme
une merveilleuse et oultrageuse taille. Et, après plusieurs chose faicte,
que je lesse, messire Jehan de Vyenne, admirai de France et vaillant
chevalier, à tous LX navyère, et avec l’ayde du roy d’Escosse, antra
on dit païs d’Angleterre. Et firent en ycelluy pais partie de leur voullunté, en prenant et pillant ville et chastiaulx. Entre lesquelle il prinrent à force d’arme ung chasteau nommés Drouart i, 2lequelle estoit
réputé impernable. Puis c’en retournait chacun en son lieu.
Les Fransois aliés aux Gantois. — Et, tantost après, fut prinse des
Fransois la ville de Amien en Flandre, et toutte pillée ; et en y oit
plusieurs des tueis. Et la cause fut pour ce que les Gantoys ce antremirent de voulloir bruller les nefz fransoise qui estoient retournée
d’Angleterre à l’Écluse. Tantost après fut la paix faictes desdit Françoys et des Gantoys.
Aucy, en celluy tamps, vint en France Léon, roy d’Armenye, lequelle
ce entrémist fort de faire paix entre France et Angleterre, affin que
d’iceulx prince il eust ayde contre les Turc. Mais, pour ce que le roy
angloys ne voult venir à la raison, le roy Chairle prépara IX cent
navière à l’Écluse ; et, avec grand frais et a grant préjudice du royaulme,
ce mirent orgueilleusement dessus la mer. Et, à la fin, ne firent rien ,
et retourna chacun en son lieu.
Cy lairons de ces chose à pairler quant à présant, et retournerons a
maistre eschevin de Mets, et à plusieurs aultre besomgne quy en ce
temps avindrent.
Mil iiic iiiixx et vj. - En l’an après, courrant le milliair par mil
trois cent IIIIXX et VI, fut maistre eschevin de Mets le signeur Joffroy
"jehan Loihiers l'amant, du paraige d'Oultreaaille
Et fut en celle année que le duc de Lorrainne donnait sa fille en
ni
mariaige au seigneur de Cousy.
Deffiance de plussieur seigneur contre ceulx de Mets. - Puis, en celle
meisme année, vint devant Mets seigneur Girard de Blanquenhem,
seigneur de Chastiber. Lequelle fist deffier la ville , et a e îai pour
luy le duc de Jullet, et amenait avec luy une grosse armée. Pareille
ment deffiait le seigneur de Boullay et le conte de Nausove 2, et plusieurs autres signeurs, que tous aidoient au deventdit seigneur irar
Et ardirent grant partie du paiis de Metz.
Thionville prinze par ceulx de Mets. - Et, quant il se furent retirés,
ceulx de la cité firent leur armée ; et, par ung mairdi au matin, c en
1. En 1385 l’armée française ne prit que Damme, en Flandre occidentale,
2. Nassau.
Ô6
MORT DE CHARLES LE MAUVAIS, ROI DE NAVARRE
(1387)
attirent devent Thionville, sy ia prindrent d’assault, et l’ardirent
toucte. Et puis c’en attirent lesdit de Mets autour de Boullay, et illec
y ardont plusieurs villaige.
Grosse habundance de biens. — Or, en cette année, y oit si grant
fertilité de biens que on oit le meud de vin pour V sols, et la quarte
de bief pour XXVIII deniers. Dieu en soit louués et bénis.
Le bour de Lalnois prins par ceulx de Mets. — Item, aucy en celle
meisme année, firent encor ceulx de Mets une chevachiée le mardi
devant la îeste sainct Remy. Et fut ce fait pour aller sus le seigneur
Jehan de Lanois et sus Fairis de Lainois, son frère, lesquelle pareille
ment avoient desjay deîfiez la ville. Sy prinrent lesdit de Mets le
bour de Lanoys d’assault. Et, alors, vinrent lesdit seigneurs, c’est
assavoir le seigneur Jehan, et Ferris, son frère, deventdit, et traictèrent
de paix à ceulx de Mets. Et fut ly accord d’icelluy traictiet tel qu’il
debvoye venir en Mets tenir prison, et n’en debvoye partir cen lisance,
en jusques à tant qu’il averoye fait bonne lestre, et biens seelleez de
leur seelz,par lesquelles lettre il promestoye et juroie par leur sairment
qu’il ne pouroie ne deveroie, eulx ne aultre pour eulx, à nulz jour
à jamaix, niant penre ne demander à la ville de Mets de tous les perdre
et domaiges c’on leur avoit fait on bour de Lanoys, ne de toucte ceste
chevaulchiée, en quelque manier que ce fut ou peult estre.
Pareillement, en cette dicte année, furent faicte lez nopce du filz au
duc de Berry et de ma damme Marye de France, esquelles nopce y oit
une souverainne feste et triumphe demenée.
Le paiis de Galice conquestés. — Aucy fusse en ce meysme temps que
les Espaignolz et les Françoys reconquirent tout le païs de Calices,
en moins de quinze jour, sur le duc de Lenclastre. Lequel païs
ledit duc avoit bien mis trois ans à le conquerre. Mais il le perdist par
faulte de ce que alors il n’y avoit personne pour le garder que à
conter fut.
Mort piieuze du roy de Navarre. — Item, en celluy tamps, advint a
roy de Navarre une merveilleuse adventure. Car, ainsy comme il estoit
viez et que nature deffailloit en luy,fut ensigniés que, le couldre dedans
ung lincieulx et le arouser d’yawe de vye, cella reconforte grandement
nature. Et, aincy comme une nuyt le cousturier cousoit le roy, il brulla
son filles à la chandoille pour rompre. Duquelle il cheust dessus ce
lincieulx aulcune estincelle de feu, laquelle soudainnement ce print a
lincieulx et brulla tout. De quoy le roy en languissant morut trois jour
après. Et voulloit on dire que c’estoit punission çlivigne, pour les mal
qu’il avoit fait.
Une église fouldroiée sus [la] ripvière de Marne. — En cette mesme
année, en une ville sur la rivière de Marne cheut la fouldre et tempeste,
dont l’église fut toute arse, et la custode du corpus domini. Mais l’ostie
sacrée aemoura sur l’autel tout entière, sans quelque fraction ne
rompure.
Le roy d’Espaigne ei de Portingal de guerre ensemble. — En ce meisme
ans, le roy d’Espaigne et de Portingal eurent grosse guerre ensemble.
JEAN DE. VIC, MAITKE-ÉCHEVlN DE METS (1387)
97
Et y fut ledit d’Espaigne desconfit, moyenant l’aide du duc de Lenclastre, anglois.
Mais nous lairons de ces chose à pairler quant a présant, et retournerons au maistre eschevin de Mets, et à plusieurs aultres besoigne,
lesquelles durant ce tampts avindrent tant à Mets corne aultre part.
Mil iitc iiiixx et vij. — Puis, en l’an après, que courroit le milliair
par mil trois cent IIIIXX et VII, fut maistre eschevin de Mets, du paraige
du comung, signeur Jehan de Vy, chevalier.
Lopvenei prime, et iiiixx et x prisonniers enmenés. - Et, en celle
année, le propre jour de feste sainct Benoy, avint alors que ledeventdit
conte 'de Sainct Pol, et seigneur Jehan de Giemon *, avec plusieur
compaignon de guerre, tant aboulletrier comme aultre, vinrent de
rechief on teritoire de Mets, et se logèrent à Louveny ; et, de fait,
priment par assault et à force la forte maison signeur Thiébault de
Moelan et la forte maison le Saulvaige ; et, avec ce, priment plusieur
Bourguignon, qui dedans estoient en garnison.
Alors, plusieur compaignons qui estoient enclos en la forte maison
seigneur Nicolle Mortelz, audit lieu de Louveny, eurent grant peur.
Entre lesquelles en y avoit deux, l'ung, nommés Jehan Corbelz, et
l’autre, Philippe de Chaimenat. Lequel Phelippe, par le conseille de ses
compaignons, se partit secrètement de léans pour en dire les nouvelles
audit seigneur Nicolle ; et jurait sur sainct en la chaipelle de léans de
retourner à Louveny la nuyt ensuiant à quelque heure que ce fut.
Mais il en mentit sa foy ; car, depuis qu’il eust fait son messaige audit
seigneur Nicolle, jamaix ne voult retourner audit lieu, pour prière ne
pour menaisse qu’il luy en sceust faire. Ains luy respondit tout plaît
qu’il ne voulloit mye perde son corps ne ces biens pour gairder sa mai
son. De quoy le dit seigneur, oyant la responce, cuidait mourir de
dueil et anraigiés d’ire et de courous. Et luy voulloit donner plusieurs
compaignon pour retourner avec luy et pour gairder la plesse, mais il
n’en voult rien faire. Alors ledit seigneur Nicolle, voyant sa laichetés
et coairdise, ce en aillait complaindre et dolouser en plainne justice,
et leur dit et contait la trayson dudit Phelippe. De quoy il furent bien
ambahis. Et, aincy comme il estoient parlant de ces chose, vinrent
nouvelle certainne que ladicte fort maison de Louveny estoit prince,
et que ledit Jehan Corbel, voiant que le secourt ne venoit point, c’estoit
randus, saulve sa vie. Et adoneque fut ordonnés par le conseille que
ledit Phelippe de Chaimenat, par son desmérite, seroit banys hors de
Mets et de toucte l’éveschiés d’icelle à X lue 2 de tous sans, et dureroit
son banissement l’espaisse de LXI ans ; et, avec ce, paieroit d’amende
la somme de deux cent livrez de messins, affin que les aultre y prinsent
example. Et, incontinant que le conseille fut despertis, il fut huchiés
sur la pier et tailliés de ladicte somme ; puis furent mise bonne garde
en sa maison, affin qu’il ne c’en peult fouyr.
1. Jean, sire de Jeuraont (Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove, IX, 12, etc.).
2. Lieues.
S8
CEUX DE METZ DEVANT BOULAY (1387)
Après ce fait, quant ledit conte oit aincy gaingniés lez plesse, comme
dit est, le sire Géraird de Rézency, alors gouverneur de l’éveschiés de
Mets, à la requeBt d’aulcunes bonne gens, c’en vint devers l’abbez de
Sainct Simphorien, lequelle l’avoit mandez quérir pour traicter audit
conte de Sainct Pol, et pour veoir se on porroit trouver nulz voye que
ledit conte peult avoir acord à ceulx de Mets, parmy qu’ilz rendist
Louveny et tous les prisonnier qu’il avoit prins dedans les trois maison
devantdicte. Cy fut le traictiez tel qu’il voulloit que la ville de Mets ly
donnit XII mil frans. Et alors, pour ce fait, ce mirent le conseille et lez
paraige enssamble. Mais, quant il entandirent ceu qu’il demendoit, il
respondirent tout a court que leur intencion n’estoit point que ledit
conte eust rien de la ville de Mets. Et fut tantost celle responce mandée
audit conte de Sainct Pol. Et, incontinent qu’il en soit les nouvelle,
il fîst bouter les feu esdicte trois maisons de Louveny. Et se partist et
s’en allait vers Liney, et enmenait avec luy IIII^x et x prisonnier de
ladite Louveney.
Après ce fait et en celle meisme année fut mort en Avignon et enterré
a Célestin d’icelle cité le deventdit sainct Pier de Lucembourg, cardinal
du sainct sciège apostolicque et évesque de Mets. Lequelle, comme
dit est, estoit frère au deventdit conte de Sainct Pol. Et, à son enterre
ment et trespas, plusieurs impotens, malades, aveugles et boiteux
receurent santé.
Ceulx de Mets devenl Boullay. — Item, aucy en celle meisme année,
furent encor ceulx de Metz devant Boullay par trois fois, et y demeuront
chacune fois trois jours, et n’y firent rien que à compter faisse, néantmoins que il tirèrent plusieur piesse d'artillerie et de bombardes.
Mais, pour ce, ne firent chose qui fut de vallue. Ains prinrent lesdit de
Boullay XV lance dez soudoieur de Metz ; et, entre lez aultre, y fut
prins Bertrant de Warixe et détenus prisonnier.
Le roy de Bahaigne à Lonwey. — Pareillement, en celle meisme année,
vint à Lucembourg Wesselin, roy de Bahaigne, qui s’appelloit roy des
Romains. Et ammenait avec luy le duc de Tanxin et l’évesque de
Hombarez, et ung aultre seigneur qu’on appelloit seigneur Poitié, et
plusieurs aultre grant seigneurs. Et, quant il fut venus, ceulx de la
conté de Lucembourg firent chevaulchée sur le duc de Bar par devers
Lonwy et en plusieurs aultres lieu. Et firent du grant dopmaige,
montant à la somme de plus de XV mil florins, sy comme on dit. Et,
quant le duc de Bar le soit, il s’en alla par devers ledit Wesselin, roy des
Romains, et menait avec luy le conte de Ligny pour faire traictier qu’i
peult avoir acord*1. Et le conte de Ligny fit tant que, en peu de tamps,
le duc de Bar vint à Lucenbourg, et avec luy plusieurs gentilz hommes
de son païs ; et reprint dudit roy des Romains ses armes. Et aincy fut
faicte la paix.
a.
M : tourt.
1. Qu’il pftt avoir accord.
WENCESLAS, ROI DES ROMAINS, A METZ (138'/)
99
Ceulx de Mets vers le roy des Romains. — Aucy, en celle meisme
année heurent conseille ceulx de Metz qu’il envoyeroient par devers
ledit roy des Romains aulcuns de leurs bourgeois. Et tut alors commis
pour y aller seigneur Nicolle Françoys, seigneur Jehan le Gournaix,
seigneur Arnoul Baudoche et seigneur Jehan Guénetel. Auquelle sei
gneur deventdit fut donnés comission de pairt le conseille que, tout ce de
bien et d’honneurs qu’ilz pourroient faire pour la ville, qu’ilz le fissent.
Alors ces quattres seigneurs deventdit ce partirent de la cité et s’en
allèrent à Lucembourg pour leur comission eschevir. Et enmenèrent
avec eulx seigneur Olry de Fénestrange et le signeur Henry de Morhange pour eulx conseiller et aidier. Et firent tant yceulx seigneur que,
de tous desbat, noise et dissancion, et de tous les huttin qui estoient
entre la ville de Metz et de la duchiez de Lucembourg, il en olrent
bonne paix et accord, et en furent bonne lestre faicte et cellée.
Wesselin, roy des Romains, à Mets. - Et tellement que, après ce fait
et en celle meisme année, le dimenche après feste sainct Martin, vint
en Metz le devent dit Wesselin, roy des Romains. Et amenait avec luy
le duc de Tanxin et le seigneur Bosse et l’évesque de Hembour, et
plusieurs aultres chevaliers et escuiers ; et n’y demeura que deux jours.
Sy luy fit la ville présent de plusieur somme de denier, et encor de
plusieurs belz vaissillement d’argent, montant en la somme de IX® li
vrez Et oit son chancellier cent frans pour seeller une lettre faisant
mancion cornent sur ceulx de la ville de Mets il ne povoit ne debvoit
jamaix rien demander sur leur franchise. Et, en lieu de celle, il en oit
une de la cité que on le tenoit pour roy des Romains.
Item, aucy, durant le tamps qu’il fut en la cité, il requerrait à la
clergie qu’il voulcissent tenir pour pappe c’est assavoir Urbain, pappe
de Romme. Car, à celluy tamps, pappe Clément VIIe ce tenoit en
Avignon, et n’estoit obéy for que on royaulme de France. Et aussy
qu’il voulcissent tenir pour évesque de Mets seigneur Thiellement
Bousse U Et aincy en fut fait, jay ce que je ne trouve point, cellon le
livre des évesque, que jamais il thint l’éveschiez, car Rault de Coucy
vint après le deventdit signeur Pier de Lucembourg, quy fut le LXXy1
évesque de Mets. Lequelle fit une grande playe en ycelle éveschiés,
comme cy après serait dit, quant tamps serait.
Et, tantost après ce fait, ce partist ledit Wesselyn, roy des Romains,
de la cité, comme dit est. Ne aultre chose ne fist à ce voiaige que à
compter faisse. Parquoy je ferés fin de lui pour le présent.
Or vous veult icy desclairier cornent fut trouvé Tangent et la somme
que on donnait a devant dit roy et à ses gens. Premier, on emprunta à
Gollignon Mourez, le chaingeur de la cité, trois mil frans. Desquelles
on en donnent aux serviteurs dudit roy, tant aux messaigiers, ménestrelz et aultres, la somme de LVI frans, cen les sommes devent dictes.
1 Sur Thielemant Vousz de Batemberg, princier du chapitre de la cathédrale de
Met., voyez laChronique de Jacques d'Esch (DSHL, IV, p. 325 et n. 4). Le même est
appelé Thiellemant Voise (HMe, t. IV, p. 438).
100
OLIVIER DE CLISSON, CONNÉTABLE DE FRANCE, PRIS PAR TRAHISON
Et ledit roy donnait aux sairgent des Trèzes,pour eulxtousenssembles,
XX frant. Puis, la cité donnait encor au seigneur Olry de Fénestrange,
quant il revint de Lucembourg, pour sa painne, Vie florin, vaillant
adonc XI sols pour pièce.
Item, en celle année, fut l’yver fort pluvieulx ; car il pluvoit de trois
jour à aultre. Et y oit une merveilleuse mortallité en France, laquelle
ne durait guerre.
Anglois et Franço[is] sus la mer. — Aucy, durant ce tampts, fut encor
faictes nouvelle baitaille dessus la mer des François contre les Anglois.
En laquelle y fut prins Hugues Despancier i, capitenne anglois ; et
une grande partie de son armée y furent tués, et le rest mis en fuytte.
Paireillement, durant ce tampts, fut faicte en France une baitaille
de deux champion corps contre corps à oultrance, desquelle l’ung
s’apelloit Jaicques le Gris, et l’aultre Jehan de Carouge. Et la cause
estoit pour ce que ledit Jacques le Gris avoit voullus efforcer la femme
dudit Jehan. Parquoy le dit Jehan fut victorieulx, et tuait ledit Jaicque on champs de baitaille devent dit.
La mort du roy Piètre d’Aragon. — Et, en ce meisme tampts, trespassa
le roy Piètre d’Aragon, lequelle avoit esté ung moult vaillant homme
en son tampts, et qui fort avoit agmenté sa terre.
Pareillement a, en ce meisme tamps, y oit encor en France ung
appertise d’armes faictes d’ung seigneur françoys contre ung seigneur
angloys, c’est assavoir de trois colpt de lances, de trois copt d’espées
et de trois copt de haiches. Et firent tous deux bien leur fait, tant que
l’ung ne l’autre ne perdit.
Et fut pour ce meisme temps que le roy de Portingal espousa la
fille du duc de Lenclastre. Et y fut faicte belle triumphe, tant en
joustes comme en tonoiement 2.
* 1Et furent les nopces faictes en la cité
du Pont, et dura la feste plus de X jours.
Le conestable de France prisonier et ransonés à cent mil frans. — Puis,
pour ce temps, sur le maye 3, s’appareilloit messire Olivier du Clisson,
connestable de France, pour aller en Angleterre conquester ville et
chasteau. Mais, tantost après, fut ledit messire Olivier prins par tra
hison de Jehan de Montfort, duc de Bretaigne, en son chastiaulx de
l’Ermine. Car illec l’avoit ledit duc priés à ung banequet ; puis en
trayson le mist en prisons. Et, ce n’eust estés à la prière du sire de
Laval, quy estoit de ses parens, il le voulloit faire mourir. Mais, à la
requeste d’icelluy de Laval, il fut ransonnés à cent mil frans et les
trois milleurs villes qu’il eust, telles comme Chastelz Broth, Chastel
a. Philippe a rayé, en marge : Apertises d’armes d’ung seigneur françois contre ung
seigneur anglois.
1. Hugues le Despenser, petit-fils d’Édouard le Despenser ? (Froissart, éd. Kervyn
de Lettenhove, XIV, 236). Il est difficile d’identifier cette bataille et ce personnage,
de nombreux membres de cette famille portant le même prénom.
2. Tournoiement, tournoi.
3. Vers le mois de mai.
RAOUL DE COUCY, SOIXANTE-SEIZIÈME ÉVÊOUE DE METZ
(1388)
101
josseliD, et 1. Ville de Jogon •. Touteflois, à h fin, mal en print audit
dU?1taztCSrixTpairiÏ T^urnerés aulx évesque de Mets,
et ^plusieurs 5^
>e.,u.lles durant ce tampts avindren,
[de l’avènement DE RAOUL DE COUCY,
SOIXANTE-SEIZIÈME ÉVÊQUE DE METZ, EN I
,
A LA FOLIE DE CHARLES VI, ROI DE FRANCE, EN l392]
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ment au seigneur de Coosy de m
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ssx M sx-•saireent'Et -partirent de Meti
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^Cestuy'év^qiie’thint’péveschiez^CXVin ans^e^puysiuttranrfatey
p,r permutacion « l'^elne^e N ^ ^ de
llgnye. Celluy
beau homme gr
P
moult grant playe en l'évesch.ez de
vous le trouvamés icy ap è
P
P
Car ceUuy seig„e„r
e? ceute de Mets. - Item, loing ta“Ps aP
second jour de jullet,
SXducaUde Bar,
““S"
^ «rlettrcs
faictes, desquelle vous en oyrés la teneur quant tamps
a. Philippe a rayé, dans E : son sns^ur (successeur).
1. Froissa*!, éd. Kervyn de Lettenhove. XII, 178.
2. Il faut corriger : le vicomte de Meaux.
102
GUERRE ENTRE LE COMTE DE SAINT POL ET CEUX DE METZ
Gy lairés à pairler de luy pour le présent, et retournerés à vous dire de
plusieurs aultre aventure, lesquelles durant ce tampts avindrent.
Escarmouche entre le conte de Saind Polz et ceulx de Mets. — Item en
celle dicte année mil trois cent UIP* et VII, le XXVI* jour du moix
de maye, revint le conte de Sainct Pol devant l’abbayee de Gouxe
sus ceulx de Mets. Et envoiait en Mets le seigneur Robert de Hervillez
et plusieur aultre, pour traictiet qu’il peult avoir de l’airgent desdit
de Mets, ou autrement il assailliroit Gouxe ; comme il fist. Auquelle
essault y fut mort Jehan Burtrand le baistaird. Mais, néantmoins
toucte ces choses, on ne voult acousteiz *1 2nulz traictiez parquoy il peult
avoir argent. Et, quant il vit qu’il n’averoit point d’argent, il se deslougeait de Gouxe, et vint logiez à Waipey devant Mets, et demandait la
naitaille. Et y fut ung jour ou deux cen avoir responce. Puis se de6lougeait,. et c’en retournait errier devers Leney en Bairoy.
Puis, tantost après, Iesdit de Mets firent une chevaulchiée sus ledit
conte de Sainct Pol, et c’en allirent à Mannedor 2, on valz de Rousey,
et îllec boutairent lez feu, et l’airdirent toucte ; et encor V aultre ville
que tenoit cellui conte de Sainct Pol. Et, alors, vinrent ceulx de Rommis avec grant nombre de gens de piedz, et avec yceulx vinrent à
frapper sus les ardans de Mets. Et Iesdit de Mets leur coururent sus et
en prinrent plusieur, qu’il ramenirent prisonnier à Mets. Puis, ce fait
ce remirent en leur chemin, et, le jour de la sainct Burthemin l’apoustre’
retourmrent à Mets.
’
Deux seigneur du pays d’Angleterre décapité. - En ce meisme temps,
le roy Richart d’Angleterre fist mourir deux noble homme de son pays,
et qui estoient de son conseille. Donc ce fust dopmaige ; et furent
plains de plusieurs gens. L’ung s’appelloit sire Simon Burlé 3, et l’autre
sire Robert Trivilien 4. Et furent décapités à Wemoustier. Dieu en
ait les âmes !
Item «, en ce meisme tamps, régnoit en France et au pays antour ung
malvais pillars, lequelle se nommoit Perrot le Bernoys. Et faisoit des
maulx inestimables en destruisant ville et cité. Souverainnement la
ville de Montferrant fut toutte pillée et destruictes, en prenant prison
nier et en faisant des maulx inestimable.
Plussieur places abalue par ceulx de Mets. - Aucy, en celle année,
furent ceulx de Metz devant Haitange ; et fut prinse et abaitue. Et
pareillement furent devant Vietemberch, laquelle fut aucy airxe : et
Champillon fut abaitue.
a. Philippe a rayé, en marge : Pier le Bernoy, pillair.
1. Écouter, accepter.
2. Mondorff (Moselle, Thionville, Cattenom) dépendait jadis de Roussy-le-Bouro
s!!.?*USSd' e'-VÙ ?£e)’ '?“*•’ id-' *a-’ transcrit Rousey par Philippe ; Rommis est sans
doute Remich (Grand-Duché de Luxembourg). — Maindor pourrait, pour la forme.
Mensdorff (Grand-Duché de Luxembourg, canton de Grevenmecher,
commune de Betzdorf) et Manderen (Moselle, Thionville, Sierck).
3. Simon Burleigh (Froissast, éd. Kervyn de Lettenhove, XII, 248 et saq.).
*• Robert Trevelyan (id., ibid., XII, 266 et sqq.).
NICOLE BAUDOCHE, HA1TBE-ÉCBEVIN DE METZ (1388)
«»
££££:£ ssiî5*îi— *—•-
Pt’fabdfÆ"rpX'et retournerons » mais»,
eschevin de Mets.
Mil iii' Ui&éloiij. -^
"Nicoll^Baudoche^, fil*
maistre eschevin de la
^ Martin. Et luy
seigneur Baudouum Bau o ,
mairdi de Pasques. Le premier
^ Gournaix, l’autre du seigneur
eschurent trois eschevmaiges e g
fut l’eschevinaige du seigneu
q
Nenmery Baudoche.
Geoffroy de Warixe, le ttaer lut in «8^
chevallie, Et) ,e
^.^XSt^^vinaige de seigneur Geoffroy de
Warixe a seigneur Nmolle Franç°y.
__
celle année, fut
te sciège devant la ville de Grave. 61—^ M,tMeu de Finetable - de France, pnnt Samct Maslo et
Poterne *, et y mist de ces gens en g
* e au duc de Lenclastre
L’an dessus dit, le duc de Berry e
y
dudit duc
pour traicter le mariaige de luy, qu estoivesve,
de Lenclastre. Mais en la fin 1 n esp° exploictés envers le duc de BrePuis, en celle dicte année, ui
mmAg furent errier rendu audit
taigne que les trois chasteau dessus nommés furent^
signeur Ollivier du
j*^n de Castille, qui avoit estés de
JL'ZTZLtl: «si demander ycelle fille dudit duc pour son
Al* Henry, léquelz 2* en
1 la
'pareillement, fut en celle
L’entrée du * duc de Brelai g
de gretaigne antrairent a
année que le roy Loys de Ceci e
jj du roy et de tous les
Paris. Et illec leur fut fait ung beaux recueil du y
princes et signeurs quy avec le roy es°K' ' _ Et en ceuUy tamps,
on» roy ^
^ Manne, laquelle »
la royne de France enfïanta
’
,
. dévot, ayant à son
vesquit gnerre. Et alor. vint ung bem.tte bon et
^
bras dextre une croix rouge, leque 1
faisoit cheoir les aides et
que Dieu luy avoit révélé que, se le dit roy ne faisoit
a. B : chevalH.r et conestable. Et «e * «« ’-ain d* Philippe
b. M : duo.
. _
1. Saint Matthieu ou Saint-Mahé de Fine-Terre,
tère, Brest.
2. Laquelle.
de Plougenvelin, Finis-
104
BURTHE PAPPEMIATTE, MAITRE-ÉCKEVIN DE METZ (1389)
Dief^nnn1 C°fU7nent en SOn r0yaulme’ <ïu’y ïuy mescherroit, et que
Dieu le pumroit tellement qu’il n’auroit lignée quy peust vivre Et
ja soit ce que ledit roy, par l’amonestement dudit hermitte eust
T •
* ?*}««* “WJ» «heoir, touteffois il n'enlst riem
parlomort ides ducs de Berry et de Bomgongne, ses oncles.
Les bourjots de Pans remys en leurs premier estât. - Item aucv en
S=rée; Ie Ry r7iSt IeS b0UrjOyS de Eaids en leur premier
de U «Ï n , ”
. Ie PréV0St des mercha“I» et des esehevins
~ ’q
, eur av0lt heu ostés, comme cy devent est dit. Et fut
Tpa^emtfdT d°nnée 4 Ung b°n b°Ur^s et -tauble signeur
en parlement de Pans, nommés maistre Jehan Juvenel Lecruelle
’Sedlrtre RObert GaUgUin’ eSt0it saillis de
Et dit mi' .
0826 ,0U maiS°n deS Ursins' et de la
mai
de Neaple.
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Mets et amTnPerret ’
ff neaPolitain- fut évesque de la cité de
Juvenel
pEt’ depuis’ Iedit maistre ^han
leur previkiee Ft \
flSt plussieurs blens a Parisiens touchant
la foy
g Et’ 4 3 fm’ m°rUt deSSUS leS Turc en c°mbatant pour
Z21 7
France rff
tampS’ Ie,S,Eennevoys envoyèrent leur ambassade en
France requérir au roy qu’il luy pleust à leur donner ayde contre lesdit
tl"s ÎVvllf
de TUniS- Et 9inSSy en fut fait i eurent les Tà leur an^ t ; aVectcomposiclon tel qu’il la demendoie, et treuve 3
armées en Fra^311'
^ PuiS C’en ^urnairent les
plussieur au)trranCe ^ Yi°lie' ~ Item’ aussy en ce meisme tamps,
Car Gaïvas î ÎTn “ eSmeUrent’f ant en France comme en Ytallie.
avde v f„t ’l C df W’ men0lt malle guerre aus Florantin. Et à leur
oÏsa W
J C arl6S d’Armi^nac i laquelle, avec grosse armée,
rivière du pTvl
VÜle d’AIlixaad™, scituée dessus la
nviere du Pol. Et y morut le dit conte.
a"ltre «Ta"cle aventure advindrent durant ce tamps, lesCa et'., f
r\" ^ E‘ tvtdnrnerés a maistre eschevik de
Mets, et aulx aultre besomgne qui avinrent en l’an aprez.
trois cent inJW TV~r V 1 ^ aprèS’ qU° courroit le milliaire par mil
i
p“n
111. et IX> fut maistre eschevinde Mets le seigneur Burthe
Pappemiatte, du paraige de Jeurue.
de Raf^ ^la r°UT t6 Fr<lnCe à PariS' ~ Et> en ceIIe année. Ysabeau
aviere, royne de France, fist son antrée à Paris. De laquel dirons
une mommene « digne de mémoire. C’est assavoir que le pont des
bleu ffl’ Par,°“lad:cte ™yne Passa. estoit tout tendu d’ung taffetas
fleur de lix d or. Avec ce, avoit ung homme assez léger, habillé
« i fcïÆjjsar
nam • **
1. Conseil, suggestion.
2. Dans E, une main récente a corrigé frère.
o. i reve.
*s*
»pa”.
LE ROI DE FRANCE CHARLES VI A AVIGNON
105
en guise d’ung ange, lequelle par engins sedévailla des tours de Nostre
Damme à l’endroit dudit pont, et y entra par une fente de ladicte
couverture, à l’eur que ladicte royne y passoit, et luy mist une belle
couronne sur la teste. Et puis, par habillemens *1 2et engins à ce propres,
fut ledit homme sy subtillement retiré par ladicte fente qu’il sembloit
qu’il s’en allast de soy mesmes au ciel.
Le roy visite le pape Clément, - En cest an, Charles Vie, roy de France,
alla visiter le pape Clément en Avignon, où il fut moult honnorablement
receu.
Item, le conte de Fois fist et ordonna le roy de France son héritier en
ladicte conté. Car il n’avoit eu que ung filz, auquel il avoit fait coupper
le col, pour ce que, à la requeste et ennort 2 du traystre roy de Navarre,
il avoit voulu empoisonner son dit perre, conte de Fois.
Grant vent. — Pareillement, en celle dite année, la vigille de Noël,
il fit sy grant et impétueulx vent que ce fut grant merveille ; ne n’avoit
on mémoire que depuis cent ans devent eust fait le pareille vant. Et
trouveré le milliaire par ces vers qui sont cy après escript, comme
aulcuns bon faicteur, durant ce tamps, lez y ont mys et escript :
Prenés .i. culx, et par IX fois musés dedens,
Ostés .i. V, et vous sçavrés quant à Noé fit le grant vent 3.
Verton prinse par trahison. — Aucy, l’an dessus dit et à la mesme
nuytée du grant vent, fut par le sire de Ligny prinse la ville de Verton
par traïson. Et, la manier cornent, fut parce qu’il assura les meilleurs
de la ville pour aller parler au roy d’Allemaigne. Mais, quant il furent
hors de ladite ville, il les fit prendre et les fist errier mener devant
ycelle ; et fist semblant qu’il leur voulloit faire copper la teste. Et, quant
ceulx quy estoient demourés en la ville virent cella, il luy ouvront les
portes, car il olrent plus chier perde le tout que veoir ainsy tuer leurs
amys. Et fut ce fait ladicte vigille de Noé, quant le grant van fut,
comme cy devent est dit.
.
En celle meisme dicte année, y avoit grant division en 1 Eglise, car
on faisoit pappe sur pappe, par la force des parties contraires qu on
tenoit.
Fait d’armes de v François contre v Anglois. — Item, aucy en celle
année, furent V Anglois et V François qui firent fait d’armes devant
le duc de Lenclastre ; et firent tous bien leur debvoir.
Pareillement, l’an dessus dit, s’apresta la duchesse de Lenclastre
pour mener sa fille en Castille, que le filz du roy debvoit espouzés,
comme cy devent est dit.
Et, aucy le dit ans, le duc de Berry cy devent nommés fist demander
en mariaige la fille du conte de Boullongne ; laquelle luy fut ottroyée.
a. M : aulcunes.
1. Habillement, machine.
2. Enort, suggestion, instigation.
.
.
3. M“» Marthe Marot, dans la préface de son édition de la Chronique dite du doyen
de Saint Thiébaut de Metz ou Histoire de Metz véritable (1231-1445), explique ainsi ce
chrohogramme : CVLX = 155 X 9 = 1395 — 5 — 1390,
106
MORT DU PAPE URBAIN VI
(1389)
Pareillement, en celle dite année, fut confermeez et establiez une
tresves par mer et par terre, à durer trois ans, en acomensant en l’an cy
devent nommés.
Les granl jouste, durant xxx jour suyvant, par trois chevalier. — Puys,
tantost après, en ce meisme tamps, furent emprinses et acomancée les
joustes de Sainct Inquelvert *1 2per trois chevallier, dont le premier
s’appelloit messire Régnault de Roye, le second messire Bouciquault
le jonne, et le thier le sire de Sainct Py. Et dévoient ycelle jouste durer
l’espaisse de XXX jours, à tous chevalier et escuier passant, et dévoient
estre de V pointes de glaives et de V de rocquet 2. Et fut cest joustes
faicte durant les XXX jours, tant que tous trois y olrent grant hon
neur.
Gaigière faicte du roi de France contre le duc de Tourainne. — Pareille
ment, en ce meisme temps, fut faicte une gaigière entre le roy de
France et le duc de Tourainne, c’est assavoir lequelz de eulx d’eulx
seroit plus tost venu dès Montpellier jusques à Paris. Et valloit la
gaigière cinq mil frans. Et n’y debvoit avoir que eulx deulx, avec
chescun ung escuier. Touteffois, quoy que le roy fut bien monté, et
avec ce qu’il fist bon debvoir, cy guaignait le duc de Tourainne. Car le
roy mist quaitre jour et demey à venir ; et le duc n’y mist que quaitre
jour et ung tiers, et aincy gaingnait.
La mort de pape Urbain; Boniface esleu pape. — En ce meisme
temps trespaissait pappe Urbain VIe. Et fut esleu de ceulx de Romme
pappe Boniface.
Or advint que en celle saison s’ordonnèrent et firent alliance enssamble les François et lez Anglois, avec les Génevois, pour aller asségier la
forte ville d’Afïricques 3. En laquelle, pour conclusion, il ne firent rien,
et y olrent plus de dopmaige que de prouffit.
Et « fist en celle dicte année sy grant froidure de gellée, environ trois
sepmainne ou ung moix après la sainct Remey, que l’on n’avoit de
long temps veu faire la pareille. Et tellement que les vignerons disoient
que desjay le mairien des vigne estoit tout engellez, et que les rexin que
debvoye venir estoient tous noirs et le mairien tout sèche. De quoy
plussieur gens trapoie 4 leur vigne. Dont il avint que, le mécredi après
la Pantecouste ensuiant, il gellait tellement du matin que toutte les
vigne furent errier engellée entour de Mets et par tout le pays.
Cy vous lairés de ces chose à parler, et retournerés au maistre esche vin.
et. Philippe a rayé, en marge : les vigne engellée.
1. Saint-Inglevert, près de Marquise, Pas-de-Calais, Boulogne-sur-Mer.
Un poème consacré à ce tournoi a été publié dans Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove, XIV, 407 et sqq. — Le troisième chevalier s’y appelle Sempi.
2. Lance courtoise. Le rocket était exactement le tampon qui était fixé à l’extrémité
de la lance courtoise.
3. Afrique désigne ici, comme dans Froissart, la ville de Mehedia (éd. Kervyn de
Lettenhove, XIV, 152, et XXIV, 5).
4. Du verbe traper, qui se trouve encore dans ZiliQZOH, Dictionnaire des patois
romans de la Moselle, sous la forme trèper : couper la vigne au pied pour avoir de
nouvelles pousses.
NICOLE GRONGNAT L’AINÉ, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1391)
107
Mil Uic et iliixx et dix; mortalité en Mets. — Tantost après, courrant
le milliaire par mil trois cent IIIIXX et X, fut maistre eschevin de Metz
le sire Nicolle le Gournaix. Et y oit en celle année moult grant mortalité
en ycelle cité de Metz et par tout le pays entour.
Jouste royaile publiée. — Aucy, en celle année, fut publiés une feste
et une joustes royalle de part le roy Richart d’Angleterre. Et fut ce
fait en la ville de Londre, durant le temps que les crestiens estoient au
sciège devant la forte ville d’Afïricque, comme cy devent est dit.
La mort du roy Hanrei de Castille. — Item, en celle dicte année,
mourut le deventdit Jehan, roy de Castille. Et fut coronnés roy Henry,
son filz.
Le jonne conte d’Arminac tués. — Puis, tantost après, en ladicte
année, le jonne conte Jehan d’Arminac mist sur une grosse armée
pour aller en Lombardie asségier la ville d’Allixandrie. Mais yl y morut,
et furent ces gens déconfit ; dont ce fut dopmaiges.
Victoire des chrestiens contre les Turcqz. — Pareillement, en ce temps,
le duc de Bourbon, les contes d’Eu, de Harcourt, l’admirai de Vienne
et plusieurs aultres François allèrent sur les Turcs pour aider aux
Génevoys ; et eurent belle victoire contre iceulx mescréans près de la
ville de Thunes i. Il y avoit deux causes pourquoy il y allèrent : l’une,
pour soustenir la foy de christienté ; l’autre, affin qu’il fussent hors de
la court du roy, en laquelle on faisoit beaucopt de choses qui n’estoient
pas bonnes. Et aussy ilz veoient de grandes sédicions et envies qui ce
commençoient à mouvoir touchant le gouvernement du royaulme.
Pugnition des meseaulx qui voulloient empoisonner les eawe. — Item,
fut justice faicte des meseaulx qui vouloient empoisonner les eaues.
Homme fouldroié par tempeste. — En ce temps, entre Sainct Germain
en Laye et Poissy, cheut aussy orrible tonnerre et tempeste que jamais
on vit. De laquelle furent quaitre hommes foudroiez et mors, arbres
arrachés, cheminées, maisons et clochiers abatus. Le comun bruit estoit
que à cest heure le conseil estoit assamblé pour lever une grosse taille
sur le peuple. Et, pour ce, à la requeste de la bonne royne, ladicte
entreprinse de taille ne sortist point son effect.
La mort de Jehan, roy d'Espaingne. — Item, Jehan, roy d’Espaigne,
allant és champs chasser, courut après ung lièvre et cheut de son cheval,
dont se rompit le colz piteusement ; et aincy morut.
Cy nous tairons de ces diverse advenue pour le présant, et retourne
rons a maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoingne.
Mil Uic UH** et xj. - Puis, en l’an après, quant le milliair courroit
par mil trois cent IIIIXX et XI, fut maistre eschevin de Metz signeur
Nicol Grongnat l’annés, qui fut perre a seigneur Nicolle Groingnat le
jonne. Lequel fuit de son tamps le milleur jousteur et le plus essurés
que on sceust trouver en nul pays, comme icy aprez serait dit, quant
tamps vanrait d’en pairler.
1. Tunis. Sur cette expédition, voyez Froiisabt, éd. Kervyn de Lettenhove, XIII,
151 et sqtf.
108
FOLIE DE CHARLES VI, ROI DE FRANCE (1392)
La mort de Loys de Chastillon. — Et, en celle meisme année, mourut
le jonne conte Loys de Chastillon, filz du conte Guy de Blois ; dont ce
fut dopmaige, car il estoit doulx et courtois.
Le conte de Foix mort subitement. — Et, pareillement, en celle dicte
année, avint une aventure essés estrange a conte de Foix. Car, comme
il estoit revenu de la chasse et qu’il voulloit disner, l’on luy aportait l’eau
pour laver ses mains. Mais, tout ainssy tost que l’yawe luy vint à
cheoir sur les mains, soubdainnement il cheust mort pasmés, ne jamais
on ne le poult rescoure. Dont ce fut dopmaige, car il avoit estés en son
tamps leaulx et courtois chevallier ; et fut fort plourés de tout le peuple.
La duchiés de Tourainne chaingée contre celle d’Orléans. — En cest
meisme année fut fait ung enchainge entre le roy de France et son
frère, le duc de Tourainne. Et tellement que le duc chaingea a au roy sa
duchiez de Tourainne contre celle d’Orléans.
Le roy frénaticquez. — Puis, tantost après, en la meisme année, cheut
le roy de France en une terrible mallaidie, c’on dit frénaisie ; et n’y
avoit médecin quy l’en poult * guérir. Et fut dit que la damme d’Or
léans l’avoit ensorcenez, aflîn qu’elle parvenist à la couronne ; car on
disoit qu’elle usoit de telle art. Et luy durait celle mallaidie essés
longuement, comme cy après serait dit.
Plussieur qui servoie[nt] le roy déchassés de court. — Aucy, en ce
temps durant que le roy estoit mallaide, le duc de Berry et le duc de
Bourgogne, oncle du roy, firent par envie déchassier du royaulme c’est
assavoir tous ceulx qu’i peulrent c sçavoir quy gouvernoient le roy du
temps qu’il estoit en santez, ou du moin lez firent prandre et empri
sonner : tel comme messire Olivier du Clisson, connestauble de France,
Jehan de la Rivière, et sire Jehan le Mercier, et plusieur aultre. Et y en
remirent des autres, toucte à leur vouluntés et plaisir, comme cy après
serait dit.
Les tresves ralongée entre François et Anglois. — Et, tantost après
ledit ans, furent ralongiez les tresves pour plusieur année entre lesdit
roy de France et d’Angleterre.
Pareillement, en celle dicte année, le devent dit roy Charles VIe
donna la duché d’Orléans en appennage à son frère Loys. Car ladicte
duchié estoit venue et retournée à la couronne après la mort de Pbelippe, duc d’Orléans.
a. M : chainga.
b. E : puist.
c. E : polrent.
109
JEAN RENGUILLON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1392)
[de LA FOLIE DE CHARLES VI, ROI DE FRANCE, EN l392,
A LA DÉPOSITION
DE RICHARD II D'ANGLETERRE,
EN
l3g9]
Mil iiic üiixx et xij. — Item, l’an après, mil trois cent IIIIxx et XII,
fut maistre eschevin de Mets le sire Jehan Renguillon.
Le duc de Breiaingne errier en malle grâce du rog. — Et, en celle année,
avint que le deventdit duc de Bretaigne, lequelle alors estoit désobéis
sant de la santance du pairlement de Paris en l’encontre dudit signeur
de Clysson, alors encor connestauble de France, fut errier en malle
«raice. Parquoy le roy, après plusieur allée et venuee, que je lesse,
fut délibérés de le aller assaillir. Et, avent que l’an passait, fist son
armée, contre la voulluntés de la plus pairt des signeur du royaulme.
Le roy grandement altéré. - Et, ainssy comme il vint en Bretaigne,
une fièvre le print, de laquelle il fut moult altéré. Et antrait encor plus
en franasie qu’il n’estoit devent, tellement que, par des fois, il ne disoit
parolle qui ce entretenit. Parquoy ne donnait nul responce au messagier
à lui envoiez de part ledit duc. Ains, à peu de gens, antra en ung champs
auprès du Mayne, auquelle il rancontra ung pouvre homme abilliés
comme ung médecins, lequelle a roy ait dit : « O roy ! » dit-il, « où
va tu ? Garde toy de marcher oultre, car tu es trahy. et tes domesticqs
te doyvent livrer en la puissance de ton ennemy. » De ces parolles fut
Charles moult espoventé. Et, à cest heure, deux jonne paige suyvoient
ledit roy, dont l’ung pourtoit une lance et l’autre le heaulme. Or advint
que celluy qui pourtoit la lance, et que par adventure sommeilloit, la
lessa tomber dessus la sallade de celluy qui marchoit devent luy, et
menait grant bruit. Duquelle tintement le roy, quy alors pansoit a
parolle que le pouvre homme luy avoit dit, fut cy apoventé que subi
tement trébucha en fureur. Et, comme c’il fut desjay entre ces annemys, tira son espée, et frappoit tous ceulx qu’il rancontroit, et en occit
quaitre. Parquoy dès « incontinant fut empoignés, et fut mené en l’hostellerie, en laquelle longuement demoura couché, comme mort. Et
jugeoie les médecins qu’il estoit trespassés. Touteffois, il revint ung
peu à luy, et tantost retourna à Paris.
Le duc de Berri et de Bourgongne prengne V aministralion du royaulme.
- Alors ces oncle, lez duc de Berry et Bourgongne, voyant qu’il n’estoit
pas en bons entendement, priment l’administracion du royaulme. Et,
incontinent, le duc de Bourgogne desmit plusieur des principal officier,
telz comme ledit seigneur de Clisson, connestauble, et d aultre plu
sieur ; et en y remist à sa voullunté, comme cy devent est estés dit.
Fortune advenue d aulcuns jentilhomme estant morisques. - Or,
escoutés une adventure qui avint et une chose essés estrainge. Durant
ces jours, et que le roy estoit quelque peu revenu à luy, l’on pensoit
a. Dès est rayé dans M.
110
WIRIAÎ BOUCHETTE, MAITRE-ÉCHEVIN DE MEÎZ (1393)
tousjours quelque chose de joieulx pour luy oster de tristesse et mélan
colie. Gy avint que aulcuns noble homme de la maison du roy, tout
filz de duc ou de conte, jusques a nombre de cincq, entre lesquelz fut
Charles luy mesmes, firent faire des robbes de très délié lin couvert de
poil, lesquelles furent collées sur leur peau nue avec de la poix rasine
naellée de quelque gresse, pour les faire mieulx reluire. Et estoient
cy bien fait qu’il représantoient assés bien l’espèce d’hommes saulvaige. Car, de tout le corps, rien ne leur apparoissoit que la face •
et estoient couvert de poil de tout coustez. Et alors, ainsy acoustrés'
c’en allirent en une maison que appartenoit à la royne Blanche aux
faulx bourgs Sainct Marciau, car illec ce faisoient les nopce d’ung
jonne escuier de la court qui pernoit une damoiselle de la royne. Et
avec torches et flambeaulx, pour ce qu’il estoit nuyct, antrèrent léans
tout en danssant. Et, ainsy comme il dansoient, vous oyrés la fortune
qui avint, et ne scet on ce se fut par trayson ou comment. Mais il
tomba aulcune flambe de feu dessus le vestemens de l’ung d’iceulx
morisqueurs, parquoy incontinant ce print et alumait son abit. Et
amcy comme il ce cuydoient secourir l’ung l’aultre, le feu ce print à là
gresse et aux estoppes, de telle sorte qu’il furent tout emflambé de
feu, lesquelles merveilleusement les tormenta. Illec, entre les noble
femmes quy resgardoient la feste, en y avoit une, et dit on que c’estoit
la duchesse de Berry, laquelle soudainnement print ung très large
manteau dont elle estoit vestue, et d’icelluy affublait le roy en l’ambrassant, et son feu estaingnit. Et tous les aultres furent bruslez;
et, de la destresse, aulcuns furent quy ce jectèrent dedans le puys, et
d’aultre en la rivier. Et ne fut jamaix trouvés ne sceu par la coulpe de
quy estoit sy grant crime advenus. Et, en vengeance de ce, fut a commendement du roy ladicte maison la royne abatue et rasée à fleur
de terre.
Phelippe d’Artois alliés à ma dame de Berry et fait coneslable. — Et,
en cest meieme année, fut traictez le mariaige de messire Phelippeà
d Arthois et de ma damme Marye de Berry. Et fut le dit messire Phelippe fait connestable en lieu de messire Olivier du Clisson.
Partie de la duchés de Lucembour conquestée. — Item, aucy en cest
tamps, le conte de Sainct Pol conquesta sur le roy de Boesme la greigneur part de la duché de Luxembourg, à cause de certains denier
que le perre dudit conte avoit prestez audit roy de Boesme.
Sy ne saiche aultre chose estre advenue en celle année que à compter
faisse. Parquoy de ces choses je me tairés pour le présent, et retournerés au maistre eschevin de Mets, et à plusieur aultres besoingne,
lesquelle durant son année advindrent.
Mil iiie iiiixx d */,-/. _ Après ces choses ainssy advenue, et que le
milhaii courroit par mil trois cent IIII**et XIII, fut maistre eschevin
de Mets le sire Wyriat Bouchette.
Le roy d’Arménie enterrés aux Célestiens de Paris. — Et, en celluy
tamps, le roy d’Arménie, qui jà assez longuement avoit estez'en France,
JACQUES DÈ LAITRE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1394)
1Ü
homme de bonne vie et honneste, ala de vie à trespas. Et fut mis en
sépulture aux Célestins de Paris, vestu de vestemens tous blans.
Le conestable sur les Türcqz. — En ce tamps, le conte d Eu, connestauble de France, s’en alla sur les Turcz, à la requeste du roy de Hon
grie Et mist avant son retour le roy de Boesme en subjection, qui ce
sentoit mal de la foy catholicquez.
Aucy “, en celle meisme année, vint à Paris le cardinal de la Lune
pour faire cesser le scisme de l’Esglise. Et eust grandes parolles avecques ceulx de l’Université touchant leurs privilèges. En laquelle Uni
versité estoit pour lors maistre Pierre de Alliaco, maistre en théologie
et aulmônier du roy de France, et maistre Gilles des Champs, docteur
en théologie, qui fut ung des principal pour faire ladicte union.
Les Juifz de Paris condempnés à xviij mil escus. — Aussy, les Juifz
de Paris, accusez de plusieurs cas, furent condampnez à XVIII mil
escus d’or. Lesquelz furent emploiez à faire le Petit Pont à Paris.
Plussieur comys d’Angleterre en France et de France en Angleterre
pour traiter paix. - Aucy, en ce meisme tamps, plusieurs aultres
advenue digne de mémoire advindre en France, que pour abrégiés je
lesse Entre lesquelles je veult icy dire comment plusieurs ambaixadeur furent envoiés de France en Angleterre et de Angleterre en France
pour traicter la paix. Et ne firent rien pour celle fois, forcque quaitre
ans de trêves que furent mise entre les partie.
Le jeux de l’arc el arbalesle ordonnés en France. — Durant lesquelle le
roy, doutant la guerre à avenir, et affîn que les gens d’armes ne devinsent paresseus, il fist cesser tous jeu, fore que le jeu de l’aircque et de
l’arbalestre. Et, par ainsy, en peu de tamps, ce trouva en France grant
nombre de bons archiés et de bons arballestriés.
Mais de ces choses nous tairons quant à présent, et retournerons au
maistre eschevin de Mets.
Mil iiP iiiixx et xiiij. — L’an après, que courroit le milhaire par mil
trois cent IIIIXX et XIIII, fut maistre escheving d’icelle cité de Mets
le signeur Jacques de Laitre.
Bénédic xiije, pape. - Et, en celle année, trespassa le pappe Inno
cent, VIIe de ce nom. Après lequel fut esleu Pierre, c’on disoit le car
dinal de la Lune, qu’il nommèrent Bénédic XIIIe. Aucy, en ce temps, le
fut Conrard Langloys. Et y oit alors scisme en l’Eglise.
Les trêves confermés d xxx ans. — Durant les trêves de France et
d’Angleterre furent errier envoyés les ambassadeur d’une part et
d’aultre. Et tellement que, parmy certainne ville que le roy anglois
tenoit en Normendie, qu’il randit a roy de France, il confermairent les
trêves de XXX ans.
Et, en celle meisme année, morut la royne Anne d Angleterre,
femme au roy Richard et fille au roy de Boesme, empereur d Allemaigne.
«.
Philippe a rayé, en marge ; le cardinal de la Lune à Paria.
412
NICOLE DE MITRY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1395)
Richairt d’Angleterre sus les Irlandois. — Et, pareillement, en celle
dite année, ledit roy Richard d’Angleterre fist une grosse conqueste
contre les Yrlandois, et mist en son obéissance quaitre roys d’icelluy
pais, lesquelles par avant n’y estoient point.
Et fut en celle meisme année envoiée une ambaissade de part le roys
d’Angleterre au roy de France pour traicter le mariaige dudit d’An
gleterre et de la fille dudit roy de France. Et fut tant la chose demenée,
car longuement fut poursuyte, que à la fin elle luy fut octroieez, comme
icy après serait dit.
Or, en celluy meisme tamps, avint ung grant cas «. Car le roy de
Honguerye fut assaillis des Sarrasins, et tellement qu’yl envoiait son
ambaissade par devers le roy de France pour avoir secours contre le
souldan Basant, dict l’Amorabaquin, lequelle le venoit assaillir. Et
avoit ledit souldan promis de faire menger son cheval de l’avoinne sus
l’autel Sainct Pierre de Romme. Et avoit intencion de destruire toucte
crestienté, et d’estre prince de tout le monde, comme le roy Allixandre
avoit estés. Adoncquez, à la requeste du roy de Hongrie, le roy de
France mist sus une grosse armée. Et en fut chief le cousin germain
dudit roy, c’est assavoir Jehan de Bourgongne, duc de Navers, filz au
duc de Bourgongne. Et avoit en sa compaignie le connestauble de
France, Phelippe d’Arthois, le sire de Coucy, Jehan de Vienne, Guillame et Guy de la Trimoille, et piusieur aultres, tant qu’il estoient
cent mil hommes, tout gens de fait, sans ceulx du reaulme de Hongrie,
qui estoient bien aultant. Et marchirent tellement et firent tant par
leur journée qu’il parvindrent jusques audit lieu de Turquie, là où la
grosse bataille et cruelle tuerie fut faicte, comme cy après serait dit.
Mil iiic et iiiixx et xv. — En l’an après, mil trois cent IIIIXX et XV,
fut maistre eschevin de Mets seigneur Nicolle de Metry.
Les grant feu en l’abahie Sainct Vincent. — Et, en celle année, fut en
ladicte cité le grant feu à l’abbaiee de Sainct Vincent en l’isle de Mouzelle. Et fut celluy feu cy grand que les trois clochiers d’icelle église
furent ars, et touctes les cloches fondues. Et fuit en la grant sepmainne
de Pasques que cest fortune avint.
Le conte de Sainct Pol aux paiis de Mets. — Aucy, en celle meisme
année, revint en la terre de Mets le deventdit conte de Sainct Pol, et
boutit le feu en plusieurs bledz par Devent les Pontz. Et avoit avec
luy grand compaignie, entre lesquelle estoient plusieurs seigneurs de
France du sang reaul. Et fut ce fait en passant qu’il s’en alloient,
cuydans gaigner la duchié de Lucenbourg. Mais, le grant jeudy, à heure
de minuyt, furent lesdit reschassiés par lez Allemans à leur grant
deshonneur et dompmaige (jay ce que la Mere des Istoire met qu’il
gaingnait la plus grant partie d’icelle duchiés).
Paix faicte entre le roy de France et celluy d’Angleterre. — Or, avint
que, durant ce tamps et que ces choses se faisoient et piusieur aultre,
a. Philippe a ajouté de ta main, dans E : des Sarrasins.
TRÊVE ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE (1396)
113
fut envoiez par miraicle de la vierge Marie, des partie de Surie, ung
sainct hermitte, qui s’appelloit Robert jusques en France et Angle
terre, pour traicter la paix contre les deux roy. Car la guerre avoit trop
durés. Et fut celle paix faicte en la manière qui s’ensuyt. C’est assavoir
que, après plusieurs allées et venues des ambaixade d’Angleterie,
comme cy devent ait estés dit, fut mariées Ysabel, aagée de sept ans,
qui estoit fille a roy Charles de France, et fut donnée audit roy d’An
gleterre. Et par ainssy furent bons amys, et olrent paix enssamble.
Groz vent et grant gresle. — Mais, ainsy comme les parties estoient
près d’une ville nommée Ardre, sur lez marche de France et d’Angle
terre, il advint le plus merveilleux tamps de pluye, de grelle et de
tonnoire, quaitre heure durans, que jamaix on vit. Et tellement que
celluy tamps rompit cent et quaitre corde de la tentte du roy de France,
et rompit le merrien soustenant le tabernacle d’icelle. Et aussy en
rompit plusieurs de celle du roy d’Angleterre.
Plussieurs signes ouys et advenus. — Pareillement, en celle année,
avint plusieurs aultre merveille et plusieurs signe en diverse lieu parmy
le monde. Entre lesquelles, és marches de Guienne, furent ouiees voix
et sons comme froissement de harnois et de gens qui ce combatoient
en l’airre. Dont le peuple eut moult grant fraieur, et non sans cause.
Aucy, en celle meisme année, furent encor veheu aultre signe. Car,
au pays de Languedoc, fut veue au ciel une grosse estoille, et V petites,
lesquelles, comme il sembloit, vouloient combatre la grosse ; et la
suivirent bien par l’espaice d’une heure. Avec ce furent ouyees au ciel
voix par manière de cris. Après ce, fut veu ung homme quy sambloit
estre de cuivre tenant une lance en sa main et gectant feu, près de la
grande estoille en la frappant. Mais, après, n’en fut plus riens veu.
Cent mil Turcqz occis des Hungres. — Et, pour ce que les merveilles
dessusdictes advindrent devant la baitaille de Hongrie, on disoit que
c’estoit signifiance d’ycelle. Dont les Hongres eurent la victoire sur les
Sarrasins, desquelz furent audit ans mis à mort environ cent mil.
Mais, depuis, retournait la fortune sur les crestiens, comme icy après
serait dit.
Plussieur ville en la duchiés de Millan réduicte aux roy. — En ceste
meisme année, le mareschal de France Bouciquault, aiant le gouverne
ment de Gennes, mist en l’obéissance du roy de France les citez et villes
de Plaisance, Pavye, Millan, et plusieurs aultres.
Aucy, par le traictiet de celle paix deventdictes de France et d’An
gleterre, les forteresses de Chierebourc en Normandie et de Brest en
Bretaigne, que tenoient les Anglois, furent restituées et rendues au
roy de France.
Paix entre le duc de Bretaingne et messire Olivier du Clisson. — Et, en
ce meisme tamps, fut faictes la paix entre le duc de Bretaigne et messire
Olivier du Clisson. Et furent délivrés des prisons du roy de France
c’est assavoir le sire de la Rivière et seigneur Jehan le Mercier et plua. Qui s’appelloit Robert a été oublié dans E ; Philippe a rétabli : nommés Robert.
8
114
GUILLAUME FAUQUENEL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1396)
sieur aultre ; et tout par le pourchas de la duchesse de Berry. Mais yl
furent banny hors du pays à jamaix.
Cy lairons de ces chose à pairler, et retournerons a maistre eschevin
et à plusieurs aultre merveille.
Mil iiie iiiixx et xoj. — Puis, en l’an après, courrant le milliaire par
mil trois cent IIIIXX et XVI, fut maistre eschevin de Metz le signeur
Willame Fauquenel.
La ville de Danviller prinse par les François. — Et, en cest année, fut
prinse la ville de Danviller par les François. Et fut dit que Jaicomin
Bellecourt, qui estoit capitainne pour le sénéchault d’Allemaigne, en
fut consantant.
Item, aucy en cest année et durant le temps que les seigneur crestiens estoient sur les Turc et Infidelle, comme cy devent avés oy,
envoioit le souldan l’Amorabaquin quérir ayde de tous cousté pour
résister à yceulx crestiens qui le venoient assaillir. Or avint que, durant
ce tamps et que le sciège estoit devant la ville de Nicopoly mis par lesdit
crestiens, comme dit est, le sire de Coucy, avec Ve lance, assaillirent les
Turc ; et avec ce peu de gens déconfirent bien XVn Turcs.
I mil crestiens occis des Turcqz, et vj mil des plus noble de France
prias. — Mais, comme fortune de guerre ce tourne souvant a contraire,
avint assés tost après audit crestiens une très mal adventure et une
grande et piteuse baitaille et très cruelle desconfiture. Laquelle descon
fiture fut faicte par ledit souldan l’Amorabaquin devent ycelle cité
de Nicopoly. En laquelle baitaille et desconfiture y oit bien L mil
crestiens des mors et VI mil des prins. Entre lesquelles y furent prins
trois cent noble homme qui n'estoient pas de petitte estimacion ; des
quelles estoit l’ung le cappitainne Jehan, conte de Nevers, qui depuis
fut duc de Bourgongne. Aucy y fut prins Phelippe d’Arthois, et le sire
de Coucy, le conte d’Eu, connestauble de France, et Guillaume de la
Trimoille ; et pareillement Jehan de Vienne, admirai, et Jehan de
Bouciquault, lequelle peu devent avoit estés à Constantinoble dessus
les Turc. Et fut celle desconfiture faictes par ung Sarrasins nommé
Pouldre, lequelle estoit bassault 1 du souldan, quy est autant à dire en
leur languaige comme capitainne général de l’empereur. Et à icelle
baitaille y furent mors deux des filz du bon duc Robert de Bar, c’est
assavoir messire Henry et messire Jehan.
Aulcuns seigneur de Mets tués d ladite journée. — Et, pareillement,
y furent mors plusieurs de noz vaillans seigneurs de Mets, c’est assavoir
seigneur Louran Gronnat, seigneur Jehan Braidy et seigneur Jehan
Corbelz.
Et furent encor en cest baitaille prins plusieurs vaillans gens et
grans parsonnaiges, jusques a nombre deventdit ; lesquelles ledit
Turc, bassault du souldan, fist tout mourir, par despit de ce que lesdit
1. Bossa, bacha sont d’anciennes formes du mot pacha (le premier exemple connu se
trouvait dans Rabelais, II, 14, sous la forme baschat}.
THIÉBAUT BATAILLE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1397)
115
crestiens avoient bien mis à mort VIXX mil Turc de ces gens. Mais,
aincy que ung jour on les menoit devant ledit bassault pour les faire
décapiter, fut trouvé entre les aultre et amené Jehan, duc de Bourgongne, pour pareillement estre décapité. Lequelle fut incontinent congneus par un Sarrasins enchanteur et nigromancien que illec estoit.
Cy ce levait ledit Sarrasins et ce vint présanter devent ledit bassaulx,
et luy dit aincy : « Sire, gardez vous bien de luy faire mal, et le renvoyés
en son païs, car je vous sertiffie que par luy serait la plus grande partie
de la crestienté cy troublée et affligée, destruicte et malmenée, que ce
serait grant pitié pour eulx. » Laquelle chose a esté depuis vraye, comme
cy aprez vou3 orrés, quant tamps serait. Car par luy sont estez depuis
moult de mal faiz et parpetrés. Et, à cest occasion, loingtemps depuis,
en ont plusieurs ressus la mort, lesquelle ne c’en donnoient en garde,
comme cy après il serait dit. Et, à ces parolles, ledit Turc le laissait.
Mais fist tous les aultre morir et décoppés par pièces devent luy,
réservés les cincq prince deventdit, qui furent mis à ransson à la
somme de deux cent mil escus. Et aincy morut le rest à grant dolleur ;
dont ce fut pitié et domaige. Toutefois, le roy de Hongrie eschaippait,
avec le cappitainne de Roddes ; dont il leur en print bien. Et furent
menés les princes qui a ranson estoient mis à la ville de Burse en une
forte prison, a pain et à l’eau, et batu le plus souvent. Et tellement que
le sire de Coucy et Phelippe d’Arthoys moururent en prison. Dont ce
lust domaiges, car c’estoient deux vaillant homme, comme cy devent
avés oy. Dieu en ait les âme ! Or, durant ce temps que les prince devent
dit estoient en prison, faisoient grant diligence d’amasser le duc de
Bourgongne et la duchesse sa femme pour la délivrance de leur filz et de
tous les aultres prisonnier ces compaignons.
Le roy d’Aragon tués en chassant ung lieuvre. — Cy avint aucy en ce
meisme tamps une fortune et piteuse aventure a roy d’Arragon. Car,
en courrant après un lieuvre, il cheust de dessus son chevaulx, et ce
rompit le col.
Plusieurs aultre merveilles advindrent encore en diverse lieu parmy
le monde, desquelles à présant je me tairés. Et retournerés a maistre
eschevin de Mets, et à diverse adventure, lesquelle durant son année
sont advenue.
Mil iiic iiiixx et xvij. — Item, en l’an après, mil trois cent IIIIXX et
XVII, fut maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Thiébault
Baitaille.
Champs de bataille de deux genlilzhomme. — Et, en celle année,
messire Amey de Salbruche et Collas de Mercy, cy devant nommez,
entrirent en champs de baitaille. Et fut ledit seigneur Amey desconfit
et rendu par ledit Collas. Puis fut mené en prison en la ville d’Yvoixe.
Et, depuis, furent audit messire Amey ses armes rendues par le roy
d’Allemaigne ; et fist encor depuis maintez chevaulchié.
Les crestiens respités de mort ranceonés à iic mil ducalz. — Et, en celle
meisme année, fut faicte la délivrance des seigneurs crestiens dessusdit.
H6
LES PRINCES VEULENT RÉFORMER L’ÉTAT DE L’ÉGLISE (1398)
Et fut paiet pour leur ranson la somme de deux cent mil ducatz, cen
ce qu’on avoit despendu à faire le pourchas, qui montoit quasy à
autant.
De duc de Clocestre ci d Arondel occis. — Aucy, en ce meisme tamps
fut prins par le roy d’Angleterre le duc de Clocestre et le duc d’Arrondel'
ses deux oncle. Et les fist ledit roy occir et destranchier, pource qu’il le
vouloient mestre hors de son royaulme, comme il disoit ; dont grant
guerre en advint depuis. Mais l’on dit, et le tesmoigne plusieur istoire,
que q£ fut pour ce qu’il reprenoye trop souvant ledit roy des faulte
qu’il faisoit et de.ee qu’il travilloit tropt son puple à tort et sans cause
(combien qu’il ne le disoit pas).
Item, tantost ung poc après et en la meisme année, revindrent en
France les dessus nommés quy avoient estés prins en Turquie, exceptés
le conestauble, qui morut a chemin ; dont ce fut domaige. Et, quant il
furent revenu et la bien venue faictes, racontèrent plusieur chose du
souldan. Et disoient qu’il estoit courtois homme et juste selon sa loy.
Et, entre les aultre chose, racontait Jehan de Bourgogne et dist au roy
que le deventdit souldan avoit bien en sa compaignie sept mille faulconnier pour son corps, et autant de veneur. Puis luy dit encor que,
une fois, depuis qu’ilz furent délivrés des prisons, le souldan, par ma
nière d’esbatement, fist voiler ung dé ses falcons qu’il tenoit à très bon.
Et, pour ce qu’il ne voulût point à sa plaisance, il fut sur le point de
faire trencher les teste jusques à deux mille de ses faulconniers, et les
chairgeoit qu’ilz n’estoient pas diligens de leurs oyseau. Et disoient lez
seigneur deventdit que c’estoit une horrible chose que de sa puissance.
Et, avec ce, disoient qu’il estoit juste, pour tant qu’il ne voulloit point
que aulcuns de ces gens print la valleur d’une maille dessus son peuple,
s’il ne la paioit. Et, qu’il soit vray, il racontairent a roy que, en leur
présance, eulx estant de coste ledit souldan, il virent une femme qui ce
plaindoit à luy, disant que l’ung de ses gens luy avoit prins et mengés
une escuiellée de laict de chièvres qu’elle avoit apareillez pour elle et
pour ces anfïans. Et le souldan, comme bon justicier, et bien maris de
cest affaire, fist tantost prendre celluy quy avoit fait le cas, et luy fit
fendre le ventre pour regarder ce c’estoit vray. Et, quant yl congneut
la vérité, il le fist tout démembrer par pièce ; et ainsy fmist sa vie.
Car il voulloit sur tout que justice fut gardées. Et, entre les aultres
choses, dirent encor yceulx prince que la chose de quoy les Turcqz
se mocquoyent le plus des crestiens, c’estoit que nostre foy estoit
nulle, et estoit toutte corrumpue par ceulx qui la dévoient gouverner,
tel comme le pappe et les cardinaulx. Car, le plus souvent, comme il
disoient, régnoient deux pappes enssembles, lesquelles estoient de
guerre l’ung contre l’aultre. Parquoy disoient lesdit Turcqz que à ceste
cause toutte crestientés seroit destruictes et que le temps estoit venu.
Délibération des prince de faire réformer l’estât de l’Église. — Et, pour
ces choses et plusieur aultre, fut en ce temps faicte une grant assemblée
à Reins en Champaigne entre le roy de France et l’empereur pour
entendre sur l’estât et union de saincte Église, pour ce, comme j’ay dit
SUITE DES DUCS DE LORRAINE, DE 1305 à 1397
117
devent, que les Turcqz s’en mocquoient. Et, pareillement, pour cest
affaire les deux prince deventdit envoièrent à Romme leurs embaissade
par devers le pappe Boniface, pour sçavoir s’il ne ce voulloit point
délaisser de son erreur qu’il tenoit contre le pappe Bénédic d’Avignon.
Pareillement, fut errier envoiés par devers cellui d’Avignon pour aucy
sçavoir c’il vouloit tousjour tenir son oppinion. Mais tous deux récriprent au roy que chescun tenroit son point. De quoy il fut concluz c on
lairoit régnez le pappe Boniface qu’estoit à Romme ; mais on assailliroit celluy d’Avignon, et luy osteroit on le non de pappe. Et, pour ce
faire fut envoiez le mareschalz avec bien V mil homme d armes.
Lesquelz, pour abrégiez, le destruire tout, et luy estèrent touctes les
terres qu’il soulloit tenir. Et aincy régna seul Boniface.
La mort du duc de Lenclaslre. - En ce meisme tamps mourut le duc
de Lenclastre en Angleterre, dont ce fut domaige. Mais le roy Richard
d’Angleterre n’en fist pas grant compte, comme vous oyrés. Car il en
mandit les nouvelle au roy de France, et ne le mandit point à Henry
conte Derby, filz dudit duc, lequelle alors ce tenoit en France (et 1 avoit
ledit Richart banis X ans hors du pays). Et, avec ce, saisit endroit luy
toucte la duchiés de Lenclastre, qui devoit estre audit conte Der y.
Dont grant mal en advindrent audit roy depuis, comme vous oyres.
Pareillement, en ce temps, ledit Richart, roy d’Angleterre, mist sus une
grosse armée pour aller sur les marches d’Irlande. Mais, durant ces
chose, les Londriens conspirèrent une hayne sur ledit roy et envoièrent
quérir ledit conte Derby, qui alors se tenoit en France, de coste le roy,
comme dit est. Car yceulx Anglois haioient surtout leur roy pour ce
qu’il avoit prins femme du sanc de France cen leur consantement , et
aucv pour ce qu’il avoit donnés audit Françoys cy longue treve. Et,
pour ces chose et plusieur aultre, envoiairent secrètement pour amener
ledit conte. Et, de fait, luy voulaient donner la couronne et en chassier le roy Richart, comme il firent. Et en fist le messaige archevesques de Cantorbie ; et fist tant qu’il amenait ledit conte a
L°Lerou de Navarre fait duc de Nemours. - Pareillement, en ce meisme
temps, ledit Charles, VI» de ce nom, roy de France, bailla au roy e
Navarre, pour récompense des terres qu’il avoit à Normandie la signorie de Nemours, qui alors fut faicte duché, et, en Gastinois et Champaigne, seigneuries et rentes, jusques à X mil livres.
Et furent ces choses faictes du temps que Charles, filz au duc Jeha ,
fut duc et marchis de Lorrainne, aprez la mort de son perre le deventd t
duc Jehan. Lequelle duc Jehan fut filz de Raoul ; et celluy RaouLfut
filz de Ferry ; et Ferry avoit esté filz de Thiébault duc et marqu
Lorrainne, qui régnoit audit pais en l’an de J’mcarnacion Nostre
Seigneur mil III» et V, et mourut le XVR jour de may, 1 an mi
cent et XI. Et cecy vous est dit pour et affin de congnoistre tout les
duc que, depuis celle année mil trois cent et V ans, ont régnés^e
Lorrainne en jusques à maintenant, courant le milliair par mil trois
cent IIIIXX et XVII.
«8
WIRIOT NOIRON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1398)
Mais d’iceulx nous lairons le parler quant à présant, et retournerons
a maistre eschevin de Mets, et à plusieurs aultre besoingne.
Mü iUc itiixx ei xvüj _ 0r retournons à nostre prepos, et disons
cornent, en 1 an mil trois cent IIII« et XVIII, fut fait et créés maistre
eschevin de Metz le signeur Wiriot Noiron.
Le roy Bichair rendus aux duc Derby. - Et, en ce tamps, se rendit
le roy Richart d'Angleterre du tout à la voulluntés du deventdit conte
Derby. Et fut prins ledit roy on chasteau de Fluich, luy dînant, et fut
enmenez à Londres et mis en une des grosse tour bien enclos qui estoit
en adicte ville. Or vous veult dire et conter une merveille qui advint
audit roy Richart. Celluy roy, luy estant en sa prospérité, avoit tousjour
avec ly ung lévrier de chasse, nommés Math. Et avoit ce lévrier costume que, tout aucy tost que le roy son maistre yssoit hors de sa cham
bre, ledit levrir ly venoit au devent en le festoiant et lichant, et, de
fait, luy mectoit ces deux piedz sus les espaulle. Or advint que, quant
le conte oit prins ledit roy, comme cy devent est dit, et que ung jour
il devisoient enssamble, ce pourmenant parmy la court, ledit lévrier
vint et acomensa à festoier le conte Derby, et mist ses deux piedz sus
les espaulle audit contes, comme il soulloit par avant faire au roy son
maistre, et laissa ledit roy et n’en fist quelque estime. De quoy le conte
s amerveilla et demandait au roy que ce signiffîoit. Adonc le roy respondit amcy et dit : « Cecy m’est ung povre signe, car il signifie que je
sera déjectés de mon royaulme, et ceulx de quy par avant je solloie
estre aidiez me lairont et me aideront à déjecter hors de ma terre. »
e quoy le conte et tous ceulx qu’estoient en la plaice ce esmerveillèrent moult. Ne oncques depuis ledit chiens ne volt recongnoistre ledit
roy Richard son maistre, ains le laissait et guerpit du tout. Et, tantost
après, ledit roy Richart résignait sa couronne et son reaulme d’Angle
terre audit conte Derby. Et bientost après fut couronnés, comme cy
après serait dit.
Deux Agustin dégradés d Paris. — Aucy, en celle meisme année,
urent à Paris en la plasse de Grève dégradés deux Augustins par l’évesque de Paris et despoueilliés de la dignité sacerdotalle, et puis bailliés
à la justice laycque. Dont eurent les testes couppeez aux Halles, pour
ce que yl entreprindrent et ce vantirent de garir le roy en faisant aulcunes
incisions en la teste, dont il le randirent causy mourant. Et toutefïois,
finablement, confessèrent que ilz ne s’y congnissoient, mais faisoient
tout à l’aventure. Les ungz dient que Phelippe, duc de Bourgongne,
pourchassa la mort desdit Augustins en despit du duc d’Orléans,
ausquelz il estoient. Car, pareillement, ledit duc d’Orléans avoit fait
brûler ung grant clerc nigromacien et invocateur de dyables quy se
disoit audit duc de Bourgongne, appellé maistre Jehan du Bar. Et fut
ars à Paris au marché aux pourceaulx.
Plussieurs pillards prins par ceulx de Mets et exécutés. — Or advint,
en icelluy temps, qu’il y avoit plusieurs malvais garsons, lesquelles
journellement corroient et faisoient grant dompmaige sur le païs du
NÉMERY BATJDOCHE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1399)
119
duc Robert de Bar. Et, en retournant qu’il faisoient, il prenoient tout
ce qu’ilz pouoient trouver sur le païs de Mets, et pareillement y faisoient
plusieurs grant dompmaiges. Entre lesquelx robeurs y avoit deux ou
trois gentilz hommes, avec plusieurs autres. Or advint ung jour, amcy
qu’il retournoient de la duché, il furent rancontrés, la vigille de Noé,
desdit de Metz. Et furent prins et amenés, et en eurent aulcuns les
testes coppées devant la Grant Esglise d’icelle cité, c est assavoir
Conement Rist de Blanche Église, et Beuse Jehan Valdrange Église *,
deux gentilz hommes. Et en y oit XV de leur compagnie qui furent
pandus, et XVIII aultre homme de leurs servans morurent en prison,
et aulcun devindrent hommes à la ville. Et fut ce fait en partie pour
complaire audit duc de Bar, et aussy pour ce que l’on ne pouoit avoir
nulle restitucion des dompmaiges que les devantdis faisoient sur la
Deux amant de Mets forjugiés et bannys. — Item, en ycelle meisme
année, furent bannys et forsjugié de Metz deulx amans de la cité, c est
assavoir Jehan Enlecol 2 et Hannès de Sainct Jullien, son janre. Et
furent tous leurs biens confisqués à la ville. La cause pourquoy fut
pour ce qu’ilz s’en estoient fouys nuytamment, car ilz avoient mis
en leurs arches beaucop dez faulx escrips, qui montoient bien à la
somme de trois mil et Vc livres, lesquelles sommes estoient pour eulx.
Et advint, peu de temps après, que ledit Jehan Enlecol, qui estoit
vielz, morut au Pont à Mousson, où il s’en estoit allé fouyant. Et ledit
Hannès de Sainct Jullien, son janre, c’en estoit allés fuitif de cost le
seigneur du Vergier, et voulloit faire la guerre ausdit de Mets. Mais on
fist la paix par argent. Car, à la fin, il fut amené à Metz, comme cy
après serait dit, et en fut pandus et estranglés. Et aincy finait ces jours.
Groz déluge d’yawe. - Item, aucy en celle dicte année, ce enflèrent
tellement les fleuves et rivières que les eawe enmenairent en d’aulcuns
lieu les maisons avec les habitans d’icelles. Et en ce déluge furent tous
les bledz perdus et enmenés, dont il avint grant chier tamps.
Et, aussy, en celle année, courut griefve malladie de pestilence.
Cy lairons de ces advenue le pairler pour le présant, et retournerons
au maistre escheving de Metz.
[DE LA DÉPOSITION DE RICHARD II D'ANGLETERRE, EN l399,
A LA « JACQUERIE » DE METZ, EN l4<>6]
Mil Hic iiiixx et xix. - Puis, en l’an après, que le milliair courroit par
mil trois cent IIII** et XIX, fut maistre eschevin de Mets le seigneur
Némery Baudoche, chevallier.
1. Coneman Risch, dit de Blanche Esglise, et Jehan de Baldrange (Chronique d*
'TSZ'ïïiS2iï& ü,? m
transcrit Eulecol.
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120
INONDATION A METZ (5 AVRIL 1399)
Banni» de Saincl Jullien pendus, - Et, en celle année, fut amené
à Mets ledit Hannès de Sainct Jullien, janre audit Jehan Enlecol
1 amant ; et fut tramné et mis en pillory, et puis pandus au gibet
d icelle cité. Et, pour sçavoir cornent il fut prins, le cas est tel que ledit
Hannès fut vandus et délivrés à ceulx de Mets par ung bourjois de
Toult, nommés Perrix, lequelle estoit a gaige de ladicte cité et ce
tenoit à Toult. Et en oit ledit Perrix Vc florins de la ville. Et, depuis,
après, à la requeste d’aulcuns seigneurs de France, celluy Perrix fut
prins et pandus à Toult, pour ce qu’il avoit vandus et livrés ledit
Hannès à ceulx de Mets, comme dit est. Et pour tant apert que de
bonne vie bonne fyn.
Le conte Derby esleu roy d’Angleterre. - Pareillement advint, en
I an dessusdit, que, le dernier jour de septembre, par le consentement
du comun d’Angleterre, fut esleu et essus à roy le deventdit conte
Derby, et couronnés à Londres. Puys, tantost après, lesdit Anglois
fyrent inhumainement murtrir et tranchier la teste audit Richard,
quy solloit estre roy dudit pais, comme cy devent ait estés dit. Et!
incontinent que ce fut fait, en vindrent les nouvelle au roy de France ;
de quoy il fut bien courcez et maris. Et le sceust premièrement par
ma damme de Coucy.
La royne ramenée en France. - Et, tantost après ce fait, fut ramenée
damme Ysaibelz, royne d’Angleterre, en France, à Charles son perre.
Aulcuns conspirateur d’Angleterre occis. - Or, ne demourait pas
granment que aulcuns seigneur d’Angleterre, ne scay à la requeste de
qui ce fut, mirent sus de faire guerre au nouveaulx roy. Mais il furent
escusés i, parquoy il furent tantost prins et occis.
Trêves de xxvj1 ans entre le roy françois et anglois. — En ce meisme
temps, après la mort du deventdit roy Richard, se renouvellèrent les
tresves entre le roy de France et le deventdit Hanry, nouveaulx roy
d’Angleterre ; et furent escriptes et scellées à tenir XXVI ans.
Mais d’iceulx Anglois lairons le parler pour le présant, et retourne
rons à dire comment en ce tamps fut fait ung nouviaulx empereur.
Nouveaulx empere[ur] esleu, et ung aultre déposés. - Or avint que,
en celle dicte année, les prince éliseur du pays d’Allemaigne despousairent de l’empire le roy de Boesme, qui empereur soulloit estre, et le
renvoièrent en Boesme, dont il estoit. Et, ce fait, esleurent ung homme
vaillant et prudant pour estre roy et empereur dudit païs d’Allemaigne,
lequelle par avant estoit duc de Bavières, et ce nommoit Robert, duc
de Helleberge. Et fut en cellui tampts coronnés à Collogne. Mais ceulx
d’Ais-la-Chaipelle ne volrent point obéir à luy, et ne lui voulrent point
ouvrir leur ville, quant il allait illec pour pranre possescion.
Déluge d yawe. —- Item, il advint, en celle meisme année, que les
yawe furent cy grande atour de Mets et tellement hors de rive que,
le Ve jour d’auvril, elle antrairent dedans Mets parmi la pourte à
1. Accusés}T dénoncés.
meurtre du
CURÉ
de
SAINT-SIMPLICE,
a
METZ (31 JUILLET 1399) 121
Maizelle, et courroient tout avault la rue. Et, avec ce, le champts
Nemmery en estoit cy plains qu’elle montairent de tout cousté on
baille 1 par dessus les créniaulx.
Emprunte fa[it] par les seigneur de Mets aux bourgeois d’icelle. —
Item, aucy en celle année, on gectait une taille ou ung amprunte sus les
bourjois de la cité de Mets. Et furent plusieurs qui prestairent à la ville
de grand denier, entre lesquelles j’en ait ycy mis et escript les noms des
aulcuns. Premier, Abelz Augustaires 2 prestait deux cent florin d’or,
George, trois cent, et Hullon d’Espinalz, deux cent, Jehan Pier, ung
cent, et ung nommés Perrin prestait XXXV florin, et ung aultre,
nommés Thiriait, en prestait XXV. Et furent bien environ Ve parsonne
qui tous prestairent argent à la ville.
Le curé de Saincl Suplice murtris. — Or, avint encor en celle meisme
année que, la vigille de la sainct Pier, qui fut le dernier jour de juillet,
fut fait de nuit ung murtre en Mets. Car on antrait avec une eschielle
en l’ostel le curé de Sainct Suplice, et illec fut la gorge coppée au
chappellains dudit curé. Et avoit celle eschielle esté prinse en l’ostel
Collin Paillat, au tiers jour de may, de nuyt.
La grant compaignie d’Italie. — Aucy, pareillement avint que, en
celle année, LXX mil homme ce avoient assamblés en Ytalie, et ce
appelloient la grand compaignie. Et entre eulx y avoit plusieurs noble
homme, contes et barons. Iceulx redarguoient les vices des hommes,
et estoient tous vestus de robes blanches. Et, pour ce que en ce tampts
l’épidémie y courroit fort, ilz promettoient à tous ceulx qui ce mectroient de leur compaignie qu’ilz seroient préservés de ladite épidémie.
Grant nombre de docteur florissoient pour cesl année. — Aucy, en
celluy meisme tamps, flourissoient plusieurs grand et notaubles clerc,
qui alors estoient l’œil et la lumière du monde. C’est assavoir, maistre
Géraird Groet, qui escript et composa maintes belles œuvres, maistre
Jehan Risbroch, qui escript chose nom point de mendre réputacion.
Aucy maistre Henry Oyta, docteur en théologie, et maistre Henry de
Hassia, qui tous deux florissoient à Vienne. Item, à Paris, estoient
maistre Pier d’Ailly, et son disciple, maistre Jehan Gerson, docteurs en
théologie, qui ont compilé livres moult utiles, nécessaires et bien
renommés és universités.
Jehan Wisclef et Jehan Huns en Boesme. - Mais, pour ce que 1 apostre dit, on chapistre XIe de la premier épistre aux Corinthiens : « Il
fault que les hérésies soient pour monstrer et manifester ceulx qui sont
prouvés bons catholicquez », le diable, en ce tempts, suscita plusieurs
héréticques, qui furent confondus par les grand et notables clercs qui
alors vivoient. Lesquelles dit héréticque furent Jehan Wilclef en
Angleterre, Jehan Hus en Boesme, et Jérosme en Prague, qui, soubz le
1. Le mot baile'j qui signifie palissade, enceinte fortifiée, semble désigner J®
de défense de la ville : l’eau passait donc par-dessus les créneaux eux-mêmes et la
muraille se trouvait entièrement submergée.
2. Aubert Augustaire a été en 1404 l’un des Sept du Trésor (D Hannoncelies,
t. I, p, 161).
122
TENTATIVE D’EMPOISONNEMENT SUR L’ABBÉ DE SAINT-CLÉMENT (1399)
manteau de religion et dévocion, corrompirent hommes infinitz. Car il
ce efforsoient de subvertir tout l’estât ecclésiasticquez. Mais les devent
dit sainct docteur, qui furent fidelles et catholicques, les en gardirent
et confondirent leur erreurs.
Ung xe 1 levés sus les églises. — Item, en ce meisme ans, fut levé ung
Xe sus les églises de France, à la requeste de messire Jehan de Cramant,
patriarche d’Allixandrie.
Aucy, pour lors, fut apourté en l’église de Sainct Bernard le sainct
suaire de Jhésu Cript, à la venue duquelle furent faictz plusieurs
miracles.
Plussieur seigneur de Mets aux paiis de Pruche. — Item, aucy en
1 an dessus dit, se partirent de Mets pour aller en Pruche les seigneur
ycy après nommés. C’est assavoir signeurs Jaicques Dex, chevalier,
seigneurs Jehan Noiron, seigneur Jehan de Wy, Louuey Paillat, Jehan
de Vaudrowange, Perrin le Gournaix, Jehan Chevalot, dict Faulquenel,
et Guerssiriat Boullay, et Morisot de la Tour. Yceulx tous ensemble
s’en allirent à Nancey pour aller en la compaignie du devent dit Charles,
duc de Lorrainne, qui fut filz au duc Jehan. Et, quant ilz vindrent on
pais de Pruce, ledit duc leur eust voulentier paier leur despans, afîin
qu’ilz ce voulcissent mestre dessoubz sa banière et estre du nombre
de ces gens. Mais lesdit nos seigneur respondirent au duc devent dit,
par la bouche du seigneur Jaicques Dex, qu’il ne luy voulcist mye
desplaire, car il estoient venus on pais à leur propres frais et despens,
et pour ce estoit leur intencion de servir à Jhésu Crist en soutenant sa
saincte et sacrée fois à leur despans jusques à la mort. Et ce y firent
tellement vaillant les seigneur devent dit que il y furent fais nouviaulx
chevaliers c’est assavoir seigneur Jehan Noiron, seigneur Guercyer
Boullay, et seigneur Jehan de Vaudrowange.
Merveille[ux\ nombre de gens et de chevalierz. — Et, en celle dicte
armée et encontre des Sarrasins avoient les seigneurs de Pruce bien
LXXm chevaulx, et le hault maistre de Flandre en avoit L mil che
vaulx* lequelle estoit de la dicte ordre. Et le duc de Vitaice, ung duc
sarozent de Latolle 12, qui servoit lesdit de Pruce pour ycelle armée,
y avoit IIIIXX mil chevaulx de Tartarie. Lesqueulx jeurent et couchairent ung moix aux champs à descouvert et en la neige ; dont c’est
merveille qu’il ne furent mort de froy, car, dès le jour des Roys en jus
ques à la Chandelleur, furent tousjour ensy.
Trois mil et viic ville que prinse que brullée. — Et veult on dire qu’il
conquaistarent bien LX lieue de pais de longe, et bien XL lue de lairge
on pais de Samech et de Caldée, et brullairent bien trois mil et VIIe
ville on dit pais. Et tellement exploitairent que le pais fut tous conver
tis.
Trois moin[es] voullurent enherber leur abbé. — Paireillement, avint
en l’an dessus dit que trois moine de l’abahiee de Sainct Clément
1. Dîme. Le mot en ancien français est masculin ou féminin.
2. Le duc Withate de Laitue, saraisin (Chronique de Jacques d’Esch, DSHL, IV,
p. 337 et n. 4). C*est Witold, duc de Lithuanie.
JEAN FAIXIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1400)
123
devent Mets et deux jonnes clerson voulurent empoisoner et enherber 1
leur abbé, lequelle s'appelait seigneur Thiébault Louve. Pour laquelle
chose il furent prins et mis en Chartres, et y furent cy longuement que
deux des moines en moururent en prison. Et l’aultre eschaippait et
c’en fuyt, et fut déchassé du pais plus de XV ans. Et, depuis, ses amis
luy refirent sa paix, et aucy il fut absoul de nostre sainct perre le pappe.
Mais les deux jolnes clerson en furent pandus et estranglés a gibet
de Mets.
Grosse tempeste. — Item, en celle meisme année cheust de merveil
leuse tampeste en France, on Biavoisin ; et en ycelle y avoit de la
grelle grosse comme ung euf, qui foudroia tous les bief.
Aussy, en celle année vint pareille grelle durant la foire Sainct
Denis, laquelle abatit tout, et meismement les halles au merchamps,
et fist de merveilleux domaige.
Cy lairons de ces chose le parler, et retournerons a maistre eschevin
de Mets et à plusieurs aultres besoingne.
Mil iiiie. — L’an après, que courroit le milliair par mil IIIIC, fut au
jour de sainct Benoy fait maistre eschevin de Mets le sire Jehan Faixin.
Et, tantost après, le samedi, vigille de Paicque florie, c’on dit les
Paulme, revindrent et rantront en Mets les devent dit seigneur du
voiaige de Prusse.
Le grant jubilé à Rome. — Et, aussy en celle dicte année, furent les
grand pardons et le jubillé à Romme. Auquelle furent plusieurs citains
de Mets, spirituel et temporel, tant jantil que villain ; et desquelle en
demeurait biaucopt en chemin par mortallité, tant des homme comme
des femme. Entre lesquelle y morut le seigneur Némery Baudoche,
chevalier, le seigneur Jehan Baudoche, maistre Goubert, des Prescheur, et tant d’aultre que ce fut merveille. Et furent plusieurs qui s’en
retournirent bien mallaide.
Grosse morlalilè en Mets. — Car, en celle dicte année mil quaitre
cent, fut en Mets et a Pon à Mouson et és pais joindant la plus grande
et merveilleuze mortallité que jamaix fut ; ne ne ce trouve point en
escript que jamaix en ce pais fut la pareille, ne où tant de la noblesse
ne de la borjoisie de la cité morussent ; et desquelles les nons des aulcuns seront ycy après escript. Et fut estimés que, seullement a Pon à
Mousson, furent mort par compte fait deux mil personne. Entre les
quelles y mourut le devent dit Jehan Enlcol, amant de Mets , et paireillement y mourut sa femme, laquelle s’en estoit allée fuitif de cost
son mary, qui estoit bany de Mets, comme cy devent ait estez dit.
L’évesque de Mets courre sus ceulx d’Ay[x}. — Item, en celle année, le
seigneur Raoul de Coùsey, alors évesque de Mets, c’en vint à Aix sus
Muzelle, le jour de la feste sainct Michiel. Et là amenait plus de cent
et L chair et chairette, sus lesquelle il fist chairgier tant de vin et de
bief que ce fut chose merveilleuse. Et prinrent plusieur prisonnier,
1. Enherber, empoisonner à l’aide d’herbes ou de plantes vénéneuses.
124
JEAN AUBRION, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1401)
qu’il enmenairent avec eulx. Puis ont boutés les feu en X ou en XII
maison de la ville, et és chacqueu *1 pareillement. Et avoit ledit évesque
environ trois cent cbevaulx. Et fist celle courxe pour ce que lesdit
d’Airs ne voulloient obéyr à luy. Et, ce fait, ce mirent en leur chemin,
et c’en retournirent couchier à Chamenat pour celle nuit, cen rien
perdre.
Trois chaldronniés pendus. — Aucy, en celle année, furent prins et
escusés 2 trois chaudronnier de Chandellerue, et furent mis on pilloris,
puis furent pandus et estranglés. La cause pourquoy fut pour tant
qu’il avoient tués ung guerson, et, aprez ce murtre fait, l’avoient
gectés en la riviei. Et fut tués environ VI semaigne avent qu’il fut
trouvés.
Item, aucy en celle année, morut de peste Louuey Paillat, filz sei
gneur Burthemin Paillat, lequelle alors estoit maire de Mets et eschevin
du pallas. Et oit son eschevinage le filz Forbignon Paillat. Et pareille
ment en morurent plusieurs aultrez, desquelles à présant je ne fais nulle
mencion.
Le duc de Brunswisch tués. — Paireillement, avint en la dicte année
que Frédérich, duc de Brunswich, noble homme et plains de toutte
vertu, fut occiz par ung chevallier appellé Ferry de Hertigenhusen, la
vigille de la Panthecouste, en allant visiter le nouveau empereur.
L’empereur de Constantinoble à Paris. — Audit ans, l’empereur de
Constantinoble vint veoir et visiter le roy de France à Paris.
Aucy, fut fais le mariaige de Loys, duc d’Anjou, et de Yolant,
fille du roy d’Arragon a. qui estoit une des belle crestiennesqui fust au
monde.
Item, en ce tampts, Charles, aisné filz du roy de France, trespassa.
Pour la mort duquelle on dit beaucopt de chose, que je lesse, car de lui
ne d’aultre ne dirés aultre chose ; ains retournerés à ma mastier aeomencée.
Mil iiiP et ung. — En l’an mil quatre cent et ung, fut maistre eschevin
de Mets le seigneur Jehan Aubrion.
Dudelange prime par le duc de Bar. — Et, en celle année, fut prinse la
forteresse de Dudelange par le bon duc Robert de Bar. Lequelle fut
a sciège devent ycelle par l’espace de VII sepmaines. Et à ce faire y
aidairent grandement nous seigneur de Mets ; car il les fornissoient de
vivre, et envoièrent plus de mil et Ve cowes de vin, lesquelles ne sont
mye encor payés.
Aucy, avint en celle année qu’il régnoit une estoille au ciel avec une
grand cawes, comme une cornette, qui signifioit guerre ou mortallité.
Les Sarrazins nouvellement conquestés se révolte. — Item, à la Pasques
après, les gens du païs des Sarrasins qui estoient conquestés nouvellca. M : Arrogon.
1. Chauchoir, pressoir.
2. Accusés.
DIFFÉREND DANS L’ABBAYE DE SAINT-ARNOULD (1401)
125
ment, comme cy devent ait estés dit, yceulx monstrairent et firent
semblant d’eulx confesser et de recepvoir corpus domini et d’estre
bons crestiens. Mais, au plus fort a de la messe, ilz ce tournaient tout
à uno- copt, et, cautheleusement et en trayson, assaillirent les vray
catholicque et tuairent tout. Et, ce fait, abaitirent les deux forteresses
laicte par les crestiens et retournairent à leur loix payenne (car lesdit
crestiens avoient fait faire deulx forteresse de bois on pays qu’il avoient
conquestés, comme cy devent ait estés dit, et y avoient heu mis grosse
sairnison de gens d’arme pour tenir le pays en obéyssance).
Les bour de Trêves bruslés. - Item, aucy en celle année, seigneur
Avmery de Salbruche fut devent Trieuve ; et boutait les feu tout
dedans les bours de la cité du cousté vers Sainct Mathie. Et avec ce
enmenairent tous les bien des bonnes gens dudit bours.
L’empereur à Bomme. - Puis, tantost après, en celle meisme année,
s’en aillait le devent dit duc de Bauvières à Romme pour ce faire
corronner empereur. Et furent plusieurs grand seigneur qui c en aliment
avec luy, entre lesquelle y fut le duc de Lorenne. Et puis retournairent
plusieurs d’ycculx seigneur bien petittement forms d argent , et cy
devoyent encor assés. Et en celluy pays laissèrent l’ampereur en une
cité d’Itallie, à bien petitte compagnie ; car les plusieurs furent pnns,
entre lesquelle seigneur Géraird de Haraucourt et plusieurs aultres
furent retenus prisonnier.
D -,
Différent de Vabb[é] de Saind Arnoult contre ses religieux]. - Pareil
lement, en celle dicte année, ce esmeust ung grand plaît e* Pr0<;ès>
c’est assavoir des moine de Sainct Arnoult encontre leur abbé. Car
yceulx moyne c’en allirent à Vy de cost l’évesque de Mets que alors
illec ce tenoit. Et escusairent * yceulx moine leur dit abbé du péchiez
de sodomye et de bourguerie 2, avec plusieurs aultre ynfame cas.
De quoy le dit abbé ne ce trouvait point à la journée pour ce escuser.
Yzabeau, rogne d’Angleterre, ramenée en France. - Item, aulcune
istoire dissent que, le dit ans, le roy de France envoiait requérir pour la
seconde fois en Angleterre sa fille Ysabeau, royne dicelluy pay
Laquelle avoit estés femme a roy Richart, que les Anglois avoient heu
murtris, comme dit est. Et dit on que la dicte Ysabeau estoit encor
PUGrosse lempeste. - Item, aucy en cest année cheust tonnoire et
fouldre en la chambre de la royne de France elle estant en gés _
Le quelle fouldre ardit touttes les custodes du lit, mais aultre mal n y
fist. En ce tampts cheurent de merveilleuses choruscacion B, vens et
gresle grosse comme l’œuf d’une oye, en Beauvoisms, 1 espace de X
lieues ; qui fit beaucopt de maulx.
a. Mss. : pluffort.
b. M : yfame.
1. Accusèrent. Plus loin, escuser signifie excuser.
2. Bougrerie, péché contre nature.
juvénal des Ursins, semble avoir ici
sonsensTünTïueur “aè - Sur ces phénomènes atmosphériques, voyez p. 23.
126
ARNOULD BAUDOCHE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1402)
La cité de Prague asseig[ée]. — Item, aucy en ce tampts, Guillame,
marquis de Mensna, acompaigné de ces gens, avec ces filz, assiégea la
cité de Prague, et y fist maulx innumérables.
Mais de ces chose nous lairons le pairler, et retournerons a maistre
eschevin de Mets, et aulx aventure que durant son tampts avinrent.
Mil iiijc et ij. — Après ces choses ainssy advenue, et corrant le
milliaire par mil quaitre cent et deux, fut maistre eschevin de la cité de
Mets le seigneur Arnoult Baudoche, chevalier.
Et, en celle année, le vandredi après la Magdallaine, Collas de Mercy,
duquelle je vous ait par cy devent pairlé, et Phelippe de Noeroy,
retournairent de courre en Allemaigne, et en ramenairent grand compaignie. Or, advint que le sire de Boullay, et le seigneur de Bourgué l,
et messire Conraird Bayer de Bopart, acompaignés des Lorrains,
enchaissairent les dessus dit a. Et requirent et prièrent lesdit Lorrains
à aulcuns de nous seigneur de Mets, c’est assavoir à seigneur Nicolle
Grongnat, chevallier, à Thiébault Dompière de Tournay 2*, 31à Baudouuin
Dex et à plusieurs aultres, lesquelles, à la requestes desdit Lourains,
enchaissairent les dessus dit jusques à Grehiers 3. Et, là, mirent tous
les piedz à terre, et furent tous yceulx prins par les gens le devent dit
Phelippe de Noeroy, qui pour le jour estoit cappitaine. Mais, toutefois,
fut ce jour tués ledit Collas de Mercy, son compaignon. Dieu ait pitiet
de son âme !
Item, en celle meisme année, le premier jour des Grand Crois, c’on
dit les Rogacion, fut cellui ans le premier jour de may. Et, par aincy,
les trois feste qui sont les foire à Mets furent les trois jour des Roga
cion.
Item, en celle année, l’on mangeoit chair la vigille de Noé.
L’abbé de Sainct Arnoult excommuniet. — Aucy, en celle dicte année,
le XXIIIe jour d’apvril, fut desclairés pour excomuniet le devent dit
abbé de Sainct Arnoult. Et fist ce l’évesque de Mets pour ce qu’il n’avoit
mye voullus aller à Vy a mandement dudit évesque, qui l’avoit fait
semondre pour ce purifier et ce faire bon encontre les moine de Sainct
Arnoult, lesquelles voulloient monstrer encontre luy qu’il estoit bougre
et héréticques. Et fut desnonciés ledit jour et ledit ans par touttes les
parroche de Metz.
Le duc d’Orléans à Lucembourg ei à Thionoille. — Et, en celle meisme
année, le mairdi devent la sainct Matheu, vint le duc d’Orléans pour
estre seigneur de la duchiez de Lucembourg. Et antrait à la dite Lucema. Le copiste de E avait écrit : les dessus dit nommés. Philippe a ajouté de sa main ;
les dessus dit devent nommés.
1. Bourguesch, château, commune de Schwerdorll, Moselle, Thionville Bouzonville ?
2. Huguenin, Les Chroniques de la ville de Metz, page 126, cite une liste assez longue
où nous relevons, entre autres, Thiébault de Vyc et Pierre de Tournay. Pour ce dernier,
et. aussi d’Hannoncelles, 11, 255.
3. Huguenin (p. 126) a imprimé Grehière près de ViUe-sur-Yron.
LES SEIGNEURS DE METZ ET LE DUC D‘ORLÉANS (1402)
121
bourg, prenant poucession, et à Thionville, et pareillement à plusieurs
aultre plesse. Et y demourait plus de trois semaigne, durant lequelle
tampts le vinrent visiter mon seigneur le duc de Bar et son filz le
mairquis. Et pareillement y vinrent plusieurs grand seigneurs du pais
d’Allemaigne pour parler à luy.
Responce des seigneur de Mets au duc d’Orléans. — Et saichiés que les
seigneur de Mets y furent comme les aultre ; car ledit duc voulloit dire
que la cité estoit tenue à luy, ad cause de la duchiez de Lucembourg.
Mais lesdit de Mets respondirent honorablement qu’ilz n’estoye en rien
tenus à luy pour le fait de la duchiez de Lucembourg, et que de ce il en
avoie bonne lestre de quictance, faictes et donnée du roy Wayselin
d’Allemaigne. Et de cest responce ce thint le duc pour comptant ; et
n’en fut aultre chose.
Item, en celle année, on moix de décembre, fut mort Perrin le Gournaix, filz a seigneur Jehan le Gournaix, chevallier, la vigille sainct
Juste et sainct Simon. Et estoit alors ledit Perrin prisonnier audit
Phelippe de Noeroy par la bataille qui fut faicte en Grehier, comme
cy devent est dit.
Aucy “, en celle année, le samedi IXe jour de décembre, vint à Mets
le seigneur du Vergiers. Et, lui venus, fit requeste audit de Mets pour le
seigneur Némery Guedangel, chevallier, pour le seigneur Jehan Aubrion,
pour Anthonne, pour Jehan de l’Escolle, avec tous les Trèses, disant
que Hannès de Sainct Jullien, cy devent escript, et lequelle pour ces
desméritte avoit estés pandus et estranglés, les avoit fait crantés prisons,
dont le seigneur du Vergiers les repiégeait L Pour laquelle chose il en
demendoit à la ville la somme de XX mil frans. Mais, touteffois, pour
cest heure, il ne fist riens.
Item, en la dite année,le XXVIIIe jour de febvrier, fut nez Charles,
quaitriesme filz du roy de France. Lequel, après la mort de ces trois
frères, fut roy de France, appellé Charles VIIe. Et en son jeune aage
eust grande et grèves percécucions ; mais finalement, par la voullenté
de Dieu, vint au dessus de ces besongnes.
Plussieur pirates de mer exécutés. — En cest ans, les habitans de
Hanburg descappitèrent plusieurs pirates et larrons de mer.
Pareillement, la duchesse de Bretaigne, qui avoit trois filz de son
premier mary, duc de Bretaigne, c’est assavoir Jehan, Richair et Artus,
ce remaria au roy Hanry d’Angleterre.
Audit ans trespassa messire Loys de Pansère 2,
* 1connestable de France.
Auquel office fut ordonné messire Charles, conte de Dreux, qui estoit
parrains de Charles, quaitriesme filz du roy Charles VIe.
a. Philippe a rayé, en marge : Le seigneur du Vergier en Mets.
1. Huguenin, dans Les Chroniques de la ville de Mets : les avoit fait cranter de tenir
prison. Philippe ne semble pas avoir bien compris cette affaire compliquée (voyez p. 119
et p. 120). Il semble que les Treize avaient fait promettre (ereanter) à du Verger de
garder le prisonnier, en échange de quoi du Verger réclamait une indemnité (repié
ger ?).
2, Louis de Champagne, comte de Sancerre.
128
LE COÜVENT DES CÉLESTINS FONDÉ A METZ (1402)
Item, en ce tampts, ma damme Margueritte, royne de trois royaulme,
c’est assavoir Dannemarche, Swécie et Norvègue, fist à Walsterbodé
brusler ung homme qui ce disoit son filz.
Le couvent des frères Célestiens de Mets agmentés. — Aucy, ce trouve
en aulcune istoire que, en cest année, fut faitte et fondés le couvans des
frères Célestiens de Mets, lequelle fut le XIe couvans d’ycelle ordre.
Et le fist faire ung citains d’icelle cité, nommés Burtrand le Hungre.
Mais de lui et de plusieurs aultre je lairés le parler, et vous dirés la
cause et la fondacion de plusieurs mal et grand destruiction de gens et
de pays, qui alors par une faulce envie advint et par ambicion et apétit
désordonnés de gouverner, comme cy après serait dit.
Le roy de France persécuté de malladie. — Or, maintenant, je vous
veult desclairer et dire la fondacion de plusieurs mal qui depuis avindrent au royaulme de France. Vous devés sçavoir et entendre que, en
cellui tampts, le roy Charles estoit tousjour persécutés de sa malladye.
Grand divisions entre les prince de France. — Parquoy grand haynes
ce myrent és cuers des princes pour l’aministracion et gouvernement du
royaulme. Entre lesquelle y avoit le duc d’Orléans, le duc de Berry et le
duc de Bourgongne. Principallement ledit de Bourgongne pourtoit
grand envie à Loys, duc d’Orléans. Parquoi le duc d’Orléans, san le
sceu des aultre princes, acquit l’amytié du duc de Gueldres, et, secrè
tement “, il l’amena à Paris, acompaignés de Ve homme d’armes.
Parquoy le duc de Bourgongne en fist autant, et fist une grosse bande.
Toutefïois, le duc de Berry, craindant le dangiers, en fist la paix pour
celle fois.
Tantost après, le dit d’Orléans fut estably gouverneur des négoces
du royaulme. Mais il ne le fut pas longuement, car en son lieu fut
establey le duc de Bourgogne. Et fut alors que ledit duc d’Orléans,
après qu il fut desposé de son office, c’en vint à Lucembourg, comme cy
devent ait estés dit. Et, lui venus, et depuis qu’il oit besoingniés avec
les seigneur de Mets, print grandi paine de acorder le duc de Lorraine,
lequelles alors menoit la guerre encontre la dicte cité de Mets. Mais à la
fin, après plusieurs journée tenue, il les apaisanta.
Item, à cest heure, pour obvier à la haine des princes de France, fut
ostés le gouvernement du dit royaulme au duc de Bourgongne, et fut
bailliés l’aministracion à tous les princes esgallement. Puis, tantost
après, morut ledit duc de Bourgongne. Parquoy la duchiez escheust à
Jehan, son filz, conte de Nevers, duquelle j’ay cy dessus parlés, et qui
fut en Prusse à la journée en Honguerie dessus les Turcqz, et par qui
tant de mal sont advenus depuis, comme cy après serait dit. Car cellui
Jehan, après ce qu’il eust fait le serment de fidélité a roy Charles, il
print en cy grand hayne le duc d’Orléans, en telle sorte qu’il ne s’en eust
sceu purger. Toutefïois, cellui duc d’Orléans estoit homme de hault
couraige, et qui afïectoit empire et souveraine seigneurie. Et fist en cellui
a.
M : secremeat.
JACQUES D’ESCH, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1403)
120
tampts plusieurs conquestes digne de louuange, et tellement que entre
les aultre princes du royaulme la royne plus le favorisoit. De quoy
cressoit tant plus fort la hayne au couraige du Bourguignon. Parquoy,
après, y oit plusieurs esmouvement de huttin entre yceulx princes.
Entre lesquelles avint que, depuis ce tampts, c’est assavoir en l’an mil
quaitre cent et VII, ledit de Bourgongne fist innumainement tuer et
murtrir ledit Loys, duc d’Orléans, comme cy après vous serait dit,
quant tampts serait d’en pairler.
Cy nous tairons de ces chose quant à présant, et retournerons à aultre
matier a.
Mil iiiic et trois. — Puis, l’an mil quaitre cent et trois, fut maistre
eschevin de la cité de Mets le sire Jaicque Dex, chevalier, filz a seigneur
Jehan Dex.
Combat aux Pont d Mouxon de ij gentil homme. — Item, en celle
année, le VIIe jour de maye, messire Jehan de Salme, filz a conte de
Salme, et ung seigneur de Bourgongne, nommés sire Jehan du Neuf
Chaistel, ce deffièrent a Pon à Mousson de VII copt de lance, de
VII copt de haiche et de VII copt de daigue. Et avoit chacun amenés
avec luy plusieurs grand seigneur. Et, à la fin, se despartirent bon
amis, et donnait ledit Jehan du Neuf Chastel au sire Jehan de Salme
ung bon coursier ; et le dit Jehan de Salme luy donnait ung chapperon
que vailloit bien L franc.
Mortalité en Mets. — Item, en celle année, l’on ce mouroit tousjour
de peste de plus fort en plus fort. Et tellement qu’il y morut encor
plusieurs noble bourjois de Mets ; entre lesquelles y morut Jorges
l’amant. Et Mertin, son filz, oit son amandelerie. Et aucy morut la
fille seigneur Jehan Louve. Et, pareillement, furent mort Bouxenat,
et Marcus l’espicier, et tant d’aultre que ce fut merveille.
Ordonnance faicte entre le maistre de Rhodes et le soldan de Babilonne. — Item, en celle année, olrent de grandes alliance ansamble
c’est assavoir entre mon seigneur le Grand Maistre de l’Ospitaulz de
Roude et tout son chapistre, d’une part, et le souldan de Babilloine,
sur le fait de la paix, d’aultre part. De laquelle paix les article s’ensuient.
Et, premièrement, demande et veult le dit Grand Maistre de Rodes
que, la paix qui fut faicte après la prinse d’Allixandrie, qu’elle soit
gardées toutes les fois qu’il en seront requis, et qu’il en soit fait nouviaulx chapistre. Desquelz instrument le Souldan en ait jay signiez
samblable, lequelle mon dit seigneur le Grand Maistre ait envers
lui.
a. Après cette phrase, E ajoute : et aux choses estrange que depuis ce temps sont
advenuees tant en la noble cité de Mets comme aux pays d’icelle, en France, en Angle
terre et ez pays joindant. Cette phrase, qui est de la main de Philippe, est visiblement
une phrase de remplissage. Elle a été mise pour la symétrie; le copiste avait tourné la
page pour le chapitre suivant, et il restait à la fin du chapitre un espace blanc assez consi
dérable, qui a déplu à Philippe.
iâô
accord entré lès chevaliers de
Rhodes et lé sultan
Item, que le dit mon seigneur le Grand Maistre puisse mestre conseil
en Jhérusalem, et qu’il thiègne l’ospital d’icelle ville, et que audit
hospital soit ung prestre ou ung frère ou ung aultre tel comme ledit
mon seigneur le Maistre vouldroit, pour gouverner ledit hospitalz et
les pellerins qui en leur pellerinaige en Jhérusalem yront.
Et, aucy, pareillement, que tous pellerins ou pellerines qui viendront
a Sainct Sépulchre ou à Saincte Katherine ou a chemin des aultres
pellerinaiges ne soyent tenus de paier sinon les drois acoustumés.
Et que des drois qu’il sont tenus de paier soit fait chapistre, et soient
yceulx chapistre signées de la mains du Souldan, lesquelle thiengne le
conseil en Jhérusalem, ou cellui que mon dit seigneur le Maistre vou
drait.
Après, veult que ceulx qui seront gouverneurs a dudit hospitalz
puissent ouvrer et faire ouvrer audit hospitalz de tout ce qu’il serait
nécessaire, selon la congnoissance desdit gouverneur, et que ledit
hospitalz se maintiengne, et les logis où les pellerins puissent mieulx
estre habergiés. Et, encor plus, qu’il puissent ouvrer ou faire ouvrer au
Sainct Sépulchre et en Bethléhem et a mont de Sion, pareillement en
Nazareth, et à Saincte Marie de Sordigne, et en tous les aultre église
qui sont en pellerinaiges, pour soubtenir et entretenir, que lesdicte
églises ne ce dérompe point, a despans des pellerins.
Item, aucy, que ledit mon seigneur le Maistre puissent mestre conseil
en la cité de Damiette tel comme à luy plairait, et soit ce conseil par
toutte nacion deffraiés ; et qu’il ayes gaiges du souldan, et tous les
drois et coustumes, selon ce que par le tamps passés les aultres conseil
avoient, et qu’il ne paient a Souldan sinon le droit des ancien *1 qui
estoit acoustumés.
Puis, après, que, ce nulz crestiens franc se trieuve en la seigneurie
du Souldan à présant, ou pour le temps ad venir s’y trouvoit, que le
conseil dudit mon seigneur le Maistre que seroit a pays les puissent
ravoir, en donnant ung sarrasins pour ung crestiens frans, ou en paiant
la monnoie du pris qu’il averoit coustés, exceptés seullement ceulx qui
sont renoiez et mammellus.
Après, demandent et veult ledit mon seigneur le Maistre que, ce
que luy est nécessaire pour le besoing de son pays, comme est de
fromant et orges, ou aultre vivre, de quel condicion qu il soient, que en
tel cas de la cité de Damiette ou d’Allixandrie il en puissent avoir et
an traire pour ces deniers. Et, pareillement, qu’il en puissent avoir de
tous les aultre lieu de sa signourie, sans nulz empêchement ne contredis.
Item, que ces vassault ne paient ne ne seront tenus de paier en
Damiette ne en Allixandrie ne en nulz aultres lieu de la seigneurie du
Soldan sinon que les droit que on soulloit paier.
Et veult encor le Grand Maistre que de tous lesdit chapistre ycy
escript en soit fait ung instrument publicque, signiés de la mains dudit
a. M : gouvernes.
1. Je construis : le droit qui était accoutumé (d’être payé) par les anciens
(conseils).
ACCORD EtiTRÉ LES CHEVALIERS DE RHODES ÈT LE SULTAN
13i
Souldan, lequelle soit donnez et livrés en la mains de mon dit seigneur
le Maistre.
Chappistre fait et confermês sus la paix qui est faicles entre mon sei
gneur le Maistre et tous son couvant, avec le Souldan de Babillonne,
lequelle soit mis en la mains dudit mon seigneur le Maistre.
Premirement, promet et donnent ledit Souldan audit mon seigneur
le Maistre et audit couvant de Rodes tous les exclaves crestiens ou
crestiennes, tant de grand estât comme de moiens ou de petit, lesquelles
ce trouvenront en son pais, ou en enchainges d’ung exclaves sarrasins,
ou à la finance et vallue que polroit coustés ung exclaves sarrasins.
Item, donnent encor et rand les dit Souldan audit mon seigneur
le Maistre et au couvent de Rodes l’ospitalz de Jhérusalem, lesquelz
il puissent faire gouverner à frère, chevalier ou chapellain, en telle
manier comme bon luy semblerait. Pareillement, donne et promest
à baillier ledit Souldan en mains dudit mon seigneur le Maistre et du
couvant le sépulcre de Nostre Seigneur Jhésu Crist. En oultre, est de
couvenant que lesdit Souldans promet et jure et veult que ledit mon
seigneur le Maistre et le couvant puissent mestre en Jhérusalem tant
de frère de l’ospital de Sainct Jehan comme leur plairait et qu’il serait
nécessaires pour gouverner le sépulcre et l’ospitalz de Jhérusalem.
Lesquelz frère puissent aller par toutes la seigneurie du Souldan seurement, portant leur habit et la croix devant, et sans congiez d’homme
vivent.
Pareillement, que ledit mon seigneur le Maistre puissent refïaire
le Sépulcre, et redressier l’ospitalz aussy, et touttes les aultres églises
de Jhérusalem.
Et, aucy, que les frères qui seront en Jhérusalem, s’il leur plaît,
puissent acompaignier les pellerins qui c’en vouldront aller à Saincte
Katherine.
Item, que le Souldans ne ces officiers n’aient point de congnoissance
sur les frères ne sur leur serviteur qui seront en Jhérusalem a service
du Sépulcre et de l’ospital.
Ne que les pellerins ne soient tenus de paier sinon les drois contenus
en la paix que fit a le bon roy de Chippre, quant il print et conquestay
Allixandrie, et qu’il fist la paix à tous les crestiens. '
En oultre, que ledit mon seigneur le Maistre et le couvant puissent
mestre conseil en Jhérusalem, en Allixandrie et en Damyette.
Et que ledit Souldan leur doit donner les gaiges acostumés, comme
ledit Soldans l’ait promis, et jurés, sur la loy de Mahonmet, de tenir
ferme et estauble les choses cy dessus escriptes.
Puis, après, est de couvenant entre ledit Souldans et mon seigneur le
Maistre et ledit couvens que, de la prinse que fist le bon roy de Chippre
de la cité d’AUixandrie, et de ceste prinse que à présant ait estés faictes,
soient trois chapistre. Et desdit chapistre ledit mon seigneur le Maistre
a. M : filz.
132
GUERRE ENTRE LE SIRE DE BELRAIN ET LA CITÉ DE METZ (1403)
donrait ung sceelz a Soldans, en latins, burlés *1 et garnis de son dit
sceelz. Aucy, pareillement, ledit Souldan en donrait sceelz audit mon
seigneur le Maistre.
Après ce, promest encor ledit Souldan audit mon seigneur le Maistre
qu’il puissent traire blez et touttes vitailles de la seigneurie du Souldans,
sans nulz contredit.
Et tous les présans chapistre conferme et promet ledit Souldan
à tenir et observer audit mon seigneur le Maistre et audit couvent de
Rodes, et ainsy le promest et jure sur la loy de Mahonmet, laquelle
loy, en jurant, ledit Souldan la thient escriptes sus sa teste, estant
d’ung piedz en terre et resgardant vers midi. Et, ce fait, y mist son
signet telz et aincy comme il aperthient de faire.
Le seigneur de Beaulxrains dever Metz avec viic chevalierz. — Item,
en la devent dicte année mil quaitre cent et trois, avint que, le jeudi
devent la sainct Mathieu, XXe jour du moix de septembre, le seigneur
de Belzrain vint devent Mets. Et amenait avec luy environ deux cent
lance ; et y pouvoit bien avoir VIIe chevaulx. Puis fut la cité deffiée
on non dudit seigneur de Biaulxrains.
Montignei prinse. — Et, de prime faisse, priment la forteresse de
Montegney, qui estoit a seigneur Pier Renguillon ; et la tindrent deux
jour depuis qu’elle fut prinse.
Montigney reconquestée. — Puis, ce fait, les seigneur de Mets et les
soldoieur d’icelle, avec les bonne gens du Vault et la comune de la
cité, saillirent dehors. Et firent tellement que la dicte forteresse fut
reprinse et gaingnée. Et furent prins dedans ycelle environ quaitre
XX Françoy et IIIIXX chevaulx, que petit que grand. Et s'appelait
leur capitaine Jehan le bastard de Cliqueny en France. Et, entre yceulx,
y avoit environ XXV jantilz homme, lesquelles furent tous menés
on pallas de Mets, et là tinrent prison. Mais on ne demourait guerre
qu’il furent interrogués. Et fut sceu et trouvés par yceulx cornent le
devent dit duc d’Orléans les y avoit envoiés. Et, avec ce, leur avoit
ehairgiés lestres qui venoient et ce adressoient a gouverneurs de la
duchiés de Lucembourg, auquelle le dit duc mandoit que par eulx
fussent aydiéS, confortés et soustenus par tout le dit pays de Lucem
bourg, tant en vin comme d’aultre vivre, et de touttes chose qu’il leur
faüldroit, tant en artillerie corne aultrement, pour eulx aidier encontre
la cité de Mets. Et, encor daventaige, leur mandoit ledit duc que, ce ces
gens avoient besoing de gens d’armes pour eulx aidier à retenir et
reconforter les forteresse qu’il averoient a prinse, qu’il les voulcissent
aidier. Mais yceulx Françoy heurent cy grand peur qu’il s’en retournirent fuiant plus de XII lue hors du pais de Mets ; et perdirent beaucopt de leur gens.
Soldairs aux gaige de Mets. — Item, tantost après en la dicte année,
a. M : avoiet est surmonté d'une abréviation ; Ë : avoient.
1. Buttée muni d’une bulle.
CONFISCATION PAR LA VILLE DE METZ DES BIENS D’UN CHANOINE (1403) 133
les devent dit nous seigneur de la ville de Mets rethinrent envi™n
LX lance de soudoieur à gaige, tant Françoy, Piccairt comme Allemans. Et fut ce fait pour mestre les vins et aultre biens dedans la
ville, lesquelles estoient encor au champts. Et, par cella, furent yceulx
biens gairdés et defïandus de nous gens d’airme des annemms devent
dit par l’espasse d’ung moix tout enthier.
,
Le biens d’ung chanoingne asmonier confisqués d la ville. — Or, avmt
encor, en celle dicte année, on moix d’octobre, que le seigneur amomer
de la Grande Église de Mets, et chainoines d’icelle, morut ; et, par son
testament, fist ces mainbour de trois chainoinnes du Grand Mostiers
de Mets, dont l’ung ce appelloit seigneur Jehan Aubnon, laultre
estoit sairchier d’icelle église, et l’aultre se nommoit seigneur Géraird
de Francheville. Cy fut dit et révellés à la justice que le dit almomer
avoit laissés grand trésor à son testament, lequelle testament il avoit
fait à son trespassement. Parquoy yceulx seigneur et justice mandèrent
quérir lesdit mainbour, et leur priairent qu’il voulcissent prester a la
ville mil florin pour aydier à paier les souldoieur. Et leur dirent qu il
leur en feroient bonne lestre on non de la ville, leur promestant de
leur randre dedans sertains jours. Mais lesdit mainbour n en vouldrent
rien faire. Alors les Trèzes et le Conseil, voyant ce, s’en allont ensamble
pour ce fait, et antrairent en l’ostel dudit amonniers. Et ce trouvèrent
illec avec lesdit mainbour ; mais il ne trouvaient point celluy argent.
Parquoy il c’en revindrent en l’ostel seigneur Giraird de Francheville
lequel estoit l’ung des mainbour devent dit, et luy demandirent et
requirent qu’il voulcist prester « lesdit mil florin. Toutefois, jà ce qu i
eust heu ramfusés, il ce advisait, et crantait à la justice lesdit mil
florins, par tel que la justice le devoit aidier en l’encontre des aultre
seigneur de la Grand Église d’icelle, pour et afiin qu il luy aidassent
à oster aulcune garde que le chapistre y avoit mis, afiin qu il achevait la
devise que ledit amonier avoit fait, en laquelle devise y avoit plusieurs
dons que dévoient revenir à la dite église. Cy advint que, pour lui
aidier, en l’an devent dit, le VIe jour d’octobre, les Trèses et plusieurs du
Conseil et awairdeur c’en allirent par acord en l’ostel dudit seigneur
Géraird de Francheville, et comandirent a chanoinne qui gardoient la
dite maison on non du chappistre que il voulcissent laissiés la gair e,
et qu’il wuidaissent hors dudit hostel, sus la somme de cent livre.
Et yceulx n’en firent rien. Parquoy il en furent gaigiés, pour tant qu il
n’avoient point obéy à la justice. Entre lesquelles, de ceulx qui furent
gaigiés, l’ung ce appelloit maistre Jehan de Tournaix, et ung au re
maistre Burtrand, et plusieurs aultre chanoigne d’icelle église, que tous
furent gaigiés, chacun de cent livrez. Et fut cecy fait le VIe jour d oc
tobre, comme dit est, en l’an dessus dit mil quaitre cent et trois Dont
il avint que, pai ce gaigement, les devent dicte gairde qui gairdoient
cellui hostel por les chainoigne c’en aillirent hors d’icelluy, et obéirent
a. M : prestes.
b. E : laisser.
134
CHEVAUCHÉE FAITE PAR CEUX DE METZ
(1403)
à la justice ; ou aultiement l’en les eust encor gaigiés plus avent. Et
alors, pour ce fait, furent les devent dit maimbour examinés par la
justice pour le fait d’iceulx biens. Et tellement que les aulcuns firent
serment en la mains de la justice qu’il n’avoient riens ressus ne heu
d’iceulx biens, ne n’avoient rien hostés ne deminués, tout le tampts
que illec avoient estés, de chose qui fut apartenant audit amoniers.
Mais, après le sairment fait, il ce rescusoient l’ung l’aultre. Et, de fait,
en y oit aulcuns d’iceulx mainbour qui dirent à la justice qu’il avoient
desjay party ensamble tout le plus biaulx et le milleur, c’est à dire
tout l’or et l’airgent qui estoit audit hostel. Et, quant les Trèses et le
Conseil vinrent à cognoissance d’iceulx mainbour qui ce avoient par
jurés, alors il les mendairent devent eulx. Et tantost il vinrent, bien
honteux. Et, affin que l’on les laissait en paix, il quitairent et renonsairent en la main de la justice toutte la devise et mainburnie dudit
amonier. Et, ce fait, la ville mist la mains par tout ces biens pour tout
vandre et despandre, et fut tout vandus à estault pour paier les
souldieur. Item, pour ce que ledit seigneur Géraird de Francheville
avoit prestés les mil florins à la ville, corne dit est, les Trèses et le
Conseil luy donnaient LX livrez de pansion annuelle, sa vie durant,
pour le récompanser, pour tant que l’on disoit qu’il avoit perdus sa
chainoinerie, et plusieurs aultre grande office qu’il avoit en la dite
église. Et fut ce fait on moix d’octobre, en l’an dessus dit mil quaitre
cent et trois.
Chevaulchée faide par ceulx de Mds. — Or, après ce fait et en celle
meisme année, avint que, ondit moix d’octobre, les seigneur de Mets
firent une chevaulchié avec plusieurs de leur verlet et avec plusieurs
souldoieur. Et, avec celle gens, c’en allirent coure sur les Jalz l, et
chevalchairent jusquez delay Merxalz, et tandirent sus lesdit Jalz.
Mais il n’en prinrent que ung, avec Iequclle fut prins le filz Regnalz de
Herbévillez. Et fut ce fait le vandredi XIe jour d’octobre. Puis fut ledit
Jalz pandus le lundi XVe jour dudit moix, avec ung cousturier qui
avoit desrobés de l’ergens ; et furent menés ensemble a gibet. Mais la
cause pourquoy ce Jalz fut pandus, ce fut pour tant qu’il avoit estés
à boutés les feu à Sainct Jure sus Jehan de Vy ; et enmenairent plu
sieurs beste de Iadicte ville de Sainct Jure.
ix pièces de balenne avivée à VEsdu.se près de Bruges. — Item, en celle
année, avindrent encor plusieur merveille. Entre lesquelles avint que,
soubz le pont à Hostenne, à deux lue près de l’Écluse et à trois lue près
de Bruges, il arivait IX piesse de baillaine tout à une fois, qui vinrent
illec abourder avec le flos de la mer. Et en y avoit une entre les aultres,
qui estoit maille, lequelle avoit le mambre de XX piedz de longuer, et
estoit aucy gros comme peult estre une tonne de hairans. Et avoit la
eue a derrier environ de XXX piedz de loing et XV piedz de lairges.
a. E : cowe.
1. Sur ce gentilhomme et ses compagnons, qui étaient en guerre contre la ville de
Metz, voyez Huguenin, Les Chroniques de la ville de Metz, p. 128.
gorze prise par ceux de
METZ (1403 a. St.)
135
bSSSSSSSSSSf
ment, prenoient le sayns
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SitTn. Et, d’ycelle os, en lut npourtés ^> d» <=»*»
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debot» sus une journée.
Lequelle respondit qu'il n'en teroit riens. Et b^aite Tm^ts"™
le XXIIe iour de febvrier et le premier jour des Q
« sonner la grosse eloehe c'en appelle Hutte et
seigneur à chevauh avec toutte la communaltes. Et lurent env.ro ^
jusques à Aincy ; et lut
““tae^Tenviron XXX lance
greiz et consantement de 1 abb •
y
^quelle estoit
l’espace de trois sepmamnes. Et fist la paix cei
» 4 chevallier
frère a princier de Mets et a seigneur Jehan de
't
à la vollunteis de 1, ville. Et revindrent les seigneur.de Met, 1. dimen
Z'L **£%£*?*
c^eirS^rjaseongne,
où il print plusieurs places sus les Anglois.
. j devent
Item, aucy en ce meisme ans, se esmeut grand disc«rd en^re
dit Loys, duc d’Orléans, et le devent dit Jehan duc deBo^o^
Lequelle huttin toutefois fut mis d’accord ; et fut la paix
P
celle fois.
1. Le mot lame signifie''réputation, renommée. Il semble qu'il y ait ici une erreur de
'hilippe.
136
JEAN RENGUILLON LE JEUNE, MAITRE ÉCHEVIN DE METZ (1404)
Mil iiiic et iiij. — L’an après, courrant le milliair par mil quaitre
cent et quaitre, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire
Jehan Renguillon le jonne.
Confiscation des biens d’ung des seigneur de Mets. — Et, en celle
année, a premier VIII jour de septambre, on fist vandaige de plusieurs
îens, cences et rantes et héritaiges, et de tous aultre biens meubles,
waissaillement d’or et d’argent appartenant a seigneur Simon Chevallat, qui alors estoit Trèses et amant de Mets, et qui estoit grant
entre nous seigneur. Et fut ce fait pour ces desmérites. Et, avec ce,
fut banys a XX ans de la cité et de la banlue d’icelle, et perdit son
amandellerie. Lesquelle biens et héritaige furent vandus on Hault
Pallas de Mets par la justice d’icelle, et furent achetés par plusieurs
bourjois de la cité. Et furent yceulx vandaiges seellés du ceaulx des
VI pairaige d’icelle.
Vng bourjois banys de Mds et son biens perdus. — Pareillement, en
celle meisme année, fut forjugiés et banis à tousjourmais hors de la
cité et du païs ung aultre bourjois, nommés Bichenay ; et furent tous
ces biens vandus, confisqués et butinés.
Deux jonne clerc pendus. — Aucy, en ce meisme tempts, furent
pandus deux jonne clerc. Et la cause fut por tant qu’il avoient estés
avec aulcuns moine pour aydier à dérober l’abbez de Sainct Arnoult.
Car yceulx moine, pour celluy tampts, estoient en plays et en procès
en l’encontre de leur dit abbé, comme cy devent ait estés dit ; et pour
ce le desrobirent. Mais jay pour ce n’en demourirent impugnies. Et
amsy apert la bonne justice qui ce fait en la dicte cité de Mets, car
1 on n’y appairgne petit ne grand.
Course du conte de Saintes et aullres seigneur sur le paiis de Mets. —
Pareillement, advint en celle dicte année, le XVe jour de septembre,
que le conte de Sallebruche et le seigneur Jehan de Salmes, filz du viez
conte de Salme, et le seigneur du Vergiers, et le seigneur de Boullay,
ce alliairent ensamble et c’en vinrent devent Mets. Et en leur compaignie heurent XV cent tant chevallier comme escuier et gens de
plusieurs estât. Et, tout premièrement, prinrent la maison d’Espaignes,
qüi alors estoit a seigneur Burthemey Paillat, et boutairent le feu en
la ville. Et fut aucy prinse la maison de Villez, qui estoit a seigneurs
Thiébault le Gournaix, chevallier. Et fut la ville toute airse, avec
plusieurs aultre ville. Et fut aucy prinse Sorbey, qui estoit aux hoirs
Burtrand le Hungre. Et furent devent Selley ; mais elle ne fut pas
prinse, car elle fut bien deffandue. Et fut alors prinse la tour, qui estoit
a seigneur Pier Renguillon. Et, pareillement, fut airxe la ville de Chamenat par seigneur Phelippe de Noeroy. Et, avec ce, y firent de grand
domaige, et vandirent tout les biens meuble qu’il avoient prins és dite
forteresse, et les bien des bonne gens du païs de Mets furent tous
enmenés à Bollay et à Wiviers.
La cité rensonné de xiij mil florin. — Et, quant les seigneurs de la
cité virent que il prenoient les fort maison et ardoient les ville et
destruisoient aincy le païs, alors l’on trouvait manier de faire acord
HENRI ROUCEL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1405)
137
à eulx. Et, pour avoir paix, leur fut donnés de la seigneurie de Mets
XIII mil florin. Mais il fut dit par devent plusieurs desdit seigneur de
Mets que on n’avoit rien affaire à eulx. Et, néantmoins, il voulrent
avoir de la ville ycelle somme, sans cause et sans raison. Et, pour les
paier, en ont demourés en leur mains plusieurs chevallier et escuier de
la ville de Mets.
Item, en celle dicte année, on moix de septembre, furent mort de
peste plusieurs personne et de plusieurs estât, tant homme que femme.
Entre lesquelles mourut Sebelliatte Biaulxculz.
Ung clerc murlris. — Puis, avint, en celle année, le XXVIIe jour
d’octobre, que Nyclement, clerc à Andrieu de Wauldrevanges, fut tuez
et murtry d’ung Françoy que demouroit en l’ostel seigneur Jehan de
Waudrevanges. Et fut ce fait en la rue de la Croste. Lequelle Françoy
eschaippait, et c’en allait hors de la ville, et ne fut point prins.
Ung bon homme de Rozérieulles tués.— Item, en celle meisme journée,
fut tuez ung bon homme de Rosérieulle, lequelle s’appelloit Stévenin
Bâillât. Et le tuairent deux bouchiés hainuers, lesquelles avoient Vandus chair à la dicte Rouserieulle tout parmi le cours de la vandange.
Plussieur gros mariage en France. — Or, advint aucy en celle dicté
année que on fist le mariaige du jonne duc Jehan deBretaigne et de la
seconde fille du roy de France, nommée Mergueritte. Aucy fut fait
cellui de Charles d’Orléans à Ysabeau de France, sa cousine germaine,
qui avoit estés par avant espousée au roy Richair d Angleterre, comme
cy devent ait estés dit. Item, pareillement fut marié Jehan, deusiesme
filz du roy, à la seulle fille du duc de Bavier, conte de Hainault.
Et, en ce tamps, Géraird 1, duc de Sleswych et conte de Holtzacie,
entra à Mercia avec Ve homme d’armes en sa compaignie ; auquelle
fortune fut cy contraire qu’il y furent tous mors et tuez.
[DE LA « JACQUERIE » DE METZ, EN I/ÇoÔ, A L’ALLIANCE
DES « QUATRE ))]
Mil iiijc et v. — Puis, en l’an mil quaitre cent et V, fut maistre
eschevin de Mets le sire Hanry Roucel.
Mutinerie des bourgeois de Mets contre leurs supérieur. — Et, en ycelluy
ans, avint en Mets une grant Jacquerie et une grand mutinerie. Car
alors ce élevairent aulcuns malvais guerson du puple de la cité en
l’encontre de la noble seigneurie ; et, désirant de gouverner, acomensairent ce huttin le jour de la feste sainct Éloy, qui fut le lundemain de
la sainct Jehan Baptiste. Et tellement ce ellevairent yceulx gairnement
et alliairent a contre les seigneur devent dit, c’est assavoir tout ceulx
fl. E : et ce alliairent.
t. Gerhard VI périt en 1404 en combattant les Dithmarses. — Holtzacie : Holstein. —
Mercia : Moerse, Hanovre, Fallersleben ?
138
QUATRE COMTES EN GUERRE AVEC METZ (1405)
qui estoient de cest acord et alliance, que souldains ce esmurent et
prinrent tous ceulx desdit seigneur et de leur amis et aydans qu’ilz
poulrent avoir. Et, ce fait, incontinent les menairent on Pallas. Et y
furent tous mis, réservés aulcuns d’yceulx seigneur, lesquelle à grand
paine eschappairent, et c’en allairent demourer hors de la cité, là où
bon leur sambloit, de peur d’estre mis à mort.
La teste tranchée à ung des seigneur de la cité. — Car lesdit mutins ce
esmeurent tellement en leur malvais couraiges que, par ung merdi,
jour de feste sainct Pier, firent tranchier la teste à ung des nobles
chevaliers de la cité de Mets, lequelle estoit appellés seigneur Nicolle
Grongnat. Dieu ait de lui pitié ! Car ce fut sans cause et sans raison.
Puis gouvernairent yceulx mutins la cité ung ans et a V sepmaigne.
Et néantmoins, comme il pleut à Dieu, lequelle tousjours aydes les
siens, et à la priairent des benoy saincts, fut la cité reprinse. Car ce
n estoit pas raison que une cy noble cité fut gouvernée de telz manier de
gens. Et tellement que, par ung jeudi, jour de l’Ancencion, les dit sei
gneur entreprinrent et firent tant que, par ycelluy jour, bien matin,
ilz reguaingnairent la dicte cité. Et, en ce faisant, ne tuairent parsonne
quelconques, forcque ung appellés Ruxey, demourant à Portemuzelle.
Maix il en prinrent plusieurs et les mirent on Pallas.
xxxvj mutins noiés. — Et puis, tantost après, il en firent mener au
pont dez Mors XXXVI des plus malvais, lesquelles furent illec noyés
et destruit. Et ainssy apert que de bonne vie bonne fin.
iiij conte de guerre à ceulx de Mets. — Or, avint que, essés tost après
et en celle mesme année, quaitre grand signeurs encomensairent
une trefïorte guerre en l’encontre de la dicte cité de Mets, et sans cause
nulle, fort seullement que par convoitise et envie, désirant à la destruire. Le premier d’yceulx conte, ce fut le conte de Salverne ; puis le
conte de Nausowe ; après, pour le thier, ce fut le conte de Salmes ; et le
quaitriesme fut le sire de Bollay. Et avec eulx estoit venus Jehan d’Aultey. Lesquelles tous ensamble vinrent à courir sur les bourjois de
Mets, et il saillirent a champts à banier desploiées, et ce mirent en
bataille.
Les Metsains rués jus. — En laquelles furent prins plusieurs des
seigneur devent dis, avec plusieurs aultre gens de la commune d’icelle
cité. Et tout ce meschief avint par la faulte et par la malvaise ordon
nance et gouvernement de yceulx Jaicques et mutins, qui volurent
gouverner et tout faire, et ne sçavoie rien. Parquoy la bataille fut aincy
pardue, corne oy avés. Et fut ce fait ledit ans, le jeudi vigille saincte
Katherine.
La mort de Phelippe le Hairdi, duc de Bourgongne. — Item, je trouve,
cellon aulcune cronicque, que, ledit ans, trespassa Phelippe le Hardi,
duc de Bourgongne. Et fut enterré à Nostre Damme de Haut, en
Braibant, et son cuer au Chartreux de Dijon, qu’il avoit fondés en son
vivant. Après lequelle son filz, Jehan, conte de Nevers, luy suscédat,
a. TJne main récente a corrigé dans M et en moins V sepmaigne.
JEAN LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1406)
139
et fist homaige au roy de France de la duchiés de Bourgongne et des
pais relevans de la couronne, comme cy devent ait estés dit.
Charles de Savoisy contre les escollier de Paris. — Item, alors fut aucy
fait le délict des gens de messire Charles de Savoisy, chevallier, contre
les escolliers de Paris. Parquoy le dit chevalier fut excomunié et bany
du royaulme de France ; et fut sa maison condamnée d’estre abatue.
Aussy, pour amende, fut constrains de fonder aulcuns chappellains
gu l’Université de Paris. Et fut le délict fait à Saincte Katherine du
Val des escolliers, en y allant à procession.
Mil iiiic et vj. — Après ces chose aincy advenue, et corrant le milliair par mil quaitre cent et six, fut maistre eschevin de la cité de Mets
le sire Jehan le Gournaix, de la rue des Bons Anfïans.
Et, en celle année, ne fut en Mets ne on pays d’icelle guerre de chose
faictes qui soient digne de mémoire ne que à compter faisse. Sinon que
je trouve, cellon la dabte a du tamps, que, en celle dicte année, le devent
dit duc d’Orléans, et duquelle nous avons par cy devant parlés, fist
et paissait une lestre de paix en l’ancontre de la cité de Mets. De
laquelles la teneur s’ensuit *1:
Leclre de peu de valleur. — n Loys, filz du roy de France, duc d’Orléans,
conte de Blois et seigneur de Coucy, à tous ceulx que ces présentes
lettres verront, salut. Comme aulcuns des habitans de la ville et cités
de Mets, contre laquelle nous avons par aulcuns tampts meut guerre
pour certain droict que nous prétendons avoir à l’encontre d’icellé,
considérans les grant pertes et domaiges que la dictes ville et les habi
tans d’icelle ont heu le tampts passés à cause et pour occassion de la
dicte guerre, et porroient encor plus avoir on tamps à venir b, se soient
trais par devers nostre très chier et très amés oncle, le duc de Bar,
seigneur de Cassel, disant que, les chose dessus dictes et aultres par eulx
considérées, il estoient et sont d’acord de nous baillier la dictes villes
et cités de Mets par les condicion et manières que s’ensuyvent : premiè
rement, qu’elle ne serait point courue, en espécial sur le comun ne sur
les gens d’Église ; secondement, que le droit de l’empire demourerait ;
tiercement, que nostre très chier et amés cousin messire Édouard de
Bar, marquis du Pon, ara la moitiet en la dicte ville et seigneurie pour
luy'et pour les siens, sçavoir faisons que nous, ces choses considérées,
désirans de tout nostre pouuoir obvier c aux dommaiges de la dicte
villes, avons les choses dessusdicte agréables, on cas que la dicte ville
et la seigneurie d’icelle nous serait baillée et délivrée par les dit habi
tans, comme dit est. Et lez point et articles cy dessus déclairés garde
rons et promettons de garder en bonne foy et en parolles de filz de roy,
sans aller ne venir en l’ancontre en aulcune manier. En tesmoing de
ce, nous avons fait mestre nostre sceel à ces présente lestres. Donneez à
a. M : dalte.
b.
Mss. : advenir.
c. Mss. : abvier.
1. HÉv., p. 538-539.
140
LETTRES DU DUC D’ORLÉANS ET DU DUC DE BAR
(1406
a.
st.)
Paris, le IXe jour de febvrier ®, l’an de grâce mil quaitre cent et six ».
Ainsy signées sur le resplois desdictes lestre : « Par monseigneur le
duc » ; et, au dessoubz : « Héran ».
Après ce que ces lestres furent aincy donnée, on meisme moix et en la
meisme année, fut par le devent dit Êdouart, marquis du Pont, une
aultre lestre passée et pour ce meisme fait acourdée, dont la tenour
s’ensuit :
« Nous, Êdouart de Bar, marquis du Pont, à tous ceulx que ces po
santes lestres verront, salut. Comme aulcuns des manans et habitans
de la ville et cité de Mets, contre lesquelle nostre redoubté seigneur
mon seigneur le duc d’Orléans ait par aulcuns temps menés guerres
pour certains droit qu’il prêtent avoir à l’encontre d’icelle, veans et
considérans les grand pertes et domaiges que la dictes ville et les habi
tans d’icelle ont heu le tempts passés à cause et pour occasion de la
dicte guerres, et polroient encor plus avoir on tampts ad venir, se fussent
trais par devers nostre très redoubtés seigneur et perre mon seigneur
le duc de Bar, disant que, les choses dessus dictes et aultre par eulx
considérées, il estoient et sont d’acord de baillier à nostre dit redoubtés
seigneur d’Orléans la dicte ville et cité de Mets, par les condicion et
manier qui s’ensuyvent : premièrement, qu’elle ne serait pas courrue,
en espécial sur le comun, ne sur les gens d’Église ; secondement, que le
droit de l’empire demourra ; tiercement, que nous avrons la moitiet
en la dictes ville et seigneurie, pour nous et pour les nostre ; lesquelles
chose dessusdicte nostre dit redoubtés seigneur mon seigneur le duc
d’Orléans ait octroiés ausdit habitans et en aitestéset est d’acortetles
ait heu agréables, comme par ces lestres patentes sur ce faicte puelt
plus à plain apparoir, sçavoir faisons que nous, ces choses considérées,
désirant de tout nostre pouuoir obvier au domaige de la dictes villes,
avons les chose dessus dictes agréable, on cas que la dicte ville et la
seigneurie d’icelle serait baillée et délivreez à nostre dit redoubtés
seigneur mon seigneur le duc d’Orléans par la maniers dessusdictes.
Et les point et articles cy dessus déclairés garderons et promettons
gairder en bonne foy, sans aller ne venir à l’encontre en aulcune ma
nières. En tesmoing de ce nous avons fait sceelés ces présantes lectres
de nostre sceel. Données à Paris, le XIIIe jour de febvrier », l’an mil
quaitre cent et six ».
Et, aincy, avés oy la coppie des lestre faictes et passées tant par Loys,
duc d’Orléans, comme par Édouart de Bar, marquis du Pont, en trai
tant la paix en l’ancontre de la cité de Mets. Lesquelles lestres, comme
il me samble, ne pourtairent guerre d’efïaique ne de vertus. Ains e6t la
dictes cité demourée en son enthier et en sa franchise et libertés, et
demeurait c à tousjours, tant qu’il plairait à Dieu, qui la vueulle salver
et préserver de fortune et de péril, et defïandre de tous ces mal vueullant
à tousjour à perpétuités, elle et ces anfïans, jusques à la fin ! Amen.
a. M : le IX jour de febrier.
b. M : febrier.
c. E : demourera.
JEAN CŒURDEFËR, MAITRE-ÉCHÉVIN DE METZ (1407)
141
En celle meisme année mil quaitre cent et six, on moix de jung, le
maicredi après le Sainct Sacrement de l’autel, environ les VI heure du
matin, avoit heu fait éclipse et forment nuit, et estoit le ciel bien
estoillés.
Aucy avint que, on dit ans, il fut ordonnés que le devent dit duc
d’Orléans yroit en Guienne, comme il fist, et mist le sciège à Bourg ;
et le duc Jehan de Bourgongne à Calais contre les Anglois. Mais en ce
ne prouffîtèrent en riens tous deux.
Ne aultre chose ne fut faicte pour celle année de quoy il faille tenir
parolle. Parquoi je vous en lairés le pairler, et retournerés a maistre
eschevin de Metz et à plusieurs aultre chose.
Mil iiiic et vij. — En l’an après, et courrant le milliair par mil quaitre
cent et VII, fut maistre eschevin d’icelle cité de Mets le sire Jehan
Cuerdefer.
Et, en celle dicte année, furent les gellée moult grande et destroitte »,
corne cy après serait dit.
Le duc d’Orléans occis par les gens du duc de Bourgongne.
Or avint,
durant ce tampts, la vigille de la sainct Clément en yver, de nuyt, au
VIII heure, que le devent dit duc Jehan de Bourgongne fist trayteusement tuer et murtrir le bon duc Loys, duc d’Orléans, et frère à Charles,
roy de France. Et fut ce fait à Paris par aulcuns souldart à ce faire
commis et par l’annortement du dit duc de Bourgongne (desquelles
estoit le principal murtrier ung gairnement appellés Raoulet d’Octovylle 21),* en
4 5retournant qu’il faisoient de soupper à l’ostel de la royne,
sa belle suer, et en passant par la vielle rue du Temple, auprès de la
pourte Barbette. Dont moult de mal en advindrent depuis. Car tout le
royaulme de France en fut perdus et exillés 3, comme en plusieurs
passaige ycy après serait dit. Et, combien que par avent eussent jurés
tous deux bonne amour et fraternités ensemble (et, de fait, prmrent le
corps Nostre Signeurs sus cest alliance et promesse), et, néantmoins,
ledit de Bourgongne en fut parjus 4 par la mort du noble duc, comme
dit est. De laquelle mort tout le royaulme en fut troublés. Car ledit duc
d’Orléans estoit ung des plus notables princes et especial 5 en touttes
choses que l’en sceust trouver. Et estoient alors tous les officiers soubz
luy ; car il avoit tout en gouvernement. Et, avec ce, estoit fort pom
peux, parquoy chacun gaignoit avec lui. Mais il fut assaillis, comme dit
est, et premièrement fut abatus de dessus sa mulle en terre ; et de
primes venues luy couppairent la mains destre, de laquelle il tenoit
l’arson de sa selle. Et, alors, l’ung des officier de sa maison, voyant son
maistre aincy villainement prosterner encontre terre, se gecta sur luy
pour le cuyder sauver. Mais incontinent des murtrier fut occis et mis
1.
2.
B.
4.
5.
Destroites, rigoureuses.
Raoulet d’Anquetonville,
Essillié, ravagé.
Parjure.
,,
,, „
Philippe n’a-t-il pas confondu spècial et spectable, remarquable .
14à
NICOLE LOUVE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1408)
à mort, comme son maistre et seigneur. Et d’icelle mort tant de mal en
advindrent qu’il n’est possible de l’escripre.
Et, après ce murtre aincy fait, les malfaicteurs c’en fuyrent en l’ostel
d’Artois. Et, en fuyant, gectoient caucquctripes 1 après eulx, afîin c’on
ne les suivist point. Et tantost, a bruyt et tumulte d’icellui murtre, les
voysins ce assemblèrent et pourtairent le corps en la prochaine maison.
Et, à ce bruit, y acoururent plusieurs personne ; entre lesquelles Loys,
roy de Scicille, avec le duc de Berry, et meismement cellui de Bourgongne, ce y trouvairent. Et furent fort troublés, voyant le corps mort
de leur amis. Et, au lundemains, l’on le pourta anterrer au Célestins
à Paris. Et conduysoient le dueil les princes dessus nommés, meisme
ment le duc de Bourgongne, lequelle n’estoit alors point suspecht
d’icellui crime.
Le duc de Bourgongne se relire aux paï[s], — Mais, quant la vérité fut
sceue, il eschapa du conseil, auquelle il estoit avec les aultres seigneurs
pour ce meisme fait, et, faindant de aller a retrait, monta sus ung
chevaulx légier, et saillit de la ville, et bien viste se retira à Port Sainct
Maxent 2. Lequelle, incontinent qu’il fut oultre, le fist abatre. Et
tellement chevalcha que ce jour mesmes il arriva à Arras, jà ce que de
Paris 1 on y compte cinquante lieues. Et, là venus, le roy envoya vers
lui le duc de Berry pour ce enquérir de la vérité. Toutefïois, après plu
sieurs escuse, il fut trouvés coulpable ; et fut bien cognus que tout ce
procédoit d’envie.
Aucy, en celle meisme année, fut l’année du devent dit grand yver.
Lequelle fut plus merveilleux et plus aipre qu’il n’estoit de coustume ;
et tellement que les glassons du dégel qu’il fist rompirent les pons de
Paris et de plusieurs aultre ville et cité qui estoient scituée sur grosse
rivier.
Item, en cellui tampts, ce acomensairent à ellever et à mutiner les
Liégeois à l’encontre de Jehan de Bavière, évesque d’icelle cité. Et la
cause pourquoy fut pour tant que yceulx Lyégeois voulloient qu’il ce
fesit prestre. Dont grand mal avint, comme cy après serait dit.
Mais, avent que plus en pairler, je retournerés à pairler des maistre
eschevin de Mets, et qui le fut en l’an après, et les chose advenue durant
son tampts digne de mémoire.
Mil iiiic et viij.
L’an mil quaitre cent et VIII, fut maistre eschevin
de Mets le sire Nicolle Louve.
Déconfiture des Liégeois par le duc de Bourgongne. — Et fut en celle
année que les devent dit Liégeois ce mirent en arme et antrairent en
baitaille encontre le devent dit Jehan, leur évesque. Et la cause fut
pour tant qu’il voulloient qu’il ce fist pbrestre, comme dit est; maix
il ne le voult mye estre. Dont il leur en advint de grand dompmaige,
comme vous oyrés. Car, pour ce fait, lesdit Liégeois firent ung aultre
1. Chausses-trapes, pièces de fer en forme de chardons où s’enferrent les hommes
et les chevaux.
2. Pont Sainte Maxence.
GUERRE GlVILE EN FRANCE
(14Ô8)
14c!
évesque et plusieurs aultre chanoinne, et le boutirent du tout dehors.
Mais ycelluy Jehan, leur évesque, voyant leur voulluntés, fist alors
son mandement, et assamblait gens de tous coustés. Entre lesquelle
vint en son ayde et à grand puissance le de vent dit duc Jehan de
Bourgongne, et amenait VI mil chevalier avec lu y, desquelles estoit
conduicteur messire Jehan de Chalon, prince d’Orenge, et plusieurs
aultre grand princes et seigneur. Et alors, le jour de la feste sainct
Lambert, leur paltron, lesdit Liégeois saillirent hors avec leur estandart;
et olrent bataille ensamble. Tellement que, desdit Liégeois, il en mourut
en la place, de compte fait, plus de XVI mil. Et puis, ce fait, ledit
évesque Jehan de Bauvière, frère de Guillaume, duc de Bauvier, sei
gneur de Hollande et conte de Hainault, ce mariait ; et oit à femme
la duchesse de Braibant et de Lucembourg. Mais, après ce mariaige, il ne
vesquit guerre qu’il morut. Celle desconfiture desdit Lyégeois avoit
peu devent estés pronostiquées par une grande cornette qui ce apparut.
Réparation d’honeur fait par le prévosl de Paris. — Aucy, en ce tampts,
avint que le prévost de Paris fist pandre a gibet deux escollier. Mais,
tantost après, l’Université pourchassa tellement qu’il furent despandus,
et fut contrains ledit prévost de y estre en personne, et de les baisier
en la bouche, et avec ce de acompaignier yceulx corps jusque à ce qu’il
furent encevelis.
Grant faclerie et menée de guerre des prince de France l'ung contre
l'autre. — Et, en cellui tampts, ce pourvoioit ledit Jehan, duc de
Bourgongne, et faisoit tout son effort de assambler gens pour nuyre « a
royaulme de France. Car, comme j’ay dit icy dessus, loing tampts
devent il avoit heu grosse rancunes et haynes contre ledit Loys, duc
d’Orléans, touchant le gouvernement de France. Et, aucy, il soubtenoit
tousjours la bande du pappe Bénédic contre la voullunté des seigneur
prélatz et des Universités de tout le royaulme. Et, pour ce, se mirent
tous en arme contre le dit duc de Bourgongne. Parquoy le dit de Bour
gongne mist les Anglois en France. Lesquelles prinrent Normendie,
le Mayne, une partie de Poictou, Lymosin et Auvergne, et meismement
Paris, et jusques Orléans, comme cy après serait dit quant tampts seras.
Et, meismement, orés comme ledit Bourgongnon* print le roy Charles,
aincy mallade qu’il estoit, et la royne et le daulphin, et les menoit
devent les places qui tenoient de part lui pour les faire randre et endégecter les gens dudit roy.
Cellui roy Charles le débonnaire eust entre ces aultre anffans trois
filz. Le premier fut celluy daulphin et duc de Guynne *, qui avoit à non
Loys ; l’aultre fut nommés Jehan, qui fut duc de Lorraine *2 ; et morurent jeunes. Et le plus jeune, nommés Charles, qui estoit conte de
Poitou, demoura seulle héritier. Après ces troys filz, oit encor le roy
a. M : nuye.
b. E : ledit de Bourgongne.
1 Louis, duc de Guyenne, mort le 18 décembre 1415.
2. Jean, duc de Touraine, mort le 5 avril 1417.
144
POINCE LÊ GOÜRNAY, MA1TRE-ÉCHEV1N DË MËTZ (1409)
deux filles. La premier fut nommée Yzabel, et l’aultre Marie, qui fut
prieuze de Poissy.
Or, avoit cellui duc Jehan de Bourgongne alors cy grand puissance en
France que, maulgré le roy et la royne, il fist donner en mariaige la
dite Ysaibel au roy Hanry d’Angleterre. Et, avec ce, lui fist faire ung
tel traictiez que le roy deshériteroit le devent dit Charles, son filz,
conte de Poithieu, lequelle alors estoit seulle héritier de toutte là
courongne de France cellon droit et raison. Et plusieur aultre chose
fist encor ledit duc, desquelles je m’en paisse quant à présant, car essés
en oyrés parler, quant tampts serait. Et trouvanrés que par lui et par la
mort du devent dit Loys, duc d Orléans, moult de mal et de domaige
avindrent par tout le royaulme. Car, comme j’ai dit devent, celluy
duc Loys trespassés estoit homme de grand auctorités. Et avoit heu
à femme la fille du duc de Millan, de laquelle dessandit son filz Charles,
qui, depuis la mort son perre, fut duc d’Orléans. Et aucy trouvanréâ
cornent Dieu permist que celluy Jehan, duc de Bourgongne, fut pugnis :
car par les serviteur dudit feu d’Orléans il fut mis à mort à Motereul
fault Yonne “. Et, pour sçavoir la vérité du milliair quant le bon duc
d Orléans fut tués, il est contenus en ces trois mot ycy après escript.
Advisés y bien et vous trouvenrés ce que je dis :
Contere braChIVM peCCatorls.
Division des pape, estant plussieurs pour une fois. — Item, aucy en ce
tampts, apparut une grande cornette au ciel, laquelle estoit signifiance
des discencion qui alors estoient entre les princes et seigneurs crestiens,
tant spirituel comme temporel. Car, en celle meisme année, les cardinal
qui tenoient les deux parties, c’est assavoir de pappe Grégoire, XIIe de
ce nom, lequelle par avant ce nommoit Angélus de Corario, et de
Innocent VIIe, qui par avant se nommoit Cosmar de Pérouse, yceulx
cardinal, moyennant l’ayde des princes crestiens, convocquairent et
assamblairent ung concilie général en la cité de Pise en Ytalie. Auquelle
furent cités les deux pappe dessus dit. Mais ne l’ung ne l’aultre n’y
comparurent, parquoy furent dépouzés tous deux. Et, alors, les dit
cardinal, tout d’ung meisme accord, eslurent en pappe ung thier
pappe, appellé Pier de Candia, que lors il dénommairent Allexandre
le quint. Et ne vesquit cellui que ung seul ans. Après la mort duquelle
il esleurent Jehan XXIIIe, qui avant estoit nommés Jehan de Coxa.
Et, par ainsy, en ce tampts, y eust multiplicacion de scismes et erreurs
en 1 Esglise, et plus grandes que jamaix aparavent n’avoient estés.
Cy en lairons à pairler pour le présant, et retournerons a maistre
esche vin de Mets et à plusieurs aultres besoingne,
[1409]. — Après * ces choses ainsy advenue, et que le milliaire
a. E : Montereul {aulx Yonne,
b. Le manuscrit M présente ici une lacune de deux feuillets : une main récente a noté :
il y a ici du désiré [déchiré} quelque fullet dont je trouve que les maistre eschevin de
NÉMERY RENGUILLON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1410)
145
couroit par mil quaitre cent et IX, fut alors maistre eschevin de la
cité de Mets le sire Poince le Gournais, chevalier.
En laquelle dicte année je ne trouve que en Mets ne on pays d’icelle
fut faicte chose digne de mémoire ne que à compter soit ; par quoy je
m’en tais.
En celle dicte année, advint en France que le conte de Savoye
esmeust guelre encontre Loys, duc de Bourbon, pour le pays de Beaujolois et de Bresse.
Aussy, en ce meisme ans, lez François perdirent la cité de Gennes ;
car celle cité, par avant subjecte aux François, ce rebella contre eulx.
Et autant en fist Jehan Maria, duc de Millan, et maintes aultres places,
desquelles estoit alors gouverneurs le mareschault Bouciquault. Mais
celle rébellion fut faicte en son abscence : dont ce fut grant dopmaige
à tout le royaulme de France. Car, à cest occasion de la seigneurie de
Gennes, le roy de France tenoit en subjection tous les pays, villes,
portz de mer et aultres passaiges qui estoient de ce coustez depuis
France en jusques tout dedans Turquie, Tartarie, Cipre et Grèce ;
lesquelles alors ce rebellaient tous, comme Gennes ; et adoncque c’en
retournaient les armées en France.
Aussy, en ce temps, le roy de Navarre fist hommage au roy de
France à Paris pour la duchié de Nemours. Et alors, aprez ce faict, se
allia avec le duc de Bourgogne. Lesquel ensemble firent copper la
teste au grand maistre d’ostel du roy de France, seigneur de Montagu,
pour avoir ses finances et le gouvernement du royaulme ; et fist le
jugement Pier des Essars, prévost de Paris.
Item, eh celle année, fut mis le siège papal en Avignon contre le pappe
de la Lune.
[1410]. — Puis, en l’an après, c’est assavoir quant le milliaire corroit
par mil quaitre cent et X, fut maistre eschevin de Metz le seigneur
Nemmery Renguillon.
Et, en ceste année, ne fut pareillement en Mets ne on pays d’icelle
chose faicte digne de mémoire que à compter faisse.
Item, en la dicte année, le duc Jehan de Bourgongne, duquel 0 je vous
ait jay tant parlés, et le roy de Navarre, boutairent hors de Paris et du
gouvernement du royaulme tous ceulx qui avoient estés serviteur du
feu duc d’Orléans, contre l’accord fait à Chartres. De quoy les duc de
Berry, de Bourbon et d’Orléans, filz du trespassés, les contes d’Alanson,
de Richemont, d’Armignac et d’Albret, conestauble de France, furent
desplaisant. Et, pour ce, s’assemblèrent au chasteau de Vicestre *1, près
Paris, pour en prendre vengeance. Mais, par la prudance du duc de
Braibant, frerre du dit duc de Bourgongne, fut entre eulx faict ung
traictiés appellés l’accord de Vicestre.
l’an 1409, 1410 et 1411 manque, avec ce qui se peult avoir faict en leur année, sinon
de ce qui suit, qui fut faict l’an 1411. — Nous comblons la lacune à l'aide du ms. E.
o. E : et duquel.
1. Bicêtre. L’accord de Bicêtre est du 2 novembre 1410.
146
ARNOULD FESSAL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1411)
Ne aultres choses ne fut faict pour celle année digne de mémoire.
Pourquoy je retoumerés au maistre eschevin de Mets et à plusseurs
aultres besoingnes.
[1411]. — Item, en l’an mil IIIIC et XI, fut maistre eschevin de la
cité de Metz le sire Arnoult Fessai.
Et, en celle année, y oit grand mortallité en Mets et on pays entour,
et tellement que de peste morurent plusseurs parsonnes.
Aussy, en celluy temps, le devant dit duc Jehan de Bourgongne
racommensa nouvelle mutinerie en l’encontre du dit Charles, jonne
duc d’Orléans. Et leva une grosse armée de Flamans, avec lesquelx
assigea et pilla la ville et chasteau de Han en Vermendois, qui tenoit
pour ledit d’Orléans ; et abatist les portes de la dicte ville avant la
dicte prinse. Item, aussy, le dit duc d’Orléans print lors Sainct Denis,
aprez ce qu’il y eust mis le siège contre le prince d’Orenge, tenant la
partie de Bourgongne. Pareillement, le signeur de Gaucourt print de
nuyt le pont Sainct Clou *, par eschielles, du coustés de la rivyer ;
mais, tantost aprez, ledit de Bourgongne, voiant que les Flamans ne
le volloient plus servir, il manda en Angleterre pour avoir les Anglois de
son partis, avec lesquelles il rèprint le dit pont Sainct Clou. Et, en celle
prinse, y eust environ mil combatans bretons occis de la compaignie
du conte de Richemont tenant la bande d’Orléans, avec grant nombre
de prisonnier. Entre lesquelx estoit le seigneur de Combour, messire
Guillaume Bataille et messire Mausort du Bois, auquel le dit duc de
Bourgongne fist trencher la teste à Paris. Item, depuis ce faict, ledit
duc print encor le chaistel et ville d’Estampes, où estoit messire Loys
Bourdon, capitaine, tenant pour Orléans ; et fut menés prisonnier en
Flandre. Aussy messire Jaicque, conte de la Marche, acompaingniés de
deux mil hommes, fut prins au Puiset, en la Beausse, par le sire de
Barbazan et de Gaucourt, qui n’estoient que quatre cent lances ;
et puis fut menés prisonniés à la grosse tour de Bourges. Et puis, aprez
ce faict, ledit de Bourgongne renvoia les Anglois en Angleterre. Par
quoy, voiant ce, le dit d’Orléans les renvoya quérir en son ayde. Auquel
fut envoiés Thomas, duc de Clarence, et Jehan Corunbe, avec V° hom
mes d’armes et mil archiés, comme cy aprez serait dict quant temps
serait
Mais, avant que plus en parler, je vous dirés comment, durant ce
temps et en celle meisme année, fut grant alliances faicte entre le duc
Gharle de Lorenne, entre le dit seigneur Raoult de Goucy, alors évesque
de Mets, entre le duc Robert de Bar et son aisnés filz Édouuairt, mar
quis du Pont et seigneur de Dung le Ghaistel, avec le maistre eschevin,
les trèses jurés et toutte la comunalté de la cité de Metz. Lesquelles
alliances estoient et debvoient durer VI ans durant, 1 ung aprez 1 autres,
sans moyens 12, et sans enfraindre ne contredire en quelque manier que
1. Saint-Cloud (Seine-et-Oise, Versailles}.
2. Sans moien, immédiatement.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
147
ce fut. Et furent ces alliances faictes et escriptes et passées des parties
toutte par articles en la forme et manier comme ycy aprez la teneur
s’ensuyt1.
[TRAITE D ALLIANCE ENTRE L’ÉVÊQUE DE METZ, LES DUCS
DE LORRAINE ET DE BAR ET LA VILLE DE METZ]
En nom de Dieu, amen. Nous, Raoult de Coucy, par la grâce de Dieu
et du sainct siège de Romme évesque de Mets, Charle, duc de Lorrenne et marquis, Robert, duc de Bar, et Édouuaird, marquis du Pont,
son filz, et le maistre esche van, les trèses jurés et toute la comunalté dé
la cité de Metz, faisons sçavoir à tous que nous, regardans et considé
rant que en noz terres, pays et aultre part, près de nos dictes terres et
pays, sont moult de malfaicteurs, pilleurs et roheurs, lesquelx de leur
vollunté, par euvre de faict, prendrent 2, rohhent, pillent chascuns
jour sur nos dictes terres et pays nos hommes et subgectz, nous fiedz
et arriedz fiedz, wairdes et conduyct, et aulcune fois sur nous meisme,
et sont rebelle et désobéyssant d’en faire rendue ou recreance et dé
venir à jour ou à droict, et ainsy cassent et enfraindent 3 les “ anciens
usaiges et bonnes coustumesde nosdite terres et pays, pour y pourveoir,
à 1 ayde de Dieu et de nous bons amys, de remède convenable, en
résistant à la malle voulluntés, rébellion et désobéissances d’yce’ulx,
pour nous, nos dite terres et pays, nous hommes et subgectz, fiedz]
arrierfiedz, gardes et conduictes réparer, tenir, maintenir, garder et
defïendre en & milleur estât par 4 5paix
6
et transquilité, par bonne et
meure délibéracion sur ce devant heue entre nous et nous conseilles,
avons, pour nous suscesseurs 5, évesquez de Mets, et nous hoirs, duc
de Lorrenne et de Bar, et nous suscesseurs, le maistre eschevin et les
trèzes jurés et comunalté de la dicte cité de Mets, fais, ordonnés,
crantez et jurés, et par les teneurs de ces présantes faisons, ordonnons,
crantons et jurons les ung de nous aux aultres les convenances, allian
ces et confédéracions que cy après sont escript et devisées, commensant au jour de la confession ® de ses présantes, et durans VI ans
a, Ici reprend le manuscrit M.
b. M : on.
HMe>
IV> P- 411 et SW G°pié sur l’Original tiré des Archives de l’Hôtel de
Ville. 17 mars 1391, nouveau style, 1392. — Nous reproduisons en notes toutes les
variantes importantes de ce texte, plus correct que celui de Philippe. — La date de
1411 est erronée (voyez, sur Guy de Dommangeville, qui était encore prisonnier du
duc de Lorraine au moment où l’alliance a été établie, HLo2, 3t. III, col. 507) ■ Philipoe
aura copié MCCCCXI au lieu de MCCCXCI.
’
' ’
2. Prendent.
3. Enfraindent, enfreignent.
4. Par manque dans Philippe.
5. Pour nous, nos successeurs.
6. Confection.
448
alliance
Entre metz, lorraine Et bar
anthiers, continués et acomplis, l’ung après l’aultre, contenans les
poins et articles que cy aprez par ordonnances *1 11
sont mis et escript.
Premier, nous voulions et ordonnons que en nosdit alliances soions
comprins 2 tout nous pays, nous terres, nous hommes, nous subjectz,
nous fiedz, nous arrier fiedz, nous gardes, nous conduictz, et touttes
leurs appartenances, esses 2, estant ou resortissant en nosdit éveschiez
de Mets et duchié de Lorrainne et de Bar, pays et terre de Mets, tant
en romant pays comme Allemaigne t±. G’est assavoir le bailliaige
dudit éveschiés de Mets, et 6 bailliaige de Nancey, de Voges et de
Allemaigne, auparthenant a audit duchiez de Loherenne, et ® bailliaige
de Bar et de Sainct Miel et de Bessigney, appartenant audit duchiez
de Bar, et en toutte la terre et pais de la dicte cité de Mets.
Item, nous sommes tenus 7, chacun de nous endroit soy, dedans les
propris 8 de nosdit pais et terres et de leurs appertenances, garder et
deffandre au leal pouoir 9 envers tous et encontre tous que mestier sera
touctes églises, tous prestres et tous clers, religieulx et autres, tous leurs
demaines, rentes et revenuees, tous pellerins, tous merchamps, et
touttes aultres bonnes gens, ensemble tous leurs biens, estant, demeu
rant, allant, venant et trespassant par lesdis propris de nous dit pays
et terres.
Item, nous debvons et sommes tenus, chacun de nous b endroy soy,
dedans lesdit proppris de nosdit pays et terres touttes, ensembles leurs
dit appartenancesdefïaire et destourner et oster tousiais de guerre,
tous feu bouter, tous robeurs, tous pilleurs **, et aidier l’un de nous
l’aultre à ce faire contre tous ceulx que mestier sera, sans faintise et
sans entrepourter aulcuns 12.
Item, par ces présantes alliances ne doient point estre ne seront
empeschiez, corrumpus ne enfrains les anciens drois, franchises, coustumes et libertés de nous et de nos dit pays et terres. Ainçois se tanront
et gairderons selon ce qu’il est usé d’ancienneté, sans fais de guère.
Item que, ce, pandant le tamps de nous présantes alliances, 1 ung
de nous veult rien demander à l’aultre, soit de héritaiges ou d’aultres
choses, il ne doit aller ou procéder avant de voulentés, ou par euvre
а. E : appartenant.
b; M : tous.
1. S'ensuient par ordonnance.
2. Soient compris.
3. Assis.
4. Comme en Allemaigne.
5. On au lieu de le.
б. Es au lieu de et.
7. Nous debvons et summes tenus.
8. Pourpris : étendue.
9. A nosire loyal pooir.
10. Terres, ensamble lour dites appartenances.
11. Toutes roberies, toutes pilleries.
12. Et sens enlreport alcun. — Entreport : faveur.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
de fait, ainsois * doit poursuir 1 par voie de raison et de justice, cellon
les anciens drois, coustumes et usaiges de nos dit païs et terre, sans
faire guerre 2.
.
Item, se aulcuns de nous hommes ou subgetz faisoit aulcuns entre fais
en waigement ou en aulcuns lieu 3 ou héritaiges, de quoy débas fut
encontre aultre de nosdit homme et subgetz, auquel d’iceulx débatant
celluy lieu et héritaiges enforcier et despoulliés 4 debveroit appartenir,
à 5 celluy cas, se debveroit faire randre 6 ou recrance d’icelle panie
ou waigement soubz droit ’, avant touttes euvres. Et, qui seroit rebelle
ou désobéissant de faire ycelle rendue ou recreance, son seigneur,
par luy ou par ces officiers, le doit contraindre à faire b ladite randue
ou recreance. Et, ce cellui segneurs ne le pouuoit ou vouloit constraindre, en cellui cas debveroit il estre constraint par l’ordonnances
des comis de nos dictes alliances cy après escriptes 8. Laquelle rendue
ou recrance faicte, ledit débat se doit congnoistre et déterminer 3 selon
l’us et coustumes du lieu où celluy héritaige est assis, par devent celluy
seigneur, ou ces justiciers *0, à cuy la congnoissance en doit appartenir,
sans ce que nous dit commis dès adoncque en avant en11 ayent plus
congnoissance, se de rechief n’y venoit nouvelle force.
Item, à « chacun de nous endroit soy doit estre et sera en nous
présantes d alliance gardés, retenus et réservés sa haulteur, sa signourie,
sa juridictions 42 touchant ces fiedz, arrierfiedz, homaiges et aultres
chose. Ensi comme à 13 aulcun lairon, murtrier ou aultres malfaicteurs
estoit prins ou arestés en la haulteur de l’ung de nous, par vertus * de
nos dite alliances, celluy de nous en la haulteur duquel celluy arrestement se feroit ou debveroit faire, et feroit14, par ces officiers, pugnicion
en complissement15 de justice, selon ce qu’à celluy cas appartenroit ;
et16 celluy en quelle puissance17 il seroit arestés en deffailloit de faire
a. M transcrit mal ce mot.
b. Mss. : affaire.
c. à manque dans les mss.
d. M : présanees.
e. E : par la vertus.
1. Poursuir et procédeir.
2. Sens lait de tverre.
__
.
3. Entrefaicte, panie ou ivagemenl en aleun leu. — Entrefaite, entreprise , p
,
saisie, action de prendre des gages ; wagement, engagement.
4. Ou héritage enforcict ou despouilliet. — Enforcé ou dépouille, accru ou diminue.
5. En au lieu de à.
6. Randue.
7. Sub voie de droit.
8. Escrips.
9. Termineur.
10. Justices. — Il faut donc lire : sa justice.
11. y au lieu de en.
12. Après juridiction, il faut ajouter : et domination.
13. Se au lieu de à.
......
._.__,
14. Il faut supprimer el, ou le traduire par: aussi; ferait est le verbe pnncipal (celui
de nous... ferait... accomplissement de justice).
15. Au lieu de : pugnicion en complissement, mettre accomplissement.
16. Se au lieu de et.
17. En cui puissance.
150
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
son debvoir, en celluy cas en vanroit la congnoissance à nosdis comis,
sans plus avoir retour aultre part *, pour en faire selon ce que au cas 2
appartanroit.
Item, se, sus aulcuns cas touchant fîedz, aulcuns de nous subgectz
faisoit demande ou poursuite à aulcuns de nous des subgetz, cest
deveroit demener et demainroit par devant celluy seigneur duquelle
le fîedz muelt 3. Et, se c’estoit franc alleuf, il se deveroit demener et
demainroit par devent sa justice 4, en quelle juridicion 5 cellui franc
al'eufz serait assis.
Item, ce aulcuns des sougets de l’ung de nous voulloit rien demander
à 1 aultre de nous, ou aulcuns 6 de ses subgectz, pour les héritaiges,
pour 7 moibles ou pour debtes ou entrefaictes, il ne doit point aller
avent ne procéder par euvre de fait, ainçois doit poursuivre par voie
de raison et de justice, selon uz et coustume de pays, sans fait de
guerre. Et, qui feroit le contraire, il doit estre contrains par son seigneur
de retourner à la dicte voye de raison et de justice. Et, ce son dit seigneur
ne_ le pouuoit ou vouloit faire 8 constraindre, en cellui cas le debveroient constraindre et constrainderoient nous dit commis à revenir
à la dicte voie de raison et de justice.
Item, se aulcuns pilleurs ou pilaiges, de quelquez lieu qu’ilz fussent,
venoient ou trespassoient par nous dit pais et terres, cellui de nous à 9
cuy puissance yceulx pilleurs ou pillaiges seroient trouvés les debveroient arester10, par celluy*11 1ou par ces officiers, de touttes ces12 puis
sance, à la requeste de la partie complaindant, ou d’aucuns de nous13
commis ou 14 nous officiers, ou “tout sans requeste, sans faintise ou sans
aulcuns entreport, affin que rendue ou recrance fut faicte dehuement
et anthièrement de la 15 prinse, et pugnicion et acomplissement de
justice des prenours, selon ce que au cas appartanroit. Et, ce debet
estoit entre nous d’icelle pugnicion et acomplissement de justice
а. Mss. : ont.
1. Sans plus avoir recour à l'aultre partie.
2; Au fait. — Le sens général est celui-ci : un larron, un meurtrier doivent être
arrêtés, jugés et exécutés par les officiers du seigneur dans le domaine duquel il a été
pris au cas où ce seigneur manquerait à son devoir, les commis se chargeraient de
l’affaire d’une manière définitive.
3. Demande ou poursuite à aulcun de nous ou à alcun de ses subgis, ce se debvoient
demeneir et demonront par devant le signour de cui celui fiedz moveroit.
4. Devent le signour, ou sa justice.
5. En cui juridiction.
б. Ou à aulcuns.
I. Fust pour héritaige, ou pour.
8. Faire manque.
9. En au lieu de à.
10. Ajouter : et arresteroit.
II. Lui.
12. Sa.
13. Ajouter dis avant commis.
14. Ou de nos.
15. De la chose prinse.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
faire a à nosdit1 commis en averoient enthièrement la cognoissance, saulve la haulteur du signeurs en quelle puissance il seroit
trouvés ; et en feroient, et leur conseille, sellon ce que au cas
appartenroit.
Item, ce l’ung de nous ou de ces officiers ou de ses subgectz estoit
requis par * l’aultre de nous, ou par aulcuns de ces officiers, ou par
aulcuns de nous commis 2, de ouvrir chastel, forteresse 3 ou bonnes
villes, appartenant à cellui requis, pour quérir 4 aulcuns malfaicteur,
c’il y estoit, il luy doit 5 ouvrir tantost et sans dellay et sans aulcuns
dangier, affin que celluy malfacteur soit trouvé, corrigiés et pugnis,
selon ce que au fait appartendra, par la meysme forme et manier que
dessus est dit des pilleurs et pillaiges. Et, se aulcuns desdit officiers
ou seigneur 6, requis comme dit est, estoit rebelle ou désobéissant de
ce faire, il deveroit estre constrain par son seigneur. Et, ce son dit
seigneur ne le vouloit ou pouoit faire, en celluy cas debveriens nous
aidier et aideriens l’ung l’aultre à faire « la constrainte, tout au regard
et ordonnance de nous dit commis 7.
Item, se, pour constraindre ou pugnir aulcuns malfaicteur, rebelle
et8 désobéissant, il couvenoit asségier aulcunne forteresse, ensi comme
pour roberie ou pillerie faire 9 par ycelle entrans, yssant, recepvant10
ou confortant, le sciège se deveroit mestre et maintenir par le regard et
ordonnance de nosdit commis. Et, ce, par vertus de nos dictes alliances,
nous ou aulcuns de nous ou de nos dis commis garderiens 11 ycelle for
teresse 12,ou aultre, fut par sciège prinse13, ou autrement, elle debveroit estre rendue, et demorer <* en la main de cellui de nous de cuy
fiedz ou arrier fiedz elle mouveroit, porveu que, par ycelle forteresse
rendre au seigneur du fiedz ou arrier fiedz, comme dit est, ne pouroit
à
Mss * affaire
. ,
b. Par manque dans Us mss.; Philippe, gêné sans doute par l'abréviation, avait laisse
en blanc la place du mot.
e. Mss. : affaire.
d. E : demorée.
1. A faire, nos dis. La phrase se termi
débat, et en termineraient sommèrement et
de nous endroit soy sa haltour et signorie.
2. Nous dis commis.
3. Chastel ou forteresse.
4. Pour y querirt
5. Il les doit.
6. Subgis au lieu de seigneur.
celui en cui paissance celui malfactour seroit
7. Ajouter, après commis :: encontre
e
troveis.
8. Ou au lieu de et.
9. Faictes au lieu de faire.
10. Réceptans au lieu de recepvant. — Le sens de la
forteresse peuvent accueillir les pilleurs (entrant), ou
ou recéler les objets volés (réceptant), ou aider les pii
tant).
11. Waingnemes (gagnions) au lieu de garderiens.
12. Ajouter meysme après forteresse.
13. Supprimer^ prinse.
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152
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
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venir mal ne dompmaige 0 a aultre de nous*1, tout le temps pendant de
nos dictes alliances. Et, se ycelle forteresse, gaingnées corne dit est,
ne mouvoit de fiedz et 2 d’arrier fiedz d’aulcuns de nous, elle demoureroit à nous communément pour en faire nostre voulentés 3. Et tous
les prisonniers, biens et chaptés qui seroient trouvé en ycelle forteresse,
prinse et4 guaingnié comme dit est, tant de noz fiedz comme 5 arrier fiedz
comme aultrement, seroit à nous communément, pour en faire nostre
commune voulenté. Et debveroit 6 cellui seigneur cuy 7 fiedz ou arrier
fiedz celle forteresse mouveroit rendre la dicte forteresse a vassault
qui l’averoit perdue, jusques à tant que restaublissement seroit fait
à cellui que par ycelle 8 averoit esté dopmaigé. Et doit ycellui seigneur
convertir en ycellui restaublissement tous les biens et chapteiz de
touttes les terres 9 que celluy vassault tanroit de son dit seigneur,
et faire quicter le dit wassault toutte la demande et poursuyte qu’il
pourroit faire à nous ou à aulcuns de nous ou de nos dis commis pour
et à cause de la prinse de sa dite forteresse.
Item, touttes fois que nous ou nosdit commis ou nous aultres gens
chevalcheroient par nosdictes terres et pays pour le fait de nosdite
alliances, nous pourrons pranre, s’il nous plaît, tous vivres 10, fouraiges
que nous trouvenrons 11, si comme avoine, blefz, poillaiges 12, berbis,
chastrons 13, pors, et tel maniers de menus vivres, en lassant14 corps
d’hommes et de femmes, leurs beufz, vaiches, chevaulx 1S, et leurs
aultres biens meubles, sans aultres occasions 16 et sans mallengin.
Et par les forteresse et bonnes villes debverons nous avoir nous vivres
et aultre nécessité, tel comme il serait17, parmy pour13 pris soufiisant.
Et deveront estre ouverte et apparillée touttes les 19 forteresses ou
bonne ville à nous gens 20 pour gouverner nosdites alliances, pourveu
que nosdis commis ne nous aultres gens ne fassent aulcune forces ou
extorcion en nosdite fortresse ou bonnes villes.
а. Après dompmaige, les mes. ont ne.
1. Az altres de nous.
2. Ne au lieu de et.
3. Nostre commune voulenté.
4. Ou au lieu de et.
5. Ou au lieu de comme.
б. Et ne debveroit.
7. De euy.
8. Ycelle forteresse.
9. La terre.
10. Vivres et fouraiges.
11. Que nous y trouvenrons.
12. Poulaiües. — Poulage, poulaille : volaille.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
Châtrons, animaux châtrés ; plus spécialement : moutons.
Détaxant.
Vaiches et chevaulx.
Querelles.
Y seront.
Supprimer pour.
Nos au lieu de les.
A nos commis et à nos gens.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
153
Item, se nous ou aulcuns de nous subgectz *1 II.
avoient aulcune debtes 2
notable d’aulcune 3 desdit subgectz de l’aultre de nous, celluy de cuy la
debte 2 seroit debveroit estre et seroit constrain par son seigneur
à mestre jeus à celle debte 4, et de non poursuire sa cause, fort que
par voie de raison, selon l’estât de nosdite alliances. Et, se son dit
seigneur ne le voulloit ou pouuoit constraindre, en celluy cas le debveroient constraindre et constrainderoient nosdit commis à la requeste de
celluy à qui on debveroit 5.
Item, nous, ou l’ung de nous 6, ne debvons « donner ne souffrir estre
donné en nostre puissance c’un 7 saulconduit ou assurément à personne
que ce 3 soit en la chasse de nos dictes alliances, forcque pour le tempts
de XV jours, et pour une fois 9. Lequel saulconduit seroit : pour ung
baneret, à X chevaulx, pour ung chevalier, à VI chevaulx, pour ung
escuier, à quaitre chevaulx, et pour ung homme de poestez, à trois »
chevaulx ; ou moins «, s’il leur plaît. Et autrement ne se doit donner
saulconduit ou essurement, à 13 nosdicte alliance pandant, se dont
n’estoit par le consantement de nous tous communément.
Item, se la complainte, question ou demande de quoy débatz seroit
touchant14 aulcuns de nosdit commis, ou15 sa justice raisonnable sus
picion se pouroit desclanter contre luy, en celluy cas, celluy commis
cesseroit de gouverner nosdite alliances quant à celluy fait, et y metteriens, chacun de nous endroit soy, tantost, aultre souffizant personne,
ayent pareille puissance en cellui fait, tant qu’il soit terminé et menés
à flH
Item, nostre entancion n’est mye que, pour ces présantes alliances,
nous baillifz ou aultre officiers cessent point de faire ce que à leur
office appartiendra, chacun endroit soy; ayans17 ce que par nous ou
par nosdit officiers ne ce pouroit faire, ou ne ce feroit, en deffault de
nous ou de nosdit officiers, se se deveroit faire et feroit par nosdit
commis, selon la puissance à eulx donnée de par nous, affin de bien
tenir et gairder justice, paix et transquilité ens dictes43 terre et pays.
а. E : debverons.
1. Item, se alcun de nous ou de nos subgis.
2. Doubte.
3. D'alcun des subgis.
5. CeUi^iTe^ubu^Ü.1"— Il semble qu’il s’agisse ici de soupçons motivés (doute
notable) sur des préparatifs de guerre, etc.
б. Ne alcun de nous.
I. Alcun au lieu de c’un.
8. Supprimer ce.
9. Une seule fois.
10. Deulx.
II. Ou à moins.
12. Ne soit donneit.
13. Supprimer à.
14. Touchoit.
.
. .
, ■
15. Ou se juste et raisonnable suspition se pooit desclamer contre lui.
16. Mis à fin.
17. Remplacer ayans par maix.
18. En nos dictes.
154
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
Item, ce aucuns nous *1 estant hommes et 2 subgectz de nous, ou
aulcuns de nous 3, vouloient faire ou faisoient tort par euvre de fait à
nous ou 0 aulcuns 4 de nous ou de nous subgectz, dedans les mettes et
confîin dessus touchié, et de ce que méfiait ou pris seroit ne voulcissent
faire randue ou recreance, en celluy cas seriens tenus de aidier, con
seiller et conforter et recepter l’ung l’autre, à grand et à petitte force,
bonnemant et loyalment, cen fainctes 5, contre telle manier de gens et
aultres que pour celle cause seroient à contraindre de venir à jour et à
droit. Et ce feroit ycelle ayde et constrainte au regart et ordonnance
de nosdit commis. Et semblablement debverons faire et voulions estre
fait contre gens de compaignie et aultres quelcunquez que à force
volroient entrer et demourer en nosdit pays et terres pour mefïaire
en yceulx, et pour chevaulchier sur nous annemis. En cestuy cas et en
aultres, quant mestier sera, serons nous tenus, chacun de nous, mestre
deux cent lances 6, L que archiers que arboullestriers, et trois cent
sergent de piedz armés, ou moins, ce moins en y couvenoit, au regard
de nosdit commis ou de la plus grant partie d’eux, ou, ce plus en
couvenoit, au resgaird de nosdis commis, conjoindamment et cordiallement 7 ensemble, et non aultrement, se donc ne plaisoit à nous tout
communément ; et défilant8 chacun de nous ces gens. Et ce, par 9 aul
cuns cas, il nous couvenoit avoir gens estranges pour nostre fait com
munément, ainsi comme artilleur 10, mineurs, terrillons, maistre de
canons, engigneurs et telle manière de gens, d’ouvriers et d’artilliers 11,
cy est il à entandre que de telles choses paieriens nous les coustenges
par égalle porcions 12.
Item, se par aventure il y avoit que18, après lesdit VI ans passés
que nos dites alliances doient durer, comme dit est, que aulcuns ou
plusieurs14 volcissent poursuire etinquiter nous ou aulcuns de nous ou
de nos dit commis, pource qu’il se pouroient dire avoir esté dompmaigé et grevé par vertu de nosdite alliances, en celluy cas voulions
nous et ordonnons dez maintenant pour adonc que nous serons tenus,
obligiez 18 de nous et de 16 nos dit commis aidier et conforter l’ung
а. M : en.
1. Non au lieu de nous.
2. Ou au lieu de et.
3. Ou d’alcun de nous.
4. Ou à aulcuns.
5. Faintixe.
б. Mettre sus deux cent lances.
7. Conjointement et concordablement.
8. Deffrairait.
9. Pour au lieu de par.
10. Artilliers.
11. Artillerie.
12. Chascun de nous par ygai portion.
13. Il advenoit que.
14. Aulcuns, ung, ou plusieurs.
15. Que nous soiens tenus et obligiez.
16. Supprimer de.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
155
l’aultre contre telles manières de gens, autretant comme nous feriens
et faire debvericns le tamps pendant de nosdite alliances.
Item, pour nous dite alliances soubtenir, garder, gouverner et
maintenir, avons nous elleus, estaublis et commis, et par la teneur de
ces présantes aleissons 1, estaublissons et commectons huictz 2 bonnes
personnes. C’est assavoir, pour la partie de nous, évesque de Mets
dessusdit, nous ameis et feaubles Régnault de Herbéviller, baillei de
nosdite éveschiez 3, et Jehan d’Abocourt, escuier. Et, pour la partie de
nous, duc de Lorraine dessusdit, nous ameis et feauble messire 4
Liébault du Chaistellet, nostre bailly de Nancy, et Jehan de Fléville,
nostre bailly de Woges. Item, pour la partie de nous, duc de Bar dessus
dit, nous amés et feaubles messire 5 Richaird des Hermoise, chevalier,
et George de Serrier, nostre bailly de Sainct Michiel. Et, pour la partie
de nous, les citains de Mets dessusdit, nous amés et feaubles messire 5
Jehan le Gournaix, chevalier, et seigneur Nicolle François, nous concitains. Et, pour plus grand bien et union de nos dite alliances, voulions
nous et ordonnons communément et concordiallement 6 ensemble
que les huictz commis 7 dessus dit soient tous ensembles et chacun
d’eulx au gouverner touttes nous dictes alliances 8, autretant pour
l’ung de nous comme pour l’aultre et en semblant manier, pour nous dit
pays et terre communément d’une part et d’aultre.
Item, nous et chacun de nous avons donnés et donnons à nos dit
commis plaine puissance, licence et auctorités de antandre et wacquer
en 9 fait de nosdicte alliances et de les gouverner, et de excercer contre
touttes manier de gens que seroient deffaillant, désobéissant et rebelles,
de venir à jour et à droit pour faire et pranre droit par la forme et
manier que faire le doient, selon les anciennes coustumes et usaiges
de nosdit pays et terres, et de chacun19 endroit soy, comme dessus est
dit, de ajourner ceulx qui seront à adjourner, de oyr leur querelle,
question ou 11 demande et deffences, de congnoistre d’icelle, de jugier12,
terminer et prononcier sus ycelle par voie de droit ou admiable^ensi
comme bon leur semblera en leur milleur entendement, de donner
à estre 13 de ceu qu’il averont jugier14, sentencier, terminer et'acorder
pour mémoire perpétuelle, soubz ung propre seel comun et autanticque
qu’il averont entre eulx. Et averont ung clerc jurez à nous et à eulx com1. Élisons.
2. Oct.
3. Nostre dit éveschiez.
4. Monsigneur.
5. Monsieur.
6. Concordablement.
7. Nos oct commis.
8. En governant nos dites alliances.
9. On au lieu de en.
10. Chacun d’eulx.
11. Supprimer ou.
12. Ajouter sententieir.
13. Corriger à estre en atrests.
14. Jugiet, etc. Ce sont des participes passés.
156
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
munement pour faire les arrests, adjournement et aultres escriptures
quant 1 11mestier sera. Et avront pouoir de exécuter et exploier 2 leur
sentance, et généralement de faire autant 3 ez choses dessus dite
comme nous meisme et chacun de nous ferions, debverions et porrions
faire se nous y estiens présant en nous propres personnes, selon la
puissance à eulx donnée, comme dit est, en promettant avoir 4 et
tenir ferme et estauble tout ce que par nous dis commis serait fait et 5
ordonné, sentencié, exécuté et exploitiez ez choses dessus dite et
chacune d’icelle. Et, ce nos dit commis, en faixans ces choses, avoient
discord sur quelque chose 6 que ce fut touchant leur commission, nous 7
voulions et ordonnons que il se thiengne par la plus grand partie
que d’eulx en serait fait, sauf ce que dit est dessus, c’est assavoir de
mestre sus gens d’armes, comme dessus est escript ; et, c’il estoient en
discord égallement 8, c’est assavoir que les quaitre d’eulx volcissent
une chose, et les quaitre aultre voulcissent le contraire, et qu’il ne c’en
volcissent ou puissent aultrement accorder 9, à 10 celluy cas voulions
nous et ordonnons dès maintenant pour adonc que celluy descord
viengne à la congnoissance et ordonnance de nous communément les
quaitre dessusdit **, que avons prins le serment d’eulx 12 et dudit
clerc juré que 13, on gouvernement de nosdite alliances, se pourteront
et feront bonnement et loyalement, au mieulx qu’il porront et sairont,
sellon le milleur entendement 14, sens entreporter 15 aulcuns par fauveurs, ne sans grever aulcuns par haynes.
Item, pour exercer par nosdit commis tous les fais et querelles 16 et
demandes que à leurs congnoissance deveroient venir, comme dessus est
dit et touchiés 17, voulons nous, les seigneur dessus nommés, et avons
ordonnés que tous ceulx des subgectz 18 qui se santiront et tanront
pour ofïencer, oppresser ou enforcier en leur droit, héritaige et bien,
dont ilz n’avroient peu estre adressier, puissent requérir ung chacun
deulx 19 commissaire de son seigneur, que par nos dit aliances en
1. Que au lieu de quant.
2. Èsploitier (exécuter).
3. Altretant.
4. Promettant à avoir.
5. Supprimer et.
6. Sur queilcunque chose.
7. Nous voulions et ordonnons que ce se tengne que par la plus grant partie d ruUr
serait fait, salf ce que dit est de mettre sur (sus) gens d'armes.
8. S’ils avoient descord y gaiement.
9. Concordeir.
10. En au lieu de à.
11. Les quaitre signeurs dessusdit.
12. Et avons prins les sairemens d’eulx.
13. Qu’il.
14. Sellon lour milleur entendement.
15. Favoriser.
16. Les cas, fais et querelles. — Exercer signifie régler, gouverner.
17. Touchiés. — Je comprends : comme cela a été dit et indiqué plus haut.
18. De nos subgis.
19. Ajouter : az deulx commissaires.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
157
seroient *1 adressiés, à eulx 2 deux commis, la complainte et question
oyee, soient tenus incontinant de estre 3 et signifier au commis du
seigneur ou des seigneurs a queille subjection 4 seroit celluy ou ceulx de
cuy les complaindans sont5, ad fin que le dit ou lesdit qui defïendre 6 se
averoient, comparent et venant 7 au lieu de Nommeny on Salnoy, a
certain jour que par nosdit commis sera sur ce par nous 8 ordonnés,
à laquelle journée tout ce qui seroit demendeurs 9, tant nous subgectz
comme aultres, de nous proposer leur demande 10, que pour ce seront
adjournés et aprochiez11, et procéder par voie de raisons. Et, la chose12
par nosdit commis, il en doient13 déterminer, sy bonnement s’ilz
puent 14, audit jour et lieu. Et, ce le cas ou causes requerent prolongacions 15 pour mieulx 16 avoir la congnoissance, se deveront17 nosdis
commis aultres journée aux parties au lieu de Nancey. Et de ce dont il
ne polront déterminer au lieu de Nancey, sy devront donner 18 aultres
journées au lieu du Pont. Et, de ce que ne se détermineroit au lieu du
Pont, se debveront nosdit commis donner ausdictes partie aultre jour
nées au lieu de Mets, aultre journées audit lieu de Nomminey arrier.
Et aincy en continuant, de chascun desdit lieu dessus dit en l’aultre,
ycelle journée, sy briefz et sy longues comme ilz semblera 19 à nosdit
commis, ou à la plus grandes partie d’eulx, par considéracions des
fais et des cas que vanront à leur congnoissance. Et, parmy ce, voulions
que, en allant ausdictes journée, séjournans au lieu, et le londemains
desdicte journée, tousjour 20, tous® les demandeurs et defïendeurs,
ensemble leur conseille, soient seur de nous et de nous subgectz, pourveu que ceulx que pour eulx conseillier vanront avec eulx ne soient de
guerre à nous et21 à aulcuns de nous, ou doubter 22 de nous biens et
chaptés.
а. Mss. : touttes. Philippe a corrigé, dans les deux mss., demandes en demandeurs
et a laissé subsister touttes.
1. Corriger : soient.
2. Corriger : et yceulx.
3. Corriger : escripre.
4. En cui subjection.
5. Les complaindans se seroient complains.
б. Qui à deffendre.
7. Vengnent (viennent).
8. Supprimer : par nous.
9. Tout ceulx qui seront demandeurs.
10. Debveront proposer leur demande et question az altres de nos subgis.
11. Approcheir. — Approcher quelqu’un, le convoquer, l’assigner en justice, terme
de droit.
12. La chose cognue par.
13. Debveront.
14. Corriger : se bonnement puent : si, en conscience, cela est possible.
15. Requièrent production, exige un délai.
16. Pour en mieulx.
17. Si donront, alors (nos commis) donneront...
18. Ajouter : az parties.
19. Il semblera bon. — Journée a ici le sens de délai.
20. Toute jour, pendant toute la durée du jour.
21. Ne au lieu de et.
22. Corriger doubter en détenteurs.
158
ALLIANCE ENTRE MÈTZ, LORRAINE ËT ËAR
Item, se aülcuns *1 11
leaulx empêchement avenoit de nosdit commis
qu il ne puist antandre ou vacquer on gouvernement de nosdicte
alliances, en celluy cas, celluy de nous qui l’averoit estauhly deveroit 2
sourroguer, dedans ung mois après cellui empêchement, ung aultre
soufïisant personne, lequelle feroit pareille serment 3 qUe averoit fait
celluy qui seroit empêchié de entendre on gouvernement de nosdite
alliances. Lequelle empêchement cessant, retourneroit celluy qui
averoit estés empêchiez au gouvernement de nos dite alliances, comme
devent, c il plaisoit à son dit seigneur. Et cellui qui auroit estez surrogué seroit quicte de son serment. Et adès ainsy, toutefois que besoing
sera.
^
Item, nous et chacun de nous, avons promis et promettons à nous
dit commis que nous les relèverons, chacun de nous endroit soy 4, de
touttes perdes et de tous dopmaiges, despans, missions 5, que p’our
cause du gouvernement de nos dite alliances leur seroit venus ou encourrus. De quoy eulx et chacun d’eulx sérient crus par leur simples
sermens, sans cherges d’aultre preuves.
Item, se n’est mie l’entencion de nous ou d’aulcuns de nous que ceulx
de nous ou de nous subjectz qui avront lestres 6, obligacions ou ancienne
possession de cences ou de debtes, soient estrains ? par ces présantes
aliances qu’il ne puissent poursuyr leur dictes lestres et anciennes
possession pour eulx faire paier 8 et selon ce qu’il est estés usés de
touttes anciennetés entre debteurs et créditeur en nosdit pays et terre,
chacun endroit soy, sans malengin et sans fait de guerre.
Item, nous et chacun de nous avons promis et promettons les ungs
avec les aultres 9 que, tout le tampts de nous dictes alliances durantes
nous ne ferons aultres alliances ne couvenances que soient contraire
à ces présantes, et ne trouverons tour ne voie par malengin parquoy
elle doient estre rompue u. Ainçoins nous traveillerons de trouver tour
et voie cornent elle se thiengnent seurement et establement. Et tous les
choses12 dessus dictes et chacunnez d’icelles avons nous promis et
promettons pour nous, pour nous successeurs et pour nous hommesi3,
par nous sermens fait aux sainctes Euvangille de Dieu, tenir, garder et
acomplir, par la forme et manier qu’il est cy dessus desclairier et
escript.
2
y devermtCUnS
empeschement alcun de nos dis commis ne pooit entendre.
3. Faisant pareil sairement.
4. Lui.
5. Missions et intérests. — Mission, dépense, frais ; intérêt, préjudice
6. Qui ont ou avront lestres.
1. Astreins.
8. Après paier, ajouter : selont le contenu d’icelles lettres et le droit d’icelle ancienne
possession, et selont ce qu’il est useit d’anciennetei.
9. Az aultres.
10. Durant.
11. Ajouter : ou adnullées.
12. Toutes les choses.
13. Corriger : hoirs.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ÉT BAft
15Ô
Et, comme, par la tenour de ces présantes alliances et par la géné
ralité d’icelle, nous serons alliés ensembles envers tous et contre tous,
toutesvoie, nous, évesque de Mets dessusdit, en avons exeptés et
exeptons nostre sainct perre en Dieu, pappe Clément VIIe, et ces
successeurs, l’empereur ou roy des Romains, le roy de France, sans
ce que nous soions forclos que nous ne les puissons 1 11
aidier contre
nous dicts alliés et chacun d’eulx ; très révérend perre en Dieu mon
seigneur le cardinal du Nuef Chaistel, administrateur de l’église et
éveschié de Toul. Exeptons aucy en la forme et manier et par les
condicions que les exeptons 2 cy après noz chiers et amés cousins le duc
de Loherenne et de Bar, monseigneur le duc de Berry 3, de Bourgongne
et de Lorraine 4, et nostre chier et amé cousin 5 monseigneur de Coucy,
et le conte de Ligny, et noz très chiers frères monseigneur Égarran
et monseigneur Gaulthier de Coucy, contre lesqueulx ne aulcuns d’eux
nous ne voulions 6 aidier nosdit alliez, ne eulx contre nos dit alliés.
Nous, duc de Loherenne dessus dit, exeptons de ces présantes allian
ces, pour nostre partie, nostre sainct père le pappe, mon seigneur le roy
des Romains, le roy de France 7, contre lesquelx nous ne voulriens mie
aydier nosdit alliés, ançoys volriens servir nos dit seigneur contre
eulx, s’il nous plaisoit. Encor exeptons 8 nous mon seigneur le duc de
Lorrenne 9, de Berry et de Bourgongne, de Bourbon, et nostre frère le
seigneur de Coucy, et nostre frère Ferry de Loherenne, contre lesquelx
nous ne volriens point aidier nos dit alliez, ne pour lesquelz nous ne
voulriens point estre contre nous dit alliez. Ne 49 très révérand père en
Dieu nostre seigneur le cardinal du Nuef Chastel, nostre très chier
amé perre41, administrateur de l’éveschiez de Toul, et tout son dit
éveschié de Toul, contre lesquelx nous ne volriens point aidier nos dit
alliez, pourveu que luy, par luy ou par ses forteresse de son dit éveschiez, ne soit point fait ou pourté dompmaige contre nous ne contre
aultruy12 de nous dit alliez. Et, avec ce, exceptons nous la ville et tous
les habitans de la cité de Trièves, et tant comme il touche18 et peült
touchier la gairde et les couvenances que nous avons à eulx, que furent
faictes loing tampt est 14 et doient durer à tousjour maix.
Nous, duc de Bar et marquis du Pont, pour nous et nostre partis48
1. Puissiens.
2. Exceptent.
3. Messeigneurs les ducz de Berry.
4. Touraine.
5. Nos chiers et ameis cousins.
6. Vorriens.
7. Nos seigneurs le roy des Romains et le roy de France.
8. Encor en exceptons.
9. Nos seigneurs les ducz de Tourainne.
10. Ne manque.
11. Nostre très chier et ami pairiit.
12. Aleuns.
13. En tant comme y touchet.
14. Ait. Exactement : a, avec la valeur de : il y a.
15. Et de notre partie.
160
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAfi
en exeptons nostre sainct perre le pappe, Clément le VIIe, et ces succes
seurs, nostre seigneur le roy des Romains, monseigneur le roy de France
et monseigneur le duc de Bourgongne, lesqueulx nous poons servir,
s’il nous plaît, contre nosdit alliés, et chacun d’eulx 1 ; monseigneur 2
le duc de Berry et de Torrenne, et Hanry, nostre aîné 3, lesquelx ne
aulcun d’eulx ne volriens en rien aidier contre nosdit alliés, ne contre
aulcuns d’eulx, ne pour nos dit alliés contre nosdit seigneurs et filz.
Et encor en exeptons très révérend perre en Dieu nostre très chier
amé 4 cousin le cardinal du Nuef Chastel, pareillement et en la forme
et manier que 5 nostre dit cousin de Loherenne l’ait cy dessus exceptez.
Et amé cousin le marquis de Mouralle, à cause de ces duchiez 6 de
Lucembourg et conté de Chiney, an tant ? et cy avant qu’il nous peult
touchier et regarder aulcunes desdictes alliances que pour avant ces
présentes avons avec lui 8.
Item, et avec ce, se n’est pas nostre entencion que ces présantes
alliances, de nostre cousté, soient en rien contre messire Guy 9, che
valier, ne contre ces compagnon prisonniers *0, et11 aultrez que furent
en la chevalchié par eulx faictes on pais de nostre dit cousin de Lohe
renne, dont débatz est et pent de présant encontre12 nostre dit cousin,
d’une part, et ledit monseigneur Guy et ces compaignon, d’aultre part,
ne contre ceulx que pour ledit messire Guy seroient fait, durant lesdit
débas tant seullement.
Et nous, ceulx de Mets dessus nommés, pour nous et pour nostre
dicte cité, avons exepté et exeptons nostre sainct perre 13 le pappe,
Clément VIIe, et ses successeurs, le roy de France 14, le duc de Bour
gongne et de Torrenne, lesqueulx nous ne voulons en rien aidier encon
tre nos dit alliés contre eulx15 ; nous seigneur l’empereur ou roy des
Romains, sans ce que nous soions forcloz16 ou aulcuns d’eulx. Et très
révérend père en Dieu mon seigneur le cardinal du Nuefchastel, en la
forme et par les condicions et manier que lesdit seigneur duc de Lohe
renne et de Bar les ont cy dessus exceptés.
En tesmoignaige de vérités, pour ce que ces présantes alliances *7
1. S il nous plaît, encontre tous nos aloiés dessusdis et chascun d’eulx.
2. Messigneurs.
3. Nostre aîné fil.
4. Très chier et amé.
5. En la forme et condition comme.
6. Et nostre amé cousin le marquis de Axurainet duc de Lucembourg, ad cause de ces
duchiez.
7. En tant.
8. A corriger : ad cause des alliances que par avant ces présentes avons avec lui.
9. Guy de Dommangeville.
10. Parsonniers. — C’est prisonniers qu’il faut lire (HLo2, t. III. col. 507).
11. Ne au lieu de et.
12. Corriger : entre.
13. Nostre très sainct perre.
14. Ajouter : les ducs de Berry.
15. Encontre nos dis aloiés ne nos dis aloiés contre eulx.
16. Ajouter, après forcloz : que nous ne les puissiens aidier contre nos dis aloiés.
17. Et pour ce que ces nos présentes alliances.
PIERRE LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1412)
161
soient fermes et estaubles, nous l, évesques de Mets, duc 2 de Loherenne et duc de Bar devent dit, avons fait mestre noz seelz 3 4en ces
présantes lestres. Et nous, le maistre eschevin et trèzes jurés et communalté de la cité de Mets dessus dit, avons 4 fait mestre le grand seel
commun de nostre dite cité, avec les seelz des trois dessus nommés 5.
Lesquelles furent faictes et accordées et jurées en l’église de Sainct
Anthonne, audit Pont, l’an de grâce Nostre Seigneur mil quaitre
cent et XI 6, le XVIIe jours du moix de mars.
[de l’année 1412 a l’avÉNEMENT DE CONRAD DE BAYER
DE BOPPARD, SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME ÉVÊQUE DE METZ]
Or, avés oy cornent, en celle année mil quaitre cent et XI, les princes
et prélas dessus nommés firent grant alliances ensamble pour VI ans
durans avec la cité de Mets.
Mil iiijc et xij.
Rest maintenant à retourner à mon prepos et à
veoir cornent, en l’an après, mil quaitre cent et XII, fut maistre eschevin de la dicte cité le seigneur Pier le Gournaix, fîlz le seigneur Poince
le Gournaix, chevalier.
L’Apocalipse juée [par] personaige. - Et, en cest année, le XIIIIe jour
du moix de septambre, fut jués en Mets, en la plaisse c’on dit en Change
le jeu et l’istoire de sainct Jehan, c’on dit l’Apoucalipce. Et durait
ycelluy jeu trois jour ; et fut jués bien soulainellement et en grant
triumphe.
La mort de Merguerile, rogne de iij royaulme. - Aucy, en celle année,
ma damme Margueritte, royne de trois royaulme, et de laquelle je
vous ais heu ycy devent parlés, c’est assavoir du royaulme de Danemarche, Swécie et Norwègue, trespassa de ce sciècle. Et esleut pour filz
et sucesseur desdit royaulmes Hanry, duc de Pomerans.
Les Anglois aux secour des François.— Or, avés ycy devent oy cornent
le devent dit duc d’Orléans envoiait en Angleterre quérir les Anglois en
son ayde, après ce que le duc Jehan de Bourgongne les avoit heu renvoiés. Et avés oy comment à son ayde luy fut envoiés le sire Thomas,
duc de Clarance, et Jehan Corimbe, avec huit cent homme d’armes et
mil archiers, comme cy devent ait estés dit. Rest à veoir cornent, en
cest dicte année, yceulx Anglois aincy envoiez dessandirent en Normendie, en la Hague Sainct Vaast, et venans a secours des devent dit
1. Ajouter : Jîaulx.
2. Chairles, duc de Loherenne et marchis, et Robers, duc de Bar, marquis du Dont
dessus dis.
3. Nos grans seelz.
4. Y avons fait meure.
5. Des trois signeurs dessus dis.
6. L’an de grâce Rostre Seigneur mil trois cens quaitre-vingt et unie.
162
NICOLE DROUIN LE JEUNE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1413)
duc d’Orléans, de Berry et de Bourbon et de leur aliés, contre le duc de
Bourgongne. Et alors fut assiégée a la ville de Bourges par le dit Bourgognon b et les siens. Mais le duc de Guyenne, cognoissant que par celle
guerre venoit la grande destruction du royaulme de France, se efforça
de faire apointement contre eulx. Et alors, pour ce que yceulx Anglois
virent et congneurent que les dessus dis princes estoient en trains de
paix et acord, il brullairent la ville et abbaye de Beaulieu, près de
Loches, et emmenèrent l’abbé prisonnier. Aussy destruirent une aultre
ville, appellée Buzensois, en Berry. Et, avec ce, emmenèrent le duc
d’Angolesme, frère du duc d’Orléans, pour hostaiges ou prisonnier, en
Angleterre, pour la somme de cent mil escus d’or, qu’il disoient leur
estre deu. Et y fut le dit tenant prisons l’espace de XXXII ans.
Item, és partie du Perche et de Normandie, le conte de Sainct Pol,
conestable de France de part le duc de Bourgongne, desconfit le sei
gneur de Gaucourt et le sire de Champaigne ; où furent mors environ
quatre cent hommez.
Et furent encor en ce tampts plusieurs aultres chose faictez, des
quelles je me paisse quant à présant. Cy m’en tairés pour celle fois,
et retournerés a maistre esche vin de Mets, et à d’aultre merveille digne
de mémoire, lesquelles avindrent durant son tampts.
Mil iiijc et xiij. — L’an après, que corroit le milliair par mil quaitre
cent et XIII, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire Nicolle
Drouuin le jonne.
Le cardinalz de Cambray à Mets. — Et, en celle année, le VIe jour
d’ouost, vint en Mets le cardinal de Gambray, maistre en saincte théolo
gie, au quelle on fist ung biaulx recueille.
Mutinerie des bouchiers de Paris. — Et, en celle année, par le commendement du devent dit duc de Bourgongne, se mirent sus et ce
ellevairent plusieurs bouchiers et escorcheurs de bestes de la ville de
Paris ; desquelles estoit chief et fut institués leur capitenne de ung
nommés Simonet Caboche, ou aultrement dit Simon Cabochon. Et,
avec ce, assemblèrent tout le commun enthièrement, dont estoit
cappitaine général le seigneur de la Jaqueville, et ung cirorgiens
appellé maistre Jehan de Troye. Lesquelles ensamble firent plusieurs
mal, long à raconter. Entre lesquelles il prenoient tous ceulx qu il
congnoissoient estre officiers des princes contraires au duc de Bourgon
gne, et les emprisonnoient ; et faisoient maulx infinis en pillant et
robant tous leurs biens. Générallement entre les aultres ilz priment le
duc Édouuart de Bar et le duc Loys de Bavière, frère de la royne,
et plusieurs aultres, serviteurs du duc de Guyenne, lesquelz il firent
prinsoniers.
Le prévost de Paris décapité, et aultre. — Àucy, pour ces choses,
messire Pier des Essars, prévost de Paris, par l’envie que avoient
a. M : assiegiegée ; E : assigée.
b. E : le dict de Bourgongne.
GEOFFROI DE WARIXE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1414)
163
lesdit gouverneurs du duc de Bourgongne, eust la teste couppée, en
lu y imposant plusieurs cas villains et détestables. Et ainsy en fut fait
à messire Jaicques de la Rivières, jà soit ce que aulcuns dient qu’il
estoit jà mort quant on luy couppa la teste, et qu’on l’avoit tué d’une
hache, pour ce qu’on ne sçavoit trouver quelque occasion sur luy.
Non obstant, lesdit Bourgougnon vouloient soubtenir que luy meisme
s’estoit tué en la prison. Aussy on couppa la teste au petit Mesneil,
qui tenoit pour Orléans.
Item, lors Charles, quaitriesme ou sinquiesme filz du roy Charles VIe,
dit le Bien Aymés, eust en mariaige la fille du roy de Cecille, nommée
Marie d’Anjou. Et se allya ledit roy de Cecille au duc d’Orléans et à ces
alliés ; parquoy, ce fait, il renvoya la fille au duc de Bourgongne, qui
estoit fiancée à son ainsné filz.
Le pape Jehan expellés de Romrne. — Item, en ce tampts, le pappe
Jehan XXIIIe fut de Romme expellé et boutés hors par le roy de
Naples, au grant dompmaige des cortisans Romains. Mais, après ce,
il fut bénignement receu du pappe Mertin, et fait cardinal à Florence,
où il trespassa.
Sigismond esle[u] empereur. — Aucy, pareillement en cest année,
morut le devent dit empereur Robert, et en son lieu fut esleu Sigismond,
roy de Hongrie, et filz de Charles, quaitriesme empereur de ce nom.
Cest empereur fut très bon catholicque, courtois et très humble,
car, en son tampts, par IX fois il eust victoire contre les Turc. Il estoit
ung peu gramariens, mais non pas parfaictement congreu. Aucy ne
fait à oblier qu’il estoit sy dévot qu’il deveroit estre canonizé. Paireillement, celluy ampereur, par sa preudence et industrie, secourust et ayda
grandement à l’Église, qui lors estoit en grande affliction et misère,
car il n’espargnoit ne luy ne les siens jusques à ce qu’il l’eust réduite
à plaine union et prospérité. Et, pour ce, n’cst il point réputé moindre
en puissance, vertus et pitié que Charles le Grand, Theodosius, Constan
tin et Othon le Grand. Il fut couronnés du pappe Eugène ; et, sellon
aulcune histoire, il comensa à régner l’an de Nostre Seigneurs mil
quaitrec et IX.
Mais de luy lairons quelque peu à parler, et retournerons a maistre
eschevin de Metz.
Mil iiiic et xiiij. — Puis, en l’an après, que courroit le milliair par
mil quaitre cent et XIIII, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets
le seigneur Jofïroy de Warixe.
Le conceil de Constance comencés. — En laquelle année, qui fut l’an
premier de l’empire du devent dit Sigismond, commença le concilie
général de Constance, pour faire l’union de l’Église. Auquelle comparut
personnellement le pappe Jehan XXIIIe avec tous ses cardinal. Et,
pareillement, le devent dit empereur Sigismond, roy des Romains,
avec plusieurs aultres grand princes et seigneurs. Lesquelles, en tout
comprenant, estoient XXX mil IXe et XL personne, tous homme de
court. Et dura ce concilie trois ans et sept sepmaines.
164
WARY DE TOUL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (4415)
Le scisme et division [cejssés en l’Église j [ei] pape Mertin, esleu,
régnait xv ans pasible. — Et, en ycelluy consille, le devent dit pappe
Jehan, pour les crimes contre luy allégués, fut mis en prison et fut
privé de la papaulité. Et, alors, Grégoire XIIe et Benoist XIIIe, les
quelles par obtinacion des loing tampts devent se disoient pape, rési
gnèrent et se dévestirent de la dignité pontificalle. Et, alors, fut elleu
papa Otho Colunna, lequelle fut appellés pape Mertin le quint. Dont ce
fut grand joie, car l’Église avoit estés environ l’espasse de XL ans sans
vray pasteur.
Item, en celle année, ne fut en Mets ne on pais d’icelle choses faictes
digne de mémoire, ne que à compter faisse, parquoy je m en paisse.
Guerre intestine entre les prince de France. — Toutefïois, en celle
dicte année, le roy de France, acompaigniés des duc de Guyennes, de
Berry, d’Orléans, de Bourbon, d’Alençon et de Bar, des contes de la
Marches, de Richemont, de Armignac, de Vendosme, et d’Albret,
connestable de France, mirent le sciège devent Compiègne, qui tenoit
pour le duc de Bourgongne. Et fut prinse par composicion. Après ce, il
prinrent Soixons, où Enguerran de Bournonville et ung chevallier de
Touraine, appellé messire Pier de Menou, capitaines pour le duc de
Bourgongnes, eurent les testes couppées après la prinse de la dite ville.
Et ung aultre, appellé messire Guionnet du Plexis, en fut pareillement
décapités à Paris. Et, alors, furent les Bourgongnon chassés jusques à
Nostre Dame de Haut en Braibant. En laquelle chasse, entre les
aultres, fut prins messire Guy de Bar, chevalier bourguignon. Et fut
mis le sciège devent Arras. Dont fut la paix finablement faictes par la
duchesse de Hollandre, seur du duc de Bourgongne.
Item, en ce tampts,le conted’Armignac print le chasteau de Muraut et
plusieurs aultre forteresses.
Cy en lairons le parler, et retournerons a maistrez eschevin de Mets
et à plusieurs aultre besoingne.
Mil iiijc et xv. - En l’an deusiesme de l’ampire dudit Sigismond, qui
est de Nostre Seigneurs Jhésu Grist l’an mil quaitre cent et XV, fut
alors maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Wary de Toul.
Le comte d’Armignac muriris à Paris. — Et, en cest année, le devent
dit conte d’Armignac fut tués et murtris en la bonne cité de Paris.
Et fut la chose cy secrètement faictes que nulz ne polt pancer ne sçavoir
qui ce eust fait.
. , .
xx mil homme occis. - Dont plusieurs batailles en furent faictes
depuis ; entre lesquelles l’une fut au pont Sainct Clou, en laquelle il
mourut plus de XX mil homes.
Alors estoit paisible sus toutte la crestienté pappe Mertin, cy devent
escript ; dont c’estoit grand joie pour l’Esglise, que à celle heure n’y
avoit nulz sciesme ne aultre dissancion de quoy on peust parler. Gelluy
pappe régna à plaine obédiance par toutte les partie crestiennes l’es
pace de XV ans, et moult grand trésor assembla. Lequelle, aprez sa
mort, ne profitait mie grandement pour l’Église ; ains s’en ensuyrrent
l’évêque conrard de bayer de boppard
REÇU
a
METZ
165
moult grande guerre et inconvénient entre ces parens, l’ung l’aultre l,
avec aucy d’aultres plusieurs qui demendoient y avoir part, comme
plus à plains est contenus en plusieurs traittiés et voullume.
Et, en cest présante année, fut resseu pour évesque de Mets signeurs
Gonraird Baier ; duquelle je vous dirés ycy après la manier cornent.
Ne aultre chose je ne trouve estre faictes pour celle année en celle cité
de Mets ne on pays d’icelle digne de mémoire ne que à conter faisse.
[de
l’AVÈNEMENT
DE CONRAD DE BAYER DE BOPPARD,
SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME ÉVÊQUE DE METZ,
A LA PRISE DE PARIS PAR LES BOURGUIGNONS, EN i/fïS]
Conraird Baier lxxvije évesque Ihint sc[iège]. — Conraird Baier fut le
LXXVIIe évesque de Mets. Et, avant qu’il fut évesque, il estoit princier
de la Grand Église d’icelle cité.
L’évesque Raoul transférés à Vêveschiés de Noyon.
Or avint que,
en l’an devent, mil quaitre cent et XIIII, luy estant au devent dit
concilie de Constance, seigneurs Raoult de Coucy, LXXVI® évesque,
cy devent escript, et après ce qu’il oit estés évesque d icelle cité 1 espaisse de XXVIII ans, comme cy devent ait estés dit, fut par pappe
Jehan XXIIIe translatés de la dicte éveschiez de Mets à l’éveschiés de
Noion en France ; et en son lieu fut esleu et mis par le pappe Jehan le
devent dit seigneur Conraird Baier.
Et, en l’an après qu’il fut esleu, comme dit est, qui est cest présante
année mil 1111° et XV, fut receu par le chaipistre de la dite église de
Mets, le dimanche devent la nativité sainct Jehan Baptiste. Celluy
seigneur Conraird estoit biaulx prélatz, puissant de corps, riche et
saige, et bien pairlant les trois languaiges, c’est assavoir latin, roman
et allamans
Soingne abalue. — Item, en son tampts, il abatit une plaisse nommée
Soigne, laquelle le seigneur Nicolle Noirel, chevalier et citains de Mets,
tenoit ; et fut ledit seigneur Nicolle prins dedans. Dont les seigneurs
de la cité ne s’en niellèrent en rien, pour les maulx que ce faisoient en
celluy lieu.
Plussieurs argent [pr]ins sus [Vév]eschiés de Mets, et terre [e]ngaigié. —
Item, aucy ne fait pas à oblier de vous dire comment, après ce que ledit
seigneur Conraird fut venus et receu à l’éveschiés par les chainoigne,
comme dit est, trouva plusieurs grande obligacions faictes d aulcune
terre et seigneurie de l’éveschiés 2. Et, souverainement, la plus part des
devent dictes obligacion furent faictes par le devent dit Raoult de
1. Il faut sans doute suppléer ici un participe : se disputant l’un 1 autre.
2. L’on trouvera une liste analogue, mais postérieure, HMe, t. IV, p. 516.
166
SITUATION FINANCIÈRE DE L’ÉVÊCHÉ DE METZ
Coucy, comme cy après serait dit. Car je veult ycy dire et desclairer
touttes ycelle obligacion et gaigiers, tant de celle que le devent dit
seigneur Raoult avoit faictes comme de plusieurs aultres, ces prédé
cesseurs, évesque de Mets. Lesquelles tout ensamble avoient obligiés
grant partie de la terre et seigneurie d’icelle éveschié. Et ycelles obligacions trouvait le devent dit seigneur Conraird alors qu’il entrait en
ladicte éveschiez, et après ce qu’il y fut receu, comme la tenour s’en
suyt.
Et, premier, trouvait ledit seigneurs Conraird Bayer une lestres de
gaigiers de la moitiet du chasteaulx et ville de Hombourg et de Sainct
Avol et des villes appartenant, faictes par le devent dit seigneur Raoult
de Coucy, pour lors évesque de Mets, à mon seigneur Charles, duc de
Loherenne, pour la somme de quatre mil frans, du coing du roy de
France.
Item, le dit seigneurs Conraird, évesque de Mets, trouvait encor une
aultre lestre de guaigier de la moitiet du chastel, ville et chaistellcrie
de Rambeviller et des villaiges appartenant, et aussy du ban d’Espinal,
faictes audit duc Charles de Loherenne par ledit seigneur Raoult de
Coucy, tant à sa cause comme de ces prédécesseurs, évesque de Mets,
pour la somme de quaitre mil frans de France.
Après, trouvait encor une lestre de VIIIe frans adjostée avec lesdit
quaitre mil frans sur la gaigier devent desclairiée, faicte par ledit
seigneur Raoult de Coucy audit mon seigneur Charles de Lorraine.
Paireillement, trouvait encor une lestre de gaigier de la ville et
chastellerie de Nommeny et de la thierce partie du chastel et chastellerie
de Fribourg et de l’estang d’illec, faictes par ledit seigneur Raoult de
Coucy audit mon seigneur Charles, ducdeLorrenne, pour la somme de
VII mil frans de France.
Item, trouvait encor ledit seigneur une lestre de VIII cent frans
adjosté sur lesdit VII mil frans de gaigiers dessus dit, assignés sur la
ville et bans de Desmes, et pour l’enchange de la moitié du chastel,
ville et chastellerie de Bacourt, faictes par le dit seigneur Raoult de
Coucy audit seigneur Charles.
Puis, trouvait encor ledit seigneur une lestre de gaigier du chas
teaulx de Vy et Moyenvy et de la ville de Waichiemesnil, avec ces
appartenances, faictes par ledit messire Raoult de Coucy à messire
Jaicques d’Amence, marchault de Lorrenne, à messire Henry de
Gyullien, chevalier, pour la somme de trois mil frans de France^1
Encor trouvait une lestre de gaigier de la VIe partie des villes et
chasteaulx de Gebeldange l et de Helimer faicte par le dit seigneur
Raoult de Coucy au seigneur Charles, duc de Loherenne, pour la
somme de 1111° florin.
Item, encor une lestre de gaigiers de la moitiet du droit et action
appartenant à l’éveschié de Mets en l’estang de Gaudertin, et tousjours
1. Guéblangue, Moselle, Sarreguemines, Sarràlbe.
SITUATION FINANCIÈRE DE L’ÉVÊCHÉ DE METZ
167
faictes par ledit seigneur Raoult de Coucy au seigneur Charles, duc de
Loherenne, pour la somme de VII mil et IIII cent frans.
Paireillement, trouvait encor ledit seigneur une lettre de gaigier du
chaisteaulx et chastellerie de Durbestain, faict par l’évesque Édémairs
a seigneur Thiébault, seigneur de Blasmont, pour la somme de deux
mil florin à l’escus, et de deux mil livre de petit tournois.
Encor trouvait une lestre de gaigier desdit chaisteaulx et chastellerie
de Durbestain faicte par seigneur Raoult de Coucy à Henry, seigneurs
de Blasmont, pour la somme de mil florin d’or.
Après, trouvait encor une lestre de guaigier de la ville de Sarbourg et
de ces appartenance, faicte par l’évesque Édémars a seigneurs Thié
bault, seigneur de Blasmont, pour la somme de Ve florins à 1 escu de
France.
.
Item, encor, une lestre de promesse du seigneur Thiébault de Blas
mont, qu’il recongnoist que, ce on rachectoit la dicte gaigier de Dur
bestain, qu’il seroit tenus de remestre en acquest l’argent, et ycelluy
acquest reprandre et tenir en fiedz de l’évesque de Mets.
Puis, après, trouvait ledit seigneurs encor une lestre de gaigiers de
la ville de Nuefviller et de ces appartenance, faicte par l’évesque
Édémars a seigneurs Hannement, seigneur de Lucembourg 1, pour
trois mil livre de fors petit 2, et deux cent mars d argent.
Paireillement, trouvait encor une lestre de gaigier faictes par ledit
seigneur Adémars a seigneur Jehan, prévost de Strabourg, et seigneur
Simon, seigneur de Lucembourg, de la ville et appartenances de Neufviller, pour la somme de VII mil livrez de petit tournois et deux cent
marc d’argent.
Encor trouvait une lestre de gaigier de la ville d’Abe 3 4et5ces appar
tenances, faicte par le seigneur évesque Thiédry a seigneur Jehan, conte
de Salme, pour la some de quaitre mil et trois cent livre de petit tour
nois, et, avec ce, encor mil petit florins de Florance.
Après, trouvait encor une lestre de gaigier de la quairte partie du
chasteaulx et chastellerie de Lucembourg 4, près de Saleverne, faictes
par le devent dit seigneur Raoult de Coucy, évesque de Mets, au Mi
neur Charles, duc de Lorrenne, pour la somme de VIIIe florin de Rm.
Item, encor trouvait une lestre d’acord faicte entre seigneur Edémars,
évesque de Mets, et mon seigneur Robert, duc de Bar, pour les gaigier
de Confflan, Buisy 5 et Condé sur Muzelle, que ung évesque de Mets
puit. raicheter lesdite gaigier dedans certains terme après venant pour
la somme de XX mil petit florins. Et en donna ledit duc caucion et
plesge audit évesque, s’il faisoit le paiement desdit XX mil florins
dedans le terme prins et accordé entre eulx.
Puis, après, fut encor trouvée une lestre de gaigier faicte par mon
1.
2.
3.
4.
5.
HMe, t. IV, p. 516 : Lictemberg.
Ibid., id. : petits florins.
Albe. C’est Sarralbe, chef-lieu de canton, Moselle, Sarreguemines.
Lutzelbourg, près de Saverne, Moselle, Sarrebourg, Phalsbourg.
Buzy, Meuse, Verdun, Étain.
168
LES ANGLAIS EN FRANCE (1415)
seigneur Thiédrych, évesque de Mets, aux maistre eschevin, trèzes
jurés et à touttes la comunalté de la cité de Mets, pour la somme de
quatre cenc frans, monnoie de Mets.
Encor trouvât le dit seigneur Conraird une lestre de gaigier de la
thierce partie de la ville, dé chaistel et appartenance de Fribourg, faicte
par seigneur Raoult de Coucy, évesque de Mets, à Pestour de Roddes,
escuier, pour la somme de quaitre cenc viez florins.
> Pairellement, trouvait encor une lestre de gaigier de la moitiet de
l’estaing de Duesselange, faictes par mon seigneur Raoult a de Coucy,
évesque de Mets, à messire Avrard Haze *, pour la somme de trois
cent viez florin.
Après, trouvait encor une lestre de gaigier de l’yawe de Longeville,
faicte par mon seigneur Raoult de Coucy, évesque de Mets, à maistre
Anthonne de Troye, maistre sergent des Trèses de Mets, pour la somme
de V cent frans.
Item, trouvait le dit seigneur encor une lestre d’essignacion de la
somme de trois cent XIII livrez X sols de tournois de cens annuelle,
faicte par le seigneur Thiédrich, évesque de Mets, à Menfîroy de Walthiemont, demorant à Mets, et assignée sus plussieurs villes et signourie
de 1 éveschiez dénommées és dicte lestre, et sus le sceel de la court de
Mets ; lequel cens est à raichet pour la somme de VI mil deux cent
LXX livrez de Mets.
Somme, monte touttes les somme devent dictes à la somme de
HT Ixx XVI mil et ÏXxx et X frans, laquelle somme il faulroit paier, qui
voulroit revenir, ravoir, retraire et affranchir touttes les terre devent
dictes, cen les coustanges et aultres despance qu’il faulroit faire.
Les Anglois en France. — Or advint, en celle devent dicte année mil
quaitre cent et XV, que le roy Hanry d’Angleterre demandait en
mariaige Katherine, fille dudit roy Charles. Et, pour ce qu’elle ne luy
fut point acordée, descendit de rechief en France, par l’amonétement de
Jehan, duc de Bourgongne. Et vint premier abourder à la bouche de
Saine, en Normandie, et print Harfleur; et fist de rechief plusieurs mal.
Desconfiture des Fransois faicte par les Anglois; la mort de plussieur
bon personaige françois. — Et perdirent les François de grosse journée,
esquelles furent plusieurs grand personnaige prins et tués. Entre les
quelles, à la journée de Blangy ou d’Agicourt 2,
* 1près de la rivier de
Somme, furent prins prisonnier le duc d’Orléans et de Bourbon, les
conte d’Eu, de Vendosme et de Richemont, avec le mareschault Boussicaud, le duc de Bar et celluy de Brabant, frère du duc de Bour
gongne, le conte d’Albret, conestable de France, le grand maistre
d’ostel du roy, messire Robert de Bar, le conte de Nevers, le conte
a- Mss. : de Raoult.
1. Évrard Haze, aumônier de l’église de Metz, Cartulaire de J?Evêché de Metz, publié
parfPaul Marichal, t. I, 104-106.
2. Azincourt.
JEAN RENGUULON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1416)
169
d’Aumalle, le conte de Vaudémont, frère a duc de Lorraine, les conte
de Roucy, de Vienne, monseigneur Jehan de Bar, frère du duc de Bar,
messire Guichart Daulphin, le viconte de la Bellière, les sire de Trassy,
de Helly, de Combourt, de Hagueville, d’Aumont, de Roycheguyon, de
Gaules, de Graville, de la Trimolle, messire Aleame de Chapeaulx, et
plussieurs aultre chevalier et escuier, desquelles n’en eschaippait
point la mitté, que tous ne furent mort en la baitailles. Et y en mourut
plus de quaitre mil, tout gens noble et de bonne maison ; et le rest fut
menés en Angleterre. Et, de la partie des Anglois, ne furent occis pour
grand parsonnaige que le duc d’Yorth, oncle du roy d’Angleterre, et
trois ou quatre cent Anglois, gens de petitte réputacion, telz quelz.
Parquoy celle baitaille se nomme comunément la malheureuze journée.
Et advint telle desconfiture par le désarroy et inadvertance des Fran
çois.
A cest journée ne fut point le duc de Bretaigne, jay ce que toutefois
le roy luy avoit donné la ville de Sainct Malo, et cent mille frans pour le
paiement de ces gens d’armes, et aflin qu’il c’y trouvait. Mais il faillist
au besoing ; parquoy que possible ce mal advint. Et ainssy apert que
d’ugne chose malle acomencée souvant avient moult grand domaige,
corne cy devent il est noctés et contenus pour le fait de la mort du noble
Loys, duc d’Orléans.
Le daphin emportés on Daphinois. — Car vous devés sçavoir et
entandre que, quant la cité de Paris fut prinse, et que le bon duc de
Narbonne et le bon prévost de Paris, appellés Tanoquin t, avec ung
gentil chevalier, appellés messire Barzabant, yceulx ensemble ampourtairent en leur bras le gentil daulphin, et le pourtairent on Daulphinoy.
Puis le firent nourir comme à leur vray seigneur. Et, tout adès, tant
qu’il vesquirent, le servirent loyaulement. Et, depuis, par les trois
dessus dit fut tués le duc de Bourgongne. Et ainssy est approuvés
islud proverbium, c’est à dire que tel desserte tel tourner.
Mais, nonostant ces chose, depuis en avint tousjours plus grand mal
en royaulme de France. Car le filz dudit duc de Bourgongne en fist
encor pis que son perre n’avoit fait, et aydait tousjours aux Anglois
contre la jantilz fleur de lis. Or, de cest guerre, je n’en sçaroie ne ne
polroie dire la grand pitié ne les grand dopmaige qui en sont estés fais.
Dieu et Nostre Dame y vueulle pourveoir de remeyde ! Amen.
Mil iiijc et xvj. — Après que le milliair couroit par mil quaitre cent
et XVI ans, fut maistre eschevin de Mets le sire Jehan Renguillon,
qu’on disoit Bacon.
Hanrei de la Tour annemei à la cité de Mds. - Or, avint que, en celle
dicte année, ung jantilz homme, nommés sire Hanry de la Tour,
qui estoit ung très malvais guerson et ung parfait tirans, celluy Hanry
fist en ce tampts grand guerre contre la bonne cité de Mets, et sans
cause nul, fort seullement pour ce que les seigneurs d’icelle avoient
1. Tangui du Châtel. — Il faut supprimer et avant que.
170
l’empereur sigismond a paris (1416)
aydiés à abatre une forteresse appellée le Saulcy. Et tellement que, le
jour de la teste sainct Augustin, ledit Hanry amenait une grand compaignie de Bourgongnon à l’antour d’ycelle cité. Et, de prime venue,
antrairent et prinrent leur giste on Yaulx de Mets, c’est assavoir à
Moullin, à Chazelle et à Sciey; et y furent trois jours. Et avoit ledit
Hanry délibérés de abaistre la justice d’icelle cité. Mais il s’en retour
naient bien viste fuyant, pour tant que, c’il eussent demourés ung peu,
il eussent estés combatus. Et, en retournant qu’il firent, il boutaient
les feu en leur logis. Et ne firent pour celle fois aultre vaillance.
L’empereur Sigismunde à Paris. — Item, en celle année, l’ampereur
Sigismohde vint en France et arivait à Paris pour veoir le roy Charles.
Et fut festoyé grandement du duc de Berry, qui estoit son oncle. Et,
de là, s’en alla en Angleterre avec Guillamme de Bavière pour cuider
trouver quelquez bon apointement de paix entre les deux roys de
France et d’Angleterre, et affin de les acorder ensamble. Maix le roy
anglois n’y voult antendre. Parquoy, depuis ce tampts, ce fist encor en
France de grand mutinerie, par l’espasse de XX ou de XXIIII moix
tousjour en noise et dicension, tellement que c’estoit pitiet du gou
vernement.
Item, en cest année, le duc Camus Jehan de Berry *, oncle du roy,
et eaigié de quaitre vincg et IX ans, trespassa. Et fut enterré en la
chappelle de son pallas, à Bourge, qu’il fist faire en son vivant. Ledit
Jehan fut ung noble prince, saige, habandonné et lairge à tout le
monde, et principallement aus estrangiers.
Aucy, en ce tampts, le conte d’Arminac, qui de nouviau estoit
connestable de France, et le viconte de Nerbonne, combaitirent le
conte Dorset, anglois, .et oncle du roy d’Angleterre, à Vallemour en
Caulx. Et y furent mors environ quaitre cens Anglois.
Et fut en ce meisme tampts que le roy de Cecille mourut en la ville
d’Angiers. Et fut anterré en la grand église de la dicte ville ; et à
ycelluy enterrement fut Charles, le Daulphin, son janre, lequel par
avant estoit conte de Ponthieu.
En ce meisme tampts, aucy, furent erriers les François desconfis à la
bouche de Saine, devent Honneffleur. Desquelles François y eust grand
tuerie, et y furent partie des haulx seigneurs de France mort et tué.
Entre lesquelles y morurent tous les drois hoirs du duc de Bar, exceptés
Loys, filz du duc Robert de Bar, lequel alors estoit cardinal du sainct
scièges apostolicque et évesque de Verdung. Et de ceste devent dite
bataille estoient chief le viconte de Nerbonne, les sires de Montegnay
et de Beauvau, et le bastard de Bourbon, qui y fut prins des Anglois.
Desquelles Anglois estoient chief les ducz de Bethfort et de Clocestre,
filz du roy d’Angleterre.
Mais, pour revenir à parler dudit seigneur Loys de Bar, le cardinal,
après la devent dictes journée tenue, quant il vit que en la duchiez de
Bar n’y avoit plus près hoirs de luy, il ce mist en la possession de la
1. Jean de France, duc de Berry (30 novembre 1340-15 juin 1416).
ANDRIEU DE VAUDREVANGE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1417)
171
dite duchié. Et, avant, y vint le duc dé Mont, lequelle avoit espousés
une des fille dudit Robert, et amenait grand compaignie avec luy pour
et en intencion d’avoir la dicte duchiez. Et, de fait, on lés y vit très
voulluntier, et y furent haultement ressus, car aulcuns et la plus part
des chevalier et escuiers de la dite duchié firent grand faveur et ayde
audit duc dé Mon h Et ne prisoient que ung bien peu le cardinal, leur
droiturier seigneur. Et, de fait, en ce mocquant il l’appelloient prestre
et teste pellée. Or, quant ledit Loys, cardinal dessusdit, oit bien consi
déré et veu cest chose, et vit et congneut qu’il polroit avoir du pire, et ne
polroit mye bien joyr de son affaire, il manda Regnier, filz du roy Loys,
son cousin, lequel estoit extrait et yssus de la plus année fille dudit duc
Robert, son perre, sy luy donnait la dite duchié de Bar, an mariaige
faisant dudit duc Raingnier et de l’année fille du duc Charles de Lhoranne.
Le duc Regnie[r] mys en prison. — Mais le duc des Mons, cy devent
nommés, voyant cest affaire, entreprint cestui fait. Et, après plusieurs
choses faictes et dictes, fut le dit duc prins et emmenés en prison à
Nancey, comme cy aprez serait dit quant tampts serait d’en pairler.
Et luy covint quicter tout le droit que son filz y prétendoit à avoir.
Jehan Hunzs et Wyscleph brullés. — Item, aucy en celle année,
Jehans Hus, boesmien héréticque, fut ars et brullé à la cité de Constance,
pour ce qu’il suscita l’hérésie Jehan Wycleff, en y adjoustarit encor
plusieurs articles du siens.
Mil iiijc et xvij. — L’an mil quaitre cent et XVII fut maistre eschevin
de la cité de Mets le sire Andrieu de Waudrewange.
L'empereur se [t]ravaille [d’]apointer la crétienté. — Et, en celle année,
le devent dit empereur Sigismonde eust beaulcopt de penne d’aller en
personne devers les princes crestiens, pour concorder plusieurs discencions qui alors y estoient.
Ceulx de Rouuan se rebelle. — Or, avint en cellui tampts que les
habitans de la cité de Rouuan se rebellèrent contre le roy et occirent
leur baillif, nommé Raoul de Gaucourt.
Item, en celle année, le roy d’Angleterre print le chastel de Touque 12
en Normendie, moult meschamment ; car en telle prinse n’eurent
point les François d’honneur ne prouffit. Et encor priment lesdit
Anglois Caen, Falaise, Bayeux, Sainct Lo, et plusieurs aultres villes.
Le duc de Bourgongne occupe plussieur place et bonne ville en France. —
Item, aucy, le duc de Bourgongne print Montlehéry contre le duc
d’Orléans. Paireillement, advint que en ce tampts fut tués à Chartres le
sire de Jaiqueville, cappitaine des villains de Paris tenant la bande des
Bourguignons, par ung Picard nommé Hector de Saveuses. Et, tantost
après, le dit duc de Bourgongne print Tours, Rochecorbon, Cormecy,
1. Traduction Irançaise de von Berg (Herzog Adolf). Cf. DSHL, t. IV, p. 394 et n. 5.
2. Le 1er août 1417, Henri V prit terre à l’embouchure de la Touques, sur la plage
de Trouville.
172
MARTIN
V
ÉLU PAPE
(11
NOVEMBRE
1417)
Précigny et Asay sur Indre ; et y mist partout garnison. Et le prince
d’Orenge, pour ledit duc, conquesta tout le païs de Languedoc et le
Pont du Sainct Esperit.
Et, par opposite, messire Tenneguy du Chastel, prévost de Paris,
et tenant la partie de monseigneur le Daulphins, print et pilla la ville de
Chereuse, mais non pas le chaistel.
Item, ce fut en cest année, et durant encor le deventdit concilie de
Constance, duquelle je vous ait heu par cy devent parlés, lequelle
durait plusieurs année, et encor duroit à cest présante année, auqueJle
concilie et en ce meisme tampts Grégoire XIIe et Bénédic XIIIe renonsairent leur droit de la papalité, et furent despousés. Et en leur lieu fut
elleu tout d’ung comun acord et voullunté, sans quelque contradicion,
Othon de la Colonne 1, romains ; et le dénommèrent Martin Ve. Et est
cellui duquelle je vous ait desjay heu parlés, qui assamblait cy grand
trésor, duquelle après sa mort ces parans et amis eurent grand discencion ensamble ; et fut celluy trésor cause de plusieurs maulx. Et trespassa celluy pappe le dernier jour de febvrier, en l’an que le milliair
courroit par mil quaitre cent et XXXI. Celluy pappe fut grand justicier
et fîst de grand biens en son tampts, car il destruit les héréticques.
Puis, avant sa mort, comanda et ordonna de assembler le concilie de
Basle. Car, au devent dit concilie de Constance, avoit esté conclus que
tousjours, de dix ans en dix ans, seroit tenus le concilie de l’Église
universelle. Et en touttes ces chose y labora et favorissait très grande
ment l’empereur Sigismonde, en soubtenant ledit pappe Mertin.
Audit concilie, lez contés de Glèves et de Savoye furent faictes duchiés
par ledit empereur Sigismonde.
Acuns vueullent dire que ce fut en l’an après, mil IIIIC et XVIII,
que le devent dit pappe Mertin fut ressus, courongnés et essus.
Le pape ait respairgnés xij millions de ducas. — Et que, après ce
qu’il oit régnés XIII ans, on trouvait en son trésors environ XII mil
lion de ducas, qui furent cause de plusieurs mal.
Touteffois, on dit qu’il gouvernait grandement sa papallité. De quoy
on dit, pour sçavoir au vray le milliair qu’il trespassa :
LaVs eIVs In eCCLesIa sanCtorVM.
Car, grant tampts devent sa créacion, avoit estés grant scisme en
nostre mère Sainte Église, corne par cy devent ait esté dit.
1-. Odone Colonna.
NICOLE DROUIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1418)
173
1418,
[de la prise de paris par les bourguignons, en
AU DÉBUT DE LA GUERRE « DE LA HOTTÉE DE POMMES »,
EN l4a8]
Mil iiiic et xviij. — Puis, en l’an après, et que le milliair couroit
par mil quaitre cent et XVIII, fut alors maistre eschevin de la cité de
Mets seigneurs Nicolle Drouuin.
En laquelle année je ne trouve guerre chose digne de mémoire avoir
estés iaictes a en la cité de Mets ne on pais joindaat que à compter
fcÛSS6.
Agmentation de guerre en la France. — En celle dicte année, on
royaulme de France ce multiplioient tousjours les guerre, et y avenoit
journellement mai sus mal. Car, d’ugne chose mal acomencée, à paine
ia fin en sçairoit estre bonne. Et tellement que, ledit ans, on moix de
may, messire Jehan de Villiers, seigneur de l’Isle Adam, atout trois
cent homme tenans ia partie de Bourgongne, entra de nuit dedans
Paris. Et luy ouvrit la pourte ung nommés Perrenet ie Clerc, serrurier ;
car ceüuy Perrenet avoit desrobés la clef à son perre. Et, quant il
vinrent au millieu de la ville, alors firent ung cris, et à haulte vois
comensairent à crier . « Paix et salus au duc de Bourgongne»! Auquelle
cris tous ceulx de la ville qui tenoient le party des Bourgognon ce
assamblarent, tous signés de 1a crois sainct Andrieu, et ce joindirent avec
les aultres. Et alors, le Dauiphin et les siens, oyant ce bruit, ce reti
rèrent à ia bastille Sainct Anthonne, et là ce mirent à salvetés. Et,
incontinent, furent que murtris que noyés environ trois mil hommes.
Entre lesquelles estoient le conte d’Armignac, connestable de France,
maistre Henry de Marie, chancellier de France, le conte de Grand Pré,
et plusieurs aultre prélas, barons, chevallier et escuiers, bourgois et
marchamps et gens de diverse sorte et praticque. Car aus ung on tranchoit la teste, au aultres il contraindoient de saulter des ienestre à
l’avallée sur le pauvé. Et, brief, on n’esparnoit nul qui fust de la partie
de mon seigneur le Dauiphin, et appelloit-on Armignacz tous ceulx que
on voulloit faire b meurtrir. Car, pour lors, ce on hayoit aulcun3 à mort
pour debte ou aultre cause, on le faisoit incontinant tuer soubz umbre de
dire qu’il estoit Armignac, posé qu’il ne thint l’une partie ne 1 autre.
Et n’y avoit homme qui encore ossait faire semblant de pitiés, ou il
l’eussent assomés.
t u • 17cTune nouvelle lacune dans le ms. M ; elle est signalée par une note d’écriture
plus récente : je trouve encor ycé des fullet désiré [déchirés] dont le contenu est de
l’Vt^?:ÏLmliée partiellement (d partir du dédut de 1419) *" *£*»»
ajoutés n une époque très récente; nous avons négligé cette copte, qui est fautive, pour
suivre le ms. £■
\%
ARNOULD CŒUR DE FER, MAITRE-ÊCHEVIN DE METZ
(1419)
Et, quant messire Tenneguy du Ghaistel vit qu’il avoit du pire, il ce
partist de la Bastille avec le dit seigneur le Daulphin, et c’en allèrent
à Melun. Avec le dit seigneur de l’Isle Adam estoient messire Jehan de
Lucembourg, messire Gharle de Lans, messire Claude de Ghastellus et
messire Guy de Bar et plusseurs aultres.
En ce meisme temps, furent faictes plusseurs aultres prinses les ungz
sur les aultres, tant de cité, de bonnes villes corne de chasteau, des
quelles prinses et amblée je m’en passe, pour abrégier, jay ce que en
celluy ans y oit plusseurs rencontre faicte, auquelles en y oit plusseurs
des prins et tués, mais, comme dit est, je m’en paisse ; et vous souffise
quant à présent de ce que j’en ait dict. Car je vuelt retourner au maistres eschevin de Mets, et à plusseurs aultres besoingnes.
[1419]. — En l’an après, courant le milliar par mil IIIIc et XIX,
estoit maistre eschevin de Mets le seigneur Arnoult Gueur de Fer.
En celle année, fut ung jours prins entre les princes de France et de
Bourgongne pour veoir ce l’on ce polroit accorder. Et fut celle journée
tenue le Xe jour de septembre en une ville nommée Monstreau où fault
Yonne (car, en ce lieu, la rivier de Yonne chiet en Senne). Et là y ait
fort chastiau et ung pont levys, auquel fut fait et basty ung tabernacle
de bois, dedans lequel entra le Daulphin et le duc de Bourgongne.
Et avec eulx entrairent dix seigneurs choisis tant seullement, affîn que
par les serviteurs d’aulcuns d’iceux princes ne fut engendrés quelque
noise ou huttin. Toutefïois, ainsy comme l’assemblée relatoient plusseurs
parolles des injures passées, entre lesquelles l’on veult dire que le duc
de Bourgongne parlait au Daulphin trop arrogammant et le desmantist, parquoy en ce lieu soubdainnement ce levait ung qui estoit avec le
Daulphins, esmeu en yre, et, flamboyant en couraige, occist le dit
Jehan, duc de Bourgongne. Et volloit on dire que ce avoit faict ung
nommés messire Tanneguy du Chastel, lequel solloit estre moult
famillier du duc d’Orléans. Et, pour sçavoir au vray le milliair quant
cest fortune advint, aulcuns bon facteur en ont escript ainsy :
GrVCIflge CVCIflge (sic) eVM
Et, tantost aprez ce faict, et que le dit duc Jehan fut tués, son filz
Phillippe, qui alors estoit à Paris, s’en alla joindre avec les Anglois.
Et, qui pis est, il print le roy Charle, ainssy mallade et altérés comme il
estoit, et le livra à Hanrey, roi d’Angleterre, et la royne pareillement,
avec leur fille Catherine. Lequel roy et royne, avec la fille, le dit Phi
lippe, estant encor son père en vie, tenoit desjay en sa puissances. Et
encor ne ce thint le dit Phillippe à cella, ains livra aus dis Anglois Paris,
Brie, Ghampaigne et Bourgongne. Et, incontinant que le roy Hanry
en fut saisis, il espousa et print à femme la dicte Katherine, fille dudit
Charles. Et furent les nopces à Troye en Champaigne. Après lesquelles
y oit lez plus terrible course et larrencin parmei le royaulme de France
qu’il n’est créatures vivant qui le voulcist croire. Car le royaulme fut en
ce temps cy tribollés et cy apouvris que c’estoit pitiez et dopmaiges.
ARNOULD BAUDOCHE, MAITRE-ÊCHEVIN DË METZ
(1420)
175
Et, avec la mortallité qui alors régnoit, les pays estoient destruyt,
ars et brullés, et ce mouroit on de fains parmei les champs. Tellement
que des Anglois en y oit plus de quatres mil des mors de fains au pays
de Vendosme, qui furent pasture aux oiseau et beste saulvaiges, pour ce
que les corps demoroient gissant sur la terre sans sépulture. Aussy, en
ce temps, estoient les plusseurs fenmes à cy bon merchiés que on en
avoit quaitres pour ung œuf : et la raison estoit que en ce temps y avoit
cy grant dissete de tous vivres que ung œuft coustoit XII deniers,
qui sont à présent plus de XXII deniers, cellon que la monnoie est
remontée. Et le temps estoit cy pouvre et cy maulvais que plusseurs
femmes et pouvres filles estoient alors habandonnée, les une par pouvreté et les aultres par leur plaisances et voluptés : parquoy, comme
j’ai dict, on en avoit assés pour trois deniers la pièce ; et encor pour
moins, qui estoient lez quatre pour ung œuf. Dieu, par sa bonté, y
vuelle pourveoir de remède !
[1420]. — Après ces choses ainsy advenues et que le milliaire
couroit par mil IIIIC et XX, fut alors maistre eschevin de la cité de
Mets le sire Arnoult Baudoiche.
En celluy temps estoit la cité en grant bruit, et florissoient plus ou
aultant que voisin qu’il heussent. Et ne ce pairloit en ycelle que de joie
et de teste ; néantmoins que tousjours les bons seigneurs et recteur
d’icelle estoient journellement sur leur gairde, comme tousjours d an
ciennetés il ont eheu le soing et la cure de la cité et des habitans.
Aussy le printemps et la saison d’icelle année estoit fort biaulx et
tempérée de tous biens, et estoit le temps joieux là où il n y avoit
point de guelre. Car celle année fut tellement hastive, et vint la challeur
de cy bonne sorte que au premier jour d’apvril estoit le myrguet tout
flory, et en vend oit on à ce jour là à grant habundance devant la
Grande Église d’icelle cité. Pareillement, fut celle année sy habundante
de tous fruyct et biens meurs que ce fut merveilles. Item, le Xe jour
d’icelly mois d’apvrilz, estoient en Metz lez frèze meures, et les vendoit
on devant le moustiés. Puis, le damier jour d icelluy meisme mois,
on vendoit en la dicte place les serixe à la livres. Item, après, au pre
mier jour de may, on vendoit des nouvelles febves et des nouvyau pois
en la dosse. Et, le VIe jour dudit mois ensuiant, on maingeoit des
nouvyau soigle engrenés. Puis, trois ou quaitres jours après, 1 on ven
doit des nouvyau verjus devant la dicte église. Item, 1 an dessus dit,
le XXIIe jour du mois de jung, on oit en plusseurs lieu en Mets des
raisins tailliés et à demey mehure, et ung mois après, c’est assavoir le
XXIIe jour du mois de juillet, on beust du nouvyau vin en la ville
de Maigney, tesmoing Collignon de Maigney et Collignon Louuiat et
plusseurs aultres, qui alors y estoient. Et, de faict, ce dit jour, il maingèrent des pussins frossiés au mot 1.
■
■ x
En celle année, comme j’ay dit devant, l’on ce tryumphoit en la cité
1. Moût.
176
GUERRE ENTRE LA VILLE 1)E METZ ET FERRY DE CHAMBLEY
de Mets, et tellement que, le jour sainct Privé, lut jués en ycelle le
jeu et la vie de monsseigneur sainct Vita, duquel en Metz en y ait une
paroiche. Et en lut maistre et gouverneurs frère Jolïroy de la Trinité.
Et, parmey ce, le curé d’icelle église de Sainct Vy y donna XL sols
daventaiges pour aider à supporter la despences.
Item, environ deux ans devant, c’est assavoir en l’an IIIIC et XVIII,
avoit estez grant guelre entre la cité de Metz et messire Ferrey dé
Ghambley. Et la cause estoit pource qu’il avoit estez consantant que la
forteresse d’Annerey fut trahiee et prins par ung trayteurs appellés
Henrey de Baheugnon. Duquel l’on ne ce gardoit mye, car le sire
Collignon de Heu, auquelx celluy Hanrey avoit loing temps servis, se
fyoit grandement en luy. Et avoit commendés le dit Collignon que,
toutes fois qu il iroit à Annerey, que l’on luy ouvrit la forteresses ;
dont il fist maulx. Or, celluy traystre fist semblant qu’il volloit amener
des cher de vin et des chairette. Mais il y avoit tien aultres marchan
dise : car dessus yceulx chair et chairette y avoit des tonneau plains de
gens d’armes. Lesquelx, ce voiant les plus fort, sont sortis de leur
amhusche. Et par celle manier fut prinse la forteresses. Et, alors que ce
fut fait, ce tenoit assés près d’icelle en une aultre amhusche Michellin
de Braihant, avec grans gens d’armes. Lequel incontinant se saisit de la
place. Puis 1 ont déüvrés au duc de Lorenne, qui, pour ce temps, avoit
une pencions à la cité de trois mil frans, pour laquelle pencions il avoit
promis à aidier à garder tout le pays appartenant audit de Mets ; et
1 avoit sceellés par son sceel. Mais il faisoit hien le contraire. Car,
tout le temps de la dicte guelre, il souffrit tous les maulx qu’on volloit
faire à la cité, jusques à ce que journée fut prinse on mois ü’octohre
par 1423 ; à laquelle journée en fut faicte la paix. Et, parmey l’accord
de la dicte paix faisant, fut quictes la pancion que le dit duc avoit,
et furent rendue les lettres qu’il en avoit à ceulxde Mets. Et pareille
ment fut rendues la forteresses.
Et, hien tost aprez, c’est assavoir en ceste présente année mil IIIP
et XX, fut le dit traystre Henrey rencontrés des souldoieur de Metz,
et fut prins et amenés en ycelle, et puis mis on piilory et traynés au
pont des Mors, là où il fut desquartellés ; et en furent les pièces minse
par les portes a des potences. Et ainsy en fut la fin faicte. Pour tant eut
on que : tel deserte, tel louuier.
Item, en celle année, ne laichoit point la guelre en France, ains de
plus fort en plus fort ce destruisoient les ung aux aultres. Et tellement
que les Anglois et Bourguignon prindrent par sciège la cité de Scens,
Moret et Monstreau fault Yonne. De là vindrent mettre le siège devant
Melun, où les capitainnes et hahitans ce pourtèrent très noblement :
car il n eussent jamais rendus la ville, se la fain ne les eust constrainct.
En la dicte ville de Mellun fut prins le vaillant seigneur de Barhazan, et
enmenés prisonniés en Normendie, où il fut l’espaice de sept ans, durant
lesquelx le dit duc de Bourgongne luy fist endurer moult de martire,
pour ce qu il avoit estés consentant de la mort de son père, comme il
disoit. Pareillement fut prinse Meaulx par lez Anglois et Bourguignons*
NICOLE GRONGNAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1421)
177
Et, toutteffois, tenoient touttes les dictes ville pour le roy et le Daulphin, dont c estoit grant pitiés. Car les dits Anglois et Bourguignon,
tenant le roy de France et la royne en leur mains, lé menoient devant
touttes les villes ou ilz alloient, pour les induire à les rendre à ces
adversaire. Et, aprez plusseurs maulx faict et perpétrés par les dits
Anglois et Bourguignon, se partist le dit roy d’Angleterre pour aller en
son pays, et enmena sa fenme, Katherine de France. Laqut lie, tantost
aprez, acoucha d’un filz, app liés Hanrey.
Et plusseurs aultres choses furent faictes pour et 11 année, desqut lie
je me tairés quant à présent, et rotournerés a maistre esche-vin de
Mets.
[1421].— Or advint que, en l’an aprez, courant le milliaire par mil 1111e
et XXI, fut maistre eschevin de Metz le seigneur Nicolle Grongnat,
le bon jousteur, lequel fut filz a seigneur Nicolle Grongnat le vies.
Et, en celle année, le duc Charle de Lorainne mist le siège devant la
cité de Toult. Et, pour mieulx hatre la ville, il avoit fait faire ung
chastiaulx de bois à bastille dessus le mont Sainct Michiel, devant la
dicte cité, duquel il faisoit traire ces bomlairde et serpantinne dedans
la dicte ville et cite de Toult. Toutteffois, au bout de trois se pmainne,
y fut trouvés appointement ; et fut la paix faicte parmey une poncion
que le duc debvoit tous les ans avoir et recepvoir sur la dicte cité ; et
par ainsy furent d’accord.
Aussy, en celle année, ce contynuoit tousjours de plus en plus les
guelre en France. Et tellement que, en ce temps, les contes de Boucqua,
de Vineton, et le seigneur d Ernalle, escossois, acompaigniés de plus
seurs aultres grans seigneurs françois, eurent victoire à Bauqué 1 en
Vallée sur les Anglois, desquelx ilz occirent environ de XIIII à XVe.
Entre lesquelx fut premièrement tuez le duc de Clarence, conducteur de
1 armée et frère du roy d Angleterre, le conte de Tain, les seigneurs de
Grey, de Rooz, et plusseurs aultres nobles. Car en leur compaignie n’y
avoit fors lez hommes d’armes, sans archiés. Avec ce, furent prisonniés
lez conte de Hostidon, de Soubresset, et son frère messire Thomas de
Beaufort. Et fut ceste bataille la veille de Paisque.
Item, en ce temps, monsseigneur le Daulphin print le chastiau
nommés Montmyral, et plusseurs aultres places. Et fist le conte de
Boucquan 2 conestauble de France. En ce temps, aprez ce que le roy
d’Angleterre oit prins Dreux par composicions, et plusseurs aultres
forteresses, sur les François, et en s’en retournant devers Vendosme,
il perdit de famine et mortalité environ quatre mil Anglois, lesquelx
furent trouvés mort par lez chamin par où il estoient passés.
Et, tantost après, le devant dit roy d’Angleterre morut, le darnier
jour d aoust, au bois de Vincenne, malade de la malladie sainct Fiacre.
Et, au XXIe jour du mois d’octobre ensuyant, Charte VI, appellé te
1. Beaugé, 22 mars 1421.
2. Jean Stuart, ewarte de Bircàan.
lî
178
HENRI VI COURONNÉ ROI D’ANGLETERRE ET DE FRANCE (1422)
Bien Ameis, roy de France LIIe, trespassa ; et fut enterrés à Sainct
Denis. Et aprez luy régna son filz Charle, VIIe de ce nom, et LUI6 roy
de France. Et ne fut pas celluy Charles cy très tost corronnés, pour tant
que le chemin estoit alors empeschiés pour aller à Rains. Car la plus
part des villes tenoient pour le petit Hanrey d’Angleterre. Entre les
quelles Paris, cité capitalle du royaulme, tenoit pour le dit Hanrey
d’Angleterre, lequel avec ce se disoit roy de France. Et, pour ce, en
la chancellerie à Paris, on sceelloit tout on nom du dit Henrey, en l’inti
tulant roy de France et d’Angleterre. Et fîst on faire ung grant sceel
où estoient les armes de France et d’Angleterre ; et y avoit assis ung
roy en une chayère, tenant deux sceptres en ces deux mains : au coustés
dextre estoit l’escu de France tout plain, et au senestre l’escus d’Angle
terre escartallé de fleur de lis et de liépars ; et ainsy usurpoit le nom de
roy de France. Et faisoit forgier monnoie, laquelle avoit par devers
la pille les deux escus de France et d’Angleterre, et devers la croix
estoit comme ung salus. Et, pareillement, furent fait et forgiés on nom
dudit Henrey yceulx salus d’or, jà soit0 ce que le devant dit Hanrey
n’avoit que ung ans de aige, luy qui estoit de engin ébété et non assés
suffisant à l’exercite de royaulle magesté; et, jà ce que Fortune l’eust
illustré et mis à son commencement au plus hault de la roe, néantmoins
il le délessa tellement que, avant qu’il vint à la fin de ces jours, il fut
chassés et expulsés des deux royaulmes, et en misérable servitude
passa sa vieillesse, comme cy aprez sera dit.
Pareillement, en ce temps, le dit Charle, VIIe de ce nom, lequel alors
n’estoit encor que daulphin, se intituloit roy de France, et ce y faisoit
nommer par ces lettres patentes ; et, aussy, en son grand sceel estoit
escript : Charle, par la grâce de Dieu, roy de France. Et ainsy estoient
les choses par le royaulme discordante et en huttin, car l’un tenoit
pour Charles et l’autres pour Henrey. Et, pour ce que le dit Charles
avoit moins de obéyssant, les Angloys, en le mocquant, l’appelloient
le roy de Berry. Et, de celle heure, ce esleva plus fort guelre que jamais,
et y oit moult de grand diverse et mortelle rencontre, esquelles plusseurs vaillant hommes de guelre furent exterminés et desconfis, tant
de l’un des coustés comme de l’autre. Et durait celle piteuse guelre
par plusseurs jours, comme cy après oyrés.
Item, en celle dicte année, le jour de feste saincte Lucie, devant
Noël, les yawes furent tellement grandes et hors de rive que, en Mets,
on ne veoit nulle des arche qui soubtiegne le grant pont des Mors, et,
par espécialle, celle du coustés devers le pont Thiefïrois. Et croy que
de loing temps devant l’on ne les avoit veu sy grande que alors elle
estoient.
Cy en lairons le pairler et retournerons au maistres eschevin de
Mets et à plusseurs aultres besoingnes digne de mémoire.
«. E : fasoit.
JACQUES ROLLENAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1423)
179
Mil iiüc xxij. — L’an « après, mil quaitre cent et XXII, fut maistre
eschevin de la cité de Mets le seigneurs Guercier Hurei.
En laquelle année je ne trouve chose estre escriptes ne digne de
mestre en mémoire que soit advenue pour cellui ans en la cité de
Mets ne on païs d’icelle.
Le duc des Mon délivrés. — For que ce fut pour cellui tampts que le
duc des Mon fut délivrés de la prison du duc de Loherenne et fut remis
en sa libertés, parmi certaine covenance qu’il olrent ensamble.
Les François desconfis. — En celle année, messire Jehan de Bellay,
françoy, acompaigniés de deux cens combatans, fut desconflt par les
Anglois, qui n’estoient que de LX à IIIIXX. Aucy, messire Guillaume de
Sainct Liger et le sire de Gamaches desconfirent les Bourgongnons en
un lieu nommé la Blanche Taque A Item, le sire de Fontaines rencontra
et desconflt les Anglois à Neufville Larris 2,
* 1on pays du Maine, et en
occist de VI à VIIIXX.
Plussieur destresse faicte entre Anglois et François. — Puis, en ce
tampts, les contes de Salbery et de Suffort 3, anglois, et le mareschal
de Bourgongne desconfirent devent Crevant les François. Entre
lesquelles estoit le seigneur de Deruelle, escot 4, connestable d’Escoce,
qui fut prins, et le sire de Fontainez en Anjou, que y mourut, et plu
sieurs aultres, que mors que pris, jusques a nombre de deux à trois mil
François. Pareillement, Jehan de Harcourt, conte d’Aumale, messire
Ambrois de Loré 5, messire Jehan de la Haye, seigneur de Coulonces,
Pierre, bastard d’Alençon, Andry de Laval, messire Loys de Laval,
messire Loys Tromargon, et plusieurs aultres, occirent en ung lieu
nommé Broissinière 6, 7sur les marches du Maine et de Normandie,
environ XIIIR Anglois en champts de bataille, et deux à trois cent en
la chasse, tellement que, de la compaignie desdit Anglois, qui estoient
de deux mil et Ve combatans, ne demoura que environ cent Anglois
seullement. Entre lesquelz fut prins le sire de la Poulie 7, capitaine
desdit Anglois, Thoans Abourg et messire Thomas Clisseton, et plu
sieurs aultres. En celle dicte rencontre y fut fait chevalier messire
Andry de Laval, françois ; et y mourut messire Jehan le Roux, françois, avec peu d’aultres.
Mil iiiic xxiij. — Puis, en l’an après, mil quaitre cent et XXIII,
fut maistre eschevin de la cité de Mets le sire Jaicques Rollenat.
La wélure de vin pour xij sols. — Or, advint en Mets pour celle année,
а. Nous reprenons ici le manuscrit M.
1. Jean Chartier, Chronique de Charles VII, éd. Vallet de Viriville, t. I, p. 31.
2. Neufville-la-Laiz (Sarthe, Le Mans) ; ibid., t. I, p. 32.
3. Salisbury et Suiïolk. — Il s’agit de la bataille de Cravant-sur-Yonne, juillet 1423.
— Voyez Jean Chartier, ibid., t. I, p. 32.
4. Écossais.
5. Ambroise de Loré, baron d’Ivry (1396-1446).
б. Bataille de la La Gravelle ou de la Broussinière.
7. William Pôle ; Philippe a écorché les noms de Thomas Aboing et de Thomas
Clifleton. — Sur cette bataille, voyez Jean Chartier, op. obi., I, 33.
180
ÉPIDÉMIE DE PESTE (1423)
et aucy és pays joindant, que le vin fut à cy grand merchiez que, durant
le cours dé vandange, l’on avoit une wéture de vin pour XII sols de
messins. Mais, pour la grand abondance du vin, lez tonniaulx estoient
cy très chier que autant coustoit le fuste que le vin. Et fut celle année
treffort pluvyneuse et fangeuse. Parquoy les fruit furent mal meurs
et le tempts mal saincts.
Mortalité de peste. — Et, à l’ocasion de ce, acomensa une épidémie à
régner, et à ce morir de peste, tant en Mets comme en plusieurs aultre
lieu. Et se enforsoit celle peste de XV jours, ou de moix à aultres, par
interpolacion. Et y avoit plusieurs personne entaché de xantelle et
aultre fistulle. Et durait celle pestilance environ l’espaisse de trois
ans continuellement sans laichier. Item, toutefïois, en celle année, il
fist de grand gellée depuis Noé en jusques environ le gray dimenche.
Aucy, en cest année, ce continuoient tousjours lez guerre en France,
dont c’estoit pitié et domaige. Et, entre les aultre chose faicte, fut mis
le sciège par les Anglois devent la ville de Sedanne 1. Dont estoit chief
d’icelluy sciège le conte de Sallebery ; et y fut depuis Paicques en
jusques à la sainct Jehan Baptiste. Puis fut la dicte ville minée, et
l’assault donné. Auquelle moururent environ LX François ; et en y eut
LX dez pandus, et fut le résidu détenu prisonnier ; entre lesquelz
estoit messire Roger de Criquetot, chevalier, du païs de Normandie.
Paireillement, en ce tampts, le sire de Beaufort, admirai de Bretaigne,
desconfit les Anglois tenant le siège devent le Mont Sainct Michiel.
Et tout a cas pareille en fist messire Jehan de la Haye, baron de Coulonces ; car il desconfit en Grève, près du Mont Sainct Michiel, les
Anglois, desquelles moururent environ deux cens.
Marcelle prinse par le roy d’Aragon. — Puis, en celle meisme année,
le roy d’Arragon print la cité de Mercelle par force, et y boutait le feu,
depuis qu’il l’ost desrobée et pillée par trois jours. De laquelle prinse
les Arragonnès ce en tenoient cy très fier qu’il en composairent une
chanson en castellains, laquelle je, l’escripvains de cest, ais oy plu
sieurs fois chanter en Ytallie et aultre part. Et ce acommensoit aincy :
Marsaille la renonmaido,
Jamaya pieus n’aras honore.
Car tu t’as laixaido pillaido
Par l’armato d’Aragonne (des Castillains).
Plusieurs aultres grand rancontre et tueiie ce firent encor pour celle
année, lesquelles je laisse pour abrégier.
Le seigneur de Comercei se rend au duc de Lorenne. — Item, aucy en
celle meisme année, le duc Charles de Loherenne constraindit tellement
le damoiseaulx de Commersy, nommés Robert, lequel alors luy estoit
rebelle, qu’il le fist venir à mercy et à soy humillier. Car à l’ayde du
dit duc Charles estoit venus le sire du Chasteaulx Villain avec VIIIe
compaignon d’armes bien armés et en point.
1. Jean Ckaïtibs, op. cit., t. I, p. 38. — Gaguin, Les Grandes Oroniques, Pari»,
pour GeJliot du Pi>6, 1514-, f° CLV V», itaprinje 9eêan:e en Bnje.
NICOLE DE RAIGECOURT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1424)
181
Mais de ces chose je ne dirés plus quant à présant, et retournerés a
maistre eschevin de Mets, et à plusieurs aultre besonne.
Mil iiijc et xxiiij. — Item, en l’an après, et que le milliair courroit
par mil quaitre cent et XXIIII, fut alors maistre eschevin de la cité
de Metz le seigneur Nicolle de Ragecourt.
Le conte de Glay aux secours du roy. — Et, en celle meisme année,
le conte de Glatz i, escoçoys, vint en France, atout quaitre ou cinq mil
combatans, pour donner secours a roy ; et, pour ce, luy fut donnée la
duché de Tourraine.
Et, en cest année, fut né le daulphin Loys, lequelle depuis ait estés
roy de France.
Item, aucy en ce tampts, le duc de Bethfort, régent de France pour
la partie des Anglois, print la ville et chasteau d’Yvry en Normandie.
Et, par oposite, le duc d’Alenson, les contes du Glatz, d’Aumale, de
Bouquan, connestable de France, et le viconte de Nerbonne, prindrent
la ville et chasteau de Vernuel, au Perche, qui alors apartenoit a duc
d’Alençon. Laquelle il ne tindrent pas longuement ; car, tantost après,
fut la bataille dudit Vernuel 2 3au Perche, où mourrurent des Françoys
environ trois ou quaitre mil. C’est assavoir lez contes du Glatz, et
James, son filz, le conte de Bouquan, connestable de France, le conte
d’Aulmale, le viconte de Narbonne, le conte de Vanchadour 3, le sire
de Graville, le sire de Beaussault, messire Charles le Bon 4, 5messire
Anthoine de Caourses 5, seigneur de Malicorne, et messire Guillaume de
la Palu. Les prisonniers furent le duc et le bastard d’Alençon, le sire
de la Fayette, mareschal de France, et plusieurs autres. Et fut celle
dicte journée aincy perdue par l’avarice des Lombars qui estoient
avec les François, lesquelles Lombars se mirent à pillier avant qu’il en
fust tampts. En l’armée des Anglois estoient les principalx le duc de
Betfort, les conte de Salbery et de Sussoc 6.
Et, en ce tampts, ledit conte de Salbery print la cité du Mans et
plusieurs autre ville et chasteaulx. Item, en ce tampts, lesdit Anglois
répairèrent et réédifiairent une ville sceant és marches de Normandie,
appellée Sainct James le Bevron ". Devont laquelle Artus de Richemont,
que nouvellement estoit fait connestauble de France, mist le sciège
atout grant armée. Lequel fut finablement levé à la honte de luy et de
tous les François, desquelles furent tués de quaitre à cinq cens.
Aucy, en ce tampts, Phelippe, duc de Bourgongne, occist en Hénault
1. Duglas dans Jean Chartier, op. cit., t. I, p. 40. Il s’agit du comte Archibald de
Doug as, qui mourut à Verneuil le 17 août 1424.
2. Verneuil, 17 août 1424. — Voyez Jean Chartier, op. cit., t. I, p. 43.
3. Le comte de Ventadour.
4. Charles Lebrun.
5. Chourses.
6. Sufïort dans Jean Chartier, op. cit., t. I, p. 42.
7 Saint Jame de Beuvron, id., ibid., t. I, p. 49. Saint James (Manche, Avranches).
182
LA DIGUE DE WADRINAU ROMPUE ET REFAITE (1424 a. St.)
environ mil et V cens Anglois, lesquelle de nouveau estoient descendus ;
et d iceulx estoit capitenne le sire de Sauvatre *1.
Esclipse. — En celle année “, on moix de jung, fut éclipse le jeudi
devent la sainct Jehan, environ quaitre heure après midi.
Les blan raisins engellés. — Item, en celle meisme année, devers la
fin du moix de septembre, furent a païs de Mets les blans raisins engellés
au sappe 2 ; parquoy les vins blanc furent pour celle année grevains 3
et amer. Puis, on moix d’octobre en ensuiant, comença la pluye de
telle fasson que elle continua jusques au moix de mars.
En celle meisme année, le duc de Closettre, anglois, print Hénaulx,
à cause de sa femme, laquelle avoit encor le duc de Brabant pour mary.
Maix en briefz il en perdit la possession et c’en retourna en Angleterre.
Et alors fut prinse la contesse, et la thint le duc de Bourgongne à
tousjours prisonnières, pour tant que elle ne retournait errier a duc
de Closettre.
La duchesse de Bar fait son entrée au Pont. — Item, en la dite année,
le Ve jour du moix de febvrier, ma damme la duchesse de Bar, fille du
duc Charles de Loherenne, fist sa premier venue et antrée au Pont à
Mousson. Auquelle lieu y oit moult de vaillant chevalier et escuier et
aultre vaillans gens, citoiens et bourgeois, qui joustairent et firent
grant feste.
Et, en ce meisme jour, y oit ung homme estrangier, lequelle, avec une
grande beste, antrait en Mets. Et estoit celle beste ung chamoix, qui
avoit deux grosse bousse sur le dos ; et, qui la voulloit veoir, il paioit
ung denier.
Waldrinowe rumpue et refais. — En ce meisme tampts, avint ung
grand déluge et une villaine enfondure en Mets. Car la venne de Wauldrenowe fut tellement rompue que, depuis l’encommencement de mars
en jusques a jour sainct Cristofïle, les yawe estoient tellement petitte
en la cité que on alloit à piedz sèche depuis la dicte Wauldrenowe en
jusques a pont Sainct George, et plus. Et n’estoit mye en la puissance
des héritiers qui tenoient lez mollin de Mets de la retenir. Car alors,
par deffaulte d’yawe, il n’y avoit mollin mollans.
Les seigneur a[chètent\ les molli[ns] ...eulx pour [/a] cité. — Parquoy,
quant les seigneurs et gouverneurs de la ville virent celle chose, ilz
appliquairent dès lors lesdit mollins au profïît et utillité de la cité, comme
à présant il sont. Et, pour refïaire la dicte Wauldrenove, furent commendez les bonne gens du païs pour y aller à crouuée. Et firent tant
par leur journée, avec les masson, qu’elle fut cy bien refïaitte et rete
nue, comme je croy, que jamaix, ou du moins de loing tampts, n’y en
vanrait deffault.
a. Par suite d’une erreur de reliure, il faut, après le f° 416 p°, se reporter dans le ms. M
au f° 74 r°.
1. Feuvatre dans Chartier, id., ibid., p. 50 ; Fitzvater.
2. Cep.
3. Grevain, de mauvaise qualité.
GUILLAUME CHAVERSON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1425)
183
Mil iiijc et xxv. — En l’an après, courrant le milliair par mil quaitre
cens et XXV, fut maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Willaume Chaverson.
Et, en celle année, les seigneur de Rays et de Beaumanoir prindrent
le chasteau de Malicorne 1 sur les Anglois. Et pandirent tous lez gens
d’armes qu’il trouvairent dedans de la nacion de France.
Le seigneur de Gyac noyés. — En ce tampts, Artus de Richemont,
connestable de France, fist prandre de nuit le seigneur de Gyac, grand
conseiller du roy de France, estant couchié avec sa femme. Et puis,
après son procès fait, le fist getter en la rivier, sans le sceu du roy.
Et disoit on que, au gouvernement du royaulme, il avoit plus le regairt
à son proufîit particulier que au bien publicquez.
Item, en après, il fut en bruit que Camus de Beaulieu, lequelle
en l’année ensuiant fut tué à Poictiers, le fut par les gens dudit
connestable.
Et, en celle meisme année, le dit connestable, acompaignié des
seigneur de Graville, de Gaucourt et de La Hire, levèrent le siège que
les contes de Warvich et de Sufïort, anglois, tenoient devant Montargis.
Rymalcourt prinse par ceulx de Lorainne. — Pareillement, en celle
meisme année, Charles, duc de Loherenne, et Regnier, son genre,
prinrent le chasteaulx de Rymalcourt et l’abbatirent.
Et, en celle mesme année, le devent dit Regnier de Bar prinrent la
Fertey 2 et destruirent les murs pour les Françoys.
Aucy, en celle dicte année, fut prins le chasteaulx de Mymels, par
les Anglois, et puis après reprins par les Françoys. Et par dix fois fut
prins et reprins, tant desdit Anglois comme des Françoys.
La vie sainct Victor juée en Mets par parsonnaige. — Item, en la dicte
année, le premier jour du moix d’awost, fut juez en Mets le jeu et le
martire du glorieulx sainct Victor en la plaisse de Change. Et fut le
personnaige de sainct Victor ung jantilz juste, nommés maistre Cherbin, lequelle alors estoit maistre et régentoit l’escolle de Sainct Vyt.
Et durait cellui jeu trois jours.
Ung trahistre décapité. — Et, a VIe jours d’octouhre ensuiant, fut
faictes justice criminelle à Mets. Et fut excécutés Pierson Frouuay
l’escripvain. Et, premier, il fut mis au pilloris, et puis traynés au
Champts ; et, ce fait, on luy tranchait la teste ; et puis fut mis dessoubz
le gibet de Mets, sus une rue ; pour tant qu’il avoit voullus trayr le
chastel de Mouson.
Grand lonoirre oullre saison. — Item, en celle année, il fist cy grand
tonnoire on moix de janvier, et pairellement on moix de febvrier, et à
chacun de tous les aultrez moix, jusques a moix de septembre, que ce
fut merveille ; ne de loing tampts l’on n’avoit veu faire le tampts
pareille.
1. Jean Chartier, op. cit., t. 1, p. 53.
2. La Ferté Bernard, Sarthe, Mamers ; voyez Jean Chartier, op. cit., t. I, p. 4b-47.
184
PIERRE DIEUDONNÉ, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1427)
Mil uijc et xxvj. — Or, en l’an après, et que le milliair courroit par
mil quaitre cent et XXVI, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets
le seigneur Nicolle le Gournaix le vielz, lequelle, en son jonne eaige
on appelloit Collignon Wogenel.
xvj mil parsonne mort de peste. — Et, en celle année, fut une grande
et merveilleuse mortallités en Mets et és pays joindant. Car, de la peste,
1 on mouroit cy très fort que, de compte fait, il en mourut en Mets
XVI mil, que grand que petit.
Les vignes engellée. — Et, avec ce, avint en la dite année que les
vigne furent engellée devent le mey avril. Parquoy n’y oit point de vin
pour celle année que à compter fut.
)
^uc d Alençon délivrés. — Item, en la dicte année, Jehan, duc
d Alançon, qui avoit estés prins des Anglois à la journée de Vernueil,
fut délivré de prison, en paiant deux cens mil escus de ransons.
En ce tempts, les seigneurs de Rays et de Beaumanoir prindrent le
Lude sur Loire *, dont estoit capitaine ung Anglois appellé Blanquebourne, qui y fut tué.
On dit ans, messire Ambrois de Loré desconfit une compaignie d’Anglois, nombrés de mil à deux cens, desquelle furent occis de VII à
VHIXX, en ung villaige nommé Ambrières, à demi lieue de Saincte
Susanne ; et y fust leur capitaine prisonnier. Et, alors, messire Jehan
Fastol 12, 3anglois,
45
mist le siège devant ung chasteau nommé Sainct
Omen 4 ; et puis fut mis devent ung aultre appellé la Gruelle 3. Les
quelz successivement il print par composicion. Aussy dient aulcunes
cfonicque que la ville du Mans fust prinse par les François, et puis
reconquestée par le sire de Talebot.
Et plusieurs aultre chose furent encor faictes en celluy tampts,
desquelles je ne dirés plus quant à présant. Ains retournerés a maistre
eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoingne.
Mil iiiic et xxvij. — Après, et on tampts que le milliair courroit par
mil quaitre cens et XXVII, fut maistre eschevin de la cité de Mets le
seigneurs Pier Deudeney.
La guerre se fortifie de plus en plus entre Bourguignon et François. —
Et, en celle année, le conestable Richemont fist emparer 5 la ville de
Pontorçon en Normandie. Laquelle, tantost après, fut assiégée et
prinse par les Anglois, c’est assavoir par le conte de Warvich et le sire
de Tallebot. Et en estoit capitaine Bertra[n]d de Dinan, frère du sire
de Chasteau Briant. Durant le dit sciège, le sire de Scales, anglois,
atout grosse armée, rencontra les François entre le Mont Sainct Michiel
et Avrenche. Lesquelz il desconfit ; et y furent mors messire Jehan de
1. Le Lude-sur-Loir (Sarthe, La Flèche). — Le capitaine anglais est appelé Blacqueèourne par Chartier, op. cil., t. I, p. 57.
I. Sir John Falstat.
3. Saint-Ouen (Chartier, op. cit., t. I, p. 56).
4. La Gravelle.
5.
Fortifier, munir de remparts.
INONDATIONS DANS LE PAYS DE METZ (1427)
185
la Haye, baron de Coutances *, le sire de la Hunaudoie, le sire de Chastel
Giron, et plusieurs aultres. En ce meisme ans, Henry, duc d’Esleswich,
tenant le siège devant le chasteaulx de Vlensborgh, mourut miséra
blement.
Item, aucy on dit ans, furent fais maulx innumérable és cité mari
times des Esclavons.
Mutation a de vij ou viij païsans. — Aucy, en celle dicte année, le
jour de la sainct Jaicques et sainct Phelippe, premier jour de may,
auquel jours est la dédicasse de l’église paroichialle de Sainct Julien
és bours de Mets, et aquelle jours ce trouve plusieurs parsonne pour la
sollanités de la feste que illec ce fait, cy advint que au dit lieu, emmey
la voye, ce trouvairent VII homme de la ville de Servigny, lesquelles
heurent grand question avec ung aultre, tout a plus près de la feste.
Et, aincy comme villainement il le mollestoient et menoient mal, par
adventure auprès de là sourvindrent à passer aulcuns dez seigneur de
la cité. Lesquelle, voiant le tort que l’on faisoit à celluy pouvre gallans,
qui estoit seulle, les voulurent despartir. Parquoy grand huttin ce
esmeut ; et ne voulrent laissier leur entreprinse pour chose que lesdit
seigneur en seussent faire. Ains, de fait, ce prinrent au serviteur desdit
seigneur, et en baitirent aulcuns. Parquoy la mains fut mise à eulx ;
et en y oit quaitre des prins et mis en l’ostel de la ville. Puis, leur sen
tence donnée, furent menés au pont des Mors, chacun ung sac sur leur
col. Et eussent estez noiés, ce ne fut estés à la prière de seigneur Willaume Chaverson et de seigneur Nicolle de Heu. Toutefïois, au mieulx
venir, il en olrent chacun les deux oireille coppée.
Item, en celle dicte année, olrent les Baihainon 2* 1grant victoire de
leur voisin, qui estoient leur annemi.
Muzelle hors de ryve. — Aucy avint, en celle meisme année, que en
Mets et ez pays joindant les yawe des rivières furent cy grand et hors
de rive que la rivier de Meselle ce estandoit en jusques à trois ormes
qui alors estoient après et en allant à Sainct Mertin devent Mets. Et
tellement estoit grande que on ne veoit point le pon Quinquaralle,
ad cause qu’il estoit tous couvers d’icelle yawe. Et fut ce environ la
sainct Jehan Baptiste et a plus grand jour d’estés. Et avint aincy
ycelle yawe soudainement pour ce que en ce tampts il pleut par l’espasse
de XXXII heure sans cesser. Et, au chief de VIII jour après, furent
encor aucy grandes comme aparavent elle avoient estés. Et, pareille
ment, ledit ans, devers la sainct Remy, retournairent errier grande
comme devent.
Le paiis de Chippre perdus. — Item, en celle année, le roy de Chippre,
appellés Janus 3, fut abbatus par les Sarrazins du souldan et prins,
et son pais destruit.
a. Il faut sans doute lire mutilation.
1. Coulomces d’après Jean Chartier, op. cit., t. I, p. 60.
2. Allusion aux exploits des Hussites.
3. Janus ou Jean de Lusignan lut fait prisonnier pax les Égyptiens en 1426.
186
JEAN PAPEREL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1428)
Et plusieurs aultres chose furent encor faictes pour celluy tampts,
desquelie je me passe d’en plus dire.
Mil iiijc et xxviij. - L’an mil quaitre cent et XXVIII, fut maistre
eschevin de la cité de Mets le sire Jehan Paperel.
Festin fait par les josne seigneur de Mets. — Et, en celle année,
la 0 vigille de la Panthecouste, qui alors estoit le VIIIe jour du moix de
jung, ce fist une triumphe en la dicte ville et cité de Mets. Car, à ce jour,
Abertin Boullay, Collignon, fîlz du seigneur Jacques Dex, chevalier.
Perrin, filz seigneur Pier Deudeny, et Warry d’Ardenne, qui estoient
accollittre de la Grant Église d’icelle cité, furent ycelluy jour très
noblement parés et vestus de rouge. Et chevaulchoient parmy la ville,
pourtans espérons dorez ; et firent porter une coronne de cire pesant
IIIIxxet IX livrez, moult très bien ouvrée, et ycelle coronne donnèrent
à la Grant Église. Et estoit la dite corrogne ymaigieez et à fleur moult
richement. Et estoient yceulx seigneur devent dit acompaigniez de
leur parans et amis en grant triumphe ; et tellement qu’il les faisoit
moult biaulx veoir.
Item, en celle meisme année, furent les rivier de Muselle et de Saille
ausy grande comme elle avoie esté l’année passée.
Chierlé de bledz.
Et, pareillement, en celle année, fut grant chierté
de blefz en Bourgongne. Parquoy, en l’an après, l’on c’y moroit t.refïort ;
et régnoit horiblement l’épidimie en la dicte Bourgongne.
Aucy, en celle meisme année, régnoit et fist grand froidure, et fut le
tampts fort pluvineulx t> depuis l’acomencement jusques en awoust.
Maix tout ledit moix d’awoust fut très chault et sec, tellement qu’en la
fin encomensairent les raisins à mûrir. Et ce avancirent tellement que,
dedans trois sepmainnes, il furent bien mûres. Et furent les vins bons.
Maix il en y oit bien peu, pour ce que, à la Pasques devant, les vignes
avoient estés engellées.
Puis, en celle dicte année, le roy Charles leva le siège de devant
Montagny. Et ce y oit plusieurs Anglois tuez, et les aultres s’en fuyairent.
Une homme [noyé]; une femme [noyée], — Item, avint aussy en celle
année, le XVIe jour du moix de juillet, que ung homme, appellé Simonnin Lenoir, et sa femme, estoient banis de Mets pour c aulcun certain
tempts. Et, depuis, furent prins et amenés en Mets, pour tant qu’il
avoient vendus au woués de Hannapier quatre homme pauxeur *1 de
Mets. Et, le samedi après, furent menés au pont des Mors et noiez. Et
vouloit tousjours la dictes femmes défigurer son mary.
Or, avint encor que, en l’an dessus dit, le premier jour du mois d’aoust,
1 aînée fille du duc Charles de Loherenne oit de Regnier, duc de Bar,
a. M : la manque.
b. E : pluvyeulx.
c. M : par.
1. Pêcheurs.
COMMENCEMENT DE LA GUERRE DE (( LA HOTTÉE DE POMMES » (1428) 18*7
son mary, ung beaulx fîlz, qui fut baptisés en la ville de Nancy, le
mairdi après ensuyant, qui estoit le Ve jour dudit moix. Et fut nommé
seigneur Jehan, dont seigneurs Conrard Baière de Bopart, évesquez de
Mets, et l’évesque de Strabourg, ses deux frère, furent parains ; mais
des comère, je n’en sçay les nons. Et fist on grand feste à Nancy et à
tout le païs de Lourainne et de Bar, car celluy duc Regnier, duc de
Bar, estoit ung des plus noble de toutte la chrestienté. Il fut filz du
roy Loys, roy de Jhérusalam et de Scecille et de Naple, et des plus
grant de la noble fleur de lis ®.
[Une] guerre [aco]menceé entre [ce]ulx de Lorainne [et ceulx] de Mets
à peu [d’occasion. — Paireillement, avint en celle dicte année une
acomencement de guerre. Car, on moix de septembre, le sire Nicolle
Chaillo, alors abbé de Sainct Martin devent Mets, fist cuyllir environ
une hottée de pomme en ung gerdin qu’il avoit en ycelle ville de Sainct
Mertin devent Mets, qui alors estoit ung très biaulx villaige (dont
moult de maulx en sont venus, comme vous orrés cy après). Et ycelle
pomme fist ledit abbé appourter en sa maison. Et, quant les monne le
solrent, il c’en allairent en Loherenne plaindre a duc Charles. Lequelle
duc en fist requeste par plusieurs fois à la cité, et cuydoit tenir les
seigneur d’icelle à tel qu’ilz en feroient à luy la recreance. Mais lesdit
seigneur de Mets, considérant que, c’il faisoient celle chose, elle seroit
à tousjour maix grevauble aux franchises de la dicte cité et des habitans d’icelle, sy en firent responce soufïïsantes. Et, quant le duc devent
dit ouyt celle responce, et qu’il vit bien que les seigneur de Mets n en
tenoient conte, et qu’il n’en feroient nulle recreance, il fist gaigier sut
yceulx seigneur en la ville de Corney, et fist prandre par son prévost
de Preney touttes les bestes et les hommes qu’il polrent trouver en la
dicte ville de Corney. Et, depuis, pour lettres que ceulx de Mets en
sceussent rescripre, il n’en voult faire recreance. Dont lesdit seigneur,
très mal contant, prepousairent de c’en vangier. Et, de fait, saillirent
les soudoieur au champts sur ledit duc de Lorraine en la ville de Velcain et amenairent plusieurs beste, c’est assavoir vaches, chevaulx,
brebis et aultre bestiaulx.
Parquoy, quant ledit duc de Loherenne vit que, pour ces waigiers,
il ne pourroit jouyr de son intencion, il ce pansait qu il feroit une aultre
chose parquoy il poulroit plus grever lesdit seigneurs de Metz. Sy fist
par une couverture ^ defiier lesdit de Mets, sans cause et cen raison,
par ung appellé Dedier de Chaufour. Et, avec ce, souffrit que tous ces
chevalier, escuiers et jantilz homme deffiaissent la cité à la cause dudit
Dedier. Et les soubstint en ces bonnes ville et forteresse contre la dicte
cité et les habitans. Et firent iceulx plusieurs malz et grand domaiges
sur nosdit seigneur de Mets. Et cuydoit bien ledit duc joyr de son inten
cion. Mais tout ce ne luy vallust rien, car, à qui Dieu veult aydier, nul
ne le peult nuyre.
a. M : dellia ; E : delis.
1. Belrain, Meuse, Commercy, Pierrsfitte.
2. Couverture a ici la valeur de moyen détourné.
188
LA MUTTE FONDUE
(24 NOVEMBRE 1428)
Parquoy avmt que, quant lesdit seigneurs de Mets virent et olrent
bien considérés ycelle chose, il sceurent aulcuns qui avoient grand
désir de courre on pais du duc devent dit, pour certaine oppression de
fait que ledit duc de Loherenne leur avoit fait et souffrir i de faire, par
luy et par ces gens. Sy entreprindre yceulx personnaige la guerre
encontre ledit duc.
C’est assavoir, pour le premier, ce fut ung gentil escuier, appellé
Arest, auquel ceulx de Mets accompaignont la moitié de la forteresse de
Verry. Celluy Arest avoit en sa compagnie plusieurs gens d’armes,
lesqueulx firent plusieurs grief et dommaiges sur le dit duc de Lohe
renne. Et, espéciallement, il destruirent tellement la ville et l’abahiees
dudit Sainct Mertin qu’il n’y laissairent maison droictes ny enthier,
néantmoins que alors c estoit le plus biaulx villaige du païs et le mieulx
édifïiés. Et y avoit bien VIXX conduit12, ou environ, lesquelx furent tous
destruit, comme dit est, excepté l’église de l’abbaïe et celle de la paroche, ausquelles deux église firent assés poc de meffait. Et, combien
que, entre les maison devent dictez, partie d’icelles estoient a seigneur
et bourjois de la cité, néantmoins tout fut mis à ruyne, affin que jamaix ne c y fit aulcuns fort. Car, alors, plusieur mal estoient en ce
lieu fait et perpétrés, a 1 ocasion de ce que tous malfacteur et malvueullant de la cité ce retiroient là. Et, de fait, tous estatus, ordonnance
et édit de la cité estoient illec enfrains et rompus.
Aucy, en celle dicte année meisme, fit grant froict, et fut le tampts
pluvyeulx depuis l’ancomencement jusques en awoust, comme cy
devent est dit.
Pareillement, en celle meisme année, la vigille de la saincte Kathe
rine, fut faictes et fondue la grosse cloche de la cité appellée Meutte.
Et en furent les ouvriez maistre Jehan de Galle et maistre Jehan de
Lucembourg. Et y oit au souffler XXVI soufflés, et sus chacun d’yceulx
soufflés deux hommes, et soufflairent VI heure sans cesser. Et y avoit
en la fornaise XIX millier de matte et XVIIc d’estain de Cornouelle.
Et fut trouvé que la dicte cloche pesoit après la descheance XVI mil
liers et VIII cent.
[épilogue]
Mais de ces choses ne dirés plus quant à présant, et feray fin à cestuy
second livre des cronicque de France.de Mets et de Loherenne. Car, au
thier, quairt et dernier livre ycy après escript, je parlerais plus ample
ment des chose advenue en ycelle noble cité et és païs joindant que je
n’ay fait és deux livre précédant. Et, au premier du thier livre, vous
1. Prononcez touffri : c’est le participe passé touffert.
2. Conduit a ici la valeur de minage, feu.
ÉPILOGUE DU SECOND LIVRE
189
serait desclairés toutte la dite guerre et les maulx qui avindrent pour la
devent dicte hottée de pomme. Puis vanrés à dire de lapucelle Jehenne,
native d’ung villaige auprès de Waulcoleur en Loherenne, et cornent,
par la voulluntez et miraicle de Dieu, elle remist le devent dit roy
Charles VII en son royaulme. Après, oyrés de la guerre du duc de Bar
et du conte de Wauldelmont l’ung contre l’aultre. Puis de la guerre du
damoisiaulx Robert de Commercy, de la guerre de Fléville, de la guerre
des Lohorains et des François devent Mets, c’on dit la guerre des
Rois. Et, paireillement, de la guerre dez chanoigne de la Grand Église
d’ycelle cité, et de plusieurs aultre guerre et chose digne de mémoire,
jusques à l’entreprinse du duc Nicollas de Loherenne, et comont,
subtillement et par amblée, il cuidait prandre la devent dicte cité de
Mets. Et serait cest histoire l’acomancement du quatriesme livre.
Cy prie à tous les liseur et auditeur qu’il vueullent pranre l’euvre
en grés, et que, des faulte qu’il y trouvanront, me vueullent pardonner,
et avec ce les corrigier et amander a.
a. Au bas du dernier jeuillet se trouve la mention suivante : [Ces] cronicques ont estés
retirés des mains de Monsieur [de] Marescot par le soussigné amant citain de Metz.
A Parri, ce 12e mars 1624. De Vigneulles. — Les mots amant citain de Metz ont été
barbouillés à dessein à une époque plus récente.
LIVRE III
[prologue]
Signeurs et dames, qui prends plaisir à lire et désirés sçavoir, congnoistre et entendre les fais des anciennes hystoires et cronicques,
vous avés par cy devent oy 1, és deux livre précédant, c’est assavoir
en la premier et seconde partie de ce présant livre, auquel il ait estés
dit, contenus et pairlés des cronicques de France, de Mets et de Loherenne ; et, avec ce, avés oy et entandus plusieurs merveilles et chose
digne de mémoire, estrange et admirative à raconter, tant de la pre
mier fondacion d’icelle noble cité, qui fut faictes, construictes et fondée,
ce lion aulcuns, devent et ainçois que jamaix la grand Troye, Tryvez
ne Romme fussent acomencée, comme de ce que depuis petit à petit
elle ait estés acrue, enrechie grandement, fortifiée et agrandie ; et,
avec ce, de noble gens régentée et habitée. Puis avés oy cornent d’entre
lesquelles sortirent plusieurs de celle noblesse, saiichant leurs adventure ; et ont yceulx fondés plusieurs aultres ville, cités et chasteaulx
pour eulx tenir et demourer. Aucy, vous ait estés dit et contés de la
fondacion et premier acomencement de plusieurs aultre ciré, comme de
Ninive, Athenne et de la devent dicte Troye ; puis de la cité de Thèbes,
Gimcambre, Cartaige, Rome et Lutesse, laquelle depuis fut Paris
appellée. Après, je vous ais heu dit et contés de la fondacion de Tryves
en Allemaigne, Toul et Verdun ; lesquelles trois cité, comme raconte
plusieurs acteur, furent faictes et édifiées de noble gens sortissent de
la devent dicte cité de Dividunum, que maintenant est dicte Mets.
Parquoy elle perdit son premier non ; et fut, pour son second
non, Mediomalricum appellée, qui vault autant à dire que merre des
irois cité. Et, avec ce, d’icelle noblesse furent encor faictes et fondée
Thionville, Monson et plusieurs aultrez. Pareillement, vous ait heu
pairlés de la fondacion de Tungre, de Heu, de Collongne, de Venise,
et de plusieurs aultres besoingne digne de raconter. Et, après ce, vous
1. La phrase est mal laite ; oy n’a pas de complétant.
192
PROLOGUE DU TROISIÈME LIVRE
avés oy cornent, par l’envie des Romains, la noble cité Mediomatricum,
laquelle en ce tampts florissoit sur touttes aultres cité dessa les mons!
et estoit plaine et enrechie de tous biens, fut destruiste et arruinée!
Et puis, par le noble Messius le Romains, lequelle, voiant sa noble
scituacion, et ayent pitié d’elle, fust refïaictes et restaurée, et en l’hon
neur de lu y fut alors Mets appellée. Et puis vous avés oy cornent,
loing tampts après et depuis 1 incarnacion Nostre Seigneur, au tampts
et régnant le glorieulx amis de Dieu sainct Aultre, évesque d’icelle cité
elle ait de rechief par les infindellos Vandrcs et Hongres estés destruicte et arrier mise en feu, en sandre et toutte brullée. Et, après ces
chose, sus venus à vous dire cornent elle fut refaicte et de nouviaulx
reidiffiées ; et cornent, loing tampts après, furent fondée plusieurs
noble église en ycelle dicte cité. Et, avec ce, avés oy cornent elle ont
estés faictes, et par qui elle ont estés douuées, enrechie et aranthée.
Aucy avés oy cornent, en ce lieu de Mets, estoit et ce tenoit sciège
royal ; et régentoit celle cité sur toutte la contrée.
Après, a second livre, qui ce acomence au tampts de l’évesque
Bertrand, quant a cas de justice temporelle, je vous ais illoc monstrés
cornent, en celluy tampts, l’on husoit en Mets de diverse loys et coustume. Parquoy, alors, fut premier par le devent dit évesque institués,
ordonnés et créés le premier maistre eschevin que jamaix fut en ycelle
noble cité, avec aucy les proudon et les trèses jurés de la justice d’icelle ;
qui est une justice, une coustume et husaige fondée cellon Dieu, droit
et raison. Parquoy le devent dit évesque la agréait ; et, avec ce, fîst
tant que ycelle noble office fut passée, agréés et conformée tant de nostre
sainct perre le pappe comme de l’amporeur de Romme et d’Allemaigne , et de leur signet les devent dictes confirmacion, avec celle du
devent dit évesque, furent scelécs. Puis, en ctllui second livre, vous ait
estés dit et racontés de plusieurs diverse merveilles et chose estranges
digne de mémoire estre advenue tant en France, en Angleterre et en
Loherenne comme en ycelle noble cité de Mets ; c’est assavoir en guerre,
en dissancion et en plusieurs aultre advenue et trayson, en jusques
a tamps de la devent dicte guerre esmeute en Mets à pou d’ocasion :
c’est assavoir de la guerre du villaige de Sainct Mertin, estant alors
scitué devent les pourte d’icelle cité, et de sa généralle destruiction.
Et, pareillement, en jusques a tampts de la pucelle Jehanne, native de
Loherenne, après de Waulcolleurs. Laquelle guerre de Sainct Mertin,
avec les fais merveilleux et admirative d’icelle pucelle, sont et seront
l’acomencement d’icellui thier livre. Lequelle je, Philippe de Vignuelle,
le merchampts et citains de la devent dicte cité de Mets, ait heu fais!
composés et recueillis de diverse livre, traictiés et voullume ; et les ais
heu joing et concordé ensamble, au mieulx que j’ay sceu ne peu, celions
que és deux livre précédant est contenus.
Rest que maintenant, en passant tousjours oultre et en acquitant ma
promesse, je vous veult monstrer, dire et desclairer, à l’acomencement
d’ycelluy thier livre, tout le demoinement et la fin d’icelle guerre
indehuenaeBi et sans cause acoraenoés. Puis, après, oyrée les fais
JEAN PAPEREL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1428)
193
vertueulx d icelle pucelle Jehenne, de laquelle ycy dessus vous ais
parlés. Thiercement, serait parlés d’une aultre guerre faictes et esmeute,
à pouc d’ocasion, entre le duc de Bar et le conte de Wauldémont!
Concéquamment, je vous vanrés à desclairer de la guerre du damoisiaulx Robert de Commercy, de la guerre de Fléville, de la guerre des
Loherains et des François devent Mets, c’on dit la guerre des Roys,
et, pareillement, de la guerre des chanoigne ue la Grand Église d’icelle
cité, et de plusieurs aultre guerre et chose digne de mémoire. Et dure
rait cestuy thier livre jusques à l’entreprinse du duc Nicollas de Loherenne en 1 ancontre d icelle noble cité ; laquelle antreprinse serait
1 acomencement du quairt livre de ces présante cronicque. Cy prie
à tous ceulx et celles qui les liront ou oyront lire qu’il vueullent pranre
l’euvre en greys, et, des faulte qu’il y trouvanront, me vueullent pardonnés, et, avec ce, les corrigier et amander.
[la GUERRE (( DE LA HOTTÉE DE POMMES » : 1428-1429]
Vous avés par cy devant oy, és deux livres précédant, plusieurs
merveilles et diverses adventurcs estre advenues tant on royaume de
France comme en la noble cité de Mets et és paiis joindans. Et, meismement, à la fin du second livre ycy devent escript, auquelles je vous
ay heu monstrés 1 acomancement d’ugne pestillancieuse guerre a pouc
d’ocasion esmeute encontre ycelle noble cité de Mets.
Maistre eschevins. -C’est assavoir que, en l’an devent dit mil quaitre
cent et XXVIII, estant alors maistre eschevin d’icelle cité le signeurs
Jehan Paperel, avint, en ycelluy ans, que le sire Nicolle Chaillo, alors
abbé de Sainct Mertin scitueez devent les portes d’icelle, cuyellait
ou fist cueillir environ une hottée de pomme en ung gerdin qu’il avoit
on villaige dudit Sainct Mertin, apartenant à luy ad cause de son
abbayes. Puis, avés oy comme les moine d’icelle c’en allairent en Loherenne devers le duc Chairle ce complaindre dudit abbé. Lequel duc par
plusieurs fois en rescript à la cité et en fist requeste, cuidant tenir les
seigneur et la justice d’icelle à tel qu’il en feissent la recreance. Parquoy,
voiant que de ce estoient refïusant, il fist gaigier par son prévost de
Pergney en la ville de Corney. Après, il vous ait estés dit cornent, après
ce que la cité en eust rescript, et que l’on vit la voulluntés dudit duc,
il fut conclus de paireillement gaigier et courir sus son pais, comme il
fut fait.
Guerre entre ceulx de Mets et de Lhorenne. — De rechief, je vous ait
dit et contés cornent, quant le duc vit cest affaire, il fist défier la cité
et tous les habitans, à tort et sans cause, par ung nommés Dedier de
Ghauffour. Et, de fait, avés oy cornent il souffrit que tous ces chevalier,
escuier et jantilz homme defiiaissent à la requeste dudit Dediet ; et|
encor plus, le soubtint en ces chaisteaulx et bonne ville, comme cy
194
JACQUES LE HONGRE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1429)
devent à la fin du cecond livre plus amplement ait estés dit. Puis, avés
oy cornent lesdit de Mets, voiant son intencion, trouvaient ung jantilz
homme, nommés Arest, lequelle désiroit fort à grever ledit duc, pour
aulcune extorcion qu’il disoit lui avoir estés faictes par ledit duc Charles
et ces gens. Parquoy les seigneurs et gouverneurs de la cité le acompaignairent de la moitiet de la forteresse de Verry. Et avoit celluy Arest
plusieurs homme d’arme et gens de guerre avec luy, lesquelles firent
plusieurs gros et grief domaige on pais de Loherenne.
Le vilaige de Sainct Martin deslruid. - Et, espéciallement, il destruirent tellement ycelle ville de Sainct Mertin qu’il n’y laissaient
maison droite ny anthier, comme cy après serait dit et desclairés.
Et sont desjay touttes ces chose mise et plus a loing escriptes à la fin
du cecond livre desdicte cronicquez.
Parquoy je veult maintenant rantrer en mastier ; et vous veult
desclairés qui fut maistre esche vin de Mets en l’an après, et les mal et
grand domaiges qui avindrent en celle année pour lesdicte pomme,
tant on pais de Mets comme en Loherenne, en la forme et manier que
cy après vous serait dit.
Maistre eschevins : mil iiiic xxix. — Or, quant ce vint en 1 an après,
et que le millair courroit par mil quaitre cent et XXIX, fut alors maistre
eschevin de la devent dicte cité de Mets le seigneurs Jaicques le Hungres.
Et, en celle année, le devent dit duc Charles de Loherenne, lequel
demouroit tousjour en son oppinion et malvaise voulluntés, quant il
vit que par les manier devent dictes ne pouoit joyr de ce qu’il avoit
entreprins, il advisait aultre manier de faire. C’est assavoir que, par
l’anvie qu’il avoit encontre la devent dicte cité, la cuidant mestre
eschac et mac, il fit alors clore tous les chemins de sa duchié, et empê
tra de clore et faire cloire tous les aultre chemins de entour la dicte cité
de Mets.
Bontés de ma dame de Braibanl envers la cité. — Excepté le païs du
duchié de Lucembourg, lequelle ma dame de Brabant ne volt pas
souffrir d’estre clos ; ains envoiait espressément comender à ces
subject qu’il ne feissent nulz dompmaiges audit de Mets, maix vandissent et achetassent en la dite cité toutte à leurs voulluntés et plaisir.
Et, pour celle bontés, devés sçavoir que ceulx de Mets, qui n’estoient,
ne jamais ne furent, ne encor ne sont ingras à ceulx qui bien leur font,
prestairent à la dicte ma damme de Brabant la somme de trois mil
livres de messins, dont elle paiait ledit duc de Lorraine de ce qu’elle
estoit tenue à luy. Et puis, ce fait, elle vint à belle compaignie en la
dicte cité ; et luy fist on présant de vin, de bief, d’avoine et de chair.
Disposition a du temps. — En celle dicte année, il fist grant froidure
tout l’estey durans, et fut le tampts très mal dispousés ; et tellement
que em prime encomensairent les frèzes à mûrir au jour de feste sainct
a. M : Dispotition.
ORLÉANS ASSIÉGÉ PAR LES ANGLAIS
(1428)
195
Jehan Baptiste, et, on moix d’aoust ensuiant, estoient les serizes en
la meilleur saison qu’el puissent estre. Et, le jour de feste sainct Berthemin l’aposte, qui est desjay bien avant on tampts, à poinne veoit on
lé talles és raisins des vignes. Car, en ce tampts, il pluvoit chacun
jour ; et fut le tampts en cest estât jusques à la sainct Remey, parquoy lé vendange durait jusques après la Toussaincts. Et, avec ce,
y oit bien poc de vin, et estoient chiers : car on vandoit la cowe C sols
et plus, jà soit a qu’il fussent manre et mal meure.
[R]égimme sus les grains. — Aucy, en celle meisme année, fut ung
grant chier tampts de bief, à l’ocasion de ce que les chemins estoient
clos pour la discencion devent dictes, c’est assavoir pour celle guerre
qui alors estoit entre lé devent dit Charles, duc de Loherenne, et la cité,
pour les dictes pommes. Parquoy chacun voulloit retraindre ses bief ;
et vandoit on desjà la quairte de froment XVI sols de messains. Et, ce
les seigneur et recteur d’icelle cité n’y eussent proveus de remède,
il eust monté à plus de XX sols la quairte. Mais, quant ilz virent cest
chose, ilz comirent aulcuns d’entre eulx pour veoir et visiter les gre
niers, et pour savoir la puissance des bief qui alors estoient en la dicte
cité. Et fut trouvés qu’il en y avoit moult grand multitude. Car seullement il trouvairent en deux maison, c’est assavoir en la maison d’ung
bon facteur et en la maison d’ung clerc de la Grand Église d’icelle cité,
plus de XXXVI mil quairtes de froment ; desquelles n’en y avoit, en
l’ostel d’icelluy bon raillairt *1, que environ une quairte, parquoy vous
pouués sçavoir à peu près combien qu’en l’ostel d’icelluy clerc il en y
avoit. Et, alors, voiant lesdit seigneurs et cognoissant que en leur cité
il y avoit plus de bief qu’il ne leur en failloit pour VII ans, firent com
mandement que l’en ne vendit la quairte du milleurs au plus hault de
XIIII sols. Et, pour monstrer example aux aultres, firent premier
vandre les bief des guerniers de la ville, et, après, leurs propres bief.
Et, parmi ce, olrent les pouvres gens meilleur merchiez, et furent
soubtenus et subtantés, maulgré en eussent les envieulx, lesquelles en
crevoient de dueil.
Cy me tairés quelque peu de celle guerre pour retourner à aultre
mattier ; c’est assavoir au guerre de France et d’Angleterre.
[JEANNE D’ARC DÉLIVRE ORLÉANS *, LE SACRE DU ROI
CHARLES VII A REIMS]
Orléans asseigiez. — En celle meisme année, qui fut l’an XVIe de
l’ampire Sigismond, ampereur, fut assiégée la cité d’Orléans par les
devent dis Anglois. Par lequel sciège furent bien abatues XXII églises
“• M : jassois.
1. Raillard, bon plaisant, joyeux compère.
196
JEANNE D’ARC PRÉSENTÉE AU ROI (24 FÉVRIER 1429)
és faulx bours de la dicte cité ; entre lesquelles estoit l’église collégialle
de mon seigneur Sainct Aignan. Durant ledit sciège d’Orléans, le conte
Salbery, principal capitaine d’Anglois en cest paitie, fut tué d’ung
canon dont on réputoit le coup avoir esté fait divinement. Car on ne
peult jamais sçavoir qui eust bouté le feu au baston dont la pier
saillit.
Item, en ce tampts, messire Jehan Fastol et messire Simon Mohier,
prévost de Paris, tenans la partie des Anglois, venantz avitailler ledit
sciège, desconfirent les François près de Yenville en Beausse, qui estoient en plus grant nombre que eulx ; desquelle furent mors plus de
deux cent. Entre lesquelle estoient le sire de Struart, connestable
d’Escoce, et le seigneur Dorval ; mais le duc de Bourbon et La Hire
s’en eschapèrent atout leur armée. La dicte rancontre fut dicte la
bataille des Harens, pour ce que lesdit Anglois emmenoient des harens,
car alors c’estoit on tampts de karesme.
Et aincy, en ce tampts, estoient les François mis fort à bas, et leur
mescheoit de tout cousté.
Jehanne, dicte la Pucelle de France. - Or, escoutés chose merveil
leuse et de grand miracle. Car, comme le royaulme estoit en telle
affliction et tribulacion de tout coustés, et en plus grand pouvretés que
jamais eust estés, par les grand guerre desquelles je vous ais heu ycy
devent au cecond livres parlés, comme ce par divine providance
eust estés envoiées du ciel, en cellui tampts et que le roy Charles estoit
au plus bas, fut alors trouvées une jonne pucelle, aagée de environ
XX ans, nommée Jehanne, native du villaige de Dampremé, auprès
de Vaucouleur, et engendrée de Jaques d’Arc, son perre, et de Ysabel,
sa merre. Celle pucelle, par l’amonestement et miracle de Dieu, ayent
pitié et compassion des adversités de ce tampts souventefïois, soubz
la conduicte de son oncle alloit parler à Robert Baudricourt, prévost
de la ville d’Orléans et capitaine de Vaulcoulleur, et à plusieurs aultrez
chevaliers et homme d’armes de la garnison du lieu, les admonestant
qu’il leur pleut de la mener dever le roy Charles, affin que, moyenantla
grâce de Dieu, elle donnait bon remyde aux choses mal conduites et
désespérées. Ledit Baudricourt, après qu’il eust desprisé une foix ou
deux celle jonne fille, dont il ne faisoit estime, voiant que tousjours
parcévéroit, ce en esmerveilla, et, après plusieurs pancée, il la bailla
à garder. Puis, ung jour après, comanda de la mener devers le roy.
La pucelle, venant vers Charles, combien que oncques ne l’eust veu et
que à certains prepos le roy ce fut moins et plus povrement vestu que
tous les aultres officiers de sa maison, néantmoins, regairdant le roy
en la face, révéramment et doublement ce prosterna en terre et dit :
« Je te salue », dit elle, « très noble roy, et Dieu te doinct bonne vie ! »
Et, ainsy comme Charles ce celloit et dénioit estre le roy : « Ha. »
dit elle, « il n’y vault le celler ; tu es le très noble roy des François ».
Alors, à ces parolle, print le roy espérence de quelque milleur fortune.
Parquoy il la mist entre les mains de quelque homme prudans pour
l’examiner et pour l’essaier et esprouver. Auquelles elle dit et efïerma
JEANNE D’ARC DEMANDE A ALLER A ORLÉANS (MARS
1429)
197
constamment qu’elle estoit venue pour restituer le roy Charles en son
royaulme, et que Dieu l’avoit ainsy ordonnés. Et, avec ce, que finablement elle déchesseroit les Anglois hors de France et délivrerait l’assiégement de la ville d’Orléans. Puis, ce fait, mènerait Charles courognés
à Reims, où en la manière des anciens serait oinct et sacrés. Et parloit
celle pucelle de ces chose si comme de tout ce eust estés admonestée
par inspiracion divine. Et, encor daventaige, quant elle estoit interroguée de plusieurs chose, difïicille mesme, appartenant à la foy catholicque, elle respondoit par dessus le sçavoir et entandement d’une
femme. Et estoit celle pucelle de grand admiracion à plusieurs. Parquoy
fut déterminés par le conseille qu’il seroit très bon se de sa fortune
Charles husoit en bataille. Mais, comme un prince prudant et saige,
il ne voult a premier copt mestre ces chose aincy à l’avanture ; ains ce
mist en oraison et continuelle priers envers Dieu, requérant son ayde
et lui priant qu’il luy donnait conseil, assavoir mon c’il devoit croire
en celle pucelle qui ce disoit estre envoiées de par Dieu. Car il est à
doubter de croire cy légièrement ; mais, en ensuiant la Saincte Escripture, la devoit esprouver premièrement en enquerant de sa vie, de ses
meurs et de son entancion, comme dit sainct Pol l’apostre : « Probate
spiritus sy ex Deo sint ». Et puis, ce fait, desvoit ledit Charles avoir
aulcuns signe par quoy il puisse jugier qu’elle est venue de Dieu.
Car, comme le mest la Saincte Escripture, le vray Dieu du ciel manda
a roy Achat qu’il demandait signe quant il luy faisoit signe de victoire,
en luy disant : « Petetevi signum a domino Deo tuo ». Et samblablement fist à Gédéon, qui demanda signe, et à plusieurs aultres.
Le roy, depuis la venue de la Pucelle, a observés et tenues envers elles
les deux manières dessusdictes, c’est assavoir probacion par prudence
humaine, et par orison, en demendant signe de Dieu.
Et, quant à la premier, qui est de prudence humaine, il l’a fait esprou
ver, tant de sa vie, de sa naissance, comme de ses meurs et intencion ;
et l’a fait garder avec luy bien l’espaisse de six sepmainnes. Auquelle
tampts durant l’a démonstrée à plusieurs gens, comme clers, gens
d’esglise et de dévocion, tant publicquement comme secrètement.
Mais en elle ne fut point trouvé de mal, fort que tout bien, comme
humilité, virginité, dévocion ; et tellement que plusieurs chose mer
veilleuse sont d’elle dictes comme vrayes.
p Quant à la seconde manière de probacion, le roy luy demanda signe ;
auquel elle respondit « que devant la ville d’Orléans elle le monstrera,
et non pas avant ne en aultre lieu, car ainsy luy estoit ordonné de par
Dieu ». Le roy, entendu la probacion de la dicte Pucelle, en tant qu’il
lui est,"possible, et considéré sa responce, qui est de démostrer signe
divin, veu aussy sa constance et sa persévérance en son prepos, et ses
requestes instantes d’aler audit Orléans pour monstrer le signe du
divin secour, ne la doit point empeschier ; mais la doit on faire con
duire! honestement en espérance de victoire. Car, la débouter ou déchas
ser sans espérance de mal, seroit répugner au Sainct Esperit et se
198
JEANNE D’ARC RAVITAILLE ORLÉANS (29 AVRIL 1429)
rendre indigne de l’aide de Dieu, comme dit Gamalier en ung conseil
des Juifz au regars des Apostre.
Parquoy, après ces chose ainsy dictes et faictes, le jeudi XXR jour
d’avril, la dicte pucelle, par la lissance dudit Charles, se partit de
Chinon pour aller à Orléans. Et “ la première charge que l’on lui bail
lait, ce fut de pourter victuaille en la dicte ville d’Orléans, acompaignié
de bon chevallier et de puissante armée, en laquelle y avoit de bon
combatans. Et, quant il vinrent à Bloys, au devent d’eulx leur vindrent
Régnault, archevesque de Reins et chancellier de France, le bastard
du duc d’Orléans, Estienne la Hyre, et plusieurs aultres homme d’ar
mes d’eslicte. Et furent les victuaille mises és chariotz, et les gens
d’armes en ordres de batailles. Alors ce partit la dite Jehannes de
Bloys ; et, le lundemains, prindrent leur chemin vers Orléans, jusques
a jeudi ensuiant, XXVIIR jour dudit moix d’avril. Auquel jour la
dicte Pucelle faisoit pourter son estandairt, qui estoit de satin blan,
où estoit Nostre Signeurs figuré séant en l’arche, mostrant ses plaies;
et y avoit de chacun cousté deux anges tenant une fleur de lis. Et,
ainssy acompaignié des seigneur devent dit, avec le mareschal de
Boussat, mon seigneur de Gaucourt, mon seigneur de Rays, et plusieurs
aultres, en nombre de trois mil, que de piedz que de chevaulx, et, avec
ce, environ LX charois de vivres, et quaitre cent et XXXV cherges de
bestial, et arrivaient *1 audit Orléans le londemain ensuiant, qui fut le
vandredi, pénultime jour dudit mois. Et les vinrent quérir lesdit d’Or
léans par navires, malgrez en eussent lez Anglois, lesquelles à celle fois
n’osairent saillir de leurs bastilles, ne ne mirent ad ce quelque defïence.
Ce fait, quant la dicte pucelle vit qu’on l’avoit menée du costé de la
Saloingne, et qu’elle n’avoit point trouvé les Anglois, elle en fut très
couroucié en l’encontre des capitaines, et en plora ; et, incontinant,
ordonna à la compaignie qu’il retournassent audit Blois quérir les
aultres vivres qu’il avoient laissiés, et qu’il les amenassent du costé de
la Beausse. Et bien leur dit qu’il ne doutassent riens, car il ne trouveroient aulcuns empeschement. Non firent ilz ; et, en cest allée et a
retour qu’il firent, n’y ot noise ne débat, chevault morfondus ne
recreu 2, homme blécié ne mort, ne mal erroy 3 quelconque. Bien est
vray que les Anglois se assemblèrent, environ X1IIIC combatans, pou
cuidier combatre les François ; mais, à celle fois, ne ce osairent oncques
moustrer.
Or, je vous veult maintenant dire et conter de quelle armeure la
dicte Jebanne husoit en baitailles. Vous debvés sçavoir que on pays de
Touraine y ait une église dédiée à saincte Katherine, qui est ung lieu
très vénérable à ceulx du pays, et en laquelles l’on voit encor ajour-
a.
1.
2.
3.
M : et fut.
Phrase mal faite. Il faudrait corriger : ils arrivèrent.
Recru, du verbe recroire : fourbu.
Aroi, équipage ; mal aroi, accident (cf. désarroi).
JEANNE D’ARC A ORLÉANS (MAI
1429)
199
d’huy plusieurs vielz et anciens dons que les anciens y ont donnés.
Parquoy la dite Jehannes, elle estant avec le roy, et peu avent qu’elle
partit pour aller à Orlians, comme dit est, manifesta a roy Charles que
en ce temple, entre les sainctes oblacion et entre plusieurs vielle fer
railles, y avoit une vielle espée laquelles estoit de tout les coustés
ampraintes et couvertes de fleurs de lis. Et dit la dicte Jehanne et
requiert a roy que l’on y envoiait ung armurier pour chercher la dicte
espée, et qu’il fist tant qu’elle luy fut donnée. Le roy Charles de ces
chosez ce esmerveilla, et luy enquit ce aultrefois avoit ce temple
visité, et cornent elle avoit heu de cecy congnoissance. « Celluy »,
dit elle, « qui le m’a enseigné n’est point ung homme : c’est Dieu seul,
et non aultre, qui celle chose m’a révellés. Car, du lieu », dit elle, « ja
mais en ma vie je n’y fus, ne n’en n’euz oncques congnoissance ».
A cest responce, envoia le roy ung armurier audit lieu pour quérir le
glesve ; et luy fut recomendés que, quant il l’avroit trouvés, qu’il
l’apourtait à la dicte Jehenne. Alors ce mist l’armurier en chemin ;
et tant chemina qu’il vint à Sainct Katherine. Et illec, entre plusieurs
aultre vielles armeurs, trouva celle espée toutte enroueillée, laquelle il
appourta à Charles. Et, tantost, la donna à la dite Pucelle ; et d’icelle
husait toutte sa vie, cen en point avoir d’aultrez.
Mais retournons à nostre prepos des Anglois. Car, après que les vivre
furent pourté et la cité avitaillée, comme dist est, la dicte Pucelle, très
vaillamment en armes acoustrée, ce mist en chemin avec les siens
droit au boulevart que on appelloit la bastille de Sainct Loup. Et, illec,
puissantement combatit, et vainquit les Anglois, sans qu’il en eschapait ung seul de ceulx qui estoient en ce lieu, qui tous ne fussent occis
ou fait piisonnier. Et fut en ce boulevart conquis grant foison de vivres,
et plusieurs artillerie ; et n’y perdirent les Françoy que deux homme
tant seullement.
Item, le vandredi ensuiant, la dicte Pucelle saillit atout son estandart, avec grant puissance de ceulx de dedans, du costé de la Saloingne,
et fist samblant d’assalir les aultres bastille des annemis. Et, sus une
retraicte que il firent, les Anglois saillirent à grand puissance sur eulx.
Et, quant la dicte Pucelle et la Hire, qui estoient à petitte compaignie,
les virent, il retournairent sur eulx vistement, et les reboutairent cy
asprement que à grant paine se peurent retraire ; et en fut bien tué
XXX des leurs. Et fut prins d’assault le fort des Augustins, avec ung
de leur boulvart ; et y gaingnairent lesdit François grand foison de
vivre et artillemens. Et, quant lesdit Anglois virent ce, il ont laissiez
et abandonnés trois aultres de leur bastilles qu’il avoient du coustez
de la Saloingne, et ce retrahirent tous en la grand bastille qu’il avoient
a bout du pon, qu’il appelloient Londres. Et, pour les tenir subjecgt,
couchait la dicte Pucelle, elle et ces gens, toutte celle nuit au champts.
Et, après, a lundemain, quant il furent retournés en la ville, tinrent les
capitaine leur conseille ensamble, assavoir mon c’il yroient assaillir
le gros boulevairt devent dit, qu’il appelloient Londres. Finablement,
200
JEANNE D’ARC A ORLÉANS (MAI 1429)
le conseil communicqué, Jehanne la Pucelle commensça à soy courroucer,
disant en cest manier : « Seigneurs, ne me celés rien, car je puis celer
plus grandes chose que celle cy, lesquelles je thiens en mon couraige ».
Et, alors qu’il luy eurent dit ceu qu’il estoit conclus, elle en fut bien
joieuse et louait leur oppinion. Et, de là a en avant, ne ce faisoit rien
cen son conseil. Et, posé que la dicte Jehanne ne fut point tousjour
a conseil des capitaines, cy sçavoit elle bien leurs conclusion, comme
s’elle y eust esté en présance ; de quoy lesdit capitaines prenoient
grande admiracion. Et, sy n’eust esté que toutes les dictes entreprinses qu’el faisoit venoient au prouffit et à l’onneur dudit Charles,
l’on eust conceu contre elle grande hayne et murmuracion. Elle estoit
tousjours des premier en l’armée, montée dessus ung très puissant et
courageus cheval, auquelles elle montoit aussy ligièrement et habille
ment que homme qui fut en la compaignie. Et couroit la lance, et
faisoit choses samblables touchant la guerre, aussy bien et mieulx
que nul capitaine qui y fust nourri de son enfance. Et, en toutte aultre
chosez, elle estoit bien simple personne, menant vie honneste ; et ce
confessoit souvent, et recepvoit le corps de Nostre Seigneur presque
touttes les sepmaines.
Mais, pour revenir à mon prepos, aprez le conseille tenus, la dite
Jehanne jugea en son couraige estre de nécessité d’aller assaillir leur
annemis. Et, comme elle l’ot conclus, il fut fait. Et tellement que, le
samedi VIIe jour du moix de may, la dicte Pucelle, avec ces gens, ce
mirent en ordonnance. Et, ce fait, furent, en plusieurs basteaulx qui
estoient en la rivier, mis groz nombre de gens d’armes, et passa la
rivière de Loyre. Puis fut mise l’armée à terre ferme pour assaillir leur
annemis ; et ce efforcèrent de toutte leurs puissance d’assaillir la devcnt
dicte grant bastille du bout du pont, qui estoit place fort et impre
nable, et en laquelle y avoit grant nombre d’Anglois, et en belles
ordonnances, et grand foison de traict, canons et bombardes. Et fut en
ce lieu bataille forment ; et tant ce deffandirent lesdit Anglois qu’il
estoit desjaytairt et causy soilleil couchant. Parquoy la dicte Pucelle
donna le signe de la retraicte. Et, aincy comme les Françoys rentroient
és basteaulx, assaillis furent par lesdit Anglois. Parquoy la Pucelle,
voyant ce, donna couraige à ces gens ; et tellement que aus annemis
vertueusement résista, et, de fait, les chassa en les poursuiant jusques
à la devent dite maison des Augustins qui est on bourgz. Laquelles,
jà soit que les Anglois l’eussent errier très bien fortifiée, toutesvoies il
en furent expulsés, et les Françoys le lieu occupèrent.
Au pont dessus dit, près lesdit Augustins, estoit une tour de pieres
carrée, avec le boulevert, et fossellée en l’antour, en laquelles les
Anglois ce retirèrent. Et, devent ycelle, Jehanne fit le guet toutte la
nuit ; puis, quant ce vint le point du jour, commanda donner l’assault
au boullevert, affermant que prochain estoit le tamps auquel les
Anglois dévoient estre vaincus et chassés du royaulme de France.
a.
M : délia.
JEANNE D’ARC FAIT LEVER LE SIÈGE D’ORLÉANS (8 MAI
1429)
201
Cependant que les François faisoient l’assault, les annemis asprement
se defïandoient ; et furent en cest estât jusques à bien tairt, et environ
l’heure de vespre. En laquelle heure la dicte Pucelle, estant sus le
bourt des foussés et donnant couraiges à ces gens, fut blécée d’ung
traict d’arballestre du boulevert envoyé, qui luy perça la poitrine ung
peu au dessus de la mamelle destre. Dequoy ne fit pas grant semblant,
ne n’en fut plus triste ne moins diligente, percévérant, en arrest dessus
le bort du fossé, pour tousjours admonnoster ses gens d’armes à vail
lamment besoingnier. Et, de couraige qui estoit en elle, elle meisme
ce tirait le traict dehors de sa poitrine ; et demanda un peu d’oile
d’olive qu’elle mist, dessus la plaie, avec ung petit de coton. Ce fait, ce
arma ; et dit que, puis qu’elle estoit bléciée, que les Anglois n’aroient
plus de puissance : car, devent ce advenus, avoit bien dit que devent
Orliens devoit estre blécée.
Orléans prinze par la Pucelle. — Et, lors, ycelle Pucelle se tira à part,
et fist semblant de prier Dieu, elle estant sus sa lance apoiées. Et, ce
fait, retourna incontinant aulx gens d’armes, et leur escria qu’il entras
sent dedans, et leur enseigna lieu. Lesquelz firent comme il leur estoit
comendés. Et tous, d’ung commun acord, et elle la premier, assalirent
par telle et cy bonne manier que prestement elle fut prinse d’assault.
Et illec dedans y oit, que mors, que prins, environ Ve Anglois, de tous
les milleurs, avec trois capitaines, c’est assavoir Molin, Jehan Pommar,
et Guillaume Classidas, qui estoit l’ung des chief principaulx, et plu
sieurs aultres grans seigneurs. Aussy, en cest bastille, fut prins grant
foison de vivres ; aussy plusieurs traict, canons, bombarde et aultres
artillement de guerres.
Les annemis anglois qui estoient de l’aultre partie, vers la Beaulce,
facillement pouoient veoir l’exploict que ladicte Jehanne et ces gens
faisoient sur leur compaignon ; parquoy, espoventés de leurs fortunes
et adversités, quant il oyrent les trompettes, clairons et cloches sonner
en la ville en signe de liesse, dès le lundemains, au matin, qui estoit le
dimanche VIIIe jour dudit mois de may, levèrent le sciège, et c’en
fouyrent à Mung.
Et en cest manier fut rompus l’assiègement, et la cité délivrée de la
puissance des Anglois, cy que depuis cest adventure advint tousjour
audit Charles bonne fortune.
A celluy essault devent dit de la bastille, fut trouvés que, de la partie
des François, il n’en y oit que V dez mors, et très peu dez bleciet ; et
furent estimés lesdit Anglois, quant il levèrent leur sciège, au nombre
de environ deux mil et Ve combatans, tant de piedz comme à cheval.
Après lesquelles sont saillis les François, environ Ve cheval, qui les
sivoient et donnoient ampeschement ; et en y oit aulcuns des prins et
des tués à la queue. Mais la Pucelle ne voult point que l’on ce combatist,
pour deux raison : premier, pour ce qu’il c’en alloient paisiblement ,
et, secondement, pour ce qu’il estoit dimenche. Alors, c en retoumairent arrier ; et ceulx de la cité antrirent esdite bastille, et illec furent
JEANNE D’ARC EN BEAUCE (JUIN 1429)
trouvés tous leur canons et bombardes, ensamble grand foison de trait,
de vivres et aultre baigaige, en grand vallue et estimacion.
Parquoy messire Tallebot, capitenne anglois, fut féloneusement
despité de ce qu’il estoit frustré de l’assiègement devent, dit. Et, pour
sa honte et son dommaige récompenser, assaillit Laval. Et, par trahison
ou larcin nocturnel, print le chasteau et la ville ; auquel lieu il print
prisonnier le conte dudit lieu, lequelle il tint en prison jusques à ce
qu’i lui eust payé la somme de vingt mil escus.
Ce pandant la Pucelle sollicita le roy Charles de lever plus grant
nombre de gens d’armes, pour recouvrer ce que les annemis luy occupoient au champts d’Orléans. Et, à cest cause, fut le duc d’Alenson
à soy appellé, auquelles comenda Charles aller à Gergeau. Tantost
arivèrent Jehan, bastard d’Orléans, Boussat, mareschal Graville,
Culault, admirai Ambroys de Loré, Vignolle, La Hyre et Guillaume
Brussat. Lesquel, jà soit qu’il ne fussent stipendiés des deniers du roy,
toutesvoies, afïîn de veoir et visiter la Pucelle, laquelle il cuidoient et
creoient estre divinement envoiée, ne refusoient cheminer en batailles.
Parquoy vers Gergeau chevaulchèrent, et prindrent la ville le VIIIe jour
après qu’il eurent mis le sciège devent. En la prinse d’icelle ville fut
prins le conte de Sufïort et le sire de la Poulie, son frère ; aussy y
mourut son aultre frère, nommé messire Alexandre de la Poulie, avec
trois ou quaitre cent Anglois.
Paireillement, peu de jour après, leur armée, augmentée par le
commandement de Charles, ont prins leur voie à Mung ; et, là venus,
ont prins le pont avec la tour, puis y mirent garnison ; et hastivement
s’en allèrent à Bogency. La venue des François entendue, les Anglois
délessèrent la ville ; et ce retirèrent au chasteau, qui est au pont sus la
rivier de Loyre. Lequelle priment les François par composicion ; et
franchement fessèrent aller les Anglois qui estoient dedans.
Après la prinse de ce chasteau, fut fait bruit parmy l’ost et parmi les
tentes des Françoys que le capitenne Tallebot et Jehan Fastel, avec
cinq mil Anglois, avoient estés veuz à Janville, en Beaulce, pour venir
à Mung. Adoncquez, par les espie envoiez des Françoys, fut congneus
que cecy estoit vray. Parquoy il ce mirent en ordre de batailles et
marchèrent à l’encontre des annemis, et fichèrent leurs tentes à Artenay, pour ce que lors y avoit ung treffort et puissant temple L Alors
estoient à faire le guet Bermanor, Ambroys de Loré, La Hyre et Poton,
espérans la venue des annemis. Et, après ceulx ycy, s’ensuyvoient, non
pas loifig, avec bonne armée, le duc d’Alenson, Richemont le connétauble, le conte de Vendosme, Jehan, bastard d’Orléans, et la Pucelle,
car rien de bon ne ce faisoit cen elfe. Les Anglois cheminans, quant
il virent les Françoys, commencèrent à retourner a arrière au bois,
illec prochain, afïîn de quérir pour eulx meilleur lieu pour combaitre.
a. Au-dessus de retourner, une main (plus récente) a écrit cheminer.
1. Il s’agit sans doute d’une église fortifiée. Jean Chartier (éd.Vallet de Viriville,
Paris, Jannet, 1858, t. I, p. 86) parle d’une « église forte nommée Patay en Beausse ».
JEANNE D’ARC MÈNE LE ROI A REIMS (JUIN
1429)
203
Mais les devent dit, qui faisoient le guet, sans donner aux annemys
espace de soy amasser, commensairent à combaitre, sy qu’ilz contrai
gnirent fouyr tous les Anglois qui estoient à cheval. Parquoy les piétons,
voyant la fuyte de leurs gens d’armes, se jettèrent dedans le bois en
ung petit villaige estant illec près, par la couverture duquel bois se
saulvoit chacun d’eulx au mieulx qu’il pouoit. Pandant ce conflice,
ariva le duc d’Alenson, équippé d’une grosse armée. Et, en cest ba
taille, morurent environ trois mil Anglois ; oultre plus, de leurs noblesse
en furent empoigniés et prins prisonniers le sire Tallebot, le sire de
Scalles, messire Gaultier, de Hongrefïort, et plusieurs aultres grant
seigneurs Anglois.
Lors vint Janville en la puissance du roy Charles, et plusieurs aultrez
places du pais de Bea«sse ; de quoy les Françoys eurent grand joie.
En celle meisma année, on moix de jung, la pucelle Jehanne c’en
allait jusques à Tours parler a roy. Laquelles, quant elle vint à ariver
près de sa personne, son estandart tenant en sa mains, ce enclinait
tout bas ; et le roy, qui luy estoit venus au devent, osta son chaperon,
et, en la levant, l’ambrassa ; et sembloit qu’il l’eust voullentiers baisié,
pour la grand joie qu’il avoit. Et fut ce fait le prochain mescredi devent
la Panthecouste.
Et, en ce meisme jour, allèrent à l’ostel pour tenir conseil assavoir
mon qu’il estoit bon de faire. Alors la dicte Jehanne, elle estant devent
le roy, ait dit en cest manier : « Très noble roys, jà comences à surmonter
ton annemis. Nous voyons ajourd’uy plusieurs villes et chasteaulx,
que les Anglois te avoient osté et ravy, lesquelles à cest heure sont en
ton obéissance. Or est maintenant venus le tampts de ta consécration.
A la divine voulenté de Dieu plaist que tu ailles à Reins, où serais
oynct de la saincte et sacrée onction en la manier de tes prédécesseurs.
Et illec le diadesme royal recepveras, pour laquelle chose ton nom en
sera au puple françois plus vénérable, et à tes annemis plus doutable.
Saches que la Champaigne, souverainement tous les Belges, sont encores
soubz la puissance des Anglois. Toutesvoys, moyennant 1 ayde de
Dieu, nous te préparerons le chemin : tant seullement assemble tes
gens d’armes, et puis faisons ce que Dieu a ordonné ».
Ces paroles de la Pucelle faisoient à tous grans espérance, pour ce que,
pour la purité et netteté de sa vie, monstroit elle « en soy grande
saincteté ; aussy que riens ne faisoit ou disoit îémeninement, ainçoys
monstroit l’euvre samblable a parolle. Car, chacune sepmainne, comme
j’ay dit devent, sa concience purgeoit par confession sacerdotalle, et
recepvoit le sainct sacrement de l’aultel, et menoit vie très dévote et
comtemplative.
,
Charles doncques, après qu’il eut levé une puissante armée, délibéra
de c’en aller à Rains par la Champaigne. Et envoya la Pucelle devant,
avecques aulcuns capiteinne de guerre, pour résister aux annemis,
a. M : elle a été ajouté après coup, entre les lignes, et placé après soy,
204
JEANNE D’ARC ET LE ROI ENTRENT A TROYES (JUILLET
1429)
se d’aventure vouloient empescher le passaige. Quant ledit Charles fut
venus près Auserre, au devent de luy vinrent aulcuns des cytoyens,
mais jà pour ce ne le receurent mye en la ville. Alors y estoit le seigneur
de la Trimoylle, qui avoit grande auctorité envers le roy ; parquoy
la comune renommée tenoit pour vérités que cestuy avoit receu pécune
des Asserrois afïîn de leur faire donner trêves. A cest cause, ne fut fait
aulcuns dompmaige à la ville. Et, parmi ce, les habitans d’icelle baillairent vivres à l’armée des François, en les paiant.
Après que Charles eut passé Ausserre, il print Sainct Florentin, par le
moyens que les citoyens franchement ce rendirent. De là cheminèrent à
Troyes en Champaigne. Et, le sixiesme jour après qu’il eust illec tenus
son sciège, sans espoir que les habitans se rendissent, y oit une mer
veilleuse famine en l’ost des François, sy que, par deffaulte de pains,
plusieurs gens d’armes ne mangeoie tant seullement que febves et espiz
de bledz. Ceste povreté et indigences congneue, assembla Charles en
conseil les principaul de son armée, ausquelz il demenda quelle chose
leur sembloit estre à faire a. De tous ung seul ne fut qui ne dist que l’on
debvoit remener l’armée et lever le sciège, attendu que les vivres estoient
failliz a gens d’armes, et la pécune pour les souldoyer. Toutesvoyes,
entre les aultres, en y oit ung, nommés Robert le Masson, lequelle,
combien qu’il ne fut d’oppinion contraire, ait dit aincy : « Je vouldroye », dit il, « ouyr l’oppinion de Jehanne sus cest chose ; car c’est
celle qui cause motive ait esté de cest armée ; peult estre que par son
conseil donnera quelquez ayde ». Son oppinion pleust à tous, et fut alors
la Pucelle appellée. Puis fust requise de dire la sienne opinion. Adoncquez la dicte Jehanne vers le roy se retourna, et dist en cest manière :
« Noble et puissant roy, se je te dis ce que je crois et tiens estre vray, me
croyras tu ? » Et, comme par deux fois eust demandés celle chose,
respondit le roy : « Se quelque proffit doit advenir, dis le, et je te croi
ras ». Alors ait dit : « Les habitans de Troye », dit-elle, « sont tiens, et
dedans deux jours prochains à toy se randront, et te livreront la ville ».
Le roy, adjoustant foy aux parolles de la Pucelle, commenda que l’ar
mée ne bougeast encor de ce lieu. Lors Jehanne monta hastivement sur
son chevaulx, et contraingnit chascun des gens d’arme à pourter devent
la murailles touttes les choses nécessaire à donner l’assault à la ville
pour la prendre et surmonter. Quoy voyans, ceulx de Troyes bien
hastivement envoyèrent vers Charles l’évesques du lieu, avec quelque
nombre de cytoyens et capitainnes, promectant a roy livrer la ville,
s’il permettoit les Anglois d’ilec issir, avec quelque nombre de pri
sonniers qu’ilz avoient. Cest condicion accordée, le lendemain entra
Charles en la ville de Troys. Et, si comme les annemis sortoient,
prohiba et deffandit la Pucelle qu’il ne emmenassent les prisonniers.
Mais, affin qu’il ne fussent veu contrevenir et déroguer à la foy promise
et accordée avecques les annemis, le pris de leur ranson fut livrés au
Anglois ; et le paia le roy. Et, après ces chose ainssy faictes, furent de
a. M : affaire.
LE ROI CHARLES Vil COURONNÉ A REIMS
(17
JUILLET
1429)
205
part le roy Charles estaubly juges et officiers à Troys pour l’exersite de
la justice et gouvernement de la chose publicque.
Puis, ce fait, il ce partit de Troye ; et s’en alla à Châlons, où les habitans le receurent en grande liesse et exultacion, avec les gouverneurs et
officiers de la chose publicque que ledit Charles y voulut establir.
De là, assaillit la ville de Reins, qui, comme par force, obéyssoit au
Anglois. Mais, comme il virent leur droiturier seigneur, il furent très
joieulx de le recepvoir. En ce lieu vindrent le duc de Bar et de Lhoranne, samblablement le seigneur de Commercey, équippé de bonnes
bandes de gens d’armes, qui n’estoient pas petitte, affin de servir le
roy.
Alors ledit Charles fut essus pour roy de France, et, par Régnault
de Chartre, archevesque de Rains, fut oynct, sacré et couronné. Et y
assista la Pucelle, pourtant en sa mains l’estandard de guerre, non sans
cause joieuse que, par son seulle enhortement, avoit Charles receu le
dyadesme du royaulme et la saincte onction au lieu acoustumé. Et, à ce
sacre, y fut fait chevalier le duc d’Alençon, le sire de Laval, et plusieurs
aultres.
Le sacre acomplis, et Rains délessée, c’en alla le roy à Vellin, où
franchement print jouissance de la ville ; et ne moustrairent ceulx de
Souesson aucun signe de rébellion. Et, pareillement, ce randirent
Chasteaulx Thierei, Provins, Colommiers, Cressy en Brie, Crespy en
Valois, Compiègne, Senlis, Sainct Denis, Laigni sur Margne, et plusieurs
aultres forteresses.
En cellui tampts, y eust maintes escarmouches desdis François et du
duc de Bethfort entre Sanlis et Barron.
Aussy, en ce tampts, les bourgois de Beauvois vindrent à Compiègne
offrir plaine obéissance a roy.
Item, en la fin du moix d’aoust, Jelianne la Pucelle fut navrée d’ung
traict d’arboullette par la jambe, en cuidant entrer dedans Paris par la
pourte Sainct Honnoré. Et, pour ycelle heure, fut des François prins le
boulevart de la dicte pourte ; et eussent eschellé la ville, se l’eaue du
second foussé ne eust esté sy grande. Et, quant la dicte Pucelle fut
retournée à Sainct Denis, elle y offrit et donna ses armes par grand
délibéracion, lesquelles y furent pendues et mises devant le glorieux
corps sainctz.
En ce mesme ans, on mois d’aoust, fut prins vers Alençon la ville et
château de Bonmoulins sur les Anglois ; et plusieurs aultrez villez et
forteresse prinrent les François sus les Anglois, lesquelles je lesse à
nommer pour abrégier. Car, depuis ce tampts que la dicte Jehanne vint
en France, prospéroient tousjours les Françoys, et leur venoit de mieulx
en mieulx ; et n’y avoit causy de semaigne que les gens du roy ne
conquissent quelque ville ou chaisteaulx ; car la Pucelle, comme dit
est, lui avoit apourté bonne fortune. Néantmoins que, durans ce tampts,
plusieurs ville et villaige, et aussy plusieurs bon labouraige, furent
désert et destruit ; et n’y demouroit parsonne en d’aulcuns lieu, ains
estoient les bonne terres fertilles et qui deussent estre labourée plaine
206
LE COUVENT DES FRÈRES DE L’OBSERVANCE FONDE A METZ (1429)
de ronsse et espine, et n’y hantoit que beste salvaige, dont c’estoit
pitiet et domaige. Toutefïois, comme j’ay dit, les principault de plu
sieurs ville, de jour en jours, ce venoient mestre en la mercy du roy.
Et estoit durans ce tampts la dicte Jelianne la Pucelle en grant bruit,
et forte craintes et doubtée, jusques ung jour que Fortune luy tourna le
dos, comme cy après il serait dit, quant tampts et lieu serait d’en
parler.
Cy me tairés de cest affaire pour le présans, et retournerés au maistre
eschevin de Mets, et à plusieurs aultres besoingne digne de mémoire
et profitable à raconter.
[suite DE LA GUERRE DITE « DE LA HOTTÉE DE POMMES » : 142g]
Durant celle meisme année, et que le devent dit segneurs Jaicques le
Hungre estoit encor maistre eschevin de Mets, duroit tousjours celle
guerre maldicte encontre le dit duc Charles de Loherenne, à l’ocasion
dudit chaneu 1 ou de la dictes hottée de pomes.
Et furent encor en ce tampts plusieurs aultres chose faicte en celle
cité de Mets, desquelles une partie en serait ycy mise et escriptes.
Fondation en Mets des Frère de VObservance. — Et, premier, fut en
celle année que ung bon bourjois et citains de Mets, nommés Jehan
George, fist faire et acommencier une église, fondée on non de sainct
Françoys, pour les Frères de l’Observance (aultrement nommés les
Frère Baude) qui sont en ycelle cité de Mets, scitués en Grand Meisse.
Et furent premier ainssy appellés pour le non d’ung frère que premier
y vint, nommé Baude. Et coustait ycelle église moult grand trésor
à faire.
Or advint, en ycelluy tampts, que deux frères de ladicte ordre
arrivairent en Mets, l’ung appellés frère Jehan Lionnet, et l’aultre
frères Guillaume. Lesquelles prêchoient merveilleusement bien au
plaisir de la plus part d’icelle cité et du pais entour ; et tellement qu’il
estoient en graice des plusieurs. Mais non pas de tous, car aulcuns ne lé
pernoient mye en grés, espéciallement les quaitre ordre mendiantes.
Et tellement lez priment en hayne que, ung jour après ce que l’évesque
Conraird devent dit vint en ycelle cité, lesdictes ordres se mirent ensem
ble et allèrent par devers ledit seigneur évesquez, et, entre plusieurs
aultres parolle, ont heu encusés ledit frère Guillaume, disant et affer
ment pour vray qu’il avoit preschié aulcune chose touchant à hérésie.
Et firent tant par leurs langaige que ledit ne prescha plus ; et luy fust
deffandus jusques à tant que par devent ledit évesque il c’en fut nestoié
et excusé.
Or advint, ung peu après le purgement de ce crime fait, que ledit
s.emble. qu,e ce mot> qui correspond à un français chanoir, soit un dérivé de
1 ancien français chane, cruche, panier d’osier.
le
CORPS DE SAINT sigisbert transporté a NANCY (1429)
20?
fi ère preschoit en une plaisse et en ung mairchiez publicquez de la
dicte cité, nommés Chainge, après de Sainct Suplise ; et, entre ces
aultre parolle, tirait de son sains une cédulle en papier, et la moustra
au puple, disant que aulcuns seigneur d’Église lui avoit donnée, mais,
affin de nourir paix, il ne le voulloit pas nommer. Et alors, après ces
parolles dictes, et tout incontinant, ce leva ung prélas d’Église, nommés
maistre Jaicques d’Atigney, official de la court de Mets, lequelle tout
en hault ait respondus que il avoit ce fait et que luy meisme l’avoit
donnée. Et, tout incontinant, le puple là estant a sermon ce print fort
à murmurer ; et furent les aulcuns très mal contans, et priment mal en
grey celle responce. Et, toutte à une fois, ilz ce esmeurent contre ledit
official en îasson telle que, ce n’eust estés aulcuns des seigneur de la
cité et par espécial Collin Paillât, qui tenoit ung grand baston pour le
secourir et pour despartir la mellée, je croy pour vray qu’il eussent
assomer ledit official, ou à force il l’eussent mener noyer en la nvier de
Saille. Dont ce fut audit menus puple grand oultraige de ce faire ; car
à eulx n’appartenoit la vangence.
Item, en celle meisme année, Régnier, duc de bar, avec ceulx de la
cité de Verdun, reprindrent à force ung chasteaulx appellé Moneville ,
lequel, peu devent, ung capitaines françois, appellé Guillaume de
Flévy, avoit heu subtillement gaingnié.
.
Pareillement, en celle meisme année, fut la ville dudit Samct Mertin
devent Mets du touttes destruicte, desrobée et aruinée par ceulx qui ce
disoient annemis du devent dit Charles, duc de Loherenne
Le corps sainct Soiber pourlés à Nancei. - Et le corps du gloueulx
sainct Soiber, estant en sa fiertés d’argent tout enthier, pour doubles
des annemis, en fut mené à Nancei.
...
Lesquelles annemis firent encor plusieurs aultre mal, tant à Viller
l’Abbaïe comme aultre parts ; car la gueres devent dictes, esmeute
pour les dites pomme, ce empiroit de jour en jour. Et faisoit cellui
Dedier de Chaufour plusieurs mal contre la cité et ces aydans. Et paireillement faisoient les devent dit Arest Lallement et lou Warey, deux
capitanne annemis audit Lorains, qui ce tenoient en la forteresse de
Werrey. Car yceulx firent paireillement plusieurs mal et grant domaige
sus le païs du devent dit duc et ces aydans.
Le chasteau de Passe Avent prins par le duc de Bar. - Item aussy en
celle meisme année, fut prins le chastel de Passe Avent par le duc de
Bar ; lequelle alors estoit és mains d’ung tirant appelle Eustaiche de
Wernencourt, qui estoit le pire de tous aultres, comme par sa vie, sa fin
et par ces fais on trouve escript.
.
,
En celle meisme année, le XIe jour du mois de décembre, seigneur
Nicolle Louve et Martin George, amant et citams de Mets, revmdrent
de Jhérusalem. Et y fut ledit seigneur Nicolle fait chevalier ; et en
rapourtairent de biaulx pappegart.
.
Mais de ce ne veult plus parler pour le présant, et ferais fin à ce
chaipistre ; car je veult retourner a maistre eschevm de Mets et à celle
pestilancieuse guerre pour le fait desdictes pommes.
208
JEAN DIEUAMI, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1430)
Mil iiijc et xxx. — Item, en l’an après, quant le milliair couroit par
mil quaitre cent et XXX, fut alors maistre esche vin de la cité de Mets le
sire Jehan Deuamy le jonne.
Défiance du duc de Lorenne contre ceulx de Mets. — Et, en celle année
le devent dit duc Charles de Loraine, voyant que pour chose qu’il
eust fait ne comender de faire, jà pour ce n’averait il la rescasine 1 2de la
dicte hottée de pomme, ne nulle recreance ne l’en serait faictes par les
seigneurs devent dit, parquoy avint que, le dernier jour du moy de
may, il envoiait son hérault, noblement vestu, qui pourtoit la cotte
semées de ces armes, lequel héraul, on non de son maistre, deffia les
seigneurs de la cité et tous les habitans d’icelle. Laquelle chose il
sembloit qu’il ne convenoit jà faire ; car les œuvres que lui et ces amis
avoient jay faictes demoustroient assés qu’il ne les aymoit point.
Et, tantost au londemain après, il envoia assaillir le moustier d’ung
villaige nommés Espilley, auquel moustier avoit X soldoiers de Mets,
qui moult bien ce deffandirent. Car, à celluy essault, prindrent ung
escuier, appellés Jacques de Salvigney, et le tirarent dedans cellui
moustier , et, ce fait, le désarmirent, puis luy donnairent respit et
congiez, en promectant par sa foy qu’il viendroit à Mets tenir prison.
Maix il n’en fist rien, et, en ce parjurant, il oblia sa foy. Et, ung peu de
tampts après, fut gaingniés celluy moustier, et tous les compaignon
devent dit prins ; et olrent respit, sur leur fois, jusques au jour de feste
sainct Remey après ensuyant. Lesquelx soldoieurs tindrent leur pro
messes, et ad ce furent contrains des seigneurs, leur dit maistre.
La justice de Mets abatue. — Item, l’an dessus dit, le jour de feste
saint Médart, VIIR jour du moix de jung, le devent dit Charles, duc
de Loraine, envoia ses gens, en nombre de XVe homme bien armés à
chevaulx, et V mil hommes à piedz. Et, la premier chose qu’il firent,
ilz abbatirent le gibet et la justice d’icelle cité, en laquelle y avoit
pour lors environ XXXII homme pandus, Dieu ait leurs âme ! Et,
quant il heurent ce fait, tout celluy jour, jusques à midy, le devent dit
duc fist faulchier plusieurs blefz, qui estoient moult biaulx, du coustés
par devers le priouré de Sainct Andrieu, et en jusques près d’Owegney K
Puis, ce fait, c en restournairent en leurs pays. Mais, comme par
miracle de Dieu, avent qu’il y vindrent, il fist une cy grande tampeste
de gresle et ung cy orible tonnoire, tellement qu’il en y oit plusieurs des
mors, et espéciallement de ceulx du Pont à Mousson.
Item, ce meisme jour, lesdit de Mets prinrent VI homme d’armes des
leurs, et les amenairent en la cité tenir prison.
Paireillement, pour cellui jour, furent encor prins XIII compaignon
piéton, de Noeroy devent Mets, qui pourtoient vivre en l’ost ; et furent
amenés avec les aultres.
Aussy, je vous veult dire et compter ung cas pour rire. Car, en celluy
jours, vindrent trois prebstre de la ville de Nancey à bien grand haitte
1. Dérivé du verbe recaser, qui signifie : assigner une part à quelqu’un
2. Augny, Moselle, Metz, Metz.
LÉ DUC DE LORRAINE DEVANT METZ (JUILLET 1430)
§06
par devers le dit duc Chairles, luy estant devent Mets, pour requérir et
impétrer audit duc Charles aulcuns bénéfice d’icelle cité ; car il cuydoient desjay qu’elle fut prinse et gaingnée. Mais, la Dieu mercy, il en
estoit bien loing ; et ne prant on pas telz chat sans mouffle. Cy furent
par copt d’aventure yceulx prebstre rancontré par les piéton de la cité ;
lesquelles les despoullairent et mirent en belle chemise, et, en les
mocquant et dérisant, les renvoiairent en leur païs de Loraine, disant
à eulx que en la malle heure fussent il venus : « car mieulx vous vaulsit
vous en aller dire vous heure et chanter vous messe et vous mattine ;
que Dieu vous doinct sanglante estranne ! » Et ainssy c’en sont re
tournés les pouvre prebstre bénéficiés tout en chemise.
Deffiance de ceulx de Bar contre ceulx de Mets. — Item, l’an dessus
dit, c’est assavoir le Xe jour du mois de juillet ensuiant, le duc Regnier
de Bar, filz du roy Loys et gendre audit duc Charles, à la requeste
dudit son sire, envoya son hérault, noblement vestu, avec sa cotte
d’armes ; et vint on nom de son dit maistre deffier les seigneur de Mets
et tous les habitans d’icelle. Et tout pour la dicte hotté de pomme.
Trois aultre princes defjiaireni pareillement la ville. — Et, en ycelluy
jour meisme, l’évesque de Collongne, le mairquis de Baude, gendre
audit duc Charles de Loherenne, et le duc Stefï de Bavier, défilèrent
pareillement la dicte cité ; et tout à la requeste dudit duc Charles.
Et, avec yceulx, defiiairent plusieurs aultres, tant chevalier comme
escuyer, et tous jantilz gens d’honneur et d’armes.
Et, le lundi après, XI« jour du moix de juillet, ledit Charles, duc de
Loherenne, acompaigniés des devent dit duc de Bar et du marquis de
Baude, ses deux genres, et du duc Stefi de Bavier, avec eulx bien
en[viron a Xm gens d’armes a chevalx, et plus, et de gens à pied XXm,
et plus, et se mirent ai chamin pour tout destruire le pays de Mets. Et, en
oullre, il cuidoient bien panre la bonne citeit de Mets. Maix Dieu, et ces
sainct et saincte, en jurent gardes, avec nous boin sseigneurs, et leur aidant,
que saigement la gouvernont. Et, la première chose que le duc de Lorrenne
feit sur ceulx de Mets celluy jour, il et ces gens prinrent Goin, une for
teresse. Après celluy jour, il fist jauchier les bleif de III finaige, c’est
assavoir de Goin, de Pairgney, et de Végney;et asaillont cestuy jour la
forteresse de Végney : maix il ne la prinrent mie. Et, celle nuyt, il vin
rent gésir à Crépy. Et saichiés qu’il moinnient cher et cherretle pour
monner vitaille, bonbairdes et aulirez artillement.
L’an dessusdit, te mairdi XIIe jour dudit moix, il assaillirent la for
teresse de Creppey, et la prinrent. Et, celluy jour, il ardirent les II Belzveulz *
1 et la ville de Perte 2. Et, celle nuyt, il jurent à Creppey.
a. Entre les feuillets 14 et 15 du ms. M existe une lacune. Le texte que nous publions
est celui de la Chronique dite du Doyen de Saint Thiébaut de Metz, que Mme Marol
amis très aimablement à notre disposition dans son excellente édition, encore manuscrite.
Philippe, pour cette partie, a recopié à peu près textuellement la Chronique du Doyen.
ICI
1. La Haute Bévoy, commune de Borny, Moselle, Metz, Metz, 2° canton et
casse Bévoy, commune de Peltre, Moselle, Metz. Verny.
’
2. Peltre.
la
210
GUERRE ENTRE METZ ET LORRAINE (14 JUILLET 1430)
Item, le mairdi XIIIIe jour dudit moix dessus dit, il bottont les feu
en la ville de Maigney] et « fauchèrent les bief de plus de mil journault
de terre, qui estoient en trois finaiges de trois villes, c est assavoir de
Pertes, de Creppy et Magny. Et, avec ce, yl ont couppes et trappes
lesdictes vignes de Magny. Et puis, ce faict, yl vourent passer le pont
d’icelle ville de Magny ; mais il ne pourent passer : car le dit pont
estoit defïaict ; et l’avoient desrout et mis en pièces les dis de Mets,
quant yl lé soirent venant. De quoy ce fut ung grand bien pour le
bourg de Sainct Clément. Et alors, par despit, yl retournaient a la
dicte Magny, et y boutairent de rechief le feu, et la bruslerent toutte.
Et, ce faict, s’en retournèrent arrier à Creppy, et y geurent pour celle
Tue jeusdy après, qui tut le XIII* jour dudit moi*, ils
vignes de Villemars par desoure le bours de Mazeille Et, illec, com
mencèrent à couper lesdictes vignes ; et en coupairent en celluy jour
m<Et^ alOTS^ les seigneurs de la cité, c’est assavoir ceulx qui avoient le
gouvernement du faict de la guerre, voyant leurs maulvistiés, firent
dresser deux grosses bombardes dessus la pourte de Mazeille, les
quelles ont tirez fort et fermes et sans lâchier. Et tellement y ont
besongniés qu’il fut dit et rapourté que, des annemys, en furent p us e
XX des tués. Et, de faict, se mirent au champt, par license de justice,
plusieurs des bourgeoys de la cité, tant archiers, coullevrimers corne
arbullestriers et plusieurs aultres. Lesquelz, de prime venue, firent
grand dommaige sur les dits annemys ; mais, à ce qu’il furet trop ardans
de ce vangier, les aulcuns se laissèrent susprendre, tellement que lesdis
annemys en ont en celluy jour prins et enclos environ au nombre de
XXXVI, desquelz Jehan Hullo en fut ung; et tous les aulties estoient
tous citains, et leaulx compaignons, et vray messains
Celluy jour meisme, le seigneur de Rodemach et le sire de Boullay
deffiarent pour la dicte hottée de pomme ; et fut tousjours a la requeste
du devant dit duc Charles. Et vouloit on dire que, ce q* û en firent
ce fut par convoitise de gaignier. Car, comme on disoit,
avoit promis trois mil frans pour leur saiüaires. Mais nneulx vauls.
au sire de Rodemach qu’il s’en fut tirés arrier. Car, puis après par
lesdis de Mets, à celle occasion, son pays en fut une grand partie destruicte et bruslée, corne ycy après serait dit, quant tempts serait d en
P&ER après ce faict, et la nuit venue, c’en Sont retournés arrier couchier
à la dicte Creppey.
Puis au lundemain, qui fut le vandredy XIIII6 jour du dit moix,
yl ont bouttés les feu en leurs logis. Et, avec ce ont heu ars et brus s
plusieurs villes et gaingnages du costés devers Collegney. Et, ce faict,
s’en sont retournés arrier leur chemins.
a. Nous utilisons ici un feuillet isolé du ms. A, qui est le brouillon de Philippe
ligne précédente, corriger : le mairdi XII
]our.
A la
GUERRE ENTRE METZ ET LORRAINE (18 JUILLET 1430)
211
Et en cest estât ce fit charier le duc Charles parmy ce pays : car
nullement ne pouvoit endurer le chevaulchier ne aller à piedz sans
l’ayde d’aucuns baitons pour luy soutenir.
Et, en contreversant le pays, c’en sont allés gésir à Malleroy. Aulquelz lieu furent dressée plusieurs tantes et pavillons ; et en veoit on la
plus part de dessus la Grande Esglise d’icelle cité. Car, alors, estoit le
tempts moult beaulx et cler, et faisoit moult grant challeurs.
Et, le sabmedy ensuyvant, XVe jour d’icelluy moix, ont levez leurs
sièges de bon matin ; et ce vindrent mectre à Pargner, a plus hault de
Chastillon, au dessus du prey de Sainct Julien. Et, quant y furent
là arrivé, de prime venue commencèrent à couper les vignes, et à peller
les arbres, et à fauchier les bief. Et vêla tout les beaulx faicts que ce
jour firent. Puis, ce faict, [rallont a gisir en leur tante.
Le diemenche XVIIe jour du dit moix, il se repozonl de mal faire.
Item, le lundi XVIIIe jour dudil moix, bien mallin, il revinrent on dit
hault de Chastillon, et racomensont à coppeir, à palleir airbes. Et firent
dressier II grosse bonbairdes, qui traiont bien avant dedans Mets, assés
près de Saincte Creux, on hault de Jeurue; et trairent ledit jour XXIXcolp.
Et, tout le domaiges qu’elle firrent en la cité par les dite bonbairdes, il ne
luont homme, ne femme, ne anffans, ne bestes quelcunque, exceptés ung
petit chesson 1 qui estoit en une maixon, en arest entres II bixes 2 où qu’il
avoit II petit enffans, lesquelz anffans n’olrent oncque mal, par la graice
de Dieu.
Item, encor fisl la bonbairdes ung dopmaiges dont on fuit plus correcier :
car elle gettait en la courcelle Philippin Marcoulz, où il y avoit ung
luppin 3 de merjollenne; elle le brixait, de quoy la dame en menay grant
hahay.
Item, ledit jour devant dit, que, quant nous seigneurs de Mets virrent
que c'estoit des bonbairdes, il firent dressier deulx bonbardes dairien le
Nuef Pont, entre lez II rivière; et comansont à traire contre nous anemis,
tellement qu’il fuit dit pour vray que, celluy jour, il tuont X homme de
nous anemis; et fuit vray qu’il iuiont ung blan cheval, sus lequel il avoit
ung genlilz homme, lequelz n’ot point de malz.
Item, ledit jour, prinrent nous gens de Mets VI homme d’airmes, et les
enmenont en prison en Mets.
Item, encor le dit jour, XIII homme, de Noweroy devant Mets, por
taient vivre en l’ost. Et furent celluy sourprin, et enmonnés en Mets, en
prison.
Ancor b debveis savoir que le duc Chairle de Lorenne comandait à son
maistre bonbairdiés qu’il chergaist sa bonbarde tellement qu’il peusi
traire jusques la Grant Église de Mets; et, adonc, fuit brixiée la plus
a. Nous reprenons ici le texte du Doyen de Saint Thiébaut, établi par Mme Marot.
b. Nous supprimons ici, dans le texte du Doyen de Saint Thiébaut, l'histoire des
trois prêtres de Nancy, que Philippe a déjà contée p. 207-208.
t. Un chaton, un petit chat.
2. Patois bihhe, berceau.
3. Tupin, pot (de terre).
212
GUERRE ENTRE METZ ET LORRAINE (4 AOUT 1430)
grosses de cez U bonbairdes; et, depuis, il ne trayl ne cop, ne demey.
Item a, vint, ledit jour, sseigneur Comraird Baier, esvecques de Mets,
en la citeit de Mets, pour trouver traictiet entre le duc de Lorrenne et la
bonne citeit de Mets. Et en fisi] tout ‘ son effort, comme ung bon pasteur
doibt faire. De quoy la seigneurie l’en remercyat beaulcoupt ; et, avec
ce, lu y firent responce que jà traictiés ne paix n’en seroit faictes par
eulx, ne par aultres, tout le temps durans que le dit Charles seroit avec
puissance et à main armée en leur pays, comme yl estoit. De quoy, la
responce donnée, la chose demeurait en telz estât.
Item, le mercredy XIX* jour d’icelluy moix, ilz fauchèrent les bief,
et pelèrent les arbres, et couppèrent les vignes de plusieurs villes on
Hault Chemin. Et, ce faict, s’en retournoient tousjours logier en leur
logis.
Et devés sçavoir que, tous le tempts durans d icelle guerre, ne pour
puissance que le devant dit duc oit avec luy, ne pour doubtes de tous
aydans, nulles des pourtes de la cité n’en furent oncques plus tost ne
plus tart closes. Ne aussy l’on ne laissait à charier ne à mener vivres en
ycelle par lé dictes pourtes. Et sambloit que ce ne fust que mocquerie
de ce que les dits Lorrains faisoient. Car touttes leurs vaillances et
promesse n’estoit que de destruyre les biens de la terre ; et tenoit on en
la cité cy peu de compte de leurs faict que, à mon samblant, le gayt de
dessus la muraille n’en fut oncques de bien peu renforcyé. Et estoit
chacun citains réconfortés de ceu qu’il pouuoit advenir.
Item, quant ce vint le mercredy XXe jour dudit moix, plusieurs
d’icelle armée, c’est assavoir Regnier, duc de Bar, et son gendre,
passèrent, eulx et leurs gens, avec une grosse bande, le wez d’Olhxei ;
et puis c’en vindrent à passer tout par devant les deux pont . c est
assavoir le pont des Mors et le pont Thieffroy ; et boutairent les feu et
ardirent XII que ville que gaingnaiges par devers celle partie. Des
quelles la c ville de Vappey fut la première, comme l’on dit. Après ce
faict, s’en retournèrent, luy et ces gens, en leurs pays. Et disoient les
plusieurs que à ycelle heure yl s’en alloit en France devers le roy
Charles, son cousin, et duquel nous avons par cy devant parlé.
Cy me tairés de luy et revenrés à celle pestilancieuse guerre.
Or, retournons à celle guerre devant dite. Car vous devés sçavoir que
jà pour ce ne fut le duc qu’il ne persévérait en sa îellonnie et mauvais
voulloir.
Et tellement que, le jeusdy 1111e jour du moix d’aoust, fut mise sus,
de la part des dit de Mets, une grosse armée ; lesquelz à ce jour meisme
saillirent dehors aux champts par grosse bande, tant à pied comme à
cheval. Entre lesquelz estoient plusieurs gens de lignaige, tant chea. Nous reprenons plus haut dans le récit du Doyen ; Philippe, qui a utilisé tous Us
documents fournis par celui-ci, les a placés dans un ordre diffèrent.
b. Nous suivons ici, de nouveau, le ms. A.
c. La est répété deux fois, au bas de la page et au haut de la page suivante.
1. Olgy, hameau, commune d’Argancy, Moselle, Metz, Vigy.
M anuscrit
A
(A rchives départem entales de la Moselle)
Voyez t. I, In tro d u ctio n , p. xiv.
GUERRE ENTRE METZ ET LORRAINE (15 SEPTEMBRE 1430)
213
valliere comme escuyers. Sy furent les dit de Metz pour ce jour meisme
rancontrés en ung lieu que l’on dit le wey le Houton L Et, après
plusieurs copt donnés et ressus, ce tournait la fortune “dessus lesdit de
Metz : en fasson telle que, à celle rancontre, yl en fut prins le nombre de
cent et XVII, tous gens de guerres et à chevaulx. Mais, la Dieu mercy,
que la plus pairt des seigneurs furent eschappez. Car, entre yceulx,
n’y oit des prins que messire Nicolle Grongnat et Jacquemin Boullay.
Et fut dit et estimés que le butin lequel à celle journée les annemys
gaignarent, sans rien compter les corps des prisonniers, montoit bien
à la somme de XIIIm et VII0 frans. L’on ne scet a vray se aulcune
trahison y fut à ce jour faicte. Car, en celle compagnye, y avoit plu
sieurs Allemans, lesquelz, ung pou devant, avoient estez avec ledit duc
Charles au siège de Chastillon ; et puis c’estoient venus rendre à la cité
pour avoir gaige. Mais, à celle b rancontre, il furent tous prins et
emmenés avec les aultres.
Item, l’an dessus dit, le jour de feste sainct Laurans, les seigneurs de
la cité, acompaigniés de quaitre cent hommes à chevaulx, et environ
trois mil à piedz, cy c’en allirent bouter le feu en la ville de Moyeuvre ;
et fut toutte airse et brullées.
Puis, le jeudi ensuiant, qui fut au lundemains de saint Laurans, fut
ordonnés et comendés par la justice à la clergie de la cité de mestre
argent au chainge, chiés Jehan Laisné, le chaingeur, pour aidier à
maintenir ycelle guerre maldicte.
Et, en celluy tampts, y avoit en la cité tant et cy orriblement de
mouche, pour les bestes qui estoient à reffuge en Mets, que à paine les
pouoit on endurer.
Deffiance du duc dé Mon contre la cité. — Item, l’an dessus dit, le jour
de la Nattivités Nostre Danme, VIIIe jour de septambre, défilait la
cité le duc dé Mon, et son fîlz avec luy ; et tousjour à la requeste dudit
Charles et pour la recreances desdictes pomes.
Rodemack prinze par ceulx de Mets. — Le XVe jour dudit mois de
septembre, les seigneurs devent dit, gouverneurs et jesteur 2 de la cité
et administrateurs de la chose publicque, acompaigniés de leurs gens
d’armes, bien en nombre de VI cent chevaulx, et avec plusieurs piéton,
prindrent la ville de Rodemach ; et fut toutte airse et fouldroiées.
a. Ici Philippe a rayé sur les Messains, et repris se tourna la fortune.
b. Ici nous reprenons le texte du ms. M. Les passages que nous avons empruntés au
fus. A représentent deux feuillets et trois lignes, de Vécriture de Philippe de V igneulles ;
ceux que nous avons rétablis d'après la Chronique du Doyen de Saint-Thiébaut corres
pondent à peu près à un feuillet du ms. M. Il semble donc que trois feuillets seulement aient
disparu, et, dans ce cas, nous aurions comblé la lacune d'une manière complète. — Rien ne
s'oppose, matériellement, à cette hypothèse : le manuscrit, quand il est venu entre les mains
du relieur, devait être dans un état pitoyable, avec des feuillets isolés : c'est ainsi, au t. I,
que la suite du f° 416 est au f° 74, la suite du f° 74 au f° 72. Il est donc très possible que
notre ms. ait présenté ici une lacune de trois feuillets au moinent oà il a été mis entre les
mains du relieur ; en tout cas, le volume ne présente aucune trace des feuillets manquants.
1. La Hautonnerie, maison et ferme, commune de Louvigny, Moselle, Metz, Verny,
est désignée en 1404 sous le nom de La Grainge le Houton.
2. Gesteur, celui qui gère.
214
GUERRE ENTRE METZ ET LORRAINE (25 SEPTEMBRE 1430)
Et, avec ycelle, lurent encor airse VI aultre ville appartenantes audit
seigneur de Rodemach. De quoy on estimoit le dopmaige que lesdit de
Mets avoient faict montant à la somme de plus de L mil escus.
Item, tantost après ce fait et on meisme moix de septembre, revindrent arrier touttes les armée ce joindre ensamble : c’est assavoir le duc
de Bar et de Loraine, avec plusieurs chevalier et escuiers, estimés au
nombre de X mil, que ung, que aultre. Et, avec celle compaignie, vindrent ce abourder on Vault de Mets ; et, tout premier, ce mirent à
bouter les feu en la ville de Jeuxei ; paireillement en Vault, à Rouzerieulle et à Saincte Raffine. Et, avec ce, pour plus grand mal acomplir,
il laichèrent les vins qu’il trouvaient és cuves et en tonniaulx.
Et, alors, lesdit de Mets sont saillis dehors au champts ; et coururent
jusques a pont à Mollin, environ quaitre cent homme d’armes, et
plusieurs piétons. Mais bien viste furent rechassés par leurs annemis
jusques à la pourte là où alors estoit Sainct Simphoriens. Et là, en ce
lieu, mirent lesdit de Mets le piedz à terre, et vaillamment ce combaitirent ; et tellement ont résistés et assaillis leur annemis que par eulx
en fut prins environ LXIX, tous homme d’arme et à chevaulx, ausquelx on fist la plus pairt promestre de venir en Metz tenir prison ;
mais il en mantirent leur fois, et, comme on dit, n’y vinrent mye.
Aussy, à ce mesme jour, fut rué jus seigneur Warey de Tournoy,
chevalier ; paireillement le prévost de Chastenoy, et le capitanne de
Falquemont, et, avec yceulx, X aultres compaignon d’armes. Mais
Collin Paillat, l’eschevin et citains de Mets, y fut tués. Et fut dit pour
vray que, à celle rancontre, les annemis perdirent plus de VIIXX homme
de piedz ; desquelles n’en fut trouvés pour prisonniers que VII tant
seullement, car tous les aultres furent noiés, ce cuidant salver en la
rivier.
Nouvelle ordonnance en Mets. — Item, l’an dessus dit, fut faictes
une nouvelles ordonnance en Mets : c’est assavoir que chacune teste
au dessus de XII ans d’eaige devoit paier chacune sepmaigne ung
denier.
Or avint, par le comendement de justice, que, le maicredi après,
XXVe jour dudit mois de septambre, fut mise une rese 1 sus ; et telle
ment que, à celluy jour, les homme d’armes de la cité courrurent
jusques devent les pourte de la ville du Pont, et approchairent cy très
près qu’il tuairent deux des pourtiés d’icelle ville. Et, c’il ne ce fussent
tant hattés, et il eussent atandus leur compaignon, c’est assavoir la
grosse bande qui estoit encor derricrs, cen point de faulte il eussent
gaingnés la ville. Cy ramenèrent pour tout buttin ung prisonniers, et
grant plantés de beste.
Deux tour de noveaulx fondée en Anglemur. — Aussy, en celle meisme
année, fist la ville faire deux neusves tours on balle 2 en Anglemeur.
Quant le baille de Maizelle fut fait. — Et fut faicte de neuf le baille de la pourte à Maiselle.
1. Reise, expédition militaire en terre ennemie.
2. Bmie, enceinte fortifiée.
TRÊVE ENTRE METZ ET LORRAINE
(8
DÉCEMBRE
1430)
215
Et furent celle dicte année les murs et la ville de Sainct Mertin
devent Mets causy touttes aruynées et destruictes par lesdit de Mets,
et les pieres menées à reffaire la vanne de Wauldrinowe.
Et puis, ce fait, fut donnés trêves entre le devent dit duc de Loherenne et la cité, lesquelles dévoient seullement durer depuis la Concep
tion Nostre Damme en jusques à Noël ensuient. Et furent alors tout les
prisonniers laichiés sur leur fois ; et heurent respis et d’ung coustés et
d’aultres.
Journée entre ceulx de Mets et de Lorenne. — Item, 1 an dessus dit,
fut journée tenue pour le fait de la dictes hottée de pomme, et pour
le traictiés de la paix d’icelle maldicte guerre. Et tellement fut acordés,
par révérand a perre en Dieu seigneurs Conraird Baier, alors évesque
de Mets, et par messire Jehan, conte de Salmes, lesquelles seigneurs ce
prêtoient et faisoient fort en cestuit cas pour le devent dit duc Charles
de Loherenne, que tous prisonniers, d’ung cousté et d’aultre, seroient
et dévoient estre quictes, et en pouuoit chacun retourner en son lieu
tout franchement, par ainsy que desdicte pommez ne de la recreance
d’icelles jamaix ledit duc de Loherenne, ne aultres pour luy, n’en
debvoient rien demender aus dit de Mets ne à leur subject.
Et alors, après ce fait et acordés, ceulx de Mets renvoièrent tout
incontinent leurs prisonniers à Nancey par devers le duc, pour avoir de
luy leurs quictance, comme il estoit devent traictés. Maix ledit Charles
oit aultrez conseille, et n’en voult rien faire, ne ne les voult quictei
de leur sairment. Très bien il leur voulloit donner respit ; maix, pour en
pairler à leur seigneurs, c’en sont retournés les prisonniers à Mets.
Parquoy le conseil fut mis ensamble pour celle affaire. Et fut dit qu’il
seroient du tout acquictés cellon le traictiet qui avoit estés acourdés.
Et, tout incontinent après celle conclusion faictes, renvoiairent tous
lesdit prisonniers à Nancei. Et, de fait, leur fut dit et comendés qu il ne
retournaissent plus sus respit, c’il n’estoient du tout acquictés, comme
par lesdit seigneur évesques et le conte de Salme il avoit estés promis
et dit.
ij planelte en l’air.— Or advint que, en celle année meisme, le troi
sième jour du mois de febvrier, que il fist moult biaulx tempts et
chault. Et alors s’aparurent clérement deux plannettes en 1 air, qui
comencèrent à luyre à heure de vespre. Et couchoient, à 1 acomencement, bien près l’une de l’aultre ; mais, en moins de V sepmainne, elle
ce esloignairent forment ; et perdit l’une sa clarté, et ne sceust on
qu’elle devint. Parquoy on pouuoit conjecturer que c’estoit signi
fiance des grand guéri e qui alors estoient entre les prinsez et seigneurs
crestiens les ung aux aultres.
Costume abolie en Mets. - Item, ce fut aussy en celle dicte année que
la coustume cheut et faillit de donner au princiers et au abbés les
a.
M : reverad.
216
NICOLE LOHIER, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1431)
escueilles de poisson ; et paireillement les X livrez que on donnoit aux
Trèses et aux amans.
Paix criéez entre ceulx de Mets et Lhorenne, de peu de durée. — Item,
en celle meisme année, le premier jours de l’ans, de bonne estraine, le
conte de Salme publiait et fist publier la pais entre le devent dit Char
les, duc de Loherenne, et la cité de Mets. Et fut ce fait à Nostre Dame
la Reonde, a Grand Moustiet, après mâtine. Mais celle pais ne ce thint
point, comme cy après serait dit.
En celle année les loups occirent et estranglairent plusieurs anffans
par le pais de Mets.
Item, après ce que celle pais fut ainssy publiées en la manier que
avés oy, seigneurs Jehan de Haussonville, chevalier, qui pour lors
estoit mareschal de Lorranne, avec plusieurs aultres du conseille, par
despit de ce que lesdit de Mets ne leur avoient fourés le poing, et qu’il
n avoient heu le vin des prisonniers de la cité, c’en allairent devers le
duc Charles, leur seigneur ; et tellement l’ont informés de bourde et de
manterie que ledit Charles, injustement, rethint les prisonniers et ne
les voult quicter. Parquoy le conte de Salmes en fut fort mal contant ;
et, en despit de ce, il fist incontinent faire la guerre audit duc. De quoy
I une des partie ne l’aultre n’y gaignairent riens. Touteffois, par la
remonstrance d’aulcuns bien vueullant, on y trouvait acord ; et en fut
essés tost après la paix faictes.
Item, en celle meisme année, fut par fortune Jehanne la Pucelle
prinse et détenue par Jehan de Lucembourt, et puis livrée en la mains
des Anglois. Lesquelles, comme malvais et innicque, l’ont villainement
traictée a ; et à tort et sans cause l’ont fait morir, comme ycy après
vous serait dit.
Mais, affin que je ne tressaulte pas tant d’ungne matier à aultre, et
avant que de en plus dire, je vous dirés encor aulcune chose estre
advenue en ce tampts en la cité de Mets. Et, premier, serait dit du
maistre eschevin d’icelle, et qui le fut en l’an après.
Mil iiiic et xxxj. — Vous devés sçavoir que, en l’an après, que le
milliair couroit par mil quaitre cent et XXXI, fut maistre échevin
d icelle noble cité de Mets le sire Nicolle Lohiers.
Huchement fait. — En laquelle dicte année avindrent plusieurs
merveille. Et, premier, fut trouvés que, depuis l’Anunciacion Nostre
Damme en jusques au jour de la feste sainct Marc, on faisoit chacune
nuyt grant noise et grand huttin en la maison que fut le seigneur
Jehan Hesselin, curé de Sainct Hillaire le Grant ; et tellement que
touttes les nuit on y veoit gecter le feu, et rompre les tuilles de dessus
les toictz, et debrisier les huys et les fers des fenestres ; et ne ce pouuoit
sçavoir qui ce fist. Et tant que le Conseil en fut mis ensamble ; et fut
huchiez sus la pier en Mets que nulz ne nulles ne ce trouvait de nuyt
par la cité sans chandeille, sinon ceulx qui faisoient le gait.
«, M : taictée.
DISCUSSION ENTRE METZ ET LORRAINE POUR LA PAIX (1431)
217
Changement de temps. — Item, advint en celle meisme année, le jour
de la Translacion sainct Clément en maye, au quelle jour alors estoient
les vigne très belle et bien chargées, tant autour de Metz comme on
pais d’icelle, et faisoit moult biaulxtampts,etftantost, à ce jour meisme,
à heure de nonne, le tampts se changeait, et gella depuis celluy jours
jusques a XVIIIe jour dudit mois, tant que les vignes furent touctes
perdues par oultre la rivier de Saille.
Violence faicle par iij prebstre. — Aussy, avint, en cellui tampts, le
derniers jour du moix de may, que seigneurs Michiel Adam, alors
curey de Saint Victor en Mets, seigneur Dimanche, d’Yvoixe, et Jehan,
dit le Vicaire, avoient prins une jonne femme et l’anmenoient nuytamment ; mais elle fut rescousse. Et furent les devent dit pour ce
méfiait tous trois prins et menés on Pallas ; et depuis furent banis
V ans, et pour amande paièrent tous trois ensamble la somme de
Vlxx livrez.
Traictement de paix. — Item, en celle dicte année, le devent dit
seigneur Conraird, évesque de Mets, s’en alla devers le duc Charles de
Loherenne, pour luy remostrer la faulte qu’il avoit fait d’avoir détenus
les prisonniers depuis le premier jour de janvier, auquelle le raport du
traictiet de la paix avoit estés fait. Et, dès alors, ledit duc de Lohe
renne donnait le respit audit seigneur Nicolle Gronnat et à la capitaine
des soldoieur de la cité, lequelle estoit appellé Nistre. Et, le VIIIe jour
du moix d’aoust, revint en Mets ledit seigneur évesque, et le conte
Jehan de Salme, pour parler aux seigneurs d’icelle pour aulcune
demende qu’ilz disoient que le duc Charles demendoit ; et demoura
encor la chose en tel estât.
Ung prebstre condempnês aux pain et à l’iawe. — En celluy meisme
tampts, fut prins en Mets ung prebstre, nommés messire Pier, pour ce
qu’il avoit fait plusieurs larresins ; et fut randus audit seigneur évesque
pour tel qu’il estoit. Et fut ce prebstre par ledit seigneur condempné
au pains et à l’yawe en chairtres parpétuelle, sault et réservés la
graice dudit seigneur. Touteffois, depuis, il oit sa grâce ; et fut renvoiés à Romme pour le réabilliter.
Deffences de ne paier cens aux iiij ordre mendiant. — En l’an dessus
dit, le VIIIe jour de septembre, firent dire et anuncier les seigneur et
gouverneurs de la cité de Mets que nulz ne nulles ne paiaissent aux
quaitre ordres mandians nulle cens ne nulz louuier d’ostel que on leurs
devoit, fors que à ung clerc commis par lesdit seigneurs, sus la somme
de X livrez de messins d’amende. Et fut celluy argent mis en plus
grant proffit pour les dictes ordres.
218
JEANNE D’ARC BRÛLÉE A ROUEN (30 MAI 1431)
[JEANNE D’ARC BRULEE A ROUEN ; SUITE DE LA GUERRE
DE CENT ANS]
La pucelle Jehanne brullée à Bouuen. — Maintenant, vous veult
quelquez peu laissier le pairler de celle guerre des Loherains et des
affaire de la cité, et veult retourner à la mestier acomencée touchant le
fait de Jehanne la Pucelle. Car, comme ycy devent ait estés dit, il est
vray, cellon plusieurs cronicques, que, environ la fin de l’an devent,
c’est assavoir en l’an mil quaitre cent et XXX, messire Jehan de
Lucembourc, les conte de Hantone et d’Arondel, anglois, mirent le
sciège devent Compiègne sur les François ; et avec yceulx Anglois
estoient les Bourguegnon. Et, pour donner secour à la ville, la Pucelle
y alla avec belle compaignie, et antra dedans. Mais, à celle heure,
Fortune lui tourna le dos ; car, ainssy comme ung jour l’on fist ung
escarmouche devent ycelle ville, à laquelle saillit la dicte Pucelle pour
assaillir les annemis, et, ainssy comme elle vit que la chose ne ce pourtoit pas bien à leur proffit, elle voult retourner en la ville ; et fut cy
très fort pressée des gens d’armes que luy estoupoient le passaige
qu’elle fut prinse par ung Picard, lequelle incontinent la donnist à
Jehan de Lucembourgc. Et celluy Jehan, comme malvaix, la vandist
aux Anglois. Et, tantost qu’il l’eurent en mains, cruellement la traictèrent. Et, par grant hayne qu’il avoie au Fransoy, et aussy pour ce que
elle, estant femme, usoit de vestement d’homme, pour ces raison, la
firent brûler à Rouen.Néantmoins que, avant qu’il eussent prononcer la
santance, fut la dicte Jehenne interroguée devent divers juges, tant
spirituel que tamporel, et en plusieurs consistoires. Et d’elle fut enqué
ris plusieurs chose touchant la foy catholicque ; car il cuidoient et
creoyent que Charles eust prins ceste femme instruicte par art magique
pour c’en aydier par quelque malvais art de sorcerie ou aultrement.
Et, combien que la pouvre fillette ce deffandit disant qu’elle mectoit
soy, avec tout ce qu’elle avoit fait, à l’examen du sainct sciège apostolicque, néantmoins elle ne poult estre acoutée envers les tirans. Ains,
par flaterie, plus pour complaire a princes que par bonne justice, ont
les malvais conseilliers, aweuglés par inicque affection, procuré la
condamnacion de celle bonne et juste Pucelle, comme c’elle fut coulpauble, pécheresse et malfaicteresse. Et fut ce fait en l’an devent dit
mil quaitre cent et XXXI, on mois de may. Et, ainssy, avés oy la
fin de la pucelle Jehanne, pour laquelles sont estés depuis plusieurs
chose faictes et dictes, comme en aulcuns lieu ycy après pourés oyr.
Et, avec ce, ont estés composés plusieurs biaulx mectre, tant en françois comme en latin, desquelles j’en ais ycy mis aulcuns, dont la tenour
c’ensuit 1 :
1. Il nous a été impossible de rétablir le texte correct de ces vers.
LES ANGLAIS BATTUS A SAINT-CELERIN (SEPTEMBRE
1431)
219
Gallorum pully tauro nova bella parabunt ;
Ecce béant bella, fert tune vexilla puella
Bis sex cuculy bonis septem sociabunt
Per hune versum denontiatur miseris en vis.
Item fuit etiam pronosticatum per alia metra :
Cum fuerint anni completi mille ducenti,
Et duo sex déni fuerint in ordine pleni,
Et duo sex venient a vergore Remi,
Tune périt Anglorum gens pessima fratre desnoii.
Par cy devent avés oy l’assiègment de la ville de Compiègne,
auquelle fut prinse la devent dicte Pucelle. Cy devés sçavoir que celluy
sciège, mis par les Anglois et Bourgongnon, durait VIII mois ; et
tellement que, après la prinse de la dicte Jehanne, c’est assavoir en
cest présante année mil quaitre cent et XXXI, fut ledit sciège levés à
l’onneur des François, et à la confusion des Bourguignon et Anglois,
par le conte de Vendosme, lieutenant du roy, et par le sire de Boussat,
mareschal de France. Et, en le levant, furent plusieurs Anglois, Borguignon et Picars occis. Dedans la dicte ville estoient messire Philippe
de Gamaches, abbé de Sainct Faron de Meaulx, et ung capitaine,
nommé Guillaume de Flavy, lesquelles c’y portèrent très vaillam
ment.
Plussieurs ville réduide aux François. — Item, paireillement en ce
tampts fut réduite à l’obéissance du roy la ville et chasteau de Melun,
de Provins et de Mouret en Gastinois A
Aussy, en ce tampts, mon seigneur de Barbazan, ancien chevalier 12,
mon seigneur Eustace de Conflans, capitaine de Chaalons, le bourg 3 de
Vignolles, frère de la Hyre, acompaigniés de quaitre mil ou environ,
desconfirent les Anglois et Bourguignon en ung lieu appellé la Croisette, près de la ville et chasteau de Sarré 4, vers Chaalons. Et estoient
yceulx Anglois et Bourguignon de VII à VIII mil, desquelles n’en
eschapa guères que tous ne fussent ou mors ou prins ; les prisonniers
furent estimez VIe. Et, touttefïois, des François ne moururent que
quaitre XX ou environ.
Item, advint, encor en celle année, que le sire de Loré, mareschal du
duc d’Alençon, et plusieurs aultre grant seigneur, acompaigniez de
LX à IIIIXX lances et de VII ou VIIIXX archers, voulans secourir au
siège de Sainct Célerin, assaillirent les Anglois en ung village nommé
1. Moret (en Gâtinais), Seine-et-Marne, Fontainebleau.
2. Dans Jean Chartier (éd. Vallet de Viriville, Paris, Jannet, 1858, t. I, p. 128)
messire Barbazam est appelé « un ancien (vieux) chevalier moult subtil en guerre s.
3. Bovrg, ou mieun'bourd : bâtard.
4. Sarry, Marne, Châlons-sur-Marne.
220
HENRI IV D’ANGLETERRE COURONNÉ A PARIS (17 DÉCEMBRE 1431)
Binaing
près de Beaumont le Vicomte. Desquelle Anglois furent
occis V ou VI cent. Et y fut prins ung capitenne anglois, homme de
grant renommée, nommé Matago 2. Et, des François, n’en n’y oit à
celle fois que XX ou XXX des mors. Mais ledit sire de Loré et plusieurs
aultres des dit seigneurs y furent fort navrés.
En ce meisme tampts, le bastard d’Orléans, la Hire et messire Flo
rent d’IIliers prindrent moult subtillement la ville de Chartres ; où fut
tué 1 évesque dudit lieu, natif de Bourgongne, et plusieurs aultres.
Le roy Hanrei d'Angleterre coronnés à Paris. — En ce meisme ans,
Hanry, roy d’Angleterre et filz de Katherine de France, aagé de
XII ans, et acompaigné du duc de Bethefort, du conte de Varvich et
d'aultres plusieurs, fut couronnés à Nostre Damme de Paris par le
cardinal de Vicestre, où il fut honnorablement receu comme roy.
Aussy, le sire de Gaucourt, lieutenant pour le roy de France en
Daulphiné, et Rhodbigues de Villendras 3,
* 1desconfirent
2
vaillanment le
prince d’Orenge on dit pais ; en quoy faisant il gaignèrent honneur et
chevence.
Item, le conte d’Arondel, anglois, desconfit près de Biauvais le sire
de Boussat, mareschal de France, et Poton de Saintrailles, capitaine
gascon, qui lors fut prisonnier aux Anglois.
Plussieurs course et riblerie entre François et Anglois. — Pareille
ment, en ce tampts, le conte de Vaudémont et le mareschal de Bour
gongne desconfirent le duc de Bar et le seigneur de Barbazan, qui
tenoient le sciège devent une ville. Et fut ledit duc prisonnier, et le
seigneur de Barbazan mort, comme cy après serait dit.
Item, fut levé le sciège de devent Lagni sur Marne, que le duc de
Bethfort y avoit tenus l’espace de VI ou VII mois, dont il en y a oit
plusieurs des mors d’ung cousté et d’aultre.
Pareillement, ledit ans, on mois de septembre, messire Ambrois,
sire de Loré, fist une course devent Caen, le jour de sainct Michiel ;
où il print environ trois mil prisonniers, tous homme de fait, sans les
gens d’Église. Ledit messire Ambrois fist une aultre desconfiture
d Anglois devent Fresne le Viconte ; et encor une aultre près de Silly,
sur les Anglois de Saincte Susanne.
Aussy, en ce mesme tampts, Guillaume de Sainct Aulbin, ayant
environ LXXX combatant, fist une destrousse d’Anglois en ung
villaige du païs du Maine, nommé La Fougère.
La mort de pape Merlin; Eugenne, successeurs. — En ce mesme ans,
et le derniers jour de février, trespassa le pape Martin ; auquelle succéda
Gabriel, vénicien, cardinal de Senes, esleu on conclave du monastère
a.
M : en n’y oit.
1. Dans la Chronique de Jean Chartier (éd. Vallet de Viriville, Paris, Jannet, 1858,
t. I, p. 136), ce village, situé « environ demye lieue » de Beaumont sur Sarthe, est
appelé Vinaing, Venaing.
2. Mathago dans Jean Chartier, ibid., id. C’est Mathew Gough.
3. Rodigues de Villandras, dans Jean Chartier (éd. Vallet de Viriville. Paris, Jannet,
1858, t. I, p. 144), est un capitaine espagnol, nommé Rodrigo de Villa Andrando,
JACQUES DE MIRABEL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1432)
22l
de Minerve, sans contradiction, le quaitriesme jours de mars, et apellé
Eugène, quaitriesme de ce non V Celluy couronna l’empereur Sigismond ; et fîst biaucopt de biens l’espace de XVI ans qu’il vesquit.
Et, tantost après, commença le concilie de Basle, onquel présida
Julian, cardinal de Sainct Ange, qui par avant avoit esté député
ad ce faire par le devent dit pape Martin, selon la conclusion prinse
on dernier concilie tenu à Constance. Et en ce concilie fut cité le dit
pappe Eugène, comme ycy après serait dit quant tampts vanrait d’en
parler.
Mais de ces chose ne dirés plus pour le présant, ains retournerés aus
maistre eschevin de la cité de Mets et aux aultre affaire que durant
ce tampts advindrent en ycelle et és pays joindant.
[de LA MORT DE CHARLES Ier, DUC DE LORRAINE,
LE 25 JANVIER l43l,
A LA PAIX ENTRE RENÉ D’ANJOU ET ANTOINE DE VAUDÉMONT,
EN l433]
L’an mil iiiic xxxij. — En l’an après, et que le milliair courroit
par mil quaitre cent et XXXII, fut maistre eschevin de la dicte cité
le sire Jacque de Mirabel.
Et, en celle année, furent randue les cences ausdictes quaitre ordres
mendientes ; lesquelles, l’an devent, leur avoient estés ostée, comme
il ait estés dit.
Et, en celle meisme année, donnait le devent dit duc Charles respit
a LXXVI soldoieurs allemans qu’il tenoit en prison, de ceulx de Mets,
par condicion telle qu’il paieroient quaitre mil et XVIIe franc.
Trahison d’ung citain de Mets. — Or, avint, en ycelluy tampts, que
ung citains et amans de Mets, nommés Jehan de Tholo, et plusieurs
aultres, voulrent vandre et trayr la cité.
Mais, ce tampts durant, revindrent yceulx soldoieur devent dit en
Mets. Lesquelles, après ce que les seigneurs du conseil d’icelle solrent
leur venuee, et qu’il furent advertis de leur ranson, ilz firent inconti
nent faire ung huchement que nulz ne nulles de leurs subgectz et
manans ne prestessent ne ne donnassent à nulz desdit soldoieurs or ny
argent pour leur dictes ranson à faire, sur la somme de X libvrez de
messins et au regart de la justice. Car nullement il ne voulloient qu’il
ce rachetaissent, ains les voulloient ravoir franc et quictes, celon le
traictiés devent fait par le dit évesque.
Item, après ce, avint, en la dite année, le VIIIe jour de septembre,
environ les VIII heures du mattin, que celle trayson devent dictes
1. Eugène IV (Gabriel Condolmer, vénitien, cardinal-évêque de Sienne).
222
MORT DE CHARLES Ier, DUC DE LORRAINE (25 JANVIER 1431)
fut révellée aus seigneurs de la cité par ung mairchampts demourant
en Wezegnuef, nommés maistre Jehan Flevevantre. Et dit ledit maistre
Jehan audit seigneurs touttes la manier cornent Jehan de Tollo,
l’amant cy devent nommés, voulloit trayr la cité. Et, quant ledit
Jehan de Tholo le soit, il s’absentit de Mets ; et s’en aillait fuyant au
Pont à Monsson. Et dévoient entrer les annemis par une petitte porterne qui encor est on champts Némery, par laquelle, en celluy tampts,
les seigneurs et damme de la cité alloient au tampts d’estés a soullas
après souppés, et ce alloient recréés au loing du rivaige de l’yawe
(car, en ce tampts, le Saulcey n’estoit encor point fait) ; mais main
tenant celle pourtenne est fairmée et emmurée, et n’y vait on plus.
Et en fut celle trayson cause. Quant celle traïson fut ainssy escusée
en la manier qu’avés oy, furent alors la plus part desdit traistres prins
et noyés, mais non pas tous, car une partie se salvairent et c’enfuyrent.
Et alors fut ledit maistre Jehan Flauvevantre affranchis tout sa vie ;
et luy fut donnés la haulte prébande de l’Ospitaulx, et luy en fuient
faictes bonnes lestres, laquelle fut sceellée des ceaulx de tous les parraige de la cité ; et, avec ce, luy fut donné cent libvrez pour une fois,
et fut quicte et affranchis de toutte malletoute et aultre ayde. Et
ainssy apart * que la seigneurie d’icelle cité ne sont point ingrat à ceulx
qui le mérite, et qui biens leur font.
Gros vent. — Item, en celle dicte année, le mardi lendemain de feste
sainct Vincent, il encomença à faire ung merveilleux vent ; et fîst ce
jour 1 ung des fort et malgracieulx tempts que on vit oncque faire.
Car les maison en plusieurs lieu tomboient, et en y oit maintes des
abatue en terre. Et, avec ce, cheoient les tuilles de dessus les maison
et les escailles de dessus les cloichier tellement et à cy grande abon
dance que on n’oisoit yssir hors des maisons.
Charles de Lorenne mors. — Et disoit on que non sans cause ce
esmouvoit aincy le tampts, car pour celluy jour morut le devent dit
Charles, duc de Loherenne. Après la mort duquelle damme Mergueritte, la duchesse sa femme, fîst tous délivrer les prisonniers de Mets
lesquelles estoient encor à celluy jour en prison ; et les fîst la damme
mettre et lougier par les hostel aval la ville de Nancey. Et semblable
ment le firent lesdit de Mets.
Les prisonnier aincy laichiés, comme vous avés oy, et d’ung coustés
et d aultre, depuis ce tampts, en Ausçay, le devent dit seigneur évesque,
et son compaignon, le conte de Salme, lesquelles plusieurs fois ce avoient
heu entremis de celle paix à faire, ne cessairent de ces jours en avant
de traicter et d aller d ung coustés et d’aultres ; tant que une journée
fut assignée par les parties au lieu de Nancey. Pour laquelle journée
à tenir y furent comis, de part la cité, seigneurs Jacques Dex, messire
Nicolle Louve, chevalier, et Poincignon Baudoche, escuier, auquelles
fut donnés plains pouvoir et puissance de tout apaisanter.
i. Appert, de apparoir. — Le p est barré, par une distraction ou une erreur de Phi
lippe de Vigneulles.
PAIX ENTREpÆETZ ET LORRAINE
(19
AVRIL
1432)
223
Paix du tout acourdée entre ceulx de Mets et de Lorenne. — Et telle
ment y ont besoingniés que la paix en fut faictes et scellée le samedi
XIXe jour du moix d’apvril, l’an dessus dit.
Puis advint, tantost après, que Regnier, alors duc de Bar, lequel
avoit espousée l’année fille dudit Charles, duc de Loherenne, se fist
mettre en possession de touttes les bonne villes, prévostés et chastellerie dudit duchié de Loherenne ; et firent tous comunement, seigneurs,
balif, prévost et bourgeois, fealtés et homaige en sa mains (les aulcuns
le firent par paour, et les aultres par leur bonnes voulluntés.)
Division entre Régné, duc de Bar, et Anihoinne, conte de Wauldémonl.
— Mais, tantost après, c’est assavoir ledit ans, le jour de cathedra
saincii Pétri, on moix de febvrier, Anthonne, conte de Waudémont,
qui estoit filz de Ferrey, frère germain audit duc Charles trespassés,
print les armes de Loraine, et ce cuida pareillement mestre en posses
sion, comme le plus droit hoirs. Maix tous luy firent refïus et luy furent
contraire. Parquoy, bien peu de tampts après, ledit Anthonne se
despartit du pais ; et c’en aillait en la duchié de Bourgongne et en
plusieurs aultre pais pour besoingnier et ce proveoir en sus cest affaire.
Vézelize prinze par le duc Régné. — Et, ce tampts durant, ledit
Regnier, duc de Bar, soy disant duc de Loherenne, fist grant amasse
de gens et assamblait une grosse armée. Puis s’en allait en la conté de
Wauldémont, en laquelle il fist plusieurs mal et grant dommaige ; et
print la ville de Vézellize, et plusieurs aultre chasteau et forteresse
appartenant audit Anthonne.
Duchesse de Lorainne en Mets. — Item, l’an dessus dit, le macredi
XXIIe jour de may, damme Mergueritte, duchesse de Lorrainne et
femme que fut audit duc Charles, vint en Mets, à moult belle compaignie. Et luy fist la cité présant de deulx baichetz 1, quatre grant
carpes, trois grans barbelz, et six grosses anguilles, et ung grant saulmon, trois gras beufz, XXV gras mouton châtrés, et trois cawe de
vin moult bons. Et furent encor plusieurs aultres personne qui lui firent
présant particulièrement.
Item, encor en celle dicte année, le dit Regnier, duc de Bar, soy disant
duc de Lorrenne, comme dit est, refist arrier grand mandement ; et
allait mettre le sciège devent Widémont, et y demoura environ XV jour.
Et, en cellui termine, la contesse du lieu, femme audit conte Anthonne,
gisoit d’anfant en la ville de Janville 2 ; et n’avoit encor alors geu que
XII jours. Sy se partit du lieu, et s’en alla aprez son mary, et fist tant
qu’elle le trouvait, et lui dit la grant perte et dommaige de son païs.
Et, quant il oyt ces nouvelle, il ce despartit de sa femme et sa femme de
luy ; et mandairent tous leurs amis ; et firent tant qu’il assamblairent
environ V mil homme de guerre et plus, tant à piedz comme à chevaulx, et environ Ve arballestriers et archiers. Et, alors, mirent ordon
nance en leur fait, tellement qu’il gaignairent la besongne et obtindrent
partie de leur voulluntés.
1. Béchet, brochet.
2, Joinville, Haute-Marne, Vassy.
224
BATAILLE DE BULGNÉVILLE (2 JUILLET 1431)
Quant ledit duc de Bar oyt les nouvelles, il refit arrier ung nouviaulx
mandement par tout son païs et aultre païs joindans à luy apartenant.
Tellement qu’il assembla bien XII mil hommes à chevaulx et X mil à
piedz, tant arbalestrier, archier comme aultres pincquairs 1. Et parti
rent d entour Nancy ; et enmena celle dicte armée en intencion de
trouver ledit conte Anthonne ; et tant le saircha que, le lundi deusiesme
jours de juiellet, il ce trouvairent entre le Neufchastel en Loherenne
et une ville appellée Bullenéville. Et là requièrent bataille audit conte
de Wauldémont, laquelle ne luy fut pas renfusée ; ains fut journée
mise et d’ung coustez et d’aultres.
Victoire du duc Anlhoinne, conte de Waldémont. — Et fut vray que,
le deusiesme jour de feste Processi et Martiniani, environ les VIII heu
res, ce assamblairent les partie, et fut faictes ycelle baitaille très cruelles.
En laquelle morurent moult de vaillans chevalier et escuiers : c’est
assavoir, pour le premier, ce fut ledit Jehan, conte de Salmes, le conte
de Salverne, seigneur Barbasant, chevalier sans reproche, et moult
d’aultrez gens nobles et de bonne maisons ; et, par espécial, plusieurs
des nobles gentilz gens d’Allemaigne. Et furent trouvés des mors bien
en nombre de XXVIIIe personnes. Et y furent prins moult de vaillans
gens prisonniers et menés en Bourgongne : c’est assavoir ledit Regnier,
duc de Bar, messire Conrard Baière, messire Thiederich Baière, messire
Rodemach, le sire de Boullay, et plus de mil aultres, que chevalier,
que escuiers. Celluy jour meisme et en celle baitailles, plusieurs d’entre
eulx furent bien gairdés d’estre prins ne d’estre rués jus en la bai
tailles : car, tout a plus tost qu’il virent la besongne acomencée, il
tournairent le dos et s’en fuyrent, et la milleur armure qu’il olrent, ce
fut la pointe de leur esperon. Desquelles les nons d’aulcuns s’ensuivent :
premier, le seigneur Robert de Commercy, le seigneur Robert de
Baudrecourt, et messire Jehan de Hassonville ; lesquelle, comme laiche
et recrus, c’en retournairent en leur hostelz, et, avec eulx, plus de deux
mil hommes armés. Et par le defïault d’icelle ayde furent une partie
des aultrez ou mors ou prins. Et par ainsy gaingnait la bataille le dit
Anthonne, conte de Wauldémont.
Laicher fais de plussieurs prisonniés. — Or, avint, en celle meisme
année, que le seigneur Nicolle Louve, chevalier, et citains de Mets,
soult et fut imformé que plusieurs pouvre homme du païs de Mets,
jusque a nombre de XV, estoient demouré prisonnier à Nancey pour
leur despans, montant à la somme de cent et L florin d’or. Lequelie
seigneur Nicolle Louve, en pitiés et charités, paiait celle somme, et les
envoiait quérir au lieu de Nancey pour l’amour de Dieu et de la benoitte
vierge Marie. Lequelie luy rande en son benoy paradis ! Amen.
Conraird Baier, évesque, paie xv mil salus de renceon. — Item, celle
meisme année, messire Conraird Baier, évesque de Mets, revint de
prison ; et paiait pour sa ranson la somme de XV mil sallus d’or (XV
1. Piquare, piquier.
ORDONNANCES FINANCIÈRES A METZ (SEPTEMBRE 1432)
225
sols, monnoie de Mets, pour piesse ; et ne vailloient plus pour lors).
Et, quant ledit seigneur fut venus en Mets, il mandait touttes la clergie
et les bon homme de plusieurs de ces villaige, auquelle il fist sa hairangues et sa complaintes, leur remonstrant sa fortune et nécessité ;
et, ce dit, leur demanda qu’il luy voulcissent aidier d’aulcune somme
d’argent, c’est assavoir, au curés de Mets et dez bourgz d’icelle, cent
livres. Dequoy les aulcuns escourdoient essés à sa demande, et furent
contans ; et les aultres non. Et demoura la chose en cest estât ung peu
de tampts après, durent lequelle furent tenus les segne à Vy, et y
furent mandés tout les curés de la cité de Mets et de l’éveschiez d’icelle.
Ordonnances à Mets. — Puis, après, en l’an dessus dit, le premier
samedi de septambre, furent comis par le conseil de la cité Jehan de
Vy, l’eschevin, messire Nicolle Louve, chevalier, messire Simon Noiron,
et le trésorier, pour recepvoir aulcuns argent chacune sepmainne :
c’est assavoir, les XII deniers des mollins, les deniers des testes, l’issue
des vins par les pourtes, les deux deniers des buttes des quairthiers,
et le XIIe des vins vandus à broiche 1 ; pour et afïin de mettre à part
celluy argent, et puis randre à chacun les sommez qu’il avoient prestés
parmy la guerre devent dicte du duc Charles. Et furent tous les rolles
délivrés à Jehan Mazeroy, alors clerc des eschevins, qui, comme clerc,
fut commis avec les dessus nommés.
Item, en ce tampts, furent tresves acordée depuis le mois d’aoust
jusques a lundi après feste sainct Martin d’yver, entre ledit Anthonne,
conte de Waudémont, et la duchiez de Loheranne.
Course faide sus le paiis de Bar et de Lorenne. — Auquelles tampts
durant, Waichellin de Braibant, seigneur de Conquelat, accompaigniés
de plusieurs malvais garson, commença à courre sur le pais de Bar et de
Loheranne. Et y fist plusieurs grand dopmaige ; entre lesquelles furent
rués jus, pour une fois, plus de XXXV chers de merchandise apparte
nant a Lorains et Barisiens, qui wailloient et estoient estimés à plus
de LX mil frans. Et disoit ledit Wainchelin et c’en vantoit que jamais
ne fineroit de prandre et rués jus marchampts et aultre gens, jusques à
tant qu’il raveroit ses perdre qu’il avoit heu à la journée dessus dicte,
quant il fut rué jus. Mais les aulcuns disoient qu’il le faisoit entendant
pour récupérer son honneurs de la fuytte qu’il avoit faict avec les
aultres devant nommés.
Puis, le meisme ans, le lundi aprez feste sainct Mertin d’yver, et que
les devent dicte tresves furent faillie, ledit Anthonne de Wauldémont,
accompaigniés de environ VIIe hommes d’armes, sy comme on disoit,
s’aprouchait pour entrer on pais de Loherenne. Maix, quant les gou
verneurs d’icellui pais le sceurent venant, il envoièrent par devers ledit
conte, en priant, pour Dieu, qu’il volcist remettre les triefves plus
avant de XV jours. Et furent acordées ; et encomencèrent dès lors à
traictier la paix dez ycellui jour en avant.
Dispocision de l’année. — La saisson d’icelle année fut belle et bonne ;
1. Vendre du vin à broche, le vendre au détail ; s’oppose à : vendre en gros.
LE DUC DE BRUNSWICK A METZ (1432)
et lurent lez vignes du païs entour de Mets cy très belle et cy meurs
que de LX ans devent l’en n’avoit veu la paireille année. Et, avec ce,
furent les vins d’icelle année cy très parlaictement bons, et en oit
on cy très grand plantés, que c’estoit chose merveilleuse ; et tellement
que on avoit la cawe du milleurs pour XX sols de la dite monnoie.
L’abbé de Sainct Arnouli en dangier. — Item, avint, en l’an dessus
dit, que messire Simon Follin, alors abbey de Sainct Arnoult és bourgz
de Mets, mist en prison l’ung de ces moine, appellés messire Jaicques
de Pumérieulx, pour tant qu’il en avoit pourtés les Chartres de l’abbaïe
dudit Sainct Arnoult en certains lieu et ne les voulloit randre ne enseignier. Dont il avint que les aultres moine dudit Sainct Arnoult, sans le
sceu de leur abbé, mandairent secrètement les amis dudit messire
Jaicquez, bien en nombre de XXXVI, et, avec yceulx, ont assaillis
l’abbaïe nuytanment ; et cuydoient à force ravoir ledit messire Jac
ques. Mais il faillirent, car ceulx de la cité y acoururent ; et furent
lesdit amis frustré de leur intencion. Parquoy, justice voyant la faulte
desdit amis, furent ung chacun comdampnés à l’amende de X libvrez
de messins, et avec ce banis deux ans.
Ung bourgeois de Mets en dangier d’estre noies. — Or, avint, encor en
celle année, une avanture assés estrange. Car, le jour de feste sainct
Andrieu l’aposte, fut ung homme, appellés Jehan Régnault, citains de
Mets, lequelle, environ les VIII heure de nuyt, ailoit et passoit sur le
pont Sainct George. Et, illec, par trois homme que on ne scet quel il
sont, fut ledit Jehan ampoigniés, et à force et malgrez lui fut par lesdit
trois homme viollantement gectés des dessus ledit pont en la rivier de
Muzelle ; et le cuidoient avoir noyés. Mais, la Dieu mercy, il en eschappait, et fut rescous. Et, alors, fut ordonnés par le Conseil que nulz ne
nulles n’allait de nuyt avault la ville après ce que une cloche, qui est en
l’église collégialle de Sainct Saulveur, averoit sonnés demy heure.
Aussy, en celle année, le samedi devent Noël, furent remis et ostés
les denier des testes, lesquelles avoient estés mis sus à la devent dicte
guerre.
Item, paireillement en l’an dessus dit, le lundemain de la Conversacion sainct Pol, furent acordées nouvelles triesves entre les gens dudit
duc de Bar et le conte de Vauldémont. Et fut dit que aulcuns noblez
du pays, chevaliers et escuiers, estoient chergiés du débat qui estoit
entre eulx dudit duchié de Loherenne, et en dévoient oultraiement 1
déterminer par devent nostre sire l’ampereurs ; et crantirent les partiez
de tenir fermes et estauble tout ce que les arbistre en rapourteroient.
Et alors se despartirent les gens d’armes des garnison d’une des parties
et d’aultres.
L’entrée du duc de Brunswiche à Mets. — Paireillement, en celle dicte
année, ung grand seigneur, duc de Brosewicquez, acompaigniés de
Vlxx hommes d’armes, vindrent abourder en Mets, auquelles les sei
gneurs d’icelle firent ung joieulx rescueil. Et luy firent présant de deulx
1. Outréement, en dernier ressort.
ALBERT BQULLAY, MAITRE ÊCHEVlN DE METZ (1433)
227
cawe de vin, deuix gras buetz, et de cent quairte d’avoinne ; et luy
fist on grand teste. Et démolirait en ycelle cité par l’espace de X jour,
auquel durans le furent les seigneurs d’icelle plusieurs fois visités.
Et puis, après, il ce despartit ; et c’en allait par devers le roy en France,
pour demender sa fille en mariaige pour ung des fdz du duc d’Austriche.
Et le conduirent lesdit seigneurs jusques à la ville de Conflans.
Aussy, en celle meisme année, duroit tousjours celle maldictes et
enracinée guerre entrez les François et les Anglois.
Et tellement que, en celluy tampts, le duc de Bretagne, acompaignié des Bretons et Anglois, assiéga le duc d’Alençon en une sienne
place, nommée Poencé L Et, assés tost après, le conte d’Arondel,
anglois, print Bonmolins par composicion, et puis la fist destruire.
Après ce, print on Maine ung chastel appellé Orthé. Paireillement, fut
prinse par les Anglois la ville de Lovières 2* 1en Normendie, et puis
destruicte.
Item, le dit conte d’Arondel print le chastel de Sainct Célerin, après
ce qu’il y eut tenu le siège l’espace de trois ou quaitre mois. Aussy
print par assault le chasteau de Sillé, celluy de Mellay et celluy de
Sainct Laurens des Mortiers.
En ce mesme ans, La Hire, Poton de Sintrailles et le seigneur de
Mostrerollet 3 reparrant4 de la ville de Gerberoy ; et, tantost après,
il desconfirent ledit conte d’Arondel, lieutenant du roy d’Angleterre.
Et y fut ledit conte tellement navré qu’il en mourut à Beauvais, où il
fut amenés prisonniers.
Mais de ces chose ne dirés plus pour le présant, ains retournerés a
maistre eschevin de Mets et à plusieurs auitres besongne.
L’an mil iiiic et xxxiij. — L’an après, quant le milliair courroit par
mil quaitre cent et XXXIII, fut alors maistre eschevin de la cité de
Mets le sire Aubert Boullay.
Régnault le Gournaix prins prisoniés par le seigneur de Comercei. —
Et, en celle meisme année, le premier jour du moix d’apvril, messire
Régnault le Gournaix, chevalier, et citains de Mets, chevaulchoit en
armes, et venoit de gaigier on duchié de Bar pour certains argent que
on luy debvoit. Et, en retournant qu’il faisoit, les gens du seigneur
Robert de Commercy courrurent sus ledit seigneur Régnault, et, de
fait, le prindrent, et l’enmenairent prisonniers à Commercy ; et estoient
luy XIXe de “ compaignon d’armes. Dont ce fut grant laichetés audit
seigneur Robert, de lui prandre ne atouchier : car pour lors il estoit
pencionnaire de la cité ; parquoy c’estoit à luy grand traïson.
a. de a été rayé (par une main postérieure ?).
1. Pouancé, Maine-et-Loire, Segré.
2. Louviers, Eure.
3. Le sire de Monstierollier, dans Jean Chartier (éd. Vallet de Viriville, Paris,
Jannet, 1858, t. I, p. 170).
4. Reparrant, repairèrent : revinrent, 3e pers. plur. du passé simple de repairier.
228
LA PAIX ENTRE RENÉ DE BAR ET ANTOINE DE VAUDÉMONT (1433)
Item, en ce meisme ans, le devent dit duc de Bronssewicquez, en
retournant de France, revint en Mets. Et disoit pour vray qu’il avoit
estés en grand dangier et en grand péril de ceulx meismes qui le conduisoient, quant il avoit aller en France en embassaude, comme cy
devent est dit ; et voulloit dire qu’il l’avoient heu vandus, et en avoient
heu receu grosse somme d’argent ; dont les dessusdit messire Wainsellin de Braibant et messire Robert de Salbruche, seigneur de Conmercy, estoient conduicteur. Parquoy, quant ledit duc vint en Mets,
il estoit moult joieulx d’avoir estés eschappé de leur mains, car bien
luy sambloit qu’il estoit à surteys ; et, en faisant la bonne chier, ce
repousa trois jour en la cité. Et puis le reconduirent lesdit de Mets en
jusques à la ville de Wy ; et c’en aillait avec luy le seigneur Nicolle
Louve, chevalier, jusques en son pais.
Le duc Régné eslairgis de prison. — Aussy, en celle dicte année, le
duc Regnier oit respis et revint de prison, par ainsy qu’il y envoia ses
deux filz pour et en lieu de luy. Dont le plus annés n’avoit que cinq ans
d’aage, et se nommoit Jehan ; et l’aultre se nommoit Charles, qui n’avoit
que trois ans. Et olrent les dessus dit avec eulx plusieurs chevalier
et escuiers de la duchié de Bar, lesquelx furent livrés et mis en prison.
Et encor, avec ce, furent livrés quaitres des milleurs places des deux
duchiez de Bar et de Lorraine, en jusques à tant que ledit duc Regnier
fut rentrés en prison ; et, c’il y retournoit, tous les prisonniers et places
dévoient estre quictes et délivres.
Cy avint, en celle dicte année, que les arbres estoient cy très fort et
bien floris que merveille, maix il sourvint une gellée on moix d’apvril
qui les gellait tous. Et jai pour ce ne furent les vignes engellées, sinon
de la gellée de l’iver ; maix les serize le furent tellement que, le jour
de la sainct Wy, on en vandoit VIII sols le francha, qui estoit une
mesure de quoy on husoit alors.
Le concilie de Basle. — Item, cellon aulcuns, le sainct consille de
Baisle acomensa et ce tenoit desjay en cest présante année. Et fut alors
envoiés en Mets ung nommés seigneur Dimenche, doyen de Verdun,
maistre Hanequin, et Jehan dit Vallantin, lesquelles furent envoiés
pour examiner certains tesmoings encontre le devent dit frère Guil
laume de l’Observance, pour tant que l’on disoit qu’il avoit presché
hérésie et chose qui estoit contraire à Saincte Église catholicque, aincy
comme par cy devent en une aultre article avés oy. Et fut celluy sainct
consille ordonnés et mis sus pour plusieurs raison, comme cy après
serait dit. Et, principalement, pour réformer nostre mère Saincte
Église et tous ces mambre. Car, en ycelluy tampts, l’on ne tenoit
compte de servir à Dieu ny à ces sainct commendement ; dont c’estoit
grand pitiet et domaige.
Paix acourdée entre le duc Anlhoinne et le duc Régné. — Item, l’an
dessusdit, le samedi vigille de cathedra sancli Pétri, furent apourtées
nouvelle sertaines que la pais estoit faicte dudit Regnier, duc de Bar,
et du conte de Wauldémont, par ainsy que la plus année fille d’icelluy
duc prenoit le plus ainel filz dudit conte de Wauldémont. Et devoit
ANTOINE DE VAUDÉMONT A METZ (MARS
1433
a. St.)
229
encor, avec ce, ledit, duc Regnier paier a conte pour sa ranson la somme
de XVIII mil salus d’or, ou, pour chacune pièce, XVI sols (car il ne
vailloie plus pour l’eur) ; et, pour le mariaige desdit deulx anfïans,
tous les ans à tousjourmaix XV cent florin de Rin, ou XIII sols pour
chacun florins (car c’estoit le comun pris que il valloie alors). Et, quant
a fait du duchié de Lorranne, le duc de Bourgongne en estoit oultraiement chergié ; et en debvoit avoir rapourtés au jours de feste sainct
Jehan Baptiste aprez venant.
Le conte de Waldémont à Mets. — Puis, en celle dicte année, le VIIIe
jours de mars, ledit Anthonne, conte de Wauldémont, vint en Mets.
Et luy firent les seigneur de la cité grant honneurs ; et luy fut donnés
deux cawe de vin, cent quairte d’avoine et pour XX francs de poisson.
Cy avint, en celluy tampts, que ung malvais garson, nommés Ravaire, fut gectés en la xeuppe pour ce qu’il avoit desrobés des chiens
de chaisse.
En celle meisme année, ce fîst encor en France plusieurs guerre et
escarmoche.
Et, premier, le sire de Bueil, le sire de la Varenne et le sire de Gortiny alèrent de nuyt on chasteau de Chinon, onquelle estoit lé roy de
France ; et y prindrent le seigneur de la Trimoille, principal conseillier
et gouverneur dudit roy, et le mirent en prison en ung chasteau nommé
Montrésor.
Ceulx de la baixe Normendie contre les Anglois. — En ce meisme ans,
le peuple de la basse Normandie, estimé à LX mil, dont estoient
conducteurs messire Thomas du Boys, le sire de Merreville et Quantepie, se mirent sus contre les Anglois ; et en tuairent plusieurs vers
Caen.
Et, tantost après, le comun du païs de Caulx se rebella contre lesdit
Anglois. Et, alors, messire Pier de Rochefort, mareschal de France,
et plusieurs aultres capitaines, prindrent de nuyt la ville de Diepe,
par eschelles, sus les Anglois. Et puis, moienant lesdictes comunes,
furent prinses les villes de Fescan, de Harfleu, de Monstivillier, de
Tancarville, de Lislebonne, et quasi toutes les aultres forteresses dudit
pais, qui ce randirent a roy de France.
Item, messire Andry de Laval, seigneur de Lohéac, et messire
Ambrois, seigneur de Loré, desconfirent les Anglois en 1 abbaye de
Sainct Gille en la basse Normendie ; desquelz Anglois furent mors
environ deux cens. Et puis lesdit François rencontrirent encor le rest
desdit Anglois dessus les champs ; dont furent desdit Anglois de deux
à trois cent homme que mors, que prins.
En ce meisme ans, le duc de Bourbon trouva fasson et manier, par
subtilz moyens, de réduire à l’obéissance du roy de France la ville de
Corbeil et le bois de Vincennes.
Item, ledit ans, l’ampereurs Sigismond fut couronné à Romme par
le devent dit pappe Eugène.
Et furent encor plusieurs aultres chose faictes et dictes pour celluy
tampts, desquelles je me despourte quant à présent.
230
JEAN CROUIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1434)
[DE L’AN l434 A LA PAIX
d’ARRAS,
ENTRE LE ROI CHARLES VII
ET LE DUC DE BOURGOGNE, LE 21 SEPTEMBRE l435]
Van mil iüic et xxxiiij. — En l’an après, quant le milliair courroit
par mil quaitre cent et XXXIIII, fut alors maistre eschevin de Mets le
seigneur Jehan Crouuin.
Groz de Mets contrefaid. — Et avint que, en celle dicte année, on mois
de mars, on ce aperseust qu’il courroit des malvais gros de Mets con
trefais. Et, la manier cornent premier on c’en donnait en gairde, ce fut
par ung compaignon qui avoit chaingiés des florins au chainge. Parquoy Biaise, le chaingeur, et le maistre de la monnoie, furent prins et
amenés on pallais. Et y fut détenus le dit maistre de la monnoie par
trois jours anthiers ; puis, après, fut délivrés à son grant honneurs.
Mais ledit Biaise fut mis en la wolte dudit pallais, et forment gehanné
et examinés ; car il fut trouvés fort suspect, pour ce que, quant il fut
prins, l’an trouvait en une bourse dessus son estaulx environ pour
X livres d’icelle monnoie, c’est assavoir tous groz de Mets faus et
contrefait. Et fut encor mieulx taités 1 et tenus pour deux raison :
c’est assavoir, pour ce que, par deux fois, il s’avoit mis en voie d’eschapper ; et, aussy, pour ce que on trouvait une lettres d’ung chaingeur de
Lombardie contenant qu’il luy volcist envoier une grosse somme
desdit gros de Mets. Mais il fut cy résolus d’endurer et souffrir que,
pour gehinne ne toursure 2 qu’on luy sceust faire, il n’en voult jamais
riens congnoistre. Parquoy, après ce qu’il oit essés soffrir, on le laissait
aller, mais il fut banis à X lues ensus de Mets par l’espace de XII ans ;
et, avec ce, paiait encor cent sols de messins d’amande.
Argent rendus par les seigneur de Mels aux citoiens. — Aussy, en
celle meisme année, messeigneurs du conseil de la cité ordonnairent
et comendairent à Jehan Laisné que, tous ceulx et celle à qui on avoit
emprunctés de l’argent durant le tampts de la devent dicte guerres du
duc Charles de Loherenne, qu’il leur fut randus le thier de la somme
qu’il avoient prestés à la cité.
Paireillement, avint en celle année que les dessus dit Regnier, duc de
Bar, et Anthonne, conte de Wauldémont, acompaigniés de leur bons
amis, ce trouvairent à une journée a lieu de Sainct Nicolas. Et, là, fut
tellement traictés et d’ung coustés et d’aultre que la paix fut faicte
entre eulx. Et, ce fait, c’en aillairent tous comunement à Nancey ;
et là firent grant feste par plusieurs jours.
Affricourt prinze par ceulx de Lorenne. — Et, a despartirent 3 de
Nancy, c’en affairent les deux prince ensamble avec leur armée, et
1. Tâté, examiné.
2. Forme assez extraordinaire du mot torture ? Torseüre signifie torsion.
3. Au départir de Nancy, après avoir quitté Nancy.
L’ARCHEVÊQUE DE TRÊVES A METZ (AOUT
1434)
231
avec grant artillerie, pour comunement asségier une place appellée
Affricourt, laquelles alors estoit plaine de lairon. Cy furent en peu de
tampts tous prins et pandus, excepté Perrin de Mondidier, qui estoit
capitaine de léans, lequelle fut menés à Neufcbastel en Loherenne, et,
de là, en la geolle de Bar, en laquelle il y finait ces jours et morut.
Le seigneur de la Marche devent La To[ur] en Ardenne. — Item, en
celle dicte année, le damoisiaulx de la Marche, acompagmés des Liégeois
et de ceulx de la terre commune, c’en allirent devent La Tour en
Ardanne. En laquelle alors estoit Waichellin de La Tour, avec plusieurs
aultres malvais guerson. Et fut la dicte plaice prinse et abatue, saulve
la vie de ceulx qui la tenoient (aultrement il ne ce fussent pas
randus).
„
Raichel fait par Conraird Baier, évesque de Mets. — Aussy, en celle
meisme année, seigneur Conraird Baier, évesque de Mets, raicheta en
la mains du duc Begnier de Bar plusieurs villes et prévostés de 1 éveschié, lesquelles alors il tenoit en gaige. Premier, une partie de la ville
de Nommeny, de Sainct Avol, de Baccarat, de Rosières et du ban e
Desme, et aultre plusieurs villes et gaignaige ; et en paiait environ la
somme de XVm florin de Rin, d’or et de pois.
Item, pareillement en celle année, le devent dit seigneur Conraird
fit à force prendre les deux Wernepertes, en lesquelles alors ce tenoient
plusieurs malvais garsons, qui faisoient moult de maulx en l’éveschié
et on duchié de Bar.
Puis, après, en la meisme année, fut abatue par le commandement
du duc Regnier de Bar une place nommée Passe Avant, pour tant
qu’elle avoit esté prinse traicteusement par le prévost de Baion.
Lequelle fut prins en la dicte plaice de Passe Avant ; et, pour son
paiement, fut mené à Bar, et là fut desquartellé et mis en piesse.
Ordonnance faicte. - Item, en celle meisme année, fut ordonnés par
messeigneurs du conseil de la cité que d’or en avent l’on ne paieroit
pour chacune quartes de bief à mouldre que VI deniers ; car, par
avant, on en soilloit plus Largement paier.
Esclipse de solleil. - Or, avint en celle année, le mècredi après le
Sainct Sacrement de l’aultel, qu’il fist éclipse environ les trois heures
et demye après midi.
L’entréez de V archevesquez de Triuve en Mets. - Aucy, en celle année,
le VIIIe jour d’aoust, seigneur Robert, évesque de Spire et archeves
quez de Triève, vint en Mets ; et avoit en sa compaigme VIIIXX homme
d’arme. Et les seigneurs de la cité luy firent ung biaulx recueil ; et,
avec ce, luy firent présant de deux grais buefz, de XX mouton chaitres,
de deux cawe de vin très bon et bien friant, et de L quairte d’avuaigne.
Et, avec ce, luy fut délivrés ung homme lequelle estoit jugiés à pandre ,
mais, pour honneur s de luy, il oit sa graice.
Le duc de Bar devent Granlpreis. - Item, avint en celle dicte annee
que le duc Regnier de Bar fist ung moult grant mandement, et assem
bla une grosse aimée pour aller à ost et mestre le sciège deven a
forteresse de Grantprey. Et menait avec luy le devent dit conte de
232
ALLIANCE ENTRE METZ, LUXEMBOURG, BAR ET LORRAINE (AOUT
1434)
Wauldémont, et plusieurs aultres grant seigneurs, et, par espécial,
aulcuns des seigneurs de la cité de Mets, c’est assavoir seigneurs Nicolle
Xeppelz, Gillet Baitaille, Perrin Ranguinlon, et le Werrey, et plusieurs
aultres, jusques a nombre de VI™ chevaulx. Car, alors, estoient faictes
bonne alliance entre ledit duc Regnier de Bar et la cité de Mets : les
quelles furent faictes et crantée, d’une partie et d’aultre, en l’an que le
sire Aubert Boullay fut maistre eschevin de la cité, comme cy devent
est contenus.
Allâmes entre ceulx de Mets et plussieur aultre seigneur et damme. Pareillement, avmt, en la dicte année, le XX* jour du moix d’aoust,
que plusieurs commissaire de messire Conraird Baier, alors évesque de
Mets, et d aultre comissaire, depputés de part ma damm, de Bauvier,
duchesse de Lucembourg, et, pareillement, les comis dudit Regnier de
Bar et de Loherenne, avec eulx ceulx de Mets, firent alliance ensemble ;
et promirent tous de tenir les dictes alliance fermes et estauble ; et
furent scellée et crantée comme a cas apartenoit.
Les seigneur de Mets à Baille. — En celle meisme année, Sigismondus,
pour lors roy des Romains et amperreurs, au retours qu’il fist de son
couronnement fait à Romme, entrait on mois de novembre en la cité de
aille pour estre au sainct conseil. Et y furent envoiés et depputés
aucuns de par la cité de Mets, entre lesquelles estoient à ce comis
messire Jaicques Dex, chevalier, messire Nicolle Louve, chevalier,
messire Nicolle Xeppelz ; et, avec eulx, maistre Demenge de Verdun,
chanomne de Mets, et Jehan de Lucembourg, qui estoit l’ung des clerc
des Septs de la guerre.
Ung Sarazin babtisés. - Item, l’an dessus dit, le XX« jour de décem
bre, fut baptisés en Mets, on fons de la Grant Église d’icelle cité, ung
jonne Sarrasin, eaigiés environ de XVIII ans, lequelle l’abbé de Morimon avoit amenés avec luy. Et le baptisait maistre Hugue de Buffegmcourt, chantre et chainoigne de la dicte Grande Église. Et furent
ces pairains le Werrés et Perrin d’Aube, et la damme de Crehange
fut sa mairenne ; et oit nom ledit Sarrasins Gillet.
Agremont abatus. — Aucy, en celluy tampts, fut abatus le chaitel
d Aigre mont par les gens Régné, duc de Bar et de Loherenne. De quoy
ce fut grant joie ; car tout pillairt, robeurs et malvais guerson y estoient
soubtenus.
En celle année meisme, seigneurs Simon de Charexei, abbé de Sainct
Arnoult és bourgz de Mets, mist jus le gouvernement de la dicte abbaïe,
et résigna en la mains de dampts Baudouuin, abbé de Gorse.
Béformalion, non de grant durée. — Aucy, en celle dicte année, le
sire Conraird Baière, évesque de Mets, et l’abbé de Sainct Mathie de
Triève, commis de part le sainct conseille, cy acomensairent à faire
visitacion par touttes les abbaïes des moinnes et nonnains de la cité
de Mets ; et avoient délibérés de les renformer en leur riègle. Mais cella
ne durait pas longuement.
Et fut alors et en ce meisme tampts la paix faictes par ledit évesque
Conraird entre les moine de Sainct Arnoult et leur abbé.
JOUTE
A
METZ
(26
JANVIER
1434 a. st.)
233
Previlège confermès à ceulx de Mets par l'empereur Sigismundus. —
Item, en l’an dessus dit, le VIIIe jours de janvier, revint messire
Nicolle Louve, chevalier, avec plusieurs aultres, du sainct conseille de
Baisle. Et rapourta ledit seigneur la réformacion des franchises de la
cité, lesquelles l’ampereur Sigismondus avoit de nouviaulx reconfirmée.
Et est celle réformacion et confirmacion sceellées du grant seel de la
chancellerie dudit seigneurs, lequel seaulx vault environ XXXII ducas
en or.
Joste faicte entre les seigneur de la ville. — En celle dicte année, le
XXVIe jour de janvier, les jonnes anfTans des seigneurs de la cité de
Mets ellevairent une jottes on Champtspaissaille ; de laquelle Perrin
George, filz Jehan George le jonne, oit le pris. Puis, aprez, le IXe jour
de febvrier ensuiant, fut errier faictes une aultres joste à basse selle,
par ceulx de la cité et par tous estraingiers ; de laquelle Jaicomin
Boullay oit le pris et gaignait la feste de ceulx de dedans, et Jaicomin
Xapel gaigna le pris de ceulx de dehors.
Mais de ces chose je veult quelque peu laissier le parler, et veult
retourner à ce devent dit concilie de Baille, au sainct perre de Romme,
aux ampereurs d’Allemaigne, et au roy de France et d’Angleterre,
et à plusieurs aultres besoingne estre en ce tampts advenue, cellon que
j’ay trouvés par plusieurs et diverse acteur estre escript.
Scisme en l'Église papale. — Premier, je trouve, cellon plusieurs
cronicques et cellon diverse acteur, que, entres Félix, le quint de ce
non, et le devent dit Eugenne, le quairt, s’esmeust le XXIIIe sciesme
en l’Église, cellon maistre Jehan de Belge. Et fut ledit Eugène grant
amateur de guerres, comme le mest Platina en sa vie. Laquelles chose
est merveilleuses és papes modernes. Car, oultres les guerres, il incita le
daulphin a de France, qui depuis fut appellés le roy Loys XIe, de
mener guerre et une grosse chevauchée de gens d’armes on pais de
Ferret et d’Alsatte, pour troubler et defïaire le devent dit concilie de
Baisle. Parquoy, cellon la Mer des Istoire, à ce consille fut cité ledit
pape Eugène ; à quoy ne comparut point.
Amés *i, *duc de Savoye, esleu pape. — Et, pour ce, les cardinaulx
esleurent en pape Amodeum 4, c’est à dire Amé, duc de Salvoie, duquelle je vous ais heu par cy devent parlés au second voullume de ces
présante cronicque, là où il est dit qu’il laissait l’estât ducal, et, pour
mieulx vivre cellon Dieu, c’en aillait randre hermittes, avec plusieurs
aultres noble home, en ung lieu de dévocion nommés Ripaille, sus le
lac de Lozenne. Celluy Amé fut le premier des conte de Savoie promeu
en tiltre de la dignités ducalle, par le devent dit empereur Sigismond.
Mais, après ce qu’il fut vefve de sa femme, Margueritte de Bourgongne,
fille du duc Phelippe le Hardi, il délibéra de laissier son estât, comme
a. M : daulpin.
1. Amédée VIII, duc de Savoie, élu pape à Bâle, le 5 novembre 1439, prit le nem
de Félix V.
$34
FÉLIX V ÉLU PAPE (5 NOVEMBRE 1439)
dit est, et de ce mestre en celluy hermitaige dilicieulx, Iequelle il avoit
fait édifier somptueusement, ayent laissés le gouvernement de ces
terres et seigneurie au duc Loys, son filz aisnés, qui fut perre au duc
Phelippes de Savoie, premièrement seigneur de Bresse, Iequelle engen
dra le duc Philebert, mary de damme Margueritte d’Austriche et de
Bourgongne.
Mais, pour revenir à mon prepos, après ce que le devent dit Amé
fut esleu à pappe, il le nommèrent Félix Ve. Et, par ainsy, sordist le
XXIIIe sciesme et division en l’Église, comme dit est. Laquelle
division durait l’espace de XVI ans : car les aulcuns tenoient la partie
dudit Félix, les aultres la partie dudit Eugène.
On ce pouroit esmerveillier comment il laissait sa ducbiés pour
prandre l’abit hermitans *, pourtans grant barbes et mantiaulx simple,
ung bâtons retortilliés et plains de neux en sa mains. Laquelle chose
combien qu’elle fut de nouvel exemple, sy n’est ce pas le primier des
princes qui ait laissiés le gouvernement de la chose publicquez pour ce
retirer en vie privée et domesticques. Car le semblable firent Dioclésian
et Maximians, empereurs des Bomains, de la foy payenne, et Amurathes Othuman, turcq, père du grand Mahumettes, conquesteur de
Constantinoble.
Eugène privé du dignité papalle. — Celluy Amé, comme dit est,
luy estant en celluy hermitaige, en grant bruit de sainctetés et bonne
vie, on tampts que ce tenoit cellui consille, pour ce que, après ce que le
devent dit Eugène, natif de Venise, oit estés par trois fois parsonnellement cité et n’en thint compte, parquoy il fut notés de cotumace et
privé de la dignité papalle, et au pourchas du duc Phelippe et de
damme Marie de Millan, le dit duc Amé de Savoie, hermitte, fut esleu
pappe par les cardinal, en la manier comme cy devent ait estés dit ;
et, depuis, coronnés solennellement en la dite cité de Basle, en la
présance de deux de ces filz aisnés ; qui luy tournoit à grant gloire.
Avent ceste acte et cérimonie, il avoit fait oster sa barbe ; et avoit
aprins l’office divin en peu de tampts. Et, depuis ce fait, il créa aulcuns
cardinal, de grant estime et vertus, et fist tout ce que ung bon souve
rain prélas peult et doit faire. On dit que celluy Félix estoit de petitte
stature, anciens et dévot ; et fist en son tampts plusieurs biens, principallement on païs de Sçavoie. Touteffois, comme le met maistre
Bobert Gauguin et plusieurs aultres, il céda et renonsa fiablement 12
son droit de papalité à Nicolas, Ve de ce non, en l’an de graice mil
ÏIIIC et XLVII, comme il serait dit ycy après, affin que en l’Église
y eust bonne union ; et demoura cardinal et légat de France, en vivant
moult religieusement.
Le roy de Cecille mort au paiis de Calabre. — En celle année meisme
morut le roy de Cecille on païs de Calabre ; et la duchesse de Bourbon.
Cy vous lairés de ces chose le parler, et retournerés au maistre eschevins de Mets et à plusieurs aultre besongne.
1. L’habit hermitain, l’habit d’hermite.
2. Fiablement, loyalement, en toute bonne toi.
DIDIER LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1435)
235
Mil iiiic et xxxv a. — Après ces chose ainsy faicte et advenue, et que
le milliair courroit par mil quaitre cent et XXXV, fut alors maistre
eschevin de la cité de Mets le seigneurs Dediet le Gournaix.
Vignes engellëe. — Et, en celle année, le VIIe jour du moix d’apvril,
furent les vignes du Vaulx de Mets et des païs entour touttes engellées.
Et disoient et creoient les plusieurs que ce estoit advenus par punicion
divine, pour le péchié d’aulcune gens, lesquelles ovroient et faisoient
ovrer le jour du Grant Vandredi et les trois feste de Paisque. Car, lesdit
quaitre jours, les plusieurs firent foyr, ficher et ploier, et gaingnoient
les ouvriers a plus chiers. Et, alors, justice temporelle firent informacion d’aulcuns qui ce avoient fait ; et, leur cas congnus, les mirent
à l’amande.
Festin honorable fait par les seigneur de Mets. — Item, en celle dicte
année, le XIIe jour du meisme moix, fut mise sus une grande feste
par les seigneurs de la cité ; et furent ce jour en grande triumphe
plusieurs jostes faictes parmy la ville. Et, au lundemains, XIIIe jour
dudit mois, furent faictes lesdite jostes à haulte selles on Champassaille ; en laquelle y oit XXII joutteurs dez bourgeois de Mets, et
XIIII estraingiers, tant chevalier que h escuiers. Et fut faicte ce jour
une grant feste on Hault Pallais de Mets, laquelle durait encor trois
jour aprez.
Le premier sciège baillés aux pape aux conseilz de Basle. — En celle
meisme année, la vigille sainct Marc l’évangélistre, en la présance de
Sigismondus, l’ampereurs, luy estant a sainct consille de Basle en sa
majestés impérialle, son dealdesme sur son chief, et en la présance des
prélas de nostre mère Saincte Église et des procureurs de nostre sainct
perre le pappe, fut conclus et acourdés que, de ces jour en avant, ledit
nostre sainct père le pappe aroit le premier sciège. Et, dès lors en
avant, labourrait treffort tant sus l’espirituallité comme sus la tempo
ralités.
Joste ordonnez aux Pont à Monson. — Item, pareillement en l’an
dessus dit, le maicredi et le jeudi des feste de Panthecouste, fut faictes
une grande feste et une jostes au lieu du Pon à Mosson ; en laquelle le
duc Regnier de Bar y estoit en parsonne. Et y fut donnés bons essurement et salconduit à tous allans et tous venans. Et en ycelle feste et
joste ce y trouvairent plusieurs seigneurs de Mets ; entre lesquelles y
estoit seigneur Nicolle Gronnat, le bon josteurs : car c’en estoit l’ung
des essurés que l’en sceut trouver ; et jostait tellement qu’il ruait le
duc de Bar en la poussier ou en une grant fange, tout devent la halle
du Pon ; et gaignait la jostes, car son pareille ne ce trouvoit pour bien
joster.
Rencontre des seigneur de Commercei et de ceulx de Mets. — Et, après
celle feste faictes et passéez, environ XL des soldoieurs d’icelle cité ce
partirent de Mets pour aller au devent de leur seigneurs, affin de les
а. M : mil vc et xxxv.
б. Une main plus récente a écrit corne au dessus de que.
Z<50
LES GENS DE METZ DEVANT COMMERCY (1435)
reconduire en leurs maison. Et, en allant qu’il faisoient de Mets a Pont,
il furent rencontrés des gens messire Robert de Commercy, chevalier^
qui alors estoit pancionaire de la cité ; et estoient yceulx environ
VIIXX chevaulx. Et, adonc, les soldoieurs devent dit ce deffandirent
à leur poieurs l, tellement qu’il tuèrent VII homme de leur annemis
et en nauvrairent à mort environ XXXII. Mais, en la fin, il furent
desconfis ; et en y oit XIII des prins, avec XXII chevalx de selle.
Et furent yceulx prisonnier menés à Commercy. Et, a XXVIIB jour
de may après, lesdit soldoieurs furent laichiés sur une journée.
Or, avint en celluy tampts que l’archediacque de Mets tenoit son
senne à la petitte court à Mets. Mais, pour ce que alors seigneur Conraird Baier tenoit aussy son senne à Vy, les aulcuns des curés de Mets
ne vourent point venir a senne de l’airchediacque. Parquoy il les thint
constumace, et furent escomuniet ; et, non obstant ung rappel qu’il en
firent au sainct concilie de Baille, cil 2 leur coustait il, pour avoir leur
absolucion, cent et VIII frant, sans les aultres frais et despans. Par
quoy ce monstre que les petit ne sont pas à despriser en leur office.
Le jeu et vie de saincte Kalherinne en Mets. — Item, en l’an dessus
dit, le mécredi, le jeudi et le vandredi XVR, XVIB et XVIIR jours
de jung, fut jués en Mets la vie ma dame saincte Katherine. Et fut la
saincte Katherine Jehan Dedier, le noctaire de la court de Mets.
Défaide auprès de la ville d’Yvoixe. — En celle dicte année, on moix
de juillet, Hanry, bastard d’Aviller, acompaignié environ de Ve che
vaulx, corrurent devent la ville d’Yvoixe, en laquelle estoit en gairnison ung appellés Jehan de Belrains, et plusieurs aultres compaignons ; lesquelles saillirent dehors a champs, et chaissairent après leur
annemis. Mais le dit Hanry et ces gens, les voiant venir, ce aresturent
et ce mirent en baitaille ; et tellement ce deffandirent qu’il tuairent
VIX3E et VIII homme de leur annemis, et en prinrent environ IIIIXX
ou plus, et, avec ce, gaingnarent plus de IIIIXX chevaulx de selle.
Et, adonc, Jehan de Belrains c’en retournait fuyant, et, avec luy,
plusieurs de ces gens, tant à piedz comme à chevaulx.
Les seigneur de la cité et aullre prince devent Comercg. — Puis, en
celle année meisme, fut par le duc Regnier de Bar, par messire Conraird, évesque de Mets, par l’évesque de Toul et de Verdun, et par la
signorie de la cité de Mets, fait ung grand mandement ; et assamblairent une grosse armée pour aller mestre le sciège devent Commarcy.
Et y furent envoiés de la pairt desdit de Mets messire Nicolle Xeppelz,
Jehan de Varixe, Jehan Baudoche et Jehan Bataille, capitenne de la
cité en cestuy fait. Et ce partirent d’icelle le jour de la nativité Nostre
Damme, en nombre de deux cent LXX homme d’armes à cheval,
XXV arbellestriers et archiers, et plusieurs massons et charpentiers
et aultres compaignon de guerre ; et menairent XXXV chers avec eulx
chargiés d’artillerie et aultre engiens pour asségier la dicte Commercy,
1. A leur pouvoir.
2. Si, néanmoins.
LES ÉCORCHEURS DE FRANCE AU PAYS DE METZ (1435)
237
en laquelle alors y avoit plusieurs malvais garsons. Et fut renvoiés
à celluy sciège par les seigneurs de la cité par deux fois des vivre de la
cité de Mets, à grant puissance : car, à chacune fois, en fut menés
XXVIII chers, tant pour les dit vivre à mener comme pour d’aultres
intrument de guerre et aultres nécessités a servant à telle affaire. Et,
quant ledit seigneur de Commercy vit qu’il estoit ainssy tenus de près,
il mandait à luy Artus de Rischemont, connestauble de France, luy
priant ou faisant prier qu’il vint jusques à Vittry ; et il cy fist. Et, à sa
requeste, fut journée mise ; et fut par le dit connestauble fait aulcuns
traictiés. Pour lequelle traictiés à faire il en heust dudit seigneur
Robert de Comercy plus de XX mil salus, comme plus amplement il
est contenus en aulcune cronicques sur ce faictes. Et promist celluy
seigneur Robert par le traictiés devent dit de non jamaix plus faire
guerre au dit de Bar ne de Mets. Mais il en mantit sa foy, et n’en thint
riens ; parquoy, voiant ce, ledit duc Regnier de Bar en fist requeste
audit Artus, c’est assavoir qu’il fesist sceeller par ledit seigneur Robert
ycelle paix et le traictiés qu’il avoient ensamble. Mais, quant il c’y
santist contrains, il c’en fuit. Et, quant le duc vit cella, et qu’il aperseust sa malvistiez, il print les homme qui estoient en notaige *1, et les
fist mener jusques à Bar ; et puis, de rechief, c’en allait mestre le
sciège avec touttes sa puissance devent la dictes Commercy ; et,
daventaige, y manda tous ces bons amis et parans, lesquelles n’y
faillirent pas ; mais lesdit de Mets n’y furent pas pour celle fois. Et fist
tant le devent dit duc avec son armée que, le jour de saincte Lucie,
l’acort en fut fait ; et luy fut tout pardonnés, parmy ce qu’il jurait et
promit (et avec ce tournait bonne surtés de la somme de deux mil
courongne) de jamaix plus racommenciet. Mais ces promesse ressambloient a parolle de putains, car il n’en thint riens.
Grosse gendarmerie aux paiis de Mets, en nombre de xvic. — En celle
meisme année, le XXIIIe jour de décembre, et durant que celle mal
dictes guerre des Anglois duroit tousjours en France, vinrent et arivairent XVIe hommes d’armes on Vault de Mets. Lesquelles, cellon la
Mer des Istoire, ce estoient longuement tenus en Champaigne ; et ce
appelaient, cellon le parler des païssains 2, les Escourcheurt de France.
Et d’iceulx estoient capitaines Polton de Santreille 3 et Chabane 4.
Et, à leur premier venue, firent yceulx plusieurs mal et grant domaige
en cestuy païs, et principallement à Roserieulle.
Ars rensonnée à xviiic frans. — Puis c’en allairent gésir en la ville
d’Ars, et ransonnairent la dite ville de XVIIIe frans.
Ancy compouzée d ij mil frans. — Et, le samedi vigille de Noël, il
c’en allirent devent le moustier d’Ancy et l’aissaillirent ; mais il ne
le prinrent mie. Touteffois, il fut ransonnés, et composirent ceulx de
a.
1.
2.
3.
4.
M : necessicites.
En otage.
Païsenc, paysan ?
C’est le célèbre Saintrailles ou Xaintrailles (Poton de).
Antoine de Chabannes, comte de Dammartin.
238
LES ÉCORCHEÜRS DE FRANCE
AU PAYS
DE METZ
(1435)
dedans, tant pour ledit moustier comme pour la ville, à deux mil frans.
Et, avec cella, y firent encor de grant et grief domaige.
Nouvians compouzée à iiijc et l frans.' — Et de là ce despartirent ;
et s’en allirent à Nouvient, et assaillirent le mostiet ; et puis prinrent
environ VI cent de leur gens, et les envoiairent en la ville de Vaulx
pour pareillement assaillire le moustiet ; mais il ne le prinrent pas!
Parquoy, de despit, il boutairent le leu en la ville, et en ardirent plus
de la mitté. Et, ce fait, c’en retournairent à Nouviens avec les aultres.
Et, là venus avec leur compaignon, ilz assaillirent arrier le moustier,
comme de nouvel. Et ceulx qui estoient dedans ce defïandoient vail
lamment. Touteffois, faindant de c en voulloir fouyr, il les laissairent
antrer on baille d’icelle église et on premier iort ; et puis, quant il les
virent dedans, subit sont retournés à leur delïance, et ont gectés tant
de pier à 1 avallée de la tour et des murailles qu’il les convint retournés
hors ; et, en celluy essault, en y lut des leurs quaitre homme mort
et tués. Toutefïois, pour avoir paix, la ville lut ransonnée à quaitre
cent et L frans.
Et puis, ce lait, levairent leurs campe et leurs baigaige ; et c’en
aillirent en la terre commune, où il firent de moult grant mal et gros
domaige, et grief à pourter a pouvre gens. Mais, avant qu’il vinrent
audit païs, ung compaignon de Mets, nommés le Keulïou, avec XII aultrez compaignon aventuriers, les poursuirent tellement que devent
Sainct Miel il en ont rués jus VIII des leurs et IX chevalx de selle, et
haultement les ont amenés à Mets. Et furent butinés lesdit chevalx
et hernex devent la Grande Église d’icelle à trois cent et XV frans ;
et fut dit que ledit Hoinfou avoit encor conquestés grosse finance
qu il avoit trouvés sur eulx. Et furent mis lesdit prisonnier en estroitte
prison en Mets, en fer et en sappe ; et, avec ce, furent détenus jusques
à tant que la royne de France en rescript par plusieurs fois à la cité.
Mais, quoy qu il en fut, avent qu’il fussent délivrés, il furent plus d’ung
ans en prison ; et puis la ville les délivrait, pour l’amours et pour
craintes du roy de France et de la royne.
Les Escorcheur[s] de France en la terre comune. — Item, le XXe jour
de janviers ensuiant, ledit Pothon, avec grant armée, entrairent en la
terre commune, comme dit est. Et furent à Arrance y, à Sainct Supiet
et à Xeverey le Franc ; et y firent innumérable dompmaiges, tant en
homme, en femme, en prisonniers, et en feus bouttés ; et prenoient
yceulx lairons et desroboient tout ce qu’il trouvoient, car tout leur
estoit de guerres.
Disposition de temps. — En celle meisme année, il list ung mer
veilleux y ver, et le plus grant qu’il heust fait de cent ans devent.
Gar, depuis le jour de la saincte Katherine jusques a XIX« jour de
îebvrier, ne fist aultre tampts que geller et négier ; et gelloit cy très
fort et de sy grant puissance que en plusieurs lieu en la cité furent les
puis engellés, qui estoit une orible gellée, et une chose merveilleuse.
Et, avec ce, par la grant gellée qu’il xaisoit, l’yawe qui desgouttoit du
bois et des tixon estant au feu et brullant engelioit avent qu’elle fut
PAIX ENTRÉ FRANCE ÈT BOURGOGNE (21 SEPTEMBRE 1435)
239
cheute à terre. Et une nature de Elan oysiaulx, appellés muables l,
qui prainent les poissons és riviers, par force de famine, yceulx oysiaulx
volloient par devent la Grant Église de Mets et pernoient les poissons
és genes 2 ausquelles les pescheur vandent leur poisson ; et faisoient
cella par famine qui les contraindoit. Parquoy il l'ault dire que ce fut
ung merveilleux yver.
Gy n’en dirés plus quant à présant, car d’aultre mestier convient
parler.
Guerre entre François et Anglois. — En celle dicte année, n’estoit
encor pas la paix faictes entre France et Angleteire, ains journellement
ce menoient une mortelles guerres ; <t, qui tout dire en voulroit, il
seroit tropt loing à raiconter. Touteiïois, tout légièrement, j’< n veult
aulcune chose narrer.
Il est vray, cellon plusieurs istoire, que en celluy tampts fut reprinse
la ville de Sainct Denis par les Anglois, Bourgongnons et habitans de
Paris. Mais, avant ce, y eust grandes armes et défiances faictes par les
François qui estoient dedans. Quant la dicte ville fut prinse par lésait
Anglois, elle fut incontinant désemparée, et la muraille abatue ; dont ne
demoura nulle fortificacion, excepté la grande église et une tour dedans
ycelle, nommée la tour du Velin.
Pandant leüit sciège de Sainct Denis, on moix de septembre, les
Françoy guignèrent le pont et chasteau de Melum ; et y entrèrent à
l’ambiée, bien subtillement, moyenant l’ayde que leur firent aulcuns
de dedans la dicte place.
En ce tampts, les habitans de Ponthoise, voyant que les Anglois leur
faisoient biaucopt de grief, et congnoissant qu’il estoient allés en
fouraige, leur cloyrent les portes, et firent chief de la dite ville pour le
roy seigneur Jehan de Yillers, seigneur de l’Isle Adam ; lequelle,
espérant la paix, en print la cherge.
Paix apointée entre lé François et Bourguignon. — Durant ces chose,
advint que, par le pourchas d’aulcuns bien voullans, journée fut prinse
entre les partie en la ville d’Arras. Et tellement que, en ce meisme
tampts, les partie envoièrent leur ambassadeurs audit lieu, ayent
plaine puissance de faire paix et réconcilliacion. Et, premier, pour
moyenner les partie, y fut le cardinal de Saincte Croix,bon preudhomme,
légat romains, et de l’ordre des Chartreux, et Nicollas, cardinal de
Cypre, acompaigniés de VI évesque et de plusieur aultre prélas, que
de par le pape y furent envoiez. Et, de la partie du dit roy Charles
septiesme, furent envoiés pour ambassade le duc de Bourbon, le conte
de Richemont, connestable de France, l’archevesque de Bains, chan1. Mouettes ? Huguenin, p. 196, écrit myalves. Le mot mouette, ancien français
mauve, provient d’un ancien anglais mawe.
2. L’n n’est pas très bien formé. Huguenin, p. 196, a grèves (grenes ?), qui n est
pas plus clair, il s’agit sans doute de gerbes : ce sont de grands baquets de bois, munis
de deux oreilles trouées où l’on peut passer un bâton qui sert à les transporter, hm
Wallonie, nous avons encore vu vendre le poisson dans des tinettes identiques.
240
PAIX ENTRE FRANCE ET BOURGOGNE
(21
SEPTEMBRE
1435)
cellier l, le conte de Vendosme, Cristoffle Haricourt 2, 3Adam de Cambray, premier président en la court de parlement, Guillaume Charretier,
et plusieurs aultres illustres personnes de la noblesse des François!
Paireillement y furent les ambassade des duc de Bretaigne, Alenson
et Bar. Puis vindrent les ambassade des Anglois ; et furent yceux
ambassade les prince et seigneur qui c’ensuient : premier, le cardinal
de Vicestre 3, l’archevesque d’Yvoire 4, 5le conte de Hontiton 5, le duc de
Suffort 6, aulcuns homme de la dignité ecclésiasticque, avec plusieurs
noble d’Angleterre. Les principal ambassadeurs qui vinrent de la
pairt du duc de Bourgongne fut Léodius évesque de Cambray et
Arras, Nicollas Raulin, chancelliers d’icelluy duc, les contes d’Estampes, de Sainct Paoul », Vaudémont et Nevers, le duc de Gueldres, et
aultres seigneurs de moindre non. Le nombre desquelles estoient grànt,
sans lé ambassadeurs des Flamans.
Comparant doncques les ambassadeurs de chascune partie pour paix
traicter, jà soit ce que le cardinal de Saincte Croix s’efforçait grande
ment à paix et concorde réduire les couraiges irrités par les guerres
passée, par aulcune raison ployer ne peut la partinacité des Anglois
à ce qu il apointassent avec Charles, roy de France ; ainçois sortirent
du conseil sans riens faire, promectant soy rassambler quelque autre
jour.
Les Anglois absens, le cardinal non pourtant ne délessa la matier
acomencée ; ainçois, nonobstant l’absance des Anglois, fist mencion
de la réconciliacion, paix et amitié du duc de Bourgogne avec Charles •
laquelle chose, si comme agréable estoit aux ambassadeurs, aussy elle
eut telle fin et issue que l’on désiroit. Car, après que Nicollas Raulin,
Bourguignon, chancellier, eut fait longue oraison au non de son prince!
desclairant plusieurs choses lesquelles par le roy Charles dévoient
estre à bon droit données et octroiées au duc Phelippe, et, combien
que tout fut au profïit d’icellui duc, de ce qu’il demanda ne luy fut
rien refusé. Et trouvants sus ce passaige en la Mer des Istoire XXXI ar
ticles, ce lire les voullés, auquelles sont contenues touttes les demende
faictes par le devent dit Nicollas au non du duc Phelippe, son seigneur.
Parquoy plusieurs places voysines et finitives du païs de Bourgongne,
lesquelles, vers la Champaigne, estoient du demaigne et de la seigneurie
du roy, furent livrée audit duc. Aussy, avec Arthoys furent jointes les
ville qui s’ensuient : c’est assavoir Amyens, Corbie, Mondisdier, Péronne, Sainct Quentin et Abbeville, avec les contés de Ponthieu et
1. Chancelier de France (Jean Chartier, éd.Vallet deViriville, Paris Jannet 1858
t. I, p. 186).
...
2. Christophe de Harcourt (ibid., id.J.
3. Vincestre dans Jean Chartier, ibid., p. 187 : Winchester.
4. Iorch dans Chartier : Yorck.
5. Hotinton dans Chartier : Huntingdon.
6. Suflord dans Chartier : Suffolk.
7. Ce nom, qui n’est pas dans Chartier, est erroné. Jean V, de Gavre évêque
de Cambrai, mourut en 1436, et lut remplacé par Jean VI, de Bourgogne ’
8. Saint Pol.
6
'
PHILIPPE MARCOUL, MAITRE-ÉCHEVIN DÉ METZ (1436)
241
Boulongne. Touttes lesquelles terre lurent acordées ; et fut dit que le
duc les posséderoit soubz l’empire de Charles et soubz la juridiction
de la court de parlement. Toutefïoys, quant au resgaird des cités que
dernièrement je vous ais heu nommés, et lesquelles sont cituées sus la
rivier de Somme, le roy Charles les pouoit racheter pour la somme de
quaitre cent mil escus, de quoy les LXIIII feront le marc *1.
Et parmy les condicion devent dictes fut la paix faictes et crantée
de celle mauldicte guerre, qui avoit durés XX ans, entres le roy Charles
et les Bourgongnon. Et à grant joie et liesse de tous fut celle paix
criée et publiée par les héraulx d’armes.
Et, en ce meisme tampts, morut et trespassa de ce monde Ysabel,
femme et espouse d’icellui roy Charles.
Et, depuis ce tampts, les Anglois estoient et demouroient seul annemis des François.
Cy vous lairés le parler d’eulx et de leurs guerres, et retournerés a
aux affairé de la cité de Mets et au maistre eschevin d’icelle.
[LES ANNÉES l436 ET 1437]
Mil iiiic et xxxvj. —Puis, après ces choses ainssy advenue, et que le
milliair courroit par mil quaitre cent et XXXVI ans, fut fait et créés
maistre eschevin de la cité de Mets le seigneurs Philippe Marcoult.
Le seigneur de Comercy prins par le duc de Bar. — Et, en celle année,
le devent dit seigneur Robert de Commercy, et duquelle je vous ait
heu par cy devent par plusieurs fois parlés, pour la rémission de ces
péchiés c’en estoit en l’an devent allés à Jhérusalem, et, en cest présante année, fut à son retour rués jus, prins et mis en prison. Et y fut
longuement. Puis fut mis en la puissance de Régnés, duc de Bar.
Le roy d’Aragon et aullre prins par les Genevois. — Paireillement,
avint en ceste année que le roy d’Arragon fut desconfis par les Génevois et Provenciaulx, qui tenoient le sciège devent la cité de Gaiette,
on royaulme de Neaple. Et fut prins avec luy le roy de Navaires, le
maistre de Sainct Jacques en Espaigne, et plusieurs aultres, bien en
nombre de VIIe, que chevaliers, que escuiers, et menés à Millan.
Plussieur des Escorcheun tués par les Lorains. — En l’an dessus dit,
le second jours du moix de mars, furent tués et occis plusieurs dez
rottiers et escorcheurs de France par les Lorrains.
Item, en celle année, furent tampestez et fouldroiés les biens de
terre à Noeroy devent Mets ; et acomensait celle fouldre et malvais
tampts par pluye, ce que jamais on n’avoit veu faire. Toutefïois, en la
dite année y oit cy grande abondance de pomme entour de Mets et és
a. M : retournes.
1. Marc : ancien poids de huit onces, la moitié de la livre de Paris.
242
PARIS AUX MAINS DU ROI DE FRANCE (1436)
païs joindant que, depuis cent ans devent, n’en y avoit autant heu
pour une année ; parquoy l’on fist biaulcopt de cedre. Car, en celluy
tampts, le vin devint fort chier, comme cy après serait dit.
Paix entre le pape Eugène et le duc de Milan. — Paireillement, en
celle année, fut faicte la paix entre le pappe Eugène et [le] duc de
Millan.
Et, alors, le frère du roy d’Arragon, en vangeance de son frère,
gaignait et print par amblée et mallangiens la cité de Gaiette. Et, ung
peu après, lesdit de Gaiette ce rebellairent encontre luy. Et aussy
fist la cité de Genne encontre le duc de Millan ; parquoy le dit duc y
mist le sciège.
Ung canon dressés pour la défence de la ville. — Item, en celle dicte
année, l’on fist faire en la cité de Mets une grosse bombarde pour estre
mise à la defïance d’icelle ; et sont escript dessus les vers que cy après
s’ensuient, :
L’an trente six, mil et quaitre cent,
Fut faictes pour user mon tamps
En la garde, et pour defïence
Qui à ceulx de Metz font ofïance,
Pour lez pugnir et justicier.
Propice suis à tel mestier :
Et, qui vouldrait sçavoir mon non,
Très redoublée m’apelle on.
Anglois desconfis par les François près de Paris. — Item, en celle
meisme année, le connestauble de France, séjournant à Pontoise, et,
avec luy, le bastard d’Orléans, ce partirent du lieu avec belle compaignie, et, en ordre de baitaille, délibérairent de aller à Sainct Denis
afïin de réparer et restablir la ville, que les Anglois avoient délessée.
Mais, la chose congneue par les Anglois, il sortirent de Paris et vindrent
au devent des François, lesquelles très apprement les receurent. Et,
illec, a pont de pier qui n’est pas loing de Sainct Denis, sus la rivier de
Seine, furent à celle fois despêchié quaitre cens Anglois, cen ceulx qui
furent prins, entre lesquelles estoit Thomas Beamont, capitenne des
gens d’armes.
Paris réduicte aux roy de France. — Tantost après, le connestable,
estant à Sainct Denis, f [ut] advertis par aulcuns Parisiens qu’il estoient
[en]nuyés de la dominacion dez Anglois et qu’il désiroient l’a[ssist]ance
du roy Charles. Parquoy il print avec soy le bastard d’Orléans et aultres
capitenne de gens d’armes, avec lesquelles, de nuit, passaient la
rivier de Seine ; et mirent le sciège devent Paris, aux Chairtreux qui
sont hors la pourte Sainct Michiel. De la venue desquelles plusieurs
bon bourjois et cytoiens de Paris, sy tost que le jour acomensa à luyre,
esmeurent le puple encontre les annemis. Et tellement firent yceulx
bourjois que touttes la ville fut esmeuttes, et les chaînes tandue par
les rue ; et furent les Anglois assaillis de tous coustés, car les François
PIERRE RENGUILLON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1437)
243
estant au dehors rompirent les murs et antrirent en ia ville ; par quoy,
des Anglois, peu en eschaippa qui ne fut ou mors ou prins, sinon aulcuns
des plus grant, qui ce retirarent en la bastille Sainct Anthonne ; les
quelles, peu de jour après, ce randirent, leur vie salve. Et, aincy, avés
oy comment Paris fut réduicte en la puissance du roy Charles, septiesme de ce non. Et fut ce fait en l’an dessus dit mil quaitre cent
et XXXVI.
Et, tantost après, fut envoiés le connestable par le roy Charle à Lan,
de laquelle il print le chasteau. Aucy fut prinse Nemors, et Monstreau,
et plusieurs aultre plaice.
Item, en cellui tampts, le duc de Bourgongne fist son armée avec
les Flamans ; et mirent le sciège devent Callas sus les Anglois. Mais les
Flamans, gens rebelle et inconstant, quant il virent le sciège tropt
durer, ce acomencèrent à mutiner ; et à peu de fait ne tuairent leur
prince, le duc de Bourgongne; et tuairent Jehan Horne1, très noble
chevalier, et bien amés du duc son seigneur. Et ainssy ce leva le sciège
sans riens faire.
Mortalité et faminne à Paris. — En ce meisme tampts, y oit grant
persécucion en la cité de Paris, tant de famine comme de mortallités.
Car tout y estoit tant chier que le pouvre puple ce moroit de fain.
Et, avec ce, l’ung n’atendoit l’aultre à morir de pestilance. Parquoy
tout les gens d’armes, ou la plus part, f[uiè]rent dehors au champts ;
et faisoient de grief domaige sus [les] pouvre laboureus. Item, encor
avec ce, leur avint un[e aujltre persécucion : car les loups des champts
estrangla[irent pjlus de IIIIXX homme de villaige. Et après, il ce boutairent dedans la ville, et firent plusieurs nommages et cruaultés ;
contre lesquelles fut ordonnés et estaubly c’est assavoir que pour
chacun loups prins seroient XX sols paiet a preneurs des denier du roy,
oultre le salaire publicque que le puple, de son vouloir, donnoit a
veneurs.
En ce meisme ans, le XXIIIIe jour de juing, mon seigneur ie daulphin Loys espousa en la cité de Tours damme Margueritte, fille du roy
d’Escosse.
Et, on dit ans, mourut Katherine, royne d’Angleterre et suer a
roy de France.
Cy me tairés de ces chose pour le présant, et revenrés à vous parler
du maistre eschevin de Mets et de plusieurs aultrez besoingne.
Mil iiiic et xxxvij. — Item, en l’an après, qui estoit l’an de nostre
rédempcion mil quaitre cent et XXXVII, fut maistre eschevin de la
cité de Mets le sire Fier Ranguilion.
Et, en celle meisme année,, avint une nouvelletés d’une qui ce voult
contrefaire pour une aultre. Car, en ce tampts, le XXe jour du moix de
maye, une fille, appellée Claude, estant en abbit de femme, fut magni1. Jehan de Horgne dans Jean Crartibr (éd. Vallet de Viriville, Paris, Jannet,
1858, t. I, p. 243) : Jean de Home.
244
LA TOUR COMOUFLE ÉDIFIÉE A METZ (1437)
festée pour Jehanne la Pucelle. Et fut trouvée en ung lieu essés près de
Mets, nommés la Grainge aux Hormes ; et y furent les deux frères de la
dicte Jehanne, qui sartifïioient pour vray que c’estoit elle. Parquoy
messire Nicolle Louve, chevalier, luy donna ung bon chevaulx et une
bonne paire de housel, et seigneur Aubert Boullay ung chapperon, et
seigneur Nicolle Grongnat une espée. Et, depuis, l’on congnut la
vérités ; et fut celle fdle marié a seigneur Robert des Hermoixe ; et,
à la fin, vindrent demourer et ce tenir en Mets.
La tour Comoufle aux Champs Bapenne 1 édiffiéez. — En celle meisme
année, fut faicte en Mets la tour on Champts Papenne 1 c’on dit à
présant la tour Commoufle ; laquelle est belle, bonne et bien defïandable, et nécessaire pour defïandre celle partie. Et fut [faictes], corne
l’on dit, à la requeste et remonstrance d’ung bombardiet nommés
Commoufle, lequelle on disoit qu’il tiroit trois fois le jour où il voulloit,
et qu’il husoit d’airt magicque. Et, pour ces chose et plusieurs aultre,
il fut envoiez à Romme pour estre absoult de ces péchiez. Mais, toutteffois, au non de luy fut celle tour ainssy appellée, ne jamais ne luy
cherait le non.
Aucy, en celluy tamps, se esmeust ung petit débat entre George de
Craincourt et la cité de Mets ; mais messire Phelippe de Noeroy et
Poincignon Baudouche furent chairgiés des deux parties, et leur fut
donnés plaine puissance de faiie paix.
Vigne engellée. — Item, l’an dessus dit, le XIXe jour de maye,
furent les vignes engellée par oultre la rivier de Saille et en plusieurs
aultre lieu ; dont ce fut grand dommaige, car elle estoient en aussy
belle apparance qu’il estoit possible. Et fut dès alors le tampts bien
divers, de pluie et de vent. Parquoy le vin, qui estoit desjay chier, fut
encor ranchéris de la moitiés.
Item, aucy est contenus que, en cellui tampts, fut arrier faictes une
grande assemblée d’iceulx malvais gucrson qu’on appelloit les Escourcheux de France, desquelles estoit capitaines le devent dit Polton 2,
qui rut, comme on dit, en ce tampts noyés en une ville appellée Romaige, au dellà de Verdun.
Regnier de Cecille délivrés de prison. — En celle meisme année, on
moix de novembre, oit le roy Regnier de Cecille, et duc de Bar, respit
de sa prison : car, à la journée devent dicte, tenuee à Arras entre France,
Angleterre et Bourgongne, fut sa paix faictes. Parquoy, à cest heure,
c’en allait, acompaigniez de l’évesque de Mets et de Verdun, à Lisle en
Flandre ; et là fut quicte, parmi la somme de VIm salus qu’il debverait
paier au duc de Bourgongne ; et l’en mist en gaige le Neuf Chastel,
Bar, Clermont et Lonwey jusquez à fin de paiement. Et, quant le dit
duc Regnier fust revenus et qu’il eust mis en possession les Bourgui
gnons és plasse dessus dictes, il c’en aillait quérir son filz à Dijon,
1. Le Champ à Panne.
2. Poton de Xaintrailles est mort à Bordeaux, le 1 octobre 1461.
LA PASSION JOUÉE A METZ (JUILLET
1437)
245
là où il estoit en nottaige L Puis allait le marier à la fille du duc de
Bourbon ; et à ycelle nopce y turent aulcuns des seigneurs de la cité
de Mets.
La Passion par parsonaige jure en Chainge. — Item, l’an dessus dit,
on moix de juillet, fut jués en Mets le jeux de la Passion Nostre Sei
gneur jhésu Crist, en la place en Change. Et fut fait le paircques
d’ugne très noble fasson : car il estoit de IX sciège de hault, ensi comme
degrez, tout à l’antour *2 ; et par derrier estoient grand sciège et longne 3
pour les seigneurs et pour les dames. Et pourtoit le parsonnaige de
Dieu ung prebstre appellés seigneur Nicolle, de Neufchastel en Loherenne, lequelle alors estoit curé de Sainct Victour de Metz. Et fut cestui
curé en grand dangier de sa vie, et cuidait morir, luy estant en 1 airbre
de la croix : car le cuer luy faillit, tellement qu il fut estes mort, s il
ne fut estés secorus ; et couvint que ung aultre prebstre fut mis en son
lieu pour parfaire le parsonnaige de Dieu. Et estoit celluy prebstre
alors l’ung des bouriaulx et tirant dudit jeux. Maix, néantmoi[n|s, on
donnist son parsonnaige à ung aultre, et parfist celluy du crucifiement
pour ce jour. Et, le lendemains, ledit curey de Sainct Victour fut revenus
à luy, et parfist la résurrection ; et fist très haultement son parsonnaige.
Et durait celluy misterre par quaitre jours.
En celluy jeux, y oit encor ung aultre prebstre, qui ce appelloit
seigneur Jehan de Nissey 4, qui estoit chappellain de Mairange, lequelle
pourtoit le parsonnaige de Judas ; mais, pour ce qu il pandit tropt
longuement, il fut pareillement transis et causy mort, car le cuer luy
faillit ; parquoy il fut bien hastivement despandus, et en fut pourtés
en aulcuns lieu prochain pour le frotter de vin aigre et aultre chose
pour le reconforter.
La bouche de l’anfer d’ycelluy jeux estoit très bien faicte, car, par
ung engiens, elle ce ouvroit et recleoit seulle, quant les diables y voulloient antrer ou issir ; et avoit celle hurre deux gros yeulx d’assier qui
reluisoient à merveille.
D’icelluy jeux estoit maistre et portoit l’original ung clerc des
Sept de la guerre de Mets, appellés Forcelle.
Et y avoit pour celluy tampts moult de noble seigneurs et de damme
estrangiers et privée en la cité de Mets. Premier, y estoit seigneur
Conraird Baier, alors évesque de Mets, le conte de Vauldémont, seigneur
Baudouuin de Fléville, abbé de Gouxe, la contesse de Sallebruche, et le
conseillé de Bar et de Loherenne, monsseigneur Hue d’Autelz et ces
deux frères, Le Brun de Salz, Charles de Servoille, Henry de la Tour,
et plusieurs aultres seigneur et dammez d’Allemaigne et d aultre pais,
dont je n’en sçay les noms. Et, pour ce, fut ordonnés de mestre par
1 En otage
2. Je comprends : l’enclos où se donnait le jeu était en forme d’amphithéâtre, et
comptait neuf gradins.
3. Le mot loigne, ou loie, désigne une sorte de galerie de bois.
k. Jean de Missey dans Huguemn, Les Chroniques de la ville de Metz, p. 200.
m
LA VENGEANCE DE NOTRE SEIGNEUR JOUÉE A METZ (SEPTEMBRE 1437)
tout la cité, de nuit, des lanternes aux fenestre et de la clartés aux huis
tout ledit jeux durant.
Lavengence de la mort deNostre Seigneur jués par parsonaige. - Item
le XVIIe jour de septembre ensuiant, fut fait le jeu de la vangeancé
Nostre Seigneur Jhésu Crist, on propre paircque et on meisme lieu que
la Passion avoit estés faicte. Et fut la cité de Jhérusalemz très biens
et subtilement ouvrée et faictes, et le port de Jafîet ou Jopan *, dedans
ledit parcquez. Onquel jeux Jehan Matheu, le plaidieur, fut et pourtait
le personnaige de Vaspasiens, et le curé de Sainct Victour, qui avoit
esté Dieu à la Passion, fut Titus. Et durait ce mistère environ quaitre
jour.
n
Puis, tantost après, le derniers jours dudit moix de septembre, se
partirent de Mets plusieurs jonne seigneurs ycy après nommés : pre
miers, Jeoffroy Dex, Jehan de Warixe, et Jehan Baudoiche le jonne
pour aller avec seigneur Robert de Commercy au mandement du roy
de France, lequelle tenoit alors le sciège devent Montrial fault Yone,
comme cy après serait dit. Et, quant il vinrent illec, ledit seigneur de
Commercy les abandonnait et revint à Commercy. De quoy les sei
gneurs devent dit n’en furent de riens plus esbaïs 12. 3Et adonc trou
vaient le seigneur Anchellin de la Tour 3, quj estoit bailley de Vittry
en Partois ; cy ce mirent en sa compaignie, et il les receupt bégnignement, avec Gillet Baitaille, citains de Mets, qui jà estoit avec ledit
seigneur dès le troisiesme jour d’avril ; et furent audit sciège jusques
a tant que la dicte Montrial fut prinse.
Monstreaux réduicle au roi. - Et fut celle prinse le jour de la sainct
Luc évengéliste ; et y fut le roy Charles en personne. Et, quant elle
fut prinse, ledit roy c’en allait à Paris ; en laquelle, à son antrée, luy
fust faicte grant honneurs et grant festes, tant de monstre, de présent
et d aultre chose estrange, comme cy après nous dirons. Et. quant il oit
quelque peu séjournés à Paris, il c’en aillait à Corbuel.
Retour des seigneur de Mets de devent Monslreaulx. - Puis c’en
retournaient les seigneurs devent dit tous ensamble avec leur capi
taine seigneur Wainchelin de la Tour, en la cité de Mets ; et y antrairent le lundi XVI® jour de décembre, après vespre. Et les faisoit moult
bon veoir ; car il estoient armés, sans curesse 4, tout à crus 5 ; et mer
veilleusement bilerdez d’argent 6, selon la coustume de France ; et, avec
1. Jaffa, en latin Joppe, était censée avoir été bâtie par Japhet, fils de Noé
2. Je comprends : les seigneurs de Metz ne furent jamais plus ébahis que ce jour là.
3. Quelques lignes plus loin, Philippe écrit Wainchelin de la Tour.
l’armure 6SSe' CUlraSSe’ La cuirasse est une pièce de cuir que l’on plaçait par dessus
Z1 CfUd - dut1165” nu.e ’ on se bottait à cru, on se vêtait, on s’armait à cru. Il
semble qu ici Philippe veuille dire que les seigneurs étaient montés à cru, sans selle
ou couverture.
Bûcrdcz. N’est-ce point billardé ? Ce mot, dérivé de billart, sorte de bâton, pour
rait désigner la barre de bâtardise que portaient les armes du bâtard d’Orléans,
MAITRE JEANNIN, COUVREUR A METZ, PENDU (1437)
247
ce, avoient des collés c’on dit comay *1 *d’argent on colz, que le bastard
d’Orléans leur avoit donnés, pour tant qu’il fussent son ordre, et il en
furent. Car alors le dit bastard estoit duc, et possédoit la duchiez
d’Orléans, pour tant que son frère estoit prisonnier en Angleterre.
Maistre Jenin le recouvreur pendus. — Item, en la dicte année, fut
pandus à la justice de Mets ung appellés maistre Jennin le racouvateur. Lequelle estoit riche et bon ouvrier ; mais sa richesse n’estoit pas
du tout bien acquise, et n’avoit mye la plus part de son tampts amploiés à bien faire ; ne encor n’estoit de mal faire repantant, combien
qu’il fut viez et de grant eaige. Car il congneust à la justice qu il avoi
desrobés en son tampts XXII callices, sans les aultres choses, qui
montoient à grant somme. Et fut accusés pour deux calices que furent
prins en la paroiche de Sainct Supplisse, pour le tampts que on faisoit
le jeu de la Passion cy devent dictes. Car il ce encloyt en ycelle église
nuytanment ; et les print sans avoir nulle fraction és armaire esquelles
il les print ; dont on fut moult esbaïs, car il furent mescrus à plusieurs
seigneurs d’Église, qui n’en pouvoie may. Entre lesquelles en fut sei
gneur Simon de Basoncourt, prebstre, menés en la maison de la ville ,
et illec fut détenus en estroitte prison. Mais il en fut trouvés innocent,
et fut délivrés. Et puis fut mescrus à ung aultre prebstre, appellés
seigneur Hartelbich, qui estoit bon amis a maistre de la monnoie ; mais
il n’y avoit coulpe. Et fut le fait accusés pour ce que ledit maistre
Jennin pourtait du billon à la monnoie que tenoit aucunement or
Dequoy ledit monnoiés le rethint, et le fist sçavoir à justice. Et alors il
fut prins ; et, son cas congnus, fut menés pandre sur ung tumere z.
Et, en c’en allant à la justice, il chantoit une chanson à haulte allame,
qui ce acomance aincy :
Hé ! Robinet, tu m’ay la mort donnée,
Car tu t’en vais et je suis demourée.
Et chantoit celle chanson ledit maistre Jennin aincy comme s’il fut
âéTmptste et oraige. - En celle année, le XXIIIe j°ur de
il tonnait fort, et grêlait « merveilleusement, et fist ung très fort tampts,
environ une heure après midi ; et estoient lesdite grelle aussy grosse que
singue 3 de terre de quoy les anffans juent.
a. M : gellait.
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imputé à tort à plusieurs ecclésiastiques.
Hnntp cin&le
3. C’est à des billes que Philippe compare les grelIons. Singue: es . sa i ^
du verbe cingler (comparer, dans les Ardennes un type gicle^Ae g
•
® nnaît que
chique semblent aussi dérivés des verbes mailler, chiquer).
y Aubrion • il les
deux exemples du mot single, tous deux empruntés au Journal de Jean Aubrion ,
glose par « petite balle, trait d’arbalète ».
248
PLAPPEVILLE MISE A SAC
(1437 a. St.)
Défaicie d’aulcuns Escorcheurs. — Item, l’an dessus dit, on moix de
novembre, ce assamblairent une grande compaignie d’iceulx Escorcheur, qui estoient banis de France ; et ce vindrent mestre soubz le
bastard de Bourbon, du grand et du petit Astrach, bien en nombre de
XXII cent , et furent XV jours en la cluchiés de Bar, vers Ballecourt.
Maix les Loherains et les Barisiens ce mirent ensamble, et, parmy
1 ayde de 1 évesque de Mets et de Verdun, leurs coururent sus, de
qu°y il y en oit environ trois cent LXVII que prins que mors.
Touteffois, lesdit Escorcheur vinrent faire une sallie, là où il encloïrent
plusieurs Loherains, et y fut prins Huttin de Serrier ; et Jehan de
Warize, aagié de XV ans, y fut tués, et environ LX bon homme, qui
ce y avoient trouvés pour despoullier lesdit Escorcheur mors. Et fut
tout cecy fait par le conseil et consantement du seigneur Robert
de Comercy.
En celle dicte année, on eust de très pouvre vin ; et ce tinrent tousjour à ung pris. Mais les bief devinrent chier, et coustoit le froment
X sols la quarte, le soille VII sols, et les aultre grains à l’avenent. Puis,
en peu de tampts, furent descheus de II sols ; mais, à la Paicque
ensuiant, il remontait à XI sols.
Délivrance du seigneur de Comercy. - Item, en celle année, fut déli
vrés de la prison le dit seigneur Robert de Commercy, parmy ce qu’il
debvoit paier la somme de X mil salus ; et, avec ce, devoit délivrer
touttes les gairdes et les lettres obligatoires que lu y, ces prédécesseurs,
et aultres pour eulx, pouoient avoir sur les duchiez de Bar et de Lor
raine ; et ne devoit jamaix mefïaire sur nulles dez devent dictes duchiez,
ne sur ceulx de Mets, de Toul ne de Lucembourg. Mais il mantit,
comme vous oyrés ycy après.
L empereur à Ferrare. — En celle devent dicte année, vinrent l’ampereur de Constantinoble, son filz et le patriarche de Grèce, et avec
belle compaignie, au nombre de VIIe hommes ; lesquelles vinrent
aux frais et missions du pappe Eugène quaitriesme et du sainct con
cilie de Baille. Et tenoient yceulx Grec deux bandes. Car l’ampereur
et son filz, avec ledit patriarche et environ cent des plus nobles, vinrent
ariver à Ferrare, pour la partie du pape, et les aultre VIe estoient à
Venise pour le concilie ; car le pappe et le concilie estoient en division.
Et firent les Grec protestacion qu’il n’obéiroient à nul jusques à tant
que nostre mère Saincte Église seroit réformée. Et, avec ce, que on lez
metteroit en leur païs aux frais, missions et despans des parties par qui
il estoient venus. Et fut ce fait, en la karesme, l’an dessus dit mil
1111e et XXXVII.
Pardon leves. — Et, depuis, pour aidier à paier leurs frais et despans,
fut levés ung pardon parmi la crestientés, dont les denier, ou la plus
part, dévoient estre amploiés à cest affaire.
Ceulx de Pleppeville courus. — Or, avint encor en celle dicte année
que les gens le devent dit seigneur Robert de Commercy vinrent courir
à Pleppeville, devent Mets, à l’ocasion d’ung appellé Pichon, lequelle la
justice d’icelle ville avoit fait paier une amande pour le maire des
JOUTE A METZ
(1437
a. St.)
249
chaitifz *, qui est une gaiberie qu’il font tous les ans, le jour du Merdi
Grais. Cy advint que celluy maire et plusieurs aultres se trouvaient
à ce jour dit devent la maison dudit Pichon, et demandoient à avoir le
vin, pour ce qu’il avoit fianciés sa famme à la nouvelle fasson. Et il fut
rebelle ; et ce esmeut entre eulx ung gros huttin, tellement qu’il luy
vint à reproichiés qu’il l’avoit espousés à cul de femme, et qu’il avoit
prinse sa rebaulde. Parquoy le devent dit Pichon fut plus amflambés
que devent. Et, pour ce fait, c’en aillait à Commercey, et amenait
yceulx lairon à Pleppeville avec luy. Et, cen ce que on ce donnait en
gairde de rien, prinrent environ XIX homme à la dite ville, et, avec ce,
prinrent tout ce de meubles qu’il polrent trouver dedans les maison
d’iceulx pouvre homme. Et, encor, ne ce tinrent à cella ; car, depuis
environ XV jour après, sont revenus lesdit lairons, et ont encor prins
plusieurs aultres homme vignerons, tant de Pleppeville comme d’aultre
part, lesquelles furent prins eulx labourant és vigne par devent la cité.
Et, ce fait, c’en allirent geoir à Airs sus Muselle. Et estoit avec eulx le
bastaird de Vertus. Mais l’on fist une alairme ; parquoy ceulx de Mets
y acoururent, et en prindrent aulcuns des leurs, jusques à VI ou VII,
lesquelles furent amenés prisonniers à Mets.
Jousle faicle aux Champs à Saille à baixe selle d’Alemaingne. — Item,
en celle année, le jour des Brandon, firent les jonne seigneur de Mets
cy après nommés une jostes on Champts Paissaille 12, à baix saille
d’Allemaine 3 et sur petit chevaulx : c’est assavoir seigneur Régnault le
Gournaix, chevallier, Jofîroy Dex, Jehan de Wairixe, Jehan Baudouche,
Jofïroy de Wairixe, Jaicomin Boullay et Perrin George. Et fut ce fait
par joieusetez et pour donner cause de rire ; car, en la dicte plasse, il
avoient fait mestre force fomeroy et fiante de beste, puis par dessus fut
mis foisson de blan estrains. Et estoient les dessus nommés tout vestus
de blan, maistre et chevaulx ; et les faisoit très biaulx veoir, car il
cheoient souvent ; de quoy il en fut biaulcopt ris.
Le duc de Bourgongne à Burges 4. — Item, en celluy tampts, le duc
de Bourgongne entrait à Burges en Flandre. Mais les Burgeois en furent
cy très mal contant qu’il tuarent plusieurs des officiers de sa maison,
et fermèrent les pourtes sus luy, et moult le persécutaient. Parquoy il
délibérait d’en prandre cruelle vangeance. Toutefïois, à la fin, en fut
la paix faictes, en paiant deux cent mil riddes d’or, sans les dons qu il
donnaient à son espouse, Ysabel, fille du roy de Portugal, affin qu elle
appaisast le duc son marit.
Et, en ce meisme ans, après la prinse de Monstreau, en laquelle fut
le roy en personne, comme cy devent ait estés dit, fist tantost après
1. Sur le maire des chétifs, voyez L. Zéliqzon et G. Thiriot, Textes patois recueillis
en Lorraine, p. 165, n. 1. L’usage de nommer un maire des chétifs s’est perpétué
jusqu’à nos jours à Failly (Moselle, Metz).
2. Le Champ-à-Seille.
3. Sur basse selle d’Allemagne.
4. Bruges,
250
JEAN LE GOURNAY, MAITRE-ÊCHEVIN DE METZ (1438)
ledit roy son entrée à Paris. En laquelle luy fut faictes ung moult
biaulx recueille, et en grant honneurs et triumphe y fut ressus.
Cy vous lairés de ces chose le pairler, et retornerés a maistre eschevin
de Mets et à plusieurs aultres besoingne.
[guerres EN FRANCE ET EN LORRAINE : l438-l44o]
Mil iili« el xxxviij. — Or, pour revenir a prepos, je vous dirés cornent,
en l’an après, fut fait et créés maistre eschevin de la cité de Mets le sire
Jehan le Gournaix. Et oit l’eschevignaige seigneur Aubert Boullay.
Et fut ce fait en la devent dicte année, que le milliair courroit par
mil IIIIc et XXXVIII.
La mort Sigismond, empereur. — Et, en celle année, trespassait de
ce sciècle Sigismond l’ampereurs, qui fut l’an XXVIe de son ampire,
lequelle en son vivant estoit roy de Honguerie et de Bahanne. Et fut
ensépulturé audit païs de Honguerie, en une cité nommée Albe.
Et succéda à l’ampire Albert, duc de Austruche, son janre, lequelle
VI mois après fut fait roy de Boesme et de Hongrie.
Le chasteau de Guermange gaingnês par l’évesque de Strasbourgz par
subtilités. — En cellui tampts, fut prins et par grant subtillité gaingniés le chastel de Guermange par l’évesque de Strabourg, par le
moiens de VIII compaignon d’icclluy chastel, lesquelles par fortune
furent prins et rués jus par les gens dudit évesque. Or, escoutés une
grande cautelle et une finesse très subtille faictes par les gens dudit
évcsques. Vous devés sçavoir que, quant il furent saisis d’iceulx gallans, il les despouillairent et les mirent tout en chemise. Et, ce fait,
ce sont Vestus et adoubés de leur robes et de tout leur aultre harnoix,
et ont montés sur les chevaulx d’iceulx gallans. Puis ce mirent en voie
droit à ycelluy chaisteau, leur adversaire. Duquelle ceulx qui l’avoient
en gairde, les voiant venir, cuidairent a vray que ce fussent leur gens,
parquoy il ouvrirent la pourte et lez lessirent antrer dedans. Et,
incontinant, ce manifestairent ; dont lesdit de dedans furent bien
esbaïs. Et en cest manier fut gaingniés cellui chastel et prins par grant
subtillités.
Trois jortne homme pendus. — Item, en cellui tampts, furent prins
et pandus a gibet de Mets trois josnes compaignon, dont l’ung estoit
banis de Mets pour larcin, et les deux aultres estoient d’icelle ville de
Pleppeville, et des plus riche de la ville. Et, la cause pourquoy il furent
pandus, fut pour ce qu’il faisoient secrètement sçavoir au devent dit
seigneur Robert de Commercy aulcune chose, contre les ordonnance
de la cité.
Et fut aucy pour celluy meisme tampts que le capitenne Fort Espice
fut prins par les gens du conte de Wauldémont.
TRÊVE ENTRE METZ ET COMMERCY (JUIN 1438)
251
Commendement de ne porter bledz hors la ville sans enselngne. — Item,
en celle dicte année, on moix de may, fut fait ung édit et fut criés en
Mets que nul ne pourtait pains ne bief hors d’icelle cité sans enseigne
dé Trèzes. Car on ne voulloit que nul puissant 1 avoir pains ne bief
d’icelle ville, sinon ceulx qui estoient de la jurediction et subjection
desdit de Mets, pour ce que, pour cellui tampts, y avoit ung grant
chier tampts de bief par tout le monde. Maix, la Dieu mercy 2, et a
bon gouvernement de la cité, le plus chier qui ce vandit en ycelle ne
passait point de pris XII sols la quarte. Et puis, tantost aprez, revint
à VIII sols. Et fut ce par le bon gouvernement et conduit des recteurs
de la dite cité.
Ceulx de Mets en garnison à Aspremont. — Item, le jour de l’Ancension après, ce partirent les souldoieurs de la cité de Mets, par le com
mendement et ordonnance de leur maistre, les VII de la guerre, pour
aller à Aspremont en gairnison, à l’encontre d’icellui Robert, seigneur
de Commercy. Et fut cest ordonnance et entreprinse faicte pour ce
qu’il sambloit ausdit de Mets qu’il estoient tropts loing de Commercy.
Parquoy il firent tant au devent dit seigneur Hue d’Aspremont, et
seigneur d’icelle plesse, que la maison leur fut ouverte par l’espasse de
quaitre ans durant, parmy la somme de quaitre cent florin, pour
chacun ans, de louuier. Et, alors, mirent lesdit de Mets bonne gairnison
en ycelle plaisse, et de jantilz gallans de guerre.
De quoy c’en thint bien de rire
De Commercy le sire.
Trêves acordée entre ceulx de Mets et le seigneur de Cornercei. — Puis,
tantost après, on moix de jung ensuient, furent faictes trêves, par le
moyens dudit conte de Wauldémont, entres les seigneurs de la dicte
cité de Mets et le devent dit seigneur Robert de Commercy. Et, alors,
revindrent les prisonniers qu’il avoit heu prins à Pleppeville et aultre
part, on karesme devent, en paiant leurs despans. Mais le traistre leur
avoit tant fait souffrir de paine et de mesaise, pour ce que lesdit de
Mets ne voulloient souffrir de les raicheter, qu’il en y oit piès de la
moitiet des mors en prison ; et, encor, de ceulx qui revindrent, en
morut plusieurs. Car il estoient à demi mangiés de poul, et morant de
fains. Et, tantost après, parmy cellui traictiés, revindrent arrier en
Mets lé souldoieur devent dit de leur garnison.
Deffence par l'évesques de n’amener nulz vivre en Mets. — Pareille
ment, avint, en cellui tampts, et on meisme moix de jung, que révérand perre en Dieu seigneur Conrard Baier, évesque de Mets et gouver
neurs des deux duchiez de Bar et de Loherenne, fist deffandre qu’il ne
fust nulz des trois païs qui amonnossent rien en Metz, sur grosse paine,
ne bois, ne scé, ne nul aultre biens, quel qu’il fut. Et, tantost, lesdit de
Mets firent arrier deffandre et renforsèrent leur comendement que l’on
1. Puissent, pussent.
2. Exactement : par la pitié (mercy) de Dieu ; grâce à Dieu.
252
LE MYSTÈRE DE SAINT ÉRASME JOUÉ A METZ (SEPTEMBRE
1438)
ne pourteroit ne méneroit riens de la cité en nulz desdit trois païs.
Parquoy, en celluy tampts, fut fort chier le pains et le vin par tout
païs, forque en la dicte cité de Mets.
Le pont Quinquaral[e] ragrandis. — Et, en celluy tampts, fut ralongiés et ragrandis le pont c’on dit Quinquaraille. Car, alors, y avoit ung
aultre pont de cost cellui, pour passer cher et chairette et aultre biens
quant les yawes estoient grande et hors de rive. Et le firent faire les
vignerons de la paroiche Sainct Marcel entre eulx V, parmy les aulmonne des bonnes gens 1.
Course aux paiis de Mets. — En celluy tampts, le Rouffo 2, prévost de
Longuyon, accompaigniés de trois cent lances des deux duchiez,
firent une corse on pays de Mets, entre les deux ryvier Saille et Mezelle,
pour gaigier ; et y firent de grant dommaige. Et fut ce fait à la requeste
d’ung appellés Grand Taixe, d’Anou clevent Briey. Maix, tantost après,
la paix en fut faicte ; et fut force au prévost du Pont de randre tout ce
qu’il avoient prins au pouvres gens, parmy paix faisant.
Ung canon dressés de nouveaulx. — Item, on moix d’aoust ensuiant,
fut faicte de rechiefz une grosse bombarde en Mets ; et fut menée on
pallas avec les aultres, à la vueue d’ung chacun.
Grand mortalité en Mets et aux paiis. — Aucy, en celluy tampts, fut
grand mortalité de gens par tout l’universelle monde. Et, d’icelle
mortallités, en furent mors, tant en Mets corne on païs d’icelle, jusques
au nombre de XX mil personne, entre lesquelles furent plusieurs
seigneurs et dammes. Et durait celle mortallité ung ans et plus ; et
éstoit l’aier ce très infect que l’on ne veoit aultre chose que gens mallades par les rues, de chaude maladie. Et ne voulloit on recepvoir
personnes en l’ospital de Mets, c’il n’estoit de la juridiction d’icelle.
Car, pour ce tampts, grand multitude de gens mallades estrangiers
venoient en Mets ; lesquelles on ne voulloit laissier entrer ne logier
en la dicte hospital.
Le jeux sainct Aramin[e] 3 jués en Chainge. — Toutteffois, en celluy
tampts, pour soy resjoyr, le premier jour de septembre, fut fait le jeu
et la vie et martir du glorieulx amis de Dieu sainct Arramme 3 en la
place de Change ; et durait deux jours.
Entreprinze du duc de Bar, et aultre, contre le conte de Waldémont. —
Item, en celluy meisme moix de septambre, les gouverneurs de la
duchié de Bar et de Loherenne, c’est assavoir l’évesque de Mets, l’abbé
de Gorxe, seigneur Ferry de Sévigny, mareschal de Loranne, et seigneur
Jehan de Hassonville, yceulx seigneurs firent ung grant mandemant
secret ensemble, cuydant prandre furtivement la place de Wauldémont ; car en trayson on leur devoit délivrer. Mais, quant ilz virent
que leur cas ce pourtoit mal, et qu’il avoient faillis à leur entreprinses,
pour récupérer leur honneurs, il boutairent les feu par toutte la conté.
1. De même Huguenin, op. cit., p. 203.
2. Sur le Rouffoux, voyez H. Michelant, Chronique de Husson, p. 329, n. 102,
3. Saint Érasme,
RESTRICTIONS IMPOSÉES AUX BOULANGERS DE METZ (1438)
253
Parquoy le conte Anthonne de Wauldémont, accompaigniés du capi
taine Fort Espice et de ceulx de Commercy, vinrent à frapper sur eulx
entre Ormes et Charmes. Et en firent telle desconfiture qu’il en y oit
plusieurs des mors qui demourairent en la plaisse ; et plusieurs en
furent des prins.
Ordonnances de faire pain d’orge, d’avuainne et grus. — En celle
meisme année, fut ordonnés en Mets que les boullungiers feissent pains
d’orges, d’avoinne et de gruson, et les aultres pains si comme il avoient
acoustumés *1 ; et que chacun pains heust certains poix. Et fut, avec ce,
ordonnés certains merchampts pour regairder sur eulx. Pareillement,
fut encor ordonnés que chacun desdit boullengiers n’eust que trois
pourciaulx, c’est assavoir ung à faire baccon, une llèche, et une truye
pour les porcellet 2.
Marie, cloche, fondue. — Item, en l’an dessus dit, le XXIlIIe jour
dudit moix de septembre, fut faictes et fondue Marie, la plus grosse
cloche de la Grand Église de Mets, on moustier de Sainct Pier aus
Ymaiges, par maistre Anthonne, maistre de l’artillerie de la cité.
Ordonnance de n’avoir que xij bolungier en Mets. — Puis, on moix
d’octobre ensuiant, en l’an dessus dit, fut ordonné en Mets que nul
n’achetait bief, fort que les boullungiers. Et, avec ce, qu’il n’y aroit
en la dicte cité que® XII boullengiers qui fissent pains d’ung deniers,
et qu’il n’en vandissent à nul personne, forcque aux seigneurs ou gens
mallades. Et à ce furent contrains par leur serment 3. 4
Vaillance de ceulx de Mets. — Item, l’an dessus dit, le XVIIe jour
d’icellui moix d’octobre, fit une chevaulchié le filz le seigneur Jehan
de Bennestorfïz, et le filz le seigneur de Putellenge, accompaigné
environ de cent chevaulx, tous allemans ; et vinrent courrir à Warixe
qui appartenoit aux seigneurs de Metz. Et les soldoieurs d icelle cité
corurent après, environ LXIII chevaulx ; et les poursuirent tellement
qu’il furent rencontrés entre Viller l’Abbaïe et Rabay 1 ; et en furent
a. M : que est écrit en toutes lettres, puis répété en abrégé.
b. M : Werarixe. Philippe a écrit le mot en entier, tout en mettant le signe de l abré
viation.
1. Grus, gruson : son [gru est encore vivant aujourd’hui dans les patois, Zéliqzon,
Dictionnaire des patois romans de la Moselle). La phrase signifie sans doute que le pain
ordinaire devait être fait de farine d’orge et d avoine mélangée de son ; le pain de luxe
(les aultres pains) pouvait être fabriqué avec de la farine de froment.
2. On restreint le nombre des porcs (qui se nourrissaient de son). — Porc à faire
bacon : porc à engraisser (bacon signifie encore lard en patois lorrain) ; la truie est
conservée pour la reproduction ; flèche est obscur. L'ancien français connaît un mot
flec, « tranche de lard ou de viande salée coupée en long ». S’agit-il de porcs que l’on
sacriliait avant qu’ils ne fussent tout à fait gras ? L’est assez vraisemblable. 11 est fort
douteux que chaque boulanger possédât un verrat : il conservait donc une truie, un
porc qui devait être tué à bref délai, et un porc à engraisser.
3. il y a cette fois limitation de la fabrication des pains de luxe, que seuls douze
boulangers ont le droit de faire, et pour une clientèle spéciale. Philippe a traduit en
français (pain d’un denier) un mot messin derrauli (H guenin, op. cit., p. 204), ou
daraulz, darals (Hisson, éd. Michelant, p. 73).
4. Villers-Bettnach, Moselle, Metz, Vigy. — Il existe encore, sur le territoire de
cette commune, une ferme et un moulin qui portent le nom de Rabas.
254
UN « TREIZE » NOYÉ A METZ PAR JUSTICE (1438 a. St.)
XXXVI des prins, avec les deux capitenne devent dictes, et avec
p usieurs chevauJx de scelle. Et, tantost, deux jours après, fut tout ce
butines et vandus la somme de mil frans.
En celluy meisme tempts, deux marchampts de Spire priment et
desrobairent en l’ostel Jehan d’Oultresaille, le merchampts citains de
Mets, et demeurant en ycelle, en la rue de Wezenieulz, environ la
vallue de deux mil livre ; desquelle merchampts l’ung avoit estés son
serviteurs. Et, ce fait, ce sont partis yceulx lairon le vandredi, tout a
matin, a la pourte ouvrant. Mais, aincy comme Dieu le voult, il furent
prins e arestes à Pont à Chaussy 1 par le serourge dudit Jehan d’Oultresaille, lequelle estoit convers des frères Cellestin du couvant de Mets
a^e ei meiSne j°Urnée’ vinrent les g^s du seigneur Jaicob de
Bonnestorffz, lesquelles priment en la ville de Chaussy yceulx deux
prisonnier, et les menairent à Raville en prison
YVV,',r '* T'* *
~ p“â. » cellui mcism.
pts,
XXVIII jour dudit moix d'octobre, tut prinsc Merecourt
en Loherenne par ung capitanne du conte de Wauldémont, appellé
rte Espice. Et, là, tinrent tant qu’il covint que le mareschal de
Lorranne allait quérir les cappitanne de France, c’est assavoir La
Wn’ P°wn’ ? nnChf fleUF’ k gl'and Estrac(îue<
Petit Estracque,
se gneur Wanchellin de la Tour et le bastard de Vertus, lesquelles alors
LoheraPins0nnierS Ù AmanSCe’ aVec Plusicurs auEres> en la mains desdit
Item, le vandredi vigille saincte Lucie, tonnait et esloidait trefïort
entre quaitre et V heures après midi. Et estoient aleurs 2 les yawe
forte grande.
"
Mr0U1 arrier rendUe' - AucIueJle tampts, fut arrier rendue Mircourt par le devent dit cappitaine Flocquet, qui alors estoit dedans
p ur le conte üe Wauldémont : maix ne fut pas à son honneurs, car
il la délivra iortivement 3, pour la somme de V mil sallus d’or, et pour
ung corsier que seigneur Comaird Baier, évesque de Mets, luy donnait.
Loherains’ ° ^ &
randre avec La Hyer Pour tenir Ia partie desdit
Ung Trèzes noiés en Mets par justice. - En celluy meisme tampts,
e uer jour de janvier, fut noiés ung des Tièzes de Mets, appellés
aicomm oppec ausse, d Oultresaille ; lequelle, comme dit est, estoit
homme de hgnaige et de justice. Et la cause pourquoy, ce fut pour
ce que, ledit ans, en la semaigne de Noé, il gardoit à la pourte Serpenoise , et tellement que, une nuit, il avoient jués aux dex ; et avoit ledit
aicomin perdus. Oi, advint que, après le soupper, il voulrent boire une
fois, Parquoy il dirent au chastellain de la pourte, qui ce appelloit
Jehan Piéraird, qu il heussent du vin ; et, avec ce, qu’il leur livrait de
2! ï?W^TcTttehh?ureU * C°Urcelles-Chauss^ Moselle, Mets, Pange.
manière^Moyale1’*11011 P3S
16 S6nS de * 6n cachette *> mais avec le sens de « d’une
LES ÉCORCHEURS DE FRANCE AU PAYS DE METZ
(1438 a. st.)
255
sa waisselle d’argent pour eulx boire. Et aincy le fist. Et, ce fait, c’en
aillait dormir. Et, ycelle nuit, furent desrobées lesdicte waisselle,
montant à VI taisse d’argent. Et, que pis est, demoura ouvert le
guychellet de la dicte pourte toutte la nuyt. Parquoy, quant ce vint
a mattin, le chastellain demandait à ravoir ces VI piesse de waixelle
à ceulx à qui il les avoit livrés, c’est assavoir a filz Jehan de Gorze,
et à Peltrement le bollengiers, et au devent dit Jaicomin. Dont il
respondirent tous qu’il n’en sçavoient riens. Et, quant il vit que c’estoit
à la bonne escient cy c’en complainct ledit chastellains à la justice.
Sy furent prins tous trois et menés en l’ostel de la ville ; et, après plu
sieurs inquisicion, fut trouvés ledit Jaicquemin coulpable du fait.
Parquoy justice en fut faictes, et fut noyés, comme cy devent avés
oy. Et, par ce, apert que de bonne vie bonne fin. Car la justice d’icelle
cité de Mets n’en espairgnent nulz, tant soient grand ou petis. Et furent
rapourtée les VI taisse par maistre Simon, des Preischeurs, après ce
que la justice en fut informée.
Cy vous souffise quant à présent de ce que j’en ait dit, car à aultrez
chose veult retourner.
Jehan Belrain pria par ceulx de Mets. —- Item, en ce meisme tampts,
fut prins Jehan Belrain, qui venoit de Chambley avec Phillebert du
Chastellet ; et cy en alloient à Thiacourt, là où le seigneur Vainssellin
avoit essamblés environ Ve chevaulx. Mais les-soldoieurs de Mets les en
chaissairent, tellement que ledit Jehan fut prins, et amenés en prison
à Mets ; et y fut loing tempts, jusques ad ce que luy et XII nobles
hommes d’armes devinrent a homme à la cité à tousjour? maix.
Le paiis de Mets courus par ung capitainne de France. — Pareille
ment, en cest présante année, le mairdi 1111e jour de febvrier, vint le
seigneur de Panesach, qui alors estoit l’ung des cappitaine de France,
accompaigniés de VIII0 chevaulx, que l’en nommoit les Gaiscair.
Et furent logiez à Nouviant sur Muzelle ; et firent une course à Joys,
puis à Corney, là où il tuairent ung homme. Maix ceulx de la dicte
Corney ce defïandirent vaillamment, et en prinrent quaitre des leurs,
et les ont heus amenés à Mets en purre chemise, les mains loyées derriers
le dos ; et furent menés en l’ostel de la ville d’icelle cités. Puis, les
seigneurs, voiant leur affaire, mirent conseille à leur besoingne. Et
firent faire une nef bateilleresse ; et mirent plusieurs compaignon
dedans, desquelles Jaicomin Simon, et ung soldoieurs appellé Comphle 2,
* 1furent fait cappitannes. Puis ce mirent en la riviers, et montairent amont l’yawe, et, avec belle collevrines et arboullestres, allont
tirent jusques à la dicte Nouviant, et defïandirent tellement endroy ce
lieu que yceulx Gaiscar ne polrent venir à Aincey ne à Airs, où il
avoient grant volunté de faire mal, par la deffence de ceulx d’icelle
a. M : devirent.
1. A bon essient, pour de bon (Romania, t. LIV, p. 95).
2. Comofle (Huouenin, op. cit., p. 205).
256
LES ÉCORCHEURS DE FRANCE EN ALLEMAGNE
(1438 a.
St.)
nefz batelleresse. Et, avec ce, les firent desloigier de la dicte Nouviant ;
et c’en allirent lougier à Saincte Marie au Boix, à Pregney en la montaigne, et a Bancourt P Parquoy les soluoieur de la cité furent envoiés,
après le dimenche Xe jour de febvrier ; et en tuairent XIIII ci’iceulx
Gaiscair, et en fut ramenés ung pour en dire des nouvelles. Puis, a
lundemains, furent ensambles environ XVIIIe homme de piedz, tant
de ceulx de Mets que du pais subgect ; et, avec yceulx, furent près de
deux cent que soldoieurs que verlet d’ostel, lesquelle ce mirent en
ambûche sur l’estaie desoure Chastel Sainct Germains pour combaitre
yceulx Gaiscar. Maix il en furent advertis, parquoy ce pai tirent de ce
lieu. Et c en allirent à Essey en Wèwre ; et lesdit de Mets en prinrent
ung à Saincte Marie a Boix, et le ramenairent à Mets.
Item, en ce tampts, le mairdi XIe jours de febvrier, et après ce que les
ap ou s aille s sont faillies 12, ung des seigneur de la dicte cité de Mets,
appellés Geoffroy Dex, print et espousait damme Bille d’Abocourt,
vesve de feu Aubert Boullay, son premier, nepveu et enfïans de deux
seurs. Et fut ce fait par dispance du sainct concilie de Baille. Maix
celluy mariaige ne durait mye longuement ; car, en celle année, le
XIIIe jours d’octobre, la dite damme morut et trespassait de ce monde.
Et, en celle meisme nuyt, vint en Mets le seigneur Wainsellin de
Conflans cy devent dit, et demandoit 3 a seigneurs d’icelle, s’on luy
voulloit donner deux mil florin d’or, il feroit retourner la compaignie
devent dites des gens d’armes, sans rien meffaire audit de Mets. Maix
il luy fut dit qu’on ne luy donroit point une maille. Parquoy il s’en
retournait tout confus.
Vézelize prinse par les Lorains. — Et, tantost après, on dit moix de
febvrier et en l’an dessusdit, fut abatue et mise à ruyne la ville de
Vézellize par lez Lorrains.
Aulcuns quenton d’Alemaingne courus. — Item, l’an dessus dit,
lesdit Escorcheurs de France, lesquelles en celle année furent en Lorranne, dont La Hyère, Bairet 4, Blanche Fleur, Floquet, le grand
Estracque et le petit, et le seigneur de Pannesach estoient cappitainne, s’en aillirent jusques à Strausbourg et à Baille en Suysse. Et, en
despit de tous ceulx qui en voulrent parler 5, retournaient par Monbelliard ; et vinrent à Lussu 6 en Bourgongne. Et fut dit que ycelluy
cappitainne, dicte La Hièie, avoit juré qu’il abreveroit son chevalx
dedans le Bins, si comme il fist. Et olrent yceulx cappittaigne plus de
cent mil florins de composicion et de ranson ai'fm qu’il retournaissent
hors du païs des Allemaignes : car il furent jusques aux bourgz de la
dicte cité de Strausbourgz ; et, de fait, lé prindre et pillaient.
1. Sainte-Marie-aux-Chênes ; Saint-Privat-la-Montagne ; Roncourt : Meurthe-etMoselle, Briey, Briey.
2. L’on ne célèbre pas de mariage pendant le carême.
3. On attendrait plutôt : promettait (que).
4. Barrette ? (Jean Chartier, Chronique de Charles VII, éd. Vallet de Viriville t. I,
p. 120). — Blanche Fleur : Blancheiort.
5. Phrase ironique : l’on se contenta de protester en paroles, personne n’osa agir.
6. Luxeu dans Hxjouenin, op. cit., p. 205. C’est Luxeuil (HLo2, t. V, col. 67).
Item, toutte celle dicte année fut moult pluvineuse ; et ne gellait
mye corne riens ; et fîst en mars de merveilleux tampts de tonnoire et
alloide.
Pier de Rochefort prins. — Item, en celle année, Guillaume de Flavy,
capitenne en France, fîst pranre messire Pierre de Rochefort, mareschai
de France, par Robinet l’Hcrmitte, et fut emmenés prisonniers à
Compiègne, où il fut détenus sy longuement qu’il en morust. Pour
laquelle chose messire Ambroise, sire de Loréj et prévost de Paris, fist
tranchiers la teste audit Robinet l’Hermitte és Halles de Paris.
Plussieur riblerie parmei la France. - On dit ans, messire Jehan de
Crouy, accompaignié de VII cent homme, pour le duc de Bourgongne,
mist le siège devent le chasteau de Crotoy. Et, en ce tampts, estoit le
pouvre païs de France cy triboullés et mal menés de tout coustés que
c estoit pitiet et dommaige. Car, alors, en diverse partie d’ycelluy
royaulme, se assemblèrent de rechief sus les champs grosses compaignie de gens de toutes pièces, que faisoient plus de mal au puple que
toute la guerre des Anglois. Entre lesquelle estoit ung capitaine d’Espaignol, nommés Rodigues de Villandras 1, atout plus de VIII mil
chevaulx. Car, en ycelluy tampts, les plus fort l’empourtoient et
avoyent l’avantaige.
L mil personne mort à Paris. — Et, avec ce, estoit en ce tampts et ce
ramforsoit de jour en jours la famine et la mortallité dedans Paris ;
et fut estimés qu’il y mourut plus de L mil personnes. Et y vailloit ung
septier de bief IX frans parisis. Et, par ce, furent constraintz le conte
de Richemont, connestable, et presque tous les gens d’estat, de laissier
et abandonner Paris.
La Pracmaticque Santion en France. — Touttefïois, en ce meisme
ans, et durant encor le sainct concilie de Baisle, le devent dit roy Char
les, par l’auctorités d’icelluy sainct conseille, fist convenir en sa cité
de Burges en Berry tous les piélatz de l’église gallicanes, avec tous les
princes de ces pays. Et illec, par comun advis, fut déterminées, approu
vées, publiées et décrétées la Pragmaticque Sanction du royaulme de
France. En laquelle y ait plusieurs biaulx article, que je lesse pour
abrégiés. Et comenda le roy que inviolablement fut observées, pour le
biens, honneurs et prouffit de son royaulme et de toutte la religion
crestienne. Et fut ce approuvés en Pans devent dit et audit sainct
conseille le VIIe jour de juillet.
Meaulx réduicte aux roi. — Et, tantost après et en celle meisme
année, fut la cité de Meaulx prinse et réduycte a devent dit roy Charles.
Cy vous lairés de ces chose à parler quant à présant, et retournerés
a maistre eschevins de Mets, et à plusieurs aultre besoigne digne de
mémoire.
1. Rodrigo de Villa Andrando, capitaine espagnol (cl. Jean Chartier, op. cit..
t. I, p. 131 et n. 2).
258
JACQUES SIMON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1439)
Mil iiiic et xxxix. — En l’an après, et que le milliair courroit par
mil quaitre cent et XXXIX, fut alors maistre eschevins de la cité de
Mets le sire Jaicques Simon. Et à celluy escheut V eschevignaige.
Plussieur mariage. — Et, en celle année, furent fais en Mets plu
sieurs et innumérables mariaiges, tant de seigneurs et damme comme
d’aultres gens de touttes sortes et de tous estas, à l’ocasion que beaulcopt de gens, hommes et femme, estoient en ycelluy tampts weve, pour
la grant mortallités que n’ait guerre 1 avoit estés. Et, premier, fut fait
le mariaige de Geoffroy Dex, qui print à femme Lourette, fille Jehan
de Herbéviller, laquelle Lourette ait puis heu tenus a sainct fons de
baptesme l’escripvains de cest présante cronicque, c’est assavoir qu’elle
fut mairaine à moy, qui ait compousés ce présant livre, corne cy après
serait dit. Après, Perrin George print à femme Jullienne, fille Perrin de
Serrier ; Jaicomin de Raigecourt print à femme Mergueritte, fille
Jehan du Pont, d’Espinalz ; Thiébault Louve print à femme Mergue
ritte, fille Collignon de Heu ; Geoffroy Chaverson print à femme
Jehannette, fille le seigneur Nicolle Grongnat. Et furent tous ces
mariaige fait en brief tempts. Et, avec yceulx seigneurs et damme, ce
firent encor en la dite cité plusieurs aultres et diverse mariaige de la
commune, et cen nombre.
Item, en la dicte année, fut tousjours grand guerres, famine et chier
tempts ; et encor ne ce laichoit point la mortallités.
Le connestable de France contre ceulx de Verdun. — Et estoit alors le
plus fort de celle guerre entres les Loherains et le conte de Wauldémont, et entre ceulx de Verdun et le connestauble de France, qui
estoit conte de Richemont. Et tellement que les dit de Verdun prinrent
à deux fois des gens dudit conestable, environ VIIXX, et en tuairent
environ LIX, desquelx il y avoit quaitre des plus notauble cappitaines
et des plus mignons que le connestable heust. Et vinrent lesdit de
Verdun abbaitre et arraser ung chastel que s’appelloit Commenier 2,
lequelle est à deux petittes lieues de Verdun. Et fut ce fait pour ce que
messire Jehan d’Argent, chevalier, à qui ledit chastel estoit, le soubtenoit contre lesdit de Verdun. Et fut ce dessus dit fait és feste de la
Panthecouste, environ le XXVe jour de may.
Chavencei asseigiez. — Item, en la dicte année, fut mis le sciège
devant le chasteaulx de Chavency par ledit conestable, à la requeste
du damoisiaulx Éraird de la Mairche, contre le damoisiau de Commercy.
Et y fut ledit sciège environ XVI sepmaines ; et n y fist riens. Et,
quant il furent despartis, ledit damoiseau de Commercy c’en allait
bouter les feu à la ville de Xevrey le Franc et à plusieurs aultrez
villaige, lesquelles avoient données ayde à ceulx dudit sciège.
! Plussieur places abatue par les Lorains. - Pareillement, en celluy
2.‘ Cumières^Commenie'rs en 1549 dans Wassebourg) est à 10 kilomètres au nordouest de Verdun.
L’ÉVÊQUE DE METZ ENLEVÉ
(13
OCTOBRE
1439)
259
tampts, fut abatue Tollo 1, Faucocourt 2 et Mostiés sur Sal 3 par les
devent dit Loherains, qui alors estoient de guerre au conte de Wauldémont, comme dit est. Et, oultre, c’en allirent lesdit Loherains coupper
les bief tout atour de Wauldémont ; desquelles en y oit aulcuns qui
furent prins, à qui lesdit de Wauldémont couppairent les mains et
les testes.
Plussieur vigne lempestée d’oraige. — Item, en l’an dessus dit, la
vigille sainct Salvour, fîst ung cy merveilleux tampts de tempeste
entres les VI heures et les VII après midi que touttes lez vignes de
plusieurs villaige du Vault de Mets furent toutes tempestée, et telle
ment fondue qu’il n’y demourait riens, c’est assavoir de Vault, de
Jeuxei, de Sainte Raffine, de Rouserieulle, de Lessey, de Chaselle,
de Chastel, de Thignommont 4, de Pleppeville, de Lorey, de Vignuelle
et de Wappey. Et, touttefïois, elle estoient alors en la plus belle apparance de biens que on vist oncque. Donc ce fut grant pitié et dommaige.
Paix entre les Lorains et le conte de Wauldémont. — Tantost après, et
en ycellui meisme tampts, fut fait acord entre lesdit Lorrains et le
conte de Wauldémont de celle mauldicte guerre, qui avoit tropt durés ;
et en fut en ce tampts la paix f'aictes, de quoy ce fut grant joye.
L’évesques de Mets prins prisonniés. — Item, l’an dessus dit, le
XIIIe jour d’octobre, fut prins prisonnier seigneur Conraird Baier,
évesque de Metz, on chasteau d’Amance, par le consantement des
Lorrains et des Barisiens. Desquelx il ne se gairdoit mie ; car, pour
ycelluy temps, ledit évesque estoit gouverneurs desdit païs et général
conseilliers, à l’instance desdit seigneurs, comme par cy devent ait estés
dit. Et furent prins avec ledit évesque plusieurs cy après nommés,
c’est assavoir seigneur Theidrich Baier, son frère, Androuuin de Liocourt, escuiers, Charlin de Nommeny, et Nicollas, maire de Wy, que
fut ransonné à trois mil frans 5. Et, après qu’il furent saisis dudit
évesques, il le menèrent tous nus, sans braie et sans chemise, à Condé
sus Muzelle ; et, avec ce, il estoit tout deschault, et bien deshonnestement traistés. Et fut ce fait par ceulx cy après escript,- c’est assavoir
messire Waultherin Hazar, curé de la dite Condei, seigneur Willame
de Dompmaitin, chevalier, Waultherin de Tuillier, escuier, et ung
appellé Godart. Pour l’amour desquelles aulcuns bon facteurs en
compousairent ung bénédicité en la manier que cy aprez oirés :
Bénédicité domine,
Nostre évesque est à Condé ;
Dieu nous gaird de Goudair
Et de messire Waltrin Hasair ;
1. Thelod, Meurthe-et-Moselle, Nancy, Vézelise ?
2. Foucaucourt, Meuse, Bar-le-Duc, Triaucourt.
3. Montiers-sur-Saulx, Meuse, Bar-le-Duc.
4 Tignomont, hameau, commune de Plappeville.
5 Hucuenin op. cit., p. 206 : « Androuin de Liocourt, escuier, chaistellam de
Nomeney, qui estoit blessé, et Nicollay, maire de Vyc, qui fut rançonné trois mille
francs ».
260
L’ÉVÊQUE DE METZ DÉLIVRÉ (1439)
De Willaume du Vaulx de Faul,
Qu’il ne nous faisse point de mal,
Et de Waltherin a de Tuilier,
Qui resgardoit par la wairier.
Item, on tampts que ledit évesque estoit en prison, on le thint telle
ment subjecgt que à force l’on luy fist faire plusieurs crant, tant pour
les sallines comme pour ycelle plesse de Condel, et pour plusieurs
aultres places de l’éveschiés que ledit évesque avoit rachetés, de quoy
lesdit Loherains et Barisiens voulloient estre saisis, c’est assavoir de
Nommeney, Ramberviller, Baccarat, La Gairde, et plusieurs aultre
places que lesdit Loherains avoient jà fais saisir.
L’évesques délivr[é]. — Maix, tantost après que ledit évesque fut
délivrés et fuer de prison, il s’en vint à Nommeney, et fist tantost
boutter hors d’icelle ces annemis. Et ainsy en fist il de touttes les aultres
forteresse. Et, ce fait, il mandait incontinant a seigneurs et gouver
neurs de la cité de Mets que leur plaisir fut à envoier aulcuns de leurs
soldoieurs pour luy conduire jusques en la dicte cité. Lesquelle sei
gneurs et VII de la guerre le firent honnorablement ; car plusieurs
desdit seigneurs y furent en leur propre personne, accompaignié de
leurs bons amis et soldoieurs, en la quantité de deux cent teste armée.
Et le furent quérir jusques tout dedans Nommeny, et l’amenairent à
Mets. Et fut ledit évesque la nuit de Noël a mâtine, et, le jour, à la
grand messe et à vespre ; et pareillement y fut le jour de la sainct
Estienne, et parmy les feste ensuyent. Et, ce tampts pandant, ce
traveillairent fort lesdit Loherains de prandre Baccarat, maix il fail
lirent. De quoy il fut dit que le devent dit évesque ne tanroit mye ce
qu’il luy avoient fait crantés, si comme on dit en commun proverbe :
Frangenti fidem fides frangalur eidem.
Rendus aux bourgeois ceu qu’Hz avoient prestes durant les guerres. —
Item, en cellui tampts, fut randus le derniers quart du prest que les
bourjois de Mets avoient fait pour le fait de la guerre de Saint Mertin,
à l’ocasion de la devent dicte hottée de pommes, par Jehan d’Ancey.
Et, en celle année, fist ung très biaulx estés sainct Mertin.
Entreprinzes de ij homme d’armes. — Paireillement, en l’an dessus
dit, on moix de décembre, fut faictes en Mets une entreprinse de deux
compaignon d’armes. Et, de fait, il firent certains copts de lances
affiliée l’ung contre l’aultre on Champts Bapanne *1 ; tant que l’ung
des deux fut forment bréciés 2, par son orgueille ; et estoit appellé
Hennecquin de Flandre, serviteur au conte de Wauldémont. Et cuydoit
on bien qu’il deust gaignier le pris et mestre son homme à baix. Mais
ung jonne Allemans, son adversaire, qui estoit parans à la femme
a. M : Walcrum.
1. Le Champ à Panne, vaste terrain situé hors de la cité, devant la porte Serpenoise,
en tirant vers la porte Saint-Thiébault.
2. Blessé. — Sur cette joûte, voyez HussoN,p. 75, et Hugucnin, op. cit., p. 207.
NICOLE ROUCEL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1440)
261
Jehan Baudoche Brullard, le gaingnait, par grant vertus que Dieu
y moustrait : car ledit Hannecquin estoit ung malvais guerson, et ung
grant renoieur de Dieu et de ces saincts. Parquoy Dieu permist que la
lance de son compaignon le vint ferir tout parmy la gorge. Maix,
toutefïois, de ce copt ne morut pas ; ains en fut reguéris pour celle
fois. Puis, après, ne fut pas longuement qu’il fut rencontrés de ceulx
d£ Gorze ; et fut tuez, et paiez de ces gaiges.
La mort d’Albert, esleu empereur. — En celle meisme année, mourut
Albert, duc d’Austruche, qui estoit esleu empereurs, et qui estoit
jandre au devent dit Sigismond, jaidi ampereurs d’Allemaigne. Et
vueullent aulcuns dire que, en Honguerie, il mangeait tant de ponpon 1
qu’il en escheut en ung fieux de ventre, duquel il mourut. Toutefïois,
aulcuns aultres dient qu’il fut empoisonnés. Dont ce fut grand domaige ; car il estoit homme pour faire beaulcopt de biens. Cy laissait sa
femme grosse d’enffant, qui estoit fille dudit Sigismond ; laquelle
délivrait à termes d’ung filz, qui fut nommés Lancelot. Lequelle,
puis, fut roy de Honguerie et de Bohême ; et trespassa, semblablement
empoisonné, l’an de Nostre Seigneur mil IIIIC LVIII, allant sur la
XVIIIe année de son eaige.
Sainte Susanne prinse par les Françoi. — En ce meisme ans, le
conte de Richemont, conestable de France, mist le sciège devant la
cité d’Avrenche. Et, ce pandant, les gens d’armes de la compaignie
du duc d’Alençon et du sire de Bueil prindrent, on païs du Maine,
la ville et chasteau de Saincte Susanne, par le moien d’ung Anglois
qui trahit ses compaignons.
Mais de ces choses je ne vous dirés plus quant à présant ; ains veult
retourner au maistre eschevin de Mets et au fais d’icelle cité, avec
plusieurs aultre advenue digne de mémoire.
Mil iiijc et xl; Phidrich esleu empereur. — Après ces choses
ainssy advenue en la manier comme cy devent avés oy, et alors que le
milliair courroit par mil quaitre cent et XL, fut esleu, fait et créés
Pbedrich ampereur, troisiesme de ce non, et duc d’Autruche, et oncle
d’Albert dessusdit.
Et, pour la meisme année, fut institués et fait maistre eschevin de
la cité de Mets le sire Nicolle Roussel.
Guerre recomencée entre lé Lorains et le conte de Waldémon[t\.
En
laquelle année, ce esmeust de rechief la guerre entre les Lorains et le
conte de Wauldémont. Durant laquelle fut prins messire Wanchelin,
bailly de Vittery on Partois ; et fut menés à Jonville sur Marne, et
fut livrés en la mains du conte de Wauldémont. Et y demoura jusques
à tant que le roy Charles de Frances l’en fist délivrer. Et fut ce fait on
moix de febvrier, quant le devent dit roy vint à Sainct Myhiel et à Bar
le Duc ; et là fut ledit seigneur Wanchellin tout quicte.
1. Pompon, pepon : melon.
262
DIFFÉREND ENTRE METZ ET LES LORRAINS (1440)
Plussieur Alemans tués et prins par ceulx de Verdun. — Item, le
Xe jours d octobre, fut faictes une chevaulchée de plusieurs Allemans
sur la terre de l’évesque de Verdun ; et coururent devers Parrey en
Wèvre. Dequoy le damoiseau de Rodemach, seigneur de Boullay,
estoit capitainne, avec plusieurs aultres grand seigneurs d’Allemaigne,
en nombre de environ quaitre cent chevaulx. Mais, alors, maistre
Loys de Harracourt, qui estoit évesque de Toul et gouverneur de
l’éveschiés de Verdun, avec seigneur Jehan de Salz, et ce qu’il polrent
avoir de gens, tant des Loherains comme dez Barrisiens, les suirent
jusques près de Sancy. Et en furent lesdit Allemans desmontés et
prins environ le nombre de IXxx chevaulx. Et ce fut pour tant que
lesdit Allemans mirent piedz à terre, comme ceulx qui attendoient la
baitaille, mais il abandonnèrent tout. De quoy plusieurs desdit Alle
mans furent très mal contens, car il les en convint retourner à piedz.
Paix entre les Lorains et Messai[ns]. — Item, en ce tampts, le XIe jour
d’octobre, fut faictes et scellée la paix entre la cité de Mets et ceulx de
Loherenne. Laquelle guerre avoit estés esmeute par Andrieu, filz
seigneur Andrieu de Paroie, chevalier, et par Phillebert du Chastellet.
Lequel Andrieu avoit prins aulcuns merchampts de Mets, et l’avoit
envoiés au Chastellet, de coste ledit Phillebert. Et, quant lesdit de
Mets furent bien informés du fait, il en firent les requestes telles que
au cas appartenoit de faire ; desquelles il olrent responce non convenauble à leur demende. Et, quant les gouverneurs et Sept de la guerre
devent dit virent le fait, il donnairent congiés aux amis dudit mer
champts de gaigier sur le païs de Bar et de Lorraine ; et tant que
lesdit amis en prinrent plusieurs prisonniers. Et, alors, lesdit Loherains
en ont rescript audit de Mets, et en firent requeste ; maix il leur fut
respondus tout court qu’il n’en averoient nulz, se ledit merchampts
n’estoit restitués de touttes ces perde et domaige. Adonc, ledit Phille
bert, Andrieu de Perroie et les Lorrains, oyant celle responce, ce mirent
en arme ; et firent une chevalchée, bien en nombre de quaitre cent
chevaulx. Et, avec ycelle compaignie, c’en vindrent gaigier à Mariulle,
à Vezon i, à Lorey devent le Pont ; et prinrent plusieurs waiche ;
puis ont bouttés les feu en deux grainges. Pour laquelle chose les sei
gneurs et gouverneurs de la chose publicque de la cité de Mets ce
mirent en armes ; et contregaigirent on Val de Fal, et amenairent
plusieurs bestiaulx, vaiche et chevaulx, berbis et mouton, et aultres
beste à corne. Et y fut estés grand guerre, se ce ne fut estés l’assamblée
que le conte de Wauldémont avoit. Mais, quant lesdit Loherains
solrent la vérités d’icelle assamblée, qui ce préparoit encontre d’eulx,
il vinrent bien en haitte quérir la paix en la cité de Mets. Et puis,
l’acort fait, ont apourtés la dicte paix toutte seelléez en la cité.
Emtreprinze du conte de Wauldémont contre le paiis de Lhorenne. —
Item, doncque, en ce tempts, on moix d’octobre, fist errier le conte de
1. Vezon est aujourd’hui une annexe de Marieulles.
PILLARDS DE FRANCE AU PAYS DE METZ
(1440)
263
Wauldémont une merveilleuse entreprise sur le pals de Loherenne et
de Bar à l’aide du seigneur de Crouuy, son janre, acompaigmés de
deux mil Piccars, entre lesquelles y avoit Pleurs grand seigneurs.
Et c’en vinrent yceulx passer tout permey la duchiez de Ba , >
>
vinrent à Sorxey, puis à Baisonpier, et en tuairent ^ seigneur. Après
de là ce partirent, et vinrent à Nouvian ; mais ceulx de la ville ce
composaient à eulx : car ledit conte oit ung biaulx chevaulx que
l’abbé de Gouxe avoit. Et, jà ce que lesdit Loherains estant plus de
gens deux fois que lesdit Piccars, néanmoins jamaix ne les oysairent
assaillir, ains les laissaient tout paisiblement passer.
_
Une femme de Bahaigne loge dessoubz le gibet de Me .
dite année, advint une merveille, et causy imposible a croire. Car une
femme de Baihaigne, que ne sçavoit parler fors que baihaignon, vint
en Mets ; et puis sortit dehors, et ce thint tout parmy l’iver au champs,
auprès de Sainct Privé, à demy lue de Mets, ne jamaix pour froidure,
vant ne pluye ne quelque tampts qu’il flst, ne ce voult mestre à c
verte Et daventaige couchait celle femme plusieurs nuit dessoubz
Llustfce dlcelle cité, en laquelle aie estoient
P^™;
Et ne mengeoit celle femme point de chair, ne ne bevoit point de vin ,
et estoit toutte deschausse.
année
Les Loraine pense avoir WanMmonl- Item, en celle me.»meamfe,
le XXVIIe jour de janvier, lesdit Loherains cuydaire
gaignTe, Wauldémont ; mais il faillirent. Et, en ,celle entreprise, en
y oit plusieurs des tués et des pandus.
Pareillement
Plussieur pillair d[e] France se mestent ensemble t,
en celle année on moix de février, une grande bande et une merve
leuse compagnie de pillairs du ,0,anime de France jusques a nombre
de XVIII ou XX mil homme, vinrent ariver par
devers Bar et devers le Neufchastel en Loherenne ; puis sont retou
" CLe&
sdTPiUair aux palis de Mets.
-
Mais, d’icelle compaignie, ce
despartirent environ trois mil, lesquelhis vinrent
Mets. Et, de premier venue, priment la ville de Gouf. ®
Airs
capitenne ung nommés Mongomalus 1. Puis vinrent ^gier a Ans
suSuzelle eU Ancey ; et fut par eulx tout le pais
comune de la cité de Mets et du pais entour ce ^meurent entre^ ^
et ce mirent ensamble, sans licence de justice, et, s
P£mbaitre
seigneurs, s’en allèrent, comme brebis sans pasteur, P°
J
leur annemis. Mais il ce mirent en granl adventur ; et leur fut tout
beau s’il polrent retourner. Parquoy les Françoy, quant J
en olrent sy grand despit que, avant leur partement, il en boutta
les feux en plusieurs villaiges.
, j Verdun ce
Ceulx de Verdun rençonner. - En celluy tamp ,
d x mil
ransonnairent, en la mains desdit François, a la somme
1. Montgomeris dans Huguenin, op. cit., p. 207.
264
LE DAUPHIN LOUIS SE RÉVOLTE CONTRE SON PÈRE (1440)
sallus, et, avec ce, les deux plus grosse bombardes qu’il heussent, après
la plus grosse.
^
Montagus abatue, sus le seigneur de Comercei. - Item, en celle
meisme année, à la requeste de ma damme de Bourgongne, le roy fist
abbatre Montagus, qui estoit a damoisiau de Commercy. Et voulloit
encor le dit roy asségier Comercy, pour ce que trop on oyoit de reclains.
Car ledit de Conmercy prenoit sur tout le monde, comme cy devent
est dit, et ne pnsoit ne roy ne roc h Maix, toutefois, il fut de cy près
tenus qu il paiait XXXV mil salus, et randit les prisonniers qu’il
avoit, promectant au roy d’estre bon et de non plus faire pillerie ne
airancm . Et, parmi ce, on le laissait en paix. Et il thint cy bien sa
promesse que il fut pire que devent.
Loys, daulphin, se retire à Nyort. — Puis, peu de tampts après, Loys,
daulphin de Vienne, filz dudit roy Charles, luy estant en la conduites
et gouvernemens du conte de la Marche, à qui son perre l’avoit baillé
pour libéralement le instruire et endoctriner en bonne meurs, luy
venus en adolescence, desprisant l’enseignement de son maistre, se
retirait à Nyort, où il appella avec soy Jehan, duc de Bourbon, et
Jehan, duc d’Alenxon. En présence desquelles il se mist hors de tutelle,
et déclairé doresnavent voulloir vivre en liberté ; et disoit qu’il estoit
essez ydoyne et essés de aage pour les négoces du royaulme gouverner.
Et luy croissoient le couraige le duc de Bourbon, Anthonne Chaban 3,
e an de la Roche, senelchal de Poictou, Pier d’Amboise, et plusieurs
aultres.
Le daulphin de France commence la guerre contre son per[re], — Et
tellement que, par l’ayde d’iceulx, l’anffans ce rebella au perre, et luy
mena la guerre par l’espaisse de VI moix durans. Parquoy son dit
perre, Charles Vile, envoia lettres par touttes les bonnes villes de
France en comendant que l’en ne fist nulle obéyssance à son dit filz le
daulphin, tant qu’il persévéreroyt « en cest opinion. Et fut cest dicencion bien domaigeable à toutte les bonne ville de France. Mais, à la fin,
par 1 intercession du conte d’Eu, fut tout ce huttin apaisés ; et revindrent les malfaicteur en grâce, non ostant qu’il convint à tous ceulx
qui ce estoient armés contre le roy, favorissans à son filz le daulphin,
avoir rémission et grâce, sellée du grant seel en cire vertd.
Durant ce discord fut prinse par ledit daulphin la ville de Sainct
Maixant, près de Nyort, environ le IIIe jour d’avril, après Pacques.
Touteffois, les seigneurs dessus dit s’en retournairent, incontinent
qu il eurent pillé la ville, congnoissant que au secours d’icelle venoient,
au non du roy, plusieurs grant prinse de France, avec une moult
a. M : persevroyt (?).
xi/‘i.^XxPreSsion Proverbiale tirée du jeu d’échecs : le roc désigne la leur (persan rokh,
éléphant monté par des archers).
2. Larcin. Larroncin n’est autre que l’ancien français larrecin refait sur larron.
3. Antoine de Chabannes, comte de Dammartin (1411-1488).
GUERRE ENTRE LES FRANÇAIS ET LES ANGLAIS (1440)
265
grosse armée. Parquoy il ne les oysairent atandre. Et, pour ce que
l’abbé dudit lieu et ces religieulx s’y pourtèrent vaillanment pour ledit
roy contre les dessus dictz, il leur ottroya previlaige telz qu’il voulurent
demender. Avec ce, leur donna à tousjour maix perpétuellement qu’il
seroient garde de la dicte ville et chasteau, en les anoblissant, et baillant
à l’abbé, pour son église, pouoir et autorité de porter pour armes ung
escus de gueules à une couronne d’or et une fleur de lis d’or dedans.
Item, à la ville donna pour armes semblablement ung escu de gueulles
à une couronne d’or dedans et à ung chief de France. Et fut ce fait
pour ce que aulcuns des habitans de la dicte ville se portèrent moult
vaillanment.
Harfleur en Normendie prinse par les Anglois. — En ce meisme ans,
et durant la dicte division, les Anglois mirent le sciège devent la ville
de Harfleu en Normandie, laquelle il reprindrent ; et Monstiviller sem
blablement, par composicion.
Charte d’Orléans délivrés de priso[n] parmei iiiic mil escu[s], — Item,
aussy en ce meisme tampts, Charles, duc d’Orléans, lequelles, après la
baitaille de Blangy, avoit estés prins et menés prisonnier en Angleterre,
là où il fut détenus XXV ans, comme par cy devent ait estés dit, fut
à cest heure délivrés, en paiant la somme de quaitre cent mil escus
pour sa ranson. Et, incontinent luy délivrés, espousa à Saint Orner la
niepce de Phelippe, duc de Bourgoigne. Et, par ce moyens, furent fais
amis ensemble.
Samblablement, on dit ans, fut traicté le mariaige entre le conte de
Charolois, filz du duc Philippe de Bourgoigne, et de damme Katherine
de France, que alors n’estoit que aagée de VI à VII ans.
Le roi de France chasse les pillair du paiis. — Aucy, en ce tampts, le
roy de France alla en Champaigne pour expeller et faire cesser les
maulx et pilleries que les gens d’armes y faisoient ; desquelle il fist faire
justice. Et, entre les aultres, fit noyer le bastard de Bourbon à Bar
sur Aube ; et plusieurs aultres capitaines en furent déposés. Et fut à
cest heure orde mise en leur paiement, affin qu’il ne pillaisse le pouvre
puple.
Déconfiture d’Anglois devent Paris. — En celle meisme année, on
moix de febvrier, les Anglois de la garnison de Mante, estans de VII à
VIII cens, vindrent faire une course devent la porte Sainct Jaicques
de Paris ; mais il furent desconfis par les François.
Plusieurs aultres chose furent en ce tampts faictes parmi le royalme
de France, tant en rancontre et tuerie comme en ville et chasteaulx
subtillement prins et robés. Desquelles à présant je me despourte ;
et veult retourner a maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultre
besoingne.
266 JEAN BAUDOCHE, DIT BRULART, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1441)
[la CITÉ DE METZ EN GUERRE AVEC LE DAMOISEAU
DE COMMERCY, LE SIRE DE FLÉVILLE, ETC. ; 1441 ~14441
Mil iiijc et xlj.—L’an après, que le milliair courroit par mil quaitre
cent et XLI,fut maistre eschevin de la cité de Mets le seigneurs Jehan
Baudouche l’anney, dit Brullairt.
Ordonnances sur le fait de maistre eschevignaiges de Mets. — Et fut en
celle année ordonnés et passés du grand conseil de la cité que, de ces
jours en avant, il seroie mis en la butte i, et que celluy à qui il escheroit
pourteroit l’office, et non point ung tas de gens, qui ce avoient mis en
pairaige, cuydant estre Trèses ou maistre eschevins, trésoriers ou Sept
de la guerre. Dont il en y oit des mal contant et couroussiet.
Le seigneur de Comercei contre ceulx de Mets. — Item, on moix
d’avril tantost après, racomensait errier ledit seigneur Bobert de
Commercy à mener la guerre encontre les seigneurs de la cité, sans
tiltre et sans nulle cause quelconque?.. Et, de fait, courust trois ou
quaitre fois sans deffier, c’est assavoir à Longeville devent Chamenat,
sur l’abbé de Saint Arnoult ; à Clémery et à Ralcourt, sus Saint Simphoriens ; et puis à Saincte Reffine ; et, avec ce, antrait on Vault
prandre le bestialz. De quoy, à celle occasion, la guerre fut de rechief
ouvertes. Et, après ce fait, et qu’il oit achevis partie de ces voulluntés,
il envoiait ses deffiances.
Item, on moix de maye après, en l’an dessus dit, les seigneurs et
gouverneurs de la chose publicque de la cité de Mets, voiant la malvitiet
de cest homme, envoiairent six compaignon, à leurs aventures, jusques
devent la dite Commercy. Lesquelles ont rués jus le cappitaine du
Chasteaulx Thirei, appellés Mathieu de Servait 2, luy Ve de à chevaulx,
avec le bastard d’Arjantier ; lequel fist restitucion de cent et XIIII frans
qu’il avoit heu ostés à ung marchampts de Mets, que aultrez fois
avoit heu prins ; et devint homme à la cité.
L'évesque Conraird, et aultre seigneur, arive à Mets. — En cellui
meisme moix, vindrent en Mets le seigneur Conraird Baier, évesquez
d’icelle cité, maistre Loys de Haracourt, évesque de Toul, l’abbé de
Gourse, le conte de Saulmes, le damoisiaulx de Rodemach, le seigneur
de Fénestrange, le seigneur du Salcy, seigneur Robert de Baudrecourt,
1. Cette butte est la botte où l’on mettait les noms des personnalités entre lesquels
devait être tiré au sort le nom du maître-échevin. —L’on trouvera dans Huguenin,
op. cit., p. 208, tout le détail de cette affaire. Un certain nombre de nobles messins,
d’une part, se refusaient à exercer les charges municipales ; d’autre part, les parages,
décimés par les épidémies successives, avaient été envahis par des hommes nouveaux
que l’on voulait écarter des charges.
2. Servay dans Huguenin, op. cit., p. 209 ; Sernay dans Husson, p. 76.
Luy cinquiesme de à chevaulx : l’on fit prisonniers, outre les piétons, quatre cavaliers,
plus Mathieu de Servait.
Le bâtard d’Arjantier est appelé Arentiere dans Huguenin et dans Husson.
Guerre
entre metz et commercy
(1441)
267
seigneur Wainssellin de la Tour, Henry de la Tour, seigneur Conraird
du Chastellet, et seigneur Ferry de Perroie, et plusieurs au lires, au
nombre de V cent chevaulx, pour le fait des restitucions que Phillebert
du Chastellet devoit faire, comme il estoit obligiés par lettres scellées.
Vigne engellée. — Item, avint que, en celle dicte année, le premier
jour des Rogacions, furet les vignes du Vault de Mets touttes tempestées
et fouldroiées ; et par espécial à Sciey. Et fut dit que c’estoit pugnission
de Dieu ; car, ledit jour, quant les grant croix de Saint Estienne de
Mets passoient par ce lieu, comme elle ont de coustume de tous les ans
passer à tel jours, plusieurs d’icelle villes et d’aultres estoient alors en la
taverne, cheu ung nommés Auburtin Petit, juant au delz et malgréant
Dieu et ces sainct.
Ung homme pugnis pour avoir jurés. — Parquoy ledit Auburtin en
fut mis en la maison de la ville ; et, avec ce, fut jugiez à cent florin
d’amande.
Deux seigneur de Mets fait chevalier. — En celle meisme année, ce
partirent de Mets pour c’en aller en Jhérusalem le seigneur Geoffroy
Dex et le seigneur Jehan Baudoche; auquelle voiaige furent fait che
valliers. Et en leur compaignie y estoit Collin de Cilley.
Course aux paiis de Mets par le seigneur de Comercei. — L’an dessus
dit, le XXIIIIe jour d’aoust, fist le devent dit seigneur de Commercy
une orguilleuse chevaulchée sur lesdit de Mets. Car il vinrent nuytanment parmy la ville d’Ancey, et paissait Mezelle, puis vindrent bouter
les feu à Maigney et à Poullei, et prinrent les bestes et aultres biens ;
tant que le buttin qu’il prindrent à ceste fois fut prisiés et estimés à la
vallue de trois mil et L florin d’or. Et estoit le dit acompaigniez de
Phillebert du Chastellet, avec environ deux cent Bourguignon ; par
quoy, tout mis ensamble, il estoient environ Ve chevaulx.
Baichel fait par l’évesque de Mets, et ville du Vault tailléez.
Item,
l’an dessus dit, seigneur Conraird Baier rachetait les cens que Collignon Roucel, le chaingeur, avoit à Ars sur Mezelle. Et en paiairent 1
lesdit d’Airs XIP franc et L cowe de vin, ceux d’Ancei VIIIXX frant
et X cawe de vin, ceulx de Châtel L cowe de vin, ceulx de Lessei
XL cawe de vin. Et ung home de la dicte Lessei, nommé Patenostre,
paiait cent florin pour sa pairt. Somme tout, l’airgent, cellon qu il
vailloit alors, XIIII'’ et LX frans, cen le vin.
Salverne 2 prime pour le seigneur de Comercei. — Item, le XXIIIe jour
d’octobre, fut prins le chastel de Salverne furtivement par ung moine,
nommés damp Geoffroy, prieur d’Aipremont, lequel estoit apostat,
et ne tenoit conte de sa religion. Et estoit frère à la femme du seigneur
de la dicte Salverne, parquoy il avoit congnoissance en ce lieu, et
alloit et Venoit, toutefîois qu’il voulloit, en la dicte forteresse. Or,
1. Il faut comprendre pue l’évêque, pour payer Collignon Roucel, lève une taille sur
ses propres sujets des quatre mairies (Huguenin, op. cit., p. 209).
2. Solieuvres dans Husson, p. 76 ; Solluevre en la duché deluxembourg dans Huguentn, op. cit., p. 210. — Soleuvre (Zolwer), hameau et ferme, commune de Sanem,
Grand Duché de Luxembourg, Luxembourg, Esch-sur-l’Alzette.
i
»
268
LE SIRE DE COMMERCY AUX PORTES DE METZ
(21
DÉCEMBRE
1441)
advint une fois qu’il y entrait, et tuait le chastellain et le portier
d’icelle maison, luy meisme, qui estoit moine, comme dit est. Et, ce
fait, délivrait la dicte place au damoisiau de Commercy.
Sy avint, après, que ceulx de la duchiez de Lucembourg mirent le
sciège devent la dicte plaice, et mandèrent l’ayde de ceulx de Mets.
Parquoy y furent envoiez seigneur Régnault le Gornaix, seigneur
Nicolle Roucel, et Phillipin Dex, acompaigniés de VIIXX chevaulx. Et,
durant ce tampts, ledit de Commercy vint mestre vivre dedans la
dicte place ; et, avec ce, firent une saillie sur le sciège, par la faulte des
Allemans, qui ne voulloient point faire le guet acoustumés en tel cas *i.
Parquoy lesdit de Metz lez lessairent, et c’en retournirent en leur cité.
Ung soldoieur de Mets tués. — Puis, on dit ans, on moix de nouvembre ensuiant, et le XXIIIIe jour, ung soldoieurs de Mets, appellés le
Gouverneurs, en juant aux cartes, tuait ung aultre soldoieur, appellés
Forquignon, néantmoins que ce fut et estoit son droit compaignon
d armes. Et, quant il eust fait le copt, il ce armait bien vistement et
montait à chevaulx ; puis, ainsy armés et montés, c’en vint à la pourte
des Allemans, et fîst entendent au chastellains et aultrez gairdes que les
annemis de la ville estoient aux champs, et que les seigneurs l’envoioient
veoir, bien legièrement, que c’estoit. Et, sus ces parolles, le laissairent
aller. Et, incontinent qu’il fut dehors, on vint à la pourte defïandre
que l’on ne le laissait aller ne sortir. Mais il estoit tropt tairt, comme
dit est ; car il estoit desjay bien loing.
L’archevesqu.es de Triève à Mets. — Item, le XXe jour de décembre
ensuiant, vint en Mets seigneur Jacques, archevesque de Trièves,
acompaigniez de deux cent Allemans ; et c’en allait logier à la Haulte
Pier. Et la cité lui fist présant de quaitre buef, quaitre cawe de vin, et
cent quairte d’avoigne ; et les seigneurs de chappistre de la Grand
Église d’icelle cité luy donnairent deux cawe de vin. Et fut ledit arche
vesque à la Grant Église, là où fut faictes grand triumphe.
Course du seigneur de Comercei faicte tout aux plus près des pourte. —
Puis, après, le jour sainct Thomas, vindrent furtivement les gens le
damoisiau de Commercy, en nombre de deux cent chevaulx, et dessandirent par Génivaulx et par Longeaue, sur le point du jours ; et faisoit
alors cy obscurs que merveille, et tellement que à paine veoit on goutte.
Parquoy deux des soldoieurs de Mets et trois verletz d’ostel furent
prins et emmenés prisonniers. Et coururent lesdit de Commercy parmy
Longville devent Mets, et fouraigèrent aulcune maison ; et, daventaige,
vinrent à corrir par l’isle du pont des Mors. Et y oit aulcuns d’iceulx
pillair, environ X ou XII, qui vinrent chaissitr et poursuivre a aulcuns
desdit de Mets jusques tout dedans la barriers sur le pont des Mors.
Et puis, ce fait, c’en retournairent le chemin de Semecourt, saulve
leur baigues, et cen riens perdre.
a. M : pousuivre.
1. Ces faits sont racontés avec plus de détail et se comprennent mieux dans Huguenin,
loc. oit, p. 210.
GUILLAUME PERPIGNAN, MAIXRE-ÉCHEVIN DE METZ (1442)
269
Creelles el Pontoise rendue aux roy. — En telle meisme année, fut
mis le sciège par le devent dit Charles, roy de France, devent Creelles 1
et devent Pontoise. Et fut la ville de Creelle rendue en moins de trois
sepmaines ; mais la ville de Pontoise se tint environ XXIII sepmaines.
Et à ycelluy sciège estoit le roy en personne, et le daulphin, son filz,
Charles d’Anjou, le conte de Richemont, et plusieurs aultres grant
prinse du sanc de France. Aucy y estoit le conte de Wauldémont, avec
Phelippe Dex, filz seigneur Jacquez Dex, chevalier, et Perrin George,
tous jantilz homme et citains de Mets. Et, en celluy campe, ce mirent
les François et les Anglois par plusieurs fois en baitaille ; mais il ne se
oisaiient assambler 2, néantmoins que les dit François estoient esti
més à XXVIII mil, et les Anglois n’estoient que X mil, comme on
disoit. Et, de fait, fut dit que lesdit Anglois enchaissairent par plu
sieurs fois les François de leur logis.
Et, quant ce vint au mey septembre, les Anglois s’en rallirent en
Normendie ; et laissèrent de leurs gens en la ville de Pontoise environ
mil combaittans, desquelles estoit cappitainne le seigneur d’Escalles 3.
Et Tallebot estoit errier cappitainne de aultres XII mil Anglois qui
estoient commis pour gairder la ville. Et là furent les François grant
espace de tampts, jusques que ledit Tallebot s’en retornait, et emmena
le seigneur d’Escalles avec luy, et touttes leur gens. Et, alors, quant
le roy soit qu’il y avoit cy peu de gens à Pontoise, il print ce de gens
qu’il avoit et qui lui estoient demourés, et, avec yceulx, il assaillirent
la ville ; et fut alors gaingné d’ung seul assault. Auquelles ce pourtairent cy vaillanment messire Hanry Baière et le conte de Petitte Pier
qu’il y furent fait chevalliers.
Mil iiiic et xlij. — En l’an après, quant le milliair courroit par mil
quaitre cent et XLII, fut alors fait et créés maistre eschevin de la cité
de Mets le seigneurs Guillaume Perpignant.
La cloche de Meute fendue. — Et, ledit jour que il ce faisoit, avint une
fortune : car la grosse cloche de la cité, nommée Meutte, fut routte et
fandue, au second copt qu’elle sonnait pour celle office à faire.
Item, celle dicte année fut de cy grand sescheur que, dès le premier
jour d’apvril jusques à la mitté de juillet, il ne pleut que par deux fois ;
et encor fut ce bien petittement. Et durait encor celle grand saicheresse loing tamptz aprez.
L’empereur prend sa coronne à Ays. — En celle année, le XVIIe jour
de jung, le devent dit Phédrich, duc d’Octriche, et esleu pour empereur,
print sa corronne à Airs la Chaippelle.
Salverne rendue. — Puis, a VIe jour de juillet après, fut randue la
forteresse de Salverne 4, de laquelle je vous ais heu par cy devent parlés.
Et fut ce fait par Haultecaire, capitenne de la dicte place, par le con1.
2.
3.
4.
Creil (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 15 et sqq.).
S'assembler : en venir aux mains, livrer bataille.
Thomas, sire de Scales.
Voyei p. 267 et n. 2.
270 PLUSIEURS SEIGNEURS COURENT SUR LE PAYS DE METZ (23 AOUT 1442)
santement de ces compaignon, saulve leur vie, harnoix et chevaulx,
et deux chairettes plaine de biens meubles ; avec aucy deux beaux
corciers que le conte de Gullich luy donnait. Et, ce fait, fut délivrée la
dite plaice au conte. Lequelle trouvait qu’il y avoit plus de biens
meubles en la dite place qu’il n’y en avoit quant elle fut trahie, comme
cy devent ait esté dit.
La chapelle Saint Nicolas, d Saint Eukaire, en Mets, édifiéez de neuf. Item, en celle meisme année, le XVIe jour ü’icelluy moix de juillet,
fut acomencée la chaippelle Saint Nicollas en l’église parochialle de
Saint Eukaire en Mets. Et la fist Thiedrey le masson ; pour laquelle
à faire il en oit la somme de deux cent et LX livrez, avec la despouille
d’une petitte maison qui fut abatue audit lieu.
Deux compaignon tués, et plussieurs blessés, en avalant la cloche de
Multe.
Or, avint en celle année, la vigille de la saint Pier et saint
Pol, que ung charpanthier, appellé Pierson, de Staison 1, *mairchandait
34
a seigneurs et trésoriers de la cité de Mets de avaller la devent dicte
cloche, nommée Meutte ; et aussy la devoit remonter quant elle seroit
refondue. Et, pour ce faire, en devoit avoir la somme de XXV livrez
de messins. Mais, ainsy que fortune le voult, en avallant la dicte Meutte,
lez corde rompirent ; et cheut jusques à la dernier woulte. Et, en
cheant, ce tournait du loing d’elle parquoy y oit deux des compai
gnon qui aidoient à l’avaller qui furent tués, et VI ou VII auitres
furent forment blessiés. Puis, le XXXIe jour dudit moix, ledit Pierson,
pour voulloir achevir son ouvraige, ravaillait la dicte Meute depuis
ycelle dernier woultes, là où elle estoit cheuttes, jusques en terre ; mais,
quant elle vint à trois piedz près du pavement, elle cheut de rechief,
et rompirent touttes les cordes, excepté la plus grosse.
Course faicte sus le paiis de Mets par le conte de Petitte Pier. — Item,
en celle dicte année, le XXIIIe jour d’aoust, vinrent a faire une course
sus le pais de Mets le wouuez de Hanapier, le conte de Petitte Pierre,
Redambiert lilz à seigneur Hanry Raier, nepveu à seigneur Coniaird
Baier, évesque de Mets. Et vinrent yceulx seigneurs, avec leur gens,
ariver on Hault Chemin. Et, eulx venus, ont boutés lez feu. Premier,
ardirent à Charlei deux maison, à Sainte Barbe, deux, et à Anery \
une grainge ; puis, à Werry, y furent toutte les maison airse, et, à
Vegnei 5, en y oit trois.
iij annemys pendus.
Mais, alors, ce mirent lésait de Mets en armes
et saillirent hors, tellement que à ce jour furent prins par les soldoieur
d’icelle cité trois de leur compaignon d’armes, et amenés à Mets ; dont
l’ung estoit au wouuez de Hanapier, l’aultre au conte de Petitte Pier,
1. Pierson de Taixon (Husson, p. 77).
Du }onS d elle •' complètement. Au lieu de tomber verticalement, la cloche, qui
serait restée en place sur sa partie évasée, se retourna et roula de côté.
3. Il faut évidemment corriger : Rodât Baier.
4. Anery Ennery. Huouenin, op. cit., p. 212, donne Avancey, qui est plus vraisemblabl© : c est Avency, hameau de la commune de Sainte-Barbe
,5- V*fnef\ V“/- Hü0UBNIN' op- oit., p. 212, et Husson, p. 78, ont Vegey, Vigy, qui
est préférable (Werry est Vry).
1
6 ÿ
4
et le troisiesme à Rodât Baier. Et, tout incontinent et en ce jour meisme,
les trois gallans devent ait furent pandus et estranglés.Car à tel desserte
tel louuier.
Et, en ce jour meisme, furent aussy prins desdit de Mets ung merchaul'x et deux boutefieu, qui appartenoient à Rodât Baier. Lesquel
boutefïeu feurent pandus le XXVIe jour d’icellui moix ensuiant ; maix
le mareschal demoura encor en la maison de la ville.
Course faicie par ceulx de Mets à Faulquemont. - Item, au londemains, XXVIIe jour dudit moix, lesdit de Mets ce mirent en armes ; et
furent courre jusquez devent Faulquemont ; et prinrent plusieurs
waiche et aultres bestiaulx, qui furent prisiée la vallue de VIIe Irans.
Et, le jour après, fut encor pai eulx prins pour LX irans que de poureiaulx, que de berbis.
Destrousse faide par ceulx de Mets. — Puis, le second jour d octobre
ensuient, vinrent lesdit Rodât Baier, seigneur Hanry Baier, Phelippe
du Chastellet, Olré de Rotesenhouse 1 2et Andrieu de Parroie ; et anvairent yceulx avec leur gens, tout au point du jours, à Anseryille
et ardirent environ XL que maison que grange. Maix il n en dirent
mye grant joie, nonobstant qu’il estoient environ VIII** chevaulx: ;
car lesdit de Mets, qui estoient advertis du fait, saillirent au champts
et les enchaissairent jusques à ung petit ruyt d’yaue, tout près de
Chastel Brehain. Et, là, y oit de leur gens environ IX homme d armes
mors et péril 2 ; et sincq en furent prins et emmenés ; et environ
XX chevaulx y furent mors, et plusieurs compaignon d’armes bleciés.
Et avec ce, furent XLVIII chevalx dez leurs prins, et butines a la
somme de XIIlIe irans 3 et XXXIII florin ; et les armures furent
vandue cent floiin d’or. Et, par ainsy, le buttm que ceulx de Mets
gaignont à celle journée valut XVe et XXXIII florins.
8 Disposition du temps. - L’yver ensuient, de celle année, fut malva s
et aspre ; et encomansa la gellée le premier jour de décembre, et durai
l’espace de XVI sepmaine. Et tellement gellait que les vigne furen
toutte engellée d’yver ; et les couvint toutte trepper , espécialleme
tout le coustés de Oultresaille. Et y oit alors cy grand neige, la nuit de
la Chandelleur et le jour saint biaise, que la neige estant enmeys e
rues estoit bien de VI piedz d’espesse. Toutefïois la glesse c en aillait
très doulcement, sans faire dompmaige.
.
,
Et vailloit alors la quairte d’oignons XXIIII sols, et la quair
pois VIII sols, la chairée de foins L sols, le fromen V sols VI deniers
l’avoine IIII sols, les grosse iebves 0 VIII sols, et la quairte d
V deniers, IIII deniers et III deniers.
1. Olrey de Rottenshufz dans Huoubnin, op. cit., , P- 213.
2. Péris, tués.
de la Moselle,
T
article trèper) désigne l’opération qui consiste à couper la vig
en patois lorrain féoeue, petite fève.
272
JEAN RÉMIAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1443)
Et, en celle année, on moix de mars, n’y avoit encor nul fleurs en
nul arbres, pour la froidure du tampts. Puis, le second jour de febvrier,
et le troisiesme, et tout le dit moix, fut tousjour froit en gellée et en
neiges, et pareillement fist le mois de mars, avril, et la mitté de maye.
Dyeppe asségiéez par les Anglois. — En celle meisme année, fut la
ville [de] Dyeppe asségée par les Anglois desquelle Tallebot estoit
cappitaine. Et avoient yceulx Anglois faictes une très fortes et puis
sante tours et bastille de bois devent la ville. Laquelle, après plusieurs
escarmouche et grant fais d’armes, tant d’ung cousté que d’aultres, fut
par Loys, daulphin de Vienne, celle tour prinse, et tout le campe
rompus et disc.pés ; et furent les Anglois en la plus part ou mors ou
prins.
Mais de ces chose je me tairés quant à présant, et retournerés à parler
des maistre eschevin de Mets et des adventure advenue en leur tampts.
Mil iiiic et xliij. — Item, en l’an après, et courrant le milliair par
mil quaitre cent et XLIII, fut maistre eschevin de la cité de Mets le sire
Jehan Rémiat, fdz Collignon Rémiat.
Ceulx de Fléville eourre le paiis de Mets. — Et, en celle année, le
XXVIIIe jours du moix de mars, vinrent ceulx de Fléville, la mains
armée, ariver on pais de Mets. Et, de prime venue, ont bouttés les feu
à Maisiers et à Agondange. Et fut ce fait tout a mattin, à l’ajourner ;
et coururent jusques à la Grant Steppe 1, enlevant le bastial 2. Puis,
ce fait, c’en retournairent leur chemin droit à Fléville, sans domaige
et sans riens perdre ; car de leur venue l’on ne ce donnoit point en
gairde.
Vigne engellée. — Item, le may ensuiant, et a thier jours, furent lez
vigne la plus pairt engellées. Et, de fait, on en trappait 3 plus de deux
cent journaulx ; de quoy ceulx qui le firent c’en repantirent depuis.
Course faicle contre ceulx de Mets. — Puis, en ce meisme moix de may,
vinrent les Escourcheurs de France on Vaulx de Wessey 4, environ
deux mil. Et d’iceulx estoit cappitanne Pier Régnault, frère à la Hière,
et le Roussin, avec le seigneur Robert de Commercy ; et firent plusieurs
grant mal autour de Cheminât.
Et, en ycelluy tampts, fut rués jus le nepveu le conte de Petitte Pier
par ceulx de Mets, et le filz le merchal du merquis de Baulde, avec
quaitre de leurs gens. Et furent butinés leurs chevaulx et armeures
à IXxx et XII florin d’or, en Mets, devent l’église collégialle de Saint
Salvour.
En eelluy meisme tampts, le devent dit Robert, seigneur de Com
mercy, accompaigniez de trois mil homme d’iceulx routtiers, c’on
1. Les Grandes Tapes (Staples au xn® siècle, Estaples au xme), aujourd’hui ferme,
commune de Woippy.
2. Bestial, bétaii.
3. Voyez p. 271, n. 4.
4. Vaxy, Moselle, Chàteau-Saiins, Château-Salins.
LES ÉCORCHEURS DE FRANCE AU PAYS
DE METZ
(1443)
273
disoit les Escourcheurs de France, vinrent ariver on ban de Waizaige 1 ■ Et y furent environ VIII jour ; et prinrent homme, femme et
anfïans, avec tout le bestial. Et ledit de Commercy achetait toutte la
part du buttin d iceulx Escorcheurs ; et l’envoiait à Commercy, avec
quaitrexx compaignon d’arme. Mais, d’aventure, il furent rencontrés
de Waultherin de Tuillier, duquel je vous ay heu par cy devent parlés,
qui fut à prandre l’évesque de Mets, et du bastard du Vergey, lesquellez les mirent toutte à l’espée et gaingnirent tout ce buttin. Et,
avec ce, furent rescous tous lesdit homme, femmez et anfïans et bestialle.
Et, au despartir dudit ban de Waizaige, yceulx lairons c’en allirent
lougier à Ancy et à Airs sus Muzelle.Et,le lundemains, vinrent abaistre
le gibet et la justice de Mets ; et pillairent et robairent les pouvre
mallades de Saint Privés. Et, ce fait, c’en vindrent à Sainct Laidre,
et desrobairent tout quant qu’il polrent prendre. Et, encor plus, c’en
vindrent à l’abbaïe de Sainct Clément, et ardirent la grainge d’icelle,
qui alors estoit plaine de grans faixins 2 3; et desrobirent le dorteux 3
des moinnes, en prenant or et argent, waissellement et aultre biens
meubles. Et, aprez ce fait, c’en rctournirent ; et boutirent le feu a
Joiey, et gaingnairent les arches d’icelle, sus lesquelles partie .des
hommes et de leurs biens c’estoient retirés. Et, aucy, ardirent fine
partie de la ville d’Owegnei 4. Mais, en ce faisant, en y oit VII ou VIII
des leur dez tués.
Et, après ce fait, c’en retournirent à Airs et à Ancy. Et assaillirent
le moustier d’Airs. Touteffois il n’y firent riens ; et, en ycellui essault,
en y oit des leurs plus de XX des tués. Puis, après, assaillirent le
mostiers de Vaul ; auquelle y oit plusieurs de ceulx de la ville, jusques
a nombre de XXX, tant homme que femme, des blessiez, entre les
quelle en y oit deux dez tués. Et, des annemis, en furent XL des mors ;
et, en vangeance de ce, il boutairent le feu en la ville. Aussy firent il à
Airs et à Ancy ; et ardirent leurs propre gens aincy tués. Et puis, ce
fait, ce despairtirent du lieu, et c’en aillirent leurs voie, à la mal heure
qui les conduye !
Item, en celle année, le thier jour de juillet, fist cy très froit qu’il
convenoit mangier au feu, corne il avoit fait en mars et és aultre mois
devent.
Course faicte par ceulx de Mets en plussieur lieux. — Paireillement,
en celle année, le VIIIe jour dudit mois de juillet, ce mirent sus lesdit
de Mets et sont saillis dehors au champts : c’est assavoir la seigneurie
d’icelle, avec leur soldars et gens de piedz. Et, avec yceulx, c’en sont
allés devent Fléville ; et estoient environ trois cent chevaulx, desquelle
seigneur Jehan Baudoiche et seigneur Jeofïroy de Wairixe furent fait
1. Voisage, terme, commune d’Arry.
2. Patois fèhhtn (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle) Aujour
d’hui un fèhhin est un petit fagot ; un grand faixin est donc un fagot.
3. Dorteux, dortoir.
4. Aujçny, Moselle, Metz, Metz.
274
LE PONT AU LOUP ÉDIFIÉ A METZ (1443)
cappitanne. Et les home de piedz, tant de ceulx de Mets que du pais
d’icelle, furent estimés de XVI à XVIIe homme. Et, en vengeance du
mal que ledit Robert de Commercy journellement leur faisoit, il ont
couppés et cilliet *1 les bief de trois fînaige, c’est assavoir de Fléville,
de Lexire et d’Axeralle 2. Et puis, ce fait, fut donnés ung assault
devent la maison de la dite Fléville.
Puis, en l’an dessus dit, le XVe jour dudit mois de juillet, furent de
rechief les seigneurs et soldoieurs de Mets en arme. Et, à ycellui jour,
partirent d’icelle cité environ cent et L homme d’armes, et VIIIe pié
ton, tant de ceulx de la dite cité que du Hault Chemin ; desquelles
Jehan de Warixe et Philippe Dex estoient cappitanne. Et, a plus
secrètement qu’il polrent, ce trouvairent devent Chastel Brahain,
auquel lieu les Baier se tenoient ; et prinrent la ville, et en ardirent une
grand pairtie et causy touttes. Et, avec ce, fut tellement fouraigiés
que chacun empourtoit a et prenoit ceu qu’il en pouuoit rapourter.
Et, en cest armée, il n’y oit que ung seul homme de ceulx delMets
dez tués, qui estoit appellés le Mairchal, d’Ancerville ; et encor fut ce
par sa follie et nissetés 3.
Le pont aux Loups fabricqués des denier du seigneur Nicolle Louve,
chevalier. — Après, a dernier jour d’icellui moix de juillet et en celle
meisme année, le seigneur Nicolle Louve, chevalier, et citains de Mets,
fist acomencier le pont c’on dit le pont au Loups, lequelle est en l’ille
du pont des Mors devent Mets, et a lieu là où ensienement soulloit estre
le pont Quinquaralle. Et fut fait par Thiédrich le masson, de Ciercque ;
mais il ne fut eschevis jusques au XIe jour d’apvril l’an mil quaitre
cent et XLIIII.
Le capitainne du duc de Bourgongne passe par devent Mets par esxurement 4. — Item, on moix d’aoust ensuiant, seigneurs Simon de Laleu,
chevalier et cappitenne pour le duc Phelippe de Bourgoigne, acompaigniés de quaitre cent Piccars, ce fist essurer 4 desdit de Mets. Et, avec
celle compaignie, vinrent à passer tout parmi Longeville et par devent
les pourte de la cité. Et cuidoient bien tantost antrer dedans Thionville,
parmi certains traictiés fait entre eulx, si comme on disoit. Mais,
quant il vinrent devent la pourte, on leur chantait des vierges 5. Dont
il revinrent à Pierfort, de cost Hanry de la Tour, qui les resseust
haultement.
a. M : empourtont.
1. On pourrait hésiter entre le verbe sillier, détruire, et le verbe cillier, couper au
moyen de la faucille. C’est le dernier qui est le bon, car Husson, p. 81, porte faxont
(fauchèrent).
2. Fléville, Meurthe-et-Moselle, Briey, Conflans ; Lixières est une annexe de Flé
ville ; Ozerailles, ibid., id., id., est à trois kilomètres au sud-est de Fléville.
3. Niceté, sottise.
4. Esxurement, assurément. Se faire essurer, demander un sauf-conduit.
5. Chanter des vierges, chanter l'évangile des vierges, se moquer de quelqu’un. Plai
santerie militaire commune au xve et au xvie siècle. Les assiégés chantent l’évangile
des vierges aux assiégeants qui ont échoué dans leur tentative.
LA FOUDRE SUR L’ÉGLISE SAINT EUCAIRE, A METZ
(27 JUILLET 1443) 275
Le duc de Bourgongne fait son entrée à Y voix. — Et, tantost après,
le dit Phelippe, duc de Bourgongne, accompaigniés de environ IX mil
hommes d’armes, avec grant charroy d’artillement et de vivre, et aucy
avec grant trésors d’or et d’argent, s’en vint et fîst son antrée en la ville
d’Yvoixe 1.
Et tantost, le lundemains aprez, fîst mestre le sciège devent le chastel
de Billei, auquelle alors se tenoient grant foison de lairons et pillairs,
desquelle Jaicomin de Belmont estoit capitenne ; et fut prins le XXe
jour du moix de septembre, comme nous dirons ycy aprez.
Et puis ledit duc, avec ce de gens qu’il avoit, s’en vint par dessa,
et ce vint logier à Florhenge, qui apartenoit pour lors à Hanry de la
Tour. Et vcnoient ces gens journellement quérir tout ce qu’il leur
failloit en Mets, c’est assavoir traict, vivre et aultre chose.
Le XXIIIe jour dudit moix, vinrent nouvelle au sciège de Billei que
ledit messire Robert de Commercy le venoit lever. Et, alors, saillit
dehors d’icelle plesse le devent dit cappitenne Jaicomin de Belmont, et,
avec luy, trois des milleurs qui léans furent ; et ce salvairent au mieulx
qu’il polrent. Et, environ VIII jour après, ledit Jaicomin print pri
sonniers ung noble homme d’iceulx Bourguignon, lequelle il enmenait
à Commercy. Et, par ycelluy à ravoir, furent tous les aultres lairon de
Billei respités d’estre pandus.
Le duc de Bourgongne passe par Erlon. — Et, ung peu de tampts
après, ledit duc Phelippe, acompaigniés de ces gens d’armes, se des
partit de Florhange ; et c’en aillait en la ville d’Erlon, et là demourait
grant piesse.
Et, quant ledit duc Phelippe deust partir et passer par devent Thionville, les habitans d’icelle firent dressier une grosse serpantine ; laquelle
en la tirent rompit, et tua le maistre qui la faisoit traire, luy Ve, et
IX aultres en furent forment nauvrés.
Celle année fut merveilleusement difficille et dangeroise 2 d’oraige
et malvais tampts, et y oit plusieurs jours fort périlleux. Entre les
quelles, le XXVIIe jour du moix de juillet, à quaitre heure après
midi, et toutte la nuit ensuiant, il tonnait trefïort, et alloudait 3 cy
merveilleusement que c’estoit hideur à oyr.
Tonnoirre cheuz en l'église Saint Eukaire. — Et, par espécial, il cheut
ung cy terrible copt en l’esglise de Sainct Eukaire, tout par devent la
fasse et le visaige du curé d’icelle église, sans lui mal faire, lequel curé
alors estoit illec, disant ces dévocions ; et fîst ce copt une petitte
tresse 4 on mur. Et tonnait encor trois nuit après 5.
1. Aujourd’hui Carignan, Ardennes, Sedan.
2. Dangereuse. Faux-français : Philippe, qui savait qu’un français dortoir corres
pondait au messin dorteux, a cru qu’au messin dangereux correspondait un français
dangerois.
3. Esloider, faire des éclairs.
4. Trace.
5. C’est-à-dire : les trois nuits suivantes (cf. Huoüenin, op. cit., p. 216).
m
LA MUTTE REFONDUE
(4
OCTOBRE
1443)
Lé Nyedz hors de ryve. — Et fut alors cy dérivée 1 la rivier de Niedz
qu’elle gaistait tous les foins de là entour.
La cité de Mets de guerre à plussieurs. — En celle meisme année,
estoient lesdit de Mets de guerre à plusieurs personnaige, entre les
quelles y avoit le devent dit seigneur Robert de Commercy, Collars
de Fléville et ces deux frère, à Phillepin de Savegney, a visconte de
Retel, qui estoit leurs capitenne, à Rodât Baier, à seigneur Hanry
Baier, et à seigneur Thiedrich, leur oncle. Lesquelx ce tenoient et
estoient lougiez au devent dit Chasteaulx Brahan. Et firent yceulx
plusieurs mal et grant domaige, comme cy devent ait estés dit.
La cloche de Multe de nouveaulx fondue. — Item, en la meisme année,
le quaitriesme jour d’octobre ensuiant, fut refaicte et fondue la grosse
cloiche appellée Mutte, par ung jeudi ; et courut environ les quaitre
heures après midi. Et fut, la graice à Dieu, l’ouvraige bien fait et très
biens prins ; aucy y avoit mette 2 abondanment, car il en y oit deux
milliers de demourant. Le maistre qui la fist estoit de Liège, appellés
maistre Loys de Hannalle. Et fut escript autour d’icelle cloiche les
mestre que cy aprez s’ensuient :
En l’honneur de Dieu le tout puissant,
L’an quarante deux, mil et quatre cent,
Fus faictes pour donner mon son
Quant les offices ce reffont,
Pour les bans pranre et pour les lire ;
Et, ce nul y voulloit contredire,
Et pour guerre me font sonner,
Pour gens mettre ensemble et armer ;
Et, qui voudrait savoir mon non,
La cloche de Meutte m’appelle on.
Lucembourgz gaignée par le duc de Bourgongne.
Puis, après, en
celle meisme année, la vigille de la sainct Clément, XXIII jour de
novembre, fut le devent dit duc Phelippe de Bourgongne asségier et
gaingnier la ville de Lucembourg. Parquoy les bonne gens de la dite
ville perdirent tout le leur. Et fut estimés la perde et le domaige qu’il
ressurent à celle prinse à deux million de florin d’or. Et, quant le conte
de Glicque, qui tenoit léans pour et on non du duc de Sasse, son sei
gneur, vit que la force n’estoit point à lui, il ce retirait on chasteaulx
d’icell'e ville ; et le thindrent jusques au jour de la saincte Lucie.
Auquelle tam’pts durant le dit conte, nuytenment, luy XV*, ce despar
tirent d’icellui chasteaulx ; et lui c’en vint, en abit de religieulx, à
1. Dériver, déborder, en parlant d’un cours d’eau.
7
't
r-,
H
Hnnno d7
Métal. —
—
Hug
uguenin
op. cit.,
oit.,
p. 04
217,
donne d’autres détails. Le verbe courir
2. Métal.
H
UENIN,, op.
p
désigne écoulée. D’après h’uguenin et Husson(P. 82), c’est un nommé maître Antoine,
d’Étain, qui refondit la cloche. L’inscription citée reproduisait simplement 1 inscrip
tion primitive.
Thionville. Et, depuis son despart, les gens dudit conte tinrent encor
cellui chaisteaulx environ V jours ; et, au dernier, il ce randirent, leur
vie saulve, chevaulx et harnoix. Mais les bourjois dudit Lucembourg
c’en allirent, leur vie saulve, tout en chemise.
Thyonville prinse par composition. — Le dernier jour d icellui moix
de novembre °, fut errier randue par traictié la ville de Thionville.
Mais je ne sçay par quelle fasson ce fut ; car on disoit que ledit conte
de Glicque devoit avoir pour le duc de Sasse, son seigneur, pour toutte
la duchiez de Lucembourg, cent mil florin de Rin.
Et alors, après ce fait, ledit duc Phelippe et sa femme s en retournairent par devers Brucelle ; et laissairent, pour gouverner le pais de
Lucembourg, ung sien filz bastart, et plusieurs nobles homme avec luy.
Rychamény prinse par ceulx de Mets. — Item, aussy en cellui tampts,
les soldoieurs de Mets allirent prandre une forteresse en Loherenne,
appellée Richamenney ; et l’airdirent toutte, car elle appartenoit au
devent dit Collas de Fléville.
La chapelle Nostre Dame à la Grant Église achevie. - En celle meisme
année, fut parfaicte et eschevie la chappelle l’Évesque à la Grand
Église de Mets.
Et, en la dicte année, furent les vins fort fier et chier.
Ceulx de Mets devent Comercy. - Item, aussy en celle meisme année,
à la prières et requestes de Loys de Haracourt, évesque de Toul, se
partirent de Mets cent homme d’armes pour aller avec les gens dudit
évesquez devent Commercy. Mais, XV jours après, lesdit de Mets c en
retournairent ; et la raison fut pour ce que ledit évesques avoit fait
paix sans lesdit de Mets. Laquelle paix ne ce thint pas longuement.
Et, avec lesdit soldairs de Mets, estoient le seigneur Jehan de Fénestrange et le damoisiaulx de la Mairche, lesquelx pareillement s en
retournirent avec ceulx de Mets, car il estoient très courroussés encontre
ledit évesque et encontre le mairquis du Pont, lequelles alors faisoit sa
premier armée, pour ce que les devent dit avoient apointés et fait paix
sans eulx ne sans leur sceu.
Murtre perpétrés par une béguyne demeurant Sur le Mur, près des
Cordeliers. — Or, advint une merveille, on moix de janvier après ; car,
en ce tampts, le jour sainct Vincent, fut fait ung murtre en Mets en la
manier que cy après oyrés. Vous devez sçavoir que, en celluy tampts,
y avoit en ycelle cité ung ranclusaige de béguigne scituées en la rue
c’on dit Dessus le Murs, auprès dé Lombair, là où à présant est la
pctitte église de Sainct Jude et Sainct Simon; et encor aujourd’ui y sont
les maisons d’icelle béguigne. Lesquelles, en ce tampts, estoient en
grand bruit de sainctetés de vie. Touteffois, à cest heure, leur faulcetés
fut aprouvée (et, desjay aparavent, estoient ycelle béguigne suspect
de non estre telle à par dedans comme elle ce monstroient à par dehors).
Cy avint que en celluy béguignaige ce vint mestre une pouvre femme
a. Une main plus moderne a écrit, au-dessus d’icelui, le mot du, et descendre au
dessus de novembre.
278
CEUX DE FLÉVILLE AU PAYS DE METZ
(1443
a. St.)
mallaide, pour estre sollaciée et doulcement traictée d’icelle béguigne.
Car, en ce tampts, c’estoit leur coustume de ainsy faire, et les envoioit
on quérir pour soullaicier lez gens mallaide és bonne maison. Mais vous
oyrés qu’il en avint. Celle dicte béguigne, cuidant que ycelle paciente
eust de l’airgent, elle l’atoufïait, puis luy couppait la gorge, et, après
ce fait, la gectait en ung retret. Et y fut environ XII sepmaine avent
que on en sceust riens. Mais la chose fut accusée pour la puanteur
d’icelle, tellement que la traïstre fut prinse. Et, son cas cognus, fut
excécutée : car, le VIIe jour d’apvril ensuiant, elle fut arse et brullée
devent Mets, Entre deux Pont L
Ceulx de Fléville cône le paiis de Mets. — Item, aussy en ce tampts,
coururent encor ceulx de Fléville à Airs sus Mezelle ; et y tuairent trois
homme, et V en furent des prins. Mais le rest ce defïandirent tellement
qu’il tuairent ung de leur homme d’arme, et en navrirent plusieurs, et
gaignirent trois chevaulx de celle, lesquelle furent prisiés IIIIXX et
trois florin d’or. Ung petit après, revinrent yceulx lairons bouter les feu
à Thinnomont, devent Mets, à Lorey et à Wappey ; et enchassairent
nous gens d’armes jusques tout dessus le pont des Mors, puis levaircnt
les buées de dessus les waccon 12, et prinrent tous les drappellaiges que
les femmes y avoient estandus. Et, ce fait, paisiblement c’en retournairent.
Les François pren[ne] la bastille de deve[nt] Diepe. — Aulcunes
istoire disent, que ce fut em prime en cest année, on moix d’aoust,
jour de l’assumption Nostre Damme, que Loys, daulphin de France,
acompaigniés du conte de Dunois, avec l’évesque d’Avignon, le conte
de Saint Pol, le damoiseau de Commercy, le sire de Chastillon, frère du
conte de Laval, le sire de Chastillon sur Marne, le sire de Gaucourt,
Thédoual le Bourjois 3, Artus de Longeville, messire Jehan Maquerel,
messire Sacquet de Gincourt 4, messire Rougier de Criquetot, et plu
sieurs aultres, prinrent par assault la bastille de devent Diepe, onquelle
assault furent tous les Anglois ou mors ou prins, comme jay ycy devent,
à la fin de l’aultre chapistre, ait esté dit. Et fut le nombre des mors
environ de trois cent, sans ceulx de la langue françoise qui ce avoient
joing avec lesdit Anglois, qui furent tous pandus. Entre lez prisonniers
estoient messire Guillaume Poicton, capitaine de la dicte bastille, mes
sire Jehan Repellay 5 et le bastard de Tallebot. On dit assault furent
fais chevalliers le conte de Sainct Pol, Hector d’Estoutevillc, filz du sire
1. Voyez aussi Huguenin, op.cit., p. 218. Mais la même histoire est racontée d’une
manière différente dans Husson, p. 79-80.
2. Ce mot désigne en ancien français des cailloux, ou un endroit parsemé de cailloux.
Il subsiste en patois messin avec les mêmes significations (Zéliqzon, Dictionnaire des
patois romans de la Moselle, article tvèkâd). Il désigne ici le lit caillouteux de la Moselle,
où les femmes avaient étendu leurs buées (lessives) et leurs linges (drappelages) pour
les sécher.
3. Jean Chartier, Chronique de Charles VII, éd. Vallet de Viriville, t. II, p. 38.
4. Id., ibid., p. 37 : Jacquet de Gincourt ou Giencourt (alias : Jacques de
Guecourt).
5. Jehan de Rippellay [ibid., id., p. 41) ou Guillaume Rapelay (p. 37).
WIRIAT B1 TOUL, MAITRE-ÉCHEYIN DB METZ (1444)
87»
de Torsy, Charles de Flavy, Régnault de Flavy, et plusieurs aultres K
Cest victoire et entreprinse par le daulphin fut son premier chief
d’œuvre et commencement. En quoy il acquist grand honneurs, car 1
c’y monstrait hardy et chevalcreux.
Le conte d’Arminac prins par le daphin. — Et, en ce meisme ans,
le conte d’Armignac fut prins par le devent dit Loys, daulphin de
France ; et fut menés en la cité de Carcassonne.
Cy vous souffise quant à présant de ce que j’en ait dit des baitaille
de France et d’Angleterre ; car je veult retourner a maistre eschevm
de Mets et à plusieurs aultre besoigne digne de raconter.
[la
guerre des rois
; LE
siège
MIS DEVANT METZ :
1444 2]
Mil iiiic et xliiij. - Merveille avés oy estre advenus du tampts
passés, tant en guere comme aultrement. Et encor oyrés plus for ,
ce escouster voullés du tampts venant.
,
Et premier, il serait dit cornent, en l’an après, courrant le milhair
par mil quaitre cent et XLIIII, fut maistre eschevin de Mets signeurs
Wiriatxde Toul, filz le seigneur Wairy de Toulj et fut cellui en la
butte 3 tout seul.
Le tampts de l’année passée avoit tousjours estes froit et difficille,
comme dit est devent ; et tousjour ce continuoit, tellement que,
depuis le jours des Roys passés, il gellait tousjours jusques au premiers
jour d’apvril ensuiant ; et fut le moix de mars treffroit et secque.
Tremblement de terre et gellée. - Item, en cellui moix de mars, le
XIe jour il fist ung grand crollement et tramblement de terre en la
cité de Basle sus le Rin, et durant le tampts que le sainct concilie y
' "puk^après, le mardi XII® jour de may ensuiant, il gellait treffort
dedans’la cité de Mets ; et tonnait et esloudait. Et fut ce fait environ
lé IX heure en la nuit ; mais, la graice à Dieu, celle ge lée ne fist point
de mal és vignes. Et fut tout celluy moy de may fort pluvieulx et froit.
Aucy fut une partie du moix de jung, comme cy après il serait dit.
Le feu mys à Vapei par les annemys. - Item, le XIX jour dudit
moix de may, vint Phillebert de Savegny et Géraird Peltre (desque lez
l’on ne ce gairdoit en riens, car l’on ne cuidoit rien avoir a faire a eulx),
et vinrent yceulx, acompaigniés de VIII- compagnon de guerre,
bouter les feux en une maison à Wappey. Et, quant il olrent ce fait,
2. Nous' utilison.^ tout particulière, pour ce chapUre la Re^ ^ ,^ ^
Metz en 1444 par Charles VII et René Æ An,on, par de SiULCY et Huguenin aîné Metz
Troubat, 1835 (en abrégé : Rel). Un extrait important de la Chronique dite de Praillon
a été publié à la suite, p. 217-295.
.
3. Sur cette boîte, voyez p. 24, n. 2, et aussi t. I, p. 37
e
.
,
. .
280
LA PUISSANCE DE TROIS ROIS DEVANT METZ (1444)
il envolèrent leur deffîance ; maix, c’il fussent estez tenus, je croy qu’il
ne fussent point eschappés qu’il n’en fussent estés pandus
Pardon subtillement ordonnés. - En celle meisme année, és feste de
anthecouste, fut estaublis et ordonnés ung grand pardon à Sainct
nthonne du Pont à Mousson par pappe Eugenne. Maix ce pardon
lut fait et institués par ung subtil engin, affrn d’avoir argent pour
escnevir la secrette et malvaise voulluntés que alors les Lorrains et
Barrisiens avoient conspirés encontre la devent dite cité de Mets.
e ui jours de Pantecouste escheust en celle année on moix de jung ;
equelle moix, comme les aultre devent passés, fut froit merveilleuse
ment, et espéciallement en la devent dite semaigne de Panthecouste ;
car, alors, il faisoit cy très froit qu’il convenoit mangier au feu. Et
lurent les eawe fort grande et hors de rive.
Trêves entre /’Anglois et François. - Item, après ces chose et plu
sieurs aultrez advenue, tant on royaulme de France, au pais de Mets et
e Loherenne comme aultre part, avint que, en l’an dessus dit mil
qumtre cent et XLIIII, furent trêves donnée, de XXII mois, entre le
roy de France et d’Angleterre. En telle manier que, durans ce tampts,
tous marchampts pouuoient aller et venir, et frécanter les ung avec
les aultres, cen nul dangier ne crainte, durans ycelle trêves.
La puissance de trois roy devent Mets. - Et, affm que les gens d’armes
ne demourassent en oysivités, le roy de « Scicille et duc de Loherenne
demenda ayde a roy pour aller encontre de la bourjoisie de la bonne
cité de Mets, lesquelle, comme il disoit, luy estoient rebelle et déso
béissant. Et ce dollousoit ledit roy de Scicille, disant que lesdit de
Mets ne ce voulloient encliner à luy i, ne en rien luy obéir (et en ce il
isoit vray, car il ne luy obéissoient en riens, ne ne firent jamais, ne
encor ne font, ne jamais, au plaisir de Dieu, ne feront ). Toutefois, à
peu de prières, il obthint du roy sa demande, pource que yceulx homme
armes et gens de guerre, avec la piétailles, aventuriers, bouteffeux,
lairons et couppe gourge et touttes telles manier de gens, desquelles le
royaulme estoit fornis, mangeoient le païs et vivoient partie sus le
communs. Parquoy, durans ycelle trêves, le roy estoit bien joieulx
d en délivrés le royaulme.
Et en furent incontinent les nouvelle espandue en diverse païs et
contrée ; et, meismement, fut dit et annonciés au devent dit seigneur
et gouverneurs de la cité. Mais, de ce, il c’en failloit taire ; et n’en
oisoit on bonnement parler, pour la fureur d’aulcuns d’iceulx seigneurs,
qui ne le voulrent jamaix croire, jusquez à ce qu’il les virent à l’ueil,
comme ycy aprez il serait dit.
En cellui meismc tampts, Philippot de Savegnei et Géraird Pelte 2,
*1
a. M : de manque.
1. S'encliner à quelqu’un, se soumettre à lui.
2. Voyez p. 279 in fine. Philippot de Savigny y est appelé Philibert(de même Hcgübnin, Les Chroniques de la ville de Metz, p. 218) ; il est nommé Philippot par Hosson,
LE SIRE DU SAÜLCY CONTRE LA VILLE DE METZ (JUILLET
4444)
281
lesquelle, comme j’ay dit devent, avoient heu corrus ét boùttés lèz
feux en la ville de Wappei sus lesdit de Mets, ycèulx Philippot et
Géraird furent à tel tenus que ledit Géraird, avec plusieurs aultres,
vinrent faire le biaulx dit 1, c’est assavoir que, à la prières et requeste
de Hanry de la Tour, furent yceulx fait homme à la cité ; et furent
encor ressus par grant dangier,2.
La croix et le puys aux pont des Mors achevis. — Item, on moix de
juillet après, fut faict et achevis la croix, le puis et le pont3 que sont
devent le pont des Mors, desquelle je vous ais heu par cy devent parlés.
Et cest euvre de charités fist faire ung notauble chevalier de la cité,
appellés seigneur Nicolle Louve, de ces propre denier ; et en fut le
maistre ouvrier maistre Jehan de Commercy. Dieu, par sa graice, aye
de leur âme mercy !
Le seigneur du Saulcei contre ceulx de Mets. — En ce meisme moix de
juiellet, environ XV soldoieurs de Mets, lesquelles alors estoient de la
garnison de Merdeney, dont Jehan de Chaallon estoit cappitaine, ce
mirent a champts pour aller courre devent Aspremont, qui alors estoit
de guerre à la dicte cité. Et, en retournant qu’il faisoient, seigneur
Collair du Saulcy, chevalier, duquelle l’on ne ce gairdoit en riens, fist
mestre et tendre cordes parmi les guet 4 des rivier ; et, avec ce, fist
gecter des hirpe à quoy on hirpie 5 les bief, et aultre mariens 6, pour
entraper 7 lez chemin par où lesdit souldoieurs passoient, et pour les
prendre. Et, qui pis vault, il fist assembler tous les bons hommes qu’il
polt avoir de la prévolté de Preney, avec environ XL homez d’armes,
pour courrir sus et gecter jeux 8 9lesdit soldoieurs. Et, de fait, il firent
tellement qu’il en prindrent VII, desquelle Pier de Viéville en fut
ung, et maistre Jehan de Plet Babo 8 ; et plusieurs aultres eschappèrent
le mieulx qu’il polrent. Et, incontinent, furent lesdit soldoieurs buttinés, armes et chevaulx. Dont gueres nouvelle fut entre les seigneurs de
Mets et ledit seigneur du Saulcey. Et, tantost VIII jour après, lesdit
de Mets courrurent jusques aux baires10 de Prégnei ; et prindrent deux
1. Expression ironique : faire des excuses ?
2. Non sans difficulté.
3. Il n’est question, dans Husson, p. 83, que de la croix et du puits.
4. Gué. — Dans Husson, p. 83, il est question d’une embuscade préparée à un gué
déterminé, ce qui est plus vraisemblable.
5. Dans mon Enquête phonétique des Patois d'Ardenne, j’ai relevé, à l’extrême nord
de la Lorraine, le mot irpe, herse, et le verbe irper, herser. Il s’agit ici de herses en
bois.
6. Mairain. Ce mot désigne des pièces de bois, et, en général, des bois de construc
tion.
/
7. Entraper signifie : faire tomber dans un piège ; ici : tendre un piège, fermer par
un piège.
8. Jeter jus, mettre à bas.
9. Huguenin,op. cit., p. 220 : « et en prindrent jusques sept desdits soldairs, dont
Pierre de Viéville et maistre Jean du Plet Babo furent du nombre, et des aultres
cinq ne sçai les noms ».
10. Bare, première fortification quand on vient du dehors (généralement constituée
d’un fossé et d’une palissade).
282
SOIXANTE-MILLÏ HOMMES CONTRE LA VILLE DE METZ (AOUT
1444)
homme d’armes, desquelles l’ung estoit leur cappitenne, appellés
Guissequin.
Le jeux en pallaix de Mets. — Item, le quaitriesme jour d’aoust
ensuiant, fut mis le feux on pallas de Mets, par ung nid de soigne 1
qui alors estoit sur une cheminée. Et adonc estoit verlet du pallais ung
appellés III Sols, lequelle pour cellui fait en fut banney. Et debvez
chacun notter que cest advenue fut une grande signifiance et ung grand
mistère de la guerre à venir a. Touchant de ce impérial hostel et principalle maison de la cité, auquelle le feu ce print, Dieu la vueulle deffandre et gairder ! Amen.
Plussieur ouvraiges fait anlour de Mets.— En ce meisme moix d’aoust,
fut faicte en ycelle une neufve tour és muraille de la ville, entre le
pont des Mors et Sainct Vincent. Et, avec ce, furent renchaussiés 2 et
renforciés les murs depuis la porte Patair, laquelle porte fut dès alors
condempnée, jusques en mei voie du chastel du pont des Mors. Et
estoit adonc que maistre maisson de cest ouvraige, et de la ville pareille
ment, maistre Henry de Ranconval.
Comencement d’une malheureuse guerre contre la cité. — Or, maintenent il est tempts que je antre à vous desclairer l’acomencement
d’ugne malvaise et dangereuse guerre, laquelle à tort et sans cause
fut en ce tampts contre la bonne cité acomencée. Il est vray que, en
celluy tampts, c’est assavoir entre l’Assomption Nostre Damme, à mey
aoust, et la Nostre Damme en septambre, celle devent dicte armée du
roy de France et de Scicille, avec une partie des Anglois, ce mestoit
fort sus. Et en courroie lès nouvelle de tout coustés, néantmoins, comme
j’ai dit devent, que aulcuns des noble de la cité ne le voulloient croire.
Mais seullement estoit dit que le devent dit Charles, roy de France,
avec le roy de Scicille, son serourge, et le daulphin Loys, avec belle
compaignie, voulloient venir à Sainct Nicolas de Pol 3 à Wairangéville
en pélerinaige, si comme il firent. Car, soubz l’ombre de cestuy pélerinaige, firent leur alliance ensamble pour confondre ycelle cité, comme il
ce monstrait depuis.
tx mil home venant contre la cité. —- Et, ainsy doncque, il avoient bien
aultre pancée que de pérégriner 4, comme desjay alors il ce monstroit
et ce pouuoit évidamment congnoistre, parce qu’il estoient acompaigniés de plus de LX mil homme de guerre, tant à chevaulx comme les
Escourcheurs et gens de piedz.
Le daphin de France contre les Suysses. —- Or, durans ce tampts, et
avent que venir à Mets, l’ampereur Phiederich envoiait ung siens
a. M : advenir.
1. Ceogne, cigogne.
2. Renchaucier, réparer.
3. Saint-Nicolas-de-Port, Meurthe-et-Moselle, Nancy, a porté successivement les
noms de Porty Saint-Nicolas-de-Port et Saint-Nicolas.
4. Pérégriner, pêleriner, faire un pèlerinage.
LA VILLE DE METZ ORGANISE SA DÉFENSE (AOUT
1444)
283
cappitenne, nommés Burgalemon *1, devers le roy, luy prier que son
plaisir fut de envoier partie de ces gens contre les Suisses rebelle à
l’ampire, lesquelle ce disoient rien ne tenir dudit ampereurs. Parquoy,
alors, le roy y envoia Loys, d.aulphin, son filz, avec Jouachin Reual 2,
et le seigneur Robert de Commercy, qui estoit l’ung des principal
capitenne, et, avec yceulx, plusieurs aultres noble du sanc de France.
Et, de prime venue, prinrent Monbelliair par traictiez. Et coururent
tout parmy Aussay, jusques à Strabourg, et en jusques près de Basle ;
et avoient une grosse armée de gens d’arme, tant François comme
Allemans. Car ledit Bourgalemont, capitenne de l’armé du devent dit
Phédericb, ampereurs, luy assista ; mais, tantost après, il fut tués en
une rancontre qu’il heurent auprès de Basle, avec plusieurs aultres.
Toutefïois, il ne l’eurent pas d’aventaige ; car le rest des Suisses qui
alors y estoient furent tous tués et desconfis. Et, après ce fait, c’en
allèrent yceulx Françoys mestre le sciège devent Saincte Hispolite 3,
soubz espérance de la prandre ; mais en vain y ont labourés. Et, pour
ce que les François, cellon leur ancienne coustume, faisoient proies et
peilleries parmy les champs, contre eulx ce esmeurent touttes celle
nacion furieuse ; et ce elliairent ensamble en diverse lieu et contrée ;
et tellement que, entre Basle et Strasbourg, occirent grant partie des
gens d’armes françois.
Le daphin retirés. — Parquoy, voyant le daulphin que Bourgalemon,
capitaine d’Allemaigne, estoit mort, et partie de ces gens occis, et
aussy congnoissant l’asprcté de celluy païs, retourna à son perre,
lequelle alors estoit à Nancy. Car en ce lieu estoient arivés les deux
roys, acompaigniés des conte du Maine, de Dunois et de Boulongne,
et de plusieurs aultre grant princes, capitenne et seigneurs.
Fortification faicte en Mets contre les annemys, avec plussieur ordon
nances. — Durans ce tampts, lesdit de Mets, voiant et congnoissant la
vérité du fait, firent crier à son de trompe par tout leur païs à forteresse,
et de tout leur pouuoir ce mirent en deffance, en ce préparent contre la
guerre à venir a. Et, premièrement, firent très bien garnir la cité de
toutte manier d’artillerie et deffance de guerre, c’est assavoir bombarde,
sarpantine, haicquebutte 4, courtaul 5, masse de plomb, et tout ce que
à telle chose apartenoit. Et tout aincy en fut fait és tours de tout les
mestier de la cité. Et encor, avec ce, leur fut comendés et ordonnés que
chacun desdit mestier fissent mestre et mener en chacune desdicte
tour VI tumerée 6 7de grosse pier de la pairier Et, quant à la gairde
а. M : advenir.
1. Mgr Bourga le Moyne (Chartier, op. cil., t. Il, p. 44 et n. 2) ; bourga serait une
déformation de burgrave. C’est le chevalier Burkardt Monch de Landscrone [Rel.,
p. 82).
2. Jouachin Houault dans Chartier, op. cil., t. II, p. 44-45.
3. Saint Hippolyte, Doubs, Montbéliard.
4. Hacquebute : arquebuse.
5. Courtaut, sorte de mortier monté sur roues.
б. Tumerée, aujourd’hui teumeré en patois lorrain : tombereau.
7. Perrière .carrière de pierres.
284
LA VILLE DE METZ ORGANISE SA DÉFENSE (AOUT 4444)
des pourte de la dicte cité, l’on y mist cy bonne ordre et défiance qut
c’estoit belle chose à veoir ; car, à chacune d’icelle, y avoit grosse et
menue artillerie souffisanment, et de toutte manier de trait et aultre
instrument de défiance. Et, avec ce, à chacune d’icelle, y avoit, tant de
jour que de nuit, aulcuns chief de la seigneurie, avec plusieurs homme
d’arme et gens de piedz, tant de la spiritualité comme de la tempo
ralité, lesquelles journellement et par rechange furent ordonnés à la
gairde desdite pourte, cen les gairde acoustumée que y sont en tous
tampts (à chacune pourte IIII bourjois, cen le chaistellains et le;
pourtiers). Paireillement furent les gait et eschairgaitte 1 remforciet,
tant sus la muraille comme par la ville. Et furent les chose cy biens
ordonnée, et chacune d’icelle mise en cy bonne orde, que l’on n’y eust
sceu que dire ; et estoit plaisir de veoir alors la bonne pollice et l’or
donnance de la cité, car ycelle estoit bien fornie de vivre, avec bons
gens d’arme, et la commune biens délibérée à ce defïandre, comme par
efïect il le monstrirent en tampts et en lieu, comme cy après il serait
dit.
Item, le XXVe jour d’aoust, fut ordonnés que touttes maniersde
gens des paroichez de la cité yroient les ungs après les aultres à l’onvraiges és foussés de la ville qui sont hors de la cité, du coustés de
Sainct Médart. Et, premièrement, y furent ceulx de la paroiche Sainct
Hillaire, au pont Rémont. Puis, tantost après ce fait, fut errier ordonnés
et comendés de vuydier les fossés depuis le Champts Nemmery en
jusques derrier les Suers dez Repenties. Et furent tousjours ainssy les
bonne gens des paroiche, les une après les aultres, à crouuée 2, jusques
à tant que les foussés par derrier les Augustins furent achevis ; et,
encor, depuis ce lieu, en retournant amont, jusques près de la nuefve
tour qui est derrier Saincte Glossine, c’on dit la tour Commouffle ;
et tousjour aincy, jusques à la pourte Serpenoise. Et, par la grant
diligence des ouvriés, furent en peu de tampts yceulx foussés wuydiés.
Et avoit on en ce tampts, pour IIII deniers le jour, ung ouvrier ; et en
avoit pour le pris qui en voulloit avoir.
Durant le tampts que ces chose ce faisoient en Mets, à la requeste du
roy Régné de Scicille furent les devent dit Escorcheurs de France
devent Daney 3, où le bastard du Vergiez estoit. Et fut randue par
composicion, avec Espinal, et plusieurs aultres places, que ce rendirent
au roy de France. Et le daulphin, avec ces gens, avoient paireillement
prins plusieurs places au païs d’Aussay, telle comme Collunbey4,
Saincte Crois, et plusieurs aultres.
1. Sentinelle. En français, eschargaite, devenu échauguette, a pris le sens de « petite
tour où se tenait la sentinelle ».
2. En corvée (patois actuels : craw&ye, crowâye, crouwâye).
3. Damey, Vosges, Épinal.
4. Collunbey, Colombarra dans Chartier, op. cit., t. II, p. 44, n. 3, n’est autre que
Colmar, Haut-Rhin.
LES ENNEMIS DANS LE PAYS DE METZ (12 SEPTEMBRE 1444)
285
Le conestable et ses gens loge à Ancei, Ays, et à l environ, et générale
ment par tout le paiis de Mets. — Et, tantost après ce fait, le XIIe jour
de septembre, se partit Artus, conte de Eichemont et connestable de
France, avec le séneschaul d’Anjou, et Charles d’Anjou, frère a devent
dit roy' Régné de Bar et de Lorianne, acompaigniés environ de X mil
hommes d’armes, lesquelles estoient lougiés à Mallatour, à Puxuel,
à Ville-sur-Yron *1 et à plusieurs aultres villes là entour. Cy ce partirent
les dessus nommés, comme dit est, et c’en vinrent lougier à Airs sus
Muzelle, à Ancey et à Merdeney.
Plussieur forteresse et vilaige prinse par les Lorains. — Et, trois
jours après, ce randirent les plaice devent dicte par accord, saulve lé vie.
Et puis, tantost après, il prindrent Chamenat, Espillei 2, Raucourt,
Clémery. Puis fut Corney prinse, Joiey, Val et Juxei, Saincte Reffine, et
les deux forteressez de Mollin ; puis Chaselle, Sciei, Longeville, Chastel
et Lessei ; et pareillement touttes les places et moitresse Entre deux
Yawe furent randue ou abandonnées, telz comme Fustorf, Olrey,
Braidi, et la Grainge le Mercy 3 4; puis la Horgne au Savellon, Praiés 4,
Haultè Ryve, la Grainge aux Ormes, et touttes les aultres, depuis
Mollin jusques à Maigney. Car, voiant cy grant multitude de saltallitte,
nul ne les oisoit atandre qu’il ne fut en dangier d’estre mors ou prins.
Sainct Siphorien aux dehors de la pourte Serpenoize aruynéez par
ceulx de Mets. — Item, ledit ans, le jours de la sainct Lambert, XVIIe
jours de septembre, fut ordonnés par les seigneurs et gouverneurs de la
cité que le bourgz Sainct Siphoriens, estant devent la pourte Cham
penoise, et qui alors estoit grant chose, fut abatus et mis à ruyne,
avec aussy l’abbaïe et toutte la menandie d’icelle, laquelle en ce tampts
estoit ung fort lieu et deffansauble. Et, pareillement, fut ordonnés de
abaitre une fort tour, haulte et eslevée, qui alors estoit en ce lieu
à la défiance d’icelle église et de tout le bourgz. Et, tout incontinent,
fut cest ordonnance mise à essécucion ; et y fut boutés le feu, et tout
abatus : église, couvant, cloistre et maison, tellement qu’il n’y demourait riens Et fut ce fait pour ce que les annemis avoient délibérés de
ce y venir lougier pour celle nuyt. Puis, deux jours après, qui fut e
XIXe jour dudit moix, jour de la sainct Gurey, fut tout abatus le
bourgz d’icelle église ; et n’y demourait maison ne demy^
Le bourgz de Maizelle abatus. - Item, après ce fait, le XXIe jour du
dit moix de septembre, courrurent yceulx Escorcheurs devent dit par
devent les pourte de la cité, en l’isle du pont des Mors. Et alors, voiant
qu’il ce aproichoientde cy près, fut ordonnés de encor abaittre le bourgz
de Maizelle, paireillement le bourgz « des Allemans, et celluy de Sainct
M : bougz.
1. Mars-la-Tour, Puxieux, Ville-sur-Yron, Meurthe-et-Moselle, à proximité de
a.
Conflans-Jarny.
,T
3' F rist ê ^ fer mT " commune de Mo'ulinsToHy', ferme, commune d’Augny ; Bradin,
ferme! commune dè Moulins ; La Grange-le-Mercier, ferme, commune de Montignylez-Metz.
4, Praÿel, ferme, commune d’Augny.
236
LES SEIGNEURS DE METZ A NANCY (22 SEPTEMBRE 1444)
Thiébault, avec l’église collégialle d’icelle, laquelle alors estoit moult
belle et triumphante.
Plussieur édifices abatus, el arbres. — Aussy fut abatue l’église de
Sainct Loys, et celle de Nostre Damme au Champts, et tout le bourgz
de Sainct Pier, c’on dit Saint Pier aux Champts. Et fut aussy ordonnés
d’abaitre tous les arbres és a gerdins qui estoient entour les murs de la
cité, c’est assavoir depuis le bourgz de Sainct Juliens en jusques à la
pourte des Allemans ; et encor depuis le Neuf Pont jusques au pont
Thiefïroy ; et, paireillement, tous les aultres arbes és a gerdin qui alors
estoient entour de la dicte cité, de quel coustés qu’il fussent. De quoy le
dompmaige, du principal, fut estimés à plus de cent mil livres, monnoie
de Mets, sans les despans que ce dompmaige coustoit à faire.
Au londemains, le jour saint Morize, XXIIe jour dudit moix de
septembre, entour les X heure devent midi, vinrent yceulx Escourcheur
ce monstrer par devent les pourte de la cité ; et, avec XXX cheir
changiez d’artillerie, acompaigniez de environ XVe homme, couroient
contreval l’isle du pont des Mors et par dessus Wauldrinowe. Et, avec
ycelle artillerie, ont tirés dedans Mets quaitre ou V copt ; et estoit
ycelle artillerie quaichée derrier le pont au Loupz. De quoy l’ung
d’iceulx copt tirait jusques à la maison le seigneur Collignon Roussel,
en Wésignuef. Et furent yceulx satallite environ une grosse heure en ce
lieu, ce pourmenant et faisant virairde et ranviaulx L Et, quant il en
furent en allés, l’on fîst coupper ung gros ormes qui estoit au piedz du
pont, avec touttes les salz là entour, c’on dit les salz 2* 1de Wairixe.
Louvenei rendue, et Vernei. — Item, en ce meisme jour [de] feste
sainct Morize, fut randue le chastiaulx et forte maison de Louveney;
et la randit le chastellain sans le sceu ne le consantement des soldoieurs qui dedans estoient. Et aussy fut randue la fort maison de
Verney.
Paireillement, ce randit la forte maison de Viller 3, qui appertenoit
à seigneur Nicolle Louve, chevalier ; et y perdirent lesdit de Mets
deux homes, desquelle l’ung estoit ménestrés.
Les seigneur de Mets à Nancei. — Item, en celluy meisme jour,
qui estoit le XXIIe dudit moix de septembre, furent mandés par le roy
René aulcuns des seigneurs de la cité pour aller à Nency parlamenter
à luy ; et les vint quérir ung noble hérault, apartenant a roy Charles
de France. Alors le conceil fut mis ensemble, et, on non d’icelle cité,
furent commis pour y aller c’est assavoir seigneurs Geoffroy Dex,
chevalier, et Poincignon Baudoche. Lesquelle venus à Nancey, leur
fut par le procureur dudit roy Charles faictes requeste qu’il volcissent
la cité de Mets rendre en leur mains, et à eulx faire feaulté comme à leur
o.
1.
2.
3.
M : et.
Virade, tour, pirouette ; renvial, provocation.
Saule (patois actuel sau).
Villers-Laquenexy, hameau, commune de Laquenexy, Moselle, Metz, Pange.
COURSES ET PILLAGES SUR LE PAYS DE METZ
(23 SEPTEMBRE 1444) 287
souverains. Auquelles les seigneurs devent dit firent responce conve
nable, mais non pas a voulloir des demandant : car, à brief parler, il
respondirent pour et on non de la cité qu’il ameroient mieulx tous à
morir qu’il leur fut reprochiés qu’il eussent une fois renoyés la grant
aigle qui est l’empereur de Romme. Et, à ces parolle, fut le parlement 1
et leur requestes cessées. Et couchairent lesdit seigneurs pour celle nuit
à Nancey. Et, quant le roy de France vint à son soupper, il envoiait son
propre plait au seigneurs devent dit pour leur soupper ; et fist comender
que nulz sy ozés ne fut que malz feïssent, ne en fait, ne en dit, à yceulx
seigneurs de Mets. Et, au lundemains, du mattin, ce partirent lesdit
seigneurs de Nancey ; et les firent les roys devent dit très noblement
reconduire jusques en leur terre et pais.
Or, avint en celle meisme nuit que les soldoieurs de Mets qui alors
estoient détenus prisonniers en la forte maison de Louveney cy saillirent
hors, et trouvaient manier d’eschapper. Puis ont boutés le feu en une
grant grainge, en laquelle y avoit plus de IIIIXX chevaulx des annemis.
Paireillement, en celle meisme nuit, plusieurs des soldoieurs de Mets,
avec plusieurs piétons, s’en allirent devent la forte maison de Goin, et
la gaingnairent, avec gros buttin.
Et, depuis ce jour en avant, plusieurs aultres, tant piétons que gens
à chevaulx, ce mectoient en avanture, tant de jour corne de nuit ; et ne
faisoient journellement aultre chose que ramener prisonniers, vaiche
et chevalx, et aultre buttin.
Plussieurs courses et riblerie sus le paiis de Mets. — Item, au lunde
mains, qui fut le XXIIIe jour dudit moix de septembre, plusieurs des
manans et habitans de Mets c’en avoient allés vandengier les vignes de
Waccon 2 et par derrier Sainct Martin. Car, en ycelluy tampts, les
vigne et la saison estoient au plus belle, et estoit plaisir de les veoir,
parquoy chacun désiroit de les cuiellir et vandangiés. Cy avint que,
d’iceulx vandangeurs et vandangeresse, en y oit plusieurs des prins,
tant homme comme femme, avec plusieurs jonnes fillette, jusques a
nombre de V ou VI. Et, ce voiant, seigneur Jaicques Simon entreprint
que, en leur despit, il vandangeroit ses vignes qu’il avoit à Longeville
devent Mets. Et, pour ce faire, fist mener une nefz près d’icelle ville,
en laquelle y avoit plusieurs compaignon armés et embastonnés 3 de
collevrines et arballestres ; et fist entrer ses vandangeur et vandengeresses és vigne c’on dit en Daille j et lui meisme gairdoit la nefz avec
ces compaignon. Maix saichés que jay pour ce ne demourait que les
annemis ne prinsent touttes les femmes devent dictes 4 ; combien
1. Entretien, conîérence. - Philippe a abrégé cette entrevue, dont on trouvera le
dérLtundUrDe°vanf-les-Pont3s! Motelle, Metz, Metz. Husson,P.177, parle des vignes
, du hault de Waucon, de Brey, de Daille ». Ce sont les coteaux situés derrière Woippy,
sous Lorry et Plappeville ; Daille se dit maintenant : la cote de Dale.
3 Embastonnés : les armes à feu portatives s’appelaient des talons a jeu
t Voyez au contraire Praillon, Rel, p. 231. Les Écorcheurs abandonnent leur prise
« et ainsy oit ledict sire Jaicque Symon joyssance de sa vandange ».
288
ESCARMOUCHES AUTOUR DE METZ
(27
SEPTEMBRE
1444)
qu’il ne les eurent pas d’aventaige, car ledit seigneur Jaicques Simon,
avec ces collevrines, tuait deux d’iceulx Escorcheurs devent dit.
Parquoy eulx, plus emflambés que devent, et par despit de ce, il boutirent le feu et ardirent le chausqueu, lequelle estoit au bout de la ville,
avec toutte celle partie, jusques à une tour apartenant au devent dit
seigneur Jaicques, en laquelle tour les devent dit Escourcheurs ce
tenoient et y estoient lougiés.
Et, depuis ce fait et a jour ensuiant, yceulx lairons ne cessoient
journellement de ce monstrer et de courrir parmi l’isle du pont des
Mors, en faisant virarde et ranviaulx, comme ce ce fut ung jeu de
baires. Et, entre yceulx, en y avoit ung sus ung blan chevaulx ; et fut
dit que c’estoit le filz de ce maistre racouvateur qui print les calices à
Sainct Supplise, parquoy il en fut pandus au gibet de Mets, comme par
cy devent ait estés dit L
Item, ung dimenche, qui fut le XXVIIe jour dudit moix de septem
bre, vinrent errier les Escorcheurs qui estoient logiés à Mollin faire une
course on lieu c’on dit en Ham, jusques à la grainge d’Aygnel 12; et
firent celle course cuidant prandre les bestes d’icelle moitresse. Et, alors,
les soldoieurs de la cité saillirent dehors aus champts, et firent une
chasse après eulx jusques à Mollin. En laquelle chasse fut tué ung très
puissant et vaillant hommes d’armes de ceulx de Mets, appellés Coppignon, qui avoit le nef 3 couppés ; et le gectairent en Mezelle,ne jamaix ne
fut retrouvés. Et ung aultre desdit soildoieurs, appellé Babo, qui estoit
petit de corpullance, mais une très bonne guide estoit, fut empourtés
de son chevaulx, qui print le frains au dent malgré luy et le pourtait
dedans les annemis ; parquoy il fut tué, et pareillement gectés en la
rivier dez dessus le pont à Mollin. De quoy l’on en fut bien courroussiés
et marris. Nonostant, il leur fut bien chier vendus ; car lesdit soldoieurs
prinrent deux d’iceulx Escorcheurs, et en y oit environ demy douzenne
tant dez noiez que dez pandus.
Et fut ce fait le propre jour que les devent dit seigneurs Nicolle
Louve et seigneur Geoffroy Dex, chevalier, avec Poinsignon Baudoche
et Thiébault Louve, escuier, Jaicob de Bennestorfï, et Jehan de Lucembourg, alloient errier à Nancey parler a roy pour le fait de la cité.
Puis, deux jours après, le jour de la sainct Michiel, aulcuns bons
hommes de Sciey, desquellez Auburtin Boucat estoit cappitaine, ce
partirent de nuit ; et tuairent ung très biaulx homme d’iceulx Escour
cheurs, et l’apourtairent aincy mors jusques au bout du pont des Mors.
Et trouvaient dessus luy en argent monnoiés VI livrez de messains.
Et fut tout ce entre eulx buttinés, chevaulx et harnaix, jusques à ces
sollés, qui estoient à grant pollaine 4.
Item, en ce jour meisme, aulcuns bon hommez piétons de Salnei
1.
2.
3.
4.
Voyez p. 247.
La Grange-d’Agneaux, ferme, commune de Montigny-lez-Metz.
Nez.
Poulaine, pointe allongée et relevée de la chaussure.
DESTRUCTION DE VILLAGES AUTOUR DE METZ
(12
OCTOBRE
1444)
289
priment IX hommes du Pont à Moussons, et en tuairent aulcuns : car
yceulx du Pont furent trouvés qu’il pourtoient vivre et aultres pourveances aux piétons Escorcheurs qui tenoient le siège devent Ennerey
et devent Verrey.
Going rendue à ceulx de Mets. — Et, la nuit ensuiant, VI soldoieurs de
Mets gaingnairent le chasteaulx de Goin, et tuairent le cappitaine ;
lequelle, toutefois, ce voulloit randre salve sa vie, et voulloit paier
grosse finance. Et, paireillement, furent tués quaitre compaignon avec
luy. Et ramenairent yceulx soldairs plusieurs chevaulx, et aultres
testes ; et gaignairent en celle nuit ung très bon buttin. Et, voyant
lesdit soldairs que ycelle plesse leur nuysoit plus que aydier, il boutairent le feu dedans ; et ardirent toutte la dicte Goin. De quoy Ysaim
bart et Morelet, deux soldoieurs de la cité, estoient cappitannes pour
celle nuit.
La forte maison de Longeville gaingnée par ceulx de Mets. — Item, en
celle meisme année, et deux jour après, qui estoit le jour sainct Remey,
premier jour d’octobre, ce partirent de Mets deux cent compaignon.
Et cy en allirent assaillir la fort maison de Longeville devent Mets ; et
la gaignairent, avec ung gros buttin : car il y prindrent X chevaulx de
scelle et X hommes d’armes. Et en ycelluy fait estoient Jehan de la
Plume et Guiot Cazin cappitennes pour ceulx de Metz.
La forte maison de Lorei brullée. — Puis, le IXe jour dudit moix
d’octobre, fut reprinse desdit de Mets la forte maison de Lorey, par
force de feu ; et ad ce faire furent IX soldoieurs et environ IIIIXX piettons. Et, en ce lieu, gaignairent ung gros buttin : car, cen plusieurs
aultrez biens, XII homme d’armes des annemis y furent prins, avec
plusieurs chevaulx. Et à ce faire estoient cappitenne pour ceulx de
Mets Jeofïroy le Piccart et Jehan de Bar.
La forte maison de Magnei prinze. — Item, le XIIe jour d’icellui
moix d’octobre, VIII compaignons soldoieurs de Mets et environ trois
cent piéton ce partirent d’icelle cité nuytanment, et s’en allirent asségic-r la forte maison de Magney ; et, de fait, la prindrent par force d’assault. Et en ycelle furent prins XXXVIII hommes d’armes des anne
mis, et XLVIII chevalx de scelle ; et, avec ce, y oit XII hommes
d’iceulx Escorcheurs brullés. Et pour ce faire estoient cappitenne
Ysambair et le grant Jaicob.
Et puis, après ce fait, voiant leur bonne fortune, ce mirent par
plusieurs fois aux champts à leurs adventure ; et ramenairent- plu
sieurs homme d’armes avec leur chevalx, et aultres biens ; de quoy il
acquirent grant bruit, et y guégnairent et conquirent de bon buttin.
Plussieur vilaige brullés par ceulx de Mets. — Les signuers et gou
verneurs de la chose publicque de la cité de Mets, voiant l’aproiche des
annemis, firent une conclusion ensamble. Et, par leurs ordonnance,
fut à ce jour meisme, XIIe jour d’octobre, conclus, décrétés et déter
minés de aller ardre et bruller plusieurs villaige et moitresse entour
de Mets, et de leur jurediction et seigneurie. Premier, fut airse par
290
ENGAGEMENTS AUTOUR DE METZ (17 OCTOBRE 1444)
lesdit de Mets la ville de Vallier et les bourdes d’icelle ville 1, avec la
Grainge a Dammes et touttes les menandie de Sainct Elloy a Champts.
Aucy furent airs les menoir de Sainct Martin devent Mets, avec la
Horne au Savellon et la Grainge aux Ormes. Et fut tout ce fait par
lesdit de Mets pour la doubte que les Escorcheurs ne ce vinssent lougier esdit lieu.
Puis, le lundi après, furent mis fuer de l’ostel le doien trois compaignon d’armes qui avoient estés prins dez la premiers fois, c’est assavoir
avant que la guerre fut ouverte, quant on fut devent Pregney ; des
quels Guisequin, cy devent dit, estoit l’ung. Et leur fut donnés respit
jusques à la Pasque ensuiant. Et, parmy ce, furent aussy mis à délivre
et hors dez prisons de Loherenne VII soldoieurs de Mets, qui avoient
estés prins dudit seigneur Collard du Saulcy (parquoy la guerre vint,
corne cy devent il est escript).
Plussieurs ordonnance faide par ceulx de Mets. — En ce jour meisme,
il fut ordonnés en Mets, et fut criés sur grosse paine, que dedans trois
jour l’on ne laissait personne aller hors des portes de la cité.
Deux billevars édifiés en Mets. — Et, en celluy tempts, furent fait
deux moult biaulx billevars 2, l’ung devent la pourte du pont des Mors,
et l’aultre devent la pourte Charpenoise ; et les fist et devisait maistre
Jehan de Commercy, le masson.
Item, le XVe jour d’icelluy moix d’octobre, furent VII soldoieurs
de Mets, avec VIe piettons, devent le Nuef Chastel devent Mets ;
onquel estoient environ LX Escorcheurs. Et ardirent yceux piéton et
soldoieurs touttes les maison entour, et prindrent XXII chevaulx
de scelle. Et tellement firent la besoingne qu’il olrent bien Ve florin
de buttin. Maix, en ce faisant, le bastard seigneurs Jaicques Simon
et quaitre aultre compaignon y furent tués.
Puis, après, le XVIIe jour du meisme moix, furent environ X com
paignon avanturier de Mets bouter les feux à Ralcourt ; et, en ce
faisant, l’ung d’iceulx, nommés le Gros Boylyawe, y fut tués.
Et, en ce jour meisme, furent prins par lesdit Escorcheurs V compai
gnon de ceulx de Mets, qui furent rancontrés par devers la Follie 3,
oultre la rivier de Saille. Et, incontinent, les pandirent en ce meisme
lieu à ung arbre.
Item, ledit jour, furent les piéton de Mets à Chastel soubz Sainct
Germains, et ardirent grand partie de la ville, et deffoncèrent environ
LX cawe de vin ; et, avec ce, tuairent plus de L personne, tant homme
que femmes, lesquelles estoient venus de la duchiez de Bar pour ven-
1. Vallières, Moselle, Metz, Metz ; Les Bordes, ou Les Bottes, hameau, commune
de Vallières. — Le mot borde, en ancien français, désigne une cabane de planches, une
maisonnette isolée dans les champs. Ces bordes, d’après Praillon, Bel., p. 240, apparte
naient à l’Hôpital : étaient-elles destinées aux malades que Ton voulait isoler ? Une
léproserie s’appelait Sainte-Marie-des-Bordes.
2. Boulevard. Un boulevard est un rempart de terre soutenu par des madriers.
3. La Folie, maison isolée, aux portes de Metz, fut détruite en 1552 [la Follie emprès
de la faulce porte en Maizelle, d’après Praillon).
LA FORTERESSE DE VRY PRISE PAR LES ENNEMIS (19 OCTOBRE 1444) 291
dangier les vignes. Mais, toutteffois, lésait de Mets ne priment pas la
tours d’icellui villaige, ne lez Escorcheurs qui dedans estoient. Et,
à cellui essault, y fut tués Collignon Collin, d’Ars sus Muzelle. Touteffois, lesdit de Mets, voiant qu’il n’airoient pas cel tours, bouttairent le feu on moustier ; auquelle fut airs et brullés le curey de Saint
Privés la Montaigne, qui estoit venus vandangiés avec aulcuns de ces
parochiens. Et furent illec prins deux Jaicoppin, c’on dit Frère Prescheurs, et furent amenés à Mets et mis en l’ostel du doien : car, alors
qu il furent trouvés, il estoient en jaicquette 1, sans quelque abit de
religion. Mais, trois jour après leur prinse, il furent mis dehors, et
banis de Mets.
Or, avint encor, à ce jour meisme, que plusieurs piétons, desquelle
Jehan Rengniez estoit cappitenne, furent tandre au lieu c’on dit A
troul d’Amenvilley 2. Et, en ce lieu, furent par eulx rancontrés plu
sieurs homme du Gennexey 3, lesquelles venoient on Vaulx pour ache
ter du vin ausdit Escourcheurs : car, en ce tampts, la plus pairt des
biens estoient demourés au villaiges, pour ce que l’on ne voulloit
croire la venue d’icelle gens. Et à celle rancontre y fut prins le fdz
du maire de Gennexei, et amenés à Mets.
La forteresse de Werei prinse par les annemys. — Item, le XIXe jour
dudit moix, fut randue aulx Escourcheurs la forteresse de Werey, avec
XXII compaignon d’armes que furent prins dedans. Et fut la der
niers de touttes les plesses de la terre de Mets qui ce randit. Et, alors
qu’elle fut prinse, estoit Phédrich Paperel 4 cappitenne d’icelle, et
Gonplemont chastellain. Lesquelles firent tout [leur] devoir, et ce
defïandirent cy bien qu’il y acquirent honneurs ; mais, toutteffois,
la force ne fut pas leur : car, voulcissent ou non, il furent prins avec
la dicte maison.
Deux jour après, qui fut le XXIe jour dudit moix d’octobre, ce
mirent au champis ung aventuriés, nommés Guersé, le cousturier,
avec XYII aultres compaignon ; et c’en allirent tandre par dessus les
taie 5 de Champenoy. Et firent cy bien leur devoir qu’il ramenairent
XXVI chevaulx de hairnoix et IX prisonniers, d’entre lesquelles le
filz le Soit de Saincte Marie 6 y estoit. Et, à leur retour, il defïoncirent
environ XXX cawe de vin on Vaulx.
Puis, le XXIIIIe jour dudit moix, lesdit de Mets furent ardre tout
1. Jaquette, habillement serré et court, qui descend un peu plus bas que le genou ;
il était porté par les gens du peuple et les paysans.
2. Amanviliers, Moselle, Metz, Metz.
3. Jarnisy, partie du canton de Conflans (Meurthe-et-Moselle, Briey) qui a Jarny
pour centre. 11 existait une mairie de Jarnisy.
4. Fredrich Xeperch dans Praillon, Rel., p. 242.
5. Taille, jeune coupe ? Ou faut-il lire : l’estaie ? — Champenois, ferme, commune
d’Amanviliers.
6. Sainte Marie aux Chênes, Moselle, Briey, Briey.
292
NOUVELLES COURSES DE PART ET D’AUTRE (NOVEMBRE
1444)
les menoirs 1 de Saint Andrieu au Champts. Et fut ce jours le pont de
Maigney abbatus. Et, avec ce, furent mis des cacquetrippe 2 és gait
au dessoubz d’icelluy pont.
Au lundemains, XXVe jour d’octobre, furent ramenés et passai
ent par devent la cité les hernex et chariot chairgiés de l’artillerie
lesquelles avoient naitguerres 3 par les dit Escorcheurs estés menés
parmy l’isle du pont des Mors et par devent Sainct Martin, et des
quelles artillerie il avoient guaingnié Tallange, Annerey, Verry, et
plusieurs aultres places. Et furent yceulx harnex accompaigniés de
environ VI cent d’iceulx Escorcheurs. Et, quant il vinrent sur la
malle goulle de Waudrinowe, les trois bombardes, qui alors l’on avoit
afïustés sus Sainct Hillaire, dedans Mets, tirairent fort et ferme encon
tre les annemis. De quoy, entres les aultres, y oit deux d’iceux copt
très bien essis ; et, quant aux aultres, je m’en tais : maix, se on heust
sceu leur venue, créés que il heussent rendus de leur artillerie.
Plussieur courses d’une part et d’aulire. — Item, le jour des âmes, se
cond jour de novembre, par nuit, saillirent hors de Mets environ XII
cent hommes de piedz, avec cent hommes d’armes, desquelles Guiot
Caizin estoit cappitenne. Et, avec celle compaignie, c’en aillirent devent
la place de Creppei ; et prinrent le baille, et ardirent tous les vivre des
Escorcheurs qui dedans estoient. Et en ransonnairent plusieurs, qui
furent prisonniers ; et prindrent LXX chevaulx de scelle. Et, de fait,
heussent heu la place, se ce n’eussent estés aulcuns soldoieurs de la
cité qui firent corner la retraicte. Et y oit très malvaise ordonnance
pour celle dicte nuictée. De quoy plusieurs d’iceulx soldoieurs en furent
blâmés, tels que le devent dit cappitenne Guiot Caizin. Et, de fait, on
voult dire qu’il en avoit receu argent ; car, ce l’on heust bien parcévérés corne on avoit acomenciet, on fust venus à bout de la besoingne, et eust on trouvés léans plusieurs homme d’armes et gens de
biens, tel corne Floquet, Thiérey de Lenoncourt, bailley de Vitry en
Partois, et plusieurs aultres noble de Loherenne, par lesquelles l’on
heust peu faire ung bon accort, à l’honneur de la cité et au contraire
des envieulx. Parquoy ledit Guyot fut pour ce fait comme réputés
traystres, pour celle retraicte qu’il fist sonner, ne depuis on n’olt parfaicte fiance en luy 4.
Puis, la vigille de la sainct Martin après, furent plusieurs piettons
et gens de chevalx devent Wappey. Maix il n’y firent rien pour celle
fois ; et cy furent desdit Escourcheurs très biens servis, car très vaillanment ce deffandirent.
Maix, au second jour après la sainct Mertin, furent par Wairgaire,
le soldoieur, et plusieurs aultres, ramenés en Mets environ X d’iceulx
1. Manoir, habitation. — Saint-André, prieuré de Bénédictins, sous les murs de
Metz.
2. Ghausse-trappe.
3. Naguère.
4. Dans Praillon, Bel., p. 245, il est précisé que Guyot reçut une bourse 4 ou il y
ayoit forces escatz *.
LADONCHAMPS REPRIS PAR CEUX DE METZ (17 NOVEMBRE 1444)
293
Escourcheurs. Entre lesquelx estoit Gillesson de Lompvy, lequelle fut
trouvés hors du chastel de la Wenne de Gernexei b Et estoit desjay
celluy Gillesson aparavent devenus homme de la cité.
Or, est vérité toutte congneue que celle devent dicte année fut et
estoit la plus fertille de bledz, de vin et de touttes aultre biens de terre
que de LX ans devent on eust veu. Et, ce Dieu heust permis qu’il heust
estés bonne paix, ce fut estés la milleur et la plus belle saisons ; et,
avec ce, le plus biaulx tempts, toutte l’année durans, que jamaix on
eust veu, et par espécialle à sa fin : car, depuis la saincte Croix en
septembre jusques à la sainct Mertin, faisoit cy très biaulx que ce fut
merveille.
Touteffois, en celle dicte année, les pouvres gens de villaiges qui ce
estoient retrait en la cité pour cause de la guerre olrent très grant
nécessité de bois à bruller. Et tellement que, pour ce fait, deux Trèzes
de la justice d’icelle cité furent commis par le Conseil de y mestre pro
vision : c’est assavoir que à cest affaire y furent commis seigneur Per
rin le Salvaige 2* 1et Waultrin Clément. Lesquelle firent visitacion et
donnairent certannes enseigne a pouvre gens ; et, permy ycelle en
seigne, leur fut délivrés bois et faixins en certains lieu parmy la cité.
Item, le XVIIe jour a de novembre, de nuit, par l’ordonnance des
VII de la guerre, saillirent dehors au champts environ trois cent piettons, tant de ceulx de Mets que du païs subject, et avec eulx cent
hommes d’armes, tout à piedz. Lesquelles tous ensamble c en allirent
devent le chaisteaulx de Laiduchamps, qui est une forte place et
ung fort lieu ; maix, néantmoins, ellè fut tellement assaillie et cy verdement qu’elle ne durait mie deux heures qu’elle fut prinse et arse. Et
furent prins dedans XLVIII prisonniers des annemis, et ung prebstre
avec une femme : et, avec ce, y furent prins XXII chevaulx de scelle.
Et en furent trois ou quaitre d’iceulx Escourcheurs airs et brullés dedens la plesse. Et, entre les aultres, y avoit ung jantil hommes, qui oit
la gourge couppées ; et la raison fut pour tant qu’il ne ce voult jamaix
rendre, forcque en la mains d’ung jentil homme. Et à celluy jour estoit
Jehan de la Plume cappitenne en cestui fait.
Et ainsy, tous les jours, sailloient hors lesdit de Mets aulx champtz
sur leurs ennemis ; et faisoient tellement que, le plus souvent, il ramenoient vivre, chevaulx, prisonniers, et aultres bagues et buttin.
Au londemains, après dîner, qui fut le XVIIIe jour dudit moix, à
cellui jour, lesdit Escourcheurs qui estoient logiez à Wappey, qui est
a. M : le XVII jour.
1. La Chronique du Doyen de Saint Thiébaut, dans i édition de Mme M. Marot,
porte : « entre lesquel estoit Gillesson de Lomprey, qui estoit sur (var. : sire) du chastel
de la Werne ou Gennexey (var. : Gouvernexey). — Le Gennexey est-il le Jarnisy ?
Gilson de Longpré est connu par ailleurs (Ch. Aimond, Les relations de la France et du
Verdunois de 1270 à 1552, Paris, Champion, 1010, p. 257 et n. 2).
2. Perrin Besainge, Praillon Rel., p. 250.
294
NOUVELLES COURSES DE PART ET D’AUTRE (8 DÉCEMBRE 1444)
bien près de Laiduchampts, olrent cy grant crainte et pauour i de leur
compaignon ainsy prins et brûliez que eulx meisme bouttairent le
feu en leurs logis et s’en allirent fuiant. Car, s’il n’eussent ce fait, il
estoit conclus que, au second jour après, on leur heust fais pis ou
autrement. Et estoient lesdit de Mets bien délibérés, c’il les eussent
pnns à force, de leur encor pis faire que on n’avoit fait à ceulx dudit
Laiduchampts. Et, ce le devent dit Jehan de la Plume s’en fut aussy
bien avisés de retourner par devent, il avoient cy grant peur qu’il ce
fussent randus sans faire long parlement : car, sen point de faulte, la
grant crainte qu’il heurent de ceulx qui furent brûliez audit Laidonchampts les eust faire 2 randre cen copt férir, si comme il fut racomptés
audit de Mets d’aulcuns prisonnier de léans.
Item 3, en ce meisme moix, le XXVIIIe jour, se vinrent rendre en
Mets deux Anglois, qui estoient frère et filz de chevalier, comme il
sertifioient. Et, de prime venue, ce vinrent abourder à la pourte du
pont Reumont, tout montés et armés. Maix l’on ce craindoit de traïson ; parquoy, au comendement de justice, il furent prins et mis en
prison en l’hostel de la ville. Touteffois, quant on fut certains de leur
fait, on les mist en une bonne hostellerie ; et furent restitués de leur
chevaulx et despans, et, avec ce, furent mis au gaige de la cité.
Item, le dernier jour d’icellui moix de novembre, environ les
VI heure a matin, fut fait ung crollement et tramblement de terre en
la cité de Mets.
Et, cellui jour meisme, furent prins deux blan moine, et une damme
vestue de sanguigne 4 et fourée de menus vair ; et furent yceulx logiez
et mis d’une part.
Plussieur corse d’une part et d’allre. — Puis, après plusieurs aultres
chose faicte, avint que, le VIIIe jour du moix de décembre, XVI com
paignon, aventuriés et piéton de Mets, ce partirent d’icelle secrètement.
Et furent on Jurés 5 du Pont à Mousson quérir deux cenc et L gras
porcquez et deux prisonniers ; parquoy ce fut à eulx honneurs et proffit ; et en heurent chacun desdit compaignon XVIII frant de buttin.
Item, en ce meisme jour, plusieurs aultre compaignon sortirent hors,
et c’en aillirent en la duchiei de Bar à Juelz, à Bolley, et à Hamé-
. i; P®ur ;„en patois lorrain pâiv, pdtvou (Zéliqzon, Dictionnaire des Patois romans
ae la Moselle, article pâw).
2. Il faut corriger : les eust fait [se) rendre...
3. Ici Philippe a laissé de côté toute une série de petits faits que l’on trouvera dans
Praillon, Rel., p. 252 et sqq.
4. Sanguine, sorte d’étoffe couleur rouge foncé. — C’est vers Grimont (aujourd’hui
terme et chateau, commune de Saint-Julien-lez-Metz) qu’une expédition dirigée par
mcoie Louve ramena trois Ëcorcheurs, un Augustin « et une dammes habandonnés »
(Praillon, Rel., p, 257).
5. Le bois du Juré, à l’est de Pont-à-Mousson. — D’après Praillon, Rel., p. 258,
cette incursion doit être datée du 6 décembre. — Philippe abrège ici la chronique qui
lui sert de source, ainsi qu’à Praillon, de sorte que celui-ci est beaucoup plus complet.
NOUVELLES COURSES DE PART ET D’AUTRE
(31
DÉCEMBRE
1444)
295
court *1 ; et illec, sus la rivier d’Orne, ont brullés et débrisier plusieurs
mollins.
Puis, le XIIIIe jour dudit moix, fut par l’entreprinse et hardiesse
de certains compaignon de piedz amenés à Mets par yawe le mollin
de Malleroy tout entier, fort que, du rouuat 2. Et fut ce fait malgrés en
heussent les Escourcheur, qui ad ce mirent tout leur effort.
Item, le XXIXe de ce meisme moix de décembre, firent lesdit de
Mets une grosse assamblée, en laquelles furent trois mil piétons, et,
avec eulx, cent homme d’armes pour eulx convoier. Et, tous ensemble,
c’en aillirent devent Tallange ; maix il n’y firent que bien peu de leur
proffit : car la garnissons desdit de Tallange, de trois jours devent,
estoient de leur venue advertis. Parquoy il avoient fait leur préparacion, et ce defîendirent merveilleusement, de quoy plusieurs desdit
de Mets en furent par yceulx blessiet et navrés. Et, avec ce, en y oit
trois ou quatre des tués. Entre lesquelx fut tué, par son deffault, ung
jonne Allemans qui estoit parant au conte de Salmes en Ardenne .
car il ne c’estoit point armé. Toutefîois, ilz fut ramenés à Mets et ensevellis au Carmes moult honnorablement a. Parquoy ledit conte,
desplaisant de cest fortune, se fist tantost casser et print congiés de la
cité. Toutteffois, sçaichiez de vray que la mort du jonne filz leur fut
bien chier vendue : car lesdit de Mets, à cest essault, en tuairent plu
sieurs des leur.
_
Et puis, ce fait, les annemis qui estoient en garnisson à Ennery
cuidant 3 passer la rivier pour frapper sur lesdit de Mets ; mais il leur
mescheut grandement : car il furent recueillis cy vivement et verdement que d’iceulx en furent tués XXVI, lesquelle en ce lieu ont
demourés mors dessus le champts.
Après ce fait, et le dernier jour de ce meisme moix de décembre, les
Escorcheurs qui estoient en garnisson és deux forteresse de Mollin
cy envoiairent quaitre de leur paige en fouraige à la Grainge d’Ainelz, auprès de Montegney. Cy furent lesdit paige rencontrés desdit
de Montegney qui estoient ordonnés à faire le gait, et furent prins et
retenus. Et, quant yceulx Escorcheur de Mollin virent que leur paige
ne retournoient mye, sy y envoièrent plusieurs aultres de leurs gens
pour les deffandre et secourrir. Et, quant ceulx de Mets furent adver
tis du fait, cy saillirent alors les plusieurs au champtz, en la conduicte
de seigneur Nicolle Louve, chevalier, qui fut cappitenne pour celluy
a. M : honnarablement.
1. Cette expédition, dans Praillon, JW., p. 258, est datée du 5
helt’
Bolley, Hamécourt : Jceuf, Auboué, Homécourt, sont situés sur 1 Orne . Meurthe-et
M 2SelRÔu^t!e«ypetUe roue attachée sur l’arbre d’un moulin, qui est de huit à neuf pieds
de diamètre, qui a environ quarante-huit chevilles ou dents de qmnze Pouces de long
qui entrent dans les fuseaux de la lanterne du moulin pour faire tourner les meule .
(Dictionnaire universel de Furetiére).
3. Cuidèrent, eurent l’intention de, tentèrent de.
296
JOURNÉE TENUE POUR LA PAIX A PONT-A-MOUSSON
(12 JANVIER 1444 a. st.)
jour. Et tellement que desdit Escorcheurs en furent VII des prins, et
le reste fut poursuit et chassiet en jusques a pont à Mollin ; et telle
ment que en cest chasse en y oit plusieurs des tués et des noiez en la
rivier . car il furent plus de XL qui furent ce jour en dangier d’estre
péril *1. Et en celle chaisse ce fist vaillant ledit seigneur Nicolle Louve ;
et aussy le fist bien seigneur Thiébault Louve, son filz. Touteffois, à
celle escarmouche, y oit deux Allemans, soldoieurs desdit de Mets, qui
furent tués par leur simplesse. Car, en ce mellant les ung parmi les
aultres, lesdit Allemans ne sçavoient leur cris ne n’avoient enseigne 2
ne congnoissance aulcune ; et, avec ce, il estoie désarmés : de quoy
c estoit à eulx grant follie. Et ung aultres desdit soldoieurs, qui ce
nommoit Jaicques de Secille 3, fut à celle course blessiet en la main :
de quoy il fut plus de X semaines avent qu’il en polt estre reguéris.
Le mariage de Hanrei, roi d’Angleterre], à la fille du duc René. Durans que ces chose ce faisoient en la cité de Mets en la maniers corne
cy devent ait estés dit, le mariaige ce traictoit entre Hanry, roy d’An
gleterre, et la fille du devent dit René, roy de Cecille. Et tellement que,
en celluy tempts, arriva à Nency le duc de Suffort, anglois, lequelle
de pairt le devent dit roy Hanry, son maistre, estoit illec envoiés pour
demender audit de Cecille sa fille estre baillée en mariaige à ycelluy
roy Hanry °, son seigneur. Et aillait tant la chose, d’ung coustés et
d aultre, que ce mariaige fut acourdés ; et furent les nopces et la
festes faictes à Nancey. Auquelles y oit joustes et tournois ; et durait
celle feste plusieurs jours. Après lesquelles passés le roy de Cecille
chairgea sa fille au devent dit duc de Suffort, et, en pleurs et larmes,
fut commendée à Dieu de son perre et de tous ces bons amis. Et vella
cornent, en celluy tampts, les François avec les Anglois, qui estoient
annemis ensamble, furent tous joing, unis et alliés avec le roy René
de Sicille pour luy aidier à confondre celle bonne cité de Mets et son
Pais. Parquoy le comun dit est que à celle heure la devent dite cité
avoit affaire et estoit de guerre au trois rois devent dit. Et bien le
montroient en cest affaire ; car, journellement, François, Lourains,
Anglois et Rarissiens couroient et ribloient en faisant pillerie et lairsin dessus ledit pais de Mets, tant que c’estoit pitiet et dompmaige,
comme cy devent ait estés dit.
Journée tenue entre les partie aux Pont à Mouson. — Et fut la chose
teusjour ainsy demenée, et encor pis que je n’ait dit, jusques au
XIIe jour de janvier. Auquelle jours fut des partie une journée accep
tée a Pont à Mousson, pour trouver aulcuns traictiés de paix entre le
roy de France et de Secille, d’une part, et les seigneurs trèses jurés
et touttes la comunalté de la cité de Mets, d’aultre part. Et, à celle
a.
1.
2.
*.
Une main plus récente a ajouté d’Angleterre dans M.
Péris, tués.
Us ne savaient ni le cri de guerre ni le mot de passe adopté pour ce jour.
Jaicques de Scille dans Praillon, Rel., p. 265 ; Jacques de Silly (Silley) ?
DERNIÈRES ESCARMOUCHES AUTOUR DE METZ (FÉVRIER
1444 a. St.)
297
journée, y furent commis de part le conseil, pour y aller, seigneur Ni
colle Louve, chevalier, seigneur Geoffroy Dex, chevalier, Poincignon Baudoche, escuier, et, avec eulx, Jehan de Lucembourg, clerc
des Sept de la guerre. Mais, à celle journée, ilz ne firent rien ; car,
sus les demende qu’il faisoient, l’on ne ce poult acourder. Parquoy
l’on percévéroit tousjour de mal en pis pour l’ung l’aultre ce grever.
Et tellement que, tantost après, le XIXe jour dudit moix de janvier,
furent XLII compaignons de piedz de ceulx de Mets à Nostre Damme
de Corre, oultre Génival b Au quelle lieu prindrent IX des annemis,
et en tuairent ung. Et les IX ainsy prins ont heu ramenés en Mets
tout haultement, et à l’heure de midi ; et pareillement XLVIII chevaulx, tant de scelle comme de harnoix, lesquelle y furent par eulx
conquis et prins.
Puis, après, au XXVIIIe jour dudit moix 12, aulcuns des seigneurs
de la cité de Mets, avec les soldoieurs d’icelle, s’en aillirent tandre et
mestre en ambûche és boix de Borney ; et, en ce lieu, furent par eulx
prins et rués jus XII Escorcheurs de la garnisson de Servigny, et
XV chevalx de scelle. Et fut dit que le cappitenne de Halterve 3 crantit de ce randre, après ce qu’il oit estés blessiés et fort navrés.
Item, le VIIIe jour de febvrier après, environ les V heures au mattin, cheurent les arvolz devent la pourte des Allemans, tout par eulx 4.
Et, durant ce tampts, furent faictes plusieurs entreprinses d’ung
coustés et d’aultre, desquelle je m’en passe d’en plus dire. Maix saichiés en vérités que, depuis ce tampts, il mescheoit tousjour audit
Escorcheurs, tellement que plusieurs y laissairent le moulle de leur
chapiaulx 5.
Item, le mécredi XXVIIe jours de ce meisme moix de febvrier,
fist cy très biaulx qu’il y oit plus de Ve ouvriers des vignerons de Mets
aux champts et és vignes, depuis la pourte Serpenoize en jusques à
Saint Andrieu ; et le vendredi paireillement. Puis, le samedi ensuiant,
firent lesdit Escorcheurs une grosse assemblée de V ou VIe chevaulx;
et cuidoient prandre lesdit povres gens à leur labeurs. Mais on en fut
advertis : parquoy il fut ordonnés et espressément comendés par la
cité de Mets qu’il n’y eust homme ne femme qui saillit hors de la dicte
cité jusques à certains jours après, pour tant que, durans ce tampts,
le devent dit seigneur Nicolle Louve, et Thiébault, son filz, Poincignon Baudoche et Jaicob de Bennestorfî, acompaigniés de plusieurs
1. Caulre, hameau, commune de Saint-Marcel, Meurthe-et-Moselle, Briey, Conflans.
— Génival est la Hauteur des Génivaux, commune de Rozérieulles.
2. 27 janvier dans Praillon, Rel, p. 270-271. — Ici aussi le récit de Philippe est très
abrégé.
. .
•
•
3. Haute-Rive, ferme, commune de Cuvry. Le nom de ce capitaine français qui
commandait à Haute-Rive n’est pas connu. — Le bois de Borny est a peu près à
mi-chemin entre Cuvry et Servigny.
.
.
'.
. . , __ .
4. Tout par eux, d’eux-mêmes. — Âroolt, arc, voûte ; le mot désigné ici les arches
du pont. Ce pont ne sera refait qu’en 1445.
5. Plaisanterie populaire : le moule du chapeau, c est la tete. L on disait aussi . le
moule du pourpoint (le corps), le moule du gant (la main).
298
LA PAIX CRIÉE A METZ
(5 MARS 1444
A. St.)
aultres, c’en estoient allés au Pont à Mouson pour sceller la paix, comme
on disoit (et aussy il estoit vray).
Touteffois, les dit Escourcheurs sy vinrent courre jusques tout
devent Sainct Clément et on Champtz Bapanne : car, de loing, il
virent ung champts plain de grue, et cuidoient que ce fussent gens.
Et furent tous esbahis quant il congneurent leur follie ; et ne firent
aultre vaillance pour celluy jour.
Jehan de la Plume, duquelle je vous ais heu par cy devent parlés,
qui estoit ung vaillant homme de guerre, hardis et couraigeux, et qui
estoit au gaige de la cité, voult saillir hors pour baitaillier aux annemis. Maix, quelque bon droit qu’il eust, ne jà pour sa vaillance, ne
demoura que, au lundemains, il ne fut cassés dez gaigez de la ville, pour
tant qu’il avoit trespassés l’ordennances des Septz de la guerre, qui
estoient ceulx à qui il devoit obéir, et lesquelles avoient ordonnés
et comendés que nulz ne milles ne saillit ce jour dehors au champts,
comme je vous ait heu dit par cy devent.
Paix criéez. — Item, le Ve jour de mars, retournirent errier en
Mets les seigneurs dessus escript, lesquelles peu devent c’en estoient
allés a Pont à Mousson pour le fait d’icelle paix. Et amcnairent avec
eulx le seneschal d’Anjou 1, et plusieurs aultres ; entre lesquelles y
estoit ung poursuiant du roy de France, appellés Tourrenne 2, revestu
des armes de son seigneur. Et, en la présance des dessus dit, fut cornée
la paix par la trompette de la devent dicte cité de Mets, en la plaisse
devent la Grant Église d’icelle cité. Et fut ce fait le dit jour, entre
les XI et lez XII heure du midi. Et, après que ycelle trompette de la
ville oit sonnés trois fois, il fut huchiez et criez, par la bouche meisme
de la devent dicte trompette, les parollez telles et quelles que le devent
dit seigneur Nicolle Louve, chevalier, luy prophéroit et faisoit dire,
c’est assavoir tout en la forme et manier comme cy aprez s’ensuit :
« Oiez ! Oiez ! On vous font assavoir que le roy de France et le roy
René de Secille et tout te la comunaltés de la cité de Mets ont ajourd’ui bonne paix et bon accort ensemble ; et tellement que, de sy
en avent, on ne fasse nulle entreprinse sur eulx, par quelque manier
que se soit ; maix vous tenés pour bons amis, et faictes honneurs
et plaisir l’ung l’aultre ». Et aincy avés oy le cris de la paix faictes
avec les roy dessus dit.
Laquelle paix ne ce fist mye pour rien et sans grant coustange desdit
de Mets : car, avec la perdes qu’il avoient desjay ressus, il convint
que petit et grans y missent de leur substance et de leur argent. Et
n’estoit pas peu de chose de paier une somme cy merveilleuse, que
montoit, cellon que la monnoie vailloit alors, à plus de deux cent mil
1. Pierre (II) de Breié.
2. C’est un héraut d’armes.
LE « DITIER » DE LA GUERRE DES ROIS (1444)
299
frans, que sont plus de cent mil daventaige 1, cellon que la monnoie
court maintenant.
Toutefïois, vous devés sçavoir que celle paix et cellui acort fut
fait en telle sorte que touctes les places fortes, maison et moustiers
dévoient et furent remis en la mains des seigneurs de la cité, et touctes
lettre randues, et tous prisonniers quictés d’une part et d’aultres.
Mais les François furent grandement esmerveilliés que cy peu de leur
gens furent trouvés en Mets prisonniers : car, de tous les hommez
qui furent trouvés en vie a jour que la devent dicte paix fut criéez,
il n’y en avoit, de compte fait, que LX a plus. De quoy il estoient
tous esbaïs ; maix possible que lez aultre estoient ou avoie estés mis
d’une pairt pour resverdir 2.
xxxv mil personne hors de Mets. — Et, alors que les garnissons du
pais entour de Mets furent desparties, il saillirent hors de la cité, des
bonne gens de villaige et de la terre d’icelle qui estoient venus à reffuge, XXXVm personnes, de compte fais, sans les femme et les anffans. Et, ung peu devent que la paix fut faictes, l’on avoit heu fait
une pourcession généralle à Saint Vincent, en laquelle y avoit et y fut
nombrés plus de XL mil personne.
Cy vous souffise quant à présant de ce que j’en ait dit, et lisez ycy
ung dictiers qui en fut fait, auquelle y ait plusieurs biaulx dit.
Le dictier fait sus la guerre des Boys 3.
L’an mil IIIIc et XLIIII,
On moix de septembre, sans rabatre,
Il advint que le roy de France
Vint en Loherenne à grant puissance,
Ensemble le roy de Secille ;
Des gens avoient bien XL mil :
Cest chose n’est pas fable.
Il y estoit le connestable,
Aussy le seneschal d’Anjou 4,
De France le grant admirai.
Par tout le pais, amont et aval,
Gens d’armes estoient en erroy,
1. Cent mille et davantage. — Ou bien : en sus (des pertes subies) ?
2. Plaisanterie populaire. — Praillon cite des chiffres, Rel., p. 282 : les seigneurs de
Metz rendirent deux cents hommes « dont il n’y avoit que XXII hommes d’armes,
et le reste estoient tous pouvres gens ». De Saulcy et Huguenin, dans la préface,
p. 38 et suivantes, étudient longuement cette question des prisonniers.
3. Voyez Rel, p. 286, et Huguenin, op. cit., p. 248. Le texte donné par Philippe est
sensiblement différent. — L’auteur avait-il écrit correctement ses vers ? On peut en
douter. En tout cas les deux textes offrent pas mal de fautes de versification. Ils diver
gent trop pour qu’un texte critique puisse être établi.
4. Ce vers, qui n’existe pas dans Praillon, Rel., p. 287, ne rime avec aucun autre.
300
LE « DITIER » DE LA GUERRE DES ROIS (1444)
Que pouvre gens tiennent à desroy 1.
En Loherenne, tout environ Metz
(Du Pont à Mouson je m’en taiz),
Des adversaire tant en y avoit
Que longue chose à raconter seroit
Du pais que fut endompmagiez
De celle gens, sans lozangiez 2.
Tout le pais fut en ballance.
Maix le vray Dieu, par sa puissance,
Ait esmeus 3 le cuer à ce concordés
Des trois roy, avec ceulx de Metz,
Qu’ilz ont de celle guerre fait paix,
Que duré avoit plus de VI moix,
Dont le puple avoit souffris torment,
Et endurés merveilleusement :
Je ne sçay raconter cornent 4.
On moix de mars, le premier jour,
Bon conseil ne fut mye ce jour 5,
L’évesque de Toul révérend père,
On non de Dieu et de sa mère
Sy très bien il les y conciliait
Que lez François avec ceulx de Metz
Furent entre eulx cy bien constant 6.
Et fut tout ce fait au couvent
De Saint Anthonne du Pon,
En une chambre de fasson 7 ;
Et, l’undemain, au secrétaire
De celle église, par grant mémoire,
Fut celle paix scellée
Et les partie acordée,
1. Jeu de mots sur arroi et desroi. Ce que les gens d’armes appellent arrangement,
les pauvres paysans le tiennent pour dérangement.
Praillon a transcrit. (Rel., p. 288) :
Gens d’armes on pays de Barrois,
Qui tenoient les gens à destrois,
Et en Lorraine, tout environ
De Mets et du Pont à Mouson.
Je me tais des adversitez :
Trop y averoit au racontez.
2. Losengier, tromper.
3. Pour le vers et pour le sens, il faut supprimer esmeus. N’était-ce point une expli
cation du mot savant concordés, que Philippe a introduit dans le texte ?
4. Ici aussi il y a un vers de trop.
5. Praillon (Rel., p. 288) :
Boin conseil ne fist mie séjours.
Bon conseil ne fut pas retardé. —■ C’est évidemment le texte à préférer.
6. Contents.
1. Praillon offre la même expression (Rel., p. 288). Chambre de façon : chambre bien
décorée (gens de façon : gens distingués, de bonne compagnie).
LE « DITIER » DE LA GUERRE DES ROIS (1444)
301
Qui fut une consolacion
De celle confirmacion 1.
Sy prierons tous dévotement
Au vray seigneur du firmament
Que celle paix ne soit muable,
Ains soit à tousjour pardurable,
Et que vivre puissiés tellement
Ensemble et amoreusement
Que à la fin, a despaitir,
Puissions tous en paradis venir.
Mettre pour sçavoir quant la paix dessus escripte fut faicte :
ad te CLaMaVerVnt et saLVI faCtl sVnt ;
In te speraVerVnt et non sVnt ConfVsI.
Or, cy vous souffise de ce que j’en ai dit 2.
Puis que ycy dessus avés oy et entendus tout le fait et le desmoinement de celle guerre mauldicte, laquelle à tort et sans cause futesmeutte
et eslevée encontre ycelle noble cité de Mets, la cuidant destruire
et anichiller 3, et la despouillier de sa franchise pour la mestre en
servitude, ce qu’elle ne fut depuis sa premier fondacion, ains ne serait,
au plaisir de Dieu, qui la vueulle defïandre et gairder 4 ! O envie
malvaise et covoitise de régner, cuer insaciable, par qui vient tant de
mal, de pouvretés et de misère, serais tu jamaix soûl ? Je crois que
nenney. Car, à ung couveteux, ne luy souffiroit toutte la mer. Humés
à grant godet de celle gloire mondaine, par laquelle sont mort tant de
pouvre gens que c’est pitiet du 5 racompter ! Hélas ! vous n’y pansés
guère, mais une fois vous en fauldrait compter. A fort 6, il ce fault
en sa fortune réconforter, car ce n’est pas en se païs seul que par envie
et convoitise sont perpétrés plusieurs mal, tant sur terre que sur mer,
comme vous oirés, ce me voulés escouter.
Cent mil Turcqz passe par les destro[it]. — Item, en celluy tampts,
et que ces chose ce faisoient en Mets et ez païs joindant, Franciscus
Codelmario 7, cardinal de Venise et nepveu du pappe Eugène devent
1. Il faut comprendre que cette confirmation de la paix fut pour tout le monde une
grande joie (consolation).
2. Praillon a conservé deux autres pièces de vers : La Complainte d’ung jonne
compaignons détenus prisonnier, Rel., p. 285, et la Chansons faicte du roy de Sezille,
ibid., p. 286. Ni leur valeur littéraire ni leur intérêt historique ne sont très considé
rables.
3. Prononcer anikilé. C’est une prononciation latine de nichil, pour nihil, qui a
passé dans le verbe savant annihiler.
4. La phrase, qui commence par puis que, n’est pas terminée.
5. De le raconter.
6. Au fort, enfin (amène une conclusion).
7. François Condolmer.
302
JEAN DE WARISE LE JEUNE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1445)
dit, quaitriesme de ce non, lequelle cardinal estoit légat et chief de
l’armée de mer, on tempts que Ladislaus, roy de Polone, avec Jehan
Huniades, père du roy Mathias, et les Hongres et les Valacques entrè
rent bien avant en Grèce, là où ce portèrent victorieusement contre
les infidelles, et ycelluy légat fut ordonnés à garder le destroit du bras
Saint George, qui sépare l’Anatalie de la Grèce, à ce que les Turcqz
ne passassent par là pour aller secourir leur gens, et, combien qu’il
eust une bonne et grosse puissance des crestiens, néantmoins, il laissa
passer oultres ledit destroictz cent mil Turcqz, avec Amurates, leur
princes. Et, qui pis vault, il ne mist aulcune diligence de advertir
l’armée crestienne estant en terre ferme de Grèce. Sy n’est il pas
possible qu’il voilèrent oultre sans son sceu, attendu que une carracque génevoise leur fist leur passaige, dont le patron estoit de la case
Grimalde ; et eust de marchiez fait d’iceulx Turcquez ung ducat pour
chescune teste. O mauldictes, infernalles avarice, comme j’ay dit
devent, meslée de trahison pire que judaïcque, au moyen de laquelle
le nobles sancg royal et crestiens des nostre fut mis à perdiction !
xxx mil crestiens tués par les Turcqz. — Et, combien qu’il combatissent chevalereusement, néantmoins il perdirent la journée, par
estre peu de nombre, et non avoir esté “ advertis au tempts *1 de la sur
venue desdit Turcquez. Et mourut le très vaillant roy Ladislaus de
Polone, et le cardinal de Saint Ange, légat apostolicque, avec plusieurs
aultres princes et prélatz, en nombre de XXX mil crestiens. Et fut
cest lamentable journée la veille de la saint Mertin, en l’an dessus
dit mil 1111° XLIIII. Mais aussy le dit Grimauld, patron génevois,
allant d’illec en Flandres emploier les cent mil ducatz qu’il avoit
ressus en marchandise 2, fut fouldroiez par tempeste marine, par le
juste jugement de Dieu. Néantmoins ce ne fut pas récompenses condigne pour la crestientés.
Gy vous en lairés le parlés, et retournerés a maistre eschevin de
Metz.
[TRÊVES ROMPUES ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE ;
ÉVÉNEMENTS DIVERS A METZ ET EN LORRAINE : 144^*1449]
Mil iiii° et xlv. — En l’an mil quaitre cent et XLV, fut maistre
eschevin de la cité de Mets Jehan de Wairixe le jonne, filz le seigneur
Jehan de Wairixe l’annés.
Et, en celle année, le pénultime jour du moix de mairs, plussieurs
desdit annemis, en nombre de XVIIIe chevaulx, lesquelles, durant la
«. M : estre.
1. A temps.
2. Construire : employer en marchandises les ducats qu’il avait reçus.
JOUTE EN METZ (MARS 1445)
303
guerre devent dicte, ce avoient tenus devers Faulqucmont, passèrent
par le pont à Mollin, et s’en allirent après les aultres ; et firent grans
et griefz dompmaiges par les villaiges là où ilz passoient.
Josie faicle en Mets. — Item, en celle année, le premiers jours
dudit moix de mars, seigneur Jaicques Dex, chevalier, aaigié de
LXXIII ans, esmeu de bonne vouluntés, désirant de festoier les dammes en dances et en banequet, requiert aux aultres seigneurs de la
cité qu’il volcissent joster et festoier les dames. Et promist que, s’ilz
volloient joster, luy meisme josteroit avec aulcuns aultre anciens sei
gneurs, c’est assavoir seigneur Jehan le Gornaix, dit Creppez, seigneur
Willame Chaversson, seigneur Nicolle de Raigecourt, dit Xappez,
Jaicomin Xappez, seigneur Geoffroy Dex, seigneur Régnault le Gournaix, tous deux chevalier, Mertin George, Nemmery Renguillon,
Geoffroy de Warixe, Philippe Dex. Lesquelles devent dit seigneur
furent tous d’acort de joster ; et, de fait, jostèrent. Et, en celle joste,
y oit trois pris donnés, c’est assavoir ung fermillet d’or *1, au pris de
quaitre livre, une verge d’or 2 et une trompe d’argent 3. Et, en celle
jouste, ledit seigneur Jaicques Dex, motif 4 et inventeur de cest feste,
luy qui estoit aaigiez de LXXIII ans, joustait comme les aultres ;
et, de fait, ruait jux Jaiccomin Xappés, aaigiés de XL ans. Et furent
les pris donnés : c’est assavoir le fermillet “ au seigneur Geoffroy Dex,
la verge d’or à Nemmery Renguillon, et la trompe d’argent à Jaico
min Xappés, pour tant qu’il avoit estés rués en la poussière. Et fut
celle devent dicte feste faictes en l’ostel épiscopal de révérand perre
en Dieu seigneur Conraird Baier, évesque de Mets.
Item, le thier jour d’apvril après, il acomensait fort à négier et à
geller ; et ce mainthint le tamptz à froidure jusques au XIIe jour
dudit moix. Auquelle jour furent toutes les vignes du Vaulx de Mets
engellées, exceptés aulcune qui eschappairent entre le moustier de
Sciey et de Longeville.
Le pont d la pourte des Alemans refais. — En celle meisme année,
entre Pacques et Panthecouste, on acomensait à faire le pont de la
pourte des Allemans, lequelle avoit estés cheus durans la guerre des
Roys cy devent escripte 5.
Aussy, il est raison que je vous die quel chierté estoit en Mets du
rans la devent dicte guerre. Et, premier, quant a froment, la quairte
ne vailloit que VIII sols le milleur ; et, quant la paix fut faicte, il
a. M : fermemillet.
1. Fermaillet, petit fermail. C’était une sorte d’agrafe plus ou moins ouvragée, ou,
peut-être, une sorte de bijou qui pendait au cou, au-dessous du collet.
2. Verge. On distinguait alors dans une bague la verge et le chaton. Une verge était
donc un anneau sans chaton — en particulier l’alliance des nouveaux époux ; ce sens
se trouve encore dans Furetière.
3. Il s’agit sans doute d’une trompe d’Allemagne, ou guimbarde. Cet instrument de
musique était le signe distinctif de la famille d’Esch.
4. Motif, exactement : qui met en mouvement ; ici : instigateur,
5. Voye* p. 297 et n. 4,
304
DEUX NOUVELLES TOURS ÉLEVÉES A METZ (JUILLET 1445)
ne vailloit que VI sols ou VI sols et demi, a plus. Et, au regairt des
aultres vivre, tout estoit a compétant merchiés 1. Mais, à cest heure,
pour les vigne engellée, retournairent plusieurs chose à plus grant
chiertés.
Les ij tour à la pourte des Alemans commencée. —- Puis, en celle dicte
année, le VIIIe jour de juiellet ensuient, fut eschevis le fondement
de la neusve tour de la pourte des Allemens, c’est assavoir celle du
billevairt devent, qui ciet de la partie'devers la pourte damme Collette.
Et ait ycelle tour XVIII piedz d’espesseur au fondement ; et, depuis
le fondement jusques au fleur de terre, XIIII piedz ait d’espesseur. Et
fut ce fondement fait en XI jour par maistre Hanry de Ranconval.
Et, le XVIIIe jour d’aoust ensuient, on acomensait à hesongnier à
l’aultre tour d’icelle pourte, c’est assavoir celle du cousté devers
Maizelle.
Grant vent. — Le premier jour d’icellui moyx d’aoust, fit sy grant
vent, grelles et tempeste que touttes les vigne, hlefz et avoinnes fu
rent tempestées devers Very et on Hault Chemin. Et aussy furent
devers Noeroy, Salney, Vignuelle et là entour. Et fut de celle tempeste
abbatue une très belle croix que le devent dit seigneur Nicolle Louve
avoit fait faire, laquelle avoit cousté plus de cent florin de Rin à faire.
Mais, tantost ung poc de tempts après, ledit seigneur Nicolle la fist
reffaire, plus belle et plus forte qu’elle n’avoit estés devent.
Disceniion pour iabayee de Gorse. — Aucy, en celle dicte année,
y oit ung grant débat en l’abbaïe de Gourse, au l’ocasion de ce que
le prieurs de Wairangéville, qui estoit filz a seigneur Ferry de Lordre 2,
chevalier, volloit estre abbé par force, pource que mon seigneur de
Calabre le sostenoit. Et seigneur Jaicques Warixe 3, qui estoit esleu,
contredisoit, pour ce que pareillement il estoit soubtenus du roy
Charles. Et, à cest cause, ledit roy envoiait à Gorse Joachin 4, pour
garder la ville et l’abbaïe de tort et de forse.
Item, en celle année, le jour des Innocentz, à X heures de nuit, fut
né Charles de France, IIe filz du roy, qui mourut duc de Guienne.
Plussieur personnes périe par fortune. — Et, en celluy tampts, y
avint une fortune vers Zegheberic. Car, en cellui païs, à* une nopces,
furent estraintz et piteusement tués environ cent et IIIIXX personne,
tant homme que femme.
Maix de ces chose je vous lairés le parler quant à présant, et retournerés a maistre eschevin de Mets, et a plusieurs aultres besonne digne
de mémoire.
1. Tout était à des prix proportionnels à celui du blé. — Praillon a donné une liste
plus complète (Rel., p. 250).
2. Ferry de Landre (Husson, p. 86) ; Ferry de Ludre (Huguenin, op. cit., p. 252).
3. Jaicque Wisse (Husson, p. 86, Huguenin, op. cit., p. 252).
4. Joachim Rowault (Huguenin, op. cit., p. 252) ; Jouachin Kouault (Jean Char
tier, op. cit., t. II, p. 44-45).
NICOLE ROUCEL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1446)
305
Mil iiiic xlvj. — L’an mil quaitre cent et XLVI, fut fait et créés
maistre eschevin de Mets le sire Nicolle Roucel, filz seigneur Hanriat Roucel.
Sciège devent le chaislelz d’Ancel. — Et, en la dicte année, y oit
ung grant discord entre ceulx de la ville d’Ancey et ceulx de la ville de
Dornat, pour le fait de la sentence *1. De quoy le devent dit Joachin,
cappitaine de France, et paireillement de Gorze », avec ces compaignons, mirent le siège devent le moustier de la dite Ancy. Et tinrent
ycelluy sciège environ X sepmaines, jusques a jour que seigneur Conraird Baier, alors évesques de Mets, cy l’allait lever, au jour qu’il leur
avoit promis, c’est assavoir le jour de la Division dez Appostres.
Grant gellée. — Item, en la dicte année, le jour de la sainct Jehan
Baptiste, environ lez VI heurts après midi, pleut et gellait 2 sy terri
blement en la cité de Mets et en plusieurs lieu entour qu’il sembloit
que le monde deust finer ; et flst ycelle gellée un très grand dopmaige
au fruictz et aux arbres de la dicte cité.
Et, en celle mcisme année, seigneur Nicolle Louve, chevalier, fit
racomencier à rédiffier la croix devent le pont des Mors, plus belle
et plus riche que paravent n’estoit. Et fut cest euvre faicte par maistre
Henry de Ranconval, et essevie le premier jour d’aoust.
Aussy, en la dicte année, furent bien poc de vin, pour les gellées
qui avoient durés cy longuement. Et, touteffois, par la justice y fut
mis ordre et pollisse ; et fut ordonnés que l’on ne vendit la quairte
que à VII deniers a plus chier, jusques à la saint Remey.
Les seigneur de Mets vont parler à Phelippe, duc de Bourgongne. —
Item, en la dicte année, furent envôiés seigneur Nicolle Louve, che
valier, et seigneur Jehan Baudoche, chevalier, avec environ XXV chevaulx, de part la cité de Mets, pour aller parler, traicter et faire apointement avec le duc Phelippe de Bourgongne, qui alors estoit en Flan
dres. Et furent les devent üit seigneurs environ X sepmaine à faire ce
voiaige. Et tellement y ont heu hesoingnié que ledit duc fut bon amey
à la devent dicte cité de Mets.
Trêves ralongée. — Et, en celle année, qui fut l’an VIIe de l’ampire
du devent dit Fiederich, ampereur, furent ralongées lé trêves d’ung
ans entre le roy de France et celluy d’Angleterre, soubz espérance cie
faire bonne paix.
Environ celluy tempts florissoit Loys, évesque d’Arle, cardinal, et
grand pillier du saint concilie de Basle ; et flst moult de miracle. Aussy
faisoit frère Jehan de Capistrano, de l’ordre dez Frère Mineurs, et
a. M : Gorge.
1. Texte obscur. Husson, p. 87, est inintelligible. Ces événements sont racontés
tout au long dans Huguenin, op. cit., p. 253 et p. 254. —Les gens de Dornat (Dornot,
Moselle, Metz, Gorze) sont encore signalés plus tard au pillage d’Ancy (Huguenin,
p. 257).
2. Grêla.
306
RENAUT LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1447)
disciple de sainct Bernardin ; lequelle religieulx estoit en ce tampts
homme de vie austère, et vivoit moult religieusement, et avec ce faisoit moult de miracle. Et fut cause d’une grande victoire que eurent
les crestiens contre les Turcz.
Et plusieurs aultres saincte personne vivoient en ce tampts, desquelle je me passe quant à présant, car je veult retourner a maistre
eschevin de Mets et à plusieur aultrez besoingne.
Mil iiiic et xlvij. — Puis, en l’an que le milliair courroit par mil
quaitre cent et XLVII, fut alors maistrez eschevin de la cité de Mets
le sire Régnault le Gornaix.
Course on paiis de Mets. —- Et, en celle année, le devent dit Joachin, cappitenne de Gorse de par le roy Charles de France, luy et ces
gens, faisoient grant malz on pais et en l’éveschiés de Mets pour trouver
occasion d’avoir guerre aux seigneurs d’icelle cité. Lesquelles, comme
saige, dissimulairent tellement qu’il vindrent jusques à la saint
Remy, que la vendange fut passée. Et, quant ledit Joachin vit qu il
ne pouuoit joïr de son intencion, il print guerre à seigneur Conraird
Baier, évesque de Mets. Et fist tant que Androuin Derio courut *1 ;
et fut prins et menés en prison à Gorse et ransonnez.
Biche rendue aux duc de Lorenne. — Item, en la dicte année, on moix
d’avpril, le duc Jehan de Calabre fist faire ung grant mandement, et
assamblait une grosse armée pour aller devent Biche, qui nouvelle
ment estoit prinse par traïson par ung appellés Jaicquemin de Belmont a, à la favour du conte de Petitte Pier. Et, à cestuy sciège, y
allirent plusieurs seigneurs de Mets. Et furent grant piesse devent
ycelle 2, tant que, à la fin, il ce rendirent audit duc de Calabre, et
devint ledit conte de Petitte Pier son homme, et fut remis ledit sei
gneur de Biche en possession comme devent.
Durans ce tampts que le devent dit duc de Lorranne et les seigneurs
de Mets estoient fuer du païs, comme dit est, fut une journée entre
mon seigneur Conraird, leur 3 évesque de Mets, et le devent ait Joachim,
cappitanne de Gorse. Et fut ce fait couvertement en traïson, cuydant
souprendre ledit évesque ; maix il s en apparçeut, parquoy il s ep
vint fuiant par tout auprès de Sainct Amant jusques à la porte Saint
Thiébault.
Le chasteaux d’Ancei prins par trahison. — Et, quant le dit Joa
chin vit qu’il avoit failly à sa prinse, il s’en retournait, lui et ses gens,
par devent Ancy. Et, là venus, il firent acroire au bon homme 4 qu’il
a. M : Bebmont.
1. Il faut corriger : et fist tant que Androuin d’Ariocourt fut prins, etc. (Husson,
p. 88 ; Huguenin, op. cit., p. 256). — Oriocourt, Moselle, Château-Salins, Delme.
2 D’après Huguenin, op. cit., p. 256, qui reproduit Praillon, c est devant « la ville
et chaistel de la Petittepierre » que le siège fut mis. Philippe a résumé ici très briève
ment des opérations et des négociations assez longues et compliquées.
3. lors, alors.
.
.
, ,
4. Aux bonnes gens d’Ancy. —Huguenin, op. cit., p. 256-257, raconte ces événe
ments dans le plus grand détail.
DÉMÊLÉS ENTRE GORZE ET L’ÉVÊQUE DE METZ (1447)
307
avoient paix à leur seigneur l’évesque. Et, cuidant que ce fut vérités,
lesdit d Ancey ouvrirent leur fort moustier, et les cuidoient festoier.
Et, tantost, les gens d’icelluy Joachin commensairent à braire et à
crier . « A mort ! A mort ! Ville gaingnié ! », et entraient on moustier,
et buttinairent tout ce qu il trouvèrent de bon. Et, avec ce, prinrent
les hommes ; et enmenèrent bien XL prisonniers, et tous les milleur
de la ville.
Trêves ralongée de ij ans. — En celle meisme année, qui fut l’an
VIIIe de 1 ampire du devent dit ampereurs Phéderich, le premier jour
d’avril, les trêves d’entre lesdit roys de France et d’Angleterre furent
ralongées de deux ans.
Nicolas ve pape de Romme. — En ce meisme ans mourut le duc de
Millan. Aussy le pappe Eugène, Ve de ce nom, ala de vie à trespas le
XXIIe jour d avril, après ce qu’il eust esté long tempts persécuté du
concilie de Basle, en l’an XVe de sa papalité. Après luy fust esleu messire Thomas de Sirsane 1, cardinal de Boulongne, natif de Genefve, et
appellé Nicollas Ve. Ce pape, en moins d’ung ans, fut fait évesque de
Boulongne, et cardinal, et finablement esleu pape, le lundi VIe jour de
mars, et couronné le XIXe dudit moys. Non ostant ne cessa pas in
continent le scisme de l’Église ; car tousjour le devent dit Amé,
à présant nommé Félix, de Sçavoye, se réputoit tousjour pour pape 2. 3
Ledit Nicollas estoit grant théologien et homme moult scientifique ;
païquoy, petit a petit, il fîst tant qu’il eut obéyssance : dont chescun
s esmerveilloit, considéré qu il estoit natif de gens de petit estât.
Il répara en la cité de Homme maintes édifices trébuchéez, et les murs
d’icelle ville, pour la crainte des Turcz. Semblablement, il envi
ronna le palais d’ung grand mur. En son quaitriesme ans, il célébra le
jubillé. Il fîst nouvelle monnoie, moult pesante. Il canoniza on jubillé
devent dit sainct Bernerdin, de l’ordre des Frères Prescheurs. Et
plusieurs aultres chose fîst ledict pape Nicollas en sa vie digne de
mémoire.
Mais de luy et de ces fais cy lairons le pairler, et retournerons à
nostre prepos des fais de Mets et de plusieurs aultre besoingne.
Paix entre ceulx de Gorse et leurs capilainne Joachin ^. — Item, en
celle dicte année, fut faicte paix entre le devent dit Joachin, cappitenne de Gorse, et le dit évesque. Et, parmy la somme de XVe frant
qu’il devoit paier, fut randus le moustiet d’Ancy, quant il l’oit tenus
loing tempts.
En celle meisme année, se partirent de Mets pour aller en Jhérusalem le seigneur Jehan de Warixe et le seigneur Pier Renguillon ; et
partirent de la cité de Mets le XXIIIIe jour de juillet, et revindrent
le lundemains de la saincte Katherine.
1. Thomas de Sarzane, cardinal-évêque de Bologne, né près de Luni, en Toscane
2. Voyez p. 232, n. 1.
3. Paix entre ceux de Gorze et leur capitaine Joachin, et l’évêque de Metz. Cette
paix est de mai 1447 ; l’évêque dut payer quatre mille florins (Hubuenin, ôp. cit
p. 257).
’
308
JEAN BOULAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1448)
Disposition a de temps. — Item, en celle meisme année, y oit en Mets
de diverse pris de vivre. Car, durans l’esté, l’on vendoit la quairte de
vin XII deniers, et n’estoient mye des milleurs. De quoy c’estoit grand
chier tempts, cellon la monnoie qui courroit alors, car ung gros de
Mets ne vailloit que XII deniers. Et fut on encor tel fois que l’on n’en
sçavoit finer pour argent *1. Et ce vandoit la quairte de servoise 2
III deniers, et II1I deniers en plusieurs lieu. Maix, tantost que la
vandange et la sainct Remy vint, le benoît Dieu y mist sa graice, car
on en oit à cy grand planté que on donnoit la quairte du milleur vin
pour III denier, et le plus manre 3 à ung denier (qui estoit aussy bon,
ou milleur, que celluy qu’on avoit vandus ung peu devent à XII de
niers). Et la quairte de froment, II sols VI deniers, ou III sols le mil
leur ; de quoi c’estoit ung grand miracle de Dieu.
Cy retournerés à parler au fais de la cité de Mets, et a maistre eschevin d’icelle.
Mil iiijc et xlviij b. — Après ce que cy dessus avés oy, et en l’an IXe
de l’ampire du devent dit Phéderich, quant le milliair courroit par mil
IIII cent et XLVIII ans, fut alors créés et fait maistre eschevin de
Mets le seigneur Jehan Bollay.
Honneur réparée. — Et, en la dicte année, le mairdi après la Magdellaine, fut tenue une journée au lieu de Mets pour le fait de Thiéry
George 4, que le prévost de Briey avoit heu fait indehuement et sans
cause pandre et estranglier. A laquelle journée furent les seigneurs du
conseil de mon seigneur Jehan, duc de Calabre. Et en fut fait accort,
par ainsy que ledit prévost promit et cranuit en la main des devent dit
seigneurs de la cité de faire despendre le corps dudit Thiéry, et, avec ce,
le faire ensevellir du tout de ces coustanges, là où il plairait aux enfi'ans dudit Thiérey, et de faire son service honnorablement. Et promist
de donner a la femme et aux deux anffans dudit I hiérei, touttes leui
vie durant, XXVI quairtes de bledz de rante. Et fut ledit Thierrey
despendu par ung des sergent dudit prévost, acompaigniés de toutte
la justice de la dite ville de Briey, et en présance de la femme, des
deux anffans et de plusieuis des amis dudit Thiérey ; et fut honnora
blement pourtés ensevellir par les propres hommes et verlet du chastel
de Biiey, à torche ardantes et à cloche sonnantes, et fut ensevelly en
l’église dudit Briey. Et, celluy jour, fut dicte et chantée une haulte
messe et VI pettittes, et touttes au frais dudit prévost. Et, ad ce faire,
a. M : dispotition.
b. M : mil vc et xlviij.
1. Encor arrivait-il, que, même avec de l’argent, l’on ne pouvait s’en procurer
(finer).
2. Cervoise, bière.
.
.
3. Mauvais. Ce mot, qui correspond au français moindre, vit encore en patois
lorrain (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle, art. manre).
4. Thiry Geuxe dans Huguenin, op.cit.t p. 259-260, et p. 263. foute cette affaire
est longuement exposée dans Praillon.
LE GOUVERNEUR DE LUXEMBOURG A METZ (8 SEPTEMBRE
1448)
309
y fut envoiez de par la cité Collin de Silley, soldoieur de Mets, pour en
rapourter les nouvelle.
Le bastard du duc de Bourgongne en Mets. — Puis, en l’an dessus
dit, le VIIIe jour de septembre, Coiunble 1, bastard du duc Phelippe
de Bourgongne, et gouverneur de la duchié de Lucembourg, vint en
Mets par assurément. Et y demouia quaitre jours ; et luy fist la cité
présant de trois cawes de vin, de XXXII piesses de gros poissons, et
de cent quairtes d’avoine. Et, de par le chappistre de la Grand Église,
une cawe de vin, un gras buef, XII chattrons, et mil quairtes d’avoines.
Et, de par le chappistre de Saint Salvour, une cowe de vin et XXV
quairtes d’avoines. Et fut grandement festoiez par les seigneurs de la
cité, et reconduit jusques à Thionville.
Juyfue mariée. — En celle meisme année, le Xe jour de janvier,
Jehan Maixeroy, alors clerc des eschevin du pallas de Mets, qui par
l’espace d’ung ans et XIIII semaines avoit haubergiés et gouverné
du tout de ces coustanges, pour l’amour de Dieu, une josne fille
payenne et juifve qui avoit renonciez à père et à mère et à tous les
biens du monde, et s’avoit fait baptiser et avoit non Lize, icelle fille
fut mariée cellui jour, et espousait ung jonne filz, appellés Jehan
Collard, clerc et servant dudit Jehan Maixeroy. Et à celle nopces
furent la plus grande partie des seigneurs et dames de la cité, et aussy
y furent moult grand nombre d’aultres gens, tant d’église comme
merchamps et aultres hommes gens de mestier ; et y oit à celle nopces
environ VIII cent personnes. Et fut dit que ce fist faire ledit Jehan
Maixeroy, et qu’il donnait encor audit mairiaige faire la somme de
deux cent livres de messains.
Pape Nicolas pasible. —Item, en celle année, fut donnée plaine obéis
sance au pappe Nicollas devent dit. Et alors cessa le sciesme de 1 Église,
par le moien que le devent dit Amés, en son jonne eaige duc de Savoie,
et esleu pappe de Romme, nommés Félix, comme cy devent est dit 2, *ce
desmit et céda totalement on droit qu’il prétendoit avoir au papat.
Et, par ainsy, en ce tampts, ce despartit le concilie de Basle, qui sur
ce estoit assemblé. Pour la dicte union de l’Église se travailla grande
ment le très crestien roy de France et son filz le daulphin : car souvant
y envoiairent embassadeurs, tel que le conte de Dunois, le prévost
de Paris, Jaicques Cuer, alors grand argentiers de France et conseillier du roy, le sire de Malicorne, chevalier, messire Jacques Juvenel
des Ursins, archevesque de Reins, l’évesque de Clermont, le mareschal
de Faiette 3, maistre Hélie, archediacre de Carcassonne, maistre
Thomas de Courcelles, docteurs en théologie, et 4 plusieurs aultres pré-
1. Cornille dans Huguenin, op. cit., p. 264.
3.’ Le° mareschal’de la Faiecte (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 52(.-Maistre Hélie
est appelé dans Chartier maistre Hélie de Pompedour. — Maistre Thomas de Cou celles est un des juges de Jeanne d’Arc.
,
.
4. Il faut mettre un point après théologie, et ajouter : Aussi y allèrent 1 archevesque
de Trêves... (Jean Chartier, op. cit., t. II, P- 52).
310
JEAN BAUDOCHE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1449)
las et princes d Allemaines, d’Angleterre, de Savoie et d’aultre pairt.
Et fut ledit traictiet fait en la cité de Lozanne.
Fougères prinse par les Anglois. — En ce meisme ans, la ville et
chasteaulx de Fougèrez, qui est és marches de Bretaigne, vers Norman
die, fut prinse d’emblée et pillée par les Anglois. Et, en ce faisant, il
enfraignirent et rompirent les trêves faictes entre les roys de France
et d Angleterre. Dont il en print mal au dit Anglois, comme nous
dirons ycy après.
Et, aussy en ce tamptz, y oit une grande division et commocion
en la cité de Lundres.
Mais de cez chose vous en lairés le parler, et retournerez a maistre
eschevin de Mets.
Mil iiijc et xlix.
L’an Xe de l’ampire du devent dit Phédrich,
que fut en 1 an de Jhésu Crist mil quaitre cent XLIX, fut maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Jehan Baudoche, chevalier.
L abahie de Saint Siphorien hors des murs transmu[é] en Mets. —
Et, en celle année, les seigneurs et gouverneurs de la dicte cité
mandairent l’abbé de Morimont affin de venir pairler à eulx. Et firent
tant envers ledit abbé et envers ledit Jehan Maixeroy, que alors estoit
leur maiour et recepveur en Mets, que touttes les maisons et menandie sceant en la paroiche Sainct Vy qui appartenoient à la dite abbaïe
de Morimont furent donnée à l’abbé et couvent de Sainct Siphoriens,
pour une grosse somme d’argent que l’abbé Poince de Champel, alors
abbé dudit Saint Siphoriens, pour luy et pour son couvent, paiait
audit abbé de Morimont. Laquelle somme d’argent ledit abbé de
Morimont en affranchit XX livrez de redimus 1 qu’il debvoit chacun
■ ans en plusieurs lieu. Et, avec ce, donnairent encor les devent dit
seigneurs de Mets audit Sainct Siphoriens la place c’on dit les Mollins,
qui est enclose en la fermetés de la dicte maison de Morimon, pour
eulx haubergiers : pour cause que leur église et touctes leur maisons
et menandies, estant devent pourte Champenoise, avoient estés abbatues et aruinée à la guerre des Roys devent dictes, comme ycy devent
il est escript.
Ung jonne Sarazin babtiser. — Item, le XXe jour de maye ensuient,
fut baptisés en la Grant Église de Mets, à la prière dudit abbé de
Morimont, ung jonne fîlz, en l’eaige de XV ans, qui estoit Sarrazin.
Et le baptisa maistre Régnault, curé de Sainct Mercel et chainoine
de la dicte Grant Église ; et seigneur Jehan de Warixe, et ledit Jehan
Maixeroy, le clerc, furent pairains, et la femme Jehan de Heu en
fut marenne.
L entrée du duc Jehan de Calabre en Mets. — Puis, en celle meisme
année, le thier jour de septembre, le duc Jehan de Calabre, fîlz de
Régné, roy de Secille, duc de Bar et de Loherenne, et marchis, vint
en la cité de Mets, à grant compaignie de nobles, chevalierz et escuiers.
1. Redevances.
EMPRUNT DE GUERRE REMBOURSÉ A METZ (1449)
311
Et les seigneurs d’icelle luy firent présant de quaitres gras buefz, de
cent quartes d’avoiennes, et L gras chattrons, et de bon vin. Et les
chainoines de la Grant Église de la dicte cité luy donnairent ung
juaulx d’argent dorés au pris et vallue de XL livres de messains.
Et, le Ve jour après, il c’en allait à Saincte Barbe, accompaignié de
la plus part des seigneurs devent dit; et y fist offrande d ung cierge de
XX livres de cire pesant, et, avec ce, y donnait une corronne d or..
Argent rendus par les seigneur de Mets aux bonnes gens qui avoient
prestes. — Item, le dimenche après feste sainct Luc euvangéliste,
fist la justice de Mets dire et anuncier par les paroches d’icelle cité
que tous ceulx et celles qui prétendoient ou volloient demender aulcune chose pour et ad cause du prest que l’on avoit heu fait à la dicte
cité pour la devent dicte guerre des Roys heussent donnez parescript,
en la main de Jehan d’Ancey, le chaingeur, tous lez drois qu’ilz pré
tendoient avoir audit prest. Et fut rendu à chacun et chacune le quair
des sommes qu’ilz avoient prestés, et non plus.
Procureur déposés. — Or avint, en celluy tampts, le XXIII jour
de décembre, que ung clerc coustumiers de la cité, nommés Jehan
Bertrand l’escripvain, alors demourant à Mets, on heu c’on dit En
Chambre, lequelle Jehan estoit plaidoieur commun et sermentés, et
estoit pour lors procureur pour les gouverneur des bons mallaide de
Longe a we en fait d’une teneur qui estoit ventée 1 contre Jaicomm
du Cloz, de Lorey devent Mets, de laquelle tenour seigneur Wiriat de
Toul estoit Trèzes du discord de la dicte tenour, et recepvoit les mons
trance on dit discord des deux parties, ledit Jehan Bertrand, en visi
tant les monstrance en la mains du clerc dudit seigneur Wiriat de
Toul, mist sus les monstrance de l’adverse partie, là où il y avoit monstrance pour Jaicomin du Cloz, et il mist monstrance, pour Je an
Bertrand. Et, pour celle cause, ce en esmeust et en avint ung gran
desbat et une grand questions ; et tellement alla la chose, et vint a
telle jeux que le clerc dudit seigneur Wiriat se fist pranre et mestre en
l’ostel de la ville, et pareillement ledit Jehan Bertrand aussy. Et puis
furent tous deux mis on pallais. Cy fut trouvés que ledit Jehan Ber
trand avoit ce fait ; pour laquelle offence il fut condemnez à paier
cent livre d’amende, et bannis ung ans hors de Mets. Et, avec ce, tut
déposé de plaidoier ne d’estre procureur pour aultrui par l’espasse
de X ans.
, ,
Murtre commys du marit à sa femme. — Item, en celle annee, la vigille de la Chandelleur, avint paireillement en Mets ung aultre cas,
plus grief que cellui devent dit, duquelle je vous ait ycy par es. a
Thiriat Kairel, l’amant, qui alors estoit Trèses, trouvait nuittanmen
en son hostel ung chanonne de la Grant Église de celle dicte cité, et
1. Teneur, plainte écrite en justice ; se vanter de, s’autoriser de, s’appuyer sur ?
Sur cette affaire, I-Iuguenin, qui suit Praillon est beaucoup plus expliciteJpJ67-268)
Jean Bertrand « gratina et raisit sus le doz des monstrances de sa contrepartie et les
appropria pour luy et sa partie ». Il y avait donc faux en écritures ; c est ce qui explique
la gravité des sanctions prises.
312
TRÊVES ROMPUES ENTRE FRANCE ET ANGLETERRE (1449)
archediacre de Mersal, de cost sa femme. Parquoy ledit Thiriat, cuidant tuer ycelluy prebstre, tuait sa femme, qui estoit toutte nue,
et qui se boutait entre deux, le cuidant deffandre et salver en criant
à son mary mercy. Mais ledit marit, furieulx et plains d’ire, cuidant
assener d’une courte daigue qu’il tenoit à cellui archediacque, comme
dit est, vint le copt à dessandre entre les deux poitrine de sa femme,
qui alors estoit l’une des belle de Mets, et, là, faulsait 1 tout parmi
le corps ; et cheust morte entre eulx deux. Et, avec ce, navrait ledit
cbainoine , lequelle à bien grant paine ce salvait. Et puis, ce fait, c’en
allait ledit Thiriat conter ces nouvelle à sa damme, mère à la dite sa
femme 2. Puis, incontinant, c’en aillait dessus la pourte ; car il estoit
en semaigne pour gairder. Et, là, secrètement, des dessus les murs de
la cité et androit du meix Charles, ce avallait de dessus yceulx murs
à l’avallée, et c’en fouist hors de la ville. Et, quant les seigneurs d’icelle
cité, le conseil et les trèses jureis de la justice sceurent la vérité du fait,
mandirent audit Thiriat que seurement il retournait ; et luy fut tout
pardonnés ; et, avec ce, toucte la sienne chose, que justice avoit
saixie, luy fut randue et restituée. Et ledit chainoine, pour ces desméritte, fut à cent livre de messains d’amende. Mais ce luy estoit
peu de chose, car il méritoit à souffrir plus grant paines.
Cy vous en lairés le parler, tant de lui comme de plusieurs aultres
chose estre advenue en ce païs. Et veult aulcunement retournés aux
fais merveilleux d’icelle mauldicte et pestilancieuse guerre des Fransois
et des Anglois ; lesquelles en ce tampts firent plusieur rancontre et
escarmouche, comme cy après oyrés compter.
Trêves rompue. — Vous devés sçavoir et entandre que, durans
ces jours, furent les trêves rompue, devent que le termes fut passés ny
acomplis. Et furent, premier, des Anglois, et puis des François, par
cautelles, prinse ville et chasteaulx les ung dessus les aultres, comme
cy devent ait estés dit ; et firent plusieurs course et riblerie ; et tant
que la guerre fut ouverte comme devent. Et encor plus, car alors les
François olrent bonne fortune.
Le duc de Bretaingne pour le roy de France. — Et tellement que, en la
devent dicte année mil quaitre cent et XLIX, le duc de Bretaines,
avec tous ces parans, barons et alliés, promist a roy de France de le
servir de sa personne et puissance par mer et par terre à l’encontre
desdit Anglois, et que jamais ne feroit paix, traictiet ne abstinence de,
guerre que ce ne fut de son consentement, congé et plaisir. Et, de
cest alliance, en bailla a roy lettres patentes, signées de sa mains et
des barons de son pais ; et semblablement luy fist le roy. Et, alors, fut
guerre ouvertes d’iceulx seigneurs en l’encontre desdit Anglois.
1. Força, pénétra violemment. Forcer et fausser se prononçaient à peu près de
même.
2. Huguenin, op. cit., p. 268 : « Et ce faites*en alla ledit Thiriat desclairer le cais au
père de sa femme, lequel luy dit qu'il se sauvast. »
LA NORMANDIE RECONQUISE PAR LES FRANÇAIS (1449)
313
Le paiis de Normendie recouvert pour le roy. — Parquoy, toutte cest
année, yver et estés, fut amploiés à la recouvrance du païs de Nor
mendie, la haulte et la baix.
Et, premier, fut prinse Vernoyl 1 ; puis une aultre bande print Nogent ; aussy furent prinse Chambraseux dessay Focam. Paireill ment
fut prinse Mente 2, le chasteau de Longnei, puis Vernon, le Neuf Chastel, Allenxon, Maulisson, Argenton, le Pont de l’Airche, Gerberoy,
Conac, Saint Vial Grin et Conches. Après, fut moult vaillanment
prinse Pontheau de Mer 3, en laquelle furent que mors que prins
IIIIC et XX Anglois.
Et, en ce meisme tampts, lesdit Anglois furent par le duc de Glas 4
desconfis par deux fois en Escosse ; et, à celle desconfiture, en y mou
rut environ XXII mil Anglois.
Puis furent en ce meisme tampts reprinse Gournay 5, Dangu, Har
court et la Rouche-Guion. Après fut reprinse la cité de Coustance 6,
gisant en la basse Normandie, et l’abbaye de Fécamp, et pareillement
la ville de Sainct L6, Thorgny, Haville, Reneville, Le Hommet, Beusteville, Hambre, La Mote, La Haye du Puis, Chantelou, Laune, et
plusieurs aultrez petitte places à l’environ, que touttes furent prinse
desdit François sus les Anglois. Encor furent prinse Argenton 7,
Gisors, Château Gaillairt, Toucque, Dyennes, et plusieurs aultres
forte place et chasteau.
Rouuen, principalle ville de Normandie, rendue a roy. — Et, en ce
meisme ans, on mois d’octobre, fut mis le sciège devent Rouen 8
durant l’espace de VI sepmaines, esquelles durans furent fais mainte
1. Philippe résume ici, en une page, près de cent pages de Jean Chartier. Les noms
sont énumérés dans un complet désordre, sans souci de la succession des événements,
ni de la situation géographique. Nous citons, à côté de la forme de Philippe, celle de
Jean Chartier, avec la référence, et, le cas échéant, entre parenthèses, la forme actuelle.
Vernoyl, Verneul ou Perche, t. II, p. 80 et sqq. ; Nogent, Nogent-Pré, t. II, p. 84 ;
Chambraseux dessay Focam, Chambrois ou Chambrais en Normandie, t. II, p. 120.
2. Mente, Mantes, t. II, p. 94 et sqq. ; Longnei, Loigny ou Longny, t. II, p. 101 et
sqq. ; Vernon, t. II, p. 103 et sqq. ; le Neufckastel, le Neufchastel de Nicourt, t. II,
p. 119 et sqq. ; Allenxon, Alençon, t. II, p. 126 et sqq. ; Maulisson, Mauléon, t. II,
p. 127 et sqq. ; Argenton, Argentan, t. II, p. 131 et sqq. ; le Pont de V Airche, le Pont
de l’Arche, t. II, p. 137 ; Gerberoy, t. II, p. 74 ; Conac, Cognât, Conat, t. II, p. 74
et n. 1 (Cognac) ; Saint Vial Grin, Saint Maulgrin, t. II, p. 74 et n. 2 (Saint Maigrin) ;
Conches, t. II, p. 74.
3. Pontheau de Mer, Ponteau de Mer, t. II, p. 85 (Pont Audemer).
4. Le comte de Duglas, t. II, p. 88.
5. Gournay, t. II, p. 113 et sqq. ; Dangu, t. II, p. 112-113 ; Harcourt, t. II, p. 115
et sqq. ; La Rouche Guion, La Roche Guyon, t. II, p. 116 et sqq.
6. Coustance, Coustances, t. II, p. 124 (Coutances) ; abbaye de Fécamp, t. Il, p. 121 ;
Sainct Lô, t. II, p. 124 ; (châteaux de) Thorgny, Torigny, t. II, p. 125 ; Haville, Hauville, ibid., id. ; Reneville, Beneville, ibid., id. ; (ville) le Hommet, le Hommel, ibid., id. ;
(châteaux de) Beusteville, Beusseville, ibid., id. ; Hambre, Hambie ou Hambre, ibid.,
id. ; La Mote, La Motte l’Évesque, ibid., id. ; la Haye du Puis, ibid., id. ; Chantelou,
ibid., id. ; Laune ou l’Aune, ibid., id.
7. Argenton, Argentain ou Argentan, château, t. II, p. 131 ; Gisors, t. II, p. 135 ;
Château Gaillairt, le chasteau de Gaillart, t. Il, p. 133 ; Toucque, château, t. II, p. 130 ;
Dyennes, Yemmes ou Hyemmes, château, t. II, p. 130.
8. Jean Chartier, t. II, p. 137 et sqq.
LE ROI DE FRANCE ENTRE A ROUEN (1449)
314
vaillans assaulx ; et y furent fait plusieurs chevalier. Et fut la cité
prinse et réduicte au roy de France moyennent l’ayde dez habitans.
Et demourairent lez capitenne englois en nottaige 1 en ycelle jusque
ad ce qu’il eurent fait randre et restituer au roy touttes les aultres
plaice, ville et chasteau qu’il tenoient encor audit païs, qui n estoient
pas en nombre petit. Et, avec ce, paièrent une grand somme de denier
a roy pour ranson. Et, à celle prinse, y estoit le roy françoys en sa per
sonne, le roy de Cecille, les contes de Dunois, de Clermont, du Maine,
de Sainct Pol, de Nevers, de Castres, de Tancârville, d Évreux, de
Dampmartin, le viconte de Limage 2, le cadet d’Albret, le baron de
Tremel 3, chancellier de France, le sire de Culant, grant maistred ostel
du roy, messire Philippe, son frère, mareschal de France, le seigneur
de La Fayette, Ferry, mon seigneur de Lorraine, et Jehan, mon sei
gneur son frère, le sire de Blanville, messire Théaulde 4, seigneur
Pier de Louvain, messire Robert d’Estampes, les sire de Malicorne,
de Gaucourt, de Bueil, d’Orvall
de Mont Gaston ®, de Précigny,
de la Bessière de Maulny, de Prully 8, de Chally, de Brion, de Beau
vais, de Laon, messire Pier de Bresay, séneschal de Poitou, Floquet,
baillif d’Évreux, et le baillif de Berry, le patriarche d Anthioche, 1 évesque de Lisieux. Et, sur tous ceulx qui aidairent à la prinse de la dicte
cité, ce fut l’archevesque d’icelle, qui ennorta 9 son puple à chasser
yceulx Anglois dehors. Et tellement que, avant le premier jour de
novembre, qui est le jour de la Toussâmes, furent yceulx Anglois
tous mors ou prins ou expulsés hors du païs.
L’entrée du roi à Rouuen. - Et, à ycelluy jour, après la sollanités
de la feste acomplie, fist le roy son antrée en grand triumphe, magni
ficence et pompe royalle, autant ou plus que jamaix fist roy en ville.
Et, après ces victoire heue, fut randue a François, comme dit est
devent, tout le rest de Normendie, telz comme Belesme, que le capi
taine Mathagot 10, anglois, tenoit. Et. aussy, après plusieurs essault
donnés, fut randue Harfleur aux François .; et pareillement Honnefleur, port de mer. Et, jà ce que, en ce tampts, il fesist ung merveilleux
et froit yver, et plus qu’il n’est de coustume, néantmoins n’abandon1. En otage.
2. Viconte de Lomaigne, Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 156, 166.
3. Seigneur de Traisnel, ibid., id. C’est Guillaume Jouvenel (Juvénal) des Ursms,
pli
Tl PPllPT
HP
rT’fITIPP
4. Messire Théaulde de Valpergue, ibid., p. 161. — Le sire de Blainville est Guil
laume d’Estouteville, ibid., t. II, p. 133, n. 11.
.
,
,
5. Le seigneur d’Orval n’est autre que Charles d’Albret, op. cit., t. Il p. Ibb et n
— Le cadet d’Albret, cité plus haut, est Arnaud Amanieu, sire d’Orval, op. cit., t. Il,
p. 133 et n. 5.
,9
6. Bertrand de la Tour, seigneur de Montgascon, ibid., t. II, p. 133 et n.
7. Pierre de Beauvau, seigneur de la Boissière ou Bessière, ibid., t. il, p. 134
8.' Pierre Frotier, baron de Preuilly en Touraine, ibid., t. II, p. 133 et n. 15,
9. Enorter, exhorter. De tous ceux qui contribuèrent à la prise de Rouen, c est
l’archevêque de Rouen qui joua le rôle le plus considérable, en exhortant, etc
10. Matthew Gough. Voyez p. 219, n. 2 (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 175 et n. ij.
GEOFFROI D’ESCH, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1450)
315
nairent jamaix le siège. Et prinrent encor la ville de Vire, et Avranches. Et par aincy furent lesdicte ville prinse, et tout le païs réduit
à l’obéissance du roy Charles.
Et, après plusieurs victoire, le roy d’Angleterre renvoia audit païs
ung capitenne, nommés Thomas Quirielle *1, acompaigniez de grand
puissance, et aussi Mathagot. Lesquelles, après plusieurs chose par
eulx faictes, furent des François rancontrés entre Bayeux et le Cher,
en ung villaige nommés Fermigney 2 ; auquelle y oit grosse journée,
car des Anglois, à ce jour, mourut quaitre mil sept cent soixante et X.
Mais, avent que jamaix y oit copt frappés, c’en fouyt Mathagot avec
les siens. Et, à la dicte journée, fut prins le dit Thomas Quirielle, avec
mil aultrez Anglois de illustre noblesse. Et, de toutte l’armée des Fran
çois, n’en fut des mors que huict tant seullement.
Procession faide. — Parquoy, lez nouvelle venue à Paris de tant
belle conquestes, grand victoire et bonne fortune, fut ordonnées une
pourcession de douze mil anffans, qui furent asamblés au simetiers
Sainct Innocent, et, de ce lieu, furent menés en belle pourcession et
ordonnance, tenant chacun ung scierge en la mains, jusques à l’église
Nostre Damme, en laquelle fut grâces et louuange randue à Dieu et à
sa benoitte mère.
Cy vous lairés à présant de cez chose le parler, et retournerez a
maistrez eschevin de Metz et à plusieurs aultrez acomencement de
guerre.
[DIFFÉREND ENTRE LA VILLE DE METZ ET LE DUC DE LORRAINE
ET DE BAR ; SUITE DE LA GUERRE ENTRE LES FRANÇAIS
ET LES ANGLAIS : l45o-l453]
Mil iiijc et l. — Puis, en l’an XIe de l’ampire dudit Phéderich l’ampereur, qui fut en l’an de Jhésu Crist mil 1111e et L, fut alors maistre
eschevin de la devent dicte cité de Mets le sire Geoffroy Dex, cheva
lier.
Le jubilé à Rome. — Et, en celle année, fut l’an jubillé à Romme ;
et y furent plusieurs personnes de la dicte cité. Desquelx il en y oit a
VI ou VII des mors en chemin.
Office vendue en Mets. — En cellui tampts, c’est assavoir le
XXVIIe jour de may, mourut Jaicquemin de Chaallon, clerc des
Trèzes ; et, on mois de jung après, lesdit Trèzes vendirent ycelle
office à Gillet le Bel ; et en paiait la somme de trois cent et L livres,
et. M : il n’en y oit.
1. Messire Thomas Kyriel (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 191).
2. Formigny (avril 1450).
316
DIFFICULTÉS ENTRE LES LORRAINS ET LES MESSINS (JUILLET
1450)
monnoie de Mets ; et, encor daventaige, paiait VI florins de Rin,
lesquelx VI florin furent donnés à l’ouvraige de la fabricque de Nostre
Damme au Champts, laquelle avoit estés abatue à la guerre des Roys
devent dicte, et la refaisont on refïaire en cest année.
Requise faicte à ceulx de Mets. — Item, le Xe jour du moix de juil
let, seigneur Loys de Haracourt, évesque de Toul, seigneur Géraird
de Haracourt, chevalier, son frère, et seigneur Robert deRaudrecourt,
chevalier, bailly de Chaulmont, acompaignié de plusieurs compaignons d’armes, vinrent en la cité de Mets par essurement. Et, au len
demains, après les VII heures du mattin, se firent les devent dit sei
gneurs mener devent les Trèzes et devent le conseil de la cité. Et, illec,
fist1 le dit seigneur Géraiid de Haracourt, chevalier, pour et on non
du roy Charles de France et de René, roy de Cecille, desquelz il pourtoit lettres de crédance desdit deux seigneurs adressant à la cité de
Mets ; et fut leur proposicion telle qu’il demandoit à la dicte cité pour
et on non desdit deux seigneurs le corps de seigneur Nicolle Louve,
chevalier, et de Jehan Louve, son frère, pour estre prisonier en la
mains du roy de France, pour faire sa volunté ; et, oultre plus, cent
mil florin de Mets d’amende pour paier audit roy de France, pour
tant qu’il volloient dire que la cité avoit enfrain et rompus la paix
cy devent escripte, que fut faicte l’an mil ÏIIIC et XLIIII, pour
cause de certain gaige et proie 2 prinse en la duchié de Bar sus le sei
gneur Geoffroy d’Apremont par ledit seigneur Nicolle Louve, cheva
lier, et Jehan Louve, son frère. Et, avec celle proposicion, prononsait
ledit seigneur Géraird de Haracourt tout en présance des dit Trèses
et du conseil plusieurs laides, villaines et injurieuses parolles touchant
l’honneur de la cité, des Trèzes, conseil et seigneurs d’icelle. Et tellement
que, ce les Trèzes n’eussent doubtez le roy, et aussy pour l’honneur de
la dicte cité, certainement le devent dit seigneur Géraird heust estés arrestez, car luy meisme avoit enfrain et rompu son essurement.
Ordonnances d’amener les biens en Mets. — Et, tantost après, fut
fait un huchement en la plaice devent la Grand Église que tous les
fourains du païs de Mets heussent amenez, le plus brief qu’il polroient,
tous leurs bledz, vins et biens meubles, et que d’iceulx bledz et vins
ne paieroient point de malletoste à l’antrée, ne aussi à l’issue, ce aulcuns en estoit remenés dehors.
L’église des frères Baude beneite. — En celle meisme année, le
XXVIe jour du moix de juillet, fut bénitte et consacrée par frère Jehan
Ysambar, souffragant de Mets, l’église dez frère de l’Observance,
dict les frère Baudez, nouvellement fondée, et scituée en la dicte cité,
en Grant Meize.
Huchement fait. — Item, tantost après et en la dicte année, les sei
gneurs et gouverneurs de la chose publicque en Mets advisairent et
1. Le verbe faire n’a pas de complément : faire pour quelqu’un signifie : agir au
nom de quelqu’un, représenter quelqu’un.
2. Pannie dans Huguenin, op. cil., p. 269.
UNE AMBASSADE MESSINE AU ROI DE FRANCE (7 AOUT 1450)
317
furent en conseil sur cest affaire, assavoir mon cornent il polroient
faire encontre d’icelle amutacion 1 et encomencement de guerre que
lésait de la duchiez de Bar et de Lorraine leur préparoient. Et telle
ment que, après plusieurs chose faicte et ordonnée sus cest affaire,
il firent huchier sus la pier devent la Grand Église que tous ceulx et
celles de leur menans et subgectz qui s’en yroient demourer hors de
la dicte cité de Metz et du pais d’icelle pour aller en duchiez de Bar
et de Loherenne ne pouroient retourner en la cité jusques devent
X ans passés, sur grosses poinnes et amandes, et au resgart de la jus
tice 2.
Les seigneur de Mets vers le duc de Bourgongne. - Et, après ce huchement fait, il fut encor conclus et déterminés par le conseil de envoier
aulcuns noble homme par devers le duc Philippe de Bourgongne
pour les affaire de la cité. Et, à ce voiaige à faire, y furent comis sei
gneur Nicolle Louve et seigneur Pier Renguillon, ambdeux cheva
liers. Et, premier, c’en allirent à Lucembourg par devers le devent dit
Cornille, bastard dudit duc et gouverneur d’icelle duchié de Lucem
bourg, pour luy dire et compter cornent les Barisiens et Lorrains
avoient entreprins de faire clore les pais et duchiez de la dictes Lucem
bourg, parquoy, on non de la cité, il luy priairent et supliairent qu’il
ne volcist mie ce faire. Laquelle chose leur fut ottroiez et acourdés.
Et, avec ce, il leur dist et promist que, ce lesdit de Mets avoient
besoing de ces bonnes villes, chasteaulx, forteresse et gens d’armes,
tout est oit audit de Mets octroiez et habandonnés, car il savoit bien que
c’estoit le grey et volunté du devent dit Phelippe, duc de Bourgongne.
Leclres de ceulx de Mels envoiéez aux roi de France. — Et, en ce meisme
tampts, lésait üe Metz envoiairent ung propre messaigier de la cité
pourtant lettres au devent ait Charles, roy de France, lesquelles faisoient mencion comment les Lorrains et Barisiens avoient accomenciez
guerre nouvelle, et ne sçavoient pour quelle cause, fors que tant seul
ement de vollunté 3. Et, les lettre donnée, retournait leüit messaigier
en Mets. Et, de part le roy, amenait avec luy ung noble hérault, appellé Bery ; et arivairent en Mets le dernier jour de juillet.
Puis, advint que, en ce meisme jour, entrait en Mets ung noble che
valier,'dit le seigneurs de Clerval, accompaignié de VIIXX homme
d’armes bien armés, pour estre a gaige de la cité.
Les seigneur de Mets s’en vont en brance. — Item, le VIIe joui du
moix d’aoust, ce partirent d’icelle cité les seigneurs ycy après nom
més ; et furent yceulx par le conseil envoiez avec le hérault du roy en
France : c’est assavoir seigneur Nicolle Louve, chevalier, Thiébault
1 Sans doute esmeutacion, action d’émouvoir, de susciter une guerre.
Zn réalité ce huchement ne faisait que répondre à une sorte de mise a 1 interdit
des gens de Metz en Lorraine et dans le Barrois (Huouenin, op. cit.,p. 269). Philippe
reprendra plus tard ces événements (p. 318-319).
3 II faut comprendre : de leur propre volonté, de leur propre mouvement, sans
raison - Le messager, la Waiile (d’après Huguenin, op. cit p. 270) demandait un
sauf-conduit pour une ambassade messine, celle qui partira le 7 août.
318
LES LORRAINS CESSENT TOUTE RELATION AVEC LES MESSINS (1450)
Louve, son filz, et VI aultre homme de guerre de leur gens, bien en
point. Avec yceulx y fut encor envoiez seigneur Poince Baudoche,
chevalier, et avec luy quaitre compaignon d’armes de ces gens. Encor
y estoit Jehan de Lucembourg, clerc des Septz de la guerre, et avec
luy trois verlet d’hostel. Et, avec les devent dit seigneur et officiez,
fut envoiez maistre Jehan Touret 1, le notaire, pour dire et raconter
la malle esperte 2 du seigneur Géraird de Haracourt, chevalier, et des
parolles villeneuses qu’il avoit dit et proposez de sa bouche, comme cy
dessus est dit, touchant les franchises et libertés de la cité, desquelles
parolles on l’en requist instrument 3. Et fut encor envoiez avec yceulx
seigneurs devent dit ung bon marchampts de Mets, appellé Cappiton,
pour dire et raconter audit roy lez grief dopmaiges fait audit mar
champts et à deux aultres marchampts, que ramenoient plusieurs
bonnes marchandies, que pouoient valloir la somme de VIII cent
escus, lesquelles leur furent ostée par les gens le seigneur Robert de
Baudrecourt, et desquelles marchandies on n’en ont point heu de
recréance. Et de touctes ycelle parolles et desdicte marchandies n’en
ont lesdit de Mets fait, dit ne prins nulles vengeances, et tout pour
l’honneur dudit roy Charles.
Et ainsy s’en sont allés les dessus dit avec leur gens. Et ont fais
leur debvoir de ce qu’il leur estoit donnés en chairge ; et ont demourés
jusques au XIIe jour du moix d’octobre, qu’il retournirent et entrairent en Mets ; et les reconduit et ramenait le devent dit hérault du roy.
Et fut dit pour vray que le roy avoit fait très bonne chier au dit sei
gneurs, et que il avoit expressément comendé à touctes ses gens que
nulz ne fist dopmaiges à eulx ne à leur païs.
Nonostant toutte ces choses et durant celluy tampts, lesdit Loherains besoingnoient tousjour de leur coustés. Et tellement que, par
les informacions d’aulcuns dez conscilliers de la dicte Loherenne, les
quelles avoient faulcement informés le roy Charles et de Cecille, avec
le duc de Calabre, parquoy, il estoient tous ordonnés et délibérés de
racomencier une très malvaise guerre encontre la dicte cité de Mets,
et de retourner en armes devent ycelle.
Comendemenl pour les Lorains de non rien amener à Mets. — Et, de
fait, firent huchier par toutte la duchiez de Bar et de Loherenne, sur
corps et avoir, et sur l’estre réputés pour traïstre, que nul ne fut cy
hardis de amener rien en Mets ; ne, avec cella, qu’il ne feissent ne
feisssent faire aulcuns confort ne ayde, ne ne partissent mot à nulz
desdit de Mets ne de la jurediction d’icelle.
Et les seigneurs et gouverneurs de la chose publicque d’icelle cité,
voiant leur intancion malvaise, inicque et perverse, firent pareillement
1. Jehan Thomas (Huguenin, op. cit., p. 270).
2. Malaperte, insolence, impertinence. Godefroy ne connaît que l’adjectif malapert,
insolent, impertinent.
3. Le notaire avait été requis de transcrire ces paroles en un acte authentique
(instrument).
MISE EN DÉFENSE DE LA VILLE DE METZ (1450)
319
huchier encontre d’iceulx Loherains et Barrisiens, et pourveoir de
remède. Et ce fut fait alors qu’il envoiairent devers le devent dit roy
en France, lequelle. pour ce tampts estoit à Tours, quérir saulconduit
pour oyr l’escusacion des devent dit seigneurs de Mets ; et y furent
comme cy dessus est déclairez.
Et firent tellement que, malgrés lez envieulx, fut vandangiez et pai
siblement recueillis lez vin et aultre biens par toutte la terre de Mets.
Et furent les vins d’icelle année bons et de bonne colleurs ; de quoy
lesd.it Loherains furent bien corrouciez et mal contant, car il avoient
intencion de les vandengier. Maix l’en dit ung prouverbe comun
essés véritable : c’est que moult remaint de ce que fol pance b
Or, en ycellui tempts et en la dicte année, fut faicte une chaussées
de pal, de fagot, de terre et de sault *2 tout au travers de la rivier de
Mezelle, devent le pont des Mors ; laquelle ne durait mye granment
qu’elle fut rompue, et fut grant pièce que nulz ne venoit en Metz, à
piedz ne à chevaulx, par ledit pont des Mors.
Ordonnances faides par les seigneur de Mets. — Après ce fait, fut
ordonnés à chescuns mestiés d’icelle cité de Mets de faire en chescune
tour desdit mestiés de merveilleux battons à feu, c’est assavoir grosses
serpentines, courtal, canons et hacquebutte.
Aussy, en celle mcisme année, y oit ung grand discord entre le
devent dit Charles, roy de France, et le seigneur Conraird Baier, évesque de Mets. Et advint ce discort pour ceulx d’Espinal, lesquelles ce
avoient donnés et mis entre les mains du roy sans le consantement
de leur seigneurs, évesque de Mets.
Cy lairés de ces chose ung peu le parler, pour aulcunement dire et
raconter des grande et merveilleuse guerre que durans ce tampts
furent en la réduction d’icelle duchiez de Normandie, la haulte et la
baix, avec le pays de Guienne.
Bayeux rendue aux roy de France. — En celle mcisme année, et
durans que ces chose ce faisoient en la cité de Mets et es pais joindant,
la mauldicte et enracinée guerre duroit tousjour de plus en plus entre
France et Angleterre. Et tellement que, en la devent dicte armée
mil IIIIc et L, envoia le dit roy Chairle son armée devent Bayeux ;
et fut par lez conte de Dunois, de Nevers, de Deu 3, de Clermont, de
Castres et de plusieurs aultres essigée en trois lieu ; et, après plusieurs
essault donnés, cellon maistre Roubert Gauguin et la Mer des Istoire,
fut la dicte ville randue a roy. Et Mathago 4, capitenne anglois, et
plusieurs aultres de grant noblesse, acompaignié de IXe homme, c en
1 De ce qu’un fol pense faire, beaucoup reste sans se réaliser.
ï. Husson p. 90, et Huguenin, op. cit., p. 271, parlent de paulx de saulx, de
pieux en bois de saule (c’est à ce moment que le Saulcis fut coupé). Il s agit d une digue
qui devait refouler l’eau de la Moselle dans la ville de Metz ; elle était faite de pieux,
de fascines et de terre.
3. Le conte d’Eu (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 204).
4. Voyez p. 314, n. 10.
320
LE ROI DE FRANCE ACHÈVE DE CONQUÉRIR LA NORMANDIE (1450)
aillirent tous, avec partie de leur baigue, et ung biaulx baston en leur
mains. Touteffois, pour l’enneur de gentillesse, leur laissirent partie
de leur chevaulx, pour pourter les damoiselle et gentilz femme d’iceulx
Anglois, lesquelles c’en ailloient avec leur mary ; et lez faisoit moult
piteux veoir, car il partirent d’icelle ville de trois à quaitre cent femmez,
sans les anfïans, dont il en y avoit grand nombre : les une pourtoient
leur petit anfians és berseaulx sur leur testes, les aultrez sur leur col,
et aulcunes en avoient des pendus à bandeaulx de toille entor elles ;
et les aultres anfïans, qui estoient grandellet, l’on lez menoit en mains.
Aussy, durant ce tempts, le conestauble de France print Bricquebec
par composicion, et Valongnes, avec Sainct Salveur.
Plussiedr ville de Normendie réduite aux roy. — Item, aussy, après
plusieurs baitailles, assault et rencontre, tant d’ung cousté que d’aultre,
cellon les cronicques que de ce en sont faictes, furent prinse les villes
ycy après nomméez.
Premier, Caen, qui fut assaillie et minée tellement qu’elle fut prinse
par composicion. Et en ycelle estoit le duc de Sonbresset 1, sa femme
et ces anffans, messire Robert, itère du conte de Suffort 2, et plusieurs
aultres, jusques a nombre de quaitre mil Anglois, qui c’en allirent tous,
leurs corpts et leurs biens saufz. On dit siège estoient présens les roys de
France et de Cecille, le duc de Calabre, son fîlz, le duc d’Alençon, le
connestable de France, les conte de Dunois, du Maine, de Clermont,
de Saint Pol, de Tancarville, de Castres, de Laval, les sires de Lohéac,
de Montauban, le mareschal dë Bretaigne, le senelchal de Poictou,
messire Jaiques de Luxembourg, Flouquet, baillif d’Évreux, le prévost
de Paris et le seigneur de Beaumont, son frère, Ferry monseigneur de
Loherenne, Jehan monsseigneur son frère, le chancellier de France,
les bailliiz de Berry et de Lion, et tant d’aultre conte, barons et gentilz
homme que ce seroit chose ennueuse à raconter.
Et, à celle prinse de Caen, vinrent devers le roy de France plusieurs
grant prinse et seigneurs envoiez par le duc de Bourgongne pour
traicter du mariaige de la fille du roy et de son filz Charles, conte de
Charoloys.
Puis, aprez la prinse de Caen, fut le sciège mis devent Fallaise. Et,
dedans XV jour après, ce randit au roy, sen grand effusion de sanc.
Dedans ycelle ville estoient mil et Ve combaitans Anglois, les mieulx
em point qui fussent en la duchié de Normandie. Et, à la prinse d’icelle
ville, estoit le roy présant, et tous lez aultrez devent dit que j’ay
nommés, avec encor aultres plusieurs.
Aprez ce fait, fut mis le sciège devent le chasteau et la ville de Dampfront, en laquelle estoient de VII à VIII cent Anglois. Et, finablement,
elle fut prinse et mise entre les mains du roy.
Et, cepandant que ces chose ce faisoient, le connestable Richemont,
1. Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 219 : Sombrecet : Edmond de Beaufort, duc de
Somerset.
2. Ibid., id. : Messire Robert Veer, frère du conte de Suÿort ou Sufolk.
LE ROI DE FRANCE RECONQUIERT LA GUYENNE (1450)
321
le conte de Clermont, les sire de Laval, et ung grand nombre d’aultre
seigneurs et jantilz homme, se partirent, par l’ordonnance du roy,
pour aller assiégier la ville et chasteau de Cherbourg. Lesquelles furent
randue le XIIe jour d’aoust.
Subtillités des Françoi. — Une chose digne de mémoire fut faicte
on dit sciège. Vous devés sçavoir et entendre que autour de celle plesse
vient chacun jour la mer deux fois ; et en la grève là où celle mer vient
estoient les canons et bombardes assorties et chargées de pierres et de
pouldres. Toutefïois, par airt et grant subtillités, ne les gastoit point la
dicte eaue, car elle estoient vestues de certaines peaulx, wyles et
grosses qui les préservoient ; et puis, quant la mer estoit retraicte, les
canonniers levoient les manteaulx et gettoient contre la dicte place.
Dont lesdit Anglois estoient moult esbaïs, car jamais il n’avoient heu
congnoissance de tel mistère.
Après celle ville prinse furent encor plusieurs aultres ville et chasteaulx asségiéez et prinse dez François et réduicte en l’obéissance du
roy, tel que Monguion *, Bergerac, Blaye, Fronsat, Arques, Rion,
Chastillon, et plusieurs aultres.
Auquelles prinse y oit plusieurs chose merveilleuse faictes, lesquelles
pour abrégiez je lesse. Mais vous devés savoir que ce fut graice de Dieu
de en cy peu d’espasse avoir conquis ung tel païs comme est Normendie
la haulte et la baisse : car cellui pais conthient VI grosse journée de
loing de quarré et de large 12, et dedans y ait une archeveschié et VI éveschez ; et, avec ce, cent que ville fermée que chasteaulx, cen celle qui ont
estés abatues durans celle guerre, lesquelles en moins d’ung ans furent
touttes réduicte à force d’arme et remise en la mains du roy Charles,
avec aucy partie du païs de Guyenne.
François, duc de Bretaingne, mort. — En celle meisme année mourut
François, duc de Bretaigne, lequellcs tout son vivant avoit cy bien servis
le roy ; et y avoit grandement traveilliés, luy et ces gens, à la recouvrance de son païs.
Après ces chose advenue, et durans ce tampts, y oit grand murtre
fait auprès de Bourdiaulx dessus les Bourdellois. Et, jay ce que Dorval 3,
capitaine du roy, et plusieurs aultres vaillans seigneurs du sanc de
Frances n’eussent avec eulx que V0 combaitans hommes de guerre, et
touttes gens à l’élitte et d’escellante vertus, avec lesquelles il assaillit
et combatist IX mil piéton des Bourdellois, desquelles IX mil en
fut XVI° des despeschiez, et XIIe et plus des prins prisonnier ; et c’en
fouyt leur capitenne à Bourdeaulx.
Cy vous lairés de ces chose le parler, et retournerés a maistre eschevin
de Mets, et aux advenue d’icelle noble cité et dez païs joindant.
1. Mont-Guyon (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 249). — Fronsat est Fronsac (ibid.,
p. 268) ; Arques est « devers Bourdeaux » (p. 265 et n. 1) ; Chastillon est Castillan en
Périgord (p. 267).
2. Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 234 : « ce dit pays de Normendie contient six
grosses journées de long et quatre de large ».
3. Le seigneur d’Orval, troisième fils du comte d’Albret (ibid., id., p. 246).
322
NÉMERY RENGUILLON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1451)
Mil iiiic lj a■ — Puis, en l’ans après, que le milliair courroit par mil
quaitre cent et LI ans, fut alors maistre esche vin de la cité de Mets
seigneur Nemmery Renguillon, du pairaige d Oultresaille.
Et, en celluy tampts, estoient tousjour les Lorrains et Barisiens en
leur rigeur, sans parler à ceulx de Mets, ne sans rien laissier venir hors
de leur pays ; et au cas pareille le faisoient lesdit de Mets.
Item, en la dicte année, le jour du Sainct Sacrement de 1 Autel
escheut et fut le jour de la feste sainct Jehan Baptiste.
Et, environ VIII jour après, ce partit de Mets seigneur Conraird
Baier, évesque d’icelle, pour aller en France parler a roy, pour savoir
de luy s’il luy renderoit la ville d’Espinal, ou non. Et en celluy afaire
demourait XII sepmaines, et ne fit rien de son proffit. Car, comme dit
est devent, il estoit bien empeschiez à la reconqueste de ces pays.
Yzabelz, duchesse de Brabant, morte. — Et, en celle meisme année,
on moix d’aoust, morut damme Ysabel, duchesse de Braibant et de
Lucembourg, qui avoit mis la terre en la mains du duc Philippe de
Bourgongne ; et gist celle damme au Frèies Cordelliers de Triêve.
Le duc de Bourgongne à Lucembourg. — Item, en la dicte annee, on
moix d’octobre, vint le devent dit duc de Bourgongne à Lucembourg ».
Et y demourait XV jours, durans lesquelles fist convocquer les trois
estatz d’icelle duchiez de Lucembourg pour luy faire obéissance. Et luy
fut faicte la dicte obéissance de tous les chevalier et escuiers, salve
leur honneurs.
Mortalité. — En celle meisme année fut grant mortalité a Collongne
dessus le Rin. Aussy fut il enBarrois, au Pont à Mousson, et en plusieurs
aultres Iigu.
Et, en la dicte année, furent les vandanges bien tairt. Et fut toutte
l’année tardive, et tellement que l’on chanoit encor au vin mis en
chairaulx *1, qui est la messure de Mets, quaitre ou V jours apres a
Toussaincts, et ouvroient encor les presseur à vin en yceulx jour, tant
en la cité comme dehors.
En celle meisme année se maintenoient tousjour les guerre en France
à la déduiction 2 et conqueste du pais de Guyenne. Auquelle pais
plusieur ville et chastiaulx furent en ce tampts des François assaillis ;
et y oit en yceulx assègement et assaulx plusieurs choses faicte, et
grant effusion de sanc respandus, qui seroit lomg à raconter.
Bordeaulx réduide aux roy. - Et tellement que on moix de jung
fut assiégée la ville de Bourdeaulx, cite capitalle d melluy pais de
Guyenne ; et, finalement, elle fut prinse et réduictes a 1 obéissance du
roy. Et donnait le roy grand franchise et libertés a ycelle ville et a tous
le païs joindant. Et, avec ce, y mist et constituait ung parlement et
court souveraine.
a. M : mil vc lj.
b. M : Lucemboug.
,
1. Chèrau, charretée de onze hottes du pays messin quatre cent quarante quatre
itres), dans Zéliqzon, Dictionnaire des Patois romans de la M s .
2. II faut sans doute lire réduction.
BAYONNE RENDUE AU ROI DE FRANCE (AOUT
1451)
323
Après celle réduction, tous les seigneurs et capitaine, qui estoient en
nombre de XX mil combaitans dez François, c’en retournairent repouser en leur maison.
Bayonne rendue aux roy. — Puis, le VIe jour du moix d’aoust ensuiant,
fut asségiée la cité de Bayonne, dernier ville de Gascongne. A laquelle
fut fait de grans et merveilleux assaulx ; et furent lez église et maisons
des faulx bourgz tous brullés. Après lesquelles chose faicte il ce randirent par composicion. Item, le jeudi XIXe jour dudit moix, antrirent
les François en la ville.
Blanche croix en l air. — Et, le lundemain, qui fut jour de vendredi,
ung peu après solleil levant, et que le ciel estoit bel et cler, et le tampts
doulx et serains, fut veue au ciel ung merveilleux signe : car une croix
blanche ce monstrait et fut évidantement veue par l’espace de demi
heure ; et ycelle virent magnifestement les François et Anglois. Et n’est
cecy pas une fable ou trouvée *1 2: car X mil personne estant asciège la
virent, et ce monstroit ce signe publicquement a. Parquoy, incontinant, lez Baionois, voyant ce signe céleste, ostèrent leur crois rouge
et ce randirent tous à la mercy du roy ; et priment la crois blanche
pour leur enseigne, disant qu’il veoient et congnissoient que c’estoit le
voulloir de Dieu qu’ansy fut fait. Et, ainsy, toutte la duchiez de
Guienne fut réduicte ; exepté la ville de Calais 2, car celle seullement
demoura és mains des Anglois, anciens annemis de France.
Phiedrick, empereur, espouze la fille du roi de Portingal. — Durant ce
tampts, et en l’an XIIe de l’ampire du devent dit Phédrich, duc d’Ostruche, et elleu ampereurs, le dit Phédrich print à femme Léonore,
fille du roy de Portingal ; et fut espousé 3 et courronné en ce meisme
ans à Romme, avec sa dicte femme, par la mains du pape Nicollas,
Ve de ce nom, lequelle en celluy tampts administroit l’église romaine.
Les Gantois de guerre aux duc de Bourgongne. — Aussy, durans
celluy tampts, les Gantois ce ellevairent et rebellairent encontre le
duc Philippe de Bourgongne, leur seigneur. Et olrent plusieurs guerre
et rancontre ensamble à l’ocasion d’ugne gabelle nouvellement ellevée
dessus le sel. Mais, après plusieurs ville airxe et brullée, et le pais
destruit, paix en fut faictes.
Divisions en Angleterre. — Paireillement, en ce tampts, y eut en
Angleterre grant discort entre le duc d’Yort, anglois, et celluy de
Sonbrecet, pour le gouvernement dudit royalme.
Aucy y oit grand guerre entre le roy d’Espaigne et cellui de Navarre.
Les Turcqz occupe la Grèce. — Item, durans cez chose, les Turc et
Sarrasins menoient fort guerre au crestiens ; et occupairent une partie
du païs de Grèce. Parquoy le devent dit pappe Nicolas envoia certains
cardinal en ambassade devers lez roy de France et d’Angleterre, pour
a.
1.
2.
3.
M : pubicquement.
Une fable controuvée, imaginée de toutes pièces
Chalais.
De même dans Huguenin, op. cit., p. 276.
324
PERRIN GEORGE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1452)
faire paix ensamble, et pour tourner leur armée dessus les Turcz et
donner secour à la crestientés. De tout ce fut le roy Charles très bien
comptans ; mais celluy d’Angleterre n’y voult antendre.
Parquoy, d’iceulx Turcz, dez François et dez Anglois vous lairés le
parler, et retournerés a maistre eschevin de Mets, et à plusieurs chose
faicte en ycelle.
Mil iiiic el lij. — Item, en l’an XIIIe du devent dit Phiedrich l’ampereur, et que le milliair courroit par mil quaitre cent et LII, fut alors
maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Perrin George, du paraige
du comun. Et luy escheurent les eschevinaige Jacquemin Warixe et
de a seigneur Jaicques Simon.
Mortalité à Mets. — Car, en la dicte année, estoit grand mortallité
en Mets et és païs antour ; et estoient la plus grande parties des sei
gneurs et dames en leur forteresse et lieu de plaisance dehors au champts.
Et, néantmoins qu’il ce craindissent forment et qu’il évitaisse l’air
corrumpue, cy en moiurent les plusieurs. Entre lesquelles fut mort de
celle paiste ledit seigneur Périn, alors maistre eschevin d’icelle cité, et
tellement que, le XVIIIe jour du moix d’octobre, il déviait de ce monde.
Et, tantost après, morut son filz, qui pareillement estoit eschevin du
pallais de Mets.
Parquoy on reffit ung nouvel maistre eschevin on paraige du comun,
c’est assavoir seigneur Nicolle Papperel ; et oit son eschevinaige, et son
filz Jehan Papperel oit l’eschevinaige du filz dudit seigneur Périn
George. Et demourait ledit seigneur Nicolle Papperel maistre eschevin
la dicte année durant.
Au quelle tempts estoient tousjour lesdit Lorrains et Barisiens en
leurs fureur et malvistiés.
La royne de Cecille morte. — Et, en cellui tempts, morut la royne de
Cecille, et femme a roy Régné, qui tenoit les chemin clos. Parquoy la
paix en fut faicte par la déesse Atropos.
L’an dessus dit, le XXIIIe jour de may, mourut seigneur Nicolle
le Gournaix, abbé de Sainct Vincent, tout subitement, qui avoit fait
merveillesement grant bien en la dicte eglise. Et fut esleu de part tout
le couvant, en son lieu, pour estre abbé d’icelle abbahie, messire
Jacques Chappel, prieur d’Ofîanbach : mais on luy contreniait, et n’en
polt joïr. Car maistre Guillaume Huwin, cardinal de Saincte Sabine,
l’impétrait, et envoiait ses procureurs en Mets, qui firent mestre le
cesse par toucte la cité trois jours, jusques à la vigille de la Toussains
qu’il olrent accord ensemble : tellement que ledit cardinal fut receu
abbé dudit Sainct Vincent, et ledit seigneur Jacques Chappel c’en
retournait en son prioré.
Item, en celle meisme année, et durant que ces chose ce faisoient à
Mets, y oit errier grand tribollis en France, et principalement au
devent dit païs de Guienne.
a. De a été ajouté apres coup par Philippe, entre les lignes.
NICOLE PAPEREL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1453)
325
Jaicque Ceur envoies en exil. — Et, premier, je vous veult dire et
compter cornent en ce tampts et en ces meyme jours fut accusé Jacques
Cuer, grant argentier du roy, de plusieurs chosez à luy impousée. Entre
lesquelles fut accusé qu’il avoit menés et envoiez aux Sarrasins, infidelle et annemis de nostre Foy, plusieurs armure, avec aussy des
ouvriez armuriés et aultrez faiseur de taillement *1 et instrument de
guerre, comme daigue et espée. Parquoy il fut mis en prison, et paia
grosse et infinie ransson, puis fut enviez en exil. Jai ce que aulcuns die
que on luy fist tort, et que ce ne fut fait que par couvetise d avoir ces
trésors.
En ce meisme tampts, on mois d’aoust, le roy de France envoia
deffier le duc de Savoye pour aulcunes extorcions qu’il avoit procurées
encontre la corronne de France. Et fut le roy en armes jusques au païs
de Forest pour entrer en Savoie. Mais la paix en fut faictes par le moyen
du cardinal d’Estoleville 2, qui s’en retournoit à Romme.
Ceulx de Bourdeau se révolte. — Item, on moix de septembre après,
le sire de Lespaire, à qui le roy avoit tant fait de biens, avec plusieurs
aultre Bordellois, conspiraient de ce rebeller encontre a du devent
dit Charles, leur roy, à qui il avoient fait le serment de fidélité. Et
tellement que, en ces jours, il envoiairent secrètement leur ambassaude
devers le roy Flanry en Angleterre, et promirent leur foy que, c il leur
envoioit gens d’armes, de mestre eulx et leur cité en sa mains et puis
sance. Le roy Hanry fut bien joieulx de ces nouvelles, et fist incontinant assambler une merveilleuse armée, de laquelles fut capitaine
général messire Tallebot.
Bordeaulx rendue aux Anglois. - Et, après plusieurs allée et venue,
fut Bourdiaulx remise en la puissance des Anglois cen copt ferir.
Aussy furent plusieurs aultre place à l’entour, telle que Castillon, le
fort chasteau de Fronsac, et plusieurs aultres. Et, durant que ces chose
ce faisoient, le dit roy d’Angleterre envoia environ quaitre mil combatans Anglois, ayans quaitre XX vaisseaulx, que grans que petit,
chargiez de farines et de lars, pour avitailler la dicte ville de Bourdeaulx.
Et, ainsy, avés oy les chose et merveilleuse mutinerie qui se laisoient durans ce tampts. Parquoy nous en lairons le pairler, pour
retournés à aultrez matier.
Mil iiiic et liij. — Après ces chose ainsy advenue, et en 1 an XIIIIe
de l’ampire du devent dit Phiderich, qui est de la nativité de Jhésu
Crist mil IIIIC et LUI ans, fut en ce tamptz fait et créés maistre eschevin de Mets le sire Nicolle Papperel devent dit. Et, par ainsy, il le fut
environ ung ans et demey.
a. M : encondre.
1. Taillement se dit de toute arme tranchant..
2. Le cardinal d’Estouteville (Jean Chartier, op. cit., t. Il, p. 390).
326
PAIX ENTRE METZ ET LORRAINE (JUIN
1453)
Item, en celle dicte année, le thiers jour du moix d’apvril, seigneur
Poince de Champel, abbé de Sainct Siphorien, et tout le couvent
d icelle église, furent translatés et mis en Mets, en l’église parochialle
de Sainct Hillaire ; laquelle paroiche fut alors defïaicte et anichillée.
Et fut mis la moitiez des relicque, cloche, aornement et aultrez chose
apartenant à ycelle, avec la moitiet du puple, à Sainct Vy, et l’aultre
moitiez a Sainct Victour en Chambre. Et fut ce fait le mairdi deusiesme
feste de Pasques *l, par maistre Jehan Nicollas, doien de la Grant
Église d icelle cité, et pareillement par Henriat, secrétaire, et par tous
les officiers de monseigneur l’évesque de Mets.
Différent entre le duc de Bourgongne et ceulx de Thionville. — Item,
aussy en celle dicte année, ce esmeust une nouvelle guerre : c’est
assavoir des habitans de la ville de Theonville en l’encontre du duc
Pbelippe de Bourgongne, leur seigneur. Lequelle, pour celluy tempts,
menoit la devent dicte guerre encontre les Flamans et Gantois pour
1 imposicion du sel, comme cy devent ait estés dit. Et en ycelle guerre
de Flandre a y fut mort et tués Cornellius, hastard du devent dit duc
Phelippe, et gouverneurs de la duchiés de Lucembourg, et plusieurs
aultre avec luy. Mais, pour revenir a prepos, lesdit de Theonville
entreprindrent ycelle guerre on non du roy Lancellot de Boême, voullant dire et soubtenir qu’il estoit duc de Lucembourg et leur droi
tures seigneur. Et ce tindrent très bien lesdit de Theonville. Car il
avoient bien mil soldoieurs à leur gaiges, et, avec ce, estoient environ
deux cent compaignon de la ville, jantil, ruste 2 pour ce defïandre et
assaillir. Sy ce fortifièrent et maintinrent tellement qu’il n’estoit
possible de mieulx, et en jusques à tant que seigneur Jacquez de
Ciercque, archevesque de Triêve, y trouvait ung accort. Et fut l’accort
tel que les partie se tanroient d’une part et d’aultrez et feraient absti
nence de guerroier jusques à la Panthecouste après venent, qui seroit
l’an mil IIIIC et LIIII. Et, dedans ycelluy terme, on doit faire dili
gence et enquérir a vray auquel que on ferait obéissance, ou a devent
dit roy Lancelot, ou au dit de Bourgongne, qui c’en disoit seigneur.
Le duc Jehan de Calabre ressus à Nancei. — Et, tantost après et en
celle meisme année, environ le jour de la Feste Dieu, c’on dit le Sacre
ment de 1 Autel, revint le duc Jehan de Calabre & à Nencey, pour estre
receu duc de Lorraine et gouverneur de la duchiez de Bar. Et, de fait,
y fut receu sans contredit.
Paix entre ceulx de Mets et de Lhorenne. — Et, quant ce vint en la
premier sepmaine du moix de jung aprez, on traictait la paix entre
ledit duc et les seigneurs et gouverneur de la cité de Mets. Sy furent
commis de par la dicte cité et le conseil pour y aller seigneur Nicolle
Louve et seigneur Poince Baudoche, ambedeux chevalier ; et avec
a. M : Frandre.
b. M : Calable.
1. Le mardi des festes de Paisque (Hugüenin, op. cil., p. 281).
2. Ruiste : courageux, fort.
BORDEAUX RECONQUISE PAR LE ROI DE FRANCE (1451)
327
yceulx seigneurs fut envoiez Jehan de Lucembourg, clerc dez Septz
de la guerre. Et ce trouvairent les dessus dit seigneurs a jour dit à
Nancey ; et tellement ont besoingniez que la paix fut faicte, et les
chemin ouvers par bon accort L
Conslantinoble rendue aux Turcqz. — Durans celluy tempts et en la
meisme année mil quaitre cent et LUI, les Turcz, infidelles et annemis
de nostre foy, tenans le sciège devent la cité de Constantinoble, y
bailloient chacun jour trois fois assault, que par terre, que par mer.
Et avoient yceulx chiens mescréans en leur compaignie trois cent md
hommez. Et tellement y besoingnairent, par la laichetés de Jehan
Justinien, génevois, que finablement la gaignèrent. Et fut proue et
occupée par Mahumet Othiman, prince et roy dé Turcz, en LXVI jours.
Dont ce fut grand pitiet et dommaige ; car il murtrirent et mirent à
mort l’ampereurs des Gréez, le patriarches, et tous crestiens qu 1 y
trouvèrent, sans avoir d’eulx mercy ne pitiez, non® plus que de pouvre
bestes. Et fut ce fait ledit ans, le XXVIIIe jour du moix de mars
Bordeaulx reconquestée par le roy de France, et les Anglois deconfict.
En ce meisme ans, et après ce que le roy Charles fut avertis de cez chose
faictes par les Anglois en la duchiez de Guienne, et que le dit roy soit
la vérité de la prinse de Bourdiaulx et la manier cornent, alors il ùst
lever et mestre sus une très puissante armée. Lesquelles de prune
faisse, mirent le sciège en trois lieu et en diverse partie dudit pais de
Guiennes, c’est assavoir devent Calais en Guienne 2*, 31devent
45
Chasteauneuf et devent Chastillon, sur la rivier Dordonne 3. Et, alors, messire
Tallebot, anglois, avec V ou YI mil homme, y vint, cuydant lever le
sciège. Et, après ce qu’il oit mis ces gens en ordre, ce approchait a
municion 4 des François, et ce efïorcea entrer dedans par soudaine
impétuosité. Dont les François, par constante vertus, le repoulsèrent
errier. En celluy jour, ledit Tallebout, capitenne, pour tent qu il estoit
desjay viez et anciens, il chevaulchoit sus une petitte haquene, e ,
dessus ycelle estant assis, animoit ses gens à combatre. Et tellement que
tous les aultres piétons baitailloient par incrédible fureur de couraige,
et assailloient lez tantes des Françoy. Et fut longuement et très aigre
ment combatus, tellement que l’on ne sçavoit à qui donner 1 esperance
de victoire, jusques à ce que Montauban, capitaine tançois, e
e
naud s, donnairent couraige à leur gens, et répriment leur orces en
fasson telles qu’il sormontairent les annemis ; et furent aulcune de
leur enseignes prinse. Et, en ces entrefaicte, fut tués le capitaine
Tallebot d’ung coup d’artillerie, et, alors, tout le rest ce mist en fuyte.
En cest baitaille mourut VIIIe Anglois, avec plusieurs noble hommes,
entre lesquelles estoit ledit Tallebot, et son fîlz, et p us e
a.
1.
2.
3.
4.
5.
M : nom.
Huguenin, op. cit., p. 282, raconte l'entrevue en détail.
Chalais (Jean Chartiek, op. cit., t. II, p. 334).
Castillon, sur la Dordogne.
Munition signifie ici fortification : U s’approche du camp fortifié par les Français.
Le sire de la Hunaudaye (Jean Chartier, op. cit., t. 111, p. bi
328
GEOFFROI DE WARISE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1454)
vallier dez plus vaillans de toutte Angleterre. Et veult on dire que, de
ceulx qui c’en fuirent, en fut autant tués par les chemin ou noyés en la
rivière de Dordonne. Et en furent plusieurs des prins, tel que le sire de
Molins, et plusieurs aultres.
Et, tantost après celle journée ainsy tenue, ce randirent toutte les
aultres plaice, telle que Sainct Mclion *, Liborne, Chasteauneuf12,
Sainct Machaire, Caudillac, Fronsac, et plusieurs aultres.
Et puis, tantost après, ce tirait l’armée à Bourdiaulx, cité capitalle
du païs, devent laquelles estoient plusieurs gallée d’Angleterre, avec
grand puissance, pour defïandre le port. Et avoient lesdit Anglois
illec fortiffiés ung gros boulevart pour la defïance du port, et affîn de
bien gairder la ville. Aussy les François firent bastir et édiffier ung
fort boulevart pour la gairde de leur navire, duquelles il faisoient aux
Anglois plusieurs coursez et ribleries. Mais, fînablement, quant les
Anglois ce virent ainsy pressez et destituez de victuailles, attendu
aussy que toutes les places des frontier circonvoisines leur estoient
ostées, et n’avoient lieu où il ce pussent retirer, requiert à parlamenter.
Et tellement que, après plusieurs allées et venues, le XVIIe jour
d’octobre, fut celle cité réduicte a roy Charles de Frances. Et c’en
ietournirent les Anglois en Angleterre, leur baigue salve, parmy encor
telle condicion que il y auroit XX personnages, telz qu’il plairoit au roy,
qui seroient banis dudit païs de Bord.elois, entre lesquelle le sire de
Duras et de Lespaire estoient du nombre. Et, par ainsy, après la guerre
de celluy païs appaisées, y estaublit le roy gens souffisant pour gou
verner et defïandre la ville, tel que mon seigneur de Clermont, son
lieutenant général, et plusieurs aultres. Puis, ce fait, c’en tirait le roy
à Tours. Mais, premier, fist bastir deux grosse tours en la dicte cité
de Bourdiaulx, pour la force desquelles le puple nouvellement convertis
pourroit estre tenus en son obéissance.
Cy lairés quelque peu de ces chose à parler, pour retourner a maistre
eschevin de Mets.
[ÉVÉNEMENTS DIVERS A METZ ET AU ROYAUME DE FRANGE :
l454-l462]
Mil iiiic et liiij. —- L’an XVe de l’empire dudit Fiederich, qui est de
Jhésu Crist mil quaitre cent et L1111, fut fait et créés maistre eschevin
de la cité de Mets le sire Geoffroy de Warixe.
La plus grant pari de la Grèce gaingnéez. — Et, en celle année, fut
gaingnés dez Turcz, infîdelle et annemis de nostre saincte foy catho1. Saint-Émilion (Jean Chartier, op. cil., t. III, p. 8).
2. Chasteau-Neuf de Médoc, Chasteauneut de Madoc libid., id., p. 11). — Saint
Macaire, Cadillac (ibid., id.).
JACQUES DE RAGECOURT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1455)
329
licquez, la plus grand partie du païs de Grèce ; de quoy ce fut grant
pitiet et domaige. Et moult mieulx eust estés, pour le sallus dé âmes
et l’éceltacion *1 de la crestientés, que yceulx deux roy, de France et
d’Angleterre, y eussent tournés leur aimée et deschaissier yceulx
chiens maldis, qui ocuppent les terre qu’il 2 deussent posséder et tenir.
Car, de la noble et triumphante église de Saincte Sophie, église catliédralle a de Constantinoble, et la plus belle du monde, en ont les imfâme
dampnés fait une mahommerie. Qui poulrait jamais recouvrir cy grant
perte ? Tout prince crestiens en deveroie de dolleur plorer. Mais, las !,
il sont à l’avarice cy auveuglés qu’il lessent ces chose légièrement aller.
Or, retournons a prepos et parlons de l’envie d’Angleterre. Car, en
celluy tampts, entre eulx y oit envie pour le gouvernement du royaulme.
Et tellement que le duc d’Iort, alors grand maistre en celluy païs,
print le gouvernement et la chairge des affaire de ce royaulme. Et,
avec ce, fîst mettre en prison les ducz de Sonbiecet et de Clocestre.
Lesquelz en furent hors on mois de février après.
Le roi d’Espaigne mort. — Aussy, en celluy tampts, mourut le roy
Jehan d’Espaigne, aagé de L ans.
Le duc d'Alençon prisonnier. — Item, peu de tampts après, le duc
d’Alenson, nommé Jehan, ayant ennuye de la transquillité du tampts,
et impacient du repos du roy Charles, procuroit de jour en jours de
esmouvoir la guerre des Anglois. Et, pour ce faire, envoiait plusieurs
messaige en Angleterre secrètement signifier audit Hanry, roy d icelle
illes, qu’il ramenoit son armée en Normendie, et qu’il luy aideroit de
sa puissance. Et plusieurs aultres chose avindrent en celluy tempts,
que je lesse pour abrégiez. Touteffois, à la fin, fut le dit duc encusés, et,
avec ce, prins et enprisonnés ; et fut condampnés à estre privé de
tous ces biens et à morir de mort honteuse. Mais, touteffois, nonostant
celle condampnacion, le roy, ayent pitiet de luy, le déthint en prison ,
et furent ces biens restitués à ces anfîans.
Cy lairés de luy et de plusieurs aultre chose le parler pour revenir
a maistre eschevin de Mets.
Mil iiiL el Iv. — Puis, en l’an après, qui fut de la nativité Nostre
Seigneurs mil quaitre cent et LV, et l’an XVIe de 1 empire du devent
dit Phiedrich l’ampereur, fut alors fait et créés maistre eschevin de la
cité de Mets le sire Jacques de Ragecourt, dict Pappel 3.
Le sire de Lespaire escartelés. — Et, en ce tampts, fut prins le sire de
Lespaire, que, allant contre son serment, avoit aulcune fois estés
quérir lez Anglois en Angleterre pour venir à Bourdeaux ; et, jà çoit
ce que le roy de France, pour sa premier fois, luy eust pardonnés,
a.
1.
2
3.
M : cathedalle.
Exaltation.
Les chrétiens.
Xappel (le sire Jaicque de Raigecourt, qu’on disoit en comung Jaicomin Xaippé,
Huguenin, op. cit., p. 283).
330
LOUIS, DAUPHIN DE FRANCE, REBELLE A SON PÈRE (1455)
toutefïois ne fut pas content qu’il ne renonsait *1 encor pour la deusiesme, s’il eust peu acomplir son entreprinse. Parquoy fut à Poictiers
décapités, puis escartellé, et mis en VI pièces, et pendu en divers lieu,
comme en tel cas on est acoustumés de faire.
La mort de Nicolas, pape, ve ; Calixle esleu pape. — Item, en la dicte
année, trespassait pappe Nicollas Ve ; et fut empoisonnés, comme l’en
trouva par expérience, quant il eut esté ouvert. Après luy fut esleu
Calixte, troisiesme de ce nom, natif de Castelo, et qui estoit cardinal
et évesque de Vallance la Grande ; et s’appelloit, avant qu’il fut pappe,
Alfonse. Celluy estoit homme décrépite, et aagé de quaitre vingtz
et V ans. Et, pour ce que, tantost après son élection, il fut malade, il ne
peut parfaire ne achever beaucopt de grande et bonnes besongnes qu’il
avoit entreprinse de faire encontre les Turcz et Sarrasins. Et ne vesquit que trois ans et V mois.
Le roi d’Angleterre déconfit par le duc d’Yort. — En ce mesme ans, le
duc d’Iort desconfît le roy d’Angleterre près de Londres. Et y furent
mis à mort le duc de Sobrecet et le conte de Nantrobellant 2, tenant la
partie du roy, avec environ Ve hommes que y furent tuez ; et le roy
meisme fut navré et percé d’une flesche. Par ainsy demoura le gouver
nement du roy és mains du dit a duc d’Iort.
Le roi de France asseige la contés d’Armignac. — En celle meisme
année, on mois de may, le roy de France envoya le conte de Clermont et
plusieurs aultre seigneurs en la conté d’Armignac, affin de mettre
ycelle conté en la mains du roy, à cause que ledit conte s’estoit rebellé,
en refusant la possession et jouissance à l’archevesque d’Aux 3, que
avoit estés esleu ; mais à force ledit conte en y voulloit mestre ung
aultre. Parquoy, à celle occasion, furent plusieurs baitailles faictes,
et plusieurs ville prinse à force sur ledit conte ; desquelle je me paisse
d’en plus dire.
Loys, daulphin, rebelle à son père. — Aussy, durant ce tampts, ou
peu après, Loys, daulphin et premier filz du roy Charles, ce eslevait
de rechief contre son perre ; et s’en fuyt on Daulphinois, là où il fist
taillier son puple et gabeller oultre l’enseigne. Et la raison de ce huttin
fut pour ce que ledit son perre donnoit à tous le monde, et devenoit
chacun riche autour de luy, for que ledit Loys, son filz, à qui le perre ne
donnoit rien, ny à sa famille et serviteur. Parquoy il ce despita et c’en
alla de sa présence, comme j’ai dit devent. Pour laquelle chose le perre,
advertis de ce, le poursuit à grand puissance. Mais ledit Loys ne l’atandit pas ; ains c’en est en Braban fouys, où il fut de Phelippe, duc de
Bourgongne, receu et traicté en tel honneur que luy estoit deu. Et y
demoura ledit Loys, daulphin, l’espaisse de X ans, comme nous dirons
ycy aprez. Durant lesquelles furent plusieurs ambassadeurs envoiés
a. M : dut.
1. Si bien qu’il n’eût pas renoncé...
2. Nantaubelland dans Jean Chartier, op. cit., t. III, p. 51 : Northumberland.
3. Auch (Jean Chartier, t. III, p. 50).
GEOFFROI CHAVERSON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1456)
331
audit Charles de part son fdz, lequelle se escusoit, à son pouoir, de
celle fuytes. Aussy le duc de Bourgongne ce escusoit de l’avoir soubtenus. Mais, néantmoins, acort n’y poult estre trouvés pour celle fois.
Item, en celle année, on moix d’octobre, morut à Romme maistre
Guillaume Houuin, cardinal de Saincte Sabine, qui estoit abbé de
Sainct Vincent de Mets ; et fut alors esleu pour abbé messire Jaicques
Chappel. Maix ung aultre cardinal, nommés le cardinal de Grèce,
impétrait la dicte abbaïe de Sainct Vincent. Et, pour ce fait, en convint
aller ledit seigneur Jaicques à Romme. Toutefïois, il fîst tant audit
cardinal qu’il démolirait abbé et fut ressus, parmy quaitre cent et
XL florins de Rin de pencions qu’il en devoit chacun ans paier audit
cardinal, sa vie durant.
Mais de ces chose je vous lairés le pairler pour le présant, et retournerés a maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultrez besongne.
Mil iiijc el Ivj. — En l’an après, que le milliair courroit par mil
quaitre cent et LVI, laquelle année fut l’an XVIIe de l’empire du
devent dit Phiedrich l’ampereurs, fut alors fait, créés et essus maistre
eschevin de la cité de Mets le sire Geoffroy Chaverson. Et luy escheut
l’eschevignaige le seigneur Jaicques de Ragecourt, dit Xapel.
Le ceur de Varchevesque de Trieuve pourtés à Mets. — Item, en celle
année, on moix de may, morut seigneurs Jaicques de Ciercque, arche
vesque de Trieuve. Et fut ensevellis en la grant église d’icelle cité ;
et ordonna que son cuer fut pourté à Mets, pour ensevelir devent le
grant autel en la Grant Église d’icelle. Et ainsy en fut fait ; car il est
ensevelly en une petitte custode de plomb, au plus près de l’aigle de
cuyvre sus laquelle l’on chante les euvangille de la grant messe.
Cy avint que, en la dite année, estoit grant nouvelle en Mets de
sorciet et de sorcier, qui faisoient merveille horrible. Et, de fait, en y oit
en ce tampts plusieurs des prinse, chaufauldées l, airses et brulléez,
tant en Mets comme aultre part.
Ung homme décapités. — Paireillement, en la dicte année, avint que
trois serviteurs, verlet d’ostel, lesquelles servoient le seigneui Nicolle
Drouuin, firent entre eulx ung malvais merchiez et une grand traïson
et malvistiet. Cai il avoient conspirés en l’encontre dudit leur maistre
et seigneur ; et, de fait, avoient délibérés et conclus de le tuer, luy et sa
femme et tous les servans et servande de léans. Et, de fait, dévoient
desrober le trésor dudit seigneur Nicolle, et puis monter à chevaulx
tout a matin, et s’en aller leur voie, chacun à son adventure. Touteffois,
l’ung desdit serviteur, appellé Jehan le Moine, fut inspiré de Dieu ;
parquoy il délibérait de n’en rien faire. Et par ainsy fut la chose révellée.
Et les aultre deux verlet, voiant leur fait acusés, et que la chose ce
pourtoit mal pour eulx, il c’en fuirent a plus tost qu’il polrent ; maix,
toutefïois, il en y oit ung des prins, qui fuf mis sus la rue Entre deux
1. Sans doute, exposées sur un chafaud, un échafaud.
332
CHARLES VII, ROI DE FRANCE, SE SAISIT DU DAUPHINÉ (1456)
Pont, et là oit la teste coppée. Et ledit Jehan le Moinne fut depuis
serviteur au seigneur Phelippe Dex, chevalier.
Desconfiture par les chrestiens contre le Turcqz. — Aucy avint, en la
dicte année, que le roy Lancellot de Honguerie, avec le Blan Chevalier
et leurs gens, desconfirent plus de cenl mil hommes des gens le grant
Turcques.
Item, en la dicte année, on moix d'octobre, mourut maistre Loys de
Haracourt, évesque de Verdun. Et fut esleu en son lieu maistre Guil
laume de Haracourt, son nepveu, de par tout le chappistre.
Des malvaise angevingne en Mets. — En ce meisme moix d’octobre,
fut trouvés et apparceu en Mets que on avoit fait et forgiez des malvaise
engevignes. Parquoy, tantost, les seigneurs et maistre de la monnoie en
firent reffaire des aultres, touctes blanches ; et mirent une teste sus
l’escus desdicte engevignes pour difïérance ; car auparavent n’en n’y
avoit point. Et fut ordonnés que l’on ne prenist plus nulles des vielles
engevigne qui n’eussent la teste 1.
Le roy Charles se saisit du Daphinés. — En celle meisme année, le
roy Charles, voiant que son filz Loys, le daulphin, estoit oultre son gré
avec le duc de Bourgongne, comme dist est, se transpourta on païs du
Daulphiné et mist en sa mains touttes les cités, forteresse et chasteaulx
dudit païs ; en escripvant par touttes les bonnes villes de son royaulme
qu’on ne luy baillast point de passaige, pour ce qu’il luy sembloit
avoir le cuer tropt volaige et plain de sa voulenté : car, quant il se
despartit de son perre, il ne demanda congié que pour quaitre mois,
et il demoura plus de X ans, à la grande desplaisance de son dit perre.
En ce meisme ans, le pappe donna lez grant pardons et indulgence
à tous ceulx que yroient baitaillier contre les Turcz et mescréans.
Défaicte des Turcqz par les Hungres. — Item, on dit ans, les Hongres
occirent à diverse fois plus de deux cent mil Turcz : la premier fois,
comme j’ai dit devent ; et, pour une aultre journée, seullement entre
soleil levant et soleil couchant, en furent occis cent mil. Et prindrent
lesdit Hongres, en tirant vers Grèce et Constantinoble, VIIIXX que cité
que ville murées, et quaitre cent chasteaulx. Les principal d’icelle
conqueste estoit ung chevallier nommés messire Guillaume Blanc, ou
autrement dit le Blan Chevallier, comme j’ai dit devent. Lequelle
fut navré d’une lance en la dernier baitaide. Et avec luy estoit frère
Jehan de Capistrano, par le conseil duquel on usoit. Et, aussy, n’est à
oblier qu’il pourtoit en la baitaille l’ymage du crucifix, et crioit à haulte
vois : « O mon Dieu et mon salvateur, où sont tes miséricordes ancien
nes ? Vien aider à ton peuple ! » Le dit frère Jehan avoit estés jadis
disciple de sainct Bernardin.
Crollement. — Item, en cellui temptz, és païs d’Arragon et de la
Puille, y eut grant mouvement et croillement de terre, commensant le
quaitriesme jour de décembre* et durait jusques a VIIe. Duquelle
crollement fondirent plusieurs ville et cité, avec plusieurs chasteaulx
1. La tête de saint Étienne. Voyez, pour plus de détails, Huguenin, op. cit., p. 28G.
PIERRE DIEUDONNÉ, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1457)
333
et forteresse. Et, avec ce, périrent plus de XXVIII mil personnes.
Quant a ville aruinée et fondue, je, l’escripvain et compilleur de ces
présante cronicque, le sçay a vray : car j’en ait veu une grant partie,
et, avec ce, ay oy dire et compter aux anciens du pais comment la
chose avilit. Et avoit ce avenus et acomencé de nuit, en cest présante
année, eulx estant jonne. Et, comme il disoient, il ne faisoit ne vant, ne
pluie, mais ce esmouvoit la terie seulle à par elle, en fasson telle que peu
y avoit d’édiffice que tout ne tombait en terre. Et ce fut toutte vérité,
car en jusques ajourd’uy c’en monstre lez ruyne.
Mil iiiic et Ivij. - Item, en l’an XVIIIe de l’empire dudit Phéderich
l’ampereur, qui fut en l’an de nostre rédemption mil IIIIC et LVII, fut
maistre eschevin de la cité de Mets le sire Pier Deudeney.
La fille du duc de Savoie à Mets.
Et, en celle année, on moix
d’aoust, vint en ycelle cité ma dame la daulphine, laquelle estoit
fille a duc de Savoie. Et, à sa bien venue, luy fîst la cité piésant de
quaitre gras beuf, de quaitre cawe de vin et de cent quairte d’avoinne.
Mais la dicte damme ne demourait que une nuit en ycelle 1.
Le conte de Vauldémont à Mds. - Aussy, pairellement en celle
meyme année, le premier jour de septembre, vint en Mets Ferry, conte
de Wauldémont. Et luy flst on présant de deux gras beuf, deux cawe
de vin, XXV quairte d’avoinne et XII châtrons.
L’archevesques de Trieuve à Mets. - Paireillement, en ce meisme
moix de septembre, vint en Mets le seigneur Jehan Baude, archevesque
de Tresves. Et fut logiez en l’ostel seigneur Ernest, chanoine de la
Grant Église d’icelle cité. Et luy fist la cité présant comme aux aultres.
Item en celluy meisme moix de septembre, advint en Metz ung
grant cas d’aventure : car ung cheval tuait ung homme depuis qu’il
fut mors, c’est assavoir que ledit cheval mort tuait l’homme. Or avmt
ainssy qu’il y eust en Mets ung cheval de selle mort, lequelle cheval
ainsy mort fut mis sus une charette, les quaitre jambes liées, et y
demoura toutte la nuit. Sy ce emflait le dit chevaulx tellement que,
quant l’on l’enmenoit au lieu déterminé pour l’escourchier, et en charoient qu’il faisoit, le dit homme qui le menoit voult aproichier près de
la chairette ; sy rompit la courde de quoy ledit chevaulx estoit lyes,
parquoy les mambre d’icelluy chevaulx ainsy enflés ce estandirent, et
donnait sy grant copt du piedz de derrier encontre la temple dudit
homme qu’il le ruait mort estandus.
,
Le rou de Hongrie mort. — Item, en ce meisme tempts, les ambassade
de Laodislaus, roy de Hongrie, de Boesme et de Polonye (car ce luy
noble prince estoit roy des trois royaulme devent dit), yceulx ambas
sade furent envoiés a roy Charles, en France, pour avoir et demander
Magdalaine, fille a dit Charles, pour estre femme et espouse audit roy
de Hongrie. Laquelle à peu de plait luy fut acordée. Mais, a lundemams
de Noé, avant que lesdit ambassade ce partissent de France, vmdrent
1. Huguenin, op.
du, p. 287, donne plus de détails.
334
JEAN DE HEU, MAÏTRE-ÉCHEVIN DE METZ (1458)
nouvelle que ledit leur maistre et seigneur estoit trespassés (et duquel
ne fut sans suspection de poison); dont toutte la seigneurie de France
fut fort dollante.
Peu de jour après, Pier, duc de Bretaigne, alla de vie à trespas. Et
fut institués en son lieu Richemont conestable de France ; lequelle
samblablement mourut bientost après, et luy succéda François,
nepveu du duc d’Orléans.
Gy vous en lairés le pairler quant à présant, et retournes a maistre
eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoingne.
Mil iiiic ei Iviij. — Or, quant ce vint en l’an après, que le milliair
corroit par mil quaitre cent et LVIII, qui fut l’an XIXe de l’empire
du devent dit Phéderich l’empereur, fut fait, créés et essus maistre
eschevin de Mets pour celle année le sire Jehan de Heu. Et luy escheurent deux eschevinaiges, c’est assavoir celle de seigneur Nicolle de
Raigecourt, et l’aultre fut de seigneur Dediet le Gournaix, dit Yolginel.
Le marquis de Baude en Mets. — Item, en celle dicte année, le XVIIIe
jour du moix de may, vinrent en la cité de Mets le mairquis de Baude
avec ces deux frères, c’est assavoir seigneur George de Baude, con
ducteur 1 de l’évesque de Mets, et le damoisiaulx Marcque, leur frère,
chainone de Collongne. Et furent le jour du Sainct Sacrement de l’autel
à la pourcession de la Grant Église de Mets, que fut le premier jour de
jung. Et leur fist la cité présant de quaitre cowe de vin, deux gras
bueufz, L quairte d’avoinne, et de XXXVI chattrons.
L’entrée de Phelippe, duc de Bourgongne, à Gand. — En celle année,
le XXIIIIe jour d’avril, Philippe, duc de Bourgoigne, fist son entrée en
sa ville de Gand ; laquelle fut aussy magnificque et triumphant que
jamais fut veue. Entre les aultres choses, y avoit ymages et figures de
prophètes tenans en leurs mains roulectz 2 et dictz moult plaisans, fort
à propos et bien prins.
Procès de monsseigneur d’Alenceon. ■— En ce meisme ans, le Xe jour
d’octobre, présant le roy Charles de France, estant à Vendosme, ensem
ble tout les pers et seigneurs du sang royal, fut fait le procès de mon
seigneur Jehan d’Alençon, duquel je vous ai desjay heu parlés. Et fut
jugiés de avoir la teste tranchée ; toutefois, l’exécucion réservée a bon
plaisir du roy. Et estoit ce jugement fait pour aulcuns crimes de lèse
majestés, c’est assavoir pour ce qu’il avoit rescript aux Anglois par
plusieurs fois qu’il descendissent en France, Normendie, Guyenne et
Calaitz, et qu’il leur aideroit de tout son pouoir contre son souverain
seigneur le roy de France.
Mais de lui et d’aultre chose je lairés le pairler jusques à tant que je
airés dit aulcune chose dez maistre eschevin de Mets et de plusieurs
aultres besoingne.
1. Coadjuteur (Huguenin, op. cit., p. 289).
2. Rolet. Les dits plaisants et bien pris (bien choisis) sont pour la plupart des
citations de la Bible (Jean Chartier, op. cit., t. III, p. 80 et sqq.).
JEAN DAUBRIENNE, MAITRE-ÉCHEVIN DÈ METZ (1459)
335
Mil iiiic et lix. — Après ces chose ainsy advenue, c’est assavoir en
l’an XXe de l’empire du devent dit Phéderich, qui est de l’incarnacion
Nostre Seigneur mil quaitre cent et LIX, fut alors fait maistre eschevin
de la cité de Mets le sire Jehan Daubrienne, dit Xavin.
L’évesques Conraird Baier mort. — Et, en celle année, le derniers
jour de mars, fut amenés à Metz le devent dit seigneur Conraird Baier,
évesque d’icelle cité ; lequelle estoit fort mallade, et tellement que
tantost après, le XXe jour d’apvril, il déviait de ce monde ; et morut
de celle malladie en l’ostel de la Haulte Pier. Et, au lundemains,
XXIe jour dudit mois, il fut pourter ensevelir, en abit d’évesque, tant
excellenment et manificquement que faire ce polt. Et fut son service le
VIIIe jour de may. Auquelles furent lez devent dit marquis de Baude
et Marcque, son frère, pourtant le deul. Et aussy y furent plusieurs
aultres prélas et seigneurs, tant spirituel comme temporel. Et fut ledit
service tant honnorablement fait comme à ung grant prince aparthient.
Car ledit évesque donna par son testament mil livrez, monnoie de
Mets, pour acquester L livrez de cens annuelle pour et affîn de chanter
chacun jour à tousjourmaix en la chaipelle en la dictes Grand Église de
Mets, laquelle chappelle ledit évesque avoit en partie fait faire et
édiffîer ; et ce doit celle fondacion déservir par les chainoinnes de
Sainct Thiébault ; ainsy l’avoit ledit seigneur ordonné. Et, avec ce,
donnait encor ledit seigneur à la dicte Grand Église sa mitte 1, sa crosse,
et une riche paix tout estoufïée 2 d’or, d’argent et de pierre précieuses ;
et tout pour au bon jours mestre et pairer le grant aultel.
Et alors, après la mort du devent dit évesquez, fut esleu seigneur
Olrey de Blamont pour évesque d’icelle cité. Mais nostre sainct perre
le pappe lui fut sy contraire qu’il n’y demoura point. Et, de fait, en
furent excomuniez les devent dit chainoines d’icelle église de Mets
pour ce qu’il le soubtenoient. Maix, petit après, maistre Orieti 3 fut
envoiez à Romme impétrer absolucion pour lesdit chainoines qui
avoient heu fait l’élection dudit seigneur Olry contre le mandement
de nostre sainct perre le pappe.
La mort du pape Calixle ; Pius ije créés pape. — Item, en celle
année trespassa de ce monde pappe Calixte, auquel succéda Énéas,
poêla laureatus, et chancellier impérial, natif de Sennes ; et fut nommé
Pius, deusiesme de ce nom. Et ne vesquit que VI ans. Et la manier de
sa mort, en fut cause le duel qu’il print en lui, comme vous oyrés.
Il est vray qu’il ordonna le passage contre les Turctz, l’an de Nostre
Seigneur mil quaitre cent et LXIIII. Et ce trouva, luy et ces gens, en
la marcque d’Anconne, en la cité de Péruse, et illec atandoit le duc de
1. Mitre.
1^2. Etoffer, qui signifie étymologiquement « façonner en employant largement
l’étoffe », a pris anciennement le sens de « faire en employant largement la matière ».
Etoffé d’or, d’argent et de pierres précieuses équivaut donc à : abondamment garni
d’or, d’argent et de pierres précieuses.
3. Arieti dans Huguenin, op. cit., p. 291.
336
WIRIAT LOUVE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1460)
Bourgongne et plusieurs aultres prinse crestiens qui luy avoient promis
d’y aller ; mais il ne c’y trouvairent point. De quoy il fut tant desplai
sant qu’il en cheut en maladie ; dont, tantost après, il trespassa de se
siècle.
Aussy, en celle année, il fist moult grant yver, sans nège et sans vens.
Item, en ce tampts, maistre Jacques de Niterbult, chartreux, et
docteur en théologie, estoit en grant bruit ; et escript maintes bons
livres.
Cy lairés quelque peu de ces chose à pairler, pour retourner à mon
prepos.
Mil iiiic et Ix ans. — L’an après, que le milliair courroit par mil
quaitre cent et LX ans, et qui estoit la XXIe année du devent dit
Phiedrich en son empire, fut alors fait, créés et essus pour maistre
eschevin de la cité de Mets le seigneur Wiriat Louve.
George de Baude prisonniés. —- Et, en cest année, furent prins et
rués jus seigneurs George de Baude, seigneurs Marcque, son frère,
Jaspar 1 Baier, et plusieurs aultres. Et fut ce fait par ung Allemans
du païs d’Aussay, qui ce appelloit Anthonne de Havesteyne. Et furent
yceulx menés en prison en ung chaistiaulx audit païs d’Aussay, qui ce
nomme Ysenen 2. Et furent les devent dit seigneurs prins en retournant
de Nostre Damme des Hermittes. Maix, incontinent après, fut mis le
sciège devent ledit chasteaulx par ceulx de Sainct Diez en Volge, avec
plusieurs aultres qui aydairent. Et, sur ce, fut fait ung apointement,
que ledit seigneur George devoit estre délivrés, en paiant la somme de
VIII mil florin d’or pour sa ranson.
George de Baulde créés évesques de Mets. — Celluy seigneur George
de Bauden, dez le tampts et vivant encor le devent dit seigneur Conrard Baier, fut fait et estoit son prédicesseur 3 et coadjuteur dudit
éveschiez de Mets. Et, de fait, estoit dez alors mis en possession des
places appertenant audit éveschiez. Et, combien que après la mort
dudit Conrard fut par le chapistre esleu seigneur Olry de Blamont,
comme cy devent est dit, touteffois ledit seigneur George obtint la dicte
éveschié par la vertus d’icelle coadjutoire 4, comme cy après il serait
dit.
Item, en celle année et en celluy tempts, fut grant parolle, et en
courroient les nouvelle par tout, d’une fdle aaigée de environ XVIII ans,
nommée la Pucelle du Mans, que faisoit maintes chose merveilleuse,
en abusant Dieu et le monde. Entre les aultres, abusa grandement
l’évesque de la dicte cité, qui estoit ung bon preudhomme, et cuydoit
qu’elle fust saincte femme. Mais, en la fin, fut congneu que toutes ses
1. Gaspar.
2. Yseriem ou Ysesteym dans Huguenin, op. cit., p. 291. Isenheim, Haut-Rhin,
Guebwiller, Soultz.
3. Ce mot est évidemment une distraction de Philippe, qui veut dire successeur.
4. Mot créé par Philippe ?
PHILIPPE D’ESCH, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1461)
337
follies procédoient d’aulcuns officiers dudit évesque qui la maintenoient.
Cy lairons d’elle le pairler et de toutte aultre chose, pour retourner a
maistre eschevin de Mets.
L an mil iiiic et Ixj.
Puis, en l’an après, qui fut l’an de l’ampire
du devent dit Phéderich la XXIR année, et en l'an de la nattivité
nostre seigneur Jhésu Crist mil quaitre cent et LXI, fut alors maistre
eschevin de la cité de Mets le sire Phelippe Dex, filz à seigneur Jacques
Dex, chevalier.
Et, en celle année, mourut en Mets ung prélas de grant réputacion,
nommes maistre Jehan Nicollas, docteur en décret, doiens et chainonne
de la Grand Église de Mets. Et gist le corpts d’icelluy maistre Jehan en
la dicte Grand Église, devent l’autel de la Présantacion Nostre Damme,
que solloit estre 1 aultel sainct Pol. Maix il le fist reffaire tous neuf en sa
vie, et y fist faire les ymaige, et l’asortir tel comme il est à présant.
Et puis, à la fin de ces jours, il fist une grand devise *1, que montoit
à la vallue de plus de XX mil livre. Et, entre les aultre ordonnance, il
avoit laissiés argent à ces mambours affin qu’il fissent faire ung jubel 2
de pier de tailles, cy bel et cy richement ouvrés qu’il seroit possible de
faire. Et devoit celluy jubel, par l’ordonnance dudit maistre Jehan
Nicollas, estre fait en l’entrée du grant cuer d’icelle Grant Église
Sainct Estienne de Mets. Maix ilz n’en firent rien, pour ladevision a et le
débat qui fut tantost après entre lesdit chanoinne et la cité, comme
ycy après il serait dit. Et gist ledit maistre Jehan tout devent celluy
autel, auprès du gros pillés où est la tombe d’arains.
Et seigneur Arnoult de Clerey, qui fut l’ung de ces mambours, et
lequelle depuis ait heu fait une moult belle et grand fondacion en ycelle
Grand Église, gist a piedz et tout devent celluy autel. Et fut ledit
seigneur Arnoult chainoigne d’icelle église, et chainoigne et prévost
de Nostre Damme la Ronde, et curé d’Aspinal 3, l’espaice de LUI ans.
La garnison de France à Thionville contre ceulx de Mets. — Item, en
la dicte année, on moix de juillet, la garnison de France qui alors estoit
à Thionville on non du roy Charles firent une course sur ceulx de Mets.
Et d’icelle armée estoit cappitaine pour le roy Geoffroy la Hière, bailly
de Chaulmont en Bassigny. Et priment yceulx plusieurs bestes, vaiche
et chevaulx à Annery. Et firent ce pour la cause que Clément et Jehan
Chaillo, citains de Mets, avoient prins ung homme qui estoit leur subgect, vers Bertilleville 4, et le détenoient prisonnier pour aulcuns cas.
Et lesdit de Thionville volloient dire que celluy homme estoit de leur
prévosté ; parquoy il en voulloient prandre la guerre en l’encontre
a.
M : devison.
1. Testament.
2. Jubé.
3. Épina
4. Béthe /nviUe, Meuse, Verdun-sur-Meuse.
338
L’ÉVÊQUE george de baude REÇU a METZ (1461)
desdit de Mets. Mais, sus ce desbat, le roy Charles de France vint à
morir, comme je vous dirés ycy après, parquoy la chose demourait en
telle estât.
George de Baude ressus évesques. — Puis, tantost après et on meisme
moix de juillet, le XXIIe jour, fut receu pour le LXXVIIIe évesque
de Mets le devent dit seigneur George de Baude, duquelle je vous ay
heu ycy devent pairlé 1. Et, à sa venuee, les seigneurs et soldoieurs
d’icelle cité luy furent au devent à belle compaignie jusques à la ville
de Maigney ; et toutte la clergie de la dicte cité saillirent dehors à
porcession au devent de luy jusques à Sainct Arnoult atout la croix.
Et, en ce lieu de Sainct Arnoult, fut ledit évesque abbilliez et acoustrés
en pontificat, c’est assavoir d’une grant robbe de rouge draps, en
manier d’ung cardinal, tellement que son chevaulx estoit tout couvert
de ladicte robbe ; et le faisoit moult biaulx veoir avec les gand et les
ainiaulx aux dois. Puis, ainssy acoustrés, et acompaigniez de moult
notable et belle compaignie de ces gens, tous armés, entre lesquelles
estoient plusieurs vaillans seigneurs, tant d’Allemaigne comme d’aultre
pays, en nombre de VIIe chevaulx, entre lesquelles estoit l’archevesque
de Triesve, le marquis de Baude et seigneur Marcquez, les trois frères
dudit évesque, paireillement le conte de Nausowe, le seigneur de
Fénestrange et plusieurs aultres conte et barrons, chevalier et escuier,
et, avec celle belle compaignie, entrait ledit évesque en Mets par
pourte Champenoise. Et puis chevaulchairent tous en belle ordonnance,
tant qu’il vinrent et arivairent on mairchiez qui ce dit En Chambre.
Et là, a piedz des degrez, dessandit ledit évesque de son chevaulx ; et
en ce lieu fut bégninement receu de tous les seigneurs et chainoines
que illec l’atendoient ; et puis fut menés et conduit en la Grant Église,
et fut essis sus la chaire de marbre devent le grand autel, en chantant
Te deum laudamus. Et, ce fait, chantairent les chainonnes leur grand
messe en grand honneur et révérance.
Mais, touttefïois, pour ce que l’on ce craindoit, y oit ce jour grand
ordonnance de gens d’armes, tant par les champs comme par la cité
et en plusieurs lieu, souverainement à la pourte Champenoise, car à
ycelle pourte estoient collevreniés, arbellestriés et archiers en point et
en armes. Aussy, par dessus les muraille, par les granges et chaucqueur
par aval la cité, en diverse lieu, estoient environ IXe homme caichiez
et armés, pour defïandre la ville, ce besoing eust estés, car l’on ce
doubtoit fort de traïson.
Touteffois, la cité luy fist présant de quaitre beuf, LX moutons ou
aultrement dit chaittrons, VI cowe de vin et VIXX quairte d’avoinnes.
Et les chainonnes luy donnairent une coppe d’argent dorée pesant
VI marque trois onces et demy.
Mais de luy je ne dirés plus pour le présant, pour retourner a roy de
France et à ce qui avint durans ce tampts.
1. Sur cette entrée, Huguenin, op. cit., p. 292 et sqq., donne des détails plus com
plets.
LOUIS XI SACRÉ ROI DE FRANCE (1461)
339
La mort de Charte, roy de France. — Durans celluy tampts et que ces
chose ce faisoient en Mets, l’on vint anoncier à Charles, VIIe roy de
France de ce non, que aulcuns ces malveullent avoient préparé ung
bruvaige pour l’empoisonner. Desquelles nouvelles tellement ce troubla
en son couraige qu’il ce abstint de mengier par l’espace de sept jours
enthiers. Parquoy l’enhortèrent les médecins et dirent que plus estoit
affligé par faulte de viande que par malladie. Mais, si comme en mengeant cuidoit aidier à sa vie, ses ners et son gosier jà retractz ne le
poult souffrir ; et, comme l’estomac plus rien ne recepvoit, rendit
l’espcrit, le maicredi XXIIe jour de juillet et jour de la Magdalaine,
et en l’an XXXIe de son règne. Et, de Mehum sus Yèvre, où il estoit
trespassé, fut apporté en pompe royalle au sépulcre de ces prédéces
seurs, et ensevely au monastère Sainct Denis. Pour conduire le corpts
estoient messigneurs d’Orléans et d’Angoulesme, et plusieurs aultres
prinse et seigneurs du sanc royal.
Ledit Charles fut le LIIIe roy de France, intitulés Charles très victorieulx ; et non point sans cause, car il reconquesta en moins de deux ans
tout ce que les Anglois avoient conquestés sur luy et sur ses prédéces
seurs en XXX ans és duchés de Normandie et d’Alençon, et és païs du
Maine et des environ. Aussy conquesta tout le pais de Guienne, et par
deux fois print à force d’armes la cité de Bourdeaulx, que par l’espace
de deux cent ans avoit estés entre les mains des Anglois. Et aussy,
durant son règne, il ait pourveu et expeller la division et scisme de
l’Église universelle, tellement que, par son pourchaz, bonne paix,
union et concorde y ont estés mis. Et, aussy, ait estés celluy qui plus
ait relevés justice et remis en nature 1, parquoy tous loiaulx Françoy
en sont tenus de prier pour luy.
Loys, filz de Charles, fait roi de France. — Au roy Charles devent dit,
VIIe de ce nom, succéda son filz Loys. Lequelle à son acomencement
fut de moult hastif conseil et de diverse engin, et à paine assez congnen
de ces domestiques. Et, pour ycelles condicion, fut chose certaine que
le roy son perre voulloit laissier le royaulme à Charles, son plus jonne
filz ; mais, doubtant la guerre, pacientement endura les meurs et
l’absence dudit Loys, lequelle alors estoit encor en Braben devers le
duc de Bourgongne. Et, quant les nouvelles de la mort du perre furent
ouyes, plusieurs qui excersoient les offices et grans estatz en la chose
publicque hastivement en Hénault par devers Loys ce transportèrent,
affm de luy complaire et agréer, et pour avoir confîrmacion de leur
offices. Touteffois, de tous ceulx qui y vindrent, il n’en rethint que
trois ou quaitre, que tous lez ranvoia pour atandre sa venue à Paris.
Cepandant les seigneurs du royaulme, très richement acoustrés,
allèrent en grant effluence vers luy affm de le mener à Rains pour le
sacrer. Auquelle lieu Juvenel des Ursins, archevesque de Rains, en la
manier de ses précédesseurs luy bailla la sacrée onction et le bénict.
1. Remis en honneur ?
340
CINQ SEIGNEURS DE METZ FAITS CHEVALIERS
A REIMS (1461)
Et à ce couronnement estoient les duc Phelippe de Bourgongne, le duc
de Clèves, le duc de Braban, le conte Charolois, filz audit duc de Bour
gongne, le conte de Nevers, le conte de Sainct Pol, les duc d’Orléans
et de Bourbon, et la plus pairt des grant prince et seigneurs du royaulme, avec aussy plusieurs aultre conte, duc, prince et signeurs des païs
estrange, desquel je ne sçay les nons. Et, des prélas d’église et homme
en dignitez, en y avoit plusieurs. Premier, ledit Juvenel, archevesque
de Rains, l’archevesquez de Sens, l’évesque et conte de Chaallon, de
Paris, de Tournay, d’Amiens, de Théreuuenne, de Cambray, l’abbé de
Sainct Denis, de Sainct Remey de Rains, l’abbé de Clugny, et plusieurs
sans nombre. Et fut ce sacre fait ledit ans, le jour de l’Assumption
Nostre Damme, XVe jour d’aoust.
v seigneur de Mets fait chevalier. — Auquelle fist le roy plusieurs
chevalier, tant de ceulx de la cité de Mets comme d’aultre part. Entre
lesquelles en y oit V d’icelle cité de Metz qui furent fait chevalier,
c’est assavoir seigneur Nicolle Roucel, l’eschevin, seigneur Wary
Roucel, seigneur Michiel le Gronaix, seigneur Geoffroy Cuer de Fer, et
seigneur Nicolle Dex, filz à seigneur Phelippe Dex, chevalier.
Et, après l’acomplissement de ce mistère, s’en alla Loys incontinent
à Paris. En laquelle il fist son antrée le derniers jour dudit mois d’aoust ;
et fut ressus à moult grant triumphe et honneurs, et à paine sçairoit
on dire les mommerie et la joie qui y fut faictes.
Remonstrances du duc de Bourgongne fait aux roy Loy[s\. — Plusieurs
jours après, Phelippe, duc de Bourgongne, désirant retourner en sa
maison, grandement enhorta le roy et luy donna plusieurs biaulx
enseignement. Premier, luy dit qu’il devoit oster son yre, ce aulcune en
avoit conceu du passé en son couraige en l’encontre des seigneurs, et
aussy devoit oblier et totallement effacer ce qui estoit passé. Daventage,
luy remonstra le duc qu’il avoit ung frère adolescent et dessoubz aage,
lequel il devoit amer sus tous aultres, et, avec ce, luy devoit despartir
sufisant porcion de l’héritaige paternel. Et, aprez plusieurs aultre
remonstrance que le duc luy fit, il print congié et retourna en son païs
de Picardie. Mais Loys fit tout le contraire de son chaitoy 1 ; et telle
ment qu’il en coureut en l’indinacion des prinse de son royaulme,
comme je vous dirés ycy après, quant tampts sera.
Celluy roy Loys eut deux femme. La premier fut damme Margue
ritte, fille a roy d’Escosse, laquelle mourut jeusne ; et d’elle n’eut nulz
anfans. La seconde fut Charlote, fille du duc de Savoie, de laquelle il
eust plusieurs eni'ans, c’est assavoir seigneur Joachin, damme Anne,
qui fut mariée à seigneur Pier de Bourbon, à présant duc de Bourbonnois et d’Aulvergne, conte de Clermont, de la Marche de Fourestz
et de Beauvoillois ; puis oit damme Jehanne, femme de seigneur Loys,
duc d’Orléans, de Millan et de Valois, conte de Blois, de Pavie et de
Beaumont et de Coucy. Puis oit Charles, qui depuis fut roy de France,
1. Chastoi, chasti désigne un avertissement.
WARY ROUCEL, MAITRE-ÉGHEVIN DE METZ (1462)
341
et qui conquit le royaulme de Neaple, comme nous dirons ycy après.
Il oit encor ung aultre filz, nommés Françoys, qui mourut jeusne.
Le duc d’Alençon délivrés de prison. — Celluy roy Loys devent dit,
depuis qu’il oit fait son antrée à Paris, comme dit est devent, s’en alla
on païs de Touraine ; et, là, fist mestre hors de prison du chasteau de
Loches le duc d’Alençon, lequelle y avoit étés mis pour cause ycy devent
déclairée.
Et, tantost après, il fist venir devers luy Charles, son frère, et luy
hailla le pays et duché de Berry pour partie. Et fist assignacion du
douaire de la royne Marie, sa mère, à l’estimacion de cinquante mil
livres de rente, et, avec ce, luy bailla encor plusieurs contés et grant
seigneurie, desquelle je me tais pour cause de breifté.
Item, celle année fut bonne et bien fertille és biens de terre, et vinrent
les bien partans1 à grand abondance et de bonne sorte ; car la vandange
acomensait le XXIIIIe jour de septambre, et ne durait que XV jour.
L’iver après fut froit et sec.
La mort de seigneur Nicolle Louve, chevalier. — Et, en celle meisme
année, morut en Mets seigneur Nicolle Louve, chevalier, de grant
renon, servant à Dieu et faisant justice a richez et a povres, lequelle en
son vivant estoit conseillier et Chamberlain du roy trespassé Charles
de France, et du duc de Bourgongne. Et fut ce noble seigneur ensevellis en l’église des frères Célestins de Mets, luy aaigié de LXXV ans.
Cy lairés de luy et d’aultres le parler pour le présant, pour retourner
a maistre eschevin de Mets, et és guerres et mutacion nouvelles qui
avinrent en Mets pour son tampts.
[la
guerre entre les chanoines de la cathédrale
ET LA CITÉ DE METZ, ETC. : l4Ô2-l464]
Mil iiiic et Ixij. - Item, en l’an XXIIIe de l’empire du devent dit
Phéderich l’ampereurs, qui fut l’an de nostre salut8 mil quaitre 0 LXII,
fut alors créés et essus maistre eschevin de la cité de Mets le sire Warry
Roucel, chevalier.
La mort de seigneur Nicolle de Heu, dit l’Almonier. — Et, en celle
année, le XVIIe jour du moix de jung, morut et déviait de ce monde
seigneurs Collignon de Heu, l’amant, lequelle ce nommoit le granl
almônier de Mets, amant Dieu, et menant saincte vie, et faisant bonne
oevre piteuse, plaine de compacion et de miséricorde. Car, sur tout,
il estoit charitauble envers les pouvres gens, tant d’église comme
mendians, et de ces biens despartoit habundamment pour l’amour de
Dieu. Il donnoit à mengier les povres morant de fains, revestoit les
a. Une main récente a ajouté, au dessus de salut, Vabréviation de seigneur.
1. Partant, en conséquence.
342
LES CHANOINES DE METZ CONTRE LA CITÉ (JUILLET 4462)
povres mal vestus et réchauffoit les morans de froit. Et, à la fin de ces
jour, recomendait à Jehan de Heu, son filz, qu’il heust tousjours les
povres gens pour recomendés et en mémoire. Et est son corpts ensevellis à Sainct Martin en Curtis, devent l’autel Nostre Damme. Et oit
ledit Jehan de Heu, filz audit Collignon, ung filz nommés Collignon de
Heu, après le nom du devent dit Collignon, lequelle en ensuiant son
grant perre faisoit touctes pareille oevres.
La maison des Heu édifiéez on Neufzbourgz en Mets. — Et, en son
tampts, fit faire la grant maison on Neufbourgz toutte neufve, qui fut
alors la plus belle de Mets.
Plussieurs prisonniés prins par le conte palatin. — Item, le pénultime jour du moix de jung, l’an dessus dit, le conte pallautin du Rin
luy et ces gens, ont rancontrés leur annemis, et ont prins et rués jus les
princes et seigneur ycy après escript, lesquelles alors estoient de guerres
mortelle audit conte pallautin : c’est assavoir le devent dit seigneurs
George de Baude, évesque de Mets, le mairquis de Baude, son frère,
et le conte de Nausowe, l’archevesque de Maiance, le conte de Witemberch 2,
* 1le conte de Salmes, et le seigneur Henry Baier, chevalier.
Et, en celle rancontre, y fut tués le conte de Brandicque 3 et le conte
de Salmes en Ardenne. Et plusieurs aultres chevalier et escuiers y
furent prins et menés en prison.
Grant seicheresse. — Item, on moix dessus dit, il fit sy grant challeur
et saicheur que, par faulte de pluye, les rivières estoient cy très courtes
que merveilles ; et tellement que les mollins de Mets et du païs entour
molloient à grant poinne. Et durait celle saicheur jusques on moix
d’aoust après, et encor.
Comencement de la guerre des chanoingne contre ceulx de Mets. — Paireillement, en la dicte année et on mcisme moix de juillet, avint eu
Mets une grant mutacion et ung acomencement d’ung gros procès, qui
coustait à la cité autant ou plus que la guerre devent dictes 4. Car, en
ycelluy tampts, par l’ordonnance de justice, fut fait a ung huchement
en la cité de Mets que nulz des menans d’icelle, de quel mestier qu’il
fussent, ne feissent rien pour les chanonnes de la Grant Église de la
dicte cité, ne ne leur vendissent ne enchangissent rien, à eulx ne à leur
comendement, en nul manier du monde 5. Et, après ycelluy huchement
fait, lesdit chanonnes ce mirent en conseil en leur chapistre ; puis, après
plusieurs chose desbatue entre eulx, il prinrent chacun de leur biens
à leurs plaisir, et partie en laissairent en gairde à aulcuns leur bons
a. M : fait fait.
1. Les faits qui ont précédé cet événement et qui le rendent intelligible sont repro
duits tout au long dans Huguenin, op. cit., pp. 297-310.
2. Wirtemberg dans Huguenin, p. 310 : Wurtemberg.
3. Brandecque dans Huguenin, loc. cit.
4. On trouvera dans Huguenin, p. 310-311,
comment cette « guerre des chanoines i
est née de l’affaire précédente, que l’on peut appeler la « guerre de l’archevêché de
Mayence ».
5. Le texte de ce * huchement » est reproduit dans Huguenin, p. 311.
LES CHANOINES DE METZ QUITTENT LA VILLE (15 JUILLET 1462) 343
amis dehors, et le rest, comme bief, vin et aultre biens meubles, ont
laissiés en leur maisons.
Les chanoingne s'en vont hors de Mets. — Puis, ce fait, le jour de la
Devision des Apostre, c’en allèrent tous en manier de procession hors
de la dicte cité, réservés VII d’iceulx chainoine, et une partie des
chainoine de Sainct Saulveur, et, pareillement, une partie de ceulx de
Sainct Thiébault, avec aulcuns des chappellains et des clerc de cuer.
Et ce partirent de la cité cellui jour de la Devision des Apoustre,
comme dit est devent, après ce qu’il olrent chantez leur grant messe en
la dicte Grant Église. Et, eulx venus aux champts, c’en sont allés
droit a Pont à Mousson ; et fuient receu à Sainct Anthoine. Parquoy,
de leur allées, aulcuns bon facteur en ont heu fait et composés ces
dictz ycy, auquelles est trouvés et comprins le milliaire de l’an qu’il
partirent de la cité, en la manier comme il s’en suyt :
D’ung cramaulx pernés six dent,
Les quaitre fers d’une jument,
De deux andiés lez piedz devant,
Et les deux oreille d’ung vant,
D’une ballainne prenez douze ans,
Et toutte la force d’elle :
Là congnoistrez sans nulle faille 1
Le temps et aussy la saison
Que les chanonnes se parton
Pour aller au Pont à Mousson 2.
Item, je trouve encor celluy milliaire, c’est assavoir la dapte de cest
présante année que les devent dit chainoine ce partirent de la cité, en
la manier comme il s’ensuit :
Et, premiers, ce dit ainssy :
eGCe LIgnVM GrVCIs.
Et, encor, pour la seconde manier, aultrement est dit ainssy :
ConCVLCarVnt In te, Métis, fédéra saCra.
Or, avés oy la manier comme lesdit chainoine ce partirent de la cité,
et la cause pourquoy, et aussy le milliair ycy devent escript. Rest
maintenant que je vous desclaire ce qui en avint.
La ville de Mets excomuniez. — Premier, devés sçavoir que, eulx
1. Sans nulle faille : sans nulle faute.
2. L'on trouvera un engin analogue, pour la même date, dans Aubrion, éd. Lorsdan Larchey, p. 4, n. 1.
344
AMBASSADES A ROME ET AUPRÈS DE L’EMPEREUR (1462)
venus a Pont, comme dit est, il ne ce tindrent point en mue 1 sans
besoingnier de leur affaire. Et, premier, ont lesdit chainoine trouvés
manier et fasson, et tant pourchaissiés, que il firent par tout desclairier
et dénoncier les seigneurs et lez habitans de la cité de Mets pour excomuniés 2. 3 *
Partie des seigneur de Mets s'en vont à Pomme. - Et, alors, lesdit
seigneurs, pour y pourveoir de remède, ont de ce fait appellés à Romme.
Et, pour plus grant essurement de leur cas, aulcuns de entre eulx furent
comis pour y aller. Et, on non de la cité et de tout le conseille, se despar
tirent ledit ans, le XIIR jour de febvrier 3, c’est assavoir seigneur
Michiel le Gournaix, chevalier, Wiriat Roucel, escuier, maistre Guil
laume Bernaird, advocat, qui estoit au gaige de la cité, avec Jehan de
Landre, 1 escripvain, et plusieurs souldoieurs et aultres serviteurs,
bien honnorablement vestus de noir et de blan, pour solliciter le fait
d icelle appellacion, et pour avoir d’icelle sentence absolucion.
D’aulire seigneur vers l’empereur Phiedrick 4. — Puis, après ce fait,
furent encor envoiés aultres embaxades de par la cité devers le devent
dit empereurs Phéderich, pour le fait desdit channonnes, c’est assavoir
ung appellés Jehan Gomplement, qui estoit de Thionville et nouvelle
ment venus demourés en la dicte cité ; et estoit celluy Jehan l’ung des
clerc des Sept de la guerre. Et, avec eulx, fut envoiez Claussequin le
messaigier. Mais il n’y firent rien de leur prouffit.
Or, avint, tantost après, le jour de la sainct Arnoult 5, que les chainones de la Grant Église de Mets, c’est assavoir le rest qui estoient
demourés, avec ceulx de Sainct Salveur alors résidans en ycelle cité,
furent ce jour audit Sainct Arnoult à la messe, comme il est de coustume chacun ans à tel jour y aller. Mais il n’y pourtairent point l’anel
dudit sainct Arnoult, qui est gairdés pour digne relicque en la dicte
Grand Église d’icelle cité. De quoy l’abbé fist protestacion par intrument
de notaire contre lesdit chanoinnes,de ce qu’il n’avoientpoint appourtés
ledit anel, comme il solloient et dévoient faire. Et leur excuse fut telle
que il n’avoient mie les clefz des juaulx et relicques de leur église ; car,
comme il dirent en soy excusant, les aultres chanonnes, leur compaignon, qui c en estoient ailes hors de la cité, les avoient empourtés.
Et, après ce fait, ledit abbé et lesdit chainonnes ce apointairent emsemble et olrent accort ; puis chantèrent la messe bien et sollainellement,
comme les aultre foix on solloit faire.
Item, on dit moix 6, nostre sainct perre le pappe rappellait et par
donnait le mandement, la santences et touctes les poinne qu’il avoit
rescript contre la dicte cité de Metz et sur touttez la comunalté d’icelle
1. Se tenir en mue, se tenir dissimulé, au secret.
2. Huguenin, p. 315. — Philippe a résumé sommairement toute cette affaire.
3. Huguenin, p. 336.
4j,D'^près Huguenin. °P- oit., p. 315, cette ambassade serait du mois de juillet
ou d août précédent. Philippe, ici, aurait interverti les événements.
5. Le 16 août.
6. En août 1462. — Huguenin, p. 316.
LETTRE DE L’EMPEREUR A LA CITÉ DE METZ (DÉCEMBRE
1462)
345
pour le fait de l’archevesque de Mayence et des aultres seigneurs qui
estoient de guerre en l’encontre du devent dit conte paullautin de Rin.
Et apourta la dictes révocacion et absolucion ung clerc, appellé de
Templo ; et fut plantée le jour de la Nativité Nostre Damme, à heure
de prime, au pourtal de la dicte Grand Église de Mets l.
Les ordres en la ville de Vy. — Puis, le samedi après la Saincte Croix,
frère Jehan Ysambart, de l’ordre des Prescheur, et soufïragant de
Mets, fîst les ordres en la ville de Nancey 2. Et, on temps dessus dit,
on tenoit la court dez santance l’évesque en la ville de Vy.
Item, en celle meyme année, ondit moix de septembre, furent
impétrée plusieurs bulles 3 par les devant dit chainonnes de la Grant
Église de Mets, demorant alors au Pont, contre la cité. Et furènt leute
lesdictes bulles, et yceulx mandement publiées, et les coppies plantée
nuitanment par maistre Géraird, l’ung d’iceulx chainonnes, au portai
de l’église Sainct Arnoult et en plusieurs aultre lieux antour de Mets.
Leclre de Vempereu[r] à la cité de Mets. — Puis, aprez, le XXIIIIe jour
de ce meisme moix de septembre 4, en l’an dessus dit, vint en Mets ung
messagier de l’empereur Phéderich, qui apourtait une lettres scellées
de rouge cire. Et fut celle lettre présantée au maistre eschevin d’icelle
cité, présant ung notaire et par instrument, d’une part et d’aultres.
Et monstroient ycelle lettre que lesdit chainonne avoient tellement
besongniez et impétrés devers ledit empereurs que il mandoit et comandoit, par la teneur d’icelle lettre, aux seigneurs et gouverneurs de la
dicte cité qu’il volcissent ressoire, remettre et restituer en leur cité
lesdit chanonnes, qui estoient fugitif au Pont à Mousson, dedens le
terme de IX jours, sur la somme de cent marcquez d’or, sinon doncques
que dedans LX jours lesdit de Mets ne se venissent comparoir par
devent ledit empereurs pour respondre aux choses dessus escriptes.
Apellation de ceulx de Mets contre les chatioingne. — Tantost après,
le XXVIIIe jours du moix d’octobre ensuient, les quaitre comis pour
la cité au faict desdit chanonnes firent une appellacion 5 contre les
bulles que yceulx chainonne avoient heu plantée à Sainct Arnoult et
aultre part. Et fut celle appellacion plantée a pourtal de la Grant
Église de Mets, à l’heure de prime.
Et, ondit moix, fut tenue la court des clerc en Mets par seigneur
Dedier, chanonnc de Saint Salveur.
La ville de Mayance prinze par emblée. — Or, avint que, en ce meisme
moix d’octobre, l’an dessus dit, fut prinse la cité de Mayance nuitan
ment par eschielle par le duc Loys et ses gens ; et tuairent des citoiens
de la cité tant qu’il furent maistres ; et furent tous les biens d’icelle
cité butinés ; et touttes les richesse d’or et d’argent, tant dez église
1.
2.
3.
4.
5.
Le texte a été publié par Huguenin, p. 316-317.
Nomeney (Nomeny) dans Huguenin, p. 317.
Le texte en a été publié dans Huguenin, p. 317 et sqq.
Décembre dans Huguenin, p. 335.
Le texte en est publié dans Huguenin, p. 326 et sqq.
346
GEOFFROI CŒUR DE FER, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (4463)
comme de la bourjoisie, tout fut prins et desrobés. Dont ce fut pitiet
et domaige.
Item, en l’an dessus dit, furent de rechief renvoiez de part la cité
de Mets par devers ledit ampereurs Pbédrich le devent dit Jehan
Gomplement, Claussequin et le petit Thomas, messagiers, pour le fait
desdit chanonnes. Et revinrent en ycelle cité de Mets la vigille de la
sainct Mertin ; et dirent aux seigneur et recteurs de la dite cité qu’il
avoient parlés à l’empereurs, et qu’il leur avoit promis de brief envoier
par devers lesdit seigneurs pour le fait de ce huttin.
Puis, après le XVe jour de janvier, fut secrètement plantée une bulle
à la croix devent le pont des Mors, que les chanoinnes avoient de
rechief impétrés devers nostre sainct père le pappe contre tous les
gens d’église de la cité ; et disoient lesdit chanonnes en leurs bulles
que yceulx éclésiasticque de Mets estoient mauldis, interdis, anathémathisés et privés de leurs bénéfices et offices à tousjoursmaix.
Le roy d’Aragon mande secour a roi. — Item, en celle année, le roy
d’Arragon manda à Loys, roy de France, qu’il luy voulcist faire ayde
et donner secourt, car sa cité de Bacelonne, et plusieurs aultres de sa
subjection et seigneurie, luy estoient rebelle. Et, pour ce que ledit roy
d’Arragon n’avoit de quoy fornir aux frais de la guerre, il vendit au
roy les contez de Roussillon et de Sardaigne *1 le pris de trois cent mil
escus d’or. Et, cella fait, pour prandre possession desdictes contés, le
roy fist grande armée, de laquelle il fist chief seigneur Jacques d’Armignac, duc de Nemours. Et prindrent la ville de Parpignan, et plusieurs
aultres. Mais de ce ne fut pas content le roy d’Espaigne ; parquoy il
envoya embassadeurs en France, disant que c’estoit venir contre les
anciennes aliances de France et de Hespaigne ; et fist assavoir a roy
qu’il aroit volentiers à luy pailement. Sy délibérèrent d’eux assembler ;
et alla le roy vers Bordeaulx ; et là traicta le mariage de damme Magdalenne de France, sa suer, avec seigneur Gaston de Foix. Et là firent les
deux roys appointement de leur différent, en conferment leurs anciennes
alliances ; et puis c’en retourna le roy à Paris.
Cy vous souffise de ce que essés légièrement a j’en ait parlés ; car je
veult revenir à mon prepos, au fait de la dicension de la cité de Mets et
des chainonne d’icelle.
Mil iiiic Ixiij. — Puis, en l’an après, que le milliair courroit par mil
quaitre cent et LXIII, qui estoit l’an XVIIIIe de l’empire du devent
dit Phéderich, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire
Geoffroy Cuer de Fer, chevallier.
Et, en celle année, le VIe jours d’apvril, frère Jehan Ysambair, des
Proicheurs, sufîragant d’icelle cité de Mets, fist le sainct cresme en la
ville de Vy ; et en olrent tous les curez de Mets et du pais.
a. M : liegerement.
1. La Cerdagne.
JOURNÉE TENUE A SAINT-MIHIEL CONTRE LES CHANOINES (1463)
347
Vengence de Dieu. — Or avint, en celle année, ung grant cas et une
chose admirative, car jamais l’on n’avoit veu la pareil. Le cas fut telz
que plusieurs gens, jonnes et vieulx, et la plus part gens estrangiers,
dansoient et tripoient qausy jour et nuyt sans laichier, par X, par XII,
et par grant troppeau, tant qu’il estoient sy lassez qu’il ne se pouoient
soustenir. Et voloit on dire que c’estoit. du bien Sainct Jehan ; mais
on n’en sçavoit la vérités, car jay aultreffois on ait veu telle chose
advenir 1.
Régné de Cecille retournés de Provence. — Item, en la dicte année et
on dit moix d’apvril, revint le roy Régné de Secille du pais de Pro
vence et de Mercelle ; et fut à Bar et à Sainct Mihiel et a Pont à Mous
son, avec sa femme la royne. Et pareillement y estoit la royne sa fille,
et femme a roy Henry d’Angleterre, et duquelle je vous ait heu par cy
devent parlés durans la guerre des Roy, que le mariaige en fut fait à
Nancy. Mais, alors, celle noble damme, fille a devent dit René, estoit
deschaissée et déjettée d’icelluy royaulme d’Angleterre par le duc
d’Iort, que se disoit roy dudit pais. En la compaignie dudit roy René
estoit celluy roy Hanry, son gendre, et Nicollas, filz le duc Jehan de
Loherenne, mairquis du Pont, Ferry, conte de Wauldémont, sa femme,
fille audit roy René, et son filz, et plusieurs aultres nobles et gentilz
homme. Et dcmourairent ung ans aux païs.
Journéez tenue des seigneur de Mets contre les chanoingne. — Durant
laquelle les quaitre comis pour lez affaire de la cité a fait dez chainonne y furent veoir, c’est assavoir Poince Baudoche, seigneur Ré
gnault le Gornaix, ambedeux chevaliers, seigneur Geoffroy de Warize
et seigneur Nicolle Roucel, de Change. Et furent yceulx devent dit
seigneurs et comis pour la cité journier 2, à belle compaignie dez soldoieur de Mets, audit lieu de Sainct Mihiel, devent le dit roy de Cecille,
contre lesdit chainonnes, qui pour lors estoient demourant a Pont
à Mousson, comme dit est devent. Mais à celle journée ne volurent mie
lesdit chanoinnes faire a grey ne à la requeste dudit roy René ; et ce
despartirent sans riens faire. Parquoy, voyant ledit roy leur arederies 3,
fist dès incontinent defïendre qu’il ne fussent plus soustenus en nulz
lieu de la duchiez de Bar ne de Lorraine, ne a Pont à Mousson, où à
présent il estoient. Et, dès alors, par ung mécredi, Xe jour de novembre,
se despartirent de ce lieu du Pont, et c’en allirent demorer à Wy.
Et, en ce lieu, furent ressus de l’évesque ; et furent ordonnés de chanter
et faire leur service à Saint Estienne de Wy. Et avoit celle devent dicte
journée ëstés tenue on moix d’octobre, présant l’évesque de Verdun et
plussieurs aultres seigneurs, barons, chevalier et escuiers.
1.
2.
dits,
3.
tion.
Voyez aussi Husson, p. 97.
Journoier, tenir journée, conférer. — Il faut construire : Et les seigneurs devant
commis pour la cité, furent conférer à Saint Mihiel.
Dérivé du verbe aroider ou aroidir, se raidir ? Ce mot serait synonyme d obstina-
348
UN ENVOYÉ DE L’EMPEREUR A METZ (DÉCEMRRE
1463)
Une aullre journée tenue à Nomynei. — Item, le dernier jour de jung,
fut encor tenue une journée devent l’évesque de Mets, en la ville de
Nommeny, des seigneurs comis et des chanonnes. Et, à celle journée,
y estoient Benefacti, trésoriers de la Grant Église, et maistre Phelipe,
lesquelles nouvellement estoient revenus de Romme pour le fait desdit
chainonne. Et ne fut encor rien fait pour celluy jour.
Ambassade de l’empereur à Mets. — Puis, après, à la fin de l’an, le
Xe jour de décembre, vint en Mets, on non de Phiederich l’ampereurs,
ung noble et vaillant chevalier baneret, acompaignié environ de
XVIII personne, entre lesquelles y avoit plusieurs docteur, chevaliers
et aultres noble gens. Et luy furent au devent les jonnes seigneurs et
soldoieurs de Mets, et luy fit on ung joieulx recueille. Et puis, après qu’il
fut dessandus, la cité luy fit présent de deux gras buef, XXV chattrons,
L quairte d’avoinnes, et deux cawes de vin blan et rouge ; et, avec ce,
luy fut faictes une bonne chière. Et demeurait XV jours en la cité,
durans lesquelles il fut visiter la plus grant partie des église collégialle
et monesterre de Metz et de dehors. Et fut plusieurs fois oyr messe à
la Grant Église d’icelle cité ; entre lesquelles messe en fut chantée une
en sollennité pour luy faire honneurs, c’est assavoir les grosse cloches
sonnant, le luminaire entour du cuer ardant, et les orgues juant.
Et au monestère de Saint Arnoult devent les pourte d’icelle cité en fut
fait parcllement. Aussy, par touttes les église où le dit embassadeurs
fut, les autel estoient parés, et le bancquet pour bancqueter, luy et les
siens, estoit aprestés. Et fut en l’église de Sainct Siphoriens touchiez
dez relicques et juelz ; et en la salle où estoit le bancquet parés fut ledit
seigneur ambassadeurs, et print le vin de la mains seigneur Poince de
Champel, qui alors estoit abbé. Et fut son logis en l’ostel Jehan Gomplement, devent le Sainct Esperit. Et, quant il voult partir, les seigneurs
de Mets firent dire à son hoste qu’il ne demandait riens pour ces des
pans, et que eulx meisme le paieroient et contenteroient. Et fut donnez
audit ambassade, à son despairt, une belle coppe d’or, et, dedans
ycelle, ung millier de florin de Rin. Cy partit de la cité le vandredi
devent Noël, XXIIIe jour de décembre, et, de sa voye, c’en alla en la
ville de Wy, de cost les chanonnes. Puis retournait devers l’empereurs,
son seigneur, de part lequelle il estoit venus. Maix, devent qu’il se
despartit de Mets, furent tenues plusieurs journées à Sainct Arnoult
pour celle dissancion que la cité avoit en l’encontre desdit chainoine.
Auquelles journées fut tousjours seigneur George de Baude, évesque
d’icelle. Et ne firent rien de leur proffit.
Raichel des terre de Picardie. — En celle dicte année, le roy Loys de
France désengaiga les terres de Picardie estans sus le long de la rivier
de Sonme : c’est assavoir Amiens, Sainct Quentin, Corbie, Arleux,
Mortaigne, Abbeville a, Ponthieu, et aultres que, par le traictié fait en
la ville d’Arras par le feu roy Charles en l’an mil IIII cent etXXXV,
avoient esté baillées au duc de Bourgongne en gaige pour la somme de
a. M : Albeville.
PIERRE BAUDOCHE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1464)
349
quaitre cens vielz escus d’or, de LXIIII au marc, comme cy devent
ait estés dit. Laquelle somme fut paiée comtent. Et, parmy ce, furent
lesdicte ville et seignourie remise és mains du roy et de la couronne de
France.
Mais de ces chose je lairés le parler, pour retourner a maistre eschevin
de Mets et a fait desdit chainongnes.
Mil iiiic Ixiiij. - En l’an aprez, XXVe de l’empire de Phiederich
l’empereufs, qui est l’an de la nattivité Nostre Seigneurs mil quaitre
cent LXIIII, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire Pierre
Baudouche.
Journéez en vain tenue à Thionville. - Et, en la dicte année, fut tenue
une journée en la ville de Theonville devent ung légal de nostre sainct
perre le pappe, des quaitre seigneurs comis de par la cité contre lesdit
chanonncs. Et ne firent riens.
Jehan de Calabre retournés aux paiis. — Item, en celle année, on moix
d’aoust, revint Jehan, duc de Calabre et de Loherenne, de baitaillier
et mener la guerre en l’encontre du roy Pharando *, filz au roy Alphonce
d’Aragon, on royaulme de Naples. Et, ung poc de tampts après, se
despartit René, roy de Secille, pour aller on pays de Provance.
Et je, Philippe de Vignuelle, composeurs et escripvain de ces pré
sente cronicque, ay de mon jonne aage estés és lieu et place en ycelluy
royaulme de Neaples, on païs de Puilles et en terre de Laboure, là où
ce firent lesdicte baitailles d’icelluy duc Jehan en 1 encontre de la
puissance dudit Ferrendo et du roy Alphonce. Entre lesquelles bai
tailles la derniers fut faicte à deux mil ou environ de la cité de Neaple,
en ung lieu que en celluy tampts ce nommoit Mont Impérial, aupiès
d’une ville nommée Dilloule ; et maintenent ce nomme Ponge Reaul,
qui à présant est l’ung des biaulx lieu de plaisance qui soit a monde.
La mort du pape Pie; Paul ije esleu. - Item, en celle meisme année,
on moix d’aoust, le X® jour, morut et trespassa de ce monde pappe
Pius second ; et, le XXVIIIe dudit moix, fut esleu en pappe Paul,
deusiesme de ce nom, qui estoit Vénicien, et cousin du pappe Eugène.
Et fut celluy confermés le IXe jour de septembre, 1 an dessus dit.
Celluy pape estoit par avant cardinal de Saint Marc, nommé 0 Pierre
Balbus. Et approuva la feste de la Piésentacion de la vierge Marre,
comme avoit heu fait son prédécesseur, pape Pius. Il fist en son tampts
acomencer ung sumptueux palas à Sainct Marc, lequelle î aissa
imparfait. Et plusieurs aultrez chose fist ledit pappe, lesquelle je laisse
ad cause de briesté. Et morut le XXIe jour de juillet, l’an mil quaitre
cent LXXI ; et, ainsy, ne régna que Vil ans.
La mort de Cosme de Médicis. - Paireillement, en ce meisme moix
d’aoust, l’an dessus dit mil quaitre cent LXIIII, morut et déviait de ce
a. M : momme.
1. Ferdinand, Fernand ou Ferrand, fils naturel d’Alphonse V, roi d’Aragon, commença en 1458 de régner sur Naples et la Sicile.
350
DÉBUT DE LA CHRONIQUE DE JEAN AUBRION (1464)
monde Cosme de Médicis en Florence, qui alors estoit le plus riche
homme de la terre cresticnne, d’or et d’argent contant, sans avoir
haulte seigneurie. Et, en sa vie, ait fait fonder plusieurs église et
hospital pour les povres gens soubtonir, pour l’amour de Dieu ; et leur
a donnez cences, rantes pour tousjourmaix eulx gouverner.
Les seigneur de Mets en Lliorainne. — Puis, on moix de septembre
après, seigneur Jehan Baudoche, seigneur Geoffroy de Warixe, seigneur
Régnault le Gournaix, chevalier, accompaignié de belle compaignie de
soldoieur de Mets, furent envoiés de par la cité devers le dit duc Jehan
de Lorrainne pour luy dire qu’il fut le bien venus ; et leur fist ledit
seigneurs bonne chier.
L’ospiialz de la Trinité fondée en Mets. — Aussy, on tempts dessus
dit, Jehan, c’on dit Boy le Vin, aultremcnt dict Jehan de Mets, que
par loing temps avoit demoui é en Avignon et en plusieurs aultre pais,
auquelle il avoit gaingnié ung grant avoir, à son retour en Mets, fist
faire la neuve hospital de l’église de la Trinité, pour logier les povre
gens, pour Dieu.
Item, le XIe jour du moix d’octobre, ce partirent de Mets pour aller
à Romme pour la cité en l’encontre desdit chanonnes maistre Guil
laume Bernard, docteur et pencionaire de la cité, maistre Thierry
Thieriat, l’amant, seigneur Anthonne Gremessuel, chanonne de Sainct
Saulveur, acompaigniés de V aullres personnaige pour les servir.
Le marquis de Rutelin en Mets. — Puis, après, en l’an dessus dit, le
XVIIIe jour de janvier, vint en Metz le marquis a de Rutellin. Auquelle
la cité fist présant d’une cawe de bon vin et de XXX quartes d’avoinne.
Les cronicques et diverse advenue ycy devent mise et escripte ont
estés par moy, Philippe de Vignuelle, prinse et recueillie en diverse
traictiés et voullume, et diverses personnaigez en ont heu mis aulcune
chose en mémoire et les ont heu couchiez par item, aincy comme il
l’antendoient. Entre lesquelles ung curé de Sainct Eukaire en Mets ait
heu escript la plus grant partie d’iceulx item et des chose advenue en
ycelle cité jusques à cest année présante ; avec aussy plusieurs aultrez
qui en ont heu escript comme luy. Puis, en cest année, est venus ung
très éloquent homme, saige et entendus, nommés Jehan Abrion,
l’escripvain, citains de Mets. Lequelle, depuis celluy ans mil quaitre
cent et LXIIII, ait heu mis en mémoire une grant partie des advenue
et chose estrange d’icelle cité, et ait tousjour lesdit item et mémoire
continués en jusques en l’an mil Ve après venent *1. Plusieurs aultre
comme luy en ont heu escripts, chacun cellon son entendement, ainssy
comme il ont veu et aprins. De tous lesquelles je, Philippe dessus dit,
a. M : maquis.
1. Le Journal de Jehan Aubrion a été publié par Lorédan Larchey, Metz, Impri
merie Blanc, 1857, d’après un manuscrit, aujourd’hui conservé à Vienne, qui a été la
propriété personnelle de Philippe de Vigneulles. — Nous citerons l’édition Larchey
en mentionnant seulement le nom d’AuBRioN, suivi du numéro de la page.
•lEAN DE HEU 'A ROME
(23
JANVIER
1464 a. st.)
361
en ait quelque peu recueillis a, et avec plusieurs aultre traittiés et
voullume les ais concordés et joing ensemble, cellon la Mer des Istoire,
de maistre Jehan de Belge, de Jehan Frossart et de maistre Robert
Gauguin.
Seigneur Nicolle de Heu à Romme. — Or b pour revenir a prepos,
et en continuent lesdictes cronicque, advint que, en celle meisme
année, le lundemain de la sainct Vincent, se partit de Mets le seigneurs
Jehan de Heu, filz au seigneur Nicolle de Heu, l’ament, pour aller
visiter lé sainct lieu de Romme, de Sainct Nicolas de Bair et de Jhérusalem ; et enmenait avec luy Geoffroy Papperel, filz de seigneur Nicolle
Paperel. Et, en passant à Romme, ledit seigneur Jehan parla à nostre
sainct perre le pappe pour le différant estant entre la cité de Metz
et les chainonne devent dit, lesquelles, en l’an XIIII0 LXII, le jour de
la Division des Apostre, s’en estoient partis de la cité, eulx XXV,
comme ycy devent ait estés dit. Et fist tant ledit seigneur Jehan de
Heu, avec maistre Guillame et maistre Thiriat, que alors estoient
envoiés à Romme pour la cité, comme dit est devent, que la dicte cité
de Mets fut absoulte de la sentence d’excomuniement que yceulx
chainoinne y avoient fait mestre et gecter.
Item 2,
* 1ung peu de tampts après, revint et retourna à Mets ledit
maistre Guillaume. Mais il laissait à Romme le devent dit maistre
Thierey pour tousjours solliciter le procès acomenciés contre yceulx
chainonnes. Et rapourta ledit maistre Guillaume les nouvelles de ce
qu’il avoient espédiés pour le fait de la cité, et cornent ledit seigneur
Jehan de Heu c’en alloit oultre mer en Jhérusalem.
Puis 3, tantost après, la cité et le conseil renvoiait audit lieu de
Romme ung appellé Jehan de Lande, lequel avoit esté clerc de Sainct
Vincent par l’espace de IX ans ; et fut celluy envoiez devers ledit
maistre Thiery pour tousjours mieulx solliciter le fait de la cité.
[début DU RÈGNE DE LOUIS XI, ROI DE FRANCE, ETC. ;
LA GUERRE « DU BIEN PUBLIC ))]
Le roi Loys en Picardie. — Item, en celluy tampts et en la dicte
année, on moix de may, le roy Loys de France ce partit de Paris, et
c’en alla visiter en personne les terres et villes de Picardie qu’il avoit
l’année précédente rachetées ; et y fut par aulcuns tampts. Puis c’en
retira par Ponthieu en la Normandie ; et, après, s’en alla en Touraine,
et, de là, à Poictiers. Et menoit tousjour avec luy seigneur Charles de
France, duc de Berry, son frère.
a.
1.
2.
3.
M : recuueillis.
Aubrion, p. 3.
Aubrion, p. 4.
Aubrion, p. 4.
352
LE FRÈRE DU ROI LOUIS XI S’ENFUIT EN BRETAGNE (MARS
1465)
Le roy deffent loulte chasse ei vénerie. — Or, avés ycy devent oy le
chaitoiement 1 et la lesson que Phelippe, duc de Bourgongne, avoit
donnés à son despairt audit roy Loys : de quoy ne luy en souvint en
riens, ains fîst tout le contraire de son chaitoy. Car, luy qui avoit le
couraige envellopé en férocité et aspreté, comensa à faire plusieurs
chose malz faictes. Tellement que, dès son acomencement, et après ce
qu’il avoit estés couronnés de nouviaulx, il defïandit et prohiba touttes
chasse et vénerie, et estimoit que c’estoit crime de nourir chiens et
oyseaulx, et user de restz et filiez, et ne voulloit point que nulz en
husait, sinon d’autant qu’il le permetoit.
Et, avec ce, desprisoit lesprinces de son royaulme, ne ne les appelloit
point, et ne se conseilloit à eulx à la conduite des grans affaires de son
royaulme, mais se conseilloit et gouvernoit par petittes et menus gens
de basse condicion. Parquoy, à cest occasion, vindrent les grant haine
et discord. Et, encor daventaige, il essaulsoit yceulx homme estrait de
petitte lignié, et les eslevoit en honneurs et seignourie. Et la raison estoit
qu’il ne pourtoit pacientement et ne souffroit estre reprins par aulcune
raison, et yceulx le complaisoient et entretenoient en ces follie et
vouluntés. Et, à cest cause, les princes, par luy mesprisés, avec grant
partie de la noblesse de France, délibérèrent de abandonner l’aliance
dudit Loys affin de deffandre et garder encontre luy leur dignité et
franchise. Et furent alors envoiés secretz messagiers les ung aux aultres
pour santir et faire enqueste de ce que chacun sentoit de soy. Et, quant
tout fut bien apointés, le duc de Bretaigne envoya ses ambassade devers
le dit roy Loys, qui estoit en Poictou, comme dit est, et faindant
qu’il ne sceut rien de l’antreprinse ; et eurent plusieurs parolles ensamble, que je lesse pour abrégier.
Le frère du roy c’en va en Breiaingne. — Mais, après qu’il eurent
prins congié du roy, il ne furent pas environ que VI lue loing que
Charles, frère dudit roy, lequelles 2, par le compromis qu’il avoie
ensemble, ce desroba et occultement eschapa, et tant ait chevaulchiés
que hastivement ce retira vers lesdit ambassade, et avec eulx c'en
alla en Bretaigne, où Jehan, conte de Dunois, principal consulteur de
telle 3 fuyte, le atandoit ; car ainsy avoit esté dit et machiné entre les
princes.
Exortalion du roy faicte aux Parisiens. - Quant le roy Loys fut advertis de celle fuytes et rébellion, et vit que la plus part des princes c’estoient bandé encontre luy, il fut merveilleusement troublés, couroussiet
et doullans. Et, pour ce, affin de éviter plus grant dangiers, bien hâti
vement envoya à Paris, avec lettres, Charles de Melum, Jehan Balue,
lequel depuis fut cardinal de Romme, et Jehan, prévost, et plusieurs
aultres, pour enhorter les Parisiens de estre fermes en leur foy, monstrant le dangier qui leur en pouroit advenir, parquoy estoit besoing de
1. Chastoiement, comme chastoi (p. 340, n. 1), signifie avertissement, conseil.
2. Il faut supprimer lequelles pour que la phrase devienne régulière.
3. De celle fuite ?
JEAN LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1465)
353
moult soigneuse garde à ce que nouvelles esmeutes ne ce levassent en
leur cité, qui est chief et capital du royaulme de France, et que, c’il
estoient fermes en leur foy et alliance “, il ne les failloit craindre ne
doubler. Et, par cest remonstrance que leur fist le roy, les Parisiens
furent plus enclins à obéyr. Et alors estaublirent bon guet par la ville,
et firent restaurer et remestre à point les chaîne par les carrefours de la
ville ; car, alors, acomensairent à sortir plusieurs guerre et riblerie
par le royaulme.
Le roy liève gens. — Tellement que Loys, voyant les choses ainsy
aller, appella en son ayde Régné, duc d’Anjou, que l’on appelloit roy de
Cecille, et Charles, conte du Maine, avec lesquelles leva le roy une forte
armée de XXX mil combatans, dont la pluspart furent baillés en la
conduite dudit Régné et de Charles, son frère. Et, alors, chevaulchait
le roy vers le pais de Bourbonnoys, qui est voisin de Berry, où il print
d’assault le chasteau Sainct Amand, et plusieurs aultre ville et for
teresse, qui ce mirent en ces mains.
Charles de Bourgongne liève gens. — Et, en ce tampts, couroit jà le
bruyt que Charles, filz au duc Phelippe de Bourgonne, avoit levé une
armée pour la joindre avec les aultres conspirateurs, du nombre desquelz il estoit. Et estoit ce bruit vérité, veu que Anthonne, bastard
du dit Phelippe de Bourgongne, et le mareschal, avec plusieurs bandes
de gens d’armes, qui venoient des premiers, prindrent Mondedier et
Roye. Parquoy fut alors comendés aus Parisiens que chacun fut armés
et en point, et que l’on fist bon guet sur la muraille ; et, avec ce, que
par tout les carrefours de la ville fussent mis de nuit falotz et flambeaulx ardens. Car l’armée au duc Charle de Bourgongne ce aproichoit,
corne ycy aprez en aultre lieu il serait dit.
Cy vous lairés d’icelle guerre le parler pour retourner a mastrez
eschevin.
Mil iiiic Ixv. — Puis, en l’an de nostre Rédemption mil quaitre cenc
LXV, et en la XXVIe année de l’empire du devent dit Phéderich, fut
fait et créés maistre eschevin de la cité de Mets le sire Poince le Gournaix, chevalier *1.
Plussieurs seigneur arivés à Mets. — Et 2, en celle année, vinrent
et arivairent en la dicte cité plussieurs grans seigneurs estrangiers, et à
plusieurs fois, venans de diverse lieu et contrée ; auquelles furent fait
plusieurs présent, tant d’avoine comme de chair et de vin. Premier,
y vint le bastard de Bourgongne, l’archevesque de Besanson, seigneui
o. M : allance.
1. Jehan le Gornaix, filz seigneur Poince le Gornaix, chevalier, qui fuit (Aubrion,
p. 4).
2. Aubrion, p. 5.
354
DISSENSION ENTRE L’ÉVÊQUE ET LA CITÉ DE METZ (1465)
Simon de Lalenne, le mareschal de Bourgongne, le conte de Campebas 1,
le marquis de Fairraire et le seigneur de Montagus 2.
La cité et l’êvesques de Mets en division. — Item 3, avint que, en celle
meisme année, ce esmeust ung nouviaulx desbat entre la seigneurie
de la cité de Mets et leur évesque, pour le fait d’ugne censive annuelle
de Ve livrez que ledit évesque devoit ennuellement à plusieurs parti
culiers de la dicte cite. Et tant que, pour estre paiés d’icelle censive,
le seigneur Jehan Bollay et le seigneur Michiel le Gournaix, ambedeux
chevaliers, que commis estoient pour lesdicte censives à chessier et à
poursuiie, firent plusieurs gaigiers sus ledit évesques. Et, de fait,
priment, par plusieurs fois et à plusieurs course, les vaiches d’Airs et
d’Ancey, avec plusieurs corps d’homme dez villes de Chastel et de
Lessey.
Or 4, avint, à l’acomencement de celle gaigiers, que mon seigneur
de Loherenne envoiait prier à la cité que on voulcist ung poc cesser de
gaigier, et qu’il voulloit appaisier les parties. Et on luy octroya sa
demande, et olrent triêve par l’espaisse de VII sepmaine, durans
lesquelles on en fut à journée amiable, présant ledit évesque. Maix on
ne polt avoir accord pour celle fois. Et tellement qu’on racomensail
à gaigier sus ledit évesque ; et, de fait, on gaigeait comme de nou
viaulx.
Item 5, 6encor de rechiefz, on temps d’icelle gaigier, priait mon sei
gneur de Charolois, filz de mon seigneur de Bourgongne, à la cité ou à la
seigneurie d’icelle que leur plaisir fut de encor donner aulcuns respit
au devent dit évesque, affin de ce pourveoir dedans brief tempts. Et on
luy octroiait sa requeste, et furent trêve données entre les partie,
de VI sepmaines, durant lesquelles vint ledit évesque en Mets pour en
tenir journée. Mais on ne polt avoir accort. Et tellement que l’on
racomensait à gaigier plus asprement que l’on n’avoit fait aparavent.
L’êvesques à Mets. — Puis 6, Ce voiant ledit évesque que lesdit de
Mets ne laichoient point à le gaigier, priait luy meisme à la cité qu’il
puist encor avoir ung poc de terme, et qu’il voloit faire ce que à raison
appartenoit. Et on ne luy reffusait pas sa demende ; ains luy fut encor
donnée trêve pour ung moix anthier. Durans lequelle revint encor ledit
évesquez en Mets. Et luy furent au devent les soldoieurs de la cité, par
l’ordonnance de leur maistres, les Septz de la guerre, en jusques à
Nommeny, à grant compaignie ; et fut ledit évesque ressus en ycelle cité
comme à luy apartenoit. En laquelle il ne demourait que VIII jour.
Et ce despartit d icelle sur bon traictiés desdictes gaigiers, et aussy sus
le traictiés de la dissancions des devent dit chainonnes.
1. Campobasso, d’origine napolitaine, fut au service des ducs de Lorraine et des
ducs de Bourgogne.
?. Aubrion, p. 5, ajoute après Montagus : son père. — Huguenin, op. cit., p. 342,
donne des détails plus complets sur ces diverses réceptions.
3. Aubrion, p. 5.
4. Aubrion, p. 5.
5. Aubrion, p. 5.
6. Aubrion, p. 5.
ORDONNANCÉS A METZ POUR LA GARDE DE LA VILLE (1465)
355
Item *i, ce tampt pandant et en celle meisme année, le VIe jour de
jullet, advint une grande fortune és biens de terre, de malvais tampts
plains de tempeste, orible et dangereux ; et cheut fouldre et grelle
merveilleusement grosse, de laquelle furent tempestés plusieurs bans
et fins de plusieurs villes de la terre de Mets, tant les bledz comme les
vin. Maix touttefïois, la mercy à Dieu, le bledz ne le vin n’en furent
alors point plus renchéris ; car, en celluy tempts, y avoit tant de bief
que l’on avoit la quairte de froment pour III sols, et le soille 2 pour
II sols et pour XX deniers, et tout le milleur vin de la cité ne ce vandoit
que III deniers la quairte, et, d’aultre, plus maindre, l’on les donnoit
pour II deniers ou pour ung denier, et en trouvoit on assés à ce pris
parmy la ville.
Divisions aux royaulme de France ; ordonnances en la cité de Mets. —
Item 3, aussy, pour ce que en cellui tamps et en celle meisme année ce
assembloient gens de plusieurs contrée pour le fait d’icelle guerre
nouvellement esmeute entre les princes du royaulme de France avec
le duc de Bretaigne, mon seigneur de Berry, frère du roy, mon seigneur
de Charolois, filz a duc de Bourgongne, mon seigneur de Lohereine,
et plusieurs aultrez, comme ycy devent ait estés dit, parquoy grant
armée ce assambloient de touttes pars, pour lesquelles armées la cité
se doubtoit aulcunement, à l’ocasion de ce que plusieurs fois l’on y ait
heu envie, et tant que, pour ces chose et plusieurs aultres, fut ordonné
par le conseil qu’il y aroit touttes les nuitz, sur chacune des septz
pourte d’icelle cité, deux arbellestriers avec les gairde ordinaire. Et
faisoient yceulx arbellestriers l’essairgaitte 4 touttes les nuit par dessus
la muraille. Et, encor daventaige, pour ce tampts furent mis plusieurs
soldoieurs au gaige.
Et 5 puis, tantost environ ung moix après celle ordonnance faictes,
pour ce que il sambloit que yceulx arbellestriers gaignoient gros gaige,
il fut passés par le conseil qu’il fussent dépousés d’icelle office et cassés.
Et fut alors ordonnés de prandre parmy la cité des josnes gens, telz
comme lez clerc et les filz des bourjois et marchamps, qui ne faisoient
encor point la haulte pourte ; et, d’iceulx clerc et josnes filz, l’on en
fista aller à chescune desdicte portes6 deux pour chacune nuyt
pour faire l’assairgaitte sur la muralle en la manier que lesdit arbelles
triers le faisoient.
Ceulx de Mets requis de laisser passer gendairme. — Or 7 avint, en ce
meisme tempts, le XVe jour de juillet, que le seigneurs Guillaume de
а. M : filz.
1. Aubrion, p. 6.
2. Et moitauge (corriger moitange, méteil) et soille pour ij sols et pour xx deniers
(Aubrion, p. 6).
3.
4.
5.
б.
j.
Aubrion, p. 6.
Le guet. C’est le mot français échauguette (escharguaite).
Aubrion, p. 6.
A chacune de sertainne porte (Aubrion, p. 7).
Aubrion, p. 7.
356
MISE EN DÉFENSE DE LA VILLE DE METZ (1465)
Sousoigne 1 vint à Mets en ambassaude pour mon seigneur de Bourgongne ; et fut menés devant le conseil, priant à la cité, on nom de son
seigneur, que il leur pleust de laissier passer XII mil hommes d’armes
parmy le païs de Metz, lesquelx mon dit seigneur de Bourgongne
envoiait en ayde au devent dit seigneur de Charolois, lequelle alors
estoit desjay en France bien avant. Et le conseil luy respondit que au
roy de France ne à mon soigneur de Bourgongne ne volloiont ilz faire
point d’enpeschement pour leur gens passer, ne autrement, par ainsy
que la cité n’y heust point de dopmaige, ne leurs subgectz aussy.
Visitacion faicie anlour des muraille de Mels. — Et 2, incontinent,
furent commis aulcuns des seigneurs de la dicte cité pour aller visiter
les tours sur la muraille, se toutte l’artillerie estoit bien en point, et s’il
y failloit rien. Et y furent commendés les maistres et six 3 de ung
chacun mestiers, auquel fut ordonnés, ung chacun endroy luy, que
touctes leurs tours fussent formes de ce qui estoit nécessaire à deffence
de guerre. Et furent alors faictes plusieurs serpentines et collevrines,
et aultre engins nouviaulx.
Tantost 4 après, le thier jour du moix d’aoust, revint maistre Thierrey de Romme. Mais sa venue ne fut en riens profltauble pour la cité,
car il ne rapourtait oncquez nouvelle dont on ce sceust à quoy tenir.
Et, jà ce que luy et maistre Guillaume y eussent estés par l’espaisse de
X moix, à gros frais et despans de la cité, néantmoins il ne firent à
court de Romme aulcuns esplois en l’encontre d’iceulx chainonne qui
fut de vallue ; parquoy le conseil n’oit mye grand volunté de les y
renvoier.
Item 5, aussy en ce meisme jour, revindrent de Romme, avec ledit
maistre Thiery, le sire Anthonne Gremesuelz et Jehan Motin, ambedeux chanonnes de Sainct Saulveur. Lesquelx y estoient allés pour tout
le chappistre de Sainct Saulveur enthièrement, en l’encontre d’ung
prebstre qui avoit esté bourcier d’icelle églisede Sainct Saulveur, lequel
avoit receu ung malvais florin. Et, quant se vint à rendre compte,
lesdit seigneurs de Sainct Saulveur le volrent contraindre, et, de fait,
le constraindirent de faire ycelluy florin bon. Mais, avent que la fin en
fut faicte, il leur coustait bien chier. Car ledit prebstre, pour cestuy
fait, s’en allit à Romme, et fist citer tout le chappistre enthièrement
dudit Sainct Saulveur ; et, après la dicte citacion, donnée 6 sentence
d’excommunicacion. Tellement qu’il convint ledit chappistre y envoier ;
et, de fait, y furent envoiez les deux dessus dit, lesquelx rapourtairent
leur accort et leur absolucion. Maix se ne fut ce mie que 5, pour ycelluy
1. Guillaume de Saneuse (Huguenin, p. 344).
2. Aubrion, p. 7.
3. Les maistres et les vj de tous les mestiés de Metz (Aubrion, p. 7). — Voyez, sur les
trente deux tours des métiers de Metz, la note de Lorédan Larchey (Aubrion, p. 7,
n. 2).
4. Aubrion, p. 8.
5. Aubrion, p. 3.
6. Donner.
j. Mais il n’en arriva pas moins que...
LA GUERRE DITE (( DU RIEN PUBLIC » (1465)
357
malvais florin, ledit chappistre de Sainct Saulveur n’en perdit plus de
Ve bon florins, avent ce que l’acort en fut fait, tant en fraiz et en despens comme en aultres dompmaiges.
En ce meisme tampts, et durans que ces chose se faisoient en Mets,
se continuoit tousjour la guerre en France de plus en plus. Et tellement
que, en ensuiant ce que j’ay dit devent du devent dit Charles, filz du
duc Phelippe de Bourgongne, duquel tous les aultres conspirateurs
attendoient grant ayde, vous devés sçavoir que, en ce tampts et durant
ces jour, et après qu’il eust assemblés ces gens, desquelles une partie
passairent par le païs de Mets, comme j’ai dit devent, mena son armée
à Pont Sainct Maxent, sus la rivier de Ayse *1.
Le duc de Bourgongne promect liberté aux paiis de France et abollit les
taille. — Et, alors, tous ceulx qui estoient délibérés de préparer lez
armes encontre le roy Loys avoient ensemble déterminés de eulx
assembler, affin qu’il puissent remettre en liberté le puple, qui estoit
foullés de tailles et gabelles. Car, affin de attraire le puple à soy, ledit
Charles de Bourgongne, lequelles depuis mourut devent Nancey, tout
par tout les lieu où il passoit, promectoit a peuple liberté et franchise,
affin de les attraire à soy. Et, par ces choses ainsy faictes, mist plu
sieurs ville en sa puissance, les unes par telle parolles comme cy dessus
ait dit, les aultres par dons, et les aultres par force et puissance. Et,
affin de mieulx pervenir à son intencion a, entre les aultres ville et
places, il occupa Laigny ; auquelle lieu il fist bruller les livres des
comptes des receptes des deniers du roy sus les tailles et tribus. Et,
daventaiges, ouvrirent les chambres et greniers où estoit le sel, lequel
fut abandonnés à en prandre qui en voulloit, en paient seullement le
droit du marchant. Et firent anoncier que touttes choses seroient
franches de tribut.
Paix simulée. — Ce tempts durant, le roy Loys estoit à Bion, en
Auvergne, acompaigniés de XXIIII mil homme, tous bons combatans
et très expers en la guerre, par le long usaige de gendarmerie. Parquoy,
après plusieurs chose que je lesse, fut la paix faictes entre luy et e
Bourgongnon. Et tellement que, le XIIIe jour de juillet, fut celle paix
promise, jurée et crantées, et mise en escript par noctaires apostoli
ques, soubz paine d’excomunicacion, qui feroit ou viendroit au contrai
re. Parquoy, les nouvelles venue à Paris, on en fist pourcession et feu
de joie.
On refuse l’entrée à Paris aux duc de Bourgongne. — Mais celle paix
ne durait guerre. Car, pour ce que les Parisiens ne voulrent laissier
entrer le dit Charles de Bourgongne, avec touttes sa puissance, dedans
la ville, ains tiroient d’artillerie et résistoient de leur puissance, et
tellement que plusieurs en furent des tués, qui demourairent dessus e
a. M : intecion.
1. L’Oise. — La forme Ayse n’est pas une faute, mais reproduit une prononciation
réelle.
358
BATAILLE DE MONTLHÉRY
(16 JUILLET 1465)
champs, car Joachin Rouault, capiteine, avec bonne compaignie de
gens d armes tenant pour le roy, estoit à cest heure à Paris ; parquoy
le dit de Bourgongne de celle résistance et de ces gens ainsy tués fut
couroussé, et comença à menacer la cité ; et, voiant que continuelle
ment on gectoit bonbardes et aultre trectz des muralles dessus ces gens,
il c’en retira avec son armée a pont Sainct Cloud, lequelle fut prins,
avec le chaisteau. Et, illec, oit nouvelles que Charles, frère a roy Loys,
venoit en son ayde par la Beaulce avec les Bretons ; parquoy il mena son
armée à Montlehéry.
Bataille à Monllehérei entre le roi de France et le duc de Bourgongne. Et, alors, le roy Loys venoit à Paris, pour résister encontre le Bourgongnon. Mais, quant il congneut que son frère le venoit assaillir par derrier,
et que devent luy avoit le Bourgongnon, il prepousait que, avent la
venue de son dit frère, il assauldroit et vainqueroit les Bourgongnon ;
et, cen voulloir atandre le grand nombre de piétons qui le suivoient,
avec grand multitude de chevaulcheurs, ne sans donner espace à ces
gens de soy reposer, comme chault et boueillant de fureur, donna
assault aux ennemis. Lequelle fut espoventable et plain de sang, car
plusieurs des Bourguignon qui batailloient en l’avangarde et premier
pointe s en fouyrent, et grand nombre d’iceulx furent occis ou prins en
a fuyte. Lors les Parisiens, oyans le bruit, se mirent tous en armes et se
respandirent parmi les champs pour prandre la proie des fuytifz.
ais Loys, conte de Sainct Paul, lequelle depuis fut connestauble de
France et oit la teste tranchée à Paris, qui tenoit en ordre de camp le
résidu de 1 armée des Bourgongnon, admonestoit trefïort ses gens
d armes de soustenir l’assault du roy ; lequelle, après ce qu’il en eut
îespandus une partie, assaillit l’autre, et tourna son artillerie vers les
Françoys ; desquelles il en occist plusieurs de illustre non et encienne
noblesse. Ainsy fut la baitaille très cruelle, en laquelle on combaitoit
de tous costez sans nul espergner, sy que meisme le roy, vertueusement
combatant entre les siens, estoit en grant dangier. Et fut ainsy combatu par diverse fortune jusques au vespre du séziesme jour de juillet, et
jusques à ce que les gens d’armes escossois qui avoient la garde du
corps du roy, considérans qu’il estoit en grant dangier, car toute la
journée parmy le grant chault boueillant estoit en la meslée de sy
horrible bataille, et n’avoit de tout le jour beu ny mengé, et considé
rant aussy la fuyt de six cenc homme d’armes que le conte du Mayne
et Montauban, mareschal, avec plusieurs aultres, menoient, lesquelles,
d icelle bataille espoventés, lâchement et villainement abandonnairent
tout et c en fuyrent ; parquoy, ces choses concidérées, prindrent lesdit
Escossois le roy et le menèrent dedans le chasteau de Montlhéry a.
Les Bourguignon demeure vidorie[ux\. — Et, par ainsy, fut la bataille
rompue, et demourairent les Bourgongnon victorieulx en leur camp et
stacion. Et trouve l’en que en cest baitaille, tant d’ung costé"que
d aultre, moururent trois mil et six cens hommes, entre lesquelles y oit
a. M : Monlthéry.
CARACTÈRE DE LOUIS XI, ROI DE FRANCE
359
plusieurs grant personnaige et gens de noble lignié, tant des Françoys
comme des Bourgongnon.
Au lundemains, le roy c’en tirait à Corbueil, et, de là, à Paris. Auquelle lieu, ainsy comme il estoit à son soupper, il racomptoit aux assistans
sa fortune ; et, en force de couraige, tressaigrement parla de plusieurs
choses, remonstrant l’incertitude et instabilité de l’estât et condicion
des hommes. Car celluy roy estoit homme bien lettré, et expert à
l’estude par dessus la coustume des roys ; parquoy fist sa hairangue
en telle sorte qu’il provoca plusieurs personne à larmes.
Le roi reprins d’aulcun sien familier. — Toutefois, ce fyant treffort
en sa science, il husoit très poc de conseille ; et n’y avoit homme qui
luy osait dire. Parquoy, une fois, en chevaulchant à la chasse, et qu’il
estoit montés sus ung petit et meschan chevaulx, ung homme avoit
en sa court plain de facerie 1 et de joyeuseté pour le resjoïr, nommés
Bresay, celluy Bresay, estant auprès de luy, interroga le roy en la
manier qui s’ensuit : « Très paisible roy », dit il, « mais où as tu acquis
sy fort et puissant chevaulx ?» — « Pourquoy ce, » dit le roy, « car tu
vois qu’il est treffoyble et petit. » — « Non est ce », dit Bresay, « il est
treffort, car il te pourte avec tout ton conseil ». Le roy l’entendit bien,
mais il n’en fist samblant. Ung aultre foy, que aulcuns ambassadeurs
estoient vers luy venus du pais d’Angleterre, et si comme le roy Loys
demendoit conseille à ses serviteurs et familiers quel don espécial il
présanteroit audit ambassade, alors ce leva Bresay et dit : « Sire, tu as
en ta chapelle ung grant nombre de chantres, desquelles tu ne fais pas
grant estimacion, et ne te délectes en leurs champs et canticques,
parquoy me samble que ce sera bien fait se tu leur donnes, attendu que
facillement t’en passeras ». A ces parolle acommença Loys à soubrire,
combien qu’il entendist que Bresay les avoit dictes par cavillacion 2,
pour ce que au service divin et a soullaigement de sa tristesse peu
usoit de harmonyes de chant. Car celluy roy délessa et desprisa toutes
lez honnestes sérimonies des choses mondaines observées par ces
prédécesseurs. Et, avec ce, la majesté royalle, tropt humilié et abessée,
appelloit plusieurs à son convy 3 avec lesquelles il buvoit et mangeoit
tropt familièrement, et aucunefïois ordement parlant, par espécial
quant il escheoit à tenir prepos des femme. Avec ce, jamaix ne ce
vestoit de habitz sumptueux et ne ce esjouissoit de la pompe des
courtisiens.
Depuis la journée de la baitaille faictes à Montlehéry, le roy eut
tousjours le couraige gros, et voulluntés de soy vangier ; et parloit encor
souvant de retourner contre ses ennemis. Mais de ce faire en fut par
les plus saige destournés. Et ce thint plusieurs jours à Paris. Auquelles
1. Esprit, finesse. — L’adjectif facet ou facete a été emprunte au latin et a vécu en
français au xr«-xvi“ siècle (voyez dans Godefroy facetement facetel).On attendrait ici
faceterie plutôt que facerie. Mais n’est-ce pas une distraction de Philippe pour facetie .
2. Caviïlation, plaisanterie subtile.
3. Convi, repas, banquet.
360
LES PRINCES DEVANT PARIS (1465)
tamps durant, voyant sa coustume et gouvernement, révérand perre
en Dieu Guillaume Charretier, évesque de Paris, luy fist une belle orai
son, par laquelle, comme il eust mis en mémoire les choses passées,
l’enhorta de avoir et tenir celle qui s’ensuivent : c’est assavoir que cho
se convenable estoit au roy de pourveoir à tout par bon conseil, et à
l’entour de soy avoir hommes aymans le bien et équité de chacun, et qui
gardent la tranquilité de paix, et quil soient modérés par attrampance 1
de guerre et justice. Le roy, esmeu par la remonstrance de l’évesque,
fist choisir hommes de bonne renommée, qui chacun jour assisteroit
à son conseil avec les anciens conseilliers. Et, à cest cause, furent elleu
et prins six des cytoyans de Paris, six des conseilliers de la court de
parlement, et autant de l’Université de Paris. Lesquelles estoient
hommes bien approuvés en cest affaire.
En cellui tampts régnoit Guillaume Fichet, recteur de l’Université
de Paris, homme éloquant et puissant en doctrine, et le plus grant
en science qui alors fut sur la terre. Parquoy il fut mandé à Romme de
part nostre sainct perre le pappe ; et luy mena Bessarion, cardinal grec.
Et encor sont ses livres de réthoricque, d’icelluy Ficher, et oraisons et
épistres.
Course parmei la France. — Or, retournons à parler de Charles de
Bourgongne. Lequelle, après la journée de Montlehéry, s’en alla farcy
de gloire à Estampes. Auquelle lieu ce assamblèrent Charles, frère dudit
roy Loys, et le duc de Bretaigne, avec tous les aultres conspirateurs ;
puis, peu de tampts après, cheminèrent en Gastinoys avec leur armée.
Durant ces jours, le roy fut adverty que Jehan, duc de Calabre, lequelle
depuis ce nommoit à Mets le duc Jehan de Loherenne, filz du duc
René d Anjou, venoit avec grant nombre de gens d’armes pour ce
meller et joindre avec les aultres conspirateurs. Parquoy vers luy
envoya le seigneur Pricigny et plusieurs aultres, affîn de essaier se, par
grande promesses, le pourroit convertir et atraire à soy. Car, pour ce
que ledit Jehan, on non de son perre René, avoit encor entreprins de
faire la guerre contre le devent dit Ferrande, filz du roy Alphonce,
roy d’Arragon, et de encontre luy conquérir le royaulme de Neaples,
et que, en prometant de luy donner secours, il le pouroit rapeller à sa
grâce, néantmoins touttes ces promesse, Jehan fut endurcy en son
couraige et persévéra de aller avec ses compaignons conspirateurs.
En ce meisme jour, 1 on fist couper touttes les saulx de antour Paris,
pour ce qu’elle pouuoient estre aydans aux annemis. Et, alors, les
conspirateurs prindrent le pont de Charenton et plusieurs aultres plesse.
Et estoit Charles, frère a roy Loys, logiés, luy et ces gens, entre le bois
de Vicennes et la rivier de Marne ; et le duc de Bretaigne à Sainct Mour.
Et le duc Charles, filz au duc de Bourgongne, c’en alla en une ville
nommée Conflan. Et plusieurs aultre bande firent leurs stacion soubz
le ciel, parmi les bois de Vicennes. En celluy tampts estoit le roy Loys
en Normendie, là où il assambloit gens pour résister aux annemis.
1. Atemprance, modération, retenue.
REMONTRANCES DES PRINCES
(1465)
361
Et, alors, Charles, son frère, par l’oppinion de tous cesaydans et alliés,
envoia quaitre lettre à Paris. La premier ce adressoit aux cytoiens, la
seconde à la court de parlement, la tierce au clergé, et la quairte aux
escolliers. La teneur de ces lettres estoit tel, et leur mandoit qu’il
c’estoit alié aux princes du royaulme, non pas pour mal faire a puple,
maix pour le bien et proffit de la chose publicque. Parquoy ledit Charles
requéroit qu’on luy envoiait ung peu de gens qui feussent saige et
rampliz de bonne science, affin de leur notiffier plus amplement les
causes de l’assemblée dessus dictes. Après la lecture des lettre, furent
envoyés XII personnaige prudant et saige, tous soubz la conduicte de
Guillaume Charretier, évesque de Paris. Lesquelles furent ressus
honnestement, et leur fut dit et desclairés les cause pourquoy on les
avoit mandés. Et, alors, quant il heurent entendus le couraiges des
princes, retournairent à Paris en l’hostel publicquez de la ville, là où il
racontairent la voullenté des seigneurs devent dit.
Remonstrances des prince des faillie commise par le roy envers eulx.
Premier, dirent ainssy : « que les princes dessus dit avoient dez loing
tampts concidéré les meurs de Loys, lequel non seullement foulloit le
peuple de tailles et servitude non acoustumé, ainçoys les avoit en
contennement, avecques presque toute la noblesse de France ; et que
tout faisoit à sa guise et voulenté, que luy mesme estoit la loy, le juge
et le parlement ; que toute son espérance de régner mectoit en armes
et gens de guerre ; qu’il ce servoit et tenoit familier de gens essez de
humble et povre lignée, affin qu’ilz luy accordissent tout ce qu’il
vouldroit et obéissent à tous ses commandement, et apliquoit à les faire
pareilz aux princes. Que tout estoit plain d’accusateurs, que nulles
n’avoit ces richesses, meismez sa vie, à seureté, que plusieurs, pour
frivolle suspicion bannis, estoient perdus, et que plus aux prince
n’estoit lessé d’auctorité, que les bestes brutes et saulvaiges estoient en
plus grande seureté et liberté que les hommes. Que la pécune et les
deniers du roy estoient prodigallement respandus, voir aux hommes qui
ne sçavoient bien ny honneur, lesquelles avoient les pensions annuelles
que les prince deveroie avoir. Que près estoit et peu deffailloit que
touctes choses désordonnéement à ung seul appartiensissent. Toutes
lesquelles cause avoient meu les prince à prendre les armes pour leur
protection, et venir ensemble à la royalle ville, où l’on demande et doit
on demander le comun jugement des François, affin que, en la manière
des anciens, le conseil des trois estatz assemblé, 1 on puisse paisiblement
traictez des choses comunes. Et que vraiement il cognoissoient Loys
estre leur roy, et de tout le royaulme des Françoys, mais que à leur
office et dignité appartenoit le enhorter et admonnester ses prédé
cesseurs ensuyvir et user des loys du pays, et, avec ce, entretenir
schascun en son droit et en sa coustume; aussy, qu il devoit modérer les
tailles et avoir pitié du peuple, qui souvant estoit desnué de tous biens.
Parquoy requerroient yceulx princes de entrer en la ville, sans aucune
injure ». « Ce sont », ce dit Charretier, évesque de Paris, « les remons
trances que nous ont fait les princes pour le vous déclairer ».
362
LE ROI LOUIS XI RENTRE A PARIS (1465)
Le raport congneu, tel que dessus est récité, fust accordé de faire
généralle assemblée. Et, de fait, fut dit et accordés qu’on ne devoit
aux prince dényer l’entrée de la ville, se, après la foy par eulx jurée,
se abstenoient de touctes injures et molestacions, et qu’il paiassent
tous les despens qu’il feroient en la ville. Et encor respondit l’assemblée
que cecy leur seroit octroyez pourveu que Loys y donnast son consen
tement, sans lequel n’estoit loisible aulcune chose follement 1 faire.
Par raison de quoy, le lendemain, retournèrent les ambassadeurs par
devers les princes, auquel ils annoncèrent la sentence des Parisiens.
Mais les capitainnes des gens d’armes que Loys avoit lessé en gar
nison, quant ilz cogneurent la responce des Parisiens, firent monstre
et reveue de leur gens, tous en armes, comme s’il eust estés besoing de
combatre. De laquelle chose le peuple resjouy print milleur espérance.
D’aultre part, Montauban, admirai de France, leur augmenta le couraige, lequel ce jour meisme arriva en la ville avec grant nombre de
combatans.
Quant le roy fut de ces choses advertis, doubtant le dangier, c’en
vint bien en haite à Paris. Et, alors, tous les princes dessus dit ce vin
rent tous monstrer et présanter en la plaine de Sainct Anthonne,
devent la porte de la Bastille de Paris, où il passèrent, équipés de
toutes leurs armes, avec grant résonance de trompette et claerons.
Et fut ainsy fait plusieurs journée, avec quelque petitte escarmouche.
Mutations de peuple dedens Paris. — Cepandant le roy fut adverty
de l’opinion qui avoit estés donnée pour recepvoir les princes en la
cité. Parquoy il banist et mist en exil tous ceulx qui avoyent acordés
à celle sentence, réservés Charretier, évesque de Paris. Car, jay ce que
Loys le tiensist moult suspect et en hayne, toutesvoys, pour ce qu’il
estoit homme de saincte estimacion, attrampa et modéra Loys son
yre.
Tantost après, on cuyda traicter de paix ; mais l’on ne fist rien pour
celle fois.
Et fut faictes grosse escarmouche on bourgz Sainct Marciaulx,
auquelles en y oit plusieurs des prins, et les aultres occis. Cepandant,
à Pontoyse, y avoit ung capitaine, nommés Loys Sorbier, lequelles en
trayson mist les annemis dedans, et leur livra la ville et le chasteau.
Aussy, durans ce tampts, les Normans, souverainement ceulx de Rouan,
ce tiroient fort de la partie de Charles.
Aussy, en ce tamps, les gens d’armes de Loys, et qui estoient logez
és maison des citoians de Paris, estoient fier et orguilleux, et ne craingnoye dire que les richesses estant en leur maison n’appartenoient
aux habitans, ainçoys estoient à eulx, et que peu leur profiteroie leur
chesnes tendues, quant il vouldroient, car promptement il les pourroie
rompre et arracher. Parquoy, ces choses et plusieurs aultres ouyes, le
puple ce elle va. Et ordonna le prévost des marchamps que toutte les
1. Fealment ? Livrer Paris aux princes, c’était trahir leur
toi jurée au roi.
TRAITÉS DE CONFLANS ET DE SAINT-MAUR (OCTOBRE 1465)
363
nuit seroient fais feuz par tous les carrefours de la ville, et que chascun
en son quartier feroit le guet en armes ; et ne cessa l’on pour quelque
deffance que le roy en sceut faire. Parquoy, pour ces choses, et pour
plusieurs aultre nouvelles, non guerre plaisantes a roy, qui luy estoient
venue de nouvel, et voiant aussy que tout le royaulme branloit encontre
luy, trouva manier de parlamenter aux conspirateurs.
Plussieur terre rendue aux prince de France par le roy Loys. — Et
tellement que, après plusieurs allées et venues, l’acort fut fait. En telle
manier que la duchée de Normandie fut donnée à Charles, son frère;
et en fist fîdellité au roy. Et à Charles de Bourgongne en perpétuelle
possession fut baillé Péronne, Roye, Mondedier, avec les contés de
Guynes et Boullongne. Et à Jehan, duc de Calabre, fut donné grande
pécune, avec compaignie de gens d’armes au fray du roy pour aider à
reconquérir le royaulme de Neaples. Au duc de Bourbon et a conte de
Dunoys, fut restitué tout ce qu’on leur avoit ostés durans le tampts
de la conspiracion, et avec pension annuelle à luy assignée. Le conte de
Dammartin receut aussy touttes ces terre et possession, qui avoient
estés confisquée au roy. Et institua le conte de Sainct Paul connestable
de France (lequelle, depuis, pour ces desmérite, fut décapités en Grève,
à Paris). Et, a duc de Bretaigne, fut rendue le conté de Montfort, avec
grande somme d’argent. Et, ainssy, fut tout apaisés la rébellion et entreprinse des conspirateurs. Et fut ce fait en l’an dessus dit mil quaitre
cenc LXV, le XXVIII[®] jour d’octobre.
Le duc de Bourgongne contre les Liégeois. — Et, tantost après, Charles
de Bourgongne menait ces gens d’armes sus les Lyégeois ; et leur fist
cruelles guerres.
Puis, ces choses ainsy faictes, et que le roy eust transmués plusieurs
de ces officier, il ce partè de Paris et c’en ailla à Orléans.
Une cornette cheute sur la ville de Paris. — Auquelle tamps durant
cheut dessus ycelle cité de Paris une très ardante commette ; ne jamais
on n’avoit veu la pareille, car il sambloit que la cité fut toute envelopée de feu.
En ces mesme jours, estoit Charles, frère a roy, arivés à Mont Saincte
Katherine, auprès de Rouan, avec le duc de Bretaigne et plusieurs
aultres. Et séjourna en ce lieu quelque nombre de jours, en attendant
que les cytoyens eussent fait leur appareil et la pompe pour recepvoir
leur duc à son entrée. Mais, durans ce tampts, ce esmeust aulcuns
hutin entre les princes. Car le duc de Bretaignes et le conte de Dammar
tin ce despitoient de ce qu’il n’avoient aussy grande auctorité envers
Charles comme il avoyent mérité ; et, de fait, pour ces chose, voulloient
mener ledit Charles en Bretaigne.
L'entrée de Charles â Rouuen. — Mais, quant il en fut advertis,
il y pourvoay 1 ; et fist son antrée à Rouan secrètement, sans aultre
sollanité faire fort que de la clergie. Parquoy le duc de Bretaigne,
indigné de cest affaire, c’en retourna devers le roy. Et firent alliance
1. Exactement : fourvoya. Il y(pourvut.
364
ACCORD ENTRE L’ÉVÊQUE ET LA CITÉ DE METZ (AOUT 1465)
ensamble, ne jamaix ne laichèrent jusques à tant qu’il oyrent reconquestés la duchiés de Normendie, et que, après plusieurs rancontre
et aultre chose faictes, que je lesse pour abrégiés, elle fut remise en la
mains du roy ; et en fut ledit Charles bouttés dehors.
Item, on dit ans, le roy fist arraser et brûler le chasteau de Chau
mont sur Loire, appartenant à messire Pier d’Amboise.
Et, ainssy, avés oy les guerres et tribulacion que souvant ce esmeuvent, à poc d’occasion, pour ung pouc d’avarise et vaine gloire a et
appétit désordonnés de ce ellever.
Cy vous en lairés le parler pour revenir à mon prepos des fais de la
cité de Mets et de la dissancion dez chainongne.
[la
paix signée entre les chanoines de la cathédrale
ET LA CITÉ DE METZ :
l465]
Vous avés par cy devent oy et entandus les grant discord, envie et
tribulacion que en la devent dicte année furent on royaulme de France
et en plusieurs aultres païs et régions. Rest que maintenant je veult
retourner à mon prepos des fais de la cité de Mets et de plusieurs
aultres besoingne digne de mémoire.
Ve Bourguignon passe par devent Mets. — Et 1, premier, est à enten
dre que, durans ce tampts, le Ve jour du moix d’aoust, passairent parmy
la devent dicte cité et le pays d’icelle environ V° Bourguignon, moult
povrement accoustrés et abilliés, car les aulcuns estoient causy tout
nud, les aultre dessiriés, et la plus pairt tout à piedz. Et venoient yceulx
de la compaignie le devent dit Charles de Bourgongne, et d’icelle jour
née et grand tuerie de Monlehéry, en France, auquelle lieu furent
mors plusieurs Bourgongnon et François, comme cy devent est estés
dit.
L’évesque revient à Mets. — Tantost 2* après,
1
le XIe jour de ce meisme
moix d’aoust, en l’an dessus dit, revint monsseigneur l’évesque de
Mets en ycelle cité ; et y séjournait XV jours. Lesquelle durans il fist
acord du différent qu’il avoit en l’encontre de la seigneurie d’icelle
cité pour et ad cause des gaigiers devent dictes. Puis c’en retournait,
sur telle apointement que le corps de la cité luy prestoit VIII mil
florin de Rin pour paier les ariéraige qu’il debvoit au ditez gaigier.
Les quailre marie du Valt emgaigiéez en la main des seigneur de
Metz. — Et 3, pour ycelle somme à avoir, en mist en gaige à la cité les
a.
M : groire.
1. Aubrion, p. 9.
2. Aubrion, p. 9.
3. Aubrion, p. 9.
LA GARDE DÈS PORTES OTÉE A METZ (SEPTEMBRE 1465)
365
quaitre maries du Yault, c’est assavoir Airs, Ancey, Chastelz, Sciey
et Lessey*
1, en toutte haulteur et seigneurie, tout on point, en la forme
et manier comme ilz les tenoit devent la dicte gaigiers faictes. Toutefïois, il en avoit nouvellement raichetés et retrait le quairt d’icelle
mairie, lequelle quairt le devent dit évesques Conraird Baier trespassés
avoit heu mis en gaige au duc de Loherenne pour la somme de XIII mil
florins. Puis, tantost ap-ès ce fait, le jour de la sainct Barthemeu
l’apostre, seigneurs Régnault le Gornaix, seigneur Geoffroy de Warixe “, seigneur Jehan Baudoche, tuit trois chevalier, et seigneur
Nicolle Roucel l’anney, lesquelle quaitre pour le fait de la cité estoient
commis en celle affaire, parquoy, on non de la dicte cité, c’en allirent
au jour devent dit pranre la possession des quaitre marie devent dicte.
Et, taDtost, au lundemain, fut la l'este à la ville d’Ancey ; auquel jour
la cité et le conseil y envoiait deux des Trèzes 2 3de la justice de Mets
pour faire crier la teste ; et, de fait, fut à ce jour criées on non du maistre
eschevin et de toutte la communalté de la cité de Mets. Et, à ce meisme
jours, s’en retournait ledit évesque à Yy.
Porcession ordonnée en Mets. — Item ■*, le joui de la sainct Jehan
décollaite 4 ensuiant, l’on fist une porcession généralle à Sainct Clé
ment hors des murs de la cité, pour l’onneur de Dieu et pour cause de
l’épidimie, que en ce tampts encomençoit fort à régner en la cité et
on païs entour ; et aussy pour prier à Dieu que son plaisir fut de dispouser le tampts en mieulx pour amender les biens de terre. Car, alors,
il faisoit ung très maulvais tempts de froidure et de pluie pour les
vignes ; et tellement estoit l’air corrompue que, encor au premier jour
de septembre, l’on n’eust sceu trouver ung bon résin. Et à ycelle por
cession y fut pourté le chiefz du benoist sainct Estienne, et la fierte du
glorieulx sainct Levier, chevalier, natif de Mets, avec son chiefz
envercellés 5 en argent.
Les gairde des porte ostée à Mets. — Puis 6, tantost, en la sepmaine
après, furent royés et ostés les essairgaitte que l’on avoit heu ordonnés
dessus les murs de la cité, comme cy devent est dit. Car alors, la mercy
à Dieu, l’on ne ce craindoit de riens, et avoit on bonne paix en la cité.
Le tampts 7 devent dit continuoit tousjour de plus en plus, et faisoit
une très pouvre saison : car il ne fut jour, durant le moix de septembre,
qu’il ne pleut une trefîroide pluye, et causy aussy froide comme se fut
esté à Noël 8.
En ce meisme moix 9 de septembre, le second jour, furent cassés des
a. M : Wararixe.
1. Scy et Lessy appartenaient à la même mairie•
2. Aubrion, p. 9 : ij sergents des Trèses.
3. Aubrion, p. 10.
4. La Décollation de saint Jean Baptiste, le 29 août.
5. Envaisselé, mis dans un vaisseau, dans une châsse d’argent.
6. Aubrion, p. 10.
7. Aubrion, p. 10.
8. Comme si ce (se ce) fût été à Noël.
9. Aubrion, p. 10.
366
LA CITÉ DE METZ EXCOMMUNIÉE (JANVIER
1465
a. St.)
gaige de la cité environ une douzainne de soldoieurs, c’est assavoir
de ceulx que nouvellement l’on avoit heu mis au gaige. Et furent cassés
à 1 ocasion de la paix qui estoit faictes en France, parquoy il en y avoit
essés de rest, car il en y oit encor environ ung cent de remenent.
Ung enfant noiés par fortune. — Item 1, le XIXe jour de ce meisme
moix de septembre, advint une merveille et une piteuse adventure.
Car l’on trovait en Mets, au pont Thiefïroy, ung enflant tantost nez,
qui à ce jour meisme avoit estés gectés et noié en la rivier ; et fut
trouvés par les portiet d’icelle pourte, et anonciés à deux des trèsoz
jurés de la justice d’icelle cité. Maix, après touttes les enquestes faictes,
l’on ne polt jamaix sçavoir à qui le dit enffant estoit. Et estoient alors
la plus part des seigneurs hors de la cité pour la crainte de la mortalité.
Vin de petitte estime. — Le XXVIIIe jour 2 de ce meisme moix de
septembre, il gellait trefïort, et tellement que les raisins qui n’estoient
encor pas meurs furent engellés a sappe par toutte la terre de Mets
et en plusieurs aultres païs ; et fut force de vendengier lesdicte vignes
telle comme elle estoient, jay ce que ce n’estoit que verjus. Parquoy,
en celle année, on oit des très pouvres vins : car il estoient cy treffîert
et cy grevains qu’il n’estoit homme vivant qui heust mémoire de en
avoir veu les paireille, et n’en pouoit on nullement boire par leur
fierté. Et, avec ce, il n’en y oit pas granment. Et, dès alors, le vin en
fut plus chiers ; et le bief paireillement.
Ung sergent tués par sa malle fortune. — Item 3, en la dicte année,
le IXe jour du moix de janvier, avint encor une adventure. Car, à ce
jour, ou la nuit ensuient, ung sergent de la cité, nommés Thiriat, cy se
trouvait de nuit de cost une femme qu’il tenoit, laquelle s’appelloit
la Chaitrée, et demouroit devent les Proicheurs. Celluy Thiriat voult
entrer ou yssir de la maison d’icelle femme par une fenestre qui estoit
haulte, on guerniet, et il se laissait cheoir tellement qu’il ce rompit le
col et ce tuait tout mort. Parquoy son office de sargenterie escheut
à messeigneurs les Trèzes. Toutefïoix, l’on ce enquerist du fait ; et fut
trouvés que ledit Thiriat avoit premier heu entrés en la maison d’une
des voisine, laquelle luy avoit dit et certiffiés que en la maison de la
dicte Châtrée y avoient entrés ung prebstre et ung moinne de Sainct
Siphorien. Lesquelles prebstre et moine furent suspect de sa mort,
pour ce que ledit Thiriat avoit une grant plaie en la teste.
La cité de rechief excomuniéez des chanoingne. — Or 4, avint en ce
meisme moix de janvier que les devent dit chanonnes de Mets qui
estoient absens furent retournés de Romme, et apourtairent aulcunes
bulles plombées, lesquelles contenoient que la cité estoit excommuniée,
et tout le païs environ ; et tellement que, en la duchié de Bar et de
Loherenne, on ne volloit donner à boire ny à mangier, frécanter ne
parler ausdit de Mets, ne aulcunement comuniquer, ne avoir à faire
1.
2.
3.
4.
Aubrion, p. îo.
Aubrion, p. 10-11.
Aubrion, p. 11-12.
Aubrion, p. 12.
PAIX ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER
1465 a.
St.)
367
à eulx par mairchandise ou aultrement. Et, encor daventaige, quant
aulcuns desdit de Mets, fut homme, femme ou anfïans, alloient ou
entroient en aulcune église des villes dudit duchiez de Bar ou de Loherenne, on cessoit incontinent le chanter. Et tout ce faisoient faire yceulx
chanonnes par leur grant malvestiez, pour ce qu’il ne pouoient parvenir
à avoir leur paix encontre la dicte cité. Puis, le XXIe jour de ce meisme
moix, vint ung compaignon en la cité, lequelle secrètement apportoit
la coppie d’icelle bulles devent dictes que les chainonne avoient apourté
de Romme, et les cuidoit planter au portai de la Grant Église d’icelle
cité. Maix il ne polt, car il fut écusés *1, et fut prins et menés en l’ostel
de la ville ; et croy qu’il fut plantés pour reverdir. Car les seigneurs en
firent comme en telz cas il est requis.
L’évesques retourne à Mets. — Item 2, le jour de la sainct Vincent
ensuiant, retournait le dit seigneur évesque en Mets. Et, à sa venue,
luy fut faictes grant honneurs : car l’on lui fut au devent à compaignie de LX chevaulx bien em point.
Les iiij commys contre les chanoingne. — Et 3, le XXVIIIe jour de ce
meisme moix de janvier, se partit ledit évesque de la cité, accompaignié des quaitre commis d’icelle pour le fait desdit chanonnes ; et
s’en allirent à Nommeny pour traicter la paix de celluy escomuniment
que lesdit chanonnes avoient faiz gecter, comme cy devent est dit.
Et estoient lesdit commis seigneur Régnault le Gournaix, seigneur
Jehan Baudoche, ambedeux chevaliers, seigneur Geoffroy de Warixe,
et seigneur Nicolle Roucel l’anney 4. Et, le dernier jour dudit moix,
retournirent errier en Mets. Puis, le jour de la Chandelleur ensuiant,
fut errier mise une aultre journée, à Clémery. Maix ledit seigneur
Nicolle, qui estoit l’ung des quaitre commis pour la cité, n’y voult
point aller, pour ce que tout ne ce faisoit pas bien à sa guise ; parquoy
il ne firent rien pour celle fois. Et fut remise la chose au conseil, telle
ment que on fut quaitre ou V fois à Clémery, et tousjours venir et
raller, et, avec ce, rapourter la chose au conseil. Et tellement que,
moyennant le devent dit évesque, et seigneur Jacques Visse, abbé de
Gorse, qui s’en ti availlèrent merveilleusement, fut celle paix accordée.
En fasson telle que, le IXe jour de febvrier ensuiant, furent par yceulx
chainongne envoiés à Sainct Arnoult devent la pourte de la cité trois
des principal d’iceulx chanonnes, c’est assavoir le grant doien, le
trésorier et Maheu Roucel, lesquelles avoient la cherge et la puissance
pour tout le chapistre de passer touttes les articles de ce présant a
acord. Et fut ycelle paix faicte par lesdit seigneur évesque, acompaigniés et présant lesdit trois 5 commis pour la cité en l’encontre des
devent dit chanonnes, comme la tenour s ensuit.
a.
1.
2.
3.
M : psant.
Accusét dénoncé.
Aubrion, p. 12.
Aubrion, p. 12.
4. Aubrion ajoute que ce dernier refusa de se rendre à Nomeny.
5. Aubrion précise que Nicole Roucel n’y fut point : car, pour tant que la paix ne se
taixoit mie à sa guise, il n’y volt jamaix plux aller (p. 13).
368 ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER 1465 a. St.)
Le comencement de la paix entre la cilé et les chanoingne. — Item i, le
XIIe jour dudit moix de febvrier, viment et abourdairent à Saint
Clément hors de Mets tous le lest des chainonne qui estoient absant ;
et, ce jour meisme, vinrent à Sainct Arnoult devent la pourte d’icelle
cité de Mets. Et en ce lieu ce trouvait ledit seigneur évesque, acompaigniés des trois comis devent dit pour la cité ; et là fut la paix faicte,
crantée et ceellée d’ung coustez et d’aultre. Et fut alors d’icelle santance donnée absolucion à tous les habitans de la dicte cité et des païs
joindant, tout ainsy comme se jamaix l’on eust 2 heu desbat ne aulcune
dissancion ensamble. Puis, tantost après, yceulx chanonnes envoiairent
à Romme, du tout à leur coustange, quérir la confirmacion de la devent
dicte absolucion. Et, parmy celle paix faisant, furent contrains desdit
commis de la cité à ce faire, affîn qu’il fut veu et clèrement cognus que
lesdit chainonnes ne l’avoient mye du tout à leur guise, et aussy qu’il
n’avoient pas la puissance de escomunier la cité, et puis après de luy
donner absolucion. Et fut alors la paix faicte par la manier qui s’en
suit. C’est assavoir que tous lesdit chanonnes de la Grant Église, et avec
eulx plusieurs de leur chappellains et aultres officiers et serviteurs,
estoient franc de paier malletoste ne entrée à la pourte des biens qui
venoient sur le crus de la dicte église, sem plus. Avec ce, il doient avoir
congnoissance des cas ecclésiasticques. Et ne les doit on point gaigier
en leur hostel. Et plusieurs aultrez previlaige sont contenus en cest
acord, corne les article s’ensuient 3.
S’ensuit l’acord fait entre l’esglise et la cité de Metz.
Article du privilèges des chanoingne en la cité de Mets. — Nous 4,
George, par la grâces de Dieu esleu et confermés évesques de Mets,
sçavoir faisons que, comme fut 5 certains différans, débas et controuversies estant entres doien 6 et chapitres de nostre églises de Mets,
résidans à présant en nostre ville de Vy, d’une part, le 7 maistres eschevins, les trèses jurés et 8 touttes l’université de la cité de Mets, d’aultre
part, il ait pieu à nostre très sainct perre en Jhésu Crist, seigneur
Paule, pape second, nous mander, comettre, députer et ordonner de
médier entre les dictes parties, et ycelles mener induire d’apaisement 9,
selon certaines ordonnances piessa par luy sur ceu données, nous,
1. Aubrion, p. 13.
2. Comme si jamais l’on n’eût eu débat.
3. Philippe abrège ici le texte d’Aubrion, qui résume l'accord, mais ne le reproduit
pas intégralement.
4. Nous reproduisons en note les variantes de Huguenin, p. 347 et sqq., en négli
geant les variantes de pure forme.
5. Il faut corriger fut en sur.— La phrase doit être ainsi construite • Nous, Georges...,
savoir faisons que, comme sur certains différends... il ait plu à notre très saint père..!
nous ordonner de médier entre les dites parties..., voulant obtempérer... audit mande
ment... apostolique..., avons lesdites parties... pacifiées et accordées.
6. Entre les doyen.
7. Et le maistre eschevin.
8. Le conseil et toute l’université.
9. Et icelles mener et induire à voye d’apaisentement.
ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER 1465 a. St.) 369
comme filz d’obédiances, voulons 1 obtempérer et acquester 2 ausdit
mandement et comissions apostoliques, comme tenus sommes, aucy
pour excinder 3, prévenir 4 et obvier au grant maulx, inconvéniens 5,
indempnités et parolles 6 que par la continuacions d’iceulx difïérans
eussent peu sourdre et ensuir, avons lesdictes parties de leurs dit débas
et difïérans, après plussieurs altercacions et remonstrances faictes et
eues d’ung costés et d’aultres, et par leurs grés, sceu, volunteit, consen
tement pacifiez et acordés en la manières que s’ensuit.
Premier, est apointés et acordés entre lesdicte parties, et à ceu nous
somme en comtemplacions d’icelles consentis, affin que la réceptions
en la cités desdit doien et chapitres et leurs adhérans en cestes parties
soit plus honorables, les acompaigneront 8, en entrant en la dictes cité,
et les mainrons en jusques à la Grant Églises, et deveront estres content
de telz honneur qu’il plaira ausdit citains à nous et ausdit chanoinnes
faire.
Item, au regard de l’abolissement des proclamacions, etc., est acordés
que ledit abolissement se fera par lesdit maistres eschevins, avec deux
ou trois citains à ceu commis de part la cité, en nostre hostel épiscopal
de Mets, en nostre présances ; et seront tous banis prisonniers 9 à cest
cause 10 rappellés en la dicte cités et quictes.
Item, est encor acordés que, des causes espirituelles, corne de dismes,
de testamens ou de dariennes volluntés faictes par personnes eclésiastiques, avec aultres causes que de droit escript doient apartenir à 11
cognoistres par la juridictions espirituelles, ne devra la justices de
Mets12 entremetres nemesler. Niantmoins, tout ceu que seroit trouvés
estre acordés etpaiet13 entre les parties on cas de dismes demeurait en
son estre 14.
Item, est apointés et accordés que les doien, chapitres15, demy
chanonnes et16 chappellains, clerc de cuer ordonnés au services divin,
ensembles le maistre des anffans de cuer en nostre Grant Églises, en
telle nombres comme il ont usés de touttes anciennetés, et jusques au
nombre de XII chappellains ou au dessoubz, ou aultres serviteurs
1. Veuillant.
2. Acquiesceir.
3. Exteindre.
4. Pourveoir.
5. Malz et inconvénients.
6. Périls.
7. Voulenté et consentement.
8. Acompaignerons. — Le sujet est ; nous, l'évêque dessus dit.
9. Tous banis et prisonniers à ceste cause. — Tous ceux qui avaient été bannis
ou mis en prison à ce sujet.
10. Ajouter, après cause : prestres ou aultres.
11. Et au lieu de à.
12. Ne s'en debvera ladicte justice séculière de Mets.
13. Tout ce qui se trouvera avoir esté accordé et paié.
14. Ajouter ici cette phrase : Et, si aulcun débat en ce sorvenoit, se debveroit cognoistre
par le juge espirituel.
15. Les doyen et chappitre.
16. Supprimer et.
370 ACCORD
ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER
1465
a. st.)
d’esglises *1, comme organisées, clerc de chapitres et grant mairliés,
que soient personnes eclésiasticque, comprins on nombre desdit XII chapellains 2, avront et devront avoir, d’or en avant, la libertés et franchi
ses eclésiasticque confermans 3 leurs parsonnes et actions personelles,
comme de cas criminel, injures, manistes 4 et aultres actions perso
nelles, desquelles le maistre eschevins, trèses jurés et aultres officiers,
justiciers et gouverneur de la dicte cité ne se mesleront.
Et ne debvront lesdit maistre eschevin, trèses jurés et aultres jus
ticiers, etc., faire forces ne gaigier, és maisons canoniales esquelles
yceulx chanonnes, demey chainonnes, chappellains et maistres des
enfïans dessus dit seront résidans tant seullement ; laquelles franchises
de maison ne s’estenderait plus avant fors que toucherait leurs par
sonnes et biens, tellement que, ce aulcuns malfaicteurs ou aultres se
rend oient par cas d’aventures fugitifz ou demouroient en aulcunes a
desdictes maison, que la dessus dicte franchise de maison ne soit en ce
cas à la dicte cité nuysables.
Aucy, lesdit doien, chanonnes, demey chanonnes, chapellains et
aultres dessus nommés ne seront tenus de garder ou faire gairder
portes ne murailles, sinon en cas de nécessiteit évidentes ; ne ne seront
aucy tenus de faire aulcunes réparacions de murs, de fossés ou aultrez
ovraiges de la dicte cité, fors que à retenir les pavement d’entour leurs
maisons et aultres héritaiges situés en la dicte cité, appartenant à la
Grant Églises, ensi commes on ait fait d’ancieneteit.
Semblablement, ne seront tenus de paier gabelles, tailles, imposicions ou malletostes, ne aussy antrées ou yssues de portes des grains,
vins, sel et aultres revenues de leurs dicte église, des dignités, personnaiges, administracions et offices de la dicte Grant Églises. Et 5
yceulx recepvoir à la mesures d’icelles églises, par ainsy que lesdit 6
grains, vins, sel et aultres revenues doient lesdit chanonnes faire
retenues, chcscun endroit soy, en bonnes foy ou serment, és députés et
commis de part la cité, que c’est des biens, rentes et revenues de la
dicte églises et des prébendes, dignités, parsonnaiges et offices dessus
desclairées. Desquelles rentes et revenues polront lesdit doien et cha
pitres faire leurs bons plaisirs d’en vendre ou distribuei hors de la cité
sen en paier aulcunes choses pour yssues de portes, malletostes et
aultres gabelles. Et, on cas qu’il seroit trouvés du contraires 7, yceulx
biens seraient acquis à la cité. Et, se ainsy estoit qu’il volcissent 8 9
vandre en la dicte cité, faire le polroient, sus 3 telle condicions que
o.
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
M : aulcuns.
De l'église.
Supprimer chapellains.
Concernant.
Mains mises (saisies).
Il faut suppléer ici pourront.
Desdits grains.
Ajouter, après contraire : par le juge spirituel.
Qu ilz en volcissent.
Soubz,
ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER 1465 a. St.) 371
celluy ou ceulx qui achèteroient ausdit chanonnes en paient malletostes ou gabelles selon le droit et mesures de la cité. Pareillement,
c’il achetaissent ou vandissent aulcunes choses non venant des émolu
ment de leur dictes églises, prébende, personnaiges, administracions et
offices dessus couchées qu’il en paient malletostes ou gabelles comme
aultres menans de la cités.
Et, de touttes choses nécessaire pour les aornemens de l’églises,
comme de draps d’or, de soye, de luminaire et aultres choses semblables,
pareillement des choses nécessaires à la réparacions de la dicte églises,
ne seront lesdit chanonnes tenus en paier aulcune choses à la cité, en
faisant retenues, comme dessus, que c’est pour leur dicte église.
Avec ce, polront les dessus dit doien et chanonnes faire testament,
compactions 2, contraict et vendicion par crant de notaires, se bon leur
semblés, lesquelz seront valables en jugement et où 3 il apartenrait.
Et, on cas que aulcuns crant par ces 4 obligacions fussent faictes ou
encommenciés aparavent leurs partement, se debvront yceulx porsuyre, déduyre et demener par la manière qu’il ait estés acostumés de
faire on tempts passés.
Item, est acordés entre lesdicte parties que les status des cens parpétuelles à acquaister ou raicheter soient égalles et pareilles on temps
ad venir pour lesdit doiens et chanonnes comme pour les citains de
Mets, assavoir depuis l’atour fait et passés en l’an mil trois cenc et
trois ; et ceu qu’est devant l’atour demeures en son estre.
Item, au regaird des biens délaissés par lesdit doien, chanonnes et
leurs adhérans, etc., et 5 6apointez
7
que lesdit maistre eschevins, trèses
jurés et gouverneurs de la dicte cité donront ordonnances et efficaces
oppéracions que les dessus nommés doien et chanonnes, ensembles
touttes aultres personnes ecclésiasticquez, et leur serviteurs, que à cest
causes sont partis de la cité, soient restitués et remis en leurs biens
qu’ilz ont laissiez en leurs hostelz et qui porroient estre trouvés, sans
aulcune contracdictions ou débas, comme il les possédoient auparavent
leur partement. Et, se lesdit chainonnes et aultres dessus nommés
trouvoient aulcuns de leur dit biens en aultruy mains, et il leur pleut
les emporsuyvre, ou
à ceste causes, voulloient quereler aulcunes
personnes, faire le porroient. Et, en ce cas, seroient yceulx maistre
eschevins et trèses jurés tenus leurs administrer bonne et briefves
justices, selon le cas, usaige et coustumes du lieu.
Item 1, polront lesdit chainonnes poursuyre 8 les cens 9 dessus dictes
1. Touchés.
2. Emptions.
3. Là où.
_
....
4. Aulcuns crans, procès ou obligations. — Philippe a mal résolu 1 abréviation de
procès.
5. Est appointié.
6. Ou si.
7. Et au lieu de item.
8. Pour poursuir. — Il faut mettre une virgule avant pour; le complément de
polront devient : faire et constituer... un procureur,
9. Les causes dessus dictes.
372 ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE
METZ (FÉVRIER
1465 a. St.)
et aultre causes et actions 1 devent la justices sécullier de Mets, faire
et constituer, se bon leurs semblés, ung procureur ou sindicque, lequel
pour et on non de chapitre polrait faire tous jurement, tant calumpnie
comme aultres actz judicialz, le jurement duquel devrait souffrir 2,
affîn que lesdit doien et chapitres puissent tant mieulx vaquer aux
services divin.
Encor est acordés que tous ceu que les demourans en la Grand Église
et aultres églises collégialles de Mets, durant ce différant, avront
desboursés raisonnablement, tant pour la fabricque et réparacions
desdictes églises comme pour la porsuytes et entretenement des droit
et aultres charges rasonnables d’icelles, que seront 3 trouvés par bon
comptes, leur doit estre défalqués. Et, du sorplus, doient lesdit demou
rans faire restitucions aux absens, seulement de ceu qu’il avront receu
chescun endroyt soy. Et se, on fait desdit comptes et restitucions,
chiet aulcuns différans entres lesdictes parties, en seront prins et
chairgiez deux par ycelles parties pour les en appasanter. Et, on cas que
lesdit deux ne les puissent accordés dedens trois moix après l’absolucions obtenues et publiées, nous, à la requestes et contemplacions des
parties, avons consantis et consentons en estre tiers et pardessus pour
les déterminer dedans aultre trois moix ensuiant. Et, se les dessus dit
demeurant fuissent défaillant à 4 acomplir nostre ordonnances et
déterminacions, en ce cas polront lesdit chainonnes absens user de la
bulles de réincidances que sur ce serait obtenues en l’encontre desdit
deffaillans.
Item, est aussy porparlés et accourdés que tous ceulx qui ont occupez
les aultres bénéfices et dignités, etc., restituent entièrement, sen quel
ques diminuacions, touttes la valleur d’iceulx bénéfices ; et que tous
despoillent 5 d’une part et d’aultres soient restitués en leur bénéfices ou
dignités, par comissions de nostre sainct père le pappe, dedans trois
moix aprez la dicte absolucion publiées 6. 7
Item, est encor accordés que, s’aulcunes terres ou cens avoient estés
trefîondues durans ce différans, que lesdit doien et chapistres et aul
tres leurs adhérans dessus nommés y puissant retourner, parmy paient
les estaies ? escheutes.
Item, que tous contractz, comme de laiéez de terres, vignes, maisons,
et aultres choses que lesdit résidans ont fait pour l’utillités, honneurs et
prouffit de la dictes Grant Église, desmouront en leur vertus jusques
à ung ans. Et, on cas que les chanoinnes absens les volcissent retraire 8,
qu’il leurs feissent sçavoir en tamps deu.
1.
2.
3.
f4.
5.
6.
7.
mot
Et actions réelles.
Souffire.
Qui sera trouvé,
De acomplir.
Despouilliez.
Après la dicte absolution obtenue.
Estaie, arrérage de cens ou de rente (voy. Godefroy, art. escale et estaie). Ce
est exclusivement messin.
S. Retraicteir.
ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER 1465
a. St.) 373
Item, que, pour oster touttes vengeance hayneuses que lesdit chanoinnes absent et demourant polroient avoir les ung contres les aultres,
aucy envers les officiers, homes et subjectz a des terres et seigneurie
appertenant à la dite Grant Églises, à l’occasion de l’ofïences et de la
désobéissances faictes pendens le tempts desdit difîérans, est apointez
entre lesdictes parties que tous soit remis et pardonnés franchement et
libérallement d’une part et d’aultres, sen ceu que à nulz jour mais en
soient faictes actions, poursuites ne demandes par lesdites parties en
manier que ce soit.
Puis, après, fut acourdés que touttes despence, injure, dopmaiges et
intérest entres lesdictez parties advenues soient remises et pardonnée
d’une part et d’aultres.
Et seront les terres, cences et revenues *1 de la dicte Grant Église
qui sont hors de la cité et juridictions de Mets minse en nostre mains,
par tel condicions que, ce absolucions et réabilitacions 6, etc., ne pouoit
estre obtenues, comme il appertenrait, de cy au jour de feste sainct
Jehan Baptistes prochain venant, en devrons de là en avant lever la
mains.
Item, est encor apointés entres lesdictez parties que toutes par ces 2
publicacions et intumacions et touttes euvres de fait, d’ung coustés
et d’aultres, cesseront et sorsairont en bon estât, sen aulcunes choses
atempter ou immover 3 les ung contres les aultres, ne leurs adhérans.
Et, avec ceu, seront et devront estres lesdit doiens et chapitres, leurs
personnes, chapellains, serviteurs et aultres leurs adhérans dessus dit,
que à l’occasions de ces difîérans se sont absens 4, emsembles leurs
biens quelcunques estant en la dicte cité de Mets, après leurs antrées
en ycelle, en la tuicion, protestacions 5 et sauvegarde de la dicte cité,
comme aultres résidans en ycelle.
Après cecy dit, fut encor apointtés et accordés que, parmy ce présant traictiez, lesdit doien et chappistre consentirent 6 expressément
que lesdit citains, emsemble la clergie, et tous aultres à cuy 7 adhérans,
et touttes l’universités de la dicte cités et païs de Mets, soient par nostre
sainct perre et comissions appostolicquez absol, réabilités, restitués et
réintégrés tant en bénéfices, prébende, dignités, comme previlaiges
et honneurs 8, et que les excomunicacions, interdictes et touttes aultres
censures, peinnes et sentences déclairées, inferrée et fulminées c à
l’occasions desdit difîérans et à l’instances d’iceulx chanonnes absens,
a. M : silbjectz.
b. M : reabitacions.
c. M : fubminees.
1. Rentes.
2. Que tous procès, publications, intimations. — Voyez p. 371, n. 4
3.
4.
5.
6.
7.
S.
Innover.
Absentés.
Protection.
Consentiront.
Tous aultres à eulx adhérans.
Privilèges, fiedz et honneurs.
374 ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER 1465 a. St.)
soient totalement extintes et abolie, en la meilleur formes que faire se
polrait ; par ainsy que, la dictes absolucions obtenues et en saxene
exécucions d’icelle l, soit de la partie de la dicte cités fait et acomplies
tout ceu qui ce debverait par la formes et manières dessus dictes 2
desclairées, et que l’ung se facertt avec l’aultre ; aussy, que lettres
autenticque en soient sur ceu faictes par lesdictes parties, en la milleur
forme que faire se polrait et devra, soubz nous 3 seelz et les seelz dez
parties.
Et tous lesquelz choses dessus escriptes et chescune d’icelle à faire,
acomplir et entretenir 4 et eschevir de point en point, ont lesdictes
parties, chescune endroy soy, par leurs comissaires et de présantes 5
ayant quant à ceu faire et passer plainnes puissances et auctorités,
promis en nostre mains, sans y contrevenir en manier que soit 6,
tous fraude, barath, déceptions, circumvencions et malengien en tout
et par tout y hors mys et exclus. Et, en signes et approbacions de ceu
que dit est, avons, nous, George, esleu et confermés de Mets dessus dit,
comme médiateurs et personnes interposites, fait placquer nostre sceel
de secret en mairches 7 de ces présantes.
Paireillement, et pour ceu que touttes les choses dessus dictes 8 et
chescune d’elles sont estés faictes, passées et 9 acordées et appointées
par le sceu, volluntés et consentement de nous, doien et chaipitres,
d’une part, et nous10, le maistre eschevins, les trèses jureiz, le conseil
et touttes l’universités de la cité de Mets, d’aultre part, avons, pour
plus grant seurtei, affirmacions et corroboracions de ceu que dit est,
placqués les sceelz de nous, doien et chapitre, et de la dicte cité, avec le
seelz de nostre redoubtés seigneur, mon seigneur George, esleu et
comfermés de Mets dessusdit, en mairges de ces présentes. Que furent
faictes et donnéez le dimenche meisme11 jour de febvrier, l’an dessus dit
mil quaitre cens et LXV 12.
1. Et en taisant l’exécution d’icelle.
2. Supprimer dictes.
3. Nostre seel.
4. A faire et accomplir, enterrineir et assevir.
5. Par leurs comissaires et députés.
6. En manière que ce soit,
î. En marge.
8. Dessus touchiées.
9. Supprimer et.
10. Et de nous.
11. Neufciesme jour de febvrier.
12. Huguenin publie, à la suite (p. 350-351), des articles adjoustés à l’accort précè
dent; ces articles, souscrits par l’évêque, sont datés du même jour et précisent certains
points de détail.
LES CHANOINES NE PEUVENT RENTRER A METZ
(15
FÉVRIER
1465 a. st.) 37a
[la RENTREE DES CHANOINES DE LA CATHÉDRALE
DANS LA VILLE
DE METZ,
LE
2
MAI
l46^, ETC.]
Or !, combien que celle paix fut faictes par la manier dessus dictes,
elle fut tenue et observée, maix jà pour tant ne revindrent ne n antrairent0 les devent dit chainonnes à Mets, jusques à tant qu’il rapourtairent la confirmacion de la dicte paix de court de Romme. Laquelle,
avent qu’elle fut rapourtée, fut ung ans passés, et encor plus, comme
vous oyrés ycy, par la tenour de deux lettres de paix que em prime
furent donnée on moix d’apvril, l’an mil quaitre cent LXVII, corne cy
après serait dit.
Après celle paix faictes et acordées en la manier que avés oy, et en
celle meisme année, avindrent encor plusieurs aultre besongnes en
Mets et ailleurs.
Le seigneur Jehan de Heu revenus de Jhérusalem. - Et \ premier
serait dit cornent, le X® jour de febvrier de cest présante année, revint
le seigneur Jehan de Heu, chevalier, du sainct voiaige de Jhérusalem,
de Saincte Katherine du mont de Synay, de samct Nicolas du Bar, et de
plusieurs aultre sainct et digne voiaige. Et rapourta ledit seigneurs
beaucopt de nouvelles des estranges nassion et de plusieurs merveilles
qu’il avoit veu és pays d’oultremer esquelles il avoit estés. Mais sa
venuee donnait à aulcuns grant tritresse et anuyt : car il ne ramenait
point le seigneur Geoffroy, le filz du seigneur Nicolle Papperel; parquoy
ce fut ung grant dueil à tous ces amis et parans. Cy leur comptait et
dit le devent dit seigneur Geoffroy 3 que, quant il vinrent en haulte
mer, la malladie print audit seigneur Geoffroy, et morut ; et fut son
corps 4 gectés en la mer. De quoy ledit seigneur Jehan de Heu en fut
merveilleusement troublés, maris et desplaisant ; mais il n y ait remide,
et luy covint pranre pacience.
, . , . , .
On dénye l’entréez aux chanoingne. - Le XVe jour de febvrier , s e
retournait ledit évesque à Vy. Et enmenait arrier avec luy tous les
chanonnes absent, qui l’avoient atendus à Sainct Arnoult. Et cuydoie
yceulx chanonnes dès incontinent entrer en la cité ; maix la pourte
n’estoit pas assés grande pour eulx. Car, avent toute heuvre et avent
que aller plus avant, force leur fut de faire et acomplir tout ce queycy
a. M : naitrairent.
b. M : copts.
1 Aubrion p 14. - La phrase est mal faite. Il faut comprendre : quoique la paix
fût tenue de l’aPmanière qu’elle avait été faite, néanmoins, les chanoines ne purent
rentrer à Metz. Sur ce fait, voyez aussi Huguenin, p. 351.
3. Distraction* de Philippe. Il s’agit évidemment de Jean de Heu.
4. Aubrion, p. 14.
376 DISSENSION DANS L’ABBAYE DE SAINT-ARNOULD (20 FÉVRIER 1465 a. St.)
devent est escript ; parquoy les plusieurs de antre eulx en furent
moult courossiés et desplaisant.
Le Bgntgraw en Mets. — Puis 1, tantost après, c’est assavoir le
XIXe jour de ce meisme moix de febvrier, vint et arivait en Mets le
Rindegrève, qui est ung grant seigneur en Allemaigne. Et, avec luy,
vint le seigneur Jehan de Fénestrange, lequel alors estoit marchault de
Lohereinne et sénéchault de Bar. Et venoient yceulx de servir mon
seigneur de Bourgongne encontre les Liégeois ; et rapourtairent vraye
nouvelle que ledit mon seigneur de Bourgongne et lesdit Liégeois
avoient bonne paix ensamble.
Division pour Vabahie de Saint Arnoult. — Item 2, en ycelluy meisme
tempts, estoit et y avoit à Sainct Arnoult devent les pourte de la cité
ung très notable et vénérable abbé, homme fort anciens et de belle
fenomye 3, appellé messeigneur Conraird de Ville 4. Celluy abbé gouvernoit saigement et proudomiement 5 son abbaye. Et tellement avoit
respairgniés qu’il avoit intencion de raicheter plus de quaitre vingz
livre de cens anuelles que son abbaye devoit tout les ans ; et, de fait,
il avoit desjà, ad cause de sa dicte abbaye, faict pourofferte de XXIIII
livrez de anuelle cens encontre les maistre et gouverneur de l’ospital
de Mets. Maix, le XXe jour de celluy moix de febvrier, vint une ambaxade de part le cardinal d’Alvignon 6, qui avoit empêtrés ycelle
abbaye, tout au vivant dudit abbé, et, à force, se vinrent fourer dedans
ycelle. Parquoy fut empesché beaucopt de la bonne voluntés dudit
bon abbé. Et ne furent pas du tout fait ne eschevis les raichet qu’il
avoit intencion de faire.
Nouvelle du Turcqz aux duc de Bourgongne. — Item 7, en celle
meisme année, le XIIe jour de mars en ensuiant, passait le mareschal
de Bourgongne parmy la cité. Lequel s’en alloit bien hastivement
devers ledit mon seigneur de Bourgongne, son seigneur. Et la cause
estoit pour tant que ledit de Bourgongne avoit mandés tout son conseil
enthièrement pour déterminer d’une bien merveilleuse besoingne,
laquelle de noviaulx luy estoit sorvenue, comme vous oyrés. La chose
est telles que le grant Turcquez sy avoit mandés et envoyés par devers
ycellui duc une très grande et noble embaxade, et moult richement
aornés, et acompaigniez de moult belle gens et saiges. Lesquelles, pour
et on nom dudit Turcque, leur seigneur, vinrent à requérir et à prier
audit duc de Bourgongne, disant ainsy que, pour la grant proesse et
pour les biaulx faiz d’armes que mon seigneur Charles, filz audit duc
1. Aubrion, p. 14.
2. Aubrion, p. 14.
3. Physionomie. Ce mot se prononçait à la cour, nous dit Henri Estienne (Deux
Dialogues du langage françois italianisé, t. I, p. 166), philosomie, phisolomie, philonomie, philomie, philonie, et même felonnie. L’on voit par l’exemple de Philippe que
ces déformations étaient anciennes et traditionnelles.
4. Evrard de Walle dans Aubrion.
5. Preudommement, sagement.
6. Alain de Coëtivy, évêque d’Avignon, nommé cardinal en 1448, mort en 1474 ?
7. Aubrion, p. 15.
GEORGES DE SERRIÊRES, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1466)
377
de Bourgongne, avoit en celle meisme année fait en l’encontre du roy
de France, comme cydevent ait estez dit, que, pour ces chose et plu
sieurs aultres, il pleust audit duc de Bourgongne de voulloir agréer,
consentir, et avec ce tant faire audit son filz Charles qu’il volcist donner
une fille qu’il avoit au filz dudit Turcques, leurs seigneurs, en mariaige.
Et, en ce faisant, ledit Turcquez luy juroit et promettoit que, incon
tinent après ce fait, il ce feroit baptiser et laver, luy et touttes ces gens
enthièrement.
Maix de ces chose je vous Iairés le parler, pour revenir au maistre
eschevin de Mets, car il est tampts.
Mil iiiic el txvj. — L’an après 1, quant le milliair courroit par mil
quaitre cenc et LXVI, qui fut l’an XXVIIe de l’empire du devent dit
Phéderich l’ampereur, fut alors fait, créés et essis pour maistre eschevin
de Mets le sire George de Serier, chevalier.
Deffiance contre la cité. — Et 2, en celle année, le mairdi XVe jour
d’apvril, les enffans Clausse Stroffe deffiairent la cité ; et fut ycelle
deffiance envoiée par ung propre messagier. Parquoy, les nouvelle
sceue, les bonne gens du Hault Chemin de la terre de Mets se doubtoient
cy très fort qu’il amenairent tous leurs biens à reffuge en la cité.
En celle dicte année 3, il fist ung très biaulx moix de mars, et ce
maintint le tampts jusques environ la moitiet du moix d’apvril ensuient.
Maix, le rest d’icelluy moix d’apvril, fut 4 ung très pouvre tempts, et
cheoit pluie aussy froide comme à Noël, et plevoit cy très fort et souvant
que les eawe furent très grande et hors de rive, et causy aussy grande
comme elle avoient estés en tout l’yver. Et se tint ainsy le tampts dès la
mitté d’apvril en jusques le VIIIe jour de maye ; parquoy on ne veoit
encor en vignes nulz résins, pour le froit tempts qu’il avoit fait. Et
aussy, quant ce vint après, l’on trouvait qu’il n’en y avoit pas granment, parquoy l’on espéroit de n’avoir pas grant vinéez.
Mortalité en Mets. — Or 5, avint aussy que en celluy tampts 1 on
acomensait treffort à morir de peste, tant en Mets comme on pays
entour. Et d’icelle mortallités morurent grant multitude de menu
puple ; aussy morut de grant parsonnaiges en Mets. Entre lesquelle
morurent ceulx cy après nommés : premier, Laurent de Toul, 1 amant,
Ysabel, fille seigneur Pier Renguillon, chevalier, aagée de XIIII ans,
le seigneur Régnault le Gouinaix, chevalier, duquel ce fut dueil et
dompmaige, car ilestoit homme saige, prudent et honnorable, et estoit
ung biaulx homme, puissant de corpts et de belle stature, et amoit
fort le comun puple, et aussy il estoit amés de tous les citains de Mets,
grant et petit. Gellui noble homme estoit cognus de tous les seigneurs
1.
2.
3.
4.
Aübrion, p. 15.
Aübrion, p. 16. — Clausse Strorffe.
Aübrion, p. 16.
Corriger fit : U fit un très pauvre temps.
MORTALITÉ EN METZ (1466)
378
des duchiés de Bar et de Loherenne et de plusieurs aultres pays, car il
tenoit tousjours court ouvertes en son hostel. Et est le corpts d’icelluy
noble seigneur ensevelis et ensépulturés on cloistre des Grant Prescheurs du couvent de Mets. Dieu ait son âme ! Amen.
Le merchault de Bourgongne passe parmei Mets. — Item l, en celluy
tempts, le merchault de Bourgongne passait de rechief parmy la cité
de Mets, acompaignié de cenc chevaulx. Mais, au retour, il n’y osa entrer
pour la mortalité qui alors y régnoit.
Car tousjours ce enforsoit, et moroit on de plus en plus ; et tellement
que, le XXVIIe jour de may 2, morut seigneur Jehan de Heu, cheva
liers, et grant almonier, perre a seigneur Nicolle de Heu 3, chevalier,
alors jonne anfïans. Et, à celle occasions, pour apaisanter l’ire de Dieu,
l’on fist en celluy tamps en Mets et dehors de belles pourcession, tant à
Sainct Clément, premier apostolle d’icelle cité, comme aultre part. En
ce meisme tempts morut Pérette 4, fille dudit seigneur Jehan de Heu,
et Mariette, fille seigneur Pier Deudeney. Aussy morut le seigneur
Jehan de Warize 5, très noble homme, et chevalier de Jhérusalem.
Et, alors qu’il morut, il avoit autant d’offices en la cité, luy seul, que
tout les rest des seigneurs, à cause qu’il estoit hommes saige, discret
et entandus. Et morurent encor de celle mortallité Thiébault Louve,
l’amant ; et le seigneur Pier Deudeney, l’amant ; damme Jehanne
Dex ; Wiberotte, sa suer ; damme Jennette Dex, leur aultre suer ;
damme Ysabel de Wairixe ; Katherine, fille Henry de Gorse, 1 amant ,
Jennette de Warixe, et Humbert, son frère, jonne escuier ; Allixette,
fille seigneur Pier Deudeney ; Jehan le Gornayx, escuier ; Collignon
Louve 6, escuier ; la fille Simonin Bertrand, l’amant ; Jehan Travault,
l’amant ; encor une des filles dudit Simonin Bertrand ; Dediet Ber
trand, son frère, et encor deux des aultres filz dudit Simonin Bertrand ,
Dediet, filz le seigneur Michiel le Gournaix ; Margueritte Louve ;
Katherine de Warixe ; damme Ysabel Dex ; seigneur Jehan Xavin 7,
l’enney ; Pier Roucel, escuier et chainoigne, qui est enterrés et ensevelis
a simetier Sainct Loys, avec les pouvre ; Jehan Renguillon, escuier ,
Mergueritte, fille le seigneur George de Serier ; Aillixette, fille seigneur
Jehan Rémiat ; et le seigneur Geoffroy Cuerdefer 8, chevalier, et
plusieurs aultres gens de biens et de bonne estimacion. Dieu ait leur
âme, et des aultres aussy ! Car la seigneurie de la cité en fut fort amendrie et descrute 9. Et fut ycelle mortallités merveilleusement grosse,
tant en Mets comme dehors, au plains païs.
1. Aubrion,
2. Aubrion,
3. Collignon
4. Aubrion,
5. Aubrion,
6. Aubrion,
7. Aubrion,
8. Aubrion,
9 Du verbe
p. 17.
p. 17.
dans Aubrion.
p. 18.
p. 19.
p. 20.
p. 21. — C’est Pierre Roucel qui est le fils de Nicole Roucel l‘aîné,
p. 22.
descroitre, décroître, diminuer.
ORAGES A METZ (JUILLET 1466)
379
Ung qui1 par justice on crevait les yeulx. — Item 12, en celle meisme
année, le XVIIIe jour d’apvril, fut en celle cité faictes et escécutées une
justice de laquelle n’avoit oncque estez en ycelle cité faicte la pareille.
Car, en ycelluy tampts, y oit ung homme lequelle avoit heu crevés les
deux yeulx d’ung prebstre, et estoit ycelluy homme nouvellement
venus demorer en Mets, et tant que on vint à la cognoissance d icelluy
cas. Parquoy il fut prins et fut menés en l’ostel du doien de la ville ;
et, après son cas cognus, il fut menés on pallas. Et puis, après la santance donnée, fut menés par les Trèzes et par les contes entre les pont
des Mors et celluy c’on dit le pont Thieffroy ; et, en ce lieu, auprès des
roue, fut le malfaiteur couchiez sus ung hault bancquez et eschéfault,
qui estoit fait de noviaulx, tout propisse corne il le failloit, et dessus
celluy fut très bien loyés, et par jugement le bouriaulx luy crevait les
deux yeulx hors de la teste, devent tout ceulx et celle qui estoient
présant et qui veoir le voulloient. Et fut celle justice une merveilleuse
besoingne et une justice très piteuse à resgairder.
Respit prins par l’évesques à la requeste des chanoingne.
A la sainct
Jehan 3, l’an dessus dit, envoiait mon seigneurs l’évesque de Mets
prandre respit, ung moix tant seullement, contre la cité de Mets,
pour le fait des devent dit chanonnes : c’est assavoir pour tant que,
en faisant le contraic de paix, il s’avoit fait fort d’apourter dedans le
dit jour sainct Jehan l’absolucion de la comfirmacion de Romme
de la paix et accord fait entre la cité et lesdit chanonnes, ce qu il ne
polt encor faire, parquoy il demandoit de graice espécialle d avoir
celluy respit.
Item 4, en la dicte année, fist ung très biaulx moix de jung ; et fut
cy très chault que l’on ne pouoit durer, de grant chailleur qu’il faisoit ;
parquoy l’on ce moroit tousjour de plus en plus. Et estoient les vignes
pouc chargiées de résin, maix ce poc qui y estoit estoit cy très
biaux et amendoit cy très bien que ce fut merveille.
Grant vent. — Puis 5, tantost après, le Ve, le VIe et le VIIe jour de
juillet, ces trois jour de routtes 6, fist le plus terrible tempts que de
loing tamps on avoit veu faire, c’est assavoir deux heures chacun jour
tant seullement. Car il vantoit sy trefïort qu’il sembloit que tout ce
deust fondre en abisme, et tonnoit et eslodoit terriblement , et puis,
après, pluvoit sy asprement et sy durement qu’il sembloit propre
ment que les nuez deussent cheoir. Et tellement qu’il n’y oit alors
cy bon teilz en Mets, tant fut bien racovatés, qui ne fut desrompus et
trespersés de la force du tamps, du vent et de la pluye qu il faisoit.
1. Qui, à qui. C’est le oui de l’ancien français qui survit ici.
2.
3.
4.
5.
Aubrion, p. 16.
Aubrion, p. 18.
Aubrion, p. 18.
Aubrion, p. 18.
6. De route, de suite.
380
JOURNÉE TENUE AVEC LES CHANOINES
(16
OCTOBRE
1466)
Pareillement 1, le pénultime jour du meisme moix de juillet, vint
errier en Mets ung terrible temps d’oraige, de grelle, de fouldre et de
tonnoire ; et tellement que, d’icelle grelle, y en avoit d’aucy grosse
comme des escuez à juer à la palme, ou que œufz d’oye, et les plus
petitte comme nois de noier. Parquoy ce tamps fist grant domaige
en Mets et en plusieurs aultre lieu. Et desrompit plusieurs wairiers,
principallement touctes les wairiers de la grant église de Sainct Vincent,
et plusieurs aultres parmy la cité. Mais, la grâce à Dieu, celle dan
gereuse nuée cheust causy toutte en la ville, et ne fist comme point de
dompmaige aux champs ne és biens de terre.
iiiic Bourguignon par devent Mets. — Item 2, ledit jour, passèrent
par devent la cité de Mets environ quaitre cenc Bourguignon, lesquelx
c’en alloient servir mon seigneur de Bourgongne contre la ville de
Dinant.
Procession. — Et 3, le XXIIIIe jour du moix d’aoust ensuient, on
fist une très belle porcession généralle au Grant Mostier de Mets, pour
le remide de la pestilance, qui corroit fort. Et ce partirent de ce lieu
pour aller quérir la vraye croix de Sainct Elloy aux Chartreux de
Nostre Damme du pont Thiefïroy. Et y fut pourté le chief sainct
Estienne au devent de la dicte vraye croix, avec la fierte sainct Clé
ment, qui pour l’heure avoit estés aportée à Metz (car il y avoit XL ans
qu’elle n’y avoit plus estés). Et, en celle compaignie, fut pairellement
pourtée la fierte le glorieulx martir sainct Levier, chevalier, natif de
Mets. Et en belle ordonnance fut ainssy acompaignée la très digne et
précieuse croix de Jésu Crist jusques à l’église de Sainct Pier le Viez.
Et en ce lieu fut possée, et demourait par plusieurs jours, en jusques
à tant que celle pestilance fut cessée.
Puis 4, dès ce jour en avant, ce mist le tampts au biaulx. Et fist ung
tamps merveilleusement biaulx c’est assavoir depuis la moitié dudit
moix d’aoust en jusques à la fin de septembre ; auquelle moix il fist
sy très chault qu’à poinne on le pouoit endurer. Et, à celle occasions,
furent les vins sy bons et dilicquait que c’estoit merveille ; et disoit
on que, passés XXX ans, il n’avoient estés milleurs. Parquoy l’on ne
vend oit les pouvre vins santant le verjus de l’an devent LXV que ung
denier la quairte, ou deux angevigne ; et en trouvoit on assés à ce pris,
car il estoient cy très fier que c’estoit pitiet. Maix le bon vin nouviaulx
de cest présente année, et les vins viez de l’an LXIIII, on les vandoit
communément à V deniers la quairte.
Journée tenue à Sainct Mertin la Glandière. — Item5, en celluy
tamps, retournirent de court de Romme les comis des devent dit chainonnes qui estoient de part eulx envoiez pour le fait d’icelle bulle.
Et tellement que, le XVIe jour d’octobre, le seigneur Geoffroy de
1.
2.
3.
4.
5.
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
p.
p.
p.
p.
p.
19-20.
20.
20.
21.
21.
NOUVELLES BULLES EXIGÉES DES CHANOINES (16 OCTOBRE 1466)
381
Warixe et le seigneur Jehan Baudoche, chevalier, qui estoient deux des
quaitre commis pour le fait des chanonnes, furent à une journée à
Sainct Mertin la Glandière contre les devent dit chanonnes, pour visiter
les bulles que lesdit chanonnes avoient nouvellement rapourtés de
Romme, et affin de sçavoir se lesdictes bulles estoient en forme selon
le contenus de l’accort fait entre la cité et lesdit chanonnes. Et en
présance y fut mon dit seigneur l’évesque de Mets. Et furent ycelle
bulles veue, visitéez et leutte tout du loing. Et ce thint ycelle journée
tout a meylieu du boix, entre Sainct Mertin et Sainct Avoul. Et, quant
il olrent veu le contenus d’icelle bulles, lesdit deux commis prinrent
dilacion, et retournirent arrier à Mets remonstrer le fait au conseil de
la cité. Puis, de rechief, au mardi après, s’en sont rallés audit lieu,
comme il avoie promis de faire. Mais il ne polrent encor avoir acort ;
car ledit seigneur évesque et les chanonnes tous ensemble avoient
impétrés plusieurs bulles à Romme en l’ancontre du rest des prebstre
qui estoient demorés durant ycelle dicension à la partie de la cité,
et la cité ne le voult mye passer ne parmettre sans en parler à yceulx
prebstre et gens d’église, tant de religion comme aultrement. Parquoy
il les mandirent quérir tous enthièrement pour oyr leur voilloir : c’est
assavoir les chainongne et les chaippellains des église collégialz résidant
en Mets, les abbez, les curés, les ordres mendiantes, et tous les altaris a,
et aultres vicaire et chaippellains. Et, eulx venus, leur fut demendés
oppinion, assavoir mon cornent il estoit bon de faire touchant le fait
d’icelle bulles. Alors lesdictes gens d’église respondirent ce que bon
leur pleust. Et tellement que, le dimenche tantost après, qui fut le
lundemain de la Toussains, lesdit deux commis y retournairent, et
fut arrier journée tenue contre lesdit chainonnes, comme par avant.
Et leur firent la responce, pour la cité, telle : qu’il ne passeroient ne
agréeroient ycelle bulles, ne aultres, sinon que en ycelle fut contenus
que les gens d’église fussent absolz aussy bien comme toutte la cité.
Et tellement que force fut audit chanonnes, avent que rentrer en Mets,
de renvoier à Romme pour avoir nouvelle bulles.
Item12, en celle devent dicte année, il fist ung grantmoiste yver froit
et plevieulx ; mais il ne fist oncque gellée que durait a plus hault
de V ou VI jours en ung tenant.
Paireillement, en la meisme année mil 1111° et LXVI, ce firent plu
sieurs besongne au royaulme de France digne de mémoire.
Tresves prime entre François et Anglois.
Et, premier, fut le roy
advertis que les Anglois, anciens ennemis de la couronne de France,
avoient délibéré de envahir le royaulme et y faire descente. Sy fist faire
par le conte de Sainct Pol grande armée et amas de gens de guerre.
Mais, tantost après, furent faictes et accordées trêves de XXII mois
entre les dictz roys de France et d’Angleterre.
1. AUariste, latin altarüta, chapelain. Ce mot semble être particulier à l’est de 1«
France et à la Rhénanie.
2, Aubkion, p. 22.
m
RENÂUT LE GOURNAY. MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1467)
Et, en ce tampts, donnait le roy a princes du royaulme plusieurs
office et dominacion.
Réformation en France. — Et, avec ce, furent en celle meismc année
ordonnés et députés plusieurs grans et sages gens, jusques a nombre de
XXI, lesquelles furent fait comissaire pour adviser et donner ordre au
fait et police du royaulme, ainsy qu’il avoit estés dit et ordonné par
l’appointement fait par le roy avec les princes de son royaulme. Lesquelz réformateurs estoient pour ce faire à Paris le XVIe de juillet,
qui alors estoit la révolucion de l’an de la rencontre faicte à Montlehéry. De laquelle assemblée et réformacion estoit chief et principal
mon seigneur le conte de Dunoys, et l’archevesque de Rains, surnom
més des Ursins ; lequelle en ce jour célébra messe du Sainct Esperit
sollennellement au palas, affm que Dieu leur donnast faire chose qui
fust utille au bien publicque.
Le sciège devant Dynant. — En ce meisme ans, le duc Philippe de
Bourgongne, qui se faisoit pourter en une litierre, et son filz, de Charolois, mirent le siège devent la ville de Dinan. Laquelle, combien que
ce fut l’une des fortes villes du païs, finablement fut prinse d’assault,
et par traïson, comme le mest aulcune istoire. Et fut totallement
destruicte, les église abatues, les maisons airxe et arasée ; et partie des
habitans tués, femme et anfïans loyés par grant troupiaulx et reversés
en la rivier, et le rest envoia en exil. Les mur de la ville furent arasés à
fleur de terre et les foussez remplis. Et y fut faictes l’une des grant
désolacion et murtre innumains que jamaix fut faict en ville. En cest
ville de Dinan, fut tant prinse de batterie de paelle d’airains et de chauderon que tous le païs de Mets et de Loherenne en furent remplis.
Mortalités à Paris. - Et, en ce meisme tampts, on moix d’aoust et de
septembre, courut sy grande pestillence dedans Paris et és environs
qu’il en morut plus de XL mil créatures, comme l’on trouve escript,
par compte fait. Entre lesquelles morut maistre Arnoult, grant astrologien du roy, avec plusieurs aultre docteur et scientificque personne.
Les Fransois de guerre aux Bourguignon. — Aussy, en cellui tampts,
fut criez en France le ban et arrier ban pour aller contre ledit duc de
Bourgongne et contre le devent dit Charles, son filz. Aussy furent mis
sus de nouveau une quantité de francz archiers oultre le nombre
ordinaire.
Mais de leur guerre je vous lairés le parler, pour revenir à mon prepos et a maistre eschevin de Mets.
Mil iiiic Ixvij. — En l’an XXVIIIe de l’empire du devent dit Phéderich l’ampereur, qui fut l’an de nostre rédemption mil quaitre cenc
LXVII, fut alors créés, fait et essus maistre eschevin de la cité de
Mets le sire Régnault le Gournaix, qui depuis fut chevalier L
1. Aubrion, p. 22.
ARRANGEMENT FAIT AVEC LES CHANOINES (AVRIL 1467)
383
La paix du tout apoinlée entre la cité et les chanonnes.
Et *1, en la
dicte année, le jeudi après Paicquez, revint a de Romme le vicaire de
mon seigneur l’évesque, lequel rapourtait, comme on disoit, les bulle
de Romme contre les chainonnes tout ainsy comme la cité les deman
dent. Et tellement que le dit évesque en rescript audit de la cité ; et en
aportait les lettre le seigneur Henry Baier pour et affïn de on non dudit
évesque pranre une journée. Et fut conclus et assignée à la premier
pour le mairdi après Quasymodo. A laquelle journée y furent envoiés
pour la cité le sire Jehan Baudoche, chevalier, le seigneur Geoffroy de
Warixe, et seigneur Nicolle Roussel l’anney, pour visiter lesdicte
bulles. Et fut trouvés qu’elle estoient assés convenables. Et alors en
fut prins la coppie et rapourtée à Mets, pour les monstrer aux gens
d’église, assavoir mon c’il y avoit rien que dire. Puis 2, *le dimenche
après Quaisimodo, furent mandés tous les abbés, lez abbesses, les
chaippellains collégialle, et tous les curés de Mets, et tous aultres
eclésiasticque. Et à yceulx furent par lesdit comis monstrés la coppie
d’icelle bulles pour et affin de les resgairder et aviser c’elle estoient en
bonne forme. Et yceulx eclésiasticque les avisairent, et, a lundemains,
firent leur responce, telle qu’elle fut concordante d eulx tous ensambles,
disant que la chose alloit très bien, et que par les condicion faicte et
eschevye desdite bulle la paix ce pouoit bien faire. Et, tantost au
lundemains, que fut le mairdi, les trois commis pour la cité s’en retournairent à Nominy ; et y furent environ VII jours 3. Et à celluy jour
paissairent tout le traictiet et la paix enthièrement. Et, dès incontinent,
lesdit chainonnes c’en allirent publier l’absolucion par tout le pais de
Mets. Et puis, ce fait, leur fut donnés et essignés journée pour revenir
à Mets ; et fut celle journée prinse pour le jour de la sainct Clément en
may ensuient.
Mais, avant que je vous desclaire plus avent de leur antrée ne de leur
récepcion en Mets, je vous mecterés ycy les coppie de deux lestre faictes
et passées parmy cestuy escort faisant, comme la teneur s ensuit.
Lettres de sauvegarde
Leclres de saulvegairde. - Nous 4, George, par la grâces de Dieu
évesques de Mets, sçavoir faisons à tous que, comme il ait pleus à nostre
très sainct père en Jhésu Crist, seigneur Paul, pappe second, par ces
bulles de modéraeions à nous et certains aultre commissaires adressant,
que doien et chapistres de nostre églises de Mets, emsembles leurs
chapellains, serviteurs et biens quelcunques, soient en la protections
a. M : revit.
1. Aubrion, p. 22.
3* IubrIon’ p’ 23': et y jurent ung jour. Philippe a pris un (vij) pour le ehiffre vu.
4! Hxjguenin, p. 356, reproduit aussi cette lettre. Nous lui empruntons les variante»
qui suivent.
384
LETTRES DE SAUVEGARDE ET DE MODÉRATION (20 AVRIL 1467)
et sauvegarde de la cité de Mets, tant ycelle *1 comme dehors, de ce
est il que nous, désirans norir paix, amour et dilections “ entre lesdictez
partie, avons, par le voulloir, sceu, agréacion et consentement d’icelles,
les appaisantés et accord 2 de ce dit difïéians par la manier qui s’ensuit.
C’est assavoir que lesdit de Mets, en comtemplacions et honneur de
nostre sainct père, et à nostre prières et requestes, ont prins et receu,
prennent et reçoivent lesdit doiens et chapitres, emsembles leurs
chapellains, clerc de cuer, serviteurs, famillier et subjectz, tous les
biens de leurs dictes églises et les leurs, en chief et en nombres 3, tant
en la dicte cité comme dehors, en leurs protections et sauvegarde, pour
les garder, poursuivre et réclamer 4, defïandre bonnement et loyaulment, selon leurs possibillités, comme ilz font leurs citains et manans
de la dictes cités, ht seront tenus lesdit doiens et chappitre, pour eulx
et les leurs dessus dit, paier chacun ans, tant et sy longuement qu’il
seront en la dicte sauvegardes, la somme de XXXVI livrez, monnoie
de Mets, aux jour de Pasques communial, ou VIII jour après, san
malengien, à la dicte cité ou à leurs commis et députés. Et ont lesdictes
parties, chescunes endroy soy, promis et cranteit en bonne foidz avoir
ce que dit est ferme, estaubles et agréables, sans y contrevenir en
manière que soit ou puist estre, et le tout san malengiens. Et, en signe
de ceu, avons, nous, George, évesque de Mets dessus dit, comme média
teurs, fait appandre nostre sceel à ces présentes. Et, pour affirmacions
et approbacion dé choses dessus dictes estre par nous, les parties,
faictes, passées, promises et crantées par la manières que dit est,
avons, doiens et chappitres, nostre grant sceelz, et nous, le maistre
eschevins, trèses jurés, le conseil et touttes l’universités de la cité de
Mets, le grant sceelz de la dictes cités avec le sceelz dudit révérandz
perre mis et appandus à ces présantes. Que furent faictes et données le
XXe jour du moix d’apvril, l’an mil quaitres cens et soixantes et septs.
Lettres sur les modéracions
Lectres sur les modérations. — Nous 5, George, par la grâces de Dieu
évesques de Mets, et Jehan, par la parmission divines abbés du monaistères de Sainct Mathie près et hors des murs de Trieuves, de l’ordre
sainct Benoy, sçavoir faisons 6 7que, en concluant paix et concorde ?
entre les vénérables nous chiers et amés frères doiens et chapistres
de l’églises de Mets, d’une part, et spectables lé maistre eschevins,
trèzes jurés, conseil et universités de la cité de Mets, d’aultre part, sur
а. M • Elections.
1. Tant dedans icelle.
2. Les appaisantés et accordés.
3. Et en membres.
4. Poursuir, réclameir et deffendre.
5. Huguenin, p. 356, reproduit aussi cette lettre. Nous lui empruntons les Tariantes
qui suivent.
б. Sçavoir faisons à tous que.
7. Accord.
RENTRÉE DES CHANOINES
A METZ (2 MAI 1467)
385
certains traictiez jà piéça fait par le moien de nous, George dessus
dit, entre lesdictes partie, et sur certainnes modéracions contenues
és bulles appostoliques confîrmatoires dudit traictiez à nous adressant,
c’est assavoir que, s’alcun débatz sourvenoit en cas de disme, et aussy
touchant l’acquisicions des biens, etc., se deveront cognoistres *1 par le
juge espirituel, avons 2 conjointement, pour biens de paix, du sceu,
grey, consentement et vollunteit expresses desdictes parties, dit et
desclarisons et déclairons 3 par ces présentes que l’article desdictes
modéracions ens tant 4 qu’il touches l’aquisicions des biens 5 lesquelz
par confîrmacions aux portes, porroient et debveroient, selon ledit
traictiés, estre acquis à la dictes cités ; et par 6 *ycelle modéracions
dessus nommées estre souffisanment comprinses esdicte lettre de con
cordes faictes entres lesdictes partie ; et que elles ne doient préjudicier
ne derroguer à ladictes concordes en manier que soit 1 ou puist estre,
et le tout sans malengin. Et, en signe de ceu, avons, nous George,
évesques, et Jehan, abbés dessus dit, comme médiateurs en cest par
ties a, fait espandre nous sceelz en ces présantes. Et, pour aifirmacions
et approbacions des choses dessus dictes estres par nous, les parties,
passées, agréés 8 par la maniers que dit est, avons, nous doiens et
chapitre, nostre grant sceelz, et nous, le maistre eschevins, trèses jurés,
le conseille et universités de la cités de Mets, le grant sceel de la dictes
cité mis et espandus avec les sceelz desdit révérendz et vénérables
pères en Dieu à ces présantes. Que furent faictes et données le XXe jour
du moix d’apvril, l’an mil quaitre cent et LXVII.
Item 9, en celle meisme année mil quaitre cent et LXVII, il fist ung
merveilleux tampt on moix de mars et on moix d’apvril ; car il ne fut
oncque journée on dit moix de mars qu’il ne pleust, et aussy fist il en
apvril, jusques a XXVe jours ; et estoit ycelle pluye très merveilleuse
ment froide. Et, avec ce, il tonnait audit moix de mars et d’apvril par
plusieurs fois, et cheoit de grosse gresle, qui estoient bien domaigeable
au fleur des arbres.
Les chanoinne entre en Mets. — Puis10, tantost après, c’est assavoir
le samedi deusiesme jour du moix de may, qui fut le jour de la sainct
Clément, lequelle jour, comme cy devent est dit, avoit estés essignés et
а. M • paties.
1. Se debvera cognoistre. — Le sujet de devra est débat.
2. Il faut réunir : Nous, George, etc., savoir faisons que... nous avons.
3. Avons... dit et desclairiè, disons et desclairons.
4. En tant qu’il touche.
5. Ici Philippe a sauté un membre de phrase : l’acquisition des biens, ne s’estend
plus avant, ne ne doit estre entendu fors que seulement au regart des biens lesquelz par
confiscation aux portes, polroient et debveroient, etc.
б. Supprimer par. — Ce nombre de phrase dépend de : disons et déclarons.
7 En matière que ce soit.
8. Passées et agréées.
9. Aubbion, p. 23.
10. Aubrion, p. 23.
386
DIFFICULTÉS A METZ AVEC LES CHANOINES (MAI
1467)
prins pour entrer les devent dit chainonnes en Mets, et*1, de fait, il y
entrirent, acompaigniés de mon seigneur l’évesque d icelle cité, et,
paireillement, de tous leur serviteur, lesquelles durant celle dicencion
avoient estés banis pour tant qu’il s’en estoient allez avec lesdit chanonnes ; mais, par le devent dit accord fait, il furent rappellés. Et, à
leur antrée, fut fait de grant mistère ; car, pour celluy jour qu’il y
entront, il fallut cesser de chanter messe, et ne fut ce jour chantés ne
sonnés quelque cloiche en Mets ne on pais d icelle, jusques au lundemain, le dimenche, aux VII heures ; et, alors, fut premier sonnés au
Grant Moustier, et, en après, fut sonnés par tout aultres église parmy
la cité. Et, ce fait, fut ledit évesque à la Grand Église durans la grant
messe et les vespres, acompaigniés de tous les chanonne devent dit;
et paireillement au lundemains. Auquelle jour furent devent ledit
évesque les commis pour la cité, c’est assavoir le seigneur Régnault le
Gornaix, maistre eschevin de Mets, le seigneur Jehan Baudoche, le
seigneur Pier Renguillon, le seigneur Geoffroy de Warrixe, tous trois
chevaliers, et le seigneur Nicolle Roucel l’anney, demender absolucion
pour toutte la cité enthièrement. Et mon seigneur l’abbé de Sainct
Vincent en l’isle de Mezelle en Mets, mon seigneur de Sainct Clément,
mon seigneur de Sainct Arnoult, mon seigneur de Sainct Simphoriens,
mon seigneur de Sainct Mertin, tous abbés, y furent pour touttes les
gens d’église enthièrement.
Et, pour avoir mémoire de leur venue, en furent composés ces vers
ycy après escript par yceulx chainonnes meismes, auquelle est contenus
le milliair et l’an qu’il rantrirent en Mets. Lisés à trait, et le tout y
trouvenrés, ce bien le sçavés comprandre :
CLaret nVnC Métis, Cesslt noX, heCquez serenat.
Or 2 *avint,
4
le lundi tantost après, pour tant que les citains de Mets
ne faisôient mye bonne chier ausdit chanoignes, il c’en vinrent doloser
et complaindre audit évesque. Car tout le puple les haioit formeement ,
et les destraictoient 4, et leur disoient grant injure et villeme. Parquoy
lesdit chainonnes, comme dit est, ce vindrent à complaindre audit
évesque en luy desclairant les injures et villeme que les citains de Mets
leur disoient, et le moleste c’on leur faisoit. Et, alors, ledit evesque
envoiait quérir le seigneur Jehan Baudoiche, seigneur Geoffroy de
Warixe « et seigneur Nicolle Roucel l’anney, et leur dit et priait qu il
volcissent à tel tenir le puple qu’il ne faïssent ne dissent desplaisir
audit chainonnes. Lesqueulx trois seigneurs commis pour la cité respondirent audit évesque qu’il n’estoient mye enbahis se le peuple
a. M : Warixe (le w est barré de l’abréviation er).
1. Il laut supprimer et pour que la phrase devienne régulière.
23: Fermement'signifie « formellement, en forme ». Philippe n’a-t-il pas confondu
avec jorment « fortement » ?
^
4. jJdracter, refuser de servir quelqu’un.
DIFFICULTÉS au sujet de l’abbaye de gorze (mai 1467)
387
haïsoit lesdit chainonnes pour le mal qu’il avoient query contre la cité ;
maix, néantmoins, s’il en y avoit aulcuns qui faisissent ou desissent
desplaisir à aulcuns desdit chainonne, et il s’en plaindoient à justice,
lesdit comis promirent de leur en faire bonne et brief justice, et telle
comme au cas seroit requis. Alors, quant ledit évesque oyt leur responce, il es contantairent ; et dit à yceulx complaindant qu’il se tinssent
gracieusement, et qu’il ce maintinssent a et feissent tellement et sy
gracieusement qu’il n’en oyt nul nouvelles. Et, tantost le lendemains,
se partit le dit évesque de la cité, et s’en allait à Vy. Et la cité le fist
conduire et luy fist honneurs à son retour ; car tous les soldoieurs de
la dictes cité, qui estoient environ VIXX chevaulx, bien en point, par le
comendement et ordonnance de leurs maistres, les Septz de la guerre,
le reconduirent près de deux lue loing ; et puis prinrent congiez et c’en
sont retournés à Mets.
Item !, tantost aprez, lesdit chainoignes ordonnairent de faire trois
porcessions par trois dimenchez l’ung après l’aultre. Et, le premier
dimenche ensuiant, en fut faicte une à Sainct Clément ; maix il n’y fut
causy personnes, pour tant que les seigneurs n’y furent pas. Parquoy
lesdit chainonnes en furent couroussiet et desplaisant, et, de fait, le
dirent aux seigneurs, en eulx remonstrant que aux dictes porcession y
alloit poc de gens. De quoy les seigneurs devent dit leurs respondirent
et dirent que à ce jour de dimenche n’estoit pas convenauble de laissier
sa grant messe pour faire ycelle pourcession, et qu’il seroit bon de les
mettre à aultre jour. Et lesdit chainoigne ont bien humblement respondus qu’il les mestoient à leur discrécions. Et, tantost le vandredi
après, les seigneur firent huchier et faire une très belle porcession ; et
fut faictes à Sainct Arnoul ; et à ycelle porcession se trouvait tant de
gens que ce fut sans nombre. Et puis, tantost, le second vendredi, qui
fut le VIIIe jour après, on fist l’aultre porcession à Nostre Damme
au Champs ; et y oit encor plus de gens que à nullez des aultres.
L’embassade de mon seigneur d’Arras â Mets. — Item 2,
* 1environ la
Pantecouste après, vint et arivait en Mets une embaxade de mon
seigneur d’Aras, le cardinal d’Alby, lesquelx venoient prandre posses
sion de l’abaye de Gorse. Et furent logiez à Sainct Vincent ; puis,
assés tost après, c’en allircnt à Gorse. Maix il n’y demouront guerre ;
car bonnement et de craintes il ne c’y oisoient tenir. Et, tantost, il
commensairent à faire lettres et à planter l’escomunicacion a portai
du Grant Mostier contre l’abbé de Gorse. Dont il en y oit aulcuns et
plusieurs qui c’entremirent de les dessirier et de oster ycelle lettres du
portai. Et tant que lesdit ambassadeurs ce firent mener en justice
devent mes seigneur les Trèzes, leur priant que l’on y voulcist mestre
remède. Et, tantost, à cellui jour qui fut faictes la pourcession à Sainct
Arnoult, firent yceulx ambassaide mettre l’interdit contre lesdit de
a. M : maintissent.
1. Aubrion, p. 24.
2. Aubrion, p. 24-25.
388
ORAGE A METZ (2 JUILLET 1467)
Gorse au portai dudit Sainct Arnoul. Et, alors, y oit ung compaignon,
appellés Herment l’estennour 1, que les araicha et les mist en piesse.
Parquoy, incontinent qu’il fut venu à la congnoissance de justice, le
propre lundemains, ledit Herment fut huchiés sur la pier ; et fut banis
ung ans hors de la cité et du pais d’icelle, et, avec ce, paiait XL sols
de messins d’amende. Et puis fut errier criés que nulz ne fut sy oisez
ne herdi de les plus dessirer ne de les oster. Et fut ce huchement fait
pour tant que le roy de France, mon seigneur de Lorraine et mon
seigneur le marquis du Pont avoient rescript à la cité qu’il aidaissent
aux ambassades dudit cardinal contre ledit abbé de Gorse, parquoy
on ne les oisoit couroussier.
En celle année 2, ce chaingeait le tamps par plusieurs fois. Et telle
ment que, environ VIII jour à la fin du moix de jung, fit cy très c'hault
et sy très biaulx qu’on ne pouoit durer de challeur ; et estoient desjay
les verjus gros à la sainct Pier, quoy qu’il eust fait bien froit trois
semaigne dudit moix de jung, lesquelles durant il plevoit tous les jours
pluie aussy froide comme à la sainct Martin.
Grant vent. — Item 3, le deusiesme jour de juillet, fit ung très
orrible tempts de vent et de pluie ; parquoy furent abatus plusieurs
arbres à Metz et on païs d’icelle, et fist la grelle de gros dopmaige és
vignes en aulcune contrée. Puis, après, environ le XXe jours de ce
meisme moix de juillet, fit ung tel tampts que les vignes furent touttes
collées et fort brullée, tellement qu’il y oit grand dopmaiges. Et, encor
pis, les bief furent tout embrussiés 4 on païs de Mets et en plusieurs
aultre contrée, meismement a les froment, en la duchié de Bar et aultre
part. Puis, quant ce vint on moix d’aoust après, environ la mitté, le
tamps se chaingeait ; et fist ung très biaulx temps, et aussy fist on
moix de septembre. Et, alors, acomensairent les vignes à ce fort meller 5
et à meurir ; et tellement que, le premier jour de septembre, l’on
heust desjay bien fait du vin nouviaulx, qui heust vollu.
Les Lorains gaingne plussieur piesse. — Item 6, le second jour de
septembre, vinrent nouvelles en Mets que les Lorrains avoient gain
es. M : meisment.
1. On peut lire esteuvour, étuveur, propriétaire d’étuves, teneur de bains. Mais,
dans un inventaire de 1508 publié par Lorédan Larchey (Aubrion, p. 7, n. 1 et 8), les
prétendus étuveurs sont joints aux chaudronniers et aux potiers de cuivre. Il faut donc
interpréter estainnour, ouvrier qui travaille l’étain. C’étaient des batteurs d’écuelles ou
escuelliers d’étain, des potiers d’étain; l’on faisait aussi, en étain ou en plomb, des
miroirs, des sonnettes, des chaînettes.
2. Aubrion, p. 25.
3. Aubrion, p. 25-26.
4. Patois ambrûsieu (Zéliqzon,
Dictionnaire des patois romans de la Moselle) :
brouir, se dit du blé attaqué par la rouille.
5. Maler (ibid.) se dit encore aujourd’hui au pays messin des raisins qui commen
cent à mûrir : une partie des grains se teinte, les autres étant encore verts.
6. Aubrion, p. 26.
MORT DE PHILIPPE, DUC DE BOURGOGNE (1467)
389
gnez plusieurs places de mon seigneur le merchault *, noméement
Benville 12, que estoit forte terriblement.
Les Metsains en crainte. — Puis 3, le XXe jour de ce meisme moix de
septembre, vinrent errier nouvelle en Mets que il venoit grant compaignie de gens d’armes contre la cité. Parquoy alors fut ordonné de
faire double gait dessus les murs et a pourte. Et fist on fouyr en la
cité les bonnez gens du Vaulx et d’aultre lieu de la terre de Mets 4.
[la MORT DE PHILIPPE, DUC DE BOURGOGNE ; LES PREMIERS
ACTES DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE, SON FILS]
Durant ce tamps, c’est assavoir en celle meisme année, ce firent
encor plusieurs aultrez chose digne de mémoire, tant on royaulme de
France comme en la cité de Mets et aultre pars.
Le roy de France en Normandie. — Premier, avint que, en la dicte
année, le roy Loys c’en alla on pais de Normendie, et y mena la royne
et ces fille ; et, là, luy furent envoiés en embassade, on nom du roy
d’Angleterre, le conte de Warvich, et plusieurs aultres, pour traictier
apointement. Lesquelles le roy festoia grandement en la ville de Rouan
par l’espasse de XII jours à ses despans ; et, au despartir, leur donna le
roy de grans dons. Et, avec eulx, envoya le conte de Roussillon, admirai
de France, l’évesque de Laon et plusieurs aultres ces embassade. Et ne
firent rien, ou peu, de leur proffit.
La royne à Paris. — Après ce fait, le roy s’en retourna à Paris.
Et y mena la royne, qui n’y avoit encor point esté ; et y entra par
yaue, le mardi premier jour de septembre, où elle fut honnorablement
receue. Entre les aultres, luy fut présenté ung cerf fait de confiture,
ayant les armes d’icelle royne pandues à son col.
La mort de Philippe, duc de Bourgongne. — En celle meisme année,
on moix de juing, trespassa de ce sciècle Philippe, duc de Bourgongne,
en la ville de Bruges ; et fut son corps portés enterrer en ung riche
sépulcre, aux Chartreux de Dijon, avec ses prédécesseurs. Et luy
succéda Charles, conte de Charolois, son seul filz.
Les Parisiens en armes. — Et, en ce tampts, le roy fist mestre en
armes lé Parisiens. Et ne scet on à quelle cause, sinon qu’il voulloit
congnoistre quelle force avoit la cité, ou pour ce qu’il espéroit que la
renommée de celle chose espoventeroit ses annemis. Et tellement que,
1. Jean de Fénétrange, maréchal de Lorraine.
2. Bouville au miroir sus Madon, dans Huguenin, p. 359. C’est Bainville-auxMiroirs, Meurthe-et-Moselle, Nancy, Haroué, sur la Moselle (et non Bainville-surMadon).
3. Aubrion, p. 26.
4. On les force à se réfugier dans Metz.
390
CHARLES LE TÉMÉRAIRE EN GUERRE AVEC LES LIÉGEOIS (1467)
le XVe jour de septembre, selon le comendement du roy, fussent issuz *1
les Parisiens de la cité par la pourte Sainct Anthonne, soubz les ensei
gnes des juges, officiers, capitaines et ministres ; et, en la présance
dudit roy, ont rapourtés que le nombre estoit de soixante et dix mil
hommes en armes.
Loys de Bourbon asseigiés par les Liégeois. — Et fut ce fait du tampts
que les Liégeoys menoient la guerre encontre Loys de Bourbon, leur
évesque, et qu’il le asségèrent à la ville de Heu. De quoy, le XXVIe jour
de ce meisme moix de septembre, en vinrent les nouvelle en la cité de
Mets ; et fut dit, comme il estoit vray, que ladicte ville de Heu estoit
gaingnié par lesdit Liégeois. De quoy mon seigneur le duc Charles de
Bourgongne fut moult courrosiez et dollans ; car il avoit apousés la
niepce dudit Loys de Bourbon. Parquoy il entreprint et délibéra de
leur faire la plus terrible guerre que jamaix fut faictes contre cité.
La guerre criéez contre ceulx de Liège. — Et, jay ce que le dit Loys,
évesque de Liège, estoit eschappés de ce dangier, ce ne fut pas pour tant
le dit duc Charles raipaisés. Ains manda ces fiedz et arrier fiedz, tant de
Mets que d’aultre part, et fist crier la guerre à son de trompe encontre
lesdit Liégeoys. Et tenoient ceulx qui anonsoient celle guerre une espée
nue en l’une des mains et une torche ardante en l’aultre ; laquelle
chose signifîoit qu’il voulloit destruire celle nacion de feu et de sanc.
Et 2, pour descervir leurs fiedz, y furent desdit de Mets le sire Philippe
Dex, seigneur Giraird Perpignant, en propre personnes ; et le seigneur
Werry Roucel, chevalier, et le petit Collignon de Heu y envoiairent
leur verlet pour et en lieu d’eulx. Et partirent de la cité de Mets le
samedi thier jour d’octobre, très bien en point.
Le roi de France envoie secour aux Liégeois. — Touteffois, pour ce que
de loing tempts yceulx Liégeois avoient estés conjoinctz et a alliez avec
lez Françoys, pour raison de quoy délibéra le roy leur envoier secours,
comme il fist. Et, de fait, y envoia bon capitaine, acompaignié de quaitre
cens hommes d’armes, avec VI mil franc archieis.
Le pape veult abollir la Pragmalicquez Sancion. — Aussy, en ce
meyme tampts, estoit bruit que le roy avoit promis au pape de afïacer
et destruire la Pragmatique Sancion. Parquoy le dit pappe, non aient
oubliés cest promesse, comme il eust en grant horreur celle mesme
Pragmatique et l’appelloit hérésie, et, à celle occasion, envoia ces
ambassade devers le roy, affin de le enhorter de soy acquiter de sa
promesse ; et le dit Loys en fit tout son devoir. Mais le parlement ne
le voult acourder. Et, par sus tous les aultres, maistre Jehan Romain,
procureur général du roy, y résista et ne c’y voulut concorder, pour
menaces que Balue, cardenal de Romme et embassadeur du pappe,
luy sceüst faire, mais dit qu’il estoit du tout résolu de tout perdre,
et office et biens, avent ce qu’il fist chose qui fust contre son âme, au
a. M : a.
1. On attendrait : furent issus.
2. Aubrion, p. 27.
TRÊVE DE SIX MOIS ENTRE FRANCE ET ROURGOGNE (1467)
391
préjudice du royaulme et de la chose publicque. Parquoy ledit Balue le
menassoit, et en olrent plusieurs parolles ensemble ; et luy devoit
faire mons et merveilles, car c’estoit ung homme frauduleux et plam
cIg
câutcllG.
•
Et, tantost après, cil Balue, avec plusieurs aultres, furent envoiez
on non du roy Loys par devers Charles, duc de Bourgongne, en am assade, pour plusieurs raison, que je lesse. Entre lesquel es eurs u
bailliés comission de apaiser les Liégeois d’icelle devent die e guerre
que le duc Charles leur menoit.
j Hntlt
Liège destruide. - Mais il n’en firent riens ; ains furent obliés , dont
mal leur en print, et furent frustrés de l’espérance qu il avoie a roy
De quoy, après plusieurs chose faicte et dictes, que je laisse, turent
lez muraille d’icelle cité de Liège en partie abatue, et la cité gamgnée,
et le païs destruit. Et, avec ce, leur fut ostés beaucopt de leur franchise
et paièrent grant somme de denier. Et en furent en ce amp s
nouvelle apourtée en la cité de Mets.
,
Trêves de vj moix. - Et, tantost après, le dit Balue et le conte de
Sainct Pol c’en retournairent dever le roy, cen aultre chose faire, smon
qu’il avoie ampétrés devers ledit Charles de Bourgongne treves de six
^Plussieur conspirateurs contre le roi. - Item, aussy en celluy tempts
le roy avoit encor plusieurs conspirateur encontre luy. Entre lesque e
estoit le duc de Bretaigne, et Jehan, duc d’Alenxon : car yceulx prince
tantost estoient amis a roy et tantost luy estoient contraire, p
que le roy remuoit tropt souvent ces officiers pour en y reme
nouviaulx.
Comission baillée à Balue. - Or, je vous veult raconter une bonne
parolles que fut dictes a roy par Chaban, conte de Dammartm. H est
vray que en ce tamps le roy donna comission a dit Jehan Balue, c
dinal, de faire sortir les Parisiens en armes au champs c on dit le
aux Clerc, joignant le monastère Sainct Germain, affm de faire leur
monstre et reveue de leur nombre, et aussy de regairder cornent 1
estoient armés et acoustrés, et qu’il en sceut à dire a roy e vray Et
alors que ces monstre ce faisoient, le dit Jehan Balue estait vestus
d’ung sorpellis de lin, et estoit monté dessus ung pc î mu
.
le devent dit Chaban, conte de Dammartm, en oit despit , et, corn
en ce tampts il résidoit avec le roy, despité de ce que ce P-tre^o
comis à faire l’exploit appertenant à ung homme de guerre ait dit
ainssy : « Très prudent roy », dit-il, « tu envoies le cardinal Balue
évesque d’Évreux, à Paris, pour fane la monstre des gens d armes de
la ville. Mais, chier sire, je te prie, ottroie moy que je aille a
Évreux, de laquelle ledit Balue est évesque, pour faire enqueste des
prestres qu’i conviendra sacrer : car cest office autant es
y
1. Ce sont les Liégeois qui furent oubliés.
392
LES ÉTATS-GÉNÉRAUX A TOURS (1468)
venable comme est à ung évesque la congnoissance des gens d’armes »'
Ues parolles de Chaban chascun se print à rire.
Les Breton en Normendie. - Ce tampts pendant que ces choses se
laisoient, les Bretons, en grosse armée, antrairent en Normandie et
traversèrent jusques à Constances. Contre lesquelles fist le roy une
merveilleuse armée, laquelle on estimoit à cenc mil combatans, sans
ceulx qui avoient la conduicte du bagaige.
Le duc de Bourgongne aux paiis de Vermendois. — Et, durant ces
jour, le duc Charles de Bourgongne fist marcher ces gens à Sainct
Quentin, en Vairmendois, pour donner secours à Charles, duc de
erry et frère a roy ; et faindoit qu’il ne sceut rien de l’armée que le
roy avoit faicte. Et en la compaignie dudit Charles de Bourgongne
estoit son marchai, lequelle, après la prinse de la cité de Liège, là où il
s estoit fait vaillant, avoit heu délibérés de venir frapper en Loherenne1
en vangeance de ce qu’il avoient heu prins de ces plaice, comme cy
devent est contenus ; maix il en fut retardés par ce que dit est devent
et lu y fut force de laissier son entreprise pour aller et estre à celle
devent dicte armée avec le duc son seigneur.
Et en ces meisme jour, sont retournés d’icelle guerre et revindrent
en Mets les seigneurs devent dit qui avoient estés mandés à ycelle
armée de la cité de Liège pour deservir leur fiedz 2. 3
Assembliez faicte à Tours pour le roy. - Or, en ce tamps que ces
chose se faisoient, et plusieurs aultres que je laisse, et voyant le roy
que tout le royaulme branloit, trouva manier par ambassade de assem
bler une congrégacion généralle à Tours pour traictier de paix. Laquelle
assemblée fut tenuee ledit ans, comme il avoit estés déterminés ; et
a ycelle se trovairent les princes ycy après nommés : premier ce y
trouva Begné, roy de Sicille et duc de Bar, Jehan, duc de Bourbon, le
conte de Perche, le filz du duc d’Alenxon, le cardinal d’Angiers,’ le
patriarche de Jhérusalem, et plusieurs aultre, tant seigneurs spirituel
comme temporel. Aussy, les plus noble du puple y envoiairent leur
ambassades. Et dirent chacun leur oppinion. Et fut trouvés à ce con
seille que la duchié de Normandie appartenoit au royaulme de France,
et que le roy meisme ne la pouuoit à aultre transporter. Mais, en tant
que touchoit à Charles, frère du roy, pour sa porcion de l’héritaiges
paternel, luy assignerait Loys douze mil livres tournois de pancion
anuelle, avec la délivrance de quelque païs qui eust nom de contés ou
duché. Et, oultre, fut ordonné que ledit roy, de ses deniers, payroit
encor audit Charles pour une fois la somme de soixante mil livres
tournois. Et plusieurs aultrez chose furent à ce conseille ordonnés,
que je lesse pour abrégiés. Et, après ces choses ainsy faictes, ce despar
tit l’asamblée.
L’yver 3 de cest présante année fut fort variable de pluie et de vent ;
et ne gellait comme rien.
1. Aubrion, p. 27.
2. Aubrion, p. 27.
3. Aubrion, p. 27.
MATHIEU LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1468)
393
Item aussy en celle meisme année, la vigille des grant Roys, ung
jonne compaignon de la cité de Mets, demourant en Fornerue, fut
accusé qu’il avoit desrobé une coroie 12 d’argent ; maix il eschappait
des sergent, et s’en fuit au Grant Mostier ; puis, la nuit, s’en fouit aux
Carmes. Et, pour ce que les sergent le gardoient jour et nuit, et qu’il vit
que nullement ne pouoit eschaper de la cité, il ce mist en abit de femme,
et retournit a Grant Mostier. Auquel il fut XV sepmaine, gaingnant sa
vie à sonnant les cloches.
Joste aux Champèsail. — Aussy 3, en celluy tamps, c’est assavoir le
gras dimenche ensuient, fut faicte une jouste on Champaissaille par
aulcuns jonnes filz de seigneurs, c’est assavoir Collignon Rémiat,
François le Gournaix, Claude de Merche, Philippe de Ragecourt et
Jehan de Serrier, et plusieurs aultres.
Mais de ces chose je me tairés pour le présant, pour revenir a maistre
eschevin de Mets et des diversités qui advindrent en son année.
[le FEU A LA CATHÉDRALE DE METZ ;
AUTRES ÉVÉNEMENTS
MÉMORABLES, TANT A METZ QU’AU PAYS DE FRANCE : l468]
Mil iiiie Ixviij. — Puis 4, en l’an après, qui fut le XXIXe de l’em
pire du devent dit Phédrich, qui est de Jésu Christ mil quaitre cent
LXVIII, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire Maheu le
Gournaix, filz a seigneur Dediet le Gournaix, chevalier.
Et 5, en celle année, on moix d’apvril et partie du moix de may,
fist ung treffroit temps, et tellement que les biens de terre ne pouoient
amender ne venir à parfection pour la diversité du tampts.
Fortune de feu à la Grant Église de Mets. — Aussy 6, en celle meisme
année, le vandredi devent les Grant Croix, advint ung grant cas de
fortune et ung grant domaige de feu en la dicte cité de Mets. Le cas
fut tel que, par ung ouvraige que le sire Estienne Jouin7, accolastre
et maistre de la fabricque de la Grant Église d’icelle cité, faisoit faire
sur ycelle église par maistre Hannès, filz maistre Henry de Rancon-
1. Aubrion, p. 27-28.
2. Aubrion, p. 27-28, a noté une coronne d’ergent et précise qu’elle a été dérobée
en l’ostel d’une femme appellée Perratte, demorant daier Sainct Gergonne (c’est sans
doute un bijou rappelant plus ou moins, comme forme, ce qu’on appelle aujourd’hui
un diadème). — Par distraction, Philippe a transcrit couroie, où la faute est évidente. —
Huguenin (après Praillon ?) a corrigé Philippe et imprimé . une ceinture d’argent.
3.
4.
5.
6.
7.
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
p.
p.
p.
p.
28.
29.
29.
29.
Étienne Jouin (Jovini), mort en 1473 (voyez G. Thiriot, La cathédrale de Metz :
xvii et p. 60).
les épitaphes, Langres, Impr. Champenoise, 1929, p.
394
LA VIE DE SAINTE CATHERINE JOUÉE A METZ (1468)
vaulx, le masson, c’est assavoir une cler voie de blanche pier atour et
par dessus ycelle église, du cousté devers Chambre (car à ycelle partie,
devers le marchiez, n’en y avoit encor point) ; et, ainssy comme ledit
maistre Hannès estoit journellement à celluy ouvraige, et, affin qu’il
fut bon et qu’il thint fermement, il y mectoit du plomb, et tout acramponné de fer, comme il est requis à tel ouvraige, pour lequel plomb
à fondre y estoit requis d’avoir du feu ; mais, par fortune, ledit maistre
Hannès laissait ung chauderon de feu dessus les woulte d’icelle église,
et tellement que, par le vent qu’il fit de nuyt, le feu ce amprint et
alumait à une corde qui estoit et pandoit à la grand rue qui est le tour
et l’angiens à quoy l’on tiroit ycelle pier sur la dicte église. Et, environ
la minuit, ce renforsait le feu ; et ce print au toict de la dicte église, et,
de fait, en ardit une grant partie avent que jamaix on y peult mestre
remède. Et coustait le dopmaige à reffaire, tant en bois, en escaille
comme en fasson, à la somme de plus de VI cenc florin d’or.
Et, s’il ne fust esté bien secouru, il ce feust prins au clochier de
Meutte, lequelle en celluy tampts estoit encor tout de bois, parquoy
il eust fait pour plus de XX mil florin de dompmaige à la cité, mais,
la grâce à Dieu, qu’il 1 fut bien secourus. Car, à la prière du seigneur
Geoffroy de Warize et du seigneurs Pier Baudoche, qui alors estoient
trésorier de la cité, il y montairent plus de trois cenc parsonnes pour
estaindre et résister encontre ycelluyfeu ; car, sans la prière des devent dit seigneur, il n’y feussent pas allés ne montés, et aussy pour ce,
comme dit est devent, que ce dompmaige touchoit à la cité pour le
cloichier de Meutte. Ains, ce ne fut estés pour cella, lesdit de Mets
eussent laissiés toutte ardre et bruller la dicte église (jay ce que ce eust
estés ung moult grand dompmaige), pour cause que, en ce tampts,
la comune de la cité haïssoit encor tropt et avoient lesdit chainoignez
en couraige pour le procès et l’excommunicacion devent dicte qu’il
avoient heu gectés contre la ville ; et heussent les aulcuns bien voullus
que yceulx chainoignes eussent estés dedans le feu.
La vie de sainte Katherine de Sennes jouués en la court des Grant
Prescheurs. — Item 2, en la dicte année, fut fait et jués en Mets le jeu
de ma damme saincte Katherine de Senne, vraye religieuse de l’ordre
des Jacopins. Et fut ce jeu fait en la court des Grant Proicheurs,
parmy les trois feste de la Panthecouste. Et, pour le faire, en furent
abatue les estaige qui estoient couvert tout en l’antours encontre la
muraille, et qui couvroie les ancienne épitaffle et sépulture. Et le fist
faire et juer damme Katherine Baudoche à ses frais et despans. Et
gist ycelle damme au dit Grant Prescheurs, en la chaipelle qu’elle fist
faire et fonder, qui est scituée en l’entrée d’icelle église et fondée on
non de la dicte saincte Katherine. Et pourtait le parsonnaige de saincte
Katherine une jonne fillette, aagée de environ XVIII ans, laquelle
estoit fille à Dediet le Woirier ; et fist merveilleusement bien son deb1. Mais que, si ce n’est que.
2. Aubrion signale cet événement en trois lignes, p. 29.
NOUVEAU DIFFÉREND ENTRE LA CITÉ ET LES CHANOINES (OCTOBRE 1468) 395
voir, au grés et plaisir d’ung chacun. Toutefïois, avoit ladicte fille
XXIIIe vers de parsonnaige, mais néantmoins elle les sçavoit tout sus
le doyt. Et parloit celle fille cy vivement et piteusement qu’elle provocquoit plusieurs gens à pleurer, et estoit agréable à toutte gens.
Et, à l’occasion de ce, fut celle fille richement mariée à ung jantilz
homme, soldoieurs de Mets, appellés Henry de la Tour, qui d’elle
s’enamourait par le grant plasir qu’il y print1.
Grant tempeste et oraige. — En celle saison 2, il fist ung très pouvre
tamps d’estés ; car, tout celluy estés durant, le tamps ne ce thint point
en chailleur quaitre jours l’ung après l’aultre qu’il ne chaingeait incon
tinent. Et, avec ce, fist en cest année plusieurs grant tempeste et oraige
de grelle et de tonnoire, lequelle fist plusieurs dompmaige és vignes et
és aultre biens ; et, daventaiges, en furent plusieurs personne tués. Et,
encor pire, il faisoit sy froit après la sainct Jehan que les vignes ne
peurent meurir, et tellement que, à la sainct Michiel, ycelle vignes
estoient encor causy en verjus. Mais, toutefïois, la graice à Dieu,, on
eust beaucopt de bief et d’avoinne, et bons ; et, avec ce, estoient
à bon marchez. Et, au contraire, il n’y avoit pas grant vignée, et ne
vailloient comme riens ; et, pour ce qu’il estoient de pouvre boisson,
l’on les appelloit tout comunement les vins de couffot 3, ou les vins de
chapperon.
Ve Bourguignon passe parmei Mets. — Item 4, en celle meisme année,
le XVIIIe jour de septembre, vinrent et arivairent en Mets environ
V cenc Bourguygnon, lesquelx passoient et s’en alloient devers mon
seigneur de Bourgongne pour aller contre le roy Loys devers Péronne,
comme je vous dirés ycy après quant tamps sera. Et estoient yceulx
Bourgongnon partis 5 d’une compaignie en laquelle on estimoit environ
XXV mil homme ; maix ceulx ycy de quoy je parle vinrent en la cité
pour acheter biaucopt de leur nécessité.
Nouvelz diférent esmeuz entre la cité et les chanoingne. — Une nouvelle
question6 ce esmeust de nouviaulx en Mets. Car, en celluy tamps, on
mois d’octobre, le chappistre de la Grant Église d’icelle cité avoient
fais citer seigneurs Perrin le Gournay à Vy, pour certaine somme d ar
gent qu’il disoient que ledit seigneur Perrin avoit receu on tempts que
ledit chappistre avoit esté hors de Mets, et que celluy argent leur
devoit compéter 7. Pour laquelle chose, et pour tant que ledit seigneur
Perrin n’estoit plus chanonne, et qu’il estoit marié, la cité ne voullut
point souffrir qu’il sortit devent l’évesquez pour action personnelle ,
et ont la justice mandés quérir le chappistre, auquelle il ont comendés
1. Husson, p. 103.
2. Aubrion, p. 30.
3. Coffat, dans Husson, p. 103.
4. Aubrion, p. 30.
5. Déroutés dans Aubrion.
6. Aubrion, p. 31. Pour plus de détails, voyez Huguenin, p. 370-372, qui relate
aussi une autre affaire (p. 361-370).
7. Compéter à : appartenir à.
396
CRAINTES DE GUERRE
A METZ (NOVEMBRE 1468)
que tantost ilz deffisent la citacion ; et, cella fait, c’il voulloient aulcune
chose demender audit seigneur Perrin, qu’il le feroient respondre et
sortir devent eulx à justice et à raison. Icelle chose oyees, le chappitre
respondirent qu’il n’en feroient riens. Et, quant justice et le conseille
de la cité virent qu’il estoient désobéissant de la dicte citacion à deffaire,
et qu’il virent et cogneurent que celle chose a tampts ad venir pourrait
redonder à domaige de toutte la cité, et que ce seroit à eulx possession
de tousjour faire ainssy, c’est assavoir de faire citer ceulx ou celle qui
seroient d aulcune chose tenus à eulx, parquoy le conseil leur fist
assavoir que, ce il ne levoient la mains et ne défaisoient la dicte cita
cion, ilz les metteroient hors de la saulvegarde et protection de la cité.
Et, pour eulx adviser, donnirent terme pour ce faire jusques à la
Conception Nostre Damm'e ensuyant.
Le tampts d’estés 1 d’icelle année ce chaingeait tousjour de pis en
pire. Et tellement que, comme j’ay dit devent, les vigne ne peurent
meurir. Et, avec ce, on ne pouuoit enhainer 2 ne semer les blefz, pour le
tampts qui estoit tropt moitte. Parquoy les froment, lesquelles ung
peu devent on donnoit pour deux sols la quairte, ou deux sols VI
deniers le milleur, ce vandit et fut mis à IIII sols VI deniers ; et le
soille, qui ce donnoit pour XVI deniers, fut mis à deux sols ou à deux
sols VI deniers la quairte. Paireillement, le vin de l’an LXVII, lequelle
ce vandoit deux denier et maille la quairte, ad cause qu’il n’estoie pas
tropt bon, et, pour ce que l’on vit le tampts ce mal pourter et que l’on
espérait d’en avoir encore de pire, il furent mis à V denier la quairte :
car les vin qui furent cueillis pour celle année furent les devent dit vin
de coffat ou de chapperon, qui estoient une très pouvre boisson.
Les eawe hors de ryve. — En celluy tampts 3, durans la vandange, les
yaue estoient toutte hors de rive et a plus grande, pour les grant pluie
qu’il avoit fait.
Item 4, aussy en celle meisme année, environ la sainct Mertin d’iver,
il y heust grant doubte de guerre en Mets, pour aulcune bande et
compaignie de gens d’armes, et à grant nombres, qui estoient près des
païs. Et, à celle occasion, l’on fist huchier au forteresses ; et se retirèrent
touttes les bonnes gens en la cité avec leurs biens et bestial. Maix,
la Dieu mercy, la chose s’appasantait ; et s’en retournait chescun en
son lieu.
Ung produiseur de faulx tesmoin pugnys. — Puis 5, aprez, en la
sepmaine des Roys, l’an dessus dit, avint à Mets que ung compaignon,
par séducion et par argent, fist faire aulcuns fault tesmoing 6. Pourquoy
il fut prins et menés on pallas ; et en eust punicion tel qu’il fut mis
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Aubrion, p. 31.
Ahaner, labourer.
Aubrion, p. 31.
Aubrion, p. 32.
Aubrion, p. 33.
Témoignages.
DIFFÉREND ENTRE LE CONSEIL ET LES « TREIZE »
(2
FÉVRIER
1468 a. st.) 397
en charcran 1 on Champs Paissaille, et y demoura quaitre heure en
tier ; et puis fut banis à LXI ans.
Le cardinalz d’Albi impètre ij abahie. — Item 2, avint en celle meisme
année que le cardinal d’Alby avoit impétré à court de Romme l’abbaye
de Sainct Clément et celle de Sainct Simphorian, après la mort des
abbés d’icelle abbaye. Et, en ce tampts, estoient esleu, premier, pour
Sainct Simphoriens, le sire Feuillat, et, pour Sainct Clément, le sire
Simon du Bouson, soufïragant de l’évesque de Mets. Mais le devent dit
cardinal les en déjectait, et n’y demeurirent pas ; car, quant il sentirent
que le dit cardinal en volloit estre abbé, il c’en allirent vers luy en
France, où il estoit, et se acordirent ensemble. Tellement que ledit
seigneur Feullat demoura abbé de Sainct Clément ; et ledit cardinal
voult estre abbé de Sainct Simphoriens, mais il en fist gouverneur
ledit soufïragant. Et fut celluy accoid faict à Sainct Denis en France,
dont il estoit abbé.
Grande eawe. — L’iver 3 de celle année fut fort pluvieulx. Et vint
ung peu de gellée après Noël ; mais elle ne dura guerre. Et furent les
yaue, le samedi après la Chandellours, aussy grande comme elle avoient
esté passé XL ans ; mais elle ce retirèrent incontinant, et ne durairent
point en leur grandeur.
Différent entre les seigneur de conceilz de la cité et les seigneur Trèzes. —
Item 4, à la Purificacion Nostre Damme ensuient, advint ung nouviaulx desbetz en Mets, entres les seigneurs du conseil, d’une part,
et les XIII nouvel fais et créés pour l’année, d’aultre part. Et estoit
celluy débatz telz que les dit trèzes jurés, c’est assavoir seigneurs
Nicolle Roussel, seigneur Phelippe Dex, seigneur Jehan Boullay,
chevalier 5, Guyot de Hampon, Collin Régnault 6, 7Thiriot de Landremont et Simonin Bertrand, tous ceulx ycy ne voulloient point que le
seigneur Michiel le Gournaix, chevallier, fut Sept de la guerre. De quoy
le dit seigneur Michiel se plaindit au maistre eschevin. Et fut celle
plainte 1 déterminée par le conseil que ledit seigneur Michiel avoit bien
à estre Septz et à demourer en celle office. De laquelle chose les VII des
sus nommés, qui estoient Trèzes, furent mal contans, pour tant que on
avoit déterminés chose contraire à leur pourtefuers 8. Et, à celle occa
sion et par despit, tindrent leur chambre close trois ou quaitre jours
sans voulloir aministrer justice en manier quelconque. Parquoy le
conseil en fut ensamblez. Et dirent à yceulx Trèze qu’il feissent leur
offices de Trèzes, ou sinon l’on y metteroient remède. Et, alors, il
rantrirent en leur chambre, et firent leur office comme faire dévoient.
1. Carcan.
2.
3.
4.
5.
Aubrion, p. 33.
Aubrion, p. 34.
Aubrion, p. 34.
Chevaliers s’applique aux trois noms qui précédent.
6. Collignon Remiat dans Aubrion.
7. Et fut sur celle plainte déterminé ?
8. Portefuer, sentence, jugement, décision.
398
LOUIS XI A PÉRONNE (1468)
i Tremblement de terre. — Item, en celle meisme année, la veille de
l’Ascension a Nostre Seigneurs, la terre trambla moult fort à Tours en
Tourraines, à Amboise et en plusieurs aultre lieux.
La plus grant partie de Normandie] reminse és mains du roi. — Et, en
celle meisme année, le roy françoys, en ensuyant la délibéraciou et
l’oppinion devent dictes des dit trois estas, envoia son armée és marches
de Normandie. Et print et remist en sa mains grant partie dudit païs,
réservé la ville de Caen et aulcunes aultres, que tenoit le dit duc de
Bretaigne.
Le duc de Bourgongne à Péronne. — Pour laquelle cause, comme
j’ay dit devent, Charles, duc de Bourgongne, se mist en armes dessus les
champs pour aller aydier ausditz ductz de Normendie et de Bretaigne ;
et ce vint parquer au loing de la rivier de Somme, entre Esclusiers et
Capy. Parquoy le roy ala à Compiengne, et envoya devers le duc en
embassade le conte de Sainct Pol, connestable de France, et plusieurs
aultres ces conseilliers. Lesquelz firent avec luy abstinence de guerre.
Et, alors, s’en retira ledit de Bourgongne à Péronne.
Plussieur briganderie en France. — Or estoit en ce tamps le royaulme
cy triboullés entre les princes que l’ung désiroit et estudioit à décepvoir
l’aultre, jay ce que plusieurs assemblées et ambassade furent faictes
d’une part et d’aultre, desquelles je m’en passe et n’en dis riens, pour ce
que leur issue furent vaine et inutille. Parquoy, pour ces raison et
plusieurs aultre, y avoit en ce tampts tant de lairons et de ribleur
par le royaulme que c’estoit chose infinie.
Le roi se transporte à Péronne vers le düc de Bourgongne. — Et, tantost, après plusieurs chose mal faictes, que je lesse, le roy, contre l’opi
nion de tous, acompaigniez de peu de gens, ce transpourta à la dicte
Péronne ; auquelle lieu alors, comme j’ay dit devent, estoit Charles
de Bourgongne, et y avoit mis son siège. Et, illec, trefïamilièrement
parlèrent les ung avec les aultres, et en ce lieu firent ensamble une paix,
de petitte vallue ; pour laquelle, au comandement du roy, furent faictes
pourcession parmy Paris, et, avec ce, y tenir taubles rondes et feu
de joie.
Liégeois derechief subjugés du tout, avec grant pillerie et murtre commys. — Durant que ces chose ce faisoient, pour ce que l’évesquez du
Liège n’avoit encor célébré messe ne faict sacrifice à Dieu dessus l’autel
sacré du Liège, le puple Liégeoys de rechief contre luy se levait, et le
voulloient contraindre à faire cestuy sacrifice ; toutefïois, pour cest
affaire, on en thint journée. Et, comme il sambloit que acord en fut
fait et que tout fut appaisanté, le devent dit Charles, duc de Bour
gongne, avec toutte son armée, cheminant à Nammur, ardamment
désiroit pranre vengeance desdit Lyégoys. Et, durant ces chose, le roy
s’en estoit allés en voyaige à Nostre Damme de Haulx, en Alemaigne.
Parquoy, à son retour, vint à passer an Liège, où alors estoit le devent
dit duc de Bourgongne ; devers lequelle voluntairement se transporta
a. M : correction récente ; Philippe avait écrit sascension.
PRISE ET SAC DE LIÈGE (OCTOBRE 1468)
399
le roy, comme compaignon avec luy de celle expédicion de guerre.
Semblablement y alla le devent dit évesque de Liège, pour et affin qu’il
puist appaiser le duc de Bourgongne ; en quoy ne profita de riens,
ains jurait ycelluy Bourguignon que jamais n’espargneroit plus la cité
que premier ne l’eust subjuguée, et aprivoysée les citoyans. Et, qui
plus est, retint l’évesque a ce qu’il ne retournast en la cité aux siens.
Cecy congneu, les Liégeoys, forclos de tout espoir et de l’ayde du roy,
issirent de la cité et assaillirent leurs ennemys, mettans à mort tous
ceulx qu’il prenoient, sans pitiet ne mercy. Toutefïois, quant il consi
dérèrent qu’il estoient pressez d’assiégement, dès le premier assault,
et que les principaulx de la cité estoient eschapés, s’en fuyrent par tout
où ilz peurent ; et laissaient les femme en la cité avec le petit popu
laire, les religieux et les anfïans. Parquoy, par très âpre fériocité, les
Bourgongnon, parsistens en l’assault, prindrent la ville. En laquelle
premier entra le roy Loys, et, après luy, le duc de Bourgongne. Et en
furent tantost les nouvelle raportée à Mets ; et fut dit que, à celle
antrée, le roy y pourta la crois sainct Andrieu, criant : « Vive Bour
gongne ! » ; lesquelles nouvelles on tenoit pour bien estrange chose.
Dès incontinant que la cité fut prinse en la manier que avés oy,
furent en tous lieux faictz murtres, peillcries, destruiction de villes,
ravissemens de vierges, les religieulx occis : car yceulx satallites et
gens d’armes n’espargnoient parsonnes, meismes les petit anffans
inocent ; ainçoys les cruelz souldartz coupèrent la gourge à aulcune
vierges, après qu’il les eurent violé et gaistés ; les prestres, à celle heure
célébrant la saincte messe és églises, de glèves furent occis. Et encors ne
furent les inhumains ennemis saouliez de tant cruelle occision, car il
peillèrent toutte la cité, faisans aux temples sacrilèges, bruslèrent la
ville, abatirent les murailles, et des ruynes remplirent les foussez.
Et furent faictes en ycelle misérable cité d’aussy grandes inhumanitez
et cruaultez que jamais furent à prinse de ville dont soit mémoire en
cronicque. Et fut ce fait ledit ans mil quaitre cenc et LXVIII, le
XXVIIIe jour d’octobre. Et, ainssy, furent les anciens amys des
Françoys en cest fasson destruictz et gaistés. Dont a roy, en qui il
avoient mis leur espérance, et ce fioient du tout en luy, en tourna
grant péchiés.
La paix entre le roi de France et le duc de Bourgongne.
Puis, ce
fait, c’en retourna le roy à Senlis. Et, alors, fut à son de trompe publié
la paix faictes entre le roy et le duc de Bourguongne a.
L’escluse en Hollande hors de ryve. — Item, en ce tampts, y oit és
pais de Hollande et de Zélande sy grande habondance et lavaces *1
d’eaues que les escluses tenans la mer en furent rompues ; dont plu
sieurs ville et places furent noyées et emportées. Parquoy, esdictz
pais, qui sont soubz la seigneurie du duc de Borgoigne, y eust plus
a. M : Bouguongne.
1. Lavasse, pluie torrentielle.
400
ANDRÉ DE RINECQ, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1469)
grans dommaiges, destruictions et intérestz ^, comme on disoit, que ledit
duc n’avoit par fureur fait aux habitans de la cité de Liège. ’
Cy lairons de ces choses le parler pour a retourner a maistre eschevin
de Mets et a plusieurs aultres besoingne lesquelles avindrent en son
année.
[GUERRE ENTRE FRANCE ET BOURGOGNE ; ÉVÉNEMENTS DIVERS
A METZ ET AU PAYS DE METZ :
Mil iiijc et Ixix.
Après ces chose ^ ainssy estre advenue en la
manier comme cy devent avés oy, et en l’an XXXe de l’empire du
devent dit Phiederich, qui estoit de nostre Rédempcion mil quaitre
cenc LXIX, fut alors fais, créés et essus maistre eschevin de la cité de
Mets le seigneurs Andrieu de Rinech, lequel depuis fut fait chevalier.
Pluyeet iempeste. - Et 3, en celle année, il fist ung très biaulx moix
de mars, et chault comme ce se fust estés à la saint Jehan ; pareille
ment fist il en apvril et la plus part du moix de may. Parquoy les biens
de terre en furent fort avanciés, et par espécial les vignes. Mais, quant
ce vint on moix de jung, le tampts ce chaingeait, et ce tournait à pluye,
à tonnoire et à tempeste. Et, souverainement, à la fin d’icelluy moix’
il pleut environ V jours et V nuit sans laichier et à grand force. A
l’ocasion de quoy les yaues furent tellement hors de rive qu’elle firent
grant dompmaige aux foingz estant dessus les rivières. Et fut celle
année fort dangereuse de fouldre et d’oraige ; et d’icelle 4* 5y1 oit
2 3plusieurs
finaiges entour de Mets engreslée et fouldroiés ; et, avec ce, plusieurs
gens tués au champs , et cheut ce tampts en plusieurs lieu parmy la
cité. Toutefïois, furent les vins qui eschaipairent essés bons, selon
l’année.
Ung feibvre décapités. - Item 5, aussy avint, en la dicte année, le
jour de la Visitacion Nostre Damme, second jour de juillet, que ung
feuvre, citains de Mets, demourant en la Bonne Ruelle, appellé Fourat
homme marié, s’acointa d’une femme commune appellée la fille Taixey!
Et tellement que, une nuyt qu il avoit couchiez avec elle et heu compaignie d icelle gairse, et après tous jeu et ris passés, se acomensairent à
hutiner ensemble, tellement qu il 1 atranglait ; et fut le matin trouvée
morte. Le cas accusés b, fut prins et mis on pillory et trainnés sus la
a. M : pour pour.
b. M : le cas tut accusés.
1. Intérêt, dommage, préjudice.
2. Aubrion, p. 34.
3. Aubrion, p. 34, 35 et 36, passim.
4. Orage est du féminin.
5. Husson, p. 104.
LE CARDINAL D’ALBI A METZ (NOVEMBRE 1469)
40l
brouuette au pont des Mors, et, là, Entre deux Pons, oit la teste coppée,
et fut son corps mis sus la rue. Et oit une belle repantance.
Légal en Mets. — En ce meisme ans i, on moix d’octobre, vint en
Mets ung liégal appellé Tare 2, acompaignié de XX chevaulx. Auquel
on fist grant honneurs ; et fut logiez en l’ostel d’ung chanonne près de
l’ostel à Heaulme. Et y furent les souldoieurs de la cité deux lieux au
devent ; et luy fut faicte ung présant de deux cawe de vin, deux gras
beu f, et L quairte d’avoinne.
Cardinal d’Albi en Mels. — Tantost après 3, le XIXe jour de novem
bre, vint à Mets le devent dit seigneur Jehan Geoffroy, cardinal d’Alby,
lequelle estoit grand conseillier du roy de France, et estoit abbé de
Sainct Denis en France, abbé de Lussu, abbé de Gourxe et abbé de
Sainct Simphoriens. Et fut loigé en la grant maison d’icelle abaïe de
Sainct Simphorien, en la grant rue de porte Champenoise. Auquelle
cardinal les seigneurs firent grant honneurs ; et luy firent présans de
trois cawes de vin, trois buef, cenc quairtes d’avoinne et quaitre
chauldières de gros poisson, c’est assavoir carpes, broichetz, anguilles
et barbés. Et luy furent au devent la plus grande partie des seigneurs de
la cité, acompaignié moult noblement de tous les souldoieurs, jusques
à mey chemin de Joiey ; et noméement y furent ceulx ycy après
nommés, c est assavoir seigneur Geoffroy de lVarixe et seigneurs
Jehan Baudoche, seigneurs Pierre, son fdz, seigneur Wiriat Louve,
seigneur Régnault le Gournaix, seigneur Michiel le Gournaix, seigneur
Perin le Gournaix, et plusieurs aultres ; et le conduirent yceulx sei
gneurs jusques à son hostel de la grant maison de Sainct Simphorien.
Puis, ce fait, et qu’il fut ung peu à repos, il manda quérir seigneurs
Foullat, abbé de Sainct Clément, et ung citains de Mets, nommés
Jaicomin Pichon, le merchamps, lesquelles ensemble avoient estés
mainbours du seigneur Poince de Champel, jaidit abbé dudit Sainct
Simphoriens. Et les contraindit tellement ledit cardinal qu’il luy randirent XVIIe florin d’or qu’il avoient ressus en gairde comme main
bours, et que ledit abbé Poince avoit heu lessier pour faire ung neuf
clochier à la devent dicte église de Sainct Simphorien : c’est assavoir,
le dit seigneur Feullet en gairdoit mil florin, et ledit Jaicomin VII cent.
Et, quant ledit cardinal en fut saisis, ne ce soussiait en rien ne des
cloche ne du cloichier, ainsois ampourtait le tout avec luy. Et, encor
daventaige, non comptant de ce, il print toutte la vaxelle de ladicte
abbaïe ; et fist encor vendre tous les blefz, vins et avoine de la dicte
église pour luy en avoir l’argent, réservés la provision qu’il f'ailloit aux
religieux pour ung ans, sans plus.
Le cours de l’eau de la ripuière de Wauldrinowe rumpue. — Or 4, avint
que, en celle année, il avoit merveilleusement gellés, et fist ung grant
1.
2.
3.
4.
Aubrion, p. 36.
Evre dans Aubrion, évêque de Trequair dans Huguenin, p. 374.
Aubrion, p. 36.
Aubrion, p. 37.
402
LA VANNE DE WADRINAU ROMPUE (JANVIER
1469 a. St.)
yver et froit ; et tellement que les rivier furent prinse à grosse glesse
pour charier dessus. Cy avint que, le lundemains du nouvel ans, second
jour de janvier, le tamps ce deffît ; et, à l’ocasion de ce, se rompirent
les glaice. Desquelles il en vint ung gros monciaulx à l’avallée devers
Longeville ; et vint celle glasse à grant force, avec la roideur de l’yaue,
à hurter et à ce lancier contre la vainne de Wauldrinowe, et tellement
y hurta qu’elle y entamait une grande piesse et y fist ung grand trous,
lequel estoit environ de LX piedz de large. Parquoy l’yaue y passoit,
et n’en venoit goutte à Mets, ains ce retiroit tout de ce cousté et passoit
parmy celle rompure. Et tant que force fut de faire mouldre des moullins
à chevaulx que alors la cité avoit en Franconrue. Car, sans cella, le
puple ne sçavoit où mouldre ne faire farine, sinon à yceulx mollin à
chevaulx ou au mollin de la Haulte et de la Basse Saille. Mais ung bien
fut, car en celluy tamps la cité avoient environ XVI mil1 quartes de
farine moullues, laquelle estoit en ung des greniers de la ville ; cy firent
les seigneurs mettre celle farine en vandaige, pour tant que le pouvres
peuple avoit grant nécessité de mouldre. Et fut donnée celle farine
pour III sols VI deniers la quairtes.
Granl affluence d’eaue. — Puis 2, après le premier jours de mars,
avint tout à coupt que lez yaues crurent et devindrent cy grande que,
par force d’icelle, elle venoient à Mets aussy abondanment comme elle
avoient fait en grant temps, et néantmoins n’estoient mye encor
refïait la dicte venne. Mais, pour l’abondance d’ycelle yawe, les gros
glassons s’en venoient a filz de l’iaue de grant roideur à l’avallée. Et tel
lement que, par la force et roideur d’icelle glasse, fut abatus et rompus
ung pont de bois on Saulcis, par sus lequelle, alors qu’il fut despessés,
passoient trois compaignon, qui furent renversés en l’yaue ; desquelx
il en y eust ung des noiez, qui estoit de Marville, et les deux aultres
furent salvés et secourus.
Grant gellée. — Item 3, en ce meisme jours, qui fut le premier de
mars, faisoit tousjours froit. Et durait celle gellée jusques a jours de la
sainct Nicollas d’esté ; et gellait tellement que, a XVe jour d’apvril,
il n’y avoit encor fleurs ne verdeur, et estoit la terre cy dur de gellée
que à grant paine pouoient entrer les laboureurs à terre de force de
gellée.
Biaucopt d’aultre besoingne advindrent encor en ces pais pour cest
année, desquelles je me despourte.
Apoiniement entre le roi Loys et son frère. — En celle meisme année,
fist tellement le cardinal Ballue qu’il fist l’apointement du roy Loys
avec Charles, son frère. En condicion que audit Charles fut baillée la
duchiez d’Aquitaine en trefïons et héritaige ; et, parmy ce, ledit Char
les se désista du dons que luy avoit estés fait de la duchiez et du pais
1. xvj° dans Aubrion.
2. Aubrion, p. 38.
3. Aubrion, p. 38.
ENTREVUE ENTRE LOUIS XI ET SON FRÈRE (1469)
403
de Normendie. Et tout ce fist faire le dit Ballue ; car il estoit alors en
auctorité envers le roy, et y avoit grant crédicte, et plus que nul aultre
des officier domestiques de la maison. Mais cella ne dura guerres,
comme vous oyrés ycy après.
Le duc René à Tours vers le roi. — Après celle paix faictes, le roy s’en
alla à Tours ; et là vindrent devers luy le roy René de Cecille, son oncle,
et sa femme; où le roy les receut moult honnorablement, et pour l’amour
d’eux fist faire joustes et tournois.
Les ij frères parlemente ensemble. — Et, après leur retour, et que le
roy sceust que Charles, son frère, avoit prins possession dudit duchiez
de Guienne, il s’en tira en Poictou vers « Nyort et La Rochelle, acompaigniez de mon seigneurs de Bourbon et aultres grans princes. Et, en
ce lieu, ledit son frère s’aproucha de luy en ung chastel appellé Char’on ;
et, là, se assemblèrent les deux frères, et parlèrent ensemble sur ung
pont qui avoit esté fait sur la rivière de la Sèvre, sur lequel avoyent
estés faictes barrières. Mais, quant il ce entrevirent, ilz firent moult
bonne chère 1 ung l’autre ; et furent lesdictes barries rompues, et
passa le roy oultre, et longuement parlèrent ensemble. Puis ce despar
tirent , et le roy retourna en louraine, et le dit Charles en ces païs.
Balue rescript au duc de Bourgongne contre le roi. — Or, en ce tampts,
voyant le devent dit Ballue les deux frère estre ferme en amours et
charité, aultrement qu il ne pansoit, conceu envye contre la paix, et
bailla secrètement une lettres à quelque son familier pour la pourter
au duc de Bourgongne ; lesquelles furent arestée en chemin et furent
pourtée a roy. Et, par ces lettres, fut cognue la traïson : car il admonestoit le duc se mestre en armes et se donner bonne garde, parce qu’il
disoit que la paix faictes entre les deux frères estoit faictes à son detriement et dommaige ; et encor plusieurs aultre chose rescripvoit Ballue,
avec parolle détestauble et villaine, qui seroient loinguez à réciter,
parquoy je m’en passe.
Balue constitués prisonier. — Mais, quant celle trayson fut congneue,
comenda le roy qu il fut mis en prison à Montbason ; et fut mis soubz
bonne gairde.
La contés d Armina\c\ réduicie aux roi. — En celle meyme année,
fut de part le roy envoiez une grosse armée en la conté d’Armignac ;
et fut celle conté réduyt a roy sans effusion de sanc.
La paix entre le roi de France et d’Espaigne. — Le samedi quaitriesme
jour de novembre, fut publiée la paix entre les rois de France et d’Espaigne.
Le roy envoie son ordre aux duc de Bretaingne. — Item, on moix de
janvier après, le roy envoya ses embassadeurs porter a duc de Bretaigne son ordre nouvellement créé et mis sus ; laquelle pour lors il
îei'usa, à cause qu’il avoit prins la toison d’or, en soy déclairant amy,
frère et alyé dudit de Bourgongne. Pour tel refus le roy se tint mal
content, parquoy il préposa de y envoier une armée.
a. M : vert.
404
PHILIPPE D’ESCH, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1470)
La guerre criéez contre les Anglois. — Le maicredi XIIIIe jour de
febvrier, fut crié le ban et arrier ban pour aller contre les Anglois,
lesquelz en ce tamps se préparoye pour dessandre en France.
Plusieurs aultre chose furent encor en ce tampts faictes et dictes ;
desquelles je me tais pour le présant, car je veult retourner a maistre
eschevin de Mets et à plusieurs aultres besoingne.
Mil iiiic Ixx. —- Puis, en l’an après, que le milliair couroit par mil
quaitre cenc LXX, qui fut la XXXIe année de l’ampire du devent dit
Phéderich l’empereur, fut alors fait et créés maistre eschevin de la cité
de Mets le sire Phelippe Dex, l’eschevin, filz du seigneur Geoffroy Dex,
chevalier *l.
Et 2, en cellui tampts, le VIe jour d’apvril, ce partirent de la cité de
Mets mes seigneur Andrieu de Rinecque a et le seigneur Jehan le Gournay, l’eschevin, pour aller en Jhérusalem ; et enmenèrent avec eulx ung
serourgien, appellé maistre Jaicques, et ung prebstre de Sainct Mertin
en Courtis, appellés seigneur Drouyn. Et 3, de ce meisme voiaige, fut
ledit seigneur Andrieu à Saincte Katherine du mon de Sinay, et a
Grand Caire, qui est la plus grand cité du monde, comme l’en dit, en
laquelle ce thiennent comunément les souldan de Babilloine, et en
plusieurs aultres voiaige et sainct pélerinaige, tel comme à Romme,
à Sainct Nicollas du Bar, à Nostre Damme de Lorette, et en plusieurs
lieu de dévocion qui sont en diverse lieu et contrée, esquelles ledit
seigneur vit des chose estrange et admirative.
L’acomencement 4 de l’esté de celle devent dicte année fut fort
chault jusques à la Feste Dieu ; tellement que les biens de terre ne
pouoient amender, souverainement les avoinnes et les prés, ad cause
de la grant challeur qu’il faisoit. Maix, depuis le premier jour de jung
jusques au dernier jour d’aoust, il pleut tant que l’on ne pouoit lever
et recuillir les biens de terre.
Le conte de Vauldémonl trespassés. — Item 5, le dernier jour d’aoust,
vinrent nouvelles en Mets que le conte de Vauldémont estoit trespassés.
De quoy l’on en fut en la cité moult couroussé.
Jehan, duc de Bar et Lorenne, mort à Barcelonne. — Et 6, 7pareille
ment on dit ans, mourut et trespassa le bon duc Jehan, duc de Loherainne et de Bar ; et mourut en Barselonne. Et fut nouvelle que l’on
les avoit ampoisonnés 1. Dont, de leur mort, fut grant domaige, car il
estoient grant amis à la cité de Mets.
а. M : Rinecquelre.
1. Aubrion, p. 38.
2. Aubrion, p. 38-39.
3. Ce qui suit semble être une adjonction personnelle de Philippe.
4. Aubrion, p. 39 et 40, passim.
5. Aubrion, p. 40.
б. Aubrion, p. 41.
7. Husson, p. 104. — Le pluriel renvoie au conte et au duc.
PHILIPPE DE SAVOIE A METZ (6 SEPTEMBRE 1470)
405
Philippe de Savoie à Mets, et plusieur aulire seigneur. — Item *, le
VIe jour de septembre de celle meisme année, vint et arivait en la cité
Philippe de Savoie, frère à la royne de France, et, avec luy, le mairquis
de Montferat, et mon seigneur l’évesque de Genèvre, et le seigneur de
Montagu, et plusieurs aultres seigneurs, acompaigniés environ de cenc
et L chevaulx ; et y entrirent par la pourte du pont Tieffroy. Et fut
ledit Phelippe logiez en l’ostel du Bretton ; et luy furent au devent les
souldoieurs de la cité. Et, quant il fut en son logis, la cité luy fit présant
de deux buefz, deux cawes de vin, XXV chaRron et cenc quairte
d’avoine. Et firent ce présant de part le conseil le seigneurs Jehan Baudoche, chevalier, le sire Warrin Roussel, chevalier, pour trésoriers, et le
sire Wiriat Louve et le sire Jehan Paperel, pour Trèze. Et, le lundemain,
le dit seigneur, avec les siens, acompaigniés de plusieurs aultres, furent
en la Grant Église et ouyrent messe devent Nostre Damme la Ronde.
Et, pour son honneurs, firent les chainoinnes parer le grant autel ; et
furent juées les grosses orgues pour l’amour de luy. Et print celluy
seigneur moult à grés de veoir les joiaulx d’icelle église, et moult le3
prisa, luy et ces gens. Et voult veoir la cloche de Meutte et le Lourains
Guérin 2*. 31Et
4 à ce faire le conduisoient tousjours seigneurs Michiel le
Gournay, seigneur Warin Roussel, chevalliers, et le maistre eschevin.
Et puis, après dîner, il ce partit de la cité, luy et les siens ; et s en
allirent par la porte à Maizelle, et le conduirent les souldoieurs et
plusieurs des jonnes seigneurs de Mets environ deux lieux loing. Puis
ont prins congiet les ung des aultres, et c’en revinrent.
Environ 3 VI ou septz semaigne après, qui fut le XXIIIe jour d octo
bre, appousa seigneur Phelippe Dex, alors maistre eschevin de Metz,
la fille seigneur Geoffroy Chaversson, appellée Bonne ; et fut ceste
apousaille faicte à Sainct Gorgonne. Et estoit mon seigneur l’évesque
en celluy tamps en son hostel épiscopal en la cité, parquoy il vit touttes
la noblesse qui alors estoit aux nopcez, laquelle estoit grande et magnificques. Car l’apousée estoit moult richement vestue et parée, et
paireillement estoient tous les aultres seigneurs et dammes, entre
lesquelles en y avoit plusieurs, tant seigneur comme dammes, de
dehors, avec grant foison de ménestrés, trompette, vielles, rebech et
tabourin.
Item 4, environ0 le Noël après, revint le devent dit seigneur Jehan
le Gournaix de Jhérusalem.
)
Le services du duc de Lorenne fait à Mets.
Et 5, en ce tampts, 1 on
apourta les nouvelles sertaines en Mets de la mort du devent dit duc
a. M : eviron.
1. Aubrion, p. 40.
,
.
2. C’est Garin le Lorrain, « duquel le corps gist à présant tout enthier en la Grande
Église d’icelle cité de Metz », dit Phüippe (t. I, p. 3). Il est curieux de constater, à cette
époque, l’intérêt que l’on portait encore à la Geste des Lorrains et au plus célèbre de
ses héros.
3. Aubrion, p. 4t.
4. Aubrion, p. 41.
5. Aubrion. p. 41.
406
DIFFÉREND ENTRE LES LORRAINS ET LA CITÉ DE METZ (4470 a. st.)
Lohereinne- Pour le que lie on en fust moult couroussé en ycelle
cité de Mets; car, comme j’a dit devent, il y estoit grandement amés
dez grant et des petit. Et en fut sonnés trois ou quaitre jours à Sainct
Mertm devent Mets et à Sainct Pier au Dammes ; et luy fist on plu
sieurs biaulx service en la cité, tant en la Grant Église comme en
touttes les abbayes de Mets.
Apres *1 le trespassement de celluy noctauble seigneur le duc Jehan
devent dit, environ la Chandelleur, les Lorrains se comencèrent à
mettre sus pour aller mestre le sciège devent Chastel sus Meselle. Et
y .furent longuement ; mais il n’y firent riens, et despandirent « à
celluy assiègement ce qu’il avoient. Et tellement que, pour ce cuydier
récompencer, il voulaient demender une ayde ou une taille aux subjegz
dé chamomnes et des aultres église de la terre de Mets ; mais les seigneur
d icelle cité ne le vouldrent souffrir ; et en furent faictes plusieurs
requestes au conseil de Lourainne. Nonobstent ce, ung jantil homme,
appellés Liébault d’Aubocourt, nacionés de Loraine, lequelle depuis
u u s e mis à mort par lesdit de Mets, comme cy après serait dit, en
fist une course sur lesdit de Mets à Ralcourt ; et print touttes les bestes
et les enmena. Et, alors, les Testeurs 2 et gouverneurs de la chose
pubhcquez de la cité de Mets, avec tout le conseil d’icelle, en ont heu
rescript et signifier a roy Loys et au nouvel duc de Loheraine, lequel
peu devent n’estoit que merquis. Et, incontinent, lesdit de Mets ont heu
leur responce ; et leur fut mandés par lettre qu’il estoit ordonnés de
par esdit roy et duc que ycelle bestes ainssy prinse fussent randues,
et que I on saissait le courres et le gaigiers b.
Durans que ces chose avindrent en Mets, corne oy avés, se faisoient
au royaulme de France, de Bourgongne et d’Angleterre plusieurs
aultrez besoingne digne de mémoire.
Éclouard roy d'Angleterre, et le roy Hanrei mys en prison. — Et,
premier, en ce tampts et en celle meisme année ce fist Édouard roy
ngleterre. Et, comme le mestent maistre Robert Gauguin et la
Mer des Istoire, il en deschaissait Hanry, VR de ce nom, lequelle alors
u mis en prison et détenus par le devent dit Édouart. Parquoy ma
damme Mergueritte, femme audit Hanry, et suer du roy René de
Gecille, et tante au roy de France, avec elle son filz, prinse de Galles,
le duc de Clarence, les contes de Warvich et de Watsonfort, avec leurs
emme, anffans et famille, et ce qu’il peurent amasser de gens, s’en
vmdrent en France. Et, premier, avec quaitre vinctz navierre arivaia. M : desppandirent.
b- Ici se trouve un long passage (f° 145 r°, six lignes, f° 145 v°, seize lignes) qui a été
raye de telle manière qu’il est impossible de le déchiffrer. Philippe a-t-il supprimé
ui-meme ce passage ? On en peut douter. II rapportait vraisemblablement des démêlés
qui eurent lieu cette année à l’abbaye de Saint Vincent (Aubrion, p. 39-40).
1. Aubrion, p. 41-42. Philippe n’a pas suivi Husson, p. 104-105, qui est plus
complet.
2. Recteurs (lisez : réteurs).
NAISSANCE DE CHARLES, FUTUR ROI DE FRANCE (1470)
rent à Honnefleur ; et là furent honnorablement receuz par mon sei
gneur l’admirai de France, selon le bon plaisir du roy. Et ont demendés
secours et ayde au dit roy contre ledit Édouard, usurpateur dudit
royaulme d’Angleterre ; ce que le roy leur promist faire. Parquoy le duc
Charles de Bourgongne, advertis c’on les avoit receu, envoia lettres
à la court de parlement, faisant mencion que le roy avoit receu le
conte de Varvic, son annemy, laquelle chose estoit venir contre l’apointement que le roy et luy avoient fait à Péronne.
La guerre de rechief ouverte entre les François et Bourguignon. — Et,
à cest cause, fut de rechief la guerre ouverte entre les Françoys et
Bourgongnon, et fist alors le duc marchier ces gens contre le roy et ces
aydans.
La nativités de Charles, conquesleur de Naples. — En ces jour, environ
le dernier jour de septembre, fut la royne Charlotte, espouse du roy
Loys, acouchée à Amboise ; et enfanta ung filz, nommés Charles,
lequelle en son tampts conquit le royaulme de Neaples, et succéda à
son perre, comme cy après serait dit. Il semble que sa nativité eust esté
prédicte par le prophète David en ung ver du psaultier, on pseaulme
LXIIIIe, où il dit : In stillicidiis ejUs letabitur germinans bundices
corone 1. Car, à prandre toutes les lettres qui sont en ycelluy ver servantz à nombre, on y trouvera l’an mil quaitre cenc LXX, qui est cest
présente année de sa dicte nativité. Et sequitur : Et campi tui replebuntur uberlale.
Le roi à Angiers ; le prince de Galle mariés à la fille du conte de Varvich. - Tantost après, le roy s’en alla à Angiers, là où alors estoit le roy
René de Cicille, avec sa suer, le prinse de Galles, le conte de Warvich,
et leur compaignie. Et, là, fut traicté le mariage dudit prince de Galles
avecques la fille d’icelluy conte de Warvich. Et, après ce fait, bailla le
roy audit conte gens et vivres pour retourner en Angleterre faire guerre
audit Édouart.
Apointement entre le roi et le duc de Bretaingne. — En ce tampts, vint
à Angiers mon seigneur le duc de Guienne. Par le moiens duquel fut
fait l’apointement du différant qui estoit entre le roy et le duc de
Bretaigne. Dont le duc de Bourgongne fut plus mal content que devent ;
mesmement attendu que ledit de Bretaigne renvoia audit de Bourgoigne
son seelle et aliance.
Après ce que dit est, ledit duc de Guienne s’en retourna à Bordeaulx,
et le roy en pélerinaige au Mont Sainct Michel.
Édouard deschassés, Hanrei restabli. — Et, aprez ce fait, fit tant que,
malgré le duc de Bourgongne, fist reconduire le conte de Warvich en
Engleterre. Lequelle venus, fist son armée à l’ayde de ces amis et bien
vueullant, deschassa le roy Édouard et restitua Hanry en son lieu.
1. Verset 11. Rivos ejus inebria, multiplica genimina ejus : in stillicidiis ejus Iaetabitur germinans. — Verset 12. Benedices coronae anni benignitatis tuae : et campi
tui replebuntur ubertate. Lire : In stILLICIdlIs eIVs LetabltVr gerMInans
benedICes Coronae.
408
GUERRE ENTRE FRANCE ET BOURGOGNE (1470)
Alors celluy Édouard c’en fouyt au duc de Borgongne, qui avoit espousé
sa suer.
Plussieur princesse à Paris. — Et, durans ces jours, le roy Loys
avoit envoiés ma damme Margueritte, royne d’Angleterre, la contesse
de Warvich et la jeune princesse de Galles, sa fdle, à Paris. Et à son
entrée furent les rues tendues ; et furent honnorablement receue.
Le filz du prince d’Orenge se rend aux roi de France. — En ce temps,
le seigneur d’Argueil, fdz du prince d’Orenge, se vint rendre au roy
de France. Dont, par despit, le duc de Bourgoigne fîst raser toutes les
places qu’il avoit en son païs.
Nouvelle aliance entre le roy de France et Hanri, roi d'Angleterre. —
Le XIIIIe jour d octobre, fut publiée à son de trompe avault Paris
1 aliance faicte entre le roy de France et Henry, roy d’Angleterre.
Par laquelle tous Anglois pouoyent seurement venir, descendre et
marchander en France sans saulconduitz, exeptez les aliés de Édouart
de la Marche, jadis roy d’Angleterre. Et alors la royne d’Angleterre
retourna de France à son mary.
Le roy conquesle plussieur ville sus le duc de Bourgongne. — Peu de
tampts après, le roy Loys recouvra sus le duc de Bourgongne Sainct
Quentin, Amiens, Roye, Mondier 1 et plusieurs aultres. Lesquelles,
après la prinse, il les fist fortifier et environner de bonne muraille. Et
à ce grandement luy ayda le duc de Guienne, son frère, lequelle y vint
moult bien en point, acompaignié de quaitre cenc lances, pour servir
le roy. Et, en la prinse desdite villes, le connestable se mist dedans
Sainct Quentin avec deux cenc lances dont il avoit charge. Touteffois,
pour ce qu’il avoit tousjours esté du party du dit de Bourgoigne, le
populaire de France n’estoit pas bien asseur 2 de luy, et en murmuroit
moult fort.
Semblablement, le dit duc de Bourgoigne fist faire grande armée de
gens d’armes, et ce mist sur les champs. Et, de fait, c’en vint parquer
entre Amiens et Bapaulmes, où les gens de l’armée du roy les tindrent
fort pressé, tellement que ledit duc ne ce osoit, luy ne les siens, esloigner ; et y fust en telle souffreté et grande indigence à l’environ de
Pasques. Auquel tempts le roy, par le moyen d’aulcuns, lesquelle
possible n’amoient pas tropt l’onneur du royaulmes, luy ottroya trêves
d’ung ans.
Et, durans ce tamps, le roy avoit és marches de Borgongne une moult
belle et grande armée, dont estoit chief et conducteur le conte Daulphin
d’Aulvergne, filz du sire de Monpensier 3, acompaigniés de plusieurs
noble et gens de grant maison, qui eussent incontinent conquesté tout le
pays, se lesdictes trêves ne fussent entrevenues. De quoy il furent
moult desplaisans ; aussy furent plusieurs aultres de Paris et d’aultre
part. Parquoy ce faisoient et journellement ce escripvoient aulcuns
1. Montdidier.
2. Sûr, assuré.
3. Louis IeT de Bourbon-Montpensiar.
JEAN PAPEREL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1471)
409
dictons et ballaide diffamatoires, en chargeant laidement sur aulcuns
de la court par le moyen desquelz telles trêves avoient estés procurée
et conduictes. Et ce attaichoient ycelle lettre de nuyt à Sainct Innocenc,
à l’ostel de la ville, au pallais et en aultres lieux publiques. Touteffois,
on ne peult jamaix savoir qui avoit esté l’aucteur de telz libelles.
Item ■*, en celluy tampts, il fist ung très biaulx acomancement de
prinstampts, car il fist biaulx et chault depuis la moitié du mois de
febvrier, avec tout le mois de mars entbier. Et, pour la challeui d’icelluy
tamps, ce avencèrent les biens de terre à venir et à lever, et tellement
que, XV jour après Pasques, l’on xawoultroit les vignes entour de la
cité de Mets et en plusieurs aultrez lieu.
Mais de ces chose je lairés le parler, affm de retourner au maistre
eschevin de la cité de Mets et aux diverse adventure advenue en son
année.
Mil iiiic Ixxj. — En l’an XXXIIe de l’empire du devent dit Phéderich l’empereur, qui fut de nostre Rédemption mil quaitre cenc LXXI,
fut fait et créés maistre eschevin de la cité de Mets le sire Jehan Paperel 12.
Le tampts 3 de celle année ce amendoit tousjour de mieulx en mieulx.
Et tellement que, devers la Panthecouste, il fist cy très biaulx tempts
et de cy grant challeur que on trouvoit desjà du gros verjus bon à mangier. Et fut la moisson de cest année sy belle et bonne et sy hastive
que on levoit les blefz trois sepmainnes plus tost que les aultres années.
Et avoit on desjà des bons raisins à mangier à la Magdellaine.
Item 4, en celle année, le second jours du moix de may, revint sei
gneur Andrieu de Rinecque, chevallier, de Jhérusalem et de Saincte
Katherine du mont de Sinay.
La mort du pape Paul; le pape Sixte. — Pairellement 5, fut en celle
meisme année, le XXVIIe jour de juillet, que nostre sainct perre le
pappe Paul mourut. Et, le IXe jour du moix d’aoust ensuiant, fut esleu
pour nouvel pappe ung cordellier ; et fut appellé pappe Sixte. Lesquelle
on estimoit ung vray preudhom ; et disoit on qu’il voulloit reffourmer
l’Église, et qu’il ne voulloit avoir nulz trésors, fors que pour envoier
contre les Sarrasins. Celluy 6, 7 avent qu’il fut pappe, ce nommoit
Françoys de Savona
natif de Genève ; grant astrologien estoit, et
ministre général de l’ordre des Frère Mineurs ; et, par avant, cardinal
du titre de Sainct Pier. Et fut esleu sans son sceu ; et vesquit XIII ans
après son élection.
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
p.
p.
p.
p.
p.
42.
42.
42 passim.
42.
42.
Ces détails ne sont pas dans Aubrion.
7. Il était fils d’un pêcheur de Celles, près de Savone.
410
DÉFAITE ET MORT DE WARWICK EN ANGLETERRE (1471)
Nicolas duc de Lorainne. — Item, en celle meisme année, le VIIe jour
dudit moix d’aoust, vint Nicollas, duc de Calabre, à Nancy prandre la
possession du duchiez de Lohcrainne. Et 1, pareillement, tantost après,
revint le merquis du Pont pour prandre la possession de la dicte duchié
de Lorainne et de Bar. Et fut grant pièce à Toul. Au quelle lieu y
allairent de ceulx de Mets seigneur Jehan Bollay, seigneur Michiel
le Gronaix, seigneur Warin Roucel, tous trois chevaliers. Et avec eulx
furent maistre Guillaume, pencionaire de la cité de Mets, et Jehan Dex,
secrétaire et clerc des Septz de la guerre.
Année fructueuse. — Item 2, celle année fut fort fertille en touttes
choses. Car on eust de bon vins et de bon blefz merveilleusement et
largement, et aussy bons comme ilz avoient estés passés XX ans.
Et furent assés à bon merchié. Dieu en soit loués et merciés !
Les mollin dessus Muzelle bruslés. — Or 3, en celle dicte année,
environ le Noël après, avint une chose merveilleuse à Mets ; et ne
sceust on cornent ne par quelle manier se fut : car les neufz mollin
dessus Moselle furent tous ars et brullés, ne jamaix on n’en poult rien
rescourre.
Les fossés vuidés dairier les Pucelle. — Et 4, en celle meyme année,
furent par les paroiche vuydiés tous les foussés de fons en fons de
derrier les Pucelles.
Signe démonstratif aux ciel. — Cy avint encor 5, en celle meyme année,
plusieurs aultres merveilles. Entre lesquelles, environ Noël, se des
montrait ung merveilleux signe on ciel avec les estoilles ; et l’appelloient
les aulcuns une plainnette, et les aultres une commette. Laquelle
estoit ainsy comme une estoille on ciel avec les aultres estoilles, et
avoit une longue coue rouge et terrible et en manier d’ung dragon.
Et ce monstrait en plusieur manier, signifiant plusieurs choses à adve
nir ; et durait 6 environ V sepmaines ; et estoient ses rais de plusieurs
coleurs.
xvc Bourguignon passe par devent les porte. — Item 7, environ le
mey karesme ensuient, il passa par devant les pont de la cité environ
XV cenc Bourguignon, très bien en point ; et disoit on qu’il c’en alloient
en Flandres vers mon seigneurs de Bourgongne. Paireillement, XV jours
après, passa d’iceulx Bourguignon par le Hault Chemin environ six
cenc, qui ce en alloient après les aultres.
Victoire du duc de Bourgongne. — Et fist le duc Charles de Bour
gongne une grosse armée, tant de Piccars, Flamans comme d’Austrelins et Bourguignon. Lesquelles, devers la Pasques, il envoya en Angle
terre à l’ayde et secours du devent dit Édouart de la Marche, lequelle
en l’an devent avoit estés expulsé et bouttés hors dudit royaulme,
1.
2.
3.
4.
5.
6.
1.
Husson, p. 105.
Aubrion, p. 42-43.
Aubrion, p. 43.
Husson, p. 105.
Aubrion, p. 43.
Husson, p. 105.
Aubrion, p. 43.
CONRARD DE SERRIÈRES, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1472)
411
comme cy devent ait estes dit. Et, aprez plusieurs baitailles contre le
devent dit roy Henry de Lencastre, avint la victoire audit Édouart,
et gaigna la journée. Et en ycelle moururent les princes de Galle, filz
dudit roy Henry, le conte de Warvich, et plusieurs aultres grant
seigneurs de leur party. Et y fut prins ledit roy Henry avec le jonne
Édouard, son filz, et avellet du roy de Cecille. Desquelles nouvelle le
roy Loys fut moult desplaisant.
La mort du prince de Savoye. — Et, en celle année, morut le prince
de Savoie en la cité d’Orléans.
Coustume de sonner les Ave Maria. — Aussy, en celle année et en
celluy tamps, le roy Loys introduisit et ordonna celle coustume de
sonner les Ave Maria à l’heure de midi, affm de prier Dieu pour la
paix. Laquelle chose se fait encor ajourd’ui.
Cy lairés de ces chose le parler, pour retourner a maistre eschevin
de Mets et à plusieurs aultrez besoingne.
Mil iiiic Ixxij. — Item, quant ce vint en l’an après, qui fut l’an
XXXIIIe de l’empire dudit Phédrych, et de l’incarnacion de Jhésu
Crist mil quaitre cenc LXXII, fut alors fait et créés maistre eschevin
de la cité de Mets le seigneur Conraird de Serrier L
Et 2,
* 1en celle année, la vigille de la sainct George, avint une avanture à Mets. Car, à celluy jour, deux compaignon estraingiers, l’ung
appellé Robinet, et l’aultre Jaicquelo, tous deux du pais de Hénault,
ce trouvairent a bourdiaulx de nuyt. Et avec eulx arivait ung aultres
compaignon meisme de leurs pais, lequelle estoit fdz bastart d ung
chevalier. Et entre eulx ce esmeust questions ; tellement que ledit
bastart fut tué. Parquoy les deux dessus nommés, par qui avoit le
copt esté a donnés, s’en fuyrent en franchise en la Grant Église. Et
y furent environ septz sepmaines. Et tellement que, une nuyt, ledit
Jaicquelo, par ce que le temps luy ennoioit, se mist en avanture d eschapper ; et, de fait, ce avalla par une tour de ladicte église du cousté
devers le Wyvier ; mais tantost il fut reprins, et fut menés en 1 ostel
de la ville. Et fut dit que ledit Robinet son compaignon, l’avoit accusé.
Le conte de Rouss[y] et sa femme à Mets. — Puis 3, en ce tampts, le
vandredi après, vint le conte de Roussy et sa femme, qui estoit fille a
conte de Sainct Pol, conestable de France (lequelle eust depuis la
teste tranchée à Paris, comme il serait dit ycy après). Et, à sa venue,
la cité luy fist grant honneurs ; et luy fut on nom d’icelle donnés et
présentés trois cawe de vin, cenc quairte 4 d’avoinne et pour XX frant
de poisson. Et, au lendemains, ledit conte demanda à la justice d icelle
cité le dit Robinet, qui estoit encor à la Grant Église ; et très volluntier
a. M : estait.
1. Aubrion, p. 43.
2. Husson, p. 106.
3. Husson, p. 106.
4. I dans Husson.
412
PORT-SUR-SEILLE PRIS PAR CEUX DE METZ (2 AOUT 1472)
il a lu y donnaient. Et, alors, ledit conte s’en vint à ycelle Grant Église,
et trouvait celluy Robinet, auquelle il dit : « Prant moy par la robe » ;
et sy fit il. Et, amssy le tenant par la robe, le menait hors de l’église ;
et, par celle manier, eschappait ledit Robinet franc et quicte.
Justice exécutée. — Et *1, le meisme jour, qui estoit le samedi, à
deux heures après midi, fut menés ledit Jacquelo, son compaignon,
au gibet de Mets ; et, là, fut pandu et estranglés. Et eust celluy belle
repentance. Dieu luy pardoing !
Le mollin à vent fait on Sautcis. — Item2, en la meisme année, on mois
de jung après, on fit faire une grosse neusve tour on Saulcys, sur Mu
selle, pour faire ung mollin à vent. Et, quant elle fut faicte et eschevie,
on la voult emplir de sablom ; et, à l’ocasion de ce qu’elle estoit encor
toutte frèche, elle ne poult endurer le fais, et fendit en quaitre lieu.
De quoy on fut bien esbahy ; et fut force de la toutte defïaire, qui
coustait biaucopt, car on ostait touttes les pierres jusques au fond, et
mist on le lieu en telle estât qu’il estoit au premiers, et fist on noviaulx
fondement de grosses pierres qui furent amenée de la montaigne
Sainct Quentin. Et là fut celle tour faistes, toutte massis, de fons en
fons ; et sur ycelle fit on ledit mollin à vent comme on le voit encor
ajourd’uy. Et moy, l’escripvains de ces présentes, l’a veu tourner et
ouvrer ; mais il ait bien peu de vent. Et coustait celluy ouvraige à
faire, comme on disoit, environ deux mil florin avent qu’il fut tout
achevey.
Port sus Saille prinse par ceulx de Mets. — Item 3, le second jour
d’aoust de celle meisme année, furent les soldoieurs de la cité, et avec
eulx environ XXX compaignon de piedz, devent la forteresse de
Porsursaille 4 pour et en intencion de la prandre. Car, en ce lieu, se
tenoit ung seigneur, appellés le seigneurs de la Romainne 5, qui estoit
croisiés de Sainct Jehan de Rodes, lequelle à force tenoit celle place ;
et avoit des gens avec luy auquel il soufïroit à faire plusieurs mal : car
journellement venoient on Hault Chemin, en la terre de Mets, et
destruissoient 6 7les merchamps de France et de Rourgongne, et tout
aultres manier de gens qu’il trouvoient. Et, quant yceulx soldoieurs
de Mets vinrent illec, ilz firent sy saigement que tantost ilz eurent
ladicte place pour la cité ; et la thint et posséda la cité le terme de
quaitre moix, ou environ, tant que accord y fut trouvés.
Grantde vinée. — Item en celle année, on eust tant de vin que
à peinne les sçavoit on où boutter ne lougier, par faulte de tonneau ;
а. M : R U.
1. Husson, p. 106.
2. Aubrion, p. 44.
3. Aubrion, p. 44.
4. Port-sur-Seille, Meurthe-et-Moselle, Nancy, Pont-à-Mousson.
5. De la Domergue dans Aubrion.
б. Detrossoient dans Aubrion : détroussaient.
7. Aubrion, p. 44.
GUERRE OUVERTE ENTRE FRANCE ET ROURGOGNE (1472)
413
mais ilz n’estoient pas des milleur, à cause des grandes et terribles
pluyes qu’il fist en la vendange.
Et 1, en celluy tampts, fiansa et print mary celle jonne fille devent
dicte qu’on appelloit la saincte Katherine de Sennes : car ycelle avoit
pourté le parsonaige de la dicte saincte Katherine au jeu qui en fut fait.
Et fist grandement son debvoir, comme cy devent ait estés dit ; parquoy elle fut haultement mariée, elle qui estoit povre fille.
Les mollin Oulire Muzelle racoulirés. — Aussy 2, en celle année, furent
refiait tout de neuf les mollins à papier et le follant à draps qui sont en
la rivier, oultre Muselle.
L’yver 3 de cest présante année fut fort pluvyeux et moytte ; et ne
gellait comme point. Et ce moroit on quelque peu de la peste et des
esprinssons.
Et, environ le Noël après, revint mon seigneur de Loherenne de
dever le duc de Bourgongne.
Guerre ouverte entre le roi de Franc[e] et le duc de Bourgongn[e]. — En
celle meisme année 4, accomença la guerre, qui tropt durait, entre le
devent dit Loys, roy de France, et le duc Charles de Bourgongne,
comme ycy après il serait dit. Et, dès ineontinant, ledit de Bourgongne
mist le sciège devent Belmont ; et fut gaingnié, arse et abatue, réservé
une rue que on disoit apartenir a duc de Bar.
Marchans de Mets délroussé[s]. — Item 5, environ le Noël après,
plusieurs des marchamps de Mets, c est assavoir Burtrand Cugnin,
et aultre, enmenoient plusieurs merchandiës en France. Et, pour ce
que on disoit que ycelle merchandie es.toient menée à la faveur des
François, lesdit Bourguignon de la guénison 6 de Danviller les ont rués
jus ; et furent touttes ycelle marchandise prinse, enmenée et butinée ;
et n’en porent lesdit marchamps de Metz oncque rien ravoir.
Monstre nez en France. — Item 7, 8en celle meisme année, avint en
France une merveille. Car une femme, d’ung villaige appellé Ay, près
de Espernay, on pais de Champaigne, enfanta deux anffans desquelx
les dolz se tenoient ensemble. Et 1 ung d iceulx enffans vint à morir,
et fut bien XV jours mors avec le vif, et estoit chose impossible des
séparer d’ensemble ; parquoy, pour l’imfection et puanteur d’icelluy
enffans mors, avent lesdit XV jours passés, l’aultre morut.
Item 8, on moix de mars après, il fist ung très biaulx temps et chault ,
et tellement que tous les biens de terre amandoient et cressoient sy
fort que, au premiers jour du moix d’apvril, on veoit desjay les raisins
en plaine vigne, et trouvoit on beaucopt de soille en paulme et du
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Aubrion, p. 44-45. Voyez p. 394-395.
Husson, p. 107.
Aubrion, p. 45.
Husson, p. 107.
Aubrion, p. 45.
Garnison.
Husson, p. 107-108.
Aubrion, p. 45.
414
PRISE ET SAC DE NESLE (JUIN 1472)
myrguay flory. Et, à celluy premier jour d’apvril, estoient touctes les
serizies, les pruniers, purnelliers et grosselicrs 1 et plusieurs poires et
pommes noées sur les arbres, de quoy c’estoit cause pour soy resjoyr.
Dieu en soit louués et bénis ! Amen.
Puis, en celle meisme année, avindrent on royaulme de France
plusieurs aventure, tant en guerre comme aultrement.
Et, premier, fut brullée par fortune l’église de Nostre Damme de
Cléry, on dyosèse d’Orléans.
Maistre Jehan Charelier trespassés. — Et, en ce tampts, alla de vie
à trespas le bon maistre Jehan Chartier, évesque de Paris ; et fut fort
plouré et plaint de tout son puple.
Le duc de Lorainne s’alie du duc de Bourgongne. — Item, en ces
meisme tamps, le duc Charles de Bourgongne fist suborner mon sei
gneur Nicollas, marquis du Pont et duc de Loherenne, filz du duc
Jehan de Calabre, qui estoit filz a roy René de Cecille et duc d’Anjou ;
et tellement le fist persuader, soubz umbre de grandes promesses qu’il
luy faisoit, dont il n’avoit pas vouloir de les tenir ne acomplir, que ledit
duc Nicollas, auquelle le roy avoit fait fyancer ma damme Anne de
France, son aisnée fille, s’en ala devers ledit de Bourgoigne ; dont plu
sieurs ce esmerveilloient. Et olrent plusieurs parolles et promesse
ensemble ; entre lesquelles on veult dire que ledit de Bourgongne luy
devoit venir ayder à conquester la cité de Mets. Mais, après, ledit duc
Nicollas oit aultre conseille, et luy seul, avec l’ayde de ces gens, lé
cuida furtivement prandre. Mais, la Dieu mercy, il faillit. Et ne vesquit
guerre après, comme cy en errier vous serait dit.
Défaide des Franço[is] par les Bourguignon. — En celle meisme
année, non obstant les trêves données entre le roy Loys et le dit de
Bourgongne, furent mise sus les champs d’iceulx Bourgongnon une
grosse armée, lesquelles se sont emparqués entre Arras etBapaulmes,
en ung lieu nommé Hébuterie 2 en Artois. Et, de là, ce sont partis,
et ont mis le sciège devent la ville de Nesle, en laquelle estoient V ou
VI cenc franez archers, desquelle estoit capitaine ung nommé le petit
Picart, qui ce defïandirent moult vaillanment. Mais, pour ce qu’il
n’estoient pas essés puissans pour résister à l’armée dudit de Bour
gongne, le dit capitaine, luy et ces gens, ce randirent, par composicion
que chescuns c’en devoit aller la vie et les baigue salve. De quoy ne leur
fut riens tenus ; car, incontinent qu’il furent désarmez, cuidans estre
à seurté, lesdit Bourgongnons entrèrent dedans et tuèrent tout ce qu’il
trovairent. Plusieurs ce retirèrent en l’église, laquelle alors estoit plaine
de gens de la ville, espérans y avoir franchise. Mais yceulx inhumains
Bourgongnon les murtrirent jusques sur les autelz, mesmement ceulx
qui tenoient embrassez les ymaiges. Le dit murdre ainsy fait, vint le
duc de Bourgongne, monté sus ung puissant chevaulx, et, luy meisme
1. Cerises,^prunes, prunelles, et groseilles.
2. Hébuterne, Pas-de-Calais, Arras.
BEAUVAIS ASSIÉGÉ PAR LES BOURGUIGNONS (JUIN
1472)
4l5
en personne, entra tout montés en la dicte église, plaine de corps a mors
tellement que le pavement estoit tout couvert de sang humain, qui en
aulcuns lieux de ladicte église estoit de demy piedz de hault. Et, quant
le dit de Bourgongne vit tant de mors, comme homme inhumains,
tirant et félon couraige *1 sans pitié, dist qu’il avoit de bons bouchiers :
« Car maintenant », dit-il, « je congnois combien plain de sang sont mes
bourreaulx ». Et, après ce dit, fist mettre le feu et ardoir touttc la ville.
Puis, ce fait, il fist pandre et estrangler à des potence le petit Picairt,
avec aulcuns jantilz hommes, non obstant la foy à eulx donnée ; et à
plusieurs aultre fist coupper les poingtz. Et puis ce partit et lassa la
ville razée et toutte destruictes.
Roye prinze par composition. — Et c’en tirait à Roye ; laquelles,
jà ce qu’il y eust grosse garnison de plusieurs noble et jantil homme,
acompaigniez de deux cens lances et de XIIII cenc francz archiers,
néantmoins luy fut randue, leur vie saulve, ung biaulx blan bâton en
leur mains. Et passairent tout par le millieu de leur annemis, qui les
moquoient et dérisoient.
Ceulx de Biavaix résistent aux Bourguignon ; vaillance d’une pucelle.
— La dicte ville de Roye prinse, le dit de Bourgongne, congnoissant
qu’il n’y avoit milles gens de guerre en la ville de Beauvais, se partit
pour y aller ; et, de fait, y mist le sciège. Et, de plaine venue, y donna
ung fort et merveilleux assault, auquelle fut vaillanment et de grant
couraige résisté par les bourgois et leaulx habitans d’icelle cité. Et,
néantmoins que nullement n’espéroient la venue des ennemis, quant
il virent venir les Bourgongnon, ilz se rangèrent és murailles, et à grand
couraige les repoulsairent. Et, en cest assault, apparut l’excellente
vertus d’ugne pucelle, laquelle alors aracha l’estandart d’entre les
mains d’ung Bourgongnon qui grinpoit amont la muraille. Puis, ce
jour meisme et durant cest essault, arivairent plusieurs capitenne
françois en la cité, telz que Guillaume de Vallée, lieutenant du sénéchal
de Normendie, et plusieurs aultres. Et, eulx entrés, et avent que
repaistre, mirent piedz à terre et livrairent leur chevaulx aux femmes
et anfïans pour les panser, et c’en allèrent sur la murailles avec lez
bourjois de la ville ; et tellement ce defïendirent que lesdit Bourgon
gnon furent reboutez honteusement. Et, au londemains, y arivairent
encor plusieurs aultres capitaines, acompagniés de bons gens d’armes.
Et, par l’espace de XXVI jour que dura le siège, y oit plusieurs essault
et plusieurs choses faictes, que je lesse pour abrégiés.
xvc Bourguignon tresbuchés és fossés. — Et trouve l’on que, en ung
seul assault, trébuchèrent et moururent plus de XV cent Bourgongnon
és foussés de la ville. Car yceulx Biauvoisins furent fort secourus et
aydé de ceulx de Paris et d’Orléans, tant de vivre comme d’artillerie.
Parquoy force fut audit de Bourgongne de lever le sciège et s’en aller.
Et fist grant dopmaige au païs entour en brullant ville et maisons et en
a. M : coprs.
1. Faut-il corriger : félon, et d'un courage (cœur) sans pitié ?
416
TRÊVES ENTRE FRANCE ET BRETAGNE (OCTOBRE 1472}
destruissant lez blefz des champs ; et n’y avoit rien qu’il ne mist à
destruiction.
Valéri prinse par le Bourguignon; les Bourguignon aux paiis de
Caulx. - Puis c’en tirait à Sainct Valéry, qui fut tantost prinse, et, de
là a, on pays de Caulx, auquelle il firent plus de domaigcs et destruc
tions de biens que tout leurs vaillant *1 n’eussent sceu réparer. Et,
après plusieurs aultres corse et riblerie faictes, les dit Bourgongnon
s’en sont allés devent Rouen ; auquel lieu furent cy bien recueillis des
habitans et bourjois d icelle cite qu il s en retournait à sa grante perte
et dommaige, et sans aultre chose faire de son proffit.
Le duc de Guyenne trespassés. — En celluy tamps, vindrent nou
velles au roy que mon seigneur le duc de Guienne, son frère, estoit
trespassé en sa ville de Bordeaux ; et estoit le commung bruit qu’il
avoit esté empoisonné. Parquoy, quant le roy sceut la vérité de la
dicte mort, il ala jusques a La Rochelle pour reprendre en ses mains
lesditz pais de Guienne. Et, alors, devers luy se rendirent grant partie
des officiers de son feu frère, qu’il recœuillit et retint en son service.
Les faulbour de Noyon brullés. — Aussy, en ce tamps, le sire de
Crussol et autres capitaines firent brûler et abatre les faux bours de
Noyon, pour ce que le bruit couroit que ledit de Bourgoigne y venoit
mettre le siège.
Pandant les choses dessus dictes, le roy de France estoit és marches
de Bretaigne atout plus de cinquante mil combatans, faisant la guerre
au duc de Bretaigne, pour ce qu’il ne luy vouloit rendre aulcunes de ses
villes de Normandie. Et, posé que ledit roy eust tout conquesté ce qu’il
demandoit s’il eust voulu abandonner ses gens, toutefïois on n’yfist
pas grans faitz d’armes, à cause que il craingnoit tousjours la mort et
perdicion des siens, et se efïorçoit de parvenir à paix et acord sans
effusion de sang.
Trêves entre le roy et les Breton, et le Bourguignon corne son alié. —
Parquoy, en celluy temps, on ottroya unes trêves audit de Bretaigne
pour lui et ces aliés. Tellement que ledit duc desclaira ledit de Bourgongne estre son alié, et le dit de Bourgongne les accepta pour luy et
poui les siens, lesquelles il déclaira estre l’empereur, les roys d’Engleterre, d’Escosse, de Portingal, d’Espaigne, d’Arragon, de Cecille, et
plusieurs ducz et princes. Mais il faisoit la dicte déclaracions pour faire
et donner suspicion au roy.
Déconfiture /aide par les Fransois. — Item, aussy en ce temps,
messire Robert d’Estouteville et Joachim Rouault prindrent la ville de
Eu, par telle composicion que les chevaliers seulement du parti des
Bourguignon s’en iroient sur ung petit courtault, et les autres ung
baston en leur poing, en laissant tous leurs biens. En après regaignèrent
lesdit Françoys Sainct Waléry par semblable composicion ; et puis
M : délia.
1. Leur avoir, leur fortune,
a.
PRISE DE LECTOURE PAR LES FRANÇAIS (MARS
1472 a st.)
417
vindrent à Rabanes, dont les Bourguignons se partirent, leur vies
saulves.
Le filz du coneslable thient le parti de Bourgong[ne]. — Cependant le
conte de Roussy, fdz du connestable et tenant la partie des Bourgui
gnons, vint faire une cource jusques à la conté de Tonnerre, où il ne
trouva nulle résistence. Et puis vint devent Joigny, là où il fut bien
recueilley.
Le conte d’Armignac prent la ville de Lesto[ye]
— En celle meisme
année, vers la fin, le conte d’Armignac surprint d’emblée la cité de
Lestoye 1 ; et en ycelle print plusieurs grans prisonniers. Dont le roy
fut fort desplaisant, et tellement qu’il fist de rechief assiéger la dicte
ville et le dit conte.
Le conte d’Armignac tués. — Et, après plusieurs assault donnés, fut
prinse, arse et destruicte ; et ledit conte d’Armignac tué. Et fut ce fait
le vendredi Ve jour de mars ; et n’en eschappa seullement que la
contesse, avec trois chambrier, que tout ne fut tués et mis à mort.
Et la cause pourquoy, comme dient aulcuns, fut pour tant que, les
Françoys tenent le sciège devent celle cité, et comme aulcuns noble
de la partie d’iceulx Françoys entrirent par essurement en la ville
pour traicter de paix, mais, soubz l’essurement devent dit, le conte les
voult faire tuer et murtrir, parquoy les Françoy qui estoient au dehors,
oyent le huttin, entrirent en la ville par ung mur rompus d’artillerie,
et mirent tout à mort en la manier comme avés oy. En cest affaire
estoit pour le roy le séneschal de Limosin et le cardinal d’Arras, avec
plusieurs aultres.
Apointemenl entre le roi et le duc de Bretaingne. — En ce tampts fut
fait l’appoinctement entre le roy et le duc de Bretaigne.
L’entrée de mon seigneur de la Forest d Paris. — Le VIIe jour de
febvrier, seigneur Loys, évesque de Paris, filz de mon seigneur de la
Forest, fist son entrée à Paris.
Le duc d’Alençon menés devers le roy. — Item, aucy en ce tamps,
mon seigneur le duc d’Alençon fut mené devers le roy, pour ce qu’on
disoit qu’il estoit party de son païs cuydant aller au duc de Bourgoigne
luy vendre et délivrer toutes ses terres qu’il tenoit au royaulme.
Et, en celluy tamps, c’en estoit retournés le duc de Bourgongne en
Picardie, luy et ces gens.
Le roy d’Aragon se retire en son paiis. — A l’acomencement du moix
de mars ensuiant, le roy d’Arragon, estant en la ville de Parpignan, et
ouyant les nouvelles de la mort du conte d’Armignac, s’en ala hors de
la dicte ville ; mesmement aussi pour ce qu’il entendit que mon sei
gneurs Philippe de Savoye aloit à grosse puissance contre luy pour
réduyre la dicte ville à l’obéissance du roy Loys.
Et, tantost après, le samedi XIIIIe jour de ce meisme moix de mars,
le roy se partit de Tours à petitte compaignie pour s’en aler à Bordeaulx et à Bayonne.
1. Lectoure, Gers.
418
ÉPILOGUE DU TROISIÈME LIVRE
Trêves entre le roy et le duc de Bourgongne. —- Et furent en ce meisme
tampts de rechief faicte trêve entre le roy et le duc de Bourgoingne,
durant l’espace d’ung ans.
Mais de ces choses ne dirés plus quant à présent, car je veult icy faire
la fin de cestuy thier livre des cronicque de France, de Mets, de Loherenne, de Bourgongne et d’Angleterre. Et puis vanrés à vous desclairer
le quaitriesme livre d’icelle devent dicte cronicques. Auquelles, tout
à l’acomencement, pourés oyr et entendre la herdie entreprinse que le
duc Nicollas de Loherenne fîst encontre de la noble cité de Mets. Et
puis, ce dit, porés oyr plusieurs aultre merveilles et chose estrange et
digne à raconter estre advenue en nostre tampts, lesquelles je, Philippe
de Vignuelle devent dit, ait heu recueillis de plusieurs traictiés et
voullume, et les ay joing et concordés ensemble, avec ce que j’en ay veu,
en la manier corne cy aprez pourés oyr.
PROLOGUE 1
A la gloire et louuenge du benoy créateur de tous les anges et arkange
et de tous les sainct et sainctes de paradis soit jusques ycy cest euvre
pairfaictes et formes ! Et, a rest, que leur bonté ce estande de à moy,
indigne, envoier science, graice, force et vertus de cest quairte partie
parfaire et eschevir, et de non y escripre chose qui ne soit à son hon
neurs et gloire, au proffit et hutillités de la devent dicte cité de Mets et
des seigneurs et gouverneurs de la chose publicque, paireillement de
tous les habitans, subjecg et manans qu’en la dicte cité sont et seront
demourant et résidant ! Car, en ycelle quairte partie, serait dit, con
tenus et desclairés les grandes guerres, persécusion et malvitiet que en
l’encontre d’icelle noble cité de Mets ont esté inventée, minse en jeux
et sairchée, et desquelles, moyenant la graice du benoît Dieu, elle et son
peuple en ait estés jusquez ajourd’ui eschappée et préservée, et comme,
par évident miracle de Dieu, ait esté par plusieurs fois de traïson
délivrée. Desquelles guerre et traïson, aventure, fortune et aultre
mutacion, avec disposicion du tamps et plusieurs aultre merveille et
chose estrainge et admirative qui sont estés advenue, tant en la devent
dicte cité comme en plusieurs aultre païs et régions, depuis l’an devent
dit mil quaitre cenc et LXXII jusques a tamps présent, je, Phelippe
de Vignuelle, le merchamps, et citains d’icelle noble cité de Mets,
moyenant la graice d’icelluy mon Dieu, prêtant de parfaire et eschevir,
et cest quairte partie du tout narrer et acomplir.
Et, premièrement, serait dit, tout à l’acomencement, d’une grande
subtillité et une conspiracions malvaise que le duc Nicollas, alors
nouviaulx régnant en Loherenne, pansait de faire sur celle noble cité
de Mets, la cuidant prandre d’amblée. Puis orrés après cornent, à sa
grant honte et deshonneurs, il en fut espulcé et desjectés, de quoy a
1. Philippe a voulu dire : épilogue ?
Ms. 839 [89], f" 153
ÉPILOGUE DU TROISIÈME LIVRE
419
cuer il en oit telz dolleurs, comme il fut à présumés, que tantost après
il en morut de dueil.
Consécanment, vous serait dit cornent, après la mort d icelluy duc,
fut ressus és deux duchiez le duc René. Et, daventaige, orrés cornent
le duc Charles de Bourgongne, par envie, convoitise et malvistiet, le
voult de son pais despouiller, et l’en cuidait a force d armes dégecter.
Après, orrés cornent il mist le sciège devent la ville de Nancy, et puis
devent Nusse 1,2 et, fînablement, le leva pour c’en aller devent Moret
et Granson, auquelle lieu il fut très bien batus ; et, avec ce, y perdit
plusieurs de ces gens, et y lessait plusieurs de ces estandars, guidons et
banniers. Aussy serait dit apres cornent il revint en Loheraine, et de
rechief asségeait Nancy. Devent laquelle, fînablement, il perdit la
journée encontre le dit René, qui amenait lez Suisse, par lesquelle, la
nuit des Grant Roys, fut le dit Charles, avec plusieurs milliers de ces
gens, tués et murtris, et le rest mis en fuictes, espars et dispercés.
Concéquemment vous serait dit, en cest dernier partie, plusieurs
course et riblerie, destruiction de biens et de pais estre avenus, tant en
ce pais de Mets comme aultre part en France, Bourgongne, Loranne et
Angleterre, jusque au tamps que le devent dit duc René, duc de Bar
et de Loherenne, par le bouttement, conseille et envie d’aulcuns malvais
ces conceilliers, entreprint contre ycelle noble cité la guerre, moyenant
laquelle plusieurs malz et grief domaige furent fait et perpétrés, tant
sur l’une des partie que sur l’aultre, comme ycy après pourés oyr,
quant temps serait d’en parler.
A rest, oyrés la trayson et grant desloiaultés d’ung des conseilliers
et trèses jurés de la dicte cité de Mets, nommés Jehan de Landremont.
Auquelle on avoit fiance ; mais il cuidait trahir la ville et tous lez habitans d’icelle, ce la miséricorde de Dieu n’y fut estés. Parquoy,
son cas conus, l’escécucion en fut faictes, en la manier comme cy après
oyrés.
.
Puis, après, vous serait dit cornent, en celluy tamps, je, Philippe des
sus dit, composeur et escripvains de ces présente, fut vandus à biaulx
denier comptent, et, avec mon perre, prins et enmenés.
Consécamment, en la V« et dernier partie, de la guerre Pier Burtault et de plusieurs aultres besoingne que durans ces tampts avmdrent.
Et par loing tempts après duray celle maldicte guerre de Burtault,
jusques à la venue du conte Francisque, lequelle, avec moult grant
puissance de gens, tant à piedz comme à chevaulx, et à la cause d’icelluy
Pier Burtault, vinrent mettre le sciège devent ycelle noble cité. Et fut
force, pour éviter plus grant dommaige, de à luy et a siens composer.
Et coustait celle guerre à la cité plusieurs millier de florin, comme ycy
après orés, quant tempts serait d’en parler.
1. Nuz dans Commynes, Mémoires, éd. Calmette et Durville, t. II, p. 6, etc. . Neuss.
près de Cologne, en Rhénanie.
2. Il faut suppléer : vous sera dit de la guerre, etc.
420
ÉPILOGUE DU TROISIÈME LIVRE
Plusieurs aultres chose digne de mémoire, merveilleuse et estrange,
sont advenue, lesquelles je, Phelippe dessus dit, ait heu prins et extrait
de plusieurs livre et vollumes, et les ais joing et concordés ensemble
comme vous trouvenrés escript, ce le voullés lire ou escouter. Gy prie à
tous les liseur et auditeur que mon fait vueullent escuser, et les faulte
qu il y trovenront corriger et amender, car je sçay que plusieurs chose
y sont mise qui ne sont pas de grand vallue à raconter a.
a. Ms. 839[89] (M), f° 154 r°. Le verso est occupé par le dessin, rehaussé de couleur,
que nous avons reproduit en tête du premier volume de notre édition.
L’évêque Bertrand reçoit le premier maîtie échevin
de Metz, Benoît. (Bibliothèque municipale de Metz,
Ms. 912 [162], f° 1.)
Dessin de Philippe de Vigneulles; il était peut-être en tête
du ms. 838 [88].
ADDENDA ET CORRIGENDA
La date de la naissance de Philippe de Vigneulles. — Dans notre
tome I, Introduction, page II, il faut corriger la date de la naissance
de Philippe : c’est le 7 juin 1471 qu’il vit le jour.
La date de la mort de Philippe de Vigneulles. — D’après un article
récent (Cahiers lorrains, t. VIII, 1929, p. 48-49), M. l’abbé J. Fœdit
a trouvé dans les Registres de la Bulletle de Metz la preuve que Philippe
de Vigneulles était encore vivant le 20 mars 1528 ; il est donc mort entre
cette date et le 12 avril 1528, date de Pâques, où les bans portent le
nom de Ysabellin « femme feu Philippe de Vigneulle le merchant »■
Ces renseignements complètent et précisent ceux que nous avons donnés
tome I, Introduction, page IX.
La rédaction de la Chronique de Philippe de Vigneulles. — Aux indi
cations que nous avons données tome I, Introduction, pages XIV et XV,
l’on peut ajouter les détails suivants.
Dans le manuscrit M (839 [89], f° 153 r°), Philippe de Vigneulles a
apporté à son texte primitif un certain nombre de corrections impor
tantes. C’est ainsi qu’il avait écrit : « de cest quairte et dernier partie »
(l’on distingue encore très bien ces deux mots sur la photographie du
manuscrit que nous avons reproduite en regard de la page 418 de notre
édition). Quelques lignes plus loin, il a également rayé : « en ycelle
quarte et dernier partie » et de même partout où revient cette expres
sion : « la quarte partie ». A la page 419 de notre édition, ligne 9 avant
la fin, les mots : en la Ve et dernier partie, ont été ajoutés entre les li
gnes. Les grandes divisions de la Chronique ont donc été remaniées
postérieurement à la rédaction définitive du tome II du manuscrit.
Dans ce volume, page 66, ligne 2, corriger : le basiard de Tilley.
Page 375, dernière ligne, corriger : force leur fut de faire et acomplir
tout ce que ycy...
TABLE DES ILLUSTRATIONS
L’évêque Bertrand reçoit le premier maître échevin de Mets,
Benoît (Ms. 838 [88], f° 213 v°)....................................................... ’
i
Ms. 838 [88], ff« 401, 404....................................................................
152
Manuscrit A (Archives départementales de la Moselle) ; voyez
tome I, Introduction, p. XIV......................................................... 212
Ms. 839 [89], fo 153 r°......................................................................... 418
L’évêque Bertrand reçoit le premier maître échevin de Metz, Benoît
(Bibliothèque municipale de Metz, ms. 912 [162], fo 1; dessin de
Philippe de Vigneulles : il était peut-être jadis en tête du ms. 838
t88] .................................................................................................. 420
TABLE DES MATIÈRES
LIVRE DEUXIÈME {Suite)
La paix faite entre la cité et les III conte dessusdits.........................
De la paix de 1324 à la consécration d’Adémar de Monteil,
soixante-douzième évêque de Mets, en 1327 .................................
De la consécration d’Adémar de Monteil, en 1327, à la mutinerie
des Bouchers, en 1347 ...................................................................
De la mutinerie des Bouchers, en 1347, à la visite de l’empereur
Charles de Bohême à Metz, en 1356 ................................................
De la visite de l’empereur à Mets, en 1356, à la consécration de
Jean III de Vienne, évêque de Mets, en 1361...............................
De la consécration de l’évêque Jean de Vienne, en 1361, à celle
de Thierri de Boppart, en 1365 ......................................................
De la consécration de Thierri de Boppart, en 1365, au renvoi des pri
sonniers barrois, en 1369 ............................................................
Du renvoi des prisonniers barrois, en 1369, à la guerre des Cha
noines, en 1377 ...........................................................................
De la guerre des Chanoines, en 1377, à la mort de Thierri de
Boppard, en 1383 ...........................................................................
Le bienheureux Pierre de Luxembourg, soixante-quinzième évêque
de Metz : 1381-1387 ......................................................................
De l’avènement de Raoul de Coucy, soixante-seizième évêque de
Metz, en 1388, à la folie de Charles VI, roi de France, en 1392 ...
De la folie de Charles VI, roi de France, en 1392, à la déposition de
Richard II d’Angleterre, en 1399 .............................................
De la déposition de Richard II d’Angleterre, en 1399, à la « Jacque
rie » de Mets, en 1406 ................................................................
De la « Jacquerie » de Mets, en 1406, à l’alliance des « Quatre
.
Traité d’alliance entre l’évêque de Metz, les ducs de Lorraine et
de Bar et la ville de Metz..............................................................
De l’année 1412 à l’avènement de Conrad de Bayer de Boppard,
soixante-db£-septième évêque de Metz .......................................
De l’avènement de Conrad de Bayer de Boppard, soixante-dixseptième évêque de Metz, à la prise de Paris par les Bourgui
gnons, en 1418...................................................................................'
De la prise de Paris par les Bourguignons, en 1418, au début de la
guerre « de la Hottée de pommes », en 1428...................................
Pages
1
12
17
28
36
45
53
65
78
92
101
109
119
137
147
161
165
173
424
TABLE DES MATIÈRES
LIVRE TROISIÈME
Page»
Prologue................................................................................................
La guerre « de la Hottée de pommes », 1428-1429.............................
Jeanne d’Arc délivre Orléans ; le sacre du roi Charles VII à Reims
Suite de la guerre dite « de la Hottée de pommes », 1429 ................
Jeanne d’Arc brûlée à Rouen ; suite de la guerre de Cent ans........
De la mort de Charles Ier, duc de Lorraine, le 25 janvier 1431, à
la paix entre René d’Anjou et Antoine de Vaudémont, en 1433
De l’an 1434 à la paix d’Arras, entre le roi Charles VII et le duc de
Bourgogne, le 21 septembre 1435 .................................................
Les années 1436 et 1437 .................................
Guerres en France et en Lorraine : 1438-1440 .................................
La cité de Metz en guerre avec le damoiseau de Commercy, le sire
de Fléville, etc., 1441-1444 ...........................................................
La guerre des Rois ; le siège mis devant Metz : 1444.......................
Trêves rompues entre la France et l’Angleterre ; événements divers
à Metz et en Lorraine : 1445-1449 ...............................................
Différend entre la ville de Metz et le duc de Lorraine et de Bar ;
suite de la guerre entre les Français et les Anglais : 1450-1453...
La guerre entre les chanoines de la Cathédrale et la cité de Metz, etc. :
1462-1464 ........................................................................................
Début du règne de Louis XI, roi de France, etc. ; la guerre « du
bien public » ....................................................................................
La paix signée entre les chanoines de la cathédrale et la cité de
Metz : 1465 ....................................................................................
La rentrée des chanoines de la cathédrale dans la ville de Metz,
le 2 mai 1467, etc...............................................................................
La mort de Philippe, duc de Bourgogne ; les premiers actes de
Charles le Téméraire, son fds..........................................................
Le feu à la cathédrale de Metz ; autres événements mémorables
tant à Metz qu’au pays de France : 1468 .....................................
Guerre entre France et Bourgogne ; événements divers à Metz
et au pays de Metz : 1469-1472 .....................................................
Prologue (épilogue) .............................
BESANÇON. — IMPRIMERIE JACQUES ET DEMONTRONS.
190
193
195
206
218
221
230
241
250
266
279
302
315
341
351
364
375
389
393
400
418
PHILIPPE DE VIGNEULLES
•Q.
PUBLIÉ SOUS LES AUSPICES DE L'UNIVERSITÉ DE NANCY
LA CHRONIQUE
DE
PHILIPPE
DE VIGNEULLES
ÉDITÉE PAR
Charles BRUNEAU
Professeur à l’Université de Nancy
TOME SECOND
(de l’an 1325 à l’an 1473)
SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ET D’ARCHÉOLOGIE DE LA LORRAINE
1929
L ’évêque B ertran d reço it le p rem ier m aître échevin
de Metz, B enoît. (Ms. 838 [88], f° 213 v°.)
LIVRE II
(Suite)
LA PAIX FAICTE ENTRE LA CITÉ ET LES IIII CONTE DESSUSDITS
Item, aucy en ceste meisme année, fut la paix faicte de la grant guerre
de laquelle je vous ait par cy devent pairlés, c’est assavoir du roy
Jehan de Bahangne, de Baudouuin, archevesque de Triève, du duc
Ferry de Lorrainne et du conte Édouuart de Bar, et de tout leur povoir, à l’ancontre de la cité de Mets. Devent laquelle il furent asciégé
par l’espace d’ung moix, et n’y firent oncque riens. Et durait la
guerre près de deux ans, tellement que le païs en fut fort destruict.
Et estoient leur questyon et demende tel comme il c’ensuyt 1.
C’ensuil les article des demende que les quaitre prince devenldit fai
saient à la cité de Mets et à toucte la comunallé d’icelle, parquoy ladicte
guerre ce esmeusl entre les partie.
Et estoit leur premier demende telz :
Premier, demendent et vuellent les seigneurs dessusdit que, tous les
héritaiges des fiedz et tous lez arrierfiedz que ceulx de Metz ont acquesté sen leur voulenté et san l’agréacion du seigneur, et encores les
wardes que appartiennent et doient appartenir ausdits seigneurs, les
quelles choses, devant touctes choses, vuellent qu’il leur soient rendus
par ceulx de Mets, ensemble les ariéraiges et lez levées desdits héri
taiges qu’il ont receu et levés. Lesquelles chose montent bien à la somme
de trois cent mil livrez de Metz, ou plus. Et, se aincy est que aucun
volcist mestre débat à ces choses, les seigneurs panroient en grey que
ceulx de Metz venissent en leur hostel pour panre et faire droit au
seigneur dez dessusdit héritaiges, dé fiedz et des arrierfiedz, wardes
et héritaiges 2 ; et lez devantdit seigneurs leur feront 3 droit aux uz
et coustumes dez pays.
1. HMe, t. IV, p. 13-17. Le texte publié par les Bénédictins est plutôt inférieur
à celui de Philippe, malgré son aspect plus archaïque. Nous en donnons les var
2. Arrieraigei et levées.
3. Feraient,
2
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
Secondement, demandent et dient lesdit signeurs que, quant ceulx
de Metz ont fait sonner leur bancloche i, et il panissent2 et font grief
et dommaige ausdits seigneurs ou à leurs hommes, ceulx de Mets
dient qu’il ne sont mie tenus de defïaire ne de rendre ne de recroire 3 :
se voulroient lesdit seigneur que ceulx de Mets du temps passez en
fissent restitucion ausdits seigneurs, ou à leur hommes, s’yl avenoit
que painnes 4 fut faicte, ou aultre grief, ausdit seigneurs ou à leur
hommes, ou à leur warde. Et peut bien monter le dopmaige que cil
de Mets ont fait jusques à la somme de cent mil livrez de Mets, et plus.
Thiercement, dient encor lesdit seigneurs et demandent que tous les
méfiais et dopmaiges que ont estés fais par eulx 5 demouresse bien
sur lesdit de Metz, et les dompmaiges et méfiais que ont esté fais par
ceulx de Mets ausdits seigneurs leur soient défiais par lesdits de Metz.
Car la guerre est 6 7faicte et acommenciée a tort et au deffault desdit
de Mets, enssy comme il appert par les raisons dessus dictes.
Quairtement, dient encor et vuellent lesdit seigneurs que les amant
soient ostés et anully 2 ; et que, de cy en avant, n’en soit plus usé. Car
c’est contre droit et contre coustume ; et ne le fait on en nulle cité du
monde. Et, pour ce, veullent que de cy en avant ilz praigne l’usaige de
seelz autentique.
Après, et pour la eincquiesme demende, veullent et dient encor les
dessusdict seigneurs que, de cy en avant, nulz de leurs hommes ne soit
prin ne arestez pour autruy seigneur ne pour debte qu’ilz doient 8, se
dont n’est qu’ilz ayent obligiez de leur corps par le consentement de
leur seigneur lige.
Item, pour la sixiesme demende, vuellent lesdit seigneurs que, tous les
biens qu’ilz ont prins sur ceulx de Metz, en leurs terres et sur leurs hom
mes, soient bestes ou aultres choses, soient debtes que lesdits hommes
deussent à ceulx de Mets, dont les seigneurs aient fait quictance ausdit
hommes, ou receu payment, ceulx de Mets n’en doient rien demander
à nulz jours maix ausdits hommes ne aux seureté 9 qu’ilz en auroient
fait, ains en doient quicter lesdits hommes, leurs plesges et seurreteiz.
1. Bancloche, cloche du ban, la Mutte.
2. Panir, procéder à une saisie à main armée. — Sur le droit de panie, voyez Aug.
Prost, Les Institutions judiciaires dans la cité de Metz, p. 221-222.
3. Réparer ce qu’on a détruit, restituer ce qu’on a enlevé.
4. Prinse. Ni les Bénédictins ni Philippe n’ont compris le mot panie ; ce mot désigne
une saisie exécutée par l'offensé lui-même sur celui à qui il réclame réparation d’une
injure ou d’un tort.
5. A ceulx de Metz demourent...
6. Ait estei.
7. Anullir, annuler, supprimer.
8. Leurs homes ne soient pris ne arrestés pour Vautrai ligej tel qu’ilz dussent. — Les
hommes liges des quatre seigneurs ne pourront être arrêtés pour une obligation ou une
dstte qu’ils auraient contractée à l’égard d’une tierce personne,
9. iSûreté, répondant, caution.
LA PAIX FAITE
entre metz et les quatre
«
contes
» (1324)
3
Et, pour la dernier article, veullent encor lesdit seigneurs que ceulx
de Mets ne puissent d’or en avant lesdit seigneurs contraindre, pour
choses qu’il aient à faire “, à nulz de leur hommes, tant comme il
volront, de raison de leurs dits hommes en leur hostelz l. Et que
lesdits seigneurs soient quicte de touctes dettes et de touctes plégeries
et obligacion 2 que ceulx de Mets leur polroient demander qu’il fussent
tenus à eux de cestuy jour en ayer 3*. 41 2
S’ensuienl les responces que ceulx de Metz font audit seigneurs sur les
demandes deventdicles.
Premier, aux articles et en brief que à présent lesdit seigneurs
demandent à ladicte cité de Mets, respondent lesdit de Mets que les
devantdis quaitre seigneurs n’ont ne n’eurent oncque seigneurie en
ladicte cité de Mets, eulx ne leurs successeurs 4, et qu’ilz ne sont en
rien tenus à eulx de tout ceu qu’ilz demandent. Et ne sont leur arti
cles en rien raisonnables à la fin et à quoy il tendent. Maix, ançois,
sont tenus les devantdit quaitre seigneurs, et leur aydant aucy, de
faire et rendre à ladicte cité touctes lez perdes et dompmaiges qu’ilz
et les leurs ont fais en la guerre qu’il ont acommanciez à toit et sans
cause, que montent à la somme de VIe mil livrez de mesains, et plus.
Et requirent les devantdit de Mets que aincy leur soit fait de par les
dit quaitre seigneurs, et leurs aydans, pour lez raisons que cy aprez
s’ensuyent.
Item, quant a premier article que lesdit quaitre seigneur font, dient
et respondent lesdit de Metz qu’il n’y ait citains en Mets, qui ait acquesté fiedz ou wardes, qu’il n’en ait bonne lectre des seigneurs don
les fiedz et wardes muevent, ou que les seigneurs ne les en aient repris
à homme, ou qu’il ne l’aient d’ancienneteit, comme hoirs de droicte
ligne. Et, se on pouvoit trouver qu’il fuit aultrement, se n’en deussent
mie les devantdits seigneurs encommancier ne amouvoir guerre 5 à
l’encontre de ceulx de Mets. Car il y ait plus de XXX mil personne en
Mets que rien ne tenoient ne np tiennent encor aujourd’huy d’eulx ;
et, pour ce, n’en deussent mie lesdits seigneur avoir brullé leur pays,
ne destruire les églises de l’éveschié de Mets, pour l’occasion desdit
héritaiges, wardes et fiedz, comme il ont fait. Mais deussent avoir
a. Mss. : affaire.
1. Que cilz de AZetz ne puissent de ci en avant conslraindre lesdis Seigneurs, pour
choses qu'ils aient, à faire raison de leur dis hommez en lour hostelz. —* Faire raison,
acquitter une dette. — Les quatre seigneurs seront quittes de toutes leurs obligations
antérieures, et la cité de Metz ne pourra les contraindre à acquitter ces obligations
par la prise de leurs vassaux.
2. Renderies.
3. Arrière.
4. Prédécesseurs ? Ce membre de phrase manque dans HMe.
5. Même s’il en était autrement, les seigneurs devant dits n’auraient jamais dû
pour cette cause susciter (émouvoir) une guerre.
4
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
saisis leur 1 fiedz don les fiéveis 2 ne faisoient leur debvoir, se aulcuns
en y avoit ; et deussent avoir demener leurdit fiefz * selon le droit et
usaiges de leur hostelz. Car, pour la mesprise de fiedveiz qui n’est
sire du païs, ne doit on pas le pays destruire, si comme lesdit seigneur
ont fait, à tors et à péchiés, si comme il apert especiallement pour ce
que, ançois que lesdit seigneurs accommancissent la guerre contre
la cité, les citains, la justice et gouverneurs de ladicte cité de Mets
envoyèrent souffizamment dever eulx, et leur monstrirent et offrirent,
à eulx et à leur conseille aucy : que, ce lesdit citain, en comun, ou
aulcun personnellement, estoient de rien tenus à eulx, par quelcunquez
chose que se fut, ilz en diroient et ferment tant, sans plait et sans
procès, qu’il dobveroit souffîre, et que touctes bonnes gens qui en
olroient parler diroient que ceulx de Mets en faisoient assés. Laquelle
chose lesdits seigneurs mirent à refïus, comme ceulx qui amoient
mieulx la guerre que la paix. Et fut chose bien aparant ; car, incontinant après ce fait, ilz defïièrent la dicte cité, et, le lendemain aprez,
commencèrent à faire dompmaiges à force d’armes ; et n’olt ladicte
cité que une seulle nuyct, sans plus, pour eulx prouveoir et garnir
en l’encontre des deffîances desdit seigneurs. Parquoy on peult entendre
et sçavoir se se fut honorablement fait sur ce que on leur avoit offry,
comme dit est. Et, pour ce, dient et respondent lesdit citains qu’ilz
ne sont mie tenus à paier ausdit seigneurs les trois cent mil livrez de
Mets qu’ilz leurs demandent on devantdit premier article. Maix doient
perdre lesdits seigneurs tel droit et propriété comme il avoient en
devantdit fiedz, pour raison de ladicte guerre et la 4 mesprise qu’ilz
ont fait, espéciallement contre ceulx qui estoient leur fxedveis, maix
les doient 5 dorénavant tenir pour leur franc alleufz, pour le meffait
que lesdit seigneurs ont fais.
Quant au second article, respondent lesdit de Metz qu’ilz ne sont mie
tenus de rendre les dompmaiges que les seigneurs demandent audit
article, jusques à la somme de cent mil livrez de Metz. Car, de sy long
temps qu’il ne scèvent nully du contraire 6, lesdit de Metz ont uzé
paisiblement en l’encontre de ceulx quy à eulx marchissent 7, soient
seigneurs, soient aultres, en tel manière que, se parsonne des citains
de Mets estoient pris, et la justice de Mets les requerroit, et estoit
appareillé de faire raison pour eulx 8, ou ce jornée en avoit esté tenue
1.
2.
3.
4.
5.
Les.
Fiévé, ancien français fieffé, celui qui est muni d’un fief, feudataire, vassal.
FiecLvey. — Les Bénédictins n’ont pas compris ce mot.
Et de la mesprise.
Et les doient de cy en avant tenir les fiéveis qui les tenoient en fiedz à?eulx pour leur
alluez. — Les fiévés sont maintenant dégagés de tout hommage par suite de la forfai
ture
6.
7.
8.
de leurs suzerains.
Qu’ilz ne souvient nullui du contraire, que personne ne se souvient du contraire.
Marchir à quelqu’un, être voisin, limitrophe de quelqu’un.
Lui,
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
5
an estaulx pour eulx et raison ne volcist soprendre 2,
* 1et aucy déli
vrer nen volcist on 3, la cité, selon ce que de raison porte et que bon
luy sembloit, requerroit son citains à son de bancloche 4 et main 5
armée au lieu où lez citains estoit pris et détenu à tort et à force, ou en
la terre du seigneurs que le devantdit citain tenoit. Et, se dompmaige
leur en avenoit, il seportoient 6, car celluy quy est dompmaigié par
sa déserte 7 le doit demander à luy mesme, et nemmie à aultruy.
Et n’ont mie ancy usé leur citains 8 que, pour pagnie a faire ou debte
requerre, soit la bancloche de la cité sonnée ; adez 9 en ont ilz fait
et volroient faire droit aux usaiges dez marches qu’ilz ont en l’en
contre des seigneurs 10.
Item, quant au thier article, respondent lesdit de Mets que les sei
gneurs pueent demander ce qu’il leur plaît. Maix il n’acquiteront jà
au seigneurs les méfiait et dopmaiges qu’ilz leur ont fait à torte et
sans cause. Ains les volront, s’ilz pueent, recouvrés sur eulx et sur
leur aydans, en temps et en lieu. Et, se lesdit seigneurs ont eu dompmaiges pour la guerre qu’ils leur ont fait et à leur tort, lez dompmaiges doient demorer sur eulx, car il leur sont avenus par leur mesprise et oultraige.
Après, respondent au quart article, auquelles les dit seigneurs veullent que les amant de Metz soient ostez. Mais, à cest article, lesdit de
Metz dient qu’ilz ne sont mie tenus de ce faire, ne voulenté n’en ont ;
car lez amant sont fais et estaublis à Metz pour paix et pour le bien com
mun, et de très grant ancienneté, par le consentement et volunté de
leur souverain, que faire le povoit, et que bien en sont previlégiez.
Et, cornent qu’il soit ou puist estre de l’office desdit amant de Metz,
au devantdit seigneurs n’en est rien d’en congnoistre. Car lesdits
seigneurs n’ont nulle seigneurie en ladicte cité, ne citain ne menans
n’en sont. Maix bien polroient requérir les devantdit citain, s’yl voulloient, per plus grant raison, que lesdit seigneurs ostaicent les tabelа. M : pagnien ; E : pagnier. Lire panie (voyez p. 2, n. 2 et 4).
1. Sur les marches d'estaus, voyez HMe, t. IV, p. 21, note h. — Un citoyen de Metz,
arrêté et détenu par un seigneur, est réclamé par la justice de Metz. Le seigneur peut le
relâcher, s’il est détenu injustement, ou prendre journée dans une marche d'estaus,
pour le faire juger par un tribunal mixte. S’il refuse l’un et l’autre, on sonne Mutte et
les gens de Metz délivrent leur concitoyen par la force des armes.
2. Et raison ne vocist on prendre.
3. Ne délivrer non volcist. Non, nen, ne le.
4. Voyez p. 2, n. 1.
5. Et à main armée.
б. Supportaient.
7. Par sa desserte, par sa faute.
8. Li citains.
9. Suppléer avant ce mot : et, s'il avenoit c'on la sonnest.
10. Le sens général est celui-ci : il y a deux procédures, l’une juridique (les marches
d'estaus), l’autre violente (on sonne Mutte; les citoyens se réunissent en armes et
interviennent par force) : les Messins n’ont jamais usé de la seconde que dans les cas
où les quatre seigneurs refusaient d’accepter la première.
6
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
lions qu’ilz ont, n’a mie grant temps, mis en pays volontairement *i,
sans l’auctoiité des seigneurs et des souverains dont ilz tiennent
leur terre.
Item, quant a cincquiesme article, respondent lesdit de Mets qu’ilz
ont uzé, tant en Loherenne comme à Mets, de sy long temps qu’ilz ne
scèvent nulluy du contraire 2, que, quant ung seigneur leur doit, et
on ait clère congnoissance ou monstrance, on puet bien arester les 3
hommes desdit seigneurs pour sa debte per congié de justice. Et
pueent bien aucy les hommes des signeurs obligier leur corps sans le
grey de leur seigneur ; et ainsy en ait on usé anciennement. Car lez
hommes ne sont mie serfz de maisnie, maix sont gens de franchise.
Et, se on trouvoit et arrestoit aulcuns quy fut serfz de maignie, on lez
poroit ° arester pour leur frais et pour lez debtes de leurs seigneur 4,
maix il prenroient moult envifs J obligacion de gens serfz de maignie,
se se n’estoit par le grey de leur seigneurs 5.
Oultre plus, respondent lesdis de Metz sur le VIe articles et dyent
qu’ilz ne sont mie tenus d’acquiter ne ne quitteront 6 lesdits seigneurs,
ne leurs hommes, dez biens, des bestes et debtes que lesdits seigneurs
ont prins sur lesdits de Metz ne sur leur hommes, ne jay n’en donront
quictance, pour choses que lesdits seigneurs en ayent fait et facent
cy après, jusques à tant que lesdit seigneurs de Metz et leurs hommes
en seront restituez et restaublis et paiés enthièrement. Et n’ait lieu
en crestienté que on ne doit tenir ledit article pour desraisonnable ; et
sont merveilleux 7 lesdit de Mets par quel conseil et par quelle volunté
lesdit seigneurs leur quièrent et demandent sy grant forquise 8 corne
c’est.
Item, quant au VIIe et dernier article, qui est aucy desraisonnable
comme le VIe, ou plus, ad ce que lesdits seigneurs vuellent estre quicte,
sen paiement faire, des debtes, plégeries et renderies qu’il ont cranté
et qu’ilz doient à ceulx de Metz du temps passez, et que lesdit seigneurs
n’en puissent estre contrains par prinse de leur hommes, respondent
a. Mss. : povoit.
b. Mss. : evifz.
1. De leur propre initiative.
2. Voyez p. 4, n. 6.
3. Des hommez.
4. Et, se on trovoit que aucun fut serf ou de maisnie, la Cité de Metz lez pouroient bien
arrester pour le fait de leur signeur...
5. Envis, malgré eux. — L’expression est curieuse. Les Messins ne s’interdisent pas
de prendre obligation sur des serfs, mais ils le feraient « bien malgré eux ». On distingue
ici nettement entre l’homme libre, qui a le droit de s’obliger sans l’autorisation de son
seigneur, et le serf, que l’on peut confisquer, comme un autre bien meuble du seigneur,
mais qui ne peut s’obliger lui-même.
6. Ne jà n’acquitteront.
7. Les citoyens de Metz se demandent avec étonnement par le conseil de qui, etc.
8. Forquise, demande injuste, d’un verbe forsquerir, réclamer à tort.
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE <( CONTES » (1324)
7
lesdit de Mets que ce ne doit mie estre, ne jà, à leur povoir, adviendra,
car se seroit contre droit et coustume de usaige de pays 1. Et peult
on veoir appartement 2 le droit que les devant dit seigneurs ont eu
jusques à cy en la guerre qu’ilz leur font, et quelle raison il veullent
faire ausdit de Mets, et à quelle cause il ont cest dite guerre accommencié, et à quelle fin il la maintiennent. Car ilz volroient estre quictes
pour leur haultesse et pour leur force 3, nommye seullement dez bien
qu’il ont pris et ravis sur ladicte cité et leurs hommes, et dez dopmaiges
qu’ilz leur ont fait, que montent à plus de VI cent mil livrez de Mets,
mais vuellent encor, avec ce, estre quicte, et sans payement faire, des
debtes qu’ilz doient, dont ilz ont receu argent, avec 4 ce estre quicte
de renderie et plégerie qu’il ont cranté pour leur amis et pour leurs
hommes, et dont ilz sont 5 obligiez par leur sairment, par leur foy,
par leur esployz 6 et par lettres seellées. Et ne mettent lesdit seigneurs
aultres raison avant, fors que ancy7 le veullent avoir. Ceu qu’ilz ne debveroient requérir ne volloir, voir quant la cité de Metz ceroit ou estoit 8
essize en leur terre, ce que oncque ne fut, ne jà n’aviengne, car ançoy
fut la cité de Metz fondée et establie en touctes franchises que cité
de l’empire 9 peult ou doit avoir, et ainçoys que jamaix y eust archevesque en Trêve, ne roy en Bahaigne, ne duc en Loherenne, ne conte
en Lucembourg, ne conte en Bar.
Sy prient et requièrent pour ce lesdit citains de Mets à tous preudhomme et à touctes bonnes gens que ses choses saveront, et que veoir
polront lesdit articles et demandes desdit seigneurs, et les responces
de ladicte cité de Metz, qu’ilz en vuellent avoir desplaisances des grant
perdre 10 11
et de la destruiction et griefz dompmaige que les devantdit
seigneur ont fait sur ceulxdeMetz et sus leurs consciences n, encontre
raison, et meismement aux église et abbaie de Mets, à leur persones,
leurs biens et à leur hommes, et à telle attencionz 12 et par telle cause et
à telle fin comme les devantdit seigneur ont démonstrez et desclairiez
en leurdit articles : car telle chose ou semblans polroient encor avenir
en plusieur lieu, s’y povoient joyr de leur entreprinse, ce que Dieu ne
vuelle.
— Item, que, sur les demande que les quaitre devendit seigneur fai1. Contre droit, contre costume et usaige de pays,
2. Apertement, d’une manière évidente.
3. Hautesse, orgueil, insolence. Ils n’ont d’autre droit que leurs prétentions insolen
tes et la force de leurs armes.
4. Suppléer : et avec ce.
5. Suppléer : dont ils se sont obligés.
6. Par bons esplois. — Exploit, acte authentique.
7. Si ce n’est que ainsi il le veulent, si ce n’est leur bon plaisir.
8. Bénédictins : se la citeit de Metz estoit assize en lour terre.
9. Il faut corriger : que l’empire. Metz est la plus ancienne de toutes les cités de
l’empire.
10. Pertes.
11. On attendrait : contre leur conscience (contre Dieu) et contre raison.
12. Intention.
8
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
soient à la noble cité de Mets et aus abitans d’icelle, comme cy devent
avés oy, et aucy sur la responce que lesdit de Mets leur firent, comme le
contenus est cy devent escript, furent plusieurs journée tenue entre
les partie. Et tant que gens de biens c’en mellairent, et, désirant la paix,
firent tant que les parties olrent acord et bonne paix ensamble, cellon
que les lectres de ladicte paix cy après escripte le devisent, lesquelles
conthiengne tout le traictiés d’icelle paix, comme la teneur s’ensuyt,
S’ensuit la lettre de la paix faicte sur le fait de ladicte guerre f
Nous, Baudouuin, par la grâce de Dieu archevesque de Trièves,
Jehan, par celle meisme grâce roy de Bahaigne et de Pollenne et cuens
de Lucembourg, Ferry, duc de Loherenne et marchis, et Édouars,
cuens de Bar, et nous, les maistre eschevin et les trèzes jurez et toucte
la comunalté de la cité de Mets, faisons sçavoir à tous que, du descord
de la guerre que nous, Baudouuin, archevesque de Trêves, Jehan, roy
de Bahaigne, Ferry, duc de Lorenne, et Édouuair, cuens de Bair, aviens,
nous et noz hommes et noz aidans, contre la cité de Mets et contre leur
justiciables et leurs aydans, bon accord et bonne paix et lealle en est
faicte entre nous, d’une part et d’aultre, pour tousjoursmaix.
En telle manière que tous les prisonniers qui ont estez prins pour
l’occasion de la guerre deventdicte, que nous tenons d’une part et
d’aultre, leur foidz et leurs ostaiges doient estre tout quicte et tous
délivrez en bonne foix et sans mal engin, d’une part et d’aultre, saulfz
leurs despens payans souffîzamment.
Item, les citains de Mets, les clergies et leur subgès yront et polront
aller en leur terres et en leurs villes et en leurs héritaiges et en leurs
waigiers et à leurs biens, partout où ilz l’aient, et en esploiteront et
lèveront leurs debtes ensi comme il faisoient et povoient faire devant
celle dicte guerre ; saufz ce que nous, lez devantdit seigneurs, noz
hommes et noz aidans, en avons prins 12 3et leveis on temps de ladicte
guerre en leurs héritaiges, leur rante, leurs waigiers, ou aillieur, où
que se soit, en bestes, en bledz, en revenues, en chaptelz, 3 en rentes
d’argent ou en aultres choses ; et, en semblan manière, tout ce que
nous, lez maistres eschevin, lez Trèzes et communalté devantdit,
nous justiciables et noz aidans, avons prins et levez des chaptez et
des biens des devantdit seigneurs, leur hommes et leur aidant, en quelcunque chose que ce ait esté.
Et [de] tous les dompmaiges qui ont estés fait on temps de ladicte
guerre, et de touctes lez seuretez que on avoit donné 4 dedens celle dicte
guerre, sont tous quictes d’une part et d’aultre, ne n’en poions jamaix,
les parties devantdites, rien demander. Saulfz ce que les devantdit
citain, lez clergiez, et leur justiciables, et leur aidans, pueent et pol1.
2.
3.
4.
HMe, t. IV, p. 19-24.
Avons pris don lour et de lours aidans on temps de la guerre.
Châtel, revenu en nature.
Suppléer ; de ce que leveis est dedens la guerre.
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
9
roient demander et lever leur debte de bledz et d’argent que on leur
doit, tout en la forme et en la manier qu’ilz les peussent avoir levez
et demandez devant Iadicte guerre, forsque les choses dessus dites,
qui avoient estés prinse durant Iadicte guerre ; et, en semblan manier,
nous, les devantdit seigneurs, noz hommes et aidans, porons lever
et demander touctes les debtes d’argent et de bledz que lez citains,
les clergies, leurs justiciables et leurs aidans nous doient, forsque les
choses dessusdites.
Item, touctes les revenues1 des héritaiges et touctes escruees 2 3que
nous, les devantdites parties noz homes, nos justiciables et nos aidans,
avons fait d’une part et d’au tre, lez ung sur les aultres, sur la clergie,
sur nos hommes, sur noz justiciables, et sur nos aidans, et sur noz
terres, en quelcunques manières que se soit, on temps de la guerre,
sont et doient estre de nulles valleurs ; et revanront lesdits héritaiges,
les droictures et les rentes, en quelcunque manier que se soit, à 3 les
devantdictes parties, a clergie, a 4 hommes, à nos justiciables et à nos
aydans ; parquoy les devantdit héritaiges, les droictures et les rentes
soient mises et restaublie en leur 5 estât, saulf que les chastelz levés on
temps de la guerre en la manière dessusdite.
Item, nous, par 6 les parties devantdictes, avons accordés que les
citains de Mets ne puent acquester fiedz ou arrierfiedz sans la volunté
du seigneur de cuy le fiedz ou arrierfiedz muelt 7. Et, s’il achètent
héritaiges, tours ou maisons, que mucent 8 des wardes des seigneurs,
ou de gens de preste 9 de dessoubz lez seigneurs, ilz en feront aux
seigneurs tel service et en paieront telles droictures comme l’héritaige
paioit par avant l’aquest.
Pareillement, est accordé que, se les citains de Mets avoient plait
de fiedz où il seroit antré 10, si comme de trefïons, ilz en playdieroient
et feroient droit, en bonne fois, sen mal engin, en l’ostel du seigneur de
cui le fiedz muelt ; et feroit tel service comme ledit fiedz requiert.
Et, se lédit citain ont acquestés nulz fiedz jusques aujourd’huy,
dont ilz n’aient mie repris des seigneurs don le fiedz mueult, ilz11 en
doient repranre, et les seigneurs les en doient recepvoir.
Item, est encor accordez entre nous que lez citains de Mets ne pueent
deffendre ne warentir nulz hommes de nos12, seigneurs, qui sont levant
1. Retenues. Il s’agit ici des confiscations de rentes, etc.
2. Escrues, acreue, supplément qui s’ajoute à une rente, etc. — Tous les biens et
tous les revenus réquisitionnés pendant la guerre seront restitués à leurs anciens posses
seurs.
3. A nous, les devant dites parties.
4. A nos hommes.
5. En leur premier état.
6. Supprimer par.
2. Meut, de mouvoir.
8. Meuvent, subjonctif de mouvoir.
9. Poiesteit, poesté, juridiction : gens placés sous l’autorité des dits seigneurs.
10. Entrés. Entrer dans un fief, l’acquérir ?
11. Ils les doivent reprendre des seigneurs.
12. Corriger : de nous, seigneurs devant dits.
10
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE « CONTES » (1324)
et couchant desoubz nous, ou desoubz aulcuns de nous, contre nous,
devantdites signories *, ne contre noz homme.
Aucy est accordez entre nous que, se aulcun dez hommes de nos
devantdites signories ou de nos subgectz mefïaisoient sur ceulx de Metz,
ceulx de Metz en doient requérir leurs seigneurs, et s’en pueent panre
à eulx et aux meffaisans, et à leurs aidans et à leurs biens, tant que rai
son soit faicte audit de Mets.
Après, touchant de nos aultres discors qui polroient estre de cy
en avant entre les parties dessusdictes, nos hommes, nos justiciables
et aidans, en 2* doient
1
ouvrer et faire d’une part et d’autre par estault 3
et selon coustume d’estalz.
Item, il est encor accordez que chacun dez seigneurs promest, par 4 luy
et par les siens tant seulement, à tenir les choses desssusdictes tant
comme à luy et aux siens touche.
Et, parmi ce, les parties dessusdictes, nos sommes escordez et avons
promis et promectons en bonne foy que nous osterons et deschasserons
tous les robeurs et tous ceulx quy feront empeschement en conduit
et en chemin qui sont en noz terres, parquoy pèlerins et marchans
et tous aultres bonnes gens y puissent aller et venir bonement et seurement et conduire leurs bien, drois a faisant.
Et ceste paix et accord avons nous, les devantdit seigneurs, fait et
crantés pour nous et pour noz hommes et pour nous aidans ; et nous,
les devantdit maistre eschevin et trèzes jurés de Mets, les avons faicte
et crantée pour nous et pour toucte la communalté de Mets, pour nous
justiciables et pour nous aidant.
Et nous, lez signeur deventdit, avons promis et jurez sur saincte
euvangilles et sur toucte la créance et foy que nous tenons de Dieu,
et promestons en bonne foy, sans malengin, sur obligationz de tous
noz biens, que nous tanrons et garderons ceste paix et touctes les choses
dessus dictes fermement et loialment, sans venir à l’encontre ne faire
venir, par nous ou par aultres, en quelque manier que ce soit, à nulz
jours maix. En tesmoingnaige de laquelle chose, et pour ce que touctes
les choses dessusdictes soient fermes et estaubles à tousjourmaix, nous,
Baudouuin, archevesque de Trièves, Jehan, roy de Bahaigne, Ferry,
duc de Loherenne et marchis, Édouuair, cuens b de Bar, devant nom
mez, avons mis nos seelz en ces présantes lestres. Qui furent faictes
l’an de graice Nostre Signeur mil trois cent et XXV, le tbier jour du
moix de mars.
a. Mss. : drois bien.
b. M : eues.
1. Seigneurs. — La cité de Metz ne peut s’interposer entre les quatre seigneurs et
leurs vassaux.
2. Suppléer : on en doit ouvrer.
3. Sur les estaus, voyez HMe, t. IV, p. 21, note b. Il s’agit ici des marches d’estaus.
En droit privé messin, l'estault n’est autre que la saisie et vente publique des biens
meubles par autorité de justice.
4. Pour lui et four les siens.
LA PAIX FAITE ENTRE METZ ET LES QUATRE (( CONTES » (1324)
11
S’ansuit encor une lettre faisant mancion de la dicte paix et en conferment la premier, comme la teneur c’ensuit :
Nous, Baudouuin, par la grâce de Dieu archevesque de Trièves,
Jehan, roy de Bahaigne, de Pollenne et cuens de Lucembourg, Ferry,
duc de Loherenne et marchis, et Édouuair, cuens de Bar, et nous, le
maistre eschevin, les trèzes jurés et toucte la communaté de la cité de
Metz, faisons sçavoir que nous avons fait bonne paix et bon accort
entre nous, d’une part et d’aultre, en la manier qu’il est contenus en
bonne lettres devent dictes, desquelles ces présentes ont estés estraitte i.
Et encor, par ainsy que, c’il avenoit que aulcuns hommes estraingiers, que ne fut hommes aux seigneurs dessusdit ou d’aulcun de nous,
prenist waiget 2 sur ceulx de Metz, et il trespassoit parmy le povoir de
noz seigneurs devantdit, on d’aulcun de nous, lesdit de Metz doverient requérir le seigneur en cuy terre le malfacteur passeroit, ou à son
lieutenant. Et, si on n’en faisoit assés ésdit de Metz, à la journée qui
en 3 vanroit aux estaulx, ceulx de Metz polroient dès lors en avant
chesser 4 leur raisons. Et, en semblan manier, que, se aucuns estrainge
mefïexoit sur nous ou aucun de nous, seigneurs devant dit, et il tres
passoit parmy la cité de Metz ou parmy les bourg de Mets, lesdits citains de Metz seroient tenus 5 à nous en la manier qu’il est devant dit,
et tout aincy comme nous feriens à eulx. Et ne doient lesdit citains de
rien résister 6, ne retenir, allant ne venant, en leur forte maixon qu ilz
ont defïuer de Metz, nulz estrainge malfacteur qui volroient porter
dopmaige aux devantdit signeurs, à leurs hommes ou à leurs sugect ;
et, c’il le faisoient, lez seigneurs en chaisseroient leur raisons en la
manier dessus dit.
Item, quant ceulx de Metz feront chevaulchiée, ou aucun de nous 7, et
on faixoit dompmaiges, par leurs defïault et par leur coulpes, sur ce
que ne sont leur ennemys, ceulx de Metz feroient la recréance de cleire
choses, et du remenant il feront selon coustume d’estaulx ; et autel 8
noz, seigneurs dessusdit, ferons et devrons faire sur ceulx de Mets en
semblan cas.
Pareillement, se aulcun de nous, seigneurs devantdit, ou de noz
subgectz devantdit, mesfaisoient sur ceulx de Metz, lesdit de Metz en
1. Ensqueille ces présentes lettres sont enaixiées (annexées).
2. Suppléer : prenest ou waigest.
3. Que on.
4. Chasser, présenter en justice. Ce n’est qu’à Metz que les mots chasse, chasser ont
reçu l’acception de : demande en justice, poursuivre en justice, etc.
5. Suppléer : seroient tenus de faire à nous.
6. Recepteir, receler, recevoir chez soi : en particulier, un individu recherché par la
justice.
7. Corriger : aucun d’eux.
8. Autreteil : la même chose. — Le sens général est celui-ci : quand les gens de Metz,
en temps de guerre, feront quelque dommage à leurs propres alliés, ils répareront ce
dommage (faire recréance) si le cas ne peut donner lieu à discussion (claire chose) , et
dans les cas douteux, la question sera portée devant les estaus.
12
GEOFFROY GROGNAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1324)
doient requérir les seigneurs. Et, on cas où lesdit seigneur deffalroit
de raison et de justice, il s’en puent pranre à luy et aux mesfaisans, et
à tous leurs aidans, et à tous leurs biens, et tant que raison soit faicte.
Et autretelt nous ferons a et devrons ceulx de Metz, en semblan cas.
Et selon nostre 2* entendement
1
est clamés l’article qui est escript en la
lectre devent dicte de la paix, laquelle fait mencion de ceste dairienne
article.
En tesmoinaige de laquelle chose, et pour ce que ferme soit et estauble, nous, les maistre eschevin, lez trèzes jurés et toucte la comunaté
de la cité de Mets, avons mis nostre seelz de ladicte cité en ces présentes
lestres. Avec ce avons priez et requis a révérend perre en Dieu, nostre
chier et amé signeur, seigneur Louuy de Poitiers, à présant évesque de
Metz, et créés pour celle année, que il vuelle mettre son seel avec le
nostre en ces présantes. Et nous, Louuy dessusdit, à la prière et requeste des devantdit citains, avons fais métré nostre seelz en ces pré
santes lettres avec le seelz comun de ladicte cité de Mets. Que furent
faicte l’an de grâce Nostre Seigneur mil trois cent et XXV.
[de LA PAIX DE
i324 a la consécration d’adémar
DE MONTEIL, SOIXANTE-DOUZIÈME ÉVÊQUE DE METZ, EN l32^]
Item, en l’an devantdit mil trois cent et XXIIII, et durant encor
l’année du deventdit maistre eschevin le sire Jofïroy Grognât, en
laquelle année fut acommenciet le traictiés de la deventdictes paix,
comme icy devent je vous ait dit, avindrent encor plusieur aultre mer
veille.
Sainct Dominicquez canonizés. — Et, premier, en celle dicte année,
le glorieulx sainct Dominicquez, de l’ordre des Prescheur, fut cano
nisés.
Item, en ladite année, morut d’anfïant la femme le deventdit roy
Charles de France. Et, après, print ledit roy Charles à femme Jehanne,
fille de Loys, conte d’Évreux, laquelle estoit sa cousine germennes.
Aucy, en celluy temps, advint encor en France une grant merveille.
Car, à la court du roy, pour cellui tamps, y avoit ung parsonnaige qui
avoit nom Pierre Remy. Lequelle Pier estoit extraict de pouvre
gens ; et, de fait, son perre estoit moistrier em une dez moitresse
de Sens, et depuis il gardait les bestes. Et, après sa mort, ledit Pierre,
son filz, les gardait V ans ; et, depuis, il fuit vigneron. Et, après tout
ce fait, il ce avanturait, et, néantmoins qu’il fut estrait de petit lieu,
a. Mss. : serons.
1. Suppléer : devrons faire.
2. Selon cest entendement. — Il faut comprendre : tel est le sens de l’article, etc.
Clamés doit sans doute être corrigé ; le texte des Bénédictins porte desclairiet.
Louis DE POITIERS CRÉÉ ÉVÉQUE DÉ METZ (1325)
13
comme dist est, il devint en sy grande prospérité que paisiblement
il gouvernoit le royalme de France, et en faisoit quasy à sa volunté.
Or, il estoit fort bel homme. Mais il faisoit de luy plus que mestier
ne luy fut esté, parquoy il en vint à putte fin. Car, comme il serait
dit cy après quand tamps serait, et a tamptz du [roi Philippe °], il fut
pendus et trainné au gibet de Paris pour ses forfais et desmérittes.
Laquelle chose, comme j’ay dit dessus, est moult dangereuse à ung
homme de petit estât, quand il vient en trop grant graice dez prince
et dez signeurs. Car alors tout le monde en est envieulx, et est tous
les jour en grant dangier de sa vie.
Cy nous tairons de ces chose, et retournerons aulx évesque de Mets.
Loys de Poitiers, lxxje évesques, thint le sciège iij ans; mil iiic et
— Loys de Poitiers fut le LXXIe évesque de Mets. Celluy estoit
premier évesque de Langres, et fut translautés à Mets l’an mil trois
cent et XXV, en laquelle année estoit maistre eschevin de Mets le
seigneur Hugues Hanneborjat. Et fut celluy Loys premier receu à
Marsault. Puis, après, il vint à Mets, la vigille de la Purification, pour
et affin qu’il fist les Trèzes. Et puis pourchaissait tant que Hombourg,
Vy et Rembéviller luy furent restituez dez seigneurs que les tenoient.
Sy fist adoncque refïaire lez murs de ladicte Vy; et, après, pour respargnier lez grant despens qu’il luy eust faillus faire en Mets, il s’en
allait en sa terre, dever Montélimairs, en Provence, et là fit édiffier le
chastel de Pigeron. Et puis, tantost après, il cheut en malladie et ce
laixait morir. Et ne régnait que trois ans ; et, c’il heust plus vesqueu,
il eust grandement amendés l’éveschiés. Et mourut le sixiesme ans de
la créacion du deventdit pape Jehan XXIIe.
Le conte de Flandres print par ceux de Bruges. — Item, en la deventdicte année qu’il fut créés, ceulx de Bruges prindrent le conte
de Flandres, leur signeur, et le tindrent longuement prisonnier. Et,
depuis, le roy de France donnait ayde audit conte et le remist en son
païs, comme cy après serait dit.
Et, en ce meisme temps, faillirent les proudons en Mets.
Grant seicheresse et fort yver ; les pons de Paris rompus. — Item,
aussy en celle dicte année, il fist sy grant sécheresse en France qu il
n’estoit homme que jamaix l’eust veu pareille. Et le temps de 1 yver,
aprez, fut sy très appres et sy angoysseulx de froidure que la ripvière
de Seyne fut sy fort engellée que on charroioit à grant puissance par
dessus ; et, au dégeller, les glasses furent sy impétueuses qu elles
romppèrent les deux pons de Paris.
Aussy, en celluy temps, morut le noble Charles, conte de Vallois
et d’Anger, père à Phelippe, le conte du Mainne, quy depuis fuit roy
de France.
Mil iijc et xxvj. — L’an après, que courroit le milliair par mil trois
xxd.
a. Les mots et a tamptz du roi Philippe, ajoutés dans la marge, ont été rognés en
partie par le couteau du relieur. Voyez, sur Pierre Rémy, p. 20,
14
GUERRE ENTRE LES « PARAIGES » ET LÈS ARTISANS DË METZ (1326)
cent et XXVI, fut maistre eschevin de la cité de Metz le sire Gille le
Belz.
La guerre des bourgeois de Mets contre le comun. — Et, en celle année,
ce acomensait la guerre des bourgeois de ladicte Metz encontre le co
mun d’icelle. Et furent dehors lesdit bourgeois de la cité ; et, de fait,
ont prins la guerre encontre ycelle cité ; et furent avec lez quaitre
seigneurs dessusdits prez d’ung ans. Et vindrent yceulx à ost devant
Mets, et ardirent les bourg de Sainct Jullien tout en jusques la porte
de Pargnemaille. Et, meismement, fut le maistre eschevin fuer de
Metz, avec les bourgeois d’icelle, dès le mécredi devant la sainct Siphoriens en jusques deux jours devant la feste sainct Pier en fenal.
Auquelle tamps la paix en fut faicte, et ce furent lez partie acourdée.
Édouuard, roi d’Angleterre. — Item, en celle année mil trois cent
et XXVI, Édouard fut coronnés à Londres roy d’Angleterre et de tout
le pays, vivant, encor son perre et sa mère. Celluy Édouard fut vail
lant prince, et oit en son temps plusieur guerre contre Phelippe de
Vallois, pour l’eur roy de France, corne cy après serait dit.
Frossairt nous raconte que l’occasion de celle guerre entre les Françoys et les Anglois advint pour ce que ledit roy Phelippe, nommés
le Belz, eust trois filz, avec une fille, nommée Ysaibelz. Laquelle fille
fut mère au deventdit roy Édouard. Et, après la mort dudit roy Phe
lippe, le plus aisnés de ces trois filz, nommés Loys Hutin, duquelle
nous avons icy devent pairlés, fuit roy de France ; et morut sen hoirs
masle. Et, après luy, le fuit son frère Phelippe le Loing, lequelle pa
reillement mourut cen hoirs. Et, après la mort dudit Phelippe, fut
roy Charles, son frère. Et aincy furent tous trois roy de France, et
morurent tous sans hoirs maisle de leurs corps, comme dit est. Parquoy les Angloys vouloient dire que le jonne Édouaird, filz de ladicte
Ysaihel, leur seur, debvoit régner en France. Mais les XII père de
France, par comun accort, donèrent le royalme à monsseigneur
Phelippe, qui fut nepveu a beau 1 roy Phelippe de France dessus dit.
Par quoy, à ceste cause, ce esmeut la grande et mortelle guerre entre
les François et les Angloys, laquelle jamaix ne print fin. Et avoit ledit
Édouair de sa partie le prince de Gales, son filz, le duc de Lenclastre,
messire Régnault de Gobehan, messire Gaulthier de Mauny en Hainault, chevallier, messire Jehan Chauldos, messire Foulques de Harle,
et plussieur aultres. Et, de la partie de Phelippe de Vallois, roy de
France, régnoit Jehan, son filz, Charles, roi de Bahaigne, le conte
d’Alençon, le conte de Foix, messire Sainctrés, messire Arnoult d’Angle, monseigneur de Biaujeu, le père et le filz, et plussieurs aultre.
Plussieur gentilzhomme d’Angleterre décapités. — Or, advint que, en
l’an dessusdit mil trois cent et XXVI, le roy d’Angleterre fist décoller
ung jantillomme, nommés Thomas de Lenclastre, avec XXII des plus
noble de son royaulme, à la requeste d’ung de ces noble homme, nom1, Philippe VI de Valois était le neveu de Philippe le Bel.
HUGH DÉ DESPENSER EXÉCUTÉ EN ANGLETERRE (1326)
15
més Hue le Despencier. Lequelle Hue avoit pour ce tamps grant crédicte en la court dudit roy, et ce gouvernoit le roy par son conseille.
Cy luy fist acroire que ledit Thomas et lesdit XXII le volloient bouter
hors de son royalme. Parquoy le roy, cen grant conseille, fit faire
l’essécussion deventdicte. Et voult on dire que celluy Thomas fit
de grant miraicle depuis qu’il fust décapités.
Cruelle justice excercée aux paiis d’Angleterre. — Pareillement, en
celluy temps, comme cy devent est dit, la conspiracion fut faicte
contre Édouuart, roy d’Angleterre. Car ledit roy avoit en sa court
celluy chevallier bien amés, appellé Huet le Despancier, par le con
seille duquelle le roy se gouvernoit du tout, comme dit est. Et la vielle
reyne, qui estoit seur au roy de France et mère a roy Édouuair, n’amoit point ledit chevallier, ains le haioit sur tout, car par lui avoit
la damme estez déjectée hors du royaulme. Et tellement que, pour
abrégier histoire, ledit Huet vint à telle fin que, en ladicte année, le
jour de la sainct Denis en octobre, furent justiciés trois noble homme
dudit reaulme d’Angleterre. C’est assavoir ledit messire Hue le Des
pencier, lequel fut le premier prins, car ladicte royne le fist panre et
mestre en prison bien estroicte. Et, après, le fist retirer hors, et fut
traynés sur une cloye. Et puis luy fit tirer hors tous les boiaulx de son
corps et les faire ardre devent ces yeulx, qu’ilz lez veoit, luy encor
vivant ; et puis luy fit copper la teste et mestre en quatre quartiers.
Et puis lé fist pandre aux quatres villes principalles d’Angleterre. Et
fist copper la teste à son père et à ung évesque qui estoit son oncle.
Et fut ce fait le dit jour de cost le chaistel de Bristo1. De quoy ce fut une
chose que biaucopt de gens ce donnirent grant merveille, de veoir ung
homme de cy grant auctorité venir à telle fin.
Or dit à ce propos maistre Robert Gauguin que, en celluy tamps, y
avoit heu grant noise et desbat entre ledit Charles, roy de France, et
le roy d’Angleterre, ad cause de la principalté d’Aquitairme. Toutteffois, ladicte Ysabel, royne d’Angleterre, qui estoit suer audit Charles,
roy de France, ce avoit heu partit de son païs avec son petit filz
Edouard ; et c’en vint en France devers son frère, et resseut la princi
palté, de laquelle son filz en fit foidz et homaige au roy Chairles, son
oncle. Mais, quant le roy d’Angleterre en fut advertis, il en fust cy
très maris qu’il fist defîandre à tous les port du royaulme que l’on ne
laissait antrer sa femme. Toutefïois, à l’ayde de ces amis, elle y antra,
et fist tant qu’elle fut en grâce des seigneur, lesquelle déjectairent ledit
roy son mary et couronnairent le jonne anffans Édouard roy d’Angle
terre. Et alors fut faicte celle greuve justice dudit Hugue le Despencier,
comme cy devent ait estés dit, lequelle avoit a roy tout conseillier ce
mal. Car, après ce que l’on luy oit tirés touctes les antraille du vantre,
voyant ces yeulx, l’on les brullait ; et puis l’on luy tranchait la teste.
Et ce fut fait en l’an devent dit mil trois cent et XXVI.
1. Mss. : Brisco. — Hugh de Despenser fut exécuté à Bristol.
16
LÉS MAITRES DES MÉTIERS ORDONNÉS EN METZ (1327)
Mil iijc et xxvij. — Item, l’an après, et que le milliair courroit par
mil IIIe et XXVII, fut maistre eschevin de Metz le sire Thiébault
Feriat, avellet a seigneur Ferry Ghielairon. Et ne le fut que depuis
la sainct Pierre en fenal jusques à la sainct Benoy.
Guerre entre Anglois et Escossois. — Et, en celle année, le roy Robert
deBreux1 d’Escoce deffiait le jonne roy Édouaird d’Angleterre. Lequel
roy envoiait tantost quérir secour de toutte part. Et y vinrent plusieur noble et grant personnaige. Et, entre les aultres, y vint messire
Jehan de Haynault, messire Gaulthier, sire d’Angier, messire Henry,
sire d’Antoingle. Et encor y vinrent plusieur aultre noble de Flandre,
telle comme messire Hector de Villains, messire Jehan de Rodes, et
plusieurs aultre. Pareillement, en y vint de Braibant, des Bahaignons,
des Cambrésis, tant que le devent dit messire Jehan de Hainault avoit
bien en sa compaignie Ve homes d’armes, tous bien em point et bien
montés, comme on treuve és cronicques que de ce sont faictes. Mais
ledit roy Robert morut en celle année. Parquoy ledit roy Angloys,
veant ce, fist sa première chevaulchiée sus les dit Escossois. Et olrent
mortelle guerre enssemble, car ledit d’Angleterre avoit avec luy bien
LXII mil homme d’arme, tant ung que aultre.
Les maistres des mestier ordonnés en Mets. — Item, en celle dicte année
mil trois cent et XXVII, on fit les grans maistres de chacun mestiers
de Mets.
Et aussy, avilit que, en ladicte année, la vigille de la Purificacion
Nostre Damme, morut le deventdit Charles le Bel, roy de France et
de Naples, au bois de Vincennes. Et fut enterré à Sainct Denis. Et,
pour ce que ledit roy n’avoit point de hoirs masle de son corps, le
royaulme esche ut à son cousins germains Phelippe, le conte de Vallois
et d’Angiers, que fuit filz a vaillant prince dont nous avons dessus fait
mencion. Et fuit cestuy Phelippe coronné à Rains.
Bigoreuse justice exercée aux paiis d’Angleterre. — Pareillement, en
celle dicte année, avint en Angleterre de merveilleuse aventure. Car
deux noble hommes, grant parsonnaige de la court du roy Édouairt,
roy d’Angleterre, furent justiciés et mis à mort, dont l’ung ce nommoit le conte de Breut, oncle dudit roy Édouairt, l’autre se nommoit
messire Roger de Mortemer 2. Et la cause fuit pour tant que le dit
Roger de Mortemer fist acroire a roy Édouaird que le conte de Breut,
son oncle, le voulloit empoisonner. Parquoy le roy, qui creut tropt de
légier ledit Roger, fist publicquement décoller son dit oncle le conte de
Breut. Dont il avint, ung peu de temps après, par fortune, que la
vieille royne, mère du roy Édouaird, qui estoit vesve, fut ensaincte
d’enffant ; et fut dit que c’estoit dudit Roger de Mortemer. Le roy,
advertis de ce cas, fist prendre ledit Roger, et fut menés à Londres ; et
fut là délibérés qu’il en estoit de faire. Alors, quant le roy Édouairt
1. Robert Bruce, roi d’Écosse.
2. Mortimer fut pendu le 29 novembre 1329, sur l’ordre d’Édouard III, parce
qu’il avait fait exécuter arbitrairement Edmond de Woostock, oncle du roi.
adémar de monteil
CRÉÉ ÉVÊQUE DE METZ (1327)
17
vist qu’il avoit fait morir son oncle, le conte de Breut, à tort et sans
cause, il fut moult dollant. Et pour ce ne volt pas jugier ledit Roger,
mais le fist juger par les plus nobles de sa court, pour tant qu’il avoit
creu trop de légier ledit Roger. Alors fut jugiés à morir de telle mort que
oyr pourés. C est assavoir qu’il debvoit estre traynés parmy la cité
de Londres sur ung bahu, et après fuit mis sus une eschielle en mey la
place, et luy coupit-on le membre viril, et fut gectés on feu, pour ce
qu il avoit pansses trahison. Et après fuit décartelés en quatres quartiet, et les membres furent envoyés és quatre plus grande cité d’Angle
terre, et sa teste demoura à Londres.
En après, fist ma damme sa mère enfermer en ung chastiaulx, et
luy assigna rentes et revenuees pour elle gouverner, et oit damme et
damoiselle pour la servir ; et fuit illec détenue tout le temps de sa vie,
sans jamaix parler à homme du monde, se ce n’estoit à son dit filz
Édouard, lequelle, en passant temps, c’y venoit embastre 1 aulcune
fois deux ou trois jours l’année.
Cy lairons de ces chose à pairler et dirons des évesques et des maistre
eschevin de Mets.
[de
la consécration d’adémar de monteil, en
i3ay,
A LA MUTINERIE DES BOUCHERS, EN l3^]
Adémas, lxxije évesque, Ihinl le sciège xxxiij ans ; mil iijc et xxviij. —
Adémas de Montil fut le LXXIR évesque de Mets. Et fut ycelluy filz
de la suer Lévesque Louuy, duquelle nous avons icy devent pairlés.
Et estoit, alors qu’il fut fait évesque, archidiacre de Rains. Il fut
créé évesque de Mets par mil trois cent et XXVIII. Et, en celle année,
estoit maistre eschevins d’icelle cité le sire Bertrand de Jeurue. Celluy
Adémas fut de noble lignié extraict, et oit le cueur hardy et large.
Pareillement il fut humble et courtois à ses amis, et corrageulx et orguilleux à ses annemis.
Celluy évesque oit guerre en son temps au seigneur de Rodemake.
Lequel entra en l’éveschié à grant puissance de gens d’armes ; et avec
luy plusieurs grans baneret, chevaliers et aultres ; et vint devant la
ville de Sainct Avoit. Mais, quant ledit évesque, lequelle alors estoit
dedans, le soit, il yssit dehors a champs et se combatit contre eulx,
à tout moins de gens assez que les aultres, et néantmoins il gaingnait
le champs. Et y fut prin le seigneur d’Aigremont et plussieurs aultres
grans seigneurs. Car, de celle desconfiture, ledit évesque oit IIIIXX et
X noble hommes prisoniers, tant baneret comme chevaliers et escuiers.
Chaistelz Sallin destruicl par l’évesque. — Après ce fait et depuis, il
oit grant guerre au duc de Lorraine, et luy destruit grant partie de sa
1. Ébattr».
18
GUERRE ENTRE L’ÉVÊQUE DE METZ ET LE DUC DE LORRAINE
duchié. Puis s’en allait ledit évesque veoir en son pais. Et, quant le duc
le soit, et vit que ledit évesque en estoit allez, il acheta aux hoirs de
Malecourt une pièce de tene près de Malecourt, en laquelle il édiffîait
ung chastel que fut appellé Chastel Sallin. Et là y fit le duc faire des
sallines. Maix, quant l’évesque fut revenus et vit ce qu’on luy avoit
fait, il en fut desplaisant, et abbatit ledit chastel, et destruit les sallines.
Et fit faire tout en costé, sus le teritoire de l’éveschié, ung bel chastel
c’on appelloit Bel Repairt.
Puis, tantost après, le duc morut. Et alors, sa femme, la duchesse,
laquelle on appelloit Marie de Blois, suer au conte de Bloy, voyant que
son maryt le duc estoit mort, sy fist accord audit évesque Adémars, en
telle manière que ledit évesque devoit avoir une grosse somme d’ar
gent, que ladicte duchesse luy devoit baillier, par telle condicion que le
chastel de Bel Repairt devoit estre mis en la mains de plusieurs nobles
homes du pays de Lhorainne, par anssy que, la somme d’argent paiée,
il dévoient errier rendre et remestre ledit chastel en la main de l’évesque. Et fut ainsy la chose faicte et acordée. Or advint, le tamps pen
dant que ces noble devant nommés tenoient en guaige ledit chastel,
comme dit est, la duchesse, par finesse, fit reffaire et réédiffier ChastelSallin, que son feu marit avoit premier fait tout nouviaulx. Et alors,
aprez ce fait, ceulx qui gardoient le chastel dudit évesque, nommés
Bel Repairt, de leur sertains mallice, raièrent et deffirent les fondement
d’icelluy. Mais, tantost après, l’évesque, que de ce rien ne sçavoyt,
paiait l’argent et rachetait son chastiaulx, qui estoit en guaige, comme
dit est. Et, quant l’airgent fut paiet, ceulx quy gardoient ledit chas
tiaulx boutairent le feu dedens, tellement que tout fut ars et destruit.
Et, quant l’évesque vit ceste malvistiet et trahison, il fist tant à ceulx
de Mets qu’il furent de son alliance ; et allèrent a sciège devant ChastelSallin avec luy, et le prindrent à force d’arme ; et fut errier destruit
et abbatus. Et prindrent encor quaitre aultre chastelz en la duchiez,
lesquelle il abbatirent tout et destruirent : c’est assavoir Malacourt,
Dongeulx, Éthinville et Sainct-Êvre L
La ville de Nomynei et Sainct Avolz fermée. — Et puis, ce fait, ledit
évesque, qui ce doubtoit de guerre, fist alors rédiffier et enforcer les
villes et chaistel de l’éveschié, partout où il sçavoit qu’il estoit néces
sité. Entre lesquelles il ferma la ville de Nommeney et la ville de Samct
Avolz, et édiffiait le chastel de La Garde, et fist lez sallines de Redenge, et acquist à l’éveschiés la tour que ly vouuez avoient à Bacca
rat, laquelle estoit à l’entrée du chastel.
La prinze de la ville de Conflan par Vévesque. — Item, après ce fait, il
advint que Robert, le premier duc de Bar, le mandait et luy fist dire
qu’il le volcist aidier contre ses anemis ; lequelle évesque alors y allait
1 Amelécourt, Moselle, Château-Salins, Château-Salins, et non Malaucourt, Mo
selle Château-Salins, Delme ; voyez p. 30, n. 2 ; Donjeux, Moselle, ChâteauSalins, Delme ; Athienville, id., id., Vie ; Saint-Epvre, ferme, commune de Deuxville, Meurthe-et-Moselle, Lunéville, Lunéville-Nord. — Il s’agit de maisons fortes
plutôt que de châteaux proprement dits.
PHILIPPE Vl DE VALOIS, ROI DË FRANCE (1328)
1S
à moult grant gens. Maix, au retourner, aucun de la duchié de Bar luy
firent grant villonnie, et adomaigèrent plusieurs de ses gens et lez
desrobèrent. Parquoy ledit évesque en requist le duc de Bar de luy en
faire restitucion. Et, néantmoins le plaisir qu’il avoit fait, nulle raison
ne l’an fut faictes. Et, quant il vit ce, il en eust desplaisance ; et, pour
cest cause, mist le sciège devant Confflan,et la print par l’ayde de ceulx
de Mets, et fit moult de dompmaige en la duchié de Bar. Mais, aprez
plusieur chose faicte et dictes, on en fist ung accord, tellement que,
dez LXXVIIm livrez de tournois pour lesquelx le duc de Bair tenoit
ledit chastel de Conflan et le chaste de Condey en gaige, lesquelx
chaistel l’évesque Renaît avoit mis en guaige, comme cy devent ait
estez dit, il en fut raibaitus LVII mil. Et, par aincy, on povoit, de ces
jour en avant, racheter les deux chastelz deventdit pour la somme
de XX mil. Or avint que ledit évesque délibérait de les tout affranchis
et racheter ; et, pour ce faire, en paiait et rachetait encore VII mil.
Mais, avant qu’il paiait le remenant, il morut. Dont ce fut dompmaige
pour l’éveschié ; car, c’il eust vescus, il eust raichetez la contey de
Chaistre, que giet en Aussay, laquelle luy meisme avoit mis en gaige
à ceulx de Lietemberg, pour souvenir * à la nécessité de ces guerre.
Cest Adémas fut tout son temps bien en la graice de la ville de Mets,
et ne volt oncque estre contre eulx, ne contre leur aydans.
Icelluy évesque fist et fondait trois anniversaire en l’Esglise de Mets,
chacun de X livrez de messins, pour luy et pour tous ces prédicesseurs,
et les fist confermer par nostre sainct perre le pappe. Puis il fist faire
et fondit une chapelle en ladicte Église de Mets, c’est assavoir celle
chapelle c’on dit la Chappelle l’Évesque, qui est tout devant le puixe
sainct Jehan, en laquelle il gist. Et y mist et fondait quaitre chanonnes
pour faire chacun jour son service. Mais il morut, comme dit est, ençoys que les rentes desdits chappellains fussent bien essuttes et essinées 12.
Celluy évesque oit ung frère, qui oit nom seigneur Gaulthier, lequelle
se mariait en Loherenne, et oit à femme la fille le seigneur Geoffroy,
signeur d’Aspremont.
Celluy évesque fut évesque de la cité de Mets et de toucte l’éveschiés
l’espaisse de XXXIII ans. Puis il morut, le VIIIe an de pappe Inno
cent VIe, le XIIe jour du moix de may, régnant Charles le quaitriesme,
empereur de Romme et roy de Bahaigne ; et fut par mil IIIe et LXI.
Mais nous lairons à pairler de luy et de ces fais, et retournerons à
parler des roy de France et de plusieur maistre eschevin de Mets, les
quelles durant le tamps du devant dit évesque ont estez et régnés, avec
plusieurs aultre chose avenuee en leur temps.
Philippe de Vallois, vje de ce nom, et xle roi de France. — Or retour
nons à nostre premier prepos, c’est assavoir cornent, en la premier
1. Subvenir.
2. Assises et assignées.
20
PHILIPPE VI EN FLANDRE : BATAILLE DE CASSEL (AOUT 1328)
année que le deventd.it évesque Adémas fut créés en Mets, et du tamps
que le milliair corroit par mil trois cent et XXVIII ans, et alors que le
deventdit sire Bertrand de Jeurue fut fait et créés maistre eschevin
d’icelle cité de Mets, comme cy devent ait estés dit, le deventdit
Phelippe de Valloys, VIe de ce nom et XLe roy de France, après
plusieurs contredisant, fut fait roy de France et coronnés à Rains.
Pier Remei, irézorier, pendus à Montfalcon. — Et, incontinant après
ce fait, le devendit Pierre Remey, duquelle nous avons par cy devent
fait mencion, et lequelle, au tamps du roi Chairles, quaitriesme de ce
nom, et dairnièrement trespassé, estoit trézorier, maistre, gouverneur
du royaulme de France, fut accusé par devant le nouvel roy Phelippe.
Pour laquelle chose ledit Pierre fut menés en prison à Paris, la main
mise au sien. Et fuit trouvé que, sans les grant rentes, bien meuble,
vaisellement précieulx, en plus grant nombre que nulz princes ne
polroient avoir, et 1 fut encor trouvé d’or et d’argent monnoiez la
somme de XII0 fois mil livrez, sans les aultres biens, dont nulz n’en
sçaroit extimer la vallue. Et, pour tant que ledit Pierre Remy ne soit
mie souffisanment respondre aux articles qu’on luy opposoit, il fuit
condempnés à estre pandus au gibet de Paris, le lendemain de la
sainct Marcquez, en ladicte année. Lequel gibet ledit Pierre Remy
avoit fait tout nouvellement faire ; et fut le premier qui l’aitrainnait et
que y fut pendus. Et avoit ledit Pierre fait entaillier en l’ung des piller
dudit gibet ces mestre icy :
Quy plus hault monte qu’il ne doit,
De plus hault chiet qu’il ne vouldroit.
Et, por tant, luy eust-il esté plus convenable d’ensuir plus moiens
estât que tant amasser et sy hault monter pour fïner sy misérablement.
Item, aussy en celluy tamps, ce disoit ampereur Loys, duc de Bauvière ; mais le pappe Jehan l’escomuniait. Et avoit ledit ampereur
fait ung aultre pappe d’ung cordelliet ; lequelle depuis vint crier
mercy a pappe Jehan en Avignon, la hairt a col.
Grant guerre en Flandre. — Pareillement, en ladicte année, y oit
moult grant guerre en Flandres, pour ce que les Flamans ne volloient
mye obéyr au conte Loys, leur signeur. Et tellement que, pour ce fait,
ledit conte mist la conté en la main du deventdit Phelippe, roy de France.
Pour laquelle chose ledit roy y allait, acompaigniez de grosse armée.
Car il menait avec luy le roy de Navarres, le roy de Boesme, le duc de
Bourgongne, le duc de Bretaigne, le duc de Bourbon et le duc de Lorrainne, avec plusieurs aultres princes et signeurs en grant nombre.
Et fut alors le siège mis devent Callas.
Mocquerie des Flamans contre le roy de France. — Lequelle venus et
essus, lesdit Flamans firent une chose qui leur tornay à grant préju
dice. Car il firent faire ung coq de drapiaulx collé, et le ellevairent en
hault, et, ce fait, ont escript ces parolles :
1. Il faudrait U pour que la phrase fût régulière.
NICOLE BATAILLE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1330)
21
Quant ce coq chantera,
Le roy trouvé de Callas joyra L
Or il apelloie le roy estre trouvé, disant que le royaulme ne luy
apartenoit, qui est Gallus, que nous disans France. Mais ces parolles
leur coûta moult chier, comme vous oyrés. Car ledit roy le print cy
gros que il fist faire une moult grande et merveilleuse armée, comme cy
devent est dit ; lesquelle il mist en X bande. Et, à la fin, vinrent
errier ariver en une plaine auprès de Callas. Et les Flamans, avec
grosse compaignie de gens, ce tenoient a hault de la montaigne, ne ne
c’en partirent de loing tamps, pour chose que les Françoi leur fissent.
Mais, à la fin, quant il virent les Françoi ce anonchailloir, et qu’il
juoient a carte et a dés parmi le campe, il ce mirent en bonne ordon
nance, et tout à copt vinrent à frapper dessus l’airmée, cuidant assail
lir la tante du roy, léquelle alors estoit assés desgairnie de gens.
xix mil Flamens tués par les Fransois. — Mais, aprez plusieur copt
donné et ressus, firent les Fransoy cy grant destruction d’iceulx Fla
mans que il en demoura dessus la plaice XIX mil, de comte fait, qui
furent tués et murtris, cen ceulx que és jour ensuiant furent trouvés,
qui ce avoye quaichiez és haye et buysson, desquelle à grant nom
bre on fist comme des aultre. Et, en peu de jour après, toucte les ville
ce randirent à la voullunté du roy et ressurent leur conte Loys à sei
gneur. Et fut cest piteuse tuerie faicte le XXe jour du moix d’aoust,
en l’an dessusdit mil trois cent et XXVIII. Item, quant le conte fut
paisible de son pays, il en fist encor morir, de diverse mort, plus de
V mil de ceulx qui avoient esté rebelles et qui estoient cause de ce
huttin.
Cy lairons de cest guerre à parler, et retournerons à dire de plu
sieurs maistre eschevins, avec plusieurs aultre petittes besoigne que
durant ces tampts avindrent.
Mil iijc el xxix. — Durant que ces chose ce faisoient, y oit plusieurs
maistre eschevins en Mets. Dont le premier fut ung notauble signeurs,
nommés le sire Jehan Le Gournaix, de Changes, lequelle le fut pour
l’année que le milliair courroit par mil trois cent et XXIX ans.
Robert, conte d’Artois, déchaissier de France. — Et alors, pour celle
dicte année, messire Robert, conte d’Artois, fut deschaissiet et banis
hors du royaulme de France, ad cause d’ung plait et d’ung procès
qui estoit esmeu per devers luy, dont ledit seigneur Robert estoit
cause ; et fut la femme dudit Robert brullée. Parquoy il pourchaissait
a roy plusieurs mal et grand domaige, comme cy après serait dit.
Mil iijc et xxx. _ item, après, en l’an mil IIIe et XXX, fut maistre
eschevin de Mets le sire Nicolle Battaille.
Raoul duc en Lorainne. — Et, en ycelluy temps, acomensait à
régner en Lorainne le duc Raoulx, lequel depuis morut, en l’an mil
1. Il faut corriger Callas en Cassel. La bataille de Cassel a eu lieu le 24 août 1328.
22
FRANÇOIS TOUPAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1335)
IIIe et XLVII, à la grande journée de Crécy, comme cy après serait
dit.
Ung esprit apparus. — Item, aussy en ladicte année mil
IIIe et XXX, une chose merveilleuse et digne de mémoire advint à
Ligney-sus-Marne, d’une damme qui morut, de laquelle l’âme revint
par plusieurs fois, et parlait à ces amis, en la présence de plussieurs
personnes, jusque au nombre de XXIIII. Et requeroit cest âme
prière et soufïraige. Espéciallement elle requeroit à sa mère, à sa fille
et à son genre, qu’il leur pleust à luy faire dire dez messe ; et disoit
que messes valloient singulièrement aux âmes de purgatoire. Et moult
d’aultres choses qu’elle leur dit, que je laisse ad cause de brieffeté.
Mil iijc et xxxj. — Puis, l’an après, et que le milliair courroit par
mil trois cent et XXXI, fut maistre esche vin de Mets le seigneur
Thyébault Lohiers.
Callais prime des Anglois. — Et, en ycelluy tamps, Édouard, roy
d’Angleterre, print Callas sus les Françoy ; et l’ait tousjour tenus de
puis, ne jamais n’ait plus estés françoys.
Et y oit encor en ce tampts plusieur dicension et mutinerie en
contre ledit Édouard, roy d’Angleterre, et plusieur aultre, lesquelle
je laisse quant à présent.
La seigneurie de Bourbon réduicie à duchiés. — Pareillement, en ce
tamps, la seigneurie de Bourbon fut réduicte à duchiés, et fut son
acomencement de duchié.
Mil iijc et xxxij. — Et, durant ce tamps et que le milliair courroit
par mil trois cent et XXXII, fut maistre eschevin de Mets le sire
Hanry Roucel.
Auquel tamps, ou tantost après, le roy françoi prepousa de mener
son armée oultre la mere, en Syrie. Et, pour ce faire, demenda l’aliance
dudit Édouaird, roi d’Angleterre ; laquel il obtint de parolle, et fut la
paix faictes. Touteffois elle fut rompue pour ce que le roy Phelippe
voulloit que le roy d’Escose y fut compris, laquelle chose ne voult
le roy anglois.
Mil iiic et xxxiij. — Item, l’an après, c’est assavoir que le milliair
courroit par mil trois cent XXXIII, fut alors maistre eschevin de
Mets le sire Poince Cunemans.
Le Landy de Paris bruslés. — En laquelle année le feu ce print
en la bouticque de aulcuns merciet estant au Landi de Paris, enmey
les champs, après de Sainct-Denis en France. Et tellement que, par
fortune, fut le Landy tout brullés et ars ; et y oit ung merveilleux
domaige.
Mil iiic et xxxiiij. — Item, en l’an mil trois cent et XXXIIII, fut
maistre eschevin de Mets le sire Yngrand Bourchon.
Mil iiic et xxxv. — Et, en l’an après, mil IIIe et XXXV, le fut le
sire Françoy Toupat.
Le prévost de Paris pendus. — Auquelle tamps Hugues de Crussy,
prévost de Paris, pour aulcuns jugemens par luy corrompus, fut
puny : car il fut prins, pandus et estranglés.
NOIRON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1338)
23
Et, en celle année, on ardont tous les bigos.
Le grant maislre des meslier de Mets abolly. — Et fut alors abbatus
le grant maistre des mestiers de Mets.
Tremlement de terre en la duchés de Guyenne. — Item, aucy en celle
dicte année, la duchié de Guyenne tramblait sy fort et sy terriblement
que les gens d’icelluy païs ne sçavoient où fouyr, de peur de mort. Et
fuit cest advenue le jour sainct Thomas de Cantorbie, aprez Noé.
Mil iiic et xxxvj. — En l’an mil trois cent et XXXVI, fut maistre
eschevin de la cité de Mets le sire Phelippe Marcoulz ; et morut en son
année. Et, pour ce, refit-on le maistre eschevin pour ladicte année au
meisme paraige de Portemuselle : sy le fut le sire Baudouuin Froideviande, lequelle acomplit la dicte année.
Gros fouldre advenus aux bois de Vincenne. — Item, le XIXe jour
de jullet de celle meisme année, avint une chose merveilleuse. Car la
royne de France, elle estant a bois de Vincennes, fut acouchée de
Phelippe, son filz. Et avint que, durant l’anfantement, il fist ung cy
cruel et orible tamps que tous le monde cuydoit estre perdus de foul
dre, escler et tonnere. Et tellement que, proprement, une partie du
lict là où la royne gisoit tomba, et furent les courtines décyrées. Et
furent alors parmy le boys plusieurs gros et hault arbres arrachez et
déracinez, et plusieur homme occis et tués. Après cecy advenus, fu
rent veue en France plusieurs cornette, et plusieur signe au ciel, qui
estoient figure des grand guerre ad venir.
Commencement des guerre entre les François et Anglois. — Car, de
plusieur année après, ne laicha la guerre entre ledit Phelippe, roy de
France, d’une part, et de Édouaird, roy d’Angleterre, et les Flamans,
avec plusieurs aultres leur alliés, d’aultre pairt. Et furent les armée
cy grande et cy merveilleuse, tant sur mer que sur terre, et y oit tant
de grand tuerie faicte et de sang respandus d’ung coustés et d’aultre,
comme le mestent maistre Robert Gaguin, et aussy fait maistre Jehan
Froissart et plussieur aultre cronicqueur, que ce fut chose merveil
leuse et pitoable. Et, pour ce, m’en paisse quant à présent ; car, qui
plus sçavoir en vouldra, cy lise les istoire que de ce en sont faicte ;
et là trouvanrait le tout. Et tout ce advint par le pourchas de Robert,
conte d’Artois, lequelle avoit heu aulcun jugement à Paris, comme
cy devent est dit, de sa femme qui fut brullée, dont guerre ne luy
plaisoit, parquoy il pourchassa ce mal.
Mil iiic et xxxvij. — Item, l’an après, c’est assavoir en l’an mil
trois cent et XXXVII, fut maistre eschevin de Mets le devent dit
sire Baudouuin Froideviande.
Et, en celle dicte année, trespaissait messire Guillaume, conte de
Hénault, duquelle nous avons par cy devent pairlés.
Aucy, en ladicte année, le duc Jehan de Normendie mit le sciège
devant une ville nommée Thiulevesque.
Mil iiic et xxxviij. — Puis, l’an mil IIIe et XXXVIII, fut maistre
eschevin de Mets le sire Noyron.
24
POINCE DE VY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (4342)
Ordonnance en Mets de raier les vigne pourtant roisin de goulx. —
Et, en ceste dicte année, on fit une ordonnance en Metz que tous les
goulz 1 des vigne du pais de Mets et de la jurediction d’icelle fussent
rayez et destruict partout.
La tour du boix de Vincenne parfaide. — Item, aussy en celle meisme
année, le deventdit Phelippe, roy de France, fit perfaire et assevyr
la tour des boix de Vincennes.
Mit HL et xxxix. — Puis, en l’an mil trois cent et XXXIX, fut
maistre eschevin de Mets Jehan de Marieulle.
Ordonnance en Mets de meclre les maistre eschevins de Mets en butte
d argent et chaperon. — Et, en celle année, fut fait ordonnance en Mets,
que, de ces jours en avant, seroient mis les maistres eschevins en butte
d’argent er chaperon 2.
La gabelle du scé au royaulme de France. — Item, aussy environ ce
tamps, le deventdit roy Phelippe de France fîst et ellevait une institucion nouvelle, par laquelle nul n’estoit franc a royaulme de paier
gabelle ; car il mist sus les guernier du scé de mer, de quoy il liève
tous les ans grant tribus ; ne nulz, tant soit pouvre ne riche, ne c’en
peult passer ; et fault que chacun, privés et estrange, soit participant
de ce dopmaige.
Mil iiic et xl. — Après, en l’an mil trois cent et XL, fut maistre eschevin de Mets Jehan Baudoche l’amant.
Et, en ceste année, fut du tout acomplie l’ordonnance de justice :
c est assavoir de rayer les vigne qui pourtoient les roisin goulz 1.
Bataille entre les François et Anglois devent l’Escluse en Flandre;
Tournay asseigiée. — Et, en celle meisme année, y oit une grant battaille entre le roy d’Angleterre et les François ; et fut ce fait devant
l’Escluse en Flandres. Pareillement, en celle dicte année, le roy d’An
gleterre assigea la cité de Tournay avec grant puissance. Et, durant
celluy siège et en la mesme année, le conte de Hénault print la ville
de Sainct-Amant.
Mil iiic et xlj. — Item, l’an mil IIIe et XLI, fut maistre eschevin
de Mets Nicolle Piedzdeschault.
Le conte de Monforl prisonnier. — Et, en celle année, fut le conte de
Monfort prins à Nanttes en Bretaigne, et y morut.
Aucy, en ladicte année, le roy David d’Escosse vint à grant ost
devant Neufchaistel sur Thin.
Mil iiL ej xnj _ Après, en l’an mil trois cent et XLII, fut maistre
eschevin de Mets le sire Poince de Vy.
Benes en Bretaingne prinse. — Et, en celle année, fut prinse la cité
de Renes en Bretaigne par monseigneur Gharle de Blois, avec plusieur
seigneur de France. Et, meisme en ladicte année, fut prins par deux
foix le chaistel de Conqueste par le deventdit Charle de Blois.
1. II s’agit d’une sorte de raisin de grosse espèce, blanc et noir ; voyez Zéliqzon,
Dictionnaire des patois romans de la Moselle, à l’article got; Godefroy, gai.
2. Voyez t. I, p. 371 et n.l.
GUILLAUME WILLANBAL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1345)
25
Mil iiic el xliij. — L’an après, que courroit le milliair par mil IIIe
et XLIII, fut maistre eschevin de Metz le sire Thiébault de Meltry.
Le roy d’Angleterre à Poussy. — En laquelle année, fut le roy d’An
gleterre à Poussy et à Saint Germains, et ardit tout le pays. Puis s’en
revint par Normendie et print la ville de a Chen L
Rébellion en France. — Item, aussy en celle meisme année, y oit
plusieurs noble du royaulme de France qui ce rebellairent contre le
roy. De quoy il en furent grandement pugnis, car les ung furent banis ;
et aus aultres fut tranebiés la teste. Entre lesquelles Olivier du Clisson fut décapités és Halles à Paris, avec plussieurs aultre chevallier
et escuier. Moult d’aultre morurent durant ces guerre, les ung en
bataille et les aultre par justice.
Justice exercée à peu d’occasions. — Comme il advint encor en celluy
tamps de ung citoien de Compiègne, nommé Simon, lequelle, tropt
abandonné en parolle, dit que plus de droit appartenoit à Édouaird
touchant le royaulme de France que à Phelippe. Parquoy incontinant fut ampoingné et levé dessus ung eschauffault, et en fist on cruelle
justice, comme il serait dit. Premièrement, il oit les bras couppés,
puis après les jambes et les cuisses, et finablement fut décapité ; et
receupt paines cruelles.
Cy lairons de ces chose à parler pour le présant, et retournerons a
maistre eschevin de Mets.
Mil iiic et xliiij. — Le sire Thiébault Barbelz fut fait et créés maistre
eschevin de la cité de Mets pour l’an mil trois cent et XLIIII. Et à
icelluy escheut en son année quatre eschevignaige du pallas de Mets ;
l’ung fut du seigneur Boucquin, l’autre du signeur Gille le Belz, le thier
fut de Collignon de Heu, et le quarte du seigneur Pierre de Heu. Et
furent ces quaitres eschevignaiges donnés à quatre jonne escuieis de
la cité.
Grant gellée. — Item, en celle dicte année, ung peu devant la Pantecoste, il fist une merveilleuse et grant gellée.
La confrairie saincl George establie par le roy Édouuard. — Aucy
fut en celle dicte année que le roy Édouaird estaublit la confrairie sainct
George à Vinderosse ; et illec estaublit chanonnes et aultre prestre
pour servir à Dieu.
Et, pareillement, en celle meisme année, le conte Derby print la
conté de Laide devant Auberoiche 2,
* 1avec plusieur aultre conté et
viscontés, jusques au nombre de neufz.
Mil iiic ei x[v _ puiSj l’année que le milliair corroit par mil IIIe et
XLV, fut maistre eschevin de Mets le seigneur Willame Willanbalz.
La guerre des Liégeois contre leurs évesques. — Et, en la meisme
a. Mss. : des.
1. Caen. La prise de Caen est du 20 juillet 1346.
2. Auberoche. Il s’agit de l’expédition du comte de Derby qui débarqua à Bayonne
vers le 25 juillet 1345.
26
BATAILLE DE CRÉCY (23 AOUT 1346)
année, les Liégeulx desconfirent leur évesque et le roy Jehan de Bahaigne.
Plussieurs baterie et granl pouvretés entre François et Anglois. —
Pareillement, en celle dicte année, le deventdit conte Derby print plusieur place en Gascongne, telle comme la forteresse de Rochemilan,
et plussieur aultre. Et, aucy en la dicte année, le roy d’Angleterre
assamblay grosse armée pour secourir ces gens qui estoient contrains
dedens le chastel de Auguillon L Pareillement, en la deventdicte année,
ledit conte Derby print la ville de Maulron, et puis Villefranche en
Gascogne. Et, en celle meisme année, fut banny de France messire
Geoffroy de Harcort. Item, aussy durant ce tamps, et continuant ycelle
guerre des Anglois et des François, furent alors desdit Anglois prinse
la ville de Cam en Normendie, et plusieur aultre. En laquelle estoit le
conestauble de France, et Guillaume Bertrand, évesque de Bayeux,
et Jehan de Tancarville, qui furent tout prins, et menés en Angleterre.
Mil iijc et xlvj. — Puis, en l’an après, que le milliair courroit par
mil IIIe et XLVI, fut maistre eschevin de Metz le sire Thiébault
Baudoche, chevalier. En laquelle dicte année, le samedy après I’exultacion saincte Croix, on mois de septembre, on pais de Mets, furent
les roisin engellé au saept 2.
*1
Jacque d’Artevelle luêsa. — Item, aussy en celle meisme année, fut
tué en la ville de Gand Jaicque d’Artevelle. Et fut ce fait pour tant
qu’il volloit déhériter le roy Louuey, lequel estoit l’hoirs naturel ;
et en voulloit on hériter le filz du roy d’Angleterre.
La journée de Crécey, aux granl dopmaige des Fransois. — Pareil
lement, advint que, en celle meisme année, ce trouvairent les armée
des deux roy l’une devent l’autre. Et alors le roy Philippe envoyait
par devers le roy anglois pour demender et assiner jour de combat.
Et le dit Anglois luy assina et luy fist dire que, quant il seroit tout
devent les porte de Paris, ce ne le refuseroit il jay. Touteffois il s’en
fuyoit, cuidant eschapper, mais le roy avoit fait rompre plusieur pon,
affin qu’il ne c’en allait. Et les Anglois, faindant de c’en foyr par
aultre lieu, reffirent soudains aulcuns pon et passairent. Et le roy
françoy les suyt tousjour jusques à Crécy. Auquelle lieu furent assail
lis des Françoy non tenant ordre ne mesure. Car, a premier front de
leur armée, y avoit XV mille arbalestiers gennevoys, lesquelle furent
du premier copt apoventés, cy c’enfuirent et tournairent le dos, et
furent cause de la perde des Fransois, car alors furent tout desconfis ;
et en y oit tant dez tuez que merveille. Entre lesquelle, au nombre
des occis, pour le premier, ce fut le roy de Bohême, le duc d’Alanson,
frère du roy Phelippe, le devent dit Raoulx, duc de Lorainne, Loys,
conte de Flandre, le conte de Haricourt, le conte d’Alanson, le conte
de Bloix, le conte de Saluce. Et de nous seigneurs de Mets y furent
a. Philippe a ensuite rayé cette phrase.
1. Aiguillon, au confluent du Lot et de la Garonne. Ces événements datent d’avril
1346.
2. Cep (fap dans Zéliqzon, Dictionnaire des Patois romans de la Moselle).
ÉDOUARD III D’ANGLETERRE INVESTIT CALAIS (SEPTEMRRE
1346)
27
mors et tués, c’est assavoir : seigneur Rogier de Heu, chevalier, seigneur
Jaicques de Moelain, chevalier, lequelle estoit avelet a seigneur Thiébault de Moelain. Et messire Willaume le Hungre, chevallier, y fut
prins des gens du roy anglois, et fut emmenés prisonnier en Angleterre.
Et tant d’aultre, à celle piteuse journée, y furent mort et tués que ce
fut pitiet et domaige. Au regairt du roy Phelippe, il ce retirait de
nuyt à petitte compaignie à Amyens. Et fist tout mestre à mort ceulx
qui estoient cause de celle perde.
xxx mil François tués. — Au lundemains, les Anglois fyrent encor
pis, et juairent aus François d’une grant cautelle. Car il ce lougeairent au tante et pavillon desdit Françoy, et ellevairent les airme de
France en hault. Parquoy les fugitif, cuidant retourner en leur campe,
tumbairent entre les mains de leur annemys. Et en y oit ce jour plus
dez tués que a jour devent. Et fut estimés le murtre des occis à
XXX mil homme.
Item, pour ycelle dicte année mil IIIe et XLVI, retournait errier
de prison le deventdit seigneur Willaume le Hungre, lequel avoit esté
prins des Anglois, comme cy devent ait estés dit.
Item, en la deventdicte année mil trois cent et XLVI, avindrent
encor plusieur aultre besoingne digne de mémoire.
Le sciège devent Callaix. — Et, premièrement, avint que, après celle
piteuse journée de Crécy, le deventdit Édouard, roy d’Angleterre,
c’en allait mestre le sciège devant Callas, tant par mer que par terre.
Et, pour ce qu’il ne luy vouloient randre la ville, il jurait sciège à
tenir. Et y fut près de deux ans, comme cy après vous serait dit.
Charles de Bahaingne roi des Romains. — Item, en celluy tamps
fut Charles de Bahaignes coronné pour roy des Romains, et confermé
du pappe pour empereur.
Jehan de Haynalt rendus François. — Aucy, en celle meisme année,
on fist acroire à messire Jehan de Hainault que on ne luy voulloit
plus paier sa revenuee et pancion en Angleterre. Parquoy il ce allait
rendre a roy de France, et renonça le partit des Anglois.
Le roy d’Escoce prisonnier. — Pareillement, en celle dicte année,
y oit grosse bataille après de Neufchastel sur Thin *1, entre le roy
d’Escoce et la royne d’Angleterre, et y fut prins ledit roy d’Escoce.
Le mariage du conte de Flandres d la fille d’Angleterre. — Et, en celle
meisme année, le jonne conte de Flandres fîença la fille du roy d’An
gleterre.
Pareillement a, en celle meisme année, régnoient et ce trouvoient
plusieurs brigant et malvaix guerson parmy les champs. Entre les
quelles en y avoit ung nommés Bacon. Et estoit celluy Bacon comme
maistre et capitenne de XX ou XXX aultres compaignon, qui pilloient
a. Philippe a rayé, dans la marge, la phrase suivante : Aulcuns brigand parmys les
champs.
1. Il s’agit de la bataille de Nevills’s Cross (17 octobre 1346).
28
MUTINERIE DES BOUCHERS DE METZ (1347)
à merveille parmey les pays de tous costés. Et tant avoient pilliés et
robés qu’il en y avoit de ceulx en la compaignie lesquelles avoient
tellement pillés et prins sus ung et sur aultre qu’il estoient riche de
la vallue de XL mil escus. Et, en celle dicte année, en régnoit encor
ung aultre brigand, appellés Croquart, lequelle estoit en son jonne
eaige ung pouvre garson, et avoit servy le seigneur d’Ercle en HoIande. Cy fist celluy Croquart tant par sa proesse et vaillance, et pro
fita tellement, que pareillement il avoit bien la vallue de XLra escus,
sans les coursier qu’ilz tenoit, XX ou XXX tous les jours, à ces despens. Mais il advint une foix, en passant ung fossés, que il estoit monté
sur l’ung dez bon corsier qu’il eust, et ledit coursier trébucha tellement
en passant ledit fossés que ledit Croquart se ronpit le colx ; et aincy
finait ces jour. Parquoy on peult veoir que moult de gens sont essaulciet et ellevés parmy le monde, lesquelles sont venus de petit lieu ;
mais, à la fin, tout retourne à rien, comme cy devent est estés dit.
Cy lairons de ces chose à pairler et retournerons a maistre eschevins.
[de la mutinerie DES BOUCHERS, EN i347, A LA VISITE
DE L’EMPEREUR CHARLES DE BOHÊME A METZ, EN
l356]
Mil iiic et xlvij. — A la sainct Benoy, après le retour du deventdit
seigneur Willaume le Hungre, lequel avoit esté prins des Anglois,
comme cy devent ait estés dit, il fut fait et créés maistre eschevin de
la cité de Mets pour l’an mil trois cent et XLVII. En laquelle année
avindrent plusieurs merveille et de grand mutinerie, tant en Mets
comme aultre part.
Mutinerie de certain bouchiés de Mets contre les seigneur. — Et,
premièrement, furent deux bouchier en Mets, et frère germains, les
quelle, avec plusieur aultre bouchier, ce esmeurent et eslevairent en
l’encontre des seigneurs, gouvergneur et recteur d’icelle cité, et meismement en l’encontre des Trèzes qui estoient fait en Mets pour l’an
née. Et la cause estoit pour ce que lesdit Trèses avoient tailliés et mis
à amande pécuniaire l’ung d’iceulx frère, nommés Huguignon, demourant en la viez boucherie. Car lesdit Trèze, par ces desmérite, l’avoient
mis à XXX livrez d’amande, et avec ce l’avoient banis XX ans hors
de la cité et de la banlue d’icelle. Et avoient cella fait pour aulcune
malvaise parolle que ledit Huguignon avoit dit, et aucy pour aulcun
malvais traictiet qu’il pourchassoit contre la justice et encontre tous
les bourgeois de la cité. Parquoy lesdit Trèze, avertis de ce et de leur
rébellion, assamblairent plusieurs compaignon et gens de fait, bien
embâtonnés, et avec yceulx c’en allirent en la viez boucherie pour
prandre cellui Huguignon et ces frère, avec plusieurs aultre bouchiés
k
CALAIS SE REND AUX ANGLAIS (JUILLET 1347)
29
qui estoient de celle conspiracion, corne dit est, et qui ce estoient
alliés avec ledit Huguignon et cez frère. Et, quand il vinrent là, il
trouvairent la plus pairt de yceulx bouchiers qui desjay ce estoient
armez pour eulx deffandre, c’est assavoir de bassinet, d’arc, de glaive,
d’espiez, de messue et de pétalz, avec telz instrument de guerre qu’il
pouvoient avoir. Et illec, en my la viez boucherie, estoient estandant
pour ce conbatre et deffandre.
Deux frère bouchiés noyés par jusiice. — Touteffois, quelque bon
corps qu’il eussent, fut prins ledit Huguignon avec ung de ces frères,
et toucte à l’eur 1 furent menés on pallais. Et, quant la bourgeoisie
de la cité oyrent le huttin et la rébellion desdit bouchiers, cy s’en allè
rent tantost armer, et vinrent devant le pallais. Et illec, par comun
accord, fut ledit Huguignon de rechief prins, et son frère avec luy, et
tout en l’eur 1 furent menés a premier Pondz des Mors, que on dit
le Moyen Pont, et illec, à la portenne de coste l’hôpitalz de SainctJehan de Rode en Chambre, furent les deux frères noyés et enterrés.
Et, quant les aultres bouchiers, leur alliés, virent cest affaire, il heurent grand peur et s’enfuairent hors de la cité. Entre lesquelles y avoit
Jaicquin Lambellin et Clément le bouchiés, et encor deux des frères
ledit Huguignon (car il estoient plusieur frère), et Gérerdin Chaulcei,
et Hautan, filz Callais le bouchiers, et Collin de Borisanges, et plusieur
aultres. Et la justice, voyant leur desmérites, en banist aulcuns d’eulx
à XX ans, et les aulcuns le furent LX ans. Et, meismement, furent
banis plusieurs pescheur pour ce meisme fait ; car il fut trouvez que
lesdit pescheur ce estoient secrètement armés pour aidier audit Hugui
gnon et à ces alliés. Et estoient alors trèzes jurés de la cité pour celle
année ceulx icy après nommés, c’est assavoir : Jehan Manceulx,
Jehan Barbé, Jehan Rollement, Guerceriat Bollay, Nemmery Baudoche, Ferriat Boucquin, le sire Poince de Vy, Poincignon le Gournaix, et Jehan Renguillon, Perrin de Laictre, Burtignon Paillat,
Collignon Chaige et Gillat le Belz.
Ceulx de Callaix se rande aux roi d’Angleterre. — Item, en celle meisme
année et durans que le sciège estoit tousjour devent Callas, comme
cy devent ait estés dit, les abitans d’icelle ville, espérans de avoir
secour du roy Phelippe de France, ce deffandirent moult vaillamment.
Et tellement que XI moix tindrent, et à cuer couraigeux résistairent
en l’encontre des annemis. Mais le roy, de qui il atandoient avoir
secour, ne pouvoit faire aultrement, car il faisoit tous son pouvoir.
Et tant ce tindrent que à la fin les couvint randre, seullement leur vie
salve, et à chacun une robe au dos, et plus n’enpourtairent. Et fut
ce fait en l’an devent dit mil trois cent et XLVII. Et, pour ce qu’il
ce estoient cy bien deffandus, il c’en aillairent tous vers le roy Phe
lippe, lequelle les receust humainement, et ordonnait que nul office
ne fussent donnée que premier il ne fussent tous prouveus, souverai-
1. Tout à l’heure, eur l’heure.
30
ïhiébaüt
Lambert, maitre-échevin de metz (1349)
nement Jehan de Vyenne, bourguignon, chevallier, par qui on avoit
cy longuement tenus.
Les Theutonyens se disans faire pénitence. — Item, aussy en ce meisme
tampts, ce trouvairent grand foison de gens parmy le monde, nommés
les Theutonyens, lesquelles ce haitoient de foix *1 avec des aguillons
a bout, et disoient faire pénitance des péchiés par eulx comis. Maix
il leur fut defïandus de part le roy.
Cy lairons de ces chose à parler, et retournerons au maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoigne.
Mil iii° et xlviij. — Item, l’an après, que courrait le milliair par mil
trois cent et XLVIII, fut maistre eschevins de Mets le seigneur Poince
le Gournaix, de Changes.
Ung bouchiés de Mets noyés. — Et, en celle année, le deventdit
Collin le bouchiés, lequelle avoit estés banis, comme cy devent est
dit, brisait son banissement. Parquoy il fut prins, et tout incontinant
fut menés noyer, comme les aultres.
Bataille entre François et Anglois. — Pareillement, et en celle meisme
année, fut faicte une grande et mortelle baitaille amprès de Callais entre
le roys d’Angleterre et messire Geoffroy de Chairney avec les Fransoy.
Et, en celle année, fut prins le chaistel d’Abestourf par Bouclain
de Fenestrange.
Grand mortalité en France. — Et, aucy en celle meisme année, y
eust cy grant mortalités en France et en plusieurs aultre pays que
ce fut chose merveilleuse ; et durait celle mortalités ung an et demey.
Souverainement courut la peste cy impétueusement dedans la ville
de Paris que il y morut bien LX mil parsonne.
Grand mortalité aux paiis d’Avignon. — Et, pareillement, fut celle
mortalitez cy grande pour une espace de temps en Avignon qu’il y
moroit pour chacun jour environ IIII ou Ve personne. Et fut ceste
mortallitez du temps pappe Clément VIe, lequelle alors estoit en ladite
Avignon. Mais il c’en fuyait dehors, luy et ces cardinal, pour la doubte
de celle peste.
Mil iiic et xlix. — Item, l’an mil IIIe et XLIX, fut maistre eschevin
de Mets le sire Thiébault Lambert.
Forteresse abalue par ceulx de Mets. — Et, en celle année, fut abbatue
et destruicte par ceulx de Mets et par la comune d’icelle une partie
de la maison de Saincte Éve, et une des maison d’Ameliocourt, et le
chastel de Théheicourt, le chastel de Rodre le moustier en Allemaigne,
et la maison de La Garde dellay Vy, et a la maixon de Dullanges près
de Forpac 2. Et y furent prins, dedens ladicte maison de Dullanges,
a. Mss. : en.
1. Fouets avec des aiguillons au bout.
2. Saint-Epvre, ferme, commune de Deuxville, Meurthe-et-Moselle,
Lunéville-Nord ; Amelécourt, Moselle, Château-Salins, Château-Salins ;
Moselle, Metz, Faulquemont ; Roden, vil., com. de Fraulautern (Sarre) ;
Moselle, Château-Salins, Vie ; Dilling, ferme et moulin, commune de
restes du village de Dittelingen, Moselle, Sarreguemines, Forbach.
Lunéville,
Thicourt,
La Garde,
Bousbach,
CHARTE D’ADÉMAR, ÉVÊQUE DE METZ
31
que maistre que varlet, jusques a nombre de XII11, desquelle il en
y oit XI des pandus, tous devant la porte de ladite maison. Et au deux
aultre en furent coppés lez teste. Et, de ceulx quy furent pandus,
on les fist pandre par ung de leur compaignon meisme, lequelle estoit
leur ménestriés.
Item, aucy en celle meisme année, fut et duroit encor en plusieur
lieu la grande mortallité d’épidimie.
Et, pareillement, en ce meisme tamps, alloient encor les basteurs
en plusieurs lieu parmy le monde, et, jai ce que le roy leur avoit deffandus en France, comme cy devent ait estés dit, cy en y avoit il encor
à grand cantité. Ces deventdit baiteur estoient gens en grant nom
bre, allant par pays, qui ce baitoient jusques au sanc courrant, et di
soient qu’il faisoient pénitence.
Lé bien des Lumbair confisqués aux roi. — Item, en ce meisme temps,
il fut conclus de tous les estât de France de mener une grosse armée
en Angleterre. Et, pour la paier, fut ostés l’avoir au Lumbair, et furent
tous leur biens confisqué. Car il fut dit que il prenoient de monte et
de l’usure plus que les ordonnances royaulles ne leur avoit permis ;
parquoy leur biens furent confisqués, comme dit est.
Trêves entre François et Anglois. — Item, durans ce tampts, ou tantost après, par le pourchas des ambaxadeur de Homme, furent trê
ves donnée entre les deux roy, c’est assavoir des roy de France et
d’Angleterre. Et furent ycelle trêves faictes et crantées pour ung ans
anthier.
Obligés *1 fait par l’évesque de Mds. — Pareillement, en celle année,
Adémairs, alors évesque de Mets, et duquelle je vous ait par cy devent
pairlés, fist et obligeait plusieurs terre, cens et rantes, haulteur et
signourie, en la mains de honnourable personne seigneur Poince le
Gournaix, par cy devent maistre eschevin, et de seigneur Jehan
Baudouche, chevalier. De laquelle lettre et obligacion la tenour c’en
suit :
Nous, Adémairs, par la graice de Dieu et don sainct siège de Romme
évesque de Mets, faisons s çavoir et cognissent à tous, que nos, en
regardant et en considérant le grant et évidant proffît de noz et de
nostre éveschié de Metz, et par grant délibéracion sor ceu eue, avons
vanduit et vandons par cez présentes lestres, pour nous et pour nos
sucessours après nos venans, évesques ou esleus comfermeis de
Mets, à noz bien amez signour Jehan Baudoiche, chevalier, et a signeur
Poince lou Grounaix, le maistre eschevins de Mets, citains de Mets,
et ont li devent dis sires Jehan et li sires Poince à nous acquaisteit en
héritaige en trefïons à tousjourmais IIe livrez de messins, monoie
bonne et coursauble en la cité de Mets, de cens, que nos leur doions
chescun an paier au deux termine, c’est assavoir la moitiet lou a jour
a. M : lour.
1. L’ancien français obligé désigne un engagement (obligatoire).
CHARTE D’ADÉMAR, ÉVÊQUE DE METZ
de îeste sainct Jehan Baptiste, et l’autre moitiet le jour de teste sainct
Estenne, lundemains de Noël. Et lour devons faire pourter à chescuns
desdit deux terme en leur hosteit à Mets, où qu’il voiront. Et doit
ly premyer paiement et ly terme premier doit encommancier a et encommencerait lou jour de feste sainct Jehan Baptiste venant, en l’an
mil IIIe LI, et le second termine le jour de feste sainct Estenne,
lundemain de Noël, venant en l’an dessusdit mil IIIe LI ; et ancy
enxuwant dès dons en avant 1 à chescun des dis termines à tousjour
maix. Et, pour chescun termines dont nous leur défariens de paie
ment, nous leur doneriens XX livrez de messins d’amande avant,
et seriens acy bien tenus de paier ladicte amande comme don princi
pal cens desusdit. Et ces deux cent livrez de messins de cens desours
dictes, et lez XX livrez de messins d’amande avant, se nulles en y
escheoit pour le defïault don paiement, leur avons essis et esseneit à
panre et à avoir chacun an à tousjourmaix sus tout ceu enthièrement
que nous avons, poions, et dovons avoir en la ville de Remilley,
en la court de Remilley, on ban et ez apandixes en la
ville de Ancerville, de Witoncourt, de Faulz en foureste, en
la ville de Baixey, de Audaincourt 2,
* 1d’Ambes et de Wanivalz, et enz
bans et en fins et enz apartenances b de toutes cez villes et de tous
ces leus desourdis. Et encor sus tous quant que noz avons, poions et
dovons avoir en tout lou Valz de Mets et en toutes lez justices don Val
de Mets, c’est assavoir de la mairie de Scey, de Chaistel, d’Airs et
d’Ancey. Et encor sus tout quand que noz poions avoir en la mairie
de Montigney, et en ceu qui à la ville et a ban de Montigney et à la
mairie apant, fuers mis lou prey de Cuvrey. Et sus tout quant que noz
avons, poions et dovons avoir en toz ces leus et en toutes ces villes
desourdictes, en quelle manier que se soit, en champz, en preis, en
boixe, en yauves, en vignes, en fours, en molins, en maisons, en grainges, en gerdins, en hommes, en femmes, en banz, en justice haultes
et baixes, en signoraige, en vouueries, en fourfais, en amandes, en
tailles, en prinzes, en assizes, en cences, en rentes et en droiture de
bleif, de vin, de deniers, de eus, de chaipons, de gelines, de poyr, de
pomme et de cire, en estans, en teulleries et en chaucheurs, soit en touctes aultres manières, an queil qui oneques manière que se soit, an tous
uz, en tous prous et en toutes vaillance, sens riens ou aicques à retenir.
Et lour avons encor essis et esseneit ledit cens et ladicte amande sus
le seel de nostre court de Mes et sus lez profils et yssuwes et reve
nues que dondit seel puent chacun an yssir, après les pancion que lez
singulières persones ont sur loudit ceel, qui sont saielleurs de l’aivecques et de chaipitres devant ceste dicte lectre faicte ; et, encor, après
tel redevances com li dis saielz et tout ly héritaige desurdit doit chescun
a. M : encommanciet.
b. M : apartenante ; E : appartenantes.
1. Dès dont en avant, désormais.
2. Adaincourt, Moselle, Metz, Faulquemont. Nous n’avons pu identifier Ambes
et Wanivalz.
GUERRE ENTRE LES LORRAINS ET LES MESSINS (1351)
33
■an au chaipitre de nostre Esglise de Mets. Et ait encor le deventdit
évesque Ademairs les deventdictes deux cent livre de cens annuelle
essus et essignés sus plusieurs aultre seigneurie et mambre d’éritaige,
comme plus amplement il est contenus et desclairés és principalle
lettre que de ce en sont faicte. Lesquelle furent mise en l’airche Simo
nin Chivalas, alors amans en Mets, en l’an mil trois cent et XLVIII,
et alors que le deventdit seigneur Poince le Gournaix de Change estoit
maistre eschevin de Mets.
Mil iiic et l ans. —- Retournons maintenant à nostre prepos, et disons
cornent, durans ce temps, c’est assavoir en l’an après, et que le milliair
courroit par mil trois cent et L ans, fut alors maistre eschevin de la
cité de Mets le sire Jehan Renguillon.
En laquelle année, et durant encor les trêves entre France et Angle
terre, le XXIIe jour du moix d’aoust, morut le roy Phelippe, à Nogent
le Roy, aagé de cinquante sept ans ; et régna XXIII ans.
Desconfiture faicte par le roy d’Espaingne sus les infidèle. — Item,
aussy durant son tamps, le roi d’Espaigne et de Portingal firent grant
destrousse sur les infidelles de Grenades et de Thunes ; et dit-on qu’il
en y mourut deux cent mil payens.
Jehan, premier de ce nom, créés roi de France. — Pareillement, du
rant ce tampts, Jehan, premier de ce nom, fut fait et créés le XLIe roy
de France ; et fut sacré à Rains ledit ans mil IIIe et L. A l’acomencement de son resne fut décapité Régnault, conte de Auge, en l’ostel
de Nesle à Paris ; car il fut trouvé colpable de avoir comis crime de
layse magesté. Et fut ung nommé Jehan d’Espagne estably en son lieu.
Chier temps de vivre en France. — En celluy tamps, y avoit grant
chierté en France, car le septier de froment ce vandoit huit livres
parisis.
Le jubilé d Romme. — Pareillement en celle année, pappe Clément VIe
renouvellait l’an jubilé, et octroya plaine indulgence à tous vray confés et repentans qui de cinquante ans en L ans visiteroient en pellerinaige à Romme les glorieulx apostres sainct Pierre et sainct Pol.
Mil iiic et Ij. — Et, tantost en l’an après, c’est assavoir que courroit
le milliaire par mil IIIe et LI, fut fait maistre eschevin de Mets le
sire Gille le Belz.
En laquelle année, le jour de Pasques, fut présentés à Gilles Rigault
de Roussy le chappeau rouge au pallais à Paris.
Item, en ladicte année, furent les bons vin, desquelles en fut pairlé3
loing temps après pour leur bontés.
Guerre entre les Lorains el Messains. — Et parei’lement, fut en
celle année la guerre de ceulx de Mets, d’une part, et de la duchesse de
Lorainne et des Allemans, ces alliés, d’autre part. Lesquelles, par
deux foix, vindrent à ost devant la cité ; dont l’une des fois fut à Flerei,
et l’autre à Chaminat. Et puis c’en retournairent sans plus faire, fors
que il boutairent le feu et ardirent plusieurs villes. Et, en ces entrefaicte, lesdit de Mets, c’est assavoir aulcuns chief de seigneur, avec
3
34
JEAN DROUIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1353)
les gens d’airme et le comun, saillirent dehors en airme et les enchassirent tous jusques en leur païs. Et furent en jusques tout devant
Nancey, et brullairent et ardi/ent tout le païs entour. Et, de fait,
assaillirent Frouuart, de laquelles il en brullairent les bourgs, et prindrent plusieurs prisonnier. Et, aprez ce fait, furent encor lesdit de Mets
en plusieur lieu parmy la duchié. Entre lesquelles il furent à Rosières,
et l’ardirent toucte, avec le pays entour. Et d’icelle ville en furent
gaignées les deulx fort maison ; puis les ont arse et destruicte. Et
furent encor ceulx de Mets tous devant le jay 1 le duc de Lorrainne,
et, de fait, le brisont par force ; et y furent deux jours et deux nuyt.
Le sire Thiébault, sire de Blamont, chevalier, qui alors estoit capitenne à ceulx de Mets, conduisoit les ardeur, c’est assavoir ceulx quy
boutoient les feu pour ceulx de Mets, lesquelles estoient IIIe hommes
d’armes.
viixx Lorrains tués par ceulx de Mets. — Et furent yceulx rancontrés de environ VIIe hommes, leur annemys, tant à chevaulx comme
sergent à pied, et se conbatirent à eulx. Et les desconfirent ceulx
de Mets, tellement qu’il en y oit bien VIIXX des mors de la duchié ;
et, de la partie desdit de Mets, n’en n’y oit que ung tout seul ; mais
il en y oit plussieurs des blessiés et des navrés.
Mil iiic et lij ; la paix entre les Lorains et Messains. — Item, l’an
après, mil IIIe et LU, fut maistre eschevins de Mets le signeur Némery
Baudoche. Et, en celle année, fut paix faicte, et cessait la guerre desdit
de Mets, d’une part, et de la duchié de Lorrainne et des Allemans
d’aultre part.
Aucy, en celle année mesme, fut la duchié de Bar en grant guerre
contre plusieurs aultre prince et seigneurs.
La fondations du couvent des Célestiens de Mets. — Et, pareillement,
je trouve que les Célestiens de Mets furent fondés en celle année, les
premier des XVIII couvens des Célestiens.
Innocent vie, [cent] iiijxx et ixe pape. — Et, en ce meisme ans, mourut
le pappe Clément VIe en Avignon. Et, après luy, fut esleu Innocent VIe
et consacré pape pour le cent IIII** et IXe 2 ; et fut pape X ans. Il estoit
Lymosin, appellé Estienne Aubert, puis fut évesque de Clermont
et cardinal d’Ostie. Ce pape voult lever le disme sur toutte lez reve
nue de l’Église ; mais il ne fut pas permis de les lever.
Mil iijc et liij. — Puis, en l’an après, que courroit le milliair par mil
trois cent et LIII, fut maistre eschevin de Mets le signeur Jehan
Drouuin.
L’entrée de Charles, roy des Romains, à Mets; les contés de Lucembourg et de Bar faicte duchiez. — Et, en celle année, vint en Mets
Charles, roy des Romains. Lequelle, durant le temps qu’il y fut, il
THIÉBAÜT BUGLÉ, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1355)
35
fist duc du conte de Lucembourg, son frère ; et pareillement fist duc
du conte de Bar. Car yceulx pays aparavent n’estoient que contez.
Et, tantost après ce fait, ce partit de Mets et c’en allait en Lombardie
pour estre couronnés et pour ce faire empereur.
Le conestable de France lues en son lyd. — Et, en ladicte année, Char
les, roy de Navarre, fist occire monsseigneur Charle d’Espaigne, cones
table de France, en son lict. Et fut le deventdit Chairle, roy de Navarre,
fort contraire à la couronne de France. Car, pour ce tamps, il fist
plusieur traïson et grant domaige. Touteffois, à l’anhortement du
daulphin de Vyennoys, il ce purgea, et en fut la paix faicte. Laquelle
ne durait guerre ; car, pour plusieur raison, que je laisse, bientost
apiès fut prins avec plusieur aultre grant personnaige. Desquelle la
plus part furent décapité, et lui mis en prison ; dont nouviaulx huttin
ce esmeust, car tous leur amis ce mirent en arme contre les Fransois.
Le paiis de Guyenne livrés aux Anglois. — Pareillement, en celluy
tamps, ung nommé Guillaume de Bellicor trahit, et livra Guyenne aus
Angloys. Mais, à la fin, il fut pugny.
Mil iiic et liiij. — Item, l’an après, mil IIIe et LIIII, fut maistre
eschevin de Mets seigneur Nicolle Baudoche, filz le seigneur Arnoult
Baudoche.
Confiant prinze par ceulx de Mets. — Et, en ceste année, fut gaingnié
le chastelz de Conflan par ceulx de Metz. Pareillement, en celle meisme
année, furent ceulx de Metz avec les gens du duc de Lucembourg et
les gens du duc de Bar, et aultres plusieurs signeurs, devant Boullay ;
et, néantmoins, elle ne fut mie gaingnié, car on fit paix.
Charles coronnés empereur. — Aucy, ce fust en celle année que le
deventdit Chanes, le roy des Romains, fut fait et coronnés empereur
de Romme, comme ait est.
Et, en celle meisme année, ce partit le deventdit roy Jehan de France
et s’en alla en Normendie, et fut jusques Caen. Et alors fist prendre et
mestre toutte les terres du roy de Navarre en sa main. Et plusieur
aultre chose y furent faicte et dictes, lesquelles je laisse pour abrégiés.
Mil iiic et Iv. — Item, l’an mil IIIe et LV, fut maistre eschevin
de Mets le sire Thiébault Buglez.
Cent mil et quinze meudz de vin trouvés en Mets. — Et, en celle année,
furent visitez lez cellier en Mets et furent contés les vin quy alors
y estoient. Et furent trouvés que dedans la cité, cen le dehors, y avoit
cent mil et quinze meud et demey de vin, le meud XII deniers pour
la malletoste ; et sans ce que fut forcellés et qui ne vint point à cognoissance.
Le roy de Navarre prins prisonnier. — Aucy, ce fut en celle meisme
année que le devent dit Charles, roy de Navarre, fut prins on chaistel
de Rouan, comme cy devent ait estés dit. Et y morurent plusieur
chevallier de Normendie. Et, meismement, en ladicte année, ledit roy
Jehan de France envoya en Normendie son aisnés filz, Chairle, daul
phin de Viennoys, son lieutenant ; et y demoura tout celluy estés.
Pareillement, en celle dicte année, revint Édouard, roy d’Angleterre,
36
L*EMPEREUR CHARLES IV A METZ (1356)
en France avec grosse armée. Parquoy le roy trouvait manier de parler
aus estât ; par lesquelle, tout d’ung accort, fut permis que au despans
du peuple seroie tous les ans livrés a roy XXX mil combaitans homme
de guerre.
Grant mutinerie à Arras. — Pour laquelle levée en advint grant
mutinerie en France, souverainement à Aras. Car le menu peuple
ce elleva en l’encontre des principaulx de la cité, et en y oit plus de
cent pour celle chose dez descollés et mis à mort. Alors fut assaillis
le roy Jehan de tout cousté, tant des Anglois comme des parans et
amis de Charles, roy de Navarre, et dez aultre conte qui avoient estés
décapité.
L’armée de France en Poitou. — Contre lesquelles le roy Jehan
mena son armée en Poytou. Car, alors, et a mandement du roy, vinrent
gens de tout coustés, et tellement que audit pays de Poitiers ce y asambla une grosse armée.
Mais nous lairons ung peu de ces chose à parler, et retournerons au
maistre eschevins de Mets et à plusieurs aultre besoingne, lesquelles
durant ce tamps avindrent.
[de la visite de l’empereur A METZ, EN l356,
A LA CONSÉCRATION DE JEAN III DE VIENNE, ÉVÊQUE
DE METZ, EN l36l]
Mil iijc et Ivj. — En l’an après, que le milliair courroit par mil trois
cent et LVI, fut alors maistre eschevin de Metz le sire Geoffroy Mine.
Et, en celle dicte année, la vigille de la feste sainct Jehan Baptiste
fut et escheut le jour du Sainct Sacrement de l’autel, qui est une chose
qui n’avient guerre souvent.
Grant crollement de terre. — Aucy, en ycelle meisme année, le
jour de feste saint Luc, fut le crollement de terre en Metz et en plussieurs païs entour, espéciallement à la cité de Baisle sur le Rin, laquelle
cheust causy toucte, et bien LXVIII forteresses que cheurent en icelluy pays.
Chier temps de vin. — Et fut le tamps fort diverse et merveilleux,
tellement que en celle année fut le vin sy chier que on vendoit le septier
de vin d’Ausay VIII sols de messain, quy estoient alors VIII gros de
Metz, et le septier de vin de païs V sols, que pareillement estoient
V gros de Mets. Car le groz de Mets ne valloit alors que XII deniers de
ladite monnoye “.
L’empereur et sa femme à Mets. — Item, aussy en celle dicte année,
revint le deventdit Charles de Bahaigne, empereur de Romme, en
Mets, luy et l’enperier sa femme, et tous les éliseurs avec luy, et maint
a. Philippe a rayé, en marge, cet mots : le groz de Mets ne valt que XII deniers.
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L’EMPEREUR CHARLES IV
A METZ (1356)
37
aultre grant prince et seigneurs. Et fut receu pour empereur desdit
de Metz, tout ainsy comme il apparthient à recepvoir ung ampereur.
Premier, l’évesque de Mets et touctes les ordres mandions, et touctes
les congrégacion des clergies, chanonne et aultre, yssirent dehors en
grand triumphe, trestous revestus et en habit, et luy allairent au devent
en belle porcession jusques à la croix au Pont Thiefîroy, acompaignié
de deux cent torches, toucte ardentes, que biaulx jonne anfïans pourtoient. Et illec, en ce lieu, furent apourtés et apparilliés deux riche
cielx paillés 1 à frange d’or, chacun à VI lances, pour pourter et mestre
c’est assavoir l’ung sur l’empereur et l’autre sur l’emperier sa femme.
Et le ciel de l’empereur pourtoient VI chevaliers de Mets, c’est assavoir
seigneur Philippe le Gournaix, signeur Poince Guenendin, seigneur
Poince de Laicte et seigneur Poince le Gournaix, seigneur Geoffroy
de Raigecourt et seigneur Geoffroy Aisier. Et le pourtairent les VI des
sus nommés tout à pied jusques à la Grant Église de Metz. Et le ciel
de l’emperier le pourtèrent six escuiers de Mets, c’est assavoir Gille
le Bel, Perrin Xavin, Collignon Renguillon, Jehan son frère, Jehan
Lohiet et Jehan Braidi du Nuefbourg. Et le portirent pareillement
tout à pied jusques à la Grant Église de Mets.
Or, icy après, oyrés et seront les nons escript de une partie dez
prince et signeur qui avec ledit ampereur vinrent en Mets. Et, premier,
y fut l’archevesque de Triève, l’archevesque de Collogne, l’archevesque
de Mayance, le duc de Bauviers, le duc de Saxonne, le marquis de
Brancbourch, qui sont les septz éliseurs du Sainct Ampire. Item,
l’évesque de Strabourg, le marquis de Julliers et le marquis de Misse,
le duc de Caissés, l’évesques de Liège, l’évesque de Verdun, l’évesque
de Toulz, le duc de Braibant, le duc de Bar, Charles, daulphm de
France et duc de Normendie, qui estoit filz au deventdit roy Jehan de
France. Et avec luy estoit le cardinal de Périgort et desquelles 2 nous
parlerons icy après, l’abbé de Cliny, le duc de Burtaigne, le conte de
Poitiers, le conte de Grant Prez, le conte d’Estampes, l’archevesque de
Rouan, le conte de Tancreville, l’archevesque de Sans, le conte d’Anjou,
le conte de Salbruche, le conte de Doulpont, le conte de Saulme, le
conte de Salminnes, le conte de Lynanges, le conte de Nansoul, le
conte de Naymur, le conte de Spanehaim, le duc de Xowaints, filz
au roy de Cracowe et serourge à l’empereur, le duc de Pollainne, le
conte de Xowairtsembourg et le conte de Starconbert, et plusieurs
aultres seigneurs, chevallier et escuier, sans nombre, qui acompaignoient ledit ampereur.
Et demeura ledit ampereur à Mets jusques a mardi après 1 Apparicion. Et fut à matinne, le nuyt de Noël, à la grande église cathédralle
de la cité, et avec luy les cardinal, archevesque et évesque, tous revestus,
les pallion en teste ; et grant foixon des ducz, des conte et des prince
1. Il s’agit vraisemblablement de dais (ciels) ornés de riches draps (pailes) à fram
ges d’or.
2. Corriger : le cardinal de Périgort, duquel...
38
L’EMPEREUR CHARLES IV A METZ (1356)
deventdit estoient entour de luy. Et fut alors ledit ampereur tout
revestu en guise et en habit impériaulx, c’est assavoir la haulte coronne
d’or sur la teste, avec tout ce qu’il luy appartenoit. Et chantait la
VIIe lisson de mâtine, tenant l’espée au poing toucte nue hors de son
fourriaulx.
Cours plenière tenue aux Champs à Saille par l’empereur. — Et,
le londemain, qui fut le jour de Noël, il thint sa court plainnyère on
Champassaille, en ung grant parc clos de pallis que on luy avoit fait
faire.
Vachelin de Braibant fait roy de Bahaingne. — Et, alors, constituait
et mist en lieu de luy, pour roy de Bahaigne, Waichellin i, duc de Brai
bant et duc de Lucembourg.
Et y estoient, en celluy parcquez, cez éliseurs, ung chacun pour
tant et faisant son office comme il apparthient à faire et comme il sont
tenus de faire. Et fut ly empereur a chief du parcque, essis à une
tauble tout par luy, en guize d’ampereur et en vestemens impériaulx,
et là dînait, et cez VII éliseur le servoient, comme dit est, ung chescun
chevaulchant grand destrier, et apourtoient lez mez, en luy servant en
la manière qu’il aparthient à ampereur. C’est assavoir, de ceulx qui
servoyent : premier, y estoit l’archevesque de Maence, l’archevesque
de Collongne et l’archevesque de Tryève, Lancellin, duc de Braiban,
le duc de Bauvier, le duc de Sansonne et le mairquis de Brandebourch,
qui sont les elliseur deventdit. Et fut servy cy haultement comme il
apparthient à ampereur.
Et, d’aultre part, fut essutez l’emperier en une aultre tauble, avec
le devantdit cardinal de Périgort et avec le duc de Normendye. Et
touctes manières de prince et seigneurs, chevalliers et escuiers sy
furent à d’aultre table, et furent servis moult richement, sans feu.
Le merquisaize de Juillet faicle duchés. —■ Et, en icelluy jour, fit
l’empereur duc du merquis de Jullien «, et donnait plusieur aultre
office ; et y oit grant feste et grant triumphe par tout le jour ; pour
laquelle à veoir y avoit grant assamblée de puple, tant de Mets que du
pays entour.
Cy lairons de luy à parler et retournerons a roy de France et à plu
sieurs aultre avanture et diverse fortune de guerre que durant ce
tampts avindrent.
Item, en celle meisme année, c’est assavoir quand le milliair courroit
par mil trois cent et LVI, le roy Jehan de France, luy estant en Poytou,
comme cy devent est dit, vint ; et là ce trouvait en ce lieu le deventdit
cardinal de Périgort, duquelle nous avons icy devent pairlés, et lequelle, après, ce transpourtait à Mets avec l’empereur. Lequelle car
dinal de part pappe Innocent VIe estoit envoyés, affin de acourder les
deventdit prince enssamble. Mais, quand il eust perdu l’espérance de
a. E : Julliers.
1. Wenceslas de Luxembourg.
BURTHE FAIXIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1357)
39
novoir ployer les couraiges d’iceulx princes, et1 que nullement ne ce
voulloient acorder, il c’en vint à Mets devers l’ampereur, comme dit
est ; puis c’en retourna à Romme. Et, jà ce que les Anglois ofïroient
a roy à tout randre, perde et domaige, néantmoins sa fortune ne le
voulloit, ains queroit ledit roy de tous son povoir à ce vangier. Mais
telle ce 'cuide vangier qui chiet en plus grant inconvéniant, comme
il luy en advint.
Le roy Jehan de France prias prisonier avec grant noblesse, et Fran
çois desconfis. — Car, après ce que les baitaille furent mise en ordre,
le XIXe jour de septambre, l’an dessusdit mil trois cent et LVI, ce
aprouchairent des annemys, lesquelle c’estoient retrait en ung treffort lieu. Mais, par la résistance des archiés Anglois, les Fransoys
furent tous mis en fuyte. Et fut le roy Jehans prins prisonnier par ung
chevallier d’Arthois, nommé Denis Morbeque. Et, avec le roy, fut
prins Phelippe, son fdz, et XVII conte. Et y perdit le roy toucte la
fleur de sa noblesse, avec mil et VIIe homme de guerre. Et fut le roy
mené à Bourdeaulx.
Alors fut grant dueille démené par tout le royaulme. Et fut conseilliés
a deventdit Charles, duc de Normendie et filz aisné du roy Jehan,
de ce retirer à Paris. Et, après ce que en parlement il eust fait sa com
plainte touchant l’ayde qu’il demendoit, furent prins L homme pour
entre eulx en déterminer. Et, pour plus secrètement estre, c’en allairent
au couvant des Frère Mineurs, auquelle il furent XV jour anclos. Et,
après ce, ont mandés ledit duc Chairles. Et pairla l’ung pour tous, et
luy dit ce qu’il avoit en chairge de dire.
Le cardinalz de Périgort avec le duc de Normendie d Mets, vers l’em
pereur. — Mais le conseil ne pleut pas du tout audit Charles. Parquoy,
comme le mest Gauguin, après plusieurs journée tenuee, que pour abrégiés je lesse, ledit duc Charles, avec ledit cardinal de Perrigort, ce
transpourtairent devers Charles, l’ampereur, en la cité de Mets, comme
cy devent ait estés dit. En laquelle alors estoit ledit Charles, roy de
Bohême et empereur romains, qui estoit son oncle. Puis de brief re
tourna en France. Et, durant ce tamps, fut le roy Jehan son perre
mené en Angleterre ; et furent treuve acourdée pour deux ans.
Mil iijc et Ivij. — Puis, après, quant le milliair courroit par mil
trois cent et LVII ans, fut alors maistre eschevin de Mets le seigneur
Burthe Faixin.
Mutinerie dedens Paris. — Auquelle tamps durant, à Paris, y oit
grand mutinerie du prévost des mairchamps, ad cause de 1 institucion
des nouvelle monnoie que ledit Chairles faisoit forgier. Et fut le peu
ple tout mis en arme. Et plusieur aultre chose furent faicte et dictes,
lesquelles ad cause de brieftez je laisse.
Paireillement, durant ce tampts, Estienne Mercel, prévost des merchampts de Paris, et ces alliés, c’en aillairent en la chambre du pallais,
1. Suppléer : et qu'il vil que...
40
JEAN EULECOL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1358)
et illec ont tués le mairechault de Champaigne et cellui de Clermont,
Et, celluy jour meisme, fut aussy tués seigneur Régnault d’Ansey i.
Et fut ce fait le jeudy devent la sainct Denis. Parquoy plusieurs malz
advindre.
Item, en celle année, les trois estas de Paris envoyèrent plusieur
gendarmes contre messire Godefïroy de Harcourt ; desquelles estoit
ehief messire Loys de Ravenal ; et heurent grosse baitaille enssamble.
Aucy, en celle dicte année, le duc de Lenclastre mist sus une grosse
armée et alla asségier la ville de Renes en Bretaigne ; et n’y fïst rien
pour cest fois.
Charles, roy de Navarre, délivrés de prison. — Pareillement, durant
ee tamps, le deventdit Charles, roy de Navarre, eschappait, ou il fut
délivrés de prison.
Plussieurs pillair parmei la France. — Et, en ce meisme tamps, courroient plusieurs lairon et pillair parmy Paris et au païs joindant. Et
estaient à cy grant nombre que l’on n’y sçavoit mestre remède, car
telz fois fut qu’ilz estoient plus de VI mille. Toutefois, après ce qu’il
furent deschaissiés du lieu, il peillèrent Estampes, de laquelles il enmenèrent plusieur prisonnier. Or je croy, moy, que à cest heure Dieu
voulloit du tout pugnir les Fransois pour leur orgueille. Car, en ce
tamps, il ce pourtoient cy démesuréement en leur abis que l’on ne congnoissoit ung jantil homme encontre ung compaignon de mestier. Et
ne pourtoit on jamaix deux ans anthier ung abis d’une fasson qu’il
ne fut rechaingiés et remis en aultre sorte ; comme encor à cest heure
il font. Parquoy Dieu les voulloit pugnir de leur meffais et orgueille.
Et pouvoit-on cuidamment cognoistre sa vengeance, d’aultant que
partout estoit tribulacion et misère. Et fut le royaulme cy triboullés
que de tout coustés branloit.
Le prévost de Paris conducteur des mutin. — Souverainement, les
Parisiens, rebelle a roy et à ces ordonnance, avec ledit Estienne, pré
vost des merchamps, firent plusieurs fois de grant mutinerie. Et avoient
entre eulx prins une enseigne d’ung chaperon rouge et bleu, de laquelle
anseigne il contraindirent ledit Charles, duc de Normendie et aisnés
filz du roy, et plusieur aultre, de la pourter. Parquoy tant d’aultre
grand dangier par mutinerie en ce tamps avindrent, que se seroit
chose tropt loingue et prolisse à raconter, et pour ce m’en passe quant
à présant. Car, qui le tout sçavoir vouldra, cy lisse les Gronicque
de maistre Robert Gauguin, et illec le trouvanra.
Mil iijc et Iviij. — L’an après, mil trois cent et LVIII, fut maistre
eschevin de Mets le sire Jehan Eulecol.
Les mur de Paris réparés. — Et, en ladicte année, le deventdit
prévost des merchamps fist faire les murs entour la cité de Paris ;
car par avant n’en n’y avoit nulle qui fussent de vallue.
Le prévost de Paris tués. — En celle meisme année fut Paris assei1. Régnault d’Aci, avocat au Parlement.
LÀ JACQUERIE EN FRANCE
41
giées par le deventdit duc de Normendie, régent de France. Et debvoiton faire plusieurs trahison, mais il furent accusés ; et fut tués le prévost
des merchamps, lequelle, comme on disoit, estoit cause de ladicte
traïson.
Grand faminne en France. - Or advint que, en celluy temps et durant
la guerre, y oit grande et merveilleuse famine en France, pour tant
que les Navarrois y estoient. Parquoy la famine fut cy grande que
une tonne de harenc coustoit bien XXX escus, et les aultre chose à
l’avenant.
Cas exécrable perpétrés par plussieur ribleurs aux paiis de Biavaix.
— Item, pareillement et durant ce tamps, avint ung grand et merveil
leux cas, lequelle est digne de mémoire pour la cruaulté et innormité
de la chose. Avint que, durant ce tamps et en ces meisme jour, au
territoire de Biauvays, se leva une impétueuse torbe de laboureux, en
la conduicte de ung nommés Guillaume Callet. Ses gens icy, et comme
Dieu le permetoit, sortissant des villaiges, couroie dessa délia contre
les gentilzhomme, faisant plusieur meurtres et partinuelles *1 ribleries,
et couroie depuis Compiègne jusques à Sanlis. Il peillèrent la cité de
Souessons et plusieurs chasteaulx entour. Et estoit cest multitude 2
principalle conspiracion et crudellité en l’ancontre des noble. Et, nyanmoins que je ne veult pas dire tous les malz ne les honteux cas que
yceulx firent et perpétrairent, car tropt loing seroie, sy vous veult je
compter et réciteray tant seullement deux crimes d’excellances et
espécialle crudellité. Car, entre plusieurs meurtres, ces mauldis enragiés donnairent assault à quelque chastel et le prinrent. Puis ont liés le
signeur du lieu à ung pault 3, et, ce fait, les traictre, sans honte ne
vergongne, ont enfïorcés et vyolés sa femme et sa fille devent leregaird
de ces yeulx. Et puis, ce fait, les occirent, et tantost cruellement ont
murtry le mary. Et, encor pire, ont empognés ung aultrez chevallier,
et l’ambrochèrent en ung hattiez 4, et le rôtirent, en la présence et
au veheu de sa femme, laquelle après fut violée de douze putiez. Et,
après qu’il olrent ce fait, la contraindirent de menger de la chair de
son mary ainsy rôtie. Et, non comptant de ce, les tirant enragié, peu
après, minrent à mort celle povre misérable femme.
Or, je vous veult maintenant dire pourquoy c’est que on dit, quant
aulcun sont rebelle à leur signeur, on les appelle communément, tant
en ce pays comme aultre part, les Jaicquez, et dit on qu’il sont de la 0
Jaicquerie. Ce non icy vient à dire pour ce que ces mauldit guernemens
firent entre eulx ung capitenne et instituèrent pour leur roy ung d’entre
eulx nommés Jaicquin, on nom duquelle furent tous appellés Jaicquins, menant enssemble une Jaicquerie.
a.
1.
2.
3.
4.
Mss. : dellay.
Contamination de perpétuel et de continuel ?
Suppléer : chez cette multitude.
Pieu.
Hastier, grande broche à rôtir.
42
ALBERT BOULLAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1359)
Mil iiic et lix; les buttes aux faire les maislre eschevins perdue. — Et,
l’an après, que courroit le milliair par mil trois cent et LIX, fut maistre
eschevin de Mets le sire Aubert Boullay. Et, en ceste année, furent
perdue les bustes 1 et la coustumes d’icelle, desquelles alors on faisoit lez maistre eschevin.
Or, advint en celle année que les Navarrois rendirent aux François
Sainct Valéry.
Escarmouche entre François el Anglois. — Pareillement, advint que,
en celle dicte année, y oit grant bataille à Nogent-sur-Senne, faicte
par messire Broquart de Fénestrainge, de la nacion de Lorrainne, et
les François, d’une part, et messire Eustache d’Aulbertvicourt, de la
nacion de Haynault, avec les Anglois, d’aultre part. Car, ce jour, en
ce lieu, y oit une grosse escharmouche, en laquelle furent plusieur
dez mort et dez navrez.
Merveilleuse mutinerie aux paiisde France. — Aucy, en ce meisme
tamps, se rassamblirent enssamble dedans Paris plusieur compaignie de maulvais guersons, que on appelloit les perdus, lesquelle sail
lirent hors de la ville, environ trois cent, soubz la bannière de Pierre
Gillon. Et rancontrirent en leur chemin ung aultrez compaignie de
Ve homme en armes, qui estoient d’iceulx Jaicque, en la conduite
de Jehan Vaillant. Sy se assemblèrent enssemble, et tinrent le chemin
à Meau en Brye, cuidant de prime face prendre le merchief d’assault.
Quant les habitans de Meaul furent de leur venue avertis, il les receurent en grant joye et liesse, cuidant qu’il y vinsent pour bien. A
ceste heure estoient au merschief de Meaulx le conte de Foix et plu
sieur aultrez noble, à grant nombre, tenant compaignie à la duchesse,
femme audit Charle, régent de France. Lesquelle, quant il virent et
conurent la mutinerie et maulvitiez d’iceulx Jaicque, ce préparèrent
à defïence. Et y oit grant occision et d’ung coustez et d’aultre. Entre
lesquelles Jehan Solan, bailly d’icelle cité, fut empoignés et trainés
dehors, et l’occirent. Aucy fut Guillaume Callet, principal murtrier,
cy devant dit. Et fut partie de la cité arse et brullée.
Nulz ne s’ose confesser citoiens de Paris. — Ce temps durant que ce
faisoient telle chose, nuis n’osoit saillir hors des murs de Paris, ne
s’osoit confesser estre cytoiens d’icelle cité. Car ledit duc Charle, fllz
au roy Jehan, pour ce qu’il luy estoient rebelle et contraire, les faisoit tous mettre à mort. Et y avoit à ceste heure la plus grant muti
nerie dedens Paris que jamais fut. Car, de jour en jour, y estoient
faicte de grande occision et tuerie, desquelles je me déport quant à
présant. Et, touteffois, ainsy comme ces choses ce faisoient, le nombre
des gens d’armes audit Charles cressoient tousjour, lesquelles dépoulloient les Paiisiens par tout où trouver les pouvoient. Et ne estoit
aulcuns en ce temps quy osait entrer en la ville ou sortir hors sans grans
dangiers de sa personne, et qu’il ne fussent assaillis des gens dudit
Charles. Touteffois il couroyent principallement sus les Jaicquins du
1. Voye* t. II, p. 24 et n. 2.
PIERRE DE LAITRE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1360)
43
Beauvoisins, desquelles il occirent en peu de jours jusques au nombre
de XX mil.
Paix entre le roy de Navarre et Charles, filz du roy Jehan. — Après
ce fait, pour le pourchas de la royne Jehenne, fut journée prinse pour
acourder ledit duc Charles, fîlz au roy Jehan, et Charles, roy de Navars. Et fut la paix faicte, parmei IIIIC mil florin que ledit duc Charles
devoit paier à sertains tairme, et parmy X mil livre de rante annuelle
que ledit roy de Navarre avoit et devoit tous les ans recep voir sus
sertaine seigneurie du royaulme de France. Et ainssy bon amis ce
sont despartis l’ung de l’autre.
Mais l’amour ne dura guerre. Car le duc Charles, aisnés filz du roy,
réconcilia les Parisiens à luy. Parquoy ledit Charles, roy de Navarre,
acomencè à ribler et à courir, faisant de grant domaige par le païs.
Et print Melun, car il estoit aidés des Anglois.
Miracle contre les pillair d’esglise. — Or, escoutez ung biaulx miraicle qui en ce tamps advint. Il est vray, comme raconte les istoire, que,
en celle meisme année, le rest de yceulx pillairs et malvaix guernement,
nommés les Jaicquins, lesquelles tousjour alloient et venoient et faisoient de grant malz par les païs, comme dit est, vindrent ariver en
ung villaige, appellés Ranay, et comencèrent à faire beaucolpt de
malz. Tellement que, par ung matin et alors que le prestre dudit villaiges chantoit messe, lesdit pillars se vinrent foncer on moustier.
Donc, l’ung d’iceulx, cen honte et cen craindre Dieu, ce aprochait
de l’autel et print le calice estant sus ledit autel, ausquelz le prestre
debvoit consacrer le précieulx corps de Nostre Seigneur. Et, ce fait,
gecta le vin qui dedans estoit en la voie ; et, pour tant que le prestre
en parla, il le ferit de son gand à traverse main, sy fort que le sang en
voila sur l’autel. Puis yssirent ces paillars a champs ; et portoit celluy
lairon escnier en sa mains la platine et le corporal. Mais, par la vollunté de Dieu, aincy comme il chevaulchoient au champs, le chevaulx
d’icelluy comensait telle tempeste et de telle sorte à ce demener que
nul ne l’osoit aprouchier. Et, pareillement, luy qui avoit fait le délit
devint comme hors du sanc 1. Et tellement ce sont démenés que lui et
ledit son chevaulx cheurent illec en ung mont, et ce estranglèrent l’ung
l’autre, et puis furent soudains convertis en cendre et en pouldre.
Lors tous ces compaignons, voyant le miraicle, vouuairent que jamaix
église ne violleroient, ne ne feroient telle euvre. Et aincy avés oy
cornent ce misérables finait ces jours.
Mil iiic et Ix. — Après ces chose aincy advenue, et en l’an que le
milliair courroit par mil trois cent et LX, fut alors maistre eschevin de
Mets le sire Pier de Laitre.
Et, en celluy tamps, retournairent les ambaixadeur d’Angleterre qui
traictoie pour la ranson du roy. Et fut le compromis tel, comme il fut
dit et criés sur la pierre de maibre devent le pallas à Paris : « Que le
44
LA PAIX ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE (1360)
roy d’Angleterre demendoit pour ycelle ranson les pays et les ville icy
après desclairée à tousjourmaix, c’est assavoir : la duchiés de Nor
mandie, Xaintonges ; avec tout le demaine comme il c’ensuit : Agenestz,
Tarbe, Périgor, Lymosin, Cahors, les contés de Thourainne, Boullongne, Pontyeu, et Guymes, Callès et Monstruel. Et encor, avec ce,
paieroit a roy Édouaird pour une fois quarante foix cent mil phelippus
d’or ; et qu’il donneroit XII obstaige, avec quelque nombre de ville,
entre lesquelles Rouen et Caen estoient spécifiées. » Mais, pour ce que
sa demende estoit oultrageuse, dérasonable et inicques, on n’en fist
rien ; et leur fut signifiet la guerre ouverte.
Tantost après, fut trouvé manier que le roy de Navairre fut plus
grant amis à la corone de France que jamais n’avoit estés ; et fut biens
réconcilliés aus Parisiens.
Ne demoura guerre après ce ranfus que ledit Édouard, roy d’Angle
terre, fist une merveilleuse armée. Puis vint mestre le sciège devent
Rains. Et, après qu’il y oit estés VI semaigne, c’en allait mestre le
sciège à Sainct Marciaulx, tout devent Paris, demendant a duc Charles
la baitailles, cuydans tirer les Parisiens aus champs. Et, quant il vit
que nullement ne les pouvoit avoir, il c’en tirait droit à Chartres. Et
alors fist le plus terrible tamps que jamaix homme vit faire, ne de loing
tamps l’on n’avoit veu le pareille. Duquelle Édouard fut merveilleuse
ment espovantés ; et fut la cause qui le fist venir à traictiet de paix.
Cy envoyait ces ambaixaide a vers le duc Charles, lequelle de ce fut
bien joyeulx.
Paix entre François et Anglais. — Et tellement que, après plusieur
allée et venuee, en ladicte année mil trois cent et LX, fut la paix faicte
entre les prince, en la manier qui s’ensuyt. C’est assavoir que tout
Poictou, Touars, Belleville, Xaintonge, Agenestz, Périgot, Limosin,
Cahors, Tarbe, Bigore, Angolesme, Rouergue, et les conté de Pothieu,
Callès et Guines, avec les aultre villaiges despandens, viendroient à
Édouard, et à sa perpétuelle jurediction et seignorie aperthiendroient,
sans aulcune diminucion de droit ou de majesté.
xiiic mil escus de ranson.— Aussy,avec cella,luy seroient paiet XIIIe
mil escus à certains termes. Et ainsy furent ces chose jurées et promise
soubz le seaulz dez prince, et obstaige donnée et d’ung cousté et d’aultre.
Le roy de France délivrés. — Et fut le roy Jehan ramenés à Callas
(après ce qu’il oit tenus quaitre ans prison), où ledit Charles ce trans
porta pour veoir son père. Alors fut le roy à grant joye ressus en
France.
Et furent les roy devent dit par loing tampts après en cy bonne acord
et en cy parfaicte amour qu’il ne ce appelloient que frères, et ce visitoient souvant l’ung l’aultre.
Item, tantost après et en celle meisme année, ce partit le roy de France
tout de piedz pour c’en aller en pellerinaige à Nostre Damme de Bola. M : ambaixande ; E : embassaide.
JEAN DE VIENNE CRÉÉ ÉVÊQUE DE METZ
(1361)
45
longne, et y arivait la vigille de la Toussâmes. Auquelle lieu il fut ressus
à grand honneurs.
Mil iiic et Ixj ; bande quassée. — Et, tout incontinent que le roy
Jehan fut ainssy délivrés en la manier comme cy devent avés oy, et
que ces besoingne furent ung peu appaisantée et eschevie, c’est assa
voir en l’an que le milliair courroit par mil trois cent et LXI, et que
alors estoit maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Géraird
Paperel, alors et pour celluy tampts fut comendés en France que touttes
les guernison wuidassent hors, comme il avoit estés dit a compromis
de la pais. Desquelle nouvelle furent la plus part des gens d’armée
comme à desespéré. Cy ce mirent ensamble par grand troupiaulx, et
firent entre eulx plusieurs capitaine, desquelles le souverains ce nommoit l’Archeprestre. Et avec yceulx ce joindirent tant de malvaix
guerson qu’il furent à cy grand nombre qu’il n’y avoit païs qui les peult
résister.
Grant riblerie de pillair parmei les paiis. — Cy c’en allirent en Bourguogne, et heurent grosse baitaille, après de Lion sus le Rosne, encontre
messire Jaicque, duc de Bourbon, et son ost. Lequelle messire Jaicque
ne fut pas assés puissant pour résister à cy grande compaignie comme
il estoient ; parquoy luy et ces gens furent desconfis. Et fut ce fait en
l’an deventdit mil III cent LXI. Et alors lesdit lairons victorieulx ce
despartirent en deux bande. Dont l’une c’en allait en Avignons ;
et prinrent le Pon Sainct Esperit et le pillairent,sans homme ne femme
espairgnier. Parquoy cest viollance moult espoventa le pape Inno
cent VIe, lequelle alors ce tenoit en Avignon ; et oit grant paine de les
déchaissiés à force d’argent. Car de luy ressurent LX mil florin, néantmoins qu’il avoit fait faire une croisée pour aller contre eulx, comme ce
se fut estés contre les annemis de la foy catholicque ; mais de ce ne tenoient compte. Ains, alors plus fier que devent, ce espandirent yceulx
lairons et roubeur en diverse lieu parmy le monde ; et avoient entre
eulx fait XVII capitainne; lesquelle firent moultde mal et dedomaige.
Item, aucy en celle meisme année, morut Adémars, lequelle avoit
estés évesque de Mets par l’espaice de XXXIII ans. Dieu luy face
pardon ! Amen.
(de
la consécration de l'évêque jean de vienne,
EN l36l, A CELLE DE THIERRY DE BOPPART, EN l365]
Jehan de Vienne, lxxiije évesques, ihint le sciège. — Jehan de Vienne
fut le LXXIIIe évesque de Mets. Celluy estoit premier archevesque de
Besansson, et fut translaté à l’éveschié de Mets en celle dicte année mil
trois cent et LXI. Cellui évesque estoit bel prélas et saige, et aucy estoit
riche. Car, en son temps, il n’enprunta ne engaigea riens de l’éveschié.
Et tint le sciège tout en paix tant comme il fut évesque.
46
JEAN DE VIENNE, ÉVÊQUE DE METZ
Toutefïois il oit grant plait et procès au seigneur et citain de la cité
de Mets pour plusieur cas, et espéciallement pour ce qu’ilz luyempescheoient sa juridicion, comme il disoit. Et, de fait, luy banissoient cez
clerc et ces prestres. Et, sans doute, s’il fut demouré évesque de Mets, il
disoit qu’il heust gangnié le plait, voir, s’il heust voullus estre rigoureulx.
Celluy évesque Jehan tenoit et gairdoit bien justice. Toutefïois, il
ne fut pas comptant de cestui grant bien, ains voult avoir milleur, et
ce fîst translater à l’éveschiés de Baille. Dont il ce repantist depuis,
comme icy après serait dit. Car, quant il vint premier en l’éveschiez
de Mets, et il vit que le pays estoit plain de malvaise gens, de robeurs,
de meurtreurs a et de pillairs, et qu’il estoient gens de fait et de voluntez, sans raisons ; et aussy que on luy demandoit plusieurs debtes és
terre sus l’évescbié ; se luy fut moult grief à pourter, car il avoit acoustumez à estre en paix avec le duc de Bourgongne, lequelle il avoit gou
vernez, et on quel lieu on usoit de justice et de raison. Parquoy, pan
sant de mieulx avoir, yl rescript à ung sien oncle que estoit cardinal de
Cliney, et luy mandait cornent qu’il estoit venu en ung pays que ne luy
plaisoit point, et que c’estoie gens cen foy et cen loy, comme cy après
serait dit. Et, pour ce, luy prioit cbierrement que, c’il escheoit aulcune
éveschié de son pays de Bourgogne, qu’il y fut translatey.
Sy escheut en ce tamps l’éveschié de Baille en Souisse, quy est près
de la contey de Bourgongne, et quy estoit essés près de son païs et de
sa teire, et pareillement de ces amis. Parquoy le dit cardinal monstrait
la lettre a pappe, et pourchaissait tant que l’évesque Jehan fut trans
latey à ladicte éveschié de Basle dessus le Rin. Maix, quant il le soit,il
en fut moult corroucié et desplaisant. Car, depuis ces lestre faicte, il
avoit aprins à cognoistre le païs de Mets et les gens entour, et faisoit
tant que chacun luy lassoit la sienne chose. Et, de quaitre ans qu’il fut
évesque de Mets, on ne meffît en l’éveschié en rien, et n’y fîst-on
quelque domaige. Et aussy il se faisoit amer et dobter parmy le scens
de luy et pai la force de ses amis, qui estoient les plus grans signeurs
de la Franche Conté de Bourgongne. Et ne luy souvenoit plus de la
lestre qu’il avoit heu envoyé au cardinal de Cliney. Et pourchassa,
depuis plusieur jour, que la chose fut nulle ; maix il ne ce polt faire.
Jehan de Vienne transmués à Baisle, et Thiédric de Boparl prouveux
à l’éveschiés de Mds. — Car nostre sainct perre le pappe, à la prière
du deventdit Charte, quart empereur de Romme de ce nom, et roy de
Bahaigne, avoit desjay pourveu Théodorich de Bopart, qui alors estoit
évesque de Warmaise, à l’éveschié de Mets. Se ne polrent estre ses
choses anullées, et convint ledit évesque Jehan laixier l’éveschié de
Mets. Laquelle il laissait bien envis et malgrey luy, et c’en allait demourer à Baille en Alemaigne, où il trouva les gens aucy mal raison
nable, ou plus, qu’en Lorainne, et aussy que plus de leur voulentey
o. E : meurtreux.
i
|
I
.
,
LÈS ÈRETONS DANS LE VAL DE METZ (1363)
41
I usent. Se vesquit toute sa vie là en guerre et en tribulacion, et à la fin
morut povre homme (selon son estât).
Gy lairons de luy à parler pour le présant, et retournerons aulx maistre eschevin de Mets.
Mil iiic Ixij.— Or retournons à nostre propos et aumilliair deventdit,
c’est assavoir quand il courroit par mil trois cent et LXII. En laquelle
année estoit maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Pier Renguillon. Et, en celle dicte année, en la grant semainne de caresme,
lesdit de Mets c’en aillirent assigier Winesperch ; et fut tantost prinse
d’assault.
Vigne engellée. — Pareillement, en celle meisme année, advindrent
de grant fortune és biens de terre. Souverainnement, tantost le jeudi
après Paisque, furent les vignes engellée par toucte Lourainne et on
pais de Mets. Et ce qui eschaippait de celle gellée ne vailleust rien,
ains furent les raisins tout perdus et gaistés au sappe. Parquoy le vin
fut tellement ranchéris que la querte de vin, que par avant ne ce vandoit que deux ou trois denier, fut mise à X denier le plus manre (que
sont enviion XX denier cellon la monnoye que courre maintenant).
Item, il avint encor ung plus grand mal : car, cest année, il fist ung cy
diverse tamps que on ne poult enhayner 1 ; parquoy avint ung grant
■ chier tamps.
Aucy, en celle dicte année, firent alliance a deventdit évesque de Mets
trois chief de seigneur. Lesquelles, acompaigniés dudit évesque, furent
Rolerge, et la prindrent ; et fut toucte abatuee.
Î devant
Pape Urbain, Ve de ce nom. — Et, pareillement, tantost après et
en celle meisme année, trespassa pappe Innocent deventdit. Et fut
fait pappe Urbain, Ve de ce nom.
Aucy avint que, en celle dicte année mil IIIe et LXII, s’esmeut arrier
la guerre entre le roy Jehan de France et le deventdit Charles, roy de
Navarre. Et olrent de merveilleuse battaille enssamble, lesquelle seroient tropt long à racompter, parquoy je les laisse pour abrégier.
Mil iiic Ixiij. — Item, l’an après, mil IIIe LXIII, fut maistre esche
vin de Metz le sire Pier Faissault.
Les Burlon en Vauls de Mets. — En laquelle année vinrent et dessandirent en Vault de Mets une grosse armée, lesquelle on appelloit les
Burton. Et, eulx venus, boutirent les feu et ardirent trois villaige on
dit Vault, et puis ce fait, ce mirent sur la montaigne Sainct Quentin
devent la cité. Item, avec lesdit Burtons, ce boutait le conte de Vauldémont, pour nuyre a duc de Lorainne et à la dicte cité de Mets. Et,
tantost après, ce sont pertis de ce lieu, et c’en sont tirés droit à Colligney, puis à Vézelixe, et enplusieurs aultre lieu en ladicte conté de Vauldémont. Et alors lesdit de Mets mirent et ressurent à leur gaige VIXX
souldoieur pour l’amour du duc de Lorainne et pour luy aidier. Et'
avec lesdit souldoieur, ce armirent plusieurs bourjois, lesquelle furent
1. Enhaner, cultiver, ensemencer.
NICOLE FRANÇOIS, MAITRE-ÉcHEVIN DE METZ (1364)
avec les aultre devent lesdicte forteresse. Et y furent en personne le
duc de Lorainne, le duc de Bar, et le duc de Lucembourg, chacun avec
grande compaignie de ces gens, tant à chevaulx comme à piedz. Et,
niantmoins, à celle fois les annemys n’y firent riens, pour la pluye qui
les en destournait. Parquoy il c’en retournirent tous enssamble, et c’en
allirent devent Coligney, et la gaingnairent. Et puis ce fait lez ramenait
ledit conte de Yauldémont errier gésir on Vault de Mets. Et, a lundemains, furent lesdit corrir jusques en Genetroy et à Sainct Laydre, et cy
jeurent encor à plussieur aultre ville on dit Vault de Mets, telz comme
à Corney et à Joiey, et y ardirent plusieur maison. Et puis ce fait c’en
retournairent en leur pays.
Pareillement “, en ce tamps, avindrent encor plusieurs fortune. Entre
lesquelle y eust moult grande mortallité à Mets et on pais joindant. Et
d’icelle mourut moult de signeur et damme, de bourgeois et d’aultre
puple. Et par ainsy fut la cité avec tout le pais autour en grand meschief et tribulacion, tant de la famine comme de la guerre et mortallité
qui alors régnoit.
Gy lairons de ces chose à pairler et retournerons a maistre eschevin
de Mets et à plusieurs aultrez besongne, lesquelles durant ce tampts
advindrent.
Mil iiic Ixiiij. — Quant ce vint en l’an après et que le milliair courroit par mil trois cent et LXIII1 ans, alors fut maistre eschevin de Mets
le sire Nicolle Fransois.
Le conte de Valdémont de guerre d l'évesquez de Strasbourgz. — Et,
en celle année, oit le deventdit conte de Vauldémont grant guerre en
l’encontre l’évesque de Strabourg et le jonne seigneur de Saulmes,
seigneur de Vivier, et espéciallement contre le signeur Thiébault de
Havesteinne. Et la cause principallement fut pour ung sien sergent qui
l’avoit servi, pour lequelle plusieurs choses furent faicte et dicte, que
je laisse. Et tellement que, à la fin, ledit conte amenait lez Brettons en
son aide, comme cy devent ait estés dit, et chevaulchait en Aussay
et en la terre du seigneur de Saulmes. Et n’osèrent oncques les Saluxiens assaillir les Brettons, parquoy ledit conte demoura en paix tout
à sa volunté, et thinrent les champs par l’espace de trois sepmainne. Et,
après ce fait, c’y en allirent par devers Morhange. Puis ce sont retourné
arriez en l’ayde Pierre de Bar, corne cy aprez serait dit, et en l’ancontre desdit de Mets.
La court romainne en Avignon. — Item, en celle meisme année, Pier
Lusignac, alors roy de Jhérusalam, c’en vint avec son train en Avignon
pour pairler a pappe Urbain, Ve de ce nom. Car, en celluy tampts, ce
tenoit la court romaine en ce lieu. Et fut ledit Pier ressus en grand
triumphe du devent dit pappe, du roy de France et des cardinal
estant alors en ce lieu. Et tellement que, pour luy donner secour contre
a. M ; Mortalité on paiis de Mets (en marge; rayé par Philippe).
CHARLES V LE SAGE, ROI DE FRANCE (1364)
49
les infidel, le roy Jehan de France print la crois, en intencion de mener
son armée en Sirye.
La mort du roy Jehan. — Mais premier voult aller en Angleterre pour
disposer de ces besonne envers le roy d’icelluy pays. Cy luy print
grant maladie à Londres, de laquelle, le VIIIe jour d’apvril, en l’an
dessusdit mil trois cent et LXIIII, il trespassa ; et est enterré à Sainct
Denis.
Et en ce tamps acomensa messire Bertrand du Guescluyn à florir
en arme et à faire ces vaillance et proesse.
Murtre commys en Mets. — Item, en celle meisme année, advint en
Mets une grande merveille d’ung murtre qui fut fait. Car, pour ce tamps,
demouroit en ycelle cité, en la grand rue de Maizelle et en la paroiche
Sainct Mamin, une bonne femme essés eaigiées. Et avec ycelle demou
roit sa breu, c’est assavoir la femme de son filz. Or avint que le dyable
tantait d’avarice ung jonne compaignon, nommés Estienne, filz de
maistre Ferrey l’escripvain. Lequel, avec celle malvaise volluntés,
antrait secrètement de nuyct en la maison d’icelle bonne femme, et les
occit, et couppait la gourge à touctes deux. Puis, ce fait, print or et
argent et aultre juaulx, et amblait tout ce enthièrement de bon qu’il
polt avoir. Et fut la chose cy secrètement faicte que de loing tampts
après l’on ne pouvoit avoir la cognoissance dont celle chose estoit
venue. Jusques à ung jour que le deventdit Estienne se voult marier.
Et, de fait,avoit desjay fîancié une jonne fille que on appelloit Mariatte
la Releveresse, à laquelle il avoit jay donné partie des joyaulx deventdit.
Par lesquelx le fait fut congnu ; et fut prins et trainnez, et fut mis sur
la rue ; et aincy misérablement fînait ces jour.
Cy vous souffise quant à présant de ce qui en est dit, car je veult
retourner a roy de France et à plusieurs aultre merveille, lesquelles
durant ce tampts avinrent.
Charles, xliie roy de France. — Après la mort du deventdit roy
Jehan, Charles le quint, son filz, duquelle par cy devent je vous ait
heu plusieurs fois parlés, fut le XLIIe roy de France. Et, à la manier
acotumée, le jour de la Trinité, fut couronnés à Rains.
L’hérésie des Turlupin. — Et, en son tamps, fut une manier d’hérésie
issue des Turlupins (c’estoit le non d’iceulx héréticque), lesquelles s’esjouyssoient d’estre nommez de la compaignie des pouvres. Leur livres
et vestemens furent bruslés au marchés au pourceaulx de Paris.
De celle secte fut Jehanne Dabantonne, et ung aultre avecques elles,
duquelles le nom est cellés et ne ce desclaire. Car ces deux icy furent
des principaulx prescheurs de ceste secte. Mais celluy lequelles je ne
nomme pas fut mis en prison, et y morut avent que avoir sa santance.
Parquoy, affm que son corps ne pourist,on le garda XVjour dedans de la
chaussine *, et puis fut le corps jugiés d’estre airs et brullé.
Viclore du roy Charles contre les Anglois. — Item, aucy en ce meisme
1. Chaux,
50
NICOLE DROUIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1365)
tamps, le deventdit Charles menait grant guerre aus Anglois. Et, moyenant l’ayde du vaillant chevallier mcssire Bertrand du Guescluyn,
oit plusieurs belle victoire, et reconquaista grant foison de ces ville,
perdue durent les guerre passée.
Le roy entretient V armée en diverse lieu. — Et fut telle fois que le
roy entretenoit en diverse lieu de son royaulme cincq grosse armée.
Dont la premier estoit menée du duc d’Anjou, acompaigniés du
vaillant Bertrand du Guescluyn, conestauble de France.
Discord entre les seigneur de Mets et leurs évesques. — Item, ce fut
pareillement en celle meisme année que les signeur et bourgois de la
cité de Mets olrent discord et grand plait encontre révérend perre en
Dieu seigneurs Jehan de Vienne, leur évesque, comme cy devent ait
estés dit. Et la cause et mocion d’icelle dicencion advint pour ung
compaignon nommés Jehan, le fîlz Plantesauge, lequelle le seieleur qui
pour leur estoit avoit heu prins pour aulcun méfiait. Dont il advint
que les trèzes jurés de la justice requirent audit saieleur qu’i leur
voulcist rendre leur homme. Et il leur respondit que il n’avoit pas
puissance de ce faire, et n’apartenoit mye à luy de le rendre sans le
congier de son maistre et seigneur l’évesque devent dit. Parquoy lesdit
Trfizes ne prinrent pas en grés celle responce, et tout à l’heure c’en
allirent en l’hostel dudit évesque, et illec ont prins leur homme, et l’ont
ameinés dehors à force et malgrey ledit saielour. Et, tantost, ycelluy
saielour s’en alla hors la cité, et emporta avec luy lez sayel ; et cessa
alors la grant court des archidiaicres. Et, encor plus fort, et à celle occa
sion, ledit évesque oit et thint pour celle année les signe *1 à Vy. Mais
lez curé de Mets n’y compareurent a mye, ains y envoiont aultre pour
eulx. Parquoy le devent dit évesque Jehan les thint pour constumasse
et escomuniet. De laquelle santance il en appellairent à Romme. Et
vella l’une des principaile cause pour lesquelle ledit évesque en rescript
à son oncle le cardinal, disant et priant qu’il fut transmués en aultrez
éveschiez, et que ceulx de Mets estoient gens sans foy et cen loy,
comme par cy devent en la vie dudit évesque ait estés dit.
Item b, aucy je trouve que, à l’acomencement d’icelle année, l’yawe
de la rivier de Muzelle et de Saille, et pareillement des aultre rivier,
furent cy demesuréement grande et hors de rive que c’estoit chose
merveilleuse et incrédible à ceulx qui ne l’ayroie veu.
Paireillement, durant ce tampts, le devent dit Charles, roy de France,
fist son frère duc de Bourgongne. Et y oit encor en France, durant ce
tampts, plusieurs aultre chose faicte et dictez, que je laisse pour
abrégiés.
Mil iiic txv. — L’an mil trois cent LXV, fut maistre eschevin de Mets
le sire Nicolle Drouuin.
a. Mss. : compreurent.
b. : U : les ripvière hors de ryve (en marge; rayé par Philippe).
1. Syne, synode.
GUERRE ENTRE LA CITÉ DE METZ ET PIERRE DE BAR (1365)
51
Guerre entre ceulx de Mets et du paiis de Bar. — En, en icelle année,
ce esmeust une grand guerre entre Pier de Bar, filz à Hanry de Bar, et
les cytains et gouverneur de la cité de Mets. Et la cause avint pour la
ville de Noeroy, laquelle le sire Poince de Wy avoit heu achetté au duc
de Bar en treffons a tous jourmaix. Cy avint que, depuis ce vandaige
fait, ledit Pier de Bar et ces hoirs volrent retraire ycelluy vandaige, et
revenir à la dicte Noeroy comme hoirs, pour la somme payant qu’elle
avoit cousté audit seigneur Poince de Wy. Et lesdit de Mets différoient celle retraitte, et ne s’y volrent consentir. Parquoy il en vint
moult grand guerre. Et tellement que ledit Pier de Bar oit en son ayde
le capitainne Grimonet et plusieurs aultre Bretons, lesquelle ung peu
devent le conte de Blamont avoit heu avec luy quant il avoit heu
guerre encontre ceulx d’Ausay, comme cy devent ait estez dit.
Grant briganderie de gens autour de Mets. — Item, tantost après et
dever la Pentecoste, avint que ung capitainne desdit Bretons, nommés
l’Aircheprestre, et duquelle je vous ait heu par cy devent parlés, avec
sa grande compaignie (lesquelles estoient touctes maulvaises gens
sans foy et sans loy, et pire que ne sont Sarasins ; et estoient à cy
grand nombre que l’on les estimoit de LXm, cen les verlet et poursuiant, que ne prisoient leur vie une angevinne), yceulx enraigiés en
ce meisme tamps c’en vinrent on Val de Mets à grand ost. Puis ont
passé la rivière de Muzelle encontre Mollin, et c’en allairent abourder
à la ville de Magney. Et alors les signeurs et gouverneur de ladicte
cité, voiant celle grande multitude de satallite, contre lesquelle n’avoient
puissance de résister, la vigille de la sainct Jehan Baptiste, ce retirairent en leur pallas a conseille pour sçavoir et déterminer cornent
et en quel manier on en polroit faire pour le milleur. Car il estoit sceu
et cogneus qu’il n’y avoit prince en toucte France ny Allemaigne, ne
cité, tant fut forte, que ne ce fut ransonée en la mains de ces mauldis
chiens enragiés ; et meismement nostre sainct perre le pappe, comme
cy devent ait estés dit. Parquoy il fut advisés et conclus que, tout
premièrement, on arderoit les bourgz de la cité. Car il leur sambloit
que c’estoit tropt fort affaire et tropt grant péril de garder les bourg
contre cy grand quantité de gens, et que il souffisoit de bien gairder
la ville. Touteffois, l’on dit que les bourgz de la cité, que alors furent
ars, c’il eussent estés tous ensamble, il eussent fais et tenus causy
autans de plesse que contenoit toutte la ville. Et, après ce advisés et
déterminés, il fut encor conclus de les assaier, ce à force d’argent on
les pourrait apaisanter, comme peu devent avoit fait l’ampereur en
Aussay. Ou sinon, autrement, et qui n’eust fornis à l’apointement, il
heussent gaistés et destruit tout le pays.
Apointances de donner aux annemys xviij mil florin d'or. — Alors,
après ce conseille acordés, envoiairent lesdit de Mets leur comis devers
le devent dit capitaine l’Aircheprestre et ces aliés. Et fut apointés
avec yceulx pour la somme de XVIII mil florin d’or. Pour lesquelles
à trouver il fut advisés là où ce trouvanroit ycelle somme. Et tellement
que, d’iceulx XVIII mil florin, les manbours de l’abbé de Sainct Sim-
5â
LES GRANDES COMPAGNIES AUTOUR DE METZ
(1365)
phorien en prestairent X mil, malgrés eulx. Et, pour ce fait, cy en fut
encor le conseil et les paraiges mis et semonus ensemble, à heure de
nonne, au Grand Moustier, pour veoir cornent on poulroit trouver les
XVIII mil devent dit. Sy furent trouvés de cost lesdit mainbours
les X mil devent nommés. Et le conseil fist tant que aultres VIII mil
furent trouvés aultre part ; et furent délivrés audit Archeprestre et
à ces gens. Et, par aincy, promirent que lesdit de Mets dévoient avoir
bonne paix. Et, quant a fait du débat de la ville de Noeroy, la chose
en devoit demourer et estre mise sur le conte de Salbruche.
L’Archeprestres parmei l'éveschiés. — Après ce fait, ledit Arche
prestre et ces gens se partirent du pais de Mets et c’en allirent parmy
l’éveschiés. Et fut ce fait, comme on disoit, par le pourchais et con
seille d’aulcuns qui n’amoient pas les partie A Car, desjay en ce tampts,
estoit venus et essus pour évesque de Mets le devent dit Thiédric
de Bopart, duquelle nous parlerons ycy après. Et n’estoit point alors
ycelluy évesque amés de la signourie ne des citains de Mets, pour le
plait qu’il menoit en l’encontre d’eulx, comme jay tantost vous serait
dit. Parquoy yceulx lairons capitenne leur furent ainsy envoiés. Mais
ledit évesque Thiédric, lequelle alors estoit à Wy, c’en deffit a mieulx
qu’il polt. Car il fist tant que les capitaines vinrent parler à luy, et
adoncques il leur donna plusieurs biaulx courciers. Et par cest manier
il les appaisait, tellement que d’illec ce partirent et c’en aillirent tout
parmy l’éveschiez sans y rien mefïaire. Et disoient yceulx Bretons
que c’estoit l’ung des biaulx prélas qu’il eussent oncque veu.
Puis s’en allirent en la duchié d’Osteriche. Car le sire de Coucy y
clamoit part pour sa mère, parquoy il y envoya celle gens, lesquelles
furent aincy envoiés pour gaingnier et conquérir la conté de Fairaite.
Puis furent à Salleverne, et de là c’en allirent jusques à Sarebourg.
Et tellement qu’en ce voiaige l’empereur, ne toutte Allemaigne, ne
leur firent oncque rien, sinon d’autant qu’il brisairent et desrompi
rent les paissaiges, parquoy il ne polrent passer le Rin. Et, quant il
olrent estés en Aussay par l’espace d’ung moix, alors ledit ampereur
s’enforsait de gens, et avec yceulx les poursuit jusques à Sainct Nicolas
de Wairangéville, sans leur rien mefïaire. Et là ce despartit la compaignie l’Archeprestre ; et c’en allirent les ung dessay et les aultres dellà,
cen sçavoir que tout devint.
Cy lairons à parlés de ces chose, et retournerons à parler cornent
fut faictes celle translacion de l’évesque Jehan de Vienne en la cité de
Baille, et l’évesque Thiédric de Bopart mis en son lieu à Mets.
1. Cette expression obscure désigne évidemment l’évêque et son parti.
JEAN DE VIENNE TRANSLATÉ A L’ÉVÊCHÉ DE BALE
[de
(1365)
la consécration de thierri de boppart, en
au renvoi des prisonniers barrois, en
53
i365,
i36g]
Translation de l’éveschiés de Baisle contre celle de Mets. — Or doncque
je trouve que, en celle meisme année mil trois cent et LXV, fut alors
faicte celle translacion du devent dit seigneur Jehan de Vienne, évesque de Mets. Lequelle, en ce tamps, par une supplicacion0 malicieuse
ment donnée à nostre sainct perre le pappe, fut transmué d’icelle
éveschiés de Mets à l’éveschié de Baille en Suisses, comme dit est.
Or estoit celle suplicacion faictes pour cuyder confondre et déhonnorer
les bons bourgeois de la cité de Mets, comme cy devent ait estés dit.
La supplicacion en brief langaige estoit telle et aincy escriptes :
« Sainct perre *1, nous vous saluons et suplions, pour l’amour de
Dieu, que vous nous voulliens pourveoir par vostre graice en aulcun
aultre bénéfice de Saincte Église. Car, vrayement, en l’éveschié de
Metz, je n’y peulx plus estre ne demourer, car se sont gens sans foy
et sans loy, et qui ne croyent mie en Dieu. Ains sont telle gens que je
ne vous poulroie racconter de leur estât, ne de leur clergie, et plus n’en
dit. »
Or avint, ung peu de temps après celle suplicacion donnée, que
Charles de Bahaigne, empereur de Romme, et duquelle nous avons
cy devent parlés, vint en Avignon parler à la personne nostre sainct
perre le pappe, pour aulcune besongne qu’il avoit à faire. Et alors
ledit sainct perre ce advisait de la supplicacion le deventdit évesque
de Mets, et la présenta audit ampereur, et luy dit que il la volcist lire.
Et il la leut de motz à motz. Et alors le sainct perre luy demandé
qu’il luy en sembloit. A quoy l’empereur respondit tout à l’heure
qu’il avoit esté à Metz par deux fois : « Mais, « dit-il, » j’ay esté en plu
sieurs citez et en plusieurs villes, ne jamais ne vit cité ne ville où la
clergie fissent guerre plus beaulx service nez 2 qu’il font à Metz. Et,
quant au resgard des bourgeois ne de la comune, je n’y vit oncquez
que tous biens et tout honneur et révérance. Et sont gens fort obéissans à leur souverain, et servent dévotement Dieu Nostre Seigneur,
comme il me samble. » Et, dès incontinant, ledit empereur, voient
cette malvitiet, pansait à son cas, et priait au deventdit sainct perre
qu’il voulcist pourveoir ung sien clerc à l’éveschiés de Mets. Et le
sainct père luy respondit qu’il ne povoit oster ledit évesque de son lieu
jusques à tant qu’il l’averoit pourveu aultre part. Et alors fut trouvés
que l’éveschiés de Baille estoit vacquant. Parquoy, tout incontinant,
fut faictes ung enchange de l’éveschiés de Mets contre ycelle éveschiés
de Baille. Dont ledit évesque Jehan, quant il le soit, fut bien couroussé ;
et moult c’en repantist depuis, comme cy devent ait estés dit.
a. E : qui par avant avoit estez (adjonction de la main de Philippe).
1. Cette lettre est reproduite par Meurisse, HÊv., p. 517.
2. Net, en ancien français neïs, net, renforce ici simplement la conjonction que.
54
BERTRAND DU GUESCLIN EN CASTILLE
Ung compaignon de Mégneg décapité. — Item, aucy en celluy tamps,
fut trouvés et prins par lesdit de Mets ung malvais guerson, nommés
le Rullart, nacionés de la ville de Maigney, au territoire de Mets ; et
fut mis a pillory, et puis fut traynés sus la brouuette et décapité sus
la rue, pour ce que ledit avoit fait moult de malz avec les deventdit
Burthon. Car il les avoit guidés, et fait plusieurs aultre cas.
Bertrand du Guesquiti sus les Turcqz. — La Merre des Istoire nous
raconte que, en celle dicte année mil trois cent et LXV, messire Ber
trand du Guescluin prinst et allya à soy la greigneur part de touctes
les compaignies des devent dit pillars, tant des Anglois comme d’iceulx
Burthons, Normans, Gascons et aultres nations, qui dégastoient le
royaulme de France, et fit tant qu’il les mena sur les Sarrazins, où ilz
ce pourtèrent vaillamment.
Ung escollier vers Lubec dormir vij ans. — Item, aucy en ce temps,
il avint que, en la cité de Lubec, y eust ung escollier qui dormit VII ans
sans se esveiller, et puis après vesquit encor longuement.
Le roy de Honguerie de guerre aux Véniciens. — Et, aucy en ce meisme
tamps, Loys, roy de Honguerie, esmeut grant guerre contre les Vénissiens.
Vaillance de Bertrand du Guesquin. — Pareillement, aprez ce que
ledit Bertrand du Guescluyn eust prins la cité de Burs et conquesté
le royaulme de Castille, il fist couronner en roy Henry d’Espaigne,
frère de Pietre, roy de Castille et conte de Tristemare. Et, par ainsy,
ledit Hanry donna au dit messire Bertrand la dite conté, et le fist duc
de Tristemare, comme de la terre des Turcz. Ledit Bertrand conquesta
ledit royaulme de Castille et pays dudit Pietre en moing de trois moix.
Et disoit-on que c’estoit miracle et vengeance de Dieu. Car ledit roy
Pietre estoit ung des plus puissans roys des christians en terres, en subgectz et grans trésors. Et si estoit cruel et hardy, dont avoit fait maintes
tirannises à son peuple, parquoy il en estoit hay, et n’osoit avoir recours
à eulx. Aussy il avoit fait murdrir cruellement sa femme espousée,
qui estoit très honneste et loyale créature, fille du duc de Burbon qui
mourut en la journée de Poictiers, et seur de la reine de France.
Arnoull Canoll, pillair, dépeschiés. — Item, aucy en ce tampts,
messire Arnoult Canolle, chevallier et capitaine de plusieurs compaignie d’iceulx malvais guerson qui encor faisoient infmitz maulx en
France, fut tués et mis à mort par ces homme ; dont tout le pays fut
moult joieulx, car il estoit malvais, faulx et traytre garnement.
Bertrand du Guesquin prisonier, avec aultre prince. — Paireillement,
advint en ce tampts que, le troisiesme jour d’avril avant Pasques, le
devent dit messire Bertrand du Guesclin, avec messire Arnoult de Denehan i, mareschal de France, et le Bègue de Villaines, avec plusieurs
aultres François, Bretons et Arragonnois, furent prins et détenus
prisonnier par le prince de Galles et par le devent dit roy Pietre de
Castille, lequelle peu devent avoit estés deschaissiet de son pays par
1. Le maréchal Arnoul d’Audrehem.
THIERRI DE BOPPARD CRÉÉ ÉVÊQUE DE METZ (1365)
55
ledit messire Bertrand, comme dit est. Mais aulcune istoire meste
que ce fut fait en l’an aprez, mil IIP LXVI. Et d’icelle journée s’enfuyt le roy Henry de Castille avec ces Castellains.
Gros vent aux paiis de Mets. — Item, il avint aucy en celle meisme
année, par ung macredi devent l’Assümcion Nostre Damme, qu’il
fist ung cy grand et orible vent que de loing tampts l’on n’avoit a veu
le paireille. Et tellement que d’icelluy vant fut le quart du moustier
Sainct Pier aux Ymaige en Mets cheut tout à terre. Et, pareillement,
les gros ormes qui alors estoient en la grand court de Sainct Vincent
furent rayés. Et cheurent encor de ce vant plusieurs aultre édifice,
tant on pais de Mets comme aultre part.
Mais nous lairons de ces chose à parler, et retournerons aulx évesque de Metz.
Thiédricle de Boparl, lxxiiije évesque, thinl sciège xviij ans. — Thiédryt, de Bopart sur le Ryn, fut le LXXIIIIe évesque de Mets. Et fut
fait évesque à la prière de Charles le quart, empereur de Romme et
roy de Bahaigne, comme cy devent ait estés dit. Car, en celle devent
dicte année mil trois cent LXV, il fut translatey de l’éveschié de
Warmase à l’éveschié de Mets, corne dit est.
Celluy évesque estoit noble homme, et estoit frère le Baier de Bo
part. Il estoit aussy hault de corps, ou plus, que homme que fut on
pais de Lorrainne ; et estoit bien cognus de l’empereur Charle et du
duc de Brabant, son frerre. Et, parmy les bons services qu’il leur avoit
fait, il fut pourveu à l’éveschié de Mets. Celluy évesque fut plusieurs
fois ambaxadeur dudit empereur au pappe et du pappe à 1 empereur.
Il gouverna bien et gracieusement son éveschiés jusques près de sa
fin, tellement que il estoit riche et plain, et l’éveschié en bon estât.
Ce noble évesque savoit bien parfaictement les trois langaiges, c est
assavoir allemans, roman et latins. Et fut receu à 1 éveschié de Mets
le lendemain de la Toussainctz, et comença bien à gouverner son
éveschié, comme dit est.
Mais les cler, aient envie de la temporalité *1, dissent que à la fin il
guaitait tout, de ce qu’il fit accord à ceulx de Mets du plait que son
devantrien avoit accommencié, et duquelle il en oit grant argent ;
parquoy il l’em blamairent moult depuis. Car, s’il heust maintenu
la plait, il disent qu’il eust gaingnié, et eust affranchy son clergié,
quy avoit esté et est encor en servitude de taille, de banissement,
d’amande et de gait et de toutes aultrez chose, comme sont les corvisier, savetier et lenternier et telle manier de gens de la ville de Mets.
Toutefïois, ne fut pas ce fait sans grand huttin. Car, avent que la paix
en fut faictes, il les fit excomuniés, pour ce qu’il avoient banny aulcuns
de la clergiez. Parquoy il les plaidoiait à court de Romme, et mist
a. Mss. : l’on avoit.
1. La phrase signifie que les clercs, avides de richesses (ayant envie de la tempo
ralilê)t n’ont point pardonné à l’évêque son accord avec la ville de Metz.
56
THIERRI DE BOPPARD, ÉVÊQUE DE METZ
le cesse en la ville de Mets. Et y fut deux ans et trois mois, c’est assavoir
dez la sainct Jehan, l’an mil IIIe et LXVI, en jusques en l’an mil trois
cent et LXVIII. Et ne chantoit on que à huis clos par touttes les
églises de la cité. Et, quicunque moroit, on le mettoit en terre prophainne. Toutefïois, après plusieurs chose faicte, à la fin, le cesse fut
osté. Et en oit ledit évesque, pour celle paix à faire, bien la vallue de
V mil frans, comme on disoit.
Celluy Thiédrich édiffioit très voulentier. Et fit faire à Nommeny
ung belz chastelz. Et, à Vy, il fit reabillier les tours du chaistelz, les
salles, les fossés, et plussieurs aultre édifices. Item, il fit fermer Moienvy de murs ; et pareillement Bacarait, et y fonda une belle église. Et
le chastel de Rambeviller, qu’estoit ars et destruit dez long temps,
fist-il moult noblement rabillier ; et y fit plussieurs nueves édiffices.
Puis il reffit le chaistel de Sairebourg, qui pareillement avoit esté des
truit passé cent ans. Item, aussy à Hombourg fist-il plusieurs belle
édiffices. Et pourchassa tant que le chastelz de Helfredenge fut rendauble à l’éveschié. Et celluy d’Aspremont, lequelle aultrefois avoit
esté rendauble à l’éveschié, et que, par la force des seigneurs du passez,
il estoit comme obliez, fit ledit évesque tant au duc de Braibant,
frère au devent dit empereur, en cuy main il estoit venus, qu’il le
reprint de luy comme rendauble. Pareillement, il racheta le chastel
de La Garde, qui estoit en guaige.
Ce noble évesque estoit hons de grant porchais et de bel traictiez,
et fist une grande paix entre le duc de Lorrainne et l’arcevesque de ■
Triève. Pareillement, il porchassa une landefride à plusieurs année
entre luy et le duc de Loherenne et le duc de Bar. Item, en son temps,
le duc de Braibant fut prins en une battaille du duc de Julliers. Maix
ledit évesque allait après l’empereur Charles, son frère, et fist tant que
l’empereur vint à moult grant puissance pour le ravoir, et tellement
que ledit duc de Braibant et de Lucembourg fut quicte, parmy une
cortoise ranson paiant et parmy le pourchas de l’évesque.
Or, avint que, en celle meisme année, ledit ampereur c’en aillait en
Lombardie avec grosse armée. Car il emmenait avec luy tant de ceulx
d’Allemaigne, comme de plusieurs aultre païs et nacion, qu’il furent
bien environ douze mil lances. Et fist ledit ampereur cest armée en
intancion de destruire Bernabo, le sire de Millan, lequelle déséritoit
et menoit la guerre encontre l’Église. Et, en celle compaignie, avec
ledit ampereur, y fut ledit évesques de Mets à grant gens d’armes.
Et en ce voiaige fist plusieurs foix messaige et ambaxade de l’empe
reur au pappe, et du pappe à l’empereur.
Mersault prinse et reprinze. — Or advint que, pour l’année |
qu’il fut revenus de Lombardie, ung escuier de Loherenne, qui
estoit appellé Bertrand de Nouviant, print et gaingnait la ville
de Marsault. Et entrèrent secrètement dedens, lui et les siens :
car il c’estoient desguisés et vestus en habit de bons homme de I
villaige ; mais il estoient armez desoubz à la couverte. Et, à leur
premier venuee, firent tant que il gaingnèrent l’une des porte de la
LOUIS CROUVELET, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1366)
57
ville, et la deffandirent jusques à tant que la grosse rotte, qu’estoit en
embûche, vint tantost après ; et entrirent tous ; et ancy gaingnèrent
la ville. Et, quant le deventdit évesque, qui alors estoit à Vy, le soit,
il fist tout incontinent armer ses gens, et y mena son seroirge, messire
Jehans, seigneur de la Pierre. Lesquelx seigneur Jehan de la Pierre,
et ces trois filz, et avec yceulx XXX lance tant seullement, et plusieurs
sergens, tout ces gens icy, en la compaignie dudict évesque, entrent
à Mersault par une poterne, cy secrètement que les annemys ne se
prindrent oncque en garde. Car il estoient tous dispars par la ville,
qui roboient et pilloient tout ce qu’il pouvoient trouver. Et tellement
qu’ilz furent sousprins, et ne se polrent rassembler. Parquoy la plus
grande partie en furent prins et tués. Et en furent mis en une seulle
fosse bien environ IIIIXX, tous gentilz hommes, chevaliers et escuiers.
Et, avec ce, en y oit grant foison des prins ; et aulcuns aultre c’en
fuirent et eschappirent.
Pareillement, celluy évesque, durant son tamps, fist encor plusieurs
chose. Entre lesquelles il mist le sciège devant Sarebruche, pour ce
qu’ilz ne luy volloient mie congnoistre plussieurs de ses drois. Et,
après plusieurs domaige fais par le moien du conte de Petitte Pierre
et de Sareberden, fut fait escord entre les pertie. Et fut ce fait essés
loing tamps après, quant le milliair couroit par mil trois cent et LXXVI.
Le chief sainct Eslienne apourtés à Metz. — Item, aucy en celle année,
le jour des Palme, il fist la grant procession dez Sainct Arnoulfz jusques
à la Grant Esglise, ensi comme avoit fait l’évesque Regnauld dessusdit.
Et, en celle procession, il apporta en ses mains le chief sainct Estenne,
et l’offrit sur l’aultel de la Grant Église de Mets. Lesquelx chief pappe
Urbain cinquiesme avoit donné à Charle le quart, empereur, et ledit
empereur le donna au deventdit évesque Thiédrich. Et ledit évesque
le fist mettre en or et en argent et en pierres précieuses, comme il
est encor de présant, puis le donna à la Grant Église de Mets, pour le
jour meisme et au retour de la deventdicte grant porcession.
Celluy Thiédrich fut évesque de Mets XVIII ans. Puis morut, la
XVe kalende de febvrier, l’an mil IIIe IIIIXX et trois ans. Et fut son
corps ensevelly en la chapelle que l’évesque Édémars avoit fait faire
en la Grande Église de Mets.
Mil iiic Ixvj. — En l’an après, que le milliair courroit par mil trois
cent et LXVI, fut maistre eschevin de Metz le sire Louuy Crouvelet.
Et luy escheut le IIIe jour de son an l’eschevignaige le seigneur Ni
colle Drouuin, que avoit esté maistre eschevin l’année devant.
Deffiance contre la cité par Palmaire. — Item, en celle année, déi
fiait Palmaire la cité de Metz, pour aulcun dons qu’il avoit fait au
conte de Spanehen de l’héritaige Jennat Bataille. Mais, avant que
l’ans fut passés, ledit Palmaire eust bonne paix envers la cité de Mets,
et fut son acord fait. Touteffois, en celle meisme année, espiait ledit
Palmaire ung citains de Metz, et homme de linaige, nommés Bertrand
le Hungre, lequel alors alloit oyr la messe à Nostre Damme en Champs.
58
ARNOULD LAMBERT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1367)
Et là le print ledit Palmaire, et le menait à force devant luy, et voulloit qu’il luy crantit de venir où qu’il luy plairoit. Laquelle chose il
ne volt oncquez faire, et fist une alairme. Et, quant le peuple le soit,
il y acorurent à pal et à massue, à wouge et à dairt. Et adonc il le
laissait aller, pour la doubtance du cris qu’il fist.
Les Breton aux paiis de Lucembourg. — Aucy, en celle dicte année,
après la sainct Remy, revindrent les Brettons en la conté de Lucem
bourg; dont le conte de Brabant les en chassait en jusques a dellay de
Bar-le-Duc. Et en celle chaisse en y oit aulcuns dez retenus, lesquelles
furent prins et pandus.
Deux escuier décapités en Mets. — Pareillement en celle année, la
justice de Mets fist copper la teste de Geoffroy de Lustange et de
Hanri d’Anserville, escuier, pour plussieur meffait qu’il olrent fait
contre la ville a bonne gent trespaissant par païs.
Le sénéchal de Tholouze dêconfisl. — Aucy en celle dicte année, le
sire d’Albrech desconfit le sénéchal de Tholouse emprès de Montauban,
et y oit en ce lieu une grosse escarmouche faictes.
La nativités de Bichair d'Angleterre. —Item, en celle meisme année,
délivra la royne d’Angleterre d’ung biaulx filz, nommés Richart ; et
fut baptisés à Sainct Andrieu de Bourdiaulx, et oit pour parains l’évesque d’Argen en Aginoys, et le roy de Maillorques. Et fust depuis cest
enffant roy d’Angleterre.
Mil iiic txvij. — Item, l’an mil trois cent LXVII, fut maistre eschevin de Mets le sire Arnoult Lambert, chevallier.
Partie du chasteau de Wery abalus. — Et, en celle année, durant le
karesme, fut abbatu le chastiaulx de Verry, c’est assavoir la partie
Jehan de Verry, par ceulx de la conté de Bar. Et fut aussy prins le
chastiaulx qu’on dit Halsedange par ceulx du conte de Bar. Lequel
chastiaulx fut vendu audit conte par le filz de celluy à quy estoit la
moitié dudit chastiaulx.
Guerre entre ceulx de Mets et Pier de Bar. — Pareillement en celle
meisme année, olrent ceulx de Metz grant guerre encontre Pierre de
Bar. Et fut prins par lesdit de Mets le chastiaulx de Mandre le samedi
devant feste sainct Benoy ; et ne thint à gaire que on n’eust prin Beuconville. Et meisme eust estés prins ledit seigneur Henry de Bar, se
se ne fussent estés les Allemans qui estoient du partis desdit de Mets,
lesquelles firent une grand heuées 1 en cuidant prandre lé bestiaulx.
Parquoy le gait fut rompus, et adoncques ce retirait ledit seigneur
Henry on chastiaulx ; car alors il estoit en ung beffroy ou baille 2.
Le chastelz de Heys prins et le seigneur décapité devant la Grant Église.
— Pareillement, lesdit de Mets, en celle meisme année, par ung lundi
devant feste sainct Jehan Baptiste, c’en allairent asségier le chastel
1. Huée. Il faut comprendre que les Allemands se précipitèrent avec des cris pour
enlever les bestiaux, abandonnant la surveillance du château.
2. Il est difficile de préciser ici le sens de beffroi (baille) : le mot désigne sans doute
une tour de guet médiocrement défendue par une palissade.
LE PAPE UBBAIN V QUITTE AVIGNON (1367)
59
de Heis, onquelle Henry de Heis et sa femme estoient enclos, pour
plussieurs méfiais qu’il avoit fait. Et y estoit aussy ung sien frerre,
moinne de Gouxe, avec luy enclos. Et ne volt oncquez ledit Henry se
rendre à ceulx de Metz, tant comme il polt tenir, maix que saulve son
corps et sa vie. Toutefïois, au dernier, quant il vyt le cheton *1 que on
dressoit, et les autres artillement, il se randit, et mist son corps, son
chastel et toucte la sienne chose en la main de la justice de Mets pour
faire toutte leur volunté. Et tantost au lendemain fut amenez en
Metz, et luy coppait-on la teste tout devant la Grant Église d’icelle
cité.
Cy lairons de ces chose à pairler pour le présant, et dirons cornent
nostre sainct perre le pappe Urbain, Ve de ce nom, laissait le sciège
d’Auvignon, et c’en aillait ce tenir à la cité de Viterbe, et de ce qui
en avint.
Mutation de lieu par le pappe Urbain. — Maintenant vous veult
dire et raconter cornent, en celluy tamps, devers le moix de maye,
nostre sainct perre le pappe Urbain, sincquiesme de ce nom, se partit,
luy et toucte la court, de la ville et cité d’Auvignon, pour c’en retour
ner à Romme, auquelle lieu le premier siège des papes fut establys
et ordonné. Et ce luy fit faire la bonne dévocion qui estoit en luy. Car
il luy sembloit que c’estoit chose plus raisonnable et plus digne que
le sainct siège fut on lieu propre et là où premier il fut estably, que aultre part. Et, pour ce, fit trousser malle et somier, et fist comender à
ces gens des parties de Avignon que, c’il avoit nulz que de ces jour en
avant volcist plaidier ou citer l’aultres, qu’il le fist citer en la cité de
Viterbe, pour ouyr la cause et les raisons, jusques à tant que luy et
ses cardinaul et sa famille seroient assis paisiblement en ladicte cité
de Romme. Et tellement dilligentait ledit sainct perre qu’il vint en cel
luy moix mesme à la cité de Viterbe, et là tint sciège en jusques à
tant que ses besongnes fussent mieulx ordonnées pour c’en aller à
Romme.
Grant inconvénient advenus à peu d’occasion. — Or, escoutés
ung grand cas digne de mémoire, lequelle avint en celle meisme année
durant que ledit sainct perre estoit à la cité de Viterbe, comme dit est,
et par lequelle plusieur mal avindrent, et pour petite chose. Le cas
fut telz que, en ce tamps, ung varlet de la livrée le cardinaul de Vienne
vint à laver ses mains en une fontainne de la dicte cité, en laquelle l’on
puisoit l’eawe pour cuisiner et pour mestre au feu, parquoy l’on n’avoit
pas à costumes a de c’y laver les mains, ny aultre chose, ains la tenoit
on fort nestement. Sy sourvint ung jovanciaulx de la ville, qui de ce
fut mal contant, et l’en blaimoit. Mais celluy verlet, fier et orguil-
a. E : acostumés.
1. Chat : machine de guerre ; sorte de galerie couverte montée sur roues. Philippe
emploie ici un diminutif.
60
NICOLE NOIRON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1368)
leux, luy respondit fierrement, et de fait luy dit de grant villenie. Et,
encor plus fort, luy dit que en son despit il y Iaveroit ses mains, son
nés et quant qu’il pourtoit. Et celluy jouvanciaulx de la ville c’en
complaindist tantost à aulcuns ses compaignons, et leur dit tout le
fait, et la villennye qu’il luy avoit dit. Parquoy ceulx de la ville c’y
en allont parler à luy pour luyremonstrer sa faulte. Mais il respondit
encore plus haultement et plus fièrement qu’il n’avoit fait, et à la fin
il se combatit à eulx. Parquoy il les ameute *1 à courous, et fut moult
bien battu. Sy s’en allit incontinant à la livrée dudit seigneur, tout
saingnant, et leur montrait le sanc et les copt, cen leur desclairer le
tort qu’il avoit. Et, tantost, ses compaignons, cen enquérir du fait, c’en
allirent bien furieusement pour batre ceulx qui l’avoient aincy battus.
Et, incontinant ce fait, toute la comune fut esmeutte, et se sont armés,
et c’en allirent à l’hôtel dudit cardinaul, et de fait navrirent et tuairent plusieurs de la famille dudit cardinal. Et fut à celle petitte occasion
le huttin cy grand que à painne en eschaippait ledit cardinal de leurs
mains. Et encor, de fait, ont assaillis le sainct perre et les aultres cardinaulx, tellement que ledit sainct perre, qui de ce fait oit grant peur,
envoya tantost à Romme quérir secours. Dont ceulx de Romme
vindrent à ladicte Viterbe, jusques a nombre de XVI mil combattans.
Et, quant ceulx de Viterbe lez seurent venant, alors il heurent grant
peur, et vindrent en la mercy du sainct perre. Lequelle les y print et
ressut très voullunthier, voir par tel cy et en la manier que cy aprez
s’ensuyt. Premier, il en fist pandre plusieurs és chénault de leur mai
son. Et puis fist arraser les murs de ladicte ville, tellement que à tous
jours maix elle ne fut plus cité, ains en fist ville champeste. Et de
ses pierres fit faire après de là ung chastel, auquel y demoureroit à
tousjour maix une quantité de gens pour le garder et pour tenir la
ville subjette. Et, avec ce, que ceulx de la ville paieroient leur despens, et que jamais les enffans de la ville ne puissent tenir nulle béné
fices de Sainct Esglise, et que la ville perdit son nom d’éveschié à
tousjour maix. Et encor, avec ce, qu’il fussent à tousjour maix re
devable à tous les aultre pappe de Romme qui après luy vanroient. Et,
tout ce fait et crantés °, le sainct perre s’en allayt à Romme. Et aincy,
pour une petitte occasion, vint ung grant mal, comme cy devent avéa
oy.
Cy vous lairas de ces chose à pairler, et retournerés a maistre eschevin et à aultres merveilles que durans ce tampts avindrent en Meta
et on pays.
Mil lilc Ixvilj. — L’an mil trois cent et LXVIII, fut maistre eschevin de Metz le sire Nicolle Noiron.
Meussei prime par ceulx de Mets. — Et, en celle année, fut prina
le chastel que on dit Meussei par ceulx de Metz. Et fut ce fait le jeudi
a. E : quant tout ce fut fait et crantés (de la main de Philippe).
1. Il les émut.
I
LE DUC DE BAR PRIS PAR LES GENS DE METZ (1368)
61
après l’Anunciacion Nostre Damme en karesme ; et fut ledit chaistel
tout airs, et la ville desoubz pareillement.
Combat assignés à Lynei en Barrois. — Or, escoutés une merveille
et une adventure digne de mémoire que en cest année advint. Il est
vray que alors estoit ung seigneur, nommés seigneur Jehan de Mars,
chevalier, lequel, par envie, ou possible per le bouttement 1 d’aultrui, appellait et arainait de traiexon le seigneur Robert de Hervilley, sire de Gravilley, chevalier, qui, à ce temps d’adoncquez, estoit
capitainne de la cité de Mets. Et, de fait, ledit sire Robert luy assi
gnait et mist journée de luy faire bon et de luy purifier et ce deffandre de ladicte traïson corps à corps encontre luy. Et fut le jour essinés et mis pour le quart jour du moix d’apvril, en la court du conte
de Sainct Polt ; et ce devoit tenir celle journée à Linei en Earois.
Et tellement allait la chose que ledit seigneur Jehan de Mars fut
recuillés et les gaige et ostaige prins des partie. Et, le jour venus,
lesdit de Mets envoiairent de leurs gens pour acompaignier ledit
seigneur Robert, jusques a nombre de VIXX glaives tant seullement,
pour luy aidier son honneur à retenir. Et n’avoient lesdit de Mets
alors nulle querrelle ne nulle voullunté de nully grever, tant 2 com
me pour le fait de ladicte journée. Et tellement ont chevaulchiés
que, au jour assignés, ledit seigneur Robert ce vint présenter. Et fut
là en atandant son homme tout le jour, et tant que le mardi fut paissé ;
ne jamaix homme vivent ne s’apareust pour ledit seigneur Jean de
Mars, à l’heure déterminée ny aprez. Et, ce fait et acomply, ceulx
de Metz, congnoissent que nul ne venoit, prinrent tesmoing de la
chose, puis montairent à chevaulx et s’en allont paisiblement et bien
joieulx avec leurs compaignong champion, comme victorieulx de la
besoigne. Mais, en s’en retournant qu’ilz faisoient, cen panser à malz,
ne sans ce doubter de nully, leur sourvint à l’encontre ledit duc Robert,
duc de Bar, et le sire Jehan de Saulme le josne à tout leur puissance.
Lesquelles estoient bien armés et montés, jusque a nombre de VIIXX
glaives et plus. Et, dès incontinant qu’il virent nous citains et anfïans
de Mets, ont saillis hors de leur ambuche, et leur coururent sus, cri
ant : « A mors ! », et disant : « Randés vous ! » Mais lesdit de Metz,
voyant la trayson, ce defïandirent comme lions.
Le duc de Bar prins par ceulx de Mets. — Et, de fait, après plusieur copt donnés et ressus, ont tellement labourés qu’il ont prins le
duc de Bar, avec le conte de Petitte Pierre, lequel devoit estre de la
partie de ceulx de Mets pour l’amour de l’abbé de Gorse, son oncle.
Et avec yceulx prinrent encor ceulx icy après nommés, c’est assavoir
le seigneur Robert des Armoises, le seigneurs Loys du Saulcy, le sei
gneur Jehan d’Arranthier et son filz, ledit seigneur Jehan de Mars,
1. Faut-il corriger : par l’aboutement ? Le sens est clair : à l’instigation d’un autre
(le duc de Bar).
2. Il semble qu’il faille ici suppléer quelques mots : tant en général qu’en ce qui
concernait cette affaire particulière.
I
62
TENTATIVE D’ÉVASION DU DUC DE BÀR (1368)
le seigneur Guillaume d’Estainville, Huart de Villey, Jehan du Chastellet, Jehan Vautrouville, Jehan l’Ardennoy de Toul, et encor plus de
LX dont je ne sçay les nons. Et y furent occis le seigneur Jehan de
Saulme le jonne, seigneur Hunbert de Lunéville, le seigneur Raulx
de La Tour en Ardanne, Jehan de Sorhey, et plussieurs aultres avec
eulx. Et en furent blessé et nauvré plusieur jusques à la mort. Et,
après celle belle victoire, lesdit de Mets enmenairent ledit duc de
Bar à force et malgré luy tout parmy la duchié de Bar.
Or, escoutés, c’il vous plaît, ce qui en avint encor. Il est vray que,
quant la bataille ce devoit acomancier, les paiges de la partie des Barisiens enmenairent partie des chevalz à la cité de Toul ; et y furent
près de quinze jours ; et à la fin furent ramenés à Metz par Geoffroy
de Gondrevaulx. Cy advint que, en celle rancontre, le seigneur Jehan
de Vy, citains de Mets, avoit estés prins en ladicte bataille d’ung des
filz de Vaultrouville. Et avoit promis sa foy ; parquoy, tantost aprez,
lesdit de Mets ce en allirent dehors en airme et enmenairent avec eulx
ledit seigneur Jehan de Vy. Mais, dès incontinent qu’il vint là, sa foy
luy fut quittée.
La Chaussiée et halle brullée par ceulx de Mets.— Et, au revenir qu’il
faisoient, il s’en allont à la Ghaulcie, et ardirent toute la ville et la
halle, et prinrent partie de la forte maison. Et, de fait, l’eussent heu
toute prinse ; mais ilz se ranssonnèrent et ce mirent à la mercy desdit
de Mets.
Le duc de Bar pense eschaper. — Peu de tamps aprez ce fait et ne
tairgeait pais lunguement que ledit duc de Bar, luy estant en prison
à Mets, en une chambre, volt eschapper par deux fois. La premier fois,
ce fut chieu Jehan Gellée ; et, l’autre fois, chieu Gymel en Veseigneul;
et fut la vigille de la sainct Pierre en fenal. Cy vous diray la manier
cornent ce fut. Il est vray qu’il estoit avec le conte de Petite Pierre
et Huart de Viller et Richart de Chardigne, lesquelles on avoit mis
avec luy pour luy tenir compaignie. Or estoit il ainsy que la servande
de l’ostel avoit coustume de luy faire chacun jour son lict. Sy advint
que ledit Gemel, qui estoit le maistre de la maison, demandait à ladite
servande s’elle avoit fait le lict le duc. Laquelle luy respondit que
non, et qu’il y avoit bien trois jours passé qu’elle n’avoit esté en la
dicte chambre. Et, adonc, Gemel, doubtant du fait, ce partist tantost,
et l’alla conter aux Septes de la guerre. Et eulx, avertis de la chose,
vindrent incontinant veoir que ce purroit estre, et trouvairent ung
grant pertuis desour le chavet du lict là où le duc couchoit. Lequel
pertuy il avoient fait entre eulx d’ung instrument de fer qu’on appelle
pied de cheuvre et d’ung saiplat b Et trouvairent encore des dagues
et des espées, nommée bauzelaires 12, avec des cordes pour lui avaller.
Et tout ce trouvairent lesdit Sept de la guerre quaichiés au train 3 du
1. Serpelet, petite serpe.
2. Baselarde, sorte de coutelas.
3. Il est difficile de préciser ce que Philippe entend par le train du lit : peut-être
i’agit-il d’une sorte de ciel de lit.
Naissance
de
Charles
vi,
ro! de
France
(1368)
63
ltct et en la chambre, comme vous oyés. Mais, incontinent que l’on vit
le lait, ledit duc fut errier mis en prison plus forte que devent. Et
plusieurs autres prisonnier, qui par avant alloient sur leur foy permey
la ville, furent destenus en chiez leur hostes. Pour laquelle chose l’on
en fit ung dictier, parlant de ceste prinse, comme la teneur s’ensuyt :
L’an mil trois cent LXVIII
Fut mort le Salmon à grant bruit
Et le Bar prins, je vous promès,
Et avec ces barrons mené à Mets.
Tout ce fut fait, bien dire l’oize,
Le jour du benoit sainct Ambroize.
Mais depuis, s’on n’y eust resgardé,
Le duc de Bar voult eschappé ;
Toutefois, aincy corne Dieu le voulte,
Falleust primier compter à l’oste
Que saillir hors par le partuis ;
Ains couvint passer par le droit huis.
Encor, avec ces vers ycy, en furent pour ce meisme fait des aultre
compousés en latin, comme ycy aprez il sont escript :
Mille cum cento sex undecies quoque bina
Ambrosii festo Barry ductore mollesto
Hosty quique datur dux ipse Métis reseratur l.
Gy vous souffize quant à présant de ce que j’en ait dit du duc de Bar
et de sa prinze, car à aultre chose veult retourner.
Chier temps de vivre. — Item, en celle meisme année mil trois cent
et LXVIII, y oit ung grand chier tamps en la cité de Mets et par tout
le païs entour. Et tellement que alors l’on vandoit la quairte de bief
froment XXXII sols de ladicte monnoie, le groz de Mets pour XII de
niers la pièce, et plus ne valloit en ce tamps. Et le soille valloit
XXV sols. Et tantost, à la moisson après, la quarte de fin froment
ne valut que X sols, et le soille que VI sols. Et puis, après, à la sainct
Remy ensuyvant, le plus bel du merché de Mets ne vallut que IX sols,
et le meud de vin que XX sols, lequel avoit vallu auparavant L sols.
Et, en celle dicte année, entour la Pasques ensuyant, ne vallut la quarte
du millour bled du merché de Mets que V sols.
La nativité de Charles, filz de Charles Ve. — Item, en celle dicte
année, le dimenche IIIe jour de décembre, fut nez Charles, premier
filz du roy Charle cincquiesme. Et à son baptesme y oit la plus grant
triumphe que jamais fut à filz de roy.
1. Il nous a été impossible de rétablir ces vers dans leur forme correcte,
64
MARSAL PERDUE ET REPRISE PÀR L’ÉVÊQUE DË METZ (1368)
Pareillement, en celle meisme année, le deventdit pappe Urbain
fit à Monflascon VIII cardinal ; desquelle en furent le patriarche de
Jhérusalem, le patriarche d’Alixandrye, l’archevesque de Cantorhie,
et plusieur aultre.
Le roy de Gall[es] honorés. — Aucy, en celle dicte année mil IIP
et LXVIII, fut grandement honnorés le roy de Galles, pour tant qu’il
avoit déconfis le roy Henry d’Arragon, avec bien cent mil hommes,
devers Espaigne.
Pareillement, en celle dicte année, oit arrier grant guerre messire
Bertrand du Glesquin, cy devent nommés, encontre le roy dan Pietre.
Et fut ledit roy occis et desconfis avec toucte son armée.
Mariage de Phelippe le Hairdi d la fille du conte de Flandre. — Item,
pareillement ce fut en celle meisme année que Phelippe le Hardi,
duc de Bourgongne, print à femme Mergueritte, fille du conte de
Flandres.
Une tour près de Gondrecourt prinse par ceulx de Mets, et XIII des
pendus, et le capitainne le colz coppés. — Item, en ladicte année, ceulx
de Metz allèrent avec le conte de Sainct Pol por assegier une tour
séant près de Gondrecourt, en laquelle tour y avoit plusieurs maulvais garson et malfecteurs. Entre lesquelles estoit Collas des Armoises
et Franc de Laicte. Et y furent lesdit de Mets avec ledit conte l’es
pace de XV jours avant qu’ilz se vaulcissent rendre. Et, au dernier,
on minait ladite tour ; et adoncquez se randirent à ceulx de Mets
et au seigneurs de Sainct Pol. Et par cest manier fut prinse ladicte
tour, et furent les gallans de dedans prins. Entre lesquelles en furent
XIII desdit malfacteurs pandus et estranglés tout devent ycelle
tour. Et, ce fait, fut botté le feu dedans la mysne dessoubz la tour.
Et à cest heure là, et tout à ung instant, durant le temps que ladicte
tour cheut, on coppa la teste audit Collas des Armoises. Et aincy
fut paiet de sa déserte.
L’entrée de Charles, empereur, d Romme. — Aucy, en celle meisme
année, devers la sainct Remy, Charles de Bahagne, quart empereur
de Romme, à tout son povoir s’en allait à Romme. Et là fist sa venue
et son entrée en ladicte cité de Romme. Et, quant le devent dit sainct
perre pappe Urbain, Ve de ce nom, sceut sa venue, il luy vint à l’en
contre, luy et toucte sa clergie, et avec les V paraiges dudit Romme
à tout lé panoncel, et XVm homme à chevaulx, pour faire révérance
audit ampereur. Et, quant ledit ampereur vit ce, esmeu de dévocion,
descendit à l’entrée de ladicte cité encontre ledit sainct perre tout à
pied, et ce anclinait encontre luy, en luy pourtant tel honneur qu’il
aparthient.
Item, pareillement, il avint et fut en celle mesme année, le mécredi
devant la conversacion sainct Polt, que Burtrand de Nouviant, Simo
nin de Mercheville et Girard d’Alsey, et desquelles je vous ay heu icy
devent parlés, firent et menairent la guerre encontre l’évesque Thiédri
de Bompart, alors évesque de Mets. Et tellement que, en cest présanté année mil trois cent et LXVIII, ledit Simonin et ledit Girard
NICOLE MARCOUL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1369)
65
gaingnèrent et prinrent furtivement la ville de Massaulx par ung
matin, comme cy devent ait estés dit, là où j’ay parlé des fait dudit
évesque. Et fut reprinse la dicte ville par lesdit évesque, acompaigniés
de ceulx de l’éveschié de Mets, et souverainement du serorge dudit
évesque, lequelle à cest journée fut chief de l’airmée.Et fut ce fait à
ce mesme jour, entour le vespre. Et y furent prins des gens dudit
Burtrand de Nouviant, Simonin et Girard, environ LX personnaiges, et IIIIXX, ou plus, y furent mors et occis et mis tout en une fosse.
Mais ledit Simonin de Mercheville à bien grand painne eschappait
tout à piedz. Et aincy avint bien souvant que telz cuyde gaingnier
qui pert.
Gy vous souffïce quant à présant de ce qui en est dit, car à aultre
chose veult retourner.
[du RENVOI DES PRISONNIERS BARROIS, EN
i369,
A LA GUERRE DES CHANOINES, EN
Mil iiic Ixix. — En l’an après, que courroit le milliair par mil IIIc
et LXIX, fut maistre eschevin de Metz le sire Nicolle Marchoul.
Les prisonniés relâchés. — Et, en celle année, les prisonniers qui
furent prins avec le duc de Bar s’en retournirent en leur pais, sur
leur foy, dez le dimenche devant l’Assancion en jusques à la sainct
Jehan Baptiste, sans ceulx qui orent esté ung ans et cinq sepmainne
avaulx la ville, lesquelles pareillement estoient emprisonné sur leur
foy.
Trois escuier prins par ceulx de Mets, dont les deux furent pendus.
- Item, aucy en celle année, la vigille de la Pentecouste, furent prins
à Laiduchamps trois escuiers, qui estoient de la famille à Phelipin des
Armoises, par ceulx d’Estemples. Et furent menés à Metz, dont les
deux en furent pandus pour la journée.
Belleville prinse par les Lorains et Messains, et xx des pendus, ei
v prisonniés. — Pareillement, en celle dicte année, la vigille de la sainct
Laurent, s’en allèrent lesdit de Metz avec le duc de Lorainne asségier une forteresse qui estoit appellée Belleville ; et y furent trois sepmainnes. Et, au dernier, elle fut prinse et abbatue par lesdit de Metz,
et espéciallement par la force et vertus de Jaicomin, le filz Jennat
Simon. Lequel Jaicomin fut le premier qui entrait en ladicte forte
resse, et Maheu, son frère, entrait après ; et ne fut mye esté sy tost
prinse, se se n’eust esté par la vertus et force des deux frères deventdit.
Sy furent ceulx de dedans prins, et tout en Leur en furent pandus
XX escuiers, que ung que aultre, tout devent les porte dudit chastiaulx ; et V en furent retenus et gairdés pour la cause d’ung seigneur
quy estoit prins, nommés sire Aubry, et affin qu’il fut randus en enchange d’iceulx, desquelles icy après sont escript les nons. Et premier
66
COMBATS ENTRE LES FRANÇAIS ET LES ANGLAIS (1369)
lut Geoffroy de Serière, puis le second Perrin de Dulley, Hanselin de
Fontenoy, le Bastard de Tilley et Vaultherin Pailledelz du Pon. Les
quelles V furent prins et gairdés pour la cause devent dite.
Le sciège inutille mys devent Collais par le roi de France. — Item,
aucy il advint, en celle meisme année, que le roy de France c’en allait
asségier Callas. Et, quant il oit estés grant temps devant, le roy Angloys à touttes sa force y alla pour deffandre la ville. Et furent les ost
l’ung contre l’autre sans riens faire par l’espace de VI sepmainnes.
Et, touteffois, le roy de France avoit plus de gens que l’Anglois. Et
néantmoins, quant ce vint à la fin dever la sainct Remy, ledit roy de
France levait le sciège et s’en fuyt, et touctes ses gens, sans rien faire.
Et ne fut celle fuit sinon pour tant qu’il virent en la mer plusieurs
nef flottant dessus ; car ilz cuidoient que se fussent gens que venissent
à l’ayde du roy Angloys. Laquelle chose n’estoit pas, ains estoient
seullement ung peu de gens, lesquelles venoient quérir ledit roy,
pour tant que alors le roy d’Escousse et messire Bertrand du Claicquin estoient arivés en Engleterre, et ardoient et destruisoient fort
le païs. Parquoy force estoit que ledit roy anglois c’en retournait errier, luy et son armée, pour guider et deffandre son païs.
La mort de la royne d'Angleterre. — Item, en celle meisme année,
trespassa de ce sciècle la royne Phelippe d’Angleterre. Et, à la mort,
et devant et ansoy qu’elle déviait de ce monde, elle demanda à son
mary trois dons. Le premier, c’estoit que, à toutte les gens à qui
elle avoit merchandés et fait aulcune merchandises, qu’il les contentist bonnement. Secondement, que, ce qu’elle avoit donnés à l’Église,
qu’il le tenist, et acomplist les dons. Tiercement, que, quant il mouroit,
que son plaisir fut d’estre ensevely a plus près et de coste elle. Et
tout cecy luy promist et crantait ledit roi son marit, dont elle en fut
plus consollée ; et puis mourut.
Vaillance et apartis[e] d’armes de messire Jehan Assueton, chevalier.
— Aucy, en celluy temps, régnoit ung chevallier moult vaillant, qui
s’appelloit messire Jehan Asseton. Lequelle fist une apartise 1 d’armes
et une entreprynse de grant hardiesse. Car il se partit de son armée,
l’espée a poing, avec son escuier tant seullement, et vint devant les
barrières de Noyon. Et, illec, mist le pied à terre et jus 2 de son chevalx,
et dit et comendait à son paige en disant aincy : « Or, ne te part point
d’icy. » Puis print son glaives en son poing, et s’en vint jusques és
barryères de la ville, et saillit oultre, par dedens lesdite barrières,
dedans lesquelles y avoit plussieurs chevalliers, ausquel tous seulle il
se combatit, et les vaincquist tous. Et puis, quant il oit fait cela, il
print errier son glaive en son poing, et se relansa de l’autre partie des
baires, et c’en retournait arrier en l’armée. Pour laquelle vaillance il
fut fort louués et prisés de tous ceulx de la ville que cela avoient veu,
et en oit grant bruit, tant dez privés que des estrainge.
1. Apertise, exploit qui met en évidence les qualités morales ou physiques d’un
homme.
2. Suppléer : il sauta jus, il sauta à bas de son cheval.
JEAN BAÜDOCHE, MAITRE-ÉCHEVIN DÈ METZ (1370)
67
Le sciège inutile mys devent Pierreforl par les Lorains et Melsains.
— Item, en celluy mesme tamps, dever la sainct Remy, le duc de Lorrainne et ceulx de Mets et de Fénestrange estoient allez asségier Pierrefort, où le seigneurs Olry estoit prins et détenus ; et y furent trois
sepmainnes tenant le sciège. Maix, à la fin, on ne soit par quelle
manier ne par quel conseil se fut, car on levait le sciège ; et ce des
partirent, du lieu et c’en allirent les dessus nommés à grant confu
sion. Et, encor plus fort, il olrent cy grand peur que, de haiste de
c’en fouuir, il y laissirent la plus pairt de leur artillerie, et plusieurs
armures de fer et d’aicier. Et fut ce fait par ung jeudi. Dont on
disoit que, c’il fussent démourés, avant que le dimenche fut estés
passés, il l’eussent prins et heu ladicte plaisse tout à leur aise, par les
minoir qui la minoient au deux coustés ; parquoy ceulx de dedens ne
s’eussent seu defïandre ne soubtenir.
Les bour de Briey et de Mouson brullés, et Sarixei 1 prinse. — Tantost après, en celle année, lesdit de Metz gaingnont et ardont les neuf
bourgs de Bryey, la vigille de la Toussains, et pareillement les bours
dessoubz Moussons. Et, en ce meisme ans, la vigille de la saincte
Lucie, lesdit de Mets abaitirent la plaice de Sarrixy b
La gabelle du scelz a. — Item, aucy en celle année, Charles Ve, roy
de France, mist sus l’imposicion qui est de XII deniers pour livre, la
gabelle du selz et plusieur aultre malletote et exactions, qui estoient
pour soustenir le faitz et charge dez guerres.
Pareillement, en ceste année, fut assize la premier pierre de la bas
tille de Sainct Anthonne à Paris.
Cy vous souffice quant à présent de ce qui en est dit.
Mil iiic Ixx. — Puis, après ce fait, en l’an mil IIIe et LXX, fut maistre eschevin de Metz le sire Jehan Baudoche, filz le seigneur Nemmery
Baudoche.
Fait d’armes de deux chevalier estrangier. — Et, en celle année, deux
chevaliers estrangiers ce deffiairent à Mets ; et fut journée mise de
ce combatre on Champassaille, de glaves à fer amoulus 2*, 31et tout à
pied. Cy ce trouvairent les deventdit à la journée, bien armés et bien
em point ; et se ferirent de daigues et d’aultre instrument de guerre,
et tellement qu’il se navrirent en plusieur lieu. Et, de fait, il se eussent
heu occis, se la justice ne les eust despartis. Et furent à cestuy faict
plus de Xm personnes.
Pouvre saison. — Le prinstemps de ceste année fut fort haillé 3 et
dificille. Car il ne pleut point, ne ne fît rousée on temps là où il est
plus de besoing, c’est assavoir tout le moix de mars durant, ne on
a. Philippe a rayé : minse sus en la France.
1. Sorcy, Meuse, Commercy, Void.
Emo ulu, aiguisé. L’on se battait ordinairement à armes courtoises, qui étaient
émoussées.
3. Hâlé, sec. Le verbe héler est encore vivant dans les patois lorrains avec la valeur
de dessécher.
68
PAIX FAITE ENTRE LA CITÉ DE METZ ET LE DUC DE BAR (1370)
moix d’apvril, ne pareillement on moys de may. Et, après, il pleut
tousjour jusques à la sainct Jehan Baptiste. Et, avec ce, il fit sy grant
froit qu’il convenoit tousjours avoir du feu à son mengier.
Le duc de Bar délivrés, parmei renson. — Item, aucy en celle dicte
année, fut la paix faicte, et oit le duc de Bar accord à ceulx de Metz
parmy une ransson paiant ; et fut délivrés, luy et tous les autres pri
sonniers aussy.
Pareillement, advint que, en celle année, devers la sainct Remy,
le bon sainct père Urbain, pappe de Romme, revint en Avignon.
Mais il n’y demourait guerre, que tantost après il luy print une grande
mallaidie. Et veullent aulcuns dire qu’il estoit ampoisonnés. De la
quelle poisons, environs le Noël après, yl morut, dont ce fut grant
dompmaiges. Son successeur fut messire Rogier, cardinal d’Acre,
filz du conte de Beaufort et nepveu du pappe Clément VIe, par lequel
il avoit esté fait cardinal. Il estoit aagé de XL ans, ou environ, et
fut esleu par la voye du Sainct Esperit, sans ce que nul contredist,
nonobstant qu’il ne vouloit pas accepter son élection.
Grégoire XIe, pape. — Mais, finalement, l’accepta, et fut nommé
Grégoire XIe, couronnés en l’église des Jacobins d’Avignon, la veille
des Roys. Après son couronnement, monseigneur Loys, duc d'Anjou
et frère du roy de France, le mena des Jacobins jusques à son palais,
estant à pied et tenant le cheval dudit pappe par la bride. Le dessusdit
pape gouverna l’Église environ VII ans, et puis rendit son âme au
Créateur.
Tribulation en l’Église. — Après sa mort sourdit grande tribu
lation en l’Église de Dieu, que ma damme saincte Brigide avoit prédit,
monstré et prophétisé à venir a, pour les péchez du clergé principa
lement.
Robert de Bar és Alemaingne. — Aucy, en celle meisme année, le
duc Robert de Bar c’en allait en Allemaigne à grant ost sur le conte
de Salme et sur Lévesque de Metz. Et y fut par deux fois à bannier
desploiées. Et, néantmoins, n’y oit oncque sy hardis de tous ces annemys qui fit dompmaige à personnes de tout son ost dont on én puisse
parler ; et s’en revint sain et saulf, luy et les siens.
Item, en celle dicte année, avint une esclandre en Mets. Car ung
Picart fraippait et donnait ung copt ou deux d’ung glaives à ung
noble bourgeois de la cité, nommés Poincignon Humbert, et d’iceulx
copt le tuait tout roide. Et incontinant le puple, voiànt le copts, y
acoururent, tellement que en leur fureur il eussent tueis le dit Piccart
tout sur la plesse, qui les eust laissiet faire ; mais la justice, c’est assa
voir les trèzes jurés, le deffandirent, et fut salvés pour celle fois ; car
aultrement il fut estés tous descoppés.
Ung prisonier raichetés de morir. — Cy fut ledit Picart prins et
mis en l’ostel de la ville. Puis, tantost après, il fut menés on pallais,
et en eust-on fait griuve justice b, ce ne fut estés le seigneur Robert, et
------------------ a. Mss. : advenir.
b. E : cruelle justice.
NOTRE-DAME DES CARMES ÉDIFIÉE
A METZ (1370)
69
Claude l’eschevin, et le seigneur Nicolle François, lesquelle firent tant
par leur pratticque que l’accord fut fait entre les amis du trespassés,
d’une part, et les le malfacteur, d’aultre part. Et aincy eschappait
d’ung grand dangier, dont bien luy en advint.
Bertrand, du Glesquin fait conestable de France. — Pareillement, en
celle dicte année, le deuxiesme jour d’octobre, le devent dit Bertrand
du Clasquin, par ses proesses et vaillans entreprinses, fut fait cones
table de France. Avant luy n’y avoit eu nul en tel office de sy bas lieu
comme luy. Mais il estoit grand en vertu et chevalerie, et aussy il
avoit esté fait conte de Longueville par ses mérites et dessertes ; pour
lesquelles semblablement, en Castille, le roy Henry luy avoit donné
terre vallent plus de X mil livres de rente.
Destruction de paiis par les Anglais. — Quant il fut fait conestauble, il s’en alla en Anjou, où estoient environ VI mil hommes d’ar
mes Angloys et deux mil V cens archiers, conduitz par messire Robet
Canole et messire Thomas Grançon, nouvellement descendus en France
par Calais. Lesquelz Anglois destruirent et brûlèrent tout le pays par
où ilz passèrent, depuis Calais jusques en Anjou. Car ilz vindrent de
vant Sainct Orner, puis devant Reins, et passèrent les rivières d’Aisel,
d’Aube, de Saine, en allant vers Sainct Florentin, d’Yonne, en allant
vers Juygny, retournans deçà Corbeil, près de Paris, et allans par la
Beaulse et Gastinoys. Lesquelz Angloys furent quasi tous mis à mort
par ledit messires Bertrand avant le bout de l’an en diverses rencon
tres faictes on dit pays. Et, par ce moien, plusieurs forteresse de la
duchié d’Anjou furent réduites à l’obéissance du roy de France.
L’église des frère des Carme commencée. — Item, aucy je trouve que,
en celle dicte année, fut acomanciées en Mets, puis fut faictes et eschevée la neuve église de Nostre Damme des Carmes, en la sorte et manier
comme elle est maintenant. Et y donnait le devent dit duc de Bar de
premier antrée et du reste de sa ranson la somme de XVIII mil piesse
d’or nommées rides 2, moienant lesquelles fut parfaictes et échevie
la plus part d’icelle église. Puis, a rest, y oit plusieurs bon personnaige
que y firent des biens. Entre lesquelles, en celluy tampts, demouroient
amprès d’icelle église, en la rue c’on dit En Ayelte, deux bon proudhomme masouuier, lesquelles ung jour ce disputoient en une taverne
de leur dévocion ; et ce arguoient l’ung l’aultre assavoir mon lequelle
donroit plus à la réfection de la dicte église. Et tellement allait leur
parolle, de l’ung en l’aultre, et en remontant, comme l’on remonte
quelque marchandise de plus en plus, que eulx deux ensamble y donnairent et contribuairent toutte plaine une chausse d’or et d’argent.
Et estoit ycelle chausse avec une aguillette a cousté, et à la fasson
comme l’on les pourtoit en celluy tampts. Et veult-ondire que d’icelluy
argent on en fist faire le pourtaulx de la dicte église, telle qu’il est. Car,
aparavent, l’église de léans estoit une petitte église, scituée là où à
1. Aisne.
2. Ridre, monnaie d’or d’une valeur de cinquante *ols.
70
GUERRE ENTRE LES MESSINS ET LES LORRAINS (1371)
présant est le cloistre. Et cressoit alors ung gros arbre là où à présant
est le grand autel.
Et furent faictes léans en ce tampts plusieurs aultre neuve édifice,
desquelles je laisse à parler.
Cy vous souffice quant à présant de ce que j’en ait dit, car à aultre
chose veult retourner.
Mil iiic Ixxj. — L’an après, que le milliair courroit par mil trois cent
LXXI, fut maistre eschevin de la cité de Metz le sire Geoffroy Cueurdefer.
xiiic chevaulz avivés en paiis de Mets. — Et, en celle meisme année,
vinrent et arivairent entour de Mets environ XIIE chevaulx pour
aller à l’ayde le conte Yalrain de Spanehem. Maix il n’y furent point ;
ains retournont arrier, et, en passant pais, il firent de grant dopmaige,
tant audit païs de Mets comme aultre part. Et, au dernier, ceulx de
Neufchastel en Bourgongne saillirent dehors sur eulx, et occirent une
partie de ceulx qui estoient logiés près d’eulx et qui leur pourtoient
dopmaige.
viixx glaives et iiiixx archier à l’ayde de ceulx de Mets, et plussieur
aultre. — Item, aucy en celle meisme année, environ le tamps de la
feste sainct Pierre et sainct Pol, vint en Mets ung vaillans capitainne,
nommés Yvain de Galles, acompaigniés de VIIXX glaves et de IIIIXX
archiers. Et vint celluy à l’ayde desdit de Metz pour guerroier le duc
de Lorrainne et Pierre de Bar. Et tellement que, en ladicte année, prindrent lesdit de Metz Triecourt. Et, aprez ce fait, y oit plusieurs gentilzhommes du Saulnoy lesquelles aportairent les clefz de leur chasteau
audit de Mets, et ce mirent du tout en leur obéissance.
Pareillement, en celle meisme année, heurent encor lesdit de Metz
en leur ayde Jehan Roullant et Beaurin, avec trois cent glaves et cent
archiers. Lesquelles, avec ceulx de Metz, ardirent la plus pairt de Lor
rainne, souverainnement le plain pays. Et, de fait, il ardirent les bourgs
du Nuefchastelz en Bourgongne, et la moitié de Rosières. Et y furent
par l’espace de douze jours, sans rien perdre. Et prindrent à force
seigneur Thierry de Gralz et son filz dedens leurs chastelz, et firent son
chastel tout araser.
Bataille donnée entre le duc de Braibant et le conte de Sainct Polz,
d’une part, contre le merquis de Juillet et de Gueldre, d’aultre part. —
Aucy, en celle année, se combatit le duc de Braibant et le conte de
Sainct Pol, d’une part, encontre le merquis de Juyllet et le duc de
Gueldre, d’aultre part. Et fut ce fait entre la ville Tle Durs et Nostre
Damme d’Ay ; et perdit le duc de Braibant la batailles. Et, de fait, y
fut prins aussy le conte de Nave et le filz dudit conte de Sainct Pol,
et plusieurs autres sans nombre. Et en y oit plusieurs des occis et descoppés ; entre lesquelles ledit seigneur de Sainct Pol y fut tués, et le duc
de Gueldre aucy. Et, de la partie du duc de Brabant, y fut tué le mer
quis de Juillet, et plusieurs aultres. Et, incontinant qu’il fut abaitus,
tous les gens d’armes de son party de Braibant s’enfuyairent.
JACQUES LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1372)
71
Le duc de Lorainne devent Mets. — Or, en ce tamps, ce esmeud telle
ment le huttin entre les Lorrains et les Messains que, en celle dite
année, vint le duc de Lorrainne devant Metz à grant force de gens, du
cousté par devers la river d’Oultresaille. Et, quant il fut là arivés, il
demanda bataille contre les citains de Mets. Mais lesdit de Metz n’oirent mye en conseille de ce combaitre pour celle fois, pour tant qu’il
avoient doutance que les compaignons qui estoient avec eulx ne fus
sent mye bien loyaulx. Et, pour ce, demeura la baitaille, et ne ce aprochairent aultrement. Sinon que deux escuiers, l’un de dehors et l’autre
de dedens, ce requeront de jouste, et joustairent enssemble l’ung
contre l’autre : c’est assavoir : trois coptz de glaves, trois coptz de daigues et trois copz de haches, sans se rien malfaire.
Trêves entre les Messains et Lorains. — Puis avint, après la Toussains, en ceste dicte année, que ceulx de Mets olrent triesves avec
lesdit de Lorrainne en jusques à la Pentecouste. Et, le jeudi et le vandredi aprez la Toussainct, ce despertirent les deux oste, et c’en allirent
les compaignie chacun chiés luy.
Perrin de Foussieux décap[ités]. — Aucy, en celle dicte année, fut
prin Perrin de Foussuelz, qui estoit en la chasse de la ville pour ces
desmérites. Et, pour ce, il ne fut pas longuement gairdés ; car, le vandredi aprez feste sainct Luc, l’on lui tranchait la teste.
Ung prestre mort soubdainnemenl. — Item, en celle dicte année, il
advint une esclandre en Mets. Car le sire Jehan d’Amance, le prestre,
fut mort subitement au disner, la vigille de feste Nostre Damme, en
l’hostel Jehan de Sainct Mamyn.
Aucy, ce fut en celle meisme année, le XXVIIIe jour de may, que
Margueritte, fille du conte de Flandre et femme de Phelippe, duc de
Bourgongne, fut acouchée d’ung filz, lequelles fut appellés Jehan. Et
par celluy Jehan advindrent depuis moult de malz en France, comme
cy après serait dit, quant tamps serait. Car celluy Jehan fut celluy
qui fist tuer et murdrir le duc d’Orléans à Paris, par laquelle mort
tout ces mal advindrent, et moult de tribulacion et grand domaige. Et
lui mesme, à la fin, il en resseust mort a Monstreau fault Yonne, comme
il apperra cy après.
Et, en celle dicte année, le XXIIIe jour de mars, fut aucy neiz le
deuziesme filz du roy Charles, nommés Loys.
Le paiis de Lymoges réduict en l’obéissance du roi. — Et, avent que le
premier jour de jullet ensuiant, furent réduicte en la mains du roy
plusieurs plesse que les Anglois tenoient, entre lesquelles tout le pays
de Limoige fut bon françoi.
Mais de ces chose nous tairons pour le présant, et retournerons a
maistre eschevin et à plusieurs aultre besoigne.
Mil iijc txxij. — Item, en l’an mil trois cent LXXII, fut maistre
eschevin de Metz le sire Jacques le Gournaix.
Ung seigneur Trèzes mort subitement. — Or, advint que, en celle
année, seigneur Pierre Fessai, qui alors estoit Trèses et amans, et qui
72
SORCIERS ET SORCIÈRES BRÛLÉS A METZ PAR JUSTICE (1372)
adoncquez estoit en la chambre des Trèzes, pour aulcun discord gui
estoit des hoirs de Jehan Donville, lesquelx hoirs rapelloient le dit
seigneur Pierre de dire la vérité de ce dont ilz appelaient en justice
car, comme dit est, il estoit alors Trèzes et amans ; et, aincy comme il
voult prepousés son cas et voultdire ceu qu’il en sçavoit, il cheut pâmés
tout arrier dos *, comme mort estandus ; et le convint pourter fuer
de léans en ung ostel devent le palais. Et, tout incontinent, ne demeu
rait guerre qu’il morut. Et Jehan Chavresson eust son amendellerie.
La Hongrie au Sauvellon bruslée. — Item, il advint, aucy en celle
année, que la Hongne a Savellon 2* 1fut tout airxe et brullée par ceulx
de Pierfort.
Crollement de terre. — Pareillement, en celle dicte année, le mardi
après le Sainct Sacrement de l’autel, advint que mouvement de terre
et grant crollement fut bien fort en la cité de Metz et en tout le pais
entour.
Entreprinze de ceulx de Pierfort contre ceulx de Mets. — Et advint
aucy que, en celle année, y oit septz compaignons de la garnison de
Pierrefort, lesquelx firent une antreprinse sur lesdit de Mets. Car, par
ung dimenche au soir, vinrent on champs Pampanne, par devers la
Momoie, en jusques la bairre de Sainct Thiébault. Et illec, en traïson,
ne cen ce que l’on c’en donnait en gairde, se prindrent iceulx compai
gnons à frapper et descopper tous ceulx qu’ilz rencontroient. Car,
comme dit est, l’on ne ce gardoit point d’eulx. Et tellement qu’il
navront à mort Bertrand de Nouvian, Simonin Loys, Geoffroy d’Ex
et Jaicomin, son frère. Maix ceulx de Mets, advertis de celle traïson,
leur firent bien comparer chièrement celle venue. Car, en la sepmainne
après, c en allèrent lesdit de Metz mestre en embûche devant Pierreort, et illec en occirent V des leurs, et en prindrent VII, et plusieurs
autres furent noiez avalx l’yawe en fuyant qu’il faisoient. Et, se n’eust
esté la nuyt qui survint, ilz les eussent tous descoppés.
Quaitre que homme que femme bruslé par justice a. — Aucy, en celle
meisme année, une bourjoise de Mets, nommée Biétry, qui estoit fille
à Simon Halfredange, et son mary aucy, avec deux autres femmes,
furent justiciées et arses Entre deux Pont. Et la cause fut pour tant
qu elles faisoient des veulz et des diablerie et autre cas deffendus par
Samcte Église ; pour lesquelles choses on en fîst ycelle justice. Et,
pareillement pour cestuy fait, fut prins Willame de Chambre, lequel
estoit nepveulx à maistre Guillaume le seelleur. Mais, de honte qu’il
o t, il se estranglait en la volte de la prison. Et, quant on le trouva
mors, il fut lié et trainné jusques en l’isle du Pont des Mors, et illec,
ainsy tout mors, fut lié à ung paulx et fut brullés et ars comme les
aultre.
Songne prinse et bruslée; v décapité et xxix des pendus. — Puis,
a. Philippe a rayé : et ung aulcune estranglés.
1. Sur le dos.
2. La Horgne au Sablon, commune de Montigny-les-Metz.
JEAN D’ESCH, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1373)
73
tantost après et en celle dicte année, fut gaignié le chaistel que on dit
Songne, lequel alors estoit plains de noz ennemys. Mais yl furent prins
et amenés à Mets ; et tantost après on en coppait la teste à cincquez,
et en y eust XXIX des pandus et estranglés.
Champenoi asseigée en vain. — En celle propre année, et après ce
fait, lesdit de Mets allairent assigier Champignei. Et n’y fire rien de
leur proffit, ains y perdirent des leur. Car damp Pier et damp Jehan,
Rémond de Metry et Goefïroy Grognet y furent mors et tués d’une
plumière qui voulloit en la nue.
Le duc de Braibant délivrés de prison. — Item, ce fut en celle année
que le duc de Braibant fut délivrés de la prison du duc de Jullet, par
l’ayde de l’empereur Charles son frère et des VII éliseurs, qui allèrent
avec luy pour luy aidier à ravoir sondit frère à force, et pour destruire
le pays du duc de Jullet. Et aincy fut ce fait par le pourchas de Thiédric, évesque de Mets, lequelle fort c’en mellait, comme cy devent est
dit, là où il [est] parlé des fait dudit évesquez.
Le curé de Nostre Damme aux Mairie murtris en son lict, et le murtreux exécutés. — En celle meisme année fut le curey de Nostre Damme
au Mayrtre, de cost Sainct Clément, occis et tué d’une haiche en son
lict. Et fut ce fait d’ung sien nepveulx, qui demourait avec luy. Et le
gardait le dit son nepveulx par l’espace de V jours ; et, au dernier, il
fut prins et mis on pillori, et fut trainné en la brouuète Entre deux
Pont, et puis fut mis sur la rue.
Les Anglois desconfis. — Aucy, en celle dite année, fut prins et des
confis le conte de Pennebroth du roy de Castille et des Espaignolz.
Et, après cela, lesdit Espaignolz se partirent du havre de la Rouchelle
avec VIII mil prisonnier Angloys, et c’en retournirent arrier en leur pays.
La fondation du colliègede Beavais. — Item, aucy en celluy tamps, fut
fait et fondés de nouviaulx le colliège de Beauvais, à Paris, par trois
frère, c’est assavoir par messire Jehan, cardinal et évesque de Beau
vais, messire Guillaume, chancellier de France, et messire Milles,
archevesque d’Angiers.
Et, pareillement en ce tamps, furent réduictes plusieurs ville a roy
de France, que les Anglois tenoient.
Cy nous tairons de ces chose, et retournerons a maistre eschevin.
Mil iiic Ixxiij. — Après que le milliair courroit par mil IIIe LXXIII,
fut maistre eschevin de Metz le sire Jehan Dex, lequel oit l’eschevinaige
le seigneur Jehan Baudoche, chevalier. Et, en celle année, avinrent
plusieur adventure digne de mémoire.
Ung gentil homme tués par son serviteur. — Et, premier, avint que
ung jantilz homme de Mets, nommés Villequin de Boullay, fut occis
en ung champs de bataille par ung sien garson.
Paix entre Pier[re] de Bar et ceulx de Mets. — Aucy, en celle année,
ceux de Metz olrent paix encontre Pierre de Bar et encontre tous ses
aidans. Et fut faicte cest paix et accord au Pont à Mousson, présant
le deventdit Thiédrich, évesque de Mets, et pareillement l’évesque de
74
PAIX ENTRE LA CITÉ DE METZ ET PIERRE DE BAR (1373)
Verdun et l’évesque de Toul. Et aucy y furent le duc de Lorrainne, le
duc de Bar, et plusieurs aultres grant personnaige. Et alors c’en re
tournait en son païs le seigneur Baicarat et toute sa compaignie, les
quelles avoient estés à l’ayde de Pierre de Bar encontre de la cité de
Metz. Et fut ce fait en celle meisme année que, à la requeste du devent
dit évesque de Mets, le cesse fut mis par toucte la cité de Mets ; laquelle
chose fut faictes ledit ans, le jeudi devent feste sainct Jehan Baptiste,
comme cy devent ait estés dit.
Les bour de la cité de Millan bruslés. — Item, avint que en celle
meisme année furent arses et brullés tous les bourgs de la cité de Mil
lan. Et fut ce fait par le conte de Savoye, lequelle en ce tamps menoit
la guerre audit duc de Millan, pour et ad cause de nostre sainct perre le
pappe de Romme, qu’il aidoit.
Le roy d’Angleterre serche la bataille. — Aucy, en celle meisme année,
fut l’ung des filz du roy d’Angleterre par touttes France avec mer
veilleusement grand puissance. Contre lequelle ne s’apparut oncquez
le roy de ladicte France, ne gens qu’il eust, pour le combatre.
Depuis la sainct Remy jusques aux Brandon, lousjour plouuoir. —
Or, avint en celle dicte année une adventure assés digne de mémoire.
Car les yawes furent sy grande et sy dérivée par tout le monde qu’elles
furent touctes hors dez rive et hors de tairme. Et croy que, depuis le
déluge, elle ne furent oncquez sy grandes ne cy merveilleuse comme
elle estoient alors. Car il y eust en plusieurs pays plusieurs cités et
villes et fortes maisons, assizes sur ripvières, qui cheurent et furent
toutte aruinée. Et aucy plusieurs en y oit que ycelle aywes avoient
tellement desrayé qu’il ne sembloit point que jamais y eust heu ne ville
ne maison. Car il pleust depuis le jour de la sainct Remy en jusques
au jour des Brandon en karesme, fors tant seullement qu’il fut
VIII jours durant lesquelles il gellait, et ne pleust point.
Le roy David d’Escoce trespassés. — Item, le dit ans, on moix de
maye, le septiesme jour, trespassa de se ciècle, en la ville de Handebourg, le roy David d’Escoce. Et fut ensevelly en l’abbayee de Domfremilly, de coste le roy Robert de Bruys, son père. Et, après luy, fut
fait roy ung sien nepveu, nommés Robert, qui estoit sénéchal d’Escoce.
Et fut ce fait pour tant que ledit roy n’avoit nulle hoirs malle de son
corps.
Les Anglois desconfis. — Pareillement, il avint que en celle année
furent prins et occis plusieur Anglois par le seigneur de Subise, devant
Ribeumont, auquelle lieu y oit grosse escarmouche.
L’empereur à Lubec. — Item, en celle meisme année, l’empereur
Charles, avec sa femme, acompaigniés de plusieur grand prince et
signeur, firent leur antrée à Lubet, là où il furent moult honorablement
ressus.
Ne aultre chose ne saiche avoir estés faict en la cité de Mets pour
celle année, ne aucy és pays entour, que à pairler faisse. Parquoy je
retournerés a maistre eschevin, et à plusieurs aultres besoingne qui
ce firent és année après.
LES GRANDES COMPAGNIES DE NOUVEAU AUTOUR DE METZ (1375)
75
Mil iüc Ixxiiij. — En l’an aprest, c’est assavoir quant le milliair
courroit par mil trois cent LXXIIII, fut maistre eschevin a de Mets
le sire Simon Bairon. En laquelle année je ne trouve chose à mestre
en escript quy soit digne de mémoire. For que, en ycelle année, le
devent dit Charles l’ampereur, et en la XXVIIe année de son ampire,
assigea Erfordie à tout XL mil hommes. Mais ne profita en riens, fors
en destructions des povres villaiges.
La Rochelle rendue aux roy de France. — En cest ans, au mois de
may, la ville et chasteau de La Rochelle se rendirent à Loys, duc
d’Anjou, pour le roy de France, en expulsant les Anglois.
Mil iiic Ixxv. — Puis, après, en l’an mil trois cent LXXV, fut mais
tre eschevin de ladicte Mets le sire Nicolle Morrel. Et oit l’eschevinaige
le signeur Thiéhault de Meltry.
Les Burlon de rechief en groz nombre on paiis de Mets. — Et veullent
aulcuns dire que en ycelle année vinrent de rechief une grant compaignie des devent dit Bretons, lesquelles se disoient lez grant Burlon.
Et voulloient yceulx passer oultre le pays de Mets pour aller en Ostriche. Et, de fait, se lougeairent yceulx Burton à Longeville et à Sainct
Martin, tout devent Mets, et aussy firent par tout le Vaulx. Et en celle
compaignie y avoit bien LUIm lances, comme on disoit ; et voulloient
ardre tout le pays et gaster tous les raisins qui estoient aux sappes,
ce l’on ne ce fut acourdés à eulx. Parquoy la seigneurie et bourjoisie
de la cité, en regardant le mal qu’il en poulroit venir, parfirent à eulx,
les cuidant deschaissier par belle parolle. Mais il respondirent qu’il
gaiteroye tout le pays, ou qu’il ce rachatissent, aincy comme avoient
fait les autres contrée et royaulmes esquelles il avoient passés devent
eux. Et alors lesdit de Mets firent accord avec yceulx pour la somme de
XXX mil frans. Mais, depuis l’accord fait, les traistres ardirent le
pays entour de la cité, environ trois lieux de tous sans. Et puis, ce
fait, c’en allirent parmy l’éveschié de Mets, en faisant du mal biaulcopt.
Et ledit évesque Thiédrich, lequelle encor vivoit, traictait avec eulx,
et leur donna XVI™ frans. Et ne povoient durer ville ne forteresse ne
fort maison devent eulx, puis qu’i les voulloient assaillir, qu’il ne les
eussent, c’il estoit possible que aultre les puissent avoir. Néantmoins
que il failloient bien par des fois cen rien panre. Mais il firent du malz
sans compairéson durant le tamps qu’il furent enssemble.
Le duc de Bretaingne entre en son pais. — Item, en celle année, le duc
de Bretaigne ariva en son païs de Bretaigne, et y print plusieurs villes
et chasteau par force, lesquelles par avant ne luy volloient obéir.
Ordonnance que l’aisnés filz du roy poulrait estre coronnês en la xiiije
année. — Paireillement, en celle dicte année, Charles le quint, roy
de France, fîst, par le consentement de son conseil, de la court de par
lement et de l’université de Paris, ceste loy, c’est assavoir que l’aisné
filz du roy de France poura estre couronné a XIIIIe an de son aage,
et recepvoir foy et homages et tous autres devoirs des subgectz en ce
dit aage.
“• Eschevin manqut dans M.
76
PLUSIEURS ÉGLISES BÉNIES A METZ (1376)
Cognac rendue aux Fransois, et plussieurs aultre place. — En ce
mesme an, la ville et chasteau de Coingnac furent rendus des Anglois
à messire Bertrand du Claquin, quant il les eut assiégez longuement.
Item, la ville et chasteau de Sainct Sauveur, le vicontés de Constantin
furent rendus à messire Jehan de Vienne, admirai de France. Et avoient
esté les dictes places XX ans en la subgection desdit Angloys.
Et n’y saiche aultre chose estre advenue que à compter faisse pour
celle année. Parquoy je retournerés au maistre eschevins et à plusieurs
aultre advenue qui depuis ce tampts advindrent, tant en ces pays ycy
comme aultre part.
I
\
I
î
Mil iii° Ixxvj. —- Quant ce vint en l’an après, et que le milliair courroit par mil trois cent et LXXVI, alors fut fait et créés maistre eschevin de la cité de Mets le signeur Poince Louve.
L’église de Sainct Vincent beneite, et celle des Cordelliers sus le mur,
et celle des Célesliens. — Et, en celle année, le devent dit évesque
Thiédrich de Bopart, alors évesque de Metz, bénist et consacrait l’é- ?
glise et monastère de Sainct Vincent, et pareillement celle des Grand
Cordelliers dessus le murs, lesquelles église estoient de nouviaulx
refaictes et rédiffiées toutte neuve. Et, aucy pour celle meisme année,
ledit évesque bénist et consacrait la chapelle Burtrand le Hundre, que 5
siet on Champaisaille, là où à présent sont lez Célestin. Car alors n’estoit celle église que une petitte chaipelle. Puis, après, il fît les ordes à la
Grant Église de Metz. Et fit toutte ces office icy pour Dieu et en almone, cen en rien pranre. Et visitait touctes les abbayes de Mets, tant
de moynne noirs, de nonnains a, comme aultres. Et fit faire une généralle procession le dimenche des Paulmes, comme cy devent ait estés
dit. Et fit on ce jour ung sermon bien mattin en la grant crouée quy est
entre Sainct Arnoult et Sainct Gurry, au lieu et en la plesse là où
l’église et monastère de Saint Simphorien solloit estre. Et y pourtait
ledit évesque le chief de monsseigneur sainct Estienne ; et entrait-on
en Metz par porte Serpenoize ; et y furent touctes la clergie, fors que les
Mandians, lesquelles ne c’y comparurent point.
Le coronnement du filz de Vempereur. — Item, en celle meisme année,
le devent dit empereur Charles de Bahaigne fit coronner son filz roy
d’Allemaigne. Et fut ce couronnemens fait à Ars-la-Chapelle par les
éliseurs, auquelles il donna tant d’or et tant d’argent qu’il fut couronné,
comme dit est. Car il se doubtoit du duc d’Anjou, le filz du roy de
France, qui s’en volloit traire avent.
Paireillement, en celle dicte année, les-embassades de France et |
d’Angleterre se assemblèrent souvent és parties de Flandres pour
accorder les deux roys ; mais ne profitarent riens. Car, jà soit ce que le
roy de France offrist grandes seigneuries et se mist en ses devoirs de
vouloir tenir les traictiez jà piéça accordez, touteffois n’en voulut riens
faire ledit roy d’Angleterre, s’il n’avoit les souverainetez et ressortz
a. M : nonnian.
VICTOIRES DES FRANÇAIS SUR LES ANGLAIS
77
telz qu’il demanderait. Laquelle chose le ray de France ne trouvoit
point en son conseil qu’il le deust faire.
La mort du prince de Galle[s]. — Mais, tantost après, aincy comme il
pleust à Dieu, et en ladicte année, le jour de la Trinités, trespassait
de ce sciècle, en la cité de Varvich, la fleur de chevallerie de toutte An
gleterre, c’est assavoir le devent dit roy Édouuairt, princes de Galles
et d’Aquitainnes, aagé de LXXIIII ans, et en Tan cinquante deuziesme
de son règne. Et laissait son aisnés fîlz roy dudit royaulme.
Le roy entretient v armée. — Et, en celluy tamps qu’il mourut, tenoit
le roy de France cincque armées en cincq diverses parties de son reaulme.
Et partout estoit le plus fort, c’est assavoir en a Guienne, sur la mer,
en Picardie, contre Calaix et Guines. Aussy estoit le siège en deux
chasteaulx de Bretaigne, c’est assavoir Brest et Aulroy, qui encores
tenoient pour Jehan de Montfort, aliez aux Anglois. La quinte armée
estoit en Aulvergne, devant le chasteau de Carlac L En Guyenne èt
Pierregort estoient le duc d’Anjou, messire Bertrand du Guesclin,
messire Loys de Sancerre, mareschal de France, les sires de Coucy, de
Montfort, de Montauban, du Ray, messire Guy de Rochefort, messire
Olivier de Maugny, le Besve de Villaines, le sire de Bueil, messire
Pierre de Villers, et plusieurs aultres chevaliers, qui firent maintes
belles vaillances et prindrent plusieurs forteresses.
oixx et xiij que ville que chasleaux reconquestés par les François. —
C’est assavoir le chasteau de Pierregort, appellé Condac, la ville de
Bergerac, d’Aymec 2,
* 1de Sannerat, Saincte Foy sur la rivière Derdonne,
le chasteau et la ville de Chastillon, Sainct Machaire, Langon, le
chastel d’Andate, la ville et chaste de Landuras, Blaves, Massidan 3,
et d’aultres citez, villes, chastiaulz et forteresses, jusques au nombre
de VI» et XIII. Item, le chasteau d’Aulroy en Bretaigne fut rendu en
l’obéissance du roy de France par le seigneur de Cliçon. Et, en cest an,
les François de la mer allèrent en Angleterre, prindrent la Rie 4, qui
estoit grosse ville, et Tardirent ; et amenairent les habitans prisonniers.
Item, le duc de Bourgogne et sa compaignie, estant vers Calaix, prin
drent la ville d’Ardre, le chasteau de Banhugnehan, de Baudruit et la
forteresse de la Planque. Et puis s’en retourna à Paris à son frère,- le
roy de France, pour l’yver qui aprouchoit.
Mais de ces chose nous lairons le parler pour le présant, et retour
nerons a maistre eschevin de Mets, et à plusieurs aultre besoigne digne
de mémoire.
a. En manque dans les mss.
1. Carlat, Cantal, Aurillac, Vic-sur-Cère.
2. Eymet, Dordogne, Bergerac.
3. Mussidan, Dordogne, Ribérac.
4. Froissakt, Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, Chroniques, t. VIII, p. 391 :
Rye, Sussex, Angleterre.
78
DISSENSION ENTRE LES CHANOINES ET L’ÉVÊQUE DE METZ (1377)
[DE LA GUERRE DES CHANOINES, EN i3?2, a la mort
DE THIERRI DE BOPPARD, EN l383]
Mil iiic Ixxvij. — Puis, après, en l’an mil trois cent LXXVII, fut
maistre eschevin de la cité de Metz le seigneur Jehan Bertrand.
Gy a advint que, en celle dicte année, le devent dit évesque Thiédrich
de Bopart, encor alors évesque de Mets, eust discort encontre les
chanonnes de la Grant Esglises d’icelle cité, et pareillement encontre
les chanonnes de Sainct Saulvour. Et la cause fut pour ce qu’il les !
voulloit visiter comme les autres ; mais il ne le voulloient souffrir.
Et tellement que, pour ce fait, il en appellont à court de Romme.
Or advint que, quant l’on pourtait les premières croix à la Sainct
Marc, les moyennes noir ne les nonains n’allont mye avec eulx. Et,
quant ce vint aux secondes croix, qui sont dictes les Rogacions, lesdit
moyennes, et aucy les dite nonains, et pareillement tous les curés,
firent clore les huys de leur église, et ne lessèrent point entrer lesdit
chaynonnes en leur esglise. Et, de fait, ne sonnèrent nulle cloches
à leur venue, ne n’en firént quelque estime, non plus nés *1 que lez
bergiés des champs avec leur bestiaulx eussent passés par devent leur r
maison.
Ung bourgeois de Metz nauvrés par ung prestre. — Pareillement, en
celle mesme année, avint que ung d’iceulx chenoigne de la Grant
Esglise de Metz fut mis on palais pour l’amour de ung preudhomme,
bourjois de Mets, qu’il avoit navré à mort ; et y fut par l’espace de
trois sepmainnes. Touteffois, à la fin, les Trèzes le randirent au seigneur
de chappitre ; et il le jugèrent à en estre X ans en chartre, parmy ce
que touteffois il averoit sa prébende.
L’empereur Charles arivés à Paris. — Item, en ceste dicte année,
l’empereur Charles c’en allait en pellerinaige à Sainct Mor des Fossés.
Et, de là, c’en allait, luy et ces gens, à Paris, auquel lieu alors estoit le
roy de France, acompaigniés de touttes sa noblesse. Et receupt ledit
ampereur à grant honneur et triumphe, car il estoit son cousin, filz de
sa seur.
Grant recuiel fait à l’empereur et plussieur dons offert, jusques à la
somme de Ix mil frans. — Et fit le roy, la royne et la cité de Paris audit
ampereur plusieurs dons, tant à luy comme à ses gens, anssy comme cy
après vous serait dit et desclairés. Et premier, après le biaulx recueil
que l’on luy fist, et après ce qu’il fut arivés en son logis, la cité de
Paris donnait audit empereur une nefz d’argent et une bouteille dorée
pesant deux cent et L marcz. Item, donnairent au filz dudit empereur
une fontainne et deux pottz d’argent pesant VIIXX marcz. Item, la
a. En marge, Philippe a rayé Discort entre l’évesque et les chanoingne de la Grant
Église et Sainct Salveur.
1. Sur l’expression nés que, voyez p. 53, n. 2.
PIERRE BOUGNIÈRE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1378)
79
royne de France donnait audit empereur ung relicque à pierre de
XIIe franc ; et donnait encor a filz dudit empereur ung fermelet d’or
au pris de XIIe frans. Puis dormait encore le roy audit empereur son
oncle une couple d’or et une aguyère vallant XXXVI cent frans.
Et, avec cé, luy donnait encor deux bouteilles d’or, lesquelles pareille
ment valloient XXXVIe frans. Item, encor deux pottz vallant mil
franez, et deux aiguyères de XVIe frans. Puis luy donnait encor une
couppe d’or de deux mil frans, et ung dyamant qui valloitVIm frans.
Encor luy donnait le roy ung goublet et une aiguière d’or de VIIIe
frans. Et, après yceulx dons d’or et d’argent, luy donnait encor le
roy deux beaux destriers du païs de Poulies, on reaulme de Neaple,
et encor une littière, et deux autre coursieres dudit païs de Poulie,
pour la pourter.
Item, donna encor ledit roy au roy d’Allemaigne, filz à l’empereur,
une sainture de VI mil frans. Et donnait au duc de Brabant une espée
garnie d’or, et ung habourjon d’acier et ung fermai d’or, vallant le
tout XIIe frans. Puis donnait au duc de Sansogne ung pot et ung
gobellet d’or et ung fermeil, pesant tout cecy LXIII marez. Après,
donnait encor ledit roy au duc de Strabourg ung goubellet d’or de
IIIIXX marez. Et au duc Henry donnait une fontainne de L marez
pesant. Puis, après, donnait au fdz le seigneur de Lippre une fontainne
et ung pot d’argent pesant LX marez. Aucy, donna au chancellier
deux bouteylles et ung goubellet pesant L marez ; et encor luy donnait
une pierre nommée baillay *, vallant la somme de VIIIe frans. Et, au
seigneur d’Allay, donnait le roy une fontainne pesant L marez. Aucy,
donnait au seigneur de Condiche ung goudet et une aiguière de
VIe frans. Puis donnait au maistre d’hostel ung goudet et une aiguière
de VIIIe frans. Et, après ces devent dit dons, donnait encor le roy à
XXXVI chevaliers à chacun une couple de XX marc. Et aux varlet
de chambre, qui estoient XII, à ung chacun d’yceulx donnait une
couppe de deux cent frans. Et, pareillement, donnait a clerc dez chancelliers à chacun une couppe de XII marc. Somme, lez dons que le
roy fit, le tout monte à LX mil frans, rien contés lez coursiers du
reaulme de Poulies.
Le coronement de Richair, roy d’Angleterre. — Item, en celle dicte
année, fut coronnés le roy Richart d’Angleterre, filz au devent dit
Édouard, a palais de Wemostier ; et y fut ce jour faicte grant feste
et sollemnités par tout le pays.
Cy lairons de ces chose à parler, et retournerons a maistre eschevin.
Mil iiic Ixxviij. — L’an après, que courroit le milliair par mil trois
cent et LXXVIII, fut maistre eschevin de Metz messire Pierre Bougnière. Et, alors qu’il fut fait maistre eschevin, ne fut mie sonnée la
cloche de Mutte. Ne aussy n’avoit-elle mye estés sonnée à faire les
Trèzes, ne pareillement à prendre les bans, quant on thient les aynalx
1. (Rubis) balais.
80
LE GRAND SCHISME (1378)
plait, ne quant on leust les drois l’empereur, le jour que on les lit en la
loge du Champassaille. Et fut ce fait pour tant que les mariens du
travaul là où ladite Mutte pendoit estoient tous pourris et desrons
Plussieur pape en l’Église romainne. - Or advint que, en ceste
année, nostre sainct perre le pappe Grégoire, XI* de ce non, tenoit
son sciège à Romme, et il partit de ce lieu, et c’en vint en Avignon
auquelle lieu le mal le print ; et tellement se ranfïorsait sa mallaidié
qu il en morut. Et, incontinant après le my karesme, tous les cardinalx estant alors à Romme se mirent enssemble pour faire ung nouviaulx pappe. Et tout à l’heure les Romains ce assamblairent et c’en
allirent a lieu là où yceulx cardinalz c’estoient assamblés pour ce faire,
et vouloient lesdit Romains et par force, cornant qu’ilz fut, qu’ilz
fissent ung pappe du pays de Rommenie, ou il dirent et jurairent qu’il
les occiroient tous en ce lieu. Sur ces parolles, lez cardinalx olrent
advis ansamble, et, pour éviter leur fureur et le dangier, il parlirent
à Berthélemy de l’Aigle, alors archevesque de Bar en Puille, et luy
dirent qu’il voulcist estre pappe pour saulver leur vie, et par condicion
que, quant ilz vanroient en Avignon, il ce desmeteroit de sa pappallité,
et ilz le feroient cardinal. Et ledit Berthélemy, comme il fut dit, leur
promist de aincy le faire, et de ce desmetre. Et sur cest promesse fut
fait pappe cent IIIRx et XIR, et fut appellé Urbain.
Mais, quant il fut pappe, et qu’il vit qu’il avoit le piedz en l’estriés,
il ne leur voult rien tenir de ce qu’il leur avoit promis, ne, pour parolle
qu’i luy sceussent dire, ne ce volt desmestre. Parquoy les autres car
dinalz, couroussés de ceste affaire, firent entre eulx ung antipappe de
Robert, alors cardinalz de Geneuvre en Sçavoye ; et fut appellé Clé
ment VIR. Parquoy vint ung très grand scisme en l’Église de Dieu,
très cruel et horrible, qui dura moult loing tamps. Et, pour cest affaire!
le roy de France fist assambler plusieurs prélas d’Esglise et docteur!
pour sçavoir et enquérir lequelle estoit le vray pappe. Et fut trouvés
Clément y avoir plus grand droy que l’autre. Parquoy Urbain, ce
voiant délessés, fist XXX nouviaulx cardinal, pour laquelle « se
ranforsait ce mal. Et durait ce scisme l’espace de XL ans, c’est assavoir
depuis ce tamps jusques au concilie de Constance, auquelle pappe
Mertin fut esleu.
Les Flamens rebelle à leurs seigneur. - Et, pour ce que plusieurs
aultre font de ces chose plus ample mancion, je n’en dirés plus pour
cest fois, ains retournerés à ma matière acomencée, et vous dirés
cornent en celluy tamps se rebellairent les Flamans contre leur seigneur,
de quoy ce esmeust grant guerre, que aucy je laisse pour abrégier.
Pier du Glesquin de guerre aux Navarrois. - Pareillement, durant
ces jour, fut par messire Bertrand du Guescluin menés grand guerre
encontre les Navaroys, traystre à la couronne de France. Dont plusieur
grant personnaige furent amenés à Paris, lesquelles furent descartelés
et mis en piesse, et les quartiés pandus à des potance aus souveraine
a. Suppléer chose après laquelle.
Nicole
de ragecourt, maiïre-échevin de metz
(1379)
81
porte de Paris. Entre lesquelles Jaquet de Rue, Chamberlain, et maistre
Pier du Tertre, secraitaire dudit roy de Navarre, furent escartelez
és halles de Paris et eurent les testes couppées, et leurs membres mis
à VIII potences hors les portes. Les testes demourèrent aux Halles
et les corps au gibet. Car ilz avoient esté cause de plusieurs mal que le
roy de Navarre faisoit et machinoit contre son seigneur le roy de
France ; et, finablement, le dit Jaquet, à la requeste de son dit maistre,
voulut empoisonner le roy de France Charles le quint.
Item, lors, par Philippe, duc de Bourgogne, le duc de Bourbon, le
conestable de France et aultrez, furent prinses et abatues touctes les
forteresses que ledit roy de Navarre tenoit en Normandie, exepté la
ville et chastel de Chièrebourg.
Plussieurs bon bourjois de Mets tués en une chevalchiée. — Paireillement, en cest année, furent tués et occis plussieur noble bourjois de la
cité de Mets. Entre lesquelles fut occis seigneur Perrin Baudoche, le
filz Burtignon Paillat, et plusieur aultre, en une chevaulchié que ceulx
de Varnepech firent sur ceulx de Biche. Car ceulx de Biche les rancontrirent à descouvert, et tellement qu’il en prindrent bienIIIIxx)OU pjus>
Mais de ces advenue ne dirés plus pour le présant, et retournerés
a maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultre chose.
Mil iiic et txxix. — Après ces choses aincy advenue, et que le milliair
courroit par mil trois cent LXXIX, fut alors maistre eschevin de
Metz le seigneur Nicolle de Ragecourt.
Le cardinal Greffile à Mets. — Et, en celle année meisme, trois jour
aprez feste sainct Jehan Baptiste, le cardinal Greffile vint et arivait
en la cité de Metz, et y demeurait ung ans anthier. Et toucte la clergie
de ladicte cité de Mets, de Verdun, de Toul et du païs entour obéis
saient du tout à luy, fors l’évesque des Proicheux, lequelle estoit
souffragent de Mets, et pareillement l’archevesque de Triesve. Yceulx
ne le voulrent obéyr, ains c’en allaient demeurer à Couvellance.
Et avint que, pour cestuy fait, le sire Nicolle de Metry thint en prison
le quair d’ung ans maistre François et Thiriat Faber, bourjois et
citains de Mets. Et, an dernier, il eschapèrent, et furent délivrés par
ung faulconnier.
Aucy avint que, en ladite année, fut le chastelz d’Aulroy en Bretaigne rendu a Françoy. Et mirent lesdit François grant garnison à
Montbourg.
Paix entre le roy d’Espaigne et le roy de Navarre. — Et fut la paix
faicte entre le roy d’Espagne et le roy de Navarre.
Venlzelaus, créés empereur, inutile à l’empire. — Item, en ceste
année mourut Charles de Boesme, roy d’Allemaigne et ampereur de
Homme. Après la mort duquelle fut elleu et créés Wentzelaus, filz au
deventdit ampereur trespassés, lequelle estoit desjay roy des Romains
son perre encore vivant, comme cy devent est dit. Et dit-on de luy
que, en l’aige auquelle il fut fait roy, il demoura tout le tamps de son
ampire. Car, jà çoyt ce qu’il se augmentast en quantité corporelle
«
82
ARNOULD NOIRON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1380)
et en aage d’ans, toutefïois ne croissoit il point en sapience ne bon
gouvernement, mais en toucte meschanceté et ordure. Parquoy
jamais ne receupt la couronne impériale, ne eust honneur en sa vie.
Car l’honnesteté et preudhonmie de son perre ne fust point continuée
en luy, mais en son frère Sigismond, qui, par la grâce de Dieu, assez
tost fut empereur après luy. Pour lesquelles causes, après plussieurs
motions, fut finablement déposé et chassé hors de l’empire. Et, pour
ce que en son temps il ne fist nulle chose digne de mémoire, nous ne
continuerons point nostre nombre par luy, mais prendrons les ans de
Nostre Seigneurs Jhésu Crist pour continuer nostre matière.
La rébellion de ceulx de Monlpelier, avec leurs condempnalions. —
Ainsy doncquez, en son an premier, qui est l’an deventdit de Jhésu Crist
mil trois cent LXXIX, au mois d’octobre, fut la rébellion de ceulx de
Montpellier contre les officiers du roy et du duc d’Anjou, dont ilz
occirent grant nombre, c’est assavoir LXXX ou environ. Entre lesquelx estoit le chancellier dudit duc, le lieutenant, le sénéchal, et
autres les principaulx gouverneurs du pays. Parquoy print mal ausdit
habitans, car l’université en fut condamnée à perdre consulz, consulatz,
maisons, arches, comunes, seel, cloches et touctes autres juridiction
envers le roy de France et le duc d’Anjou ; et, quant aux séculiers,
VE des plus coulpables condamnez à mourir. Item, les deux portaulx
de la ville, six tours et les murs à abatre, et les fossez à emplir. En
oultre, que la dicte université fonderoit une chapelle de six chapelains,
à chacun LX livres de rente, et qu’en ladicte chapelle seroit mise la
cloche de quoy on sonna le tanquehan on befïroy, quant fut la dicte
émotion faicte contre les dit officiers.
Pareillement, durant ces choses, les Anglois de rechief avec grosse
armée dessandirent au royaulme de France et en Burtaigne.
Et furent encor en ce tampts plusieurs aultres chose faictes, des
quelles je me despourte pour le présant. Et veult retourner a maistre
eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoingne.
Mil iiic iiiixx. — Item, en l’an mil trois cent et IIIIXX, fut maistre
eschevin de Mets le seigneur Arnoul Noiron.
Et a, en celle année, le lendemain de feste sainct Jacques et sainct
Cristofle, vinrent et arivairent en Metz deux chevalliers, lesquelles
furent envoyés de part nostre sainct perre le pappe Urbain et de par le
roy des Romains. Et avec yceulx chevallier vinrent le deventdit
évesque des Prescheur, soufïragant de Mets, et lesdit maistre Françoys
et Thirion Faber. Lesquelles apportèrent ung procès de par le dit
sainct perre Urbain, et furent conduis par le seigneur Thiellement
Boisse, chevallier, à la princerie. Et, alors qu’il arivairent, il avoye
desjay prinse une plaisse, nommée Chastillon, que aparthient au
princier, qui que le soit. Et avoient tellement fait leur cas que maistre
François devoit estre trésorier.
a. Philippe a rayé, en marge : deux chevallier envoyés] de part nostre sainct père
le pape.
MORT DE CHARLES V, ROI DE FRANCE (1380)
83
Pareillement, avint que, en celle année, le duc de Bar et ceulx de
Verdun asségeairent Charnei, que Pierre de Bar tenoit à force ; et
firent tant qu’il la prindrent.
La mort de Pier de Bar. — Et, en celle meisme année, ledit Pier de
Bar morut ; et fut ensevelly au champs.
Et fut aussy en ce meisme tamps mort le bon abbé de Gorse, quy
estoit de la lignée de Petitte Pierre.
La burlette en Mels premièrement instituée. — Item, en celle meisme
année, fut premier institués et acomancée la burlette en Metz. En
laquelle institucion fut ordonnés de paier la malletotte de tout vandaige
ou acquaist d’aritaige, c’est assavoir pour chacune livrez VI deniers.
Et fut au tamps et vivent encor le deventdit évesque Thiédric, duquel
je vous ay icy devent parlés.
Le roy d'Angleterre à l’ayde du duc de Brelaingne. — Pareillement,
avint en cest année que le conte de Boquignen, filz au devent dit
Édouard, jaidit roy d’Angleterre, paissait avec une grande armée
tout parmy le reaulme de France pour aller en Bretaigne au secourt
du duc de Bretaigne, et pour aider à tout le pays encontre les Fransoys.
La mort du roy de France et de Bertrand du Guecquin, coneslable. —
Et, tantost après ce fait, et en celle meisme année, le devent dit Charles,
roy des Françoys et Ve de ce nom, luy estant en airme en la compaigne
de messire Bertrand du Guescluyn, et en poursuiant ces annemys,
grant malladie le print,de laquelle il morut. Et fut ensevellis en l’abbayee
de Sainct Denis en France.
Et, aucy, tantost après et en celle meisme année, le devent dit
Bertrand du Guescluym, connestauble de France, fist comme son
maistre et seigneur, et paiait le deu de nature ; car il trespassait de ce
sciècle, lui estant devent le Chasteauneuf de Randon, où il avoit mys
le sciège. Après son trespas fut ledit chastel rendu aux gens dudit
conestauble et les clefz appourtées sur son corps, qui encores estoit
en bière. Et fut le corps dudit seigneur Bertrand ensevelis au piedz du
roy son maistre.
Le duc de Brelaingne raliés aux Fransois. — Pareillement, en celle
meisme année, le duc de Bretaigne fist sa paix encontre les Fransois.
Fait d’arme d’ung escuier anglois et d’ung escuier fransois. — Et, en
ses antrefaictes, y oit ung biaulx fait d’arme acomplis entre ung escuier
françoy et ung escuier angloys, de quoy il olrent tous deux grant
louuange et honneur. Car il firent tous deux cy bien leur fait, et ce
pourtairent cy vaillanment aulx armes que à tous jourenseraitmémoire,
comme plus a loing le raconte les istoire que de ce sont faictes, et
desquelles je me despourte quant à présant, pour retourner a roy
de France et à plusieur aultre besoigne qui avinrent durant ce
tampts.
Les bonne actes du roi décédés. — Celluy roy Charles dairnièrement
décédés laissa deux filz jeunes et dessoubz eaige. C’est assavoir Charles,
qui succéda à la couronne, et Loys, qui fut duc d’Orléans. Avec ce
84
CHARLES VI COURONNÉ ROI DE FRANCE (1380)
laissa trois frères, c’est assavoir Loys, roy de Cecille et duc d’Anjou,
Jehan, duc de Berry, et Phelippe, duc de Bourgogne.
Il fit faire et achever le bois de Vincennes, le chastiaulx de Creilg,
Saint Germain en Laye et Montargis. Par le grant sens, vertus et
bonne conduicte qui furent en luy, il est entre les aultre roys de France
nommé Charles le Saige. Il trouva le royaulme en grande misère,
perplexité et tribulacion, mais le laissa en bonne disposicion, assembla
grans trésors, fit maintes notables enquestes, et, de son tamps, paix
et justice régnèrent en France. Il se entretint sagement avec les princes
de son sang, et ne s’esmeurent de son tamps milles guerres, fors l’an
cienne hayne des Anglois, desplaisans et enraigez des pertes qu’ilz
avoient faictes, lesquelles leur sembloient irréparables. Et, pour ce,
sans cesser conspiroient la destruction totalle de France, et contennoient 1 toute manier de paix. Mais contre eulx se portèrent tousjours
vaillamment les ducz d’Anjou, de Berry, de Bourgogne et de Bourbon,
députez et ordonnez en diverses marches et frontières pour les combatre. Et, en ce, monstrèrent qu’ilz aymoient la couronne de France,
dont ilz estoient descenduz, ainsy comme le filz doit tousjours aymer
sa mère et génération.
Envie des prince pour régner. — Mais, après la mort de celluy Charles,
furent les chose en aultre point. Et ce esmeust ung grant discort pour les
aministracion du royaulme. Car, pour ce que ledit Charles VIe, filz au
devent dit Charles trespassés, n’estoit en aage compétant pour estre
couronnés, chacun voulloit gouverner. Et y oit pour ce fait telle envye
et telle mutinerie entre les prince et seigneur que en grand aventure
fut la chose publicque.Car, alors et à cest ocasion,dessandoie les anciens
annemys Angloys de toucte part au royaulme, et faisoient de grand
domaige en pernant ville et chastiaulx, et en molestant le povre pu pie.
Et, encor aaventaige, les propre gens d’armes du royaulme, pour ce
qu’il n’estoient paié, corroie et ribloie et affligeoient le peuple de toucte
part par larcins et roberie. Car, en ce tamps, estoit mort le vaillant
Bertrand du Guescluyn, comme dit est, et n’y avoit homme qui tenist
la mains.
Charles vie coronnés roi de France àxij ans. — Toutefïois, après ce
que le conseille oit pour ces chose plusieurs fois estés enssemble, fut
déterminés que le jonne anffans, aagé de XII ans, seroit courronnés
à Bains, comme il fut. Et fut Charles VIe, et XLIII® roy de France.
Et, à son couronnement, y oit grant noise entre les frère, ces oncle,
pour sçavoir lequelle yroit devent en ceste office. Toutefïois la chose
ce apaisanta.
Murmure des Fransois pour les taille el gabelle. — Aucy, durant ce
tamps, pour la nécessité du royaulme, ce levoit grosse ganelle deaans
Paris, laquelle estoit a Parisitns uur à pourter ; et tant que, ung jour,
ce assamula le puple, et contraindirent les gouverneurs de les oster.
Et, encor plus fort, viollantement rompirent les maisons et les coffre de
1, Contemnoient, méprisaient ?
LA RÉVOLTE DES GANTOIS
85
tous les fermiers et officiers qui tel denier levoye,et per despit gettairent
yceulx denier parmy les rue. Et, avec ce, rompirent en piesse tout les
livre des compte et les recepte d’icelle taille et levée. Et, encor, contre
la voullunté du roy, rompirent les maison, prinrent et ravirent tous les
biens des Juif demourant alors à Paris. Et, quant les officiers royaulx
les reprenoient de tel chose, les plus petit oysairent biens respondre
que à la mal heure furent ces taille ellevée, car c’estoit pour soubtenir
leur gourre, leur orgueille et leur luxure, et que le pouvre puple pourtoit tout ce sus leur espaulle. Et, après, fut advisés par le conseille
que tous ceulx qui avoie rante paieroie de chacune livre XII denier.
Et fut de part le roy cest chose publiée à Paris, à Rouen et à Amyens.
Néantmoins tout le puple générallement le refuza à paier.
Cy nous tairons quelque peu de ces chose pour parler d aultre mestier.
Adventure irouvê[e] d’ung cerf avec ung colier d’arain. — Or escoutés
chose merveilleuse et digne d’estre mise en mémoire. Durant ce tamps,
le roy Charles c’en estoit allé à Sanlins pour soy recréer à la chasse.
Alors, per l’aboy des chiens, fut trouvés ung cerf et mys en fiiyte.
A celluy cerf ainsy chassé fut veu qu’il pourtoit ung collier d arrain
à l’antour de son col. De ce le roy adverty deffendit luy touchier de
ferremens, ne de l’eschaufïer ; ainçoys le fist prendre aux rethz, sans
aulcuns mal. Lors fut resgairdé ce collier, et fut trouvé dessus escript
en lestres latines : « Cecy m’a donné César ». Or, pour ce qu’il y ait loing
tamps que Jule César est mort, il fut interprété que c’estoit d’ung
aultre ampereur que les lestres parloie ; car tous ce faisoient appellés
César. Et, depuis ce tamps, Charles eut tousjour pour enseigne ung
cerf avec les ailes, et l’appelle on cerf voilant, pourtant une couronne
d’or à son col. Et aussy, depuis ce tamps, l’on mest tousjour deux
pareille cerf a deux coustés des armes royalle de France.
Scisme el division en l'Église pour le règne des pape..
Aucy, en
celluy tamps, y avoit grant discenssionet débat en l’Esglise pour le fait
des pape. Car le roy de France soubtenoit Clément, et le roy de Bohême
et de Castille soubtenoient le partit de Urbain. Et, pour cest affaire,
en furent envoiés plusieurs ambaxadeur devers le roy.
En « ce tamps fut condampné en perpétuelle prison a pam et à
l’yawe Hugues Abriot. prévost de Paris, pour son hérésie. Car jour
nellement il hantoit les Juif, et avoit compaignie à leur femme. Et
avec ce, avoit en desdaing le sainct sacrement de 1 aultel , et aucy u
actisé du péchiez contre nature. Et, ce n’eust estés à la prière d au cuns
grand seigneurs, il fut estés brullés.
Grosse mutinerie d Gand. — Item, en celluy tamps, y oit une mer
veilleuse mutinerie à la ville de Gand. Car, pour ce que leur conte, eur
voulloit ellever une nouvelle imposicion et gabelle, il ce ellevairen
encontre luy, et firent une terrible mutinerie et alliance encontre uy.
a. Philippe a rayé, en marge : le prévost de Paris condempnés pour hérésie,
86
LA RÉVOLTE DES GANTOIS
Touteffois, il heurent conseille enssamble ; et ce vinrent offrir aulcuns
gens de biens Gantois, à ce comis de part la comune, de libérallement
donner à leur dit seigneur le conte plussieur grand somme de denier
touteffois qu’il luy seroit de nécessité. Mais autrement il ne voulaient
estre tailliés, ne ne voulloient souffrir de paier nouvelle imposicion.
Et, par cest offre, pansoient les Gantoys avoir rapaisés la fureur de
leur conte. Mais aulcuns de ces officier respondirent à yceulx comis
rebellement en menaissant les Gantoys et en disant que le conte leur
maistre les feroit bien amollir et ployer. Laquelle responce prindrent
mal pacientement. Et, dès alors, constituairent sur eulx pour capi
taine général ung nommés Philippe Artevelle, par le conseille duquelle
fut remise sus la livrée des blan chaperon, qui estoit une enseigne par
eulx de loing tamps delessée. Et soubz plusieur capitainne firent leur
armée, que fut de XII mil homme. Avec lesquelle il sortirent de la
ville pour combatre le conte leur seigneur, lequel alors estoit sur les
champs avec grosse armée. Et, dès qu’il vit les Gantois désirans la
bataille, comenda aux siens qu’il allassent Artevelle assaillir. Laquelle
chose fut faicte. Maix fortune fut au conte cy contraire qu’il perdit
ce jour cinqz mil hommes de ces gens. Et par ainsy se retira à Bruges.
Auquelle lieu on ait de coustume très ancienne, tous les ans, de faire
une pourcession généralle et grant sollennité, à laquelle viennent
plusieur laboureurs dé villaiges et de tout le pays enthièrement.
Sublülités de Artevelle, capitainne. — Or escoutés que fit Artevelle.
Deux mil hommes de ces gens furent acoustrés en laboureurs et armés
à la couverte, et ainsy c’en allairent sur le merchief de Bruges. Et illec
furent assaillis les gens du conte, desquelles plusieur en furent tués
dessus la plesse. Et fut le conte en grant dangier de sa personne, et lui
fut force de ce saver par une fenestre de sa maison ; et à l’Escluse se
retira. Alors furent les Brugeoys pillié, et plusieur des occis.
Après ces choses, y oit encor plusieur grant chose faicte et dictes,
que je lesse pour abrégier. Entre lesquelles ledit conte envoiait à Gand
son baillif, nommé Roger d’Anterve *, avec deux cent chevallier,
1 estendart du prince, selon la mode de la guerre, desployé. Et estoit
leur intencion de par force entrer en la maison d’ung nommé Jehan
Léon, qui ce melloit des affaire de la ville, et de le murtrir.Maix celluy,
pourvoyant à son cas, avoit assamblés grant tas des eschaperonnés,
avec lesquelles, cen faire bruit ne noise, antra au marchés. Et, dès qu’il
aperseurent le baillif, le ruairent par terre. Et fut tués et mis en piesse,
et 1 estandard qu’il faisoit pourter devent soy fut pareillement mis en
pièces et en lopins, et tout désirés 12.
Le chasteau du conte bruslés. — Ung aultre fois, après, en la conduite
dudit Jehan Léon, saillirent les Gantoys en nombre de X mil. Et, par le
conseille d’icelluy Jehan Léon, assaillirent ung biaulx pallas et lieu de
plaisance, auquel le conte prenoit tout son desduit, nommés Andreghemme ; et avoit coustés cent mil livre à faire. Mais par force fut ce
1. Roger d’Autryve (Frojssart, éd. Kervyn de Lettenhove, IX, 178 et sqq.).
2. Deeeirês, déchiré.
LA RÉVOLTE DES MAILLOTINS A PARIS
87
lieu prins et pilliés ; et puis ont boutés le feu dedans. Dont le conte
cuida enraigiés, quant on luy en dit les nouvelles.
Ceulx d'Ypre se rebelle.— Aussy, pareillement en celluy tamps, ceulx
HP la ville d’Ipre ce rebellairent au conte, et avec leur armée ce jour
dirent au Gantoys. De quoy la guerre fut plus innimée * que devent.
Mais maintenant je m’en tairés et n’en dirés plus pour le presant.
Car d’aultre chose convient parler, avent que je achève celle mestier.
C’est assavoir d’aultre mutinerie qui ce firent en diverse lieu et con
trées, comme cy aprez oyrés.
Grand mutinerie à Paris. - Vous avés par cy devent oy cornent
et par quelle manier ce esmeurent les Flamans en 1 encontre du conte
d’icellui païs, leur prince et signeurs ; dont moult de mal avmdrent,
comme cy après serait dit. Cy vous veult maintenant desclairer cornent,
aucv durant ce tamps, ce esmeust le peuple en plusieurs heu et contrées.
Entre lesquelles ceulx de Paris firent une terrible mutinerie et grand
émotion de puple, comme vous oyrés.
Or il est vray que, en celluy tamps, aulcuns des prince du royaulme,
et des plus grand, tel comme le duc d’Anjou et plusieur aultre, vou
lurent remestre dessus nouvelles imposicion et gabelle. Parquoy contre
eulx ce ellevait ledit peuple de Paris, et de fait ce arma
Mutinerie à Rouen. - Et à l’example d’iceulx firent plusieur aultre
ville et cité. Entre lesquelle furent ceulx de Rouen, qui tuerent tous les
fermiers et recepvoir des tailles, et assaillirent le chastiaulx auquelle
estoit la garnison du roy.
Or escoutés, encor plus fort, qu’il avint à Pans environ demi ans
aprez. Ledit duc d’Anjou, alors régent de France, ce pansant que e
populaire de Paris estoit appaisé, flst une
le*» £
taille. Et comenda la publier au consistoire du Chaste et, et tout d ung
train establit officiers pour ycelle tailles lever et recueillir. Cy avint que
environ le premier jour de mars, si comme aulcuns d iceulx officier fut
venus és halles de Paris et demendait aulcuns denier à une pouvre
famellette, nommée Perrette la Morelle, pour vente de tesson, de
quoy la pouvre femme à haulte voix ce complaindoit et crioit, faisa
clamour et cris, dequoy aulcuns marchamps passant par R en vou
parler, et en print la question, et tellement que plusieur c y assamblèrent, et tout à coupt fut celluy officier et leveur de taille tués et m
en piesse dessus le pavés.
,
. ,
„ • .
La guerre des maillet. - Et, ce fait, ce arma le puple, et souveramnement lez maraulx de grève et manouvrier. Et, par trois jour duran ,
n’y avoit homme qui les peust apaisés, car yl courroie par cen e
millier parmy la ville. Et, là où il sçavoye ung fermier ou leveur de
tailles, il estoit fait de luy. Et, meismement, ceulx quy c en fuyoïe
és église, il les tuoient tout dessus les autel. Encor plus fort il rompire
les prison du roy, tant du Ghastellet comme de 1 évesque, e e ivrare
1. Animée ?, au sens d’acharnée.
88
BURTHE PAILLAT LE JEUNE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1381)
tous les prisonnier. Et, pour ce qu’il estoient mal armés, il rompirent
les huis de. l’ostel de la ville, et priment les armure, entre lesquelle y
avoit plussieur maillet de plonc. Et firent tant d’aultre murtre que ce
fut merveille.
Plus sieurs signe aux ciel et prodige. - Aucy, en ce tamps, furent
veu plusieur signe au ciel. Et fut trouvé à Sainct Denys ung monstre
ayant deux testes, troys yeulx et deux langues.
Le roy compose à cent mil francs avec les Parisiens. — Alors le roy,
bien couroussé de cez mutinerie, manda les Parisiens pour sçavoir leur
vo untés. .Et y furent dez plus grans de entre eulx comis, lesquelle,
après plusieurs escuse donnée, et plussieurs allée et venue pour cest
affaire, donnairent a roy la responce pour tout le puple, disant que
plus tost ce mesteroie et exposeroie a danger de la mort que de souffrir
le tribut des tailles, ne que de endurer celle servitude serville. Touteffois,
après plussieurs aultres parolles, que je laisse, fut donnés a roy, pour la
nécessité du royaulme et pour une fois, la somme de cent mil frans.
Et amcy fut la chose apaisée. Et fut celle tuerie appellée la Guerre des
Maillet.
Item, en celluy tamps, fut donnée audit duc d’Anjou la couronne du
royaulme de Neaples par pappe Clément septiesme. Et à force d’arme
y alla et la province occupa. Car celluy duc d’Anjou, nommés Loys,
avoit ressus le dons du drois que Jehanne, royne de Cecille et de Jhérusalem, contesse de Provence et femme de Charles, duc de Calabre, filz
de Robert, roy de Cecille et de Navarre, et suer a roy Phelippe de
France, prétandoit à avoir audit royaulme. Et le constitua son héritier,
car elle avoit jà régné XXX ans sans povoir avoir lignée.
Mais à présant je me tairés de ces chose et retournerés a maistre
eschevin de Mets, et à la mutinerie et malheureuse guerre desdit
Flamans, avec plusieurs aultre chose digne de mémoire.
Mil Hic iiüxx ei ung _ pn pan aprèS) qUe le milliair courroit par mil
trois cent IHIXX et ung, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le
seigneur Burthe Paillat le josne.
La cloche appellée Meule fondue. — Et, en celle dicte année, firent
aire lesdit de Mets une nouvelle cloche nommée Meule; laquelle il
convint refondre par deux fois, pource que la premier foys ce pourtait
mal. Et firent aincy faire ung nouvel clochier de bois pour la mettre.
Car, par avant, on solloit sonner la grosse cloche Sainct Eukaire en
lieu de Meutte.
Le roy de France à l'ayde du conte de Flandre. — Or, maintenant,
retournons à parler et à échevir nostre prepos du conte de Flandres
et de la guerre par lui maleureusement faicte jusques cy. Parquoy,
comme désespérés et que à grant painne, comme cy devent est dit, il
fut à l’Escluse eschapés, ce retira vers le roy Charles en France. Duquelles, après plusieurs chose faicte et dictes, que je lesse, il obtint le
secour. Et à grant puissance c’en vint le roy luy mesme en personne
avec grosse armée en son ayde.
LA BATAILLE DE ROSEBECQUE
(1382)
89
- Çenlx d'Ypre et les paiis joindanl sont humiliés. — Et, après ce qu’il
oit fait randre ceulx de la ville d’Ypre et qu’il oit ressus à mercy en
paient XL mil frant, lors tout le plain païs et le rivage de la mer ce
composairent a roy. Et, pour estre saulves, eulx et leur biens, ont paiés
la somme de LX mil escus.
TJng bourjois de Gand trahis et inhumainement murlris. — Et, en ces
entrefaictes, le devent dit conte Loys fist une grande malvistiet et une
grand laicheté. Car, alors, il manda quérir un bon bourjoys de Gand,
et le assura par ces lettre scellées de son seaulx, et luy mandait qu’il
vint tout seurement parler à luy. Dont il y oit aulcun grant seigneur
qui ce doutairent bien de la trayson et lui conseillèrent qu’il n’y allait
mye. Touteffois il ne les creust pas et y allait. Dont il fit mal ; car,
quant il fut venus, le conte le fit prendre et loyer *, puis le fist mestre
en ung tonnel fiché plain de broches de fer, et puis le fit roiller 12 aval
la ville ; et aincy luy fist finer en grant douleur sa vie.
Bataille donnée aux lieu de Rosebecque, et bien XL milFlamenl tués.
Puis, après ce fait, et que plusieurs rancontre, grant murtre et tuerie
furent faicte et d’ung coustés et d’aultres, journée de bataille fut mise
le XXVe jour de novembre, en l’an dessus dit mil trois cent IIIIXX et
ung, en ung lieu nommés Rosebeque, près de Courtray. Et tellement
que, quant ce vint à l’aprouchier, ce assamblairent grant multitude de
courbiaulx voullant en l’air, et le tamps quy devint noir et obscur,
tellement que à painne veoit on goutte. Alors fut desploiées l’oriflambe, que le roy avoit prins à Sainct Denis. Et, ce fait, ce mellairent
les ung parmy les aultre, et fut grant pitiet de veoir la tuerie et les
occis. Et ce tindrent longuement cen ce que on sceust qui l’airoit
perdus ne gaigniés. Mais, à la fin, furent les Flamans mis en fuit, et en
demeura quarante mil des tués dessus la place, cen ceulx que 1 on tua
depuis en fuyant. Entre lesquelle fut tués ledit Phelippe d’Artevelle,
et son corps pandus.
Ceulx de Bruges se compoze. — Tantost après, ceulx de Bruges
envoiairent leur ambaxade devers le roy, demendant sa mercy des
faulte du paissé. Et, en paiant VIXX mil frant, il furent ressus en grâce.
Courtray rasé. — Mais Courtray fut abatue, airxe et brûlée.
Les Gantois obstinés. — Et les Gantoys, de ce, furent plus obstinés
que par avant et demourarent en leur opinion.
Ollivier du Clisson fail conestable. — Et, après ce fait, le roy fist
connestable de France messire Olivier du Clisson, chevallier très
renommés.
Les rebelle de Paris pugnis. — Et puis ce mist en chemin droit à
Sainct Denis, et de là fist son antrée à Paris. Au quelle lieu il fist grant
punicion des malfacteur et des rebelle, et en furent décapité XII des
principaulx. Entre lesquelles le fut messire Jehan des Maretz, con
seiller et advocas du roy ; et vouloit on dire que ce fut à tort et par
1. Lier.
2. Roeillier, rouler.
90
PIERRE FESSAL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1382)
envie. Et au prévost des merchamps fut ostée son office, et aus aultre
confisca le roy la mitté de tous leurs biens.
Les Anglois veuille a descendre en France. — Ce tamps pendant que
ces chose se faisoient en France, les Angloys ce mestoie sus pour France
destruire. Et à ce les fauvorissoit le pappe Urbain VIe, et ottroia les
dismes a roy Richair pour faire la guère, en despit du roy Charle qui
soubtenoit et defïandoit Clément, son compéditeur. Mais la clairgie
d’Angleterre, et par espécial l’arcevesque de Cantorbie, qui estoit
chancellier du roy, estoient d’opinion contraire. Pour laquelle chose
les serviteur dudit Richair tuairent et murtrire ledit archevesque et
plusieurs aultre, tout devent les piedz du roy angloys, et les corps
traynairent parmy les rue. Et firent encor plussieurs aultre grande
cruaultés, desquelle je me passe d’en plus dire pour le présant.
Ains veult retourner au maistre eschevin de Mets et aulx aultre
gueire qui avinrent durant sa maistrie et son année.
Mil iii iiiixx el deux. — Quant ce vint en l’an après, et que le milliair
courroit par mil trois cent IIIIXX et deux, fut en celle année maistre
eschevin de Mets le seigneur Pier Fessai.
Les confrairie de Mets abollie. — Et alors, en celluy mesme tamps,
furent abatue touctes les confrairies d’icelle cité et furent anichillée
et defïandue. Et la raison pourquoy fut pour ce que entre eulx, cen la
lisance de justice, il faisoient plusieur alliance et assamblée, parquoy
l’on ne voult plus souffrir icelle confrairie. Et furent dès lors en avant
du tout ostée, réservés aulcune et bien peu, qui de ce furent previlaigiés.
En celle mesme année, et durant que le roy angloys ce préparait
à la guerre, comme cy devent est dit, Charles VIe, alors roy de France,
ne dormoit pas. Ains fist une grosse et merveilleuse armée, de laquelles
il assaillirent leur annemys. Et, après ce que en plusieurs lieux furent
yceulx Anglois desdit Françoy assallis et mis en fuyte, cy furent lesdit
Angloys par icelle armée du roy anclos à une ville nommée Burbourg ;
et à la fin ce randirent, leur vie salve.
Le roy de France avec iiic mil chevaulz. — Et dit-on que alors ledit
roy Charles avoit en son armée, comme le mest Froissairt, trois cent
mil chevaulx. Car de Germanie estoit venus en son ayde Féderic, duc
de Bavyère, et plusieur aultre, avec grand puissance. Et, après ce que
lesdit Angloys furent aincy rebouttés, c’en retourna le roy en France.
Loys, conte de Flandre, irespassé. — Et ne demoura guerre après que
le deventdit Loys, conte de Flandre, trespassa.
Miracle advenus contre des pillair. — Item, en celluy meisme tamps,
avint ung miracle en la devant dicte ville de Burbourg ; et fut chose
vraye. Car, quant le roy de France oit prinse ladicte ville et pillée,
comme dit est, advint que ung desdit pillart entrait en une église
c’on disoit Sainct Jehan. Et, là, voult aller prendre une pierre préa.
M : veiulle.
JOFFROI DE WARIXE, MAITRE-ÊCHEVIN DE METZ (1384)
91
cieuses qu’estoit sur le chief d’une Vierge. Mais, quant il la volt pren
dre, la vierge se retournit, et cheut Tomme tous roide mort. Puis, ce
fait, y en oit encor ung aultre, qui ne craindoit Dieu ne sa mère, et
voult aller prendre ladicte pier, et en avint comme du premier. Parquoy on doit craindre d’offancer Dieu et cez sainct.
Et ne saiche autre chose estre advenue en celle année que à compter
faisse. Doncquez me convient retourner a maistre eschevin.
Mil iiic iiiixx et trois. — Et dirés cornent, en Tan après, mil trois
cent IIIIXX et trois, fut maistre eschevin de Metz le seigneur Nicolle
Drouuin.
Six gentil homme de Mels créés chevalier.
En laquelle annee le
deventdit roy de France fist une chevaulchée devant Bourbou 1 en
Flandre. Et là y oit VI chevaliers de Metz, c’est assavoir seigneur
Nicolle de Fieu, seigneur Laurent le Gournaix, segneur Jehan Drouuin,
seigneur Wary le Gournaix, seigneur Jacques Bertrand et seigneur
Jehan Braydi.
Et fut en cest année que morut le deventdit évesque Thiédnch de
Bompart, évesque de Mets.
Pareillement, en celle année, environ le Noé, fut mort le duc de
Braibant, qui estoit appellé Wesselin, et duc de Lucenbourg.
Ne aultre chose ne saiche avoir estés fait en celle année digne de
mémoire. Parquoy, en ensuiant ma mastier, je retoumerés a maistre
eschevin et à plusieur aultre besoingne.
Mil iiic iiijxx el quaitre. — Item, en Tan aprez, que courroit le
milliair par mil trois cent IIIIXX et quaitre, fut alors maistre eschevins
de Mets le seigneur Jofïroy de Warixe.
Ceulx d’Orléans se rebelle. — Et, en celle année, les habitans de a
cité d’Orléans ce eslevairent encontre les fermiers et leveur de malletoutte de ladicte cité ; pourquoy plusieur mal en avindrent.
Aucy, en ce tamps, fut la ville de Graveline prinse par les François
sus les Anglois. Et fut tout mis au feu et à 1 espée.
Ung miracle advenus à Lubec. - Pareillement, avint que, en celle
année, hors de la cité de Lubec, ce fist ung grand miracle ; pour lequelle
fut faicte la chapelle de Saincte Croix audit lieu. Le miracle fut telle :
comme on menoit ung jeune homme pendre, il s’agenoilla devant a
croix quy estoit en son chemin. Quant il eut fait son oraison, ladite
croix ou ymaige du crucifix leva la teste et regarda derrier soy, comme
desplaisant de ce qu’on menoit pendre ledit jeune homme. Dont le
monde fut moult esbahy.
Loys, archevesque de Madebourg, tué en danceanl.
Aucy, oys,
archevesque de Magdeburg, en dançant en la ville de Caluen 2 avec les
dammes et damoiselles jusques à mynuyt, cheut et tresbucha à terre.
Dont ce rompit la cervelle et le col, avec une des damme qu il menoit.
1. Bourbourg (Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove, X, 253 et sqq.).
2. Kallehne, près Magdebourg, Kreis Osterburg ?
JW
LE BIENHEUREUX PIERRE DE LUXEMBOURG, ÉVÊQUE DE METZ
Aulcuns seigneur de France sus les Turcqz. - En la dessusdicte
annéê, Loys, duc de Bourbon, le conte de Harcourt et le seigneur de
la Trimoille s’en allèrent en Barbarie sur les Sarrazins. où ilz firent de
belles vaillances.
phissieur pillair aux paiis de Lymoges. - Et, en ce meisme tamps,
ce assamblairent plu sieur meschant homme Auvergnatz, Lymosins
et Poictevyns. Lesquelx corroie, déroboie et rybloient par les païs •
et estoîent contraire à Dieu, à Saincte Église et à toucte gentillesse.’
Et firent yceulx lairon plusieur chose mal faiete, que je laisse pour
abrégiés. Mais, à la fin, furent partie tués, et le rest pandus.par le duc
de Berry, qui les rencontrait en c’en allant en Avignon, car ledit duc
c en alloit veoir le pappe.
Ung Anglois décapité. — Item, aucy, tantost après, leroy de Navarre
cuydait faire empoisonner ledit duc de Berry et de Bourgongne. Et
pour ce faire, y envoiait ung Anglois, nommé Jehan, lequelle fut prins •
et, son fait cognus, fut décapité.
Pareillement, ce fut en celle meisme année que, après la mort du
devcnt dit seigneur Thiédrich de Bompart, fut elleus et ressus pour
évesque de Mets le bien heureux Pier de Lucembourg, duquelle je vous
par1erés ycy après.
[le BIENHEUREUX PIERRE DE LUXEMBOURG, SOIXANTEQUINZIÈME ÉVÊQUE DE METZ :
l383-l387]
Pier de Lucembourg, Ixxv* évesque. - Sainct Pierre de Lucembourg
fut le LXXVe évesque de Mets. Et fut receu par le chapistre de la
Grant Église d’icelle cité le jour de la Pentecouste, en l’an dessusdit
mil trois cent IIIIXX et qUaitre. Et morut celluy sainct Pior trois ans
après, en Avignon, quant le milliair courroit par mil trois cent IIII*x
et VII, comme cy après serait dit.
Le roy de Porlingal coronnês. - Et en celle année fut couronnés
roy de Portingalle Jehan de Portingalle, le jour de la Trinité, en sa
cité de Couimbre.
Pillair parmei les paiis. — Item, aucy en celluy meisme tamps,
régnoient une manière de malvais garson, que on appelloit Conporselle.
Et ce tenoient dedens les bois de la Respaille ; et avoient dedens
cestui dit boys fait une maison si forte qu’i n’estoit possible de les
prendre ; et faisoient des maulx innestimable.
Différent entre les seigneur et bourgeois pour refaire et créer les sei
gneur Trèzes l. - Item, avint que, en celle année, les bourjois de la
cité de Mets eurent aulcune altercacion de parolle enssamble pour
,
S
^es estvardeurs de la cité. L’atour des treize estvardeurs a été publié HMe,
t. IV, p. 362.
r
JACQUES BERTRAND, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1385)
93
sçavoir qui que referoit les trèses awairdeur à la Chandelleur venant.
Car il ce doutoient que les seigneurs et gens de linaige n’eussent aulcuns
discord enssamble à les faire, pour ce que aulcuns d’iceulx Trèzes
disoient qu’il les dévoient reffaire chacun en son paraige, aincy comme
il avoient fait l’année devent. Et la cause estoit pour ce qu’il disoient
que le deventdit seigneur Pier de Lucenbourg, leur évesque, estoit
devenus cardinal, et que nostre sainct perre le pappe d’Avignon
l’avoit seullement fait aministrateur et gouverneur de l’éveschiez de
Mets. Et, pour ce, requirent yceulx bourjois a Trèzes que, pour ce fait,
il en missent le conseille enssamble, affin que, quant ce viendroit à la
Chandelleur, desbat ne c’en esmeust entre eulx. Toutefïois yceulx
Trèses n’en firent rien pour celle fois.
Parquoy les bourjois deventdit c’en vinrent au seigneur Jofïroy de
Warixe, alors maistre eschevin, comme dit est, et luy dirent et priairent
que, pour ce fait, il voulcist mestre les paraiges enssamble. Et, à leur
reqùeste, fut aincy fait. Et print on de chacun paraige ung homme,
auquelles fut donnés comission et chairge qu’il dissent par leur ser
ment ce qu’il leur en sambloit ; c’est assavoir, ce ledit cardinal, qui
estoit aministrateur de l’éveschiez, referoit les trèzes éwairdeur,ou cela
ville lez referoit, ou les Trèzes qui alors estoient. Et fut crantés et jurés
de tous les paraige de tenir ferme et estauble tout ce que lez deventdit
que prins estoient en diroient. Et furent yceulx seigneur que prins
estoient pour ce fait longuement en conseille. Mais, à la fin, ne peurent
avoir acort, et n’en rapourtont rien.
Parquoy yceulx bourjoys, voient que rien n’en estoit fait, ont errier
elleus encor en chacun paraige ung homme avec lez premier. Tellement
que yceulx firent ung estatus et ung estour, que on pranroit chacun ans
deux homme en chacun paraige, et on paraige du comun trois. Les
quelles, de ces jour en avant, seroient aincy prins pour estre les trèzes
éwairdeur deventdit (qui estoit alors, comme je entant, une justice
alant après les trèzes jureis et la justice de la cité de Mets). Et aincy
fut jurez et crantés de tous lez paraige sur l’aultel on moustiet Sainct
Pier, comme l’estour que de ce en fut fait plus à plain le devise. Mais
d’icelle atour et ordonnance, il me samble que à présant 1 on n en huse
plus, et est du tout abollie.
Touteffois, le conte de Sainct Pol voulloit que on deffit cest ordon
nance pour l’amour de l’évesque Pier de Lucembourg, son frère, mais
on n’en fist rien. Et, de fait, en corrut sur lesdit de Mets et fit plusieur
dopmaige par le pais, comme cy après serait dit.
Mil iiic iiiixx el v. — L’an mil trois cent IIIIXX et V, fut maistre
eschevin de Mets, du paraige de Portemuselle, seigneur Jacques Ber
trand.
L’évesque Pier à Mets. - Et, en celle année, vint en Mets et fist
son antrée le deventdit seigneur Pier de Lucenbourg, alors évesque de
Metz et cardinal du Sainct Sciège apostolicque. Et fist ledit seigneur
à sa venue faire une procession à Sainct Vincent ; et luy fit la ville ung
94
DIFFÉRENT ENTRE LE COMTE DE SAINT-POL ET LA CITÉ DE METZ
présent de cent quartes d’avoinne, de deux gras beuf et deux cowe de
vin. Cellui sainct évesque Pier de Lucembourg fut cy saincte personne
et de cy grant humilités que, comme on dit, il fist ycelle son antrée
en la cité de Mets, de laquelle il estoit évesque, comme dit est, à neudz
pied, dessus une aisne, comme fist Nostre Seigneurs en Jhérusalem.
Puis menait vie de cy grande et austère pénitance qu’il est canonisés
et sainct en paradis.
Procès du conte de Sainct Pot contre ceulx de Mets ad cause des Trèzes.
— Item, en celle meisme année, le devent dit conte de Sainct Pol
son frère, acompaigniés de trois cent cheval et XL arbeulletriet, c’en
vinrent devent Mets. Et ce lougeairent à Ainnery, sus le seigneur
Nicolle de Heu, et y demourairent quatre jour. Lesquelles durant il
mandait a ceulx de Mets qu il volcissent defïaire les trèzes eswairdeurs
qu’on avoit fait à la Chandellour devent, corne dit est, car il empeschoient la juridiction du deventdit évesque Pier de Lucembourg,
son frère, comme il disoit. Mais on n’en fist rien. Parquoy, à celle
occasion, il esmeust une grosse guerre contre la cité, et fist plusieurs
domaige par le pays, comme cy après serait dit.
La tour quarrée qui est aux pont Rémon[t] eschevie. — Aucy, en celle
meisme année, on acomensait à faire la grosse tour quairée qui est
devent la porte du pont Reugmont, en Mets, qui fait la premier porte ;
et fut aucy ramandée la tour de ladicte porte.
La mort de Gascon i de Foix. - Item, en celle année, morut Gascon,
le filz du conte de Foix ; et fut empoisonnés, don ce fut dopmaige!
Car tout ce fut fait par le roy de Navarre, son oncle.
Victoire du roi de Porlingal contre le roi de Castille. — Pareillement,
en celle meisme année, le roy de Castille, avec une grosse armée, furent
desconfis par le roy de Portingal. Et y eust mainte bon chevallier
occis, dont ce fut dopmaige.
L esprit Orthon revenus.
Item, en ce tamps, régnoit ung malvais
esperit nommés Orthon, et faisoit de merveilleuse besogne. Et, entre
les aultre, il servit ung ans anthier le sire de Corasse, et ly apportoit
chescune nuyt novelle de tout les pays du monde.
L’Amorabaquin, turcqz, contre les Grec. - Pareillement, en ce
tamps, régnoit ung sarrazin, prince des Turc, appellés l’Amorabaquin \
qui fit guerre sy mortelle et sy grief domaiges aux crestiens qu’il
rendit l’empereur de Grèce tributaire à luy.
La mort de Loys d’Anjou. - Audit ans trespassa vers Naples Loys,
duc d’Anjou et roy de Cecille, en grande indigence et soufïreté, voulant
conquester le royaulme de Cecille. Et ses gens, tant noble que non
nobles, s en retournèrent à pied, chacun ung baston en son poing.
Les bénéfice départie. — Aussy fut pour lors conclud par le roy, à la
requeste de 1 Université de Paris, que nul or ne argent se transportas!
1. II s agit de Gaston, fils de Gaston III de Foix, dit Phœbus, qui fut jeté en prison
par son père, comme ayant voulu l’empoisonner, et qui y mourut la même année (1382).
2. Bajazet, Basach, dit l’Amourath-baquin (Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove,
XIV, 386, etc.).
JOFFROI LOHIER, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1386)
95
hors du royaulme, et que la IIIe partie des bénéfices fut mise aux
réparacions des églises, l’autre tiers à payer les charges, et l’autre pour
vivre les gens d Esglise.
Plussieur conqueste des François sur les Anglois. — Puis, en ce meisme
tamps, fut le roy Charles amonêtés des prince du royaulme de envoier
son armée en Angleterre. Et, pour ce faire, fut levés sus le royaulme
une merveilleuse et oultrageuse taille. Et, après plusieurs chose faicte,
que je lesse, messire Jehan de Vyenne, admirai de France et vaillant
chevalier, à tous LX navyère, et avec l’ayde du roy d’Escosse, antra
on dit païs d’Angleterre. Et firent en ycelluy pais partie de leur voullunté, en prenant et pillant ville et chastiaulx. Entre lesquelle il prinrent à force d’arme ung chasteau nommés Drouart i, 2lequelle estoit
réputé impernable. Puis c’en retournait chacun en son lieu.
Les Fransois aliés aux Gantois. — Et, tantost après, fut prinse des
Fransois la ville de Amien en Flandre, et toutte pillée ; et en y oit
plusieurs des tueis. Et la cause fut pour ce que les Gantoys ce antremirent de voulloir bruller les nefz fransoise qui estoient retournée
d’Angleterre à l’Écluse. Tantost après fut la paix faictes desdit Françoys et des Gantoys.
Aucy, en celluy tamps, vint en France Léon, roy d’Armenye, lequelle
ce entrémist fort de faire paix entre France et Angleterre, affin que
d’iceulx prince il eust ayde contre les Turc. Mais, pour ce que le roy
angloys ne voult venir à la raison, le roy Chairle prépara IX cent
navière à l’Écluse ; et, avec grand frais et a grant préjudice du royaulme,
ce mirent orgueilleusement dessus la mer. Et, à la fin, ne firent rien ,
et retourna chacun en son lieu.
Cy lairons de ces chose à pairler quant à présant, et retournerons a
maistre eschevin de Mets, et à plusieurs aultre besomgne quy en ce
temps avindrent.
Mil iiic iiiixx et vj. - En l’an après, courrant le milliair par mil
trois cent IIIIXX et VI, fut maistre eschevin de Mets le signeur Joffroy
"jehan Loihiers l'amant, du paraige d'Oultreaaille
Et fut en celle année que le duc de Lorrainne donnait sa fille en
ni
mariaige au seigneur de Cousy.
Deffiance de plussieur seigneur contre ceulx de Mets. - Puis, en celle
meisme année, vint devant Mets seigneur Girard de Blanquenhem,
seigneur de Chastiber. Lequelle fist deffier la ville , et a e îai pour
luy le duc de Jullet, et amenait avec luy une grosse armée. Pareille
ment deffiait le seigneur de Boullay et le conte de Nausove 2, et plusieurs autres signeurs, que tous aidoient au deventdit seigneur irar
Et ardirent grant partie du paiis de Metz.
Thionville prinze par ceulx de Mets. - Et, quant il se furent retirés,
ceulx de la cité firent leur armée ; et, par ung mairdi au matin, c en
1. En 1385 l’armée française ne prit que Damme, en Flandre occidentale,
2. Nassau.
Ô6
MORT DE CHARLES LE MAUVAIS, ROI DE NAVARRE
(1387)
attirent devent Thionville, sy ia prindrent d’assault, et l’ardirent
toucte. Et puis c’en attirent lesdit de Mets autour de Boullay, et illec
y ardont plusieurs villaige.
Grosse habundance de biens. — Or, en cette année, y oit si grant
fertilité de biens que on oit le meud de vin pour V sols, et la quarte
de bief pour XXVIII deniers. Dieu en soit louués et bénis.
Le bour de Lalnois prins par ceulx de Mets. — Item, aucy en celle
meisme année, firent encor ceulx de Mets une chevachiée le mardi
devant la îeste sainct Remy. Et fut ce fait pour aller sus le seigneur
Jehan de Lanois et sus Fairis de Lainois, son frère, lesquelle pareille
ment avoient desjay deîfiez la ville. Sy prinrent lesdit de Mets le
bour de Lanoys d’assault. Et, alors, vinrent lesdit seigneurs, c’est
assavoir le seigneur Jehan, et Ferris, son frère, deventdit, et traictèrent
de paix à ceulx de Mets. Et fut ly accord d’icelluy traictiet tel qu’il
debvoye venir en Mets tenir prison, et n’en debvoye partir cen lisance,
en jusques à tant qu’il averoye fait bonne lestre, et biens seelleez de
leur seelz,par lesquelles lettre il promestoye et juroie par leur sairment
qu’il ne pouroie ne deveroie, eulx ne aultre pour eulx, à nulz jour
à jamaix, niant penre ne demander à la ville de Mets de tous les perdre
et domaiges c’on leur avoit fait on bour de Lanoys, ne de toucte ceste
chevaulchiée, en quelque manier que ce fut ou peult estre.
Pareillement, en cette dicte année, furent faicte lez nopce du filz au
duc de Berry et de ma damme Marye de France, esquelles nopce y oit
une souverainne feste et triumphe demenée.
Le paiis de Galice conquestés. — Aucy fusse en ce meysme temps que
les Espaignolz et les Françoys reconquirent tout le païs de Calices,
en moins de quinze jour, sur le duc de Lenclastre. Lequel païs
ledit duc avoit bien mis trois ans à le conquerre. Mais il le perdist par
faulte de ce que alors il n’y avoit personne pour le garder que à
conter fut.
Mort piieuze du roy de Navarre. — Item, en celluy tamps, advint a
roy de Navarre une merveilleuse adventure. Car, ainsy comme il estoit
viez et que nature deffailloit en luy,fut ensigniés que, le couldre dedans
ung lincieulx et le arouser d’yawe de vye, cella reconforte grandement
nature. Et, aincy comme une nuyt le cousturier cousoit le roy, il brulla
son filles à la chandoille pour rompre. Duquelle il cheust dessus ce
lincieulx aulcune estincelle de feu, laquelle soudainnement ce print a
lincieulx et brulla tout. De quoy le roy en languissant morut trois jour
après. Et voulloit on dire que c’estoit punission çlivigne, pour les mal
qu’il avoit fait.
Une église fouldroiée sus [la] ripvière de Marne. — En cette mesme
année, en une ville sur la rivière de Marne cheut la fouldre et tempeste,
dont l’église fut toute arse, et la custode du corpus domini. Mais l’ostie
sacrée aemoura sur l’autel tout entière, sans quelque fraction ne
rompure.
Le roy d’Espaigne ei de Portingal de guerre ensemble. — En ce meisme
ans, le roy d’Espaigne et de Portingal eurent grosse guerre ensemble.
JEAN DE. VIC, MAITKE-ÉCHEVlN DE METS (1387)
97
Et y fut ledit d’Espaigne desconfit, moyenant l’aide du duc de Lenclastre, anglois.
Mais nous lairons de ces chose à pairler quant a présant, et retournerons au maistre eschevin de Mets, et à plusieurs aultres besoigne,
lesquelles durant ce tampts avindrent tant à Mets corne aultre part.
Mil iitc iiiixx et vij. — Puis, en l’an après, que courroit le milliair
par mil trois cent IIIIXX et VII, fut maistre eschevin de Mets, du paraige
du comung, signeur Jehan de Vy, chevalier.
Lopvenei prime, et iiiixx et x prisonniers enmenés. - Et, en celle
année, le propre jour de feste sainct Benoy, avint alors que ledeventdit
conte 'de Sainct Pol, et seigneur Jehan de Giemon *, avec plusieur
compaignon de guerre, tant aboulletrier comme aultre, vinrent de
rechief on teritoire de Mets, et se logèrent à Louveny ; et, de fait,
priment par assault et à force la forte maison signeur Thiébault de
Moelan et la forte maison le Saulvaige ; et, avec ce, priment plusieur
Bourguignon, qui dedans estoient en garnison.
Alors, plusieur compaignons qui estoient enclos en la forte maison
seigneur Nicolle Mortelz, audit lieu de Louveny, eurent grant peur.
Entre lesquelles en y avoit deux, l'ung, nommés Jehan Corbelz, et
l’autre, Philippe de Chaimenat. Lequel Phelippe, par le conseille de ses
compaignons, se partit secrètement de léans pour en dire les nouvelles
audit seigneur Nicolle ; et jurait sur sainct en la chaipelle de léans de
retourner à Louveny la nuyt ensuiant à quelque heure que ce fut.
Mais il en mentit sa foy ; car, depuis qu’il eust fait son messaige audit
seigneur Nicolle, jamaix ne voult retourner audit lieu, pour prière ne
pour menaisse qu’il luy en sceust faire. Ains luy respondit tout plaît
qu’il ne voulloit mye perde son corps ne ces biens pour gairder sa mai
son. De quoy le dit seigneur, oyant la responce, cuidait mourir de
dueil et anraigiés d’ire et de courous. Et luy voulloit donner plusieurs
compaignon pour retourner avec luy et pour gairder la plesse, mais il
n’en voult rien faire. Alors ledit seigneur Nicolle, voyant sa laichetés
et coairdise, ce en aillait complaindre et dolouser en plainne justice,
et leur dit et contait la trayson dudit Phelippe. De quoy il furent bien
ambahis. Et, aincy comme il estoient parlant de ces chose, vinrent
nouvelle certainne que ladicte fort maison de Louveny estoit prince,
et que ledit Jehan Corbel, voiant que le secourt ne venoit point, c’estoit
randus, saulve sa vie. Et adoneque fut ordonnés par le conseille que
ledit Phelippe de Chaimenat, par son desmérite, seroit banys hors de
Mets et de toucte l’éveschiés d’icelle à X lue 2 de tous sans, et dureroit
son banissement l’espaisse de LXI ans ; et, avec ce, paieroit d’amende
la somme de deux cent livrez de messins, affin que les aultre y prinsent
example. Et, incontinant que le conseille fut despertis, il fut huchiés
sur la pier et tailliés de ladicte somme ; puis furent mise bonne garde
en sa maison, affin qu’il ne c’en peult fouyr.
1. Jean, sire de Jeuraont (Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove, IX, 12, etc.).
2. Lieues.
S8
CEUX DE METZ DEVANT BOULAY (1387)
Après ce fait, quant ledit conte oit aincy gaingniés lez plesse, comme
dit est, le sire Géraird de Rézency, alors gouverneur de l’éveschiés de
Mets, à la requeBt d’aulcunes bonne gens, c’en vint devers l’abbez de
Sainct Simphorien, lequelle l’avoit mandez quérir pour traicter audit
conte de Sainct Pol, et pour veoir se on porroit trouver nulz voye que
ledit conte peult avoir acord à ceulx de Mets, parmy qu’ilz rendist
Louveny et tous les prisonnier qu’il avoit prins dedans les trois maison
devantdicte. Cy fut le traictiez tel qu’il voulloit que la ville de Mets ly
donnit XII mil frans. Et alors, pour ce fait, ce mirent le conseille et lez
paraige enssamble. Mais, quant il entandirent ceu qu’il demendoit, il
respondirent tout a court que leur intencion n’estoit point que ledit
conte eust rien de la ville de Mets. Et fut tantost celle responce mandée
audit conte de Sainct Pol. Et, incontinent qu’il en soit les nouvelle,
il fîst bouter les feu esdicte trois maisons de Louveny. Et se partist et
s’en allait vers Liney, et enmenait avec luy IIII^x et x prisonnier de
ladite Louveney.
Après ce fait et en celle meisme année fut mort en Avignon et enterré
a Célestin d’icelle cité le deventdit sainct Pier de Lucembourg, cardinal
du sainct sciège apostolicque et évesque de Mets. Lequelle, comme
dit est, estoit frère au deventdit conte de Sainct Pol. Et, à son enterre
ment et trespas, plusieurs impotens, malades, aveugles et boiteux
receurent santé.
Ceulx de Mets devenl Boullay. — Item, aucy en celle meisme année,
furent encor ceulx de Metz devant Boullay par trois fois, et y demeuront
chacune fois trois jours, et n’y firent rien que à compter faisse, néantmoins que il tirèrent plusieur piesse d'artillerie et de bombardes.
Mais, pour ce, ne firent chose qui fut de vallue. Ains prinrent lesdit de
Boullay XV lance dez soudoieur de Metz ; et, entre lez aultre, y fut
prins Bertrant de Warixe et détenus prisonnier.
Le roy de Bahaigne à Lonwey. — Pareillement, en celle meisme année,
vint à Lucembourg Wesselin, roy de Bahaigne, qui s’appelloit roy des
Romains. Et ammenait avec luy le duc de Tanxin et l’évesque de
Hombarez, et ung aultre seigneur qu’on appelloit seigneur Poitié, et
plusieurs aultre grant seigneurs. Et, quant il fut venus, ceulx de la
conté de Lucembourg firent chevaulchée sur le duc de Bar par devers
Lonwy et en plusieurs aultres lieu. Et firent du grant dopmaige,
montant à la somme de plus de XV mil florins, sy comme on dit. Et,
quant le duc de Bar le soit, il s’en alla par devers ledit Wesselin, roy des
Romains, et menait avec luy le conte de Ligny pour faire traictier qu’i
peult avoir acord*1. Et le conte de Ligny fit tant que, en peu de tamps,
le duc de Bar vint à Lucenbourg, et avec luy plusieurs gentilz hommes
de son païs ; et reprint dudit roy des Romains ses armes. Et aincy fut
faicte la paix.
a.
M : tourt.
1. Qu’il pftt avoir accord.
WENCESLAS, ROI DES ROMAINS, A METZ (138'/)
99
Ceulx de Mets vers le roy des Romains. — Aucy, en celle meisme
année heurent conseille ceulx de Metz qu’il envoyeroient par devers
ledit roy des Romains aulcuns de leurs bourgeois. Et tut alors commis
pour y aller seigneur Nicolle Françoys, seigneur Jehan le Gournaix,
seigneur Arnoul Baudoche et seigneur Jehan Guénetel. Auquelle sei
gneur deventdit fut donnés comission de pairt le conseille que, tout ce de
bien et d’honneurs qu’ilz pourroient faire pour la ville, qu’ilz le fissent.
Alors ces quattres seigneurs deventdit ce partirent de la cité et s’en
allèrent à Lucembourg pour leur comission eschevir. Et enmenèrent
avec eulx seigneur Olry de Fénestrange et le signeur Henry de Morhange pour eulx conseiller et aidier. Et firent tant yceulx seigneur que,
de tous desbat, noise et dissancion, et de tous les huttin qui estoient
entre la ville de Metz et de la duchiez de Lucembourg, il en olrent
bonne paix et accord, et en furent bonne lestre faicte et cellée.
Wesselin, roy des Romains, à Mets. - Et tellement que, après ce fait
et en celle meisme année, le dimenche après feste sainct Martin, vint
en Metz le devent dit Wesselin, roy des Romains. Et amenait avec luy
le duc de Tanxin et le seigneur Bosse et l’évesque de Hembour, et
plusieurs aultres chevaliers et escuiers ; et n’y demeura que deux jours.
Sy luy fit la ville présent de plusieur somme de denier, et encor de
plusieurs belz vaissillement d’argent, montant en la somme de IX® li
vrez Et oit son chancellier cent frans pour seeller une lettre faisant
mancion cornent sur ceulx de la ville de Mets il ne povoit ne debvoit
jamaix rien demander sur leur franchise. Et, en lieu de celle, il en oit
une de la cité que on le tenoit pour roy des Romains.
Item, aucy, durant le tamps qu’il fut en la cité, il requerrait à la
clergie qu’il voulcissent tenir pour pappe c’est assavoir Urbain, pappe
de Romme. Car, à celluy tamps, pappe Clément VIIe ce tenoit en
Avignon, et n’estoit obéy for que on royaulme de France. Et aussy
qu’il voulcissent tenir pour évesque de Mets seigneur Thiellement
Bousse U Et aincy en fut fait, jay ce que je ne trouve point, cellon le
livre des évesque, que jamais il thint l’éveschiez, car Rault de Coucy
vint après le deventdit signeur Pier de Lucembourg, quy fut le LXXy1
évesque de Mets. Lequelle fit une grande playe en ycelle éveschiés,
comme cy après serait dit, quant tamps serait.
Et, tantost après ce fait, ce partist ledit Wesselyn, roy des Romains,
de la cité, comme dit est. Ne aultre chose ne fist à ce voiaige que à
compter faisse. Parquoy je ferés fin de lui pour le présent.
Or vous veult icy desclairier cornent fut trouvé Tangent et la somme
que on donnait a devant dit roy et à ses gens. Premier, on emprunta à
Gollignon Mourez, le chaingeur de la cité, trois mil frans. Desquelles
on en donnent aux serviteurs dudit roy, tant aux messaigiers, ménestrelz et aultres, la somme de LVI frans, cen les sommes devent dictes.
1 Sur Thielemant Vousz de Batemberg, princier du chapitre de la cathédrale de
Met., voyez laChronique de Jacques d'Esch (DSHL, IV, p. 325 et n. 4). Le même est
appelé Thiellemant Voise (HMe, t. IV, p. 438).
100
OLIVIER DE CLISSON, CONNÉTABLE DE FRANCE, PRIS PAR TRAHISON
Et ledit roy donnait aux sairgent des Trèzes,pour eulxtousenssembles,
XX frant. Puis, la cité donnait encor au seigneur Olry de Fénestrange,
quant il revint de Lucembourg, pour sa painne, Vie florin, vaillant
adonc XI sols pour pièce.
Item, en celle année, fut l’yver fort pluvieulx ; car il pluvoit de trois
jour à aultre. Et y oit une merveilleuse mortallité en France, laquelle
ne durait guerre.
Anglois et Franço[is] sus la mer. — Aucy, durant ce tampts, fut encor
faictes nouvelle baitaille dessus la mer des François contre les Anglois.
En laquelle y fut prins Hugues Despancier i, capitenne anglois ; et
une grande partie de son armée y furent tués, et le rest mis en fuytte.
Paireillement, durant ce tampts, fut faicte en France une baitaille
de deux champion corps contre corps à oultrance, desquelle l’ung
s’apelloit Jaicques le Gris, et l’aultre Jehan de Carouge. Et la cause
estoit pour ce que ledit Jacques le Gris avoit voullus efforcer la femme
dudit Jehan. Parquoy le dit Jehan fut victorieulx, et tuait ledit Jaicque on champs de baitaille devent dit.
La mort du roy Piètre d’Aragon. — Et, en ce meisme tampts, trespassa
le roy Piètre d’Aragon, lequelle avoit esté ung moult vaillant homme
en son tampts, et qui fort avoit agmenté sa terre.
Pareillement a, en ce meisme tamps, y oit encor en France ung
appertise d’armes faictes d’ung seigneur françoys contre ung seigneur
angloys, c’est assavoir de trois colpt de lances, de trois copt d’espées
et de trois copt de haiches. Et firent tous deux bien leur fait, tant que
l’ung ne l’autre ne perdit.
Et fut pour ce meisme temps que le roy de Portingal espousa la
fille du duc de Lenclastre. Et y fut faicte belle triumphe, tant en
joustes comme en tonoiement 2.
* 1Et furent les nopces faictes en la cité
du Pont, et dura la feste plus de X jours.
Le conestable de France prisonier et ransonés à cent mil frans. — Puis,
pour ce temps, sur le maye 3, s’appareilloit messire Olivier du Clisson,
connestable de France, pour aller en Angleterre conquester ville et
chasteau. Mais, tantost après, fut ledit messire Olivier prins par tra
hison de Jehan de Montfort, duc de Bretaigne, en son chastiaulx de
l’Ermine. Car illec l’avoit ledit duc priés à ung banequet ; puis en
trayson le mist en prisons. Et, ce n’eust estés à la prière du sire de
Laval, quy estoit de ses parens, il le voulloit faire mourir. Mais, à la
requeste d’icelluy de Laval, il fut ransonnés à cent mil frans et les
trois milleurs villes qu’il eust, telles comme Chastelz Broth, Chastel
a. Philippe a rayé, en marge : Apertises d’armes d’ung seigneur françois contre ung
seigneur anglois.
1. Hugues le Despenser, petit-fils d’Édouard le Despenser ? (Froissart, éd. Kervyn
de Lettenhove, XIV, 236). Il est difficile d’identifier cette bataille et ce personnage,
de nombreux membres de cette famille portant le même prénom.
2. Tournoiement, tournoi.
3. Vers le mois de mai.
RAOUL DE COUCY, SOIXANTE-SEIZIÈME ÉVÊOUE DE METZ
(1388)
101
josseliD, et 1. Ville de Jogon •. Touteflois, à h fin, mal en print audit
dU?1taztCSrixTpairiÏ T^urnerés aulx évesque de Mets,
et ^plusieurs 5^
>e.,u.lles durant ce tampts avindren,
[de l’avènement DE RAOUL DE COUCY,
SOIXANTE-SEIZIÈME ÉVÊQUE DE METZ, EN I
,
A LA FOLIE DE CHARLES VI, ROI DE FRANCE, EN l392]
R
„ de
££ 1" S ü S
,c„, ntprésant, c'est assavon and. évesqu d
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ment au seigneur de Coosy de m
m on disoit car j, „„
ssx M sx-•saireent'Et -partirent de Meti
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^Cestuy'év^qiie’thint’péveschiez^CXVin ans^e^puysiuttranrfatey
p,r permutacion « l'^elne^e N ^ ^ de
llgnye. Celluy
beau homme gr
P
moult grant playe en l'évesch.ez de
vous le trouvamés icy ap è
P
P
Car ceUuy seig„e„r
e? ceute de Mets. - Item, loing ta“Ps aP
second jour de jullet,
SXducaUde Bar,
““S"
^ «rlettrcs
faictes, desquelle vous en oyrés la teneur quant tamps
a. Philippe a rayé, dans E : son sns^ur (successeur).
1. Froissa*!, éd. Kervyn de Lettenhove. XII, 178.
2. Il faut corriger : le vicomte de Meaux.
102
GUERRE ENTRE LE COMTE DE SAINT POL ET CEUX DE METZ
Gy lairés à pairler de luy pour le présent, et retournerés à vous dire de
plusieurs aultre aventure, lesquelles durant ce tampts avindrent.
Escarmouche entre le conte de Saind Polz et ceulx de Mets. — Item en
celle dicte année mil trois cent UIP* et VII, le XXVI* jour du moix
de maye, revint le conte de Sainct Pol devant l’abbayee de Gouxe
sus ceulx de Mets. Et envoiait en Mets le seigneur Robert de Hervillez
et plusieur aultre, pour traictiet qu’il peult avoir de l’airgent desdit
de Mets, ou autrement il assailliroit Gouxe ; comme il fist. Auquelle
essault y fut mort Jehan Burtrand le baistaird. Mais, néantmoins
toucte ces choses, on ne voult acousteiz *1 2nulz traictiez parquoy il peult
avoir argent. Et, quant il vit qu’il n’averoit point d’argent, il se deslougeait de Gouxe, et vint logiez à Waipey devant Mets, et demandait la
naitaille. Et y fut ung jour ou deux cen avoir responce. Puis se de6lougeait,. et c’en retournait errier devers Leney en Bairoy.
Puis, tantost après, Iesdit de Mets firent une chevaulchiée sus ledit
conte de Sainct Pol, et c’en allirent à Mannedor 2, on valz de Rousey,
et îllec boutairent lez feu, et l’airdirent toucte ; et encor V aultre ville
que tenoit cellui conte de Sainct Pol. Et, alors, vinrent ceulx de Rommis avec grant nombre de gens de piedz, et avec yceulx vinrent à
frapper sus les ardans de Mets. Et Iesdit de Mets leur coururent sus et
en prinrent plusieur, qu’il ramenirent prisonnier à Mets. Puis, ce fait
ce remirent en leur chemin, et, le jour de la sainct Burthemin l’apoustre’
retourmrent à Mets.
’
Deux seigneur du pays d’Angleterre décapité. - En ce meisme temps,
le roy Richart d’Angleterre fist mourir deux noble homme de son pays,
et qui estoient de son conseille. Donc ce fust dopmaige ; et furent
plains de plusieurs gens. L’ung s’appelloit sire Simon Burlé 3, et l’autre
sire Robert Trivilien 4. Et furent décapités à Wemoustier. Dieu en
ait les âmes !
Item «, en ce meisme tamps, régnoit en France et au pays antour ung
malvais pillars, lequelle se nommoit Perrot le Bernoys. Et faisoit des
maulx inestimables en destruisant ville et cité. Souverainnement la
ville de Montferrant fut toutte pillée et destruictes, en prenant prison
nier et en faisant des maulx inestimable.
Plussieur places abalue par ceulx de Mets. - Aucy, en celle année,
furent ceulx de Metz devant Haitange ; et fut prinse et abaitue. Et
pareillement furent devant Vietemberch, laquelle fut aucy airxe : et
Champillon fut abaitue.
a. Philippe a rayé, en marge : Pier le Bernoy, pillair.
1. Écouter, accepter.
2. Mondorff (Moselle, Thionville, Cattenom) dépendait jadis de Roussy-le-Bouro
s!!.?*USSd' e'-VÙ ?£e)’ '?“*•’ id-' *a-’ transcrit Rousey par Philippe ; Rommis est sans
doute Remich (Grand-Duché de Luxembourg). — Maindor pourrait, pour la forme.
Mensdorff (Grand-Duché de Luxembourg, canton de Grevenmecher,
commune de Betzdorf) et Manderen (Moselle, Thionville, Sierck).
3. Simon Burleigh (Froissast, éd. Kervyn de Lettenhove, XII, 248 et saq.).
*• Robert Trevelyan (id., ibid., XII, 266 et sqq.).
NICOLE BAUDOCHE, HA1TBE-ÉCBEVIN DE METZ (1388)
«»
££££:£ ssiî5*îi— *—•-
Pt’fabdfÆ"rpX'et retournerons » mais»,
eschevin de Mets.
Mil iii' Ui&éloiij. -^
"Nicoll^Baudoche^, fil*
maistre eschevin de la
^ Martin. Et luy
seigneur Baudouum Bau o ,
mairdi de Pasques. Le premier
^ Gournaix, l’autre du seigneur
eschurent trois eschevmaiges e g
fut l’eschevinaige du seigneu
q
Nenmery Baudoche.
Geoffroy de Warixe, le ttaer lut in «8^
chevallie, Et) ,e
^.^XSt^^vinaige de seigneur Geoffroy de
Warixe a seigneur Nmolle Franç°y.
__
celle année, fut
te sciège devant la ville de Grave. 61—^ M,tMeu de Finetable - de France, pnnt Samct Maslo et
Poterne *, et y mist de ces gens en g
* e au duc de Lenclastre
L’an dessus dit, le duc de Berry e
y
dudit duc
pour traicter le mariaige de luy, qu estoivesve,
de Lenclastre. Mais en la fin 1 n esp° exploictés envers le duc de BrePuis, en celle dicte année, ui
mmAg furent errier rendu audit
taigne que les trois chasteau dessus nommés furent^
signeur Ollivier du
j*^n de Castille, qui avoit estés de
JL'ZTZLtl: «si demander ycelle fille dudit duc pour son
Al* Henry, léquelz 2* en
1 la
'pareillement, fut en celle
L’entrée du * duc de Brelai g
de gretaigne antrairent a
année que le roy Loys de Ceci e
jj du roy et de tous les
Paris. Et illec leur fut fait ung beaux recueil du y
princes et signeurs quy avec le roy es°K' ' _ Et en ceuUy tamps,
on» roy ^
^ Manne, laquelle »
la royne de France enfïanta
’
,
. dévot, ayant à son
vesquit gnerre. Et alor. vint ung bem.tte bon et
^
bras dextre une croix rouge, leque 1
faisoit cheoir les aides et
que Dieu luy avoit révélé que, se le dit roy ne faisoit
a. B : chevalH.r et conestable. Et «e * «« ’-ain d* Philippe
b. M : duo.
. _
1. Saint Matthieu ou Saint-Mahé de Fine-Terre,
tère, Brest.
2. Laquelle.
de Plougenvelin, Finis-
104
BURTHE PAPPEMIATTE, MAITRE-ÉCKEVIN DE METZ (1389)
Dief^nnn1 C°fU7nent en SOn r0yaulme’ <ïu’y ïuy mescherroit, et que
Dieu le pumroit tellement qu’il n’auroit lignée quy peust vivre Et
ja soit ce que ledit roy, par l’amonestement dudit hermitte eust
T •
* ?*}««* “WJ» «heoir, touteffois il n'enlst riem
parlomort ides ducs de Berry et de Bomgongne, ses oncles.
Les bourjots de Pans remys en leurs premier estât. - Item aucv en
S=rée; Ie Ry r7iSt IeS b0UrjOyS de Eaids en leur premier
de U «Ï n , ”
. Ie PréV0St des mercha“I» et des esehevins
~ ’q
, eur av0lt heu ostés, comme cy devent est dit. Et fut
Tpa^emtfdT d°nnée 4 Ung b°n b°Ur^s et -tauble signeur
en parlement de Pans, nommés maistre Jehan Juvenel Lecruelle
’Sedlrtre RObert GaUgUin’ eSt0it saillis de
Et dit mi' .
0826 ,0U maiS°n deS Ursins' et de la
mai
de Neaple.
T
Mets et amTnPerret ’
ff neaPolitain- fut évesque de la cité de
Juvenel
pEt’ depuis’ Iedit maistre ^han
leur previkiee Ft \
flSt plussieurs blens a Parisiens touchant
la foy
g Et’ 4 3 fm’ m°rUt deSSUS leS Turc en c°mbatant pour
Z21 7
France rff
tampS’ Ie,S,Eennevoys envoyèrent leur ambassade en
France requérir au roy qu’il luy pleust à leur donner ayde contre lesdit
tl"s ÎVvllf
de TUniS- Et 9inSSy en fut fait i eurent les Tà leur an^ t ; aVectcomposiclon tel qu’il la demendoie, et treuve 3
armées en Fra^311'
^ PuiS C’en ^urnairent les
plussieur au)trranCe ^ Yi°lie' ~ Item’ aussy en ce meisme tamps,
Car Gaïvas î ÎTn “ eSmeUrent’f ant en France comme en Ytallie.
avde v f„t ’l C df W’ men0lt malle guerre aus Florantin. Et à leur
oÏsa W
J C arl6S d’Armi^nac i laquelle, avec grosse armée,
rivière du pTvl
VÜle d’AIlixaad™, scituée dessus la
nviere du Pol. Et y morut le dit conte.
a"ltre «Ta"cle aventure advindrent durant ce tamps, lesCa et'., f
r\" ^ E‘ tvtdnrnerés a maistre eschevik de
Mets, et aulx aultre besomgne qui avinrent en l’an aprez.
trois cent inJW TV~r V 1 ^ aprèS’ qU° courroit le milliaire par mil
i
p“n
111. et IX> fut maistre eschevinde Mets le seigneur Burthe
Pappemiatte, du paraige de Jeurue.
de Raf^ ^la r°UT t6 Fr<lnCe à PariS' ~ Et> en ceIIe année. Ysabeau
aviere, royne de France, fist son antrée à Paris. De laquel dirons
une mommene « digne de mémoire. C’est assavoir que le pont des
bleu ffl’ Par,°“lad:cte ™yne Passa. estoit tout tendu d’ung taffetas
fleur de lix d or. Avec ce, avoit ung homme assez léger, habillé
« i fcïÆjjsar
nam • **
1. Conseil, suggestion.
2. Dans E, une main récente a corrigé frère.
o. i reve.
*s*
»pa”.
LE ROI DE FRANCE CHARLES VI A AVIGNON
105
en guise d’ung ange, lequelle par engins sedévailla des tours de Nostre
Damme à l’endroit dudit pont, et y entra par une fente de ladicte
couverture, à l’eur que ladicte royne y passoit, et luy mist une belle
couronne sur la teste. Et puis, par habillemens *1 2et engins à ce propres,
fut ledit homme sy subtillement retiré par ladicte fente qu’il sembloit
qu’il s’en allast de soy mesmes au ciel.
Le roy visite le pape Clément, - En cest an, Charles Vie, roy de France,
alla visiter le pape Clément en Avignon, où il fut moult honnorablement
receu.
Item, le conte de Fois fist et ordonna le roy de France son héritier en
ladicte conté. Car il n’avoit eu que ung filz, auquel il avoit fait coupper
le col, pour ce que, à la requeste et ennort 2 du traystre roy de Navarre,
il avoit voulu empoisonner son dit perre, conte de Fois.
Grant vent. — Pareillement, en celle dite année, la vigille de Noël,
il fit sy grant et impétueulx vent que ce fut grant merveille ; ne n’avoit
on mémoire que depuis cent ans devent eust fait le pareille vant. Et
trouveré le milliaire par ces vers qui sont cy après escript, comme
aulcuns bon faicteur, durant ce tamps, lez y ont mys et escript :
Prenés .i. culx, et par IX fois musés dedens,
Ostés .i. V, et vous sçavrés quant à Noé fit le grant vent 3.
Verton prinse par trahison. — Aucy, l’an dessus dit et à la mesme
nuytée du grant vent, fut par le sire de Ligny prinse la ville de Verton
par traïson. Et, la manier cornent, fut parce qu’il assura les meilleurs
de la ville pour aller parler au roy d’Allemaigne. Mais, quant il furent
hors de ladite ville, il les fit prendre et les fist errier mener devant
ycelle ; et fist semblant qu’il leur voulloit faire copper la teste. Et, quant
ceulx quy estoient demourés en la ville virent cella, il luy ouvront les
portes, car il olrent plus chier perde le tout que veoir ainsy tuer leurs
amys. Et fut ce fait ladicte vigille de Noé, quant le grant van fut,
comme cy devent est dit.
.
En celle meisme dicte année, y avoit grant division en 1 Eglise, car
on faisoit pappe sur pappe, par la force des parties contraires qu on
tenoit.
Fait d’armes de v François contre v Anglois. — Item, aucy en celle
année, furent V Anglois et V François qui firent fait d’armes devant
le duc de Lenclastre ; et firent tous bien leur debvoir.
Pareillement, l’an dessus dit, s’apresta la duchesse de Lenclastre
pour mener sa fille en Castille, que le filz du roy debvoit espouzés,
comme cy devent est dit.
Et, aucy le dit ans, le duc de Berry cy devent nommés fist demander
en mariaige la fille du conte de Boullongne ; laquelle luy fut ottroyée.
a. M : aulcunes.
1. Habillement, machine.
2. Enort, suggestion, instigation.
.
.
3. M“» Marthe Marot, dans la préface de son édition de la Chronique dite du doyen
de Saint Thiébaut de Metz ou Histoire de Metz véritable (1231-1445), explique ainsi ce
chrohogramme : CVLX = 155 X 9 = 1395 — 5 — 1390,
106
MORT DU PAPE URBAIN VI
(1389)
Pareillement, en celle dite année, fut confermeez et establiez une
tresves par mer et par terre, à durer trois ans, en acomensant en l’an cy
devent nommés.
Les granl jouste, durant xxx jour suyvant, par trois chevalier. — Puys,
tantost après, en ce meisme tamps, furent emprinses et acomancée les
joustes de Sainct Inquelvert *1 2per trois chevallier, dont le premier
s’appelloit messire Régnault de Roye, le second messire Bouciquault
le jonne, et le thier le sire de Sainct Py. Et dévoient ycelle jouste durer
l’espaisse de XXX jours, à tous chevalier et escuier passant, et dévoient
estre de V pointes de glaives et de V de rocquet 2. Et fut cest joustes
faicte durant les XXX jours, tant que tous trois y olrent grant hon
neur.
Gaigière faicte du roi de France contre le duc de Tourainne. — Pareille
ment, en ce meisme temps, fut faicte une gaigière entre le roy de
France et le duc de Tourainne, c’est assavoir lequelz de eulx d’eulx
seroit plus tost venu dès Montpellier jusques à Paris. Et valloit la
gaigière cinq mil frans. Et n’y debvoit avoir que eulx deulx, avec
chescun ung escuier. Touteffois, quoy que le roy fut bien monté, et
avec ce qu’il fist bon debvoir, cy guaignait le duc de Tourainne. Car le
roy mist quaitre jour et demey à venir ; et le duc n’y mist que quaitre
jour et ung tiers, et aincy gaingnait.
La mort de pape Urbain; Boniface esleu pape. — En ce meisme
temps trespaissait pappe Urbain VIe. Et fut esleu de ceulx de Romme
pappe Boniface.
Or advint que en celle saison s’ordonnèrent et firent alliance enssamble les François et lez Anglois, avec les Génevois, pour aller asségier la
forte ville d’Afïricques 3. En laquelle, pour conclusion, il ne firent rien,
et y olrent plus de dopmaige que de prouffit.
Et « fist en celle dicte année sy grant froidure de gellée, environ trois
sepmainne ou ung moix après la sainct Remey, que l’on n’avoit de
long temps veu faire la pareille. Et tellement que les vignerons disoient
que desjay le mairien des vigne estoit tout engellez, et que les rexin que
debvoye venir estoient tous noirs et le mairien tout sèche. De quoy
plussieur gens trapoie 4 leur vigne. Dont il avint que, le mécredi après
la Pantecouste ensuiant, il gellait tellement du matin que toutte les
vigne furent errier engellée entour de Mets et par tout le pays.
Cy vous lairés de ces chose à parler, et retournerés au maistre esche vin.
et. Philippe a rayé, en marge : les vigne engellée.
1. Saint-Inglevert, près de Marquise, Pas-de-Calais, Boulogne-sur-Mer.
Un poème consacré à ce tournoi a été publié dans Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove, XIV, 407 et sqq. — Le troisième chevalier s’y appelle Sempi.
2. Lance courtoise. Le rocket était exactement le tampon qui était fixé à l’extrémité
de la lance courtoise.
3. Afrique désigne ici, comme dans Froissart, la ville de Mehedia (éd. Kervyn de
Lettenhove, XIV, 152, et XXIV, 5).
4. Du verbe traper, qui se trouve encore dans ZiliQZOH, Dictionnaire des patois
romans de la Moselle, sous la forme trèper : couper la vigne au pied pour avoir de
nouvelles pousses.
NICOLE GRONGNAT L’AINÉ, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1391)
107
Mil Uic et iliixx et dix; mortalité en Mets. — Tantost après, courrant
le milliaire par mil trois cent IIIIXX et X, fut maistre eschevin de Metz
le sire Nicolle le Gournaix. Et y oit en celle année moult grant mortalité
en ycelle cité de Metz et par tout le pays entour.
Jouste royaile publiée. — Aucy, en celle année, fut publiés une feste
et une joustes royalle de part le roy Richart d’Angleterre. Et fut ce
fait en la ville de Londre, durant le temps que les crestiens estoient au
sciège devant la forte ville d’Afïricque, comme cy devent est dit.
La mort du roy Hanrei de Castille. — Item, en celle dicte année,
mourut le deventdit Jehan, roy de Castille. Et fut coronnés roy Henry,
son filz.
Le jonne conte d’Arminac tués. — Puis, tantost après, en ladicte
année, le jonne conte Jehan d’Arminac mist sur une grosse armée
pour aller en Lombardie asségier la ville d’Allixandrie. Mais yl y morut,
et furent ces gens déconfit ; dont ce fut dopmaiges.
Victoire des chrestiens contre les Turcqz. — Pareillement, en ce temps,
le duc de Bourbon, les contes d’Eu, de Harcourt, l’admirai de Vienne
et plusieurs aultres François allèrent sur les Turcs pour aider aux
Génevoys ; et eurent belle victoire contre iceulx mescréans près de la
ville de Thunes i. Il y avoit deux causes pourquoy il y allèrent : l’une,
pour soustenir la foy de christienté ; l’autre, affin qu’il fussent hors de
la court du roy, en laquelle on faisoit beaucopt de choses qui n’estoient
pas bonnes. Et aussy ilz veoient de grandes sédicions et envies qui ce
commençoient à mouvoir touchant le gouvernement du royaulme.
Pugnition des meseaulx qui voulloient empoisonner les eawe. — Item,
fut justice faicte des meseaulx qui vouloient empoisonner les eaues.
Homme fouldroié par tempeste. — En ce temps, entre Sainct Germain
en Laye et Poissy, cheut aussy orrible tonnerre et tempeste que jamais
on vit. De laquelle furent quaitre hommes foudroiez et mors, arbres
arrachés, cheminées, maisons et clochiers abatus. Le comun bruit estoit
que à cest heure le conseil estoit assamblé pour lever une grosse taille
sur le peuple. Et, pour ce, à la requeste de la bonne royne, ladicte
entreprinse de taille ne sortist point son effect.
La mort de Jehan, roy d'Espaingne. — Item, Jehan, roy d’Espaigne,
allant és champs chasser, courut après ung lièvre et cheut de son cheval,
dont se rompit le colz piteusement ; et aincy morut.
Cy nous tairons de ces diverse advenue pour le présant, et retourne
rons a maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoingne.
Mil Uic UH** et xj. - Puis, en l’an après, quant le milliair courroit
par mil trois cent IIIIXX et XI, fut maistre eschevin de Metz signeur
Nicol Grongnat l’annés, qui fut perre a seigneur Nicolle Groingnat le
jonne. Lequel fuit de son tamps le milleur jousteur et le plus essurés
que on sceust trouver en nul pays, comme icy aprez serait dit, quant
tamps vanrait d’en pairler.
1. Tunis. Sur cette expédition, voyez Froiisabt, éd. Kervyn de Lettenhove, XIII,
151 et sqtf.
108
FOLIE DE CHARLES VI, ROI DE FRANCE (1392)
La mort de Loys de Chastillon. — Et, en celle meisme année, mourut
le jonne conte Loys de Chastillon, filz du conte Guy de Blois ; dont ce
fut dopmaige, car il estoit doulx et courtois.
Le conte de Foix mort subitement. — Et, pareillement, en celle dicte
année, avint une aventure essés estrange a conte de Foix. Car, comme
il estoit revenu de la chasse et qu’il voulloit disner, l’on luy aportait l’eau
pour laver ses mains. Mais, tout ainssy tost que l’yawe luy vint à
cheoir sur les mains, soubdainnement il cheust mort pasmés, ne jamais
on ne le poult rescoure. Dont ce fut dopmaige, car il avoit estés en son
tamps leaulx et courtois chevallier ; et fut fort plourés de tout le peuple.
La duchiés de Tourainne chaingée contre celle d’Orléans. — En cest
meisme année fut fait ung enchainge entre le roy de France et son
frère, le duc de Tourainne. Et tellement que le duc chaingea a au roy sa
duchiez de Tourainne contre celle d’Orléans.
Le roy frénaticquez. — Puis, tantost après, en la meisme année, cheut
le roy de France en une terrible mallaidie, c’on dit frénaisie ; et n’y
avoit médecin quy l’en poult * guérir. Et fut dit que la damme d’Or
léans l’avoit ensorcenez, aflîn qu’elle parvenist à la couronne ; car on
disoit qu’elle usoit de telle art. Et luy durait celle mallaidie essés
longuement, comme cy après serait dit.
Plussieur qui servoie[nt] le roy déchassés de court. — Aucy, en ce
temps durant que le roy estoit mallaide, le duc de Berry et le duc de
Bourgogne, oncle du roy, firent par envie déchassier du royaulme c’est
assavoir tous ceulx qu’i peulrent c sçavoir quy gouvernoient le roy du
temps qu’il estoit en santez, ou du moin lez firent prandre et empri
sonner : tel comme messire Olivier du Clisson, connestauble de France,
Jehan de la Rivière, et sire Jehan le Mercier, et plusieur aultre. Et y en
remirent des autres, toucte à leur vouluntés et plaisir, comme cy après
serait dit.
Les tresves ralongée entre François et Anglois. — Et, tantost après
ledit ans, furent ralongiez les tresves pour plusieur année entre lesdit
roy de France et d’Angleterre.
Pareillement, en celle dicte année, le devent dit roy Charles VIe
donna la duché d’Orléans en appennage à son frère Loys. Car ladicte
duchié estoit venue et retournée à la couronne après la mort de Pbelippe, duc d’Orléans.
a. M : chainga.
b. E : puist.
c. E : polrent.
109
JEAN RENGUILLON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1392)
[de LA FOLIE DE CHARLES VI, ROI DE FRANCE, EN l392,
A LA DÉPOSITION
DE RICHARD II D'ANGLETERRE,
EN
l3g9]
Mil iiic üiixx et xij. — Item, l’an après, mil trois cent IIIIxx et XII,
fut maistre eschevin de Mets le sire Jehan Renguillon.
Le duc de Breiaingne errier en malle grâce du rog. — Et, en celle année,
avint que le deventdit duc de Bretaigne, lequelle alors estoit désobéis
sant de la santance du pairlement de Paris en l’encontre dudit signeur
de Clysson, alors encor connestauble de France, fut errier en malle
«raice. Parquoy le roy, après plusieur allée et venuee, que je lesse,
fut délibérés de le aller assaillir. Et, avent que l’an passait, fist son
armée, contre la voulluntés de la plus pairt des signeur du royaulme.
Le roy grandement altéré. - Et, ainssy comme il vint en Bretaigne,
une fièvre le print, de laquelle il fut moult altéré. Et antrait encor plus
en franasie qu’il n’estoit devent, tellement que, par des fois, il ne disoit
parolle qui ce entretenit. Parquoy ne donnait nul responce au messagier
à lui envoiez de part ledit duc. Ains, à peu de gens, antra en ung champs
auprès du Mayne, auquelle il rancontra ung pouvre homme abilliés
comme ung médecins, lequelle a roy ait dit : « O roy ! » dit-il, « où
va tu ? Garde toy de marcher oultre, car tu es trahy. et tes domesticqs
te doyvent livrer en la puissance de ton ennemy. » De ces parolles fut
Charles moult espoventé. Et, à cest heure, deux jonne paige suyvoient
ledit roy, dont l’ung pourtoit une lance et l’autre le heaulme. Or advint
que celluy qui pourtoit la lance, et que par adventure sommeilloit, la
lessa tomber dessus la sallade de celluy qui marchoit devent luy, et
menait grant bruit. Duquelle tintement le roy, quy alors pansoit a
parolle que le pouvre homme luy avoit dit, fut cy apoventé que subi
tement trébucha en fureur. Et, comme c’il fut desjay entre ces annemys, tira son espée, et frappoit tous ceulx qu’il rancontroit, et en occit
quaitre. Parquoy dès « incontinant fut empoignés, et fut mené en l’hostellerie, en laquelle longuement demoura couché, comme mort. Et
jugeoie les médecins qu’il estoit trespassés. Touteffois, il revint ung
peu à luy, et tantost retourna à Paris.
Le duc de Berri et de Bourgongne prengne V aministralion du royaulme.
- Alors ces oncle, lez duc de Berry et Bourgongne, voyant qu’il n’estoit
pas en bons entendement, priment l’administracion du royaulme. Et,
incontinent, le duc de Bourgogne desmit plusieur des principal officier,
telz comme ledit seigneur de Clisson, connestauble, et d aultre plu
sieur ; et en y remist à sa voullunté, comme cy devent est estés dit.
Fortune advenue d aulcuns jentilhomme estant morisques. - Or,
escoutés une adventure qui avint et une chose essés estrainge. Durant
ces jours, et que le roy estoit quelque peu revenu à luy, l’on pensoit
a. Dès est rayé dans M.
110
WIRIAÎ BOUCHETTE, MAITRE-ÉCHEVIN DE MEÎZ (1393)
tousjours quelque chose de joieulx pour luy oster de tristesse et mélan
colie. Gy avint que aulcuns noble homme de la maison du roy, tout
filz de duc ou de conte, jusques a nombre de cincq, entre lesquelz fut
Charles luy mesmes, firent faire des robbes de très délié lin couvert de
poil, lesquelles furent collées sur leur peau nue avec de la poix rasine
naellée de quelque gresse, pour les faire mieulx reluire. Et estoient
cy bien fait qu’il représantoient assés bien l’espèce d’hommes saulvaige. Car, de tout le corps, rien ne leur apparoissoit que la face •
et estoient couvert de poil de tout coustez. Et alors, ainsy acoustrés'
c’en allirent en une maison que appartenoit à la royne Blanche aux
faulx bourgs Sainct Marciau, car illec ce faisoient les nopce d’ung
jonne escuier de la court qui pernoit une damoiselle de la royne. Et
avec torches et flambeaulx, pour ce qu’il estoit nuyct, antrèrent léans
tout en danssant. Et, ainsy comme il dansoient, vous oyrés la fortune
qui avint, et ne scet on ce se fut par trayson ou comment. Mais il
tomba aulcune flambe de feu dessus le vestemens de l’ung d’iceulx
morisqueurs, parquoy incontinant ce print et alumait son abit. Et
amcy comme il ce cuydoient secourir l’ung l’aultre, le feu ce print à là
gresse et aux estoppes, de telle sorte qu’il furent tout emflambé de
feu, lesquelles merveilleusement les tormenta. Illec, entre les noble
femmes quy resgardoient la feste, en y avoit une, et dit on que c’estoit
la duchesse de Berry, laquelle soudainnement print ung très large
manteau dont elle estoit vestue, et d’icelluy affublait le roy en l’ambrassant, et son feu estaingnit. Et tous les aultres furent bruslez;
et, de la destresse, aulcuns furent quy ce jectèrent dedans le puys, et
d’aultre en la rivier. Et ne fut jamaix trouvés ne sceu par la coulpe de
quy estoit sy grant crime advenus. Et, en vengeance de ce, fut a commendement du roy ladicte maison la royne abatue et rasée à fleur
de terre.
Phelippe d’Artois alliés à ma dame de Berry et fait coneslable. — Et,
en cest meieme année, fut traictez le mariaige de messire Phelippeà
d Arthois et de ma damme Marye de Berry. Et fut le dit messire Phelippe fait connestable en lieu de messire Olivier du Clisson.
Partie de la duchés de Lucembour conquestée. — Item, aucy en cest
tamps, le conte de Sainct Pol conquesta sur le roy de Boesme la greigneur part de la duché de Luxembourg, à cause de certains denier
que le perre dudit conte avoit prestez audit roy de Boesme.
Sy ne saiche aultre chose estre advenue en celle année que à compter
faisse. Parquoy de ces choses je me tairés pour le présent, et retournerés au maistre eschevin de Mets, et à plusieur aultres besoingne,
lesquelle durant son année advindrent.
Mil iiie iiiixx d */,-/. _ Après ces choses ainssy advenue, et que le
milhaii courroit par mil trois cent IIII**et XIII, fut maistre eschevin
de Mets le sire Wyriat Bouchette.
Le roy d’Arménie enterrés aux Célestiens de Paris. — Et, en celluy
tamps, le roy d’Arménie, qui jà assez longuement avoit estez'en France,
JACQUES DÈ LAITRE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1394)
1Ü
homme de bonne vie et honneste, ala de vie à trespas. Et fut mis en
sépulture aux Célestins de Paris, vestu de vestemens tous blans.
Le conestable sur les Türcqz. — En ce tamps, le conte d Eu, connestauble de France, s’en alla sur les Turcz, à la requeste du roy de Hon
grie Et mist avant son retour le roy de Boesme en subjection, qui ce
sentoit mal de la foy catholicquez.
Aucy “, en celle meisme année, vint à Paris le cardinal de la Lune
pour faire cesser le scisme de l’Esglise. Et eust grandes parolles avecques ceulx de l’Université touchant leurs privilèges. En laquelle Uni
versité estoit pour lors maistre Pierre de Alliaco, maistre en théologie
et aulmônier du roy de France, et maistre Gilles des Champs, docteur
en théologie, qui fut ung des principal pour faire ladicte union.
Les Juifz de Paris condempnés à xviij mil escus. — Aussy, les Juifz
de Paris, accusez de plusieurs cas, furent condampnez à XVIII mil
escus d’or. Lesquelz furent emploiez à faire le Petit Pont à Paris.
Plussieur comys d’Angleterre en France et de France en Angleterre
pour traiter paix. - Aucy, en ce meisme tamps, plusieurs aultres
advenue digne de mémoire advindre en France, que pour abrégiés je
lesse Entre lesquelles je veult icy dire comment plusieurs ambaixadeur furent envoiés de France en Angleterre et de Angleterre en France
pour traicter la paix. Et ne firent rien pour celle fois, forcque quaitre
ans de trêves que furent mise entre les partie.
Le jeux de l’arc el arbalesle ordonnés en France. — Durant lesquelle le
roy, doutant la guerre à avenir, et affîn que les gens d’armes ne devinsent paresseus, il fist cesser tous jeu, fore que le jeu de l’aircque et de
l’arbalestre. Et, par ainsy, en peu de tamps, ce trouva en France grant
nombre de bons archiés et de bons arballestriés.
Mais de ces choses nous tairons quant à présent, et retournerons au
maistre eschevin de Mets.
Mil iiP iiiixx et xiiij. — L’an après, que courroit le milhaire par mil
trois cent IIIIXX et XIIII, fut maistre escheving d’icelle cité de Mets
le signeur Jacques de Laitre.
Bénédic xiije, pape. - Et, en celle année, trespassa le pappe Inno
cent, VIIe de ce nom. Après lequel fut esleu Pierre, c’on disoit le car
dinal de la Lune, qu’il nommèrent Bénédic XIIIe. Aucy, en ce temps, le
fut Conrard Langloys. Et y oit alors scisme en l’Eglise.
Les trêves confermés d xxx ans. — Durant les trêves de France et
d’Angleterre furent errier envoyés les ambassadeur d’une part et
d’aultre. Et tellement que, parmy certainne ville que le roy anglois
tenoit en Normendie, qu’il randit a roy de France, il confermairent les
trêves de XXX ans.
Et, en celle meisme année, morut la royne Anne d Angleterre,
femme au roy Richard et fille au roy de Boesme, empereur d Allemaigne.
«.
Philippe a rayé, en marge ; le cardinal de la Lune à Paria.
412
NICOLE DE MITRY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1395)
Richairt d’Angleterre sus les Irlandois. — Et, pareillement, en celle
dite année, ledit roy Richard d’Angleterre fist une grosse conqueste
contre les Yrlandois, et mist en son obéissance quaitre roys d’icelluy
pais, lesquelles par avant n’y estoient point.
Et fut en celle meisme année envoiée une ambaissade de part le roys
d’Angleterre au roy de France pour traicter le mariaige dudit d’An
gleterre et de la fille dudit roy de France. Et fut tant la chose demenée,
car longuement fut poursuyte, que à la fin elle luy fut octroieez, comme
icy après serait dit.
Or, en celluy meisme tamps, avint ung grant cas «. Car le roy de
Honguerye fut assaillis des Sarrasins, et tellement qu’yl envoiait son
ambaissade par devers le roy de France pour avoir secours contre le
souldan Basant, dict l’Amorabaquin, lequelle le venoit assaillir. Et
avoit ledit souldan promis de faire menger son cheval de l’avoinne sus
l’autel Sainct Pierre de Romme. Et avoit intencion de destruire toucte
crestienté, et d’estre prince de tout le monde, comme le roy Allixandre
avoit estés. Adoncquez, à la requeste du roy de Hongrie, le roy de
France mist sus une grosse armée. Et en fut chief le cousin germain
dudit roy, c’est assavoir Jehan de Bourgongne, duc de Navers, filz au
duc de Bourgongne. Et avoit en sa compaignie le connestauble de
France, Phelippe d’Arthois, le sire de Coucy, Jehan de Vienne, Guillame et Guy de la Trimoille, et piusieur aultres, tant qu’il estoient
cent mil hommes, tout gens de fait, sans ceulx du reaulme de Hongrie,
qui estoient bien aultant. Et marchirent tellement et firent tant par
leur journée qu’il parvindrent jusques audit lieu de Turquie, là où la
grosse bataille et cruelle tuerie fut faicte, comme cy après serait dit.
Mil iiic et iiiixx et xv. — En l’an après, mil trois cent IIIIXX et XV,
fut maistre eschevin de Mets seigneur Nicolle de Metry.
Les grant feu en l’abahie Sainct Vincent. — Et, en celle année, fut en
ladicte cité le grant feu à l’abbaiee de Sainct Vincent en l’isle de Mouzelle. Et fut celluy feu cy grand que les trois clochiers d’icelle église
furent ars, et touctes les cloches fondues. Et fuit en la grant sepmainne
de Pasques que cest fortune avint.
Le conte de Sainct Pol aux paiis de Mets. — Aucy, en celle meisme
année, revint en la terre de Mets le deventdit conte de Sainct Pol, et
boutit le feu en plusieurs bledz par Devent les Pontz. Et avoit avec
luy grand compaignie, entre lesquelle estoient plusieurs seigneurs de
France du sang reaul. Et fut ce fait en passant qu’il s’en alloient,
cuydans gaigner la duchié de Lucenbourg. Mais, le grant jeudy, à heure
de minuyt, furent lesdit reschassiés par lez Allemans à leur grant
deshonneur et dompmaige (jay ce que la Mere des Istoire met qu’il
gaingnait la plus grant partie d’icelle duchiés).
Paix faicte entre le roy de France et celluy d’Angleterre. — Or, avint
que, durant ce tamps et que ces choses se faisoient et piusieur aultre,
a. Philippe a ajouté de ta main, dans E : des Sarrasins.
TRÊVE ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE (1396)
113
fut envoiez par miraicle de la vierge Marie, des partie de Surie, ung
sainct hermitte, qui s’appelloit Robert jusques en France et Angle
terre, pour traicter la paix contre les deux roy. Car la guerre avoit trop
durés. Et fut celle paix faicte en la manière qui s’ensuyt. C’est assavoir
que, après plusieurs allées et venues des ambaixade d’Angleterie,
comme cy devent ait estés dit, fut mariées Ysabel, aagée de sept ans,
qui estoit fille a roy Charles de France, et fut donnée audit roy d’An
gleterre. Et par ainssy furent bons amys, et olrent paix enssamble.
Groz vent et grant gresle. — Mais, ainsy comme les parties estoient
près d’une ville nommée Ardre, sur lez marche de France et d’Angle
terre, il advint le plus merveilleux tamps de pluye, de grelle et de
tonnoire, quaitre heure durans, que jamaix on vit. Et tellement que
celluy tamps rompit cent et quaitre corde de la tentte du roy de France,
et rompit le merrien soustenant le tabernacle d’icelle. Et aussy en
rompit plusieurs de celle du roy d’Angleterre.
Plussieurs signes ouys et advenus. — Pareillement, en celle année,
avint plusieurs aultre merveille et plusieurs signe en diverse lieu parmy
le monde. Entre lesquelles, és marches de Guienne, furent ouiees voix
et sons comme froissement de harnois et de gens qui ce combatoient
en l’airre. Dont le peuple eut moult grant fraieur, et non sans cause.
Aucy, en celle meisme année, furent encor veheu aultre signe. Car,
au pays de Languedoc, fut veue au ciel une grosse estoille, et V petites,
lesquelles, comme il sembloit, vouloient combatre la grosse ; et la
suivirent bien par l’espaice d’une heure. Avec ce furent ouyees au ciel
voix par manière de cris. Après ce, fut veu ung homme quy sambloit
estre de cuivre tenant une lance en sa main et gectant feu, près de la
grande estoille en la frappant. Mais, après, n’en fut plus riens veu.
Cent mil Turcqz occis des Hungres. — Et, pour ce que les merveilles
dessusdictes advindrent devant la baitaille de Hongrie, on disoit que
c’estoit signifiance d’ycelle. Dont les Hongres eurent la victoire sur les
Sarrasins, desquelz furent audit ans mis à mort environ cent mil.
Mais, depuis, retournait la fortune sur les crestiens, comme icy après
serait dit.
Plussieur ville en la duchiés de Millan réduicte aux roy. — En ceste
meisme année, le mareschal de France Bouciquault, aiant le gouverne
ment de Gennes, mist en l’obéissance du roy de France les citez et villes
de Plaisance, Pavye, Millan, et plusieurs aultres.
Aucy, par le traictiet de celle paix deventdictes de France et d’An
gleterre, les forteresses de Chierebourc en Normandie et de Brest en
Bretaigne, que tenoient les Anglois, furent restituées et rendues au
roy de France.
Paix entre le duc de Bretaingne et messire Olivier du Clisson. — Et, en
ce meisme tamps, fut faictes la paix entre le duc de Bretaigne et messire
Olivier du Clisson. Et furent délivrés des prisons du roy de France
c’est assavoir le sire de la Rivière et seigneur Jehan le Mercier et plua. Qui s’appelloit Robert a été oublié dans E ; Philippe a rétabli : nommés Robert.
8
114
GUILLAUME FAUQUENEL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1396)
sieur aultre ; et tout par le pourchas de la duchesse de Berry. Mais yl
furent banny hors du pays à jamaix.
Cy lairons de ces chose à pairler, et retournerons a maistre eschevin
et à plusieurs aultre merveille.
Mil iiie iiiixx et xoj. — Puis, en l’an après, courrant le milliaire par
mil trois cent IIIIXX et XVI, fut maistre eschevin de Metz le signeur
Willame Fauquenel.
La ville de Danviller prinse par les François. — Et, en cest année, fut
prinse la ville de Danviller par les François. Et fut dit que Jaicomin
Bellecourt, qui estoit capitainne pour le sénéchault d’Allemaigne, en
fut consantant.
Item, aucy en cest année et durant le temps que les seigneur crestiens estoient sur les Turc et Infidelle, comme cy devent avés oy,
envoioit le souldan l’Amorabaquin quérir ayde de tous cousté pour
résister à yceulx crestiens qui le venoient assaillir. Or avint que, durant
ce tamps et que le sciège estoit devant la ville de Nicopoly mis par lesdit
crestiens, comme dit est, le sire de Coucy, avec Ve lance, assaillirent les
Turc ; et avec ce peu de gens déconfirent bien XVn Turcs.
I mil crestiens occis des Turcqz, et vj mil des plus noble de France
prias. — Mais, comme fortune de guerre ce tourne souvant a contraire,
avint assés tost après audit crestiens une très mal adventure et une
grande et piteuse baitaille et très cruelle desconfiture. Laquelle descon
fiture fut faicte par ledit souldan l’Amorabaquin devent ycelle cité
de Nicopoly. En laquelle baitaille et desconfiture y oit bien L mil
crestiens des mors et VI mil des prins. Entre lesquelles y furent prins
trois cent noble homme qui n'estoient pas de petitte estimacion ; des
quelles estoit l’ung le cappitainne Jehan, conte de Nevers, qui depuis
fut duc de Bourgongne. Aucy y fut prins Phelippe d’Arthois, et le sire
de Coucy, le conte d’Eu, connestauble de France, et Guillaume de la
Trimoille ; et pareillement Jehan de Vienne, admirai, et Jehan de
Bouciquault, lequelle peu devent avoit estés à Constantinoble dessus
les Turc. Et fut celle desconfiture faictes par ung Sarrasins nommé
Pouldre, lequelle estoit bassault 1 du souldan, quy est autant à dire en
leur languaige comme capitainne général de l’empereur. Et à icelle
baitaille y furent mors deux des filz du bon duc Robert de Bar, c’est
assavoir messire Henry et messire Jehan.
Aulcuns seigneur de Mets tués d ladite journée. — Et, pareillement,
y furent mors plusieurs de noz vaillans seigneurs de Mets, c’est assavoir
seigneur Louran Gronnat, seigneur Jehan Braidy et seigneur Jehan
Corbelz.
Et furent encor en cest baitaille prins plusieurs vaillans gens et
grans parsonnaiges, jusques a nombre deventdit ; lesquelles ledit
Turc, bassault du souldan, fist tout mourir, par despit de ce que lesdit
1. Bossa, bacha sont d’anciennes formes du mot pacha (le premier exemple connu se
trouvait dans Rabelais, II, 14, sous la forme baschat}.
THIÉBAUT BATAILLE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1397)
115
crestiens avoient bien mis à mort VIXX mil Turc de ces gens. Mais,
aincy que ung jour on les menoit devant ledit bassault pour les faire
décapiter, fut trouvé entre les aultre et amené Jehan, duc de Bourgongne, pour pareillement estre décapité. Lequelle fut incontinent congneus par un Sarrasins enchanteur et nigromancien que illec estoit.
Cy ce levait ledit Sarrasins et ce vint présanter devent ledit bassaulx,
et luy dit aincy : « Sire, gardez vous bien de luy faire mal, et le renvoyés
en son païs, car je vous sertiffie que par luy serait la plus grande partie
de la crestienté cy troublée et affligée, destruicte et malmenée, que ce
serait grant pitié pour eulx. » Laquelle chose a esté depuis vraye, comme
cy aprez vou3 orrés, quant tamps serait. Car par luy sont estez depuis
moult de mal faiz et parpetrés. Et, à cest occasion, loingtemps depuis,
en ont plusieurs ressus la mort, lesquelle ne c’en donnoient en garde,
comme cy après il serait dit. Et, à ces parolles, ledit Turc le laissait.
Mais fist tous les aultre morir et décoppés par pièces devent luy,
réservés les cincq prince deventdit, qui furent mis à ransson à la
somme de deux cent mil escus. Et aincy morut le rest à grant dolleur ;
dont ce fut pitié et domaige. Toutefois, le roy de Hongrie eschaippait,
avec le cappitainne de Roddes ; dont il leur en print bien. Et furent
menés les princes qui a ranson estoient mis à la ville de Burse en une
forte prison, a pain et à l’eau, et batu le plus souvent. Et tellement que
le sire de Coucy et Phelippe d’Arthoys moururent en prison. Dont ce
lust domaiges, car c’estoient deux vaillant homme, comme cy devent
avés oy. Dieu en ait les âme ! Or, durant ce temps que les prince devent
dit estoient en prison, faisoient grant diligence d’amasser le duc de
Bourgongne et la duchesse sa femme pour la délivrance de leur filz et de
tous les aultres prisonnier ces compaignons.
Le roy d’Aragon tués en chassant ung lieuvre. — Cy avint aucy en ce
meisme tamps une fortune et piteuse aventure a roy d’Arragon. Car,
en courrant après un lieuvre, il cheust de dessus son chevaulx, et ce
rompit le col.
Plusieurs aultre merveilles advindrent encore en diverse lieu parmy
le monde, desquelles à présant je me tairés. Et retournerés a maistre
eschevin de Mets, et à diverse adventure, lesquelle durant son année
sont advenue.
Mil iiic iiiixx et xvij. — Item, en l’an après, mil trois cent IIIIXX et
XVII, fut maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Thiébault
Baitaille.
Champs de bataille de deux genlilzhomme. — Et, en celle année,
messire Amey de Salbruche et Collas de Mercy, cy devant nommez,
entrirent en champs de baitaille. Et fut ledit seigneur Amey desconfit
et rendu par ledit Collas. Puis fut mené en prison en la ville d’Yvoixe.
Et, depuis, furent audit messire Amey ses armes rendues par le roy
d’Allemaigne ; et fist encor depuis maintez chevaulchié.
Les crestiens respités de mort ranceonés à iic mil ducalz. — Et, en celle
meisme année, fut faicte la délivrance des seigneurs crestiens dessusdit.
H6
LES PRINCES VEULENT RÉFORMER L’ÉTAT DE L’ÉGLISE (1398)
Et fut paiet pour leur ranson la somme de deux cent mil ducatz, cen
ce qu’on avoit despendu à faire le pourchas, qui montoit quasy à
autant.
De duc de Clocestre ci d Arondel occis. — Aucy, en ce meisme tamps
fut prins par le roy d’Angleterre le duc de Clocestre et le duc d’Arrondel'
ses deux oncle. Et les fist ledit roy occir et destranchier, pource qu’il le
vouloient mestre hors de son royaulme, comme il disoit ; dont grant
guerre en advint depuis. Mais l’on dit, et le tesmoigne plusieur istoire,
que q£ fut pour ce qu’il reprenoye trop souvant ledit roy des faulte
qu’il faisoit et de.ee qu’il travilloit tropt son puple à tort et sans cause
(combien qu’il ne le disoit pas).
Item, tantost ung poc après et en la meisme année, revindrent en
France les dessus nommés quy avoient estés prins en Turquie, exceptés
le conestauble, qui morut a chemin ; dont ce fut domaige. Et, quant il
furent revenu et la bien venue faictes, racontèrent plusieur chose du
souldan. Et disoient qu’il estoit courtois homme et juste selon sa loy.
Et, entre les aultre chose, racontait Jehan de Bourgogne et dist au roy
que le deventdit souldan avoit bien en sa compaignie sept mille faulconnier pour son corps, et autant de veneur. Puis luy dit encor que,
une fois, depuis qu’ilz furent délivrés des prisons, le souldan, par ma
nière d’esbatement, fist voiler ung dé ses falcons qu’il tenoit à très bon.
Et, pour ce qu’il ne voulût point à sa plaisance, il fut sur le point de
faire trencher les teste jusques à deux mille de ses faulconniers, et les
chairgeoit qu’ilz n’estoient pas diligens de leurs oyseau. Et disoient lez
seigneur deventdit que c’estoit une horrible chose que de sa puissance.
Et, avec ce, disoient qu’il estoit juste, pour tant qu’il ne voulloit point
que aulcuns de ces gens print la valleur d’une maille dessus son peuple,
s’il ne la paioit. Et, qu’il soit vray, il racontairent a roy que, en leur
présance, eulx estant de coste ledit souldan, il virent une femme qui ce
plaindoit à luy, disant que l’ung de ses gens luy avoit prins et mengés
une escuiellée de laict de chièvres qu’elle avoit apareillez pour elle et
pour ces anfïans. Et le souldan, comme bon justicier, et bien maris de
cest affaire, fist tantost prendre celluy quy avoit fait le cas, et luy fit
fendre le ventre pour regarder ce c’estoit vray. Et, quant yl congneut
la vérité, il le fist tout démembrer par pièce ; et ainsy fmist sa vie.
Car il voulloit sur tout que justice fut gardées. Et, entre les aultres
choses, dirent encor yceulx prince que la chose de quoy les Turcqz
se mocquoyent le plus des crestiens, c’estoit que nostre foy estoit
nulle, et estoit toutte corrumpue par ceulx qui la dévoient gouverner,
tel comme le pappe et les cardinaulx. Car, le plus souvent, comme il
disoient, régnoient deux pappes enssembles, lesquelles estoient de
guerre l’ung contre l’aultre. Parquoy disoient lesdit Turcqz que à ceste
cause toutte crestientés seroit destruictes et que le temps estoit venu.
Délibération des prince de faire réformer l’estât de l’Église. — Et, pour
ces choses et plusieur aultre, fut en ce temps faicte une grant assemblée
à Reins en Champaigne entre le roy de France et l’empereur pour
entendre sur l’estât et union de saincte Église, pour ce, comme j’ay dit
SUITE DES DUCS DE LORRAINE, DE 1305 à 1397
117
devent, que les Turcqz s’en mocquoient. Et, pareillement, pour cest
affaire les deux prince deventdit envoièrent à Romme leurs embaissade
par devers le pappe Boniface, pour sçavoir s’il ne ce voulloit point
délaisser de son erreur qu’il tenoit contre le pappe Bénédic d’Avignon.
Pareillement, fut errier envoiés par devers cellui d’Avignon pour aucy
sçavoir c’il vouloit tousjour tenir son oppinion. Mais tous deux récriprent au roy que chescun tenroit son point. De quoy il fut concluz c on
lairoit régnez le pappe Boniface qu’estoit à Romme ; mais on assailliroit celluy d’Avignon, et luy osteroit on le non de pappe. Et, pour ce
faire fut envoiez le mareschalz avec bien V mil homme d armes.
Lesquelz, pour abrégiez, le destruire tout, et luy estèrent touctes les
terres qu’il soulloit tenir. Et aincy régna seul Boniface.
La mort du duc de Lenclaslre. - En ce meisme tamps mourut le duc
de Lenclastre en Angleterre, dont ce fut domaige. Mais le roy Richard
d’Angleterre n’en fist pas grant compte, comme vous oyrés. Car il en
mandit les nouvelle au roy de France, et ne le mandit point à Henry
conte Derby, filz dudit duc, lequelle alors ce tenoit en France (et 1 avoit
ledit Richart banis X ans hors du pays). Et, avec ce, saisit endroit luy
toucte la duchiés de Lenclastre, qui devoit estre audit conte Der y.
Dont grant mal en advindrent audit roy depuis, comme vous oyres.
Pareillement, en ce temps, ledit Richart, roy d’Angleterre, mist sus une
grosse armée pour aller sur les marches d’Irlande. Mais, durant ces
chose, les Londriens conspirèrent une hayne sur ledit roy et envoièrent
quérir ledit conte Derby, qui alors se tenoit en France, de coste le roy,
comme dit est. Car yceulx Anglois haioient surtout leur roy pour ce
qu’il avoit prins femme du sanc de France cen leur consantement , et
aucv pour ce qu’il avoit donnés audit Françoys cy longue treve. Et,
pour ces chose et plusieur aultre, envoiairent secrètement pour amener
ledit conte. Et, de fait, luy voulaient donner la couronne et en chassier le roy Richart, comme il firent. Et en fist le messaige archevesques de Cantorbie ; et fist tant qu’il amenait ledit conte a
L°Lerou de Navarre fait duc de Nemours. - Pareillement, en ce meisme
temps, ledit Charles, VI» de ce nom, roy de France, bailla au roy e
Navarre, pour récompense des terres qu’il avoit à Normandie la signorie de Nemours, qui alors fut faicte duché, et, en Gastinois et Champaigne, seigneuries et rentes, jusques à X mil livres.
Et furent ces choses faictes du temps que Charles, filz au duc Jeha ,
fut duc et marchis de Lorrainne, aprez la mort de son perre le deventd t
duc Jehan. Lequelle duc Jehan fut filz de Raoul ; et celluy RaouLfut
filz de Ferry ; et Ferry avoit esté filz de Thiébault duc et marqu
Lorrainne, qui régnoit audit pais en l’an de J’mcarnacion Nostre
Seigneur mil III» et V, et mourut le XVR jour de may, 1 an mi
cent et XI. Et cecy vous est dit pour et affin de congnoistre tout les
duc que, depuis celle année mil trois cent et V ans, ont régnés^e
Lorrainne en jusques à maintenant, courant le milliair par mil trois
cent IIIIXX et XVII.
«8
WIRIOT NOIRON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1398)
Mais d’iceulx nous lairons le parler quant à présant, et retournerons
a maistre eschevin de Mets, et à plusieurs aultre besoingne.
Mü iUc itiixx ei xvüj _ 0r retournons à nostre prepos, et disons
cornent, en 1 an mil trois cent IIII« et XVIII, fut fait et créés maistre
eschevin de Metz le signeur Wiriot Noiron.
Le roy Bichair rendus aux duc Derby. - Et, en ce tamps, se rendit
le roy Richart d'Angleterre du tout à la voulluntés du deventdit conte
Derby. Et fut prins ledit roy on chasteau de Fluich, luy dînant, et fut
enmenez à Londres et mis en une des grosse tour bien enclos qui estoit
en adicte ville. Or vous veult dire et conter une merveille qui advint
audit roy Richart. Celluy roy, luy estant en sa prospérité, avoit tousjour
avec ly ung lévrier de chasse, nommés Math. Et avoit ce lévrier costume que, tout aucy tost que le roy son maistre yssoit hors de sa cham
bre, ledit levrir ly venoit au devent en le festoiant et lichant, et, de
fait, luy mectoit ces deux piedz sus les espaulle. Or advint que, quant
le conte oit prins ledit roy, comme cy devent est dit, et que ung jour
il devisoient enssamble, ce pourmenant parmy la court, ledit lévrier
vint et acomensa à festoier le conte Derby, et mist ses deux piedz sus
les espaulle audit contes, comme il soulloit par avant faire au roy son
maistre, et laissa ledit roy et n’en fist quelque estime. De quoy le conte
s amerveilla et demandait au roy que ce signiffîoit. Adonc le roy respondit amcy et dit : « Cecy m’est ung povre signe, car il signifie que je
sera déjectés de mon royaulme, et ceulx de quy par avant je solloie
estre aidiez me lairont et me aideront à déjecter hors de ma terre. »
e quoy le conte et tous ceulx qu’estoient en la plaice ce esmerveillèrent moult. Ne oncques depuis ledit chiens ne volt recongnoistre ledit
roy Richard son maistre, ains le laissait et guerpit du tout. Et, tantost
après, ledit roy Richart résignait sa couronne et son reaulme d’Angle
terre audit conte Derby. Et bientost après fut couronnés, comme cy
après serait dit.
Deux Agustin dégradés d Paris. — Aucy, en celle meisme année,
urent à Paris en la plasse de Grève dégradés deux Augustins par l’évesque de Paris et despoueilliés de la dignité sacerdotalle, et puis bailliés
à la justice laycque. Dont eurent les testes couppeez aux Halles, pour
ce que yl entreprindrent et ce vantirent de garir le roy en faisant aulcunes
incisions en la teste, dont il le randirent causy mourant. Et toutefïois,
finablement, confessèrent que ilz ne s’y congnissoient, mais faisoient
tout à l’aventure. Les ungz dient que Phelippe, duc de Bourgongne,
pourchassa la mort desdit Augustins en despit du duc d’Orléans,
ausquelz il estoient. Car, pareillement, ledit duc d’Orléans avoit fait
brûler ung grant clerc nigromacien et invocateur de dyables quy se
disoit audit duc de Bourgongne, appellé maistre Jehan du Bar. Et fut
ars à Paris au marché aux pourceaulx.
Plussieurs pillards prins par ceulx de Mets et exécutés. — Or advint,
en icelluy temps, qu’il y avoit plusieurs malvais garsons, lesquelles
journellement corroient et faisoient grant dompmaige sur le païs du
NÉMERY BATJDOCHE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1399)
119
duc Robert de Bar. Et, en retournant qu’il faisoient, il prenoient tout
ce qu’ilz pouoient trouver sur le païs de Mets, et pareillement y faisoient
plusieurs grant dompmaiges. Entre lesquelx robeurs y avoit deux ou
trois gentilz hommes, avec plusieurs autres. Or advint ung jour, amcy
qu’il retournoient de la duché, il furent rancontrés, la vigille de Noé,
desdit de Metz. Et furent prins et amenés, et en eurent aulcuns les
testes coppées devant la Grant Esglise d’icelle cité, c est assavoir
Conement Rist de Blanche Église, et Beuse Jehan Valdrange Église *,
deux gentilz hommes. Et en y oit XV de leur compagnie qui furent
pandus, et XVIII aultre homme de leurs servans morurent en prison,
et aulcun devindrent hommes à la ville. Et fut ce fait en partie pour
complaire audit duc de Bar, et aussy pour ce que l’on ne pouoit avoir
nulle restitucion des dompmaiges que les devantdis faisoient sur la
Deux amant de Mets forjugiés et bannys. — Item, en ycelle meisme
année, furent bannys et forsjugié de Metz deulx amans de la cité, c est
assavoir Jehan Enlecol 2 et Hannès de Sainct Jullien, son janre. Et
furent tous leurs biens confisqués à la ville. La cause pourquoy fut
pour ce qu’ilz s’en estoient fouys nuytamment, car ilz avoient mis
en leurs arches beaucop dez faulx escrips, qui montoient bien à la
somme de trois mil et Vc livres, lesquelles sommes estoient pour eulx.
Et advint, peu de temps après, que ledit Jehan Enlecol, qui estoit
vielz, morut au Pont à Mousson, où il s’en estoit allé fouyant. Et ledit
Hannès de Sainct Jullien, son janre, c’en estoit allés fuitif de cost le
seigneur du Vergier, et voulloit faire la guerre ausdit de Mets. Mais on
fist la paix par argent. Car, à la fin, il fut amené à Metz, comme cy
après serait dit, et en fut pandus et estranglés. Et aincy finait ces jours.
Groz déluge d’yawe. - Item, aucy en celle dicte année, ce enflèrent
tellement les fleuves et rivières que les eawe enmenairent en d’aulcuns
lieu les maisons avec les habitans d’icelles. Et en ce déluge furent tous
les bledz perdus et enmenés, dont il avint grant chier tamps.
Et, aussy, en celle année, courut griefve malladie de pestilence.
Cy lairons de ces advenue le pairler pour le présant, et retournerons
au maistre escheving de Metz.
[DE LA DÉPOSITION DE RICHARD II D'ANGLETERRE, EN l399,
A LA « JACQUERIE » DE METZ, EN l4<>6]
Mil Hic iiiixx et xix. - Puis, en l’an après, que le milliair courroit par
mil trois cent IIII** et XIX, fut maistre eschevin de Mets le seigneur
Némery Baudoche, chevallier.
1. Coneman Risch, dit de Blanche Esglise, et Jehan de Baldrange (Chronique d*
'TSZ'ïïiS2iï& ü,? m
transcrit Eulecol.
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120
INONDATION A METZ (5 AVRIL 1399)
Banni» de Saincl Jullien pendus, - Et, en celle année, fut amené
à Mets ledit Hannès de Sainct Jullien, janre audit Jehan Enlecol
1 amant ; et fut tramné et mis en pillory, et puis pandus au gibet
d icelle cité. Et, pour sçavoir cornent il fut prins, le cas est tel que ledit
Hannès fut vandus et délivrés à ceulx de Mets par ung bourjois de
Toult, nommés Perrix, lequelle estoit a gaige de ladicte cité et ce
tenoit à Toult. Et en oit ledit Perrix Vc florins de la ville. Et, depuis,
après, à la requeste d’aulcuns seigneurs de France, celluy Perrix fut
prins et pandus à Toult, pour ce qu’il avoit vandus et livrés ledit
Hannès à ceulx de Mets, comme dit est. Et pour tant apert que de
bonne vie bonne fyn.
Le conte Derby esleu roy d’Angleterre. - Pareillement advint, en
I an dessusdit, que, le dernier jour de septembre, par le consentement
du comun d’Angleterre, fut esleu et essus à roy le deventdit conte
Derby, et couronnés à Londres. Puys, tantost après, lesdit Anglois
fyrent inhumainement murtrir et tranchier la teste audit Richard,
quy solloit estre roy dudit pais, comme cy devent ait estés dit. Et!
incontinent que ce fut fait, en vindrent les nouvelle au roy de France ;
de quoy il fut bien courcez et maris. Et le sceust premièrement par
ma damme de Coucy.
La royne ramenée en France. - Et, tantost après ce fait, fut ramenée
damme Ysaibelz, royne d’Angleterre, en France, à Charles son perre.
Aulcuns conspirateur d’Angleterre occis. - Or, ne demourait pas
granment que aulcuns seigneur d’Angleterre, ne scay à la requeste de
qui ce fut, mirent sus de faire guerre au nouveaulx roy. Mais il furent
escusés i, parquoy il furent tantost prins et occis.
Trêves de xxvj1 ans entre le roy françois et anglois. — En ce meisme
temps, après la mort du deventdit roy Richard, se renouvellèrent les
tresves entre le roy de France et le deventdit Hanry, nouveaulx roy
d’Angleterre ; et furent escriptes et scellées à tenir XXVI ans.
Mais d’iceulx Anglois lairons le parler pour le présant, et retourne
rons à dire comment en ce tamps fut fait ung nouviaulx empereur.
Nouveaulx empere[ur] esleu, et ung aultre déposés. - Or avint que,
en celle dicte année, les prince éliseur du pays d’Allemaigne despousairent de l’empire le roy de Boesme, qui empereur soulloit estre, et le
renvoièrent en Boesme, dont il estoit. Et, ce fait, esleurent ung homme
vaillant et prudant pour estre roy et empereur dudit païs d’Allemaigne,
lequelle par avant estoit duc de Bavières, et ce nommoit Robert, duc
de Helleberge. Et fut en cellui tampts coronnés à Collogne. Mais ceulx
d’Ais-la-Chaipelle ne volrent point obéir à luy, et ne lui voulrent point
ouvrir leur ville, quant il allait illec pour pranre possescion.
Déluge d yawe. —- Item, il advint, en celle meisme année, que les
yawe furent cy grande atour de Mets et tellement hors de rive que,
le Ve jour d’auvril, elle antrairent dedans Mets parmi la pourte à
1. Accusés}T dénoncés.
meurtre du
CURÉ
de
SAINT-SIMPLICE,
a
METZ (31 JUILLET 1399) 121
Maizelle, et courroient tout avault la rue. Et, avec ce, le champts
Nemmery en estoit cy plains qu’elle montairent de tout cousté on
baille 1 par dessus les créniaulx.
Emprunte fa[it] par les seigneur de Mets aux bourgeois d’icelle. —
Item, aucy en celle année, on gectait une taille ou ung amprunte sus les
bourjois de la cité de Mets. Et furent plusieurs qui prestairent à la ville
de grand denier, entre lesquelles j’en ait ycy mis et escript les noms des
aulcuns. Premier, Abelz Augustaires 2 prestait deux cent florin d’or,
George, trois cent, et Hullon d’Espinalz, deux cent, Jehan Pier, ung
cent, et ung nommés Perrin prestait XXXV florin, et ung aultre,
nommés Thiriait, en prestait XXV. Et furent bien environ Ve parsonne
qui tous prestairent argent à la ville.
Le curé de Saincl Suplice murtris. — Or, avint encor en celle meisme
année que, la vigille de la sainct Pier, qui fut le dernier jour de juillet,
fut fait de nuit ung murtre en Mets. Car on antrait avec une eschielle
en l’ostel le curé de Sainct Suplice, et illec fut la gorge coppée au
chappellains dudit curé. Et avoit celle eschielle esté prinse en l’ostel
Collin Paillat, au tiers jour de may, de nuyt.
La grant compaignie d’Italie. — Aucy, pareillement avint que, en
celle année, LXX mil homme ce avoient assamblés en Ytalie, et ce
appelloient la grand compaignie. Et entre eulx y avoit plusieurs noble
homme, contes et barons. Iceulx redarguoient les vices des hommes,
et estoient tous vestus de robes blanches. Et, pour ce que en ce tampts
l’épidémie y courroit fort, ilz promettoient à tous ceulx qui ce mectroient de leur compaignie qu’ilz seroient préservés de ladite épidémie.
Grant nombre de docteur florissoient pour cesl année. — Aucy, en
celluy meisme tamps, flourissoient plusieurs grand et notaubles clerc,
qui alors estoient l’œil et la lumière du monde. C’est assavoir, maistre
Géraird Groet, qui escript et composa maintes belles œuvres, maistre
Jehan Risbroch, qui escript chose nom point de mendre réputacion.
Aucy maistre Henry Oyta, docteur en théologie, et maistre Henry de
Hassia, qui tous deux florissoient à Vienne. Item, à Paris, estoient
maistre Pier d’Ailly, et son disciple, maistre Jehan Gerson, docteurs en
théologie, qui ont compilé livres moult utiles, nécessaires et bien
renommés és universités.
Jehan Wisclef et Jehan Huns en Boesme. - Mais, pour ce que 1 apostre dit, on chapistre XIe de la premier épistre aux Corinthiens : « Il
fault que les hérésies soient pour monstrer et manifester ceulx qui sont
prouvés bons catholicquez », le diable, en ce tempts, suscita plusieurs
héréticques, qui furent confondus par les grand et notables clercs qui
alors vivoient. Lesquelles dit héréticque furent Jehan Wilclef en
Angleterre, Jehan Hus en Boesme, et Jérosme en Prague, qui, soubz le
1. Le mot baile'j qui signifie palissade, enceinte fortifiée, semble désigner J®
de défense de la ville : l’eau passait donc par-dessus les créneaux eux-mêmes et la
muraille se trouvait entièrement submergée.
2. Aubert Augustaire a été en 1404 l’un des Sept du Trésor (D Hannoncelies,
t. I, p, 161).
122
TENTATIVE D’EMPOISONNEMENT SUR L’ABBÉ DE SAINT-CLÉMENT (1399)
manteau de religion et dévocion, corrompirent hommes infinitz. Car il
ce efforsoient de subvertir tout l’estât ecclésiasticquez. Mais les devent
dit sainct docteur, qui furent fidelles et catholicques, les en gardirent
et confondirent leur erreurs.
Ung xe 1 levés sus les églises. — Item, en ce meisme ans, fut levé ung
Xe sus les églises de France, à la requeste de messire Jehan de Cramant,
patriarche d’Allixandrie.
Aucy, pour lors, fut apourté en l’église de Sainct Bernard le sainct
suaire de Jhésu Cript, à la venue duquelle furent faictz plusieurs
miracles.
Plussieur seigneur de Mets aux paiis de Pruche. — Item, aucy en
1 an dessus dit, se partirent de Mets pour aller en Pruche les seigneur
ycy après nommés. C’est assavoir signeurs Jaicques Dex, chevalier,
seigneurs Jehan Noiron, seigneur Jehan de Wy, Louuey Paillat, Jehan
de Vaudrowange, Perrin le Gournaix, Jehan Chevalot, dict Faulquenel,
et Guerssiriat Boullay, et Morisot de la Tour. Yceulx tous ensemble
s’en allirent à Nancey pour aller en la compaignie du devent dit Charles,
duc de Lorrainne, qui fut filz au duc Jehan. Et, quant ilz vindrent on
pais de Pruce, ledit duc leur eust voulentier paier leur despans, afîin
qu’ilz ce voulcissent mestre dessoubz sa banière et estre du nombre
de ces gens. Mais lesdit nos seigneur respondirent au duc devent dit,
par la bouche du seigneur Jaicques Dex, qu’il ne luy voulcist mye
desplaire, car il estoient venus on pais à leur propres frais et despens,
et pour ce estoit leur intencion de servir à Jhésu Crist en soutenant sa
saincte et sacrée fois à leur despans jusques à la mort. Et ce y firent
tellement vaillant les seigneur devent dit que il y furent fais nouviaulx
chevaliers c’est assavoir seigneur Jehan Noiron, seigneur Guercyer
Boullay, et seigneur Jehan de Vaudrowange.
Merveille[ux\ nombre de gens et de chevalierz. — Et, en celle dicte
armée et encontre des Sarrasins avoient les seigneurs de Pruce bien
LXXm chevaulx, et le hault maistre de Flandre en avoit L mil che
vaulx* lequelle estoit de la dicte ordre. Et le duc de Vitaice, ung duc
sarozent de Latolle 12, qui servoit lesdit de Pruce pour ycelle armée,
y avoit IIIIXX mil chevaulx de Tartarie. Lesqueulx jeurent et couchairent ung moix aux champs à descouvert et en la neige ; dont c’est
merveille qu’il ne furent mort de froy, car, dès le jour des Roys en jus
ques à la Chandelleur, furent tousjour ensy.
Trois mil et viic ville que prinse que brullée. — Et veult on dire qu’il
conquaistarent bien LX lieue de pais de longe, et bien XL lue de lairge
on pais de Samech et de Caldée, et brullairent bien trois mil et VIIe
ville on dit pais. Et tellement exploitairent que le pais fut tous conver
tis.
Trois moin[es] voullurent enherber leur abbé. — Paireillement, avint
en l’an dessus dit que trois moine de l’abahiee de Sainct Clément
1. Dîme. Le mot en ancien français est masculin ou féminin.
2. Le duc Withate de Laitue, saraisin (Chronique de Jacques d’Esch, DSHL, IV,
p. 337 et n. 4). C*est Witold, duc de Lithuanie.
JEAN FAIXIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1400)
123
devent Mets et deux jonnes clerson voulurent empoisoner et enherber 1
leur abbé, lequelle s'appelait seigneur Thiébault Louve. Pour laquelle
chose il furent prins et mis en Chartres, et y furent cy longuement que
deux des moines en moururent en prison. Et l’aultre eschaippait et
c’en fuyt, et fut déchassé du pais plus de XV ans. Et, depuis, ses amis
luy refirent sa paix, et aucy il fut absoul de nostre sainct perre le pappe.
Mais les deux jolnes clerson en furent pandus et estranglés a gibet
de Mets.
Grosse tempeste. — Item, en celle meisme année cheust de merveil
leuse tampeste en France, on Biavoisin ; et en ycelle y avoit de la
grelle grosse comme ung euf, qui foudroia tous les bief.
Aussy, en celle année vint pareille grelle durant la foire Sainct
Denis, laquelle abatit tout, et meismement les halles au merchamps,
et fist de merveilleux domaige.
Cy lairons de ces chose le parler, et retournerons a maistre eschevin
de Mets et à plusieurs aultres besoingne.
Mil iiiie. — L’an après, que courroit le milliair par mil IIIIC, fut au
jour de sainct Benoy fait maistre eschevin de Mets le sire Jehan Faixin.
Et, tantost après, le samedi, vigille de Paicque florie, c’on dit les
Paulme, revindrent et rantront en Mets les devent dit seigneur du
voiaige de Prusse.
Le grant jubilé à Rome. — Et, aussy en celle dicte année, furent les
grand pardons et le jubillé à Romme. Auquelle furent plusieurs citains
de Mets, spirituel et temporel, tant jantil que villain ; et desquelle en
demeurait biaucopt en chemin par mortallité, tant des homme comme
des femme. Entre lesquelle y morut le seigneur Némery Baudoche,
chevalier, le seigneur Jehan Baudoche, maistre Goubert, des Prescheur, et tant d’aultre que ce fut merveille. Et furent plusieurs qui s’en
retournirent bien mallaide.
Grosse morlalilè en Mets. — Car, en celle dicte année mil quaitre
cent, fut en Mets et a Pon à Mouson et és pais joindant la plus grande
et merveilleuze mortallité que jamaix fut ; ne ne ce trouve point en
escript que jamaix en ce pais fut la pareille, ne où tant de la noblesse
ne de la borjoisie de la cité morussent ; et desquelles les nons des aulcuns seront ycy après escript. Et fut estimés que, seullement a Pon à
Mousson, furent mort par compte fait deux mil personne. Entre les
quelles y mourut le devent dit Jehan Enlcol, amant de Mets , et paireillement y mourut sa femme, laquelle s’en estoit allée fuitif de cost
son mary, qui estoit bany de Mets, comme cy devent ait estez dit.
L’évesque de Mets courre sus ceulx d’Ay[x}. — Item, en celle année, le
seigneur Raoul de Coùsey, alors évesque de Mets, c’en vint à Aix sus
Muzelle, le jour de la feste sainct Michiel. Et là amenait plus de cent
et L chair et chairette, sus lesquelle il fist chairgier tant de vin et de
bief que ce fut chose merveilleuse. Et prinrent plusieur prisonnier,
1. Enherber, empoisonner à l’aide d’herbes ou de plantes vénéneuses.
124
JEAN AUBRION, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1401)
qu’il enmenairent avec eulx. Puis ont boutés les feu en X ou en XII
maison de la ville, et és chacqueu *1 pareillement. Et avoit ledit évesque
environ trois cent cbevaulx. Et fist celle courxe pour ce que lesdit
d’Airs ne voulloient obéyr à luy. Et, ce fait, ce mirent en leur chemin,
et c’en retournirent couchier à Chamenat pour celle nuit, cen rien
perdre.
Trois chaldronniés pendus. — Aucy, en celle année, furent prins et
escusés 2 trois chaudronnier de Chandellerue, et furent mis on pilloris,
puis furent pandus et estranglés. La cause pourquoy fut pour tant
qu’il avoient tués ung guerson, et, aprez ce murtre fait, l’avoient
gectés en la riviei. Et fut tués environ VI semaigne avent qu’il fut
trouvés.
Item, aucy en celle année, morut de peste Louuey Paillat, filz sei
gneur Burthemin Paillat, lequelle alors estoit maire de Mets et eschevin
du pallas. Et oit son eschevinage le filz Forbignon Paillat. Et pareille
ment en morurent plusieurs aultrez, desquelles à présant je ne fais nulle
mencion.
Le duc de Brunswisch tués. — Paireillement, avint en la dicte année
que Frédérich, duc de Brunswich, noble homme et plains de toutte
vertu, fut occiz par ung chevallier appellé Ferry de Hertigenhusen, la
vigille de la Panthecouste, en allant visiter le nouveau empereur.
L’empereur de Constantinoble à Paris. — Audit ans, l’empereur de
Constantinoble vint veoir et visiter le roy de France à Paris.
Aucy, fut fais le mariaige de Loys, duc d’Anjou, et de Yolant,
fille du roy d’Arragon a. qui estoit une des belle crestiennesqui fust au
monde.
Item, en ce tampts, Charles, aisné filz du roy de France, trespassa.
Pour la mort duquelle on dit beaucopt de chose, que je lesse, car de lui
ne d’aultre ne dirés aultre chose ; ains retournerés à ma mastier aeomencée.
Mil iiiP et ung. — En l’an mil quatre cent et ung, fut maistre eschevin
de Mets le seigneur Jehan Aubrion.
Dudelange prime par le duc de Bar. — Et, en celle année, fut prinse la
forteresse de Dudelange par le bon duc Robert de Bar. Lequelle fut
a sciège devent ycelle par l’espace de VII sepmaines. Et à ce faire y
aidairent grandement nous seigneur de Mets ; car il les fornissoient de
vivre, et envoièrent plus de mil et Ve cowes de vin, lesquelles ne sont
mye encor payés.
Aucy, avint en celle année qu’il régnoit une estoille au ciel avec une
grand cawes, comme une cornette, qui signifioit guerre ou mortallité.
Les Sarrazins nouvellement conquestés se révolte. — Item, à la Pasques
après, les gens du païs des Sarrasins qui estoient conquestés nouvellca. M : Arrogon.
1. Chauchoir, pressoir.
2. Accusés.
DIFFÉREND DANS L’ABBAYE DE SAINT-ARNOULD (1401)
125
ment, comme cy devent ait estés dit, yceulx monstrairent et firent
semblant d’eulx confesser et de recepvoir corpus domini et d’estre
bons crestiens. Mais, au plus fort a de la messe, ilz ce tournaient tout
à uno- copt, et, cautheleusement et en trayson, assaillirent les vray
catholicque et tuairent tout. Et, ce fait, abaitirent les deux forteresses
laicte par les crestiens et retournairent à leur loix payenne (car lesdit
crestiens avoient fait faire deulx forteresse de bois on pays qu’il avoient
conquestés, comme cy devent ait estés dit, et y avoient heu mis grosse
sairnison de gens d’arme pour tenir le pays en obéyssance).
Les bour de Trêves bruslés. - Item, aucy en celle année, seigneur
Avmery de Salbruche fut devent Trieuve ; et boutait les feu tout
dedans les bours de la cité du cousté vers Sainct Mathie. Et avec ce
enmenairent tous les bien des bonnes gens dudit bours.
L’empereur à Bomme. - Puis, tantost après, en celle meisme année,
s’en aillait le devent dit duc de Bauvières à Romme pour ce faire
corronner empereur. Et furent plusieurs grand seigneur qui c en aliment
avec luy, entre lesquelle y fut le duc de Lorenne. Et puis retournairent
plusieurs d’ycculx seigneur bien petittement forms d argent , et cy
devoyent encor assés. Et en celluy pays laissèrent l’ampereur en une
cité d’Itallie, à bien petitte compagnie ; car les plusieurs furent pnns,
entre lesquelle seigneur Géraird de Haraucourt et plusieurs aultres
furent retenus prisonnier.
D -,
Différent de Vabb[é] de Saind Arnoult contre ses religieux]. - Pareil
lement, en celle dicte année, ce esmeust ung grand plaît e* Pr0<;ès>
c’est assavoir des moine de Sainct Arnoult encontre leur abbé. Car
yceulx moyne c’en allirent à Vy de cost l’évesque de Mets que alors
illec ce tenoit. Et escusairent * yceulx moine leur dit abbé du péchiez
de sodomye et de bourguerie 2, avec plusieurs aultre ynfame cas.
De quoy le dit abbé ne ce trouvait point à la journée pour ce escuser.
Yzabeau, rogne d’Angleterre, ramenée en France. - Item, aulcune
istoire dissent que, le dit ans, le roy de France envoiait requérir pour la
seconde fois en Angleterre sa fille Ysabeau, royne dicelluy pay
Laquelle avoit estés femme a roy Richart, que les Anglois avoient heu
murtris, comme dit est. Et dit on que la dicte Ysabeau estoit encor
PUGrosse lempeste. - Item, aucy en cest année cheust tonnoire et
fouldre en la chambre de la royne de France elle estant en gés _
Le quelle fouldre ardit touttes les custodes du lit, mais aultre mal n y
fist. En ce tampts cheurent de merveilleuses choruscacion B, vens et
gresle grosse comme l’œuf d’une oye, en Beauvoisms, 1 espace de X
lieues ; qui fit beaucopt de maulx.
a. Mss. : pluffort.
b. M : yfame.
1. Accusèrent. Plus loin, escuser signifie excuser.
2. Bougrerie, péché contre nature.
juvénal des Ursins, semble avoir ici
sonsensTünTïueur “aè - Sur ces phénomènes atmosphériques, voyez p. 23.
126
ARNOULD BAUDOCHE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1402)
La cité de Prague asseig[ée]. — Item, aucy en ce tampts, Guillame,
marquis de Mensna, acompaigné de ces gens, avec ces filz, assiégea la
cité de Prague, et y fist maulx innumérables.
Mais de ces chose nous lairons le pairler, et retournerons a maistre
eschevin de Mets, et aulx aventure que durant son tampts avinrent.
Mil iiijc et ij. — Après ces choses ainssy advenue, et corrant le
milliaire par mil quaitre cent et deux, fut maistre eschevin de la cité de
Mets le seigneur Arnoult Baudoche, chevalier.
Et, en celle année, le vandredi après la Magdallaine, Collas de Mercy,
duquelle je vous ait par cy devent pairlé, et Phelippe de Noeroy,
retournairent de courre en Allemaigne, et en ramenairent grand compaignie. Or, advint que le sire de Boullay, et le seigneur de Bourgué l,
et messire Conraird Bayer de Bopart, acompaignés des Lorrains,
enchaissairent les dessus dit a. Et requirent et prièrent lesdit Lorrains
à aulcuns de nous seigneur de Mets, c’est assavoir à seigneur Nicolle
Grongnat, chevallier, à Thiébault Dompière de Tournay 2*, 31à Baudouuin
Dex et à plusieurs aultres, lesquelles, à la requestes desdit Lourains,
enchaissairent les dessus dit jusques à Grehiers 3. Et, là, mirent tous
les piedz à terre, et furent tous yceulx prins par les gens le devent dit
Phelippe de Noeroy, qui pour le jour estoit cappitaine. Mais, toutefois,
fut ce jour tués ledit Collas de Mercy, son compaignon. Dieu ait pitiet
de son âme !
Item, en celle meisme année, le premier jour des Grand Crois, c’on
dit les Rogacion, fut cellui ans le premier jour de may. Et, par aincy,
les trois feste qui sont les foire à Mets furent les trois jour des Roga
cion.
Item, en celle année, l’on mangeoit chair la vigille de Noé.
L’abbé de Sainct Arnoult excommuniet. — Aucy, en celle dicte année,
le XXIIIe jour d’apvril, fut desclairés pour excomuniet le devent dit
abbé de Sainct Arnoult. Et fist ce l’évesque de Mets pour ce qu’il n’avoit
mye voullus aller à Vy a mandement dudit évesque, qui l’avoit fait
semondre pour ce purifier et ce faire bon encontre les moine de Sainct
Arnoult, lesquelles voulloient monstrer encontre luy qu’il estoit bougre
et héréticques. Et fut desnonciés ledit jour et ledit ans par touttes les
parroche de Metz.
Le duc d’Orléans à Lucembourg ei à Thionoille. — Et, en celle meisme
année, le mairdi devent la sainct Matheu, vint le duc d’Orléans pour
estre seigneur de la duchiez de Lucembourg. Et antrait à la dite Lucema. Le copiste de E avait écrit : les dessus dit nommés. Philippe a ajouté de sa main ;
les dessus dit devent nommés.
1. Bourguesch, château, commune de Schwerdorll, Moselle, Thionville Bouzonville ?
2. Huguenin, Les Chroniques de la ville de Metz, page 126, cite une liste assez longue
où nous relevons, entre autres, Thiébault de Vyc et Pierre de Tournay. Pour ce dernier,
et. aussi d’Hannoncelles, 11, 255.
3. Huguenin (p. 126) a imprimé Grehière près de ViUe-sur-Yron.
LES SEIGNEURS DE METZ ET LE DUC D‘ORLÉANS (1402)
121
bourg, prenant poucession, et à Thionville, et pareillement à plusieurs
aultre plesse. Et y demourait plus de trois semaigne, durant lequelle
tampts le vinrent visiter mon seigneur le duc de Bar et son filz le
mairquis. Et pareillement y vinrent plusieurs grand seigneurs du pais
d’Allemaigne pour parler à luy.
Responce des seigneur de Mets au duc d’Orléans. — Et saichiés que les
seigneur de Mets y furent comme les aultre ; car ledit duc voulloit dire
que la cité estoit tenue à luy, ad cause de la duchiez de Lucembourg.
Mais lesdit de Mets respondirent honorablement qu’ilz n’estoye en rien
tenus à luy pour le fait de la duchiez de Lucembourg, et que de ce il en
avoie bonne lestre de quictance, faictes et donnée du roy Wayselin
d’Allemaigne. Et de cest responce ce thint le duc pour comptant ; et
n’en fut aultre chose.
Item, en celle année, on moix de décembre, fut mort Perrin le Gournaix, filz a seigneur Jehan le Gournaix, chevallier, la vigille sainct
Juste et sainct Simon. Et estoit alors ledit Perrin prisonnier audit
Phelippe de Noeroy par la bataille qui fut faicte en Grehier, comme
cy devent est dit.
Aucy “, en celle année, le samedi IXe jour de décembre, vint à Mets
le seigneur du Vergiers. Et, lui venus, fit requeste audit de Mets pour le
seigneur Némery Guedangel, chevallier, pour le seigneur Jehan Aubrion,
pour Anthonne, pour Jehan de l’Escolle, avec tous les Trèses, disant
que Hannès de Sainct Jullien, cy devent escript, et lequelle pour ces
desméritte avoit estés pandus et estranglés, les avoit fait crantés prisons,
dont le seigneur du Vergiers les repiégeait L Pour laquelle chose il en
demendoit à la ville la somme de XX mil frans. Mais, touteffois, pour
cest heure, il ne fist riens.
Item, en la dite année,le XXVIIIe jour de febvrier, fut nez Charles,
quaitriesme filz du roy de France. Lequel, après la mort de ces trois
frères, fut roy de France, appellé Charles VIIe. Et en son jeune aage
eust grande et grèves percécucions ; mais finalement, par la voullenté
de Dieu, vint au dessus de ces besongnes.
Plussieur pirates de mer exécutés. — En cest ans, les habitans de
Hanburg descappitèrent plusieurs pirates et larrons de mer.
Pareillement, la duchesse de Bretaigne, qui avoit trois filz de son
premier mary, duc de Bretaigne, c’est assavoir Jehan, Richair et Artus,
ce remaria au roy Hanry d’Angleterre.
Audit ans trespassa messire Loys de Pansère 2,
* 1connestable de France.
Auquel office fut ordonné messire Charles, conte de Dreux, qui estoit
parrains de Charles, quaitriesme filz du roy Charles VIe.
a. Philippe a rayé, en marge : Le seigneur du Vergier en Mets.
1. Huguenin, dans Les Chroniques de la ville de Mets : les avoit fait cranter de tenir
prison. Philippe ne semble pas avoir bien compris cette affaire compliquée (voyez p. 119
et p. 120). Il semble que les Treize avaient fait promettre (ereanter) à du Verger de
garder le prisonnier, en échange de quoi du Verger réclamait une indemnité (repié
ger ?).
2, Louis de Champagne, comte de Sancerre.
128
LE COÜVENT DES CÉLESTINS FONDÉ A METZ (1402)
Item, en ce tampts, ma damme Margueritte, royne de trois royaulme,
c’est assavoir Dannemarche, Swécie et Norvègue, fist à Walsterbodé
brusler ung homme qui ce disoit son filz.
Le couvent des frères Célestiens de Mets agmentés. — Aucy, ce trouve
en aulcune istoire que, en cest année, fut faitte et fondés le couvans des
frères Célestiens de Mets, lequelle fut le XIe couvans d’ycelle ordre.
Et le fist faire ung citains d’icelle cité, nommés Burtrand le Hungre.
Mais de lui et de plusieurs aultre je lairés le parler, et vous dirés la
cause et la fondacion de plusieurs mal et grand destruiction de gens et
de pays, qui alors par une faulce envie advint et par ambicion et apétit
désordonnés de gouverner, comme cy après serait dit.
Le roy de France persécuté de malladie. — Or, maintenant, je vous
veult desclairer et dire la fondacion de plusieurs mal qui depuis avindrent au royaulme de France. Vous devés sçavoir et entendre que, en
cellui tampts, le roy Charles estoit tousjour persécutés de sa malladye.
Grand divisions entre les prince de France. — Parquoy grand haynes
ce myrent és cuers des princes pour l’aministracion et gouvernement du
royaulme. Entre lesquelle y avoit le duc d’Orléans, le duc de Berry et le
duc de Bourgongne. Principallement ledit de Bourgongne pourtoit
grand envie à Loys, duc d’Orléans. Parquoi le duc d’Orléans, san le
sceu des aultre princes, acquit l’amytié du duc de Gueldres, et, secrè
tement “, il l’amena à Paris, acompaignés de Ve homme d’armes.
Parquoy le duc de Bourgongne en fist autant, et fist une grosse bande.
Toutefïois, le duc de Berry, craindant le dangiers, en fist la paix pour
celle fois.
Tantost après, le dit d’Orléans fut estably gouverneur des négoces
du royaulme. Mais il ne le fut pas longuement, car en son lieu fut
establey le duc de Bourgogne. Et fut alors que ledit duc d’Orléans,
après qu il fut desposé de son office, c’en vint à Lucembourg, comme cy
devent ait estés dit. Et, lui venus, et depuis qu’il oit besoingniés avec
les seigneur de Mets, print grandi paine de acorder le duc de Lorraine,
lequelles alors menoit la guerre encontre la dicte cité de Mets. Mais à la
fin, après plusieurs journée tenue, il les apaisanta.
Item, à cest heure, pour obvier à la haine des princes de France, fut
ostés le gouvernement du dit royaulme au duc de Bourgongne, et fut
bailliés l’aministracion à tous les princes esgallement. Puis, tantost
après, morut ledit duc de Bourgongne. Parquoy la duchiez escheust à
Jehan, son filz, conte de Nevers, duquelle j’ay cy dessus parlés, et qui
fut en Prusse à la journée en Honguerie dessus les Turcqz, et par qui
tant de mal sont advenus depuis, comme cy après serait dit. Car cellui
Jehan, après ce qu’il eust fait le serment de fidélité a roy Charles, il
print en cy grand hayne le duc d’Orléans, en telle sorte qu’il ne s’en eust
sceu purger. Toutefïois, cellui duc d’Orléans estoit homme de hault
couraige, et qui afïectoit empire et souveraine seigneurie. Et fist en cellui
a.
M : secremeat.
JACQUES D’ESCH, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1403)
120
tampts plusieurs conquestes digne de louuange, et tellement que entre
les aultre princes du royaulme la royne plus le favorisoit. De quoy
cressoit tant plus fort la hayne au couraige du Bourguignon. Parquoy,
après, y oit plusieurs esmouvement de huttin entre yceulx princes.
Entre lesquelles avint que, depuis ce tampts, c’est assavoir en l’an mil
quaitre cent et VII, ledit de Bourgongne fist innumainement tuer et
murtrir ledit Loys, duc d’Orléans, comme cy après vous serait dit,
quant tampts serait d’en pairler.
Cy nous tairons de ces chose quant à présant, et retournerons à aultre
matier a.
Mil iiiic et trois. — Puis, l’an mil quaitre cent et trois, fut maistre
eschevin de la cité de Mets le sire Jaicque Dex, chevalier, filz a seigneur
Jehan Dex.
Combat aux Pont d Mouxon de ij gentil homme. — Item, en celle
année, le VIIe jour de maye, messire Jehan de Salme, filz a conte de
Salme, et ung seigneur de Bourgongne, nommés sire Jehan du Neuf
Chaistel, ce deffièrent a Pon à Mousson de VII copt de lance, de
VII copt de haiche et de VII copt de daigue. Et avoit chacun amenés
avec luy plusieurs grand seigneur. Et, à la fin, se despartirent bon
amis, et donnait ledit Jehan du Neuf Chastel au sire Jehan de Salme
ung bon coursier ; et le dit Jehan de Salme luy donnait ung chapperon
que vailloit bien L franc.
Mortalité en Mets. — Item, en celle année, l’on ce mouroit tousjour
de peste de plus fort en plus fort. Et tellement qu’il y morut encor
plusieurs noble bourjois de Mets ; entre lesquelles y morut Jorges
l’amant. Et Mertin, son filz, oit son amandelerie. Et aucy morut la
fille seigneur Jehan Louve. Et, pareillement, furent mort Bouxenat,
et Marcus l’espicier, et tant d’aultre que ce fut merveille.
Ordonnance faicte entre le maistre de Rhodes et le soldan de Babilonne. — Item, en celle année, olrent de grandes alliance ansamble
c’est assavoir entre mon seigneur le Grand Maistre de l’Ospitaulz de
Roude et tout son chapistre, d’une part, et le souldan de Babilloine,
sur le fait de la paix, d’aultre part. De laquelle paix les article s’ensuient.
Et, premièrement, demande et veult le dit Grand Maistre de Rodes
que, la paix qui fut faicte après la prinse d’Allixandrie, qu’elle soit
gardées toutes les fois qu’il en seront requis, et qu’il en soit fait nouviaulx chapistre. Desquelz instrument le Souldan en ait jay signiez
samblable, lequelle mon dit seigneur le Grand Maistre ait envers
lui.
a. Après cette phrase, E ajoute : et aux choses estrange que depuis ce temps sont
advenuees tant en la noble cité de Mets comme aux pays d’icelle, en France, en Angle
terre et ez pays joindant. Cette phrase, qui est de la main de Philippe, est visiblement
une phrase de remplissage. Elle a été mise pour la symétrie; le copiste avait tourné la
page pour le chapitre suivant, et il restait à la fin du chapitre un espace blanc assez consi
dérable, qui a déplu à Philippe.
iâô
accord entré lès chevaliers de
Rhodes et lé sultan
Item, que le dit mon seigneur le Grand Maistre puisse mestre conseil
en Jhérusalem, et qu’il thiègne l’ospital d’icelle ville, et que audit
hospital soit ung prestre ou ung frère ou ung aultre tel comme ledit
mon seigneur le Maistre vouldroit, pour gouverner ledit hospitalz et
les pellerins qui en leur pellerinaige en Jhérusalem yront.
Et, aucy, pareillement, que tous pellerins ou pellerines qui viendront
a Sainct Sépulchre ou à Saincte Katherine ou a chemin des aultres
pellerinaiges ne soyent tenus de paier sinon les drois acoustumés.
Et que des drois qu’il sont tenus de paier soit fait chapistre, et soient
yceulx chapistre signées de la mains du Souldan, lesquelle thiengne le
conseil en Jhérusalem, ou cellui que mon dit seigneur le Maistre vou
drait.
Après, veult que ceulx qui seront gouverneurs a dudit hospitalz
puissent ouvrer et faire ouvrer audit hospitalz de tout ce qu’il serait
nécessaire, selon la congnoissance desdit gouverneur, et que ledit
hospitalz se maintiengne, et les logis où les pellerins puissent mieulx
estre habergiés. Et, encor plus, qu’il puissent ouvrer ou faire ouvrer au
Sainct Sépulchre et en Bethléhem et a mont de Sion, pareillement en
Nazareth, et à Saincte Marie de Sordigne, et en tous les aultre église
qui sont en pellerinaiges, pour soubtenir et entretenir, que lesdicte
églises ne ce dérompe point, a despans des pellerins.
Item, aucy, que ledit mon seigneur le Maistre puissent mestre conseil
en la cité de Damiette tel comme à luy plairait, et soit ce conseil par
toutte nacion deffraiés ; et qu’il ayes gaiges du souldan, et tous les
drois et coustumes, selon ce que par le tamps passés les aultres conseil
avoient, et qu’il ne paient a Souldan sinon le droit des ancien *1 qui
estoit acoustumés.
Puis, après, que, ce nulz crestiens franc se trieuve en la seigneurie
du Souldan à présant, ou pour le temps ad venir s’y trouvoit, que le
conseil dudit mon seigneur le Maistre que seroit a pays les puissent
ravoir, en donnant ung sarrasins pour ung crestiens frans, ou en paiant
la monnoie du pris qu’il averoit coustés, exceptés seullement ceulx qui
sont renoiez et mammellus.
Après, demandent et veult ledit mon seigneur le Maistre que, ce
que luy est nécessaire pour le besoing de son pays, comme est de
fromant et orges, ou aultre vivre, de quel condicion qu il soient, que en
tel cas de la cité de Damiette ou d’Allixandrie il en puissent avoir et
an traire pour ces deniers. Et, pareillement, qu’il en puissent avoir de
tous les aultre lieu de sa signourie, sans nulz empêchement ne contredis.
Item, que ces vassault ne paient ne ne seront tenus de paier en
Damiette ne en Allixandrie ne en nulz aultres lieu de la seigneurie du
Soldan sinon que les droit que on soulloit paier.
Et veult encor le Grand Maistre que de tous lesdit chapistre ycy
escript en soit fait ung instrument publicque, signiés de la mains dudit
a. M : gouvernes.
1. Je construis : le droit qui était accoutumé (d’être payé) par les anciens
(conseils).
ACCORD EtiTRÉ LES CHEVALIERS DE RHODES ÈT LE SULTAN
13i
Souldan, lequelle soit donnez et livrés en la mains de mon dit seigneur
le Maistre.
Chappistre fait et confermês sus la paix qui est faicles entre mon sei
gneur le Maistre et tous son couvant, avec le Souldan de Babillonne,
lequelle soit mis en la mains dudit mon seigneur le Maistre.
Premirement, promet et donnent ledit Souldan audit mon seigneur
le Maistre et audit couvant de Rodes tous les exclaves crestiens ou
crestiennes, tant de grand estât comme de moiens ou de petit, lesquelles
ce trouvenront en son pais, ou en enchainges d’ung exclaves sarrasins,
ou à la finance et vallue que polroit coustés ung exclaves sarrasins.
Item, donnent encor et rand les dit Souldan audit mon seigneur
le Maistre et au couvent de Rodes l’ospitalz de Jhérusalem, lesquelz
il puissent faire gouverner à frère, chevalier ou chapellain, en telle
manier comme bon luy semblerait. Pareillement, donne et promest
à baillier ledit Souldan en mains dudit mon seigneur le Maistre et du
couvant le sépulcre de Nostre Seigneur Jhésu Crist. En oultre, est de
couvenant que lesdit Souldans promet et jure et veult que ledit mon
seigneur le Maistre et le couvant puissent mestre en Jhérusalem tant
de frère de l’ospital de Sainct Jehan comme leur plairait et qu’il serait
nécessaires pour gouverner le sépulcre et l’ospitalz de Jhérusalem.
Lesquelz frère puissent aller par toutes la seigneurie du Souldan seurement, portant leur habit et la croix devant, et sans congiez d’homme
vivent.
Pareillement, que ledit mon seigneur le Maistre puissent refïaire
le Sépulcre, et redressier l’ospitalz aussy, et touttes les aultres églises
de Jhérusalem.
Et, aucy, que les frères qui seront en Jhérusalem, s’il leur plaît,
puissent acompaignier les pellerins qui c’en vouldront aller à Saincte
Katherine.
Item, que le Souldans ne ces officiers n’aient point de congnoissance
sur les frères ne sur leur serviteur qui seront en Jhérusalem a service
du Sépulcre et de l’ospital.
Ne que les pellerins ne soient tenus de paier sinon les drois contenus
en la paix que fit a le bon roy de Chippre, quant il print et conquestay
Allixandrie, et qu’il fist la paix à tous les crestiens. '
En oultre, que ledit mon seigneur le Maistre et le couvant puissent
mestre conseil en Jhérusalem, en Allixandrie et en Damyette.
Et que ledit Souldan leur doit donner les gaiges acostumés, comme
ledit Soldans l’ait promis, et jurés, sur la loy de Mahonmet, de tenir
ferme et estauble les choses cy dessus escriptes.
Puis, après, est de couvenant entre ledit Souldans et mon seigneur le
Maistre et ledit couvens que, de la prinse que fist le bon roy de Chippre
de la cité d’AUixandrie, et de ceste prinse que à présant ait estés faictes,
soient trois chapistre. Et desdit chapistre ledit mon seigneur le Maistre
a. M : filz.
132
GUERRE ENTRE LE SIRE DE BELRAIN ET LA CITÉ DE METZ (1403)
donrait ung sceelz a Soldans, en latins, burlés *1 et garnis de son dit
sceelz. Aucy, pareillement, ledit Souldan en donrait sceelz audit mon
seigneur le Maistre.
Après ce, promest encor ledit Souldan audit mon seigneur le Maistre
qu’il puissent traire blez et touttes vitailles de la seigneurie du Souldans,
sans nulz contredit.
Et tous les présans chapistre conferme et promet ledit Souldan
à tenir et observer audit mon seigneur le Maistre et audit couvent de
Rodes, et ainsy le promest et jure sur la loy de Mahonmet, laquelle
loy, en jurant, ledit Souldan la thient escriptes sus sa teste, estant
d’ung piedz en terre et resgardant vers midi. Et, ce fait, y mist son
signet telz et aincy comme il aperthient de faire.
Le seigneur de Beaulxrains dever Metz avec viic chevalierz. — Item,
en la devent dicte année mil quaitre cent et trois, avint que, le jeudi
devent la sainct Mathieu, XXe jour du moix de septembre, le seigneur
de Belzrain vint devent Mets. Et amenait avec luy environ deux cent
lance ; et y pouvoit bien avoir VIIe chevaulx. Puis fut la cité deffiée
on non dudit seigneur de Biaulxrains.
Montignei prinse. — Et, de prime faisse, priment la forteresse de
Montegney, qui estoit a seigneur Pier Renguillon ; et la tindrent deux
jour depuis qu’elle fut prinse.
Montigney reconquestée. — Puis, ce fait, les seigneur de Mets et les
soldoieur d’icelle, avec les bonne gens du Vault et la comune de la
cité, saillirent dehors. Et firent tellement que la dicte forteresse fut
reprinse et gaingnée. Et furent prins dedans ycelle environ quaitre
XX Françoy et IIIIXX chevaulx, que petit que grand. Et s'appelait
leur capitaine Jehan le bastard de Cliqueny en France. Et, entre yceulx,
y avoit environ XXV jantilz homme, lesquelles furent tous menés
on pallas de Mets, et là tinrent prison. Mais on ne demourait guerre
qu’il furent interrogués. Et fut sceu et trouvés par yceulx cornent le
devent dit duc d’Orléans les y avoit envoiés. Et, avec ce, leur avoit
ehairgiés lestres qui venoient et ce adressoient a gouverneurs de la
duchiés de Lucembourg, auquelle le dit duc mandoit que par eulx
fussent aydiéS, confortés et soustenus par tout le dit pays de Lucem
bourg, tant en vin comme d’aultre vivre, et de touttes chose qu’il leur
faüldroit, tant en artillerie corne aultrement, pour eulx aidier encontre
la cité de Mets. Et, encor daventaige, leur mandoit ledit duc que, ce ces
gens avoient besoing de gens d’armes pour eulx aidier à retenir et
reconforter les forteresse qu’il averoient a prinse, qu’il les voulcissent
aidier. Mais yceulx Françoy heurent cy grand peur qu’il s’en retournirent fuiant plus de XII lue hors du pais de Mets ; et perdirent beaucopt de leur gens.
Soldairs aux gaige de Mets. — Item, tantost après en la dicte année,
a. M : avoiet est surmonté d'une abréviation ; Ë : avoient.
1. Buttée muni d’une bulle.
CONFISCATION PAR LA VILLE DE METZ DES BIENS D’UN CHANOINE (1403) 133
les devent dit nous seigneur de la ville de Mets rethinrent envi™n
LX lance de soudoieur à gaige, tant Françoy, Piccairt comme Allemans. Et fut ce fait pour mestre les vins et aultre biens dedans la
ville, lesquelles estoient encor au champts. Et, par cella, furent yceulx
biens gairdés et defïandus de nous gens d’airme des annemms devent
dit par l’espasse d’ung moix tout enthier.
,
Le biens d’ung chanoingne asmonier confisqués d la ville. — Or, avmt
encor, en celle dicte année, on moix d’octobre, que le seigneur amomer
de la Grande Église de Mets, et chainoines d’icelle, morut ; et, par son
testament, fist ces mainbour de trois chainoinnes du Grand Mostiers
de Mets, dont l’ung ce appelloit seigneur Jehan Aubnon, laultre
estoit sairchier d’icelle église, et l’aultre se nommoit seigneur Géraird
de Francheville. Cy fut dit et révellés à la justice que le dit almomer
avoit laissés grand trésor à son testament, lequelle testament il avoit
fait à son trespassement. Parquoy yceulx seigneur et justice mandèrent
quérir lesdit mainbour, et leur priairent qu’il voulcissent prester a la
ville mil florin pour aydier à paier les souldoieur. Et leur dirent qu il
leur en feroient bonne lestre on non de la ville, leur promestant de
leur randre dedans sertains jours. Mais lesdit mainbour n en vouldrent
rien faire. Alors les Trèzes et le Conseil, voyant ce, s’en allont ensamble
pour ce fait, et antrairent en l’ostel dudit amonniers. Et ce trouvèrent
illec avec lesdit mainbour ; mais il ne trouvaient point celluy argent.
Parquoy il c’en revindrent en l’ostel seigneur Giraird de Francheville
lequel estoit l’ung des mainbour devent dit, et luy demandirent et
requirent qu’il voulcist prester « lesdit mil florin. Toutefois, jà ce qu i
eust heu ramfusés, il ce advisait, et crantait à la justice lesdit mil
florins, par tel que la justice le devoit aidier en l’encontre des aultre
seigneur de la Grand Église d’icelle, pour et afiin qu il luy aidassent
à oster aulcune garde que le chapistre y avoit mis, afiin qu il achevait la
devise que ledit amonier avoit fait, en laquelle devise y avoit plusieurs
dons que dévoient revenir à la dite église. Cy advint que, pour lui
aidier, en l’an devent dit, le VIe jour d’octobre, les Trèses et plusieurs du
Conseil et awairdeur c’en allirent par acord en l’ostel dudit seigneur
Géraird de Francheville, et comandirent a chanoinne qui gardoient la
dite maison on non du chappistre que il voulcissent laissiés la gair e,
et qu’il wuidaissent hors dudit hostel, sus la somme de cent livre.
Et yceulx n’en firent rien. Parquoy il en furent gaigiés, pour tant qu il
n’avoient point obéy à la justice. Entre lesquelles, de ceulx qui furent
gaigiés, l’ung ce appelloit maistre Jehan de Tournaix, et ung au re
maistre Burtrand, et plusieurs aultre chanoigne d’icelle église, que tous
furent gaigiés, chacun de cent livrez. Et fut cecy fait le VIe jour d oc
tobre, comme dit est, en l’an dessus dit mil quaitre cent et trois Dont
il avint que, pai ce gaigement, les devent dicte gairde qui gairdoient
cellui hostel por les chainoigne c’en aillirent hors d’icelluy, et obéirent
a. M : prestes.
b. E : laisser.
134
CHEVAUCHÉE FAITE PAR CEUX DE METZ
(1403)
à la justice ; ou aultiement l’en les eust encor gaigiés plus avent. Et
alors, pour ce fait, furent les devent dit maimbour examinés par la
justice pour le fait d’iceulx biens. Et tellement que les aulcuns firent
serment en la mains de la justice qu’il n’avoient riens ressus ne heu
d’iceulx biens, ne n’avoient rien hostés ne deminués, tout le tampts
que illec avoient estés, de chose qui fut apartenant audit amoniers.
Mais, après le sairment fait, il ce rescusoient l’ung l’aultre. Et, de fait,
en y oit aulcuns d’iceulx mainbour qui dirent à la justice qu’il avoient
desjay party ensamble tout le plus biaulx et le milleur, c’est à dire
tout l’or et l’airgent qui estoit audit hostel. Et, quant les Trèses et le
Conseil vinrent à cognoissance d’iceulx mainbour qui ce avoient par
jurés, alors il les mendairent devent eulx. Et tantost il vinrent, bien
honteux. Et, affin que l’on les laissait en paix, il quitairent et renonsairent en la main de la justice toutte la devise et mainburnie dudit
amonier. Et, ce fait, la ville mist la mains par tout ces biens pour tout
vandre et despandre, et fut tout vandus à estault pour paier les
souldieur. Item, pour ce que ledit seigneur Géraird de Francheville
avoit prestés les mil florins à la ville, corne dit est, les Trèses et le
Conseil luy donnaient LX livrez de pansion annuelle, sa vie durant,
pour le récompanser, pour tant que l’on disoit qu’il avoit perdus sa
chainoinerie, et plusieurs aultre grande office qu’il avoit en la dite
église. Et fut ce fait on moix d’octobre, en l’an dessus dit mil quaitre
cent et trois.
Chevaulchée faide par ceulx de Mds. — Or, après ce fait et en celle
meisme année, avint que, ondit moix d’octobre, les seigneur de Mets
firent une chevaulchié avec plusieurs de leur verlet et avec plusieurs
souldoieur. Et, avec celle gens, c’en allirent coure sur les Jalz l, et
chevalchairent jusquez delay Merxalz, et tandirent sus lesdit Jalz.
Mais il n’en prinrent que ung, avec Iequclle fut prins le filz Regnalz de
Herbévillez. Et fut ce fait le vandredi XIe jour d’octobre. Puis fut ledit
Jalz pandus le lundi XVe jour dudit moix, avec ung cousturier qui
avoit desrobés de l’ergens ; et furent menés ensemble a gibet. Mais la
cause pourquoy ce Jalz fut pandus, ce fut pour tant qu’il avoit estés
à boutés les feu à Sainct Jure sus Jehan de Vy ; et enmenairent plu
sieurs beste de Iadicte ville de Sainct Jure.
ix pièces de balenne avivée à VEsdu.se près de Bruges. — Item, en celle
année, avindrent encor plusieur merveille. Entre lesquelles avint que,
soubz le pont à Hostenne, à deux lue près de l’Écluse et à trois lue près
de Bruges, il arivait IX piesse de baillaine tout à une fois, qui vinrent
illec abourder avec le flos de la mer. Et en y avoit une entre les aultres,
qui estoit maille, lequelle avoit le mambre de XX piedz de longuer, et
estoit aucy gros comme peult estre une tonne de hairans. Et avoit la
eue a derrier environ de XXX piedz de loing et XV piedz de lairges.
a. E : cowe.
1. Sur ce gentilhomme et ses compagnons, qui étaient en guerre contre la ville de
Metz, voyez Huguenin, Les Chroniques de la ville de Metz, p. 128.
gorze prise par ceux de
METZ (1403 a. St.)
135
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ment, prenoient le sayns
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, environ Ve tonne,
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SitTn. Et, d’ycelle os, en lut npourtés ^> d» <=»*»
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debot» sus une journée.
Lequelle respondit qu'il n'en teroit riens. Et b^aite Tm^ts"™
le XXIIe iour de febvrier et le premier jour des Q
« sonner la grosse eloehe c'en appelle Hutte et
seigneur à chevauh avec toutte la communaltes. Et lurent env.ro ^
jusques à Aincy ; et lut
““tae^Tenviron XXX lance
greiz et consantement de 1 abb •
y
^quelle estoit
l’espace de trois sepmamnes. Et fist la paix cei
» 4 chevallier
frère a princier de Mets et a seigneur Jehan de
't
à la vollunteis de 1, ville. Et revindrent les seigneur.de Met, 1. dimen
Z'L **£%£*?*
c^eirS^rjaseongne,
où il print plusieurs places sus les Anglois.
. j devent
Item, aucy en ce meisme ans, se esmeut grand disc«rd en^re
dit Loys, duc d’Orléans, et le devent dit Jehan duc deBo^o^
Lequelle huttin toutefois fut mis d’accord ; et fut la paix
P
celle fois.
1. Le mot lame signifie''réputation, renommée. Il semble qu'il y ait ici une erreur de
'hilippe.
136
JEAN RENGUILLON LE JEUNE, MAITRE ÉCHEVIN DE METZ (1404)
Mil iiiic et iiij. — L’an après, courrant le milliair par mil quaitre
cent et quaitre, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire
Jehan Renguillon le jonne.
Confiscation des biens d’ung des seigneur de Mets. — Et, en celle
année, a premier VIII jour de septambre, on fist vandaige de plusieurs
îens, cences et rantes et héritaiges, et de tous aultre biens meubles,
waissaillement d’or et d’argent appartenant a seigneur Simon Chevallat, qui alors estoit Trèses et amant de Mets, et qui estoit grant
entre nous seigneur. Et fut ce fait pour ces desmérites. Et, avec ce,
fut banys a XX ans de la cité et de la banlue d’icelle, et perdit son
amandellerie. Lesquelle biens et héritaige furent vandus on Hault
Pallas de Mets par la justice d’icelle, et furent achetés par plusieurs
bourjois de la cité. Et furent yceulx vandaiges seellés du ceaulx des
VI pairaige d’icelle.
Vng bourjois banys de Mds et son biens perdus. — Pareillement, en
celle meisme année, fut forjugiés et banis à tousjourmais hors de la
cité et du païs ung aultre bourjois, nommés Bichenay ; et furent tous
ces biens vandus, confisqués et butinés.
Deux jonne clerc pendus. — Aucy, en ce meisme tempts, furent
pandus deux jonne clerc. Et la cause fut por tant qu’il avoient estés
avec aulcuns moine pour aydier à dérober l’abbez de Sainct Arnoult.
Car yceulx moine, pour celluy tampts, estoient en plays et en procès
en l’encontre de leur dit abbé, comme cy devent ait estés dit ; et pour
ce le desrobirent. Mais jay pour ce n’en demourirent impugnies. Et
amsy apert la bonne justice qui ce fait en la dicte cité de Mets, car
1 on n’y appairgne petit ne grand.
Course du conte de Saintes et aullres seigneur sur le paiis de Mets. —
Pareillement, advint en celle dicte année, le XVe jour de septembre,
que le conte de Sallebruche et le seigneur Jehan de Salmes, filz du viez
conte de Salme, et le seigneur du Vergiers, et le seigneur de Boullay,
ce alliairent ensamble et c’en vinrent devent Mets. Et en leur compaignie heurent XV cent tant chevallier comme escuier et gens de
plusieurs estât. Et, tout premièrement, prinrent la maison d’Espaignes,
qüi alors estoit a seigneur Burthemey Paillat, et boutairent le feu en
la ville. Et fut aucy prinse la maison de Villez, qui estoit a seigneurs
Thiébault le Gournaix, chevallier. Et fut la ville toute airse, avec
plusieurs aultre ville. Et fut aucy prinse Sorbey, qui estoit aux hoirs
Burtrand le Hungre. Et furent devent Selley ; mais elle ne fut pas
prinse, car elle fut bien deffandue. Et fut alors prinse la tour, qui estoit
a seigneur Pier Renguillon. Et, pareillement, fut airxe la ville de Chamenat par seigneur Phelippe de Noeroy. Et, avec ce, y firent de grand
domaige, et vandirent tout les biens meuble qu’il avoient prins és dite
forteresse, et les bien des bonne gens du païs de Mets furent tous
enmenés à Bollay et à Wiviers.
La cité rensonné de xiij mil florin. — Et, quant les seigneurs de la
cité virent que il prenoient les fort maison et ardoient les ville et
destruisoient aincy le païs, alors l’on trouvait manier de faire acord
HENRI ROUCEL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1405)
137
à eulx. Et, pour avoir paix, leur fut donnés de la seigneurie de Mets
XIII mil florin. Mais il fut dit par devent plusieurs desdit seigneur de
Mets que on n’avoit rien affaire à eulx. Et, néantmoins, il voulrent
avoir de la ville ycelle somme, sans cause et sans raison. Et, pour les
paier, en ont demourés en leur mains plusieurs chevallier et escuier de
la ville de Mets.
Item, en celle dicte année, on moix de septembre, furent mort de
peste plusieurs personne et de plusieurs estât, tant homme que femme.
Entre lesquelles mourut Sebelliatte Biaulxculz.
Ung clerc murlris. — Puis, avint, en celle année, le XXVIIe jour
d’octobre, que Nyclement, clerc à Andrieu de Wauldrevanges, fut tuez
et murtry d’ung Françoy que demouroit en l’ostel seigneur Jehan de
Waudrevanges. Et fut ce fait en la rue de la Croste. Lequelle Françoy
eschaippait, et c’en allait hors de la ville, et ne fut point prins.
Ung bon homme de Rozérieulles tués.— Item, en celle meisme journée,
fut tuez ung bon homme de Rosérieulle, lequelle s’appelloit Stévenin
Bâillât. Et le tuairent deux bouchiés hainuers, lesquelles avoient Vandus chair à la dicte Rouserieulle tout parmi le cours de la vandange.
Plussieur gros mariage en France. — Or, advint aucy en celle dicté
année que on fist le mariaige du jonne duc Jehan deBretaigne et de la
seconde fille du roy de France, nommée Mergueritte. Aucy fut fait
cellui de Charles d’Orléans à Ysabeau de France, sa cousine germaine,
qui avoit estés par avant espousée au roy Richair d Angleterre, comme
cy devent ait estés dit. Item, pareillement fut marié Jehan, deusiesme
filz du roy, à la seulle fille du duc de Bavier, conte de Hainault.
Et, en ce tamps, Géraird 1, duc de Sleswych et conte de Holtzacie,
entra à Mercia avec Ve homme d’armes en sa compaignie ; auquelle
fortune fut cy contraire qu’il y furent tous mors et tuez.
[DE LA « JACQUERIE » DE METZ, EN I/ÇoÔ, A L’ALLIANCE
DES « QUATRE ))]
Mil iiijc et v. — Puis, en l’an mil quaitre cent et V, fut maistre
eschevin de Mets le sire Hanry Roucel.
Mutinerie des bourgeois de Mets contre leurs supérieur. — Et, en ycelluy
ans, avint en Mets une grant Jacquerie et une grand mutinerie. Car
alors ce élevairent aulcuns malvais guerson du puple de la cité en
l’encontre de la noble seigneurie ; et, désirant de gouverner, acomensairent ce huttin le jour de la feste sainct Éloy, qui fut le lundemain de
la sainct Jehan Baptiste. Et tellement ce ellevairent yceulx gairnement
et alliairent a contre les seigneur devent dit, c’est assavoir tout ceulx
fl. E : et ce alliairent.
t. Gerhard VI périt en 1404 en combattant les Dithmarses. — Holtzacie : Holstein. —
Mercia : Moerse, Hanovre, Fallersleben ?
138
QUATRE COMTES EN GUERRE AVEC METZ (1405)
qui estoient de cest acord et alliance, que souldains ce esmurent et
prinrent tous ceulx desdit seigneur et de leur amis et aydans qu’ilz
poulrent avoir. Et, ce fait, incontinent les menairent on Pallas. Et y
furent tous mis, réservés aulcuns d’yceulx seigneur, lesquelle à grand
paine eschappairent, et c’en allairent demourer hors de la cité, là où
bon leur sambloit, de peur d’estre mis à mort.
La teste tranchée à ung des seigneur de la cité. — Car lesdit mutins ce
esmeurent tellement en leur malvais couraiges que, par ung merdi,
jour de feste sainct Pier, firent tranchier la teste à ung des nobles
chevaliers de la cité de Mets, lequelle estoit appellés seigneur Nicolle
Grongnat. Dieu ait de lui pitié ! Car ce fut sans cause et sans raison.
Puis gouvernairent yceulx mutins la cité ung ans et a V sepmaigne.
Et néantmoins, comme il pleut à Dieu, lequelle tousjours aydes les
siens, et à la priairent des benoy saincts, fut la cité reprinse. Car ce
n estoit pas raison que une cy noble cité fut gouvernée de telz manier de
gens. Et tellement que, par ung jeudi, jour de l’Ancencion, les dit sei
gneur entreprinrent et firent tant que, par ycelluy jour, bien matin,
ilz reguaingnairent la dicte cité. Et, en ce faisant, ne tuairent parsonne
quelconques, forcque ung appellés Ruxey, demourant à Portemuzelle.
Maix il en prinrent plusieurs et les mirent on Pallas.
xxxvj mutins noiés. — Et puis, tantost après, il en firent mener au
pont dez Mors XXXVI des plus malvais, lesquelles furent illec noyés
et destruit. Et ainssy apert que de bonne vie bonne fin.
iiij conte de guerre à ceulx de Mets. — Or, avint que, essés tost après
et en celle mesme année, quaitre grand signeurs encomensairent
une trefïorte guerre en l’encontre de la dicte cité de Mets, et sans cause
nulle, fort seullement que par convoitise et envie, désirant à la destruire. Le premier d’yceulx conte, ce fut le conte de Salverne ; puis le
conte de Nausowe ; après, pour le thier, ce fut le conte de Salmes ; et le
quaitriesme fut le sire de Bollay. Et avec eulx estoit venus Jehan d’Aultey. Lesquelles tous ensamble vinrent à courir sur les bourjois de
Mets, et il saillirent a champts à banier desploiées, et ce mirent en
bataille.
Les Metsains rués jus. — En laquelles furent prins plusieurs des
seigneur devent dis, avec plusieurs aultre gens de la commune d’icelle
cité. Et tout ce meschief avint par la faulte et par la malvaise ordon
nance et gouvernement de yceulx Jaicques et mutins, qui volurent
gouverner et tout faire, et ne sçavoie rien. Parquoy la bataille fut aincy
pardue, corne oy avés. Et fut ce fait ledit ans, le jeudi vigille saincte
Katherine.
La mort de Phelippe le Hairdi, duc de Bourgongne. — Item, je trouve,
cellon aulcune cronicque, que, ledit ans, trespassa Phelippe le Hardi,
duc de Bourgongne. Et fut enterré à Nostre Damme de Haut, en
Braibant, et son cuer au Chartreux de Dijon, qu’il avoit fondés en son
vivant. Après lequelle son filz, Jehan, conte de Nevers, luy suscédat,
a. TJne main récente a corrigé dans M et en moins V sepmaigne.
JEAN LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1406)
139
et fist homaige au roy de France de la duchiés de Bourgongne et des
pais relevans de la couronne, comme cy devent ait estés dit.
Charles de Savoisy contre les escollier de Paris. — Item, alors fut aucy
fait le délict des gens de messire Charles de Savoisy, chevallier, contre
les escolliers de Paris. Parquoy le dit chevalier fut excomunié et bany
du royaulme de France ; et fut sa maison condamnée d’estre abatue.
Aussy, pour amende, fut constrains de fonder aulcuns chappellains
gu l’Université de Paris. Et fut le délict fait à Saincte Katherine du
Val des escolliers, en y allant à procession.
Mil iiiic et vj. — Après ces chose aincy advenue, et corrant le milliair par mil quaitre cent et six, fut maistre eschevin de la cité de Mets
le sire Jehan le Gournaix, de la rue des Bons Anfïans.
Et, en celle année, ne fut en Mets ne on pays d’icelle guerre de chose
faictes qui soient digne de mémoire ne que à compter faisse. Sinon que
je trouve, cellon la dabte a du tamps, que, en celle dicte année, le devent
dit duc d’Orléans, et duquelle nous avons par cy devant parlés, fist
et paissait une lestre de paix en l’ancontre de la cité de Mets. De
laquelles la teneur s’ensuit *1:
Leclre de peu de valleur. — n Loys, filz du roy de France, duc d’Orléans,
conte de Blois et seigneur de Coucy, à tous ceulx que ces présentes
lettres verront, salut. Comme aulcuns des habitans de la ville et cités
de Mets, contre laquelle nous avons par aulcuns tampts meut guerre
pour certain droict que nous prétendons avoir à l’encontre d’icellé,
considérans les grant pertes et domaiges que la dictes ville et les habi
tans d’icelle ont heu le tampts passés à cause et pour occassion de la
dicte guerre, et porroient encor plus avoir on tamps à venir b, se soient
trais par devers nostre très chier et très amés oncle, le duc de Bar,
seigneur de Cassel, disant que, les chose dessus dictes et aultres par eulx
considérées, il estoient et sont d’acord de nous baillier la dictes villes
et cités de Mets par les condicion et manières que s’ensuyvent : premiè
rement, qu’elle ne serait point courue, en espécial sur le comun ne sur
les gens d’Église ; secondement, que le droit de l’empire demourerait ;
tiercement, que nostre très chier et amés cousin messire Édouard de
Bar, marquis du Pon, ara la moitiet en la dicte ville et seigneurie pour
luy'et pour les siens, sçavoir faisons que nous, ces choses considérées,
désirans de tout nostre pouuoir obvier c aux dommaiges de la dicte
villes, avons les choses dessusdicte agréables, on cas que la dicte ville
et la seigneurie d’icelle nous serait baillée et délivrée par les dit habi
tans, comme dit est. Et lez point et articles cy dessus déclairés garde
rons et promettons de garder en bonne foy et en parolles de filz de roy,
sans aller ne venir en l’ancontre en aulcune manier. En tesmoing de
ce, nous avons fait mestre nostre sceel à ces présente lestres. Donneez à
a. M : dalte.
b.
Mss. : advenir.
c. Mss. : abvier.
1. HÉv., p. 538-539.
140
LETTRES DU DUC D’ORLÉANS ET DU DUC DE BAR
(1406
a.
st.)
Paris, le IXe jour de febvrier ®, l’an de grâce mil quaitre cent et six ».
Ainsy signées sur le resplois desdictes lestre : « Par monseigneur le
duc » ; et, au dessoubz : « Héran ».
Après ce que ces lestres furent aincy donnée, on meisme moix et en la
meisme année, fut par le devent dit Êdouart, marquis du Pont, une
aultre lestre passée et pour ce meisme fait acourdée, dont la tenour
s’ensuit :
« Nous, Êdouart de Bar, marquis du Pont, à tous ceulx que ces po
santes lestres verront, salut. Comme aulcuns des manans et habitans
de la ville et cité de Mets, contre lesquelle nostre redoubté seigneur
mon seigneur le duc d’Orléans ait par aulcuns temps menés guerres
pour certains droit qu’il prêtent avoir à l’encontre d’icelle, veans et
considérans les grand pertes et domaiges que la dictes ville et les habi
tans d’icelle ont heu le tempts passés à cause et pour occasion de la
dicte guerres, et polroient encor plus avoir on tampts ad venir, se fussent
trais par devers nostre très redoubtés seigneur et perre mon seigneur
le duc de Bar, disant que, les choses dessus dictes et aultre par eulx
considérées, il estoient et sont d’acord de baillier à nostre dit redoubtés
seigneur d’Orléans la dicte ville et cité de Mets, par les condicion et
manier qui s’ensuyvent : premièrement, qu’elle ne serait pas courrue,
en espécial sur le comun, ne sur les gens d’Église ; secondement, que le
droit de l’empire demourra ; tiercement, que nous avrons la moitiet
en la dictes ville et seigneurie, pour nous et pour les nostre ; lesquelles
chose dessusdicte nostre dit redoubtés seigneur mon seigneur le duc
d’Orléans ait octroiés ausdit habitans et en aitestéset est d’acortetles
ait heu agréables, comme par ces lestres patentes sur ce faicte puelt
plus à plain apparoir, sçavoir faisons que nous, ces choses considérées,
désirant de tout nostre pouuoir obvier au domaige de la dictes villes,
avons les chose dessus dictes agréable, on cas que la dicte ville et la
seigneurie d’icelle serait baillée et délivreez à nostre dit redoubtés
seigneur mon seigneur le duc d’Orléans par la maniers dessusdictes.
Et les point et articles cy dessus déclairés garderons et promettons
gairder en bonne foy, sans aller ne venir à l’encontre en aulcune ma
nières. En tesmoing de ce nous avons fait sceelés ces présantes lectres
de nostre sceel. Données à Paris, le XIIIe jour de febvrier », l’an mil
quaitre cent et six ».
Et, aincy, avés oy la coppie des lestre faictes et passées tant par Loys,
duc d’Orléans, comme par Édouart de Bar, marquis du Pont, en trai
tant la paix en l’ancontre de la cité de Mets. Lesquelles lestres, comme
il me samble, ne pourtairent guerre d’efïaique ne de vertus. Ains e6t la
dictes cité demourée en son enthier et en sa franchise et libertés, et
demeurait c à tousjours, tant qu’il plairait à Dieu, qui la vueulle salver
et préserver de fortune et de péril, et defïandre de tous ces mal vueullant
à tousjour à perpétuités, elle et ces anfïans, jusques à la fin ! Amen.
a. M : le IX jour de febrier.
b. M : febrier.
c. E : demourera.
JEAN CŒURDEFËR, MAITRE-ÉCHÉVIN DE METZ (1407)
141
En celle meisme année mil quaitre cent et six, on moix de jung, le
maicredi après le Sainct Sacrement de l’autel, environ les VI heure du
matin, avoit heu fait éclipse et forment nuit, et estoit le ciel bien
estoillés.
Aucy avint que, on dit ans, il fut ordonnés que le devent dit duc
d’Orléans yroit en Guienne, comme il fist, et mist le sciège à Bourg ;
et le duc Jehan de Bourgongne à Calais contre les Anglois. Mais en ce
ne prouffîtèrent en riens tous deux.
Ne aultre chose ne fut faicte pour celle année de quoy il faille tenir
parolle. Parquoi je vous en lairés le pairler, et retournerés a maistre
eschevin de Metz et à plusieurs aultre chose.
Mil iiiic et vij. — En l’an après, et courrant le milliair par mil quaitre
cent et VII, fut maistre eschevin d’icelle cité de Mets le sire Jehan
Cuerdefer.
Et, en celle dicte année, furent les gellée moult grande et destroitte »,
corne cy après serait dit.
Le duc d’Orléans occis par les gens du duc de Bourgongne.
Or avint,
durant ce tampts, la vigille de la sainct Clément en yver, de nuyt, au
VIII heure, que le devent dit duc Jehan de Bourgongne fist trayteusement tuer et murtrir le bon duc Loys, duc d’Orléans, et frère à Charles,
roy de France. Et fut ce fait à Paris par aulcuns souldart à ce faire
commis et par l’annortement du dit duc de Bourgongne (desquelles
estoit le principal murtrier ung gairnement appellés Raoulet d’Octovylle 21),* en
4 5retournant qu’il faisoient de soupper à l’ostel de la royne,
sa belle suer, et en passant par la vielle rue du Temple, auprès de la
pourte Barbette. Dont moult de mal en advindrent depuis. Car tout le
royaulme de France en fut perdus et exillés 3, comme en plusieurs
passaige ycy après serait dit. Et, combien que par avent eussent jurés
tous deux bonne amour et fraternités ensemble (et, de fait, prmrent le
corps Nostre Signeurs sus cest alliance et promesse), et, néantmoins,
ledit de Bourgongne en fut parjus 4 par la mort du noble duc, comme
dit est. De laquelle mort tout le royaulme en fut troublés. Car ledit duc
d’Orléans estoit ung des plus notables princes et especial 5 en touttes
choses que l’en sceust trouver. Et estoient alors tous les officiers soubz
luy ; car il avoit tout en gouvernement. Et, avec ce, estoit fort pom
peux, parquoy chacun gaignoit avec lui. Mais il fut assaillis, comme dit
est, et premièrement fut abatus de dessus sa mulle en terre ; et de
primes venues luy couppairent la mains destre, de laquelle il tenoit
l’arson de sa selle. Et, alors, l’ung des officier de sa maison, voyant son
maistre aincy villainement prosterner encontre terre, se gecta sur luy
pour le cuyder sauver. Mais incontinent des murtrier fut occis et mis
1.
2.
B.
4.
5.
Destroites, rigoureuses.
Raoulet d’Anquetonville,
Essillié, ravagé.
Parjure.
,,
,, „
Philippe n’a-t-il pas confondu spècial et spectable, remarquable .
14à
NICOLE LOUVE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1408)
à mort, comme son maistre et seigneur. Et d’icelle mort tant de mal en
advindrent qu’il n’est possible de l’escripre.
Et, après ce murtre aincy fait, les malfaicteurs c’en fuyrent en l’ostel
d’Artois. Et, en fuyant, gectoient caucquctripes 1 après eulx, afîin c’on
ne les suivist point. Et tantost, a bruyt et tumulte d’icellui murtre, les
voysins ce assemblèrent et pourtairent le corps en la prochaine maison.
Et, à ce bruit, y acoururent plusieurs personne ; entre lesquelles Loys,
roy de Scicille, avec le duc de Berry, et meismement cellui de Bourgongne, ce y trouvairent. Et furent fort troublés, voyant le corps mort
de leur amis. Et, au lundemains, l’on le pourta anterrer au Célestins
à Paris. Et conduysoient le dueil les princes dessus nommés, meisme
ment le duc de Bourgongne, lequelle n’estoit alors point suspecht
d’icellui crime.
Le duc de Bourgongne se relire aux paï[s], — Mais, quant la vérité fut
sceue, il eschapa du conseil, auquelle il estoit avec les aultres seigneurs
pour ce meisme fait, et, faindant de aller a retrait, monta sus ung
chevaulx légier, et saillit de la ville, et bien viste se retira à Port Sainct
Maxent 2. Lequelle, incontinent qu’il fut oultre, le fist abatre. Et
tellement chevalcha que ce jour mesmes il arriva à Arras, jà ce que de
Paris 1 on y compte cinquante lieues. Et, là venus, le roy envoya vers
lui le duc de Berry pour ce enquérir de la vérité. Toutefïois, après plu
sieurs escuse, il fut trouvés coulpable ; et fut bien cognus que tout ce
procédoit d’envie.
Aucy, en celle meisme année, fut l’année du devent dit grand yver.
Lequelle fut plus merveilleux et plus aipre qu’il n’estoit de coustume ;
et tellement que les glassons du dégel qu’il fist rompirent les pons de
Paris et de plusieurs aultre ville et cité qui estoient scituée sur grosse
rivier.
Item, en cellui tampts, ce acomensairent à ellever et à mutiner les
Liégeois à l’encontre de Jehan de Bavière, évesque d’icelle cité. Et la
cause pourquoy fut pour tant que yceulx Lyégeois voulloient qu’il ce
fesit prestre. Dont grand mal avint, comme cy après serait dit.
Mais, avent que plus en pairler, je retournerés à pairler des maistre
eschevin de Mets, et qui le fut en l’an après, et les chose advenue durant
son tampts digne de mémoire.
Mil iiiic et viij.
L’an mil quaitre cent et VIII, fut maistre eschevin
de Mets le sire Nicolle Louve.
Déconfiture des Liégeois par le duc de Bourgongne. — Et fut en celle
année que les devent dit Liégeois ce mirent en arme et antrairent en
baitaille encontre le devent dit Jehan, leur évesque. Et la cause fut
pour tant qu’il voulloient qu’il ce fist pbrestre, comme dit est; maix
il ne le voult mye estre. Dont il leur en advint de grand dompmaige,
comme vous oyrés. Car, pour ce fait, lesdit Liégeois firent ung aultre
1. Chausses-trapes, pièces de fer en forme de chardons où s’enferrent les hommes
et les chevaux.
2. Pont Sainte Maxence.
GUERRE GlVILE EN FRANCE
(14Ô8)
14c!
évesque et plusieurs aultre chanoinne, et le boutirent du tout dehors.
Mais ycelluy Jehan, leur évesque, voyant leur voulluntés, fist alors
son mandement, et assamblait gens de tous coustés. Entre lesquelle
vint en son ayde et à grand puissance le de vent dit duc Jehan de
Bourgongne, et amenait VI mil chevalier avec lu y, desquelles estoit
conduicteur messire Jehan de Chalon, prince d’Orenge, et plusieurs
aultre grand princes et seigneur. Et alors, le jour de la feste sainct
Lambert, leur paltron, lesdit Liégeois saillirent hors avec leur estandart;
et olrent bataille ensamble. Tellement que, desdit Liégeois, il en mourut
en la place, de compte fait, plus de XVI mil. Et puis, ce fait, ledit
évesque Jehan de Bauvière, frère de Guillaume, duc de Bauvier, sei
gneur de Hollande et conte de Hainault, ce mariait ; et oit à femme
la duchesse de Braibant et de Lucembourg. Mais, après ce mariaige, il ne
vesquit guerre qu’il morut. Celle desconfiture desdit Lyégeois avoit
peu devent estés pronostiquées par une grande cornette qui ce apparut.
Réparation d’honeur fait par le prévosl de Paris. — Aucy, en ce tampts,
avint que le prévost de Paris fist pandre a gibet deux escollier. Mais,
tantost après, l’Université pourchassa tellement qu’il furent despandus,
et fut contrains ledit prévost de y estre en personne, et de les baisier
en la bouche, et avec ce de acompaignier yceulx corps jusque à ce qu’il
furent encevelis.
Grant faclerie et menée de guerre des prince de France l'ung contre
l'autre. — Et, en cellui tampts, ce pourvoioit ledit Jehan, duc de
Bourgongne, et faisoit tout son effort de assambler gens pour nuyre « a
royaulme de France. Car, comme j’ay dit icy dessus, loing tampts
devent il avoit heu grosse rancunes et haynes contre ledit Loys, duc
d’Orléans, touchant le gouvernement de France. Et, aucy, il soubtenoit
tousjours la bande du pappe Bénédic contre la voullunté des seigneur
prélatz et des Universités de tout le royaulme. Et, pour ce, se mirent
tous en arme contre le dit duc de Bourgongne. Parquoy le dit de Bour
gongne mist les Anglois en France. Lesquelles prinrent Normendie,
le Mayne, une partie de Poictou, Lymosin et Auvergne, et meismement
Paris, et jusques Orléans, comme cy après serait dit quant tampts seras.
Et, meismement, orés comme ledit Bourgongnon* print le roy Charles,
aincy mallade qu’il estoit, et la royne et le daulphin, et les menoit
devent les places qui tenoient de part lui pour les faire randre et endégecter les gens dudit roy.
Cellui roy Charles le débonnaire eust entre ces aultre anffans trois
filz. Le premier fut celluy daulphin et duc de Guynne *, qui avoit à non
Loys ; l’aultre fut nommés Jehan, qui fut duc de Lorraine *2 ; et morurent jeunes. Et le plus jeune, nommés Charles, qui estoit conte de
Poitou, demoura seulle héritier. Après ces troys filz, oit encor le roy
a. M : nuye.
b. E : ledit de Bourgongne.
1 Louis, duc de Guyenne, mort le 18 décembre 1415.
2. Jean, duc de Touraine, mort le 5 avril 1417.
144
POINCE LÊ GOÜRNAY, MA1TRE-ÉCHEV1N DË MËTZ (1409)
deux filles. La premier fut nommée Yzabel, et l’aultre Marie, qui fut
prieuze de Poissy.
Or, avoit cellui duc Jehan de Bourgongne alors cy grand puissance en
France que, maulgré le roy et la royne, il fist donner en mariaige la
dite Ysaibel au roy Hanry d’Angleterre. Et, avec ce, lui fist faire ung
tel traictiez que le roy deshériteroit le devent dit Charles, son filz,
conte de Poithieu, lequelle alors estoit seulle héritier de toutte là
courongne de France cellon droit et raison. Et plusieur aultre chose
fist encor ledit duc, desquelles je m’en paisse quant à présant, car essés
en oyrés parler, quant tampts serait. Et trouvanrés que par lui et par la
mort du devent dit Loys, duc d Orléans, moult de mal et de domaige
avindrent par tout le royaulme. Car, comme j’ai dit devent, celluy
duc Loys trespassés estoit homme de grand auctorités. Et avoit heu
à femme la fille du duc de Millan, de laquelle dessandit son filz Charles,
qui, depuis la mort son perre, fut duc d’Orléans. Et aucy trouvanréâ
cornent Dieu permist que celluy Jehan, duc de Bourgongne, fut pugnis :
car par les serviteur dudit feu d’Orléans il fut mis à mort à Motereul
fault Yonne “. Et, pour sçavoir la vérité du milliair quant le bon duc
d Orléans fut tués, il est contenus en ces trois mot ycy après escript.
Advisés y bien et vous trouvenrés ce que je dis :
Contere braChIVM peCCatorls.
Division des pape, estant plussieurs pour une fois. — Item, aucy en ce
tampts, apparut une grande cornette au ciel, laquelle estoit signifiance
des discencion qui alors estoient entre les princes et seigneurs crestiens,
tant spirituel comme temporel. Car, en celle meisme année, les cardinal
qui tenoient les deux parties, c’est assavoir de pappe Grégoire, XIIe de
ce nom, lequelle par avant ce nommoit Angélus de Corario, et de
Innocent VIIe, qui par avant se nommoit Cosmar de Pérouse, yceulx
cardinal, moyennant l’ayde des princes crestiens, convocquairent et
assamblairent ung concilie général en la cité de Pise en Ytalie. Auquelle
furent cités les deux pappe dessus dit. Mais ne l’ung ne l’aultre n’y
comparurent, parquoy furent dépouzés tous deux. Et, alors, les dit
cardinal, tout d’ung meisme accord, eslurent en pappe ung thier
pappe, appellé Pier de Candia, que lors il dénommairent Allexandre
le quint. Et ne vesquit cellui que ung seul ans. Après la mort duquelle
il esleurent Jehan XXIIIe, qui avant estoit nommés Jehan de Coxa.
Et, par ainsy, en ce tampts, y eust multiplicacion de scismes et erreurs
en 1 Esglise, et plus grandes que jamaix aparavent n’avoient estés.
Cy en lairons à pairler pour le présant, et retournerons a maistre
esche vin de Mets et à plusieurs aultres besoingne,
[1409]. — Après * ces choses ainsy advenue, et que le milliaire
a. E : Montereul {aulx Yonne,
b. Le manuscrit M présente ici une lacune de deux feuillets : une main récente a noté :
il y a ici du désiré [déchiré} quelque fullet dont je trouve que les maistre eschevin de
NÉMERY RENGUILLON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1410)
145
couroit par mil quaitre cent et IX, fut alors maistre eschevin de la
cité de Mets le sire Poince le Gournais, chevalier.
En laquelle dicte année je ne trouve que en Mets ne on pays d’icelle
fut faicte chose digne de mémoire ne que à compter soit ; par quoy je
m’en tais.
En celle dicte année, advint en France que le conte de Savoye
esmeust guelre encontre Loys, duc de Bourbon, pour le pays de Beaujolois et de Bresse.
Aussy, en ce meisme ans, lez François perdirent la cité de Gennes ;
car celle cité, par avant subjecte aux François, ce rebella contre eulx.
Et autant en fist Jehan Maria, duc de Millan, et maintes aultres places,
desquelles estoit alors gouverneurs le mareschault Bouciquault. Mais
celle rébellion fut faicte en son abscence : dont ce fut grant dopmaige
à tout le royaulme de France. Car, à cest occasion de la seigneurie de
Gennes, le roy de France tenoit en subjection tous les pays, villes,
portz de mer et aultres passaiges qui estoient de ce coustez depuis
France en jusques tout dedans Turquie, Tartarie, Cipre et Grèce ;
lesquelles alors ce rebellaient tous, comme Gennes ; et adoncque c’en
retournaient les armées en France.
Aussy, en ce temps, le roy de Navarre fist hommage au roy de
France à Paris pour la duchié de Nemours. Et alors, aprez ce faict, se
allia avec le duc de Bourgogne. Lesquel ensemble firent copper la
teste au grand maistre d’ostel du roy de France, seigneur de Montagu,
pour avoir ses finances et le gouvernement du royaulme ; et fist le
jugement Pier des Essars, prévost de Paris.
Item, eh celle année, fut mis le siège papal en Avignon contre le pappe
de la Lune.
[1410]. — Puis, en l’an après, c’est assavoir quant le milliaire corroit
par mil quaitre cent et X, fut maistre eschevin de Metz le seigneur
Nemmery Renguillon.
Et, en ceste année, ne fut pareillement en Mets ne on pays d’icelle
chose faicte digne de mémoire que à compter faisse.
Item, en la dicte année, le duc Jehan de Bourgongne, duquel 0 je vous
ait jay tant parlés, et le roy de Navarre, boutairent hors de Paris et du
gouvernement du royaulme tous ceulx qui avoient estés serviteur du
feu duc d’Orléans, contre l’accord fait à Chartres. De quoy les duc de
Berry, de Bourbon et d’Orléans, filz du trespassés, les contes d’Alanson,
de Richemont, d’Armignac et d’Albret, conestauble de France, furent
desplaisant. Et, pour ce, s’assemblèrent au chasteau de Vicestre *1, près
Paris, pour en prendre vengeance. Mais, par la prudance du duc de
Braibant, frerre du dit duc de Bourgongne, fut entre eulx faict ung
traictiés appellés l’accord de Vicestre.
l’an 1409, 1410 et 1411 manque, avec ce qui se peult avoir faict en leur année, sinon
de ce qui suit, qui fut faict l’an 1411. — Nous comblons la lacune à l'aide du ms. E.
o. E : et duquel.
1. Bicêtre. L’accord de Bicêtre est du 2 novembre 1410.
146
ARNOULD FESSAL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1411)
Ne aultres choses ne fut faict pour celle année digne de mémoire.
Pourquoy je retoumerés au maistre eschevin de Mets et à plusseurs
aultres besoingnes.
[1411]. — Item, en l’an mil IIIIC et XI, fut maistre eschevin de la
cité de Metz le sire Arnoult Fessai.
Et, en celle année, y oit grand mortallité en Mets et on pays entour,
et tellement que de peste morurent plusseurs parsonnes.
Aussy, en celluy temps, le devant dit duc Jehan de Bourgongne
racommensa nouvelle mutinerie en l’encontre du dit Charles, jonne
duc d’Orléans. Et leva une grosse armée de Flamans, avec lesquelx
assigea et pilla la ville et chasteau de Han en Vermendois, qui tenoit
pour ledit d’Orléans ; et abatist les portes de la dicte ville avant la
dicte prinse. Item, aussy, le dit duc d’Orléans print lors Sainct Denis,
aprez ce qu’il y eust mis le siège contre le prince d’Orenge, tenant la
partie de Bourgongne. Pareillement, le signeur de Gaucourt print de
nuyt le pont Sainct Clou *, par eschielles, du coustés de la rivyer ;
mais, tantost aprez, ledit de Bourgongne, voiant que les Flamans ne
le volloient plus servir, il manda en Angleterre pour avoir les Anglois de
son partis, avec lesquelles il rèprint le dit pont Sainct Clou. Et, en celle
prinse, y eust environ mil combatans bretons occis de la compaignie
du conte de Richemont tenant la bande d’Orléans, avec grant nombre
de prisonnier. Entre lesquelx estoit le seigneur de Combour, messire
Guillaume Bataille et messire Mausort du Bois, auquel le dit duc de
Bourgongne fist trencher la teste à Paris. Item, depuis ce faict, ledit
duc print encor le chaistel et ville d’Estampes, où estoit messire Loys
Bourdon, capitaine, tenant pour Orléans ; et fut menés prisonnier en
Flandre. Aussy messire Jaicque, conte de la Marche, acompaingniés de
deux mil hommes, fut prins au Puiset, en la Beausse, par le sire de
Barbazan et de Gaucourt, qui n’estoient que quatre cent lances ;
et puis fut menés prisonniés à la grosse tour de Bourges. Et puis, aprez
ce faict, ledit de Bourgongne renvoia les Anglois en Angleterre. Par
quoy, voiant ce, le dit d’Orléans les renvoya quérir en son ayde. Auquel
fut envoiés Thomas, duc de Clarence, et Jehan Corunbe, avec V° hom
mes d’armes et mil archiés, comme cy aprez serait dict quant temps
serait
Mais, avant que plus en parler, je vous dirés comment, durant ce
temps et en celle meisme année, fut grant alliances faicte entre le duc
Gharle de Lorenne, entre le dit seigneur Raoult de Goucy, alors évesque
de Mets, entre le duc Robert de Bar et son aisnés filz Édouuairt, mar
quis du Pont et seigneur de Dung le Ghaistel, avec le maistre eschevin,
les trèses jurés et toutte la comunalté de la cité de Metz. Lesquelles
alliances estoient et debvoient durer VI ans durant, 1 ung aprez 1 autres,
sans moyens 12, et sans enfraindre ne contredire en quelque manier que
1. Saint-Cloud (Seine-et-Oise, Versailles}.
2. Sans moien, immédiatement.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
147
ce fut. Et furent ces alliances faictes et escriptes et passées des parties
toutte par articles en la forme et manier comme ycy aprez la teneur
s’ensuyt1.
[TRAITE D ALLIANCE ENTRE L’ÉVÊQUE DE METZ, LES DUCS
DE LORRAINE ET DE BAR ET LA VILLE DE METZ]
En nom de Dieu, amen. Nous, Raoult de Coucy, par la grâce de Dieu
et du sainct siège de Romme évesque de Mets, Charle, duc de Lorrenne et marquis, Robert, duc de Bar, et Édouuaird, marquis du Pont,
son filz, et le maistre esche van, les trèses jurés et toute la comunalté dé
la cité de Metz, faisons sçavoir à tous que nous, regardans et considé
rant que en noz terres, pays et aultre part, près de nos dictes terres et
pays, sont moult de malfaicteurs, pilleurs et roheurs, lesquelx de leur
vollunté, par euvre de faict, prendrent 2, rohhent, pillent chascuns
jour sur nos dictes terres et pays nos hommes et subgectz, nous fiedz
et arriedz fiedz, wairdes et conduyct, et aulcune fois sur nous meisme,
et sont rebelle et désobéyssant d’en faire rendue ou recreance et dé
venir à jour ou à droict, et ainsy cassent et enfraindent 3 les “ anciens
usaiges et bonnes coustumesde nosdite terres et pays, pour y pourveoir,
à 1 ayde de Dieu et de nous bons amys, de remède convenable, en
résistant à la malle voulluntés, rébellion et désobéissances d’yce’ulx,
pour nous, nos dite terres et pays, nous hommes et subgectz, fiedz]
arrierfiedz, gardes et conduictes réparer, tenir, maintenir, garder et
defïendre en & milleur estât par 4 5paix
6
et transquilité, par bonne et
meure délibéracion sur ce devant heue entre nous et nous conseilles,
avons, pour nous suscesseurs 5, évesquez de Mets, et nous hoirs, duc
de Lorrenne et de Bar, et nous suscesseurs, le maistre eschevin et les
trèzes jurés et comunalté de la dicte cité de Mets, fais, ordonnés,
crantez et jurés, et par les teneurs de ces présantes faisons, ordonnons,
crantons et jurons les ung de nous aux aultres les convenances, allian
ces et confédéracions que cy après sont escript et devisées, commensant au jour de la confession ® de ses présantes, et durans VI ans
a, Ici reprend le manuscrit M.
b. M : on.
HMe>
IV> P- 411 et SW G°pié sur l’Original tiré des Archives de l’Hôtel de
Ville. 17 mars 1391, nouveau style, 1392. — Nous reproduisons en notes toutes les
variantes importantes de ce texte, plus correct que celui de Philippe. — La date de
1411 est erronée (voyez, sur Guy de Dommangeville, qui était encore prisonnier du
duc de Lorraine au moment où l’alliance a été établie, HLo2, 3t. III, col. 507) ■ Philipoe
aura copié MCCCCXI au lieu de MCCCXCI.
’
' ’
2. Prendent.
3. Enfraindent, enfreignent.
4. Par manque dans Philippe.
5. Pour nous, nos successeurs.
6. Confection.
448
alliance
Entre metz, lorraine Et bar
anthiers, continués et acomplis, l’ung après l’aultre, contenans les
poins et articles que cy aprez par ordonnances *1 11
sont mis et escript.
Premier, nous voulions et ordonnons que en nosdit alliances soions
comprins 2 tout nous pays, nous terres, nous hommes, nous subjectz,
nous fiedz, nous arrier fiedz, nous gardes, nous conduictz, et touttes
leurs appartenances, esses 2, estant ou resortissant en nosdit éveschiez
de Mets et duchié de Lorrainne et de Bar, pays et terre de Mets, tant
en romant pays comme Allemaigne t±. G’est assavoir le bailliaige
dudit éveschiés de Mets, et 6 bailliaige de Nancey, de Voges et de
Allemaigne, auparthenant a audit duchiez de Loherenne, et ® bailliaige
de Bar et de Sainct Miel et de Bessigney, appartenant audit duchiez
de Bar, et en toutte la terre et pais de la dicte cité de Mets.
Item, nous sommes tenus 7, chacun de nous endroit soy, dedans les
propris 8 de nosdit pais et terres et de leurs appertenances, garder et
deffandre au leal pouoir 9 envers tous et encontre tous que mestier sera
touctes églises, tous prestres et tous clers, religieulx et autres, tous leurs
demaines, rentes et revenuees, tous pellerins, tous merchamps, et
touttes aultres bonnes gens, ensemble tous leurs biens, estant, demeu
rant, allant, venant et trespassant par lesdis propris de nous dit pays
et terres.
Item, nous debvons et sommes tenus, chacun de nous b endroy soy,
dedans lesdit proppris de nosdit pays et terres touttes, ensembles leurs
dit appartenancesdefïaire et destourner et oster tousiais de guerre,
tous feu bouter, tous robeurs, tous pilleurs **, et aidier l’un de nous
l’aultre à ce faire contre tous ceulx que mestier sera, sans faintise et
sans entrepourter aulcuns 12.
Item, par ces présantes alliances ne doient point estre ne seront
empeschiez, corrumpus ne enfrains les anciens drois, franchises, coustumes et libertés de nous et de nos dit pays et terres. Ainçois se tanront
et gairderons selon ce qu’il est usé d’ancienneté, sans fais de guère.
Item que, ce, pandant le tamps de nous présantes alliances, 1 ung
de nous veult rien demander à l’aultre, soit de héritaiges ou d’aultres
choses, il ne doit aller ou procéder avant de voulentés, ou par euvre
а. E : appartenant.
b; M : tous.
1. S'ensuient par ordonnance.
2. Soient compris.
3. Assis.
4. Comme en Allemaigne.
5. On au lieu de le.
б. Es au lieu de et.
7. Nous debvons et summes tenus.
8. Pourpris : étendue.
9. A nosire loyal pooir.
10. Terres, ensamble lour dites appartenances.
11. Toutes roberies, toutes pilleries.
12. Et sens enlreport alcun. — Entreport : faveur.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
de fait, ainsois * doit poursuir 1 par voie de raison et de justice, cellon
les anciens drois, coustumes et usaiges de nos dit païs et terre, sans
faire guerre 2.
.
Item, se aulcuns de nous hommes ou subgetz faisoit aulcuns entre fais
en waigement ou en aulcuns lieu 3 ou héritaiges, de quoy débas fut
encontre aultre de nosdit homme et subgetz, auquel d’iceulx débatant
celluy lieu et héritaiges enforcier et despoulliés 4 debveroit appartenir,
à 5 celluy cas, se debveroit faire randre 6 ou recrance d’icelle panie
ou waigement soubz droit ’, avant touttes euvres. Et, qui seroit rebelle
ou désobéissant de faire ycelle rendue ou recreance, son seigneur,
par luy ou par ces officiers, le doit contraindre à faire b ladite randue
ou recreance. Et, ce cellui segneurs ne le pouuoit ou vouloit constraindre, en cellui cas debveroit il estre constraint par l’ordonnances
des comis de nos dictes alliances cy après escriptes 8. Laquelle rendue
ou recrance faicte, ledit débat se doit congnoistre et déterminer 3 selon
l’us et coustumes du lieu où celluy héritaige est assis, par devent celluy
seigneur, ou ces justiciers *0, à cuy la congnoissance en doit appartenir,
sans ce que nous dit commis dès adoncque en avant en11 ayent plus
congnoissance, se de rechief n’y venoit nouvelle force.
Item, à « chacun de nous endroit soy doit estre et sera en nous
présantes d alliance gardés, retenus et réservés sa haulteur, sa signourie,
sa juridictions 42 touchant ces fiedz, arrierfiedz, homaiges et aultres
chose. Ensi comme à 13 aulcun lairon, murtrier ou aultres malfaicteurs
estoit prins ou arestés en la haulteur de l’ung de nous, par vertus * de
nos dite alliances, celluy de nous en la haulteur duquel celluy arrestement se feroit ou debveroit faire, et feroit14, par ces officiers, pugnicion
en complissement15 de justice, selon ce qu’à celluy cas appartenroit ;
et16 celluy en quelle puissance17 il seroit arestés en deffailloit de faire
a. M transcrit mal ce mot.
b. Mss. : affaire.
c. à manque dans les mss.
d. M : présanees.
e. E : par la vertus.
1. Poursuir et procédeir.
2. Sens lait de tverre.
__
.
3. Entrefaicte, panie ou ivagemenl en aleun leu. — Entrefaite, entreprise , p
,
saisie, action de prendre des gages ; wagement, engagement.
4. Ou héritage enforcict ou despouilliet. — Enforcé ou dépouille, accru ou diminue.
5. En au lieu de à.
6. Randue.
7. Sub voie de droit.
8. Escrips.
9. Termineur.
10. Justices. — Il faut donc lire : sa justice.
11. y au lieu de en.
12. Après juridiction, il faut ajouter : et domination.
13. Se au lieu de à.
......
._.__,
14. Il faut supprimer el, ou le traduire par: aussi; ferait est le verbe pnncipal (celui
de nous... ferait... accomplissement de justice).
15. Au lieu de : pugnicion en complissement, mettre accomplissement.
16. Se au lieu de et.
17. En cui puissance.
150
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
son debvoir, en celluy cas en vanroit la congnoissance à nosdis comis,
sans plus avoir retour aultre part *, pour en faire selon ce que au cas 2
appartanroit.
Item, se, sus aulcuns cas touchant fîedz, aulcuns de nous subgectz
faisoit demande ou poursuite à aulcuns de nous des subgetz, cest
deveroit demener et demainroit par devant celluy seigneur duquelle
le fîedz muelt 3. Et, se c’estoit franc alleuf, il se deveroit demener et
demainroit par devent sa justice 4, en quelle juridicion 5 cellui franc
al'eufz serait assis.
Item, ce aulcuns des sougets de l’ung de nous voulloit rien demander
à 1 aultre de nous, ou aulcuns 6 de ses subgectz, pour les héritaiges,
pour 7 moibles ou pour debtes ou entrefaictes, il ne doit point aller
avent ne procéder par euvre de fait, ainçois doit poursuivre par voie
de raison et de justice, selon uz et coustume de pays, sans fait de
guerre. Et, qui feroit le contraire, il doit estre contrains par son seigneur
de retourner à la dicte voye de raison et de justice. Et, ce son dit seigneur
ne_ le pouuoit ou vouloit faire 8 constraindre, en cellui cas le debveroient constraindre et constrainderoient nous dit commis à revenir
à la dicte voie de raison et de justice.
Item, se aulcuns pilleurs ou pilaiges, de quelquez lieu qu’ilz fussent,
venoient ou trespassoient par nous dit pais et terres, cellui de nous à 9
cuy puissance yceulx pilleurs ou pillaiges seroient trouvés les debveroient arester10, par celluy*11 1ou par ces officiers, de touttes ces12 puis
sance, à la requeste de la partie complaindant, ou d’aucuns de nous13
commis ou 14 nous officiers, ou “tout sans requeste, sans faintise ou sans
aulcuns entreport, affin que rendue ou recrance fut faicte dehuement
et anthièrement de la 15 prinse, et pugnicion et acomplissement de
justice des prenours, selon ce que au cas appartanroit. Et, ce debet
estoit entre nous d’icelle pugnicion et acomplissement de justice
а. Mss. : ont.
1. Sans plus avoir recour à l'aultre partie.
2; Au fait. — Le sens général est celui-ci : un larron, un meurtrier doivent être
arrêtés, jugés et exécutés par les officiers du seigneur dans le domaine duquel il a été
pris au cas où ce seigneur manquerait à son devoir, les commis se chargeraient de
l’affaire d’une manière définitive.
3. Demande ou poursuite à aulcun de nous ou à alcun de ses subgis, ce se debvoient
demeneir et demonront par devant le signour de cui celui fiedz moveroit.
4. Devent le signour, ou sa justice.
5. En cui juridiction.
б. Ou à aulcuns.
I. Fust pour héritaige, ou pour.
8. Faire manque.
9. En au lieu de à.
10. Ajouter : et arresteroit.
II. Lui.
12. Sa.
13. Ajouter dis avant commis.
14. Ou de nos.
15. De la chose prinse.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
faire a à nosdit1 commis en averoient enthièrement la cognoissance, saulve la haulteur du signeurs en quelle puissance il seroit
trouvés ; et en feroient, et leur conseille, sellon ce que au cas
appartenroit.
Item, ce l’ung de nous ou de ces officiers ou de ses subgectz estoit
requis par * l’aultre de nous, ou par aulcuns de ces officiers, ou par
aulcuns de nous commis 2, de ouvrir chastel, forteresse 3 ou bonnes
villes, appartenant à cellui requis, pour quérir 4 aulcuns malfaicteur,
c’il y estoit, il luy doit 5 ouvrir tantost et sans dellay et sans aulcuns
dangier, affin que celluy malfacteur soit trouvé, corrigiés et pugnis,
selon ce que au fait appartendra, par la meysme forme et manier que
dessus est dit des pilleurs et pillaiges. Et, se aulcuns desdit officiers
ou seigneur 6, requis comme dit est, estoit rebelle ou désobéissant de
ce faire, il deveroit estre constrain par son seigneur. Et, ce son dit
seigneur ne le vouloit ou pouoit faire, en celluy cas debveriens nous
aidier et aideriens l’ung l’aultre à faire « la constrainte, tout au regard
et ordonnance de nous dit commis 7.
Item, se, pour constraindre ou pugnir aulcuns malfaicteur, rebelle
et8 désobéissant, il couvenoit asségier aulcunne forteresse, ensi comme
pour roberie ou pillerie faire 9 par ycelle entrans, yssant, recepvant10
ou confortant, le sciège se deveroit mestre et maintenir par le regard et
ordonnance de nosdit commis. Et, ce, par vertus de nos dictes alliances,
nous ou aulcuns de nous ou de nos dis commis garderiens 11 ycelle for
teresse 12,ou aultre, fut par sciège prinse13, ou autrement, elle debveroit estre rendue, et demorer <* en la main de cellui de nous de cuy
fiedz ou arrier fiedz elle mouveroit, porveu que, par ycelle forteresse
rendre au seigneur du fiedz ou arrier fiedz, comme dit est, ne pouroit
à
Mss * affaire
. ,
b. Par manque dans Us mss.; Philippe, gêné sans doute par l'abréviation, avait laisse
en blanc la place du mot.
e. Mss. : affaire.
d. E : demorée.
1. A faire, nos dis. La phrase se termi
débat, et en termineraient sommèrement et
de nous endroit soy sa haltour et signorie.
2. Nous dis commis.
3. Chastel ou forteresse.
4. Pour y querirt
5. Il les doit.
6. Subgis au lieu de seigneur.
celui en cui paissance celui malfactour seroit
7. Ajouter, après commis :: encontre
e
troveis.
8. Ou au lieu de et.
9. Faictes au lieu de faire.
10. Réceptans au lieu de recepvant. — Le sens de la
forteresse peuvent accueillir les pilleurs (entrant), ou
ou recéler les objets volés (réceptant), ou aider les pii
tant).
11. Waingnemes (gagnions) au lieu de garderiens.
12. Ajouter meysme après forteresse.
13. Supprimer^ prinse.
œ
152
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
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i, .
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•
.
•
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venir mal ne dompmaige 0 a aultre de nous*1, tout le temps pendant de
nos dictes alliances. Et, se ycelle forteresse, gaingnées corne dit est,
ne mouvoit de fiedz et 2 d’arrier fiedz d’aulcuns de nous, elle demoureroit à nous communément pour en faire nostre voulentés 3. Et tous
les prisonniers, biens et chaptés qui seroient trouvé en ycelle forteresse,
prinse et4 guaingnié comme dit est, tant de noz fiedz comme 5 arrier fiedz
comme aultrement, seroit à nous communément, pour en faire nostre
commune voulenté. Et debveroit 6 cellui seigneur cuy 7 fiedz ou arrier
fiedz celle forteresse mouveroit rendre la dicte forteresse a vassault
qui l’averoit perdue, jusques à tant que restaublissement seroit fait
à cellui que par ycelle 8 averoit esté dopmaigé. Et doit ycellui seigneur
convertir en ycellui restaublissement tous les biens et chapteiz de
touttes les terres 9 que celluy vassault tanroit de son dit seigneur,
et faire quicter le dit wassault toutte la demande et poursuyte qu’il
pourroit faire à nous ou à aulcuns de nous ou de nos dis commis pour
et à cause de la prinse de sa dite forteresse.
Item, touttes fois que nous ou nosdit commis ou nous aultres gens
chevalcheroient par nosdictes terres et pays pour le fait de nosdite
alliances, nous pourrons pranre, s’il nous plaît, tous vivres 10, fouraiges
que nous trouvenrons 11, si comme avoine, blefz, poillaiges 12, berbis,
chastrons 13, pors, et tel maniers de menus vivres, en lassant14 corps
d’hommes et de femmes, leurs beufz, vaiches, chevaulx 1S, et leurs
aultres biens meubles, sans aultres occasions 16 et sans mallengin.
Et par les forteresse et bonnes villes debverons nous avoir nous vivres
et aultre nécessité, tel comme il serait17, parmy pour13 pris soufiisant.
Et deveront estre ouverte et apparillée touttes les 19 forteresses ou
bonne ville à nous gens 20 pour gouverner nosdites alliances, pourveu
que nosdis commis ne nous aultres gens ne fassent aulcune forces ou
extorcion en nosdite fortresse ou bonnes villes.
а. Après dompmaige, les mes. ont ne.
1. Az altres de nous.
2. Ne au lieu de et.
3. Nostre commune voulenté.
4. Ou au lieu de et.
5. Ou au lieu de comme.
б. Et ne debveroit.
7. De euy.
8. Ycelle forteresse.
9. La terre.
10. Vivres et fouraiges.
11. Que nous y trouvenrons.
12. Poulaiües. — Poulage, poulaille : volaille.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
Châtrons, animaux châtrés ; plus spécialement : moutons.
Détaxant.
Vaiches et chevaulx.
Querelles.
Y seront.
Supprimer pour.
Nos au lieu de les.
A nos commis et à nos gens.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
153
Item, se nous ou aulcuns de nous subgectz *1 II.
avoient aulcune debtes 2
notable d’aulcune 3 desdit subgectz de l’aultre de nous, celluy de cuy la
debte 2 seroit debveroit estre et seroit constrain par son seigneur
à mestre jeus à celle debte 4, et de non poursuire sa cause, fort que
par voie de raison, selon l’estât de nosdite alliances. Et, se son dit
seigneur ne le voulloit ou pouuoit constraindre, en celluy cas le debveroient constraindre et constrainderoient nosdit commis à la requeste de
celluy à qui on debveroit 5.
Item, nous, ou l’ung de nous 6, ne debvons « donner ne souffrir estre
donné en nostre puissance c’un 7 saulconduit ou assurément à personne
que ce 3 soit en la chasse de nos dictes alliances, forcque pour le tempts
de XV jours, et pour une fois 9. Lequel saulconduit seroit : pour ung
baneret, à X chevaulx, pour ung chevalier, à VI chevaulx, pour ung
escuier, à quaitre chevaulx, et pour ung homme de poestez, à trois »
chevaulx ; ou moins «, s’il leur plaît. Et autrement ne se doit donner
saulconduit ou essurement, à 13 nosdicte alliance pandant, se dont
n’estoit par le consantement de nous tous communément.
Item, se la complainte, question ou demande de quoy débatz seroit
touchant14 aulcuns de nosdit commis, ou15 sa justice raisonnable sus
picion se pouroit desclanter contre luy, en celluy cas, celluy commis
cesseroit de gouverner nosdite alliances quant à celluy fait, et y metteriens, chacun de nous endroit soy, tantost, aultre souffizant personne,
ayent pareille puissance en cellui fait, tant qu’il soit terminé et menés
à flH
Item, nostre entancion n’est mye que, pour ces présantes alliances,
nous baillifz ou aultre officiers cessent point de faire ce que à leur
office appartiendra, chacun endroit soy; ayans17 ce que par nous ou
par nosdit officiers ne ce pouroit faire, ou ne ce feroit, en deffault de
nous ou de nosdit officiers, se se deveroit faire et feroit par nosdit
commis, selon la puissance à eulx donnée de par nous, affin de bien
tenir et gairder justice, paix et transquilité ens dictes43 terre et pays.
а. E : debverons.
1. Item, se alcun de nous ou de nos subgis.
2. Doubte.
3. D'alcun des subgis.
5. CeUi^iTe^ubu^Ü.1"— Il semble qu’il s’agisse ici de soupçons motivés (doute
notable) sur des préparatifs de guerre, etc.
б. Ne alcun de nous.
I. Alcun au lieu de c’un.
8. Supprimer ce.
9. Une seule fois.
10. Deulx.
II. Ou à moins.
12. Ne soit donneit.
13. Supprimer à.
14. Touchoit.
.
. .
, ■
15. Ou se juste et raisonnable suspition se pooit desclamer contre lui.
16. Mis à fin.
17. Remplacer ayans par maix.
18. En nos dictes.
154
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
Item, ce aucuns nous *1 estant hommes et 2 subgectz de nous, ou
aulcuns de nous 3, vouloient faire ou faisoient tort par euvre de fait à
nous ou 0 aulcuns 4 de nous ou de nous subgectz, dedans les mettes et
confîin dessus touchié, et de ce que méfiait ou pris seroit ne voulcissent
faire randue ou recreance, en celluy cas seriens tenus de aidier, con
seiller et conforter et recepter l’ung l’autre, à grand et à petitte force,
bonnemant et loyalment, cen fainctes 5, contre telle manier de gens et
aultres que pour celle cause seroient à contraindre de venir à jour et à
droit. Et ce feroit ycelle ayde et constrainte au regart et ordonnance
de nosdit commis. Et semblablement debverons faire et voulions estre
fait contre gens de compaignie et aultres quelcunquez que à force
volroient entrer et demourer en nosdit pays et terres pour mefïaire
en yceulx, et pour chevaulchier sur nous annemis. En cestuy cas et en
aultres, quant mestier sera, serons nous tenus, chacun de nous, mestre
deux cent lances 6, L que archiers que arboullestriers, et trois cent
sergent de piedz armés, ou moins, ce moins en y couvenoit, au regard
de nosdit commis ou de la plus grant partie d’eux, ou, ce plus en
couvenoit, au resgaird de nosdis commis, conjoindamment et cordiallement 7 ensemble, et non aultrement, se donc ne plaisoit à nous tout
communément ; et défilant8 chacun de nous ces gens. Et ce, par 9 aul
cuns cas, il nous couvenoit avoir gens estranges pour nostre fait com
munément, ainsi comme artilleur 10, mineurs, terrillons, maistre de
canons, engigneurs et telle manière de gens, d’ouvriers et d’artilliers 11,
cy est il à entandre que de telles choses paieriens nous les coustenges
par égalle porcions 12.
Item, se par aventure il y avoit que18, après lesdit VI ans passés
que nos dites alliances doient durer, comme dit est, que aulcuns ou
plusieurs14 volcissent poursuire etinquiter nous ou aulcuns de nous ou
de nos dit commis, pource qu’il se pouroient dire avoir esté dompmaigé et grevé par vertu de nosdite alliances, en celluy cas voulions
nous et ordonnons dez maintenant pour adonc que nous serons tenus,
obligiez 18 de nous et de 16 nos dit commis aidier et conforter l’ung
а. M : en.
1. Non au lieu de nous.
2. Ou au lieu de et.
3. Ou d’alcun de nous.
4. Ou à aulcuns.
5. Faintixe.
б. Mettre sus deux cent lances.
7. Conjointement et concordablement.
8. Deffrairait.
9. Pour au lieu de par.
10. Artilliers.
11. Artillerie.
12. Chascun de nous par ygai portion.
13. Il advenoit que.
14. Aulcuns, ung, ou plusieurs.
15. Que nous soiens tenus et obligiez.
16. Supprimer de.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
155
l’aultre contre telles manières de gens, autretant comme nous feriens
et faire debvericns le tamps pendant de nosdite alliances.
Item, pour nous dite alliances soubtenir, garder, gouverner et
maintenir, avons nous elleus, estaublis et commis, et par la teneur de
ces présantes aleissons 1, estaublissons et commectons huictz 2 bonnes
personnes. C’est assavoir, pour la partie de nous, évesque de Mets
dessusdit, nous ameis et feaubles Régnault de Herbéviller, baillei de
nosdite éveschiez 3, et Jehan d’Abocourt, escuier. Et, pour la partie de
nous, duc de Lorraine dessusdit, nous ameis et feauble messire 4
Liébault du Chaistellet, nostre bailly de Nancy, et Jehan de Fléville,
nostre bailly de Woges. Item, pour la partie de nous, duc de Bar dessus
dit, nous amés et feaubles messire 5 Richaird des Hermoise, chevalier,
et George de Serrier, nostre bailly de Sainct Michiel. Et, pour la partie
de nous, les citains de Mets dessusdit, nous amés et feaubles messire 5
Jehan le Gournaix, chevalier, et seigneur Nicolle François, nous concitains. Et, pour plus grand bien et union de nos dite alliances, voulions
nous et ordonnons communément et concordiallement 6 ensemble
que les huictz commis 7 dessus dit soient tous ensembles et chacun
d’eulx au gouverner touttes nous dictes alliances 8, autretant pour
l’ung de nous comme pour l’aultre et en semblant manier, pour nous dit
pays et terre communément d’une part et d’aultre.
Item, nous et chacun de nous avons donnés et donnons à nos dit
commis plaine puissance, licence et auctorités de antandre et wacquer
en 9 fait de nosdicte alliances et de les gouverner, et de excercer contre
touttes manier de gens que seroient deffaillant, désobéissant et rebelles,
de venir à jour et à droit pour faire et pranre droit par la forme et
manier que faire le doient, selon les anciennes coustumes et usaiges
de nosdit pays et terres, et de chacun19 endroit soy, comme dessus est
dit, de ajourner ceulx qui seront à adjourner, de oyr leur querelle,
question ou 11 demande et deffences, de congnoistre d’icelle, de jugier12,
terminer et prononcier sus ycelle par voie de droit ou admiable^ensi
comme bon leur semblera en leur milleur entendement, de donner
à estre 13 de ceu qu’il averont jugier14, sentencier, terminer et'acorder
pour mémoire perpétuelle, soubz ung propre seel comun et autanticque
qu’il averont entre eulx. Et averont ung clerc jurez à nous et à eulx com1. Élisons.
2. Oct.
3. Nostre dit éveschiez.
4. Monsigneur.
5. Monsieur.
6. Concordablement.
7. Nos oct commis.
8. En governant nos dites alliances.
9. On au lieu de en.
10. Chacun d’eulx.
11. Supprimer ou.
12. Ajouter sententieir.
13. Corriger à estre en atrests.
14. Jugiet, etc. Ce sont des participes passés.
156
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
munement pour faire les arrests, adjournement et aultres escriptures
quant 1 11mestier sera. Et avront pouoir de exécuter et exploier 2 leur
sentance, et généralement de faire autant 3 ez choses dessus dite
comme nous meisme et chacun de nous ferions, debverions et porrions
faire se nous y estiens présant en nous propres personnes, selon la
puissance à eulx donnée, comme dit est, en promettant avoir 4 et
tenir ferme et estauble tout ce que par nous dis commis serait fait et 5
ordonné, sentencié, exécuté et exploitiez ez choses dessus dite et
chacune d’icelle. Et, ce nos dit commis, en faixans ces choses, avoient
discord sur quelque chose 6 que ce fut touchant leur commission, nous 7
voulions et ordonnons que il se thiengne par la plus grand partie
que d’eulx en serait fait, sauf ce que dit est dessus, c’est assavoir de
mestre sus gens d’armes, comme dessus est escript ; et, c’il estoient en
discord égallement 8, c’est assavoir que les quaitre d’eulx volcissent
une chose, et les quaitre aultre voulcissent le contraire, et qu’il ne c’en
volcissent ou puissent aultrement accorder 9, à 10 celluy cas voulions
nous et ordonnons dès maintenant pour adonc que celluy descord
viengne à la congnoissance et ordonnance de nous communément les
quaitre dessusdit **, que avons prins le serment d’eulx 12 et dudit
clerc juré que 13, on gouvernement de nosdite alliances, se pourteront
et feront bonnement et loyalement, au mieulx qu’il porront et sairont,
sellon le milleur entendement 14, sens entreporter 15 aulcuns par fauveurs, ne sans grever aulcuns par haynes.
Item, pour exercer par nosdit commis tous les fais et querelles 16 et
demandes que à leurs congnoissance deveroient venir, comme dessus est
dit et touchiés 17, voulons nous, les seigneur dessus nommés, et avons
ordonnés que tous ceulx des subgectz 18 qui se santiront et tanront
pour ofïencer, oppresser ou enforcier en leur droit, héritaige et bien,
dont ilz n’avroient peu estre adressier, puissent requérir ung chacun
deulx 19 commissaire de son seigneur, que par nos dit aliances en
1. Que au lieu de quant.
2. Èsploitier (exécuter).
3. Altretant.
4. Promettant à avoir.
5. Supprimer et.
6. Sur queilcunque chose.
7. Nous voulions et ordonnons que ce se tengne que par la plus grant partie d ruUr
serait fait, salf ce que dit est de mettre sur (sus) gens d'armes.
8. S’ils avoient descord y gaiement.
9. Concordeir.
10. En au lieu de à.
11. Les quaitre signeurs dessusdit.
12. Et avons prins les sairemens d’eulx.
13. Qu’il.
14. Sellon lour milleur entendement.
15. Favoriser.
16. Les cas, fais et querelles. — Exercer signifie régler, gouverner.
17. Touchiés. — Je comprends : comme cela a été dit et indiqué plus haut.
18. De nos subgis.
19. Ajouter : az deulx commissaires.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAR
157
seroient *1 adressiés, à eulx 2 deux commis, la complainte et question
oyee, soient tenus incontinant de estre 3 et signifier au commis du
seigneur ou des seigneurs a queille subjection 4 seroit celluy ou ceulx de
cuy les complaindans sont5, ad fin que le dit ou lesdit qui defïendre 6 se
averoient, comparent et venant 7 au lieu de Nommeny on Salnoy, a
certain jour que par nosdit commis sera sur ce par nous 8 ordonnés,
à laquelle journée tout ce qui seroit demendeurs 9, tant nous subgectz
comme aultres, de nous proposer leur demande 10, que pour ce seront
adjournés et aprochiez11, et procéder par voie de raisons. Et, la chose12
par nosdit commis, il en doient13 déterminer, sy bonnement s’ilz
puent 14, audit jour et lieu. Et, ce le cas ou causes requerent prolongacions 15 pour mieulx 16 avoir la congnoissance, se deveront17 nosdis
commis aultres journée aux parties au lieu de Nancey. Et de ce dont il
ne polront déterminer au lieu de Nancey, sy devront donner 18 aultres
journées au lieu du Pont. Et, de ce que ne se détermineroit au lieu du
Pont, se debveront nosdit commis donner ausdictes partie aultre jour
nées au lieu de Mets, aultre journées audit lieu de Nomminey arrier.
Et aincy en continuant, de chascun desdit lieu dessus dit en l’aultre,
ycelle journée, sy briefz et sy longues comme ilz semblera 19 à nosdit
commis, ou à la plus grandes partie d’eulx, par considéracions des
fais et des cas que vanront à leur congnoissance. Et, parmy ce, voulions
que, en allant ausdictes journée, séjournans au lieu, et le londemains
desdicte journée, tousjour 20, tous® les demandeurs et defïendeurs,
ensemble leur conseille, soient seur de nous et de nous subgectz, pourveu que ceulx que pour eulx conseillier vanront avec eulx ne soient de
guerre à nous et21 à aulcuns de nous, ou doubter 22 de nous biens et
chaptés.
а. Mss. : touttes. Philippe a corrigé, dans les deux mss., demandes en demandeurs
et a laissé subsister touttes.
1. Corriger : soient.
2. Corriger : et yceulx.
3. Corriger : escripre.
4. En cui subjection.
5. Les complaindans se seroient complains.
б. Qui à deffendre.
7. Vengnent (viennent).
8. Supprimer : par nous.
9. Tout ceulx qui seront demandeurs.
10. Debveront proposer leur demande et question az altres de nos subgis.
11. Approcheir. — Approcher quelqu’un, le convoquer, l’assigner en justice, terme
de droit.
12. La chose cognue par.
13. Debveront.
14. Corriger : se bonnement puent : si, en conscience, cela est possible.
15. Requièrent production, exige un délai.
16. Pour en mieulx.
17. Si donront, alors (nos commis) donneront...
18. Ajouter : az parties.
19. Il semblera bon. — Journée a ici le sens de délai.
20. Toute jour, pendant toute la durée du jour.
21. Ne au lieu de et.
22. Corriger doubter en détenteurs.
158
ALLIANCE ENTRE MÈTZ, LORRAINE ËT ËAR
Item, se aülcuns *1 11
leaulx empêchement avenoit de nosdit commis
qu il ne puist antandre ou vacquer on gouvernement de nosdicte
alliances, en celluy cas, celluy de nous qui l’averoit estauhly deveroit 2
sourroguer, dedans ung mois après cellui empêchement, ung aultre
soufïisant personne, lequelle feroit pareille serment 3 qUe averoit fait
celluy qui seroit empêchié de entendre on gouvernement de nosdite
alliances. Lequelle empêchement cessant, retourneroit celluy qui
averoit estés empêchiez au gouvernement de nos dite alliances, comme
devent, c il plaisoit à son dit seigneur. Et cellui qui auroit estez surrogué seroit quicte de son serment. Et adès ainsy, toutefois que besoing
sera.
^
Item, nous et chacun de nous, avons promis et promettons à nous
dit commis que nous les relèverons, chacun de nous endroit soy 4, de
touttes perdes et de tous dopmaiges, despans, missions 5, que p’our
cause du gouvernement de nos dite alliances leur seroit venus ou encourrus. De quoy eulx et chacun d’eulx sérient crus par leur simples
sermens, sans cherges d’aultre preuves.
Item, se n’est mie l’entencion de nous ou d’aulcuns de nous que ceulx
de nous ou de nous subjectz qui avront lestres 6, obligacions ou ancienne
possession de cences ou de debtes, soient estrains ? par ces présantes
aliances qu’il ne puissent poursuyr leur dictes lestres et anciennes
possession pour eulx faire paier 8 et selon ce qu’il est estés usés de
touttes anciennetés entre debteurs et créditeur en nosdit pays et terre,
chacun endroit soy, sans malengin et sans fait de guerre.
Item, nous et chacun de nous avons promis et promettons les ungs
avec les aultres 9 que, tout le tampts de nous dictes alliances durantes
nous ne ferons aultres alliances ne couvenances que soient contraire
à ces présantes, et ne trouverons tour ne voie par malengin parquoy
elle doient estre rompue u. Ainçoins nous traveillerons de trouver tour
et voie cornent elle se thiengnent seurement et establement. Et tous les
choses12 dessus dictes et chacunnez d’icelles avons nous promis et
promettons pour nous, pour nous successeurs et pour nous hommesi3,
par nous sermens fait aux sainctes Euvangille de Dieu, tenir, garder et
acomplir, par la forme et manier qu’il est cy dessus desclairier et
escript.
2
y devermtCUnS
empeschement alcun de nos dis commis ne pooit entendre.
3. Faisant pareil sairement.
4. Lui.
5. Missions et intérests. — Mission, dépense, frais ; intérêt, préjudice
6. Qui ont ou avront lestres.
1. Astreins.
8. Après paier, ajouter : selont le contenu d’icelles lettres et le droit d’icelle ancienne
possession, et selont ce qu’il est useit d’anciennetei.
9. Az aultres.
10. Durant.
11. Ajouter : ou adnullées.
12. Toutes les choses.
13. Corriger : hoirs.
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ÉT BAft
15Ô
Et, comme, par la tenour de ces présantes alliances et par la géné
ralité d’icelle, nous serons alliés ensembles envers tous et contre tous,
toutesvoie, nous, évesque de Mets dessusdit, en avons exeptés et
exeptons nostre sainct perre en Dieu, pappe Clément VIIe, et ces
successeurs, l’empereur ou roy des Romains, le roy de France, sans
ce que nous soions forclos que nous ne les puissons 1 11
aidier contre
nous dicts alliés et chacun d’eulx ; très révérend perre en Dieu mon
seigneur le cardinal du Nuef Chaistel, administrateur de l’église et
éveschié de Toul. Exeptons aucy en la forme et manier et par les
condicions que les exeptons 2 cy après noz chiers et amés cousins le duc
de Loherenne et de Bar, monseigneur le duc de Berry 3, de Bourgongne
et de Lorraine 4, et nostre chier et amé cousin 5 monseigneur de Coucy,
et le conte de Ligny, et noz très chiers frères monseigneur Égarran
et monseigneur Gaulthier de Coucy, contre lesqueulx ne aulcuns d’eux
nous ne voulions 6 aidier nosdit alliez, ne eulx contre nos dit alliés.
Nous, duc de Loherenne dessus dit, exeptons de ces présantes allian
ces, pour nostre partie, nostre sainct père le pappe, mon seigneur le roy
des Romains, le roy de France 7, contre lesquelx nous ne voulriens mie
aydier nosdit alliés, ançoys volriens servir nos dit seigneur contre
eulx, s’il nous plaisoit. Encor exeptons 8 nous mon seigneur le duc de
Lorrenne 9, de Berry et de Bourgongne, de Bourbon, et nostre frère le
seigneur de Coucy, et nostre frère Ferry de Loherenne, contre lesquelx
nous ne volriens point aidier nos dit alliez, ne pour lesquelz nous ne
voulriens point estre contre nous dit alliez. Ne 49 très révérand père en
Dieu nostre seigneur le cardinal du Nuef Chastel, nostre très chier
amé perre41, administrateur de l’éveschiez de Toul, et tout son dit
éveschié de Toul, contre lesquelx nous ne volriens point aidier nos dit
alliez, pourveu que luy, par luy ou par ses forteresse de son dit éveschiez, ne soit point fait ou pourté dompmaige contre nous ne contre
aultruy12 de nous dit alliez. Et, avec ce, exceptons nous la ville et tous
les habitans de la cité de Trièves, et tant comme il touche18 et peült
touchier la gairde et les couvenances que nous avons à eulx, que furent
faictes loing tampt est 14 et doient durer à tousjour maix.
Nous, duc de Bar et marquis du Pont, pour nous et nostre partis48
1. Puissiens.
2. Exceptent.
3. Messeigneurs les ducz de Berry.
4. Touraine.
5. Nos chiers et ameis cousins.
6. Vorriens.
7. Nos seigneurs le roy des Romains et le roy de France.
8. Encor en exceptons.
9. Nos seigneurs les ducz de Tourainne.
10. Ne manque.
11. Nostre très chier et ami pairiit.
12. Aleuns.
13. En tant comme y touchet.
14. Ait. Exactement : a, avec la valeur de : il y a.
15. Et de notre partie.
160
ALLIANCE ENTRE METZ, LORRAINE ET BAfi
en exeptons nostre sainct perre le pappe, Clément le VIIe, et ces succes
seurs, nostre seigneur le roy des Romains, monseigneur le roy de France
et monseigneur le duc de Bourgongne, lesqueulx nous poons servir,
s’il nous plaît, contre nosdit alliés, et chacun d’eulx 1 ; monseigneur 2
le duc de Berry et de Torrenne, et Hanry, nostre aîné 3, lesquelx ne
aulcun d’eulx ne volriens en rien aidier contre nosdit alliés, ne contre
aulcuns d’eulx, ne pour nos dit alliés contre nosdit seigneurs et filz.
Et encor en exeptons très révérend perre en Dieu nostre très chier
amé 4 cousin le cardinal du Nuef Chastel, pareillement et en la forme
et manier que 5 nostre dit cousin de Loherenne l’ait cy dessus exceptez.
Et amé cousin le marquis de Mouralle, à cause de ces duchiez 6 de
Lucembourg et conté de Chiney, an tant ? et cy avant qu’il nous peult
touchier et regarder aulcunes desdictes alliances que pour avant ces
présentes avons avec lui 8.
Item, et avec ce, se n’est pas nostre entencion que ces présantes
alliances, de nostre cousté, soient en rien contre messire Guy 9, che
valier, ne contre ces compagnon prisonniers *0, et11 aultrez que furent
en la chevalchié par eulx faictes on pais de nostre dit cousin de Lohe
renne, dont débatz est et pent de présant encontre12 nostre dit cousin,
d’une part, et ledit monseigneur Guy et ces compaignon, d’aultre part,
ne contre ceulx que pour ledit messire Guy seroient fait, durant lesdit
débas tant seullement.
Et nous, ceulx de Mets dessus nommés, pour nous et pour nostre
dicte cité, avons exepté et exeptons nostre sainct perre 13 le pappe,
Clément VIIe, et ses successeurs, le roy de France 14, le duc de Bour
gongne et de Torrenne, lesqueulx nous ne voulons en rien aidier encon
tre nos dit alliés contre eulx15 ; nous seigneur l’empereur ou roy des
Romains, sans ce que nous soions forcloz16 ou aulcuns d’eulx. Et très
révérend père en Dieu mon seigneur le cardinal du Nuefchastel, en la
forme et par les condicions et manier que lesdit seigneur duc de Lohe
renne et de Bar les ont cy dessus exceptés.
En tesmoignaige de vérités, pour ce que ces présantes alliances *7
1. S il nous plaît, encontre tous nos aloiés dessusdis et chascun d’eulx.
2. Messigneurs.
3. Nostre aîné fil.
4. Très chier et amé.
5. En la forme et condition comme.
6. Et nostre amé cousin le marquis de Axurainet duc de Lucembourg, ad cause de ces
duchiez.
7. En tant.
8. A corriger : ad cause des alliances que par avant ces présentes avons avec lui.
9. Guy de Dommangeville.
10. Parsonniers. — C’est prisonniers qu’il faut lire (HLo2, t. III. col. 507).
11. Ne au lieu de et.
12. Corriger : entre.
13. Nostre très sainct perre.
14. Ajouter : les ducs de Berry.
15. Encontre nos dis aloiés ne nos dis aloiés contre eulx.
16. Ajouter, après forcloz : que nous ne les puissiens aidier contre nos dis aloiés.
17. Et pour ce que ces nos présentes alliances.
PIERRE LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1412)
161
soient fermes et estaubles, nous l, évesques de Mets, duc 2 de Loherenne et duc de Bar devent dit, avons fait mestre noz seelz 3 4en ces
présantes lestres. Et nous, le maistre eschevin et trèzes jurés et communalté de la cité de Mets dessus dit, avons 4 fait mestre le grand seel
commun de nostre dite cité, avec les seelz des trois dessus nommés 5.
Lesquelles furent faictes et accordées et jurées en l’église de Sainct
Anthonne, audit Pont, l’an de grâce Nostre Seigneur mil quaitre
cent et XI 6, le XVIIe jours du moix de mars.
[de l’année 1412 a l’avÉNEMENT DE CONRAD DE BAYER
DE BOPPARD, SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME ÉVÊQUE DE METZ]
Or, avés oy cornent, en celle année mil quaitre cent et XI, les princes
et prélas dessus nommés firent grant alliances ensamble pour VI ans
durans avec la cité de Mets.
Mil iiijc et xij.
Rest maintenant à retourner à mon prepos et à
veoir cornent, en l’an après, mil quaitre cent et XII, fut maistre eschevin de la dicte cité le seigneur Pier le Gournaix, fîlz le seigneur Poince
le Gournaix, chevalier.
L’Apocalipse juée [par] personaige. - Et, en cest année, le XIIIIe jour
du moix de septambre, fut jués en Mets, en la plaisse c’on dit en Change
le jeu et l’istoire de sainct Jehan, c’on dit l’Apoucalipce. Et durait
ycelluy jeu trois jour ; et fut jués bien soulainellement et en grant
triumphe.
La mort de Merguerile, rogne de iij royaulme. - Aucy, en celle année,
ma damme Margueritte, royne de trois royaulme, et de laquelle je
vous ais heu ycy devent parlés, c’est assavoir du royaulme de Danemarche, Swécie et Norwègue, trespassa de ce sciècle. Et esleut pour filz
et sucesseur desdit royaulmes Hanry, duc de Pomerans.
Les Anglois aux secour des François.— Or, avés ycy devent oy cornent
le devent dit duc d’Orléans envoiait en Angleterre quérir les Anglois en
son ayde, après ce que le duc Jehan de Bourgongne les avoit heu renvoiés. Et avés oy comment à son ayde luy fut envoiés le sire Thomas,
duc de Clarance, et Jehan Corimbe, avec huit cent homme d’armes et
mil archiers, comme cy devent ait estés dit. Rest à veoir cornent, en
cest dicte année, yceulx Anglois aincy envoiez dessandirent en Normendie, en la Hague Sainct Vaast, et venans a secours des devent dit
1. Ajouter : Jîaulx.
2. Chairles, duc de Loherenne et marchis, et Robers, duc de Bar, marquis du Dont
dessus dis.
3. Nos grans seelz.
4. Y avons fait meure.
5. Des trois signeurs dessus dis.
6. L’an de grâce Rostre Seigneur mil trois cens quaitre-vingt et unie.
162
NICOLE DROUIN LE JEUNE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1413)
duc d’Orléans, de Berry et de Bourbon et de leur aliés, contre le duc de
Bourgongne. Et alors fut assiégée a la ville de Bourges par le dit Bourgognon b et les siens. Mais le duc de Guyenne, cognoissant que par celle
guerre venoit la grande destruction du royaulme de France, se efforça
de faire apointement contre eulx. Et alors, pour ce que yceulx Anglois
virent et congneurent que les dessus dis princes estoient en trains de
paix et acord, il brullairent la ville et abbaye de Beaulieu, près de
Loches, et emmenèrent l’abbé prisonnier. Aussy destruirent une aultre
ville, appellée Buzensois, en Berry. Et, avec ce, emmenèrent le duc
d’Angolesme, frère du duc d’Orléans, pour hostaiges ou prisonnier, en
Angleterre, pour la somme de cent mil escus d’or, qu’il disoient leur
estre deu. Et y fut le dit tenant prisons l’espace de XXXII ans.
Item, és partie du Perche et de Normandie, le conte de Sainct Pol,
conestable de France de part le duc de Bourgongne, desconfit le sei
gneur de Gaucourt et le sire de Champaigne ; où furent mors environ
quatre cent hommez.
Et furent encor en ce tampts plusieurs aultres chose faictez, des
quelles je me paisse quant à présant. Cy m’en tairés pour celle fois,
et retournerés a maistre esche vin de Mets, et à d’aultre merveille digne
de mémoire, lesquelles avindrent durant son tampts.
Mil iiijc et xiij. — L’an après, que corroit le milliair par mil quaitre
cent et XIII, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire Nicolle
Drouuin le jonne.
Le cardinalz de Cambray à Mets. — Et, en celle année, le VIe jour
d’ouost, vint en Mets le cardinal de Gambray, maistre en saincte théolo
gie, au quelle on fist ung biaulx recueille.
Mutinerie des bouchiers de Paris. — Et, en celle année, par le commendement du devent dit duc de Bourgongne, se mirent sus et ce
ellevairent plusieurs bouchiers et escorcheurs de bestes de la ville de
Paris ; desquelles estoit chief et fut institués leur capitenne de ung
nommés Simonet Caboche, ou aultrement dit Simon Cabochon. Et,
avec ce, assemblèrent tout le commun enthièrement, dont estoit
cappitaine général le seigneur de la Jaqueville, et ung cirorgiens
appellé maistre Jehan de Troye. Lesquelles ensamble firent plusieurs
mal, long à raconter. Entre lesquelles il prenoient tous ceulx qu il
congnoissoient estre officiers des princes contraires au duc de Bourgon
gne, et les emprisonnoient ; et faisoient maulx infinis en pillant et
robant tous leurs biens. Générallement entre les aultres ilz priment le
duc Édouuart de Bar et le duc Loys de Bavière, frère de la royne,
et plusieurs aultres, serviteurs du duc de Guyenne, lesquelz il firent
prinsoniers.
Le prévost de Paris décapité, et aultre. — Àucy, pour ces choses,
messire Pier des Essars, prévost de Paris, par l’envie que avoient
a. M : assiegiegée ; E : assigée.
b. E : le dict de Bourgongne.
GEOFFROI DE WARIXE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1414)
163
lesdit gouverneurs du duc de Bourgongne, eust la teste couppée, en
lu y imposant plusieurs cas villains et détestables. Et ainsy en fut fait
à messire Jaicques de la Rivières, jà soit ce que aulcuns dient qu’il
estoit jà mort quant on luy couppa la teste, et qu’on l’avoit tué d’une
hache, pour ce qu’on ne sçavoit trouver quelque occasion sur luy.
Non obstant, lesdit Bourgougnon vouloient soubtenir que luy meisme
s’estoit tué en la prison. Aussy on couppa la teste au petit Mesneil,
qui tenoit pour Orléans.
Item, lors Charles, quaitriesme ou sinquiesme filz du roy Charles VIe,
dit le Bien Aymés, eust en mariaige la fille du roy de Cecille, nommée
Marie d’Anjou. Et se allya ledit roy de Cecille au duc d’Orléans et à ces
alliés ; parquoy, ce fait, il renvoya la fille au duc de Bourgongne, qui
estoit fiancée à son ainsné filz.
Le pape Jehan expellés de Romrne. — Item, en ce tampts, le pappe
Jehan XXIIIe fut de Romme expellé et boutés hors par le roy de
Naples, au grant dompmaige des cortisans Romains. Mais, après ce,
il fut bénignement receu du pappe Mertin, et fait cardinal à Florence,
où il trespassa.
Sigismond esle[u] empereur. — Aucy, pareillement en cest année,
morut le devent dit empereur Robert, et en son lieu fut esleu Sigismond,
roy de Hongrie, et filz de Charles, quaitriesme empereur de ce nom.
Cest empereur fut très bon catholicque, courtois et très humble,
car, en son tampts, par IX fois il eust victoire contre les Turc. Il estoit
ung peu gramariens, mais non pas parfaictement congreu. Aucy ne
fait à oblier qu’il estoit sy dévot qu’il deveroit estre canonizé. Paireillement, celluy ampereur, par sa preudence et industrie, secourust et ayda
grandement à l’Église, qui lors estoit en grande affliction et misère,
car il n’espargnoit ne luy ne les siens jusques à ce qu’il l’eust réduite
à plaine union et prospérité. Et, pour ce, n’cst il point réputé moindre
en puissance, vertus et pitié que Charles le Grand, Theodosius, Constan
tin et Othon le Grand. Il fut couronnés du pappe Eugène ; et, sellon
aulcune histoire, il comensa à régner l’an de Nostre Seigneurs mil
quaitrec et IX.
Mais de luy lairons quelque peu à parler, et retournerons a maistre
eschevin de Metz.
Mil iiiic et xiiij. — Puis, en l’an après, que courroit le milliair par
mil quaitre cent et XIIII, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets
le seigneur Jofïroy de Warixe.
Le conceil de Constance comencés. — En laquelle année, qui fut l’an
premier de l’empire du devent dit Sigismond, commença le concilie
général de Constance, pour faire l’union de l’Église. Auquelle comparut
personnellement le pappe Jehan XXIIIe avec tous ses cardinal. Et,
pareillement, le devent dit empereur Sigismond, roy des Romains,
avec plusieurs aultres grand princes et seigneurs. Lesquelles, en tout
comprenant, estoient XXX mil IXe et XL personne, tous homme de
court. Et dura ce concilie trois ans et sept sepmaines.
164
WARY DE TOUL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (4415)
Le scisme et division [cejssés en l’Église j [ei] pape Mertin, esleu,
régnait xv ans pasible. — Et, en ycelluy consille, le devent dit pappe
Jehan, pour les crimes contre luy allégués, fut mis en prison et fut
privé de la papaulité. Et, alors, Grégoire XIIe et Benoist XIIIe, les
quelles par obtinacion des loing tampts devent se disoient pape, rési
gnèrent et se dévestirent de la dignité pontificalle. Et, alors, fut elleu
papa Otho Colunna, lequelle fut appellés pape Mertin le quint. Dont ce
fut grand joie, car l’Église avoit estés environ l’espasse de XL ans sans
vray pasteur.
Item, en celle année, ne fut en Mets ne on pais d’icelle choses faictes
digne de mémoire, ne que à compter faisse, parquoy je m en paisse.
Guerre intestine entre les prince de France. — Toutefïois, en celle
dicte année, le roy de France, acompaigniés des duc de Guyennes, de
Berry, d’Orléans, de Bourbon, d’Alençon et de Bar, des contes de la
Marches, de Richemont, de Armignac, de Vendosme, et d’Albret,
connestable de France, mirent le sciège devent Compiègne, qui tenoit
pour le duc de Bourgongne. Et fut prinse par composicion. Après ce, il
prinrent Soixons, où Enguerran de Bournonville et ung chevallier de
Touraine, appellé messire Pier de Menou, capitaines pour le duc de
Bourgongnes, eurent les testes couppées après la prinse de la dite ville.
Et ung aultre, appellé messire Guionnet du Plexis, en fut pareillement
décapités à Paris. Et, alors, furent les Bourgongnon chassés jusques à
Nostre Dame de Haut en Braibant. En laquelle chasse, entre les
aultres, fut prins messire Guy de Bar, chevalier bourguignon. Et fut
mis le sciège devent Arras. Dont fut la paix finablement faictes par la
duchesse de Hollandre, seur du duc de Bourgongne.
Item, en ce tampts,le conted’Armignac print le chasteau de Muraut et
plusieurs aultre forteresses.
Cy en lairons le parler, et retournerons a maistrez eschevin de Mets
et à plusieurs aultre besoingne.
Mil iiijc et xv. - En l’an deusiesme de l’ampire dudit Sigismond, qui
est de Nostre Seigneurs Jhésu Grist l’an mil quaitre cent et XV, fut
alors maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Wary de Toul.
Le comte d’Armignac muriris à Paris. — Et, en cest année, le devent
dit conte d’Armignac fut tués et murtris en la bonne cité de Paris.
Et fut la chose cy secrètement faictes que nulz ne polt pancer ne sçavoir
qui ce eust fait.
. , .
xx mil homme occis. - Dont plusieurs batailles en furent faictes
depuis ; entre lesquelles l’une fut au pont Sainct Clou, en laquelle il
mourut plus de XX mil homes.
Alors estoit paisible sus toutte la crestienté pappe Mertin, cy devent
escript ; dont c’estoit grand joie pour l’Esglise, que à celle heure n’y
avoit nulz sciesme ne aultre dissancion de quoy on peust parler. Gelluy
pappe régna à plaine obédiance par toutte les partie crestiennes l’es
pace de XV ans, et moult grand trésor assembla. Lequelle, aprez sa
mort, ne profitait mie grandement pour l’Église ; ains s’en ensuyrrent
l’évêque conrard de bayer de boppard
REÇU
a
METZ
165
moult grande guerre et inconvénient entre ces parens, l’ung l’aultre l,
avec aucy d’aultres plusieurs qui demendoient y avoir part, comme
plus à plains est contenus en plusieurs traittiés et voullume.
Et, en cest présante année, fut resseu pour évesque de Mets signeurs
Gonraird Baier ; duquelle je vous dirés ycy après la manier cornent.
Ne aultre chose je ne trouve estre faictes pour celle année en celle cité
de Mets ne on pays d’icelle digne de mémoire ne que à conter faisse.
[de
l’AVÈNEMENT
DE CONRAD DE BAYER DE BOPPARD,
SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME ÉVÊQUE DE METZ,
A LA PRISE DE PARIS PAR LES BOURGUIGNONS, EN i/fïS]
Conraird Baier lxxvije évesque Ihint sc[iège]. — Conraird Baier fut le
LXXVIIe évesque de Mets. Et, avant qu’il fut évesque, il estoit princier
de la Grand Église d’icelle cité.
L’évesque Raoul transférés à Vêveschiés de Noyon.
Or avint que,
en l’an devent, mil quaitre cent et XIIII, luy estant au devent dit
concilie de Constance, seigneurs Raoult de Coucy, LXXVI® évesque,
cy devent escript, et après ce qu’il oit estés évesque d icelle cité 1 espaisse de XXVIII ans, comme cy devent ait estés dit, fut par pappe
Jehan XXIIIe translatés de la dicte éveschiez de Mets à l’éveschiés de
Noion en France ; et en son lieu fut esleu et mis par le pappe Jehan le
devent dit seigneur Conraird Baier.
Et, en l’an après qu’il fut esleu, comme dit est, qui est cest présante
année mil 1111° et XV, fut receu par le chaipistre de la dite église de
Mets, le dimanche devent la nativité sainct Jehan Baptiste. Celluy
seigneur Conraird estoit biaulx prélatz, puissant de corps, riche et
saige, et bien pairlant les trois languaiges, c’est assavoir latin, roman
et allamans
Soingne abalue. — Item, en son tampts, il abatit une plaisse nommée
Soigne, laquelle le seigneur Nicolle Noirel, chevalier et citains de Mets,
tenoit ; et fut ledit seigneur Nicolle prins dedans. Dont les seigneurs
de la cité ne s’en niellèrent en rien, pour les maulx que ce faisoient en
celluy lieu.
Plussieurs argent [pr]ins sus [Vév]eschiés de Mets, et terre [e]ngaigié. —
Item, aucy ne fait pas à oblier de vous dire comment, après ce que ledit
seigneur Conraird fut venus et receu à l’éveschiés par les chainoigne,
comme dit est, trouva plusieurs grande obligacions faictes d aulcune
terre et seigneurie de l’éveschiés 2. Et, souverainement, la plus part des
devent dictes obligacion furent faictes par le devent dit Raoult de
1. Il faut sans doute suppléer ici un participe : se disputant l’un 1 autre.
2. L’on trouvera une liste analogue, mais postérieure, HMe, t. IV, p. 516.
166
SITUATION FINANCIÈRE DE L’ÉVÊCHÉ DE METZ
Coucy, comme cy après serait dit. Car je veult ycy dire et desclairer
touttes ycelle obligacion et gaigiers, tant de celle que le devent dit
seigneur Raoult avoit faictes comme de plusieurs aultres, ces prédé
cesseurs, évesque de Mets. Lesquelles tout ensamble avoient obligiés
grant partie de la terre et seigneurie d’icelle éveschié. Et ycelles obligacions trouvait le devent dit seigneur Conraird alors qu’il entrait en
ladicte éveschiez, et après ce qu’il y fut receu, comme la tenour s’en
suyt.
Et, premier, trouvait ledit seigneurs Conraird Bayer une lestres de
gaigiers de la moitiet du chasteaulx et ville de Hombourg et de Sainct
Avol et des villes appartenant, faictes par le devent dit seigneur Raoult
de Coucy, pour lors évesque de Mets, à mon seigneur Charles, duc de
Loherenne, pour la somme de quatre mil frans, du coing du roy de
France.
Item, le dit seigneurs Conraird, évesque de Mets, trouvait encor une
aultre lestre de guaigier de la moitiet du chastel, ville et chaistellcrie
de Rambeviller et des villaiges appartenant, et aussy du ban d’Espinal,
faictes audit duc Charles de Loherenne par ledit seigneur Raoult de
Coucy, tant à sa cause comme de ces prédécesseurs, évesque de Mets,
pour la somme de quaitre mil frans de France.
Après, trouvait encor une lestre de VIIIe frans adjostée avec lesdit
quaitre mil frans sur la gaigier devent desclairiée, faicte par ledit
seigneur Raoult de Coucy audit mon seigneur Charles de Lorraine.
Paireillement, trouvait encor une lestre de gaigier de la ville et
chastellerie de Nommeny et de la thierce partie du chastel et chastellerie
de Fribourg et de l’estang d’illec, faictes par ledit seigneur Raoult de
Coucy audit mon seigneur Charles, ducdeLorrenne, pour la somme de
VII mil frans de France.
Item, trouvait encor ledit seigneur une lestre de VIII cent frans
adjosté sur lesdit VII mil frans de gaigiers dessus dit, assignés sur la
ville et bans de Desmes, et pour l’enchange de la moitié du chastel,
ville et chastellerie de Bacourt, faictes par le dit seigneur Raoult de
Coucy audit seigneur Charles.
Puis, trouvait encor ledit seigneur une lestre de gaigier du chas
teaulx de Vy et Moyenvy et de la ville de Waichiemesnil, avec ces
appartenances, faictes par ledit messire Raoult de Coucy à messire
Jaicques d’Amence, marchault de Lorrenne, à messire Henry de
Gyullien, chevalier, pour la somme de trois mil frans de France^1
Encor trouvait une lestre de gaigier de la VIe partie des villes et
chasteaulx de Gebeldange l et de Helimer faicte par le dit seigneur
Raoult de Coucy au seigneur Charles, duc de Loherenne, pour la
somme de 1111° florin.
Item, encor une lestre de gaigiers de la moitiet du droit et action
appartenant à l’éveschié de Mets en l’estang de Gaudertin, et tousjours
1. Guéblangue, Moselle, Sarreguemines, Sarràlbe.
SITUATION FINANCIÈRE DE L’ÉVÊCHÉ DE METZ
167
faictes par ledit seigneur Raoult de Coucy au seigneur Charles, duc de
Loherenne, pour la somme de VII mil et IIII cent frans.
Paireillement, trouvait encor ledit seigneur une lettre de gaigier du
chaisteaulx et chastellerie de Durbestain, faict par l’évesque Édémairs
a seigneur Thiébault, seigneur de Blasmont, pour la somme de deux
mil florin à l’escus, et de deux mil livre de petit tournois.
Encor trouvait une lestre de gaigier desdit chaisteaulx et chastellerie
de Durbestain faicte par seigneur Raoult de Coucy à Henry, seigneurs
de Blasmont, pour la somme de mil florin d’or.
Après, trouvait encor une lestre de guaigier de la ville de Sarbourg et
de ces appartenance, faicte par l’évesque Édémars a seigneurs Thié
bault, seigneur de Blasmont, pour la somme de Ve florins à 1 escu de
France.
.
Item, encor, une lestre de promesse du seigneur Thiébault de Blas
mont, qu’il recongnoist que, ce on rachectoit la dicte gaigier de Dur
bestain, qu’il seroit tenus de remestre en acquest l’argent, et ycelluy
acquest reprandre et tenir en fiedz de l’évesque de Mets.
Puis, après, trouvait ledit seigneurs encor une lestre de gaigiers de
la ville de Nuefviller et de ces appartenance, faicte par l’évesque
Édémars a seigneurs Hannement, seigneur de Lucembourg 1, pour
trois mil livre de fors petit 2, et deux cent mars d argent.
Paireillement, trouvait encor une lestre de gaigier faictes par ledit
seigneur Adémars a seigneur Jehan, prévost de Strabourg, et seigneur
Simon, seigneur de Lucembourg, de la ville et appartenances de Neufviller, pour la somme de VII mil livrez de petit tournois et deux cent
marc d’argent.
Encor trouvait une lestre de gaigier de la ville d’Abe 3 4et5ces appar
tenances, faicte par le seigneur évesque Thiédry a seigneur Jehan, conte
de Salme, pour la some de quaitre mil et trois cent livre de petit tour
nois, et, avec ce, encor mil petit florins de Florance.
Après, trouvait encor une lestre de gaigier de la quairte partie du
chasteaulx et chastellerie de Lucembourg 4, près de Saleverne, faictes
par le devent dit seigneur Raoult de Coucy, évesque de Mets, au Mi
neur Charles, duc de Lorrenne, pour la somme de VIIIe florin de Rm.
Item, encor trouvait une lestre d’acord faicte entre seigneur Edémars,
évesque de Mets, et mon seigneur Robert, duc de Bar, pour les gaigier
de Confflan, Buisy 5 et Condé sur Muzelle, que ung évesque de Mets
puit. raicheter lesdite gaigier dedans certains terme après venant pour
la somme de XX mil petit florins. Et en donna ledit duc caucion et
plesge audit évesque, s’il faisoit le paiement desdit XX mil florins
dedans le terme prins et accordé entre eulx.
Puis, après, fut encor trouvée une lestre de gaigier faicte par mon
1.
2.
3.
4.
5.
HMe, t. IV, p. 516 : Lictemberg.
Ibid., id. : petits florins.
Albe. C’est Sarralbe, chef-lieu de canton, Moselle, Sarreguemines.
Lutzelbourg, près de Saverne, Moselle, Sarrebourg, Phalsbourg.
Buzy, Meuse, Verdun, Étain.
168
LES ANGLAIS EN FRANCE (1415)
seigneur Thiédrych, évesque de Mets, aux maistre eschevin, trèzes
jurés et à touttes la comunalté de la cité de Mets, pour la somme de
quatre cenc frans, monnoie de Mets.
Encor trouvât le dit seigneur Conraird une lestre de gaigier de la
thierce partie de la ville, dé chaistel et appartenance de Fribourg, faicte
par seigneur Raoult de Coucy, évesque de Mets, à Pestour de Roddes,
escuier, pour la somme de quaitre cenc viez florins.
> Pairellement, trouvait encor une lestre de gaigier de la moitiet de
l’estaing de Duesselange, faictes par mon seigneur Raoult a de Coucy,
évesque de Mets, à messire Avrard Haze *, pour la somme de trois
cent viez florin.
Après, trouvait encor une lestre de gaigier de l’yawe de Longeville,
faicte par mon seigneur Raoult de Coucy, évesque de Mets, à maistre
Anthonne de Troye, maistre sergent des Trèses de Mets, pour la somme
de V cent frans.
Item, trouvait le dit seigneur encor une lestre d’essignacion de la
somme de trois cent XIII livrez X sols de tournois de cens annuelle,
faicte par le seigneur Thiédrich, évesque de Mets, à Menfîroy de Walthiemont, demorant à Mets, et assignée sus plussieurs villes et signourie
de 1 éveschiez dénommées és dicte lestre, et sus le sceel de la court de
Mets ; lequel cens est à raichet pour la somme de VI mil deux cent
LXX livrez de Mets.
Somme, monte touttes les somme devent dictes à la somme de
HT Ixx XVI mil et ÏXxx et X frans, laquelle somme il faulroit paier, qui
voulroit revenir, ravoir, retraire et affranchir touttes les terre devent
dictes, cen les coustanges et aultres despance qu’il faulroit faire.
Les Anglois en France. — Or advint, en celle devent dicte année mil
quaitre cent et XV, que le roy Hanry d’Angleterre demandait en
mariaige Katherine, fille dudit roy Charles. Et, pour ce qu’elle ne luy
fut point acordée, descendit de rechief en France, par l’amonétement de
Jehan, duc de Bourgongne. Et vint premier abourder à la bouche de
Saine, en Normandie, et print Harfleur; et fist de rechief plusieurs mal.
Desconfiture des Fransois faicte par les Anglois; la mort de plussieur
bon personaige françois. — Et perdirent les François de grosse journée,
esquelles furent plusieurs grand personnaige prins et tués. Entre les
quelles, à la journée de Blangy ou d’Agicourt 2,
* 1près de la rivier de
Somme, furent prins prisonnier le duc d’Orléans et de Bourbon, les
conte d’Eu, de Vendosme et de Richemont, avec le mareschault Boussicaud, le duc de Bar et celluy de Brabant, frère du duc de Bour
gongne, le conte d’Albret, conestable de France, le grand maistre
d’ostel du roy, messire Robert de Bar, le conte de Nevers, le conte
a- Mss. : de Raoult.
1. Évrard Haze, aumônier de l’église de Metz, Cartulaire de J?Evêché de Metz, publié
parfPaul Marichal, t. I, 104-106.
2. Azincourt.
JEAN RENGUULON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1416)
169
d’Aumalle, le conte de Vaudémont, frère a duc de Lorraine, les conte
de Roucy, de Vienne, monseigneur Jehan de Bar, frère du duc de Bar,
messire Guichart Daulphin, le viconte de la Bellière, les sire de Trassy,
de Helly, de Combourt, de Hagueville, d’Aumont, de Roycheguyon, de
Gaules, de Graville, de la Trimolle, messire Aleame de Chapeaulx, et
plussieurs aultre chevalier et escuier, desquelles n’en eschaippait
point la mitté, que tous ne furent mort en la baitailles. Et y en mourut
plus de quaitre mil, tout gens noble et de bonne maison ; et le rest fut
menés en Angleterre. Et, de la partie des Anglois, ne furent occis pour
grand parsonnaige que le duc d’Yorth, oncle du roy d’Angleterre, et
trois ou quatre cent Anglois, gens de petitte réputacion, telz quelz.
Parquoy celle baitaille se nomme comunément la malheureuze journée.
Et advint telle desconfiture par le désarroy et inadvertance des Fran
çois.
A cest journée ne fut point le duc de Bretaigne, jay ce que toutefois
le roy luy avoit donné la ville de Sainct Malo, et cent mille frans pour le
paiement de ces gens d’armes, et aflin qu’il c’y trouvait. Mais il faillist
au besoing ; parquoy que possible ce mal advint. Et ainssy apert que
d’ugne chose malle acomencée souvant avient moult grand domaige,
corne cy devent il est noctés et contenus pour le fait de la mort du noble
Loys, duc d’Orléans.
Le daphin emportés on Daphinois. — Car vous devés sçavoir et
entandre que, quant la cité de Paris fut prinse, et que le bon duc de
Narbonne et le bon prévost de Paris, appellés Tanoquin t, avec ung
gentil chevalier, appellés messire Barzabant, yceulx ensemble ampourtairent en leur bras le gentil daulphin, et le pourtairent on Daulphinoy.
Puis le firent nourir comme à leur vray seigneur. Et, tout adès, tant
qu’il vesquirent, le servirent loyaulement. Et, depuis, par les trois
dessus dit fut tués le duc de Bourgongne. Et ainssy est approuvés
islud proverbium, c’est à dire que tel desserte tel tourner.
Mais, nonostant ces chose, depuis en avint tousjours plus grand mal
en royaulme de France. Car le filz dudit duc de Bourgongne en fist
encor pis que son perre n’avoit fait, et aydait tousjours aux Anglois
contre la jantilz fleur de lis. Or, de cest guerre, je n’en sçaroie ne ne
polroie dire la grand pitié ne les grand dopmaige qui en sont estés fais.
Dieu et Nostre Dame y vueulle pourveoir de remeyde ! Amen.
Mil iiijc et xvj. — Après que le milliair couroit par mil quaitre cent
et XVI ans, fut maistre eschevin de Mets le sire Jehan Renguillon,
qu’on disoit Bacon.
Hanrei de la Tour annemei à la cité de Mds. - Or, avint que, en celle
dicte année, ung jantilz homme, nommés sire Hanry de la Tour,
qui estoit ung très malvais guerson et ung parfait tirans, celluy Hanry
fist en ce tampts grand guerre contre la bonne cité de Mets, et sans
cause nul, fort seullement pour ce que les seigneurs d’icelle avoient
1. Tangui du Châtel. — Il faut supprimer et avant que.
170
l’empereur sigismond a paris (1416)
aydiés à abatre une forteresse appellée le Saulcy. Et tellement que, le
jour de la teste sainct Augustin, ledit Hanry amenait une grand compaignie de Bourgongnon à l’antour d’ycelle cité. Et, de prime venue,
antrairent et prinrent leur giste on Yaulx de Mets, c’est assavoir à
Moullin, à Chazelle et à Sciey; et y furent trois jours. Et avoit ledit
Hanry délibérés de abaistre la justice d’icelle cité. Mais il s’en retour
naient bien viste fuyant, pour tant que, c’il eussent demourés ung peu,
il eussent estés combatus. Et, en retournant qu’il firent, il boutaient
les feu en leur logis. Et ne firent pour celle fois aultre vaillance.
L’empereur Sigismunde à Paris. — Item, en celle année, l’ampereur
Sigismohde vint en France et arivait à Paris pour veoir le roy Charles.
Et fut festoyé grandement du duc de Berry, qui estoit son oncle. Et,
de là, s’en alla en Angleterre avec Guillamme de Bavière pour cuider
trouver quelquez bon apointement de paix entre les deux roys de
France et d’Angleterre, et affin de les acorder ensamble. Maix le roy
anglois n’y voult antendre. Parquoy, depuis ce tampts, ce fist encor en
France de grand mutinerie, par l’espasse de XX ou de XXIIII moix
tousjour en noise et dicension, tellement que c’estoit pitiet du gou
vernement.
Item, en cest année, le duc Camus Jehan de Berry *, oncle du roy,
et eaigié de quaitre vincg et IX ans, trespassa. Et fut enterré en la
chappelle de son pallas, à Bourge, qu’il fist faire en son vivant. Ledit
Jehan fut ung noble prince, saige, habandonné et lairge à tout le
monde, et principallement aus estrangiers.
Aucy, en ce tampts, le conte d’Arminac, qui de nouviau estoit
connestable de France, et le viconte de Nerbonne, combaitirent le
conte Dorset, anglois, .et oncle du roy d’Angleterre, à Vallemour en
Caulx. Et y furent mors environ quaitre cens Anglois.
Et fut en ce meisme tampts que le roy de Cecille mourut en la ville
d’Angiers. Et fut anterré en la grand église de la dicte ville ; et à
ycelluy enterrement fut Charles, le Daulphin, son janre, lequel par
avant estoit conte de Ponthieu.
En ce meisme tampts, aucy, furent erriers les François desconfis à la
bouche de Saine, devent Honneffleur. Desquelles François y eust grand
tuerie, et y furent partie des haulx seigneurs de France mort et tué.
Entre lesquelles y morurent tous les drois hoirs du duc de Bar, exceptés
Loys, filz du duc Robert de Bar, lequel alors estoit cardinal du sainct
scièges apostolicque et évesque de Verdung. Et de ceste devent dite
bataille estoient chief le viconte de Nerbonne, les sires de Montegnay
et de Beauvau, et le bastard de Bourbon, qui y fut prins des Anglois.
Desquelles Anglois estoient chief les ducz de Bethfort et de Clocestre,
filz du roy d’Angleterre.
Mais, pour revenir à parler dudit seigneur Loys de Bar, le cardinal,
après la devent dictes journée tenue, quant il vit que en la duchiez de
Bar n’y avoit plus près hoirs de luy, il ce mist en la possession de la
1. Jean de France, duc de Berry (30 novembre 1340-15 juin 1416).
ANDRIEU DE VAUDREVANGE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1417)
171
dite duchié. Et, avant, y vint le duc dé Mont, lequelle avoit espousés
une des fille dudit Robert, et amenait grand compaignie avec luy pour
et en intencion d’avoir la dicte duchiez. Et, de fait, on lés y vit très
voulluntier, et y furent haultement ressus, car aulcuns et la plus part
des chevalier et escuiers de la dite duchié firent grand faveur et ayde
audit duc dé Mon h Et ne prisoient que ung bien peu le cardinal, leur
droiturier seigneur. Et, de fait, en ce mocquant il l’appelloient prestre
et teste pellée. Or, quant ledit Loys, cardinal dessusdit, oit bien consi
déré et veu cest chose, et vit et congneut qu’il polroit avoir du pire, et ne
polroit mye bien joyr de son affaire, il manda Regnier, filz du roy Loys,
son cousin, lequel estoit extrait et yssus de la plus année fille dudit duc
Robert, son perre, sy luy donnait la dite duchié de Bar, an mariaige
faisant dudit duc Raingnier et de l’année fille du duc Charles de Lhoranne.
Le duc Regnie[r] mys en prison. — Mais le duc des Mons, cy devent
nommés, voyant cest affaire, entreprint cestui fait. Et, après plusieurs
choses faictes et dictes, fut le dit duc prins et emmenés en prison à
Nancey, comme cy aprez serait dit quant tampts serait d’en pairler.
Et luy covint quicter tout le droit que son filz y prétendoit à avoir.
Jehan Hunzs et Wyscleph brullés. — Item, aucy en celle année,
Jehans Hus, boesmien héréticque, fut ars et brullé à la cité de Constance,
pour ce qu’il suscita l’hérésie Jehan Wycleff, en y adjoustarit encor
plusieurs articles du siens.
Mil iiijc et xvij. — L’an mil quaitre cent et XVII fut maistre eschevin
de la cité de Mets le sire Andrieu de Waudrewange.
L'empereur se [t]ravaille [d’]apointer la crétienté. — Et, en celle année,
le devent dit empereur Sigismonde eust beaulcopt de penne d’aller en
personne devers les princes crestiens, pour concorder plusieurs discencions qui alors y estoient.
Ceulx de Rouuan se rebelle. — Or, avint en cellui tampts que les
habitans de la cité de Rouuan se rebellèrent contre le roy et occirent
leur baillif, nommé Raoul de Gaucourt.
Item, en celle année, le roy d’Angleterre print le chastel de Touque 12
en Normendie, moult meschamment ; car en telle prinse n’eurent
point les François d’honneur ne prouffit. Et encor priment lesdit
Anglois Caen, Falaise, Bayeux, Sainct Lo, et plusieurs aultres villes.
Le duc de Bourgongne occupe plussieur place et bonne ville en France. —
Item, aucy, le duc de Bourgongne print Montlehéry contre le duc
d’Orléans. Paireillement, advint que en ce tampts fut tués à Chartres le
sire de Jaiqueville, cappitaine des villains de Paris tenant la bande des
Bourguignons, par ung Picard nommé Hector de Saveuses. Et, tantost
après, le dit duc de Bourgongne print Tours, Rochecorbon, Cormecy,
1. Traduction Irançaise de von Berg (Herzog Adolf). Cf. DSHL, t. IV, p. 394 et n. 5.
2. Le 1er août 1417, Henri V prit terre à l’embouchure de la Touques, sur la plage
de Trouville.
172
MARTIN
V
ÉLU PAPE
(11
NOVEMBRE
1417)
Précigny et Asay sur Indre ; et y mist partout garnison. Et le prince
d’Orenge, pour ledit duc, conquesta tout le païs de Languedoc et le
Pont du Sainct Esperit.
Et, par opposite, messire Tenneguy du Chastel, prévost de Paris,
et tenant la partie de monseigneur le Daulphins, print et pilla la ville de
Chereuse, mais non pas le chaistel.
Item, ce fut en cest année, et durant encor le deventdit concilie de
Constance, duquelle je vous ait heu par cy devent parlés, lequelle
durait plusieurs année, et encor duroit à cest présante année, auqueJle
concilie et en ce meisme tampts Grégoire XIIe et Bénédic XIIIe renonsairent leur droit de la papalité, et furent despousés. Et en leur lieu fut
elleu tout d’ung comun acord et voullunté, sans quelque contradicion,
Othon de la Colonne 1, romains ; et le dénommèrent Martin Ve. Et est
cellui duquelle je vous ait desjay heu parlés, qui assamblait cy grand
trésor, duquelle après sa mort ces parans et amis eurent grand discencion ensamble ; et fut celluy trésor cause de plusieurs maulx. Et trespassa celluy pappe le dernier jour de febvrier, en l’an que le milliair
courroit par mil quaitre cent et XXXI. Celluy pappe fut grand justicier
et fîst de grand biens en son tampts, car il destruit les héréticques.
Puis, avant sa mort, comanda et ordonna de assembler le concilie de
Basle. Car, au devent dit concilie de Constance, avoit esté conclus que
tousjours, de dix ans en dix ans, seroit tenus le concilie de l’Église
universelle. Et en touttes ces chose y labora et favorissait très grande
ment l’empereur Sigismonde, en soubtenant ledit pappe Mertin.
Audit concilie, lez contés de Glèves et de Savoye furent faictes duchiés
par ledit empereur Sigismonde.
Acuns vueullent dire que ce fut en l’an après, mil IIIIC et XVIII,
que le devent dit pappe Mertin fut ressus, courongnés et essus.
Le pape ait respairgnés xij millions de ducas. — Et que, après ce
qu’il oit régnés XIII ans, on trouvait en son trésors environ XII mil
lion de ducas, qui furent cause de plusieurs mal.
Touteffois, on dit qu’il gouvernait grandement sa papallité. De quoy
on dit, pour sçavoir au vray le milliair qu’il trespassa :
LaVs eIVs In eCCLesIa sanCtorVM.
Car, grant tampts devent sa créacion, avoit estés grant scisme en
nostre mère Sainte Église, corne par cy devent ait esté dit.
1-. Odone Colonna.
NICOLE DROUIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1418)
173
1418,
[de la prise de paris par les bourguignons, en
AU DÉBUT DE LA GUERRE « DE LA HOTTÉE DE POMMES »,
EN l4a8]
Mil iiiic et xviij. — Puis, en l’an après, et que le milliair couroit
par mil quaitre cent et XVIII, fut alors maistre eschevin de la cité de
Mets seigneurs Nicolle Drouuin.
En laquelle année je ne trouve guerre chose digne de mémoire avoir
estés iaictes a en la cité de Mets ne on pais joindaat que à compter
fcÛSS6.
Agmentation de guerre en la France. — En celle dicte année, on
royaulme de France ce multiplioient tousjours les guerre, et y avenoit
journellement mai sus mal. Car, d’ugne chose mal acomencée, à paine
ia fin en sçairoit estre bonne. Et tellement que, ledit ans, on moix de
may, messire Jehan de Villiers, seigneur de l’Isle Adam, atout trois
cent homme tenans ia partie de Bourgongne, entra de nuit dedans
Paris. Et luy ouvrit la pourte ung nommés Perrenet ie Clerc, serrurier ;
car ceüuy Perrenet avoit desrobés la clef à son perre. Et, quant il
vinrent au millieu de la ville, alors firent ung cris, et à haulte vois
comensairent à crier . « Paix et salus au duc de Bourgongne»! Auquelle
cris tous ceulx de la ville qui tenoient le party des Bourgognon ce
assamblarent, tous signés de 1a crois sainct Andrieu, et ce joindirent avec
les aultres. Et alors, le Dauiphin et les siens, oyant ce bruit, ce reti
rèrent à ia bastille Sainct Anthonne, et là ce mirent à salvetés. Et,
incontinent, furent que murtris que noyés environ trois mil hommes.
Entre lesquelles estoient le conte d’Armignac, connestable de France,
maistre Henry de Marie, chancellier de France, le conte de Grand Pré,
et plusieurs aultre prélas, barons, chevallier et escuiers, bourgois et
marchamps et gens de diverse sorte et praticque. Car aus ung on tranchoit la teste, au aultres il contraindoient de saulter des ienestre à
l’avallée sur le pauvé. Et, brief, on n’esparnoit nul qui fust de la partie
de mon seigneur le Dauiphin, et appelloit-on Armignacz tous ceulx que
on voulloit faire b meurtrir. Car, pour lors, ce on hayoit aulcun3 à mort
pour debte ou aultre cause, on le faisoit incontinant tuer soubz umbre de
dire qu’il estoit Armignac, posé qu’il ne thint l’une partie ne 1 autre.
Et n’y avoit homme qui encore ossait faire semblant de pitiés, ou il
l’eussent assomés.
t u • 17cTune nouvelle lacune dans le ms. M ; elle est signalée par une note d’écriture
plus récente : je trouve encor ycé des fullet désiré [déchirés] dont le contenu est de
l’Vt^?:ÏLmliée partiellement (d partir du dédut de 1419) *" *£*»»
ajoutés n une époque très récente; nous avons négligé cette copte, qui est fautive, pour
suivre le ms. £■
\%
ARNOULD CŒUR DE FER, MAITRE-ÊCHEVIN DE METZ
(1419)
Et, quant messire Tenneguy du Ghaistel vit qu’il avoit du pire, il ce
partist de la Bastille avec le dit seigneur le Daulphin, et c’en allèrent
à Melun. Avec le dit seigneur de l’Isle Adam estoient messire Jehan de
Lucembourg, messire Gharle de Lans, messire Claude de Ghastellus et
messire Guy de Bar et plusseurs aultres.
En ce meisme temps, furent faictes plusseurs aultres prinses les ungz
sur les aultres, tant de cité, de bonnes villes corne de chasteau, des
quelles prinses et amblée je m’en passe, pour abrégier, jay ce que en
celluy ans y oit plusseurs rencontre faicte, auquelles en y oit plusseurs
des prins et tués, mais, comme dit est, je m’en paisse ; et vous souffise
quant à présent de ce que j’en ait dict. Car je vuelt retourner au maistres eschevin de Mets, et à plusseurs aultres besoingnes.
[1419]. — En l’an après, courant le milliar par mil IIIIc et XIX,
estoit maistre eschevin de Mets le seigneur Arnoult Gueur de Fer.
En celle année, fut ung jours prins entre les princes de France et de
Bourgongne pour veoir ce l’on ce polroit accorder. Et fut celle journée
tenue le Xe jour de septembre en une ville nommée Monstreau où fault
Yonne (car, en ce lieu, la rivier de Yonne chiet en Senne). Et là y ait
fort chastiau et ung pont levys, auquel fut fait et basty ung tabernacle
de bois, dedans lequel entra le Daulphin et le duc de Bourgongne.
Et avec eulx entrairent dix seigneurs choisis tant seullement, affîn que
par les serviteurs d’aulcuns d’iceux princes ne fut engendrés quelque
noise ou huttin. Toutefïois, ainsy comme l’assemblée relatoient plusseurs
parolles des injures passées, entre lesquelles l’on veult dire que le duc
de Bourgongne parlait au Daulphin trop arrogammant et le desmantist, parquoy en ce lieu soubdainnement ce levait ung qui estoit avec le
Daulphins, esmeu en yre, et, flamboyant en couraige, occist le dit
Jehan, duc de Bourgongne. Et volloit on dire que ce avoit faict ung
nommés messire Tanneguy du Chastel, lequel solloit estre moult
famillier du duc d’Orléans. Et, pour sçavoir au vray le milliair quant
cest fortune advint, aulcuns bon facteur en ont escript ainsy :
GrVCIflge CVCIflge (sic) eVM
Et, tantost aprez ce faict, et que le dit duc Jehan fut tués, son filz
Phillippe, qui alors estoit à Paris, s’en alla joindre avec les Anglois.
Et, qui pis est, il print le roy Charle, ainssy mallade et altérés comme il
estoit, et le livra à Hanrey, roi d’Angleterre, et la royne pareillement,
avec leur fille Catherine. Lequel roy et royne, avec la fille, le dit Phi
lippe, estant encor son père en vie, tenoit desjay en sa puissances. Et
encor ne ce thint le dit Phillippe à cella, ains livra aus dis Anglois Paris,
Brie, Ghampaigne et Bourgongne. Et, incontinant que le roy Hanry
en fut saisis, il espousa et print à femme la dicte Katherine, fille dudit
Charles. Et furent les nopces à Troye en Champaigne. Après lesquelles
y oit lez plus terrible course et larrencin parmei le royaulme de France
qu’il n’est créatures vivant qui le voulcist croire. Car le royaulme fut en
ce temps cy tribollés et cy apouvris que c’estoit pitiez et dopmaiges.
ARNOULD BAUDOCHE, MAITRE-ÊCHEVIN DË METZ
(1420)
175
Et, avec la mortallité qui alors régnoit, les pays estoient destruyt,
ars et brullés, et ce mouroit on de fains parmei les champs. Tellement
que des Anglois en y oit plus de quatres mil des mors de fains au pays
de Vendosme, qui furent pasture aux oiseau et beste saulvaiges, pour ce
que les corps demoroient gissant sur la terre sans sépulture. Aussy, en
ce temps, estoient les plusseurs fenmes à cy bon merchiés que on en
avoit quaitres pour ung œuf : et la raison estoit que en ce temps y avoit
cy grant dissete de tous vivres que ung œuft coustoit XII deniers,
qui sont à présent plus de XXII deniers, cellon que la monnoie est
remontée. Et le temps estoit cy pouvre et cy maulvais que plusseurs
femmes et pouvres filles estoient alors habandonnée, les une par pouvreté et les aultres par leur plaisances et voluptés : parquoy, comme
j’ai dict, on en avoit assés pour trois deniers la pièce ; et encor pour
moins, qui estoient lez quatre pour ung œuf. Dieu, par sa bonté, y
vuelle pourveoir de remède !
[1420]. — Après ces choses ainsy advenues et que le milliaire
couroit par mil IIIIC et XX, fut alors maistre eschevin de la cité de
Mets le sire Arnoult Baudoiche.
En celluy temps estoit la cité en grant bruit, et florissoient plus ou
aultant que voisin qu’il heussent. Et ne ce pairloit en ycelle que de joie
et de teste ; néantmoins que tousjours les bons seigneurs et recteur
d’icelle estoient journellement sur leur gairde, comme tousjours d an
ciennetés il ont eheu le soing et la cure de la cité et des habitans.
Aussy le printemps et la saison d’icelle année estoit fort biaulx et
tempérée de tous biens, et estoit le temps joieux là où il n y avoit
point de guelre. Car celle année fut tellement hastive, et vint la challeur
de cy bonne sorte que au premier jour d’apvril estoit le myrguet tout
flory, et en vend oit on à ce jour là à grant habundance devant la
Grande Église d’icelle cité. Pareillement, fut celle année sy habundante
de tous fruyct et biens meurs que ce fut merveilles. Item, le Xe jour
d’icelly mois d’apvrilz, estoient en Metz lez frèze meures, et les vendoit
on devant le moustiés. Puis, le damier jour d icelluy meisme mois,
on vendoit en la dicte place les serixe à la livres. Item, après, au pre
mier jour de may, on vendoit des nouvelles febves et des nouvyau pois
en la dosse. Et, le VIe jour dudit mois ensuiant, on maingeoit des
nouvyau soigle engrenés. Puis, trois ou quaitres jours après, 1 on ven
doit des nouvyau verjus devant la dicte église. Item, 1 an dessus dit,
le XXIIe jour du mois de jung, on oit en plusseurs lieu en Mets des
raisins tailliés et à demey mehure, et ung mois après, c’est assavoir le
XXIIe jour du mois de juillet, on beust du nouvyau vin en la ville
de Maigney, tesmoing Collignon de Maigney et Collignon Louuiat et
plusseurs aultres, qui alors y estoient. Et, de faict, ce dit jour, il maingèrent des pussins frossiés au mot 1.
■
■ x
En celle année, comme j’ay dit devant, l’on ce tryumphoit en la cité
1. Moût.
176
GUERRE ENTRE LA VILLE 1)E METZ ET FERRY DE CHAMBLEY
de Mets, et tellement que, le jour sainct Privé, lut jués en ycelle le
jeu et la vie de monsseigneur sainct Vita, duquel en Metz en y ait une
paroiche. Et en lut maistre et gouverneurs frère Jolïroy de la Trinité.
Et, parmey ce, le curé d’icelle église de Sainct Vy y donna XL sols
daventaiges pour aider à supporter la despences.
Item, environ deux ans devant, c’est assavoir en l’an IIIIC et XVIII,
avoit estez grant guelre entre la cité de Metz et messire Ferrey dé
Ghambley. Et la cause estoit pource qu’il avoit estez consantant que la
forteresse d’Annerey fut trahiee et prins par ung trayteurs appellés
Henrey de Baheugnon. Duquel l’on ne ce gardoit mye, car le sire
Collignon de Heu, auquelx celluy Hanrey avoit loing temps servis, se
fyoit grandement en luy. Et avoit commendés le dit Collignon que,
toutes fois qu il iroit à Annerey, que l’on luy ouvrit la forteresses ;
dont il fist maulx. Or, celluy traystre fist semblant qu’il volloit amener
des cher de vin et des chairette. Mais il y avoit tien aultres marchan
dise : car dessus yceulx chair et chairette y avoit des tonneau plains de
gens d’armes. Lesquelx, ce voiant les plus fort, sont sortis de leur
amhusche. Et par celle manier fut prinse la forteresses. Et, alors que ce
fut fait, ce tenoit assés près d’icelle en une aultre amhusche Michellin
de Braihant, avec grans gens d’armes. Lequel incontinant se saisit de la
place. Puis 1 ont déüvrés au duc de Lorenne, qui, pour ce temps, avoit
une pencions à la cité de trois mil frans, pour laquelle pencions il avoit
promis à aidier à garder tout le pays appartenant audit de Mets ; et
1 avoit sceellés par son sceel. Mais il faisoit hien le contraire. Car,
tout le temps de la dicte guelre, il souffrit tous les maulx qu’on volloit
faire à la cité, jusques à ce que journée fut prinse on mois ü’octohre
par 1423 ; à laquelle journée en fut faicte la paix. Et, parmey l’accord
de la dicte paix faisant, fut quictes la pancion que le dit duc avoit,
et furent rendue les lettres qu’il en avoit à ceulxde Mets. Et pareille
ment fut rendues la forteresses.
Et, hien tost aprez, c’est assavoir en ceste présente année mil IIIP
et XX, fut le dit traystre Henrey rencontrés des souldoieur de Metz,
et fut prins et amenés en ycelle, et puis mis on piilory et traynés au
pont des Mors, là où il fut desquartellés ; et en furent les pièces minse
par les portes a des potences. Et ainsy en fut la fin faicte. Pour tant eut
on que : tel deserte, tel louuier.
Item, en celle année, ne laichoit point la guelre en France, ains de
plus fort en plus fort ce destruisoient les ung aux aultres. Et tellement
que les Anglois et Bourguignon prindrent par sciège la cité de Scens,
Moret et Monstreau fault Yonne. De là vindrent mettre le siège devant
Melun, où les capitainnes et hahitans ce pourtèrent très noblement :
car il n eussent jamais rendus la ville, se la fain ne les eust constrainct.
En la dicte ville de Mellun fut prins le vaillant seigneur de Barhazan, et
enmenés prisonniés en Normendie, où il fut l’espaice de sept ans, durant
lesquelx le dit duc de Bourgongne luy fist endurer moult de martire,
pour ce qu il avoit estés consentant de la mort de son père, comme il
disoit. Pareillement fut prinse Meaulx par lez Anglois et Bourguignons*
NICOLE GRONGNAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1421)
177
Et, toutteffois, tenoient touttes les dictes ville pour le roy et le Daulphin, dont c estoit grant pitiés. Car les dits Anglois et Bourguignon,
tenant le roy de France et la royne en leur mains, lé menoient devant
touttes les villes ou ilz alloient, pour les induire à les rendre à ces
adversaire. Et, aprez plusseurs maulx faict et perpétrés par les dits
Anglois et Bourguignon, se partist le dit roy d’Angleterre pour aller en
son pays, et enmena sa fenme, Katherine de France. Laqut lie, tantost
aprez, acoucha d’un filz, app liés Hanrey.
Et plusseurs aultres choses furent faictes pour et 11 année, desqut lie
je me tairés quant à présent, et rotournerés a maistre esche-vin de
Mets.
[1421].— Or advint que, en l’an aprez, courant le milliaire par mil 1111e
et XXI, fut maistre eschevin de Metz le seigneur Nicolle Grongnat,
le bon jousteur, lequel fut filz a seigneur Nicolle Grongnat le vies.
Et, en celle année, le duc Charle de Lorainne mist le siège devant la
cité de Toult. Et, pour mieulx hatre la ville, il avoit fait faire ung
chastiaulx de bois à bastille dessus le mont Sainct Michiel, devant la
dicte cité, duquel il faisoit traire ces bomlairde et serpantinne dedans
la dicte ville et cite de Toult. Toutteffois, au bout de trois se pmainne,
y fut trouvés appointement ; et fut la paix faicte parmey une poncion
que le duc debvoit tous les ans avoir et recepvoir sur la dicte cité ; et
par ainsy furent d’accord.
Aussy, en celle année, ce contynuoit tousjours de plus en plus les
guelre en France. Et tellement que, en ce temps, les contes de Boucqua,
de Vineton, et le seigneur d Ernalle, escossois, acompaigniés de plus
seurs aultres grans seigneurs françois, eurent victoire à Bauqué 1 en
Vallée sur les Anglois, desquelx ilz occirent environ de XIIII à XVe.
Entre lesquelx fut premièrement tuez le duc de Clarence, conducteur de
1 armée et frère du roy d Angleterre, le conte de Tain, les seigneurs de
Grey, de Rooz, et plusseurs aultres nobles. Car en leur compaignie n’y
avoit fors lez hommes d’armes, sans archiés. Avec ce, furent prisonniés
lez conte de Hostidon, de Soubresset, et son frère messire Thomas de
Beaufort. Et fut ceste bataille la veille de Paisque.
Item, en ce temps, monsseigneur le Daulphin print le chastiau
nommés Montmyral, et plusseurs aultres places. Et fist le conte de
Boucquan 2 conestauble de France. En ce temps, aprez ce que le roy
d’Angleterre oit prins Dreux par composicions, et plusseurs aultres
forteresses, sur les François, et en s’en retournant devers Vendosme,
il perdit de famine et mortalité environ quatre mil Anglois, lesquelx
furent trouvés mort par lez chamin par où il estoient passés.
Et, tantost après, le devant dit roy d’Angleterre morut, le darnier
jour d aoust, au bois de Vincenne, malade de la malladie sainct Fiacre.
Et, au XXIe jour du mois d’octobre ensuyant, Charte VI, appellé te
1. Beaugé, 22 mars 1421.
2. Jean Stuart, ewarte de Bircàan.
lî
178
HENRI VI COURONNÉ ROI D’ANGLETERRE ET DE FRANCE (1422)
Bien Ameis, roy de France LIIe, trespassa ; et fut enterrés à Sainct
Denis. Et aprez luy régna son filz Charle, VIIe de ce nom, et LUI6 roy
de France. Et ne fut pas celluy Charles cy très tost corronnés, pour tant
que le chemin estoit alors empeschiés pour aller à Rains. Car la plus
part des villes tenoient pour le petit Hanrey d’Angleterre. Entre les
quelles Paris, cité capitalle du royaulme, tenoit pour le dit Hanrey
d’Angleterre, lequel avec ce se disoit roy de France. Et, pour ce, en
la chancellerie à Paris, on sceelloit tout on nom du dit Henrey, en l’inti
tulant roy de France et d’Angleterre. Et fîst on faire ung grant sceel
où estoient les armes de France et d’Angleterre ; et y avoit assis ung
roy en une chayère, tenant deux sceptres en ces deux mains : au coustés
dextre estoit l’escu de France tout plain, et au senestre l’escus d’Angle
terre escartallé de fleur de lis et de liépars ; et ainsy usurpoit le nom de
roy de France. Et faisoit forgier monnoie, laquelle avoit par devers
la pille les deux escus de France et d’Angleterre, et devers la croix
estoit comme ung salus. Et, pareillement, furent fait et forgiés on nom
dudit Henrey yceulx salus d’or, jà soit0 ce que le devant dit Hanrey
n’avoit que ung ans de aige, luy qui estoit de engin ébété et non assés
suffisant à l’exercite de royaulle magesté; et, jà ce que Fortune l’eust
illustré et mis à son commencement au plus hault de la roe, néantmoins
il le délessa tellement que, avant qu’il vint à la fin de ces jours, il fut
chassés et expulsés des deux royaulmes, et en misérable servitude
passa sa vieillesse, comme cy aprez sera dit.
Pareillement, en ce temps, le dit Charle, VIIe de ce nom, lequel alors
n’estoit encor que daulphin, se intituloit roy de France, et ce y faisoit
nommer par ces lettres patentes ; et, aussy, en son grand sceel estoit
escript : Charle, par la grâce de Dieu, roy de France. Et ainsy estoient
les choses par le royaulme discordante et en huttin, car l’un tenoit
pour Charles et l’autres pour Henrey. Et, pour ce que le dit Charles
avoit moins de obéyssant, les Angloys, en le mocquant, l’appelloient
le roy de Berry. Et, de celle heure, ce esleva plus fort guelre que jamais,
et y oit moult de grand diverse et mortelle rencontre, esquelles plusseurs vaillant hommes de guelre furent exterminés et desconfis, tant
de l’un des coustés comme de l’autre. Et durait celle piteuse guelre
par plusseurs jours, comme cy après oyrés.
Item, en celle dicte année, le jour de feste saincte Lucie, devant
Noël, les yawes furent tellement grandes et hors de rive que, en Mets,
on ne veoit nulle des arche qui soubtiegne le grant pont des Mors, et,
par espécialle, celle du coustés devers le pont Thiefïrois. Et croy que
de loing temps devant l’on ne les avoit veu sy grande que alors elle
estoient.
Cy en lairons le pairler et retournerons au maistres eschevin de
Mets et à plusseurs aultres besoingnes digne de mémoire.
«. E : fasoit.
JACQUES ROLLENAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1423)
179
Mil iiüc xxij. — L’an « après, mil quaitre cent et XXII, fut maistre
eschevin de la cité de Mets le seigneurs Guercier Hurei.
En laquelle année je ne trouve chose estre escriptes ne digne de
mestre en mémoire que soit advenue pour cellui ans en la cité de
Mets ne on païs d’icelle.
Le duc des Mon délivrés. — For que ce fut pour cellui tampts que le
duc des Mon fut délivrés de la prison du duc de Loherenne et fut remis
en sa libertés, parmi certaine covenance qu’il olrent ensamble.
Les François desconfis. — En celle année, messire Jehan de Bellay,
françoy, acompaigniés de deux cens combatans, fut desconflt par les
Anglois, qui n’estoient que de LX à IIIIXX. Aucy, messire Guillaume de
Sainct Liger et le sire de Gamaches desconfirent les Bourgongnons en
un lieu nommé la Blanche Taque A Item, le sire de Fontaines rencontra
et desconflt les Anglois à Neufville Larris 2,
* 1on pays du Maine, et en
occist de VI à VIIIXX.
Plussieur destresse faicte entre Anglois et François. — Puis, en ce
tampts, les contes de Salbery et de Suffort 3, anglois, et le mareschal
de Bourgongne desconfirent devent Crevant les François. Entre
lesquelles estoit le seigneur de Deruelle, escot 4, connestable d’Escoce,
qui fut prins, et le sire de Fontainez en Anjou, que y mourut, et plu
sieurs aultres, que mors que pris, jusques a nombre de deux à trois mil
François. Pareillement, Jehan de Harcourt, conte d’Aumale, messire
Ambrois de Loré 5, messire Jehan de la Haye, seigneur de Coulonces,
Pierre, bastard d’Alençon, Andry de Laval, messire Loys de Laval,
messire Loys Tromargon, et plusieurs aultres, occirent en ung lieu
nommé Broissinière 6, 7sur les marches du Maine et de Normandie,
environ XIIIR Anglois en champts de bataille, et deux à trois cent en
la chasse, tellement que, de la compaignie desdit Anglois, qui estoient
de deux mil et Ve combatans, ne demoura que environ cent Anglois
seullement. Entre lesquelz fut prins le sire de la Poulie 7, capitaine
desdit Anglois, Thoans Abourg et messire Thomas Clisseton, et plu
sieurs aultres. En celle dicte rencontre y fut fait chevalier messire
Andry de Laval, françois ; et y mourut messire Jehan le Roux, françois, avec peu d’aultres.
Mil iiiic xxiij. — Puis, en l’an après, mil quaitre cent et XXIII,
fut maistre eschevin de la cité de Mets le sire Jaicques Rollenat.
La wélure de vin pour xij sols. — Or, advint en Mets pour celle année,
а. Nous reprenons ici le manuscrit M.
1. Jean Chartier, Chronique de Charles VII, éd. Vallet de Viriville, t. I, p. 31.
2. Neufville-la-Laiz (Sarthe, Le Mans) ; ibid., t. I, p. 32.
3. Salisbury et Suiïolk. — Il s’agit de la bataille de Cravant-sur-Yonne, juillet 1423.
— Voyez Jean Chartier, ibid., t. I, p. 32.
4. Écossais.
5. Ambroise de Loré, baron d’Ivry (1396-1446).
б. Bataille de la La Gravelle ou de la Broussinière.
7. William Pôle ; Philippe a écorché les noms de Thomas Aboing et de Thomas
Clifleton. — Sur cette bataille, voyez Jean Chartier, op. obi., I, 33.
180
ÉPIDÉMIE DE PESTE (1423)
et aucy és pays joindant, que le vin fut à cy grand merchiez que, durant
le cours dé vandange, l’on avoit une wéture de vin pour XII sols de
messins. Mais, pour la grand abondance du vin, lez tonniaulx estoient
cy très chier que autant coustoit le fuste que le vin. Et fut celle année
treffort pluvyneuse et fangeuse. Parquoy les fruit furent mal meurs
et le tempts mal saincts.
Mortalité de peste. — Et, à l’ocasion de ce, acomensa une épidémie à
régner, et à ce morir de peste, tant en Mets comme en plusieurs aultre
lieu. Et se enforsoit celle peste de XV jours, ou de moix à aultres, par
interpolacion. Et y avoit plusieurs personne entaché de xantelle et
aultre fistulle. Et durait celle pestilance environ l’espaisse de trois
ans continuellement sans laichier. Item, toutefïois, en celle année, il
fist de grand gellée depuis Noé en jusques environ le gray dimenche.
Aucy, en cest année, ce continuoient tousjours lez guerre en France,
dont c’estoit pitié et domaige. Et, entre les aultre chose faicte, fut mis
le sciège par les Anglois devent la ville de Sedanne 1. Dont estoit chief
d’icelluy sciège le conte de Sallebery ; et y fut depuis Paicques en
jusques à la sainct Jehan Baptiste. Puis fut la dicte ville minée, et
l’assault donné. Auquelle moururent environ LX François ; et en y eut
LX dez pandus, et fut le résidu détenu prisonnier ; entre lesquelz
estoit messire Roger de Criquetot, chevalier, du païs de Normandie.
Paireillement, en ce tampts, le sire de Beaufort, admirai de Bretaigne,
desconfit les Anglois tenant le siège devent le Mont Sainct Michiel.
Et tout a cas pareille en fist messire Jehan de la Haye, baron de Coulonces ; car il desconfit en Grève, près du Mont Sainct Michiel, les
Anglois, desquelles moururent environ deux cens.
Marcelle prinse par le roy d’Aragon. — Puis, en celle meisme année,
le roy d’Arragon print la cité de Mercelle par force, et y boutait le feu,
depuis qu’il l’ost desrobée et pillée par trois jours. De laquelle prinse
les Arragonnès ce en tenoient cy très fier qu’il en composairent une
chanson en castellains, laquelle je, l’escripvains de cest, ais oy plu
sieurs fois chanter en Ytallie et aultre part. Et ce acommensoit aincy :
Marsaille la renonmaido,
Jamaya pieus n’aras honore.
Car tu t’as laixaido pillaido
Par l’armato d’Aragonne (des Castillains).
Plusieurs aultres grand rancontre et tueiie ce firent encor pour celle
année, lesquelles je laisse pour abrégier.
Le seigneur de Comercei se rend au duc de Lorenne. — Item, aucy en
celle meisme année, le duc Charles de Loherenne constraindit tellement
le damoiseaulx de Commersy, nommés Robert, lequel alors luy estoit
rebelle, qu’il le fist venir à mercy et à soy humillier. Car à l’ayde du
dit duc Charles estoit venus le sire du Chasteaulx Villain avec VIIIe
compaignon d’armes bien armés et en point.
1. Jean Ckaïtibs, op. cit., t. I, p. 38. — Gaguin, Les Grandes Oroniques, Pari»,
pour GeJliot du Pi>6, 1514-, f° CLV V», itaprinje 9eêan:e en Bnje.
NICOLE DE RAIGECOURT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1424)
181
Mais de ces chose je ne dirés plus quant à présant, et retournerés a
maistre eschevin de Mets, et à plusieurs aultre besonne.
Mil iiijc et xxiiij. — Item, en l’an après, et que le milliair courroit
par mil quaitre cent et XXIIII, fut alors maistre eschevin de la cité
de Metz le seigneur Nicolle de Ragecourt.
Le conte de Glay aux secours du roy. — Et, en celle meisme année,
le conte de Glatz i, escoçoys, vint en France, atout quaitre ou cinq mil
combatans, pour donner secours a roy ; et, pour ce, luy fut donnée la
duché de Tourraine.
Et, en cest année, fut né le daulphin Loys, lequelle depuis ait estés
roy de France.
Item, aucy en ce tampts, le duc de Bethfort, régent de France pour
la partie des Anglois, print la ville et chasteau d’Yvry en Normandie.
Et, par oposite, le duc d’Alenson, les contes du Glatz, d’Aumale, de
Bouquan, connestable de France, et le viconte de Nerbonne, prindrent
la ville et chasteau de Vernuel, au Perche, qui alors apartenoit a duc
d’Alençon. Laquelle il ne tindrent pas longuement ; car, tantost après,
fut la bataille dudit Vernuel 2 3au Perche, où mourrurent des Françoys
environ trois ou quaitre mil. C’est assavoir lez contes du Glatz, et
James, son filz, le conte de Bouquan, connestable de France, le conte
d’Aulmale, le viconte de Narbonne, le conte de Vanchadour 3, le sire
de Graville, le sire de Beaussault, messire Charles le Bon 4, 5messire
Anthoine de Caourses 5, seigneur de Malicorne, et messire Guillaume de
la Palu. Les prisonniers furent le duc et le bastard d’Alençon, le sire
de la Fayette, mareschal de France, et plusieurs autres. Et fut celle
dicte journée aincy perdue par l’avarice des Lombars qui estoient
avec les François, lesquelles Lombars se mirent à pillier avant qu’il en
fust tampts. En l’armée des Anglois estoient les principalx le duc de
Betfort, les conte de Salbery et de Sussoc 6.
Et, en ce tampts, ledit conte de Salbery print la cité du Mans et
plusieurs autre ville et chasteaulx. Item, en ce tampts, lesdit Anglois
répairèrent et réédifiairent une ville sceant és marches de Normandie,
appellée Sainct James le Bevron ". Devont laquelle Artus de Richemont,
que nouvellement estoit fait connestauble de France, mist le sciège
atout grant armée. Lequel fut finablement levé à la honte de luy et de
tous les François, desquelles furent tués de quaitre à cinq cens.
Aucy, en ce tampts, Phelippe, duc de Bourgongne, occist en Hénault
1. Duglas dans Jean Chartier, op. cit., t. I, p. 40. Il s’agit du comte Archibald de
Doug as, qui mourut à Verneuil le 17 août 1424.
2. Verneuil, 17 août 1424. — Voyez Jean Chartier, op. cit., t. I, p. 43.
3. Le comte de Ventadour.
4. Charles Lebrun.
5. Chourses.
6. Sufïort dans Jean Chartier, op. cit., t. I, p. 42.
7 Saint Jame de Beuvron, id., ibid., t. I, p. 49. Saint James (Manche, Avranches).
182
LA DIGUE DE WADRINAU ROMPUE ET REFAITE (1424 a. St.)
environ mil et V cens Anglois, lesquelle de nouveau estoient descendus ;
et d iceulx estoit capitenne le sire de Sauvatre *1.
Esclipse. — En celle année “, on moix de jung, fut éclipse le jeudi
devent la sainct Jehan, environ quaitre heure après midi.
Les blan raisins engellés. — Item, en celle meisme année, devers la
fin du moix de septembre, furent a païs de Mets les blans raisins engellés
au sappe 2 ; parquoy les vins blanc furent pour celle année grevains 3
et amer. Puis, on moix d’octobre en ensuiant, comença la pluye de
telle fasson que elle continua jusques au moix de mars.
En celle meisme année, le duc de Closettre, anglois, print Hénaulx,
à cause de sa femme, laquelle avoit encor le duc de Brabant pour mary.
Maix en briefz il en perdit la possession et c’en retourna en Angleterre.
Et alors fut prinse la contesse, et la thint le duc de Bourgongne à
tousjours prisonnières, pour tant que elle ne retournait errier a duc
de Closettre.
La duchesse de Bar fait son entrée au Pont. — Item, en la dite année,
le Ve jour du moix de febvrier, ma damme la duchesse de Bar, fille du
duc Charles de Loherenne, fist sa premier venue et antrée au Pont à
Mousson. Auquelle lieu y oit moult de vaillant chevalier et escuier et
aultre vaillans gens, citoiens et bourgeois, qui joustairent et firent
grant feste.
Et, en ce meisme jour, y oit ung homme estrangier, lequelle, avec une
grande beste, antrait en Mets. Et estoit celle beste ung chamoix, qui
avoit deux grosse bousse sur le dos ; et, qui la voulloit veoir, il paioit
ung denier.
Waldrinowe rumpue et refais. — En ce meisme tampts, avint ung
grand déluge et une villaine enfondure en Mets. Car la venne de Wauldrenowe fut tellement rompue que, depuis l’encommencement de mars
en jusques a jour sainct Cristofïle, les yawe estoient tellement petitte
en la cité que on alloit à piedz sèche depuis la dicte Wauldrenowe en
jusques a pont Sainct George, et plus. Et n’estoit mye en la puissance
des héritiers qui tenoient lez mollin de Mets de la retenir. Car alors,
par deffaulte d’yawe, il n’y avoit mollin mollans.
Les seigneur a[chètent\ les molli[ns] ...eulx pour [/a] cité. — Parquoy,
quant les seigneurs et gouverneurs de la ville virent celle chose, ilz
appliquairent dès lors lesdit mollins au profïît et utillité de la cité, comme
à présant il sont. Et, pour refïaire la dicte Wauldrenove, furent commendez les bonne gens du païs pour y aller à crouuée. Et firent tant
par leur journée, avec les masson, qu’elle fut cy bien refïaitte et rete
nue, comme je croy, que jamaix, ou du moins de loing tampts, n’y en
vanrait deffault.
a. Par suite d’une erreur de reliure, il faut, après le f° 416 p°, se reporter dans le ms. M
au f° 74 r°.
1. Feuvatre dans Chartier, id., ibid., p. 50 ; Fitzvater.
2. Cep.
3. Grevain, de mauvaise qualité.
GUILLAUME CHAVERSON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1425)
183
Mil iiijc et xxv. — En l’an après, courrant le milliair par mil quaitre
cens et XXV, fut maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Willaume Chaverson.
Et, en celle année, les seigneur de Rays et de Beaumanoir prindrent
le chasteau de Malicorne 1 sur les Anglois. Et pandirent tous lez gens
d’armes qu’il trouvairent dedans de la nacion de France.
Le seigneur de Gyac noyés. — En ce tampts, Artus de Richemont,
connestable de France, fist prandre de nuit le seigneur de Gyac, grand
conseiller du roy de France, estant couchié avec sa femme. Et puis,
après son procès fait, le fist getter en la rivier, sans le sceu du roy.
Et disoit on que, au gouvernement du royaulme, il avoit plus le regairt
à son proufîit particulier que au bien publicquez.
Item, en après, il fut en bruit que Camus de Beaulieu, lequelle
en l’année ensuiant fut tué à Poictiers, le fut par les gens dudit
connestable.
Et, en celle meisme année, le dit connestable, acompaignié des
seigneur de Graville, de Gaucourt et de La Hire, levèrent le siège que
les contes de Warvich et de Sufïort, anglois, tenoient devant Montargis.
Rymalcourt prinse par ceulx de Lorainne. — Pareillement, en celle
meisme année, Charles, duc de Loherenne, et Regnier, son genre,
prinrent le chasteaulx de Rymalcourt et l’abbatirent.
Et, en celle mesme année, le devent dit Regnier de Bar prinrent la
Fertey 2 et destruirent les murs pour les Françoys.
Aucy, en celle dicte année, fut prins le chasteaulx de Mymels, par
les Anglois, et puis après reprins par les Françoys. Et par dix fois fut
prins et reprins, tant desdit Anglois comme des Françoys.
La vie sainct Victor juée en Mets par parsonnaige. — Item, en la dicte
année, le premier jour du moix d’awost, fut juez en Mets le jeu et le
martire du glorieulx sainct Victor en la plaisse de Change. Et fut le
personnaige de sainct Victor ung jantilz juste, nommés maistre Cherbin, lequelle alors estoit maistre et régentoit l’escolle de Sainct Vyt.
Et durait cellui jeu trois jours.
Ung trahistre décapité. — Et, a VIe jours d’octouhre ensuiant, fut
faictes justice criminelle à Mets. Et fut excécutés Pierson Frouuay
l’escripvain. Et, premier, il fut mis au pilloris, et puis traynés au
Champts ; et, ce fait, on luy tranchait la teste ; et puis fut mis dessoubz
le gibet de Mets, sus une rue ; pour tant qu’il avoit voullus trayr le
chastel de Mouson.
Grand lonoirre oullre saison. — Item, en celle année, il fist cy grand
tonnoire on moix de janvier, et pairellement on moix de febvrier, et à
chacun de tous les aultrez moix, jusques a moix de septembre, que ce
fut merveille ; ne de loing tampts l’on n’avoit veu faire le tampts
pareille.
1. Jean Chartier, op. cit., t. 1, p. 53.
2. La Ferté Bernard, Sarthe, Mamers ; voyez Jean Chartier, op. cit., t. I, p. 4b-47.
184
PIERRE DIEUDONNÉ, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1427)
Mil uijc et xxvj. — Or, en l’an après, et que le milliair courroit par
mil quaitre cent et XXVI, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets
le seigneur Nicolle le Gournaix le vielz, lequelle, en son jonne eaige
on appelloit Collignon Wogenel.
xvj mil parsonne mort de peste. — Et, en celle année, fut une grande
et merveilleuse mortallités en Mets et és pays joindant. Car, de la peste,
1 on mouroit cy très fort que, de compte fait, il en mourut en Mets
XVI mil, que grand que petit.
Les vignes engellée. — Et, avec ce, avint en la dite année que les
vigne furent engellée devent le mey avril. Parquoy n’y oit point de vin
pour celle année que à compter fut.
)
^uc d Alençon délivrés. — Item, en la dicte année, Jehan, duc
d Alançon, qui avoit estés prins des Anglois à la journée de Vernueil,
fut délivré de prison, en paiant deux cens mil escus de ransons.
En ce tempts, les seigneurs de Rays et de Beaumanoir prindrent le
Lude sur Loire *, dont estoit capitaine ung Anglois appellé Blanquebourne, qui y fut tué.
On dit ans, messire Ambrois de Loré desconfit une compaignie d’Anglois, nombrés de mil à deux cens, desquelle furent occis de VII à
VHIXX, en ung villaige nommé Ambrières, à demi lieue de Saincte
Susanne ; et y fust leur capitaine prisonnier. Et, alors, messire Jehan
Fastol 12, 3anglois,
45
mist le siège devant ung chasteau nommé Sainct
Omen 4 ; et puis fut mis devent ung aultre appellé la Gruelle 3. Les
quelz successivement il print par composicion. Aussy dient aulcunes
cfonicque que la ville du Mans fust prinse par les François, et puis
reconquestée par le sire de Talebot.
Et plusieurs aultre chose furent encor faictes en celluy tampts,
desquelles je ne dirés plus quant à présant. Ains retournerés a maistre
eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoingne.
Mil iiiic et xxvij. — Après, et on tampts que le milliair courroit par
mil quaitre cens et XXVII, fut maistre eschevin de la cité de Mets le
seigneurs Pier Deudeney.
La guerre se fortifie de plus en plus entre Bourguignon et François. —
Et, en celle année, le conestable Richemont fist emparer 5 la ville de
Pontorçon en Normandie. Laquelle, tantost après, fut assiégée et
prinse par les Anglois, c’est assavoir par le conte de Warvich et le sire
de Tallebot. Et en estoit capitaine Bertra[n]d de Dinan, frère du sire
de Chasteau Briant. Durant le dit sciège, le sire de Scales, anglois,
atout grosse armée, rencontra les François entre le Mont Sainct Michiel
et Avrenche. Lesquelz il desconfit ; et y furent mors messire Jehan de
1. Le Lude-sur-Loir (Sarthe, La Flèche). — Le capitaine anglais est appelé Blacqueèourne par Chartier, op. cil., t. I, p. 57.
I. Sir John Falstat.
3. Saint-Ouen (Chartier, op. cit., t. I, p. 56).
4. La Gravelle.
5.
Fortifier, munir de remparts.
INONDATIONS DANS LE PAYS DE METZ (1427)
185
la Haye, baron de Coutances *, le sire de la Hunaudoie, le sire de Chastel
Giron, et plusieurs aultres. En ce meisme ans, Henry, duc d’Esleswich,
tenant le siège devant le chasteaulx de Vlensborgh, mourut miséra
blement.
Item, aucy on dit ans, furent fais maulx innumérable és cité mari
times des Esclavons.
Mutation a de vij ou viij païsans. — Aucy, en celle dicte année, le
jour de la sainct Jaicques et sainct Phelippe, premier jour de may,
auquel jours est la dédicasse de l’église paroichialle de Sainct Julien
és bours de Mets, et aquelle jours ce trouve plusieurs parsonne pour la
sollanités de la feste que illec ce fait, cy advint que au dit lieu, emmey
la voye, ce trouvairent VII homme de la ville de Servigny, lesquelles
heurent grand question avec ung aultre, tout a plus près de la feste.
Et, aincy comme villainement il le mollestoient et menoient mal, par
adventure auprès de là sourvindrent à passer aulcuns dez seigneur de
la cité. Lesquelle, voiant le tort que l’on faisoit à celluy pouvre gallans,
qui estoit seulle, les voulurent despartir. Parquoy grand huttin ce
esmeut ; et ne voulrent laissier leur entreprinse pour chose que lesdit
seigneur en seussent faire. Ains, de fait, ce prinrent au serviteur desdit
seigneur, et en baitirent aulcuns. Parquoy la mains fut mise à eulx ;
et en y oit quaitre des prins et mis en l’ostel de la ville. Puis, leur sen
tence donnée, furent menés au pont des Mors, chacun ung sac sur leur
col. Et eussent estez noiés, ce ne fut estés à la prière de seigneur Willaume Chaverson et de seigneur Nicolle de Heu. Toutefïois, au mieulx
venir, il en olrent chacun les deux oireille coppée.
Item, en celle dicte année, olrent les Baihainon 2* 1grant victoire de
leur voisin, qui estoient leur annemi.
Muzelle hors de ryve. — Aucy avint, en celle meisme année, que en
Mets et ez pays joindant les yawe des rivières furent cy grand et hors
de rive que la rivier de Meselle ce estandoit en jusques à trois ormes
qui alors estoient après et en allant à Sainct Mertin devent Mets. Et
tellement estoit grande que on ne veoit point le pon Quinquaralle,
ad cause qu’il estoit tous couvers d’icelle yawe. Et fut ce environ la
sainct Jehan Baptiste et a plus grand jour d’estés. Et avint aincy
ycelle yawe soudainement pour ce que en ce tampts il pleut par l’espasse
de XXXII heure sans cesser. Et, au chief de VIII jour après, furent
encor aucy grandes comme aparavent elle avoient estés. Et, pareille
ment, ledit ans, devers la sainct Remy, retournairent errier grande
comme devent.
Le paiis de Chippre perdus. — Item, en celle année, le roy de Chippre,
appellés Janus 3, fut abbatus par les Sarrazins du souldan et prins,
et son pais destruit.
a. Il faut sans doute lire mutilation.
1. Coulomces d’après Jean Chartier, op. cit., t. I, p. 60.
2. Allusion aux exploits des Hussites.
3. Janus ou Jean de Lusignan lut fait prisonnier pax les Égyptiens en 1426.
186
JEAN PAPEREL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1428)
Et plusieurs aultres chose furent encor faictes pour celluy tampts,
desquelie je me passe d’en plus dire.
Mil iiijc et xxviij. - L’an mil quaitre cent et XXVIII, fut maistre
eschevin de la cité de Mets le sire Jehan Paperel.
Festin fait par les josne seigneur de Mets. — Et, en celle année,
la 0 vigille de la Panthecouste, qui alors estoit le VIIIe jour du moix de
jung, ce fist une triumphe en la dicte ville et cité de Mets. Car, à ce jour,
Abertin Boullay, Collignon, fîlz du seigneur Jacques Dex, chevalier.
Perrin, filz seigneur Pier Deudeny, et Warry d’Ardenne, qui estoient
accollittre de la Grant Église d’icelle cité, furent ycelluy jour très
noblement parés et vestus de rouge. Et chevaulchoient parmy la ville,
pourtans espérons dorez ; et firent porter une coronne de cire pesant
IIIIxxet IX livrez, moult très bien ouvrée, et ycelle coronne donnèrent
à la Grant Église. Et estoit la dite corrogne ymaigieez et à fleur moult
richement. Et estoient yceulx seigneur devent dit acompaigniez de
leur parans et amis en grant triumphe ; et tellement qu’il les faisoit
moult biaulx veoir.
Item, en celle meisme année, furent les rivier de Muselle et de Saille
ausy grande comme elle avoie esté l’année passée.
Chierlé de bledz.
Et, pareillement, en celle année, fut grant chierté
de blefz en Bourgongne. Parquoy, en l’an après, l’on c’y moroit t.refïort ;
et régnoit horiblement l’épidimie en la dicte Bourgongne.
Aucy, en celle meisme année, régnoit et fist grand froidure, et fut le
tampts fort pluvineulx t> depuis l’acomencement jusques en awoust.
Maix tout ledit moix d’awoust fut très chault et sec, tellement qu’en la
fin encomensairent les raisins à mûrir. Et ce avancirent tellement que,
dedans trois sepmainnes, il furent bien mûres. Et furent les vins bons.
Maix il en y oit bien peu, pour ce que, à la Pasques devant, les vignes
avoient estés engellées.
Puis, en celle dicte année, le roy Charles leva le siège de devant
Montagny. Et ce y oit plusieurs Anglois tuez, et les aultres s’en fuyairent.
Une homme [noyé]; une femme [noyée], — Item, avint aussy en celle
année, le XVIe jour du moix de juillet, que ung homme, appellé Simonnin Lenoir, et sa femme, estoient banis de Mets pour c aulcun certain
tempts. Et, depuis, furent prins et amenés en Mets, pour tant qu’il
avoient vendus au woués de Hannapier quatre homme pauxeur *1 de
Mets. Et, le samedi après, furent menés au pont des Mors et noiez. Et
vouloit tousjours la dictes femmes défigurer son mary.
Or, avint encor que, en l’an dessus dit, le premier jour du mois d’aoust,
1 aînée fille du duc Charles de Loherenne oit de Regnier, duc de Bar,
a. M : la manque.
b. E : pluvyeulx.
c. M : par.
1. Pêcheurs.
COMMENCEMENT DE LA GUERRE DE (( LA HOTTÉE DE POMMES » (1428) 18*7
son mary, ung beaulx fîlz, qui fut baptisés en la ville de Nancy, le
mairdi après ensuyant, qui estoit le Ve jour dudit moix. Et fut nommé
seigneur Jehan, dont seigneurs Conrard Baière de Bopart, évesquez de
Mets, et l’évesque de Strabourg, ses deux frère, furent parains ; mais
des comère, je n’en sçay les nons. Et fist on grand feste à Nancy et à
tout le païs de Lourainne et de Bar, car celluy duc Regnier, duc de
Bar, estoit ung des plus noble de toutte la chrestienté. Il fut filz du
roy Loys, roy de Jhérusalam et de Scecille et de Naple, et des plus
grant de la noble fleur de lis ®.
[Une] guerre [aco]menceé entre [ce]ulx de Lorainne [et ceulx] de Mets
à peu [d’occasion. — Paireillement, avint en celle dicte année une
acomencement de guerre. Car, on moix de septembre, le sire Nicolle
Chaillo, alors abbé de Sainct Martin devent Mets, fist cuyllir environ
une hottée de pomme en ung gerdin qu’il avoit en ycelle ville de Sainct
Mertin devent Mets, qui alors estoit ung très biaulx villaige (dont
moult de maulx en sont venus, comme vous orrés cy après). Et ycelle
pomme fist ledit abbé appourter en sa maison. Et, quant les monne le
solrent, il c’en allairent en Loherenne plaindre a duc Charles. Lequelle
duc en fist requeste par plusieurs fois à la cité, et cuydoit tenir les
seigneur d’icelle à tel qu’ilz en feroient à luy la recreance. Mais lesdit
seigneur de Mets, considérant que, c’il faisoient celle chose, elle seroit
à tousjour maix grevauble aux franchises de la dicte cité et des habitans d’icelle, sy en firent responce soufïïsantes. Et, quant le duc devent
dit ouyt celle responce, et qu’il vit bien que les seigneur de Mets n en
tenoient conte, et qu’il n’en feroient nulle recreance, il fist gaigier sut
yceulx seigneur en la ville de Corney, et fist prandre par son prévost
de Preney touttes les bestes et les hommes qu’il polrent trouver en la
dicte ville de Corney. Et, depuis, pour lettres que ceulx de Mets en
sceussent rescripre, il n’en voult faire recreance. Dont lesdit seigneur,
très mal contant, prepousairent de c’en vangier. Et, de fait, saillirent
les soudoieur au champts sur ledit duc de Lorraine en la ville de Velcain et amenairent plusieurs beste, c’est assavoir vaches, chevaulx,
brebis et aultre bestiaulx.
Parquoy, quant ledit duc de Loherenne vit que, pour ces waigiers,
il ne pourroit jouyr de son intencion, il ce pansait qu il feroit une aultre
chose parquoy il poulroit plus grever lesdit seigneurs de Metz. Sy fist
par une couverture ^ defiier lesdit de Mets, sans cause et cen raison,
par ung appellé Dedier de Chaufour. Et, avec ce, souffrit que tous ces
chevalier, escuiers et jantilz homme deffiaissent la cité à la cause dudit
Dedier. Et les soubstint en ces bonnes ville et forteresse contre la dicte
cité et les habitans. Et firent iceulx plusieurs malz et grand domaiges
sur nosdit seigneur de Mets. Et cuydoit bien ledit duc joyr de son inten
cion. Mais tout ce ne luy vallust rien, car, à qui Dieu veult aydier, nul
ne le peult nuyre.
a. M : dellia ; E : delis.
1. Belrain, Meuse, Commercy, Pierrsfitte.
2. Couverture a ici la valeur de moyen détourné.
188
LA MUTTE FONDUE
(24 NOVEMBRE 1428)
Parquoy avmt que, quant lesdit seigneurs de Mets virent et olrent
bien considérés ycelle chose, il sceurent aulcuns qui avoient grand
désir de courre on pais du duc devent dit, pour certaine oppression de
fait que ledit duc de Loherenne leur avoit fait et souffrir i de faire, par
luy et par ces gens. Sy entreprindre yceulx personnaige la guerre
encontre ledit duc.
C’est assavoir, pour le premier, ce fut ung gentil escuier, appellé
Arest, auquel ceulx de Mets accompaignont la moitié de la forteresse de
Verry. Celluy Arest avoit en sa compagnie plusieurs gens d’armes,
lesqueulx firent plusieurs grief et dommaiges sur le dit duc de Lohe
renne. Et, espéciallement, il destruirent tellement la ville et l’abahiees
dudit Sainct Mertin qu’il n’y laissairent maison droictes ny enthier,
néantmoins que alors c estoit le plus biaulx villaige du païs et le mieulx
édifïiés. Et y avoit bien VIXX conduit12, ou environ, lesquelx furent tous
destruit, comme dit est, excepté l’église de l’abbaïe et celle de la paroche, ausquelles deux église firent assés poc de meffait. Et, combien
que, entre les maison devent dictez, partie d’icelles estoient a seigneur
et bourjois de la cité, néantmoins tout fut mis à ruyne, affin que jamaix ne c y fit aulcuns fort. Car, alors, plusieur mal estoient en ce
lieu fait et perpétrés, a 1 ocasion de ce que tous malfacteur et malvueullant de la cité ce retiroient là. Et, de fait, tous estatus, ordonnance
et édit de la cité estoient illec enfrains et rompus.
Aucy, en celle dicte année meisme, fit grant froict, et fut le tampts
pluvyeulx depuis l’ancomencement jusques en awoust, comme cy
devent est dit.
Pareillement, en celle meisme année, la vigille de la saincte Kathe
rine, fut faictes et fondue la grosse cloche de la cité appellée Meutte.
Et en furent les ouvriez maistre Jehan de Galle et maistre Jehan de
Lucembourg. Et y oit au souffler XXVI soufflés, et sus chacun d’yceulx
soufflés deux hommes, et soufflairent VI heure sans cesser. Et y avoit
en la fornaise XIX millier de matte et XVIIc d’estain de Cornouelle.
Et fut trouvé que la dicte cloche pesoit après la descheance XVI mil
liers et VIII cent.
[épilogue]
Mais de ces choses ne dirés plus quant à présant, et feray fin à cestuy
second livre des cronicque de France.de Mets et de Loherenne. Car, au
thier, quairt et dernier livre ycy après escript, je parlerais plus ample
ment des chose advenue en ycelle noble cité et és païs joindant que je
n’ay fait és deux livre précédant. Et, au premier du thier livre, vous
1. Prononcez touffri : c’est le participe passé touffert.
2. Conduit a ici la valeur de minage, feu.
ÉPILOGUE DU SECOND LIVRE
189
serait desclairés toutte la dite guerre et les maulx qui avindrent pour la
devent dicte hottée de pomme. Puis vanrés à dire de lapucelle Jehenne,
native d’ung villaige auprès de Waulcoleur en Loherenne, et cornent,
par la voulluntez et miraicle de Dieu, elle remist le devent dit roy
Charles VII en son royaulme. Après, oyrés de la guerre du duc de Bar
et du conte de Wauldelmont l’ung contre l’aultre. Puis de la guerre du
damoisiaulx Robert de Commercy, de la guerre de Fléville, de la guerre
des Lohorains et des François devent Mets, c’on dit la guerre des
Rois. Et, paireillement, de la guerre dez chanoigne de la Grand Église
d’ycelle cité, et de plusieurs aultre guerre et chose digne de mémoire,
jusques à l’entreprinse du duc Nicollas de Loherenne, et comont,
subtillement et par amblée, il cuidait prandre la devent dicte cité de
Mets. Et serait cest histoire l’acomancement du quatriesme livre.
Cy prie à tous les liseur et auditeur qu’il vueullent pranre l’euvre
en grés, et que, des faulte qu’il y trouvanront, me vueullent pardonner,
et avec ce les corrigier et amander a.
a. Au bas du dernier jeuillet se trouve la mention suivante : [Ces] cronicques ont estés
retirés des mains de Monsieur [de] Marescot par le soussigné amant citain de Metz.
A Parri, ce 12e mars 1624. De Vigneulles. — Les mots amant citain de Metz ont été
barbouillés à dessein à une époque plus récente.
LIVRE III
[prologue]
Signeurs et dames, qui prends plaisir à lire et désirés sçavoir, congnoistre et entendre les fais des anciennes hystoires et cronicques,
vous avés par cy devent oy 1, és deux livre précédant, c’est assavoir
en la premier et seconde partie de ce présant livre, auquel il ait estés
dit, contenus et pairlés des cronicques de France, de Mets et de Loherenne ; et, avec ce, avés oy et entandus plusieurs merveilles et chose
digne de mémoire, estrange et admirative à raconter, tant de la pre
mier fondacion d’icelle noble cité, qui fut faictes, construictes et fondée,
ce lion aulcuns, devent et ainçois que jamaix la grand Troye, Tryvez
ne Romme fussent acomencée, comme de ce que depuis petit à petit
elle ait estés acrue, enrechie grandement, fortifiée et agrandie ; et,
avec ce, de noble gens régentée et habitée. Puis avés oy cornent d’entre
lesquelles sortirent plusieurs de celle noblesse, saiichant leurs adventure ; et ont yceulx fondés plusieurs aultres ville, cités et chasteaulx
pour eulx tenir et demourer. Aucy, vous ait estés dit et contés de la
fondacion et premier acomencement de plusieurs aultre ciré, comme de
Ninive, Athenne et de la devent dicte Troye ; puis de la cité de Thèbes,
Gimcambre, Cartaige, Rome et Lutesse, laquelle depuis fut Paris
appellée. Après, je vous ais heu dit et contés de la fondacion de Tryves
en Allemaigne, Toul et Verdun ; lesquelles trois cité, comme raconte
plusieurs acteur, furent faictes et édifiées de noble gens sortissent de
la devent dicte cité de Dividunum, que maintenant est dicte Mets.
Parquoy elle perdit son premier non ; et fut, pour son second
non, Mediomalricum appellée, qui vault autant à dire que merre des
irois cité. Et, avec ce, d’icelle noblesse furent encor faictes et fondée
Thionville, Monson et plusieurs aultrez. Pareillement, vous ait heu
pairlés de la fondacion de Tungre, de Heu, de Collongne, de Venise,
et de plusieurs aultres besoingne digne de raconter. Et, après ce, vous
1. La phrase est mal laite ; oy n’a pas de complétant.
192
PROLOGUE DU TROISIÈME LIVRE
avés oy cornent, par l’envie des Romains, la noble cité Mediomatricum,
laquelle en ce tampts florissoit sur touttes aultres cité dessa les mons!
et estoit plaine et enrechie de tous biens, fut destruiste et arruinée!
Et puis, par le noble Messius le Romains, lequelle, voiant sa noble
scituacion, et ayent pitié d’elle, fust refïaictes et restaurée, et en l’hon
neur de lu y fut alors Mets appellée. Et puis vous avés oy cornent,
loing tampts après et depuis 1 incarnacion Nostre Seigneur, au tampts
et régnant le glorieulx amis de Dieu sainct Aultre, évesque d’icelle cité
elle ait de rechief par les infindellos Vandrcs et Hongres estés destruicte et arrier mise en feu, en sandre et toutte brullée. Et, après ces
chose, sus venus à vous dire cornent elle fut refaicte et de nouviaulx
reidiffiées ; et cornent, loing tampts après, furent fondée plusieurs
noble église en ycelle dicte cité. Et, avec ce, avés oy cornent elle ont
estés faictes, et par qui elle ont estés douuées, enrechie et aranthée.
Aucy avés oy cornent, en ce lieu de Mets, estoit et ce tenoit sciège
royal ; et régentoit celle cité sur toutte la contrée.
Après, a second livre, qui ce acomence au tampts de l’évesque
Bertrand, quant a cas de justice temporelle, je vous ais illoc monstrés
cornent, en celluy tampts, l’on husoit en Mets de diverse loys et coustume. Parquoy, alors, fut premier par le devent dit évesque institués,
ordonnés et créés le premier maistre eschevin que jamaix fut en ycelle
noble cité, avec aucy les proudon et les trèses jurés de la justice d’icelle ;
qui est une justice, une coustume et husaige fondée cellon Dieu, droit
et raison. Parquoy le devent dit évesque la agréait ; et, avec ce, fîst
tant que ycelle noble office fut passée, agréés et conformée tant de nostre
sainct perre le pappe comme de l’amporeur de Romme et d’Allemaigne , et de leur signet les devent dictes confirmacion, avec celle du
devent dit évesque, furent scelécs. Puis, en ctllui second livre, vous ait
estés dit et racontés de plusieurs diverse merveilles et chose estranges
digne de mémoire estre advenue tant en France, en Angleterre et en
Loherenne comme en ycelle noble cité de Mets ; c’est assavoir en guerre,
en dissancion et en plusieurs aultre advenue et trayson, en jusques
a tamps de la devent dicte guerre esmeute en Mets à pou d’ocasion :
c’est assavoir de la guerre du villaige de Sainct Mertin, estant alors
scitué devent les pourte d’icelle cité, et de sa généralle destruiction.
Et, pareillement, en jusques a tampts de la pucelle Jehanne, native de
Loherenne, après de Waulcolleurs. Laquelle guerre de Sainct Mertin,
avec les fais merveilleux et admirative d’icelle pucelle, sont et seront
l’acomencement d’icellui thier livre. Lequelle je, Philippe de Vignuelle,
le merchampts et citains de la devent dicte cité de Mets, ait heu fais!
composés et recueillis de diverse livre, traictiés et voullume ; et les ais
heu joing et concordé ensamble, au mieulx que j’ay sceu ne peu, celions
que és deux livre précédant est contenus.
Rest que maintenant, en passant tousjours oultre et en acquitant ma
promesse, je vous veult monstrer, dire et desclairer, à l’acomencement
d’ycelluy thier livre, tout le demoinement et la fin d’icelle guerre
indehuenaeBi et sans cause acoraenoés. Puis, après, oyrée les fais
JEAN PAPEREL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1428)
193
vertueulx d icelle pucelle Jehenne, de laquelle ycy dessus vous ais
parlés. Thiercement, serait parlés d’une aultre guerre faictes et esmeute,
à pouc d’ocasion, entre le duc de Bar et le conte de Wauldémont!
Concéquamment, je vous vanrés à desclairer de la guerre du damoisiaulx Robert de Commercy, de la guerre de Fléville, de la guerre des
Loherains et des François devent Mets, c’on dit la guerre des Roys,
et, pareillement, de la guerre des chanoigne ue la Grand Église d’icelle
cité, et de plusieurs aultre guerre et chose digne de mémoire. Et dure
rait cestuy thier livre jusques à l’entreprinse du duc Nicollas de Loherenne en 1 ancontre d icelle noble cité ; laquelle antreprinse serait
1 acomencement du quairt livre de ces présante cronicque. Cy prie
à tous ceulx et celles qui les liront ou oyront lire qu’il vueullent pranre
l’euvre en greys, et, des faulte qu’il y trouvanront, me vueullent pardonnés, et, avec ce, les corrigier et amander.
[la GUERRE (( DE LA HOTTÉE DE POMMES » : 1428-1429]
Vous avés par cy devant oy, és deux livres précédant, plusieurs
merveilles et diverses adventurcs estre advenues tant on royaume de
France comme en la noble cité de Mets et és paiis joindans. Et, meismement, à la fin du second livre ycy devent escript, auquelles je vous
ay heu monstrés 1 acomancement d’ugne pestillancieuse guerre a pouc
d’ocasion esmeute encontre ycelle noble cité de Mets.
Maistre eschevins. -C’est assavoir que, en l’an devent dit mil quaitre
cent et XXVIII, estant alors maistre eschevin d’icelle cité le signeurs
Jehan Paperel, avint, en ycelluy ans, que le sire Nicolle Chaillo, alors
abbé de Sainct Mertin scitueez devent les portes d’icelle, cuyellait
ou fist cueillir environ une hottée de pomme en ung gerdin qu’il avoit
on villaige dudit Sainct Mertin, apartenant à luy ad cause de son
abbayes. Puis, avés oy comme les moine d’icelle c’en allairent en Loherenne devers le duc Chairle ce complaindre dudit abbé. Lequel duc par
plusieurs fois en rescript à la cité et en fist requeste, cuidant tenir les
seigneur et la justice d’icelle à tel qu’il en feissent la recreance. Parquoy,
voiant que de ce estoient refïusant, il fist gaigier par son prévost de
Pergney en la ville de Corney. Après, il vous ait estés dit cornent, après
ce que la cité en eust rescript, et que l’on vit la voulluntés dudit duc,
il fut conclus de paireillement gaigier et courir sus son pais, comme il
fut fait.
Guerre entre ceulx de Mets et de Lhorenne. — De rechief, je vous ait
dit et contés cornent, quant le duc vit cest affaire, il fist défier la cité
et tous les habitans, à tort et sans cause, par ung nommés Dedier de
Ghauffour. Et, de fait, avés oy cornent il souffrit que tous ces chevalier,
escuier et jantilz homme defiiaissent à la requeste dudit Dediet ; et|
encor plus, le soubtint en ces chaisteaulx et bonne ville, comme cy
194
JACQUES LE HONGRE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1429)
devent à la fin du cecond livre plus amplement ait estés dit. Puis, avés
oy cornent lesdit de Mets, voiant son intencion, trouvaient ung jantilz
homme, nommés Arest, lequelle désiroit fort à grever ledit duc, pour
aulcune extorcion qu’il disoit lui avoir estés faictes par ledit duc Charles
et ces gens. Parquoy les seigneurs et gouverneurs de la cité le acompaignairent de la moitiet de la forteresse de Verry. Et avoit celluy Arest
plusieurs homme d’arme et gens de guerre avec luy, lesquelles firent
plusieurs gros et grief domaige on pais de Loherenne.
Le vilaige de Sainct Martin deslruid. - Et, espéciallement, il destruirent tellement ycelle ville de Sainct Mertin qu’il n’y laissaient
maison droite ny anthier, comme cy après serait dit et desclairés.
Et sont desjay touttes ces chose mise et plus a loing escriptes à la fin
du cecond livre desdicte cronicquez.
Parquoy je veult maintenant rantrer en mastier ; et vous veult
desclairés qui fut maistre esche vin de Mets en l’an après, et les mal et
grand domaiges qui avindrent en celle année pour lesdicte pomme,
tant on pais de Mets comme en Loherenne, en la forme et manier que
cy après vous serait dit.
Maistre eschevins : mil iiiic xxix. — Or, quant ce vint en 1 an après,
et que le millair courroit par mil quaitre cent et XXIX, fut alors maistre
eschevin de la devent dicte cité de Mets le seigneurs Jaicques le Hungres.
Et, en celle année, le devent dit duc Charles de Loherenne, lequel
demouroit tousjour en son oppinion et malvaise voulluntés, quant il
vit que par les manier devent dictes ne pouoit joyr de ce qu’il avoit
entreprins, il advisait aultre manier de faire. C’est assavoir que, par
l’anvie qu’il avoit encontre la devent dicte cité, la cuidant mestre
eschac et mac, il fit alors clore tous les chemins de sa duchié, et empê
tra de clore et faire cloire tous les aultre chemins de entour la dicte cité
de Mets.
Bontés de ma dame de Braibanl envers la cité. — Excepté le païs du
duchié de Lucembourg, lequelle ma dame de Brabant ne volt pas
souffrir d’estre clos ; ains envoiait espressément comender à ces
subject qu’il ne feissent nulz dompmaiges audit de Mets, maix vandissent et achetassent en la dite cité toutte à leurs voulluntés et plaisir.
Et, pour celle bontés, devés sçavoir que ceulx de Mets, qui n’estoient,
ne jamais ne furent, ne encor ne sont ingras à ceulx qui bien leur font,
prestairent à la dicte ma damme de Brabant la somme de trois mil
livres de messins, dont elle paiait ledit duc de Lorraine de ce qu’elle
estoit tenue à luy. Et puis, ce fait, elle vint à belle compaignie en la
dicte cité ; et luy fist on présant de vin, de bief, d’avoine et de chair.
Disposition a du temps. — En celle dicte année, il fist grant froidure
tout l’estey durans, et fut le tampts très mal dispousés ; et tellement
que em prime encomensairent les frèzes à mûrir au jour de feste sainct
a. M : Dispotition.
ORLÉANS ASSIÉGÉ PAR LES ANGLAIS
(1428)
195
Jehan Baptiste, et, on moix d’aoust ensuiant, estoient les serizes en
la meilleur saison qu’el puissent estre. Et, le jour de feste sainct Berthemin l’aposte, qui est desjay bien avant on tampts, à poinne veoit on
lé talles és raisins des vignes. Car, en ce tampts, il pluvoit chacun
jour ; et fut le tampts en cest estât jusques à la sainct Remey, parquoy lé vendange durait jusques après la Toussaincts. Et, avec ce,
y oit bien poc de vin, et estoient chiers : car on vandoit la cowe C sols
et plus, jà soit a qu’il fussent manre et mal meure.
[R]égimme sus les grains. — Aucy, en celle meisme année, fut ung
grant chier tampts de bief, à l’ocasion de ce que les chemins estoient
clos pour la discencion devent dictes, c’est assavoir pour celle guerre
qui alors estoit entre lé devent dit Charles, duc de Loherenne, et la cité,
pour les dictes pommes. Parquoy chacun voulloit retraindre ses bief ;
et vandoit on desjà la quairte de froment XVI sols de messains. Et, ce
les seigneur et recteur d’icelle cité n’y eussent proveus de remède,
il eust monté à plus de XX sols la quairte. Mais, quant ilz virent cest
chose, ilz comirent aulcuns d’entre eulx pour veoir et visiter les gre
niers, et pour savoir la puissance des bief qui alors estoient en la dicte
cité. Et fut trouvés qu’il en y avoit moult grand multitude. Car seullement il trouvairent en deux maison, c’est assavoir en la maison d’ung
bon facteur et en la maison d’ung clerc de la Grand Église d’icelle cité,
plus de XXXVI mil quairtes de froment ; desquelles n’en y avoit, en
l’ostel d’icelluy bon raillairt *1, que environ une quairte, parquoy vous
pouués sçavoir à peu près combien qu’en l’ostel d’icelluy clerc il en y
avoit. Et, alors, voiant lesdit seigneurs et cognoissant que en leur cité
il y avoit plus de bief qu’il ne leur en failloit pour VII ans, firent com
mandement que l’en ne vendit la quairte du milleurs au plus hault de
XIIII sols. Et, pour monstrer example aux aultres, firent premier
vandre les bief des guerniers de la ville, et, après, leurs propres bief.
Et, parmi ce, olrent les pouvres gens meilleur merchiez, et furent
soubtenus et subtantés, maulgré en eussent les envieulx, lesquelles en
crevoient de dueil.
Cy me tairés quelque peu de celle guerre pour retourner à aultre
mattier ; c’est assavoir au guerre de France et d’Angleterre.
[JEANNE D’ARC DÉLIVRE ORLÉANS *, LE SACRE DU ROI
CHARLES VII A REIMS]
Orléans asseigiez. — En celle meisme année, qui fut l’an XVIe de
l’ampire Sigismond, ampereur, fut assiégée la cité d’Orléans par les
devent dis Anglois. Par lequel sciège furent bien abatues XXII églises
“• M : jassois.
1. Raillard, bon plaisant, joyeux compère.
196
JEANNE D’ARC PRÉSENTÉE AU ROI (24 FÉVRIER 1429)
és faulx bours de la dicte cité ; entre lesquelles estoit l’église collégialle
de mon seigneur Sainct Aignan. Durant ledit sciège d’Orléans, le conte
Salbery, principal capitaine d’Anglois en cest paitie, fut tué d’ung
canon dont on réputoit le coup avoir esté fait divinement. Car on ne
peult jamais sçavoir qui eust bouté le feu au baston dont la pier
saillit.
Item, en ce tampts, messire Jehan Fastol et messire Simon Mohier,
prévost de Paris, tenans la partie des Anglois, venantz avitailler ledit
sciège, desconfirent les François près de Yenville en Beausse, qui estoient en plus grant nombre que eulx ; desquelle furent mors plus de
deux cent. Entre lesquelle estoient le sire de Struart, connestable
d’Escoce, et le seigneur Dorval ; mais le duc de Bourbon et La Hire
s’en eschapèrent atout leur armée. La dicte rancontre fut dicte la
bataille des Harens, pour ce que lesdit Anglois emmenoient des harens,
car alors c’estoit on tampts de karesme.
Et aincy, en ce tampts, estoient les François mis fort à bas, et leur
mescheoit de tout cousté.
Jehanne, dicte la Pucelle de France. - Or, escoutés chose merveil
leuse et de grand miracle. Car, comme le royaulme estoit en telle
affliction et tribulacion de tout coustés, et en plus grand pouvretés que
jamais eust estés, par les grand guerre desquelles je vous ais heu ycy
devent au cecond livres parlés, comme ce par divine providance
eust estés envoiées du ciel, en cellui tampts et que le roy Charles estoit
au plus bas, fut alors trouvées une jonne pucelle, aagée de environ
XX ans, nommée Jehanne, native du villaige de Dampremé, auprès
de Vaucouleur, et engendrée de Jaques d’Arc, son perre, et de Ysabel,
sa merre. Celle pucelle, par l’amonestement et miracle de Dieu, ayent
pitié et compassion des adversités de ce tampts souventefïois, soubz
la conduicte de son oncle alloit parler à Robert Baudricourt, prévost
de la ville d’Orléans et capitaine de Vaulcoulleur, et à plusieurs aultrez
chevaliers et homme d’armes de la garnison du lieu, les admonestant
qu’il leur pleut de la mener dever le roy Charles, affin que, moyenantla
grâce de Dieu, elle donnait bon remyde aux choses mal conduites et
désespérées. Ledit Baudricourt, après qu’il eust desprisé une foix ou
deux celle jonne fille, dont il ne faisoit estime, voiant que tousjours
parcévéroit, ce en esmerveilla, et, après plusieurs pancée, il la bailla
à garder. Puis, ung jour après, comanda de la mener devers le roy.
La pucelle, venant vers Charles, combien que oncques ne l’eust veu et
que à certains prepos le roy ce fut moins et plus povrement vestu que
tous les aultres officiers de sa maison, néantmoins, regairdant le roy
en la face, révéramment et doublement ce prosterna en terre et dit :
« Je te salue », dit elle, « très noble roy, et Dieu te doinct bonne vie ! »
Et, ainsy comme Charles ce celloit et dénioit estre le roy : « Ha. »
dit elle, « il n’y vault le celler ; tu es le très noble roy des François ».
Alors, à ces parolle, print le roy espérence de quelque milleur fortune.
Parquoy il la mist entre les mains de quelque homme prudans pour
l’examiner et pour l’essaier et esprouver. Auquelles elle dit et efïerma
JEANNE D’ARC DEMANDE A ALLER A ORLÉANS (MARS
1429)
197
constamment qu’elle estoit venue pour restituer le roy Charles en son
royaulme, et que Dieu l’avoit ainsy ordonnés. Et, avec ce, que finablement elle déchesseroit les Anglois hors de France et délivrerait l’assiégement de la ville d’Orléans. Puis, ce fait, mènerait Charles courognés
à Reims, où en la manière des anciens serait oinct et sacrés. Et parloit
celle pucelle de ces chose si comme de tout ce eust estés admonestée
par inspiracion divine. Et, encor daventaige, quant elle estoit interroguée de plusieurs chose, difïicille mesme, appartenant à la foy catholicque, elle respondoit par dessus le sçavoir et entandement d’une
femme. Et estoit celle pucelle de grand admiracion à plusieurs. Parquoy
fut déterminés par le conseille qu’il seroit très bon se de sa fortune
Charles husoit en bataille. Mais, comme un prince prudant et saige,
il ne voult a premier copt mestre ces chose aincy à l’avanture ; ains ce
mist en oraison et continuelle priers envers Dieu, requérant son ayde
et lui priant qu’il luy donnait conseil, assavoir mon c’il devoit croire
en celle pucelle qui ce disoit estre envoiées de par Dieu. Car il est à
doubter de croire cy légièrement ; mais, en ensuiant la Saincte Escripture, la devoit esprouver premièrement en enquerant de sa vie, de ses
meurs et de son entancion, comme dit sainct Pol l’apostre : « Probate
spiritus sy ex Deo sint ». Et puis, ce fait, desvoit ledit Charles avoir
aulcuns signe par quoy il puisse jugier qu’elle est venue de Dieu.
Car, comme le mest la Saincte Escripture, le vray Dieu du ciel manda
a roy Achat qu’il demandait signe quant il luy faisoit signe de victoire,
en luy disant : « Petetevi signum a domino Deo tuo ». Et samblablement fist à Gédéon, qui demanda signe, et à plusieurs aultres.
Le roy, depuis la venue de la Pucelle, a observés et tenues envers elles
les deux manières dessusdictes, c’est assavoir probacion par prudence
humaine, et par orison, en demendant signe de Dieu.
Et, quant à la premier, qui est de prudence humaine, il l’a fait esprou
ver, tant de sa vie, de sa naissance, comme de ses meurs et intencion ;
et l’a fait garder avec luy bien l’espaisse de six sepmainnes. Auquelle
tampts durant l’a démonstrée à plusieurs gens, comme clers, gens
d’esglise et de dévocion, tant publicquement comme secrètement.
Mais en elle ne fut point trouvé de mal, fort que tout bien, comme
humilité, virginité, dévocion ; et tellement que plusieurs chose mer
veilleuse sont d’elle dictes comme vrayes.
p Quant à la seconde manière de probacion, le roy luy demanda signe ;
auquel elle respondit « que devant la ville d’Orléans elle le monstrera,
et non pas avant ne en aultre lieu, car ainsy luy estoit ordonné de par
Dieu ». Le roy, entendu la probacion de la dicte Pucelle, en tant qu’il
lui est,"possible, et considéré sa responce, qui est de démostrer signe
divin, veu aussy sa constance et sa persévérance en son prepos, et ses
requestes instantes d’aler audit Orléans pour monstrer le signe du
divin secour, ne la doit point empeschier ; mais la doit on faire con
duire! honestement en espérance de victoire. Car, la débouter ou déchas
ser sans espérance de mal, seroit répugner au Sainct Esperit et se
198
JEANNE D’ARC RAVITAILLE ORLÉANS (29 AVRIL 1429)
rendre indigne de l’aide de Dieu, comme dit Gamalier en ung conseil
des Juifz au regars des Apostre.
Parquoy, après ces chose ainsy dictes et faictes, le jeudi XXR jour
d’avril, la dicte pucelle, par la lissance dudit Charles, se partit de
Chinon pour aller à Orléans. Et “ la première charge que l’on lui bail
lait, ce fut de pourter victuaille en la dicte ville d’Orléans, acompaignié
de bon chevallier et de puissante armée, en laquelle y avoit de bon
combatans. Et, quant il vinrent à Bloys, au devent d’eulx leur vindrent
Régnault, archevesque de Reins et chancellier de France, le bastard
du duc d’Orléans, Estienne la Hyre, et plusieurs aultres homme d’ar
mes d’eslicte. Et furent les victuaille mises és chariotz, et les gens
d’armes en ordres de batailles. Alors ce partit la dite Jehannes de
Bloys ; et, le lundemains, prindrent leur chemin vers Orléans, jusques
a jeudi ensuiant, XXVIIR jour dudit moix d’avril. Auquel jour la
dicte Pucelle faisoit pourter son estandairt, qui estoit de satin blan,
où estoit Nostre Signeurs figuré séant en l’arche, mostrant ses plaies;
et y avoit de chacun cousté deux anges tenant une fleur de lis. Et,
ainssy acompaignié des seigneur devent dit, avec le mareschal de
Boussat, mon seigneur de Gaucourt, mon seigneur de Rays, et plusieurs
aultres, en nombre de trois mil, que de piedz que de chevaulx, et, avec
ce, environ LX charois de vivres, et quaitre cent et XXXV cherges de
bestial, et arrivaient *1 audit Orléans le londemain ensuiant, qui fut le
vandredi, pénultime jour dudit mois. Et les vinrent quérir lesdit d’Or
léans par navires, malgrez en eussent lez Anglois, lesquelles à celle fois
n’osairent saillir de leurs bastilles, ne ne mirent ad ce quelque defïence.
Ce fait, quant la dicte pucelle vit qu’on l’avoit menée du costé de la
Saloingne, et qu’elle n’avoit point trouvé les Anglois, elle en fut très
couroucié en l’encontre des capitaines, et en plora ; et, incontinant,
ordonna à la compaignie qu’il retournassent audit Blois quérir les
aultres vivres qu’il avoient laissiés, et qu’il les amenassent du costé de
la Beausse. Et bien leur dit qu’il ne doutassent riens, car il ne trouveroient aulcuns empeschement. Non firent ilz ; et, en cest allée et a
retour qu’il firent, n’y ot noise ne débat, chevault morfondus ne
recreu 2, homme blécié ne mort, ne mal erroy 3 quelconque. Bien est
vray que les Anglois se assemblèrent, environ X1IIIC combatans, pou
cuidier combatre les François ; mais, à celle fois, ne ce osairent oncques
moustrer.
Or, je vous veult maintenant dire et conter de quelle armeure la
dicte Jebanne husoit en baitailles. Vous debvés sçavoir que on pays de
Touraine y ait une église dédiée à saincte Katherine, qui est ung lieu
très vénérable à ceulx du pays, et en laquelles l’on voit encor ajour-
a.
1.
2.
3.
M : et fut.
Phrase mal faite. Il faudrait corriger : ils arrivèrent.
Recru, du verbe recroire : fourbu.
Aroi, équipage ; mal aroi, accident (cf. désarroi).
JEANNE D’ARC A ORLÉANS (MAI
1429)
199
d’huy plusieurs vielz et anciens dons que les anciens y ont donnés.
Parquoy la dite Jehannes, elle estant avec le roy, et peu avent qu’elle
partit pour aller à Orlians, comme dit est, manifesta a roy Charles que
en ce temple, entre les sainctes oblacion et entre plusieurs vielle fer
railles, y avoit une vielle espée laquelles estoit de tout les coustés
ampraintes et couvertes de fleurs de lis. Et dit la dicte Jehanne et
requiert a roy que l’on y envoiait ung armurier pour chercher la dicte
espée, et qu’il fist tant qu’elle luy fut donnée. Le roy Charles de ces
chosez ce esmerveilla, et luy enquit ce aultrefois avoit ce temple
visité, et cornent elle avoit heu de cecy congnoissance. « Celluy »,
dit elle, « qui le m’a enseigné n’est point ung homme : c’est Dieu seul,
et non aultre, qui celle chose m’a révellés. Car, du lieu », dit elle, « ja
mais en ma vie je n’y fus, ne n’en n’euz oncques congnoissance ».
A cest responce, envoia le roy ung armurier audit lieu pour quérir le
glesve ; et luy fut recomendés que, quant il l’avroit trouvés, qu’il
l’apourtait à la dicte Jehenne. Alors ce mist l’armurier en chemin ;
et tant chemina qu’il vint à Sainct Katherine. Et illec, entre plusieurs
aultre vielles armeurs, trouva celle espée toutte enroueillée, laquelle il
appourta à Charles. Et, tantost, la donna à la dite Pucelle ; et d’icelle
husait toutte sa vie, cen en point avoir d’aultrez.
Mais retournons à nostre prepos des Anglois. Car, après que les vivre
furent pourté et la cité avitaillée, comme dist est, la dicte Pucelle, très
vaillamment en armes acoustrée, ce mist en chemin avec les siens
droit au boulevart que on appelloit la bastille de Sainct Loup. Et, illec,
puissantement combatit, et vainquit les Anglois, sans qu’il en eschapait ung seul de ceulx qui estoient en ce lieu, qui tous ne fussent occis
ou fait piisonnier. Et fut en ce boulevart conquis grant foison de vivres,
et plusieurs artillerie ; et n’y perdirent les Françoy que deux homme
tant seullement.
Item, le vandredi ensuiant, la dicte Pucelle saillit atout son estandart, avec grant puissance de ceulx de dedans, du costé de la Saloingne,
et fist samblant d’assalir les aultres bastille des annemis. Et, sus une
retraicte que il firent, les Anglois saillirent à grand puissance sur eulx.
Et, quant la dicte Pucelle et la Hire, qui estoient à petitte compaignie,
les virent, il retournairent sur eulx vistement, et les reboutairent cy
asprement que à grant paine se peurent retraire ; et en fut bien tué
XXX des leurs. Et fut prins d’assault le fort des Augustins, avec ung
de leur boulvart ; et y gaingnairent lesdit François grand foison de
vivre et artillemens. Et, quant lesdit Anglois virent ce, il ont laissiez
et abandonnés trois aultres de leur bastilles qu’il avoient du coustez
de la Saloingne, et ce retrahirent tous en la grand bastille qu’il avoient
a bout du pon, qu’il appelloient Londres. Et, pour les tenir subjecgt,
couchait la dicte Pucelle, elle et ces gens, toutte celle nuit au champts.
Et, après, a lundemain, quant il furent retournés en la ville, tinrent les
capitaine leur conseille ensamble, assavoir mon c’il yroient assaillir
le gros boulevairt devent dit, qu’il appelloient Londres. Finablement,
200
JEANNE D’ARC A ORLÉANS (MAI 1429)
le conseil communicqué, Jehanne la Pucelle commensça à soy courroucer,
disant en cest manier : « Seigneurs, ne me celés rien, car je puis celer
plus grandes chose que celle cy, lesquelles je thiens en mon couraige ».
Et, alors qu’il luy eurent dit ceu qu’il estoit conclus, elle en fut bien
joieuse et louait leur oppinion. Et, de là a en avant, ne ce faisoit rien
cen son conseil. Et, posé que la dicte Jehanne ne fut point tousjour
a conseil des capitaines, cy sçavoit elle bien leurs conclusion, comme
s’elle y eust esté en présance ; de quoy lesdit capitaines prenoient
grande admiracion. Et, sy n’eust esté que toutes les dictes entreprinses qu’el faisoit venoient au prouffit et à l’onneur dudit Charles,
l’on eust conceu contre elle grande hayne et murmuracion. Elle estoit
tousjours des premier en l’armée, montée dessus ung très puissant et
courageus cheval, auquelles elle montoit aussy ligièrement et habille
ment que homme qui fut en la compaignie. Et couroit la lance, et
faisoit choses samblables touchant la guerre, aussy bien et mieulx
que nul capitaine qui y fust nourri de son enfance. Et, en toutte aultre
chosez, elle estoit bien simple personne, menant vie honneste ; et ce
confessoit souvent, et recepvoit le corps de Nostre Seigneur presque
touttes les sepmaines.
Mais, pour revenir à mon prepos, aprez le conseille tenus, la dite
Jehanne jugea en son couraige estre de nécessité d’aller assaillir leur
annemis. Et, comme elle l’ot conclus, il fut fait. Et tellement que, le
samedi VIIe jour du moix de may, la dicte Pucelle, avec ces gens, ce
mirent en ordonnance. Et, ce fait, furent, en plusieurs basteaulx qui
estoient en la rivier, mis groz nombre de gens d’armes, et passa la
rivière de Loyre. Puis fut mise l’armée à terre ferme pour assaillir leur
annemis ; et ce efforcèrent de toutte leurs puissance d’assaillir la devcnt
dicte grant bastille du bout du pont, qui estoit place fort et impre
nable, et en laquelle y avoit grant nombre d’Anglois, et en belles
ordonnances, et grand foison de traict, canons et bombardes. Et fut en
ce lieu bataille forment ; et tant ce deffandirent lesdit Anglois qu’il
estoit desjaytairt et causy soilleil couchant. Parquoy la dicte Pucelle
donna le signe de la retraicte. Et, aincy comme les Françoys rentroient
és basteaulx, assaillis furent par lesdit Anglois. Parquoy la Pucelle,
voyant ce, donna couraige à ces gens ; et tellement que aus annemis
vertueusement résista, et, de fait, les chassa en les poursuiant jusques
à la devent dite maison des Augustins qui est on bourgz. Laquelles,
jà soit que les Anglois l’eussent errier très bien fortifiée, toutesvoies il
en furent expulsés, et les Françoys le lieu occupèrent.
Au pont dessus dit, près lesdit Augustins, estoit une tour de pieres
carrée, avec le boulevert, et fossellée en l’antour, en laquelles les
Anglois ce retirèrent. Et, devent ycelle, Jehanne fit le guet toutte la
nuit ; puis, quant ce vint le point du jour, commanda donner l’assault
au boullevert, affermant que prochain estoit le tamps auquel les
Anglois dévoient estre vaincus et chassés du royaulme de France.
a.
M : délia.
JEANNE D’ARC FAIT LEVER LE SIÈGE D’ORLÉANS (8 MAI
1429)
201
Cependant que les François faisoient l’assault, les annemis asprement
se defïandoient ; et furent en cest estât jusques à bien tairt, et environ
l’heure de vespre. En laquelle heure la dicte Pucelle, estant sus le
bourt des foussés et donnant couraiges à ces gens, fut blécée d’ung
traict d’arballestre du boulevert envoyé, qui luy perça la poitrine ung
peu au dessus de la mamelle destre. Dequoy ne fit pas grant semblant,
ne n’en fut plus triste ne moins diligente, percévérant, en arrest dessus
le bort du fossé, pour tousjours admonnoster ses gens d’armes à vail
lamment besoingnier. Et, de couraige qui estoit en elle, elle meisme
ce tirait le traict dehors de sa poitrine ; et demanda un peu d’oile
d’olive qu’elle mist, dessus la plaie, avec ung petit de coton. Ce fait, ce
arma ; et dit que, puis qu’elle estoit bléciée, que les Anglois n’aroient
plus de puissance : car, devent ce advenus, avoit bien dit que devent
Orliens devoit estre blécée.
Orléans prinze par la Pucelle. — Et, lors, ycelle Pucelle se tira à part,
et fist semblant de prier Dieu, elle estant sus sa lance apoiées. Et, ce
fait, retourna incontinant aulx gens d’armes, et leur escria qu’il entras
sent dedans, et leur enseigna lieu. Lesquelz firent comme il leur estoit
comendés. Et tous, d’ung commun acord, et elle la premier, assalirent
par telle et cy bonne manier que prestement elle fut prinse d’assault.
Et illec dedans y oit, que mors, que prins, environ Ve Anglois, de tous
les milleurs, avec trois capitaines, c’est assavoir Molin, Jehan Pommar,
et Guillaume Classidas, qui estoit l’ung des chief principaulx, et plu
sieurs aultres grans seigneurs. Aussy, en cest bastille, fut prins grant
foison de vivres ; aussy plusieurs traict, canons, bombarde et aultres
artillement de guerres.
Les annemis anglois qui estoient de l’aultre partie, vers la Beaulce,
facillement pouoient veoir l’exploict que ladicte Jehanne et ces gens
faisoient sur leur compaignon ; parquoy, espoventés de leurs fortunes
et adversités, quant il oyrent les trompettes, clairons et cloches sonner
en la ville en signe de liesse, dès le lundemains, au matin, qui estoit le
dimanche VIIIe jour dudit mois de may, levèrent le sciège, et c’en
fouyrent à Mung.
Et en cest manier fut rompus l’assiègement, et la cité délivrée de la
puissance des Anglois, cy que depuis cest adventure advint tousjour
audit Charles bonne fortune.
A celluy essault devent dit de la bastille, fut trouvés que, de la partie
des François, il n’en y oit que V dez mors, et très peu dez bleciet ; et
furent estimés lesdit Anglois, quant il levèrent leur sciège, au nombre
de environ deux mil et Ve combatans, tant de piedz comme à cheval.
Après lesquelles sont saillis les François, environ Ve cheval, qui les
sivoient et donnoient ampeschement ; et en y oit aulcuns des prins et
des tués à la queue. Mais la Pucelle ne voult point que l’on ce combatist,
pour deux raison : premier, pour ce qu’il c’en alloient paisiblement ,
et, secondement, pour ce qu’il estoit dimenche. Alors, c en retoumairent arrier ; et ceulx de la cité antrirent esdite bastille, et illec furent
JEANNE D’ARC EN BEAUCE (JUIN 1429)
trouvés tous leur canons et bombardes, ensamble grand foison de trait,
de vivres et aultre baigaige, en grand vallue et estimacion.
Parquoy messire Tallebot, capitenne anglois, fut féloneusement
despité de ce qu’il estoit frustré de l’assiègement devent, dit. Et, pour
sa honte et son dommaige récompenser, assaillit Laval. Et, par trahison
ou larcin nocturnel, print le chasteau et la ville ; auquel lieu il print
prisonnier le conte dudit lieu, lequelle il tint en prison jusques à ce
qu’i lui eust payé la somme de vingt mil escus.
Ce pandant la Pucelle sollicita le roy Charles de lever plus grant
nombre de gens d’armes, pour recouvrer ce que les annemis luy occupoient au champts d’Orléans. Et, à cest cause, fut le duc d’Alenson
à soy appellé, auquelles comenda Charles aller à Gergeau. Tantost
arivèrent Jehan, bastard d’Orléans, Boussat, mareschal Graville,
Culault, admirai Ambroys de Loré, Vignolle, La Hyre et Guillaume
Brussat. Lesquel, jà soit qu’il ne fussent stipendiés des deniers du roy,
toutesvoies, afïîn de veoir et visiter la Pucelle, laquelle il cuidoient et
creoient estre divinement envoiée, ne refusoient cheminer en batailles.
Parquoy vers Gergeau chevaulchèrent, et prindrent la ville le VIIIe jour
après qu’il eurent mis le sciège devent. En la prinse d’icelle ville fut
prins le conte de Sufïort et le sire de la Poulie, son frère ; aussy y
mourut son aultre frère, nommé messire Alexandre de la Poulie, avec
trois ou quaitre cent Anglois.
Paireillement, peu de jour après, leur armée, augmentée par le
commandement de Charles, ont prins leur voie à Mung ; et, là venus,
ont prins le pont avec la tour, puis y mirent garnison ; et hastivement
s’en allèrent à Bogency. La venue des François entendue, les Anglois
délessèrent la ville ; et ce retirèrent au chasteau, qui est au pont sus la
rivier de Loyre. Lequelle priment les François par composicion ; et
franchement fessèrent aller les Anglois qui estoient dedans.
Après la prinse de ce chasteau, fut fait bruit parmy l’ost et parmi les
tentes des Françoys que le capitenne Tallebot et Jehan Fastel, avec
cinq mil Anglois, avoient estés veuz à Janville, en Beaulce, pour venir
à Mung. Adoncquez, par les espie envoiez des Françoys, fut congneus
que cecy estoit vray. Parquoy il ce mirent en ordre de batailles et
marchèrent à l’encontre des annemis, et fichèrent leurs tentes à Artenay, pour ce que lors y avoit ung treffort et puissant temple L Alors
estoient à faire le guet Bermanor, Ambroys de Loré, La Hyre et Poton,
espérans la venue des annemis. Et, après ceulx ycy, s’ensuyvoient, non
pas loifig, avec bonne armée, le duc d’Alenson, Richemont le connétauble, le conte de Vendosme, Jehan, bastard d’Orléans, et la Pucelle,
car rien de bon ne ce faisoit cen elfe. Les Anglois cheminans, quant
il virent les Françoys, commencèrent à retourner a arrière au bois,
illec prochain, afïîn de quérir pour eulx meilleur lieu pour combaitre.
a. Au-dessus de retourner, une main (plus récente) a écrit cheminer.
1. Il s’agit sans doute d’une église fortifiée. Jean Chartier (éd.Vallet de Viriville,
Paris, Jannet, 1858, t. I, p. 86) parle d’une « église forte nommée Patay en Beausse ».
JEANNE D’ARC MÈNE LE ROI A REIMS (JUIN
1429)
203
Mais les devent dit, qui faisoient le guet, sans donner aux annemys
espace de soy amasser, commensairent à combaitre, sy qu’ilz contrai
gnirent fouyr tous les Anglois qui estoient à cheval. Parquoy les piétons,
voyant la fuyte de leurs gens d’armes, se jettèrent dedans le bois en
ung petit villaige estant illec près, par la couverture duquel bois se
saulvoit chacun d’eulx au mieulx qu’il pouoit. Pandant ce conflice,
ariva le duc d’Alenson, équippé d’une grosse armée. Et, en cest ba
taille, morurent environ trois mil Anglois ; oultre plus, de leurs noblesse
en furent empoigniés et prins prisonniers le sire Tallebot, le sire de
Scalles, messire Gaultier, de Hongrefïort, et plusieurs aultres grant
seigneurs Anglois.
Lors vint Janville en la puissance du roy Charles, et plusieurs aultrez
places du pais de Bea«sse ; de quoy les Françoys eurent grand joie.
En celle meisma année, on moix de jung, la pucelle Jehanne c’en
allait jusques à Tours parler a roy. Laquelles, quant elle vint à ariver
près de sa personne, son estandart tenant en sa mains, ce enclinait
tout bas ; et le roy, qui luy estoit venus au devent, osta son chaperon,
et, en la levant, l’ambrassa ; et sembloit qu’il l’eust voullentiers baisié,
pour la grand joie qu’il avoit. Et fut ce fait le prochain mescredi devent
la Panthecouste.
Et, en ce meisme jour, allèrent à l’ostel pour tenir conseil assavoir
mon qu’il estoit bon de faire. Alors la dicte Jehanne, elle estant devent
le roy, ait dit en cest manier : « Très noble roys, jà comences à surmonter
ton annemis. Nous voyons ajourd’uy plusieurs villes et chasteaulx,
que les Anglois te avoient osté et ravy, lesquelles à cest heure sont en
ton obéissance. Or est maintenant venus le tampts de ta consécration.
A la divine voulenté de Dieu plaist que tu ailles à Reins, où serais
oynct de la saincte et sacrée onction en la manier de tes prédécesseurs.
Et illec le diadesme royal recepveras, pour laquelle chose ton nom en
sera au puple françois plus vénérable, et à tes annemis plus doutable.
Saches que la Champaigne, souverainement tous les Belges, sont encores
soubz la puissance des Anglois. Toutesvoys, moyennant 1 ayde de
Dieu, nous te préparerons le chemin : tant seullement assemble tes
gens d’armes, et puis faisons ce que Dieu a ordonné ».
Ces paroles de la Pucelle faisoient à tous grans espérance, pour ce que,
pour la purité et netteté de sa vie, monstroit elle « en soy grande
saincteté ; aussy que riens ne faisoit ou disoit îémeninement, ainçoys
monstroit l’euvre samblable a parolle. Car, chacune sepmainne, comme
j’ay dit devent, sa concience purgeoit par confession sacerdotalle, et
recepvoit le sainct sacrement de l’aultel, et menoit vie très dévote et
comtemplative.
,
Charles doncques, après qu’il eut levé une puissante armée, délibéra
de c’en aller à Rains par la Champaigne. Et envoya la Pucelle devant,
avecques aulcuns capiteinne de guerre, pour résister aux annemis,
a. M : elle a été ajouté après coup, entre les lignes, et placé après soy,
204
JEANNE D’ARC ET LE ROI ENTRENT A TROYES (JUILLET
1429)
se d’aventure vouloient empescher le passaige. Quant ledit Charles fut
venus près Auserre, au devent de luy vinrent aulcuns des cytoyens,
mais jà pour ce ne le receurent mye en la ville. Alors y estoit le seigneur
de la Trimoylle, qui avoit grande auctorité envers le roy ; parquoy
la comune renommée tenoit pour vérités que cestuy avoit receu pécune
des Asserrois afïîn de leur faire donner trêves. A cest cause, ne fut fait
aulcuns dompmaige à la ville. Et, parmi ce, les habitans d’icelle baillairent vivres à l’armée des François, en les paiant.
Après que Charles eut passé Ausserre, il print Sainct Florentin, par le
moyens que les citoyens franchement ce rendirent. De là cheminèrent à
Troyes en Champaigne. Et, le sixiesme jour après qu’il eust illec tenus
son sciège, sans espoir que les habitans se rendissent, y oit une mer
veilleuse famine en l’ost des François, sy que, par deffaulte de pains,
plusieurs gens d’armes ne mangeoie tant seullement que febves et espiz
de bledz. Ceste povreté et indigences congneue, assembla Charles en
conseil les principaul de son armée, ausquelz il demenda quelle chose
leur sembloit estre à faire a. De tous ung seul ne fut qui ne dist que l’on
debvoit remener l’armée et lever le sciège, attendu que les vivres estoient
failliz a gens d’armes, et la pécune pour les souldoyer. Toutesvoyes,
entre les aultres, en y oit ung, nommés Robert le Masson, lequelle,
combien qu’il ne fut d’oppinion contraire, ait dit aincy : « Je vouldroye », dit il, « ouyr l’oppinion de Jehanne sus cest chose ; car c’est
celle qui cause motive ait esté de cest armée ; peult estre que par son
conseil donnera quelquez ayde ». Son oppinion pleust à tous, et fut alors
la Pucelle appellée. Puis fust requise de dire la sienne opinion. Adoncquez la dicte Jehanne vers le roy se retourna, et dist en cest manière :
« Noble et puissant roy, se je te dis ce que je crois et tiens estre vray, me
croyras tu ? » Et, comme par deux fois eust demandés celle chose,
respondit le roy : « Se quelque proffit doit advenir, dis le, et je te croi
ras ». Alors ait dit : « Les habitans de Troye », dit-elle, « sont tiens, et
dedans deux jours prochains à toy se randront, et te livreront la ville ».
Le roy, adjoustant foy aux parolles de la Pucelle, commenda que l’ar
mée ne bougeast encor de ce lieu. Lors Jehanne monta hastivement sur
son chevaulx, et contraingnit chascun des gens d’arme à pourter devent
la murailles touttes les choses nécessaire à donner l’assault à la ville
pour la prendre et surmonter. Quoy voyans, ceulx de Troyes bien
hastivement envoyèrent vers Charles l’évesques du lieu, avec quelque
nombre de cytoyens et capitainnes, promectant a roy livrer la ville,
s’il permettoit les Anglois d’ilec issir, avec quelque nombre de pri
sonniers qu’ilz avoient. Cest condicion accordée, le lendemain entra
Charles en la ville de Troys. Et, si comme les annemis sortoient,
prohiba et deffandit la Pucelle qu’il ne emmenassent les prisonniers.
Mais, affin qu’il ne fussent veu contrevenir et déroguer à la foy promise
et accordée avecques les annemis, le pris de leur ranson fut livrés au
Anglois ; et le paia le roy. Et, après ces chose ainssy faictes, furent de
a. M : affaire.
LE ROI CHARLES Vil COURONNÉ A REIMS
(17
JUILLET
1429)
205
part le roy Charles estaubly juges et officiers à Troys pour l’exersite de
la justice et gouvernement de la chose publicque.
Puis, ce fait, il ce partit de Troye ; et s’en alla à Châlons, où les habitans le receurent en grande liesse et exultacion, avec les gouverneurs et
officiers de la chose publicque que ledit Charles y voulut establir.
De là, assaillit la ville de Reins, qui, comme par force, obéyssoit au
Anglois. Mais, comme il virent leur droiturier seigneur, il furent très
joieulx de le recepvoir. En ce lieu vindrent le duc de Bar et de Lhoranne, samblablement le seigneur de Commercey, équippé de bonnes
bandes de gens d’armes, qui n’estoient pas petitte, affin de servir le
roy.
Alors ledit Charles fut essus pour roy de France, et, par Régnault
de Chartre, archevesque de Rains, fut oynct, sacré et couronné. Et y
assista la Pucelle, pourtant en sa mains l’estandard de guerre, non sans
cause joieuse que, par son seulle enhortement, avoit Charles receu le
dyadesme du royaulme et la saincte onction au lieu acoustumé. Et, à ce
sacre, y fut fait chevalier le duc d’Alençon, le sire de Laval, et plusieurs
aultres.
Le sacre acomplis, et Rains délessée, c’en alla le roy à Vellin, où
franchement print jouissance de la ville ; et ne moustrairent ceulx de
Souesson aucun signe de rébellion. Et, pareillement, ce randirent
Chasteaulx Thierei, Provins, Colommiers, Cressy en Brie, Crespy en
Valois, Compiègne, Senlis, Sainct Denis, Laigni sur Margne, et plusieurs
aultres forteresses.
En cellui tampts, y eust maintes escarmouches desdis François et du
duc de Bethfort entre Sanlis et Barron.
Aussy, en ce tampts, les bourgois de Beauvois vindrent à Compiègne
offrir plaine obéissance a roy.
Item, en la fin du moix d’aoust, Jelianne la Pucelle fut navrée d’ung
traict d’arboullette par la jambe, en cuidant entrer dedans Paris par la
pourte Sainct Honnoré. Et, pour ycelle heure, fut des François prins le
boulevart de la dicte pourte ; et eussent eschellé la ville, se l’eaue du
second foussé ne eust esté sy grande. Et, quant la dicte Pucelle fut
retournée à Sainct Denis, elle y offrit et donna ses armes par grand
délibéracion, lesquelles y furent pendues et mises devant le glorieux
corps sainctz.
En ce mesme ans, on mois d’aoust, fut prins vers Alençon la ville et
château de Bonmoulins sur les Anglois ; et plusieurs aultrez villez et
forteresse prinrent les François sus les Anglois, lesquelles je lesse à
nommer pour abrégier. Car, depuis ce tampts que la dicte Jehanne vint
en France, prospéroient tousjours les Françoys, et leur venoit de mieulx
en mieulx ; et n’y avoit causy de semaigne que les gens du roy ne
conquissent quelque ville ou chaisteaulx ; car la Pucelle, comme dit
est, lui avoit apourté bonne fortune. Néantmoins que, durans ce tampts,
plusieurs ville et villaige, et aussy plusieurs bon labouraige, furent
désert et destruit ; et n’y demouroit parsonne en d’aulcuns lieu, ains
estoient les bonne terres fertilles et qui deussent estre labourée plaine
206
LE COUVENT DES FRÈRES DE L’OBSERVANCE FONDE A METZ (1429)
de ronsse et espine, et n’y hantoit que beste salvaige, dont c’estoit
pitiet et domaige. Toutefïois, comme j’ay dit, les principault de plu
sieurs ville, de jour en jours, ce venoient mestre en la mercy du roy.
Et estoit durans ce tampts la dicte Jelianne la Pucelle en grant bruit,
et forte craintes et doubtée, jusques ung jour que Fortune luy tourna le
dos, comme cy après il serait dit, quant tampts et lieu serait d’en
parler.
Cy me tairés de cest affaire pour le présans, et retournerés au maistre
eschevin de Mets, et à plusieurs aultres besoingne digne de mémoire
et profitable à raconter.
[suite DE LA GUERRE DITE « DE LA HOTTÉE DE POMMES » : 142g]
Durant celle meisme année, et que le devent dit segneurs Jaicques le
Hungre estoit encor maistre eschevin de Mets, duroit tousjours celle
guerre maldicte encontre le dit duc Charles de Loherenne, à l’ocasion
dudit chaneu 1 ou de la dictes hottée de pomes.
Et furent encor en ce tampts plusieurs aultres chose faicte en celle
cité de Mets, desquelles une partie en serait ycy mise et escriptes.
Fondation en Mets des Frère de VObservance. — Et, premier, fut en
celle année que ung bon bourjois et citains de Mets, nommés Jehan
George, fist faire et acommencier une église, fondée on non de sainct
Françoys, pour les Frères de l’Observance (aultrement nommés les
Frère Baude) qui sont en ycelle cité de Mets, scitués en Grand Meisse.
Et furent premier ainssy appellés pour le non d’ung frère que premier
y vint, nommé Baude. Et coustait ycelle église moult grand trésor
à faire.
Or advint, en ycelluy tampts, que deux frères de ladicte ordre
arrivairent en Mets, l’ung appellés frère Jehan Lionnet, et l’aultre
frères Guillaume. Lesquelles prêchoient merveilleusement bien au
plaisir de la plus part d’icelle cité et du pais entour ; et tellement qu’il
estoient en graice des plusieurs. Mais non pas de tous, car aulcuns ne lé
pernoient mye en grés, espéciallement les quaitre ordre mendiantes.
Et tellement lez priment en hayne que, ung jour après ce que l’évesque
Conraird devent dit vint en ycelle cité, lesdictes ordres se mirent ensem
ble et allèrent par devers ledit seigneur évesquez, et, entre plusieurs
aultres parolle, ont heu encusés ledit frère Guillaume, disant et affer
ment pour vray qu’il avoit preschié aulcune chose touchant à hérésie.
Et firent tant par leurs langaige que ledit ne prescha plus ; et luy fust
deffandus jusques à tant que par devent ledit évesque il c’en fut nestoié
et excusé.
Or advint, ung peu après le purgement de ce crime fait, que ledit
s.emble. qu,e ce mot> qui correspond à un français chanoir, soit un dérivé de
1 ancien français chane, cruche, panier d’osier.
le
CORPS DE SAINT sigisbert transporté a NANCY (1429)
20?
fi ère preschoit en une plaisse et en ung mairchiez publicquez de la
dicte cité, nommés Chainge, après de Sainct Suplise ; et, entre ces
aultre parolle, tirait de son sains une cédulle en papier, et la moustra
au puple, disant que aulcuns seigneur d’Église lui avoit donnée, mais,
affin de nourir paix, il ne le voulloit pas nommer. Et alors, après ces
parolles dictes, et tout incontinant, ce leva ung prélas d’Église, nommés
maistre Jaicques d’Atigney, official de la court de Mets, lequelle tout
en hault ait respondus que il avoit ce fait et que luy meisme l’avoit
donnée. Et, tout incontinant, le puple là estant a sermon ce print fort
à murmurer ; et furent les aulcuns très mal contans, et priment mal en
grey celle responce. Et, toutte à une fois, ilz ce esmeurent contre ledit
official en îasson telle que, ce n’eust estés aulcuns des seigneur de la
cité et par espécial Collin Paillât, qui tenoit ung grand baston pour le
secourir et pour despartir la mellée, je croy pour vray qu’il eussent
assomer ledit official, ou à force il l’eussent mener noyer en la nvier de
Saille. Dont ce fut audit menus puple grand oultraige de ce faire ; car
à eulx n’appartenoit la vangence.
Item, en celle meisme année, Régnier, duc de bar, avec ceulx de la
cité de Verdun, reprindrent à force ung chasteaulx appellé Moneville ,
lequel, peu devent, ung capitaines françois, appellé Guillaume de
Flévy, avoit heu subtillement gaingnié.
.
Pareillement, en celle meisme année, fut la ville dudit Samct Mertin
devent Mets du touttes destruicte, desrobée et aruinée par ceulx qui ce
disoient annemis du devent dit Charles, duc de Loherenne
Le corps sainct Soiber pourlés à Nancei. - Et le corps du gloueulx
sainct Soiber, estant en sa fiertés d’argent tout enthier, pour doubles
des annemis, en fut mené à Nancei.
...
Lesquelles annemis firent encor plusieurs aultre mal, tant à Viller
l’Abbaïe comme aultre parts ; car la gueres devent dictes, esmeute
pour les dites pomme, ce empiroit de jour en jour. Et faisoit cellui
Dedier de Chaufour plusieurs mal contre la cité et ces aydans. Et paireillement faisoient les devent dit Arest Lallement et lou Warey, deux
capitanne annemis audit Lorains, qui ce tenoient en la forteresse de
Werrey. Car yceulx firent paireillement plusieurs mal et grant domaige
sus le païs du devent dit duc et ces aydans.
Le chasteau de Passe Avent prins par le duc de Bar. - Item aussy en
celle meisme année, fut prins le chastel de Passe Avent par le duc de
Bar ; lequelle alors estoit és mains d’ung tirant appelle Eustaiche de
Wernencourt, qui estoit le pire de tous aultres, comme par sa vie, sa fin
et par ces fais on trouve escript.
.
,
En celle meisme année, le XIe jour du mois de décembre, seigneur
Nicolle Louve et Martin George, amant et citams de Mets, revmdrent
de Jhérusalem. Et y fut ledit seigneur Nicolle fait chevalier ; et en
rapourtairent de biaulx pappegart.
.
Mais de ce ne veult plus parler pour le présant, et ferais fin à ce
chaipistre ; car je veult retourner a maistre eschevm de Mets et à celle
pestilancieuse guerre pour le fait desdictes pommes.
208
JEAN DIEUAMI, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ
(1430)
Mil iiijc et xxx. — Item, en l’an après, quant le milliair couroit par
mil quaitre cent et XXX, fut alors maistre esche vin de la cité de Mets le
sire Jehan Deuamy le jonne.
Défiance du duc de Lorenne contre ceulx de Mets. — Et, en celle année
le devent dit duc Charles de Loraine, voyant que pour chose qu’il
eust fait ne comender de faire, jà pour ce n’averait il la rescasine 1 2de la
dicte hottée de pomme, ne nulle recreance ne l’en serait faictes par les
seigneurs devent dit, parquoy avint que, le dernier jour du moy de
may, il envoiait son hérault, noblement vestu, qui pourtoit la cotte
semées de ces armes, lequel héraul, on non de son maistre, deffia les
seigneurs de la cité et tous les habitans d’icelle. Laquelle chose il
sembloit qu’il ne convenoit jà faire ; car les œuvres que lui et ces amis
avoient jay faictes demoustroient assés qu’il ne les aymoit point.
Et, tantost au londemain après, il envoia assaillir le moustier d’ung
villaige nommés Espilley, auquel moustier avoit X soldoiers de Mets,
qui moult bien ce deffandirent. Car, à celluy essault, prindrent ung
escuier, appellés Jacques de Salvigney, et le tirarent dedans cellui
moustier , et, ce fait, le désarmirent, puis luy donnairent respit et
congiez, en promectant par sa foy qu’il viendroit à Mets tenir prison.
Maix il n’en fist rien, et, en ce parjurant, il oblia sa foy. Et, ung peu de
tampts après, fut gaingniés celluy moustier, et tous les compaignon
devent dit prins ; et olrent respit, sur leur fois, jusques au jour de feste
sainct Remey après ensuyant. Lesquelx soldoieurs tindrent leur pro
messes, et ad ce furent contrains des seigneurs, leur dit maistre.
La justice de Mets abatue. — Item, l’an dessus dit, le jour de feste
saint Médart, VIIR jour du moix de jung, le devent dit Charles, duc
de Loraine, envoia ses gens, en nombre de XVe homme bien armés à
chevaulx, et V mil hommes à piedz. Et, la premier chose qu’il firent,
ilz abbatirent le gibet et la justice d’icelle cité, en laquelle y avoit
pour lors environ XXXII homme pandus, Dieu ait leurs âme ! Et,
quant il heurent ce fait, tout celluy jour, jusques à midy, le devent dit
duc fist faulchier plusieurs blefz, qui estoient moult biaulx, du coustés
par devers le priouré de Sainct Andrieu, et en jusques près d’Owegney K
Puis, ce fait, c en restournairent en leurs pays. Mais, comme par
miracle de Dieu, avent qu’il y vindrent, il fist une cy grande tampeste
de gresle et ung cy orible tonnoire, tellement qu’il en y oit plusieurs des
mors, et espéciallement de ceulx du Pont à Mousson.
Item, ce meisme jour, lesdit de Mets prinrent VI homme d’armes des
leurs, et les amenairent en la cité tenir prison.
Paireillement, pour cellui jour, furent encor prins XIII compaignon
piéton, de Noeroy devent Mets, qui pourtoient vivre en l’ost ; et furent
amenés avec les aultres.
Aussy, je vous veult dire et compter ung cas pour rire. Car, en celluy
jours, vindrent trois prebstre de la ville de Nancey à bien grand haitte
1. Dérivé du verbe recaser, qui signifie : assigner une part à quelqu’un
2. Augny, Moselle, Metz, Metz.
LÉ DUC DE LORRAINE DEVANT METZ (JUILLET 1430)
§06
par devers le dit duc Chairles, luy estant devent Mets, pour requérir et
impétrer audit duc Charles aulcuns bénéfice d’icelle cité ; car il cuydoient desjay qu’elle fut prinse et gaingnée. Mais, la Dieu mercy, il en
estoit bien loing ; et ne prant on pas telz chat sans mouffle. Cy furent
par copt d’aventure yceulx prebstre rancontré par les piéton de la cité ;
lesquelles les despoullairent et mirent en belle chemise, et, en les
mocquant et dérisant, les renvoiairent en leur païs de Loraine, disant
à eulx que en la malle heure fussent il venus : « car mieulx vous vaulsit
vous en aller dire vous heure et chanter vous messe et vous mattine ;
que Dieu vous doinct sanglante estranne ! » Et ainssy c’en sont re
tournés les pouvre prebstre bénéficiés tout en chemise.
Deffiance de ceulx de Bar contre ceulx de Mets. — Item, l’an dessus
dit, c’est assavoir le Xe jour du mois de juillet ensuiant, le duc Regnier
de Bar, filz du roy Loys et gendre audit duc Charles, à la requeste
dudit son sire, envoya son hérault, noblement vestu, avec sa cotte
d’armes ; et vint on nom de son dit maistre deffier les seigneur de Mets
et tous les habitans d’icelle. Et tout pour la dicte hotté de pomme.
Trois aultre princes defjiaireni pareillement la ville. — Et, en ycelluy
jour meisme, l’évesque de Collongne, le mairquis de Baude, gendre
audit duc Charles de Loherenne, et le duc Stefï de Bavier, défilèrent
pareillement la dicte cité ; et tout à la requeste dudit duc Charles.
Et, avec yceulx, defiiairent plusieurs aultres, tant chevalier comme
escuyer, et tous jantilz gens d’honneur et d’armes.
Et, le lundi après, XI« jour du moix de juillet, ledit Charles, duc de
Loherenne, acompaigniés des devent dit duc de Bar et du marquis de
Baude, ses deux genres, et du duc Stefi de Bavier, avec eulx bien
en[viron a Xm gens d’armes a chevalx, et plus, et de gens à pied XXm,
et plus, et se mirent ai chamin pour tout destruire le pays de Mets. Et, en
oullre, il cuidoient bien panre la bonne citeit de Mets. Maix Dieu, et ces
sainct et saincte, en jurent gardes, avec nous boin sseigneurs, et leur aidant,
que saigement la gouvernont. Et, la première chose que le duc de Lorrenne
feit sur ceulx de Mets celluy jour, il et ces gens prinrent Goin, une for
teresse. Après celluy jour, il fist jauchier les bleif de III finaige, c’est
assavoir de Goin, de Pairgney, et de Végney;et asaillont cestuy jour la
forteresse de Végney : maix il ne la prinrent mie. Et, celle nuyt, il vin
rent gésir à Crépy. Et saichiés qu’il moinnient cher et cherretle pour
monner vitaille, bonbairdes et aulirez artillement.
L’an dessusdit, te mairdi XIIe jour dudit moix, il assaillirent la for
teresse de Creppey, et la prinrent. Et, celluy jour, il ardirent les II Belzveulz *
1 et la ville de Perte 2. Et, celle nuyt, il jurent à Creppey.
a. Entre les feuillets 14 et 15 du ms. M existe une lacune. Le texte que nous publions
est celui de la Chronique dite du Doyen de Saint Thiébaut de Metz, que Mme Marol
amis très aimablement à notre disposition dans son excellente édition, encore manuscrite.
Philippe, pour cette partie, a recopié à peu près textuellement la Chronique du Doyen.
ICI
1. La Haute Bévoy, commune de Borny, Moselle, Metz, Metz, 2° canton et
casse Bévoy, commune de Peltre, Moselle, Metz. Verny.
’
2. Peltre.
la
210
GUERRE ENTRE METZ ET LORRAINE (14 JUILLET 1430)
Item, le mairdi XIIIIe jour dudit moix dessus dit, il bottont les feu
en la ville de Maigney] et « fauchèrent les bief de plus de mil journault
de terre, qui estoient en trois finaiges de trois villes, c est assavoir de
Pertes, de Creppy et Magny. Et, avec ce, yl ont couppes et trappes
lesdictes vignes de Magny. Et puis, ce faict, yl vourent passer le pont
d’icelle ville de Magny ; mais il ne pourent passer : car le dit pont
estoit defïaict ; et l’avoient desrout et mis en pièces les dis de Mets,
quant yl lé soirent venant. De quoy ce fut ung grand bien pour le
bourg de Sainct Clément. Et alors, par despit, yl retournaient a la
dicte Magny, et y boutairent de rechief le feu, et la bruslerent toutte.
Et, ce faict, s’en retournèrent arrier à Creppy, et y geurent pour celle
Tue jeusdy après, qui tut le XIII* jour dudit moi*, ils
vignes de Villemars par desoure le bours de Mazeille Et, illec, com
mencèrent à couper lesdictes vignes ; et en coupairent en celluy jour
m<Et^ alOTS^ les seigneurs de la cité, c’est assavoir ceulx qui avoient le
gouvernement du faict de la guerre, voyant leurs maulvistiés, firent
dresser deux grosses bombardes dessus la pourte de Mazeille, les
quelles ont tirez fort et fermes et sans lâchier. Et tellement y ont
besongniés qu’il fut dit et rapourté que, des annemys, en furent p us e
XX des tués. Et, de faict, se mirent au champt, par license de justice,
plusieurs des bourgeoys de la cité, tant archiers, coullevrimers corne
arbullestriers et plusieurs aultres. Lesquelz, de prime venue, firent
grand dommaige sur les dits annemys ; mais, à ce qu’il furet trop ardans
de ce vangier, les aulcuns se laissèrent susprendre, tellement que lesdis
annemys en ont en celluy jour prins et enclos environ au nombre de
XXXVI, desquelz Jehan Hullo en fut ung; et tous les aulties estoient
tous citains, et leaulx compaignons, et vray messains
Celluy jour meisme, le seigneur de Rodemach et le sire de Boullay
deffiarent pour la dicte hottée de pomme ; et fut tousjours a la requeste
du devant dit duc Charles. Et vouloit on dire que, ce q* û en firent
ce fut par convoitise de gaignier. Car, comme on disoit,
avoit promis trois mil frans pour leur saiüaires. Mais nneulx vauls.
au sire de Rodemach qu’il s’en fut tirés arrier. Car, puis après par
lesdis de Mets, à celle occasion, son pays en fut une grand partie destruicte et bruslée, corne ycy après serait dit, quant tempts serait d en
P&ER après ce faict, et la nuit venue, c’en Sont retournés arrier couchier
à la dicte Creppey.
Puis au lundemain, qui fut le vandredy XIIII6 jour du dit moix,
yl ont bouttés les feu en leurs logis. Et, avec ce ont heu ars et brus s
plusieurs villes et gaingnages du costés devers Collegney. Et, ce faict,
s’en sont retournés arrier leur chemins.
a. Nous utilisons ici un feuillet isolé du ms. A, qui est le brouillon de Philippe
ligne précédente, corriger : le mairdi XII
]our.
A la
GUERRE ENTRE METZ ET LORRAINE (18 JUILLET 1430)
211
Et en cest estât ce fit charier le duc Charles parmy ce pays : car
nullement ne pouvoit endurer le chevaulchier ne aller à piedz sans
l’ayde d’aucuns baitons pour luy soutenir.
Et, en contreversant le pays, c’en sont allés gésir à Malleroy. Aulquelz lieu furent dressée plusieurs tantes et pavillons ; et en veoit on la
plus part de dessus la Grande Esglise d’icelle cité. Car, alors, estoit le
tempts moult beaulx et cler, et faisoit moult grant challeurs.
Et, le sabmedy ensuyvant, XVe jour d’icelluy moix, ont levez leurs
sièges de bon matin ; et ce vindrent mectre à Pargner, a plus hault de
Chastillon, au dessus du prey de Sainct Julien. Et, quant y furent
là arrivé, de prime venue commencèrent à couper les vignes, et à peller
les arbres, et à fauchier les bief. Et vêla tout les beaulx faicts que ce
jour firent. Puis, ce faict, [rallont a gisir en leur tante.
Le diemenche XVIIe jour du dit moix, il se repozonl de mal faire.
Item, le lundi XVIIIe jour dudil moix, bien mallin, il revinrent on dit
hault de Chastillon, et racomensont à coppeir, à palleir airbes. Et firent
dressier II grosse bonbairdes, qui traiont bien avant dedans Mets, assés
près de Saincte Creux, on hault de Jeurue; et trairent ledit jour XXIXcolp.
Et, tout le domaiges qu’elle firrent en la cité par les dite bonbairdes, il ne
luont homme, ne femme, ne anffans, ne bestes quelcunque, exceptés ung
petit chesson 1 qui estoit en une maixon, en arest entres II bixes 2 où qu’il
avoit II petit enffans, lesquelz anffans n’olrent oncque mal, par la graice
de Dieu.
Item, encor fisl la bonbairdes ung dopmaiges dont on fuit plus correcier :
car elle gettait en la courcelle Philippin Marcoulz, où il y avoit ung
luppin 3 de merjollenne; elle le brixait, de quoy la dame en menay grant
hahay.
Item, ledit jour devant dit, que, quant nous seigneurs de Mets virrent
que c'estoit des bonbairdes, il firent dressier deulx bonbardes dairien le
Nuef Pont, entre lez II rivière; et comansont à traire contre nous anemis,
tellement qu’il fuit dit pour vray que, celluy jour, il tuont X homme de
nous anemis; et fuit vray qu’il iuiont ung blan cheval, sus lequel il avoit
ung genlilz homme, lequelz n’ot point de malz.
Item, ledit jour, prinrent nous gens de Mets VI homme d’airmes, et les
enmenont en prison en Mets.
Item, encor le dit jour, XIII homme, de Noweroy devant Mets, por
taient vivre en l’ost. Et furent celluy sourprin, et enmonnés en Mets, en
prison.
Ancor b debveis savoir que le duc Chairle de Lorenne comandait à son
maistre bonbairdiés qu’il chergaist sa bonbarde tellement qu’il peusi
traire jusques la Grant Église de Mets; et, adonc, fuit brixiée la plus
a. Nous reprenons ici le texte du Doyen de Saint Thiébaut, établi par Mme Marot.
b. Nous supprimons ici, dans le texte du Doyen de Saint Thiébaut, l'histoire des
trois prêtres de Nancy, que Philippe a déjà contée p. 207-208.
t. Un chaton, un petit chat.
2. Patois bihhe, berceau.
3. Tupin, pot (de terre).
212
GUERRE ENTRE METZ ET LORRAINE (4 AOUT 1430)
grosses de cez U bonbairdes; et, depuis, il ne trayl ne cop, ne demey.
Item a, vint, ledit jour, sseigneur Comraird Baier, esvecques de Mets,
en la citeit de Mets, pour trouver traictiet entre le duc de Lorrenne et la
bonne citeit de Mets. Et en fisi] tout ‘ son effort, comme ung bon pasteur
doibt faire. De quoy la seigneurie l’en remercyat beaulcoupt ; et, avec
ce, lu y firent responce que jà traictiés ne paix n’en seroit faictes par
eulx, ne par aultres, tout le temps durans que le dit Charles seroit avec
puissance et à main armée en leur pays, comme yl estoit. De quoy, la
responce donnée, la chose demeurait en telz estât.
Item, le mercredy XIX* jour d’icelluy moix, ilz fauchèrent les bief,
et pelèrent les arbres, et couppèrent les vignes de plusieurs villes on
Hault Chemin. Et, ce faict, s’en retournoient tousjours logier en leur
logis.
Et devés sçavoir que, tous le tempts durans d icelle guerre, ne pour
puissance que le devant dit duc oit avec luy, ne pour doubtes de tous
aydans, nulles des pourtes de la cité n’en furent oncques plus tost ne
plus tart closes. Ne aussy l’on ne laissait à charier ne à mener vivres en
ycelle par lé dictes pourtes. Et sambloit que ce ne fust que mocquerie
de ce que les dits Lorrains faisoient. Car touttes leurs vaillances et
promesse n’estoit que de destruyre les biens de la terre ; et tenoit on en
la cité cy peu de compte de leurs faict que, à mon samblant, le gayt de
dessus la muraille n’en fut oncques de bien peu renforcyé. Et estoit
chacun citains réconfortés de ceu qu’il pouuoit advenir.
Item, quant ce vint le mercredy XXe jour dudit moix, plusieurs
d’icelle armée, c’est assavoir Regnier, duc de Bar, et son gendre,
passèrent, eulx et leurs gens, avec une grosse bande, le wez d’Olhxei ;
et puis c’en vindrent à passer tout par devant les deux pont . c est
assavoir le pont des Mors et le pont Thieffroy ; et boutairent les feu et
ardirent XII que ville que gaingnaiges par devers celle partie. Des
quelles la c ville de Vappey fut la première, comme l’on dit. Après ce
faict, s’en retournèrent, luy et ces gens, en leurs pays. Et disoient les
plusieurs que à ycelle heure yl s’en alloit en France devers le roy
Charles, son cousin, et duquel nous avons par cy devant parlé.
Cy me tairés de luy et revenrés à celle pestilancieuse guerre.
Or, retournons à celle guerre devant dite. Car vous devés sçavoir que
jà pour ce ne fut le duc qu’il ne persévérait en sa îellonnie et mauvais
voulloir.
Et tellement que, le jeusdy 1111e jour du moix d’aoust, fut mise sus,
de la part des dit de Mets, une grosse armée ; lesquelz à ce jour meisme
saillirent dehors aux champts par grosse bande, tant à pied comme à
cheval. Entre lesquelz estoient plusieurs gens de lignaige, tant chea. Nous reprenons plus haut dans le récit du Doyen ; Philippe, qui a utilisé tous Us
documents fournis par celui-ci, les a placés dans un ordre diffèrent.
b. Nous suivons ici, de nouveau, le ms. A.
c. La est répété deux fois, au bas de la page et au haut de la page suivante.
1. Olgy, hameau, commune d’Argancy, Moselle, Metz, Vigy.
M anuscrit
A
(A rchives départem entales de la Moselle)
Voyez t. I, In tro d u ctio n , p. xiv.
GUERRE ENTRE METZ ET LORRAINE (15 SEPTEMBRE 1430)
213
valliere comme escuyers. Sy furent les dit de Metz pour ce jour meisme
rancontrés en ung lieu que l’on dit le wey le Houton L Et, après
plusieurs copt donnés et ressus, ce tournait la fortune “dessus lesdit de
Metz : en fasson telle que, à celle rancontre, yl en fut prins le nombre de
cent et XVII, tous gens de guerres et à chevaulx. Mais, la Dieu mercy,
que la plus pairt des seigneurs furent eschappez. Car, entre yceulx,
n’y oit des prins que messire Nicolle Grongnat et Jacquemin Boullay.
Et fut dit et estimés que le butin lequel à celle journée les annemys
gaignarent, sans rien compter les corps des prisonniers, montoit bien
à la somme de XIIIm et VII0 frans. L’on ne scet a vray se aulcune
trahison y fut à ce jour faicte. Car, en celle compagnye, y avoit plu
sieurs Allemans, lesquelz, ung pou devant, avoient estez avec ledit duc
Charles au siège de Chastillon ; et puis c’estoient venus rendre à la cité
pour avoir gaige. Mais, à celle b rancontre, il furent tous prins et
emmenés avec les aultres.
Item, l’an dessus dit, le jour de feste sainct Laurans, les seigneurs de
la cité, acompaigniés de quaitre cent hommes à chevaulx, et environ
trois mil à piedz, cy c’en allirent bouter le feu en la ville de Moyeuvre ;
et fut toutte airse et brullées.
Puis, le jeudi ensuiant, qui fut au lundemains de saint Laurans, fut
ordonnés et comendés par la justice à la clergie de la cité de mestre
argent au chainge, chiés Jehan Laisné, le chaingeur, pour aidier à
maintenir ycelle guerre maldicte.
Et, en celluy tampts, y avoit en la cité tant et cy orriblement de
mouche, pour les bestes qui estoient à reffuge en Mets, que à paine les
pouoit on endurer.
Deffiance du duc dé Mon contre la cité. — Item, l’an dessus dit, le jour
de la Nattivités Nostre Danme, VIIIe jour de septambre, défilait la
cité le duc dé Mon, et son fîlz avec luy ; et tousjour à la requeste dudit
Charles et pour la recreances desdictes pomes.
Rodemack prinze par ceulx de Mets. — Le XVe jour dudit mois de
septembre, les seigneurs devent dit, gouverneurs et jesteur 2 de la cité
et administrateurs de la chose publicque, acompaigniés de leurs gens
d’armes, bien en nombre de VI cent chevaulx, et avec plusieurs piéton,
prindrent la ville de Rodemach ; et fut toutte airse et fouldroiées.
a. Ici Philippe a rayé sur les Messains, et repris se tourna la fortune.
b. Ici nous reprenons le texte du ms. M. Les passages que nous avons empruntés au
fus. A représentent deux feuillets et trois lignes, de Vécriture de Philippe de V igneulles ;
ceux que nous avons rétablis d'après la Chronique du Doyen de Saint-Thiébaut corres
pondent à peu près à un feuillet du ms. M. Il semble donc que trois feuillets seulement aient
disparu, et, dans ce cas, nous aurions comblé la lacune d'une manière complète. — Rien ne
s'oppose, matériellement, à cette hypothèse : le manuscrit, quand il est venu entre les mains
du relieur, devait être dans un état pitoyable, avec des feuillets isolés : c'est ainsi, au t. I,
que la suite du f° 416 est au f° 74, la suite du f° 74 au f° 72. Il est donc très possible que
notre ms. ait présenté ici une lacune de trois feuillets au moinent oà il a été mis entre les
mains du relieur ; en tout cas, le volume ne présente aucune trace des feuillets manquants.
1. La Hautonnerie, maison et ferme, commune de Louvigny, Moselle, Metz, Verny,
est désignée en 1404 sous le nom de La Grainge le Houton.
2. Gesteur, celui qui gère.
214
GUERRE ENTRE METZ ET LORRAINE (25 SEPTEMBRE 1430)
Et, avec ycelle, lurent encor airse VI aultre ville appartenantes audit
seigneur de Rodemach. De quoy on estimoit le dopmaige que lesdit de
Mets avoient faict montant à la somme de plus de L mil escus.
Item, tantost après ce fait et on meisme moix de septembre, revindrent arrier touttes les armée ce joindre ensamble : c’est assavoir le duc
de Bar et de Loraine, avec plusieurs chevalier et escuiers, estimés au
nombre de X mil, que ung, que aultre. Et, avec celle compaignie, vindrent ce abourder on Vault de Mets ; et, tout premier, ce mirent à
bouter les feu en la ville de Jeuxei ; paireillement en Vault, à Rouzerieulle et à Saincte Raffine. Et, avec ce, pour plus grand mal acomplir,
il laichèrent les vins qu’il trouvaient és cuves et en tonniaulx.
Et, alors, lesdit de Mets sont saillis dehors au champts ; et coururent
jusques a pont à Mollin, environ quaitre cent homme d’armes, et
plusieurs piétons. Mais bien viste furent rechassés par leurs annemis
jusques à la pourte là où alors estoit Sainct Simphoriens. Et là, en ce
lieu, mirent lesdit de Mets le piedz à terre, et vaillamment ce combaitirent ; et tellement ont résistés et assaillis leur annemis que par eulx
en fut prins environ LXIX, tous homme d’arme et à chevaulx, ausquelx on fist la plus pairt promestre de venir en Metz tenir prison ;
mais il en mantirent leur fois, et, comme on dit, n’y vinrent mye.
Aussy, à ce mesme jour, fut rué jus seigneur Warey de Tournoy,
chevalier ; paireillement le prévost de Chastenoy, et le capitanne de
Falquemont, et, avec yceulx, X aultres compaignon d’armes. Mais
Collin Paillat, l’eschevin et citains de Mets, y fut tués. Et fut dit pour
vray que, à celle rancontre, les annemis perdirent plus de VIIXX homme
de piedz ; desquelles n’en fut trouvés pour prisonniers que VII tant
seullement, car tous les aultres furent noiés, ce cuidant salver en la
rivier.
Nouvelle ordonnance en Mets. — Item, l’an dessus dit, fut faictes
une nouvelles ordonnance en Mets : c’est assavoir que chacune teste
au dessus de XII ans d’eaige devoit paier chacune sepmaigne ung
denier.
Or avint, par le comendement de justice, que, le maicredi après,
XXVe jour dudit mois de septambre, fut mise une rese 1 sus ; et telle
ment que, à celluy jour, les homme d’armes de la cité courrurent
jusques devent les pourte de la ville du Pont, et approchairent cy très
près qu’il tuairent deux des pourtiés d’icelle ville. Et, c’il ne ce fussent
tant hattés, et il eussent atandus leur compaignon, c’est assavoir la
grosse bande qui estoit encor derricrs, cen point de faulte il eussent
gaingnés la ville. Cy ramenèrent pour tout buttin ung prisonniers, et
grant plantés de beste.
Deux tour de noveaulx fondée en Anglemur. — Aussy, en celle meisme
année, fist la ville faire deux neusves tours on balle 2 en Anglemeur.
Quant le baille de Maizelle fut fait. — Et fut faicte de neuf le baille de la pourte à Maiselle.
1. Reise, expédition militaire en terre ennemie.
2. Bmie, enceinte fortifiée.
TRÊVE ENTRE METZ ET LORRAINE
(8
DÉCEMBRE
1430)
215
Et furent celle dicte année les murs et la ville de Sainct Mertin
devent Mets causy touttes aruynées et destruictes par lesdit de Mets,
et les pieres menées à reffaire la vanne de Wauldrinowe.
Et puis, ce fait, fut donnés trêves entre le devent dit duc de Loherenne et la cité, lesquelles dévoient seullement durer depuis la Concep
tion Nostre Damme en jusques à Noël ensuient. Et furent alors tout les
prisonniers laichiés sur leur fois ; et heurent respis et d’ung coustés et
d’aultres.
Journée entre ceulx de Mets et de Lorenne. — Item, 1 an dessus dit,
fut journée tenue pour le fait de la dictes hottée de pomme, et pour
le traictiés de la paix d’icelle maldicte guerre. Et tellement fut acordés,
par révérand a perre en Dieu seigneurs Conraird Baier, alors évesque
de Mets, et par messire Jehan, conte de Salmes, lesquelles seigneurs ce
prêtoient et faisoient fort en cestuit cas pour le devent dit duc Charles
de Loherenne, que tous prisonniers, d’ung cousté et d’aultre, seroient
et dévoient estre quictes, et en pouuoit chacun retourner en son lieu
tout franchement, par ainsy que desdicte pommez ne de la recreance
d’icelles jamaix ledit duc de Loherenne, ne aultres pour luy, n’en
debvoient rien demender aus dit de Mets ne à leur subject.
Et alors, après ce fait et acordés, ceulx de Mets renvoièrent tout
incontinent leurs prisonniers à Nancey par devers le duc, pour avoir de
luy leurs quictance, comme il estoit devent traictés. Maix ledit Charles
oit aultrez conseille, et n’en voult rien faire, ne ne les voult quictei
de leur sairment. Très bien il leur voulloit donner respit ; maix, pour en
pairler à leur seigneurs, c’en sont retournés les prisonniers à Mets.
Parquoy le conseil fut mis ensamble pour celle affaire. Et fut dit qu’il
seroient du tout acquictés cellon le traictiet qui avoit estés acourdés.
Et, tout incontinent après celle conclusion faictes, renvoiairent tous
lesdit prisonniers à Nancei. Et, de fait, leur fut dit et comendés qu il ne
retournaissent plus sus respit, c’il n’estoient du tout acquictés, comme
par lesdit seigneur évesques et le conte de Salme il avoit estés promis
et dit.
ij planelte en l’air.— Or advint que, en celle année meisme, le troi
sième jour du mois de febvrier, que il fist moult biaulx tempts et
chault. Et alors s’aparurent clérement deux plannettes en 1 air, qui
comencèrent à luyre à heure de vespre. Et couchoient, à 1 acomencement, bien près l’une de l’aultre ; mais, en moins de V sepmainne, elle
ce esloignairent forment ; et perdit l’une sa clarté, et ne sceust on
qu’elle devint. Parquoy on pouuoit conjecturer que c’estoit signi
fiance des grand guéri e qui alors estoient entre les prinsez et seigneurs
crestiens les ung aux aultres.
Costume abolie en Mets. - Item, ce fut aussy en celle dicte année que
la coustume cheut et faillit de donner au princiers et au abbés les
a.
M : reverad.
216
NICOLE LOHIER, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1431)
escueilles de poisson ; et paireillement les X livrez que on donnoit aux
Trèses et aux amans.
Paix criéez entre ceulx de Mets et Lhorenne, de peu de durée. — Item,
en celle meisme année, le premier jours de l’ans, de bonne estraine, le
conte de Salme publiait et fist publier la pais entre le devent dit Char
les, duc de Loherenne, et la cité de Mets. Et fut ce fait à Nostre Dame
la Reonde, a Grand Moustiet, après mâtine. Mais celle pais ne ce thint
point, comme cy après serait dit.
En celle année les loups occirent et estranglairent plusieurs anffans
par le pais de Mets.
Item, après ce que celle pais fut ainssy publiées en la manier que
avés oy, seigneurs Jehan de Haussonville, chevalier, qui pour lors
estoit mareschal de Lorranne, avec plusieurs aultres du conseille, par
despit de ce que lesdit de Mets ne leur avoient fourés le poing, et qu’il
n avoient heu le vin des prisonniers de la cité, c’en allairent devers le
duc Charles, leur seigneur ; et tellement l’ont informés de bourde et de
manterie que ledit Charles, injustement, rethint les prisonniers et ne
les voult quicter. Parquoy le conte de Salmes en fut fort mal contant ;
et, en despit de ce, il fist incontinent faire la guerre audit duc. De quoy
I une des partie ne l’aultre n’y gaignairent riens. Touteffois, par la
remonstrance d’aulcuns bien vueullant, on y trouvait acord ; et en fut
essés tost après la paix faictes.
Item, en celle meisme année, fut par fortune Jehanne la Pucelle
prinse et détenue par Jehan de Lucembourt, et puis livrée en la mains
des Anglois. Lesquelles, comme malvais et innicque, l’ont villainement
traictée a ; et à tort et sans cause l’ont fait morir, comme ycy après
vous serait dit.
Mais, affin que je ne tressaulte pas tant d’ungne matier à aultre, et
avant que de en plus dire, je vous dirés encor aulcune chose estre
advenue en ce tampts en la cité de Mets. Et, premier, serait dit du
maistre eschevin d’icelle, et qui le fut en l’an après.
Mil iiiic et xxxj. — Vous devés sçavoir que, en l’an après, que le
milliair couroit par mil quaitre cent et XXXI, fut maistre échevin
d icelle noble cité de Mets le sire Nicolle Lohiers.
Huchement fait. — En laquelle dicte année avindrent plusieurs
merveille. Et, premier, fut trouvés que, depuis l’Anunciacion Nostre
Damme en jusques au jour de la feste sainct Marc, on faisoit chacune
nuyt grant noise et grand huttin en la maison que fut le seigneur
Jehan Hesselin, curé de Sainct Hillaire le Grant ; et tellement que
touttes les nuit on y veoit gecter le feu, et rompre les tuilles de dessus
les toictz, et debrisier les huys et les fers des fenestres ; et ne ce pouuoit
sçavoir qui ce fist. Et tant que le Conseil en fut mis ensamble ; et fut
huchiez sus la pier en Mets que nulz ne nulles ne ce trouvait de nuyt
par la cité sans chandeille, sinon ceulx qui faisoient le gait.
«, M : taictée.
DISCUSSION ENTRE METZ ET LORRAINE POUR LA PAIX (1431)
217
Changement de temps. — Item, advint en celle meisme année, le jour
de la Translacion sainct Clément en maye, au quelle jour alors estoient
les vigne très belle et bien chargées, tant autour de Metz comme on
pais d’icelle, et faisoit moult biaulxtampts,etftantost, à ce jour meisme,
à heure de nonne, le tampts se changeait, et gella depuis celluy jours
jusques a XVIIIe jour dudit mois, tant que les vignes furent touctes
perdues par oultre la rivier de Saille.
Violence faicle par iij prebstre. — Aussy, avint, en cellui tampts, le
derniers jour du moix de may, que seigneurs Michiel Adam, alors
curey de Saint Victor en Mets, seigneur Dimanche, d’Yvoixe, et Jehan,
dit le Vicaire, avoient prins une jonne femme et l’anmenoient nuytamment ; mais elle fut rescousse. Et furent les devent dit pour ce
méfiait tous trois prins et menés on Pallas ; et depuis furent banis
V ans, et pour amande paièrent tous trois ensamble la somme de
Vlxx livrez.
Traictement de paix. — Item, en celle dicte année, le devent dit
seigneur Conraird, évesque de Mets, s’en alla devers le duc Charles de
Loherenne, pour luy remostrer la faulte qu’il avoit fait d’avoir détenus
les prisonniers depuis le premier jour de janvier, auquelle le raport du
traictiet de la paix avoit estés fait. Et, dès alors, ledit duc de Lohe
renne donnait le respit audit seigneur Nicolle Gronnat et à la capitaine
des soldoieur de la cité, lequelle estoit appellé Nistre. Et, le VIIIe jour
du moix d’aoust, revint en Mets ledit seigneur évesque, et le conte
Jehan de Salme, pour parler aux seigneurs d’icelle pour aulcune
demende qu’ilz disoient que le duc Charles demendoit ; et demoura
encor la chose en tel estât.
Ung prebstre condempnês aux pain et à l’iawe. — En celluy meisme
tampts, fut prins en Mets ung prebstre, nommés messire Pier, pour ce
qu’il avoit fait plusieurs larresins ; et fut randus audit seigneur évesque
pour tel qu’il estoit. Et fut ce prebstre par ledit seigneur condempné
au pains et à l’yawe en chairtres parpétuelle, sault et réservés la
graice dudit seigneur. Touteffois, depuis, il oit sa grâce ; et fut renvoiés à Romme pour le réabilliter.
Deffences de ne paier cens aux iiij ordre mendiant. — En l’an dessus
dit, le VIIIe jour de septembre, firent dire et anuncier les seigneur et
gouverneurs de la cité de Mets que nulz ne nulles ne paiaissent aux
quaitre ordres mandians nulle cens ne nulz louuier d’ostel que on leurs
devoit, fors que à ung clerc commis par lesdit seigneurs, sus la somme
de X livrez de messins d’amende. Et fut celluy argent mis en plus
grant proffit pour les dictes ordres.
218
JEANNE D’ARC BRÛLÉE A ROUEN (30 MAI 1431)
[JEANNE D’ARC BRULEE A ROUEN ; SUITE DE LA GUERRE
DE CENT ANS]
La pucelle Jehanne brullée à Bouuen. — Maintenant, vous veult
quelquez peu laissier le pairler de celle guerre des Loherains et des
affaire de la cité, et veult retourner à la mestier acomencée touchant le
fait de Jehanne la Pucelle. Car, comme ycy devent ait estés dit, il est
vray, cellon plusieurs cronicques, que, environ la fin de l’an devent,
c’est assavoir en l’an mil quaitre cent et XXX, messire Jehan de
Lucembourc, les conte de Hantone et d’Arondel, anglois, mirent le
sciège devent Compiègne sur les François ; et avec yceulx Anglois
estoient les Bourguegnon. Et, pour donner secour à la ville, la Pucelle
y alla avec belle compaignie, et antra dedans. Mais, à celle heure,
Fortune lui tourna le dos ; car, ainssy comme ung jour l’on fist ung
escarmouche devent ycelle ville, à laquelle saillit la dicte Pucelle pour
assaillir les annemis, et, ainssy comme elle vit que la chose ne ce pourtoit pas bien à leur proffit, elle voult retourner en la ville ; et fut cy
très fort pressée des gens d’armes que luy estoupoient le passaige
qu’elle fut prinse par ung Picard, lequelle incontinent la donnist à
Jehan de Lucembourgc. Et celluy Jehan, comme malvaix, la vandist
aux Anglois. Et, tantost qu’il l’eurent en mains, cruellement la traictèrent. Et, par grant hayne qu’il avoie au Fransoy, et aussy pour ce que
elle, estant femme, usoit de vestement d’homme, pour ces raison, la
firent brûler à Rouen.Néantmoins que, avant qu’il eussent prononcer la
santance, fut la dicte Jehenne interroguée devent divers juges, tant
spirituel que tamporel, et en plusieurs consistoires. Et d’elle fut enqué
ris plusieurs chose touchant la foy catholicque ; car il cuidoient et
creoyent que Charles eust prins ceste femme instruicte par art magique
pour c’en aydier par quelque malvais art de sorcerie ou aultrement.
Et, combien que la pouvre fillette ce deffandit disant qu’elle mectoit
soy, avec tout ce qu’elle avoit fait, à l’examen du sainct sciège apostolicque, néantmoins elle ne poult estre acoutée envers les tirans. Ains,
par flaterie, plus pour complaire a princes que par bonne justice, ont
les malvais conseilliers, aweuglés par inicque affection, procuré la
condamnacion de celle bonne et juste Pucelle, comme c’elle fut coulpauble, pécheresse et malfaicteresse. Et fut ce fait en l’an devent dit
mil quaitre cent et XXXI, on mois de may. Et, ainssy, avés oy la
fin de la pucelle Jehanne, pour laquelles sont estés depuis plusieurs
chose faictes et dictes, comme en aulcuns lieu ycy après pourés oyr.
Et, avec ce, ont estés composés plusieurs biaulx mectre, tant en françois comme en latin, desquelles j’en ais ycy mis aulcuns, dont la tenour
c’ensuit 1 :
1. Il nous a été impossible de rétablir le texte correct de ces vers.
LES ANGLAIS BATTUS A SAINT-CELERIN (SEPTEMBRE
1431)
219
Gallorum pully tauro nova bella parabunt ;
Ecce béant bella, fert tune vexilla puella
Bis sex cuculy bonis septem sociabunt
Per hune versum denontiatur miseris en vis.
Item fuit etiam pronosticatum per alia metra :
Cum fuerint anni completi mille ducenti,
Et duo sex déni fuerint in ordine pleni,
Et duo sex venient a vergore Remi,
Tune périt Anglorum gens pessima fratre desnoii.
Par cy devent avés oy l’assiègment de la ville de Compiègne,
auquelle fut prinse la devent dicte Pucelle. Cy devés sçavoir que celluy
sciège, mis par les Anglois et Bourgongnon, durait VIII mois ; et
tellement que, après la prinse de la dicte Jehanne, c’est assavoir en
cest présante année mil quaitre cent et XXXI, fut ledit sciège levés à
l’onneur des François, et à la confusion des Bourguignon et Anglois,
par le conte de Vendosme, lieutenant du roy, et par le sire de Boussat,
mareschal de France. Et, en le levant, furent plusieurs Anglois, Borguignon et Picars occis. Dedans la dicte ville estoient messire Philippe
de Gamaches, abbé de Sainct Faron de Meaulx, et ung capitaine,
nommé Guillaume de Flavy, lesquelles c’y portèrent très vaillam
ment.
Plussieurs ville réduide aux François. — Item, paireillement en ce
tampts fut réduite à l’obéissance du roy la ville et chasteau de Melun,
de Provins et de Mouret en Gastinois A
Aussy, en ce tampts, mon seigneur de Barbazan, ancien chevalier 12,
mon seigneur Eustace de Conflans, capitaine de Chaalons, le bourg 3 de
Vignolles, frère de la Hyre, acompaigniés de quaitre mil ou environ,
desconfirent les Anglois et Bourguignon en ung lieu appellé la Croisette, près de la ville et chasteau de Sarré 4, vers Chaalons. Et estoient
yceulx Anglois et Bourguignon de VII à VIII mil, desquelles n’en
eschapa guères que tous ne fussent ou mors ou prins ; les prisonniers
furent estimez VIe. Et, touttefïois, des François ne moururent que
quaitre XX ou environ.
Item, advint, encor en celle année, que le sire de Loré, mareschal du
duc d’Alençon, et plusieurs aultre grant seigneur, acompaigniez de
LX à IIIIXX lances et de VII ou VIIIXX archers, voulans secourir au
siège de Sainct Célerin, assaillirent les Anglois en ung village nommé
1. Moret (en Gâtinais), Seine-et-Marne, Fontainebleau.
2. Dans Jean Chartier (éd. Vallet de Viriville, Paris, Jannet, 1858, t. I, p. 128)
messire Barbazam est appelé « un ancien (vieux) chevalier moult subtil en guerre s.
3. Bovrg, ou mieun'bourd : bâtard.
4. Sarry, Marne, Châlons-sur-Marne.
220
HENRI IV D’ANGLETERRE COURONNÉ A PARIS (17 DÉCEMBRE 1431)
Binaing
près de Beaumont le Vicomte. Desquelle Anglois furent
occis V ou VI cent. Et y fut prins ung capitenne anglois, homme de
grant renommée, nommé Matago 2. Et, des François, n’en n’y oit à
celle fois que XX ou XXX des mors. Mais ledit sire de Loré et plusieurs
aultres des dit seigneurs y furent fort navrés.
En ce meisme tampts, le bastard d’Orléans, la Hire et messire Flo
rent d’IIliers prindrent moult subtillement la ville de Chartres ; où fut
tué 1 évesque dudit lieu, natif de Bourgongne, et plusieurs aultres.
Le roy Hanrei d'Angleterre coronnés à Paris. — En ce meisme ans,
Hanry, roy d’Angleterre et filz de Katherine de France, aagé de
XII ans, et acompaigné du duc de Bethefort, du conte de Varvich et
d'aultres plusieurs, fut couronnés à Nostre Damme de Paris par le
cardinal de Vicestre, où il fut honnorablement receu comme roy.
Aussy, le sire de Gaucourt, lieutenant pour le roy de France en
Daulphiné, et Rhodbigues de Villendras 3,
* 1desconfirent
2
vaillanment le
prince d’Orenge on dit pais ; en quoy faisant il gaignèrent honneur et
chevence.
Item, le conte d’Arondel, anglois, desconfit près de Biauvais le sire
de Boussat, mareschal de France, et Poton de Saintrailles, capitaine
gascon, qui lors fut prisonnier aux Anglois.
Plussieurs course et riblerie entre François et Anglois. — Pareille
ment, en ce tampts, le conte de Vaudémont et le mareschal de Bour
gongne desconfirent le duc de Bar et le seigneur de Barbazan, qui
tenoient le sciège devent une ville. Et fut ledit duc prisonnier, et le
seigneur de Barbazan mort, comme cy après serait dit.
Item, fut levé le sciège de devent Lagni sur Marne, que le duc de
Bethfort y avoit tenus l’espace de VI ou VII mois, dont il en y a oit
plusieurs des mors d’ung cousté et d’aultre.
Pareillement, ledit ans, on mois de septembre, messire Ambrois,
sire de Loré, fist une course devent Caen, le jour de sainct Michiel ;
où il print environ trois mil prisonniers, tous homme de fait, sans les
gens d’Église. Ledit messire Ambrois fist une aultre desconfiture
d Anglois devent Fresne le Viconte ; et encor une aultre près de Silly,
sur les Anglois de Saincte Susanne.
Aussy, en ce mesme tampts, Guillaume de Sainct Aulbin, ayant
environ LXXX combatant, fist une destrousse d’Anglois en ung
villaige du païs du Maine, nommé La Fougère.
La mort de pape Merlin; Eugenne, successeurs. — En ce mesme ans,
et le derniers jour de février, trespassa le pape Martin ; auquelle succéda
Gabriel, vénicien, cardinal de Senes, esleu on conclave du monastère
a.
M : en n’y oit.
1. Dans la Chronique de Jean Chartier (éd. Vallet de Viriville, Paris, Jannet, 1858,
t. I, p. 136), ce village, situé « environ demye lieue » de Beaumont sur Sarthe, est
appelé Vinaing, Venaing.
2. Mathago dans Jean Chartier, ibid., id. C’est Mathew Gough.
3. Rodigues de Villandras, dans Jean Chartier (éd. Vallet de Viriville. Paris, Jannet,
1858, t. I, p. 144), est un capitaine espagnol, nommé Rodrigo de Villa Andrando,
JACQUES DE MIRABEL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1432)
22l
de Minerve, sans contradiction, le quaitriesme jours de mars, et apellé
Eugène, quaitriesme de ce non V Celluy couronna l’empereur Sigismond ; et fîst biaucopt de biens l’espace de XVI ans qu’il vesquit.
Et, tantost après, commença le concilie de Basle, onquel présida
Julian, cardinal de Sainct Ange, qui par avant avoit esté député
ad ce faire par le devent dit pape Martin, selon la conclusion prinse
on dernier concilie tenu à Constance. Et en ce concilie fut cité le dit
pappe Eugène, comme ycy après serait dit quant tampts vanrait d’en
parler.
Mais de ces chose ne dirés plus pour le présant, ains retournerés aus
maistre eschevin de la cité de Mets et aux aultre affaire que durant
ce tampts advindrent en ycelle et és pays joindant.
[de LA MORT DE CHARLES Ier, DUC DE LORRAINE,
LE 25 JANVIER l43l,
A LA PAIX ENTRE RENÉ D’ANJOU ET ANTOINE DE VAUDÉMONT,
EN l433]
L’an mil iiiic xxxij. — En l’an après, et que le milliair courroit
par mil quaitre cent et XXXII, fut maistre eschevin de la dicte cité
le sire Jacque de Mirabel.
Et, en celle année, furent randue les cences ausdictes quaitre ordres
mendientes ; lesquelles, l’an devent, leur avoient estés ostée, comme
il ait estés dit.
Et, en celle meisme année, donnait le devent dit duc Charles respit
a LXXVI soldoieurs allemans qu’il tenoit en prison, de ceulx de Mets,
par condicion telle qu’il paieroient quaitre mil et XVIIe franc.
Trahison d’ung citain de Mets. — Or, avint, en ycelluy tampts, que
ung citains et amans de Mets, nommés Jehan de Tholo, et plusieurs
aultres, voulrent vandre et trayr la cité.
Mais, ce tampts durant, revindrent yceulx soldoieur devent dit en
Mets. Lesquelles, après ce que les seigneurs du conseil d’icelle solrent
leur venuee, et qu’il furent advertis de leur ranson, ilz firent inconti
nent faire ung huchement que nulz ne nulles de leurs subgectz et
manans ne prestessent ne ne donnassent à nulz desdit soldoieurs or ny
argent pour leur dictes ranson à faire, sur la somme de X libvrez de
messins et au regart de la justice. Car nullement il ne voulloient qu’il
ce rachetaissent, ains les voulloient ravoir franc et quictes, celon le
traictiés devent fait par le dit évesque.
Item, après ce, avint, en la dite année, le VIIIe jour de septembre,
environ les VIII heures du mattin, que celle trayson devent dictes
1. Eugène IV (Gabriel Condolmer, vénitien, cardinal-évêque de Sienne).
222
MORT DE CHARLES Ier, DUC DE LORRAINE (25 JANVIER 1431)
fut révellée aus seigneurs de la cité par ung mairchampts demourant
en Wezegnuef, nommés maistre Jehan Flevevantre. Et dit ledit maistre
Jehan audit seigneurs touttes la manier cornent Jehan de Tollo,
l’amant cy devent nommés, voulloit trayr la cité. Et, quant ledit
Jehan de Tholo le soit, il s’absentit de Mets ; et s’en aillait fuyant au
Pont à Monsson. Et dévoient entrer les annemis par une petitte porterne qui encor est on champts Némery, par laquelle, en celluy tampts,
les seigneurs et damme de la cité alloient au tampts d’estés a soullas
après souppés, et ce alloient recréés au loing du rivaige de l’yawe
(car, en ce tampts, le Saulcey n’estoit encor point fait) ; mais main
tenant celle pourtenne est fairmée et emmurée, et n’y vait on plus.
Et en fut celle trayson cause. Quant celle traïson fut ainssy escusée
en la manier qu’avés oy, furent alors la plus part desdit traistres prins
et noyés, mais non pas tous, car une partie se salvairent et c’enfuyrent.
Et alors fut ledit maistre Jehan Flauvevantre affranchis tout sa vie ;
et luy fut donnés la haulte prébande de l’Ospitaulx, et luy en fuient
faictes bonnes lestres, laquelle fut sceellée des ceaulx de tous les parraige de la cité ; et, avec ce, luy fut donné cent libvrez pour une fois,
et fut quicte et affranchis de toutte malletoute et aultre ayde. Et
ainssy apart * que la seigneurie d’icelle cité ne sont point ingrat à ceulx
qui le mérite, et qui biens leur font.
Gros vent. — Item, en celle dicte année, le mardi lendemain de feste
sainct Vincent, il encomença à faire ung merveilleux vent ; et fîst ce
jour 1 ung des fort et malgracieulx tempts que on vit oncque faire.
Car les maison en plusieurs lieu tomboient, et en y oit maintes des
abatue en terre. Et, avec ce, cheoient les tuilles de dessus les maison
et les escailles de dessus les cloichier tellement et à cy grande abon
dance que on n’oisoit yssir hors des maisons.
Charles de Lorenne mors. — Et disoit on que non sans cause ce
esmouvoit aincy le tampts, car pour celluy jour morut le devent dit
Charles, duc de Loherenne. Après la mort duquelle damme Mergueritte, la duchesse sa femme, fîst tous délivrer les prisonniers de Mets
lesquelles estoient encor à celluy jour en prison ; et les fîst la damme
mettre et lougier par les hostel aval la ville de Nancey. Et semblable
ment le firent lesdit de Mets.
Les prisonnier aincy laichiés, comme vous avés oy, et d’ung coustés
et d aultre, depuis ce tampts, en Ausçay, le devent dit seigneur évesque,
et son compaignon, le conte de Salme, lesquelles plusieurs fois ce avoient
heu entremis de celle paix à faire, ne cessairent de ces jours en avant
de traicter et d aller d ung coustés et d’aultres ; tant que une journée
fut assignée par les parties au lieu de Nancey. Pour laquelle journée
à tenir y furent comis, de part la cité, seigneurs Jacques Dex, messire
Nicolle Louve, chevalier, et Poincignon Baudoche, escuier, auquelles
fut donnés plains pouvoir et puissance de tout apaisanter.
i. Appert, de apparoir. — Le p est barré, par une distraction ou une erreur de Phi
lippe de Vigneulles.
PAIX ENTREpÆETZ ET LORRAINE
(19
AVRIL
1432)
223
Paix du tout acourdée entre ceulx de Mets et de Lorenne. — Et telle
ment y ont besoingniés que la paix en fut faictes et scellée le samedi
XIXe jour du moix d’apvril, l’an dessus dit.
Puis advint, tantost après, que Regnier, alors duc de Bar, lequel
avoit espousée l’année fille dudit Charles, duc de Loherenne, se fist
mettre en possession de touttes les bonne villes, prévostés et chastellerie dudit duchié de Loherenne ; et firent tous comunement, seigneurs,
balif, prévost et bourgeois, fealtés et homaige en sa mains (les aulcuns
le firent par paour, et les aultres par leur bonnes voulluntés.)
Division entre Régné, duc de Bar, et Anihoinne, conte de Wauldémonl.
— Mais, tantost après, c’est assavoir ledit ans, le jour de cathedra
saincii Pétri, on moix de febvrier, Anthonne, conte de Waudémont,
qui estoit filz de Ferrey, frère germain audit duc Charles trespassés,
print les armes de Loraine, et ce cuida pareillement mestre en posses
sion, comme le plus droit hoirs. Maix tous luy firent refïus et luy furent
contraire. Parquoy, bien peu de tampts après, ledit Anthonne se
despartit du pais ; et c’en aillait en la duchié de Bourgongne et en
plusieurs aultre pais pour besoingnier et ce proveoir en sus cest affaire.
Vézelize prinze par le duc Régné. — Et, ce tampts durant, ledit
Regnier, duc de Bar, soy disant duc de Loherenne, fist grant amasse
de gens et assamblait une grosse armée. Puis s’en allait en la conté de
Wauldémont, en laquelle il fist plusieurs mal et grant dommaige ; et
print la ville de Vézellize, et plusieurs aultre chasteau et forteresse
appartenant audit Anthonne.
Duchesse de Lorainne en Mets. — Item, l’an dessus dit, le macredi
XXIIe jour de may, damme Mergueritte, duchesse de Lorrainne et
femme que fut audit duc Charles, vint en Mets, à moult belle compaignie. Et luy fist la cité présant de deulx baichetz 1, quatre grant
carpes, trois grans barbelz, et six grosses anguilles, et ung grant saulmon, trois gras beufz, XXV gras mouton châtrés, et trois cawe de
vin moult bons. Et furent encor plusieurs aultres personne qui lui firent
présant particulièrement.
Item, encor en celle dicte année, le dit Regnier, duc de Bar, soy disant
duc de Lorrenne, comme dit est, refist arrier grand mandement ; et
allait mettre le sciège devent Widémont, et y demoura environ XV jour.
Et, en cellui termine, la contesse du lieu, femme audit conte Anthonne,
gisoit d’anfant en la ville de Janville 2 ; et n’avoit encor alors geu que
XII jours. Sy se partit du lieu, et s’en alla aprez son mary, et fist tant
qu’elle le trouvait, et lui dit la grant perte et dommaige de son païs.
Et, quant il oyt ces nouvelle, il ce despartit de sa femme et sa femme de
luy ; et mandairent tous leurs amis ; et firent tant qu’il assamblairent
environ V mil homme de guerre et plus, tant à piedz comme à chevaulx, et environ Ve arballestriers et archiers. Et, alors, mirent ordon
nance en leur fait, tellement qu’il gaignairent la besongne et obtindrent
partie de leur voulluntés.
1. Béchet, brochet.
2, Joinville, Haute-Marne, Vassy.
224
BATAILLE DE BULGNÉVILLE (2 JUILLET 1431)
Quant ledit duc de Bar oyt les nouvelles, il refit arrier ung nouviaulx
mandement par tout son païs et aultre païs joindans à luy apartenant.
Tellement qu’il assembla bien XII mil hommes à chevaulx et X mil à
piedz, tant arbalestrier, archier comme aultres pincquairs 1. Et parti
rent d entour Nancy ; et enmena celle dicte armée en intencion de
trouver ledit conte Anthonne ; et tant le saircha que, le lundi deusiesme
jours de juiellet, il ce trouvairent entre le Neufchastel en Loherenne
et une ville appellée Bullenéville. Et là requièrent bataille audit conte
de Wauldémont, laquelle ne luy fut pas renfusée ; ains fut journée
mise et d’ung coustez et d’aultres.
Victoire du duc Anlhoinne, conte de Waldémont. — Et fut vray que,
le deusiesme jour de feste Processi et Martiniani, environ les VIII heu
res, ce assamblairent les partie, et fut faictes ycelle baitaille très cruelles.
En laquelle morurent moult de vaillans chevalier et escuiers : c’est
assavoir, pour le premier, ce fut ledit Jehan, conte de Salmes, le conte
de Salverne, seigneur Barbasant, chevalier sans reproche, et moult
d’aultrez gens nobles et de bonne maisons ; et, par espécial, plusieurs
des nobles gentilz gens d’Allemaigne. Et furent trouvés des mors bien
en nombre de XXVIIIe personnes. Et y furent prins moult de vaillans
gens prisonniers et menés en Bourgongne : c’est assavoir ledit Regnier,
duc de Bar, messire Conrard Baière, messire Thiederich Baière, messire
Rodemach, le sire de Boullay, et plus de mil aultres, que chevalier,
que escuiers. Celluy jour meisme et en celle baitailles, plusieurs d’entre
eulx furent bien gairdés d’estre prins ne d’estre rués jus en la bai
tailles : car, tout a plus tost qu’il virent la besongne acomencée, il
tournairent le dos et s’en fuyrent, et la milleur armure qu’il olrent, ce
fut la pointe de leur esperon. Desquelles les nons d’aulcuns s’ensuivent :
premier, le seigneur Robert de Commercy, le seigneur Robert de
Baudrecourt, et messire Jehan de Hassonville ; lesquelle, comme laiche
et recrus, c’en retournairent en leur hostelz, et, avec eulx, plus de deux
mil hommes armés. Et par le defïault d’icelle ayde furent une partie
des aultrez ou mors ou prins. Et par ainsy gaingnait la bataille le dit
Anthonne, conte de Wauldémont.
Laicher fais de plussieurs prisonniés. — Or, avint, en celle meisme
année, que le seigneur Nicolle Louve, chevalier, et citains de Mets,
soult et fut imformé que plusieurs pouvre homme du païs de Mets,
jusque a nombre de XV, estoient demouré prisonnier à Nancey pour
leur despans, montant à la somme de cent et L florin d’or. Lequelie
seigneur Nicolle Louve, en pitiés et charités, paiait celle somme, et les
envoiait quérir au lieu de Nancey pour l’amour de Dieu et de la benoitte
vierge Marie. Lequelie luy rande en son benoy paradis ! Amen.
Conraird Baier, évesque, paie xv mil salus de renceon. — Item, celle
meisme année, messire Conraird Baier, évesque de Mets, revint de
prison ; et paiait pour sa ranson la somme de XV mil sallus d’or (XV
1. Piquare, piquier.
ORDONNANCES FINANCIÈRES A METZ (SEPTEMBRE 1432)
225
sols, monnoie de Mets, pour piesse ; et ne vailloient plus pour lors).
Et, quant ledit seigneur fut venus en Mets, il mandait touttes la clergie
et les bon homme de plusieurs de ces villaige, auquelle il fist sa hairangues et sa complaintes, leur remonstrant sa fortune et nécessité ;
et, ce dit, leur demanda qu’il luy voulcissent aidier d’aulcune somme
d’argent, c’est assavoir, au curés de Mets et dez bourgz d’icelle, cent
livres. Dequoy les aulcuns escourdoient essés à sa demande, et furent
contans ; et les aultres non. Et demoura la chose en cest estât ung peu
de tampts après, durent lequelle furent tenus les segne à Vy, et y
furent mandés tout les curés de la cité de Mets et de l’éveschiez d’icelle.
Ordonnances à Mets. — Puis, après, en l’an dessus dit, le premier
samedi de septambre, furent comis par le conseil de la cité Jehan de
Vy, l’eschevin, messire Nicolle Louve, chevalier, messire Simon Noiron,
et le trésorier, pour recepvoir aulcuns argent chacune sepmainne :
c’est assavoir, les XII deniers des mollins, les deniers des testes, l’issue
des vins par les pourtes, les deux deniers des buttes des quairthiers,
et le XIIe des vins vandus à broiche 1 ; pour et afïin de mettre à part
celluy argent, et puis randre à chacun les sommez qu’il avoient prestés
parmy la guerre devent dicte du duc Charles. Et furent tous les rolles
délivrés à Jehan Mazeroy, alors clerc des eschevins, qui, comme clerc,
fut commis avec les dessus nommés.
Item, en ce tampts, furent tresves acordée depuis le mois d’aoust
jusques a lundi après feste sainct Martin d’yver, entre ledit Anthonne,
conte de Waudémont, et la duchiez de Loheranne.
Course faide sus le paiis de Bar et de Lorenne. — Auquelles tampts
durant, Waichellin de Braibant, seigneur de Conquelat, accompaigniés
de plusieurs malvais garson, commença à courre sur le pais de Bar et de
Loheranne. Et y fist plusieurs grand dopmaige ; entre lesquelles furent
rués jus, pour une fois, plus de XXXV chers de merchandise apparte
nant a Lorains et Barisiens, qui wailloient et estoient estimés à plus
de LX mil frans. Et disoit ledit Wainchelin et c’en vantoit que jamais
ne fineroit de prandre et rués jus marchampts et aultre gens, jusques à
tant qu’il raveroit ses perdre qu’il avoit heu à la journée dessus dicte,
quant il fut rué jus. Mais les aulcuns disoient qu’il le faisoit entendant
pour récupérer son honneurs de la fuytte qu’il avoit faict avec les
aultres devant nommés.
Puis, le meisme ans, le lundi aprez feste sainct Mertin d’yver, et que
les devent dicte tresves furent faillie, ledit Anthonne de Wauldémont,
accompaigniés de environ VIIe hommes d’armes, sy comme on disoit,
s’aprouchait pour entrer on pais de Loherenne. Maix, quant les gou
verneurs d’icellui pais le sceurent venant, il envoièrent par devers ledit
conte, en priant, pour Dieu, qu’il volcist remettre les triefves plus
avant de XV jours. Et furent acordées ; et encomencèrent dès lors à
traictier la paix dez ycellui jour en avant.
Dispocision de l’année. — La saisson d’icelle année fut belle et bonne ;
1. Vendre du vin à broche, le vendre au détail ; s’oppose à : vendre en gros.
LE DUC DE BRUNSWICK A METZ (1432)
et lurent lez vignes du païs entour de Mets cy très belle et cy meurs
que de LX ans devent l’en n’avoit veu la paireille année. Et, avec ce,
furent les vins d’icelle année cy très parlaictement bons, et en oit
on cy très grand plantés, que c’estoit chose merveilleuse ; et tellement
que on avoit la cawe du milleurs pour XX sols de la dite monnoie.
L’abbé de Sainct Arnouli en dangier. — Item, avint, en l’an dessus
dit, que messire Simon Follin, alors abbey de Sainct Arnoult és bourgz
de Mets, mist en prison l’ung de ces moine, appellés messire Jaicques
de Pumérieulx, pour tant qu’il en avoit pourtés les Chartres de l’abbaïe
dudit Sainct Arnoult en certains lieu et ne les voulloit randre ne enseignier. Dont il avint que les aultres moine dudit Sainct Arnoult, sans le
sceu de leur abbé, mandairent secrètement les amis dudit messire
Jaicquez, bien en nombre de XXXVI, et, avec yceulx, ont assaillis
l’abbaïe nuytanment ; et cuydoient à force ravoir ledit messire Jac
ques. Mais il faillirent, car ceulx de la cité y acoururent ; et furent
lesdit amis frustré de leur intencion. Parquoy, justice voyant la faulte
desdit amis, furent ung chacun comdampnés à l’amende de X libvrez
de messins, et avec ce banis deux ans.
Ung bourgeois de Mets en dangier d’estre noies. — Or, avint, encor en
celle année, une avanture assés estrange. Car, le jour de feste sainct
Andrieu l’aposte, fut ung homme, appellés Jehan Régnault, citains de
Mets, lequelle, environ les VIII heure de nuyt, ailoit et passoit sur le
pont Sainct George. Et, illec, par trois homme que on ne scet quel il
sont, fut ledit Jehan ampoigniés, et à force et malgrez lui fut par lesdit
trois homme viollantement gectés des dessus ledit pont en la rivier de
Muzelle ; et le cuidoient avoir noyés. Mais, la Dieu mercy, il en eschappait, et fut rescous. Et, alors, fut ordonnés par le Conseil que nulz ne
nulles n’allait de nuyt avault la ville après ce que une cloche, qui est en
l’église collégialle de Sainct Saulveur, averoit sonnés demy heure.
Aussy, en celle année, le samedi devent Noël, furent remis et ostés
les denier des testes, lesquelles avoient estés mis sus à la devent dicte
guerre.
Item, paireillement en l’an dessus dit, le lundemain de la Conversacion sainct Pol, furent acordées nouvelles triesves entre les gens dudit
duc de Bar et le conte de Vauldémont. Et fut dit que aulcuns noblez
du pays, chevaliers et escuiers, estoient chergiés du débat qui estoit
entre eulx dudit duchié de Loherenne, et en dévoient oultraiement 1
déterminer par devent nostre sire l’ampereurs ; et crantirent les partiez
de tenir fermes et estauble tout ce que les arbistre en rapourteroient.
Et alors se despartirent les gens d’armes des garnison d’une des parties
et d’aultres.
L’entrée du duc de Brunswiche à Mets. — Paireillement, en celle dicte
année, ung grand seigneur, duc de Brosewicquez, acompaigniés de
Vlxx hommes d’armes, vindrent abourder en Mets, auquelles les sei
gneurs d’icelle firent ung joieulx rescueil. Et luy firent présant de deulx
1. Outréement, en dernier ressort.
ALBERT BQULLAY, MAITRE ÊCHEVlN DE METZ (1433)
227
cawe de vin, deuix gras buetz, et de cent quairte d’avoinne ; et luy
fist on grand teste. Et démolirait en ycelle cité par l’espace de X jour,
auquel durans le furent les seigneurs d’icelle plusieurs fois visités.
Et puis, après, il ce despartit ; et c’en allait par devers le roy en France,
pour demender sa fille en mariaige pour ung des fdz du duc d’Austriche.
Et le conduirent lesdit seigneurs jusques à la ville de Conflans.
Aussy, en celle meisme année, duroit tousjours celle maldictes et
enracinée guerre entrez les François et les Anglois.
Et tellement que, en celluy tampts, le duc de Bretagne, acompaignié des Bretons et Anglois, assiéga le duc d’Alençon en une sienne
place, nommée Poencé L Et, assés tost après, le conte d’Arondel,
anglois, print Bonmolins par composicion, et puis la fist destruire.
Après ce, print on Maine ung chastel appellé Orthé. Paireillement, fut
prinse par les Anglois la ville de Lovières 2* 1en Normendie, et puis
destruicte.
Item, le dit conte d’Arondel print le chastel de Sainct Célerin, après
ce qu’il y eut tenu le siège l’espace de trois ou quaitre mois. Aussy
print par assault le chasteau de Sillé, celluy de Mellay et celluy de
Sainct Laurens des Mortiers.
En ce mesme ans, La Hire, Poton de Sintrailles et le seigneur de
Mostrerollet 3 reparrant4 de la ville de Gerberoy ; et, tantost après,
il desconfirent ledit conte d’Arondel, lieutenant du roy d’Angleterre.
Et y fut ledit conte tellement navré qu’il en mourut à Beauvais, où il
fut amenés prisonniers.
Mais de ces chose ne dirés plus pour le présant, ains retournerés a
maistre eschevin de Mets et à plusieurs auitres besongne.
L’an mil iiiic et xxxiij. — L’an après, quant le milliair courroit par
mil quaitre cent et XXXIII, fut alors maistre eschevin de la cité de
Mets le sire Aubert Boullay.
Régnault le Gournaix prins prisoniés par le seigneur de Comercei. —
Et, en celle meisme année, le premier jour du moix d’apvril, messire
Régnault le Gournaix, chevalier, et citains de Mets, chevaulchoit en
armes, et venoit de gaigier on duchié de Bar pour certains argent que
on luy debvoit. Et, en retournant qu’il faisoit, les gens du seigneur
Robert de Commercy courrurent sus ledit seigneur Régnault, et, de
fait, le prindrent, et l’enmenairent prisonniers à Commercy ; et estoient
luy XIXe de “ compaignon d’armes. Dont ce fut grant laichetés audit
seigneur Robert, de lui prandre ne atouchier : car pour lors il estoit
pencionnaire de la cité ; parquoy c’estoit à luy grand traïson.
a. de a été rayé (par une main postérieure ?).
1. Pouancé, Maine-et-Loire, Segré.
2. Louviers, Eure.
3. Le sire de Monstierollier, dans Jean Chartier (éd. Vallet de Viriville, Paris,
Jannet, 1858, t. I, p. 170).
4. Reparrant, repairèrent : revinrent, 3e pers. plur. du passé simple de repairier.
228
LA PAIX ENTRE RENÉ DE BAR ET ANTOINE DE VAUDÉMONT (1433)
Item, en ce meisme ans, le devent dit duc de Bronssewicquez, en
retournant de France, revint en Mets. Et disoit pour vray qu’il avoit
estés en grand dangier et en grand péril de ceulx meismes qui le conduisoient, quant il avoit aller en France en embassaude, comme cy
devent est dit ; et voulloit dire qu’il l’avoient heu vandus, et en avoient
heu receu grosse somme d’argent ; dont les dessusdit messire Wainsellin de Braibant et messire Robert de Salbruche, seigneur de Conmercy, estoient conduicteur. Parquoy, quant ledit duc vint en Mets,
il estoit moult joieulx d’avoir estés eschappé de leur mains, car bien
luy sambloit qu’il estoit à surteys ; et, en faisant la bonne chier, ce
repousa trois jour en la cité. Et puis le reconduirent lesdit de Mets en
jusques à la ville de Wy ; et c’en aillait avec luy le seigneur Nicolle
Louve, chevalier, jusques en son pais.
Le duc Régné eslairgis de prison. — Aussy, en celle dicte année, le
duc Regnier oit respis et revint de prison, par ainsy qu’il y envoia ses
deux filz pour et en lieu de luy. Dont le plus annés n’avoit que cinq ans
d’aage, et se nommoit Jehan ; et l’aultre se nommoit Charles, qui n’avoit
que trois ans. Et olrent les dessus dit avec eulx plusieurs chevalier
et escuiers de la duchié de Bar, lesquelx furent livrés et mis en prison.
Et encor, avec ce, furent livrés quaitres des milleurs places des deux
duchiez de Bar et de Lorraine, en jusques à tant que ledit duc Regnier
fut rentrés en prison ; et, c’il y retournoit, tous les prisonniers et places
dévoient estre quictes et délivres.
Cy avint, en celle dicte année, que les arbres estoient cy très fort et
bien floris que merveille, maix il sourvint une gellée on moix d’apvril
qui les gellait tous. Et jai pour ce ne furent les vignes engellées, sinon
de la gellée de l’iver ; maix les serize le furent tellement que, le jour
de la sainct Wy, on en vandoit VIII sols le francha, qui estoit une
mesure de quoy on husoit alors.
Le concilie de Basle. — Item, cellon aulcuns, le sainct consille de
Baisle acomensa et ce tenoit desjay en cest présante année. Et fut alors
envoiés en Mets ung nommés seigneur Dimenche, doyen de Verdun,
maistre Hanequin, et Jehan dit Vallantin, lesquelles furent envoiés
pour examiner certains tesmoings encontre le devent dit frère Guil
laume de l’Observance, pour tant que l’on disoit qu’il avoit presché
hérésie et chose qui estoit contraire à Saincte Église catholicque, aincy
comme par cy devent en une aultre article avés oy. Et fut celluy sainct
consille ordonnés et mis sus pour plusieurs raison, comme cy après
serait dit. Et, principalement, pour réformer nostre mère Saincte
Église et tous ces mambre. Car, en ycelluy tampts, l’on ne tenoit
compte de servir à Dieu ny à ces sainct commendement ; dont c’estoit
grand pitiet et domaige.
Paix acourdée entre le duc Anlhoinne et le duc Régné. — Item, l’an
dessusdit, le samedi vigille de cathedra sancli Pétri, furent apourtées
nouvelle sertaines que la pais estoit faicte dudit Regnier, duc de Bar,
et du conte de Wauldémont, par ainsy que la plus année fille d’icelluy
duc prenoit le plus ainel filz dudit conte de Wauldémont. Et devoit
ANTOINE DE VAUDÉMONT A METZ (MARS
1433
a. St.)
229
encor, avec ce, ledit, duc Regnier paier a conte pour sa ranson la somme
de XVIII mil salus d’or, ou, pour chacune pièce, XVI sols (car il ne
vailloie plus pour l’eur) ; et, pour le mariaige desdit deulx anfïans,
tous les ans à tousjourmaix XV cent florin de Rin, ou XIII sols pour
chacun florins (car c’estoit le comun pris que il valloie alors). Et, quant
a fait du duchié de Lorranne, le duc de Bourgongne en estoit oultraiement chergié ; et en debvoit avoir rapourtés au jours de feste sainct
Jehan Baptiste aprez venant.
Le conte de Waldémont à Mets. — Puis, en celle dicte année, le VIIIe
jours de mars, ledit Anthonne, conte de Wauldémont, vint en Mets.
Et luy firent les seigneur de la cité grant honneurs ; et luy fut donnés
deux cawe de vin, cent quairte d’avoine et pour XX francs de poisson.
Cy avint, en celluy tampts, que ung malvais garson, nommés Ravaire, fut gectés en la xeuppe pour ce qu’il avoit desrobés des chiens
de chaisse.
En celle meisme année, ce fîst encor en France plusieurs guerre et
escarmoche.
Et, premier, le sire de Bueil, le sire de la Varenne et le sire de Gortiny alèrent de nuyt on chasteau de Chinon, onquelle estoit lé roy de
France ; et y prindrent le seigneur de la Trimoille, principal conseillier
et gouverneur dudit roy, et le mirent en prison en ung chasteau nommé
Montrésor.
Ceulx de la baixe Normendie contre les Anglois. — En ce meisme ans,
le peuple de la basse Normandie, estimé à LX mil, dont estoient
conducteurs messire Thomas du Boys, le sire de Merreville et Quantepie, se mirent sus contre les Anglois ; et en tuairent plusieurs vers
Caen.
Et, tantost après, le comun du païs de Caulx se rebella contre lesdit
Anglois. Et, alors, messire Pier de Rochefort, mareschal de France,
et plusieurs aultres capitaines, prindrent de nuyt la ville de Diepe,
par eschelles, sus les Anglois. Et puis, moienant lesdictes comunes,
furent prinses les villes de Fescan, de Harfleu, de Monstivillier, de
Tancarville, de Lislebonne, et quasi toutes les aultres forteresses dudit
pais, qui ce randirent a roy de France.
Item, messire Andry de Laval, seigneur de Lohéac, et messire
Ambrois, seigneur de Loré, desconfirent les Anglois en 1 abbaye de
Sainct Gille en la basse Normendie ; desquelz Anglois furent mors
environ deux cens. Et puis lesdit François rencontrirent encor le rest
desdit Anglois dessus les champs ; dont furent desdit Anglois de deux
à trois cent homme que mors, que prins.
En ce meisme ans, le duc de Bourbon trouva fasson et manier, par
subtilz moyens, de réduire à l’obéissance du roy de France la ville de
Corbeil et le bois de Vincennes.
Item, ledit ans, l’ampereurs Sigismond fut couronné à Romme par
le devent dit pappe Eugène.
Et furent encor plusieurs aultres chose faictes et dictes pour celluy
tampts, desquelles je me despourte quant à présent.
230
JEAN CROUIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1434)
[DE L’AN l434 A LA PAIX
d’ARRAS,
ENTRE LE ROI CHARLES VII
ET LE DUC DE BOURGOGNE, LE 21 SEPTEMBRE l435]
Van mil iüic et xxxiiij. — En l’an après, quant le milliair courroit
par mil quaitre cent et XXXIIII, fut alors maistre eschevin de Mets le
seigneur Jehan Crouuin.
Groz de Mets contrefaid. — Et avint que, en celle dicte année, on mois
de mars, on ce aperseust qu’il courroit des malvais gros de Mets con
trefais. Et, la manier cornent premier on c’en donnait en gairde, ce fut
par ung compaignon qui avoit chaingiés des florins au chainge. Parquoy Biaise, le chaingeur, et le maistre de la monnoie, furent prins et
amenés on pallais. Et y fut détenus le dit maistre de la monnoie par
trois jours anthiers ; puis, après, fut délivrés à son grant honneurs.
Mais ledit Biaise fut mis en la wolte dudit pallais, et forment gehanné
et examinés ; car il fut trouvés fort suspect, pour ce que, quant il fut
prins, l’an trouvait en une bourse dessus son estaulx environ pour
X livres d’icelle monnoie, c’est assavoir tous groz de Mets faus et
contrefait. Et fut encor mieulx taités 1 et tenus pour deux raison :
c’est assavoir, pour ce que, par deux fois, il s’avoit mis en voie d’eschapper ; et, aussy, pour ce que on trouvait une lettres d’ung chaingeur de
Lombardie contenant qu’il luy volcist envoier une grosse somme
desdit gros de Mets. Mais il fut cy résolus d’endurer et souffrir que,
pour gehinne ne toursure 2 qu’on luy sceust faire, il n’en voult jamais
riens congnoistre. Parquoy, après ce qu’il oit essés soffrir, on le laissait
aller, mais il fut banis à X lues ensus de Mets par l’espace de XII ans ;
et, avec ce, paiait encor cent sols de messins d’amande.
Argent rendus par les seigneur de Mels aux citoiens. — Aussy, en
celle meisme année, messeigneurs du conseil de la cité ordonnairent
et comendairent à Jehan Laisné que, tous ceulx et celle à qui on avoit
emprunctés de l’argent durant le tampts de la devent dicte guerres du
duc Charles de Loherenne, qu’il leur fut randus le thier de la somme
qu’il avoient prestés à la cité.
Paireillement, avint en celle année que les dessus dit Regnier, duc de
Bar, et Anthonne, conte de Wauldémont, acompaigniés de leur bons
amis, ce trouvairent à une journée a lieu de Sainct Nicolas. Et, là, fut
tellement traictés et d’ung coustés et d’aultre que la paix fut faicte
entre eulx. Et, ce fait, c’en aillairent tous comunement à Nancey ;
et là firent grant feste par plusieurs jours.
Affricourt prinze par ceulx de Lorenne. — Et, a despartirent 3 de
Nancy, c’en affairent les deux prince ensamble avec leur armée, et
1. Tâté, examiné.
2. Forme assez extraordinaire du mot torture ? Torseüre signifie torsion.
3. Au départir de Nancy, après avoir quitté Nancy.
L’ARCHEVÊQUE DE TRÊVES A METZ (AOUT
1434)
231
avec grant artillerie, pour comunement asségier une place appellée
Affricourt, laquelles alors estoit plaine de lairon. Cy furent en peu de
tampts tous prins et pandus, excepté Perrin de Mondidier, qui estoit
capitaine de léans, lequelle fut menés à Neufcbastel en Loherenne, et,
de là, en la geolle de Bar, en laquelle il y finait ces jours et morut.
Le seigneur de la Marche devent La To[ur] en Ardenne. — Item, en
celle dicte année, le damoisiaulx de la Marche, acompagmés des Liégeois
et de ceulx de la terre commune, c’en allirent devent La Tour en
Ardanne. En laquelle alors estoit Waichellin de La Tour, avec plusieurs
aultres malvais guerson. Et fut la dicte plaice prinse et abatue, saulve
la vie de ceulx qui la tenoient (aultrement il ne ce fussent pas
randus).
„
Raichel fait par Conraird Baier, évesque de Mets. — Aussy, en celle
meisme année, seigneur Conraird Baier, évesque de Mets, raicheta en
la mains du duc Begnier de Bar plusieurs villes et prévostés de 1 éveschié, lesquelles alors il tenoit en gaige. Premier, une partie de la ville
de Nommeny, de Sainct Avol, de Baccarat, de Rosières et du ban e
Desme, et aultre plusieurs villes et gaignaige ; et en paiait environ la
somme de XVm florin de Rin, d’or et de pois.
Item, pareillement en celle année, le devent dit seigneur Conraird
fit à force prendre les deux Wernepertes, en lesquelles alors ce tenoient
plusieurs malvais garsons, qui faisoient moult de maulx en l’éveschié
et on duchié de Bar.
Puis, après, en la meisme année, fut abatue par le commandement
du duc Regnier de Bar une place nommée Passe Avant, pour tant
qu’elle avoit esté prinse traicteusement par le prévost de Baion.
Lequelle fut prins en la dicte plaice de Passe Avant ; et, pour son
paiement, fut mené à Bar, et là fut desquartellé et mis en piesse.
Ordonnance faicte. - Item, en celle meisme année, fut ordonnés par
messeigneurs du conseil de la cité que d’or en avent l’on ne paieroit
pour chacune quartes de bief à mouldre que VI deniers ; car, par
avant, on en soilloit plus Largement paier.
Esclipse de solleil. - Or, avint en celle année, le mècredi après le
Sainct Sacrement de l’aultel, qu’il fist éclipse environ les trois heures
et demye après midi.
L’entréez de V archevesquez de Triuve en Mets. - Aucy, en celle année,
le VIIIe jour d’aoust, seigneur Robert, évesque de Spire et archeves
quez de Triève, vint en Mets ; et avoit en sa compaigme VIIIXX homme
d’arme. Et les seigneurs de la cité luy firent ung biaulx recueil ; et,
avec ce, luy firent présant de deux grais buefz, de XX mouton chaitres,
de deux cawe de vin très bon et bien friant, et de L quairte d’avuaigne.
Et, avec ce, luy fut délivrés ung homme lequelle estoit jugiés à pandre ,
mais, pour honneur s de luy, il oit sa graice.
Le duc de Bar devent Granlpreis. - Item, avint en celle dicte annee
que le duc Regnier de Bar fist ung moult grant mandement, et assem
bla une grosse aimée pour aller à ost et mestre le sciège deven a
forteresse de Grantprey. Et menait avec luy le devent dit conte de
232
ALLIANCE ENTRE METZ, LUXEMBOURG, BAR ET LORRAINE (AOUT
1434)
Wauldémont, et plusieurs aultres grant seigneurs, et, par espécial,
aulcuns des seigneurs de la cité de Mets, c’est assavoir seigneurs Nicolle
Xeppelz, Gillet Baitaille, Perrin Ranguinlon, et le Werrey, et plusieurs
aultres, jusques a nombre de VI™ chevaulx. Car, alors, estoient faictes
bonne alliance entre ledit duc Regnier de Bar et la cité de Mets : les
quelles furent faictes et crantée, d’une partie et d’aultre, en l’an que le
sire Aubert Boullay fut maistre eschevin de la cité, comme cy devent
est contenus.
Allâmes entre ceulx de Mets et plussieur aultre seigneur et damme. Pareillement, avmt, en la dicte année, le XX* jour du moix d’aoust,
que plusieurs commissaire de messire Conraird Baier, alors évesque de
Mets, et d aultre comissaire, depputés de part ma damm, de Bauvier,
duchesse de Lucembourg, et, pareillement, les comis dudit Regnier de
Bar et de Loherenne, avec eulx ceulx de Mets, firent alliance ensemble ;
et promirent tous de tenir les dictes alliance fermes et estauble ; et
furent scellée et crantée comme a cas apartenoit.
Les seigneur de Mets à Baille. — En celle meisme année, Sigismondus,
pour lors roy des Romains et amperreurs, au retours qu’il fist de son
couronnement fait à Romme, entrait on mois de novembre en la cité de
aille pour estre au sainct conseil. Et y furent envoiés et depputés
aucuns de par la cité de Mets, entre lesquelles estoient à ce comis
messire Jaicques Dex, chevalier, messire Nicolle Louve, chevalier,
messire Nicolle Xeppelz ; et, avec eulx, maistre Demenge de Verdun,
chanomne de Mets, et Jehan de Lucembourg, qui estoit l’ung des clerc
des Septs de la guerre.
Ung Sarazin babtisés. - Item, l’an dessus dit, le XX« jour de décem
bre, fut baptisés en Mets, on fons de la Grant Église d’icelle cité, ung
jonne Sarrasin, eaigiés environ de XVIII ans, lequelle l’abbé de Morimon avoit amenés avec luy. Et le baptisait maistre Hugue de Buffegmcourt, chantre et chainoigne de la dicte Grande Église. Et furent
ces pairains le Werrés et Perrin d’Aube, et la damme de Crehange
fut sa mairenne ; et oit nom ledit Sarrasins Gillet.
Agremont abatus. — Aucy, en celluy tampts, fut abatus le chaitel
d Aigre mont par les gens Régné, duc de Bar et de Loherenne. De quoy
ce fut grant joie ; car tout pillairt, robeurs et malvais guerson y estoient
soubtenus.
En celle année meisme, seigneurs Simon de Charexei, abbé de Sainct
Arnoult és bourgz de Mets, mist jus le gouvernement de la dicte abbaïe,
et résigna en la mains de dampts Baudouuin, abbé de Gorse.
Béformalion, non de grant durée. — Aucy, en celle dicte année, le
sire Conraird Baière, évesque de Mets, et l’abbé de Sainct Mathie de
Triève, commis de part le sainct conseille, cy acomensairent à faire
visitacion par touttes les abbaïes des moinnes et nonnains de la cité
de Mets ; et avoient délibérés de les renformer en leur riègle. Mais cella
ne durait pas longuement.
Et fut alors et en ce meisme tampts la paix faictes par ledit évesque
Conraird entre les moine de Sainct Arnoult et leur abbé.
JOUTE
A
METZ
(26
JANVIER
1434 a. st.)
233
Previlège confermès à ceulx de Mets par l'empereur Sigismundus. —
Item, en l’an dessus dit, le VIIIe jours de janvier, revint messire
Nicolle Louve, chevalier, avec plusieurs aultres, du sainct conseille de
Baisle. Et rapourta ledit seigneur la réformacion des franchises de la
cité, lesquelles l’ampereur Sigismondus avoit de nouviaulx reconfirmée.
Et est celle réformacion et confirmacion sceellées du grant seel de la
chancellerie dudit seigneurs, lequel seaulx vault environ XXXII ducas
en or.
Joste faicte entre les seigneur de la ville. — En celle dicte année, le
XXVIe jour de janvier, les jonnes anfTans des seigneurs de la cité de
Mets ellevairent une jottes on Champtspaissaille ; de laquelle Perrin
George, filz Jehan George le jonne, oit le pris. Puis, aprez, le IXe jour
de febvrier ensuiant, fut errier faictes une aultres joste à basse selle,
par ceulx de la cité et par tous estraingiers ; de laquelle Jaicomin
Boullay oit le pris et gaignait la feste de ceulx de dedans, et Jaicomin
Xapel gaigna le pris de ceulx de dehors.
Mais de ces chose je veult quelque peu laissier le parler, et veult
retourner à ce devent dit concilie de Baille, au sainct perre de Romme,
aux ampereurs d’Allemaigne, et au roy de France et d’Angleterre,
et à plusieurs aultres besoingne estre en ce tampts advenue, cellon que
j’ay trouvés par plusieurs et diverse acteur estre escript.
Scisme en l'Église papale. — Premier, je trouve, cellon plusieurs
cronicques et cellon diverse acteur, que, entres Félix, le quint de ce
non, et le devent dit Eugenne, le quairt, s’esmeust le XXIIIe sciesme
en l’Église, cellon maistre Jehan de Belge. Et fut ledit Eugène grant
amateur de guerres, comme le mest Platina en sa vie. Laquelles chose
est merveilleuses és papes modernes. Car, oultres les guerres, il incita le
daulphin a de France, qui depuis fut appellés le roy Loys XIe, de
mener guerre et une grosse chevauchée de gens d’armes on pais de
Ferret et d’Alsatte, pour troubler et defïaire le devent dit concilie de
Baisle. Parquoy, cellon la Mer des Istoire, à ce consille fut cité ledit
pape Eugène ; à quoy ne comparut point.
Amés *i, *duc de Savoye, esleu pape. — Et, pour ce, les cardinaulx
esleurent en pape Amodeum 4, c’est à dire Amé, duc de Salvoie, duquelle je vous ais heu par cy devent parlés au second voullume de ces
présante cronicque, là où il est dit qu’il laissait l’estât ducal, et, pour
mieulx vivre cellon Dieu, c’en aillait randre hermittes, avec plusieurs
aultres noble home, en ung lieu de dévocion nommés Ripaille, sus le
lac de Lozenne. Celluy Amé fut le premier des conte de Savoie promeu
en tiltre de la dignités ducalle, par le devent dit empereur Sigismond.
Mais, après ce qu’il fut vefve de sa femme, Margueritte de Bourgongne,
fille du duc Phelippe le Hardi, il délibéra de laissier son estât, comme
a. M : daulpin.
1. Amédée VIII, duc de Savoie, élu pape à Bâle, le 5 novembre 1439, prit le nem
de Félix V.
$34
FÉLIX V ÉLU PAPE (5 NOVEMBRE 1439)
dit est, et de ce mestre en celluy hermitaige dilicieulx, Iequelle il avoit
fait édifier somptueusement, ayent laissés le gouvernement de ces
terres et seigneurie au duc Loys, son filz aisnés, qui fut perre au duc
Phelippes de Savoie, premièrement seigneur de Bresse, Iequelle engen
dra le duc Philebert, mary de damme Margueritte d’Austriche et de
Bourgongne.
Mais, pour revenir à mon prepos, après ce que le devent dit Amé
fut esleu à pappe, il le nommèrent Félix Ve. Et, par ainsy, sordist le
XXIIIe sciesme et division en l’Église, comme dit est. Laquelle
division durait l’espace de XVI ans : car les aulcuns tenoient la partie
dudit Félix, les aultres la partie dudit Eugène.
On ce pouroit esmerveillier comment il laissait sa ducbiés pour
prandre l’abit hermitans *, pourtans grant barbes et mantiaulx simple,
ung bâtons retortilliés et plains de neux en sa mains. Laquelle chose
combien qu’elle fut de nouvel exemple, sy n’est ce pas le primier des
princes qui ait laissiés le gouvernement de la chose publicquez pour ce
retirer en vie privée et domesticques. Car le semblable firent Dioclésian
et Maximians, empereurs des Bomains, de la foy payenne, et Amurathes Othuman, turcq, père du grand Mahumettes, conquesteur de
Constantinoble.
Eugène privé du dignité papalle. — Celluy Amé, comme dit est,
luy estant en celluy hermitaige, en grant bruit de sainctetés et bonne
vie, on tampts que ce tenoit cellui consille, pour ce que, après ce que le
devent dit Eugène, natif de Venise, oit estés par trois fois parsonnellement cité et n’en thint compte, parquoy il fut notés de cotumace et
privé de la dignité papalle, et au pourchas du duc Phelippe et de
damme Marie de Millan, le dit duc Amé de Savoie, hermitte, fut esleu
pappe par les cardinal, en la manier comme cy devent ait estés dit ;
et, depuis, coronnés solennellement en la dite cité de Basle, en la
présance de deux de ces filz aisnés ; qui luy tournoit à grant gloire.
Avent ceste acte et cérimonie, il avoit fait oster sa barbe ; et avoit
aprins l’office divin en peu de tampts. Et, depuis ce fait, il créa aulcuns
cardinal, de grant estime et vertus, et fist tout ce que ung bon souve
rain prélas peult et doit faire. On dit que celluy Félix estoit de petitte
stature, anciens et dévot ; et fist en son tampts plusieurs biens, principallement on païs de Sçavoie. Touteffois, comme le met maistre
Bobert Gauguin et plusieurs aultres, il céda et renonsa fiablement 12
son droit de papalité à Nicolas, Ve de ce non, en l’an de graice mil
ÏIIIC et XLVII, comme il serait dit ycy après, affin que en l’Église
y eust bonne union ; et demoura cardinal et légat de France, en vivant
moult religieusement.
Le roy de Cecille mort au paiis de Calabre. — En celle année meisme
morut le roy de Cecille on païs de Calabre ; et la duchesse de Bourbon.
Cy vous lairés de ces chose le parler, et retournerés au maistre eschevins de Mets et à plusieurs aultre besongne.
1. L’habit hermitain, l’habit d’hermite.
2. Fiablement, loyalement, en toute bonne toi.
DIDIER LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1435)
235
Mil iiiic et xxxv a. — Après ces chose ainsy faicte et advenue, et que
le milliair courroit par mil quaitre cent et XXXV, fut alors maistre
eschevin de la cité de Mets le seigneurs Dediet le Gournaix.
Vignes engellëe. — Et, en celle année, le VIIe jour du moix d’apvril,
furent les vignes du Vaulx de Mets et des païs entour touttes engellées.
Et disoient et creoient les plusieurs que ce estoit advenus par punicion
divine, pour le péchié d’aulcune gens, lesquelles ovroient et faisoient
ovrer le jour du Grant Vandredi et les trois feste de Paisque. Car, lesdit
quaitre jours, les plusieurs firent foyr, ficher et ploier, et gaingnoient
les ouvriers a plus chiers. Et, alors, justice temporelle firent informacion d’aulcuns qui ce avoient fait ; et, leur cas congnus, les mirent
à l’amande.
Festin honorable fait par les seigneur de Mets. — Item, en celle dicte
année, le XIIe jour du meisme moix, fut mise sus une grande feste
par les seigneurs de la cité ; et furent ce jour en grande triumphe
plusieurs jostes faictes parmy la ville. Et, au lundemains, XIIIe jour
dudit mois, furent faictes lesdite jostes à haulte selles on Champassaille ; en laquelle y oit XXII joutteurs dez bourgeois de Mets, et
XIIII estraingiers, tant chevalier que h escuiers. Et fut faicte ce jour
une grant feste on Hault Pallais de Mets, laquelle durait encor trois
jour aprez.
Le premier sciège baillés aux pape aux conseilz de Basle. — En celle
meisme année, la vigille sainct Marc l’évangélistre, en la présance de
Sigismondus, l’ampereurs, luy estant a sainct consille de Basle en sa
majestés impérialle, son dealdesme sur son chief, et en la présance des
prélas de nostre mère Saincte Église et des procureurs de nostre sainct
perre le pappe, fut conclus et acourdés que, de ces jour en avant, ledit
nostre sainct père le pappe aroit le premier sciège. Et, dès lors en
avant, labourrait treffort tant sus l’espirituallité comme sus la tempo
ralités.
Joste ordonnez aux Pont à Monson. — Item, pareillement en l’an
dessus dit, le maicredi et le jeudi des feste de Panthecouste, fut faictes
une grande feste et une jostes au lieu du Pon à Mosson ; en laquelle le
duc Regnier de Bar y estoit en parsonne. Et y fut donnés bons essurement et salconduit à tous allans et tous venans. Et en ycelle feste et
joste ce y trouvairent plusieurs seigneurs de Mets ; entre lesquelles y
estoit seigneur Nicolle Gronnat, le bon josteurs : car c’en estoit l’ung
des essurés que l’en sceut trouver ; et jostait tellement qu’il ruait le
duc de Bar en la poussier ou en une grant fange, tout devent la halle
du Pon ; et gaignait la jostes, car son pareille ne ce trouvoit pour bien
joster.
Rencontre des seigneur de Commercei et de ceulx de Mets. — Et, après
celle feste faictes et passéez, environ XL des soldoieurs d’icelle cité ce
partirent de Mets pour aller au devent de leur seigneurs, affin de les
а. M : mil vc et xxxv.
б. Une main plus récente a écrit corne au dessus de que.
Z<50
LES GENS DE METZ DEVANT COMMERCY (1435)
reconduire en leurs maison. Et, en allant qu’il faisoient de Mets a Pont,
il furent rencontrés des gens messire Robert de Commercy, chevalier^
qui alors estoit pancionaire de la cité ; et estoient yceulx environ
VIIXX chevaulx. Et, adonc, les soldoieurs devent dit ce deffandirent
à leur poieurs l, tellement qu’il tuèrent VII homme de leur annemis
et en nauvrairent à mort environ XXXII. Mais, en la fin, il furent
desconfis ; et en y oit XIII des prins, avec XXII chevalx de selle.
Et furent yceulx prisonnier menés à Commercy. Et, a XXVIIB jour
de may après, lesdit soldoieurs furent laichiés sur une journée.
Or, avint en celluy tampts que l’archediacque de Mets tenoit son
senne à la petitte court à Mets. Mais, pour ce que alors seigneur Conraird Baier tenoit aussy son senne à Vy, les aulcuns des curés de Mets
ne vourent point venir a senne de l’airchediacque. Parquoy il les thint
constumace, et furent escomuniet ; et, non obstant ung rappel qu’il en
firent au sainct concilie de Baille, cil 2 leur coustait il, pour avoir leur
absolucion, cent et VIII frant, sans les aultres frais et despans. Par
quoy ce monstre que les petit ne sont pas à despriser en leur office.
Le jeu et vie de saincte Kalherinne en Mets. — Item, en l’an dessus
dit, le mécredi, le jeudi et le vandredi XVR, XVIB et XVIIR jours
de jung, fut jués en Mets la vie ma dame saincte Katherine. Et fut la
saincte Katherine Jehan Dedier, le noctaire de la court de Mets.
Défaide auprès de la ville d’Yvoixe. — En celle dicte année, on moix
de juillet, Hanry, bastard d’Aviller, acompaignié environ de Ve che
vaulx, corrurent devent la ville d’Yvoixe, en laquelle estoit en gairnison ung appellés Jehan de Belrains, et plusieurs aultres compaignons ; lesquelles saillirent dehors a champs, et chaissairent après leur
annemis. Mais le dit Hanry et ces gens, les voiant venir, ce aresturent
et ce mirent en baitaille ; et tellement ce deffandirent qu’il tuairent
VIX3E et VIII homme de leur annemis, et en prinrent environ IIIIXX
ou plus, et, avec ce, gaingnarent plus de IIIIXX chevaulx de selle.
Et, adonc, Jehan de Belrains c’en retournait fuyant, et, avec luy,
plusieurs de ces gens, tant à piedz comme à chevaulx.
Les seigneur de la cité et aullre prince devent Comercg. — Puis, en
celle année meisme, fut par le duc Regnier de Bar, par messire Conraird, évesque de Mets, par l’évesque de Toul et de Verdun, et par la
signorie de la cité de Mets, fait ung grand mandement ; et assamblairent une grosse armée pour aller mestre le sciège devent Commarcy.
Et y furent envoiés de la pairt desdit de Mets messire Nicolle Xeppelz,
Jehan de Varixe, Jehan Baudoche et Jehan Bataille, capitenne de la
cité en cestuy fait. Et ce partirent d’icelle le jour de la nativité Nostre
Damme, en nombre de deux cent LXX homme d’armes à cheval,
XXV arbellestriers et archiers, et plusieurs massons et charpentiers
et aultres compaignon de guerre ; et menairent XXXV chers avec eulx
chargiés d’artillerie et aultre engiens pour asségier la dicte Commercy,
1. A leur pouvoir.
2. Si, néanmoins.
LES ÉCORCHEURS DE FRANCE AU PAYS DE METZ (1435)
237
en laquelle alors y avoit plusieurs malvais garsons. Et fut renvoiés
à celluy sciège par les seigneurs de la cité par deux fois des vivre de la
cité de Mets, à grant puissance : car, à chacune fois, en fut menés
XXVIII chers, tant pour les dit vivre à mener comme pour d’aultres
intrument de guerre et aultres nécessités a servant à telle affaire. Et,
quant ledit seigneur de Commercy vit qu’il estoit ainssy tenus de près,
il mandait à luy Artus de Rischemont, connestauble de France, luy
priant ou faisant prier qu’il vint jusques à Vittry ; et il cy fist. Et, à sa
requeste, fut journée mise ; et fut par le dit connestauble fait aulcuns
traictiés. Pour lequelle traictiés à faire il en heust dudit seigneur
Robert de Comercy plus de XX mil salus, comme plus amplement il
est contenus en aulcune cronicques sur ce faictes. Et promist celluy
seigneur Robert par le traictiés devent dit de non jamaix plus faire
guerre au dit de Bar ne de Mets. Mais il en mantit sa foy, et n’en thint
riens ; parquoy, voiant ce, ledit duc Regnier de Bar en fist requeste
audit Artus, c’est assavoir qu’il fesist sceeller par ledit seigneur Robert
ycelle paix et le traictiés qu’il avoient ensamble. Mais, quant il c’y
santist contrains, il c’en fuit. Et, quant le duc vit cella, et qu’il aperseust sa malvistiez, il print les homme qui estoient en notaige *1, et les
fist mener jusques à Bar ; et puis, de rechief, c’en allait mestre le
sciège avec touttes sa puissance devent la dictes Commercy ; et,
daventaige, y manda tous ces bons amis et parans, lesquelles n’y
faillirent pas ; mais lesdit de Mets n’y furent pas pour celle fois. Et fist
tant le devent dit duc avec son armée que, le jour de saincte Lucie,
l’acort en fut fait ; et luy fut tout pardonnés, parmy ce qu’il jurait et
promit (et avec ce tournait bonne surtés de la somme de deux mil
courongne) de jamaix plus racommenciet. Mais ces promesse ressambloient a parolle de putains, car il n’en thint riens.
Grosse gendarmerie aux paiis de Mets, en nombre de xvic. — En celle
meisme année, le XXIIIe jour de décembre, et durant que celle mal
dictes guerre des Anglois duroit tousjours en France, vinrent et arivairent XVIe hommes d’armes on Vault de Mets. Lesquelles, cellon la
Mer des Istoire, ce estoient longuement tenus en Champaigne ; et ce
appelaient, cellon le parler des païssains 2, les Escourcheurt de France.
Et d’iceulx estoient capitaines Polton de Santreille 3 et Chabane 4.
Et, à leur premier venue, firent yceulx plusieurs mal et grant domaige
en cestuy païs, et principallement à Roserieulle.
Ars rensonnée à xviiic frans. — Puis c’en allairent gésir en la ville
d’Ars, et ransonnairent la dite ville de XVIIIe frans.
Ancy compouzée d ij mil frans. — Et, le samedi vigille de Noël, il
c’en allirent devent le moustier d’Ancy et l’aissaillirent ; mais il ne
le prinrent mie. Touteffois, il fut ransonnés, et composirent ceulx de
a.
1.
2.
3.
4.
M : necessicites.
En otage.
Païsenc, paysan ?
C’est le célèbre Saintrailles ou Xaintrailles (Poton de).
Antoine de Chabannes, comte de Dammartin.
238
LES ÉCORCHEÜRS DE FRANCE
AU PAYS
DE METZ
(1435)
dedans, tant pour ledit moustier comme pour la ville, à deux mil frans.
Et, avec cella, y firent encor de grant et grief domaige.
Nouvians compouzée à iiijc et l frans.' — Et de là ce despartirent ;
et s’en allirent à Nouvient, et assaillirent le mostiet ; et puis prinrent
environ VI cent de leur gens, et les envoiairent en la ville de Vaulx
pour pareillement assaillire le moustiet ; mais il ne le prinrent pas!
Parquoy, de despit, il boutairent le leu en la ville, et en ardirent plus
de la mitté. Et, ce fait, c’en retournairent à Nouviens avec les aultres.
Et, là venus avec leur compaignon, ilz assaillirent arrier le moustier,
comme de nouvel. Et ceulx qui estoient dedans ce defïandoient vail
lamment. Touteffois, faindant de c en voulloir fouyr, il les laissairent
antrer on baille d’icelle église et on premier iort ; et puis, quant il les
virent dedans, subit sont retournés à leur delïance, et ont gectés tant
de pier à 1 avallée de la tour et des murailles qu’il les convint retournés
hors ; et, en celluy essault, en y lut des leurs quaitre homme mort
et tués. Toutefïois, pour avoir paix, la ville lut ransonnée à quaitre
cent et L frans.
Et puis, ce lait, levairent leurs campe et leurs baigaige ; et c’en
aillirent en la terre commune, où il firent de moult grant mal et gros
domaige, et grief à pourter a pouvre gens. Mais, avant qu’il vinrent
audit païs, ung compaignon de Mets, nommés le Keulïou, avec XII aultrez compaignon aventuriers, les poursuirent tellement que devent
Sainct Miel il en ont rués jus VIII des leurs et IX chevalx de selle, et
haultement les ont amenés à Mets. Et furent butinés lesdit chevalx
et hernex devent la Grande Église d’icelle à trois cent et XV frans ;
et fut dit que ledit Hoinfou avoit encor conquestés grosse finance
qu il avoit trouvés sur eulx. Et furent mis lesdit prisonnier en estroitte
prison en Mets, en fer et en sappe ; et, avec ce, furent détenus jusques
à tant que la royne de France en rescript par plusieurs fois à la cité.
Mais, quoy qu il en fut, avent qu’il fussent délivrés, il furent plus d’ung
ans en prison ; et puis la ville les délivrait, pour l’amours et pour
craintes du roy de France et de la royne.
Les Escorcheur[s] de France en la terre comune. — Item, le XXe jour
de janviers ensuiant, ledit Pothon, avec grant armée, entrairent en la
terre commune, comme dit est. Et furent à Arrance y, à Sainct Supiet
et à Xeverey le Franc ; et y firent innumérable dompmaiges, tant en
homme, en femme, en prisonniers, et en feus bouttés ; et prenoient
yceulx lairons et desroboient tout ce qu’il trouvoient, car tout leur
estoit de guerres.
Disposition de temps. — En celle meisme année, il list ung mer
veilleux y ver, et le plus grant qu’il heust fait de cent ans devent.
Gar, depuis le jour de la saincte Katherine jusques a XIX« jour de
îebvrier, ne fist aultre tampts que geller et négier ; et gelloit cy très
fort et de sy grant puissance que en plusieurs lieu en la cité furent les
puis engellés, qui estoit une orible gellée, et une chose merveilleuse.
Et, avec ce, par la grant gellée qu’il xaisoit, l’yawe qui desgouttoit du
bois et des tixon estant au feu et brullant engelioit avent qu’elle fut
PAIX ENTRÉ FRANCE ÈT BOURGOGNE (21 SEPTEMBRE 1435)
239
cheute à terre. Et une nature de Elan oysiaulx, appellés muables l,
qui prainent les poissons és riviers, par force de famine, yceulx oysiaulx
volloient par devent la Grant Église de Mets et pernoient les poissons
és genes 2 ausquelles les pescheur vandent leur poisson ; et faisoient
cella par famine qui les contraindoit. Parquoy il l'ault dire que ce fut
ung merveilleux yver.
Gy n’en dirés plus quant à présant, car d’aultre mestier convient
parler.
Guerre entre François et Anglois. — En celle dicte année, n’estoit
encor pas la paix faictes entre France et Angleteire, ains journellement
ce menoient une mortelles guerres ; <t, qui tout dire en voulroit, il
seroit tropt loing à raiconter. Touteiïois, tout légièrement, j’< n veult
aulcune chose narrer.
Il est vray, cellon plusieurs istoire, que en celluy tampts fut reprinse
la ville de Sainct Denis par les Anglois, Bourgongnons et habitans de
Paris. Mais, avant ce, y eust grandes armes et défiances faictes par les
François qui estoient dedans. Quant la dicte ville fut prinse par lésait
Anglois, elle fut incontinant désemparée, et la muraille abatue ; dont ne
demoura nulle fortificacion, excepté la grande église et une tour dedans
ycelle, nommée la tour du Velin.
Pandant leüit sciège de Sainct Denis, on moix de septembre, les
Françoy guignèrent le pont et chasteau de Melum ; et y entrèrent à
l’ambiée, bien subtillement, moyenant l’ayde que leur firent aulcuns
de dedans la dicte place.
En ce tampts, les habitans de Ponthoise, voyant que les Anglois leur
faisoient biaucopt de grief, et congnoissant qu’il estoient allés en
fouraige, leur cloyrent les portes, et firent chief de la dite ville pour le
roy seigneur Jehan de Yillers, seigneur de l’Isle Adam ; lequelle,
espérant la paix, en print la cherge.
Paix apointée entre lé François et Bourguignon. — Durant ces chose,
advint que, par le pourchas d’aulcuns bien voullans, journée fut prinse
entre les partie en la ville d’Arras. Et tellement que, en ce meisme
tampts, les partie envoièrent leur ambassadeurs audit lieu, ayent
plaine puissance de faire paix et réconcilliacion. Et, premier, pour
moyenner les partie, y fut le cardinal de Saincte Croix,bon preudhomme,
légat romains, et de l’ordre des Chartreux, et Nicollas, cardinal de
Cypre, acompaigniés de VI évesque et de plusieur aultre prélas, que
de par le pape y furent envoiez. Et, de la partie du dit roy Charles
septiesme, furent envoiés pour ambassade le duc de Bourbon, le conte
de Richemont, connestable de France, l’archevesque de Bains, chan1. Mouettes ? Huguenin, p. 196, écrit myalves. Le mot mouette, ancien français
mauve, provient d’un ancien anglais mawe.
2. L’n n’est pas très bien formé. Huguenin, p. 196, a grèves (grenes ?), qui n est
pas plus clair, il s’agit sans doute de gerbes : ce sont de grands baquets de bois, munis
de deux oreilles trouées où l’on peut passer un bâton qui sert à les transporter, hm
Wallonie, nous avons encore vu vendre le poisson dans des tinettes identiques.
240
PAIX ENTRE FRANCE ET BOURGOGNE
(21
SEPTEMBRE
1435)
cellier l, le conte de Vendosme, Cristoffle Haricourt 2, 3Adam de Cambray, premier président en la court de parlement, Guillaume Charretier,
et plusieurs aultres illustres personnes de la noblesse des François!
Paireillement y furent les ambassade des duc de Bretaigne, Alenson
et Bar. Puis vindrent les ambassade des Anglois ; et furent yceux
ambassade les prince et seigneur qui c’ensuient : premier, le cardinal
de Vicestre 3, l’archevesque d’Yvoire 4, 5le conte de Hontiton 5, le duc de
Suffort 6, aulcuns homme de la dignité ecclésiasticque, avec plusieurs
noble d’Angleterre. Les principal ambassadeurs qui vinrent de la
pairt du duc de Bourgongne fut Léodius évesque de Cambray et
Arras, Nicollas Raulin, chancelliers d’icelluy duc, les contes d’Estampes, de Sainct Paoul », Vaudémont et Nevers, le duc de Gueldres, et
aultres seigneurs de moindre non. Le nombre desquelles estoient grànt,
sans lé ambassadeurs des Flamans.
Comparant doncques les ambassadeurs de chascune partie pour paix
traicter, jà soit ce que le cardinal de Saincte Croix s’efforçait grande
ment à paix et concorde réduire les couraiges irrités par les guerres
passée, par aulcune raison ployer ne peut la partinacité des Anglois
à ce qu il apointassent avec Charles, roy de France ; ainçois sortirent
du conseil sans riens faire, promectant soy rassambler quelque autre
jour.
Les Anglois absens, le cardinal non pourtant ne délessa la matier
acomencée ; ainçois, nonobstant l’absance des Anglois, fist mencion
de la réconciliacion, paix et amitié du duc de Bourgogne avec Charles •
laquelle chose, si comme agréable estoit aux ambassadeurs, aussy elle
eut telle fin et issue que l’on désiroit. Car, après que Nicollas Raulin,
Bourguignon, chancellier, eut fait longue oraison au non de son prince!
desclairant plusieurs choses lesquelles par le roy Charles dévoient
estre à bon droit données et octroiées au duc Phelippe, et, combien
que tout fut au profïit d’icellui duc, de ce qu’il demanda ne luy fut
rien refusé. Et trouvants sus ce passaige en la Mer des Istoire XXXI ar
ticles, ce lire les voullés, auquelles sont contenues touttes les demende
faictes par le devent dit Nicollas au non du duc Phelippe, son seigneur.
Parquoy plusieurs places voysines et finitives du païs de Bourgongne,
lesquelles, vers la Champaigne, estoient du demaigne et de la seigneurie
du roy, furent livrée audit duc. Aussy, avec Arthoys furent jointes les
ville qui s’ensuient : c’est assavoir Amyens, Corbie, Mondisdier, Péronne, Sainct Quentin et Abbeville, avec les contés de Ponthieu et
1. Chancelier de France (Jean Chartier, éd.Vallet deViriville, Paris Jannet 1858
t. I, p. 186).
...
2. Christophe de Harcourt (ibid., id.J.
3. Vincestre dans Jean Chartier, ibid., p. 187 : Winchester.
4. Iorch dans Chartier : Yorck.
5. Hotinton dans Chartier : Huntingdon.
6. Suflord dans Chartier : Suffolk.
7. Ce nom, qui n’est pas dans Chartier, est erroné. Jean V, de Gavre évêque
de Cambrai, mourut en 1436, et lut remplacé par Jean VI, de Bourgogne ’
8. Saint Pol.
6
'
PHILIPPE MARCOUL, MAITRE-ÉCHEVIN DÉ METZ (1436)
241
Boulongne. Touttes lesquelles terre lurent acordées ; et fut dit que le
duc les posséderoit soubz l’empire de Charles et soubz la juridiction
de la court de parlement. Toutefïoys, quant au resgaird des cités que
dernièrement je vous ais heu nommés, et lesquelles sont cituées sus la
rivier de Somme, le roy Charles les pouoit racheter pour la somme de
quaitre cent mil escus, de quoy les LXIIII feront le marc *1.
Et parmy les condicion devent dictes fut la paix faictes et crantée
de celle mauldicte guerre, qui avoit durés XX ans, entres le roy Charles
et les Bourgongnon. Et à grant joie et liesse de tous fut celle paix
criée et publiée par les héraulx d’armes.
Et, en ce meisme tampts, morut et trespassa de ce monde Ysabel,
femme et espouse d’icellui roy Charles.
Et, depuis ce tampts, les Anglois estoient et demouroient seul annemis des François.
Cy vous lairés le parler d’eulx et de leurs guerres, et retournerés a
aux affairé de la cité de Mets et au maistre eschevin d’icelle.
[LES ANNÉES l436 ET 1437]
Mil iiiic et xxxvj. —Puis, après ces choses ainssy advenue, et que le
milliair courroit par mil quaitre cent et XXXVI ans, fut fait et créés
maistre eschevin de la cité de Mets le seigneurs Philippe Marcoult.
Le seigneur de Comercy prins par le duc de Bar. — Et, en celle année,
le devent dit seigneur Robert de Commercy, et duquelle je vous ait
heu par cy devent par plusieurs fois parlés, pour la rémission de ces
péchiés c’en estoit en l’an devent allés à Jhérusalem, et, en cest présante année, fut à son retour rués jus, prins et mis en prison. Et y fut
longuement. Puis fut mis en la puissance de Régnés, duc de Bar.
Le roy d’Aragon et aullre prins par les Genevois. — Paireillement,
avint en ceste année que le roy d’Arragon fut desconfis par les Génevois et Provenciaulx, qui tenoient le sciège devent la cité de Gaiette,
on royaulme de Neaple. Et fut prins avec luy le roy de Navaires, le
maistre de Sainct Jacques en Espaigne, et plusieurs aultres, bien en
nombre de VIIe, que chevaliers, que escuiers, et menés à Millan.
Plussieur des Escorcheun tués par les Lorains. — En l’an dessus dit,
le second jours du moix de mars, furent tués et occis plusieurs dez
rottiers et escorcheurs de France par les Lorrains.
Item, en celle année, furent tampestez et fouldroiés les biens de
terre à Noeroy devent Mets ; et acomensait celle fouldre et malvais
tampts par pluye, ce que jamais on n’avoit veu faire. Toutefïois, en la
dite année y oit cy grande abondance de pomme entour de Mets et és
a. M : retournes.
1. Marc : ancien poids de huit onces, la moitié de la livre de Paris.
242
PARIS AUX MAINS DU ROI DE FRANCE (1436)
païs joindant que, depuis cent ans devent, n’en y avoit autant heu
pour une année ; parquoy l’on fist biaulcopt de cedre. Car, en celluy
tampts, le vin devint fort chier, comme cy après serait dit.
Paix entre le pape Eugène et le duc de Milan. — Paireillement, en
celle année, fut faicte la paix entre le pappe Eugène et [le] duc de
Millan.
Et, alors, le frère du roy d’Arragon, en vangeance de son frère,
gaignait et print par amblée et mallangiens la cité de Gaiette. Et, ung
peu après, lesdit de Gaiette ce rebellairent encontre luy. Et aussy
fist la cité de Genne encontre le duc de Millan ; parquoy le dit duc y
mist le sciège.
Ung canon dressés pour la défence de la ville. — Item, en celle dicte
année, l’on fist faire en la cité de Mets une grosse bombarde pour estre
mise à la defïance d’icelle ; et sont escript dessus les vers que cy après
s’ensuient, :
L’an trente six, mil et quaitre cent,
Fut faictes pour user mon tamps
En la garde, et pour defïence
Qui à ceulx de Metz font ofïance,
Pour lez pugnir et justicier.
Propice suis à tel mestier :
Et, qui vouldrait sçavoir mon non,
Très redoublée m’apelle on.
Anglois desconfis par les François près de Paris. — Item, en celle
meisme année, le connestauble de France, séjournant à Pontoise, et,
avec luy, le bastard d’Orléans, ce partirent du lieu avec belle compaignie, et, en ordre de baitaille, délibérairent de aller à Sainct Denis
afïin de réparer et restablir la ville, que les Anglois avoient délessée.
Mais, la chose congneue par les Anglois, il sortirent de Paris et vindrent
au devent des François, lesquelles très apprement les receurent. Et,
illec, a pont de pier qui n’est pas loing de Sainct Denis, sus la rivier de
Seine, furent à celle fois despêchié quaitre cens Anglois, cen ceulx qui
furent prins, entre lesquelles estoit Thomas Beamont, capitenne des
gens d’armes.
Paris réduicte aux roy de France. — Tantost après, le connestable,
estant à Sainct Denis, f [ut] advertis par aulcuns Parisiens qu’il estoient
[en]nuyés de la dominacion dez Anglois et qu’il désiroient l’a[ssist]ance
du roy Charles. Parquoy il print avec soy le bastard d’Orléans et aultres
capitenne de gens d’armes, avec lesquelles, de nuit, passaient la
rivier de Seine ; et mirent le sciège devent Paris, aux Chairtreux qui
sont hors la pourte Sainct Michiel. De la venue desquelles plusieurs
bon bourjois et cytoiens de Paris, sy tost que le jour acomensa à luyre,
esmeurent le puple encontre les annemis. Et tellement firent yceulx
bourjois que touttes la ville fut esmeuttes, et les chaînes tandue par
les rue ; et furent les Anglois assaillis de tous coustés, car les François
PIERRE RENGUILLON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1437)
243
estant au dehors rompirent les murs et antrirent en ia ville ; par quoy,
des Anglois, peu en eschaippa qui ne fut ou mors ou prins, sinon aulcuns
des plus grant, qui ce retirarent en la bastille Sainct Anthonne ; les
quelles, peu de jour après, ce randirent, leur vie salve. Et, aincy, avés
oy comment Paris fut réduicte en la puissance du roy Charles, septiesme de ce non. Et fut ce fait en l’an dessus dit mil quaitre cent
et XXXVI.
Et, tantost après, fut envoiés le connestable par le roy Charle à Lan,
de laquelle il print le chasteau. Aucy fut prinse Nemors, et Monstreau,
et plusieurs aultre plaice.
Item, en cellui tampts, le duc de Bourgongne fist son armée avec
les Flamans ; et mirent le sciège devent Callas sus les Anglois. Mais les
Flamans, gens rebelle et inconstant, quant il virent le sciège tropt
durer, ce acomencèrent à mutiner ; et à peu de fait ne tuairent leur
prince, le duc de Bourgongne; et tuairent Jehan Horne1, très noble
chevalier, et bien amés du duc son seigneur. Et ainssy ce leva le sciège
sans riens faire.
Mortalité et faminne à Paris. — En ce meisme tampts, y oit grant
persécucion en la cité de Paris, tant de famine comme de mortallités.
Car tout y estoit tant chier que le pouvre puple ce moroit de fain.
Et, avec ce, l’ung n’atendoit l’aultre à morir de pestilance. Parquoy
tout les gens d’armes, ou la plus part, f[uiè]rent dehors au champts ;
et faisoient de grief domaige sus [les] pouvre laboureus. Item, encor
avec ce, leur avint un[e aujltre persécucion : car les loups des champts
estrangla[irent pjlus de IIIIXX homme de villaige. Et après, il ce boutairent dedans la ville, et firent plusieurs nommages et cruaultés ;
contre lesquelles fut ordonnés et estaubly c’est assavoir que pour
chacun loups prins seroient XX sols paiet a preneurs des denier du roy,
oultre le salaire publicque que le puple, de son vouloir, donnoit a
veneurs.
En ce meisme ans, le XXIIIIe jour de juing, mon seigneur ie daulphin Loys espousa en la cité de Tours damme Margueritte, fille du roy
d’Escosse.
Et, on dit ans, mourut Katherine, royne d’Angleterre et suer a
roy de France.
Cy me tairés de ces chose pour le présant, et revenrés à vous parler
du maistre eschevin de Mets et de plusieurs aultrez besoingne.
Mil iiiic et xxxvij. — Item, en l’an après, qui estoit l’an de nostre
rédempcion mil quaitre cent et XXXVII, fut maistre eschevin de la
cité de Mets le sire Fier Ranguilion.
Et, en celle meisme année,, avint une nouvelletés d’une qui ce voult
contrefaire pour une aultre. Car, en ce tampts, le XXe jour du moix de
maye, une fille, appellée Claude, estant en abbit de femme, fut magni1. Jehan de Horgne dans Jean Crartibr (éd. Vallet de Viriville, Paris, Jannet,
1858, t. I, p. 243) : Jean de Home.
244
LA TOUR COMOUFLE ÉDIFIÉE A METZ (1437)
festée pour Jehanne la Pucelle. Et fut trouvée en ung lieu essés près de
Mets, nommés la Grainge aux Hormes ; et y furent les deux frères de la
dicte Jehanne, qui sartifïioient pour vray que c’estoit elle. Parquoy
messire Nicolle Louve, chevalier, luy donna ung bon chevaulx et une
bonne paire de housel, et seigneur Aubert Boullay ung chapperon, et
seigneur Nicolle Grongnat une espée. Et, depuis, l’on congnut la
vérités ; et fut celle fdle marié a seigneur Robert des Hermoixe ; et,
à la fin, vindrent demourer et ce tenir en Mets.
La tour Comoufle aux Champs Bapenne 1 édiffiéez. — En celle meisme
année, fut faicte en Mets la tour on Champts Papenne 1 c’on dit à
présant la tour Commoufle ; laquelle est belle, bonne et bien defïandable, et nécessaire pour defïandre celle partie. Et fut [faictes], corne
l’on dit, à la requeste et remonstrance d’ung bombardiet nommés
Commoufle, lequelle on disoit qu’il tiroit trois fois le jour où il voulloit,
et qu’il husoit d’airt magicque. Et, pour ces chose et plusieurs aultre,
il fut envoiez à Romme pour estre absoult de ces péchiez. Mais, toutteffois, au non de luy fut celle tour ainssy appellée, ne jamais ne luy
cherait le non.
Aucy, en celluy tamps, se esmeust ung petit débat entre George de
Craincourt et la cité de Mets ; mais messire Phelippe de Noeroy et
Poincignon Baudouche furent chairgiés des deux parties, et leur fut
donnés plaine puissance de faiie paix.
Vigne engellée. — Item, l’an dessus dit, le XIXe jour de maye,
furent les vignes engellée par oultre la rivier de Saille et en plusieurs
aultre lieu ; dont ce fut grand dommaige, car elle estoient en aussy
belle apparance qu’il estoit possible. Et fut dès alors le tampts bien
divers, de pluie et de vent. Parquoy le vin, qui estoit desjay chier, fut
encor ranchéris de la moitiés.
Item, aucy est contenus que, en cellui tampts, fut arrier faictes une
grande assemblée d’iceulx malvais gucrson qu’on appelloit les Escourcheux de France, desquelles estoit capitaines le devent dit Polton 2,
qui rut, comme on dit, en ce tampts noyés en une ville appellée Romaige, au dellà de Verdun.
Regnier de Cecille délivrés de prison. — En celle meisme année, on
moix de novembre, oit le roy Regnier de Cecille, et duc de Bar, respit
de sa prison : car, à la journée devent dicte, tenuee à Arras entre France,
Angleterre et Bourgongne, fut sa paix faictes. Parquoy, à cest heure,
c’en allait, acompaigniez de l’évesque de Mets et de Verdun, à Lisle en
Flandre ; et là fut quicte, parmi la somme de VIm salus qu’il debverait
paier au duc de Bourgongne ; et l’en mist en gaige le Neuf Chastel,
Bar, Clermont et Lonwey jusquez à fin de paiement. Et, quant le dit
duc Regnier fust revenus et qu’il eust mis en possession les Bourgui
gnons és plasse dessus dictes, il c’en aillait quérir son filz à Dijon,
1. Le Champ à Panne.
2. Poton de Xaintrailles est mort à Bordeaux, le 1 octobre 1461.
LA PASSION JOUÉE A METZ (JUILLET
1437)
245
là où il estoit en nottaige L Puis allait le marier à la fille du duc de
Bourbon ; et à ycelle nopce y turent aulcuns des seigneurs de la cité
de Mets.
La Passion par parsonaige jure en Chainge. — Item, l’an dessus dit,
on moix de juillet, fut jués en Mets le jeux de la Passion Nostre Sei
gneur jhésu Crist, en la place en Change. Et fut fait le paircques
d’ugne très noble fasson : car il estoit de IX sciège de hault, ensi comme
degrez, tout à l’antour *2 ; et par derrier estoient grand sciège et longne 3
pour les seigneurs et pour les dames. Et pourtoit le parsonnaige de
Dieu ung prebstre appellés seigneur Nicolle, de Neufchastel en Loherenne, lequelle alors estoit curé de Sainct Victour de Metz. Et fut cestui
curé en grand dangier de sa vie, et cuidait morir, luy estant en 1 airbre
de la croix : car le cuer luy faillit, tellement qu il fut estes mort, s il
ne fut estés secorus ; et couvint que ung aultre prebstre fut mis en son
lieu pour parfaire le parsonnaige de Dieu. Et estoit celluy prebstre
alors l’ung des bouriaulx et tirant dudit jeux. Maix, néantmoi[n|s, on
donnist son parsonnaige à ung aultre, et parfist celluy du crucifiement
pour ce jour. Et, le lendemains, ledit curey de Sainct Victour fut revenus
à luy, et parfist la résurrection ; et fist très haultement son parsonnaige.
Et durait celluy misterre par quaitre jours.
En celluy jeux, y oit encor ung aultre prebstre, qui ce appelloit
seigneur Jehan de Nissey 4, qui estoit chappellain de Mairange, lequelle
pourtoit le parsonnaige de Judas ; mais, pour ce qu il pandit tropt
longuement, il fut pareillement transis et causy mort, car le cuer luy
faillit ; parquoy il fut bien hastivement despandus, et en fut pourtés
en aulcuns lieu prochain pour le frotter de vin aigre et aultre chose
pour le reconforter.
La bouche de l’anfer d’ycelluy jeux estoit très bien faicte, car, par
ung engiens, elle ce ouvroit et recleoit seulle, quant les diables y voulloient antrer ou issir ; et avoit celle hurre deux gros yeulx d’assier qui
reluisoient à merveille.
D’icelluy jeux estoit maistre et portoit l’original ung clerc des
Sept de la guerre de Mets, appellés Forcelle.
Et y avoit pour celluy tampts moult de noble seigneurs et de damme
estrangiers et privée en la cité de Mets. Premier, y estoit seigneur
Conraird Baier, alors évesque de Mets, le conte de Vauldémont, seigneur
Baudouuin de Fléville, abbé de Gouxe, la contesse de Sallebruche, et le
conseillé de Bar et de Loherenne, monsseigneur Hue d’Autelz et ces
deux frères, Le Brun de Salz, Charles de Servoille, Henry de la Tour,
et plusieurs aultres seigneur et dammez d’Allemaigne et d aultre pais,
dont je n’en sçay les noms. Et, pour ce, fut ordonnés de mestre par
1 En otage
2. Je comprends : l’enclos où se donnait le jeu était en forme d’amphithéâtre, et
comptait neuf gradins.
3. Le mot loigne, ou loie, désigne une sorte de galerie de bois.
k. Jean de Missey dans Huguemn, Les Chroniques de la ville de Metz, p. 200.
m
LA VENGEANCE DE NOTRE SEIGNEUR JOUÉE A METZ (SEPTEMBRE 1437)
tout la cité, de nuit, des lanternes aux fenestre et de la clartés aux huis
tout ledit jeux durant.
Lavengence de la mort deNostre Seigneur jués par parsonaige. - Item
le XVIIe jour de septembre ensuiant, fut fait le jeu de la vangeancé
Nostre Seigneur Jhésu Crist, on propre paircque et on meisme lieu que
la Passion avoit estés faicte. Et fut la cité de Jhérusalemz très biens
et subtilement ouvrée et faictes, et le port de Jafîet ou Jopan *, dedans
ledit parcquez. Onquel jeux Jehan Matheu, le plaidieur, fut et pourtait
le personnaige de Vaspasiens, et le curé de Sainct Victour, qui avoit
esté Dieu à la Passion, fut Titus. Et durait ce mistère environ quaitre
jour.
n
Puis, tantost après, le derniers jours dudit moix de septembre, se
partirent de Mets plusieurs jonne seigneurs ycy après nommés : pre
miers, Jeoffroy Dex, Jehan de Warixe, et Jehan Baudoiche le jonne
pour aller avec seigneur Robert de Commercy au mandement du roy
de France, lequelle tenoit alors le sciège devent Montrial fault Yone,
comme cy après serait dit. Et, quant il vinrent illec, ledit seigneur de
Commercy les abandonnait et revint à Commercy. De quoy les sei
gneurs devent dit n’en furent de riens plus esbaïs 12. 3Et adonc trou
vaient le seigneur Anchellin de la Tour 3, quj estoit bailley de Vittry
en Partois ; cy ce mirent en sa compaignie, et il les receupt bégnignement, avec Gillet Baitaille, citains de Mets, qui jà estoit avec ledit
seigneur dès le troisiesme jour d’avril ; et furent audit sciège jusques
a tant que la dicte Montrial fut prinse.
Monstreaux réduicle au roi. - Et fut celle prinse le jour de la sainct
Luc évengéliste ; et y fut le roy Charles en personne. Et, quant elle
fut prinse, ledit roy c’en allait à Paris ; en laquelle, à son antrée, luy
fust faicte grant honneurs et grant festes, tant de monstre, de présent
et d aultre chose estrange, comme cy après nous dirons. Et. quant il oit
quelque peu séjournés à Paris, il c’en aillait à Corbuel.
Retour des seigneur de Mets de devent Monslreaulx. - Puis c’en
retournaient les seigneurs devent dit tous ensamble avec leur capi
taine seigneur Wainchelin de la Tour, en la cité de Mets ; et y antrairent le lundi XVI® jour de décembre, après vespre. Et les faisoit moult
bon veoir ; car il estoient armés, sans curesse 4, tout à crus 5 ; et mer
veilleusement bilerdez d’argent 6, selon la coustume de France ; et, avec
1. Jaffa, en latin Joppe, était censée avoir été bâtie par Japhet, fils de Noé
2. Je comprends : les seigneurs de Metz ne furent jamais plus ébahis que ce jour là.
3. Quelques lignes plus loin, Philippe écrit Wainchelin de la Tour.
l’armure 6SSe' CUlraSSe’ La cuirasse est une pièce de cuir que l’on plaçait par dessus
Z1 CfUd - dut1165” nu.e ’ on se bottait à cru, on se vêtait, on s’armait à cru. Il
semble qu ici Philippe veuille dire que les seigneurs étaient montés à cru, sans selle
ou couverture.
Bûcrdcz. N’est-ce point billardé ? Ce mot, dérivé de billart, sorte de bâton, pour
rait désigner la barre de bâtardise que portaient les armes du bâtard d’Orléans,
MAITRE JEANNIN, COUVREUR A METZ, PENDU (1437)
247
ce, avoient des collés c’on dit comay *1 *d’argent on colz, que le bastard
d’Orléans leur avoit donnés, pour tant qu’il fussent son ordre, et il en
furent. Car alors le dit bastard estoit duc, et possédoit la duchiez
d’Orléans, pour tant que son frère estoit prisonnier en Angleterre.
Maistre Jenin le recouvreur pendus. — Item, en la dicte année, fut
pandus à la justice de Mets ung appellés maistre Jennin le racouvateur. Lequelle estoit riche et bon ouvrier ; mais sa richesse n’estoit pas
du tout bien acquise, et n’avoit mye la plus part de son tampts amploiés à bien faire ; ne encor n’estoit de mal faire repantant, combien
qu’il fut viez et de grant eaige. Car il congneust à la justice qu il avoi
desrobés en son tampts XXII callices, sans les aultres choses, qui
montoient à grant somme. Et fut accusés pour deux calices que furent
prins en la paroiche de Sainct Supplisse, pour le tampts que on faisoit
le jeu de la Passion cy devent dictes. Car il ce encloyt en ycelle église
nuytanment ; et les print sans avoir nulle fraction és armaire esquelles
il les print ; dont on fut moult esbaïs, car il furent mescrus à plusieurs
seigneurs d’Église, qui n’en pouvoie may. Entre lesquelles en fut sei
gneur Simon de Basoncourt, prebstre, menés en la maison de la ville ,
et illec fut détenus en estroitte prison. Mais il en fut trouvés innocent,
et fut délivrés. Et puis fut mescrus à ung aultre prebstre, appellés
seigneur Hartelbich, qui estoit bon amis a maistre de la monnoie ; mais
il n’y avoit coulpe. Et fut le fait accusés pour ce que ledit maistre
Jennin pourtait du billon à la monnoie que tenoit aucunement or
Dequoy ledit monnoiés le rethint, et le fist sçavoir à justice. Et alors il
fut prins ; et, son cas congnus, fut menés pandre sur ung tumere z.
Et, en c’en allant à la justice, il chantoit une chanson à haulte allame,
qui ce acomance aincy :
Hé ! Robinet, tu m’ay la mort donnée,
Car tu t’en vais et je suis demourée.
Et chantoit celle chanson ledit maistre Jennin aincy comme s’il fut
âéTmptste et oraige. - En celle année, le XXIIIe j°ur de
il tonnait fort, et grêlait « merveilleusement, et fist ung très fort tampts,
environ une heure après midi ; et estoient lesdite grelle aussy grosse que
singue 3 de terre de quoy les anffans juent.
a. M : gellait.
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imputé à tort à plusieurs ecclésiastiques.
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3. C’est à des billes que Philippe compare les grelIons. Singue: es . sa i ^
du verbe cingler (comparer, dans les Ardennes un type gicle^Ae g
•
® nnaît que
chique semblent aussi dérivés des verbes mailler, chiquer).
y Aubrion • il les
deux exemples du mot single, tous deux empruntés au Journal de Jean Aubrion ,
glose par « petite balle, trait d’arbalète ».
248
PLAPPEVILLE MISE A SAC
(1437 a. St.)
Défaicie d’aulcuns Escorcheurs. — Item, l’an dessus dit, on moix de
novembre, ce assamblairent une grande compaignie d’iceulx Escorcheur, qui estoient banis de France ; et ce vindrent mestre soubz le
bastard de Bourbon, du grand et du petit Astrach, bien en nombre de
XXII cent , et furent XV jours en la cluchiés de Bar, vers Ballecourt.
Maix les Loherains et les Barisiens ce mirent ensamble, et, parmy
1 ayde de 1 évesque de Mets et de Verdun, leurs coururent sus, de
qu°y il y en oit environ trois cent LXVII que prins que mors.
Touteffois, lesdit Escorcheur vinrent faire une sallie, là où il encloïrent
plusieurs Loherains, et y fut prins Huttin de Serrier ; et Jehan de
Warize, aagié de XV ans, y fut tués, et environ LX bon homme, qui
ce y avoient trouvés pour despoullier lesdit Escorcheur mors. Et fut
tout cecy fait par le conseil et consantement du seigneur Robert
de Comercy.
En celle dicte année, on eust de très pouvre vin ; et ce tinrent tousjour à ung pris. Mais les bief devinrent chier, et coustoit le froment
X sols la quarte, le soille VII sols, et les aultre grains à l’avenent. Puis,
en peu de tampts, furent descheus de II sols ; mais, à la Paicque
ensuiant, il remontait à XI sols.
Délivrance du seigneur de Comercy. - Item, en celle année, fut déli
vrés de la prison le dit seigneur Robert de Commercy, parmy ce qu’il
debvoit paier la somme de X mil salus ; et, avec ce, devoit délivrer
touttes les gairdes et les lettres obligatoires que lu y, ces prédécesseurs,
et aultres pour eulx, pouoient avoir sur les duchiez de Bar et de Lor
raine ; et ne devoit jamaix mefïaire sur nulles dez devent dictes duchiez,
ne sur ceulx de Mets, de Toul ne de Lucembourg. Mais il mantit,
comme vous oyrés ycy après.
L empereur à Ferrare. — En celle devent dicte année, vinrent l’ampereur de Constantinoble, son filz et le patriarche de Grèce, et avec
belle compaignie, au nombre de VIIe hommes ; lesquelles vinrent
aux frais et missions du pappe Eugène quaitriesme et du sainct con
cilie de Baille. Et tenoient yceulx Grec deux bandes. Car l’ampereur
et son filz, avec ledit patriarche et environ cent des plus nobles, vinrent
ariver à Ferrare, pour la partie du pape, et les aultre VIe estoient à
Venise pour le concilie ; car le pappe et le concilie estoient en division.
Et firent les Grec protestacion qu’il n’obéiroient à nul jusques à tant
que nostre mère Saincte Église seroit réformée. Et, avec ce, que on lez
metteroit en leur païs aux frais, missions et despans des parties par qui
il estoient venus. Et fut ce fait, en la karesme, l’an dessus dit mil
1111e et XXXVII.
Pardon leves. — Et, depuis, pour aidier à paier leurs frais et despans,
fut levés ung pardon parmi la crestientés, dont les denier, ou la plus
part, dévoient estre amploiés à cest affaire.
Ceulx de Pleppeville courus. — Or, avint encor en celle dicte année
que les gens le devent dit seigneur Robert de Commercy vinrent courir
à Pleppeville, devent Mets, à l’ocasion d’ung appellé Pichon, lequelle la
justice d’icelle ville avoit fait paier une amande pour le maire des
JOUTE A METZ
(1437
a. St.)
249
chaitifz *, qui est une gaiberie qu’il font tous les ans, le jour du Merdi
Grais. Cy advint que celluy maire et plusieurs aultres se trouvaient
à ce jour dit devent la maison dudit Pichon, et demandoient à avoir le
vin, pour ce qu’il avoit fianciés sa famme à la nouvelle fasson. Et il fut
rebelle ; et ce esmeut entre eulx ung gros huttin, tellement qu’il luy
vint à reproichiés qu’il l’avoit espousés à cul de femme, et qu’il avoit
prinse sa rebaulde. Parquoy le devent dit Pichon fut plus amflambés
que devent. Et, pour ce fait, c’en aillait à Commercey, et amenait
yceulx lairon à Pleppeville avec luy. Et, cen ce que on ce donnait en
gairde de rien, prinrent environ XIX homme à la dite ville, et, avec ce,
prinrent tout ce de meubles qu’il polrent trouver dedans les maison
d’iceulx pouvre homme. Et, encor, ne ce tinrent à cella ; car, depuis
environ XV jour après, sont revenus lesdit lairons, et ont encor prins
plusieurs aultres homme vignerons, tant de Pleppeville comme d’aultre
part, lesquelles furent prins eulx labourant és vigne par devent la cité.
Et, ce fait, c’en allirent geoir à Airs sus Muselle. Et estoit avec eulx le
bastaird de Vertus. Mais l’on fist une alairme ; parquoy ceulx de Mets
y acoururent, et en prindrent aulcuns des leurs, jusques à VI ou VII,
lesquelles furent amenés prisonniers à Mets.
Jousle faicle aux Champs à Saille à baixe selle d’Alemaingne. — Item,
en celle année, le jour des Brandon, firent les jonne seigneur de Mets
cy après nommés une jostes on Champts Paissaille 12, à baix saille
d’Allemaine 3 et sur petit chevaulx : c’est assavoir seigneur Régnault le
Gournaix, chevallier, Jofîroy Dex, Jehan de Wairixe, Jehan Baudouche,
Jofïroy de Wairixe, Jaicomin Boullay et Perrin George. Et fut ce fait
par joieusetez et pour donner cause de rire ; car, en la dicte plasse, il
avoient fait mestre force fomeroy et fiante de beste, puis par dessus fut
mis foisson de blan estrains. Et estoient les dessus nommés tout vestus
de blan, maistre et chevaulx ; et les faisoit très biaulx veoir, car il
cheoient souvent ; de quoy il en fut biaulcopt ris.
Le duc de Bourgongne à Burges 4. — Item, en celluy tampts, le duc
de Bourgongne entrait à Burges en Flandre. Mais les Burgeois en furent
cy très mal contant qu’il tuarent plusieurs des officiers de sa maison,
et fermèrent les pourtes sus luy, et moult le persécutaient. Parquoy il
délibérait d’en prandre cruelle vangeance. Toutefïois, à la fin, en fut
la paix faictes, en paiant deux cent mil riddes d’or, sans les dons qu il
donnaient à son espouse, Ysabel, fille du roy de Portugal, affin qu elle
appaisast le duc son marit.
Et, en ce meisme ans, après la prinse de Monstreau, en laquelle fut
le roy en personne, comme cy devent ait estés dit, fist tantost après
1. Sur le maire des chétifs, voyez L. Zéliqzon et G. Thiriot, Textes patois recueillis
en Lorraine, p. 165, n. 1. L’usage de nommer un maire des chétifs s’est perpétué
jusqu’à nos jours à Failly (Moselle, Metz).
2. Le Champ-à-Seille.
3. Sur basse selle d’Allemagne.
4. Bruges,
250
JEAN LE GOURNAY, MAITRE-ÊCHEVIN DE METZ (1438)
ledit roy son entrée à Paris. En laquelle luy fut faictes ung moult
biaulx recueille, et en grant honneurs et triumphe y fut ressus.
Cy vous lairés de ces chose le pairler, et retornerés a maistre eschevin
de Mets et à plusieurs aultres besoingne.
[guerres EN FRANCE ET EN LORRAINE : l438-l44o]
Mil iili« el xxxviij. — Or, pour revenir a prepos, je vous dirés cornent,
en l’an après, fut fait et créés maistre eschevin de la cité de Mets le sire
Jehan le Gournaix. Et oit l’eschevignaige seigneur Aubert Boullay.
Et fut ce fait en la devent dicte année, que le milliair courroit par
mil IIIIc et XXXVIII.
La mort Sigismond, empereur. — Et, en celle année, trespassait de
ce sciècle Sigismond l’ampereurs, qui fut l’an XXVIe de son ampire,
lequelle en son vivant estoit roy de Honguerie et de Bahanne. Et fut
ensépulturé audit païs de Honguerie, en une cité nommée Albe.
Et succéda à l’ampire Albert, duc de Austruche, son janre, lequelle
VI mois après fut fait roy de Boesme et de Hongrie.
Le chasteau de Guermange gaingnês par l’évesque de Strasbourgz par
subtilités. — En cellui tampts, fut prins et par grant subtillité gaingniés le chastel de Guermange par l’évesque de Strabourg, par le
moiens de VIII compaignon d’icclluy chastel, lesquelles par fortune
furent prins et rués jus par les gens dudit évesque. Or, escoutés une
grande cautelle et une finesse très subtille faictes par les gens dudit
évcsques. Vous devés sçavoir que, quant il furent saisis d’iceulx gallans, il les despouillairent et les mirent tout en chemise. Et, ce fait,
ce sont Vestus et adoubés de leur robes et de tout leur aultre harnoix,
et ont montés sur les chevaulx d’iceulx gallans. Puis ce mirent en voie
droit à ycelluy chaisteau, leur adversaire. Duquelle ceulx qui l’avoient
en gairde, les voiant venir, cuidairent a vray que ce fussent leur gens,
parquoy il ouvrirent la pourte et lez lessirent antrer dedans. Et,
incontinant, ce manifestairent ; dont lesdit de dedans furent bien
esbaïs. Et en cest manier fut gaingniés cellui chastel et prins par grant
subtillités.
Trois jortne homme pendus. — Item, en cellui tampts, furent prins
et pandus a gibet de Mets trois josnes compaignon, dont l’ung estoit
banis de Mets pour larcin, et les deux aultres estoient d’icelle ville de
Pleppeville, et des plus riche de la ville. Et, la cause pourquoy il furent
pandus, fut pour ce qu’il faisoient secrètement sçavoir au devent dit
seigneur Robert de Commercy aulcune chose, contre les ordonnance
de la cité.
Et fut aucy pour celluy meisme tampts que le capitenne Fort Espice
fut prins par les gens du conte de Wauldémont.
TRÊVE ENTRE METZ ET COMMERCY (JUIN 1438)
251
Commendement de ne porter bledz hors la ville sans enselngne. — Item,
en celle dicte année, on moix de may, fut fait ung édit et fut criés en
Mets que nul ne pourtait pains ne bief hors d’icelle cité sans enseigne
dé Trèzes. Car on ne voulloit que nul puissant 1 avoir pains ne bief
d’icelle ville, sinon ceulx qui estoient de la jurediction et subjection
desdit de Mets, pour ce que, pour cellui tampts, y avoit ung grant
chier tampts de bief par tout le monde. Maix, la Dieu mercy 2, et a
bon gouvernement de la cité, le plus chier qui ce vandit en ycelle ne
passait point de pris XII sols la quarte. Et puis, tantost aprez, revint
à VIII sols. Et fut ce par le bon gouvernement et conduit des recteurs
de la dite cité.
Ceulx de Mets en garnison à Aspremont. — Item, le jour de l’Ancension après, ce partirent les souldoieurs de la cité de Mets, par le com
mendement et ordonnance de leur maistre, les VII de la guerre, pour
aller à Aspremont en gairnison, à l’encontre d’icellui Robert, seigneur
de Commercy. Et fut cest ordonnance et entreprinse faicte pour ce
qu’il sambloit ausdit de Mets qu’il estoient tropts loing de Commercy.
Parquoy il firent tant au devent dit seigneur Hue d’Aspremont, et
seigneur d’icelle plesse, que la maison leur fut ouverte par l’espasse de
quaitre ans durant, parmy la somme de quaitre cent florin, pour
chacun ans, de louuier. Et, alors, mirent lesdit de Mets bonne gairnison
en ycelle plaisse, et de jantilz gallans de guerre.
De quoy c’en thint bien de rire
De Commercy le sire.
Trêves acordée entre ceulx de Mets et le seigneur de Cornercei. — Puis,
tantost après, on moix de jung ensuient, furent faictes trêves, par le
moyens dudit conte de Wauldémont, entres les seigneurs de la dicte
cité de Mets et le devent dit seigneur Robert de Commercy. Et, alors,
revindrent les prisonniers qu’il avoit heu prins à Pleppeville et aultre
part, on karesme devent, en paiant leurs despans. Mais le traistre leur
avoit tant fait souffrir de paine et de mesaise, pour ce que lesdit de
Mets ne voulloient souffrir de les raicheter, qu’il en y oit piès de la
moitiet des mors en prison ; et, encor, de ceulx qui revindrent, en
morut plusieurs. Car il estoient à demi mangiés de poul, et morant de
fains. Et, tantost après, parmy cellui traictiés, revindrent arrier en
Mets lé souldoieur devent dit de leur garnison.
Deffence par l'évesques de n’amener nulz vivre en Mets. — Pareille
ment, avint, en cellui tampts, et on meisme moix de jung, que révérand perre en Dieu seigneur Conrard Baier, évesque de Mets et gouver
neurs des deux duchiez de Bar et de Loherenne, fist deffandre qu’il ne
fust nulz des trois païs qui amonnossent rien en Metz, sur grosse paine,
ne bois, ne scé, ne nul aultre biens, quel qu’il fut. Et, tantost, lesdit de
Mets firent arrier deffandre et renforsèrent leur comendement que l’on
1. Puissent, pussent.
2. Exactement : par la pitié (mercy) de Dieu ; grâce à Dieu.
252
LE MYSTÈRE DE SAINT ÉRASME JOUÉ A METZ (SEPTEMBRE
1438)
ne pourteroit ne méneroit riens de la cité en nulz desdit trois païs.
Parquoy, en celluy tampts, fut fort chier le pains et le vin par tout
païs, forque en la dicte cité de Mets.
Le pont Quinquaral[e] ragrandis. — Et, en celluy tampts, fut ralongiés et ragrandis le pont c’on dit Quinquaraille. Car, alors, y avoit ung
aultre pont de cost cellui, pour passer cher et chairette et aultre biens
quant les yawes estoient grande et hors de rive. Et le firent faire les
vignerons de la paroiche Sainct Marcel entre eulx V, parmy les aulmonne des bonnes gens 1.
Course aux paiis de Mets. — En celluy tampts, le Rouffo 2, prévost de
Longuyon, accompaigniés de trois cent lances des deux duchiez,
firent une corse on pays de Mets, entre les deux ryvier Saille et Mezelle,
pour gaigier ; et y firent de grant dommaige. Et fut ce fait à la requeste
d’ung appellés Grand Taixe, d’Anou clevent Briey. Maix, tantost après,
la paix en fut faicte ; et fut force au prévost du Pont de randre tout ce
qu’il avoient prins au pouvres gens, parmy paix faisant.
Ung canon dressés de nouveaulx. — Item, on moix d’aoust ensuiant,
fut faicte de rechiefz une grosse bombarde en Mets ; et fut menée on
pallas avec les aultres, à la vueue d’ung chacun.
Grand mortalité en Mets et aux paiis. — Aucy, en celluy tampts, fut
grand mortalité de gens par tout l’universelle monde. Et, d’icelle
mortallités, en furent mors, tant en Mets corne on païs d’icelle, jusques
au nombre de XX mil personne, entre lesquelles furent plusieurs
seigneurs et dammes. Et durait celle mortallité ung ans et plus ; et
éstoit l’aier ce très infect que l’on ne veoit aultre chose que gens mallades par les rues, de chaude maladie. Et ne voulloit on recepvoir
personnes en l’ospital de Mets, c’il n’estoit de la juridiction d’icelle.
Car, pour ce tampts, grand multitude de gens mallades estrangiers
venoient en Mets ; lesquelles on ne voulloit laissier entrer ne logier
en la dicte hospital.
Le jeux sainct Aramin[e] 3 jués en Chainge. — Toutteffois, en celluy
tampts, pour soy resjoyr, le premier jour de septembre, fut fait le jeu
et la vie et martir du glorieulx amis de Dieu sainct Arramme 3 en la
place de Change ; et durait deux jours.
Entreprinze du duc de Bar, et aultre, contre le conte de Waldémont. —
Item, en celluy meisme moix de septambre, les gouverneurs de la
duchié de Bar et de Loherenne, c’est assavoir l’évesque de Mets, l’abbé
de Gorxe, seigneur Ferry de Sévigny, mareschal de Loranne, et seigneur
Jehan de Hassonville, yceulx seigneurs firent ung grant mandemant
secret ensemble, cuydant prandre furtivement la place de Wauldémont ; car en trayson on leur devoit délivrer. Mais, quant ilz virent
que leur cas ce pourtoit mal, et qu’il avoient faillis à leur entreprinses,
pour récupérer leur honneurs, il boutairent les feu par toutte la conté.
1. De même Huguenin, op. cit., p. 203.
2. Sur le Rouffoux, voyez H. Michelant, Chronique de Husson, p. 329, n. 102,
3. Saint Érasme,
RESTRICTIONS IMPOSÉES AUX BOULANGERS DE METZ (1438)
253
Parquoy le conte Anthonne de Wauldémont, accompaigniés du capi
taine Fort Espice et de ceulx de Commercy, vinrent à frapper sur eulx
entre Ormes et Charmes. Et en firent telle desconfiture qu’il en y oit
plusieurs des mors qui demourairent en la plaisse ; et plusieurs en
furent des prins.
Ordonnances de faire pain d’orge, d’avuainne et grus. — En celle
meisme année, fut ordonnés en Mets que les boullungiers feissent pains
d’orges, d’avoinne et de gruson, et les aultres pains si comme il avoient
acoustumés *1 ; et que chacun pains heust certains poix. Et fut, avec ce,
ordonnés certains merchampts pour regairder sur eulx. Pareillement,
fut encor ordonnés que chacun desdit boullengiers n’eust que trois
pourciaulx, c’est assavoir ung à faire baccon, une llèche, et une truye
pour les porcellet 2.
Marie, cloche, fondue. — Item, en l’an dessus dit, le XXIlIIe jour
dudit moix de septembre, fut faictes et fondue Marie, la plus grosse
cloche de la Grand Église de Mets, on moustier de Sainct Pier aus
Ymaiges, par maistre Anthonne, maistre de l’artillerie de la cité.
Ordonnance de n’avoir que xij bolungier en Mets. — Puis, on moix
d’octobre ensuiant, en l’an dessus dit, fut ordonné en Mets que nul
n’achetait bief, fort que les boullungiers. Et, avec ce, qu’il n’y aroit
en la dicte cité que® XII boullengiers qui fissent pains d’ung deniers,
et qu’il n’en vandissent à nul personne, forcque aux seigneurs ou gens
mallades. Et à ce furent contrains par leur serment 3. 4
Vaillance de ceulx de Mets. — Item, l’an dessus dit, le XVIIe jour
d’icellui moix d’octobre, fit une chevaulchié le filz le seigneur Jehan
de Bennestorfïz, et le filz le seigneur de Putellenge, accompaigné
environ de cent chevaulx, tous allemans ; et vinrent courrir à Warixe
qui appartenoit aux seigneurs de Metz. Et les soldoieurs d icelle cité
corurent après, environ LXIII chevaulx ; et les poursuirent tellement
qu’il furent rencontrés entre Viller l’Abbaïe et Rabay 1 ; et en furent
a. M : que est écrit en toutes lettres, puis répété en abrégé.
b. M : Werarixe. Philippe a écrit le mot en entier, tout en mettant le signe de l abré
viation.
1. Grus, gruson : son [gru est encore vivant aujourd’hui dans les patois, Zéliqzon,
Dictionnaire des patois romans de la Moselle). La phrase signifie sans doute que le pain
ordinaire devait être fait de farine d’orge et d avoine mélangée de son ; le pain de luxe
(les aultres pains) pouvait être fabriqué avec de la farine de froment.
2. On restreint le nombre des porcs (qui se nourrissaient de son). — Porc à faire
bacon : porc à engraisser (bacon signifie encore lard en patois lorrain) ; la truie est
conservée pour la reproduction ; flèche est obscur. L'ancien français connaît un mot
flec, « tranche de lard ou de viande salée coupée en long ». S’agit-il de porcs que l’on
sacriliait avant qu’ils ne fussent tout à fait gras ? L’est assez vraisemblable. 11 est fort
douteux que chaque boulanger possédât un verrat : il conservait donc une truie, un
porc qui devait être tué à bref délai, et un porc à engraisser.
3. il y a cette fois limitation de la fabrication des pains de luxe, que seuls douze
boulangers ont le droit de faire, et pour une clientèle spéciale. Philippe a traduit en
français (pain d’un denier) un mot messin derrauli (H guenin, op. cit., p. 204), ou
daraulz, darals (Hisson, éd. Michelant, p. 73).
4. Villers-Bettnach, Moselle, Metz, Vigy. — Il existe encore, sur le territoire de
cette commune, une ferme et un moulin qui portent le nom de Rabas.
254
UN « TREIZE » NOYÉ A METZ PAR JUSTICE (1438 a. St.)
XXXVI des prins, avec les deux capitenne devent dictes, et avec
p usieurs chevauJx de scelle. Et, tantost, deux jours après, fut tout ce
butines et vandus la somme de mil frans.
En celluy meisme tempts, deux marchampts de Spire priment et
desrobairent en l’ostel Jehan d’Oultresaille, le merchampts citains de
Mets, et demeurant en ycelle, en la rue de Wezenieulz, environ la
vallue de deux mil livre ; desquelle merchampts l’ung avoit estés son
serviteurs. Et, ce fait, ce sont partis yceulx lairon le vandredi, tout a
matin, a la pourte ouvrant. Mais, aincy comme Dieu le voult, il furent
prins e arestes à Pont à Chaussy 1 par le serourge dudit Jehan d’Oultresaille, lequelle estoit convers des frères Cellestin du couvant de Mets
a^e ei meiSne j°Urnée’ vinrent les g^s du seigneur Jaicob de
Bonnestorffz, lesquelles priment en la ville de Chaussy yceulx deux
prisonnier, et les menairent à Raville en prison
YVV,',r '* T'* *
~ p“â. » cellui mcism.
pts,
XXVIII jour dudit moix d'octobre, tut prinsc Merecourt
en Loherenne par ung capitanne du conte de Wauldémont, appellé
rte Espice. Et, là, tinrent tant qu’il covint que le mareschal de
Lorranne allait quérir les cappitanne de France, c’est assavoir La
Wn’ P°wn’ ? nnChf fleUF’ k gl'and Estrac(îue<
Petit Estracque,
se gneur Wanchellin de la Tour et le bastard de Vertus, lesquelles alors
LoheraPins0nnierS Ù AmanSCe’ aVec Plusicurs auEres> en la mains desdit
Item, le vandredi vigille saincte Lucie, tonnait et esloidait trefïort
entre quaitre et V heures après midi. Et estoient aleurs 2 les yawe
forte grande.
"
Mr0U1 arrier rendUe' - AucIueJle tampts, fut arrier rendue Mircourt par le devent dit cappitaine Flocquet, qui alors estoit dedans
p ur le conte üe Wauldémont : maix ne fut pas à son honneurs, car
il la délivra iortivement 3, pour la somme de V mil sallus d’or, et pour
ung corsier que seigneur Comaird Baier, évesque de Mets, luy donnait.
Loherains’ ° ^ &
randre avec La Hyer Pour tenir Ia partie desdit
Ung Trèzes noiés en Mets par justice. - En celluy meisme tampts,
e uer jour de janvier, fut noiés ung des Tièzes de Mets, appellés
aicomm oppec ausse, d Oultresaille ; lequelle, comme dit est, estoit
homme de hgnaige et de justice. Et la cause pourquoy, ce fut pour
ce que, ledit ans, en la semaigne de Noé, il gardoit à la pourte Serpenoise , et tellement que, une nuit, il avoient jués aux dex ; et avoit ledit
aicomin perdus. Oi, advint que, après le soupper, il voulrent boire une
fois, Parquoy il dirent au chastellain de la pourte, qui ce appelloit
Jehan Piéraird, qu il heussent du vin ; et, avec ce, qu’il leur livrait de
2! ï?W^TcTttehh?ureU * C°Urcelles-Chauss^ Moselle, Mets, Pange.
manière^Moyale1’*11011 P3S
16 S6nS de * 6n cachette *> mais avec le sens de « d’une
LES ÉCORCHEURS DE FRANCE AU PAYS DE METZ
(1438 a. st.)
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sa waisselle d’argent pour eulx boire. Et aincy le fist. Et, ce fait, c’en
aillait dormir. Et, ycelle nuit, furent desrobées lesdicte waisselle,
montant à VI taisse d’argent. Et, que pis est, demoura ouvert le
guychellet de la dicte pourte toutte la nuyt. Parquoy, quant ce vint
a mattin, le chastellain demandait à ravoir ces VI piesse de waixelle
à ceulx à qui il les avoit livrés, c’est assavoir a filz Jehan de Gorze,
et à Peltrement le bollengiers, et au devent dit Jaicomin. Dont il
respondirent tous qu’il n’en sçavoient riens. Et, quant il vit que c’estoit
à la bonne escient cy c’en complainct ledit chastellains à la justice.
Sy furent prins tous trois et menés en l’ostel de la ville ; et, après plu
sieurs inquisicion, fut trouvés ledit Jaicquemin coulpable du fait.
Parquoy justice en fut faictes, et fut noyés, comme cy devent avés
oy. Et, par ce, apert que de bonne vie bonne fin. Car la justice d’icelle
cité de Mets n’en espairgnent nulz, tant soient grand ou petis. Et furent
rapourtée les VI taisse par maistre Simon, des Preischeurs, après ce
que la justice en fut informée.
Cy vous souffise quant à présent de ce que j’en ait dit, car à aultrez
chose veult retourner.
Jehan Belrain pria par ceulx de Mets. —- Item, en ce meisme tampts,
fut prins Jehan Belrain, qui venoit de Chambley avec Phillebert du
Chastellet ; et cy en alloient à Thiacourt, là où le seigneur Vainssellin
avoit essamblés environ Ve chevaulx. Mais les-soldoieurs de Mets les en
chaissairent, tellement que ledit Jehan fut prins, et amenés en prison
à Mets ; et y fut loing tempts, jusques ad ce que luy et XII nobles
hommes d’armes devinrent a homme à la cité à tousjour? maix.
Le paiis de Mets courus par ung capitainne de France. — Pareille
ment, en cest présante année, le mairdi 1111e jour de febvrier, vint le
seigneur de Panesach, qui alors estoit l’ung des cappitaine de France,
accompaigniés de VIII0 chevaulx, que l’en nommoit les Gaiscair.
Et furent logiez à Nouviant sur Muzelle ; et firent une course à Joys,
puis à Corney, là où il tuairent ung homme. Maix ceulx de la dicte
Corney ce defïandirent vaillamment, et en prinrent quaitre des leurs,
et les ont heus amenés à Mets en purre chemise, les mains loyées derriers
le dos ; et furent menés en l’ostel de la ville d’icelle cités. Puis, les
seigneurs, voiant leur affaire, mirent conseille à leur besoingne. Et
firent faire une nef bateilleresse ; et mirent plusieurs compaignon
dedans, desquelles Jaicomin Simon, et ung soldoieurs appellé Comphle 2,
* 1furent fait cappitannes. Puis ce mirent en la riviers, et montairent amont l’yawe, et, avec belle collevrines et arboullestres, allont
tirent jusques à la dicte Nouviant, et defïandirent tellement endroy ce
lieu que yceulx Gaiscar ne polrent venir à Aincey ne à Airs, où il
avoient grant volunté de faire mal, par la deffence de ceulx d’icelle
a. M : devirent.
1. A bon essient, pour de bon (Romania, t. LIV, p. 95).
2. Comofle (Huouenin, op. cit., p. 205).
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LES ÉCORCHEURS DE FRANCE EN ALLEMAGNE
(1438 a.
St.)
nefz batelleresse. Et, avec ce, les firent desloigier de la dicte Nouviant ;
et c’en allirent lougier à Saincte Marie au Boix, à Pregney en la montaigne, et a Bancourt P Parquoy les soluoieur de la cité furent envoiés,
après le dimenche Xe jour de febvrier ; et en tuairent XIIII ci’iceulx
Gaiscair, et en fut ramenés ung pour en dire des nouvelles. Puis, a
lundemains, furent ensambles environ XVIIIe homme de piedz, tant
de ceulx de Mets que du pais subgect ; et, avec yceulx, furent près de
deux cent que soldoieurs que verlet d’ostel, lesquelle ce mirent en
ambûche sur l’estaie desoure Chastel Sainct Germains pour combaitre
yceulx Gaiscar. Maix il en furent advertis, parquoy ce pai tirent de ce
lieu. Et c en allirent à Essey en Wèwre ; et lesdit de Mets en prinrent
ung à Saincte Marie a Boix, et le ramenairent à Mets.
Item, en ce tampts, le mairdi XIe jours de febvrier, et après ce que les
ap ou s aille s sont faillies 12, ung des seigneur de la dicte cité de Mets,
appellés Geoffroy Dex, print et espousait damme Bille d’Abocourt,
vesve de feu Aubert Boullay, son premier, nepveu et enfïans de deux
seurs. Et fut ce fait par dispance du sainct concilie de Baille. Maix
celluy mariaige ne durait mye longuement ; car, en celle année, le
XIIIe jours d’octobre, la dite damme morut et trespassait de ce monde.
Et, en celle meisme nuyt, vint en Mets le seigneur Wainsellin de
Conflans cy devent dit, et demandoit 3 a seigneurs d’icelle, s’on luy
voulloit donner deux mil florin d’or, il feroit retourner la compaignie
devent dites des gens d’armes, sans rien meffaire audit de Mets. Maix
il luy fut dit qu’on ne luy donroit point une maille. Parquoy il s’en
retournait tout confus.
Vézelize prinse par les Lorains. — Et, tantost après, on dit moix de
febvrier et en l’an dessusdit, fut abatue et mise à ruyne la ville de
Vézellize par lez Lorrains.
Aulcuns quenton d’Alemaingne courus. — Item, l’an dessus dit,
lesdit Escorcheurs de France, lesquelles en celle année furent en Lorranne, dont La Hyère, Bairet 4, Blanche Fleur, Floquet, le grand
Estracque et le petit, et le seigneur de Pannesach estoient cappitainne, s’en aillirent jusques à Strausbourg et à Baille en Suysse. Et, en
despit de tous ceulx qui en voulrent parler 5, retournaient par Monbelliard ; et vinrent à Lussu 6 en Bourgongne. Et fut dit que ycelluy
cappitainne, dicte La Hièie, avoit juré qu’il abreveroit son chevalx
dedans le Bins, si comme il fist. Et olrent yceulx cappittaigne plus de
cent mil florins de composicion et de ranson ai'fm qu’il retournaissent
hors du païs des Allemaignes : car il furent jusques aux bourgz de la
dicte cité de Strausbourgz ; et, de fait, lé prindre et pillaient.
1. Sainte-Marie-aux-Chênes ; Saint-Privat-la-Montagne ; Roncourt : Meurthe-etMoselle, Briey, Briey.
2. L’on ne célèbre pas de mariage pendant le carême.
3. On attendrait plutôt : promettait (que).
4. Barrette ? (Jean Chartier, Chronique de Charles VII, éd. Vallet de Viriville t. I,
p. 120). — Blanche Fleur : Blancheiort.
5. Phrase ironique : l’on se contenta de protester en paroles, personne n’osa agir.
6. Luxeu dans Hxjouenin, op. cit., p. 205. C’est Luxeuil (HLo2, t. V, col. 67).
Item, toutte celle dicte année fut moult pluvineuse ; et ne gellait
mye corne riens ; et fîst en mars de merveilleux tampts de tonnoire et
alloide.
Pier de Rochefort prins. — Item, en celle année, Guillaume de Flavy,
capitenne en France, fîst pranre messire Pierre de Rochefort, mareschai
de France, par Robinet l’Hcrmitte, et fut emmenés prisonniers à
Compiègne, où il fut détenus sy longuement qu’il en morust. Pour
laquelle chose messire Ambroise, sire de Loréj et prévost de Paris, fist
tranchiers la teste audit Robinet l’Hermitte és Halles de Paris.
Plussieur riblerie parmei la France. - On dit ans, messire Jehan de
Crouy, accompaignié de VII cent homme, pour le duc de Bourgongne,
mist le siège devent le chasteau de Crotoy. Et, en ce tampts, estoit le
pouvre païs de France cy triboullés et mal menés de tout coustés que
c estoit pitiet et dommaige. Car, alors, en diverse partie d’ycelluy
royaulme, se assemblèrent de rechief sus les champs grosses compaignie de gens de toutes pièces, que faisoient plus de mal au puple que
toute la guerre des Anglois. Entre lesquelle estoit ung capitaine d’Espaignol, nommés Rodigues de Villandras 1, atout plus de VIII mil
chevaulx. Car, en ycelluy tampts, les plus fort l’empourtoient et
avoyent l’avantaige.
L mil personne mort à Paris. — Et, avec ce, estoit en ce tampts et ce
ramforsoit de jour en jours la famine et la mortallité dedans Paris ;
et fut estimés qu’il y mourut plus de L mil personnes. Et y vailloit ung
septier de bief IX frans parisis. Et, par ce, furent constraintz le conte
de Richemont, connestable, et presque tous les gens d’estat, de laissier
et abandonner Paris.
La Pracmaticque Santion en France. — Touttefïois, en ce meisme
ans, et durant encor le sainct concilie de Baisle, le devent dit roy Char
les, par l’auctorités d’icelluy sainct conseille, fist convenir en sa cité
de Burges en Berry tous les piélatz de l’église gallicanes, avec tous les
princes de ces pays. Et illec, par comun advis, fut déterminées, approu
vées, publiées et décrétées la Pragmaticque Sanction du royaulme de
France. En laquelle y ait plusieurs biaulx article, que je lesse pour
abrégiés. Et comenda le roy que inviolablement fut observées, pour le
biens, honneurs et prouffit de son royaulme et de toutte la religion
crestienne. Et fut ce approuvés en Pans devent dit et audit sainct
conseille le VIIe jour de juillet.
Meaulx réduicte aux roi. — Et, tantost après et en celle meisme
année, fut la cité de Meaulx prinse et réduycte a devent dit roy Charles.
Cy vous lairés de ces chose à parler quant à présant, et retournerés
a maistre eschevins de Mets, et à plusieurs aultre besoigne digne de
mémoire.
1. Rodrigo de Villa Andrando, capitaine espagnol (cl. Jean Chartier, op. cit..
t. I, p. 131 et n. 2).
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JACQUES SIMON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1439)
Mil iiiic et xxxix. — En l’an après, et que le milliair courroit par
mil quaitre cent et XXXIX, fut alors maistre eschevins de la cité de
Mets le sire Jaicques Simon. Et à celluy escheut V eschevignaige.
Plussieur mariage. — Et, en celle année, furent fais en Mets plu
sieurs et innumérables mariaiges, tant de seigneurs et damme comme
d’aultres gens de touttes sortes et de tous estas, à l’ocasion que beaulcopt de gens, hommes et femme, estoient en ycelluy tampts weve, pour
la grant mortallités que n’ait guerre 1 avoit estés. Et, premier, fut fait
le mariaige de Geoffroy Dex, qui print à femme Lourette, fille Jehan
de Herbéviller, laquelle Lourette ait puis heu tenus a sainct fons de
baptesme l’escripvains de cest présante cronicque, c’est assavoir qu’elle
fut mairaine à moy, qui ait compousés ce présant livre, corne cy après
serait dit. Après, Perrin George print à femme Jullienne, fille Perrin de
Serrier ; Jaicomin de Raigecourt print à femme Mergueritte, fille
Jehan du Pont, d’Espinalz ; Thiébault Louve print à femme Mergue
ritte, fille Collignon de Heu ; Geoffroy Chaverson print à femme
Jehannette, fille le seigneur Nicolle Grongnat. Et furent tous ces
mariaige fait en brief tempts. Et, avec yceulx seigneurs et damme, ce
firent encor en la dite cité plusieurs aultres et diverse mariaige de la
commune, et cen nombre.
Item, en la dicte année, fut tousjours grand guerres, famine et chier
tempts ; et encor ne ce laichoit point la mortallités.
Le connestable de France contre ceulx de Verdun. — Et estoit alors le
plus fort de celle guerre entres les Loherains et le conte de Wauldémont, et entre ceulx de Verdun et le connestauble de France, qui
estoit conte de Richemont. Et tellement que les dit de Verdun prinrent
à deux fois des gens dudit conestable, environ VIIXX, et en tuairent
environ LIX, desquelx il y avoit quaitre des plus notauble cappitaines
et des plus mignons que le connestable heust. Et vinrent lesdit de
Verdun abbaitre et arraser ung chastel que s’appelloit Commenier 2,
lequelle est à deux petittes lieues de Verdun. Et fut ce fait pour ce que
messire Jehan d’Argent, chevalier, à qui ledit chastel estoit, le soubtenoit contre lesdit de Verdun. Et fut ce dessus dit fait és feste de la
Panthecouste, environ le XXVe jour de may.
Chavencei asseigiez. — Item, en la dicte année, fut mis le sciège
devant le chasteaulx de Chavency par ledit conestable, à la requeste
du damoisiaulx Éraird de la Mairche, contre le damoisiau de Commercy.
Et y fut ledit sciège environ XVI sepmaines ; et n y fist riens. Et,
quant il furent despartis, ledit damoiseau de Commercy c’en allait
bouter les feu à la ville de Xevrey le Franc et à plusieurs aultrez
villaige, lesquelles avoient données ayde à ceulx dudit sciège.
! Plussieur places abatue par les Lorains. - Pareillement, en celluy
2.‘ Cumières^Commenie'rs en 1549 dans Wassebourg) est à 10 kilomètres au nordouest de Verdun.
L’ÉVÊQUE DE METZ ENLEVÉ
(13
OCTOBRE
1439)
259
tampts, fut abatue Tollo 1, Faucocourt 2 et Mostiés sur Sal 3 par les
devent dit Loherains, qui alors estoient de guerre au conte de Wauldémont, comme dit est. Et, oultre, c’en allirent lesdit Loherains coupper
les bief tout atour de Wauldémont ; desquelles en y oit aulcuns qui
furent prins, à qui lesdit de Wauldémont couppairent les mains et
les testes.
Plussieur vigne lempestée d’oraige. — Item, en l’an dessus dit, la
vigille sainct Salvour, fîst ung cy merveilleux tampts de tempeste
entres les VI heures et les VII après midi que touttes lez vignes de
plusieurs villaige du Vault de Mets furent toutes tempestée, et telle
ment fondue qu’il n’y demourait riens, c’est assavoir de Vault, de
Jeuxei, de Sainte Raffine, de Rouserieulle, de Lessey, de Chaselle,
de Chastel, de Thignommont 4, de Pleppeville, de Lorey, de Vignuelle
et de Wappey. Et, touttefïois, elle estoient alors en la plus belle apparance de biens que on vist oncque. Donc ce fut grant pitié et dommaige.
Paix entre les Lorains et le conte de Wauldémont. — Tantost après, et
en ycellui meisme tampts, fut fait acord entre lesdit Lorrains et le
conte de Wauldémont de celle mauldicte guerre, qui avoit tropt durés ;
et en fut en ce tampts la paix f'aictes, de quoy ce fut grant joye.
L’évesques de Mets prins prisonniés. — Item, l’an dessus dit, le
XIIIe jour d’octobre, fut prins prisonnier seigneur Conraird Baier,
évesque de Metz, on chasteau d’Amance, par le consantement des
Lorrains et des Barisiens. Desquelx il ne se gairdoit mie ; car, pour
ycelluy temps, ledit évesque estoit gouverneurs desdit païs et général
conseilliers, à l’instance desdit seigneurs, comme par cy devent ait estés
dit. Et furent prins avec ledit évesque plusieurs cy après nommés,
c’est assavoir seigneur Theidrich Baier, son frère, Androuuin de Liocourt, escuiers, Charlin de Nommeny, et Nicollas, maire de Wy, que
fut ransonné à trois mil frans 5. Et, après qu’il furent saisis dudit
évesques, il le menèrent tous nus, sans braie et sans chemise, à Condé
sus Muzelle ; et, avec ce, il estoit tout deschault, et bien deshonnestement traistés. Et fut ce fait par ceulx cy après escript,- c’est assavoir
messire Waultherin Hazar, curé de la dite Condei, seigneur Willame
de Dompmaitin, chevalier, Waultherin de Tuillier, escuier, et ung
appellé Godart. Pour l’amour desquelles aulcuns bon facteurs en
compousairent ung bénédicité en la manier que cy aprez oirés :
Bénédicité domine,
Nostre évesque est à Condé ;
Dieu nous gaird de Goudair
Et de messire Waltrin Hasair ;
1. Thelod, Meurthe-et-Moselle, Nancy, Vézelise ?
2. Foucaucourt, Meuse, Bar-le-Duc, Triaucourt.
3. Montiers-sur-Saulx, Meuse, Bar-le-Duc.
4 Tignomont, hameau, commune de Plappeville.
5 Hucuenin op. cit., p. 206 : « Androuin de Liocourt, escuier, chaistellam de
Nomeney, qui estoit blessé, et Nicollay, maire de Vyc, qui fut rançonné trois mille
francs ».
260
L’ÉVÊQUE DE METZ DÉLIVRÉ (1439)
De Willaume du Vaulx de Faul,
Qu’il ne nous faisse point de mal,
Et de Waltherin a de Tuilier,
Qui resgardoit par la wairier.
Item, on tampts que ledit évesque estoit en prison, on le thint telle
ment subjecgt que à force l’on luy fist faire plusieurs crant, tant pour
les sallines comme pour ycelle plesse de Condel, et pour plusieurs
aultres places de l’éveschiés que ledit évesque avoit rachetés, de quoy
lesdit Loherains et Barisiens voulloient estre saisis, c’est assavoir de
Nommeney, Ramberviller, Baccarat, La Gairde, et plusieurs aultre
places que lesdit Loherains avoient jà fais saisir.
L’évesques délivr[é]. — Maix, tantost après que ledit évesque fut
délivrés et fuer de prison, il s’en vint à Nommeney, et fist tantost
boutter hors d’icelle ces annemis. Et ainsy en fist il de touttes les aultres
forteresse. Et, ce fait, il mandait incontinant a seigneurs et gouver
neurs de la cité de Mets que leur plaisir fut à envoier aulcuns de leurs
soldoieurs pour luy conduire jusques en la dicte cité. Lesquelle sei
gneurs et VII de la guerre le firent honnorablement ; car plusieurs
desdit seigneurs y furent en leur propre personne, accompaignié de
leurs bons amis et soldoieurs, en la quantité de deux cent teste armée.
Et le furent quérir jusques tout dedans Nommeny, et l’amenairent à
Mets. Et fut ledit évesque la nuit de Noël a mâtine, et, le jour, à la
grand messe et à vespre ; et pareillement y fut le jour de la sainct
Estienne, et parmy les feste ensuyent. Et, ce tampts pandant, ce
traveillairent fort lesdit Loherains de prandre Baccarat, maix il fail
lirent. De quoy il fut dit que le devent dit évesque ne tanroit mye ce
qu’il luy avoient fait crantés, si comme on dit en commun proverbe :
Frangenti fidem fides frangalur eidem.
Rendus aux bourgeois ceu qu’Hz avoient prestes durant les guerres. —
Item, en cellui tampts, fut randus le derniers quart du prest que les
bourjois de Mets avoient fait pour le fait de la guerre de Saint Mertin,
à l’ocasion de la devent dicte hottée de pommes, par Jehan d’Ancey.
Et, en celle année, fist ung très biaulx estés sainct Mertin.
Entreprinzes de ij homme d’armes. — Paireillement, en l’an dessus
dit, on moix de décembre, fut faictes en Mets une entreprinse de deux
compaignon d’armes. Et, de fait, il firent certains copts de lances
affiliée l’ung contre l’aultre on Champts Bapanne *1 ; tant que l’ung
des deux fut forment bréciés 2, par son orgueille ; et estoit appellé
Hennecquin de Flandre, serviteur au conte de Wauldémont. Et cuydoit
on bien qu’il deust gaignier le pris et mestre son homme à baix. Mais
ung jonne Allemans, son adversaire, qui estoit parans à la femme
a. M : Walcrum.
1. Le Champ à Panne, vaste terrain situé hors de la cité, devant la porte Serpenoise,
en tirant vers la porte Saint-Thiébault.
2. Blessé. — Sur cette joûte, voyez HussoN,p. 75, et Hugucnin, op. cit., p. 207.
NICOLE ROUCEL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1440)
261
Jehan Baudoche Brullard, le gaingnait, par grant vertus que Dieu
y moustrait : car ledit Hannecquin estoit ung malvais guerson, et ung
grant renoieur de Dieu et de ces saincts. Parquoy Dieu permist que la
lance de son compaignon le vint ferir tout parmy la gorge. Maix,
toutefïois, de ce copt ne morut pas ; ains en fut reguéris pour celle
fois. Puis, après, ne fut pas longuement qu’il fut rencontrés de ceulx
d£ Gorze ; et fut tuez, et paiez de ces gaiges.
La mort d’Albert, esleu empereur. — En celle meisme année, mourut
Albert, duc d’Austruche, qui estoit esleu empereurs, et qui estoit
jandre au devent dit Sigismond, jaidi ampereurs d’Allemaigne. Et
vueullent aulcuns dire que, en Honguerie, il mangeait tant de ponpon 1
qu’il en escheut en ung fieux de ventre, duquel il mourut. Toutefïois,
aulcuns aultres dient qu’il fut empoisonnés. Dont ce fut grand domaige ; car il estoit homme pour faire beaulcopt de biens. Cy laissait sa
femme grosse d’enffant, qui estoit fille dudit Sigismond ; laquelle
délivrait à termes d’ung filz, qui fut nommés Lancelot. Lequelle,
puis, fut roy de Honguerie et de Bohême ; et trespassa, semblablement
empoisonné, l’an de Nostre Seigneur mil IIIIC LVIII, allant sur la
XVIIIe année de son eaige.
Sainte Susanne prinse par les Françoi. — En ce meisme ans, le
conte de Richemont, conestable de France, mist le sciège devant la
cité d’Avrenche. Et, ce pandant, les gens d’armes de la compaignie
du duc d’Alençon et du sire de Bueil prindrent, on païs du Maine,
la ville et chasteau de Saincte Susanne, par le moien d’ung Anglois
qui trahit ses compaignons.
Mais de ces choses je ne vous dirés plus quant à présant ; ains veult
retourner au maistre eschevin de Mets et au fais d’icelle cité, avec
plusieurs aultre advenue digne de mémoire.
Mil iiijc et xl; Phidrich esleu empereur. — Après ces choses
ainssy advenue en la manier comme cy devent avés oy, et alors que le
milliair courroit par mil quaitre cent et XL, fut esleu, fait et créés
Pbedrich ampereur, troisiesme de ce non, et duc d’Autruche, et oncle
d’Albert dessusdit.
Et, pour la meisme année, fut institués et fait maistre eschevin de
la cité de Mets le sire Nicolle Roussel.
Guerre recomencée entre lé Lorains et le conte de Waldémon[t\.
En
laquelle année, ce esmeust de rechief la guerre entre les Lorains et le
conte de Wauldémont. Durant laquelle fut prins messire Wanchelin,
bailly de Vittery on Partois ; et fut menés à Jonville sur Marne, et
fut livrés en la mains du conte de Wauldémont. Et y demoura jusques
à tant que le roy Charles de Frances l’en fist délivrer. Et fut ce fait on
moix de febvrier, quant le devent dit roy vint à Sainct Myhiel et à Bar
le Duc ; et là fut ledit seigneur Wanchellin tout quicte.
1. Pompon, pepon : melon.
262
DIFFÉREND ENTRE METZ ET LES LORRAINS (1440)
Plussieur Alemans tués et prins par ceulx de Verdun. — Item, le
Xe jours d octobre, fut faictes une chevaulchée de plusieurs Allemans
sur la terre de l’évesque de Verdun ; et coururent devers Parrey en
Wèvre. Dequoy le damoiseau de Rodemach, seigneur de Boullay,
estoit capitainne, avec plusieurs aultres grand seigneurs d’Allemaigne,
en nombre de environ quaitre cent chevaulx. Mais, alors, maistre
Loys de Harracourt, qui estoit évesque de Toul et gouverneur de
l’éveschiés de Verdun, avec seigneur Jehan de Salz, et ce qu’il polrent
avoir de gens, tant des Loherains comme dez Barrisiens, les suirent
jusques près de Sancy. Et en furent lesdit Allemans desmontés et
prins environ le nombre de IXxx chevaulx. Et ce fut pour tant que
lesdit Allemans mirent piedz à terre, comme ceulx qui attendoient la
baitaille, mais il abandonnèrent tout. De quoy plusieurs desdit Alle
mans furent très mal contens, car il les en convint retourner à piedz.
Paix entre les Lorains et Messai[ns]. — Item, en ce tampts, le XIe jour
d’octobre, fut faictes et scellée la paix entre la cité de Mets et ceulx de
Loherenne. Laquelle guerre avoit estés esmeute par Andrieu, filz
seigneur Andrieu de Paroie, chevalier, et par Phillebert du Chastellet.
Lequel Andrieu avoit prins aulcuns merchampts de Mets, et l’avoit
envoiés au Chastellet, de coste ledit Phillebert. Et, quant lesdit de
Mets furent bien informés du fait, il en firent les requestes telles que
au cas appartenoit de faire ; desquelles il olrent responce non convenauble à leur demende. Et, quant les gouverneurs et Sept de la guerre
devent dit virent le fait, il donnairent congiés aux amis dudit mer
champts de gaigier sur le païs de Bar et de Lorraine ; et tant que
lesdit amis en prinrent plusieurs prisonniers. Et, alors, lesdit Loherains
en ont rescript audit de Mets, et en firent requeste ; maix il leur fut
respondus tout court qu’il n’en averoient nulz, se ledit merchampts
n’estoit restitués de touttes ces perde et domaige. Adonc, ledit Phille
bert, Andrieu de Perroie et les Lorrains, oyant celle responce, ce mirent
en arme ; et firent une chevalchée, bien en nombre de quaitre cent
chevaulx. Et, avec ycelle compaignie, c’en vindrent gaigier à Mariulle,
à Vezon i, à Lorey devent le Pont ; et prinrent plusieurs waiche ;
puis ont bouttés les feu en deux grainges. Pour laquelle chose les sei
gneurs et gouverneurs de la chose publicque de la cité de Mets ce
mirent en armes ; et contregaigirent on Val de Fal, et amenairent
plusieurs bestiaulx, vaiche et chevaulx, berbis et mouton, et aultres
beste à corne. Et y fut estés grand guerre, se ce ne fut estés l’assamblée
que le conte de Wauldémont avoit. Mais, quant lesdit Loherains
solrent la vérités d’icelle assamblée, qui ce préparoit encontre d’eulx,
il vinrent bien en haitte quérir la paix en la cité de Mets. Et puis,
l’acort fait, ont apourtés la dicte paix toutte seelléez en la cité.
Emtreprinze du conte de Wauldémont contre le paiis de Lhorenne. —
Item, doncque, en ce tempts, on moix d’octobre, fist errier le conte de
1. Vezon est aujourd’hui une annexe de Marieulles.
PILLARDS DE FRANCE AU PAYS DE METZ
(1440)
263
Wauldémont une merveilleuse entreprise sur le pals de Loherenne et
de Bar à l’aide du seigneur de Crouuy, son janre, acompaigmés de
deux mil Piccars, entre lesquelles y avoit Pleurs grand seigneurs.
Et c’en vinrent yceulx passer tout permey la duchiez de Ba , >
>
vinrent à Sorxey, puis à Baisonpier, et en tuairent ^ seigneur. Après
de là ce partirent, et vinrent à Nouvian ; mais ceulx de la ville ce
composaient à eulx : car ledit conte oit ung biaulx chevaulx que
l’abbé de Gouxe avoit. Et, jà ce que lesdit Loherains estant plus de
gens deux fois que lesdit Piccars, néanmoins jamaix ne les oysairent
assaillir, ains les laissaient tout paisiblement passer.
_
Une femme de Bahaigne loge dessoubz le gibet de Me .
dite année, advint une merveille, et causy imposible a croire. Car une
femme de Baihaigne, que ne sçavoit parler fors que baihaignon, vint
en Mets ; et puis sortit dehors, et ce thint tout parmy l’iver au champs,
auprès de Sainct Privé, à demy lue de Mets, ne jamaix pour froidure,
vant ne pluye ne quelque tampts qu’il flst, ne ce voult mestre à c
verte Et daventaige couchait celle femme plusieurs nuit dessoubz
Llustfce dlcelle cité, en laquelle aie estoient
P^™;
Et ne mengeoit celle femme point de chair, ne ne bevoit point de vin ,
et estoit toutte deschausse.
année
Les Loraine pense avoir WanMmonl- Item, en celle me.»meamfe,
le XXVIIe jour de janvier, lesdit Loherains cuydaire
gaignTe, Wauldémont ; mais il faillirent. Et, en ,celle entreprise, en
y oit plusieurs des tués et des pandus.
Pareillement
Plussieur pillair d[e] France se mestent ensemble t,
en celle année on moix de février, une grande bande et une merve
leuse compagnie de pillairs du ,0,anime de France jusques a nombre
de XVIII ou XX mil homme, vinrent ariver par
devers Bar et devers le Neufchastel en Loherenne ; puis sont retou
" CLe&
sdTPiUair aux palis de Mets.
-
Mais, d’icelle compaignie, ce
despartirent environ trois mil, lesquelhis vinrent
Mets. Et, de premier venue, priment la ville de Gouf. ®
Airs
capitenne ung nommés Mongomalus 1. Puis vinrent ^gier a Ans
suSuzelle eU Ancey ; et fut par eulx tout le pais
comune de la cité de Mets et du pais entour ce ^meurent entre^ ^
et ce mirent ensamble, sans licence de justice, et, s
P£mbaitre
seigneurs, s’en allèrent, comme brebis sans pasteur, P°
J
leur annemis. Mais il ce mirent en granl adventur ; et leur fut tout
beau s’il polrent retourner. Parquoy les Françoy, quant J
en olrent sy grand despit que, avant leur partement, il en boutta
les feux en plusieurs villaiges.
, j Verdun ce
Ceulx de Verdun rençonner. - En celluy tamp ,
d x mil
ransonnairent, en la mains desdit François, a la somme
1. Montgomeris dans Huguenin, op. cit., p. 207.
264
LE DAUPHIN LOUIS SE RÉVOLTE CONTRE SON PÈRE (1440)
sallus, et, avec ce, les deux plus grosse bombardes qu’il heussent, après
la plus grosse.
^
Montagus abatue, sus le seigneur de Comercei. - Item, en celle
meisme année, à la requeste de ma damme de Bourgongne, le roy fist
abbatre Montagus, qui estoit a damoisiau de Commercy. Et voulloit
encor le dit roy asségier Comercy, pour ce que trop on oyoit de reclains.
Car ledit de Conmercy prenoit sur tout le monde, comme cy devent
est dit, et ne pnsoit ne roy ne roc h Maix, toutefois, il fut de cy près
tenus qu il paiait XXXV mil salus, et randit les prisonniers qu’il
avoit, promectant au roy d’estre bon et de non plus faire pillerie ne
airancm . Et, parmi ce, on le laissait en paix. Et il thint cy bien sa
promesse que il fut pire que devent.
Loys, daulphin, se retire à Nyort. — Puis, peu de tampts après, Loys,
daulphin de Vienne, filz dudit roy Charles, luy estant en la conduites
et gouvernemens du conte de la Marche, à qui son perre l’avoit baillé
pour libéralement le instruire et endoctriner en bonne meurs, luy
venus en adolescence, desprisant l’enseignement de son maistre, se
retirait à Nyort, où il appella avec soy Jehan, duc de Bourbon, et
Jehan, duc d’Alenxon. En présence desquelles il se mist hors de tutelle,
et déclairé doresnavent voulloir vivre en liberté ; et disoit qu’il estoit
essez ydoyne et essés de aage pour les négoces du royaulme gouverner.
Et luy croissoient le couraige le duc de Bourbon, Anthonne Chaban 3,
e an de la Roche, senelchal de Poictou, Pier d’Amboise, et plusieurs
aultres.
Le daulphin de France commence la guerre contre son per[re], — Et
tellement que, par l’ayde d’iceulx, l’anffans ce rebella au perre, et luy
mena la guerre par l’espaisse de VI moix durans. Parquoy son dit
perre, Charles Vile, envoia lettres par touttes les bonnes villes de
France en comendant que l’en ne fist nulle obéyssance à son dit filz le
daulphin, tant qu’il persévéreroyt « en cest opinion. Et fut cest dicencion bien domaigeable à toutte les bonne ville de France. Mais, à la fin,
par 1 intercession du conte d’Eu, fut tout ce huttin apaisés ; et revindrent les malfaicteur en grâce, non ostant qu’il convint à tous ceulx
qui ce estoient armés contre le roy, favorissans à son filz le daulphin,
avoir rémission et grâce, sellée du grant seel en cire vertd.
Durant ce discord fut prinse par ledit daulphin la ville de Sainct
Maixant, près de Nyort, environ le IIIe jour d’avril, après Pacques.
Touteffois, les seigneurs dessus dit s’en retournairent, incontinent
qu il eurent pillé la ville, congnoissant que au secours d’icelle venoient,
au non du roy, plusieurs grant prinse de France, avec une moult
a. M : persevroyt (?).
xi/‘i.^XxPreSsion Proverbiale tirée du jeu d’échecs : le roc désigne la leur (persan rokh,
éléphant monté par des archers).
2. Larcin. Larroncin n’est autre que l’ancien français larrecin refait sur larron.
3. Antoine de Chabannes, comte de Dammartin (1411-1488).
GUERRE ENTRE LES FRANÇAIS ET LES ANGLAIS (1440)
265
grosse armée. Parquoy il ne les oysairent atandre. Et, pour ce que
l’abbé dudit lieu et ces religieulx s’y pourtèrent vaillanment pour ledit
roy contre les dessus dictz, il leur ottroya previlaige telz qu’il voulurent
demender. Avec ce, leur donna à tousjour maix perpétuellement qu’il
seroient garde de la dicte ville et chasteau, en les anoblissant, et baillant
à l’abbé, pour son église, pouoir et autorité de porter pour armes ung
escus de gueules à une couronne d’or et une fleur de lis d’or dedans.
Item, à la ville donna pour armes semblablement ung escu de gueulles
à une couronne d’or dedans et à ung chief de France. Et fut ce fait
pour ce que aulcuns des habitans de la dicte ville se portèrent moult
vaillanment.
Harfleur en Normendie prinse par les Anglois. — En ce meisme ans,
et durant la dicte division, les Anglois mirent le sciège devent la ville
de Harfleu en Normandie, laquelle il reprindrent ; et Monstiviller sem
blablement, par composicion.
Charte d’Orléans délivrés de priso[n] parmei iiiic mil escu[s], — Item,
aussy en ce meisme tampts, Charles, duc d’Orléans, lequelles, après la
baitaille de Blangy, avoit estés prins et menés prisonnier en Angleterre,
là où il fut détenus XXV ans, comme par cy devent ait estés dit, fut
à cest heure délivrés, en paiant la somme de quaitre cent mil escus
pour sa ranson. Et, incontinent luy délivrés, espousa à Saint Orner la
niepce de Phelippe, duc de Bourgoigne. Et, par ce moyens, furent fais
amis ensemble.
Samblablement, on dit ans, fut traicté le mariaige entre le conte de
Charolois, filz du duc Philippe de Bourgoigne, et de damme Katherine
de France, que alors n’estoit que aagée de VI à VII ans.
Le roi de France chasse les pillair du paiis. — Aucy, en ce tampts, le
roy de France alla en Champaigne pour expeller et faire cesser les
maulx et pilleries que les gens d’armes y faisoient ; desquelle il fist faire
justice. Et, entre les aultres, fit noyer le bastard de Bourbon à Bar
sur Aube ; et plusieurs aultres capitaines en furent déposés. Et fut à
cest heure orde mise en leur paiement, affin qu’il ne pillaisse le pouvre
puple.
Déconfiture d’Anglois devent Paris. — En celle meisme année, on
moix de febvrier, les Anglois de la garnison de Mante, estans de VII à
VIII cens, vindrent faire une course devent la porte Sainct Jaicques
de Paris ; mais il furent desconfis par les François.
Plusieurs aultres chose furent en ce tampts faictes parmi le royalme
de France, tant en rancontre et tuerie comme en ville et chasteaulx
subtillement prins et robés. Desquelles à présant je me despourte ;
et veult retourner a maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultre
besoingne.
266 JEAN BAUDOCHE, DIT BRULART, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1441)
[la CITÉ DE METZ EN GUERRE AVEC LE DAMOISEAU
DE COMMERCY, LE SIRE DE FLÉVILLE, ETC. ; 1441 ~14441
Mil iiijc et xlj.—L’an après, que le milliair courroit par mil quaitre
cent et XLI,fut maistre eschevin de la cité de Mets le seigneurs Jehan
Baudouche l’anney, dit Brullairt.
Ordonnances sur le fait de maistre eschevignaiges de Mets. — Et fut en
celle année ordonnés et passés du grand conseil de la cité que, de ces
jours en avant, il seroie mis en la butte i, et que celluy à qui il escheroit
pourteroit l’office, et non point ung tas de gens, qui ce avoient mis en
pairaige, cuydant estre Trèses ou maistre eschevins, trésoriers ou Sept
de la guerre. Dont il en y oit des mal contant et couroussiet.
Le seigneur de Comercei contre ceulx de Mets. — Item, on moix
d’avril tantost après, racomensait errier ledit seigneur Bobert de
Commercy à mener la guerre encontre les seigneurs de la cité, sans
tiltre et sans nulle cause quelconque?.. Et, de fait, courust trois ou
quaitre fois sans deffier, c’est assavoir à Longeville devent Chamenat,
sur l’abbé de Saint Arnoult ; à Clémery et à Ralcourt, sus Saint Simphoriens ; et puis à Saincte Reffine ; et, avec ce, antrait on Vault
prandre le bestialz. De quoy, à celle occasion, la guerre fut de rechief
ouvertes. Et, après ce fait, et qu’il oit achevis partie de ces voulluntés,
il envoiait ses deffiances.
Item, on moix de maye après, en l’an dessus dit, les seigneurs et
gouverneurs de la chose publicque de la cité de Mets, voiant la malvitiet
de cest homme, envoiairent six compaignon, à leurs aventures, jusques
devent la dite Commercy. Lesquelles ont rués jus le cappitaine du
Chasteaulx Thirei, appellés Mathieu de Servait 2, luy Ve de à chevaulx,
avec le bastard d’Arjantier ; lequel fist restitucion de cent et XIIII frans
qu’il avoit heu ostés à ung marchampts de Mets, que aultrez fois
avoit heu prins ; et devint homme à la cité.
L'évesque Conraird, et aultre seigneur, arive à Mets. — En cellui
meisme moix, vindrent en Mets le seigneur Conraird Baier, évesquez
d’icelle cité, maistre Loys de Haracourt, évesque de Toul, l’abbé de
Gourse, le conte de Saulmes, le damoisiaulx de Rodemach, le seigneur
de Fénestrange, le seigneur du Salcy, seigneur Robert de Baudrecourt,
1. Cette butte est la botte où l’on mettait les noms des personnalités entre lesquels
devait être tiré au sort le nom du maître-échevin. —L’on trouvera dans Huguenin,
op. cit., p. 208, tout le détail de cette affaire. Un certain nombre de nobles messins,
d’une part, se refusaient à exercer les charges municipales ; d’autre part, les parages,
décimés par les épidémies successives, avaient été envahis par des hommes nouveaux
que l’on voulait écarter des charges.
2. Servay dans Huguenin, op. cit., p. 209 ; Sernay dans Husson, p. 76.
Luy cinquiesme de à chevaulx : l’on fit prisonniers, outre les piétons, quatre cavaliers,
plus Mathieu de Servait.
Le bâtard d’Arjantier est appelé Arentiere dans Huguenin et dans Husson.
Guerre
entre metz et commercy
(1441)
267
seigneur Wainssellin de la Tour, Henry de la Tour, seigneur Conraird
du Chastellet, et seigneur Ferry de Perroie, et plusieurs au lires, au
nombre de V cent chevaulx, pour le fait des restitucions que Phillebert
du Chastellet devoit faire, comme il estoit obligiés par lettres scellées.
Vigne engellée. — Item, avint que, en celle dicte année, le premier
jour des Rogacions, furet les vignes du Vault de Mets touttes tempestées
et fouldroiées ; et par espécial à Sciey. Et fut dit que c’estoit pugnission
de Dieu ; car, ledit jour, quant les grant croix de Saint Estienne de
Mets passoient par ce lieu, comme elle ont de coustume de tous les ans
passer à tel jours, plusieurs d’icelle villes et d’aultres estoient alors en la
taverne, cheu ung nommés Auburtin Petit, juant au delz et malgréant
Dieu et ces sainct.
Ung homme pugnis pour avoir jurés. — Parquoy ledit Auburtin en
fut mis en la maison de la ville ; et, avec ce, fut jugiez à cent florin
d’amande.
Deux seigneur de Mets fait chevalier. — En celle meisme année, ce
partirent de Mets pour c’en aller en Jhérusalem le seigneur Geoffroy
Dex et le seigneur Jehan Baudoche; auquelle voiaige furent fait che
valliers. Et en leur compaignie y estoit Collin de Cilley.
Course aux paiis de Mets par le seigneur de Comercei. — L’an dessus
dit, le XXIIIIe jour d’aoust, fist le devent dit seigneur de Commercy
une orguilleuse chevaulchée sur lesdit de Mets. Car il vinrent nuytanment parmy la ville d’Ancey, et paissait Mezelle, puis vindrent bouter
les feu à Maigney et à Poullei, et prinrent les bestes et aultres biens ;
tant que le buttin qu’il prindrent à ceste fois fut prisiés et estimés à la
vallue de trois mil et L florin d’or. Et estoit le dit acompaigniez de
Phillebert du Chastellet, avec environ deux cent Bourguignon ; par
quoy, tout mis ensamble, il estoient environ Ve chevaulx.
Baichel fait par l’évesque de Mets, et ville du Vault tailléez.
Item,
l’an dessus dit, seigneur Conraird Baier rachetait les cens que Collignon Roucel, le chaingeur, avoit à Ars sur Mezelle. Et en paiairent 1
lesdit d’Airs XIP franc et L cowe de vin, ceux d’Ancei VIIIXX frant
et X cawe de vin, ceulx de Châtel L cowe de vin, ceulx de Lessei
XL cawe de vin. Et ung home de la dicte Lessei, nommé Patenostre,
paiait cent florin pour sa pairt. Somme tout, l’airgent, cellon qu il
vailloit alors, XIIII'’ et LX frans, cen le vin.
Salverne 2 prime pour le seigneur de Comercei. — Item, le XXIIIe jour
d’octobre, fut prins le chastel de Salverne furtivement par ung moine,
nommés damp Geoffroy, prieur d’Aipremont, lequel estoit apostat,
et ne tenoit conte de sa religion. Et estoit frère à la femme du seigneur
de la dicte Salverne, parquoy il avoit congnoissance en ce lieu, et
alloit et Venoit, toutefîois qu’il voulloit, en la dicte forteresse. Or,
1. Il faut comprendre pue l’évêque, pour payer Collignon Roucel, lève une taille sur
ses propres sujets des quatre mairies (Huguenin, op. cit., p. 209).
2. Solieuvres dans Husson, p. 76 ; Solluevre en la duché deluxembourg dans Huguentn, op. cit., p. 210. — Soleuvre (Zolwer), hameau et ferme, commune de Sanem,
Grand Duché de Luxembourg, Luxembourg, Esch-sur-l’Alzette.
i
»
268
LE SIRE DE COMMERCY AUX PORTES DE METZ
(21
DÉCEMBRE
1441)
advint une fois qu’il y entrait, et tuait le chastellain et le portier
d’icelle maison, luy meisme, qui estoit moine, comme dit est. Et, ce
fait, délivrait la dicte place au damoisiau de Commercy.
Sy avint, après, que ceulx de la duchiez de Lucembourg mirent le
sciège devent la dicte plaice, et mandèrent l’ayde de ceulx de Mets.
Parquoy y furent envoiez seigneur Régnault le Gornaix, seigneur
Nicolle Roucel, et Phillipin Dex, acompaigniés de VIIXX chevaulx. Et,
durant ce tampts, ledit de Commercy vint mestre vivre dedans la
dicte place ; et, avec ce, firent une saillie sur le sciège, par la faulte des
Allemans, qui ne voulloient point faire le guet acoustumés en tel cas *i.
Parquoy lesdit de Metz lez lessairent, et c’en retournirent en leur cité.
Ung soldoieur de Mets tués. — Puis, on dit ans, on moix de nouvembre ensuiant, et le XXIIIIe jour, ung soldoieurs de Mets, appellés le
Gouverneurs, en juant aux cartes, tuait ung aultre soldoieur, appellés
Forquignon, néantmoins que ce fut et estoit son droit compaignon
d armes. Et, quant il eust fait le copt, il ce armait bien vistement et
montait à chevaulx ; puis, ainsy armés et montés, c’en vint à la pourte
des Allemans, et fîst entendent au chastellains et aultrez gairdes que les
annemis de la ville estoient aux champs, et que les seigneurs l’envoioient
veoir, bien legièrement, que c’estoit. Et, sus ces parolles, le laissairent
aller. Et, incontinent qu’il fut dehors, on vint à la pourte defïandre
que l’on ne le laissait aller ne sortir. Mais il estoit tropt tairt, comme
dit est ; car il estoit desjay bien loing.
L’archevesqu.es de Triève à Mets. — Item, le XXe jour de décembre
ensuiant, vint en Mets seigneur Jacques, archevesque de Trièves,
acompaigniez de deux cent Allemans ; et c’en allait logier à la Haulte
Pier. Et la cité lui fist présant de quaitre buef, quaitre cawe de vin, et
cent quairte d’avoigne ; et les seigneurs de chappistre de la Grand
Église d’icelle cité luy donnairent deux cawe de vin. Et fut ledit arche
vesque à la Grant Église, là où fut faictes grand triumphe.
Course du seigneur de Comercei faicte tout aux plus près des pourte. —
Puis, après, le jour sainct Thomas, vindrent furtivement les gens le
damoisiau de Commercy, en nombre de deux cent chevaulx, et dessandirent par Génivaulx et par Longeaue, sur le point du jours ; et faisoit
alors cy obscurs que merveille, et tellement que à paine veoit on goutte.
Parquoy deux des soldoieurs de Mets et trois verletz d’ostel furent
prins et emmenés prisonniers. Et coururent lesdit de Commercy parmy
Longville devent Mets, et fouraigèrent aulcune maison ; et, daventaige,
vinrent à corrir par l’isle du pont des Mors. Et y oit aulcuns d’iceulx
pillair, environ X ou XII, qui vinrent chaissitr et poursuivre a aulcuns
desdit de Mets jusques tout dedans la barriers sur le pont des Mors.
Et puis, ce fait, c’en retournairent le chemin de Semecourt, saulve
leur baigues, et cen riens perdre.
a. M : pousuivre.
1. Ces faits sont racontés avec plus de détail et se comprennent mieux dans Huguenin,
loc. oit, p. 210.
GUILLAUME PERPIGNAN, MAIXRE-ÉCHEVIN DE METZ (1442)
269
Creelles el Pontoise rendue aux roy. — En telle meisme année, fut
mis le sciège par le devent dit Charles, roy de France, devent Creelles 1
et devent Pontoise. Et fut la ville de Creelle rendue en moins de trois
sepmaines ; mais la ville de Pontoise se tint environ XXIII sepmaines.
Et à ycelluy sciège estoit le roy en personne, et le daulphin, son filz,
Charles d’Anjou, le conte de Richemont, et plusieurs aultres grant
prinse du sanc de France. Aucy y estoit le conte de Wauldémont, avec
Phelippe Dex, filz seigneur Jacquez Dex, chevalier, et Perrin George,
tous jantilz homme et citains de Mets. Et, en celluy campe, ce mirent
les François et les Anglois par plusieurs fois en baitaille ; mais il ne se
oisaiient assambler 2, néantmoins que les dit François estoient esti
més à XXVIII mil, et les Anglois n’estoient que X mil, comme on
disoit. Et, de fait, fut dit que lesdit Anglois enchaissairent par plu
sieurs fois les François de leur logis.
Et, quant ce vint au mey septembre, les Anglois s’en rallirent en
Normendie ; et laissèrent de leurs gens en la ville de Pontoise environ
mil combaittans, desquelles estoit cappitainne le seigneur d’Escalles 3.
Et Tallebot estoit errier cappitainne de aultres XII mil Anglois qui
estoient commis pour gairder la ville. Et là furent les François grant
espace de tampts, jusques que ledit Tallebot s’en retornait, et emmena
le seigneur d’Escalles avec luy, et touttes leur gens. Et, alors, quant
le roy soit qu’il y avoit cy peu de gens à Pontoise, il print ce de gens
qu’il avoit et qui lui estoient demourés, et, avec yceulx, il assaillirent
la ville ; et fut alors gaingné d’ung seul assault. Auquelles ce pourtairent cy vaillanment messire Hanry Baière et le conte de Petitte Pier
qu’il y furent fait chevalliers.
Mil iiiic et xlij. — En l’an après, quant le milliair courroit par mil
quaitre cent et XLII, fut alors fait et créés maistre eschevin de la cité
de Mets le seigneurs Guillaume Perpignant.
La cloche de Meute fendue. — Et, ledit jour que il ce faisoit, avint une
fortune : car la grosse cloche de la cité, nommée Meutte, fut routte et
fandue, au second copt qu’elle sonnait pour celle office à faire.
Item, celle dicte année fut de cy grand sescheur que, dès le premier
jour d’apvril jusques à la mitté de juillet, il ne pleut que par deux fois ;
et encor fut ce bien petittement. Et durait encor celle grand saicheresse loing tamptz aprez.
L’empereur prend sa coronne à Ays. — En celle année, le XVIIe jour
de jung, le devent dit Phédrich, duc d’Octriche, et esleu pour empereur,
print sa corronne à Airs la Chaippelle.
Salverne rendue. — Puis, a VIe jour de juillet après, fut randue la
forteresse de Salverne 4, de laquelle je vous ais heu par cy devent parlés.
Et fut ce fait par Haultecaire, capitenne de la dicte place, par le con1.
2.
3.
4.
Creil (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 15 et sqq.).
S'assembler : en venir aux mains, livrer bataille.
Thomas, sire de Scales.
Voyei p. 267 et n. 2.
270 PLUSIEURS SEIGNEURS COURENT SUR LE PAYS DE METZ (23 AOUT 1442)
santement de ces compaignon, saulve leur vie, harnoix et chevaulx,
et deux chairettes plaine de biens meubles ; avec aucy deux beaux
corciers que le conte de Gullich luy donnait. Et, ce fait, fut délivrée la
dite plaice au conte. Lequelle trouvait qu’il y avoit plus de biens
meubles en la dite place qu’il n’y en avoit quant elle fut trahie, comme
cy devent ait esté dit.
La chapelle Saint Nicolas, d Saint Eukaire, en Mets, édifiéez de neuf. Item, en celle meisme année, le XVIe jour ü’icelluy moix de juillet,
fut acomencée la chaippelle Saint Nicollas en l’église parochialle de
Saint Eukaire en Mets. Et la fist Thiedrey le masson ; pour laquelle
à faire il en oit la somme de deux cent et LX livrez, avec la despouille
d’une petitte maison qui fut abatue audit lieu.
Deux compaignon tués, et plussieurs blessés, en avalant la cloche de
Multe.
Or, avint en celle année, la vigille de la saint Pier et saint
Pol, que ung charpanthier, appellé Pierson, de Staison 1, *mairchandait
34
a seigneurs et trésoriers de la cité de Mets de avaller la devent dicte
cloche, nommée Meutte ; et aussy la devoit remonter quant elle seroit
refondue. Et, pour ce faire, en devoit avoir la somme de XXV livrez
de messins. Mais, ainsy que fortune le voult, en avallant la dicte Meutte,
lez corde rompirent ; et cheut jusques à la dernier woulte. Et, en
cheant, ce tournait du loing d’elle parquoy y oit deux des compai
gnon qui aidoient à l’avaller qui furent tués, et VI ou VII auitres
furent forment blessiés. Puis, le XXXIe jour dudit moix, ledit Pierson,
pour voulloir achevir son ouvraige, ravaillait la dicte Meute depuis
ycelle dernier woultes, là où elle estoit cheuttes, jusques en terre ; mais,
quant elle vint à trois piedz près du pavement, elle cheut de rechief,
et rompirent touttes les cordes, excepté la plus grosse.
Course faicte sus le paiis de Mets par le conte de Petitte Pier. — Item,
en celle dicte année, le XXIIIe jour d’aoust, vinrent a faire une course
sus le pais de Mets le wouuez de Hanapier, le conte de Petitte Pierre,
Redambiert lilz à seigneur Hanry Raier, nepveu à seigneur Coniaird
Baier, évesque de Mets. Et vinrent yceulx seigneurs, avec leur gens,
ariver on Hault Chemin. Et, eulx venus, ont boutés lez feu. Premier,
ardirent à Charlei deux maison, à Sainte Barbe, deux, et à Anery \
une grainge ; puis, à Werry, y furent toutte les maison airse, et, à
Vegnei 5, en y oit trois.
iij annemys pendus.
Mais, alors, ce mirent lésait de Mets en armes
et saillirent hors, tellement que à ce jour furent prins par les soldoieur
d’icelle cité trois de leur compaignon d’armes, et amenés à Mets ; dont
l’ung estoit au wouuez de Hanapier, l’aultre au conte de Petitte Pier,
1. Pierson de Taixon (Husson, p. 77).
Du }onS d elle •' complètement. Au lieu de tomber verticalement, la cloche, qui
serait restée en place sur sa partie évasée, se retourna et roula de côté.
3. Il faut évidemment corriger : Rodât Baier.
4. Anery Ennery. Huouenin, op. cit., p. 212, donne Avancey, qui est plus vraisemblabl© : c est Avency, hameau de la commune de Sainte-Barbe
,5- V*fnef\ V“/- Hü0UBNIN' op- oit., p. 212, et Husson, p. 78, ont Vegey, Vigy, qui
est préférable (Werry est Vry).
1
6 ÿ
4
et le troisiesme à Rodât Baier. Et, tout incontinent et en ce jour meisme,
les trois gallans devent ait furent pandus et estranglés.Car à tel desserte
tel louuier.
Et, en ce jour meisme, furent aussy prins desdit de Mets ung merchaul'x et deux boutefieu, qui appartenoient à Rodât Baier. Lesquel
boutefïeu feurent pandus le XXVIe jour d’icellui moix ensuiant ; maix
le mareschal demoura encor en la maison de la ville.
Course faicie par ceulx de Mets à Faulquemont. - Item, au londemains, XXVIIe jour dudit moix, lesdit de Mets ce mirent en armes ; et
furent courre jusquez devent Faulquemont ; et prinrent plusieurs
waiche et aultres bestiaulx, qui furent prisiée la vallue de VIIe Irans.
Et, le jour après, fut encor pai eulx prins pour LX irans que de poureiaulx, que de berbis.
Destrousse faide par ceulx de Mets. — Puis, le second jour d octobre
ensuient, vinrent lesdit Rodât Baier, seigneur Hanry Baier, Phelippe
du Chastellet, Olré de Rotesenhouse 1 2et Andrieu de Parroie ; et anvairent yceulx avec leur gens, tout au point du jours, à Anseryille
et ardirent environ XL que maison que grange. Maix il n en dirent
mye grant joie, nonobstant qu’il estoient environ VIII** chevaulx: ;
car lesdit de Mets, qui estoient advertis du fait, saillirent au champts
et les enchaissairent jusques à ung petit ruyt d’yaue, tout près de
Chastel Brehain. Et, là, y oit de leur gens environ IX homme d armes
mors et péril 2 ; et sincq en furent prins et emmenés ; et environ
XX chevaulx y furent mors, et plusieurs compaignon d’armes bleciés.
Et avec ce, furent XLVIII chevalx dez leurs prins, et butines a la
somme de XIIlIe irans 3 et XXXIII florin ; et les armures furent
vandue cent floiin d’or. Et, par ainsy, le buttm que ceulx de Mets
gaignont à celle journée valut XVe et XXXIII florins.
8 Disposition du temps. - L’yver ensuient, de celle année, fut malva s
et aspre ; et encomansa la gellée le premier jour de décembre, et durai
l’espace de XVI sepmaine. Et tellement gellait que les vigne furen
toutte engellée d’yver ; et les couvint toutte trepper , espécialleme
tout le coustés de Oultresaille. Et y oit alors cy grand neige, la nuit de
la Chandelleur et le jour saint biaise, que la neige estant enmeys e
rues estoit bien de VI piedz d’espesse. Toutefïois la glesse c en aillait
très doulcement, sans faire dompmaige.
.
,
Et vailloit alors la quairte d’oignons XXIIII sols, et la quair
pois VIII sols, la chairée de foins L sols, le fromen V sols VI deniers
l’avoine IIII sols, les grosse iebves 0 VIII sols, et la quairte d
V deniers, IIII deniers et III deniers.
1. Olrey de Rottenshufz dans Huoubnin, op. cit., , P- 213.
2. Péris, tués.
de la Moselle,
T
article trèper) désigne l’opération qui consiste à couper la vig
en patois lorrain féoeue, petite fève.
272
JEAN RÉMIAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1443)
Et, en celle année, on moix de mars, n’y avoit encor nul fleurs en
nul arbres, pour la froidure du tampts. Puis, le second jour de febvrier,
et le troisiesme, et tout le dit moix, fut tousjour froit en gellée et en
neiges, et pareillement fist le mois de mars, avril, et la mitté de maye.
Dyeppe asségiéez par les Anglois. — En celle meisme année, fut la
ville [de] Dyeppe asségée par les Anglois desquelle Tallebot estoit
cappitaine. Et avoient yceulx Anglois faictes une très fortes et puis
sante tours et bastille de bois devent la ville. Laquelle, après plusieurs
escarmouche et grant fais d’armes, tant d’ung cousté que d’aultres, fut
par Loys, daulphin de Vienne, celle tour prinse, et tout le campe
rompus et disc.pés ; et furent les Anglois en la plus part ou mors ou
prins.
Mais de ces chose je me tairés quant à présant, et retournerés à parler
des maistre eschevin de Mets et des adventure advenue en leur tampts.
Mil iiiic et xliij. — Item, en l’an après, et courrant le milliair par
mil quaitre cent et XLIII, fut maistre eschevin de la cité de Mets le sire
Jehan Rémiat, fdz Collignon Rémiat.
Ceulx de Fléville eourre le paiis de Mets. — Et, en celle année, le
XXVIIIe jours du moix de mars, vinrent ceulx de Fléville, la mains
armée, ariver on pais de Mets. Et, de prime venue, ont bouttés les feu
à Maisiers et à Agondange. Et fut ce fait tout a mattin, à l’ajourner ;
et coururent jusques à la Grant Steppe 1, enlevant le bastial 2. Puis,
ce fait, c’en retournairent leur chemin droit à Fléville, sans domaige
et sans riens perdre ; car de leur venue l’on ne ce donnoit point en
gairde.
Vigne engellée. — Item, le may ensuiant, et a thier jours, furent lez
vigne la plus pairt engellées. Et, de fait, on en trappait 3 plus de deux
cent journaulx ; de quoy ceulx qui le firent c’en repantirent depuis.
Course faicle contre ceulx de Mets. — Puis, en ce meisme moix de may,
vinrent les Escourcheurs de France on Vaulx de Wessey 4, environ
deux mil. Et d’iceulx estoit cappitanne Pier Régnault, frère à la Hière,
et le Roussin, avec le seigneur Robert de Commercy ; et firent plusieurs
grant mal autour de Cheminât.
Et, en ycelluy tampts, fut rués jus le nepveu le conte de Petitte Pier
par ceulx de Mets, et le filz le merchal du merquis de Baulde, avec
quaitre de leurs gens. Et furent butinés leurs chevaulx et armeures
à IXxx et XII florin d’or, en Mets, devent l’église collégialle de Saint
Salvour.
En eelluy meisme tampts, le devent dit Robert, seigneur de Com
mercy, accompaigniez de trois mil homme d’iceulx routtiers, c’on
1. Les Grandes Tapes (Staples au xn® siècle, Estaples au xme), aujourd’hui ferme,
commune de Woippy.
2. Bestial, bétaii.
3. Voyez p. 271, n. 4.
4. Vaxy, Moselle, Chàteau-Saiins, Château-Salins.
LES ÉCORCHEURS DE FRANCE AU PAYS
DE METZ
(1443)
273
disoit les Escourcheurs de France, vinrent ariver on ban de Waizaige 1 ■ Et y furent environ VIII jour ; et prinrent homme, femme et
anfïans, avec tout le bestial. Et ledit de Commercy achetait toutte la
part du buttin d iceulx Escorcheurs ; et l’envoiait à Commercy, avec
quaitrexx compaignon d’arme. Mais, d’aventure, il furent rencontrés
de Waultherin de Tuillier, duquel je vous ay heu par cy devent parlés,
qui fut à prandre l’évesque de Mets, et du bastard du Vergey, lesquellez les mirent toutte à l’espée et gaingnirent tout ce buttin. Et,
avec ce, furent rescous tous lesdit homme, femmez et anfïans et bestialle.
Et, au despartir dudit ban de Waizaige, yceulx lairons c’en allirent
lougier à Ancy et à Airs sus Muzelle.Et,le lundemains, vinrent abaistre
le gibet et la justice de Mets ; et pillairent et robairent les pouvre
mallades de Saint Privés. Et, ce fait, c’en vindrent à Sainct Laidre,
et desrobairent tout quant qu’il polrent prendre. Et, encor plus, c’en
vindrent à l’abbaïe de Sainct Clément, et ardirent la grainge d’icelle,
qui alors estoit plaine de grans faixins 2 3; et desrobirent le dorteux 3
des moinnes, en prenant or et argent, waissellement et aultre biens
meubles. Et, aprez ce fait, c’en rctournirent ; et boutirent le feu a
Joiey, et gaingnairent les arches d’icelle, sus lesquelles partie .des
hommes et de leurs biens c’estoient retirés. Et, aucy, ardirent fine
partie de la ville d’Owegnei 4. Mais, en ce faisant, en y oit VII ou VIII
des leur dez tués.
Et, après ce fait, c’en retournirent à Airs et à Ancy. Et assaillirent
le moustier d’Airs. Touteffois il n’y firent riens ; et, en ycellui essault,
en y oit des leurs plus de XX des tués. Puis, après, assaillirent le
mostiers de Vaul ; auquelle y oit plusieurs de ceulx de la ville, jusques
a nombre de XXX, tant homme que femme, des blessiez, entre les
quelle en y oit deux dez tués. Et, des annemis, en furent XL des mors ;
et, en vangeance de ce, il boutairent le feu en la ville. Aussy firent il à
Airs et à Ancy ; et ardirent leurs propre gens aincy tués. Et puis, ce
fait, ce despairtirent du lieu, et c’en aillirent leurs voie, à la mal heure
qui les conduye !
Item, en celle année, le thier jour de juillet, fist cy très froit qu’il
convenoit mangier au feu, corne il avoit fait en mars et és aultre mois
devent.
Course faicte par ceulx de Mets en plussieur lieux. — Paireillement,
en celle année, le VIIIe jour dudit mois de juillet, ce mirent sus lesdit
de Mets et sont saillis dehors au champts : c’est assavoir la seigneurie
d’icelle, avec leur soldars et gens de piedz. Et, avec yceulx, c’en sont
allés devent Fléville ; et estoient environ trois cent chevaulx, desquelle
seigneur Jehan Baudoiche et seigneur Jeofïroy de Wairixe furent fait
1. Voisage, terme, commune d’Arry.
2. Patois fèhhtn (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle) Aujour
d’hui un fèhhin est un petit fagot ; un grand faixin est donc un fagot.
3. Dorteux, dortoir.
4. Aujçny, Moselle, Metz, Metz.
274
LE PONT AU LOUP ÉDIFIÉ A METZ (1443)
cappitanne. Et les home de piedz, tant de ceulx de Mets que du pais
d’icelle, furent estimés de XVI à XVIIe homme. Et, en vengeance du
mal que ledit Robert de Commercy journellement leur faisoit, il ont
couppés et cilliet *1 les bief de trois fînaige, c’est assavoir de Fléville,
de Lexire et d’Axeralle 2. Et puis, ce fait, fut donnés ung assault
devent la maison de la dite Fléville.
Puis, en l’an dessus dit, le XVe jour dudit mois de juillet, furent de
rechief les seigneurs et soldoieurs de Mets en arme. Et, à ycellui jour,
partirent d’icelle cité environ cent et L homme d’armes, et VIIIe pié
ton, tant de ceulx de la dite cité que du Hault Chemin ; desquelles
Jehan de Warixe et Philippe Dex estoient cappitanne. Et, a plus
secrètement qu’il polrent, ce trouvairent devent Chastel Brahain,
auquel lieu les Baier se tenoient ; et prinrent la ville, et en ardirent une
grand pairtie et causy touttes. Et, avec ce, fut tellement fouraigiés
que chacun empourtoit a et prenoit ceu qu’il en pouuoit rapourter.
Et, en cest armée, il n’y oit que ung seul homme de ceulx delMets
dez tués, qui estoit appellés le Mairchal, d’Ancerville ; et encor fut ce
par sa follie et nissetés 3.
Le pont aux Loups fabricqués des denier du seigneur Nicolle Louve,
chevalier. — Après, a dernier jour d’icellui moix de juillet et en celle
meisme année, le seigneur Nicolle Louve, chevalier, et citains de Mets,
fist acomencier le pont c’on dit le pont au Loups, lequelle est en l’ille
du pont des Mors devent Mets, et a lieu là où ensienement soulloit estre
le pont Quinquaralle. Et fut fait par Thiédrich le masson, de Ciercque ;
mais il ne fut eschevis jusques au XIe jour d’apvril l’an mil quaitre
cent et XLIIII.
Le capitainne du duc de Bourgongne passe par devent Mets par esxurement 4. — Item, on moix d’aoust ensuiant, seigneurs Simon de Laleu,
chevalier et cappitenne pour le duc Phelippe de Bourgoigne, acompaigniés de quaitre cent Piccars, ce fist essurer 4 desdit de Mets. Et, avec
celle compaignie, vinrent à passer tout parmi Longeville et par devent
les pourte de la cité. Et cuidoient bien tantost antrer dedans Thionville,
parmi certains traictiés fait entre eulx, si comme on disoit. Mais,
quant il vinrent devent la pourte, on leur chantait des vierges 5. Dont
il revinrent à Pierfort, de cost Hanry de la Tour, qui les resseust
haultement.
a. M : empourtont.
1. On pourrait hésiter entre le verbe sillier, détruire, et le verbe cillier, couper au
moyen de la faucille. C’est le dernier qui est le bon, car Husson, p. 81, porte faxont
(fauchèrent).
2. Fléville, Meurthe-et-Moselle, Briey, Conflans ; Lixières est une annexe de Flé
ville ; Ozerailles, ibid., id., id., est à trois kilomètres au sud-est de Fléville.
3. Niceté, sottise.
4. Esxurement, assurément. Se faire essurer, demander un sauf-conduit.
5. Chanter des vierges, chanter l'évangile des vierges, se moquer de quelqu’un. Plai
santerie militaire commune au xve et au xvie siècle. Les assiégés chantent l’évangile
des vierges aux assiégeants qui ont échoué dans leur tentative.
LA FOUDRE SUR L’ÉGLISE SAINT EUCAIRE, A METZ
(27 JUILLET 1443) 275
Le duc de Bourgongne fait son entrée à Y voix. — Et, tantost après,
le dit Phelippe, duc de Bourgongne, accompaigniés de environ IX mil
hommes d’armes, avec grant charroy d’artillement et de vivre, et aucy
avec grant trésors d’or et d’argent, s’en vint et fîst son antrée en la ville
d’Yvoixe 1.
Et tantost, le lundemains aprez, fîst mestre le sciège devent le chastel
de Billei, auquelle alors se tenoient grant foison de lairons et pillairs,
desquelle Jaicomin de Belmont estoit capitenne ; et fut prins le XXe
jour du moix de septembre, comme nous dirons ycy aprez.
Et puis ledit duc, avec ce de gens qu’il avoit, s’en vint par dessa,
et ce vint logier à Florhenge, qui apartenoit pour lors à Hanry de la
Tour. Et vcnoient ces gens journellement quérir tout ce qu’il leur
failloit en Mets, c’est assavoir traict, vivre et aultre chose.
Le XXIIIe jour dudit moix, vinrent nouvelle au sciège de Billei que
ledit messire Robert de Commercy le venoit lever. Et, alors, saillit
dehors d’icelle plesse le devent dit cappitenne Jaicomin de Belmont, et,
avec luy, trois des milleurs qui léans furent ; et ce salvairent au mieulx
qu’il polrent. Et, environ VIII jour après, ledit Jaicomin print pri
sonniers ung noble homme d’iceulx Bourguignon, lequelle il enmenait
à Commercy. Et, par ycelluy à ravoir, furent tous les aultres lairon de
Billei respités d’estre pandus.
Le duc de Bourgongne passe par Erlon. — Et, ung peu de tampts
après, ledit duc Phelippe, acompaigniés de ces gens d’armes, se des
partit de Florhange ; et c’en aillait en la ville d’Erlon, et là demourait
grant piesse.
Et, quant ledit duc Phelippe deust partir et passer par devent Thionville, les habitans d’icelle firent dressier une grosse serpantine ; laquelle
en la tirent rompit, et tua le maistre qui la faisoit traire, luy Ve, et
IX aultres en furent forment nauvrés.
Celle année fut merveilleusement difficille et dangeroise 2 d’oraige
et malvais tampts, et y oit plusieurs jours fort périlleux. Entre les
quelles, le XXVIIe jour du moix de juillet, à quaitre heure après
midi, et toutte la nuit ensuiant, il tonnait trefïort, et alloudait 3 cy
merveilleusement que c’estoit hideur à oyr.
Tonnoirre cheuz en l'église Saint Eukaire. — Et, par espécial, il cheut
ung cy terrible copt en l’esglise de Sainct Eukaire, tout par devent la
fasse et le visaige du curé d’icelle église, sans lui mal faire, lequel curé
alors estoit illec, disant ces dévocions ; et fîst ce copt une petitte
tresse 4 on mur. Et tonnait encor trois nuit après 5.
1. Aujourd’hui Carignan, Ardennes, Sedan.
2. Dangereuse. Faux-français : Philippe, qui savait qu’un français dortoir corres
pondait au messin dorteux, a cru qu’au messin dangereux correspondait un français
dangerois.
3. Esloider, faire des éclairs.
4. Trace.
5. C’est-à-dire : les trois nuits suivantes (cf. Huoüenin, op. cit., p. 216).
m
LA MUTTE REFONDUE
(4
OCTOBRE
1443)
Lé Nyedz hors de ryve. — Et fut alors cy dérivée 1 la rivier de Niedz
qu’elle gaistait tous les foins de là entour.
La cité de Mets de guerre à plussieurs. — En celle meisme année,
estoient lesdit de Mets de guerre à plusieurs personnaige, entre les
quelles y avoit le devent dit seigneur Robert de Commercy, Collars
de Fléville et ces deux frère, à Phillepin de Savegney, a visconte de
Retel, qui estoit leurs capitenne, à Rodât Baier, à seigneur Hanry
Baier, et à seigneur Thiedrich, leur oncle. Lesquelx ce tenoient et
estoient lougiez au devent dit Chasteaulx Brahan. Et firent yceulx
plusieurs mal et grant domaige, comme cy devent ait estés dit.
La cloche de Multe de nouveaulx fondue. — Item, en la meisme année,
le quaitriesme jour d’octobre ensuiant, fut refaicte et fondue la grosse
cloiche appellée Mutte, par ung jeudi ; et courut environ les quaitre
heures après midi. Et fut, la graice à Dieu, l’ouvraige bien fait et très
biens prins ; aucy y avoit mette 2 abondanment, car il en y oit deux
milliers de demourant. Le maistre qui la fist estoit de Liège, appellés
maistre Loys de Hannalle. Et fut escript autour d’icelle cloiche les
mestre que cy aprez s’ensuient :
En l’honneur de Dieu le tout puissant,
L’an quarante deux, mil et quatre cent,
Fus faictes pour donner mon son
Quant les offices ce reffont,
Pour les bans pranre et pour les lire ;
Et, ce nul y voulloit contredire,
Et pour guerre me font sonner,
Pour gens mettre ensemble et armer ;
Et, qui voudrait savoir mon non,
La cloche de Meutte m’appelle on.
Lucembourgz gaignée par le duc de Bourgongne.
Puis, après, en
celle meisme année, la vigille de la sainct Clément, XXIII jour de
novembre, fut le devent dit duc Phelippe de Bourgongne asségier et
gaingnier la ville de Lucembourg. Parquoy les bonne gens de la dite
ville perdirent tout le leur. Et fut estimés la perde et le domaige qu’il
ressurent à celle prinse à deux million de florin d’or. Et, quant le conte
de Glicque, qui tenoit léans pour et on non du duc de Sasse, son sei
gneur, vit que la force n’estoit point à lui, il ce retirait on chasteaulx
d’icell'e ville ; et le thindrent jusques au jour de la saincte Lucie.
Auquelle tam’pts durant le dit conte, nuytenment, luy XV*, ce despar
tirent d’icellui chasteaulx ; et lui c’en vint, en abit de religieulx, à
1. Dériver, déborder, en parlant d’un cours d’eau.
7
't
r-,
H
Hnnno d7
Métal. —
—
Hug
uguenin
op. cit.,
oit.,
p. 04
217,
donne d’autres détails. Le verbe courir
2. Métal.
H
UENIN,, op.
p
désigne écoulée. D’après h’uguenin et Husson(P. 82), c’est un nommé maître Antoine,
d’Étain, qui refondit la cloche. L’inscription citée reproduisait simplement 1 inscrip
tion primitive.
Thionville. Et, depuis son despart, les gens dudit conte tinrent encor
cellui chaisteaulx environ V jours ; et, au dernier, il ce randirent, leur
vie saulve, chevaulx et harnoix. Mais les bourjois dudit Lucembourg
c’en allirent, leur vie saulve, tout en chemise.
Thyonville prinse par composition. — Le dernier jour d icellui moix
de novembre °, fut errier randue par traictié la ville de Thionville.
Mais je ne sçay par quelle fasson ce fut ; car on disoit que ledit conte
de Glicque devoit avoir pour le duc de Sasse, son seigneur, pour toutte
la duchiez de Lucembourg, cent mil florin de Rin.
Et alors, après ce fait, ledit duc Phelippe et sa femme s en retournairent par devers Brucelle ; et laissairent, pour gouverner le pais de
Lucembourg, ung sien filz bastart, et plusieurs nobles homme avec luy.
Rychamény prinse par ceulx de Mets. — Item, aussy en cellui tampts,
les soldoieurs de Mets allirent prandre une forteresse en Loherenne,
appellée Richamenney ; et l’airdirent toutte, car elle appartenoit au
devent dit Collas de Fléville.
La chapelle Nostre Dame à la Grant Église achevie. - En celle meisme
année, fut parfaicte et eschevie la chappelle l’Évesque à la Grand
Église de Mets.
Et, en la dicte année, furent les vins fort fier et chier.
Ceulx de Mets devent Comercy. - Item, aussy en celle meisme année,
à la prières et requestes de Loys de Haracourt, évesque de Toul, se
partirent de Mets cent homme d’armes pour aller avec les gens dudit
évesquez devent Commercy. Mais, XV jours après, lesdit de Mets c en
retournairent ; et la raison fut pour ce que ledit évesques avoit fait
paix sans lesdit de Mets. Laquelle paix ne ce thint pas longuement.
Et, avec lesdit soldairs de Mets, estoient le seigneur Jehan de Fénestrange et le damoisiaulx de la Mairche, lesquelx pareillement s en
retournirent avec ceulx de Mets, car il estoient très courroussés encontre
ledit évesque et encontre le mairquis du Pont, lequelles alors faisoit sa
premier armée, pour ce que les devent dit avoient apointés et fait paix
sans eulx ne sans leur sceu.
Murtre perpétrés par une béguyne demeurant Sur le Mur, près des
Cordeliers. — Or, advint une merveille, on moix de janvier après ; car,
en ce tampts, le jour sainct Vincent, fut fait ung murtre en Mets en la
manier que cy après oyrés. Vous devez sçavoir que, en celluy tampts,
y avoit en ycelle cité ung ranclusaige de béguigne scituées en la rue
c’on dit Dessus le Murs, auprès dé Lombair, là où à présant est la
pctitte église de Sainct Jude et Sainct Simon; et encor aujourd’ui y sont
les maisons d’icelle béguigne. Lesquelles, en ce tampts, estoient en
grand bruit de sainctetés de vie. Touteffois, à cest heure, leur faulcetés
fut aprouvée (et, desjay aparavent, estoient ycelle béguigne suspect
de non estre telle à par dedans comme elle ce monstroient à par dehors).
Cy avint que en celluy béguignaige ce vint mestre une pouvre femme
a. Une main plus moderne a écrit, au-dessus d’icelui, le mot du, et descendre au
dessus de novembre.
278
CEUX DE FLÉVILLE AU PAYS DE METZ
(1443
a. St.)
mallaide, pour estre sollaciée et doulcement traictée d’icelle béguigne.
Car, en ce tampts, c’estoit leur coustume de ainsy faire, et les envoioit
on quérir pour soullaicier lez gens mallaide és bonne maison. Mais vous
oyrés qu’il en avint. Celle dicte béguigne, cuidant que ycelle paciente
eust de l’airgent, elle l’atoufïait, puis luy couppait la gorge, et, après
ce fait, la gectait en ung retret. Et y fut environ XII sepmaine avent
que on en sceust riens. Mais la chose fut accusée pour la puanteur
d’icelle, tellement que la traïstre fut prinse. Et, son cas cognus, fut
excécutée : car, le VIIe jour d’apvril ensuiant, elle fut arse et brullée
devent Mets, Entre deux Pont L
Ceulx de Fléville cône le paiis de Mets. — Item, aussy en ce tampts,
coururent encor ceulx de Fléville à Airs sus Mezelle ; et y tuairent trois
homme, et V en furent des prins. Mais le rest ce defïandirent tellement
qu’il tuairent ung de leur homme d’arme, et en navrirent plusieurs, et
gaignirent trois chevaulx de celle, lesquelle furent prisiés IIIIXX et
trois florin d’or. Ung petit après, revinrent yceulx lairons bouter les feu
à Thinnomont, devent Mets, à Lorey et à Wappey ; et enchassairent
nous gens d’armes jusques tout dessus le pont des Mors, puis levaircnt
les buées de dessus les waccon 12, et prinrent tous les drappellaiges que
les femmes y avoient estandus. Et, ce fait, paisiblement c’en retournairent.
Les François pren[ne] la bastille de deve[nt] Diepe. — Aulcunes
istoire disent, que ce fut em prime en cest année, on moix d’aoust,
jour de l’assumption Nostre Damme, que Loys, daulphin de France,
acompaigniés du conte de Dunois, avec l’évesque d’Avignon, le conte
de Saint Pol, le damoiseau de Commercy, le sire de Chastillon, frère du
conte de Laval, le sire de Chastillon sur Marne, le sire de Gaucourt,
Thédoual le Bourjois 3, Artus de Longeville, messire Jehan Maquerel,
messire Sacquet de Gincourt 4, messire Rougier de Criquetot, et plu
sieurs aultres, prinrent par assault la bastille de devent Diepe, onquelle
assault furent tous les Anglois ou mors ou prins, comme jay ycy devent,
à la fin de l’aultre chapistre, ait esté dit. Et fut le nombre des mors
environ de trois cent, sans ceulx de la langue françoise qui ce avoient
joing avec lesdit Anglois, qui furent tous pandus. Entre lez prisonniers
estoient messire Guillaume Poicton, capitaine de la dicte bastille, mes
sire Jehan Repellay 5 et le bastard de Tallebot. On dit assault furent
fais chevalliers le conte de Sainct Pol, Hector d’Estoutevillc, filz du sire
1. Voyez aussi Huguenin, op.cit., p. 218. Mais la même histoire est racontée d’une
manière différente dans Husson, p. 79-80.
2. Ce mot désigne en ancien français des cailloux, ou un endroit parsemé de cailloux.
Il subsiste en patois messin avec les mêmes significations (Zéliqzon, Dictionnaire des
patois romans de la Moselle, article tvèkâd). Il désigne ici le lit caillouteux de la Moselle,
où les femmes avaient étendu leurs buées (lessives) et leurs linges (drappelages) pour
les sécher.
3. Jean Chartier, Chronique de Charles VII, éd. Vallet de Viriville, t. II, p. 38.
4. Id., ibid., p. 37 : Jacquet de Gincourt ou Giencourt (alias : Jacques de
Guecourt).
5. Jehan de Rippellay [ibid., id., p. 41) ou Guillaume Rapelay (p. 37).
WIRIAT B1 TOUL, MAITRE-ÉCHEYIN DB METZ (1444)
87»
de Torsy, Charles de Flavy, Régnault de Flavy, et plusieurs aultres K
Cest victoire et entreprinse par le daulphin fut son premier chief
d’œuvre et commencement. En quoy il acquist grand honneurs, car 1
c’y monstrait hardy et chevalcreux.
Le conte d’Arminac prins par le daphin. — Et, en ce meisme ans,
le conte d’Armignac fut prins par le devent dit Loys, daulphin de
France ; et fut menés en la cité de Carcassonne.
Cy vous souffise quant à présant de ce que j’en ait dit des baitaille
de France et d’Angleterre ; car je veult retourner a maistre eschevm
de Mets et à plusieurs aultre besoigne digne de raconter.
[la
guerre des rois
; LE
siège
MIS DEVANT METZ :
1444 2]
Mil iiiic et xliiij. - Merveille avés oy estre advenus du tampts
passés, tant en guere comme aultrement. Et encor oyrés plus for ,
ce escouster voullés du tampts venant.
,
Et premier, il serait dit cornent, en l’an après, courrant le milhair
par mil quaitre cent et XLIIII, fut maistre eschevin de Mets signeurs
Wiriatxde Toul, filz le seigneur Wairy de Toulj et fut cellui en la
butte 3 tout seul.
Le tampts de l’année passée avoit tousjours estes froit et difficille,
comme dit est devent ; et tousjour ce continuoit, tellement que,
depuis le jours des Roys passés, il gellait tousjours jusques au premiers
jour d’apvril ensuiant ; et fut le moix de mars treffroit et secque.
Tremblement de terre et gellée. - Item, en cellui moix de mars, le
XIe jour il fist ung grand crollement et tramblement de terre en la
cité de Basle sus le Rin, et durant le tampts que le sainct concilie y
' "puk^après, le mardi XII® jour de may ensuiant, il gellait treffort
dedans’la cité de Mets ; et tonnait et esloudait. Et fut ce fait environ
lé IX heure en la nuit ; mais, la graice à Dieu, celle ge lée ne fist point
de mal és vignes. Et fut tout celluy moy de may fort pluvieulx et froit.
Aucy fut une partie du moix de jung, comme cy après il serait dit.
Le feu mys à Vapei par les annemys. - Item, le XIX jour dudit
moix de may, vint Phillebert de Savegny et Géraird Peltre (desque lez
l’on ne ce gairdoit en riens, car l’on ne cuidoit rien avoir a faire a eulx),
et vinrent yceulx, acompaigniés de VIII- compagnon de guerre,
bouter les feux en une maison à Wappey. Et, quant il olrent ce fait,
2. Nous' utilison.^ tout particulière, pour ce chapUre la Re^ ^ ,^ ^
Metz en 1444 par Charles VII et René Æ An,on, par de SiULCY et Huguenin aîné Metz
Troubat, 1835 (en abrégé : Rel). Un extrait important de la Chronique dite de Praillon
a été publié à la suite, p. 217-295.
.
3. Sur cette boîte, voyez p. 24, n. 2, et aussi t. I, p. 37
e
.
,
. .
280
LA PUISSANCE DE TROIS ROIS DEVANT METZ (1444)
il envolèrent leur deffîance ; maix, c’il fussent estez tenus, je croy qu’il
ne fussent point eschappés qu’il n’en fussent estés pandus
Pardon subtillement ordonnés. - En celle meisme année, és feste de
anthecouste, fut estaublis et ordonnés ung grand pardon à Sainct
nthonne du Pont à Mousson par pappe Eugenne. Maix ce pardon
lut fait et institués par ung subtil engin, affrn d’avoir argent pour
escnevir la secrette et malvaise voulluntés que alors les Lorrains et
Barrisiens avoient conspirés encontre la devent dite cité de Mets.
e ui jours de Pantecouste escheust en celle année on moix de jung ;
equelle moix, comme les aultre devent passés, fut froit merveilleuse
ment, et espéciallement en la devent dite semaigne de Panthecouste ;
car, alors, il faisoit cy très froit qu’il convenoit mangier au feu. Et
lurent les eawe fort grande et hors de rive.
Trêves entre /’Anglois et François. - Item, après ces chose et plu
sieurs aultrez advenue, tant on royaulme de France, au pais de Mets et
e Loherenne comme aultre part, avint que, en l’an dessus dit mil
qumtre cent et XLIIII, furent trêves donnée, de XXII mois, entre le
roy de France et d’Angleterre. En telle manier que, durans ce tampts,
tous marchampts pouuoient aller et venir, et frécanter les ung avec
les aultres, cen nul dangier ne crainte, durans ycelle trêves.
La puissance de trois roy devent Mets. - Et, affm que les gens d’armes
ne demourassent en oysivités, le roy de « Scicille et duc de Loherenne
demenda ayde a roy pour aller encontre de la bourjoisie de la bonne
cité de Mets, lesquelle, comme il disoit, luy estoient rebelle et déso
béissant. Et ce dollousoit ledit roy de Scicille, disant que lesdit de
Mets ne ce voulloient encliner à luy i, ne en rien luy obéir (et en ce il
isoit vray, car il ne luy obéissoient en riens, ne ne firent jamais, ne
encor ne font, ne jamais, au plaisir de Dieu, ne feront ). Toutefois, à
peu de prières, il obthint du roy sa demande, pource que yceulx homme
armes et gens de guerre, avec la piétailles, aventuriers, bouteffeux,
lairons et couppe gourge et touttes telles manier de gens, desquelles le
royaulme estoit fornis, mangeoient le païs et vivoient partie sus le
communs. Parquoy, durans ycelle trêves, le roy estoit bien joieulx
d en délivrés le royaulme.
Et en furent incontinent les nouvelle espandue en diverse païs et
contrée ; et, meismement, fut dit et annonciés au devent dit seigneur
et gouverneurs de la cité. Mais, de ce, il c’en failloit taire ; et n’en
oisoit on bonnement parler, pour la fureur d’aulcuns d’iceulx seigneurs,
qui ne le voulrent jamaix croire, jusquez à ce qu’il les virent à l’ueil,
comme ycy aprez il serait dit.
En cellui meismc tampts, Philippot de Savegnei et Géraird Pelte 2,
*1
a. M : de manque.
1. S'encliner à quelqu’un, se soumettre à lui.
2. Voyez p. 279 in fine. Philippot de Savigny y est appelé Philibert(de même Hcgübnin, Les Chroniques de la ville de Metz, p. 218) ; il est nommé Philippot par Hosson,
LE SIRE DU SAÜLCY CONTRE LA VILLE DE METZ (JUILLET
4444)
281
lesquelle, comme j’ay dit devent, avoient heu corrus ét boùttés lèz
feux en la ville de Wappei sus lesdit de Mets, ycèulx Philippot et
Géraird furent à tel tenus que ledit Géraird, avec plusieurs aultres,
vinrent faire le biaulx dit 1, c’est assavoir que, à la prières et requeste
de Hanry de la Tour, furent yceulx fait homme à la cité ; et furent
encor ressus par grant dangier,2.
La croix et le puys aux pont des Mors achevis. — Item, on moix de
juillet après, fut faict et achevis la croix, le puis et le pont3 que sont
devent le pont des Mors, desquelle je vous ais heu par cy devent parlés.
Et cest euvre de charités fist faire ung notauble chevalier de la cité,
appellés seigneur Nicolle Louve, de ces propre denier ; et en fut le
maistre ouvrier maistre Jehan de Commercy. Dieu, par sa graice, aye
de leur âme mercy !
Le seigneur du Saulcei contre ceulx de Mets. — En ce meisme moix de
juiellet, environ XV soldoieurs de Mets, lesquelles alors estoient de la
garnison de Merdeney, dont Jehan de Chaallon estoit cappitaine, ce
mirent a champts pour aller courre devent Aspremont, qui alors estoit
de guerre à la dicte cité. Et, en retournant qu’il faisoient, seigneur
Collair du Saulcy, chevalier, duquelle l’on ne ce gairdoit en riens, fist
mestre et tendre cordes parmi les guet 4 des rivier ; et, avec ce, fist
gecter des hirpe à quoy on hirpie 5 les bief, et aultre mariens 6, pour
entraper 7 lez chemin par où lesdit souldoieurs passoient, et pour les
prendre. Et, qui pis vault, il fist assembler tous les bons hommes qu’il
polt avoir de la prévolté de Preney, avec environ XL homez d’armes,
pour courrir sus et gecter jeux 8 9lesdit soldoieurs. Et, de fait, il firent
tellement qu’il en prindrent VII, desquelle Pier de Viéville en fut
ung, et maistre Jehan de Plet Babo 8 ; et plusieurs aultres eschappèrent
le mieulx qu’il polrent. Et, incontinent, furent lesdit soldoieurs buttinés, armes et chevaulx. Dont gueres nouvelle fut entre les seigneurs de
Mets et ledit seigneur du Saulcey. Et, tantost VIII jour après, lesdit
de Mets courrurent jusques aux baires10 de Prégnei ; et prindrent deux
1. Expression ironique : faire des excuses ?
2. Non sans difficulté.
3. Il n’est question, dans Husson, p. 83, que de la croix et du puits.
4. Gué. — Dans Husson, p. 83, il est question d’une embuscade préparée à un gué
déterminé, ce qui est plus vraisemblable.
5. Dans mon Enquête phonétique des Patois d'Ardenne, j’ai relevé, à l’extrême nord
de la Lorraine, le mot irpe, herse, et le verbe irper, herser. Il s’agit ici de herses en
bois.
6. Mairain. Ce mot désigne des pièces de bois, et, en général, des bois de construc
tion.
/
7. Entraper signifie : faire tomber dans un piège ; ici : tendre un piège, fermer par
un piège.
8. Jeter jus, mettre à bas.
9. Huguenin,op. cit., p. 220 : « et en prindrent jusques sept desdits soldairs, dont
Pierre de Viéville et maistre Jean du Plet Babo furent du nombre, et des aultres
cinq ne sçai les noms ».
10. Bare, première fortification quand on vient du dehors (généralement constituée
d’un fossé et d’une palissade).
282
SOIXANTE-MILLÏ HOMMES CONTRE LA VILLE DE METZ (AOUT
1444)
homme d’armes, desquelles l’ung estoit leur cappitenne, appellés
Guissequin.
Le jeux en pallaix de Mets. — Item, le quaitriesme jour d’aoust
ensuiant, fut mis le feux on pallas de Mets, par ung nid de soigne 1
qui alors estoit sur une cheminée. Et adonc estoit verlet du pallais ung
appellés III Sols, lequelle pour cellui fait en fut banney. Et debvez
chacun notter que cest advenue fut une grande signifiance et ung grand
mistère de la guerre à venir a. Touchant de ce impérial hostel et principalle maison de la cité, auquelle le feu ce print, Dieu la vueulle deffandre et gairder ! Amen.
Plussieur ouvraiges fait anlour de Mets.— En ce meisme moix d’aoust,
fut faicte en ycelle une neufve tour és muraille de la ville, entre le
pont des Mors et Sainct Vincent. Et, avec ce, furent renchaussiés 2 et
renforciés les murs depuis la porte Patair, laquelle porte fut dès alors
condempnée, jusques en mei voie du chastel du pont des Mors. Et
estoit adonc que maistre maisson de cest ouvraige, et de la ville pareille
ment, maistre Henry de Ranconval.
Comencement d’une malheureuse guerre contre la cité. — Or, maintenent il est tempts que je antre à vous desclairer l’acomencement
d’ugne malvaise et dangereuse guerre, laquelle à tort et sans cause
fut en ce tampts contre la bonne cité acomencée. Il est vray que, en
celluy tampts, c’est assavoir entre l’Assomption Nostre Damme, à mey
aoust, et la Nostre Damme en septambre, celle devent dicte armée du
roy de France et de Scicille, avec une partie des Anglois, ce mestoit
fort sus. Et en courroie lès nouvelle de tout coustés, néantmoins, comme
j’ai dit devent, que aulcuns des noble de la cité ne le voulloient croire.
Mais seullement estoit dit que le devent dit Charles, roy de France,
avec le roy de Scicille, son serourge, et le daulphin Loys, avec belle
compaignie, voulloient venir à Sainct Nicolas de Pol 3 à Wairangéville
en pélerinaige, si comme il firent. Car, soubz l’ombre de cestuy pélerinaige, firent leur alliance ensamble pour confondre ycelle cité, comme il
ce monstrait depuis.
tx mil home venant contre la cité. —- Et, ainsy doncque, il avoient bien
aultre pancée que de pérégriner 4, comme desjay alors il ce monstroit
et ce pouuoit évidamment congnoistre, parce qu’il estoient acompaigniés de plus de LX mil homme de guerre, tant à chevaulx comme les
Escourcheurs et gens de piedz.
Le daphin de France contre les Suysses. —- Or, durans ce tampts, et
avent que venir à Mets, l’ampereur Phiederich envoiait ung siens
a. M : advenir.
1. Ceogne, cigogne.
2. Renchaucier, réparer.
3. Saint-Nicolas-de-Port, Meurthe-et-Moselle, Nancy, a porté successivement les
noms de Porty Saint-Nicolas-de-Port et Saint-Nicolas.
4. Pérégriner, pêleriner, faire un pèlerinage.
LA VILLE DE METZ ORGANISE SA DÉFENSE (AOUT
1444)
283
cappitenne, nommés Burgalemon *1, devers le roy, luy prier que son
plaisir fut de envoier partie de ces gens contre les Suisses rebelle à
l’ampire, lesquelle ce disoient rien ne tenir dudit ampereurs. Parquoy,
alors, le roy y envoia Loys, d.aulphin, son filz, avec Jouachin Reual 2,
et le seigneur Robert de Commercy, qui estoit l’ung des principal
capitenne, et, avec yceulx, plusieurs aultres noble du sanc de France.
Et, de prime venue, prinrent Monbelliair par traictiez. Et coururent
tout parmy Aussay, jusques à Strabourg, et en jusques près de Basle ;
et avoient une grosse armée de gens d’arme, tant François comme
Allemans. Car ledit Bourgalemont, capitenne de l’armé du devent dit
Phédericb, ampereurs, luy assista ; mais, tantost après, il fut tués en
une rancontre qu’il heurent auprès de Basle, avec plusieurs aultres.
Toutefïois, il ne l’eurent pas d’aventaige ; car le rest des Suisses qui
alors y estoient furent tous tués et desconfis. Et, après ce fait, c’en
allèrent yceulx Françoys mestre le sciège devent Saincte Hispolite 3,
soubz espérance de la prandre ; mais en vain y ont labourés. Et, pour
ce que les François, cellon leur ancienne coustume, faisoient proies et
peilleries parmy les champs, contre eulx ce esmeurent touttes celle
nacion furieuse ; et ce elliairent ensamble en diverse lieu et contrée ;
et tellement que, entre Basle et Strasbourg, occirent grant partie des
gens d’armes françois.
Le daphin retirés. — Parquoy, voyant le daulphin que Bourgalemon,
capitaine d’Allemaigne, estoit mort, et partie de ces gens occis, et
aussy congnoissant l’asprcté de celluy païs, retourna à son perre,
lequelle alors estoit à Nancy. Car en ce lieu estoient arivés les deux
roys, acompaigniés des conte du Maine, de Dunois et de Boulongne,
et de plusieurs aultre grant princes, capitenne et seigneurs.
Fortification faicte en Mets contre les annemys, avec plussieur ordon
nances. — Durans ce tampts, lesdit de Mets, voiant et congnoissant la
vérité du fait, firent crier à son de trompe par tout leur païs à forteresse,
et de tout leur pouuoir ce mirent en deffance, en ce préparent contre la
guerre à venir a. Et, premièrement, firent très bien garnir la cité de
toutte manier d’artillerie et deffance de guerre, c’est assavoir bombarde,
sarpantine, haicquebutte 4, courtaul 5, masse de plomb, et tout ce que
à telle chose apartenoit. Et tout aincy en fut fait és tours de tout les
mestier de la cité. Et encor, avec ce, leur fut comendés et ordonnés que
chacun desdit mestier fissent mestre et mener en chacune desdicte
tour VI tumerée 6 7de grosse pier de la pairier Et, quant à la gairde
а. M : advenir.
1. Mgr Bourga le Moyne (Chartier, op. cil., t. Il, p. 44 et n. 2) ; bourga serait une
déformation de burgrave. C’est le chevalier Burkardt Monch de Landscrone [Rel.,
p. 82).
2. Jouachin Houault dans Chartier, op. cil., t. II, p. 44-45.
3. Saint Hippolyte, Doubs, Montbéliard.
4. Hacquebute : arquebuse.
5. Courtaut, sorte de mortier monté sur roues.
б. Tumerée, aujourd’hui teumeré en patois lorrain : tombereau.
7. Perrière .carrière de pierres.
284
LA VILLE DE METZ ORGANISE SA DÉFENSE (AOUT 4444)
des pourte de la dicte cité, l’on y mist cy bonne ordre et défiance qut
c’estoit belle chose à veoir ; car, à chacune d’icelle, y avoit grosse et
menue artillerie souffisanment, et de toutte manier de trait et aultre
instrument de défiance. Et, avec ce, à chacune d’icelle, y avoit, tant de
jour que de nuit, aulcuns chief de la seigneurie, avec plusieurs homme
d’arme et gens de piedz, tant de la spiritualité comme de la tempo
ralité, lesquelles journellement et par rechange furent ordonnés à la
gairde desdite pourte, cen les gairde acoustumée que y sont en tous
tampts (à chacune pourte IIII bourjois, cen le chaistellains et le;
pourtiers). Paireillement furent les gait et eschairgaitte 1 remforciet,
tant sus la muraille comme par la ville. Et furent les chose cy biens
ordonnée, et chacune d’icelle mise en cy bonne orde, que l’on n’y eust
sceu que dire ; et estoit plaisir de veoir alors la bonne pollice et l’or
donnance de la cité, car ycelle estoit bien fornie de vivre, avec bons
gens d’arme, et la commune biens délibérée à ce defïandre, comme par
efïect il le monstrirent en tampts et en lieu, comme cy après il serait
dit.
Item, le XXVe jour d’aoust, fut ordonnés que touttes maniersde
gens des paroichez de la cité yroient les ungs après les aultres à l’onvraiges és foussés de la ville qui sont hors de la cité, du coustés de
Sainct Médart. Et, premièrement, y furent ceulx de la paroiche Sainct
Hillaire, au pont Rémont. Puis, tantost après ce fait, fut errier ordonnés
et comendés de vuydier les fossés depuis le Champts Nemmery en
jusques derrier les Suers dez Repenties. Et furent tousjours ainssy les
bonne gens des paroiche, les une après les aultres, à crouuée 2, jusques
à tant que les foussés par derrier les Augustins furent achevis ; et,
encor, depuis ce lieu, en retournant amont, jusques près de la nuefve
tour qui est derrier Saincte Glossine, c’on dit la tour Commouffle ;
et tousjour aincy, jusques à la pourte Serpenoise. Et, par la grant
diligence des ouvriés, furent en peu de tampts yceulx foussés wuydiés.
Et avoit on en ce tampts, pour IIII deniers le jour, ung ouvrier ; et en
avoit pour le pris qui en voulloit avoir.
Durant le tampts que ces chose ce faisoient en Mets, à la requeste du
roy Régné de Scicille furent les devent dit Escorcheurs de France
devent Daney 3, où le bastard du Vergiez estoit. Et fut randue par
composicion, avec Espinal, et plusieurs aultres places, que ce rendirent
au roy de France. Et le daulphin, avec ces gens, avoient paireillement
prins plusieurs places au païs d’Aussay, telle comme Collunbey4,
Saincte Crois, et plusieurs aultres.
1. Sentinelle. En français, eschargaite, devenu échauguette, a pris le sens de « petite
tour où se tenait la sentinelle ».
2. En corvée (patois actuels : craw&ye, crowâye, crouwâye).
3. Damey, Vosges, Épinal.
4. Collunbey, Colombarra dans Chartier, op. cit., t. II, p. 44, n. 3, n’est autre que
Colmar, Haut-Rhin.
LES ENNEMIS DANS LE PAYS DE METZ (12 SEPTEMBRE 1444)
285
Le conestable et ses gens loge à Ancei, Ays, et à l environ, et générale
ment par tout le paiis de Mets. — Et, tantost après ce fait, le XIIe jour
de septembre, se partit Artus, conte de Eichemont et connestable de
France, avec le séneschaul d’Anjou, et Charles d’Anjou, frère a devent
dit roy' Régné de Bar et de Lorianne, acompaigniés environ de X mil
hommes d’armes, lesquelles estoient lougiés à Mallatour, à Puxuel,
à Ville-sur-Yron *1 et à plusieurs aultres villes là entour. Cy ce partirent
les dessus nommés, comme dit est, et c’en vinrent lougier à Airs sus
Muzelle, à Ancey et à Merdeney.
Plussieur forteresse et vilaige prinse par les Lorains. — Et, trois
jours après, ce randirent les plaice devent dicte par accord, saulve lé vie.
Et puis, tantost après, il prindrent Chamenat, Espillei 2, Raucourt,
Clémery. Puis fut Corney prinse, Joiey, Val et Juxei, Saincte Reffine, et
les deux forteressez de Mollin ; puis Chaselle, Sciei, Longeville, Chastel
et Lessei ; et pareillement touttes les places et moitresse Entre deux
Yawe furent randue ou abandonnées, telz comme Fustorf, Olrey,
Braidi, et la Grainge le Mercy 3 4; puis la Horgne au Savellon, Praiés 4,
Haultè Ryve, la Grainge aux Ormes, et touttes les aultres, depuis
Mollin jusques à Maigney. Car, voiant cy grant multitude de saltallitte,
nul ne les oisoit atandre qu’il ne fut en dangier d’estre mors ou prins.
Sainct Siphorien aux dehors de la pourte Serpenoize aruynéez par
ceulx de Mets. — Item, ledit ans, le jours de la sainct Lambert, XVIIe
jours de septembre, fut ordonnés par les seigneurs et gouverneurs de la
cité que le bourgz Sainct Siphoriens, estant devent la pourte Cham
penoise, et qui alors estoit grant chose, fut abatus et mis à ruyne,
avec aussy l’abbaïe et toutte la menandie d’icelle, laquelle en ce tampts
estoit ung fort lieu et deffansauble. Et, pareillement, fut ordonnés de
abaitre une fort tour, haulte et eslevée, qui alors estoit en ce lieu
à la défiance d’icelle église et de tout le bourgz. Et, tout incontinent,
fut cest ordonnance mise à essécucion ; et y fut boutés le feu, et tout
abatus : église, couvant, cloistre et maison, tellement qu’il n’y demourait riens Et fut ce fait pour ce que les annemis avoient délibérés de
ce y venir lougier pour celle nuyt. Puis, deux jours après, qui fut e
XIXe jour dudit moix, jour de la sainct Gurey, fut tout abatus le
bourgz d’icelle église ; et n’y demourait maison ne demy^
Le bourgz de Maizelle abatus. - Item, après ce fait, le XXIe jour du
dit moix de septembre, courrurent yceulx Escorcheurs devent dit par
devent les pourte de la cité, en l’isle du pont des Mors. Et alors, voiant
qu’il ce aproichoientde cy près, fut ordonnés de encor abaittre le bourgz
de Maizelle, paireillement le bourgz « des Allemans, et celluy de Sainct
M : bougz.
1. Mars-la-Tour, Puxieux, Ville-sur-Yron, Meurthe-et-Moselle, à proximité de
a.
Conflans-Jarny.
,T
3' F rist ê ^ fer mT " commune de Mo'ulinsToHy', ferme, commune d’Augny ; Bradin,
ferme! commune dè Moulins ; La Grange-le-Mercier, ferme, commune de Montignylez-Metz.
4, Praÿel, ferme, commune d’Augny.
236
LES SEIGNEURS DE METZ A NANCY (22 SEPTEMBRE 1444)
Thiébault, avec l’église collégialle d’icelle, laquelle alors estoit moult
belle et triumphante.
Plussieur édifices abatus, el arbres. — Aussy fut abatue l’église de
Sainct Loys, et celle de Nostre Damme au Champts, et tout le bourgz
de Sainct Pier, c’on dit Saint Pier aux Champts. Et fut aussy ordonnés
d’abaitre tous les arbres és a gerdins qui estoient entour les murs de la
cité, c’est assavoir depuis le bourgz de Sainct Juliens en jusques à la
pourte des Allemans ; et encor depuis le Neuf Pont jusques au pont
Thiefïroy ; et, paireillement, tous les aultres arbes és a gerdin qui alors
estoient entour de la dicte cité, de quel coustés qu’il fussent. De quoy le
dompmaige, du principal, fut estimés à plus de cent mil livres, monnoie
de Mets, sans les despans que ce dompmaige coustoit à faire.
Au londemains, le jour saint Morize, XXIIe jour dudit moix de
septembre, entour les X heure devent midi, vinrent yceulx Escourcheur
ce monstrer par devent les pourte de la cité ; et, avec XXX cheir
changiez d’artillerie, acompaigniez de environ XVe homme, couroient
contreval l’isle du pont des Mors et par dessus Wauldrinowe. Et, avec
ycelle artillerie, ont tirés dedans Mets quaitre ou V copt ; et estoit
ycelle artillerie quaichée derrier le pont au Loupz. De quoy l’ung
d’iceulx copt tirait jusques à la maison le seigneur Collignon Roussel,
en Wésignuef. Et furent yceulx satallite environ une grosse heure en ce
lieu, ce pourmenant et faisant virairde et ranviaulx L Et, quant il en
furent en allés, l’on fîst coupper ung gros ormes qui estoit au piedz du
pont, avec touttes les salz là entour, c’on dit les salz 2* 1de Wairixe.
Louvenei rendue, et Vernei. — Item, en ce meisme jour [de] feste
sainct Morize, fut randue le chastiaulx et forte maison de Louveney;
et la randit le chastellain sans le sceu ne le consantement des soldoieurs qui dedans estoient. Et aussy fut randue la fort maison de
Verney.
Paireillement, ce randit la forte maison de Viller 3, qui appertenoit
à seigneur Nicolle Louve, chevalier ; et y perdirent lesdit de Mets
deux homes, desquelle l’ung estoit ménestrés.
Les seigneur de Mets à Nancei. — Item, en celluy meisme jour,
qui estoit le XXIIe dudit moix de septembre, furent mandés par le roy
René aulcuns des seigneurs de la cité pour aller à Nency parlamenter
à luy ; et les vint quérir ung noble hérault, apartenant a roy Charles
de France. Alors le conceil fut mis ensemble, et, on non d’icelle cité,
furent commis pour y aller c’est assavoir seigneurs Geoffroy Dex,
chevalier, et Poincignon Baudoche. Lesquelle venus à Nancey, leur
fut par le procureur dudit roy Charles faictes requeste qu’il volcissent
la cité de Mets rendre en leur mains, et à eulx faire feaulté comme à leur
o.
1.
2.
3.
M : et.
Virade, tour, pirouette ; renvial, provocation.
Saule (patois actuel sau).
Villers-Laquenexy, hameau, commune de Laquenexy, Moselle, Metz, Pange.
COURSES ET PILLAGES SUR LE PAYS DE METZ
(23 SEPTEMBRE 1444) 287
souverains. Auquelles les seigneurs devent dit firent responce conve
nable, mais non pas a voulloir des demandant : car, à brief parler, il
respondirent pour et on non de la cité qu’il ameroient mieulx tous à
morir qu’il leur fut reprochiés qu’il eussent une fois renoyés la grant
aigle qui est l’empereur de Romme. Et, à ces parolle, fut le parlement 1
et leur requestes cessées. Et couchairent lesdit seigneurs pour celle nuit
à Nancey. Et, quant le roy de France vint à son soupper, il envoiait son
propre plait au seigneurs devent dit pour leur soupper ; et fist comender
que nulz sy ozés ne fut que malz feïssent, ne en fait, ne en dit, à yceulx
seigneurs de Mets. Et, au lundemains, du mattin, ce partirent lesdit
seigneurs de Nancey ; et les firent les roys devent dit très noblement
reconduire jusques en leur terre et pais.
Or, avint en celle meisme nuit que les soldoieurs de Mets qui alors
estoient détenus prisonniers en la forte maison de Louveney cy saillirent
hors, et trouvaient manier d’eschapper. Puis ont boutés le feu en une
grant grainge, en laquelle y avoit plus de IIIIXX chevaulx des annemis.
Paireillement, en celle meisme nuit, plusieurs des soldoieurs de Mets,
avec plusieurs piétons, s’en allirent devent la forte maison de Goin, et
la gaingnairent, avec gros buttin.
Et, depuis ce jour en avant, plusieurs aultres, tant piétons que gens
à chevaulx, ce mectoient en avanture, tant de jour corne de nuit ; et ne
faisoient journellement aultre chose que ramener prisonniers, vaiche
et chevalx, et aultre buttin.
Plussieurs courses et riblerie sus le paiis de Mets. — Item, au lunde
mains, qui fut le XXIIIe jour dudit moix de septembre, plusieurs des
manans et habitans de Mets c’en avoient allés vandengier les vignes de
Waccon 2 et par derrier Sainct Martin. Car, en ycelluy tampts, les
vigne et la saison estoient au plus belle, et estoit plaisir de les veoir,
parquoy chacun désiroit de les cuiellir et vandangiés. Cy avint que,
d’iceulx vandangeurs et vandangeresse, en y oit plusieurs des prins,
tant homme comme femme, avec plusieurs jonnes fillette, jusques a
nombre de V ou VI. Et, ce voiant, seigneur Jaicques Simon entreprint
que, en leur despit, il vandangeroit ses vignes qu’il avoit à Longeville
devent Mets. Et, pour ce faire, fist mener une nefz près d’icelle ville,
en laquelle y avoit plusieurs compaignon armés et embastonnés 3 de
collevrines et arballestres ; et fist entrer ses vandangeur et vandengeresses és vigne c’on dit en Daille j et lui meisme gairdoit la nefz avec
ces compaignon. Maix saichés que jay pour ce ne demourait que les
annemis ne prinsent touttes les femmes devent dictes 4 ; combien
1. Entretien, conîérence. - Philippe a abrégé cette entrevue, dont on trouvera le
dérLtundUrDe°vanf-les-Pont3s! Motelle, Metz, Metz. Husson,P.177, parle des vignes
, du hault de Waucon, de Brey, de Daille ». Ce sont les coteaux situés derrière Woippy,
sous Lorry et Plappeville ; Daille se dit maintenant : la cote de Dale.
3 Embastonnés : les armes à feu portatives s’appelaient des talons a jeu
t Voyez au contraire Praillon, Rel, p. 231. Les Écorcheurs abandonnent leur prise
« et ainsy oit ledict sire Jaicque Symon joyssance de sa vandange ».
288
ESCARMOUCHES AUTOUR DE METZ
(27
SEPTEMBRE
1444)
qu’il ne les eurent pas d’aventaige, car ledit seigneur Jaicques Simon,
avec ces collevrines, tuait deux d’iceulx Escorcheurs devent dit.
Parquoy eulx, plus emflambés que devent, et par despit de ce, il boutirent le feu et ardirent le chausqueu, lequelle estoit au bout de la ville,
avec toutte celle partie, jusques à une tour apartenant au devent dit
seigneur Jaicques, en laquelle tour les devent dit Escourcheurs ce
tenoient et y estoient lougiés.
Et, depuis ce fait et a jour ensuiant, yceulx lairons ne cessoient
journellement de ce monstrer et de courrir parmi l’isle du pont des
Mors, en faisant virarde et ranviaulx, comme ce ce fut ung jeu de
baires. Et, entre yceulx, en y avoit ung sus ung blan chevaulx ; et fut
dit que c’estoit le filz de ce maistre racouvateur qui print les calices à
Sainct Supplise, parquoy il en fut pandus au gibet de Mets, comme par
cy devent ait estés dit L
Item, ung dimenche, qui fut le XXVIIe jour dudit moix de septem
bre, vinrent errier les Escorcheurs qui estoient logiés à Mollin faire une
course on lieu c’on dit en Ham, jusques à la grainge d’Aygnel 12; et
firent celle course cuidant prandre les bestes d’icelle moitresse. Et, alors,
les soldoieurs de la cité saillirent dehors aus champts, et firent une
chasse après eulx jusques à Mollin. En laquelle chasse fut tué ung très
puissant et vaillant hommes d’armes de ceulx de Mets, appellés Coppignon, qui avoit le nef 3 couppés ; et le gectairent en Mezelle,ne jamaix ne
fut retrouvés. Et ung aultre desdit soildoieurs, appellé Babo, qui estoit
petit de corpullance, mais une très bonne guide estoit, fut empourtés
de son chevaulx, qui print le frains au dent malgré luy et le pourtait
dedans les annemis ; parquoy il fut tué, et pareillement gectés en la
rivier dez dessus le pont à Mollin. De quoy l’on en fut bien courroussiés
et marris. Nonostant, il leur fut bien chier vendus ; car lesdit soldoieurs
prinrent deux d’iceulx Escorcheurs, et en y oit environ demy douzenne
tant dez noiez que dez pandus.
Et fut ce fait le propre jour que les devent dit seigneurs Nicolle
Louve et seigneur Geoffroy Dex, chevalier, avec Poinsignon Baudoche
et Thiébault Louve, escuier, Jaicob de Bennestorfï, et Jehan de Lucembourg, alloient errier à Nancey parler a roy pour le fait de la cité.
Puis, deux jours après, le jour de la sainct Michiel, aulcuns bons
hommes de Sciey, desquellez Auburtin Boucat estoit cappitaine, ce
partirent de nuit ; et tuairent ung très biaulx homme d’iceulx Escour
cheurs, et l’apourtairent aincy mors jusques au bout du pont des Mors.
Et trouvaient dessus luy en argent monnoiés VI livrez de messains.
Et fut tout ce entre eulx buttinés, chevaulx et harnaix, jusques à ces
sollés, qui estoient à grant pollaine 4.
Item, en ce jour meisme, aulcuns bon hommez piétons de Salnei
1.
2.
3.
4.
Voyez p. 247.
La Grange-d’Agneaux, ferme, commune de Montigny-lez-Metz.
Nez.
Poulaine, pointe allongée et relevée de la chaussure.
DESTRUCTION DE VILLAGES AUTOUR DE METZ
(12
OCTOBRE
1444)
289
priment IX hommes du Pont à Moussons, et en tuairent aulcuns : car
yceulx du Pont furent trouvés qu’il pourtoient vivre et aultres pourveances aux piétons Escorcheurs qui tenoient le siège devent Ennerey
et devent Verrey.
Going rendue à ceulx de Mets. — Et, la nuit ensuiant, VI soldoieurs de
Mets gaingnairent le chasteaulx de Goin, et tuairent le cappitaine ;
lequelle, toutefois, ce voulloit randre salve sa vie, et voulloit paier
grosse finance. Et, paireillement, furent tués quaitre compaignon avec
luy. Et ramenairent yceulx soldairs plusieurs chevaulx, et aultres
testes ; et gaignairent en celle nuit ung très bon buttin. Et, voyant
lesdit soldairs que ycelle plesse leur nuysoit plus que aydier, il boutairent le feu dedans ; et ardirent toutte la dicte Goin. De quoy Ysaim
bart et Morelet, deux soldoieurs de la cité, estoient cappitannes pour
celle nuit.
La forte maison de Longeville gaingnée par ceulx de Mets. — Item, en
celle meisme année, et deux jour après, qui estoit le jour sainct Remey,
premier jour d’octobre, ce partirent de Mets deux cent compaignon.
Et cy en allirent assaillir la fort maison de Longeville devent Mets ; et
la gaignairent, avec ung gros buttin : car il y prindrent X chevaulx de
scelle et X hommes d’armes. Et en ycelluy fait estoient Jehan de la
Plume et Guiot Cazin cappitennes pour ceulx de Metz.
La forte maison de Lorei brullée. — Puis, le IXe jour dudit moix
d’octobre, fut reprinse desdit de Mets la forte maison de Lorey, par
force de feu ; et ad ce faire furent IX soldoieurs et environ IIIIXX piettons. Et, en ce lieu, gaignairent ung gros buttin : car, cen plusieurs
aultrez biens, XII homme d’armes des annemis y furent prins, avec
plusieurs chevaulx. Et à ce faire estoient cappitenne pour ceulx de
Mets Jeofïroy le Piccart et Jehan de Bar.
La forte maison de Magnei prinze. — Item, le XIIe jour d’icellui
moix d’octobre, VIII compaignons soldoieurs de Mets et environ trois
cent piéton ce partirent d’icelle cité nuytanment, et s’en allirent asségic-r la forte maison de Magney ; et, de fait, la prindrent par force d’assault. Et en ycelle furent prins XXXVIII hommes d’armes des anne
mis, et XLVIII chevalx de scelle ; et, avec ce, y oit XII hommes
d’iceulx Escorcheurs brullés. Et pour ce faire estoient cappitenne
Ysambair et le grant Jaicob.
Et puis, après ce fait, voiant leur bonne fortune, ce mirent par
plusieurs fois aux champts à leurs adventure ; et ramenairent- plu
sieurs homme d’armes avec leur chevalx, et aultres biens ; de quoy il
acquirent grant bruit, et y guégnairent et conquirent de bon buttin.
Plussieur vilaige brullés par ceulx de Mets. — Les signuers et gou
verneurs de la chose publicque de la cité de Mets, voiant l’aproiche des
annemis, firent une conclusion ensamble. Et, par leurs ordonnance,
fut à ce jour meisme, XIIe jour d’octobre, conclus, décrétés et déter
minés de aller ardre et bruller plusieurs villaige et moitresse entour
de Mets, et de leur jurediction et seigneurie. Premier, fut airse par
290
ENGAGEMENTS AUTOUR DE METZ (17 OCTOBRE 1444)
lesdit de Mets la ville de Vallier et les bourdes d’icelle ville 1, avec la
Grainge a Dammes et touttes les menandie de Sainct Elloy a Champts.
Aucy furent airs les menoir de Sainct Martin devent Mets, avec la
Horne au Savellon et la Grainge aux Ormes. Et fut tout ce fait par
lesdit de Mets pour la doubte que les Escorcheurs ne ce vinssent lougier esdit lieu.
Puis, le lundi après, furent mis fuer de l’ostel le doien trois compaignon d’armes qui avoient estés prins dez la premiers fois, c’est assavoir
avant que la guerre fut ouverte, quant on fut devent Pregney ; des
quels Guisequin, cy devent dit, estoit l’ung. Et leur fut donnés respit
jusques à la Pasque ensuiant. Et, parmy ce, furent aussy mis à délivre
et hors dez prisons de Loherenne VII soldoieurs de Mets, qui avoient
estés prins dudit seigneur Collard du Saulcy (parquoy la guerre vint,
corne cy devent il est escript).
Plussieurs ordonnance faide par ceulx de Mets. — En ce jour meisme,
il fut ordonnés en Mets, et fut criés sur grosse paine, que dedans trois
jour l’on ne laissait personne aller hors des portes de la cité.
Deux billevars édifiés en Mets. — Et, en celluy tempts, furent fait
deux moult biaulx billevars 2, l’ung devent la pourte du pont des Mors,
et l’aultre devent la pourte Charpenoise ; et les fist et devisait maistre
Jehan de Commercy, le masson.
Item, le XVe jour d’icelluy moix d’octobre, furent VII soldoieurs
de Mets, avec VIe piettons, devent le Nuef Chastel devent Mets ;
onquel estoient environ LX Escorcheurs. Et ardirent yceux piéton et
soldoieurs touttes les maison entour, et prindrent XXII chevaulx
de scelle. Et tellement firent la besoingne qu’il olrent bien Ve florin
de buttin. Maix, en ce faisant, le bastard seigneurs Jaicques Simon
et quaitre aultre compaignon y furent tués.
Puis, après, le XVIIe jour du meisme moix, furent environ X com
paignon avanturier de Mets bouter les feux à Ralcourt ; et, en ce
faisant, l’ung d’iceulx, nommés le Gros Boylyawe, y fut tués.
Et, en ce jour meisme, furent prins par lesdit Escorcheurs V compai
gnon de ceulx de Mets, qui furent rancontrés par devers la Follie 3,
oultre la rivier de Saille. Et, incontinent, les pandirent en ce meisme
lieu à ung arbre.
Item, ledit jour, furent les piéton de Mets à Chastel soubz Sainct
Germains, et ardirent grand partie de la ville, et deffoncèrent environ
LX cawe de vin ; et, avec ce, tuairent plus de L personne, tant homme
que femmes, lesquelles estoient venus de la duchiez de Bar pour ven-
1. Vallières, Moselle, Metz, Metz ; Les Bordes, ou Les Bottes, hameau, commune
de Vallières. — Le mot borde, en ancien français, désigne une cabane de planches, une
maisonnette isolée dans les champs. Ces bordes, d’après Praillon, Bel., p. 240, apparte
naient à l’Hôpital : étaient-elles destinées aux malades que Ton voulait isoler ? Une
léproserie s’appelait Sainte-Marie-des-Bordes.
2. Boulevard. Un boulevard est un rempart de terre soutenu par des madriers.
3. La Folie, maison isolée, aux portes de Metz, fut détruite en 1552 [la Follie emprès
de la faulce porte en Maizelle, d’après Praillon).
LA FORTERESSE DE VRY PRISE PAR LES ENNEMIS (19 OCTOBRE 1444) 291
dangier les vignes. Mais, toutteffois, lésait de Mets ne priment pas la
tours d’icellui villaige, ne lez Escorcheurs qui dedans estoient. Et,
à cellui essault, y fut tués Collignon Collin, d’Ars sus Muzelle. Touteffois, lesdit de Mets, voiant qu’il n’airoient pas cel tours, bouttairent le feu on moustier ; auquelle fut airs et brullés le curey de Saint
Privés la Montaigne, qui estoit venus vandangiés avec aulcuns de ces
parochiens. Et furent illec prins deux Jaicoppin, c’on dit Frère Prescheurs, et furent amenés à Mets et mis en l’ostel du doien : car, alors
qu il furent trouvés, il estoient en jaicquette 1, sans quelque abit de
religion. Mais, trois jour après leur prinse, il furent mis dehors, et
banis de Mets.
Or, avint encor, à ce jour meisme, que plusieurs piétons, desquelle
Jehan Rengniez estoit cappitenne, furent tandre au lieu c’on dit A
troul d’Amenvilley 2. Et, en ce lieu, furent par eulx rancontrés plu
sieurs homme du Gennexey 3, lesquelles venoient on Vaulx pour ache
ter du vin ausdit Escourcheurs : car, en ce tampts, la plus pairt des
biens estoient demourés au villaiges, pour ce que l’on ne voulloit
croire la venue d’icelle gens. Et à celle rancontre y fut prins le fdz
du maire de Gennexei, et amenés à Mets.
La forteresse de Werei prinse par les annemys. — Item, le XIXe jour
dudit moix, fut randue aulx Escourcheurs la forteresse de Werey, avec
XXII compaignon d’armes que furent prins dedans. Et fut la der
niers de touttes les plesses de la terre de Mets qui ce randit. Et, alors
qu’elle fut prinse, estoit Phédrich Paperel 4 cappitenne d’icelle, et
Gonplemont chastellain. Lesquelles firent tout [leur] devoir, et ce
defïandirent cy bien qu’il y acquirent honneurs ; mais, toutteffois,
la force ne fut pas leur : car, voulcissent ou non, il furent prins avec
la dicte maison.
Deux jour après, qui fut le XXIe jour dudit moix d’octobre, ce
mirent au champis ung aventuriés, nommés Guersé, le cousturier,
avec XYII aultres compaignon ; et c’en allirent tandre par dessus les
taie 5 de Champenoy. Et firent cy bien leur devoir qu’il ramenairent
XXVI chevaulx de hairnoix et IX prisonniers, d’entre lesquelles le
filz le Soit de Saincte Marie 6 y estoit. Et, à leur retour, il defïoncirent
environ XXX cawe de vin on Vaulx.
Puis, le XXIIIIe jour dudit moix, lesdit de Mets furent ardre tout
1. Jaquette, habillement serré et court, qui descend un peu plus bas que le genou ;
il était porté par les gens du peuple et les paysans.
2. Amanviliers, Moselle, Metz, Metz.
3. Jarnisy, partie du canton de Conflans (Meurthe-et-Moselle, Briey) qui a Jarny
pour centre. 11 existait une mairie de Jarnisy.
4. Fredrich Xeperch dans Praillon, Rel., p. 242.
5. Taille, jeune coupe ? Ou faut-il lire : l’estaie ? — Champenois, ferme, commune
d’Amanviliers.
6. Sainte Marie aux Chênes, Moselle, Briey, Briey.
292
NOUVELLES COURSES DE PART ET D’AUTRE (NOVEMBRE
1444)
les menoirs 1 de Saint Andrieu au Champts. Et fut ce jours le pont de
Maigney abbatus. Et, avec ce, furent mis des cacquetrippe 2 és gait
au dessoubz d’icelluy pont.
Au lundemains, XXVe jour d’octobre, furent ramenés et passai
ent par devent la cité les hernex et chariot chairgiés de l’artillerie
lesquelles avoient naitguerres 3 par les dit Escorcheurs estés menés
parmy l’isle du pont des Mors et par devent Sainct Martin, et des
quelles artillerie il avoient guaingnié Tallange, Annerey, Verry, et
plusieurs aultres places. Et furent yceulx harnex accompaigniés de
environ VI cent d’iceulx Escorcheurs. Et, quant il vinrent sur la
malle goulle de Waudrinowe, les trois bombardes, qui alors l’on avoit
afïustés sus Sainct Hillaire, dedans Mets, tirairent fort et ferme encon
tre les annemis. De quoy, entres les aultres, y oit deux d’iceux copt
très bien essis ; et, quant aux aultres, je m’en tais : maix, se on heust
sceu leur venue, créés que il heussent rendus de leur artillerie.
Plussieur courses d’une part et d’aulire. — Item, le jour des âmes, se
cond jour de novembre, par nuit, saillirent hors de Mets environ XII
cent hommes de piedz, avec cent hommes d’armes, desquelles Guiot
Caizin estoit cappitenne. Et, avec celle compaignie, c’en aillirent devent
la place de Creppei ; et prinrent le baille, et ardirent tous les vivre des
Escorcheurs qui dedans estoient. Et en ransonnairent plusieurs, qui
furent prisonniers ; et prindrent LXX chevaulx de scelle. Et, de fait,
heussent heu la place, se ce n’eussent estés aulcuns soldoieurs de la
cité qui firent corner la retraicte. Et y oit très malvaise ordonnance
pour celle dicte nuictée. De quoy plusieurs d’iceulx soldoieurs en furent
blâmés, tels que le devent dit cappitenne Guiot Caizin. Et, de fait, on
voult dire qu’il en avoit receu argent ; car, ce l’on heust bien parcévérés corne on avoit acomenciet, on fust venus à bout de la besoingne, et eust on trouvés léans plusieurs homme d’armes et gens de
biens, tel corne Floquet, Thiérey de Lenoncourt, bailley de Vitry en
Partois, et plusieurs aultres noble de Loherenne, par lesquelles l’on
heust peu faire ung bon accort, à l’honneur de la cité et au contraire
des envieulx. Parquoy ledit Guyot fut pour ce fait comme réputés
traystres, pour celle retraicte qu’il fist sonner, ne depuis on n’olt parfaicte fiance en luy 4.
Puis, la vigille de la sainct Martin après, furent plusieurs piettons
et gens de chevalx devent Wappey. Maix il n’y firent rien pour celle
fois ; et cy furent desdit Escourcheurs très biens servis, car très vaillanment ce deffandirent.
Maix, au second jour après la sainct Mertin, furent par Wairgaire,
le soldoieur, et plusieurs aultres, ramenés en Mets environ X d’iceulx
1. Manoir, habitation. — Saint-André, prieuré de Bénédictins, sous les murs de
Metz.
2. Ghausse-trappe.
3. Naguère.
4. Dans Praillon, Bel., p. 245, il est précisé que Guyot reçut une bourse 4 ou il y
ayoit forces escatz *.
LADONCHAMPS REPRIS PAR CEUX DE METZ (17 NOVEMBRE 1444)
293
Escourcheurs. Entre lesquelx estoit Gillesson de Lompvy, lequelle fut
trouvés hors du chastel de la Wenne de Gernexei b Et estoit desjay
celluy Gillesson aparavent devenus homme de la cité.
Or, est vérité toutte congneue que celle devent dicte année fut et
estoit la plus fertille de bledz, de vin et de touttes aultre biens de terre
que de LX ans devent on eust veu. Et, ce Dieu heust permis qu’il heust
estés bonne paix, ce fut estés la milleur et la plus belle saisons ; et,
avec ce, le plus biaulx tempts, toutte l’année durans, que jamaix on
eust veu, et par espécialle à sa fin : car, depuis la saincte Croix en
septembre jusques à la sainct Mertin, faisoit cy très biaulx que ce fut
merveille.
Touteffois, en celle dicte année, les pouvres gens de villaiges qui ce
estoient retrait en la cité pour cause de la guerre olrent très grant
nécessité de bois à bruller. Et tellement que, pour ce fait, deux Trèzes
de la justice d’icelle cité furent commis par le Conseil de y mestre pro
vision : c’est assavoir que à cest affaire y furent commis seigneur Per
rin le Salvaige 2* 1et Waultrin Clément. Lesquelle firent visitacion et
donnairent certannes enseigne a pouvre gens ; et, permy ycelle en
seigne, leur fut délivrés bois et faixins en certains lieu parmy la cité.
Item, le XVIIe jour a de novembre, de nuit, par l’ordonnance des
VII de la guerre, saillirent dehors au champts environ trois cent piettons, tant de ceulx de Mets que du païs subject, et avec eulx cent
hommes d’armes, tout à piedz. Lesquelles tous ensamble c en allirent
devent le chaisteaulx de Laiduchamps, qui est une forte place et
ung fort lieu ; maix, néantmoins, ellè fut tellement assaillie et cy verdement qu’elle ne durait mie deux heures qu’elle fut prinse et arse. Et
furent prins dedans XLVIII prisonniers des annemis, et ung prebstre
avec une femme : et, avec ce, y furent prins XXII chevaulx de scelle.
Et en furent trois ou quaitre d’iceulx Escourcheurs airs et brullés dedens la plesse. Et, entre les aultres, y avoit ung jantil hommes, qui oit
la gourge couppées ; et la raison fut pour tant qu’il ne ce voult jamaix
rendre, forcque en la mains d’ung jentil homme. Et à celluy jour estoit
Jehan de la Plume cappitenne en cestui fait.
Et ainsy, tous les jours, sailloient hors lesdit de Mets aulx champtz
sur leurs ennemis ; et faisoient tellement que, le plus souvent, il ramenoient vivre, chevaulx, prisonniers, et aultres bagues et buttin.
Au londemains, après dîner, qui fut le XVIIIe jour dudit moix, à
cellui jour, lesdit Escourcheurs qui estoient logiez à Wappey, qui est
a. M : le XVII jour.
1. La Chronique du Doyen de Saint Thiébaut, dans i édition de Mme M. Marot,
porte : « entre lesquel estoit Gillesson de Lomprey, qui estoit sur (var. : sire) du chastel
de la Werne ou Gennexey (var. : Gouvernexey). — Le Gennexey est-il le Jarnisy ?
Gilson de Longpré est connu par ailleurs (Ch. Aimond, Les relations de la France et du
Verdunois de 1270 à 1552, Paris, Champion, 1010, p. 257 et n. 2).
2. Perrin Besainge, Praillon Rel., p. 250.
294
NOUVELLES COURSES DE PART ET D’AUTRE (8 DÉCEMBRE 1444)
bien près de Laiduchampts, olrent cy grant crainte et pauour i de leur
compaignon ainsy prins et brûliez que eulx meisme bouttairent le
feu en leurs logis et s’en allirent fuiant. Car, s’il n’eussent ce fait, il
estoit conclus que, au second jour après, on leur heust fais pis ou
autrement. Et estoient lesdit de Mets bien délibérés, c’il les eussent
pnns à force, de leur encor pis faire que on n’avoit fait à ceulx dudit
Laiduchampts. Et, ce le devent dit Jehan de la Plume s’en fut aussy
bien avisés de retourner par devent, il avoient cy grant peur qu’il ce
fussent randus sans faire long parlement : car, sen point de faulte, la
grant crainte qu’il heurent de ceulx qui furent brûliez audit Laidonchampts les eust faire 2 randre cen copt férir, si comme il fut racomptés
audit de Mets d’aulcuns prisonnier de léans.
Item 3, en ce meisme moix, le XXVIIIe jour, se vinrent rendre en
Mets deux Anglois, qui estoient frère et filz de chevalier, comme il
sertifioient. Et, de prime venue, ce vinrent abourder à la pourte du
pont Reumont, tout montés et armés. Maix l’on ce craindoit de traïson ; parquoy, au comendement de justice, il furent prins et mis en
prison en l’hostel de la ville. Touteffois, quant on fut certains de leur
fait, on les mist en une bonne hostellerie ; et furent restitués de leur
chevaulx et despans, et, avec ce, furent mis au gaige de la cité.
Item, le dernier jour d’icellui moix de novembre, environ les
VI heure a matin, fut fait ung crollement et tramblement de terre en
la cité de Mets.
Et, cellui jour meisme, furent prins deux blan moine, et une damme
vestue de sanguigne 4 et fourée de menus vair ; et furent yceulx logiez
et mis d’une part.
Plussieur corse d’une part et d’allre. — Puis, après plusieurs aultres
chose faicte, avint que, le VIIIe jour du moix de décembre, XVI com
paignon, aventuriés et piéton de Mets, ce partirent d’icelle secrètement.
Et furent on Jurés 5 du Pont à Mousson quérir deux cenc et L gras
porcquez et deux prisonniers ; parquoy ce fut à eulx honneurs et proffit ; et en heurent chacun desdit compaignon XVIII frant de buttin.
Item, en ce meisme jour, plusieurs aultre compaignon sortirent hors,
et c’en aillirent en la duchiei de Bar à Juelz, à Bolley, et à Hamé-
. i; P®ur ;„en patois lorrain pâiv, pdtvou (Zéliqzon, Dictionnaire des Patois romans
ae la Moselle, article pâw).
2. Il faut corriger : les eust fait [se) rendre...
3. Ici Philippe a laissé de côté toute une série de petits faits que l’on trouvera dans
Praillon, Rel., p. 252 et sqq.
4. Sanguine, sorte d’étoffe couleur rouge foncé. — C’est vers Grimont (aujourd’hui
terme et chateau, commune de Saint-Julien-lez-Metz) qu’une expédition dirigée par
mcoie Louve ramena trois Ëcorcheurs, un Augustin « et une dammes habandonnés »
(Praillon, Rel., p, 257).
5. Le bois du Juré, à l’est de Pont-à-Mousson. — D’après Praillon, Rel., p. 258,
cette incursion doit être datée du 6 décembre. — Philippe abrège ici la chronique qui
lui sert de source, ainsi qu’à Praillon, de sorte que celui-ci est beaucoup plus complet.
NOUVELLES COURSES DE PART ET D’AUTRE
(31
DÉCEMBRE
1444)
295
court *1 ; et illec, sus la rivier d’Orne, ont brullés et débrisier plusieurs
mollins.
Puis, le XIIIIe jour dudit moix, fut par l’entreprinse et hardiesse
de certains compaignon de piedz amenés à Mets par yawe le mollin
de Malleroy tout entier, fort que, du rouuat 2. Et fut ce fait malgrés en
heussent les Escourcheur, qui ad ce mirent tout leur effort.
Item, le XXIXe de ce meisme moix de décembre, firent lesdit de
Mets une grosse assamblée, en laquelles furent trois mil piétons, et,
avec eulx, cent homme d’armes pour eulx convoier. Et, tous ensemble,
c’en aillirent devent Tallange ; maix il n’y firent que bien peu de leur
proffit : car la garnissons desdit de Tallange, de trois jours devent,
estoient de leur venue advertis. Parquoy il avoient fait leur préparacion, et ce defîendirent merveilleusement, de quoy plusieurs desdit
de Mets en furent par yceulx blessiet et navrés. Et, avec ce, en y oit
trois ou quatre des tués. Entre lesquelx fut tué, par son deffault, ung
jonne Allemans qui estoit parant au conte de Salmes en Ardenne .
car il ne c’estoit point armé. Toutefîois, ilz fut ramenés à Mets et ensevellis au Carmes moult honnorablement a. Parquoy ledit conte,
desplaisant de cest fortune, se fist tantost casser et print congiés de la
cité. Toutteffois, sçaichiez de vray que la mort du jonne filz leur fut
bien chier vendue : car lesdit de Mets, à cest essault, en tuairent plu
sieurs des leur.
_
Et puis, ce fait, les annemis qui estoient en garnisson à Ennery
cuidant 3 passer la rivier pour frapper sur lesdit de Mets ; mais il leur
mescheut grandement : car il furent recueillis cy vivement et verdement que d’iceulx en furent tués XXVI, lesquelle en ce lieu ont
demourés mors dessus le champts.
Après ce fait, et le dernier jour de ce meisme moix de décembre, les
Escorcheurs qui estoient en garnisson és deux forteresse de Mollin
cy envoiairent quaitre de leur paige en fouraige à la Grainge d’Ainelz, auprès de Montegney. Cy furent lesdit paige rencontrés desdit
de Montegney qui estoient ordonnés à faire le gait, et furent prins et
retenus. Et, quant yceulx Escorcheur de Mollin virent que leur paige
ne retournoient mye, sy y envoièrent plusieurs aultres de leurs gens
pour les deffandre et secourrir. Et, quant ceulx de Mets furent adver
tis du fait, cy saillirent alors les plusieurs au champtz, en la conduicte
de seigneur Nicolle Louve, chevalier, qui fut cappitenne pour celluy
a. M : honnarablement.
1. Cette expédition, dans Praillon, JW., p. 258, est datée du 5
helt’
Bolley, Hamécourt : Jceuf, Auboué, Homécourt, sont situés sur 1 Orne . Meurthe-et
M 2SelRÔu^t!e«ypetUe roue attachée sur l’arbre d’un moulin, qui est de huit à neuf pieds
de diamètre, qui a environ quarante-huit chevilles ou dents de qmnze Pouces de long
qui entrent dans les fuseaux de la lanterne du moulin pour faire tourner les meule .
(Dictionnaire universel de Furetiére).
3. Cuidèrent, eurent l’intention de, tentèrent de.
296
JOURNÉE TENUE POUR LA PAIX A PONT-A-MOUSSON
(12 JANVIER 1444 a. st.)
jour. Et tellement que desdit Escorcheurs en furent VII des prins, et
le reste fut poursuit et chassiet en jusques a pont à Mollin ; et telle
ment que en cest chasse en y oit plusieurs des tués et des noiez en la
rivier . car il furent plus de XL qui furent ce jour en dangier d’estre
péril *1. Et en celle chaisse ce fist vaillant ledit seigneur Nicolle Louve ;
et aussy le fist bien seigneur Thiébault Louve, son filz. Touteffois, à
celle escarmouche, y oit deux Allemans, soldoieurs desdit de Mets, qui
furent tués par leur simplesse. Car, en ce mellant les ung parmi les
aultres, lesdit Allemans ne sçavoient leur cris ne n’avoient enseigne 2
ne congnoissance aulcune ; et, avec ce, il estoie désarmés : de quoy
c estoit à eulx grant follie. Et ung aultres desdit soldoieurs, qui ce
nommoit Jaicques de Secille 3, fut à celle course blessiet en la main :
de quoy il fut plus de X semaines avent qu’il en polt estre reguéris.
Le mariage de Hanrei, roi d’Angleterre], à la fille du duc René. Durans que ces chose ce faisoient en la cité de Mets en la maniers corne
cy devent ait estés dit, le mariaige ce traictoit entre Hanry, roy d’An
gleterre, et la fille du devent dit René, roy de Cecille. Et tellement que,
en celluy tempts, arriva à Nency le duc de Suffort, anglois, lequelle
de pairt le devent dit roy Hanry, son maistre, estoit illec envoiés pour
demender audit de Cecille sa fille estre baillée en mariaige à ycelluy
roy Hanry °, son seigneur. Et aillait tant la chose, d’ung coustés et
d aultre, que ce mariaige fut acourdés ; et furent les nopces et la
festes faictes à Nancey. Auquelles y oit joustes et tournois ; et durait
celle feste plusieurs jours. Après lesquelles passés le roy de Cecille
chairgea sa fille au devent dit duc de Suffort, et, en pleurs et larmes,
fut commendée à Dieu de son perre et de tous ces bons amis. Et vella
cornent, en celluy tampts, les François avec les Anglois, qui estoient
annemis ensamble, furent tous joing, unis et alliés avec le roy René
de Sicille pour luy aidier à confondre celle bonne cité de Mets et son
Pais. Parquoy le comun dit est que à celle heure la devent dite cité
avoit affaire et estoit de guerre au trois rois devent dit. Et bien le
montroient en cest affaire ; car, journellement, François, Lourains,
Anglois et Rarissiens couroient et ribloient en faisant pillerie et lairsin dessus ledit pais de Mets, tant que c’estoit pitiet et dompmaige,
comme cy devent ait estés dit.
Journée tenue entre les partie aux Pont à Mouson. — Et fut la chose
teusjour ainsy demenée, et encor pis que je n’ait dit, jusques au
XIIe jour de janvier. Auquelle jours fut des partie une journée accep
tée a Pont à Mousson, pour trouver aulcuns traictiés de paix entre le
roy de France et de Secille, d’une part, et les seigneurs trèses jurés
et touttes la comunalté de la cité de Mets, d’aultre part. Et, à celle
a.
1.
2.
*.
Une main plus récente a ajouté d’Angleterre dans M.
Péris, tués.
Us ne savaient ni le cri de guerre ni le mot de passe adopté pour ce jour.
Jaicques de Scille dans Praillon, Rel., p. 265 ; Jacques de Silly (Silley) ?
DERNIÈRES ESCARMOUCHES AUTOUR DE METZ (FÉVRIER
1444 a. St.)
297
journée, y furent commis de part le conseil, pour y aller, seigneur Ni
colle Louve, chevalier, seigneur Geoffroy Dex, chevalier, Poincignon Baudoche, escuier, et, avec eulx, Jehan de Lucembourg, clerc
des Sept de la guerre. Mais, à celle journée, ilz ne firent rien ; car,
sus les demende qu’il faisoient, l’on ne ce poult acourder. Parquoy
l’on percévéroit tousjour de mal en pis pour l’ung l’aultre ce grever.
Et tellement que, tantost après, le XIXe jour dudit moix de janvier,
furent XLII compaignons de piedz de ceulx de Mets à Nostre Damme
de Corre, oultre Génival b Au quelle lieu prindrent IX des annemis,
et en tuairent ung. Et les IX ainsy prins ont heu ramenés en Mets
tout haultement, et à l’heure de midi ; et pareillement XLVIII chevaulx, tant de scelle comme de harnoix, lesquelle y furent par eulx
conquis et prins.
Puis, après, au XXVIIIe jour dudit moix 12, aulcuns des seigneurs
de la cité de Mets, avec les soldoieurs d’icelle, s’en aillirent tandre et
mestre en ambûche és boix de Borney ; et, en ce lieu, furent par eulx
prins et rués jus XII Escorcheurs de la garnisson de Servigny, et
XV chevalx de scelle. Et fut dit que le cappitenne de Halterve 3 crantit de ce randre, après ce qu’il oit estés blessiés et fort navrés.
Item, le VIIIe jour de febvrier après, environ les V heures au mattin, cheurent les arvolz devent la pourte des Allemans, tout par eulx 4.
Et, durant ce tampts, furent faictes plusieurs entreprinses d’ung
coustés et d’aultre, desquelle je m’en passe d’en plus dire. Maix saichiés en vérités que, depuis ce tampts, il mescheoit tousjour audit
Escorcheurs, tellement que plusieurs y laissairent le moulle de leur
chapiaulx 5.
Item, le mécredi XXVIIe jours de ce meisme moix de febvrier,
fist cy très biaulx qu’il y oit plus de Ve ouvriers des vignerons de Mets
aux champts et és vignes, depuis la pourte Serpenoize en jusques à
Saint Andrieu ; et le vendredi paireillement. Puis, le samedi ensuiant,
firent lesdit Escorcheurs une grosse assemblée de V ou VIe chevaulx;
et cuidoient prandre lesdit povres gens à leur labeurs. Mais on en fut
advertis : parquoy il fut ordonnés et espressément comendés par la
cité de Mets qu’il n’y eust homme ne femme qui saillit hors de la dicte
cité jusques à certains jours après, pour tant que, durans ce tampts,
le devent dit seigneur Nicolle Louve, et Thiébault, son filz, Poincignon Baudoche et Jaicob de Bennestorfî, acompaigniés de plusieurs
1. Caulre, hameau, commune de Saint-Marcel, Meurthe-et-Moselle, Briey, Conflans.
— Génival est la Hauteur des Génivaux, commune de Rozérieulles.
2. 27 janvier dans Praillon, Rel, p. 270-271. — Ici aussi le récit de Philippe est très
abrégé.
. .
•
•
3. Haute-Rive, ferme, commune de Cuvry. Le nom de ce capitaine français qui
commandait à Haute-Rive n’est pas connu. — Le bois de Borny est a peu près à
mi-chemin entre Cuvry et Servigny.
.
.
'.
. . , __ .
4. Tout par eux, d’eux-mêmes. — Âroolt, arc, voûte ; le mot désigné ici les arches
du pont. Ce pont ne sera refait qu’en 1445.
5. Plaisanterie populaire : le moule du chapeau, c est la tete. L on disait aussi . le
moule du pourpoint (le corps), le moule du gant (la main).
298
LA PAIX CRIÉE A METZ
(5 MARS 1444
A. St.)
aultres, c’en estoient allés au Pont à Mouson pour sceller la paix, comme
on disoit (et aussy il estoit vray).
Touteffois, les dit Escourcheurs sy vinrent courre jusques tout
devent Sainct Clément et on Champtz Bapanne : car, de loing, il
virent ung champts plain de grue, et cuidoient que ce fussent gens.
Et furent tous esbahis quant il congneurent leur follie ; et ne firent
aultre vaillance pour celluy jour.
Jehan de la Plume, duquelle je vous ais heu par cy devent parlés,
qui estoit ung vaillant homme de guerre, hardis et couraigeux, et qui
estoit au gaige de la cité, voult saillir hors pour baitaillier aux annemis. Maix, quelque bon droit qu’il eust, ne jà pour sa vaillance, ne
demoura que, au lundemains, il ne fut cassés dez gaigez de la ville, pour
tant qu’il avoit trespassés l’ordennances des Septz de la guerre, qui
estoient ceulx à qui il devoit obéir, et lesquelles avoient ordonnés
et comendés que nulz ne milles ne saillit ce jour dehors au champts,
comme je vous ait heu dit par cy devent.
Paix criéez. — Item, le Ve jour de mars, retournirent errier en
Mets les seigneurs dessus escript, lesquelles peu devent c’en estoient
allés a Pont à Mousson pour le fait d’icelle paix. Et amcnairent avec
eulx le seneschal d’Anjou 1, et plusieurs aultres ; entre lesquelles y
estoit ung poursuiant du roy de France, appellés Tourrenne 2, revestu
des armes de son seigneur. Et, en la présance des dessus dit, fut cornée
la paix par la trompette de la devent dicte cité de Mets, en la plaisse
devent la Grant Église d’icelle cité. Et fut ce fait le dit jour, entre
les XI et lez XII heure du midi. Et, après que ycelle trompette de la
ville oit sonnés trois fois, il fut huchiez et criez, par la bouche meisme
de la devent dicte trompette, les parollez telles et quelles que le devent
dit seigneur Nicolle Louve, chevalier, luy prophéroit et faisoit dire,
c’est assavoir tout en la forme et manier comme cy aprez s’ensuit :
« Oiez ! Oiez ! On vous font assavoir que le roy de France et le roy
René de Secille et tout te la comunaltés de la cité de Mets ont ajourd’ui bonne paix et bon accort ensemble ; et tellement que, de sy
en avent, on ne fasse nulle entreprinse sur eulx, par quelque manier
que se soit ; maix vous tenés pour bons amis, et faictes honneurs
et plaisir l’ung l’aultre ». Et aincy avés oy le cris de la paix faictes
avec les roy dessus dit.
Laquelle paix ne ce fist mye pour rien et sans grant coustange desdit
de Mets : car, avec la perdes qu’il avoient desjay ressus, il convint
que petit et grans y missent de leur substance et de leur argent. Et
n’estoit pas peu de chose de paier une somme cy merveilleuse, que
montoit, cellon que la monnoie vailloit alors, à plus de deux cent mil
1. Pierre (II) de Breié.
2. C’est un héraut d’armes.
LE « DITIER » DE LA GUERRE DES ROIS (1444)
299
frans, que sont plus de cent mil daventaige 1, cellon que la monnoie
court maintenant.
Toutefïois, vous devés sçavoir que celle paix et cellui acort fut
fait en telle sorte que touctes les places fortes, maison et moustiers
dévoient et furent remis en la mains des seigneurs de la cité, et touctes
lettre randues, et tous prisonniers quictés d’une part et d’aultres.
Mais les François furent grandement esmerveilliés que cy peu de leur
gens furent trouvés en Mets prisonniers : car, de tous les hommez
qui furent trouvés en vie a jour que la devent dicte paix fut criéez,
il n’y en avoit, de compte fait, que LX a plus. De quoy il estoient
tous esbaïs ; maix possible que lez aultre estoient ou avoie estés mis
d’une pairt pour resverdir 2.
xxxv mil personne hors de Mets. — Et, alors que les garnissons du
pais entour de Mets furent desparties, il saillirent hors de la cité, des
bonne gens de villaige et de la terre d’icelle qui estoient venus à reffuge, XXXVm personnes, de compte fais, sans les femme et les anffans. Et, ung peu devent que la paix fut faictes, l’on avoit heu fait
une pourcession généralle à Saint Vincent, en laquelle y avoit et y fut
nombrés plus de XL mil personne.
Cy vous souffise quant à présant de ce que j’en ait dit, et lisez ycy
ung dictiers qui en fut fait, auquelle y ait plusieurs biaulx dit.
Le dictier fait sus la guerre des Boys 3.
L’an mil IIIIc et XLIIII,
On moix de septembre, sans rabatre,
Il advint que le roy de France
Vint en Loherenne à grant puissance,
Ensemble le roy de Secille ;
Des gens avoient bien XL mil :
Cest chose n’est pas fable.
Il y estoit le connestable,
Aussy le seneschal d’Anjou 4,
De France le grant admirai.
Par tout le pais, amont et aval,
Gens d’armes estoient en erroy,
1. Cent mille et davantage. — Ou bien : en sus (des pertes subies) ?
2. Plaisanterie populaire. — Praillon cite des chiffres, Rel., p. 282 : les seigneurs de
Metz rendirent deux cents hommes « dont il n’y avoit que XXII hommes d’armes,
et le reste estoient tous pouvres gens ». De Saulcy et Huguenin, dans la préface,
p. 38 et suivantes, étudient longuement cette question des prisonniers.
3. Voyez Rel, p. 286, et Huguenin, op. cit., p. 248. Le texte donné par Philippe est
sensiblement différent. — L’auteur avait-il écrit correctement ses vers ? On peut en
douter. En tout cas les deux textes offrent pas mal de fautes de versification. Ils diver
gent trop pour qu’un texte critique puisse être établi.
4. Ce vers, qui n’existe pas dans Praillon, Rel., p. 287, ne rime avec aucun autre.
300
LE « DITIER » DE LA GUERRE DES ROIS (1444)
Que pouvre gens tiennent à desroy 1.
En Loherenne, tout environ Metz
(Du Pont à Mouson je m’en taiz),
Des adversaire tant en y avoit
Que longue chose à raconter seroit
Du pais que fut endompmagiez
De celle gens, sans lozangiez 2.
Tout le pais fut en ballance.
Maix le vray Dieu, par sa puissance,
Ait esmeus 3 le cuer à ce concordés
Des trois roy, avec ceulx de Metz,
Qu’ilz ont de celle guerre fait paix,
Que duré avoit plus de VI moix,
Dont le puple avoit souffris torment,
Et endurés merveilleusement :
Je ne sçay raconter cornent 4.
On moix de mars, le premier jour,
Bon conseil ne fut mye ce jour 5,
L’évesque de Toul révérend père,
On non de Dieu et de sa mère
Sy très bien il les y conciliait
Que lez François avec ceulx de Metz
Furent entre eulx cy bien constant 6.
Et fut tout ce fait au couvent
De Saint Anthonne du Pon,
En une chambre de fasson 7 ;
Et, l’undemain, au secrétaire
De celle église, par grant mémoire,
Fut celle paix scellée
Et les partie acordée,
1. Jeu de mots sur arroi et desroi. Ce que les gens d’armes appellent arrangement,
les pauvres paysans le tiennent pour dérangement.
Praillon a transcrit. (Rel., p. 288) :
Gens d’armes on pays de Barrois,
Qui tenoient les gens à destrois,
Et en Lorraine, tout environ
De Mets et du Pont à Mouson.
Je me tais des adversitez :
Trop y averoit au racontez.
2. Losengier, tromper.
3. Pour le vers et pour le sens, il faut supprimer esmeus. N’était-ce point une expli
cation du mot savant concordés, que Philippe a introduit dans le texte ?
4. Ici aussi il y a un vers de trop.
5. Praillon (Rel., p. 288) :
Boin conseil ne fist mie séjours.
Bon conseil ne fut pas retardé. —■ C’est évidemment le texte à préférer.
6. Contents.
1. Praillon offre la même expression (Rel., p. 288). Chambre de façon : chambre bien
décorée (gens de façon : gens distingués, de bonne compagnie).
LE « DITIER » DE LA GUERRE DES ROIS (1444)
301
Qui fut une consolacion
De celle confirmacion 1.
Sy prierons tous dévotement
Au vray seigneur du firmament
Que celle paix ne soit muable,
Ains soit à tousjour pardurable,
Et que vivre puissiés tellement
Ensemble et amoreusement
Que à la fin, a despaitir,
Puissions tous en paradis venir.
Mettre pour sçavoir quant la paix dessus escripte fut faicte :
ad te CLaMaVerVnt et saLVI faCtl sVnt ;
In te speraVerVnt et non sVnt ConfVsI.
Or, cy vous souffise de ce que j’en ai dit 2.
Puis que ycy dessus avés oy et entendus tout le fait et le desmoinement de celle guerre mauldicte, laquelle à tort et sans cause futesmeutte
et eslevée encontre ycelle noble cité de Mets, la cuidant destruire
et anichiller 3, et la despouillier de sa franchise pour la mestre en
servitude, ce qu’elle ne fut depuis sa premier fondacion, ains ne serait,
au plaisir de Dieu, qui la vueulle defïandre et gairder 4 ! O envie
malvaise et covoitise de régner, cuer insaciable, par qui vient tant de
mal, de pouvretés et de misère, serais tu jamaix soûl ? Je crois que
nenney. Car, à ung couveteux, ne luy souffiroit toutte la mer. Humés
à grant godet de celle gloire mondaine, par laquelle sont mort tant de
pouvre gens que c’est pitiet du 5 racompter ! Hélas ! vous n’y pansés
guère, mais une fois vous en fauldrait compter. A fort 6, il ce fault
en sa fortune réconforter, car ce n’est pas en se païs seul que par envie
et convoitise sont perpétrés plusieurs mal, tant sur terre que sur mer,
comme vous oirés, ce me voulés escouter.
Cent mil Turcqz passe par les destro[it]. — Item, en celluy tampts,
et que ces chose ce faisoient en Mets et ez païs joindant, Franciscus
Codelmario 7, cardinal de Venise et nepveu du pappe Eugène devent
1. Il faut comprendre que cette confirmation de la paix fut pour tout le monde une
grande joie (consolation).
2. Praillon a conservé deux autres pièces de vers : La Complainte d’ung jonne
compaignons détenus prisonnier, Rel., p. 285, et la Chansons faicte du roy de Sezille,
ibid., p. 286. Ni leur valeur littéraire ni leur intérêt historique ne sont très considé
rables.
3. Prononcer anikilé. C’est une prononciation latine de nichil, pour nihil, qui a
passé dans le verbe savant annihiler.
4. La phrase, qui commence par puis que, n’est pas terminée.
5. De le raconter.
6. Au fort, enfin (amène une conclusion).
7. François Condolmer.
302
JEAN DE WARISE LE JEUNE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1445)
dit, quaitriesme de ce non, lequelle cardinal estoit légat et chief de
l’armée de mer, on tempts que Ladislaus, roy de Polone, avec Jehan
Huniades, père du roy Mathias, et les Hongres et les Valacques entrè
rent bien avant en Grèce, là où ce portèrent victorieusement contre
les infidelles, et ycelluy légat fut ordonnés à garder le destroit du bras
Saint George, qui sépare l’Anatalie de la Grèce, à ce que les Turcqz
ne passassent par là pour aller secourir leur gens, et, combien qu’il
eust une bonne et grosse puissance des crestiens, néantmoins, il laissa
passer oultres ledit destroictz cent mil Turcqz, avec Amurates, leur
princes. Et, qui pis vault, il ne mist aulcune diligence de advertir
l’armée crestienne estant en terre ferme de Grèce. Sy n’est il pas
possible qu’il voilèrent oultre sans son sceu, attendu que une carracque génevoise leur fist leur passaige, dont le patron estoit de la case
Grimalde ; et eust de marchiez fait d’iceulx Turcquez ung ducat pour
chescune teste. O mauldictes, infernalles avarice, comme j’ay dit
devent, meslée de trahison pire que judaïcque, au moyen de laquelle
le nobles sancg royal et crestiens des nostre fut mis à perdiction !
xxx mil crestiens tués par les Turcqz. — Et, combien qu’il combatissent chevalereusement, néantmoins il perdirent la journée, par
estre peu de nombre, et non avoir esté “ advertis au tempts *1 de la sur
venue desdit Turcquez. Et mourut le très vaillant roy Ladislaus de
Polone, et le cardinal de Saint Ange, légat apostolicque, avec plusieurs
aultres princes et prélatz, en nombre de XXX mil crestiens. Et fut
cest lamentable journée la veille de la saint Mertin, en l’an dessus
dit mil 1111° XLIIII. Mais aussy le dit Grimauld, patron génevois,
allant d’illec en Flandres emploier les cent mil ducatz qu’il avoit
ressus en marchandise 2, fut fouldroiez par tempeste marine, par le
juste jugement de Dieu. Néantmoins ce ne fut pas récompenses condigne pour la crestientés.
Gy vous en lairés le parlés, et retournerés a maistre eschevin de
Metz.
[TRÊVES ROMPUES ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE ;
ÉVÉNEMENTS DIVERS A METZ ET EN LORRAINE : 144^*1449]
Mil iiii° et xlv. — En l’an mil quaitre cent et XLV, fut maistre
eschevin de la cité de Mets Jehan de Wairixe le jonne, filz le seigneur
Jehan de Wairixe l’annés.
Et, en celle année, le pénultime jour du moix de mairs, plussieurs
desdit annemis, en nombre de XVIIIe chevaulx, lesquelles, durant la
«. M : estre.
1. A temps.
2. Construire : employer en marchandises les ducats qu’il avait reçus.
JOUTE EN METZ (MARS 1445)
303
guerre devent dicte, ce avoient tenus devers Faulqucmont, passèrent
par le pont à Mollin, et s’en allirent après les aultres ; et firent grans
et griefz dompmaiges par les villaiges là où ilz passoient.
Josie faicle en Mets. — Item, en celle année, le premiers jours
dudit moix de mars, seigneur Jaicques Dex, chevalier, aaigié de
LXXIII ans, esmeu de bonne vouluntés, désirant de festoier les dammes en dances et en banequet, requiert aux aultres seigneurs de la
cité qu’il volcissent joster et festoier les dames. Et promist que, s’ilz
volloient joster, luy meisme josteroit avec aulcuns aultre anciens sei
gneurs, c’est assavoir seigneur Jehan le Gornaix, dit Creppez, seigneur
Willame Chaversson, seigneur Nicolle de Raigecourt, dit Xappez,
Jaicomin Xappez, seigneur Geoffroy Dex, seigneur Régnault le Gournaix, tous deux chevalier, Mertin George, Nemmery Renguillon,
Geoffroy de Warixe, Philippe Dex. Lesquelles devent dit seigneur
furent tous d’acort de joster ; et, de fait, jostèrent. Et, en celle joste,
y oit trois pris donnés, c’est assavoir ung fermillet d’or *1, au pris de
quaitre livre, une verge d’or 2 et une trompe d’argent 3. Et, en celle
jouste, ledit seigneur Jaicques Dex, motif 4 et inventeur de cest feste,
luy qui estoit aaigiez de LXXIII ans, joustait comme les aultres ;
et, de fait, ruait jux Jaiccomin Xappés, aaigiés de XL ans. Et furent
les pris donnés : c’est assavoir le fermillet “ au seigneur Geoffroy Dex,
la verge d’or à Nemmery Renguillon, et la trompe d’argent à Jaico
min Xappés, pour tant qu’il avoit estés rués en la poussière. Et fut
celle devent dicte feste faictes en l’ostel épiscopal de révérand perre
en Dieu seigneur Conraird Baier, évesque de Mets.
Item, le thier jour d’apvril après, il acomensait fort à négier et à
geller ; et ce mainthint le tamptz à froidure jusques au XIIe jour
dudit moix. Auquelle jour furent toutes les vignes du Vaulx de Mets
engellées, exceptés aulcune qui eschappairent entre le moustier de
Sciey et de Longeville.
Le pont d la pourte des Alemans refais. — En celle meisme année,
entre Pacques et Panthecouste, on acomensait à faire le pont de la
pourte des Allemans, lequelle avoit estés cheus durans la guerre des
Roys cy devent escripte 5.
Aussy, il est raison que je vous die quel chierté estoit en Mets du
rans la devent dicte guerre. Et, premier, quant a froment, la quairte
ne vailloit que VIII sols le milleur ; et, quant la paix fut faicte, il
a. M : fermemillet.
1. Fermaillet, petit fermail. C’était une sorte d’agrafe plus ou moins ouvragée, ou,
peut-être, une sorte de bijou qui pendait au cou, au-dessous du collet.
2. Verge. On distinguait alors dans une bague la verge et le chaton. Une verge était
donc un anneau sans chaton — en particulier l’alliance des nouveaux époux ; ce sens
se trouve encore dans Furetière.
3. Il s’agit sans doute d’une trompe d’Allemagne, ou guimbarde. Cet instrument de
musique était le signe distinctif de la famille d’Esch.
4. Motif, exactement : qui met en mouvement ; ici : instigateur,
5. Voye* p. 297 et n. 4,
304
DEUX NOUVELLES TOURS ÉLEVÉES A METZ (JUILLET 1445)
ne vailloit que VI sols ou VI sols et demi, a plus. Et, au regairt des
aultres vivre, tout estoit a compétant merchiés 1. Mais, à cest heure,
pour les vigne engellée, retournairent plusieurs chose à plus grant
chiertés.
Les ij tour à la pourte des Alemans commencée. —- Puis, en celle dicte
année, le VIIIe jour de juiellet ensuient, fut eschevis le fondement
de la neusve tour de la pourte des Allemens, c’est assavoir celle du
billevairt devent, qui ciet de la partie'devers la pourte damme Collette.
Et ait ycelle tour XVIII piedz d’espesseur au fondement ; et, depuis
le fondement jusques au fleur de terre, XIIII piedz ait d’espesseur. Et
fut ce fondement fait en XI jour par maistre Hanry de Ranconval.
Et, le XVIIIe jour d’aoust ensuient, on acomensait à hesongnier à
l’aultre tour d’icelle pourte, c’est assavoir celle du cousté devers
Maizelle.
Grant vent. — Le premier jour d’icellui moyx d’aoust, fit sy grant
vent, grelles et tempeste que touttes les vigne, hlefz et avoinnes fu
rent tempestées devers Very et on Hault Chemin. Et aussy furent
devers Noeroy, Salney, Vignuelle et là entour. Et fut de celle tempeste
abbatue une très belle croix que le devent dit seigneur Nicolle Louve
avoit fait faire, laquelle avoit cousté plus de cent florin de Rin à faire.
Mais, tantost ung poc de tempts après, ledit seigneur Nicolle la fist
reffaire, plus belle et plus forte qu’elle n’avoit estés devent.
Disceniion pour iabayee de Gorse. — Aucy, en celle dicte année,
y oit ung grant débat en l’abbaïe de Gourse, au l’ocasion de ce que
le prieurs de Wairangéville, qui estoit filz a seigneur Ferry de Lordre 2,
chevalier, volloit estre abbé par force, pource que mon seigneur de
Calabre le sostenoit. Et seigneur Jaicques Warixe 3, qui estoit esleu,
contredisoit, pour ce que pareillement il estoit soubtenus du roy
Charles. Et, à cest cause, ledit roy envoiait à Gorse Joachin 4, pour
garder la ville et l’abbaïe de tort et de forse.
Item, en celle année, le jour des Innocentz, à X heures de nuit, fut
né Charles de France, IIe filz du roy, qui mourut duc de Guienne.
Plussieur personnes périe par fortune. — Et, en celluy tampts, y
avint une fortune vers Zegheberic. Car, en cellui païs, à* une nopces,
furent estraintz et piteusement tués environ cent et IIIIXX personne,
tant homme que femme.
Maix de ces chose je vous lairés le parler quant à présant, et retournerés a maistre eschevin de Mets, et a plusieurs aultres besonne digne
de mémoire.
1. Tout était à des prix proportionnels à celui du blé. — Praillon a donné une liste
plus complète (Rel., p. 250).
2. Ferry de Landre (Husson, p. 86) ; Ferry de Ludre (Huguenin, op. cit., p. 252).
3. Jaicque Wisse (Husson, p. 86, Huguenin, op. cit., p. 252).
4. Joachim Rowault (Huguenin, op. cit., p. 252) ; Jouachin Kouault (Jean Char
tier, op. cit., t. II, p. 44-45).
NICOLE ROUCEL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1446)
305
Mil iiiic xlvj. — L’an mil quaitre cent et XLVI, fut fait et créés
maistre eschevin de Mets le sire Nicolle Roucel, filz seigneur Hanriat Roucel.
Sciège devent le chaislelz d’Ancel. — Et, en la dicte année, y oit
ung grant discord entre ceulx de la ville d’Ancey et ceulx de la ville de
Dornat, pour le fait de la sentence *1. De quoy le devent dit Joachin,
cappitaine de France, et paireillement de Gorze », avec ces compaignons, mirent le siège devent le moustier de la dite Ancy. Et tinrent
ycelluy sciège environ X sepmaines, jusques a jour que seigneur Conraird Baier, alors évesques de Mets, cy l’allait lever, au jour qu’il leur
avoit promis, c’est assavoir le jour de la Division dez Appostres.
Grant gellée. — Item, en la dicte année, le jour de la sainct Jehan
Baptiste, environ lez VI heurts après midi, pleut et gellait 2 sy terri
blement en la cité de Mets et en plusieurs lieu entour qu’il sembloit
que le monde deust finer ; et flst ycelle gellée un très grand dopmaige
au fruictz et aux arbres de la dicte cité.
Et, en celle mcisme année, seigneur Nicolle Louve, chevalier, fit
racomencier à rédiffier la croix devent le pont des Mors, plus belle
et plus riche que paravent n’estoit. Et fut cest euvre faicte par maistre
Henry de Ranconval, et essevie le premier jour d’aoust.
Aussy, en la dicte année, furent bien poc de vin, pour les gellées
qui avoient durés cy longuement. Et, touteffois, par la justice y fut
mis ordre et pollisse ; et fut ordonnés que l’on ne vendit la quairte
que à VII deniers a plus chier, jusques à la saint Remey.
Les seigneur de Mets vont parler à Phelippe, duc de Bourgongne. —
Item, en la dicte année, furent envôiés seigneur Nicolle Louve, che
valier, et seigneur Jehan Baudoche, chevalier, avec environ XXV chevaulx, de part la cité de Mets, pour aller parler, traicter et faire apointement avec le duc Phelippe de Bourgongne, qui alors estoit en Flan
dres. Et furent les devent üit seigneurs environ X sepmaine à faire ce
voiaige. Et tellement y ont heu hesoingnié que ledit duc fut bon amey
à la devent dicte cité de Mets.
Trêves ralongée. — Et, en celle année, qui fut l’an VIIe de l’ampire
du devent dit Fiederich, ampereur, furent ralongées lé trêves d’ung
ans entre le roy de France et celluy d’Angleterre, soubz espérance cie
faire bonne paix.
Environ celluy tempts florissoit Loys, évesque d’Arle, cardinal, et
grand pillier du saint concilie de Basle ; et flst moult de miracle. Aussy
faisoit frère Jehan de Capistrano, de l’ordre dez Frère Mineurs, et
a. M : Gorge.
1. Texte obscur. Husson, p. 87, est inintelligible. Ces événements sont racontés
tout au long dans Huguenin, op. cit., p. 253 et p. 254. —Les gens de Dornat (Dornot,
Moselle, Metz, Gorze) sont encore signalés plus tard au pillage d’Ancy (Huguenin,
p. 257).
2. Grêla.
306
RENAUT LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1447)
disciple de sainct Bernardin ; lequelle religieulx estoit en ce tampts
homme de vie austère, et vivoit moult religieusement, et avec ce faisoit moult de miracle. Et fut cause d’une grande victoire que eurent
les crestiens contre les Turcz.
Et plusieurs aultres saincte personne vivoient en ce tampts, desquelle je me passe quant à présant, car je veult retourner a maistre
eschevin de Mets et à plusieur aultrez besoingne.
Mil iiiic et xlvij. — Puis, en l’an que le milliair courroit par mil
quaitre cent et XLVII, fut alors maistrez eschevin de la cité de Mets
le sire Régnault le Gornaix.
Course on paiis de Mets. —- Et, en celle année, le devent dit Joachin, cappitenne de Gorse de par le roy Charles de France, luy et ces
gens, faisoient grant malz on pais et en l’éveschiés de Mets pour trouver
occasion d’avoir guerre aux seigneurs d’icelle cité. Lesquelles, comme
saige, dissimulairent tellement qu’il vindrent jusques à la saint
Remy, que la vendange fut passée. Et, quant ledit Joachin vit qu il
ne pouuoit joïr de son intencion, il print guerre à seigneur Conraird
Baier, évesque de Mets. Et fist tant que Androuin Derio courut *1 ;
et fut prins et menés en prison à Gorse et ransonnez.
Biche rendue aux duc de Lorenne. — Item, en la dicte année, on moix
d’avpril, le duc Jehan de Calabre fist faire ung grant mandement, et
assamblait une grosse armée pour aller devent Biche, qui nouvelle
ment estoit prinse par traïson par ung appellés Jaicquemin de Belmont a, à la favour du conte de Petitte Pier. Et, à cestuy sciège, y
allirent plusieurs seigneurs de Mets. Et furent grant piesse devent
ycelle 2, tant que, à la fin, il ce rendirent audit duc de Calabre, et
devint ledit conte de Petitte Pier son homme, et fut remis ledit sei
gneur de Biche en possession comme devent.
Durans ce tampts que le devent dit duc de Lorranne et les seigneurs
de Mets estoient fuer du païs, comme dit est, fut une journée entre
mon seigneur Conraird, leur 3 évesque de Mets, et le devent ait Joachim,
cappitanne de Gorse. Et fut ce fait couvertement en traïson, cuydant
souprendre ledit évesque ; maix il s en apparçeut, parquoy il s ep
vint fuiant par tout auprès de Sainct Amant jusques à la porte Saint
Thiébault.
Le chasteaux d’Ancei prins par trahison. — Et, quant le dit Joa
chin vit qu’il avoit failly à sa prinse, il s’en retournait, lui et ses gens,
par devent Ancy. Et, là venus, il firent acroire au bon homme 4 qu’il
a. M : Bebmont.
1. Il faut corriger : et fist tant que Androuin d’Ariocourt fut prins, etc. (Husson,
p. 88 ; Huguenin, op. cit., p. 256). — Oriocourt, Moselle, Château-Salins, Delme.
2 D’après Huguenin, op. cit., p. 256, qui reproduit Praillon, c est devant « la ville
et chaistel de la Petittepierre » que le siège fut mis. Philippe a résumé ici très briève
ment des opérations et des négociations assez longues et compliquées.
3. lors, alors.
.
.
, ,
4. Aux bonnes gens d’Ancy. —Huguenin, op. cit., p. 256-257, raconte ces événe
ments dans le plus grand détail.
DÉMÊLÉS ENTRE GORZE ET L’ÉVÊQUE DE METZ (1447)
307
avoient paix à leur seigneur l’évesque. Et, cuidant que ce fut vérités,
lesdit d Ancey ouvrirent leur fort moustier, et les cuidoient festoier.
Et, tantost, les gens d’icelluy Joachin commensairent à braire et à
crier . « A mort ! A mort ! Ville gaingnié ! », et entraient on moustier,
et buttinairent tout ce qu il trouvèrent de bon. Et, avec ce, prinrent
les hommes ; et enmenèrent bien XL prisonniers, et tous les milleur
de la ville.
Trêves ralongée de ij ans. — En celle meisme année, qui fut l’an
VIIIe de 1 ampire du devent dit ampereurs Phéderich, le premier jour
d’avril, les trêves d’entre lesdit roys de France et d’Angleterre furent
ralongées de deux ans.
Nicolas ve pape de Romme. — En ce meisme ans mourut le duc de
Millan. Aussy le pappe Eugène, Ve de ce nom, ala de vie à trespas le
XXIIe jour d avril, après ce qu’il eust esté long tempts persécuté du
concilie de Basle, en l’an XVe de sa papalité. Après luy fust esleu messire Thomas de Sirsane 1, cardinal de Boulongne, natif de Genefve, et
appellé Nicollas Ve. Ce pape, en moins d’ung ans, fut fait évesque de
Boulongne, et cardinal, et finablement esleu pape, le lundi VIe jour de
mars, et couronné le XIXe dudit moys. Non ostant ne cessa pas in
continent le scisme de l’Église ; car tousjour le devent dit Amé,
à présant nommé Félix, de Sçavoye, se réputoit tousjour pour pape 2. 3
Ledit Nicollas estoit grant théologien et homme moult scientifique ;
païquoy, petit a petit, il fîst tant qu’il eut obéyssance : dont chescun
s esmerveilloit, considéré qu il estoit natif de gens de petit estât.
Il répara en la cité de Homme maintes édifices trébuchéez, et les murs
d’icelle ville, pour la crainte des Turcz. Semblablement, il envi
ronna le palais d’ung grand mur. En son quaitriesme ans, il célébra le
jubillé. Il fîst nouvelle monnoie, moult pesante. Il canoniza on jubillé
devent dit sainct Bernerdin, de l’ordre des Frères Prescheurs. Et
plusieurs aultres chose fîst ledict pape Nicollas en sa vie digne de
mémoire.
Mais de luy et de ces fais cy lairons le pairler, et retournerons à
nostre prepos des fais de Mets et de plusieurs aultre besoingne.
Paix entre ceulx de Gorse et leurs capilainne Joachin ^. — Item, en
celle dicte année, fut faicte paix entre le devent dit Joachin, cappitenne de Gorse, et le dit évesque. Et, parmy la somme de XVe frant
qu’il devoit paier, fut randus le moustiet d’Ancy, quant il l’oit tenus
loing tempts.
En celle meisme année, se partirent de Mets pour aller en Jhérusalem le seigneur Jehan de Warixe et le seigneur Pier Renguillon ; et
partirent de la cité de Mets le XXIIIIe jour de juillet, et revindrent
le lundemains de la saincte Katherine.
1. Thomas de Sarzane, cardinal-évêque de Bologne, né près de Luni, en Toscane
2. Voyez p. 232, n. 1.
3. Paix entre ceux de Gorze et leur capitaine Joachin, et l’évêque de Metz. Cette
paix est de mai 1447 ; l’évêque dut payer quatre mille florins (Hubuenin, ôp. cit
p. 257).
’
308
JEAN BOULAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1448)
Disposition a de temps. — Item, en celle meisme année, y oit en Mets
de diverse pris de vivre. Car, durans l’esté, l’on vendoit la quairte de
vin XII deniers, et n’estoient mye des milleurs. De quoy c’estoit grand
chier tempts, cellon la monnoie qui courroit alors, car ung gros de
Mets ne vailloit que XII deniers. Et fut on encor tel fois que l’on n’en
sçavoit finer pour argent *1. Et ce vandoit la quairte de servoise 2
III deniers, et II1I deniers en plusieurs lieu. Maix, tantost que la
vandange et la sainct Remy vint, le benoît Dieu y mist sa graice, car
on en oit à cy grand planté que on donnoit la quairte du milleur vin
pour III denier, et le plus manre 3 à ung denier (qui estoit aussy bon,
ou milleur, que celluy qu’on avoit vandus ung peu devent à XII de
niers). Et la quairte de froment, II sols VI deniers, ou III sols le mil
leur ; de quoi c’estoit ung grand miracle de Dieu.
Cy retournerés à parler au fais de la cité de Mets, et a maistre eschevin d’icelle.
Mil iiijc et xlviij b. — Après ce que cy dessus avés oy, et en l’an IXe
de l’ampire du devent dit Phéderich, quant le milliair courroit par mil
IIII cent et XLVIII ans, fut alors créés et fait maistre eschevin de
Mets le seigneur Jehan Bollay.
Honneur réparée. — Et, en la dicte année, le mairdi après la Magdellaine, fut tenue une journée au lieu de Mets pour le fait de Thiéry
George 4, que le prévost de Briey avoit heu fait indehuement et sans
cause pandre et estranglier. A laquelle journée furent les seigneurs du
conseil de mon seigneur Jehan, duc de Calabre. Et en fut fait accort,
par ainsy que ledit prévost promit et cranuit en la main des devent dit
seigneurs de la cité de faire despendre le corps dudit Thiéry, et, avec ce,
le faire ensevellir du tout de ces coustanges, là où il plairait aux enfi'ans dudit Thiérey, et de faire son service honnorablement. Et promist
de donner a la femme et aux deux anffans dudit I hiérei, touttes leui
vie durant, XXVI quairtes de bledz de rante. Et fut ledit Thierrey
despendu par ung des sergent dudit prévost, acompaigniés de toutte
la justice de la dite ville de Briey, et en présance de la femme, des
deux anffans et de plusieuis des amis dudit Thiérey ; et fut honnora
blement pourtés ensevellir par les propres hommes et verlet du chastel
de Biiey, à torche ardantes et à cloche sonnantes, et fut ensevelly en
l’église dudit Briey. Et, celluy jour, fut dicte et chantée une haulte
messe et VI pettittes, et touttes au frais dudit prévost. Et, ad ce faire,
a. M : dispotition.
b. M : mil vc et xlviij.
1. Encor arrivait-il, que, même avec de l’argent, l’on ne pouvait s’en procurer
(finer).
2. Cervoise, bière.
.
.
3. Mauvais. Ce mot, qui correspond au français moindre, vit encore en patois
lorrain (Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle, art. manre).
4. Thiry Geuxe dans Huguenin, op.cit.t p. 259-260, et p. 263. foute cette affaire
est longuement exposée dans Praillon.
LE GOUVERNEUR DE LUXEMBOURG A METZ (8 SEPTEMBRE
1448)
309
y fut envoiez de par la cité Collin de Silley, soldoieur de Mets, pour en
rapourter les nouvelle.
Le bastard du duc de Bourgongne en Mets. — Puis, en l’an dessus
dit, le VIIIe jour de septembre, Coiunble 1, bastard du duc Phelippe
de Bourgongne, et gouverneur de la duchié de Lucembourg, vint en
Mets par assurément. Et y demouia quaitre jours ; et luy fist la cité
présant de trois cawes de vin, de XXXII piesses de gros poissons, et
de cent quairtes d’avoine. Et, de par le chappistre de la Grand Église,
une cawe de vin, un gras buef, XII chattrons, et mil quairtes d’avoines.
Et, de par le chappistre de Saint Salvour, une cowe de vin et XXV
quairtes d’avoines. Et fut grandement festoiez par les seigneurs de la
cité, et reconduit jusques à Thionville.
Juyfue mariée. — En celle meisme année, le Xe jour de janvier,
Jehan Maixeroy, alors clerc des eschevin du pallas de Mets, qui par
l’espace d’ung ans et XIIII semaines avoit haubergiés et gouverné
du tout de ces coustanges, pour l’amour de Dieu, une josne fille
payenne et juifve qui avoit renonciez à père et à mère et à tous les
biens du monde, et s’avoit fait baptiser et avoit non Lize, icelle fille
fut mariée cellui jour, et espousait ung jonne filz, appellés Jehan
Collard, clerc et servant dudit Jehan Maixeroy. Et à celle nopces
furent la plus grande partie des seigneurs et dames de la cité, et aussy
y furent moult grand nombre d’aultres gens, tant d’église comme
merchamps et aultres hommes gens de mestier ; et y oit à celle nopces
environ VIII cent personnes. Et fut dit que ce fist faire ledit Jehan
Maixeroy, et qu’il donnait encor audit mairiaige faire la somme de
deux cent livres de messains.
Pape Nicolas pasible. —Item, en celle année, fut donnée plaine obéis
sance au pappe Nicollas devent dit. Et alors cessa le sciesme de 1 Église,
par le moien que le devent dit Amés, en son jonne eaige duc de Savoie,
et esleu pappe de Romme, nommés Félix, comme cy devent est dit 2, *ce
desmit et céda totalement on droit qu’il prétendoit avoir au papat.
Et, par ainsy, en ce tampts, ce despartit le concilie de Basle, qui sur
ce estoit assemblé. Pour la dicte union de l’Église se travailla grande
ment le très crestien roy de France et son filz le daulphin : car souvant
y envoiairent embassadeurs, tel que le conte de Dunois, le prévost
de Paris, Jaicques Cuer, alors grand argentiers de France et conseillier du roy, le sire de Malicorne, chevalier, messire Jacques Juvenel
des Ursins, archevesque de Reins, l’évesque de Clermont, le mareschal
de Faiette 3, maistre Hélie, archediacre de Carcassonne, maistre
Thomas de Courcelles, docteurs en théologie, et 4 plusieurs aultres pré-
1. Cornille dans Huguenin, op. cit., p. 264.
3.’ Le° mareschal’de la Faiecte (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 52(.-Maistre Hélie
est appelé dans Chartier maistre Hélie de Pompedour. — Maistre Thomas de Cou celles est un des juges de Jeanne d’Arc.
,
.
4. Il faut mettre un point après théologie, et ajouter : Aussi y allèrent 1 archevesque
de Trêves... (Jean Chartier, op. cit., t. II, P- 52).
310
JEAN BAUDOCHE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1449)
las et princes d Allemaines, d’Angleterre, de Savoie et d’aultre pairt.
Et fut ledit traictiet fait en la cité de Lozanne.
Fougères prinse par les Anglois. — En ce meisme ans, la ville et
chasteaulx de Fougèrez, qui est és marches de Bretaigne, vers Norman
die, fut prinse d’emblée et pillée par les Anglois. Et, en ce faisant, il
enfraignirent et rompirent les trêves faictes entre les roys de France
et d Angleterre. Dont il en print mal au dit Anglois, comme nous
dirons ycy après.
Et, aussy en ce tamptz, y oit une grande division et commocion
en la cité de Lundres.
Mais de cez chose vous en lairés le parler, et retournerez a maistre
eschevin de Mets.
Mil iiijc et xlix.
L’an Xe de l’ampire du devent dit Phédrich,
que fut en 1 an de Jhésu Crist mil quaitre cent XLIX, fut maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Jehan Baudoche, chevalier.
L abahie de Saint Siphorien hors des murs transmu[é] en Mets. —
Et, en celle année, les seigneurs et gouverneurs de la dicte cité
mandairent l’abbé de Morimont affin de venir pairler à eulx. Et firent
tant envers ledit abbé et envers ledit Jehan Maixeroy, que alors estoit
leur maiour et recepveur en Mets, que touttes les maisons et menandie sceant en la paroiche Sainct Vy qui appartenoient à la dite abbaïe
de Morimont furent donnée à l’abbé et couvent de Sainct Siphoriens,
pour une grosse somme d’argent que l’abbé Poince de Champel, alors
abbé dudit Saint Siphoriens, pour luy et pour son couvent, paiait
audit abbé de Morimont. Laquelle somme d’argent ledit abbé de
Morimont en affranchit XX livrez de redimus 1 qu’il debvoit chacun
■ ans en plusieurs lieu. Et, avec ce, donnairent encor les devent dit
seigneurs de Mets audit Sainct Siphoriens la place c’on dit les Mollins,
qui est enclose en la fermetés de la dicte maison de Morimon, pour
eulx haubergiers : pour cause que leur église et touctes leur maisons
et menandies, estant devent pourte Champenoise, avoient estés abbatues et aruinée à la guerre des Roys devent dictes, comme ycy devent
il est escript.
Ung jonne Sarazin babtiser. — Item, le XXe jour de maye ensuient,
fut baptisés en la Grant Église de Mets, à la prière dudit abbé de
Morimont, ung jonne fîlz, en l’eaige de XV ans, qui estoit Sarrazin.
Et le baptisa maistre Régnault, curé de Sainct Mercel et chainoine
de la dicte Grant Église ; et seigneur Jehan de Warixe, et ledit Jehan
Maixeroy, le clerc, furent pairains, et la femme Jehan de Heu en
fut marenne.
L entrée du duc Jehan de Calabre en Mets. — Puis, en celle meisme
année, le thier jour de septembre, le duc Jehan de Calabre, fîlz de
Régné, roy de Secille, duc de Bar et de Loherenne, et marchis, vint
en la cité de Mets, à grant compaignie de nobles, chevalierz et escuiers.
1. Redevances.
EMPRUNT DE GUERRE REMBOURSÉ A METZ (1449)
311
Et les seigneurs d’icelle luy firent présant de quaitres gras buefz, de
cent quartes d’avoiennes, et L gras chattrons, et de bon vin. Et les
chainoines de la Grant Église de la dicte cité luy donnairent ung
juaulx d’argent dorés au pris et vallue de XL livres de messains.
Et, le Ve jour après, il c’en allait à Saincte Barbe, accompaignié de
la plus part des seigneurs devent dit; et y fist offrande d ung cierge de
XX livres de cire pesant, et, avec ce, y donnait une corronne d or..
Argent rendus par les seigneur de Mets aux bonnes gens qui avoient
prestes. — Item, le dimenche après feste sainct Luc euvangéliste,
fist la justice de Mets dire et anuncier par les paroches d’icelle cité
que tous ceulx et celles qui prétendoient ou volloient demender aulcune chose pour et ad cause du prest que l’on avoit heu fait à la dicte
cité pour la devent dicte guerre des Roys heussent donnez parescript,
en la main de Jehan d’Ancey, le chaingeur, tous lez drois qu’ilz pré
tendoient avoir audit prest. Et fut rendu à chacun et chacune le quair
des sommes qu’ilz avoient prestés, et non plus.
Procureur déposés. — Or avint, en celluy tampts, le XXIII jour
de décembre, que ung clerc coustumiers de la cité, nommés Jehan
Bertrand l’escripvain, alors demourant à Mets, on heu c’on dit En
Chambre, lequelle Jehan estoit plaidoieur commun et sermentés, et
estoit pour lors procureur pour les gouverneur des bons mallaide de
Longe a we en fait d’une teneur qui estoit ventée 1 contre Jaicomm
du Cloz, de Lorey devent Mets, de laquelle tenour seigneur Wiriat de
Toul estoit Trèzes du discord de la dicte tenour, et recepvoit les mons
trance on dit discord des deux parties, ledit Jehan Bertrand, en visi
tant les monstrance en la mains du clerc dudit seigneur Wiriat de
Toul, mist sus les monstrance de l’adverse partie, là où il y avoit monstrance pour Jaicomin du Cloz, et il mist monstrance, pour Je an
Bertrand. Et, pour celle cause, ce en esmeust et en avint ung gran
desbat et une grand questions ; et tellement alla la chose, et vint a
telle jeux que le clerc dudit seigneur Wiriat se fist pranre et mestre en
l’ostel de la ville, et pareillement ledit Jehan Bertrand aussy. Et puis
furent tous deux mis on pallais. Cy fut trouvés que ledit Jehan Ber
trand avoit ce fait ; pour laquelle offence il fut condemnez à paier
cent livre d’amende, et bannis ung ans hors de Mets. Et, avec ce, tut
déposé de plaidoier ne d’estre procureur pour aultrui par l’espasse
de X ans.
, ,
Murtre commys du marit à sa femme. — Item, en celle annee, la vigille de la Chandelleur, avint paireillement en Mets ung aultre cas,
plus grief que cellui devent dit, duquelle je vous ait ycy par es. a
Thiriat Kairel, l’amant, qui alors estoit Trèses, trouvait nuittanmen
en son hostel ung chanonne de la Grant Église de celle dicte cité, et
1. Teneur, plainte écrite en justice ; se vanter de, s’autoriser de, s’appuyer sur ?
Sur cette affaire, I-Iuguenin, qui suit Praillon est beaucoup plus expliciteJpJ67-268)
Jean Bertrand « gratina et raisit sus le doz des monstrances de sa contrepartie et les
appropria pour luy et sa partie ». Il y avait donc faux en écritures ; c est ce qui explique
la gravité des sanctions prises.
312
TRÊVES ROMPUES ENTRE FRANCE ET ANGLETERRE (1449)
archediacre de Mersal, de cost sa femme. Parquoy ledit Thiriat, cuidant tuer ycelluy prebstre, tuait sa femme, qui estoit toutte nue,
et qui se boutait entre deux, le cuidant deffandre et salver en criant
à son mary mercy. Mais ledit marit, furieulx et plains d’ire, cuidant
assener d’une courte daigue qu’il tenoit à cellui archediacque, comme
dit est, vint le copt à dessandre entre les deux poitrine de sa femme,
qui alors estoit l’une des belle de Mets, et, là, faulsait 1 tout parmi
le corps ; et cheust morte entre eulx deux. Et, avec ce, navrait ledit
cbainoine , lequelle à bien grant paine ce salvait. Et puis, ce fait, c’en
allait ledit Thiriat conter ces nouvelle à sa damme, mère à la dite sa
femme 2. Puis, incontinant, c’en aillait dessus la pourte ; car il estoit
en semaigne pour gairder. Et, là, secrètement, des dessus les murs de
la cité et androit du meix Charles, ce avallait de dessus yceulx murs
à l’avallée, et c’en fouist hors de la ville. Et, quant les seigneurs d’icelle
cité, le conseil et les trèses jureis de la justice sceurent la vérité du fait,
mandirent audit Thiriat que seurement il retournait ; et luy fut tout
pardonnés ; et, avec ce, toucte la sienne chose, que justice avoit
saixie, luy fut randue et restituée. Et ledit chainoine, pour ces desméritte, fut à cent livre de messains d’amende. Mais ce luy estoit
peu de chose, car il méritoit à souffrir plus grant paines.
Cy vous en lairés le parler, tant de lui comme de plusieurs aultres
chose estre advenue en ce païs. Et veult aulcunement retournés aux
fais merveilleux d’icelle mauldicte et pestilancieuse guerre des Fransois
et des Anglois ; lesquelles en ce tampts firent plusieur rancontre et
escarmouche, comme cy après oyrés compter.
Trêves rompue. — Vous devés sçavoir et entandre que, durans
ces jours, furent les trêves rompue, devent que le termes fut passés ny
acomplis. Et furent, premier, des Anglois, et puis des François, par
cautelles, prinse ville et chasteaulx les ung dessus les aultres, comme
cy devent ait estés dit ; et firent plusieurs course et riblerie ; et tant
que la guerre fut ouverte comme devent. Et encor plus, car alors les
François olrent bonne fortune.
Le duc de Bretaingne pour le roy de France. — Et tellement que, en la
devent dicte année mil quaitre cent et XLIX, le duc de Bretaines,
avec tous ces parans, barons et alliés, promist a roy de France de le
servir de sa personne et puissance par mer et par terre à l’encontre
desdit Anglois, et que jamais ne feroit paix, traictiet ne abstinence de,
guerre que ce ne fut de son consentement, congé et plaisir. Et, de
cest alliance, en bailla a roy lettres patentes, signées de sa mains et
des barons de son pais ; et semblablement luy fist le roy. Et, alors, fut
guerre ouvertes d’iceulx seigneurs en l’encontre desdit Anglois.
1. Força, pénétra violemment. Forcer et fausser se prononçaient à peu près de
même.
2. Huguenin, op. cit., p. 268 : « Et ce faites*en alla ledit Thiriat desclairer le cais au
père de sa femme, lequel luy dit qu'il se sauvast. »
LA NORMANDIE RECONQUISE PAR LES FRANÇAIS (1449)
313
Le paiis de Normendie recouvert pour le roy. — Parquoy, toutte cest
année, yver et estés, fut amploiés à la recouvrance du païs de Nor
mendie, la haulte et la baix.
Et, premier, fut prinse Vernoyl 1 ; puis une aultre bande print Nogent ; aussy furent prinse Chambraseux dessay Focam. Paireill ment
fut prinse Mente 2, le chasteau de Longnei, puis Vernon, le Neuf Chastel, Allenxon, Maulisson, Argenton, le Pont de l’Airche, Gerberoy,
Conac, Saint Vial Grin et Conches. Après, fut moult vaillanment
prinse Pontheau de Mer 3, en laquelle furent que mors que prins
IIIIC et XX Anglois.
Et, en ce meisme tampts, lesdit Anglois furent par le duc de Glas 4
desconfis par deux fois en Escosse ; et, à celle desconfiture, en y mou
rut environ XXII mil Anglois.
Puis furent en ce meisme tampts reprinse Gournay 5, Dangu, Har
court et la Rouche-Guion. Après fut reprinse la cité de Coustance 6,
gisant en la basse Normandie, et l’abbaye de Fécamp, et pareillement
la ville de Sainct L6, Thorgny, Haville, Reneville, Le Hommet, Beusteville, Hambre, La Mote, La Haye du Puis, Chantelou, Laune, et
plusieurs aultrez petitte places à l’environ, que touttes furent prinse
desdit François sus les Anglois. Encor furent prinse Argenton 7,
Gisors, Château Gaillairt, Toucque, Dyennes, et plusieurs aultres
forte place et chasteau.
Rouuen, principalle ville de Normandie, rendue a roy. — Et, en ce
meisme ans, on mois d’octobre, fut mis le sciège devent Rouen 8
durant l’espace de VI sepmaines, esquelles durans furent fais mainte
1. Philippe résume ici, en une page, près de cent pages de Jean Chartier. Les noms
sont énumérés dans un complet désordre, sans souci de la succession des événements,
ni de la situation géographique. Nous citons, à côté de la forme de Philippe, celle de
Jean Chartier, avec la référence, et, le cas échéant, entre parenthèses, la forme actuelle.
Vernoyl, Verneul ou Perche, t. II, p. 80 et sqq. ; Nogent, Nogent-Pré, t. II, p. 84 ;
Chambraseux dessay Focam, Chambrois ou Chambrais en Normandie, t. II, p. 120.
2. Mente, Mantes, t. II, p. 94 et sqq. ; Longnei, Loigny ou Longny, t. II, p. 101 et
sqq. ; Vernon, t. II, p. 103 et sqq. ; le Neufckastel, le Neufchastel de Nicourt, t. II,
p. 119 et sqq. ; Allenxon, Alençon, t. II, p. 126 et sqq. ; Maulisson, Mauléon, t. II,
p. 127 et sqq. ; Argenton, Argentan, t. II, p. 131 et sqq. ; le Pont de V Airche, le Pont
de l’Arche, t. II, p. 137 ; Gerberoy, t. II, p. 74 ; Conac, Cognât, Conat, t. II, p. 74
et n. 1 (Cognac) ; Saint Vial Grin, Saint Maulgrin, t. II, p. 74 et n. 2 (Saint Maigrin) ;
Conches, t. II, p. 74.
3. Pontheau de Mer, Ponteau de Mer, t. II, p. 85 (Pont Audemer).
4. Le comte de Duglas, t. II, p. 88.
5. Gournay, t. II, p. 113 et sqq. ; Dangu, t. II, p. 112-113 ; Harcourt, t. II, p. 115
et sqq. ; La Rouche Guion, La Roche Guyon, t. II, p. 116 et sqq.
6. Coustance, Coustances, t. II, p. 124 (Coutances) ; abbaye de Fécamp, t. Il, p. 121 ;
Sainct Lô, t. II, p. 124 ; (châteaux de) Thorgny, Torigny, t. II, p. 125 ; Haville, Hauville, ibid., id. ; Reneville, Beneville, ibid., id. ; (ville) le Hommet, le Hommel, ibid., id. ;
(châteaux de) Beusteville, Beusseville, ibid., id. ; Hambre, Hambie ou Hambre, ibid.,
id. ; La Mote, La Motte l’Évesque, ibid., id. ; la Haye du Puis, ibid., id. ; Chantelou,
ibid., id. ; Laune ou l’Aune, ibid., id.
7. Argenton, Argentain ou Argentan, château, t. II, p. 131 ; Gisors, t. II, p. 135 ;
Château Gaillairt, le chasteau de Gaillart, t. Il, p. 133 ; Toucque, château, t. II, p. 130 ;
Dyennes, Yemmes ou Hyemmes, château, t. II, p. 130.
8. Jean Chartier, t. II, p. 137 et sqq.
LE ROI DE FRANCE ENTRE A ROUEN (1449)
314
vaillans assaulx ; et y furent fait plusieurs chevalier. Et fut la cité
prinse et réduicte au roy de France moyennent l’ayde dez habitans.
Et demourairent lez capitenne englois en nottaige 1 en ycelle jusque
ad ce qu’il eurent fait randre et restituer au roy touttes les aultres
plaice, ville et chasteau qu’il tenoient encor audit païs, qui n estoient
pas en nombre petit. Et, avec ce, paièrent une grand somme de denier
a roy pour ranson. Et, à celle prinse, y estoit le roy françoys en sa per
sonne, le roy de Cecille, les contes de Dunois, de Clermont, du Maine,
de Sainct Pol, de Nevers, de Castres, de Tancârville, d Évreux, de
Dampmartin, le viconte de Limage 2, le cadet d’Albret, le baron de
Tremel 3, chancellier de France, le sire de Culant, grant maistred ostel
du roy, messire Philippe, son frère, mareschal de France, le seigneur
de La Fayette, Ferry, mon seigneur de Lorraine, et Jehan, mon sei
gneur son frère, le sire de Blanville, messire Théaulde 4, seigneur
Pier de Louvain, messire Robert d’Estampes, les sire de Malicorne,
de Gaucourt, de Bueil, d’Orvall
de Mont Gaston ®, de Précigny,
de la Bessière de Maulny, de Prully 8, de Chally, de Brion, de Beau
vais, de Laon, messire Pier de Bresay, séneschal de Poitou, Floquet,
baillif d’Évreux, et le baillif de Berry, le patriarche d Anthioche, 1 évesque de Lisieux. Et, sur tous ceulx qui aidairent à la prinse de la dicte
cité, ce fut l’archevesque d’icelle, qui ennorta 9 son puple à chasser
yceulx Anglois dehors. Et tellement que, avant le premier jour de
novembre, qui est le jour de la Toussâmes, furent yceulx Anglois
tous mors ou prins ou expulsés hors du païs.
L’entrée du roi à Rouuen. - Et, à ycelluy jour, après la sollanités
de la feste acomplie, fist le roy son antrée en grand triumphe, magni
ficence et pompe royalle, autant ou plus que jamaix fist roy en ville.
Et, après ces victoire heue, fut randue a François, comme dit est
devent, tout le rest de Normendie, telz comme Belesme, que le capi
taine Mathagot 10, anglois, tenoit. Et. aussy, après plusieurs essault
donnés, fut randue Harfleur aux François .; et pareillement Honnefleur, port de mer. Et, jà ce que, en ce tampts, il fesist ung merveilleux
et froit yver, et plus qu’il n’est de coustume, néantmoins n’abandon1. En otage.
2. Viconte de Lomaigne, Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 156, 166.
3. Seigneur de Traisnel, ibid., id. C’est Guillaume Jouvenel (Juvénal) des Ursms,
pli
Tl PPllPT
HP
rT’fITIPP
4. Messire Théaulde de Valpergue, ibid., p. 161. — Le sire de Blainville est Guil
laume d’Estouteville, ibid., t. II, p. 133, n. 11.
.
,
,
5. Le seigneur d’Orval n’est autre que Charles d’Albret, op. cit., t. Il p. Ibb et n
— Le cadet d’Albret, cité plus haut, est Arnaud Amanieu, sire d’Orval, op. cit., t. Il,
p. 133 et n. 5.
,9
6. Bertrand de la Tour, seigneur de Montgascon, ibid., t. II, p. 133 et n.
7. Pierre de Beauvau, seigneur de la Boissière ou Bessière, ibid., t. il, p. 134
8.' Pierre Frotier, baron de Preuilly en Touraine, ibid., t. II, p. 133 et n. 15,
9. Enorter, exhorter. De tous ceux qui contribuèrent à la prise de Rouen, c est
l’archevêque de Rouen qui joua le rôle le plus considérable, en exhortant, etc
10. Matthew Gough. Voyez p. 219, n. 2 (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 175 et n. ij.
GEOFFROI D’ESCH, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1450)
315
nairent jamaix le siège. Et prinrent encor la ville de Vire, et Avranches. Et par aincy furent lesdicte ville prinse, et tout le païs réduit
à l’obéissance du roy Charles.
Et, après plusieurs victoire, le roy d’Angleterre renvoia audit païs
ung capitenne, nommés Thomas Quirielle *1, acompaigniez de grand
puissance, et aussi Mathagot. Lesquelles, après plusieurs chose par
eulx faictes, furent des François rancontrés entre Bayeux et le Cher,
en ung villaige nommés Fermigney 2 ; auquelle y oit grosse journée,
car des Anglois, à ce jour, mourut quaitre mil sept cent soixante et X.
Mais, avent que jamaix y oit copt frappés, c’en fouyt Mathagot avec
les siens. Et, à la dicte journée, fut prins le dit Thomas Quirielle, avec
mil aultrez Anglois de illustre noblesse. Et, de toutte l’armée des Fran
çois, n’en fut des mors que huict tant seullement.
Procession faide. — Parquoy, lez nouvelle venue à Paris de tant
belle conquestes, grand victoire et bonne fortune, fut ordonnées une
pourcession de douze mil anffans, qui furent asamblés au simetiers
Sainct Innocent, et, de ce lieu, furent menés en belle pourcession et
ordonnance, tenant chacun ung scierge en la mains, jusques à l’église
Nostre Damme, en laquelle fut grâces et louuange randue à Dieu et à
sa benoitte mère.
Cy vous lairés à présant de cez chose le parler, et retournerez a
maistrez eschevin de Metz et à plusieurs aultrez acomencement de
guerre.
[DIFFÉREND ENTRE LA VILLE DE METZ ET LE DUC DE LORRAINE
ET DE BAR ; SUITE DE LA GUERRE ENTRE LES FRANÇAIS
ET LES ANGLAIS : l45o-l453]
Mil iiijc et l. — Puis, en l’an XIe de l’ampire dudit Phéderich l’ampereur, qui fut en l’an de Jhésu Crist mil 1111e et L, fut alors maistre
eschevin de la devent dicte cité de Mets le sire Geoffroy Dex, cheva
lier.
Le jubilé à Rome. — Et, en celle année, fut l’an jubillé à Romme ;
et y furent plusieurs personnes de la dicte cité. Desquelx il en y oit a
VI ou VII des mors en chemin.
Office vendue en Mets. — En cellui tampts, c’est assavoir le
XXVIIe jour de may, mourut Jaicquemin de Chaallon, clerc des
Trèzes ; et, on mois de jung après, lesdit Trèzes vendirent ycelle
office à Gillet le Bel ; et en paiait la somme de trois cent et L livres,
et. M : il n’en y oit.
1. Messire Thomas Kyriel (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 191).
2. Formigny (avril 1450).
316
DIFFICULTÉS ENTRE LES LORRAINS ET LES MESSINS (JUILLET
1450)
monnoie de Mets ; et, encor daventaige, paiait VI florins de Rin,
lesquelx VI florin furent donnés à l’ouvraige de la fabricque de Nostre
Damme au Champts, laquelle avoit estés abatue à la guerre des Roys
devent dicte, et la refaisont on refïaire en cest année.
Requise faicte à ceulx de Mets. — Item, le Xe jour du moix de juil
let, seigneur Loys de Haracourt, évesque de Toul, seigneur Géraird
de Haracourt, chevalier, son frère, et seigneur Robert deRaudrecourt,
chevalier, bailly de Chaulmont, acompaignié de plusieurs compaignons d’armes, vinrent en la cité de Mets par essurement. Et, au len
demains, après les VII heures du mattin, se firent les devent dit sei
gneurs mener devent les Trèzes et devent le conseil de la cité. Et, illec,
fist1 le dit seigneur Géraiid de Haracourt, chevalier, pour et on non
du roy Charles de France et de René, roy de Cecille, desquelz il pourtoit lettres de crédance desdit deux seigneurs adressant à la cité de
Mets ; et fut leur proposicion telle qu’il demandoit à la dicte cité pour
et on non desdit deux seigneurs le corps de seigneur Nicolle Louve,
chevalier, et de Jehan Louve, son frère, pour estre prisonier en la
mains du roy de France, pour faire sa volunté ; et, oultre plus, cent
mil florin de Mets d’amende pour paier audit roy de France, pour
tant qu’il volloient dire que la cité avoit enfrain et rompus la paix
cy devent escripte, que fut faicte l’an mil ÏIIIC et XLIIII, pour
cause de certain gaige et proie 2 prinse en la duchié de Bar sus le sei
gneur Geoffroy d’Apremont par ledit seigneur Nicolle Louve, cheva
lier, et Jehan Louve, son frère. Et, avec celle proposicion, prononsait
ledit seigneur Géraird de Haracourt tout en présance des dit Trèses
et du conseil plusieurs laides, villaines et injurieuses parolles touchant
l’honneur de la cité, des Trèzes, conseil et seigneurs d’icelle. Et tellement
que, ce les Trèzes n’eussent doubtez le roy, et aussy pour l’honneur de
la dicte cité, certainement le devent dit seigneur Géraird heust estés arrestez, car luy meisme avoit enfrain et rompu son essurement.
Ordonnances d’amener les biens en Mets. — Et, tantost après, fut
fait un huchement en la plaice devent la Grand Église que tous les
fourains du païs de Mets heussent amenez, le plus brief qu’il polroient,
tous leurs bledz, vins et biens meubles, et que d’iceulx bledz et vins
ne paieroient point de malletoste à l’antrée, ne aussi à l’issue, ce aulcuns en estoit remenés dehors.
L’église des frères Baude beneite. — En celle meisme année, le
XXVIe jour du moix de juillet, fut bénitte et consacrée par frère Jehan
Ysambar, souffragant de Mets, l’église dez frère de l’Observance,
dict les frère Baudez, nouvellement fondée, et scituée en la dicte cité,
en Grant Meize.
Huchement fait. — Item, tantost après et en la dicte année, les sei
gneurs et gouverneurs de la chose publicque en Mets advisairent et
1. Le verbe faire n’a pas de complément : faire pour quelqu’un signifie : agir au
nom de quelqu’un, représenter quelqu’un.
2. Pannie dans Huguenin, op. cil., p. 269.
UNE AMBASSADE MESSINE AU ROI DE FRANCE (7 AOUT 1450)
317
furent en conseil sur cest affaire, assavoir mon cornent il polroient
faire encontre d’icelle amutacion 1 et encomencement de guerre que
lésait de la duchiez de Bar et de Lorraine leur préparoient. Et telle
ment que, après plusieurs chose faicte et ordonnée sus cest affaire,
il firent huchier sus la pier devent la Grand Église que tous ceulx et
celles de leur menans et subgectz qui s’en yroient demourer hors de
la dicte cité de Metz et du pais d’icelle pour aller en duchiez de Bar
et de Loherenne ne pouroient retourner en la cité jusques devent
X ans passés, sur grosses poinnes et amandes, et au resgart de la jus
tice 2.
Les seigneur de Mets vers le duc de Bourgongne. - Et, après ce huchement fait, il fut encor conclus et déterminés par le conseil de envoier
aulcuns noble homme par devers le duc Philippe de Bourgongne
pour les affaire de la cité. Et, à ce voiaige à faire, y furent comis sei
gneur Nicolle Louve et seigneur Pier Renguillon, ambdeux cheva
liers. Et, premier, c’en allirent à Lucembourg par devers le devent dit
Cornille, bastard dudit duc et gouverneur d’icelle duchié de Lucem
bourg, pour luy dire et compter cornent les Barisiens et Lorrains
avoient entreprins de faire clore les pais et duchiez de la dictes Lucem
bourg, parquoy, on non de la cité, il luy priairent et supliairent qu’il
ne volcist mie ce faire. Laquelle chose leur fut ottroiez et acourdés.
Et, avec ce, il leur dist et promist que, ce lesdit de Mets avoient
besoing de ces bonnes villes, chasteaulx, forteresse et gens d’armes,
tout est oit audit de Mets octroiez et habandonnés, car il savoit bien que
c’estoit le grey et volunté du devent dit Phelippe, duc de Bourgongne.
Leclres de ceulx de Mels envoiéez aux roi de France. — Et, en ce meisme
tampts, lésait üe Metz envoiairent ung propre messaigier de la cité
pourtant lettres au devent ait Charles, roy de France, lesquelles faisoient mencion comment les Lorrains et Barisiens avoient accomenciez
guerre nouvelle, et ne sçavoient pour quelle cause, fors que tant seul
ement de vollunté 3. Et, les lettre donnée, retournait leüit messaigier
en Mets. Et, de part le roy, amenait avec luy ung noble hérault, appellé Bery ; et arivairent en Mets le dernier jour de juillet.
Puis, advint que, en ce meisme jour, entrait en Mets ung noble che
valier,'dit le seigneurs de Clerval, accompaignié de VIIXX homme
d’armes bien armés, pour estre a gaige de la cité.
Les seigneur de Mets s’en vont en brance. — Item, le VIIe joui du
moix d’aoust, ce partirent d’icelle cité les seigneurs ycy après nom
més ; et furent yceulx par le conseil envoiez avec le hérault du roy en
France : c’est assavoir seigneur Nicolle Louve, chevalier, Thiébault
1 Sans doute esmeutacion, action d’émouvoir, de susciter une guerre.
Zn réalité ce huchement ne faisait que répondre à une sorte de mise a 1 interdit
des gens de Metz en Lorraine et dans le Barrois (Huouenin, op. cit.,p. 269). Philippe
reprendra plus tard ces événements (p. 318-319).
3 II faut comprendre : de leur propre volonté, de leur propre mouvement, sans
raison - Le messager, la Waiile (d’après Huguenin, op. cit p. 270) demandait un
sauf-conduit pour une ambassade messine, celle qui partira le 7 août.
318
LES LORRAINS CESSENT TOUTE RELATION AVEC LES MESSINS (1450)
Louve, son filz, et VI aultre homme de guerre de leur gens, bien en
point. Avec yceulx y fut encor envoiez seigneur Poince Baudoche,
chevalier, et avec luy quaitre compaignon d’armes de ces gens. Encor
y estoit Jehan de Lucembourg, clerc des Septz de la guerre, et avec
luy trois verlet d’hostel. Et, avec les devent dit seigneur et officiez,
fut envoiez maistre Jehan Touret 1, le notaire, pour dire et raconter
la malle esperte 2 du seigneur Géraird de Haracourt, chevalier, et des
parolles villeneuses qu’il avoit dit et proposez de sa bouche, comme cy
dessus est dit, touchant les franchises et libertés de la cité, desquelles
parolles on l’en requist instrument 3. Et fut encor envoiez avec yceulx
seigneurs devent dit ung bon marchampts de Mets, appellé Cappiton,
pour dire et raconter audit roy lez grief dopmaiges fait audit mar
champts et à deux aultres marchampts, que ramenoient plusieurs
bonnes marchandies, que pouoient valloir la somme de VIII cent
escus, lesquelles leur furent ostée par les gens le seigneur Robert de
Baudrecourt, et desquelles marchandies on n’en ont point heu de
recréance. Et de touctes ycelle parolles et desdicte marchandies n’en
ont lesdit de Mets fait, dit ne prins nulles vengeances, et tout pour
l’honneur dudit roy Charles.
Et ainsy s’en sont allés les dessus dit avec leur gens. Et ont fais
leur debvoir de ce qu’il leur estoit donnés en chairge ; et ont demourés
jusques au XIIe jour du moix d’octobre, qu’il retournirent et entrairent en Mets ; et les reconduit et ramenait le devent dit hérault du roy.
Et fut dit pour vray que le roy avoit fait très bonne chier au dit sei
gneurs, et que il avoit expressément comendé à touctes ses gens que
nulz ne fist dopmaiges à eulx ne à leur païs.
Nonostant toutte ces choses et durant celluy tampts, lesdit Loherains besoingnoient tousjour de leur coustés. Et tellement que, par
les informacions d’aulcuns dez conscilliers de la dicte Loherenne, les
quelles avoient faulcement informés le roy Charles et de Cecille, avec
le duc de Calabre, parquoy, il estoient tous ordonnés et délibérés de
racomencier une très malvaise guerre encontre la dicte cité de Mets,
et de retourner en armes devent ycelle.
Comendemenl pour les Lorains de non rien amener à Mets. — Et, de
fait, firent huchier par toutte la duchiez de Bar et de Loherenne, sur
corps et avoir, et sur l’estre réputés pour traïstre, que nul ne fut cy
hardis de amener rien en Mets ; ne, avec cella, qu’il ne feissent ne
feisssent faire aulcuns confort ne ayde, ne ne partissent mot à nulz
desdit de Mets ne de la jurediction d’icelle.
Et les seigneurs et gouverneurs de la chose publicque d’icelle cité,
voiant leur intancion malvaise, inicque et perverse, firent pareillement
1. Jehan Thomas (Huguenin, op. cit., p. 270).
2. Malaperte, insolence, impertinence. Godefroy ne connaît que l’adjectif malapert,
insolent, impertinent.
3. Le notaire avait été requis de transcrire ces paroles en un acte authentique
(instrument).
MISE EN DÉFENSE DE LA VILLE DE METZ (1450)
319
huchier encontre d’iceulx Loherains et Barrisiens, et pourveoir de
remède. Et ce fut fait alors qu’il envoiairent devers le devent dit roy
en France, lequelle. pour ce tampts estoit à Tours, quérir saulconduit
pour oyr l’escusacion des devent dit seigneurs de Mets ; et y furent
comme cy dessus est déclairez.
Et firent tellement que, malgrés lez envieulx, fut vandangiez et pai
siblement recueillis lez vin et aultre biens par toutte la terre de Mets.
Et furent les vins d’icelle année bons et de bonne colleurs ; de quoy
lesd.it Loherains furent bien corrouciez et mal contant, car il avoient
intencion de les vandengier. Maix l’en dit ung prouverbe comun
essés véritable : c’est que moult remaint de ce que fol pance b
Or, en ycellui tempts et en la dicte année, fut faicte une chaussées
de pal, de fagot, de terre et de sault *2 tout au travers de la rivier de
Mezelle, devent le pont des Mors ; laquelle ne durait mye granment
qu’elle fut rompue, et fut grant pièce que nulz ne venoit en Metz, à
piedz ne à chevaulx, par ledit pont des Mors.
Ordonnances faides par les seigneur de Mets. — Après ce fait, fut
ordonnés à chescuns mestiés d’icelle cité de Mets de faire en chescune
tour desdit mestiés de merveilleux battons à feu, c’est assavoir grosses
serpentines, courtal, canons et hacquebutte.
Aussy, en celle mcisme année, y oit ung grand discord entre le
devent dit Charles, roy de France, et le seigneur Conraird Baier, évesque de Mets. Et advint ce discort pour ceulx d’Espinal, lesquelles ce
avoient donnés et mis entre les mains du roy sans le consantement
de leur seigneurs, évesque de Mets.
Cy lairés de ces chose ung peu le parler, pour aulcunement dire et
raconter des grande et merveilleuse guerre que durans ce tampts
furent en la réduction d’icelle duchiez de Normandie, la haulte et la
baix, avec le pays de Guienne.
Bayeux rendue aux roy de France. — En celle mcisme année, et
durans que ces chose ce faisoient en la cité de Mets et es pais joindant,
la mauldicte et enracinée guerre duroit tousjour de plus en plus entre
France et Angleterre. Et tellement que, en la devent dicte armée
mil IIIIc et L, envoia le dit roy Chairle son armée devent Bayeux ;
et fut par lez conte de Dunois, de Nevers, de Deu 3, de Clermont, de
Castres et de plusieurs aultres essigée en trois lieu ; et, après plusieurs
essault donnés, cellon maistre Roubert Gauguin et la Mer des Istoire,
fut la dicte ville randue a roy. Et Mathago 4, capitenne anglois, et
plusieurs aultres de grant noblesse, acompaignié de IXe homme, c en
1 De ce qu’un fol pense faire, beaucoup reste sans se réaliser.
ï. Husson p. 90, et Huguenin, op. cit., p. 271, parlent de paulx de saulx, de
pieux en bois de saule (c’est à ce moment que le Saulcis fut coupé). Il s agit d une digue
qui devait refouler l’eau de la Moselle dans la ville de Metz ; elle était faite de pieux,
de fascines et de terre.
3. Le conte d’Eu (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 204).
4. Voyez p. 314, n. 10.
320
LE ROI DE FRANCE ACHÈVE DE CONQUÉRIR LA NORMANDIE (1450)
aillirent tous, avec partie de leur baigue, et ung biaulx baston en leur
mains. Touteffois, pour l’enneur de gentillesse, leur laissirent partie
de leur chevaulx, pour pourter les damoiselle et gentilz femme d’iceulx
Anglois, lesquelles c’en ailloient avec leur mary ; et lez faisoit moult
piteux veoir, car il partirent d’icelle ville de trois à quaitre cent femmez,
sans les anfïans, dont il en y avoit grand nombre : les une pourtoient
leur petit anfians és berseaulx sur leur testes, les aultrez sur leur col,
et aulcunes en avoient des pendus à bandeaulx de toille entor elles ;
et les aultres anfïans, qui estoient grandellet, l’on lez menoit en mains.
Aussy, durant ce tempts, le conestauble de France print Bricquebec
par composicion, et Valongnes, avec Sainct Salveur.
Plussiedr ville de Normendie réduite aux roy. — Item, aussy, après
plusieurs baitailles, assault et rencontre, tant d’ung cousté que d’aultre,
cellon les cronicques que de ce en sont faictes, furent prinse les villes
ycy après nomméez.
Premier, Caen, qui fut assaillie et minée tellement qu’elle fut prinse
par composicion. Et en ycelle estoit le duc de Sonbresset 1, sa femme
et ces anffans, messire Robert, itère du conte de Suffort 2, et plusieurs
aultres, jusques a nombre de quaitre mil Anglois, qui c’en allirent tous,
leurs corpts et leurs biens saufz. On dit siège estoient présens les roys de
France et de Cecille, le duc de Calabre, son fîlz, le duc d’Alençon, le
connestable de France, les conte de Dunois, du Maine, de Clermont,
de Saint Pol, de Tancarville, de Castres, de Laval, les sires de Lohéac,
de Montauban, le mareschal dë Bretaigne, le senelchal de Poictou,
messire Jaiques de Luxembourg, Flouquet, baillif d’Évreux, le prévost
de Paris et le seigneur de Beaumont, son frère, Ferry monseigneur de
Loherenne, Jehan monsseigneur son frère, le chancellier de France,
les bailliiz de Berry et de Lion, et tant d’aultre conte, barons et gentilz
homme que ce seroit chose ennueuse à raconter.
Et, à celle prinse de Caen, vinrent devers le roy de France plusieurs
grant prinse et seigneurs envoiez par le duc de Bourgongne pour
traicter du mariaige de la fille du roy et de son filz Charles, conte de
Charoloys.
Puis, aprez la prinse de Caen, fut le sciège mis devent Fallaise. Et,
dedans XV jour après, ce randit au roy, sen grand effusion de sanc.
Dedans ycelle ville estoient mil et Ve combaitans Anglois, les mieulx
em point qui fussent en la duchié de Normandie. Et, à la prinse d’icelle
ville, estoit le roy présant, et tous lez aultrez devent dit que j’ay
nommés, avec encor aultres plusieurs.
Aprez ce fait, fut mis le sciège devent le chasteau et la ville de Dampfront, en laquelle estoient de VII à VIII cent Anglois. Et, finablement,
elle fut prinse et mise entre les mains du roy.
Et, cepandant que ces chose ce faisoient, le connestable Richemont,
1. Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 219 : Sombrecet : Edmond de Beaufort, duc de
Somerset.
2. Ibid., id. : Messire Robert Veer, frère du conte de Suÿort ou Sufolk.
LE ROI DE FRANCE RECONQUIERT LA GUYENNE (1450)
321
le conte de Clermont, les sire de Laval, et ung grand nombre d’aultre
seigneurs et jantilz homme, se partirent, par l’ordonnance du roy,
pour aller assiégier la ville et chasteau de Cherbourg. Lesquelles furent
randue le XIIe jour d’aoust.
Subtillités des Françoi. — Une chose digne de mémoire fut faicte
on dit sciège. Vous devés sçavoir et entendre que autour de celle plesse
vient chacun jour la mer deux fois ; et en la grève là où celle mer vient
estoient les canons et bombardes assorties et chargées de pierres et de
pouldres. Toutefïois, par airt et grant subtillités, ne les gastoit point la
dicte eaue, car elle estoient vestues de certaines peaulx, wyles et
grosses qui les préservoient ; et puis, quant la mer estoit retraicte, les
canonniers levoient les manteaulx et gettoient contre la dicte place.
Dont lesdit Anglois estoient moult esbaïs, car jamais il n’avoient heu
congnoissance de tel mistère.
Après celle ville prinse furent encor plusieurs aultres ville et chasteaulx asségiéez et prinse dez François et réduicte en l’obéissance du
roy, tel que Monguion *, Bergerac, Blaye, Fronsat, Arques, Rion,
Chastillon, et plusieurs aultres.
Auquelles prinse y oit plusieurs chose merveilleuse faictes, lesquelles
pour abrégiez je lesse. Mais vous devés savoir que ce fut graice de Dieu
de en cy peu d’espasse avoir conquis ung tel païs comme est Normendie
la haulte et la baisse : car cellui pais conthient VI grosse journée de
loing de quarré et de large 12, et dedans y ait une archeveschié et VI éveschez ; et, avec ce, cent que ville fermée que chasteaulx, cen celle qui ont
estés abatues durans celle guerre, lesquelles en moins d’ung ans furent
touttes réduicte à force d’arme et remise en la mains du roy Charles,
avec aucy partie du païs de Guyenne.
François, duc de Bretaingne, mort. — En celle meisme année mourut
François, duc de Bretaigne, lequellcs tout son vivant avoit cy bien servis
le roy ; et y avoit grandement traveilliés, luy et ces gens, à la recouvrance de son païs.
Après ces chose advenue, et durans ce tampts, y oit grand murtre
fait auprès de Bourdiaulx dessus les Bourdellois. Et, jay ce que Dorval 3,
capitaine du roy, et plusieurs aultres vaillans seigneurs du sanc de
Frances n’eussent avec eulx que V0 combaitans hommes de guerre, et
touttes gens à l’élitte et d’escellante vertus, avec lesquelles il assaillit
et combatist IX mil piéton des Bourdellois, desquelles IX mil en
fut XVI° des despeschiez, et XIIe et plus des prins prisonnier ; et c’en
fouyt leur capitenne à Bourdeaulx.
Cy vous lairés de ces chose le parler, et retournerés a maistre eschevin
de Mets, et aux advenue d’icelle noble cité et dez païs joindant.
1. Mont-Guyon (Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 249). — Fronsat est Fronsac (ibid.,
p. 268) ; Arques est « devers Bourdeaux » (p. 265 et n. 1) ; Chastillon est Castillan en
Périgord (p. 267).
2. Jean Chartier, op. cit., t. II, p. 234 : « ce dit pays de Normendie contient six
grosses journées de long et quatre de large ».
3. Le seigneur d’Orval, troisième fils du comte d’Albret (ibid., id., p. 246).
322
NÉMERY RENGUILLON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1451)
Mil iiiic lj a■ — Puis, en l’ans après, que le milliair courroit par mil
quaitre cent et LI ans, fut alors maistre esche vin de la cité de Mets
seigneur Nemmery Renguillon, du pairaige d Oultresaille.
Et, en celluy tampts, estoient tousjour les Lorrains et Barisiens en
leur rigeur, sans parler à ceulx de Mets, ne sans rien laissier venir hors
de leur pays ; et au cas pareille le faisoient lesdit de Mets.
Item, en la dicte année, le jour du Sainct Sacrement de 1 Autel
escheut et fut le jour de la feste sainct Jehan Baptiste.
Et, environ VIII jour après, ce partit de Mets seigneur Conraird
Baier, évesque d’icelle, pour aller en France parler a roy, pour savoir
de luy s’il luy renderoit la ville d’Espinal, ou non. Et en celluy afaire
demourait XII sepmaines, et ne fit rien de son proffit. Car, comme dit
est devent, il estoit bien empeschiez à la reconqueste de ces pays.
Yzabelz, duchesse de Brabant, morte. — Et, en celle meisme année,
on moix d’aoust, morut damme Ysabel, duchesse de Braibant et de
Lucembourg, qui avoit mis la terre en la mains du duc Philippe de
Bourgongne ; et gist celle damme au Frèies Cordelliers de Triêve.
Le duc de Bourgongne à Lucembourg. — Item, en la dicte annee, on
moix d’octobre, vint le devent dit duc de Bourgongne à Lucembourg ».
Et y demourait XV jours, durans lesquelles fist convocquer les trois
estatz d’icelle duchiez de Lucembourg pour luy faire obéissance. Et luy
fut faicte la dicte obéissance de tous les chevalier et escuiers, salve
leur honneurs.
Mortalité. — En celle meisme année fut grant mortalité a Collongne
dessus le Rin. Aussy fut il enBarrois, au Pont à Mousson, et en plusieurs
aultres Iigu.
Et, en la dicte année, furent les vandanges bien tairt. Et fut toutte
l’année tardive, et tellement que l’on chanoit encor au vin mis en
chairaulx *1, qui est la messure de Mets, quaitre ou V jours apres a
Toussaincts, et ouvroient encor les presseur à vin en yceulx jour, tant
en la cité comme dehors.
En celle meisme année se maintenoient tousjour les guerre en France
à la déduiction 2 et conqueste du pais de Guyenne. Auquelle pais
plusieur ville et chastiaulx furent en ce tampts des François assaillis ;
et y oit en yceulx assègement et assaulx plusieurs choses faicte, et
grant effusion de sanc respandus, qui seroit lomg à raconter.
Bordeaulx réduide aux roy. - Et tellement que on moix de jung
fut assiégée la ville de Bourdeaulx, cite capitalle d melluy pais de
Guyenne ; et, finalement, elle fut prinse et réduictes a 1 obéissance du
roy. Et donnait le roy grand franchise et libertés a ycelle ville et a tous
le païs joindant. Et, avec ce, y mist et constituait ung parlement et
court souveraine.
a. M : mil vc lj.
b. M : Lucemboug.
,
1. Chèrau, charretée de onze hottes du pays messin quatre cent quarante quatre
itres), dans Zéliqzon, Dictionnaire des Patois romans de la M s .
2. II faut sans doute lire réduction.
BAYONNE RENDUE AU ROI DE FRANCE (AOUT
1451)
323
Après celle réduction, tous les seigneurs et capitaine, qui estoient en
nombre de XX mil combaitans dez François, c’en retournairent repouser en leur maison.
Bayonne rendue aux roy. — Puis, le VIe jour du moix d’aoust ensuiant,
fut asségiée la cité de Bayonne, dernier ville de Gascongne. A laquelle
fut fait de grans et merveilleux assaulx ; et furent lez église et maisons
des faulx bourgz tous brullés. Après lesquelles chose faicte il ce randirent par composicion. Item, le jeudi XIXe jour dudit moix, antrirent
les François en la ville.
Blanche croix en l air. — Et, le lundemain, qui fut jour de vendredi,
ung peu après solleil levant, et que le ciel estoit bel et cler, et le tampts
doulx et serains, fut veue au ciel ung merveilleux signe : car une croix
blanche ce monstrait et fut évidantement veue par l’espace de demi
heure ; et ycelle virent magnifestement les François et Anglois. Et n’est
cecy pas une fable ou trouvée *1 2: car X mil personne estant asciège la
virent, et ce monstroit ce signe publicquement a. Parquoy, incontinant, lez Baionois, voyant ce signe céleste, ostèrent leur crois rouge
et ce randirent tous à la mercy du roy ; et priment la crois blanche
pour leur enseigne, disant qu’il veoient et congnissoient que c’estoit le
voulloir de Dieu qu’ansy fut fait. Et, ainsy, toutte la duchiez de
Guienne fut réduicte ; exepté la ville de Calais 2, car celle seullement
demoura és mains des Anglois, anciens annemis de France.
Phiedrick, empereur, espouze la fille du roi de Portingal. — Durant ce
tampts, et en l’an XIIe de l’ampire du devent dit Phédrich, duc d’Ostruche, et elleu ampereurs, le dit Phédrich print à femme Léonore,
fille du roy de Portingal ; et fut espousé 3 et courronné en ce meisme
ans à Romme, avec sa dicte femme, par la mains du pape Nicollas,
Ve de ce nom, lequelle en celluy tampts administroit l’église romaine.
Les Gantois de guerre aux duc de Bourgongne. — Aussy, durans
celluy tampts, les Gantois ce ellevairent et rebellairent encontre le
duc Philippe de Bourgongne, leur seigneur. Et olrent plusieurs guerre
et rancontre ensamble à l’ocasion d’ugne gabelle nouvellement ellevée
dessus le sel. Mais, après plusieurs ville airxe et brullée, et le pais
destruit, paix en fut faictes.
Divisions en Angleterre. — Paireillement, en ce tampts, y eut en
Angleterre grant discort entre le duc d’Yort, anglois, et celluy de
Sonbrecet, pour le gouvernement dudit royalme.
Aucy y oit grand guerre entre le roy d’Espaigne et cellui de Navarre.
Les Turcqz occupe la Grèce. — Item, durans cez chose, les Turc et
Sarrasins menoient fort guerre au crestiens ; et occupairent une partie
du païs de Grèce. Parquoy le devent dit pappe Nicolas envoia certains
cardinal en ambassade devers lez roy de France et d’Angleterre, pour
a.
1.
2.
3.
M : pubicquement.
Une fable controuvée, imaginée de toutes pièces
Chalais.
De même dans Huguenin, op. cit., p. 276.
324
PERRIN GEORGE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1452)
faire paix ensamble, et pour tourner leur armée dessus les Turcz et
donner secour à la crestientés. De tout ce fut le roy Charles très bien
comptans ; mais celluy d’Angleterre n’y voult antendre.
Parquoy, d’iceulx Turcz, dez François et dez Anglois vous lairés le
parler, et retournerés a maistre eschevin de Mets, et à plusieurs chose
faicte en ycelle.
Mil iiiic el lij. — Item, en l’an XIIIe du devent dit Phiedrich l’ampereur, et que le milliair courroit par mil quaitre cent et LII, fut alors
maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Perrin George, du paraige
du comun. Et luy escheurent les eschevinaige Jacquemin Warixe et
de a seigneur Jaicques Simon.
Mortalité à Mets. — Car, en la dicte année, estoit grand mortallité
en Mets et és païs antour ; et estoient la plus grande parties des sei
gneurs et dames en leur forteresse et lieu de plaisance dehors au champts.
Et, néantmoins qu’il ce craindissent forment et qu’il évitaisse l’air
corrumpue, cy en moiurent les plusieurs. Entre lesquelles fut mort de
celle paiste ledit seigneur Périn, alors maistre eschevin d’icelle cité, et
tellement que, le XVIIIe jour du moix d’octobre, il déviait de ce monde.
Et, tantost après, morut son filz, qui pareillement estoit eschevin du
pallais de Mets.
Parquoy on reffit ung nouvel maistre eschevin on paraige du comun,
c’est assavoir seigneur Nicolle Papperel ; et oit son eschevinaige, et son
filz Jehan Papperel oit l’eschevinaige du filz dudit seigneur Périn
George. Et demourait ledit seigneur Nicolle Papperel maistre eschevin
la dicte année durant.
Au quelle tempts estoient tousjour lesdit Lorrains et Barisiens en
leurs fureur et malvistiés.
La royne de Cecille morte. — Et, en cellui tempts, morut la royne de
Cecille, et femme a roy Régné, qui tenoit les chemin clos. Parquoy la
paix en fut faicte par la déesse Atropos.
L’an dessus dit, le XXIIIe jour de may, mourut seigneur Nicolle
le Gournaix, abbé de Sainct Vincent, tout subitement, qui avoit fait
merveillesement grant bien en la dicte eglise. Et fut esleu de part tout
le couvant, en son lieu, pour estre abbé d’icelle abbahie, messire
Jacques Chappel, prieur d’Ofîanbach : mais on luy contreniait, et n’en
polt joïr. Car maistre Guillaume Huwin, cardinal de Saincte Sabine,
l’impétrait, et envoiait ses procureurs en Mets, qui firent mestre le
cesse par toucte la cité trois jours, jusques à la vigille de la Toussains
qu’il olrent accord ensemble : tellement que ledit cardinal fut receu
abbé dudit Sainct Vincent, et ledit seigneur Jacques Chappel c’en
retournait en son prioré.
Item, en celle meisme année, et durant que ces chose ce faisoient à
Mets, y oit errier grand tribollis en France, et principalement au
devent dit païs de Guienne.
a. De a été ajouté apres coup par Philippe, entre les lignes.
NICOLE PAPEREL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1453)
325
Jaicque Ceur envoies en exil. — Et, premier, je vous veult dire et
compter cornent en ce tampts et en ces meyme jours fut accusé Jacques
Cuer, grant argentier du roy, de plusieurs chosez à luy impousée. Entre
lesquelles fut accusé qu’il avoit menés et envoiez aux Sarrasins, infidelle et annemis de nostre Foy, plusieurs armure, avec aussy des
ouvriez armuriés et aultrez faiseur de taillement *1 et instrument de
guerre, comme daigue et espée. Parquoy il fut mis en prison, et paia
grosse et infinie ransson, puis fut enviez en exil. Jai ce que aulcuns die
que on luy fist tort, et que ce ne fut fait que par couvetise d avoir ces
trésors.
En ce meisme tampts, on mois d’aoust, le roy de France envoia
deffier le duc de Savoye pour aulcunes extorcions qu’il avoit procurées
encontre la corronne de France. Et fut le roy en armes jusques au païs
de Forest pour entrer en Savoie. Mais la paix en fut faictes par le moyen
du cardinal d’Estoleville 2, qui s’en retournoit à Romme.
Ceulx de Bourdeau se révolte. — Item, on moix de septembre après,
le sire de Lespaire, à qui le roy avoit tant fait de biens, avec plusieurs
aultre Bordellois, conspiraient de ce rebeller encontre a du devent
dit Charles, leur roy, à qui il avoient fait le serment de fidélité. Et
tellement que, en ces jours, il envoiairent secrètement leur ambassaude
devers le roy Flanry en Angleterre, et promirent leur foy que, c il leur
envoioit gens d’armes, de mestre eulx et leur cité en sa mains et puis
sance. Le roy Hanry fut bien joieulx de ces nouvelles, et fist incontinant assambler une merveilleuse armée, de laquelles fut capitaine
général messire Tallebot.
Bordeaulx rendue aux Anglois. - Et, après plusieurs allée et venue,
fut Bourdiaulx remise en la puissance des Anglois cen copt ferir.
Aussy furent plusieurs aultre place à l’entour, telle que Castillon, le
fort chasteau de Fronsac, et plusieurs aultres. Et, durant que ces chose
ce faisoient, le dit roy d’Angleterre envoia environ quaitre mil combatans Anglois, ayans quaitre XX vaisseaulx, que grans que petit,
chargiez de farines et de lars, pour avitailler la dicte ville de Bourdeaulx.
Et, ainsy, avés oy les chose et merveilleuse mutinerie qui se laisoient durans ce tampts. Parquoy nous en lairons le pairler, pour
retournés à aultrez matier.
Mil iiiic et liij. — Après ces chose ainsy advenue, et en 1 an XIIIIe
de l’ampire du devent dit Phiderich, qui est de la nativité de Jhésu
Crist mil IIIIC et LUI ans, fut en ce tamptz fait et créés maistre eschevin de Mets le sire Nicolle Papperel devent dit. Et, par ainsy, il le fut
environ ung ans et demey.
a. M : encondre.
1. Taillement se dit de toute arme tranchant..
2. Le cardinal d’Estouteville (Jean Chartier, op. cit., t. Il, p. 390).
326
PAIX ENTRE METZ ET LORRAINE (JUIN
1453)
Item, en celle dicte année, le thiers jour du moix d’apvril, seigneur
Poince de Champel, abbé de Sainct Siphorien, et tout le couvent
d icelle église, furent translatés et mis en Mets, en l’église parochialle
de Sainct Hillaire ; laquelle paroiche fut alors defïaicte et anichillée.
Et fut mis la moitiez des relicque, cloche, aornement et aultrez chose
apartenant à ycelle, avec la moitiet du puple, à Sainct Vy, et l’aultre
moitiez a Sainct Victour en Chambre. Et fut ce fait le mairdi deusiesme
feste de Pasques *l, par maistre Jehan Nicollas, doien de la Grant
Église d icelle cité, et pareillement par Henriat, secrétaire, et par tous
les officiers de monseigneur l’évesque de Mets.
Différent entre le duc de Bourgongne et ceulx de Thionville. — Item,
aussy en celle dicte année, ce esmeust une nouvelle guerre : c’est
assavoir des habitans de la ville de Theonville en l’encontre du duc
Pbelippe de Bourgongne, leur seigneur. Lequelle, pour celluy tempts,
menoit la devent dicte guerre encontre les Flamans et Gantois pour
1 imposicion du sel, comme cy devent ait estés dit. Et en ycelle guerre
de Flandre a y fut mort et tués Cornellius, hastard du devent dit duc
Phelippe, et gouverneurs de la duchiés de Lucembourg, et plusieurs
aultre avec luy. Mais, pour revenir a prepos, lesdit de Theonville
entreprindrent ycelle guerre on non du roy Lancellot de Boême, voullant dire et soubtenir qu’il estoit duc de Lucembourg et leur droi
tures seigneur. Et ce tindrent très bien lesdit de Theonville. Car il
avoient bien mil soldoieurs à leur gaiges, et, avec ce, estoient environ
deux cent compaignon de la ville, jantil, ruste 2 pour ce defïandre et
assaillir. Sy ce fortifièrent et maintinrent tellement qu’il n’estoit
possible de mieulx, et en jusques à tant que seigneur Jacquez de
Ciercque, archevesque de Triêve, y trouvait ung accort. Et fut l’accort
tel que les partie se tanroient d’une part et d’aultrez et feraient absti
nence de guerroier jusques à la Panthecouste après venent, qui seroit
l’an mil IIIIC et LIIII. Et, dedans ycelluy terme, on doit faire dili
gence et enquérir a vray auquel que on ferait obéissance, ou a devent
dit roy Lancelot, ou au dit de Bourgongne, qui c’en disoit seigneur.
Le duc Jehan de Calabre ressus à Nancei. — Et, tantost après et en
celle meisme année, environ le jour de la Feste Dieu, c’on dit le Sacre
ment de 1 Autel, revint le duc Jehan de Calabre & à Nencey, pour estre
receu duc de Lorraine et gouverneur de la duchiez de Bar. Et, de fait,
y fut receu sans contredit.
Paix entre ceulx de Mets et de Lhorenne. — Et, quant ce vint en la
premier sepmaine du moix de jung aprez, on traictait la paix entre
ledit duc et les seigneurs et gouverneur de la cité de Mets. Sy furent
commis de par la dicte cité et le conseil pour y aller seigneur Nicolle
Louve et seigneur Poince Baudoche, ambedeux chevalier ; et avec
a. M : Frandre.
b. M : Calable.
1. Le mardi des festes de Paisque (Hugüenin, op. cil., p. 281).
2. Ruiste : courageux, fort.
BORDEAUX RECONQUISE PAR LE ROI DE FRANCE (1451)
327
yceulx seigneurs fut envoiez Jehan de Lucembourg, clerc dez Septz
de la guerre. Et ce trouvairent les dessus dit seigneurs a jour dit à
Nancey ; et tellement ont besoingniez que la paix fut faicte, et les
chemin ouvers par bon accort L
Conslantinoble rendue aux Turcqz. — Durans celluy tempts et en la
meisme année mil quaitre cent et LUI, les Turcz, infidelles et annemis
de nostre foy, tenans le sciège devent la cité de Constantinoble, y
bailloient chacun jour trois fois assault, que par terre, que par mer.
Et avoient yceulx chiens mescréans en leur compaignie trois cent md
hommez. Et tellement y besoingnairent, par la laichetés de Jehan
Justinien, génevois, que finablement la gaignèrent. Et fut proue et
occupée par Mahumet Othiman, prince et roy dé Turcz, en LXVI jours.
Dont ce fut grand pitiet et dommaige ; car il murtrirent et mirent à
mort l’ampereurs des Gréez, le patriarches, et tous crestiens qu 1 y
trouvèrent, sans avoir d’eulx mercy ne pitiez, non® plus que de pouvre
bestes. Et fut ce fait ledit ans, le XXVIIIe jour du moix de mars
Bordeaulx reconquestée par le roy de France, et les Anglois deconfict.
En ce meisme ans, et après ce que le roy Charles fut avertis de cez chose
faictes par les Anglois en la duchiez de Guienne, et que le dit roy soit
la vérité de la prinse de Bourdiaulx et la manier cornent, alors il ùst
lever et mestre sus une très puissante armée. Lesquelles de prune
faisse, mirent le sciège en trois lieu et en diverse partie dudit pais de
Guiennes, c’est assavoir devent Calais en Guienne 2*, 31devent
45
Chasteauneuf et devent Chastillon, sur la rivier Dordonne 3. Et, alors, messire
Tallebot, anglois, avec V ou YI mil homme, y vint, cuydant lever le
sciège. Et, après ce qu’il oit mis ces gens en ordre, ce approchait a
municion 4 des François, et ce efïorcea entrer dedans par soudaine
impétuosité. Dont les François, par constante vertus, le repoulsèrent
errier. En celluy jour, ledit Tallebout, capitenne, pour tent qu il estoit
desjay viez et anciens, il chevaulchoit sus une petitte haquene, e ,
dessus ycelle estant assis, animoit ses gens à combatre. Et tellement que
tous les aultres piétons baitailloient par incrédible fureur de couraige,
et assailloient lez tantes des Françoy. Et fut longuement et très aigre
ment combatus, tellement que l’on ne sçavoit à qui donner 1 esperance
de victoire, jusques à ce que Montauban, capitaine tançois, e
e
naud s, donnairent couraige à leur gens, et répriment leur orces en
fasson telles qu’il sormontairent les annemis ; et furent aulcune de
leur enseignes prinse. Et, en ces entrefaicte, fut tués le capitaine
Tallebot d’ung coup d’artillerie, et, alors, tout le rest ce mist en fuyte.
En cest baitaille mourut VIIIe Anglois, avec plusieurs noble hommes,
entre lesquelles estoit ledit Tallebot, et son fîlz, et p us e
a.
1.
2.
3.
4.
5.
M : nom.
Huguenin, op. cit., p. 282, raconte l'entrevue en détail.
Chalais (Jean Chartiek, op. cit., t. II, p. 334).
Castillon, sur la Dordogne.
Munition signifie ici fortification : U s’approche du camp fortifié par les Français.
Le sire de la Hunaudaye (Jean Chartier, op. cit., t. 111, p. bi
328
GEOFFROI DE WARISE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1454)
vallier dez plus vaillans de toutte Angleterre. Et veult on dire que, de
ceulx qui c’en fuirent, en fut autant tués par les chemin ou noyés en la
rivière de Dordonne. Et en furent plusieurs des prins, tel que le sire de
Molins, et plusieurs aultres.
Et, tantost après celle journée ainsy tenue, ce randirent toutte les
aultres plaice, telle que Sainct Mclion *, Liborne, Chasteauneuf12,
Sainct Machaire, Caudillac, Fronsac, et plusieurs aultres.
Et puis, tantost après, ce tirait l’armée à Bourdiaulx, cité capitalle
du païs, devent laquelles estoient plusieurs gallée d’Angleterre, avec
grand puissance, pour defïandre le port. Et avoient lesdit Anglois
illec fortiffiés ung gros boulevart pour la defïance du port, et affîn de
bien gairder la ville. Aussy les François firent bastir et édiffier ung
fort boulevart pour la gairde de leur navire, duquelles il faisoient aux
Anglois plusieurs coursez et ribleries. Mais, fînablement, quant les
Anglois ce virent ainsy pressez et destituez de victuailles, attendu
aussy que toutes les places des frontier circonvoisines leur estoient
ostées, et n’avoient lieu où il ce pussent retirer, requiert à parlamenter.
Et tellement que, après plusieurs allées et venues, le XVIIe jour
d’octobre, fut celle cité réduicte a roy Charles de Frances. Et c’en
ietournirent les Anglois en Angleterre, leur baigue salve, parmy encor
telle condicion que il y auroit XX personnages, telz qu’il plairoit au roy,
qui seroient banis dudit païs de Bord.elois, entre lesquelle le sire de
Duras et de Lespaire estoient du nombre. Et, par ainsy, après la guerre
de celluy païs appaisées, y estaublit le roy gens souffisant pour gou
verner et defïandre la ville, tel que mon seigneur de Clermont, son
lieutenant général, et plusieurs aultres. Puis, ce fait, c’en tirait le roy
à Tours. Mais, premier, fist bastir deux grosse tours en la dicte cité
de Bourdiaulx, pour la force desquelles le puple nouvellement convertis
pourroit estre tenus en son obéissance.
Cy lairés quelque peu de ces chose à parler, pour retourner a maistre
eschevin de Mets.
[ÉVÉNEMENTS DIVERS A METZ ET AU ROYAUME DE FRANGE :
l454-l462]
Mil iiiic et liiij. —- L’an XVe de l’empire dudit Fiederich, qui est de
Jhésu Crist mil quaitre cent et L1111, fut fait et créés maistre eschevin
de la cité de Mets le sire Geoffroy de Warixe.
La plus grant pari de la Grèce gaingnéez. — Et, en celle année, fut
gaingnés dez Turcz, infîdelle et annemis de nostre saincte foy catho1. Saint-Émilion (Jean Chartier, op. cil., t. III, p. 8).
2. Chasteau-Neuf de Médoc, Chasteauneut de Madoc libid., id., p. 11). — Saint
Macaire, Cadillac (ibid., id.).
JACQUES DE RAGECOURT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1455)
329
licquez, la plus grand partie du païs de Grèce ; de quoy ce fut grant
pitiet et domaige. Et moult mieulx eust estés, pour le sallus dé âmes
et l’éceltacion *1 de la crestientés, que yceulx deux roy, de France et
d’Angleterre, y eussent tournés leur aimée et deschaissier yceulx
chiens maldis, qui ocuppent les terre qu’il 2 deussent posséder et tenir.
Car, de la noble et triumphante église de Saincte Sophie, église catliédralle a de Constantinoble, et la plus belle du monde, en ont les imfâme
dampnés fait une mahommerie. Qui poulrait jamais recouvrir cy grant
perte ? Tout prince crestiens en deveroie de dolleur plorer. Mais, las !,
il sont à l’avarice cy auveuglés qu’il lessent ces chose légièrement aller.
Or, retournons a prepos et parlons de l’envie d’Angleterre. Car, en
celluy tampts, entre eulx y oit envie pour le gouvernement du royaulme.
Et tellement que le duc d’Iort, alors grand maistre en celluy païs,
print le gouvernement et la chairge des affaire de ce royaulme. Et,
avec ce, fîst mettre en prison les ducz de Sonbiecet et de Clocestre.
Lesquelz en furent hors on mois de février après.
Le roi d’Espaigne mort. — Aussy, en celluy tampts, mourut le roy
Jehan d’Espaigne, aagé de L ans.
Le duc d'Alençon prisonnier. — Item, peu de tampts après, le duc
d’Alenson, nommé Jehan, ayant ennuye de la transquillité du tampts,
et impacient du repos du roy Charles, procuroit de jour en jours de
esmouvoir la guerre des Anglois. Et, pour ce faire, envoiait plusieurs
messaige en Angleterre secrètement signifier audit Hanry, roy d icelle
illes, qu’il ramenoit son armée en Normendie, et qu’il luy aideroit de
sa puissance. Et plusieurs aultres chose avindrent en celluy tempts,
que je lesse pour abrégiez. Touteffois, à la fin, fut le dit duc encusés, et,
avec ce, prins et enprisonnés ; et fut condampnés à estre privé de
tous ces biens et à morir de mort honteuse. Mais, touteffois, nonostant
celle condampnacion, le roy, ayent pitiet de luy, le déthint en prison ,
et furent ces biens restitués à ces anfîans.
Cy lairés de luy et de plusieurs aultre chose le parler pour revenir
a maistre eschevin de Mets.
Mil iiiL el Iv. — Puis, en l’an après, qui fut de la nativité Nostre
Seigneurs mil quaitre cent et LV, et l’an XVIe de 1 empire du devent
dit Phiedrich l’ampereur, fut alors fait et créés maistre eschevin de la
cité de Mets le sire Jacques de Ragecourt, dict Pappel 3.
Le sire de Lespaire escartelés. — Et, en ce tampts, fut prins le sire de
Lespaire, que, allant contre son serment, avoit aulcune fois estés
quérir lez Anglois en Angleterre pour venir à Bourdeaux ; et, jà çoit
ce que le roy de France, pour sa premier fois, luy eust pardonnés,
a.
1.
2
3.
M : cathedalle.
Exaltation.
Les chrétiens.
Xappel (le sire Jaicque de Raigecourt, qu’on disoit en comung Jaicomin Xaippé,
Huguenin, op. cit., p. 283).
330
LOUIS, DAUPHIN DE FRANCE, REBELLE A SON PÈRE (1455)
toutefïois ne fut pas content qu’il ne renonsait *1 encor pour la deusiesme, s’il eust peu acomplir son entreprinse. Parquoy fut à Poictiers
décapités, puis escartellé, et mis en VI pièces, et pendu en divers lieu,
comme en tel cas on est acoustumés de faire.
La mort de Nicolas, pape, ve ; Calixle esleu pape. — Item, en la dicte
année, trespassait pappe Nicollas Ve ; et fut empoisonnés, comme l’en
trouva par expérience, quant il eut esté ouvert. Après luy fut esleu
Calixte, troisiesme de ce nom, natif de Castelo, et qui estoit cardinal
et évesque de Vallance la Grande ; et s’appelloit, avant qu’il fut pappe,
Alfonse. Celluy estoit homme décrépite, et aagé de quaitre vingtz
et V ans. Et, pour ce que, tantost après son élection, il fut malade, il ne
peut parfaire ne achever beaucopt de grande et bonnes besongnes qu’il
avoit entreprinse de faire encontre les Turcz et Sarrasins. Et ne vesquit que trois ans et V mois.
Le roi d’Angleterre déconfit par le duc d’Yort. — En ce mesme ans, le
duc d’Iort desconfît le roy d’Angleterre près de Londres. Et y furent
mis à mort le duc de Sobrecet et le conte de Nantrobellant 2, tenant la
partie du roy, avec environ Ve hommes que y furent tuez ; et le roy
meisme fut navré et percé d’une flesche. Par ainsy demoura le gouver
nement du roy és mains du dit a duc d’Iort.
Le roi de France asseige la contés d’Armignac. — En celle meisme
année, on mois de may, le roy de France envoya le conte de Clermont et
plusieurs aultre seigneurs en la conté d’Armignac, affin de mettre
ycelle conté en la mains du roy, à cause que ledit conte s’estoit rebellé,
en refusant la possession et jouissance à l’archevesque d’Aux 3, que
avoit estés esleu ; mais à force ledit conte en y voulloit mestre ung
aultre. Parquoy, à celle occasion, furent plusieurs baitailles faictes,
et plusieurs ville prinse à force sur ledit conte ; desquelle je me paisse
d’en plus dire.
Loys, daulphin, rebelle à son père. — Aussy, durant ce tampts, ou
peu après, Loys, daulphin et premier filz du roy Charles, ce eslevait
de rechief contre son perre ; et s’en fuyt on Daulphinois, là où il fist
taillier son puple et gabeller oultre l’enseigne. Et la raison de ce huttin
fut pour ce que ledit son perre donnoit à tous le monde, et devenoit
chacun riche autour de luy, for que ledit Loys, son filz, à qui le perre ne
donnoit rien, ny à sa famille et serviteur. Parquoy il ce despita et c’en
alla de sa présence, comme j’ai dit devent. Pour laquelle chose le perre,
advertis de ce, le poursuit à grand puissance. Mais ledit Loys ne l’atandit pas ; ains c’en est en Braban fouys, où il fut de Phelippe, duc de
Bourgongne, receu et traicté en tel honneur que luy estoit deu. Et y
demoura ledit Loys, daulphin, l’espaisse de X ans, comme nous dirons
ycy aprez. Durant lesquelles furent plusieurs ambassadeurs envoiés
a. M : dut.
1. Si bien qu’il n’eût pas renoncé...
2. Nantaubelland dans Jean Chartier, op. cit., t. III, p. 51 : Northumberland.
3. Auch (Jean Chartier, t. III, p. 50).
GEOFFROI CHAVERSON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1456)
331
audit Charles de part son fdz, lequelle se escusoit, à son pouoir, de
celle fuytes. Aussy le duc de Bourgongne ce escusoit de l’avoir soubtenus. Mais, néantmoins, acort n’y poult estre trouvés pour celle fois.
Item, en celle année, on moix d’octobre, morut à Romme maistre
Guillaume Houuin, cardinal de Saincte Sabine, qui estoit abbé de
Sainct Vincent de Mets ; et fut alors esleu pour abbé messire Jaicques
Chappel. Maix ung aultre cardinal, nommés le cardinal de Grèce,
impétrait la dicte abbaïe de Sainct Vincent. Et, pour ce fait, en convint
aller ledit seigneur Jaicques à Romme. Toutefïois, il fîst tant audit
cardinal qu’il démolirait abbé et fut ressus, parmy quaitre cent et
XL florins de Rin de pencions qu’il en devoit chacun ans paier audit
cardinal, sa vie durant.
Mais de ces chose je vous lairés le pairler pour le présant, et retournerés a maistre eschevin de Mets et à plusieurs aultrez besongne.
Mil iiijc el Ivj. — En l’an après, que le milliair courroit par mil
quaitre cent et LVI, laquelle année fut l’an XVIIe de l’empire du
devent dit Phiedrich l’ampereurs, fut alors fait, créés et essus maistre
eschevin de la cité de Mets le sire Geoffroy Chaverson. Et luy escheut
l’eschevignaige le seigneur Jaicques de Ragecourt, dit Xapel.
Le ceur de Varchevesque de Trieuve pourtés à Mets. — Item, en celle
année, on moix de may, morut seigneurs Jaicques de Ciercque, arche
vesque de Trieuve. Et fut ensevellis en la grant église d’icelle cité ;
et ordonna que son cuer fut pourté à Mets, pour ensevelir devent le
grant autel en la Grant Église d’icelle. Et ainsy en fut fait ; car il est
ensevelly en une petitte custode de plomb, au plus près de l’aigle de
cuyvre sus laquelle l’on chante les euvangille de la grant messe.
Cy avint que, en la dite année, estoit grant nouvelle en Mets de
sorciet et de sorcier, qui faisoient merveille horrible. Et, de fait, en y oit
en ce tampts plusieurs des prinse, chaufauldées l, airses et brulléez,
tant en Mets comme aultre part.
Ung homme décapités. — Paireillement, en la dicte année, avint que
trois serviteurs, verlet d’ostel, lesquelles servoient le seigneui Nicolle
Drouuin, firent entre eulx ung malvais merchiez et une grand traïson
et malvistiet. Cai il avoient conspirés en l’encontre dudit leur maistre
et seigneur ; et, de fait, avoient délibérés et conclus de le tuer, luy et sa
femme et tous les servans et servande de léans. Et, de fait, dévoient
desrober le trésor dudit seigneur Nicolle, et puis monter à chevaulx
tout a matin, et s’en aller leur voie, chacun à son adventure. Touteffois,
l’ung desdit serviteur, appellé Jehan le Moine, fut inspiré de Dieu ;
parquoy il délibérait de n’en rien faire. Et par ainsy fut la chose révellée.
Et les aultre deux verlet, voiant leur fait acusés, et que la chose ce
pourtoit mal pour eulx, il c’en fuirent a plus tost qu’il polrent ; maix,
toutefïois, il en y oit ung des prins, qui fuf mis sus la rue Entre deux
1. Sans doute, exposées sur un chafaud, un échafaud.
332
CHARLES VII, ROI DE FRANCE, SE SAISIT DU DAUPHINÉ (1456)
Pont, et là oit la teste coppée. Et ledit Jehan le Moinne fut depuis
serviteur au seigneur Phelippe Dex, chevalier.
Desconfiture par les chrestiens contre le Turcqz. — Aucy avint, en la
dicte année, que le roy Lancellot de Honguerie, avec le Blan Chevalier
et leurs gens, desconfirent plus de cenl mil hommes des gens le grant
Turcques.
Item, en la dicte année, on moix d'octobre, mourut maistre Loys de
Haracourt, évesque de Verdun. Et fut esleu en son lieu maistre Guil
laume de Haracourt, son nepveu, de par tout le chappistre.
Des malvaise angevingne en Mets. — En ce meisme moix d’octobre,
fut trouvés et apparceu en Mets que on avoit fait et forgiez des malvaise
engevignes. Parquoy, tantost, les seigneurs et maistre de la monnoie en
firent reffaire des aultres, touctes blanches ; et mirent une teste sus
l’escus desdicte engevignes pour difïérance ; car auparavent n’en n’y
avoit point. Et fut ordonnés que l’on ne prenist plus nulles des vielles
engevigne qui n’eussent la teste 1.
Le roy Charles se saisit du Daphinés. — En celle meisme année, le
roy Charles, voiant que son filz Loys, le daulphin, estoit oultre son gré
avec le duc de Bourgongne, comme dist est, se transpourta on païs du
Daulphiné et mist en sa mains touttes les cités, forteresse et chasteaulx
dudit païs ; en escripvant par touttes les bonnes villes de son royaulme
qu’on ne luy baillast point de passaige, pour ce qu’il luy sembloit
avoir le cuer tropt volaige et plain de sa voulenté : car, quant il se
despartit de son perre, il ne demanda congié que pour quaitre mois,
et il demoura plus de X ans, à la grande desplaisance de son dit perre.
En ce meisme ans, le pappe donna lez grant pardons et indulgence
à tous ceulx que yroient baitaillier contre les Turcz et mescréans.
Défaicte des Turcqz par les Hungres. — Item, on dit ans, les Hongres
occirent à diverse fois plus de deux cent mil Turcz : la premier fois,
comme j’ai dit devent ; et, pour une aultre journée, seullement entre
soleil levant et soleil couchant, en furent occis cent mil. Et prindrent
lesdit Hongres, en tirant vers Grèce et Constantinoble, VIIIXX que cité
que ville murées, et quaitre cent chasteaulx. Les principal d’icelle
conqueste estoit ung chevallier nommés messire Guillaume Blanc, ou
autrement dit le Blan Chevallier, comme j’ai dit devent. Lequelle
fut navré d’une lance en la dernier baitaide. Et avec luy estoit frère
Jehan de Capistrano, par le conseil duquel on usoit. Et, aussy, n’est à
oblier qu’il pourtoit en la baitaille l’ymage du crucifix, et crioit à haulte
vois : « O mon Dieu et mon salvateur, où sont tes miséricordes ancien
nes ? Vien aider à ton peuple ! » Le dit frère Jehan avoit estés jadis
disciple de sainct Bernardin.
Crollement. — Item, en cellui temptz, és païs d’Arragon et de la
Puille, y eut grant mouvement et croillement de terre, commensant le
quaitriesme jour de décembre* et durait jusques a VIIe. Duquelle
crollement fondirent plusieurs ville et cité, avec plusieurs chasteaulx
1. La tête de saint Étienne. Voyez, pour plus de détails, Huguenin, op. cit., p. 28G.
PIERRE DIEUDONNÉ, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1457)
333
et forteresse. Et, avec ce, périrent plus de XXVIII mil personnes.
Quant a ville aruinée et fondue, je, l’escripvain et compilleur de ces
présante cronicque, le sçay a vray : car j’en ait veu une grant partie,
et, avec ce, ay oy dire et compter aux anciens du pais comment la
chose avilit. Et avoit ce avenus et acomencé de nuit, en cest présante
année, eulx estant jonne. Et, comme il disoient, il ne faisoit ne vant, ne
pluie, mais ce esmouvoit la terie seulle à par elle, en fasson telle que peu
y avoit d’édiffice que tout ne tombait en terre. Et ce fut toutte vérité,
car en jusques ajourd’uy c’en monstre lez ruyne.
Mil iiiic et Ivij. - Item, en l’an XVIIIe de l’empire dudit Phéderich
l’ampereur, qui fut en l’an de nostre rédemption mil IIIIC et LVII, fut
maistre eschevin de la cité de Mets le sire Pier Deudeney.
La fille du duc de Savoie à Mets.
Et, en celle année, on moix
d’aoust, vint en ycelle cité ma dame la daulphine, laquelle estoit
fille a duc de Savoie. Et, à sa bien venue, luy fîst la cité piésant de
quaitre gras beuf, de quaitre cawe de vin et de cent quairte d’avoinne.
Mais la dicte damme ne demourait que une nuit en ycelle 1.
Le conte de Vauldémont à Mds. - Aussy, pairellement en celle
meyme année, le premier jour de septembre, vint en Mets Ferry, conte
de Wauldémont. Et luy flst on présant de deux gras beuf, deux cawe
de vin, XXV quairte d’avoinne et XII châtrons.
L’archevesques de Trieuve à Mets. - Paireillement, en ce meisme
moix de septembre, vint en Mets le seigneur Jehan Baude, archevesque
de Tresves. Et fut logiez en l’ostel seigneur Ernest, chanoine de la
Grant Église d’icelle cité. Et luy fist la cité présant comme aux aultres.
Item en celluy meisme moix de septembre, advint en Metz ung
grant cas d’aventure : car ung cheval tuait ung homme depuis qu’il
fut mors, c’est assavoir que ledit cheval mort tuait l’homme. Or avmt
ainssy qu’il y eust en Mets ung cheval de selle mort, lequelle cheval
ainsy mort fut mis sus une charette, les quaitre jambes liées, et y
demoura toutte la nuit. Sy ce emflait le dit chevaulx tellement que,
quant l’on l’enmenoit au lieu déterminé pour l’escourchier, et en charoient qu’il faisoit, le dit homme qui le menoit voult aproichier près de
la chairette ; sy rompit la courde de quoy ledit chevaulx estoit lyes,
parquoy les mambre d’icelluy chevaulx ainsy enflés ce estandirent, et
donnait sy grant copt du piedz de derrier encontre la temple dudit
homme qu’il le ruait mort estandus.
,
Le rou de Hongrie mort. — Item, en ce meisme tempts, les ambassade
de Laodislaus, roy de Hongrie, de Boesme et de Polonye (car ce luy
noble prince estoit roy des trois royaulme devent dit), yceulx ambas
sade furent envoiés a roy Charles, en France, pour avoir et demander
Magdalaine, fille a dit Charles, pour estre femme et espouse audit roy
de Hongrie. Laquelle à peu de plait luy fut acordée. Mais, a lundemams
de Noé, avant que lesdit ambassade ce partissent de France, vmdrent
1. Huguenin, op.
du, p. 287, donne plus de détails.
334
JEAN DE HEU, MAÏTRE-ÉCHEVIN DE METZ (1458)
nouvelle que ledit leur maistre et seigneur estoit trespassés (et duquel
ne fut sans suspection de poison); dont toutte la seigneurie de France
fut fort dollante.
Peu de jour après, Pier, duc de Bretaigne, alla de vie à trespas. Et
fut institués en son lieu Richemont conestable de France ; lequelle
samblablement mourut bientost après, et luy succéda François,
nepveu du duc d’Orléans.
Gy vous en lairés le pairler quant à présant, et retournes a maistre
eschevin de Mets et à plusieurs aultre besoingne.
Mil iiiic ei Iviij. — Or, quant ce vint en l’an après, que le milliair
corroit par mil quaitre cent et LVIII, qui fut l’an XIXe de l’empire
du devent dit Phéderich l’empereur, fut fait, créés et essus maistre
eschevin de Mets pour celle année le sire Jehan de Heu. Et luy escheurent deux eschevinaiges, c’est assavoir celle de seigneur Nicolle de
Raigecourt, et l’aultre fut de seigneur Dediet le Gournaix, dit Yolginel.
Le marquis de Baude en Mets. — Item, en celle dicte année, le XVIIIe
jour du moix de may, vinrent en la cité de Mets le mairquis de Baude
avec ces deux frères, c’est assavoir seigneur George de Baude, con
ducteur 1 de l’évesque de Mets, et le damoisiaulx Marcque, leur frère,
chainone de Collongne. Et furent le jour du Sainct Sacrement de l’autel
à la pourcession de la Grant Église de Mets, que fut le premier jour de
jung. Et leur fist la cité présant de quaitre cowe de vin, deux gras
bueufz, L quairte d’avoinne, et de XXXVI chattrons.
L’entrée de Phelippe, duc de Bourgongne, à Gand. — En celle année,
le XXIIIIe jour d’avril, Philippe, duc de Bourgoigne, fist son entrée en
sa ville de Gand ; laquelle fut aussy magnificque et triumphant que
jamais fut veue. Entre les aultres choses, y avoit ymages et figures de
prophètes tenans en leurs mains roulectz 2 et dictz moult plaisans, fort
à propos et bien prins.
Procès de monsseigneur d’Alenceon. ■— En ce meisme ans, le Xe jour
d’octobre, présant le roy Charles de France, estant à Vendosme, ensem
ble tout les pers et seigneurs du sang royal, fut fait le procès de mon
seigneur Jehan d’Alençon, duquel je vous ai desjay heu parlés. Et fut
jugiés de avoir la teste tranchée ; toutefois, l’exécucion réservée a bon
plaisir du roy. Et estoit ce jugement fait pour aulcuns crimes de lèse
majestés, c’est assavoir pour ce qu’il avoit rescript aux Anglois par
plusieurs fois qu’il descendissent en France, Normendie, Guyenne et
Calaitz, et qu’il leur aideroit de tout son pouoir contre son souverain
seigneur le roy de France.
Mais de lui et d’aultre chose je lairés le pairler jusques à tant que je
airés dit aulcune chose dez maistre eschevin de Mets et de plusieurs
aultres besoingne.
1. Coadjuteur (Huguenin, op. cit., p. 289).
2. Rolet. Les dits plaisants et bien pris (bien choisis) sont pour la plupart des
citations de la Bible (Jean Chartier, op. cit., t. III, p. 80 et sqq.).
JEAN DAUBRIENNE, MAITRE-ÉCHEVIN DÈ METZ (1459)
335
Mil iiiic et lix. — Après ces chose ainsy advenue, c’est assavoir en
l’an XXe de l’empire du devent dit Phéderich, qui est de l’incarnacion
Nostre Seigneur mil quaitre cent et LIX, fut alors fait maistre eschevin
de la cité de Mets le sire Jehan Daubrienne, dit Xavin.
L’évesques Conraird Baier mort. — Et, en celle année, le derniers
jour de mars, fut amenés à Metz le devent dit seigneur Conraird Baier,
évesque d’icelle cité ; lequelle estoit fort mallade, et tellement que
tantost après, le XXe jour d’apvril, il déviait de ce monde ; et morut
de celle malladie en l’ostel de la Haulte Pier. Et, au lundemains,
XXIe jour dudit mois, il fut pourter ensevelir, en abit d’évesque, tant
excellenment et manificquement que faire ce polt. Et fut son service le
VIIIe jour de may. Auquelles furent lez devent dit marquis de Baude
et Marcque, son frère, pourtant le deul. Et aussy y furent plusieurs
aultres prélas et seigneurs, tant spirituel comme temporel. Et fut ledit
service tant honnorablement fait comme à ung grant prince aparthient.
Car ledit évesque donna par son testament mil livrez, monnoie de
Mets, pour acquester L livrez de cens annuelle pour et affîn de chanter
chacun jour à tousjourmaix en la chaipelle en la dictes Grand Église de
Mets, laquelle chappelle ledit évesque avoit en partie fait faire et
édiffîer ; et ce doit celle fondacion déservir par les chainoinnes de
Sainct Thiébault ; ainsy l’avoit ledit seigneur ordonné. Et, avec ce,
donnait encor ledit seigneur à la dicte Grand Église sa mitte 1, sa crosse,
et une riche paix tout estoufïée 2 d’or, d’argent et de pierre précieuses ;
et tout pour au bon jours mestre et pairer le grant aultel.
Et alors, après la mort du devent dit évesquez, fut esleu seigneur
Olrey de Blamont pour évesque d’icelle cité. Mais nostre sainct perre
le pappe lui fut sy contraire qu’il n’y demoura point. Et, de fait, en
furent excomuniez les devent dit chainoines d’icelle église de Mets
pour ce qu’il le soubtenoient. Maix, petit après, maistre Orieti 3 fut
envoiez à Romme impétrer absolucion pour lesdit chainoines qui
avoient heu fait l’élection dudit seigneur Olry contre le mandement
de nostre sainct perre le pappe.
La mort du pape Calixle ; Pius ije créés pape. — Item, en celle
année trespassa de ce monde pappe Calixte, auquel succéda Énéas,
poêla laureatus, et chancellier impérial, natif de Sennes ; et fut nommé
Pius, deusiesme de ce nom. Et ne vesquit que VI ans. Et la manier de
sa mort, en fut cause le duel qu’il print en lui, comme vous oyrés.
Il est vray qu’il ordonna le passage contre les Turctz, l’an de Nostre
Seigneur mil quaitre cent et LXIIII. Et ce trouva, luy et ces gens, en
la marcque d’Anconne, en la cité de Péruse, et illec atandoit le duc de
1. Mitre.
1^2. Etoffer, qui signifie étymologiquement « façonner en employant largement
l’étoffe », a pris anciennement le sens de « faire en employant largement la matière ».
Etoffé d’or, d’argent et de pierres précieuses équivaut donc à : abondamment garni
d’or, d’argent et de pierres précieuses.
3. Arieti dans Huguenin, op. cit., p. 291.
336
WIRIAT LOUVE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1460)
Bourgongne et plusieurs aultres prinse crestiens qui luy avoient promis
d’y aller ; mais il ne c’y trouvairent point. De quoy il fut tant desplai
sant qu’il en cheut en maladie ; dont, tantost après, il trespassa de se
siècle.
Aussy, en celle année, il fist moult grant yver, sans nège et sans vens.
Item, en ce tampts, maistre Jacques de Niterbult, chartreux, et
docteur en théologie, estoit en grant bruit ; et escript maintes bons
livres.
Cy lairés quelque peu de ces chose à pairler, pour retourner à mon
prepos.
Mil iiiic et Ix ans. — L’an après, que le milliair courroit par mil
quaitre cent et LX ans, et qui estoit la XXIe année du devent dit
Phiedrich en son empire, fut alors fait, créés et essus pour maistre
eschevin de la cité de Mets le seigneur Wiriat Louve.
George de Baude prisonniés. —- Et, en cest année, furent prins et
rués jus seigneurs George de Baude, seigneurs Marcque, son frère,
Jaspar 1 Baier, et plusieurs aultres. Et fut ce fait par ung Allemans
du païs d’Aussay, qui ce appelloit Anthonne de Havesteyne. Et furent
yceulx menés en prison en ung chaistiaulx audit païs d’Aussay, qui ce
nomme Ysenen 2. Et furent les devent dit seigneurs prins en retournant
de Nostre Damme des Hermittes. Maix, incontinent après, fut mis le
sciège devent ledit chasteaulx par ceulx de Sainct Diez en Volge, avec
plusieurs aultres qui aydairent. Et, sur ce, fut fait ung apointement,
que ledit seigneur George devoit estre délivrés, en paiant la somme de
VIII mil florin d’or pour sa ranson.
George de Baulde créés évesques de Mets. — Celluy seigneur George
de Bauden, dez le tampts et vivant encor le devent dit seigneur Conrard Baier, fut fait et estoit son prédicesseur 3 et coadjuteur dudit
éveschiez de Mets. Et, de fait, estoit dez alors mis en possession des
places appertenant audit éveschiez. Et, combien que après la mort
dudit Conrard fut par le chapistre esleu seigneur Olry de Blamont,
comme cy devent est dit, touteffois ledit seigneur George obtint la dicte
éveschié par la vertus d’icelle coadjutoire 4, comme cy après il serait
dit.
Item, en celle année et en celluy tempts, fut grant parolle, et en
courroient les nouvelle par tout, d’une fdle aaigée de environ XVIII ans,
nommée la Pucelle du Mans, que faisoit maintes chose merveilleuse,
en abusant Dieu et le monde. Entre les aultres, abusa grandement
l’évesque de la dicte cité, qui estoit ung bon preudhomme, et cuydoit
qu’elle fust saincte femme. Mais, en la fin, fut congneu que toutes ses
1. Gaspar.
2. Yseriem ou Ysesteym dans Huguenin, op. cit., p. 291. Isenheim, Haut-Rhin,
Guebwiller, Soultz.
3. Ce mot est évidemment une distraction de Philippe, qui veut dire successeur.
4. Mot créé par Philippe ?
PHILIPPE D’ESCH, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1461)
337
follies procédoient d’aulcuns officiers dudit évesque qui la maintenoient.
Cy lairons d’elle le pairler et de toutte aultre chose, pour retourner a
maistre eschevin de Mets.
L an mil iiiic et Ixj.
Puis, en l’an après, qui fut l’an de l’ampire
du devent dit Phéderich la XXIR année, et en l'an de la nattivité
nostre seigneur Jhésu Crist mil quaitre cent et LXI, fut alors maistre
eschevin de la cité de Mets le sire Phelippe Dex, filz à seigneur Jacques
Dex, chevalier.
Et, en celle année, mourut en Mets ung prélas de grant réputacion,
nommes maistre Jehan Nicollas, docteur en décret, doiens et chainonne
de la Grand Église de Mets. Et gist le corpts d’icelluy maistre Jehan en
la dicte Grand Église, devent l’autel de la Présantacion Nostre Damme,
que solloit estre 1 aultel sainct Pol. Maix il le fist reffaire tous neuf en sa
vie, et y fist faire les ymaige, et l’asortir tel comme il est à présant.
Et puis, à la fin de ces jours, il fist une grand devise *1, que montoit
à la vallue de plus de XX mil livre. Et, entre les aultre ordonnance, il
avoit laissiés argent à ces mambours affin qu’il fissent faire ung jubel 2
de pier de tailles, cy bel et cy richement ouvrés qu’il seroit possible de
faire. Et devoit celluy jubel, par l’ordonnance dudit maistre Jehan
Nicollas, estre fait en l’entrée du grant cuer d’icelle Grant Église
Sainct Estienne de Mets. Maix ilz n’en firent rien, pour ladevision a et le
débat qui fut tantost après entre lesdit chanoinne et la cité, comme
ycy après il serait dit. Et gist ledit maistre Jehan tout devent celluy
autel, auprès du gros pillés où est la tombe d’arains.
Et seigneur Arnoult de Clerey, qui fut l’ung de ces mambours, et
lequelle depuis ait heu fait une moult belle et grand fondacion en ycelle
Grand Église, gist a piedz et tout devent celluy autel. Et fut ledit
seigneur Arnoult chainoigne d’icelle église, et chainoigne et prévost
de Nostre Damme la Ronde, et curé d’Aspinal 3, l’espaice de LUI ans.
La garnison de France à Thionville contre ceulx de Mets. — Item, en
la dicte année, on moix de juillet, la garnison de France qui alors estoit
à Thionville on non du roy Charles firent une course sur ceulx de Mets.
Et d’icelle armée estoit cappitaine pour le roy Geoffroy la Hière, bailly
de Chaulmont en Bassigny. Et priment yceulx plusieurs bestes, vaiche
et chevaulx à Annery. Et firent ce pour la cause que Clément et Jehan
Chaillo, citains de Mets, avoient prins ung homme qui estoit leur subgect, vers Bertilleville 4, et le détenoient prisonnier pour aulcuns cas.
Et lesdit de Thionville volloient dire que celluy homme estoit de leur
prévosté ; parquoy il en voulloient prandre la guerre en l’encontre
a.
M : devison.
1. Testament.
2. Jubé.
3. Épina
4. Béthe /nviUe, Meuse, Verdun-sur-Meuse.
338
L’ÉVÊQUE george de baude REÇU a METZ (1461)
desdit de Mets. Mais, sus ce desbat, le roy Charles de France vint à
morir, comme je vous dirés ycy après, parquoy la chose demourait en
telle estât.
George de Baude ressus évesques. — Puis, tantost après et on meisme
moix de juillet, le XXIIe jour, fut receu pour le LXXVIIIe évesque
de Mets le devent dit seigneur George de Baude, duquelle je vous ay
heu ycy devent pairlé 1. Et, à sa venuee, les seigneurs et soldoieurs
d’icelle cité luy furent au devent à belle compaignie jusques à la ville
de Maigney ; et toutte la clergie de la dicte cité saillirent dehors à
porcession au devent de luy jusques à Sainct Arnoult atout la croix.
Et, en ce lieu de Sainct Arnoult, fut ledit évesque abbilliez et acoustrés
en pontificat, c’est assavoir d’une grant robbe de rouge draps, en
manier d’ung cardinal, tellement que son chevaulx estoit tout couvert
de ladicte robbe ; et le faisoit moult biaulx veoir avec les gand et les
ainiaulx aux dois. Puis, ainssy acoustrés, et acompaigniez de moult
notable et belle compaignie de ces gens, tous armés, entre lesquelles
estoient plusieurs vaillans seigneurs, tant d’Allemaigne comme d’aultre
pays, en nombre de VIIe chevaulx, entre lesquelles estoit l’archevesque
de Triesve, le marquis de Baude et seigneur Marcquez, les trois frères
dudit évesque, paireillement le conte de Nausowe, le seigneur de
Fénestrange et plusieurs aultres conte et barrons, chevalier et escuier,
et, avec celle belle compaignie, entrait ledit évesque en Mets par
pourte Champenoise. Et puis chevaulchairent tous en belle ordonnance,
tant qu’il vinrent et arivairent on mairchiez qui ce dit En Chambre.
Et là, a piedz des degrez, dessandit ledit évesque de son chevaulx ; et
en ce lieu fut bégninement receu de tous les seigneurs et chainoines
que illec l’atendoient ; et puis fut menés et conduit en la Grant Église,
et fut essis sus la chaire de marbre devent le grand autel, en chantant
Te deum laudamus. Et, ce fait, chantairent les chainonnes leur grand
messe en grand honneur et révérance.
Mais, touttefïois, pour ce que l’on ce craindoit, y oit ce jour grand
ordonnance de gens d’armes, tant par les champs comme par la cité
et en plusieurs lieu, souverainement à la pourte Champenoise, car à
ycelle pourte estoient collevreniés, arbellestriés et archiers en point et
en armes. Aussy, par dessus les muraille, par les granges et chaucqueur
par aval la cité, en diverse lieu, estoient environ IXe homme caichiez
et armés, pour defïandre la ville, ce besoing eust estés, car l’on ce
doubtoit fort de traïson.
Touteffois, la cité luy fist présant de quaitre beuf, LX moutons ou
aultrement dit chaittrons, VI cowe de vin et VIXX quairte d’avoinnes.
Et les chainonnes luy donnairent une coppe d’argent dorée pesant
VI marque trois onces et demy.
Mais de luy je ne dirés plus pour le présant, pour retourner a roy de
France et à ce qui avint durans ce tampts.
1. Sur cette entrée, Huguenin, op. cit., p. 292 et sqq., donne des détails plus com
plets.
LOUIS XI SACRÉ ROI DE FRANCE (1461)
339
La mort de Charte, roy de France. — Durans celluy tampts et que ces
chose ce faisoient en Mets, l’on vint anoncier à Charles, VIIe roy de
France de ce non, que aulcuns ces malveullent avoient préparé ung
bruvaige pour l’empoisonner. Desquelles nouvelles tellement ce troubla
en son couraige qu’il ce abstint de mengier par l’espace de sept jours
enthiers. Parquoy l’enhortèrent les médecins et dirent que plus estoit
affligé par faulte de viande que par malladie. Mais, si comme en mengeant cuidoit aidier à sa vie, ses ners et son gosier jà retractz ne le
poult souffrir ; et, comme l’estomac plus rien ne recepvoit, rendit
l’espcrit, le maicredi XXIIe jour de juillet et jour de la Magdalaine,
et en l’an XXXIe de son règne. Et, de Mehum sus Yèvre, où il estoit
trespassé, fut apporté en pompe royalle au sépulcre de ces prédéces
seurs, et ensevely au monastère Sainct Denis. Pour conduire le corpts
estoient messigneurs d’Orléans et d’Angoulesme, et plusieurs aultres
prinse et seigneurs du sanc royal.
Ledit Charles fut le LIIIe roy de France, intitulés Charles très victorieulx ; et non point sans cause, car il reconquesta en moins de deux ans
tout ce que les Anglois avoient conquestés sur luy et sur ses prédéces
seurs en XXX ans és duchés de Normandie et d’Alençon, et és païs du
Maine et des environ. Aussy conquesta tout le pais de Guienne, et par
deux fois print à force d’armes la cité de Bourdeaulx, que par l’espace
de deux cent ans avoit estés entre les mains des Anglois. Et aussy,
durant son règne, il ait pourveu et expeller la division et scisme de
l’Église universelle, tellement que, par son pourchaz, bonne paix,
union et concorde y ont estés mis. Et, aussy, ait estés celluy qui plus
ait relevés justice et remis en nature 1, parquoy tous loiaulx Françoy
en sont tenus de prier pour luy.
Loys, filz de Charles, fait roi de France. — Au roy Charles devent dit,
VIIe de ce nom, succéda son filz Loys. Lequelle à son acomencement
fut de moult hastif conseil et de diverse engin, et à paine assez congnen
de ces domestiques. Et, pour ycelles condicion, fut chose certaine que
le roy son perre voulloit laissier le royaulme à Charles, son plus jonne
filz ; mais, doubtant la guerre, pacientement endura les meurs et
l’absence dudit Loys, lequelle alors estoit encor en Braben devers le
duc de Bourgongne. Et, quant les nouvelles de la mort du perre furent
ouyes, plusieurs qui excersoient les offices et grans estatz en la chose
publicque hastivement en Hénault par devers Loys ce transportèrent,
affm de luy complaire et agréer, et pour avoir confîrmacion de leur
offices. Touteffois, de tous ceulx qui y vindrent, il n’en rethint que
trois ou quaitre, que tous lez ranvoia pour atandre sa venue à Paris.
Cepandant les seigneurs du royaulme, très richement acoustrés,
allèrent en grant effluence vers luy affm de le mener à Rains pour le
sacrer. Auquelle lieu Juvenel des Ursins, archevesque de Rains, en la
manier de ses précédesseurs luy bailla la sacrée onction et le bénict.
1. Remis en honneur ?
340
CINQ SEIGNEURS DE METZ FAITS CHEVALIERS
A REIMS (1461)
Et à ce couronnement estoient les duc Phelippe de Bourgongne, le duc
de Clèves, le duc de Braban, le conte Charolois, filz audit duc de Bour
gongne, le conte de Nevers, le conte de Sainct Pol, les duc d’Orléans
et de Bourbon, et la plus pairt des grant prince et seigneurs du royaulme, avec aussy plusieurs aultre conte, duc, prince et signeurs des païs
estrange, desquel je ne sçay les nons. Et, des prélas d’église et homme
en dignitez, en y avoit plusieurs. Premier, ledit Juvenel, archevesque
de Rains, l’archevesquez de Sens, l’évesque et conte de Chaallon, de
Paris, de Tournay, d’Amiens, de Théreuuenne, de Cambray, l’abbé de
Sainct Denis, de Sainct Remey de Rains, l’abbé de Clugny, et plusieurs
sans nombre. Et fut ce sacre fait ledit ans, le jour de l’Assumption
Nostre Damme, XVe jour d’aoust.
v seigneur de Mets fait chevalier. — Auquelle fist le roy plusieurs
chevalier, tant de ceulx de la cité de Mets comme d’aultre part. Entre
lesquelles en y oit V d’icelle cité de Metz qui furent fait chevalier,
c’est assavoir seigneur Nicolle Roucel, l’eschevin, seigneur Wary
Roucel, seigneur Michiel le Gronaix, seigneur Geoffroy Cuer de Fer, et
seigneur Nicolle Dex, filz à seigneur Phelippe Dex, chevalier.
Et, après l’acomplissement de ce mistère, s’en alla Loys incontinent
à Paris. En laquelle il fist son antrée le derniers jour dudit mois d’aoust ;
et fut ressus à moult grant triumphe et honneurs, et à paine sçairoit
on dire les mommerie et la joie qui y fut faictes.
Remonstrances du duc de Bourgongne fait aux roy Loy[s\. — Plusieurs
jours après, Phelippe, duc de Bourgongne, désirant retourner en sa
maison, grandement enhorta le roy et luy donna plusieurs biaulx
enseignement. Premier, luy dit qu’il devoit oster son yre, ce aulcune en
avoit conceu du passé en son couraige en l’encontre des seigneurs, et
aussy devoit oblier et totallement effacer ce qui estoit passé. Daventage,
luy remonstra le duc qu’il avoit ung frère adolescent et dessoubz aage,
lequel il devoit amer sus tous aultres, et, avec ce, luy devoit despartir
sufisant porcion de l’héritaige paternel. Et, aprez plusieurs aultre
remonstrance que le duc luy fit, il print congié et retourna en son païs
de Picardie. Mais Loys fit tout le contraire de son chaitoy 1 ; et telle
ment qu’il en coureut en l’indinacion des prinse de son royaulme,
comme je vous dirés ycy après, quant tampts sera.
Celluy roy Loys eut deux femme. La premier fut damme Margue
ritte, fille a roy d’Escosse, laquelle mourut jeusne ; et d’elle n’eut nulz
anfans. La seconde fut Charlote, fille du duc de Savoie, de laquelle il
eust plusieurs eni'ans, c’est assavoir seigneur Joachin, damme Anne,
qui fut mariée à seigneur Pier de Bourbon, à présant duc de Bourbonnois et d’Aulvergne, conte de Clermont, de la Marche de Fourestz
et de Beauvoillois ; puis oit damme Jehanne, femme de seigneur Loys,
duc d’Orléans, de Millan et de Valois, conte de Blois, de Pavie et de
Beaumont et de Coucy. Puis oit Charles, qui depuis fut roy de France,
1. Chastoi, chasti désigne un avertissement.
WARY ROUCEL, MAITRE-ÉGHEVIN DE METZ (1462)
341
et qui conquit le royaulme de Neaple, comme nous dirons ycy après.
Il oit encor ung aultre filz, nommés Françoys, qui mourut jeusne.
Le duc d’Alençon délivrés de prison. — Celluy roy Loys devent dit,
depuis qu’il oit fait son antrée à Paris, comme dit est devent, s’en alla
on païs de Touraine ; et, là, fist mestre hors de prison du chasteau de
Loches le duc d’Alençon, lequelle y avoit étés mis pour cause ycy devent
déclairée.
Et, tantost après, il fist venir devers luy Charles, son frère, et luy
hailla le pays et duché de Berry pour partie. Et fist assignacion du
douaire de la royne Marie, sa mère, à l’estimacion de cinquante mil
livres de rente, et, avec ce, luy bailla encor plusieurs contés et grant
seigneurie, desquelle je me tais pour cause de breifté.
Item, celle année fut bonne et bien fertille és biens de terre, et vinrent
les bien partans1 à grand abondance et de bonne sorte ; car la vandange
acomensait le XXIIIIe jour de septambre, et ne durait que XV jour.
L’iver après fut froit et sec.
La mort de seigneur Nicolle Louve, chevalier. — Et, en celle meisme
année, morut en Mets seigneur Nicolle Louve, chevalier, de grant
renon, servant à Dieu et faisant justice a richez et a povres, lequelle en
son vivant estoit conseillier et Chamberlain du roy trespassé Charles
de France, et du duc de Bourgongne. Et fut ce noble seigneur ensevellis en l’église des frères Célestins de Mets, luy aaigié de LXXV ans.
Cy lairés de luy et d’aultres le parler pour le présant, pour retourner
a maistre eschevin de Mets, et és guerres et mutacion nouvelles qui
avinrent en Mets pour son tampts.
[la
guerre entre les chanoines de la cathédrale
ET LA CITÉ DE METZ, ETC. : l4Ô2-l464]
Mil iiiic et Ixij. - Item, en l’an XXIIIe de l’empire du devent dit
Phéderich l’ampereurs, qui fut l’an de nostre salut8 mil quaitre 0 LXII,
fut alors créés et essus maistre eschevin de la cité de Mets le sire Warry
Roucel, chevalier.
La mort de seigneur Nicolle de Heu, dit l’Almonier. — Et, en celle
année, le XVIIe jour du moix de jung, morut et déviait de ce monde
seigneurs Collignon de Heu, l’amant, lequelle ce nommoit le granl
almônier de Mets, amant Dieu, et menant saincte vie, et faisant bonne
oevre piteuse, plaine de compacion et de miséricorde. Car, sur tout,
il estoit charitauble envers les pouvres gens, tant d’église comme
mendians, et de ces biens despartoit habundamment pour l’amour de
Dieu. Il donnoit à mengier les povres morant de fains, revestoit les
a. Une main récente a ajouté, au dessus de salut, Vabréviation de seigneur.
1. Partant, en conséquence.
342
LES CHANOINES DE METZ CONTRE LA CITÉ (JUILLET 4462)
povres mal vestus et réchauffoit les morans de froit. Et, à la fin de ces
jour, recomendait à Jehan de Heu, son filz, qu’il heust tousjours les
povres gens pour recomendés et en mémoire. Et est son corpts ensevellis à Sainct Martin en Curtis, devent l’autel Nostre Damme. Et oit
ledit Jehan de Heu, filz audit Collignon, ung filz nommés Collignon de
Heu, après le nom du devent dit Collignon, lequelle en ensuiant son
grant perre faisoit touctes pareille oevres.
La maison des Heu édifiéez on Neufzbourgz en Mets. — Et, en son
tampts, fit faire la grant maison on Neufbourgz toutte neufve, qui fut
alors la plus belle de Mets.
Plussieurs prisonniés prins par le conte palatin. — Item, le pénultime jour du moix de jung, l’an dessus dit, le conte pallautin du Rin
luy et ces gens, ont rancontrés leur annemis, et ont prins et rués jus les
princes et seigneur ycy après escript, lesquelles alors estoient de guerres
mortelle audit conte pallautin : c’est assavoir le devent dit seigneurs
George de Baude, évesque de Mets, le mairquis de Baude, son frère,
et le conte de Nausowe, l’archevesque de Maiance, le conte de Witemberch 2,
* 1le conte de Salmes, et le seigneur Henry Baier, chevalier.
Et, en celle rancontre, y fut tués le conte de Brandicque 3 et le conte
de Salmes en Ardenne. Et plusieurs aultres chevalier et escuiers y
furent prins et menés en prison.
Grant seicheresse. — Item, on moix dessus dit, il fit sy grant challeur
et saicheur que, par faulte de pluye, les rivières estoient cy très courtes
que merveilles ; et tellement que les mollins de Mets et du païs entour
molloient à grant poinne. Et durait celle saicheur jusques on moix
d’aoust après, et encor.
Comencement de la guerre des chanoingne contre ceulx de Mets. — Paireillement, en la dicte année et on mcisme moix de juillet, avint eu
Mets une grant mutacion et ung acomencement d’ung gros procès, qui
coustait à la cité autant ou plus que la guerre devent dictes 4. Car, en
ycelluy tampts, par l’ordonnance de justice, fut fait a ung huchement
en la cité de Mets que nulz des menans d’icelle, de quel mestier qu’il
fussent, ne feissent rien pour les chanonnes de la Grant Église de la
dicte cité, ne ne leur vendissent ne enchangissent rien, à eulx ne à leur
comendement, en nul manier du monde 5. Et, après ycelluy huchement
fait, lesdit chanonnes ce mirent en conseil en leur chapistre ; puis, après
plusieurs chose desbatue entre eulx, il prinrent chacun de leur biens
à leurs plaisir, et partie en laissairent en gairde à aulcuns leur bons
a. M : fait fait.
1. Les faits qui ont précédé cet événement et qui le rendent intelligible sont repro
duits tout au long dans Huguenin, op. cit., pp. 297-310.
2. Wirtemberg dans Huguenin, p. 310 : Wurtemberg.
3. Brandecque dans Huguenin, loc. cit.
4. On trouvera dans Huguenin, p. 310-311,
comment cette « guerre des chanoines i
est née de l’affaire précédente, que l’on peut appeler la « guerre de l’archevêché de
Mayence ».
5. Le texte de ce * huchement » est reproduit dans Huguenin, p. 311.
LES CHANOINES DE METZ QUITTENT LA VILLE (15 JUILLET 1462) 343
amis dehors, et le rest, comme bief, vin et aultre biens meubles, ont
laissiés en leur maisons.
Les chanoingne s'en vont hors de Mets. — Puis, ce fait, le jour de la
Devision des Apostre, c’en allèrent tous en manier de procession hors
de la dicte cité, réservés VII d’iceulx chainoine, et une partie des
chainoine de Sainct Saulveur, et, pareillement, une partie de ceulx de
Sainct Thiébault, avec aulcuns des chappellains et des clerc de cuer.
Et ce partirent de la cité cellui jour de la Devision des Apoustre,
comme dit est devent, après ce qu’il olrent chantez leur grant messe en
la dicte Grant Église. Et, eulx venus aux champts, c’en sont allés
droit a Pont à Mousson ; et fuient receu à Sainct Anthoine. Parquoy,
de leur allées, aulcuns bon facteur en ont heu fait et composés ces
dictz ycy, auquelles est trouvés et comprins le milliaire de l’an qu’il
partirent de la cité, en la manier comme il s’en suyt :
D’ung cramaulx pernés six dent,
Les quaitre fers d’une jument,
De deux andiés lez piedz devant,
Et les deux oreille d’ung vant,
D’une ballainne prenez douze ans,
Et toutte la force d’elle :
Là congnoistrez sans nulle faille 1
Le temps et aussy la saison
Que les chanonnes se parton
Pour aller au Pont à Mousson 2.
Item, je trouve encor celluy milliaire, c’est assavoir la dapte de cest
présante année que les devent dit chainoine ce partirent de la cité, en
la manier comme il s’ensuit :
Et, premiers, ce dit ainssy :
eGCe LIgnVM GrVCIs.
Et, encor, pour la seconde manier, aultrement est dit ainssy :
ConCVLCarVnt In te, Métis, fédéra saCra.
Or, avés oy la manier comme lesdit chainoine ce partirent de la cité,
et la cause pourquoy, et aussy le milliair ycy devent escript. Rest
maintenant que je vous desclaire ce qui en avint.
La ville de Mets excomuniez. — Premier, devés sçavoir que, eulx
1. Sans nulle faille : sans nulle faute.
2. L'on trouvera un engin analogue, pour la même date, dans Aubrion, éd. Lorsdan Larchey, p. 4, n. 1.
344
AMBASSADES A ROME ET AUPRÈS DE L’EMPEREUR (1462)
venus a Pont, comme dit est, il ne ce tindrent point en mue 1 sans
besoingnier de leur affaire. Et, premier, ont lesdit chainoine trouvés
manier et fasson, et tant pourchaissiés, que il firent par tout desclairier
et dénoncier les seigneurs et lez habitans de la cité de Mets pour excomuniés 2. 3 *
Partie des seigneur de Mets s'en vont à Pomme. - Et, alors, lesdit
seigneurs, pour y pourveoir de remède, ont de ce fait appellés à Romme.
Et, pour plus grant essurement de leur cas, aulcuns de entre eulx furent
comis pour y aller. Et, on non de la cité et de tout le conseille, se despar
tirent ledit ans, le XIIR jour de febvrier 3, c’est assavoir seigneur
Michiel le Gournaix, chevalier, Wiriat Roucel, escuier, maistre Guil
laume Bernaird, advocat, qui estoit au gaige de la cité, avec Jehan de
Landre, 1 escripvain, et plusieurs souldoieurs et aultres serviteurs,
bien honnorablement vestus de noir et de blan, pour solliciter le fait
d icelle appellacion, et pour avoir d’icelle sentence absolucion.
D’aulire seigneur vers l’empereur Phiedrick 4. — Puis, après ce fait,
furent encor envoiés aultres embaxades de par la cité devers le devent
dit empereurs Phéderich, pour le fait desdit channonnes, c’est assavoir
ung appellés Jehan Gomplement, qui estoit de Thionville et nouvelle
ment venus demourés en la dicte cité ; et estoit celluy Jehan l’ung des
clerc des Sept de la guerre. Et, avec eulx, fut envoiez Claussequin le
messaigier. Mais il n’y firent rien de leur prouffit.
Or, avint, tantost après, le jour de la sainct Arnoult 5, que les chainones de la Grant Église de Mets, c’est assavoir le rest qui estoient
demourés, avec ceulx de Sainct Salveur alors résidans en ycelle cité,
furent ce jour audit Sainct Arnoult à la messe, comme il est de coustume chacun ans à tel jour y aller. Mais il n’y pourtairent point l’anel
dudit sainct Arnoult, qui est gairdés pour digne relicque en la dicte
Grand Église d’icelle cité. De quoy l’abbé fist protestacion par intrument
de notaire contre lesdit chanoinnes,de ce qu’il n’avoientpoint appourtés
ledit anel, comme il solloient et dévoient faire. Et leur excuse fut telle
que il n’avoient mie les clefz des juaulx et relicques de leur église ; car,
comme il dirent en soy excusant, les aultres chanonnes, leur compaignon, qui c en estoient ailes hors de la cité, les avoient empourtés.
Et, après ce fait, ledit abbé et lesdit chainonnes ce apointairent emsemble et olrent accort ; puis chantèrent la messe bien et sollainellement,
comme les aultre foix on solloit faire.
Item, on dit moix 6, nostre sainct perre le pappe rappellait et par
donnait le mandement, la santences et touctes les poinne qu’il avoit
rescript contre la dicte cité de Metz et sur touttez la comunalté d’icelle
1. Se tenir en mue, se tenir dissimulé, au secret.
2. Huguenin, p. 315. — Philippe a résumé sommairement toute cette affaire.
3. Huguenin, p. 336.
4j,D'^près Huguenin. °P- oit., p. 315, cette ambassade serait du mois de juillet
ou d août précédent. Philippe, ici, aurait interverti les événements.
5. Le 16 août.
6. En août 1462. — Huguenin, p. 316.
LETTRE DE L’EMPEREUR A LA CITÉ DE METZ (DÉCEMBRE
1462)
345
pour le fait de l’archevesque de Mayence et des aultres seigneurs qui
estoient de guerre en l’encontre du devent dit conte paullautin de Rin.
Et apourta la dictes révocacion et absolucion ung clerc, appellé de
Templo ; et fut plantée le jour de la Nativité Nostre Damme, à heure
de prime, au pourtal de la dicte Grand Église de Mets l.
Les ordres en la ville de Vy. — Puis, le samedi après la Saincte Croix,
frère Jehan Ysambart, de l’ordre des Prescheur, et soufïragant de
Mets, fîst les ordres en la ville de Nancey 2. Et, on temps dessus dit,
on tenoit la court dez santance l’évesque en la ville de Vy.
Item, en celle meyme année, ondit moix de septembre, furent
impétrée plusieurs bulles 3 par les devant dit chainonnes de la Grant
Église de Mets, demorant alors au Pont, contre la cité. Et furènt leute
lesdictes bulles, et yceulx mandement publiées, et les coppies plantée
nuitanment par maistre Géraird, l’ung d’iceulx chainonnes, au portai
de l’église Sainct Arnoult et en plusieurs aultre lieux antour de Mets.
Leclre de Vempereu[r] à la cité de Mets. — Puis, aprez, le XXIIIIe jour
de ce meisme moix de septembre 4, en l’an dessus dit, vint en Mets ung
messagier de l’empereur Phéderich, qui apourtait une lettres scellées
de rouge cire. Et fut celle lettre présantée au maistre eschevin d’icelle
cité, présant ung notaire et par instrument, d’une part et d’aultres.
Et monstroient ycelle lettre que lesdit chainonne avoient tellement
besongniez et impétrés devers ledit empereurs que il mandoit et comandoit, par la teneur d’icelle lettre, aux seigneurs et gouverneurs de la
dicte cité qu’il volcissent ressoire, remettre et restituer en leur cité
lesdit chanonnes, qui estoient fugitif au Pont à Mousson, dedens le
terme de IX jours, sur la somme de cent marcquez d’or, sinon doncques
que dedans LX jours lesdit de Mets ne se venissent comparoir par
devent ledit empereurs pour respondre aux choses dessus escriptes.
Apellation de ceulx de Mets contre les chatioingne. — Tantost après,
le XXVIIIe jours du moix d’octobre ensuient, les quaitre comis pour
la cité au faict desdit chanonnes firent une appellacion 5 contre les
bulles que yceulx chainonne avoient heu plantée à Sainct Arnoult et
aultre part. Et fut celle appellacion plantée a pourtal de la Grant
Église de Mets, à l’heure de prime.
Et, ondit moix, fut tenue la court des clerc en Mets par seigneur
Dedier, chanonnc de Saint Salveur.
La ville de Mayance prinze par emblée. — Or, avint que, en ce meisme
moix d’octobre, l’an dessus dit, fut prinse la cité de Mayance nuitan
ment par eschielle par le duc Loys et ses gens ; et tuairent des citoiens
de la cité tant qu’il furent maistres ; et furent tous les biens d’icelle
cité butinés ; et touttes les richesse d’or et d’argent, tant dez église
1.
2.
3.
4.
5.
Le texte a été publié par Huguenin, p. 316-317.
Nomeney (Nomeny) dans Huguenin, p. 317.
Le texte en a été publié dans Huguenin, p. 317 et sqq.
Décembre dans Huguenin, p. 335.
Le texte en est publié dans Huguenin, p. 326 et sqq.
346
GEOFFROI CŒUR DE FER, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (4463)
comme de la bourjoisie, tout fut prins et desrobés. Dont ce fut pitiet
et domaige.
Item, en l’an dessus dit, furent de rechief renvoiez de part la cité
de Mets par devers ledit ampereurs Pbédrich le devent dit Jehan
Gomplement, Claussequin et le petit Thomas, messagiers, pour le fait
desdit chanonnes. Et revinrent en ycelle cité de Mets la vigille de la
sainct Mertin ; et dirent aux seigneur et recteurs de la dite cité qu’il
avoient parlés à l’empereurs, et qu’il leur avoit promis de brief envoier
par devers lesdit seigneurs pour le fait de ce huttin.
Puis, après le XVe jour de janvier, fut secrètement plantée une bulle
à la croix devent le pont des Mors, que les chanoinnes avoient de
rechief impétrés devers nostre sainct père le pappe contre tous les
gens d’église de la cité ; et disoient lesdit chanonnes en leurs bulles
que yceulx éclésiasticque de Mets estoient mauldis, interdis, anathémathisés et privés de leurs bénéfices et offices à tousjoursmaix.
Le roy d’Aragon mande secour a roi. — Item, en celle année, le roy
d’Arragon manda à Loys, roy de France, qu’il luy voulcist faire ayde
et donner secourt, car sa cité de Bacelonne, et plusieurs aultres de sa
subjection et seigneurie, luy estoient rebelle. Et, pour ce que ledit roy
d’Arragon n’avoit de quoy fornir aux frais de la guerre, il vendit au
roy les contez de Roussillon et de Sardaigne *1 le pris de trois cent mil
escus d’or. Et, cella fait, pour prandre possession desdictes contés, le
roy fist grande armée, de laquelle il fist chief seigneur Jacques d’Armignac, duc de Nemours. Et prindrent la ville de Parpignan, et plusieurs
aultres. Mais de ce ne fut pas content le roy d’Espaigne ; parquoy il
envoya embassadeurs en France, disant que c’estoit venir contre les
anciennes aliances de France et de Hespaigne ; et fist assavoir a roy
qu’il aroit volentiers à luy pailement. Sy délibérèrent d’eux assembler ;
et alla le roy vers Bordeaulx ; et là traicta le mariage de damme Magdalenne de France, sa suer, avec seigneur Gaston de Foix. Et là firent les
deux roys appointement de leur différent, en conferment leurs anciennes
alliances ; et puis c’en retourna le roy à Paris.
Cy vous souffise de ce que essés légièrement a j’en ait parlés ; car je
veult revenir à mon prepos, au fait de la dicension de la cité de Mets et
des chainonne d’icelle.
Mil iiiic Ixiij. — Puis, en l’an après, que le milliair courroit par mil
quaitre cent et LXIII, qui estoit l’an XVIIIIe de l’empire du devent
dit Phéderich, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire
Geoffroy Cuer de Fer, chevallier.
Et, en celle année, le VIe jours d’apvril, frère Jehan Ysambair, des
Proicheurs, sufîragant d’icelle cité de Mets, fist le sainct cresme en la
ville de Vy ; et en olrent tous les curez de Mets et du pais.
a. M : liegerement.
1. La Cerdagne.
JOURNÉE TENUE A SAINT-MIHIEL CONTRE LES CHANOINES (1463)
347
Vengence de Dieu. — Or avint, en celle année, ung grant cas et une
chose admirative, car jamais l’on n’avoit veu la pareil. Le cas fut telz
que plusieurs gens, jonnes et vieulx, et la plus part gens estrangiers,
dansoient et tripoient qausy jour et nuyt sans laichier, par X, par XII,
et par grant troppeau, tant qu’il estoient sy lassez qu’il ne se pouoient
soustenir. Et voloit on dire que c’estoit. du bien Sainct Jehan ; mais
on n’en sçavoit la vérités, car jay aultreffois on ait veu telle chose
advenir 1.
Régné de Cecille retournés de Provence. — Item, en la dicte année et
on dit moix d’apvril, revint le roy Régné de Secille du pais de Pro
vence et de Mercelle ; et fut à Bar et à Sainct Mihiel et a Pont à Mous
son, avec sa femme la royne. Et pareillement y estoit la royne sa fille,
et femme a roy Henry d’Angleterre, et duquelle je vous ait heu par cy
devent parlés durans la guerre des Roy, que le mariaige en fut fait à
Nancy. Mais, alors, celle noble damme, fille a devent dit René, estoit
deschaissée et déjettée d’icelluy royaulme d’Angleterre par le duc
d’Iort, que se disoit roy dudit pais. En la compaignie dudit roy René
estoit celluy roy Hanry, son gendre, et Nicollas, filz le duc Jehan de
Loherenne, mairquis du Pont, Ferry, conte de Wauldémont, sa femme,
fille audit roy René, et son filz, et plusieurs aultres nobles et gentilz
homme. Et dcmourairent ung ans aux païs.
Journéez tenue des seigneur de Mets contre les chanoingne. — Durant
laquelle les quaitre comis pour lez affaire de la cité a fait dez chainonne y furent veoir, c’est assavoir Poince Baudoche, seigneur Ré
gnault le Gornaix, ambedeux chevaliers, seigneur Geoffroy de Warize
et seigneur Nicolle Roucel, de Change. Et furent yceulx devent dit
seigneurs et comis pour la cité journier 2, à belle compaignie dez soldoieur de Mets, audit lieu de Sainct Mihiel, devent le dit roy de Cecille,
contre lesdit chainonnes, qui pour lors estoient demourant a Pont
à Mousson, comme dit est devent. Mais à celle journée ne volurent mie
lesdit chanoinnes faire a grey ne à la requeste dudit roy René ; et ce
despartirent sans riens faire. Parquoy, voyant ledit roy leur arederies 3,
fist dès incontinent defïendre qu’il ne fussent plus soustenus en nulz
lieu de la duchiez de Bar ne de Lorraine, ne a Pont à Mousson, où à
présent il estoient. Et, dès alors, par ung mécredi, Xe jour de novembre,
se despartirent de ce lieu du Pont, et c’en allirent demorer à Wy.
Et, en ce lieu, furent ressus de l’évesque ; et furent ordonnés de chanter
et faire leur service à Saint Estienne de Wy. Et avoit celle devent dicte
journée ëstés tenue on moix d’octobre, présant l’évesque de Verdun et
plussieurs aultres seigneurs, barons, chevalier et escuiers.
1.
2.
dits,
3.
tion.
Voyez aussi Husson, p. 97.
Journoier, tenir journée, conférer. — Il faut construire : Et les seigneurs devant
commis pour la cité, furent conférer à Saint Mihiel.
Dérivé du verbe aroider ou aroidir, se raidir ? Ce mot serait synonyme d obstina-
348
UN ENVOYÉ DE L’EMPEREUR A METZ (DÉCEMRRE
1463)
Une aullre journée tenue à Nomynei. — Item, le dernier jour de jung,
fut encor tenue une journée devent l’évesque de Mets, en la ville de
Nommeny, des seigneurs comis et des chanonnes. Et, à celle journée,
y estoient Benefacti, trésoriers de la Grant Église, et maistre Phelipe,
lesquelles nouvellement estoient revenus de Romme pour le fait desdit
chainonne. Et ne fut encor rien fait pour celluy jour.
Ambassade de l’empereur à Mets. — Puis, après, à la fin de l’an, le
Xe jour de décembre, vint en Mets, on non de Phiederich l’ampereurs,
ung noble et vaillant chevalier baneret, acompaignié environ de
XVIII personne, entre lesquelles y avoit plusieurs docteur, chevaliers
et aultres noble gens. Et luy furent au devent les jonnes seigneurs et
soldoieurs de Mets, et luy fit on ung joieulx recueille. Et puis, après qu’il
fut dessandus, la cité luy fit présent de deux gras buef, XXV chattrons,
L quairte d’avoinnes, et deux cawes de vin blan et rouge ; et, avec ce,
luy fut faictes une bonne chière. Et demeurait XV jours en la cité,
durans lesquelles il fut visiter la plus grant partie des église collégialle
et monesterre de Metz et de dehors. Et fut plusieurs fois oyr messe à
la Grant Église d’icelle cité ; entre lesquelles messe en fut chantée une
en sollennité pour luy faire honneurs, c’est assavoir les grosse cloches
sonnant, le luminaire entour du cuer ardant, et les orgues juant.
Et au monestère de Saint Arnoult devent les pourte d’icelle cité en fut
fait parcllement. Aussy, par touttes les église où le dit embassadeurs
fut, les autel estoient parés, et le bancquet pour bancqueter, luy et les
siens, estoit aprestés. Et fut en l’église de Sainct Siphoriens touchiez
dez relicques et juelz ; et en la salle où estoit le bancquet parés fut ledit
seigneur ambassadeurs, et print le vin de la mains seigneur Poince de
Champel, qui alors estoit abbé. Et fut son logis en l’ostel Jehan Gomplement, devent le Sainct Esperit. Et, quant il voult partir, les seigneurs
de Mets firent dire à son hoste qu’il ne demandait riens pour ces des
pans, et que eulx meisme le paieroient et contenteroient. Et fut donnez
audit ambassade, à son despairt, une belle coppe d’or, et, dedans
ycelle, ung millier de florin de Rin. Cy partit de la cité le vandredi
devent Noël, XXIIIe jour de décembre, et, de sa voye, c’en alla en la
ville de Wy, de cost les chanonnes. Puis retournait devers l’empereurs,
son seigneur, de part lequelle il estoit venus. Maix, devent qu’il se
despartit de Mets, furent tenues plusieurs journées à Sainct Arnoult
pour celle dissancion que la cité avoit en l’encontre desdit chainoine.
Auquelles journées fut tousjours seigneur George de Baude, évesque
d’icelle. Et ne firent rien de leur proffit.
Raichel des terre de Picardie. — En celle dicte année, le roy Loys de
France désengaiga les terres de Picardie estans sus le long de la rivier
de Sonme : c’est assavoir Amiens, Sainct Quentin, Corbie, Arleux,
Mortaigne, Abbeville a, Ponthieu, et aultres que, par le traictié fait en
la ville d’Arras par le feu roy Charles en l’an mil IIII cent etXXXV,
avoient esté baillées au duc de Bourgongne en gaige pour la somme de
a. M : Albeville.
PIERRE BAUDOCHE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1464)
349
quaitre cens vielz escus d’or, de LXIIII au marc, comme cy devent
ait estés dit. Laquelle somme fut paiée comtent. Et, parmy ce, furent
lesdicte ville et seignourie remise és mains du roy et de la couronne de
France.
Mais de ces chose je lairés le parler, pour retourner a maistre eschevin
de Mets et a fait desdit chainongnes.
Mil iiiic Ixiiij. - En l’an aprez, XXVe de l’empire de Phiederich
l’empereufs, qui est l’an de la nattivité Nostre Seigneurs mil quaitre
cent LXIIII, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire Pierre
Baudouche.
Journéez en vain tenue à Thionville. - Et, en la dicte année, fut tenue
une journée en la ville de Theonville devent ung légal de nostre sainct
perre le pappe, des quaitre seigneurs comis de par la cité contre lesdit
chanonncs. Et ne firent riens.
Jehan de Calabre retournés aux paiis. — Item, en celle année, on moix
d’aoust, revint Jehan, duc de Calabre et de Loherenne, de baitaillier
et mener la guerre en l’encontre du roy Pharando *, filz au roy Alphonce
d’Aragon, on royaulme de Naples. Et, ung poc de tampts après, se
despartit René, roy de Secille, pour aller on pays de Provance.
Et je, Philippe de Vignuelle, composeurs et escripvain de ces pré
sente cronicque, ay de mon jonne aage estés és lieu et place en ycelluy
royaulme de Neaples, on païs de Puilles et en terre de Laboure, là où
ce firent lesdicte baitailles d’icelluy duc Jehan en 1 encontre de la
puissance dudit Ferrendo et du roy Alphonce. Entre lesquelles bai
tailles la derniers fut faicte à deux mil ou environ de la cité de Neaple,
en ung lieu que en celluy tampts ce nommoit Mont Impérial, aupiès
d’une ville nommée Dilloule ; et maintenent ce nomme Ponge Reaul,
qui à présant est l’ung des biaulx lieu de plaisance qui soit a monde.
La mort du pape Pie; Paul ije esleu. - Item, en celle meisme année,
on moix d’aoust, le X® jour, morut et trespassa de ce monde pappe
Pius second ; et, le XXVIIIe dudit moix, fut esleu en pappe Paul,
deusiesme de ce nom, qui estoit Vénicien, et cousin du pappe Eugène.
Et fut celluy confermés le IXe jour de septembre, 1 an dessus dit.
Celluy pape estoit par avant cardinal de Saint Marc, nommé 0 Pierre
Balbus. Et approuva la feste de la Piésentacion de la vierge Marre,
comme avoit heu fait son prédécesseur, pape Pius. Il fist en son tampts
acomencer ung sumptueux palas à Sainct Marc, lequelle î aissa
imparfait. Et plusieurs aultrez chose fist ledit pappe, lesquelle je laisse
ad cause de briesté. Et morut le XXIe jour de juillet, l’an mil quaitre
cent LXXI ; et, ainsy, ne régna que Vil ans.
La mort de Cosme de Médicis. - Paireillement, en ce meisme moix
d’aoust, l’an dessus dit mil quaitre cent LXIIII, morut et déviait de ce
a. M : momme.
1. Ferdinand, Fernand ou Ferrand, fils naturel d’Alphonse V, roi d’Aragon, commença en 1458 de régner sur Naples et la Sicile.
350
DÉBUT DE LA CHRONIQUE DE JEAN AUBRION (1464)
monde Cosme de Médicis en Florence, qui alors estoit le plus riche
homme de la terre cresticnne, d’or et d’argent contant, sans avoir
haulte seigneurie. Et, en sa vie, ait fait fonder plusieurs église et
hospital pour les povres gens soubtonir, pour l’amour de Dieu ; et leur
a donnez cences, rantes pour tousjourmaix eulx gouverner.
Les seigneur de Mets en Lliorainne. — Puis, on moix de septembre
après, seigneur Jehan Baudoche, seigneur Geoffroy de Warixe, seigneur
Régnault le Gournaix, chevalier, accompaignié de belle compaignie de
soldoieur de Mets, furent envoiés de par la cité devers le dit duc Jehan
de Lorrainne pour luy dire qu’il fut le bien venus ; et leur fist ledit
seigneurs bonne chier.
L’ospiialz de la Trinité fondée en Mets. — Aussy, on tempts dessus
dit, Jehan, c’on dit Boy le Vin, aultremcnt dict Jehan de Mets, que
par loing temps avoit demoui é en Avignon et en plusieurs aultre pais,
auquelle il avoit gaingnié ung grant avoir, à son retour en Mets, fist
faire la neuve hospital de l’église de la Trinité, pour logier les povre
gens, pour Dieu.
Item, le XIe jour du moix d’octobre, ce partirent de Mets pour aller
à Romme pour la cité en l’encontre desdit chanonnes maistre Guil
laume Bernard, docteur et pencionaire de la cité, maistre Thierry
Thieriat, l’amant, seigneur Anthonne Gremessuel, chanonne de Sainct
Saulveur, acompaigniés de V aullres personnaige pour les servir.
Le marquis de Rutelin en Mets. — Puis, après, en l’an dessus dit, le
XVIIIe jour de janvier, vint en Metz le marquis a de Rutellin. Auquelle
la cité fist présant d’une cawe de bon vin et de XXX quartes d’avoinne.
Les cronicques et diverse advenue ycy devent mise et escripte ont
estés par moy, Philippe de Vignuelle, prinse et recueillie en diverse
traictiés et voullume, et diverses personnaigez en ont heu mis aulcune
chose en mémoire et les ont heu couchiez par item, aincy comme il
l’antendoient. Entre lesquelles ung curé de Sainct Eukaire en Mets ait
heu escript la plus grant partie d’iceulx item et des chose advenue en
ycelle cité jusques à cest année présante ; avec aussy plusieurs aultrez
qui en ont heu escript comme luy. Puis, en cest année, est venus ung
très éloquent homme, saige et entendus, nommés Jehan Abrion,
l’escripvain, citains de Mets. Lequelle, depuis celluy ans mil quaitre
cent et LXIIII, ait heu mis en mémoire une grant partie des advenue
et chose estrange d’icelle cité, et ait tousjour lesdit item et mémoire
continués en jusques en l’an mil Ve après venent *1. Plusieurs aultre
comme luy en ont heu escripts, chacun cellon son entendement, ainssy
comme il ont veu et aprins. De tous lesquelles je, Philippe dessus dit,
a. M : maquis.
1. Le Journal de Jehan Aubrion a été publié par Lorédan Larchey, Metz, Impri
merie Blanc, 1857, d’après un manuscrit, aujourd’hui conservé à Vienne, qui a été la
propriété personnelle de Philippe de Vigneulles. — Nous citerons l’édition Larchey
en mentionnant seulement le nom d’AuBRioN, suivi du numéro de la page.
•lEAN DE HEU 'A ROME
(23
JANVIER
1464 a. st.)
361
en ait quelque peu recueillis a, et avec plusieurs aultre traittiés et
voullume les ais concordés et joing ensemble, cellon la Mer des Istoire,
de maistre Jehan de Belge, de Jehan Frossart et de maistre Robert
Gauguin.
Seigneur Nicolle de Heu à Romme. — Or b pour revenir a prepos,
et en continuent lesdictes cronicque, advint que, en celle meisme
année, le lundemain de la sainct Vincent, se partit de Mets le seigneurs
Jehan de Heu, filz au seigneur Nicolle de Heu, l’ament, pour aller
visiter lé sainct lieu de Romme, de Sainct Nicolas de Bair et de Jhérusalem ; et enmenait avec luy Geoffroy Papperel, filz de seigneur Nicolle
Paperel. Et, en passant à Romme, ledit seigneur Jehan parla à nostre
sainct perre le pappe pour le différant estant entre la cité de Metz
et les chainonne devent dit, lesquelles, en l’an XIIII0 LXII, le jour de
la Division des Apostre, s’en estoient partis de la cité, eulx XXV,
comme ycy devent ait estés dit. Et fist tant ledit seigneur Jehan de
Heu, avec maistre Guillame et maistre Thiriat, que alors estoient
envoiés à Romme pour la cité, comme dit est devent, que la dicte cité
de Mets fut absoulte de la sentence d’excomuniement que yceulx
chainoinne y avoient fait mestre et gecter.
Item 2,
* 1ung peu de tampts après, revint et retourna à Mets ledit
maistre Guillaume. Mais il laissait à Romme le devent dit maistre
Thierey pour tousjours solliciter le procès acomenciés contre yceulx
chainonnes. Et rapourta ledit maistre Guillaume les nouvelles de ce
qu’il avoient espédiés pour le fait de la cité, et cornent ledit seigneur
Jehan de Heu c’en alloit oultre mer en Jhérusalem.
Puis 3, tantost après, la cité et le conseil renvoiait audit lieu de
Romme ung appellé Jehan de Lande, lequel avoit esté clerc de Sainct
Vincent par l’espace de IX ans ; et fut celluy envoiez devers ledit
maistre Thiery pour tousjours mieulx solliciter le fait de la cité.
[début DU RÈGNE DE LOUIS XI, ROI DE FRANCE, ETC. ;
LA GUERRE « DU BIEN PUBLIC ))]
Le roi Loys en Picardie. — Item, en celluy tampts et en la dicte
année, on moix de may, le roy Loys de France ce partit de Paris, et
c’en alla visiter en personne les terres et villes de Picardie qu’il avoit
l’année précédente rachetées ; et y fut par aulcuns tampts. Puis c’en
retira par Ponthieu en la Normandie ; et, après, s’en alla en Touraine,
et, de là, à Poictiers. Et menoit tousjour avec luy seigneur Charles de
France, duc de Berry, son frère.
a.
1.
2.
3.
M : recuueillis.
Aubrion, p. 3.
Aubrion, p. 4.
Aubrion, p. 4.
352
LE FRÈRE DU ROI LOUIS XI S’ENFUIT EN BRETAGNE (MARS
1465)
Le roy deffent loulte chasse ei vénerie. — Or, avés ycy devent oy le
chaitoiement 1 et la lesson que Phelippe, duc de Bourgongne, avoit
donnés à son despairt audit roy Loys : de quoy ne luy en souvint en
riens, ains fîst tout le contraire de son chaitoy. Car, luy qui avoit le
couraige envellopé en férocité et aspreté, comensa à faire plusieurs
chose malz faictes. Tellement que, dès son acomencement, et après ce
qu’il avoit estés couronnés de nouviaulx, il defïandit et prohiba touttes
chasse et vénerie, et estimoit que c’estoit crime de nourir chiens et
oyseaulx, et user de restz et filiez, et ne voulloit point que nulz en
husait, sinon d’autant qu’il le permetoit.
Et, avec ce, desprisoit lesprinces de son royaulme, ne ne les appelloit
point, et ne se conseilloit à eulx à la conduite des grans affaires de son
royaulme, mais se conseilloit et gouvernoit par petittes et menus gens
de basse condicion. Parquoy, à cest occasion, vindrent les grant haine
et discord. Et, encor daventaige, il essaulsoit yceulx homme estrait de
petitte lignié, et les eslevoit en honneurs et seignourie. Et la raison estoit
qu’il ne pourtoit pacientement et ne souffroit estre reprins par aulcune
raison, et yceulx le complaisoient et entretenoient en ces follie et
vouluntés. Et, à cest cause, les princes, par luy mesprisés, avec grant
partie de la noblesse de France, délibérèrent de abandonner l’aliance
dudit Loys affin de deffandre et garder encontre luy leur dignité et
franchise. Et furent alors envoiés secretz messagiers les ung aux aultres
pour santir et faire enqueste de ce que chacun sentoit de soy. Et, quant
tout fut bien apointés, le duc de Bretaigne envoya ses ambassade devers
le dit roy Loys, qui estoit en Poictou, comme dit est, et faindant
qu’il ne sceut rien de l’antreprinse ; et eurent plusieurs parolles ensamble, que je lesse pour abrégier.
Le frère du roy c’en va en Breiaingne. — Mais, après qu’il eurent
prins congié du roy, il ne furent pas environ que VI lue loing que
Charles, frère dudit roy, lequelles 2, par le compromis qu’il avoie
ensemble, ce desroba et occultement eschapa, et tant ait chevaulchiés
que hastivement ce retira vers lesdit ambassade, et avec eulx c'en
alla en Bretaigne, où Jehan, conte de Dunois, principal consulteur de
telle 3 fuyte, le atandoit ; car ainsy avoit esté dit et machiné entre les
princes.
Exortalion du roy faicte aux Parisiens. - Quant le roy Loys fut advertis de celle fuytes et rébellion, et vit que la plus part des princes c’estoient bandé encontre luy, il fut merveilleusement troublés, couroussiet
et doullans. Et, pour ce, affin de éviter plus grant dangiers, bien hâti
vement envoya à Paris, avec lettres, Charles de Melum, Jehan Balue,
lequel depuis fut cardinal de Romme, et Jehan, prévost, et plusieurs
aultres, pour enhorter les Parisiens de estre fermes en leur foy, monstrant le dangier qui leur en pouroit advenir, parquoy estoit besoing de
1. Chastoiement, comme chastoi (p. 340, n. 1), signifie avertissement, conseil.
2. Il faut supprimer lequelles pour que la phrase devienne régulière.
3. De celle fuite ?
JEAN LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1465)
353
moult soigneuse garde à ce que nouvelles esmeutes ne ce levassent en
leur cité, qui est chief et capital du royaulme de France, et que, c’il
estoient fermes en leur foy et alliance “, il ne les failloit craindre ne
doubler. Et, par cest remonstrance que leur fist le roy, les Parisiens
furent plus enclins à obéyr. Et alors estaublirent bon guet par la ville,
et firent restaurer et remestre à point les chaîne par les carrefours de la
ville ; car, alors, acomensairent à sortir plusieurs guerre et riblerie
par le royaulme.
Le roy liève gens. — Tellement que Loys, voyant les choses ainsy
aller, appella en son ayde Régné, duc d’Anjou, que l’on appelloit roy de
Cecille, et Charles, conte du Maine, avec lesquelles leva le roy une forte
armée de XXX mil combatans, dont la pluspart furent baillés en la
conduite dudit Régné et de Charles, son frère. Et, alors, chevaulchait
le roy vers le pais de Bourbonnoys, qui est voisin de Berry, où il print
d’assault le chasteau Sainct Amand, et plusieurs aultre ville et for
teresse, qui ce mirent en ces mains.
Charles de Bourgongne liève gens. — Et, en ce tampts, couroit jà le
bruyt que Charles, filz au duc Phelippe de Bourgonne, avoit levé une
armée pour la joindre avec les aultres conspirateurs, du nombre desquelz il estoit. Et estoit ce bruit vérité, veu que Anthonne, bastard
du dit Phelippe de Bourgongne, et le mareschal, avec plusieurs bandes
de gens d’armes, qui venoient des premiers, prindrent Mondedier et
Roye. Parquoy fut alors comendés aus Parisiens que chacun fut armés
et en point, et que l’on fist bon guet sur la muraille ; et, avec ce, que
par tout les carrefours de la ville fussent mis de nuit falotz et flambeaulx ardens. Car l’armée au duc Charle de Bourgongne ce aproichoit,
corne ycy aprez en aultre lieu il serait dit.
Cy vous lairés d’icelle guerre le parler pour retourner a mastrez
eschevin.
Mil iiiic Ixv. — Puis, en l’an de nostre Rédemption mil quaitre cenc
LXV, et en la XXVIe année de l’empire du devent dit Phéderich, fut
fait et créés maistre eschevin de la cité de Mets le sire Poince le Gournaix, chevalier *1.
Plussieurs seigneur arivés à Mets. — Et 2, en celle année, vinrent
et arivairent en la dicte cité plussieurs grans seigneurs estrangiers, et à
plusieurs fois, venans de diverse lieu et contrée ; auquelles furent fait
plusieurs présent, tant d’avoine comme de chair et de vin. Premier,
y vint le bastard de Bourgongne, l’archevesque de Besanson, seigneui
o. M : allance.
1. Jehan le Gornaix, filz seigneur Poince le Gornaix, chevalier, qui fuit (Aubrion,
p. 4).
2. Aubrion, p. 5.
354
DISSENSION ENTRE L’ÉVÊQUE ET LA CITÉ DE METZ (1465)
Simon de Lalenne, le mareschal de Bourgongne, le conte de Campebas 1,
le marquis de Fairraire et le seigneur de Montagus 2.
La cité et l’êvesques de Mets en division. — Item 3, avint que, en celle
meisme année, ce esmeust ung nouviaulx desbat entre la seigneurie
de la cité de Mets et leur évesque, pour le fait d’ugne censive annuelle
de Ve livrez que ledit évesque devoit ennuellement à plusieurs parti
culiers de la dicte cite. Et tant que, pour estre paiés d’icelle censive,
le seigneur Jehan Bollay et le seigneur Michiel le Gournaix, ambedeux
chevaliers, que commis estoient pour lesdicte censives à chessier et à
poursuiie, firent plusieurs gaigiers sus ledit évesques. Et, de fait,
priment, par plusieurs fois et à plusieurs course, les vaiches d’Airs et
d’Ancey, avec plusieurs corps d’homme dez villes de Chastel et de
Lessey.
Or 4, avint, à l’acomencement de celle gaigiers, que mon seigneur
de Loherenne envoiait prier à la cité que on voulcist ung poc cesser de
gaigier, et qu’il voulloit appaisier les parties. Et on luy octroya sa
demande, et olrent triêve par l’espaisse de VII sepmaine, durans
lesquelles on en fut à journée amiable, présant ledit évesque. Maix on
ne polt avoir accord pour celle fois. Et tellement qu’on racomensail
à gaigier sus ledit évesque ; et, de fait, on gaigeait comme de nou
viaulx.
Item 5, 6encor de rechiefz, on temps d’icelle gaigier, priait mon sei
gneur de Charolois, filz de mon seigneur de Bourgongne, à la cité ou à la
seigneurie d’icelle que leur plaisir fut de encor donner aulcuns respit
au devent dit évesque, affin de ce pourveoir dedans brief tempts. Et on
luy octroiait sa requeste, et furent trêve données entre les partie,
de VI sepmaines, durant lesquelles vint ledit évesque en Mets pour en
tenir journée. Mais on ne polt avoir accort. Et tellement que l’on
racomensait à gaigier plus asprement que l’on n’avoit fait aparavent.
L’êvesques à Mets. — Puis 6, Ce voiant ledit évesque que lesdit de
Mets ne laichoient point à le gaigier, priait luy meisme à la cité qu’il
puist encor avoir ung poc de terme, et qu’il voloit faire ce que à raison
appartenoit. Et on ne luy reffusait pas sa demende ; ains luy fut encor
donnée trêve pour ung moix anthier. Durans lequelle revint encor ledit
évesquez en Mets. Et luy furent au devent les soldoieurs de la cité, par
l’ordonnance de leur maistres, les Septz de la guerre, en jusques à
Nommeny, à grant compaignie ; et fut ledit évesque ressus en ycelle cité
comme à luy apartenoit. En laquelle il ne demourait que VIII jour.
Et ce despartit d icelle sur bon traictiés desdictes gaigiers, et aussy sus
le traictiés de la dissancions des devent dit chainonnes.
1. Campobasso, d’origine napolitaine, fut au service des ducs de Lorraine et des
ducs de Bourgogne.
?. Aubrion, p. 5, ajoute après Montagus : son père. — Huguenin, op. cit., p. 342,
donne des détails plus complets sur ces diverses réceptions.
3. Aubrion, p. 5.
4. Aubrion, p. 5.
5. Aubrion, p. 5.
6. Aubrion, p. 5.
ORDONNANCÉS A METZ POUR LA GARDE DE LA VILLE (1465)
355
Item *i, ce tampt pandant et en celle meisme année, le VIe jour de
jullet, advint une grande fortune és biens de terre, de malvais tampts
plains de tempeste, orible et dangereux ; et cheut fouldre et grelle
merveilleusement grosse, de laquelle furent tempestés plusieurs bans
et fins de plusieurs villes de la terre de Mets, tant les bledz comme les
vin. Maix touttefïois, la mercy à Dieu, le bledz ne le vin n’en furent
alors point plus renchéris ; car, en celluy tempts, y avoit tant de bief
que l’on avoit la quairte de froment pour III sols, et le soille 2 pour
II sols et pour XX deniers, et tout le milleur vin de la cité ne ce vandoit
que III deniers la quairte, et, d’aultre, plus maindre, l’on les donnoit
pour II deniers ou pour ung denier, et en trouvoit on assés à ce pris
parmy la ville.
Divisions aux royaulme de France ; ordonnances en la cité de Mets. —
Item 3, aussy, pour ce que en cellui tamps et en celle meisme année ce
assembloient gens de plusieurs contrée pour le fait d’icelle guerre
nouvellement esmeute entre les princes du royaulme de France avec
le duc de Bretaigne, mon seigneur de Berry, frère du roy, mon seigneur
de Charolois, filz a duc de Bourgongne, mon seigneur de Lohereine,
et plusieurs aultrez, comme ycy devent ait estés dit, parquoy grant
armée ce assambloient de touttes pars, pour lesquelles armées la cité
se doubtoit aulcunement, à l’ocasion de ce que plusieurs fois l’on y ait
heu envie, et tant que, pour ces chose et plusieurs aultres, fut ordonné
par le conseil qu’il y aroit touttes les nuitz, sur chacune des septz
pourte d’icelle cité, deux arbellestriers avec les gairde ordinaire. Et
faisoient yceulx arbellestriers l’essairgaitte 4 touttes les nuit par dessus
la muraille. Et, encor daventaige, pour ce tampts furent mis plusieurs
soldoieurs au gaige.
Et 5 puis, tantost environ ung moix après celle ordonnance faictes,
pour ce que il sambloit que yceulx arbellestriers gaignoient gros gaige,
il fut passés par le conseil qu’il fussent dépousés d’icelle office et cassés.
Et fut alors ordonnés de prandre parmy la cité des josnes gens, telz
comme lez clerc et les filz des bourjois et marchamps, qui ne faisoient
encor point la haulte pourte ; et, d’iceulx clerc et josnes filz, l’on en
fista aller à chescune desdicte portes6 deux pour chacune nuyt
pour faire l’assairgaitte sur la muralle en la manier que lesdit arbelles
triers le faisoient.
Ceulx de Mets requis de laisser passer gendairme. — Or 7 avint, en ce
meisme tempts, le XVe jour de juillet, que le seigneurs Guillaume de
а. M : filz.
1. Aubrion, p. 6.
2. Et moitauge (corriger moitange, méteil) et soille pour ij sols et pour xx deniers
(Aubrion, p. 6).
3.
4.
5.
б.
j.
Aubrion, p. 6.
Le guet. C’est le mot français échauguette (escharguaite).
Aubrion, p. 6.
A chacune de sertainne porte (Aubrion, p. 7).
Aubrion, p. 7.
356
MISE EN DÉFENSE DE LA VILLE DE METZ (1465)
Sousoigne 1 vint à Mets en ambassaude pour mon seigneur de Bourgongne ; et fut menés devant le conseil, priant à la cité, on nom de son
seigneur, que il leur pleust de laissier passer XII mil hommes d’armes
parmy le païs de Metz, lesquelx mon dit seigneur de Bourgongne
envoiait en ayde au devent dit seigneur de Charolois, lequelle alors
estoit desjay en France bien avant. Et le conseil luy respondit que au
roy de France ne à mon soigneur de Bourgongne ne volloiont ilz faire
point d’enpeschement pour leur gens passer, ne autrement, par ainsy
que la cité n’y heust point de dopmaige, ne leurs subgectz aussy.
Visitacion faicie anlour des muraille de Mels. — Et 2, incontinent,
furent commis aulcuns des seigneurs de la dicte cité pour aller visiter
les tours sur la muraille, se toutte l’artillerie estoit bien en point, et s’il
y failloit rien. Et y furent commendés les maistres et six 3 de ung
chacun mestiers, auquel fut ordonnés, ung chacun endroy luy, que
touctes leurs tours fussent formes de ce qui estoit nécessaire à deffence
de guerre. Et furent alors faictes plusieurs serpentines et collevrines,
et aultre engins nouviaulx.
Tantost 4 après, le thier jour du moix d’aoust, revint maistre Thierrey de Romme. Mais sa venue ne fut en riens profltauble pour la cité,
car il ne rapourtait oncquez nouvelle dont on ce sceust à quoy tenir.
Et, jà ce que luy et maistre Guillaume y eussent estés par l’espaisse de
X moix, à gros frais et despans de la cité, néantmoins il ne firent à
court de Romme aulcuns esplois en l’encontre d’iceulx chainonne qui
fut de vallue ; parquoy le conseil n’oit mye grand volunté de les y
renvoier.
Item 5, aussy en ce meisme jour, revindrent de Romme, avec ledit
maistre Thiery, le sire Anthonne Gremesuelz et Jehan Motin, ambedeux chanonnes de Sainct Saulveur. Lesquelx y estoient allés pour tout
le chappistre de Sainct Saulveur enthièrement, en l’encontre d’ung
prebstre qui avoit esté bourcier d’icelle églisede Sainct Saulveur, lequel
avoit receu ung malvais florin. Et, quant se vint à rendre compte,
lesdit seigneurs de Sainct Saulveur le volrent contraindre, et, de fait,
le constraindirent de faire ycelluy florin bon. Mais, avent que la fin en
fut faicte, il leur coustait bien chier. Car ledit prebstre, pour cestuy
fait, s’en allit à Romme, et fist citer tout le chappistre enthièrement
dudit Sainct Saulveur ; et, après la dicte citacion, donnée 6 sentence
d’excommunicacion. Tellement qu’il convint ledit chappistre y envoier ;
et, de fait, y furent envoiez les deux dessus dit, lesquelx rapourtairent
leur accort et leur absolucion. Maix se ne fut ce mie que 5, pour ycelluy
1. Guillaume de Saneuse (Huguenin, p. 344).
2. Aubrion, p. 7.
3. Les maistres et les vj de tous les mestiés de Metz (Aubrion, p. 7). — Voyez, sur les
trente deux tours des métiers de Metz, la note de Lorédan Larchey (Aubrion, p. 7,
n. 2).
4. Aubrion, p. 8.
5. Aubrion, p. 3.
6. Donner.
j. Mais il n’en arriva pas moins que...
LA GUERRE DITE (( DU RIEN PUBLIC » (1465)
357
malvais florin, ledit chappistre de Sainct Saulveur n’en perdit plus de
Ve bon florins, avent ce que l’acort en fut fait, tant en fraiz et en despens comme en aultres dompmaiges.
En ce meisme tampts, et durans que ces chose se faisoient en Mets,
se continuoit tousjour la guerre en France de plus en plus. Et tellement
que, en ensuiant ce que j’ay dit devent du devent dit Charles, filz du
duc Phelippe de Bourgongne, duquel tous les aultres conspirateurs
attendoient grant ayde, vous devés sçavoir que, en ce tampts et durant
ces jour, et après qu’il eust assemblés ces gens, desquelles une partie
passairent par le païs de Mets, comme j’ai dit devent, mena son armée
à Pont Sainct Maxent, sus la rivier de Ayse *1.
Le duc de Bourgongne promect liberté aux paiis de France et abollit les
taille. — Et, alors, tous ceulx qui estoient délibérés de préparer lez
armes encontre le roy Loys avoient ensemble déterminés de eulx
assembler, affin qu’il puissent remettre en liberté le puple, qui estoit
foullés de tailles et gabelles. Car, affin de attraire le puple à soy, ledit
Charles de Bourgongne, lequelles depuis mourut devent Nancey, tout
par tout les lieu où il passoit, promectoit a peuple liberté et franchise,
affin de les attraire à soy. Et, par ces choses ainsy faictes, mist plu
sieurs ville en sa puissance, les unes par telle parolles comme cy dessus
ait dit, les aultres par dons, et les aultres par force et puissance. Et,
affin de mieulx pervenir à son intencion a, entre les aultres ville et
places, il occupa Laigny ; auquelle lieu il fist bruller les livres des
comptes des receptes des deniers du roy sus les tailles et tribus. Et,
daventaiges, ouvrirent les chambres et greniers où estoit le sel, lequel
fut abandonnés à en prandre qui en voulloit, en paient seullement le
droit du marchant. Et firent anoncier que touttes choses seroient
franches de tribut.
Paix simulée. — Ce tempts durant, le roy Loys estoit à Bion, en
Auvergne, acompaigniés de XXIIII mil homme, tous bons combatans
et très expers en la guerre, par le long usaige de gendarmerie. Parquoy,
après plusieurs chose que je lesse, fut la paix faictes entre luy et e
Bourgongnon. Et tellement que, le XIIIe jour de juillet, fut celle paix
promise, jurée et crantées, et mise en escript par noctaires apostoli
ques, soubz paine d’excomunicacion, qui feroit ou viendroit au contrai
re. Parquoy, les nouvelles venue à Paris, on en fist pourcession et feu
de joie.
On refuse l’entrée à Paris aux duc de Bourgongne. — Mais celle paix
ne durait guerre. Car, pour ce que les Parisiens ne voulrent laissier
entrer le dit Charles de Bourgongne, avec touttes sa puissance, dedans
la ville, ains tiroient d’artillerie et résistoient de leur puissance, et
tellement que plusieurs en furent des tués, qui demourairent dessus e
a. M : intecion.
1. L’Oise. — La forme Ayse n’est pas une faute, mais reproduit une prononciation
réelle.
358
BATAILLE DE MONTLHÉRY
(16 JUILLET 1465)
champs, car Joachin Rouault, capiteine, avec bonne compaignie de
gens d armes tenant pour le roy, estoit à cest heure à Paris ; parquoy
le dit de Bourgongne de celle résistance et de ces gens ainsy tués fut
couroussé, et comença à menacer la cité ; et, voiant que continuelle
ment on gectoit bonbardes et aultre trectz des muralles dessus ces gens,
il c’en retira avec son armée a pont Sainct Cloud, lequelle fut prins,
avec le chaisteau. Et, illec, oit nouvelles que Charles, frère a roy Loys,
venoit en son ayde par la Beaulce avec les Bretons ; parquoy il mena son
armée à Montlehéry.
Bataille à Monllehérei entre le roi de France et le duc de Bourgongne. Et, alors, le roy Loys venoit à Paris, pour résister encontre le Bourgongnon. Mais, quant il congneut que son frère le venoit assaillir par derrier,
et que devent luy avoit le Bourgongnon, il prepousait que, avent la
venue de son dit frère, il assauldroit et vainqueroit les Bourgongnon ;
et, cen voulloir atandre le grand nombre de piétons qui le suivoient,
avec grand multitude de chevaulcheurs, ne sans donner espace à ces
gens de soy reposer, comme chault et boueillant de fureur, donna
assault aux ennemis. Lequelle fut espoventable et plain de sang, car
plusieurs des Bourguignon qui batailloient en l’avangarde et premier
pointe s en fouyrent, et grand nombre d’iceulx furent occis ou prins en
a fuyte. Lors les Parisiens, oyans le bruit, se mirent tous en armes et se
respandirent parmi les champs pour prandre la proie des fuytifz.
ais Loys, conte de Sainct Paul, lequelle depuis fut connestauble de
France et oit la teste tranchée à Paris, qui tenoit en ordre de camp le
résidu de 1 armée des Bourgongnon, admonestoit trefïort ses gens
d armes de soustenir l’assault du roy ; lequelle, après ce qu’il en eut
îespandus une partie, assaillit l’autre, et tourna son artillerie vers les
Françoys ; desquelles il en occist plusieurs de illustre non et encienne
noblesse. Ainsy fut la baitaille très cruelle, en laquelle on combaitoit
de tous costez sans nul espergner, sy que meisme le roy, vertueusement
combatant entre les siens, estoit en grant dangier. Et fut ainsy combatu par diverse fortune jusques au vespre du séziesme jour de juillet, et
jusques à ce que les gens d’armes escossois qui avoient la garde du
corps du roy, considérans qu’il estoit en grant dangier, car toute la
journée parmy le grant chault boueillant estoit en la meslée de sy
horrible bataille, et n’avoit de tout le jour beu ny mengé, et considé
rant aussy la fuyt de six cenc homme d’armes que le conte du Mayne
et Montauban, mareschal, avec plusieurs aultres, menoient, lesquelles,
d icelle bataille espoventés, lâchement et villainement abandonnairent
tout et c en fuyrent ; parquoy, ces choses concidérées, prindrent lesdit
Escossois le roy et le menèrent dedans le chasteau de Montlhéry a.
Les Bourguignon demeure vidorie[ux\. — Et, par ainsy, fut la bataille
rompue, et demourairent les Bourgongnon victorieulx en leur camp et
stacion. Et trouve l’en que en cest baitaille, tant d’ung costé"que
d aultre, moururent trois mil et six cens hommes, entre lesquelles y oit
a. M : Monlthéry.
CARACTÈRE DE LOUIS XI, ROI DE FRANCE
359
plusieurs grant personnaige et gens de noble lignié, tant des Françoys
comme des Bourgongnon.
Au lundemains, le roy c’en tirait à Corbueil, et, de là, à Paris. Auquelle lieu, ainsy comme il estoit à son soupper, il racomptoit aux assistans
sa fortune ; et, en force de couraige, tressaigrement parla de plusieurs
choses, remonstrant l’incertitude et instabilité de l’estât et condicion
des hommes. Car celluy roy estoit homme bien lettré, et expert à
l’estude par dessus la coustume des roys ; parquoy fist sa hairangue
en telle sorte qu’il provoca plusieurs personne à larmes.
Le roi reprins d’aulcun sien familier. — Toutefois, ce fyant treffort
en sa science, il husoit très poc de conseille ; et n’y avoit homme qui
luy osait dire. Parquoy, une fois, en chevaulchant à la chasse, et qu’il
estoit montés sus ung petit et meschan chevaulx, ung homme avoit
en sa court plain de facerie 1 et de joyeuseté pour le resjoïr, nommés
Bresay, celluy Bresay, estant auprès de luy, interroga le roy en la
manier qui s’ensuit : « Très paisible roy », dit il, « mais où as tu acquis
sy fort et puissant chevaulx ?» — « Pourquoy ce, » dit le roy, « car tu
vois qu’il est treffoyble et petit. » — « Non est ce », dit Bresay, « il est
treffort, car il te pourte avec tout ton conseil ». Le roy l’entendit bien,
mais il n’en fist samblant. Ung aultre foy, que aulcuns ambassadeurs
estoient vers luy venus du pais d’Angleterre, et si comme le roy Loys
demendoit conseille à ses serviteurs et familiers quel don espécial il
présanteroit audit ambassade, alors ce leva Bresay et dit : « Sire, tu as
en ta chapelle ung grant nombre de chantres, desquelles tu ne fais pas
grant estimacion, et ne te délectes en leurs champs et canticques,
parquoy me samble que ce sera bien fait se tu leur donnes, attendu que
facillement t’en passeras ». A ces parolle acommença Loys à soubrire,
combien qu’il entendist que Bresay les avoit dictes par cavillacion 2,
pour ce que au service divin et a soullaigement de sa tristesse peu
usoit de harmonyes de chant. Car celluy roy délessa et desprisa toutes
lez honnestes sérimonies des choses mondaines observées par ces
prédécesseurs. Et, avec ce, la majesté royalle, tropt humilié et abessée,
appelloit plusieurs à son convy 3 avec lesquelles il buvoit et mangeoit
tropt familièrement, et aucunefïois ordement parlant, par espécial
quant il escheoit à tenir prepos des femme. Avec ce, jamaix ne ce
vestoit de habitz sumptueux et ne ce esjouissoit de la pompe des
courtisiens.
Depuis la journée de la baitaille faictes à Montlehéry, le roy eut
tousjours le couraige gros, et voulluntés de soy vangier ; et parloit encor
souvant de retourner contre ses ennemis. Mais de ce faire en fut par
les plus saige destournés. Et ce thint plusieurs jours à Paris. Auquelles
1. Esprit, finesse. — L’adjectif facet ou facete a été emprunte au latin et a vécu en
français au xr«-xvi“ siècle (voyez dans Godefroy facetement facetel).On attendrait ici
faceterie plutôt que facerie. Mais n’est-ce pas une distraction de Philippe pour facetie .
2. Caviïlation, plaisanterie subtile.
3. Convi, repas, banquet.
360
LES PRINCES DEVANT PARIS (1465)
tamps durant, voyant sa coustume et gouvernement, révérand perre
en Dieu Guillaume Charretier, évesque de Paris, luy fist une belle orai
son, par laquelle, comme il eust mis en mémoire les choses passées,
l’enhorta de avoir et tenir celle qui s’ensuivent : c’est assavoir que cho
se convenable estoit au roy de pourveoir à tout par bon conseil, et à
l’entour de soy avoir hommes aymans le bien et équité de chacun, et qui
gardent la tranquilité de paix, et quil soient modérés par attrampance 1
de guerre et justice. Le roy, esmeu par la remonstrance de l’évesque,
fist choisir hommes de bonne renommée, qui chacun jour assisteroit
à son conseil avec les anciens conseilliers. Et, à cest cause, furent elleu
et prins six des cytoyans de Paris, six des conseilliers de la court de
parlement, et autant de l’Université de Paris. Lesquelles estoient
hommes bien approuvés en cest affaire.
En cellui tampts régnoit Guillaume Fichet, recteur de l’Université
de Paris, homme éloquant et puissant en doctrine, et le plus grant
en science qui alors fut sur la terre. Parquoy il fut mandé à Romme de
part nostre sainct perre le pappe ; et luy mena Bessarion, cardinal grec.
Et encor sont ses livres de réthoricque, d’icelluy Ficher, et oraisons et
épistres.
Course parmei la France. — Or, retournons à parler de Charles de
Bourgongne. Lequelle, après la journée de Montlehéry, s’en alla farcy
de gloire à Estampes. Auquelle lieu ce assamblèrent Charles, frère dudit
roy Loys, et le duc de Bretaigne, avec tous les aultres conspirateurs ;
puis, peu de tampts après, cheminèrent en Gastinoys avec leur armée.
Durant ces jours, le roy fut adverty que Jehan, duc de Calabre, lequelle
depuis ce nommoit à Mets le duc Jehan de Loherenne, filz du duc
René d Anjou, venoit avec grant nombre de gens d’armes pour ce
meller et joindre avec les aultres conspirateurs. Parquoy vers luy
envoya le seigneur Pricigny et plusieurs aultres, affîn de essaier se, par
grande promesses, le pourroit convertir et atraire à soy. Car, pour ce
que ledit Jehan, on non de son perre René, avoit encor entreprins de
faire la guerre contre le devent dit Ferrande, filz du roy Alphonce,
roy d’Arragon, et de encontre luy conquérir le royaulme de Neaples,
et que, en prometant de luy donner secours, il le pouroit rapeller à sa
grâce, néantmoins touttes ces promesse, Jehan fut endurcy en son
couraige et persévéra de aller avec ses compaignons conspirateurs.
En ce meisme jour, 1 on fist couper touttes les saulx de antour Paris,
pour ce qu’elle pouuoient estre aydans aux annemis. Et, alors, les
conspirateurs prindrent le pont de Charenton et plusieurs aultres plesse.
Et estoit Charles, frère a roy Loys, logiés, luy et ces gens, entre le bois
de Vicennes et la rivier de Marne ; et le duc de Bretaigne à Sainct Mour.
Et le duc Charles, filz au duc de Bourgongne, c’en alla en une ville
nommée Conflan. Et plusieurs aultre bande firent leurs stacion soubz
le ciel, parmi les bois de Vicennes. En celluy tampts estoit le roy Loys
en Normendie, là où il assambloit gens pour résister aux annemis.
1. Atemprance, modération, retenue.
REMONTRANCES DES PRINCES
(1465)
361
Et, alors, Charles, son frère, par l’oppinion de tous cesaydans et alliés,
envoia quaitre lettre à Paris. La premier ce adressoit aux cytoiens, la
seconde à la court de parlement, la tierce au clergé, et la quairte aux
escolliers. La teneur de ces lettres estoit tel, et leur mandoit qu’il
c’estoit alié aux princes du royaulme, non pas pour mal faire a puple,
maix pour le bien et proffit de la chose publicque. Parquoy ledit Charles
requéroit qu’on luy envoiait ung peu de gens qui feussent saige et
rampliz de bonne science, affin de leur notiffier plus amplement les
causes de l’assemblée dessus dictes. Après la lecture des lettre, furent
envoyés XII personnaige prudant et saige, tous soubz la conduicte de
Guillaume Charretier, évesque de Paris. Lesquelles furent ressus
honnestement, et leur fut dit et desclairés les cause pourquoy on les
avoit mandés. Et, alors, quant il heurent entendus le couraiges des
princes, retournairent à Paris en l’hostel publicquez de la ville, là où il
racontairent la voullenté des seigneurs devent dit.
Remonstrances des prince des faillie commise par le roy envers eulx.
Premier, dirent ainssy : « que les princes dessus dit avoient dez loing
tampts concidéré les meurs de Loys, lequel non seullement foulloit le
peuple de tailles et servitude non acoustumé, ainçoys les avoit en
contennement, avecques presque toute la noblesse de France ; et que
tout faisoit à sa guise et voulenté, que luy mesme estoit la loy, le juge
et le parlement ; que toute son espérance de régner mectoit en armes
et gens de guerre ; qu’il ce servoit et tenoit familier de gens essez de
humble et povre lignée, affin qu’ilz luy accordissent tout ce qu’il
vouldroit et obéissent à tous ses commandement, et apliquoit à les faire
pareilz aux princes. Que tout estoit plain d’accusateurs, que nulles
n’avoit ces richesses, meismez sa vie, à seureté, que plusieurs, pour
frivolle suspicion bannis, estoient perdus, et que plus aux prince
n’estoit lessé d’auctorité, que les bestes brutes et saulvaiges estoient en
plus grande seureté et liberté que les hommes. Que la pécune et les
deniers du roy estoient prodigallement respandus, voir aux hommes qui
ne sçavoient bien ny honneur, lesquelles avoient les pensions annuelles
que les prince deveroie avoir. Que près estoit et peu deffailloit que
touctes choses désordonnéement à ung seul appartiensissent. Toutes
lesquelles cause avoient meu les prince à prendre les armes pour leur
protection, et venir ensemble à la royalle ville, où l’on demande et doit
on demander le comun jugement des François, affin que, en la manière
des anciens, le conseil des trois estatz assemblé, 1 on puisse paisiblement
traictez des choses comunes. Et que vraiement il cognoissoient Loys
estre leur roy, et de tout le royaulme des Françoys, mais que à leur
office et dignité appartenoit le enhorter et admonnester ses prédé
cesseurs ensuyvir et user des loys du pays, et, avec ce, entretenir
schascun en son droit et en sa coustume; aussy, qu il devoit modérer les
tailles et avoir pitié du peuple, qui souvant estoit desnué de tous biens.
Parquoy requerroient yceulx princes de entrer en la ville, sans aucune
injure ». « Ce sont », ce dit Charretier, évesque de Paris, « les remons
trances que nous ont fait les princes pour le vous déclairer ».
362
LE ROI LOUIS XI RENTRE A PARIS (1465)
Le raport congneu, tel que dessus est récité, fust accordé de faire
généralle assemblée. Et, de fait, fut dit et accordés qu’on ne devoit
aux prince dényer l’entrée de la ville, se, après la foy par eulx jurée,
se abstenoient de touctes injures et molestacions, et qu’il paiassent
tous les despens qu’il feroient en la ville. Et encor respondit l’assemblée
que cecy leur seroit octroyez pourveu que Loys y donnast son consen
tement, sans lequel n’estoit loisible aulcune chose follement 1 faire.
Par raison de quoy, le lendemain, retournèrent les ambassadeurs par
devers les princes, auquel ils annoncèrent la sentence des Parisiens.
Mais les capitainnes des gens d’armes que Loys avoit lessé en gar
nison, quant ilz cogneurent la responce des Parisiens, firent monstre
et reveue de leur gens, tous en armes, comme s’il eust estés besoing de
combatre. De laquelle chose le peuple resjouy print milleur espérance.
D’aultre part, Montauban, admirai de France, leur augmenta le couraige, lequel ce jour meisme arriva en la ville avec grant nombre de
combatans.
Quant le roy fut de ces choses advertis, doubtant le dangier, c’en
vint bien en haite à Paris. Et, alors, tous les princes dessus dit ce vin
rent tous monstrer et présanter en la plaine de Sainct Anthonne,
devent la porte de la Bastille de Paris, où il passèrent, équipés de
toutes leurs armes, avec grant résonance de trompette et claerons.
Et fut ainsy fait plusieurs journée, avec quelque petitte escarmouche.
Mutations de peuple dedens Paris. — Cepandant le roy fut adverty
de l’opinion qui avoit estés donnée pour recepvoir les princes en la
cité. Parquoy il banist et mist en exil tous ceulx qui avoyent acordés
à celle sentence, réservés Charretier, évesque de Paris. Car, jay ce que
Loys le tiensist moult suspect et en hayne, toutesvoys, pour ce qu’il
estoit homme de saincte estimacion, attrampa et modéra Loys son
yre.
Tantost après, on cuyda traicter de paix ; mais l’on ne fist rien pour
celle fois.
Et fut faictes grosse escarmouche on bourgz Sainct Marciaulx,
auquelles en y oit plusieurs des prins, et les aultres occis. Cepandant,
à Pontoyse, y avoit ung capitaine, nommés Loys Sorbier, lequelles en
trayson mist les annemis dedans, et leur livra la ville et le chasteau.
Aussy, durans ce tampts, les Normans, souverainement ceulx de Rouan,
ce tiroient fort de la partie de Charles.
Aussy, en ce tamps, les gens d’armes de Loys, et qui estoient logez
és maison des citoians de Paris, estoient fier et orguilleux, et ne craingnoye dire que les richesses estant en leur maison n’appartenoient
aux habitans, ainçoys estoient à eulx, et que peu leur profiteroie leur
chesnes tendues, quant il vouldroient, car promptement il les pourroie
rompre et arracher. Parquoy, ces choses et plusieurs aultres ouyes, le
puple ce elle va. Et ordonna le prévost des marchamps que toutte les
1. Fealment ? Livrer Paris aux princes, c’était trahir leur
toi jurée au roi.
TRAITÉS DE CONFLANS ET DE SAINT-MAUR (OCTOBRE 1465)
363
nuit seroient fais feuz par tous les carrefours de la ville, et que chascun
en son quartier feroit le guet en armes ; et ne cessa l’on pour quelque
deffance que le roy en sceut faire. Parquoy, pour ces choses, et pour
plusieurs aultre nouvelles, non guerre plaisantes a roy, qui luy estoient
venue de nouvel, et voiant aussy que tout le royaulme branloit encontre
luy, trouva manier de parlamenter aux conspirateurs.
Plussieur terre rendue aux prince de France par le roy Loys. — Et
tellement que, après plusieurs allées et venues, l’acort fut fait. En telle
manier que la duchée de Normandie fut donnée à Charles, son frère;
et en fist fîdellité au roy. Et à Charles de Bourgongne en perpétuelle
possession fut baillé Péronne, Roye, Mondedier, avec les contés de
Guynes et Boullongne. Et à Jehan, duc de Calabre, fut donné grande
pécune, avec compaignie de gens d’armes au fray du roy pour aider à
reconquérir le royaulme de Neaples. Au duc de Bourbon et a conte de
Dunoys, fut restitué tout ce qu’on leur avoit ostés durans le tampts
de la conspiracion, et avec pension annuelle à luy assignée. Le conte de
Dammartin receut aussy touttes ces terre et possession, qui avoient
estés confisquée au roy. Et institua le conte de Sainct Paul connestable
de France (lequelle, depuis, pour ces desmérite, fut décapités en Grève,
à Paris). Et, a duc de Bretaigne, fut rendue le conté de Montfort, avec
grande somme d’argent. Et, ainssy, fut tout apaisés la rébellion et entreprinse des conspirateurs. Et fut ce fait en l’an dessus dit mil quaitre
cenc LXV, le XXVIII[®] jour d’octobre.
Le duc de Bourgongne contre les Liégeois. — Et, tantost après, Charles
de Bourgongne menait ces gens d’armes sus les Lyégeois ; et leur fist
cruelles guerres.
Puis, ces choses ainsy faictes, et que le roy eust transmués plusieurs
de ces officier, il ce partè de Paris et c’en ailla à Orléans.
Une cornette cheute sur la ville de Paris. — Auquelle tamps durant
cheut dessus ycelle cité de Paris une très ardante commette ; ne jamais
on n’avoit veu la pareille, car il sambloit que la cité fut toute envelopée de feu.
En ces mesme jours, estoit Charles, frère a roy, arivés à Mont Saincte
Katherine, auprès de Rouan, avec le duc de Bretaigne et plusieurs
aultres. Et séjourna en ce lieu quelque nombre de jours, en attendant
que les cytoyens eussent fait leur appareil et la pompe pour recepvoir
leur duc à son entrée. Mais, durans ce tampts, ce esmeust aulcuns
hutin entre les princes. Car le duc de Bretaignes et le conte de Dammar
tin ce despitoient de ce qu’il n’avoient aussy grande auctorité envers
Charles comme il avoyent mérité ; et, de fait, pour ces chose, voulloient
mener ledit Charles en Bretaigne.
L'entrée de Charles â Rouuen. — Mais, quant il en fut advertis,
il y pourvoay 1 ; et fist son antrée à Rouan secrètement, sans aultre
sollanité faire fort que de la clergie. Parquoy le duc de Bretaigne,
indigné de cest affaire, c’en retourna devers le roy. Et firent alliance
1. Exactement : fourvoya. Il y(pourvut.
364
ACCORD ENTRE L’ÉVÊQUE ET LA CITÉ DE METZ (AOUT 1465)
ensamble, ne jamaix ne laichèrent jusques à tant qu’il oyrent reconquestés la duchiés de Normendie, et que, après plusieurs rancontre
et aultre chose faictes, que je lesse pour abrégiés, elle fut remise en la
mains du roy ; et en fut ledit Charles bouttés dehors.
Item, on dit ans, le roy fist arraser et brûler le chasteau de Chau
mont sur Loire, appartenant à messire Pier d’Amboise.
Et, ainssy, avés oy les guerres et tribulacion que souvant ce esmeuvent, à poc d’occasion, pour ung pouc d’avarise et vaine gloire a et
appétit désordonnés de ce ellever.
Cy vous en lairés le parler pour revenir à mon prepos des fais de la
cité de Mets et de la dissancion dez chainongne.
[la
paix signée entre les chanoines de la cathédrale
ET LA CITÉ DE METZ :
l465]
Vous avés par cy devent oy et entandus les grant discord, envie et
tribulacion que en la devent dicte année furent on royaulme de France
et en plusieurs aultres païs et régions. Rest que maintenant je veult
retourner à mon prepos des fais de la cité de Mets et de plusieurs
aultres besoingne digne de mémoire.
Ve Bourguignon passe par devent Mets. — Et 1, premier, est à enten
dre que, durans ce tampts, le Ve jour du moix d’aoust, passairent parmy
la devent dicte cité et le pays d’icelle environ V° Bourguignon, moult
povrement accoustrés et abilliés, car les aulcuns estoient causy tout
nud, les aultre dessiriés, et la plus pairt tout à piedz. Et venoient yceulx
de la compaignie le devent dit Charles de Bourgongne, et d’icelle jour
née et grand tuerie de Monlehéry, en France, auquelle lieu furent
mors plusieurs Bourgongnon et François, comme cy devent est estés
dit.
L’évesque revient à Mets. — Tantost 2* après,
1
le XIe jour de ce meisme
moix d’aoust, en l’an dessus dit, revint monsseigneur l’évesque de
Mets en ycelle cité ; et y séjournait XV jours. Lesquelle durans il fist
acord du différent qu’il avoit en l’encontre de la seigneurie d’icelle
cité pour et ad cause des gaigiers devent dictes. Puis c’en retournait,
sur telle apointement que le corps de la cité luy prestoit VIII mil
florin de Rin pour paier les ariéraige qu’il debvoit au ditez gaigier.
Les quailre marie du Valt emgaigiéez en la main des seigneur de
Metz. — Et 3, pour ycelle somme à avoir, en mist en gaige à la cité les
a.
M : groire.
1. Aubrion, p. 9.
2. Aubrion, p. 9.
3. Aubrion, p. 9.
LA GARDE DÈS PORTES OTÉE A METZ (SEPTEMBRE 1465)
365
quaitre maries du Yault, c’est assavoir Airs, Ancey, Chastelz, Sciey
et Lessey*
1, en toutte haulteur et seigneurie, tout on point, en la forme
et manier comme ilz les tenoit devent la dicte gaigiers faictes. Toutefïois, il en avoit nouvellement raichetés et retrait le quairt d’icelle
mairie, lequelle quairt le devent dit évesques Conraird Baier trespassés
avoit heu mis en gaige au duc de Loherenne pour la somme de XIII mil
florins. Puis, tantost ap-ès ce fait, le jour de la sainct Barthemeu
l’apostre, seigneurs Régnault le Gornaix, seigneur Geoffroy de Warixe “, seigneur Jehan Baudoche, tuit trois chevalier, et seigneur
Nicolle Roucel l’anney, lesquelle quaitre pour le fait de la cité estoient
commis en celle affaire, parquoy, on non de la dicte cité, c’en allirent
au jour devent dit pranre la possession des quaitre marie devent dicte.
Et, taDtost, au lundemain, fut la l'este à la ville d’Ancey ; auquel jour
la cité et le conseil y envoiait deux des Trèzes 2 3de la justice de Mets
pour faire crier la teste ; et, de fait, fut à ce jour criées on non du maistre
eschevin et de toutte la communalté de la cité de Mets. Et, à ce meisme
jours, s’en retournait ledit évesque à Yy.
Porcession ordonnée en Mets. — Item ■*, le joui de la sainct Jehan
décollaite 4 ensuiant, l’on fist une porcession généralle à Sainct Clé
ment hors des murs de la cité, pour l’onneur de Dieu et pour cause de
l’épidimie, que en ce tampts encomençoit fort à régner en la cité et
on païs entour ; et aussy pour prier à Dieu que son plaisir fut de dispouser le tampts en mieulx pour amender les biens de terre. Car, alors,
il faisoit ung très maulvais tempts de froidure et de pluie pour les
vignes ; et tellement estoit l’air corrompue que, encor au premier jour
de septembre, l’on n’eust sceu trouver ung bon résin. Et à ycelle por
cession y fut pourté le chiefz du benoist sainct Estienne, et la fierte du
glorieulx sainct Levier, chevalier, natif de Mets, avec son chiefz
envercellés 5 en argent.
Les gairde des porte ostée à Mets. — Puis 6, tantost, en la sepmaine
après, furent royés et ostés les essairgaitte que l’on avoit heu ordonnés
dessus les murs de la cité, comme cy devent est dit. Car alors, la mercy
à Dieu, l’on ne ce craindoit de riens, et avoit on bonne paix en la cité.
Le tampts 7 devent dit continuoit tousjour de plus en plus, et faisoit
une très pouvre saison : car il ne fut jour, durant le moix de septembre,
qu’il ne pleut une trefîroide pluye, et causy aussy froide comme se fut
esté à Noël 8.
En ce meisme moix 9 de septembre, le second jour, furent cassés des
a. M : Wararixe.
1. Scy et Lessy appartenaient à la même mairie•
2. Aubrion, p. 9 : ij sergents des Trèses.
3. Aubrion, p. 10.
4. La Décollation de saint Jean Baptiste, le 29 août.
5. Envaisselé, mis dans un vaisseau, dans une châsse d’argent.
6. Aubrion, p. 10.
7. Aubrion, p. 10.
8. Comme si ce (se ce) fût été à Noël.
9. Aubrion, p. 10.
366
LA CITÉ DE METZ EXCOMMUNIÉE (JANVIER
1465
a. St.)
gaige de la cité environ une douzainne de soldoieurs, c’est assavoir
de ceulx que nouvellement l’on avoit heu mis au gaige. Et furent cassés
à 1 ocasion de la paix qui estoit faictes en France, parquoy il en y avoit
essés de rest, car il en y oit encor environ ung cent de remenent.
Ung enfant noiés par fortune. — Item 1, le XIXe jour de ce meisme
moix de septembre, advint une merveille et une piteuse adventure.
Car l’on trovait en Mets, au pont Thiefïroy, ung enflant tantost nez,
qui à ce jour meisme avoit estés gectés et noié en la rivier ; et fut
trouvés par les portiet d’icelle pourte, et anonciés à deux des trèsoz
jurés de la justice d’icelle cité. Maix, après touttes les enquestes faictes,
l’on ne polt jamaix sçavoir à qui le dit enffant estoit. Et estoient alors
la plus part des seigneurs hors de la cité pour la crainte de la mortalité.
Vin de petitte estime. — Le XXVIIIe jour 2 de ce meisme moix de
septembre, il gellait trefïort, et tellement que les raisins qui n’estoient
encor pas meurs furent engellés a sappe par toutte la terre de Mets
et en plusieurs aultres païs ; et fut force de vendengier lesdicte vignes
telle comme elle estoient, jay ce que ce n’estoit que verjus. Parquoy,
en celle année, on oit des très pouvres vins : car il estoient cy treffîert
et cy grevains qu’il n’estoit homme vivant qui heust mémoire de en
avoir veu les paireille, et n’en pouoit on nullement boire par leur
fierté. Et, avec ce, il n’en y oit pas granment. Et, dès alors, le vin en
fut plus chiers ; et le bief paireillement.
Ung sergent tués par sa malle fortune. — Item 3, en la dicte année,
le IXe jour du moix de janvier, avint encor une adventure. Car, à ce
jour, ou la nuit ensuient, ung sergent de la cité, nommés Thiriat, cy se
trouvait de nuit de cost une femme qu’il tenoit, laquelle s’appelloit
la Chaitrée, et demouroit devent les Proicheurs. Celluy Thiriat voult
entrer ou yssir de la maison d’icelle femme par une fenestre qui estoit
haulte, on guerniet, et il se laissait cheoir tellement qu’il ce rompit le
col et ce tuait tout mort. Parquoy son office de sargenterie escheut
à messeigneurs les Trèzes. Toutefïoix, l’on ce enquerist du fait ; et fut
trouvés que ledit Thiriat avoit premier heu entrés en la maison d’une
des voisine, laquelle luy avoit dit et certiffiés que en la maison de la
dicte Châtrée y avoient entrés ung prebstre et ung moinne de Sainct
Siphorien. Lesquelles prebstre et moine furent suspect de sa mort,
pour ce que ledit Thiriat avoit une grant plaie en la teste.
La cité de rechief excomuniéez des chanoingne. — Or 4, avint en ce
meisme moix de janvier que les devent dit chanonnes de Mets qui
estoient absens furent retournés de Romme, et apourtairent aulcunes
bulles plombées, lesquelles contenoient que la cité estoit excommuniée,
et tout le païs environ ; et tellement que, en la duchié de Bar et de
Loherenne, on ne volloit donner à boire ny à mangier, frécanter ne
parler ausdit de Mets, ne aulcunement comuniquer, ne avoir à faire
1.
2.
3.
4.
Aubrion, p. îo.
Aubrion, p. 10-11.
Aubrion, p. 11-12.
Aubrion, p. 12.
PAIX ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER
1465 a.
St.)
367
à eulx par mairchandise ou aultrement. Et, encor daventaige, quant
aulcuns desdit de Mets, fut homme, femme ou anfïans, alloient ou
entroient en aulcune église des villes dudit duchiez de Bar ou de Loherenne, on cessoit incontinent le chanter. Et tout ce faisoient faire yceulx
chanonnes par leur grant malvestiez, pour ce qu’il ne pouoient parvenir
à avoir leur paix encontre la dicte cité. Puis, le XXIe jour de ce meisme
moix, vint ung compaignon en la cité, lequelle secrètement apportoit
la coppie d’icelle bulles devent dictes que les chainonne avoient apourté
de Romme, et les cuidoit planter au portai de la Grant Église d’icelle
cité. Maix il ne polt, car il fut écusés *1, et fut prins et menés en l’ostel
de la ville ; et croy qu’il fut plantés pour reverdir. Car les seigneurs en
firent comme en telz cas il est requis.
L’évesques retourne à Mets. — Item 2, le jour de la sainct Vincent
ensuiant, retournait le dit seigneur évesque en Mets. Et, à sa venue,
luy fut faictes grant honneurs : car l’on lui fut au devent à compaignie de LX chevaulx bien em point.
Les iiij commys contre les chanoingne. — Et 3, le XXVIIIe jour de ce
meisme moix de janvier, se partit ledit évesque de la cité, accompaignié des quaitre commis d’icelle pour le fait desdit chanonnes ; et
s’en allirent à Nommeny pour traicter la paix de celluy escomuniment
que lesdit chanonnes avoient faiz gecter, comme cy devent est dit.
Et estoient lesdit commis seigneur Régnault le Gournaix, seigneur
Jehan Baudoche, ambedeux chevaliers, seigneur Geoffroy de Warixe,
et seigneur Nicolle Roucel l’anney 4. Et, le dernier jour dudit moix,
retournirent errier en Mets. Puis, le jour de la Chandelleur ensuiant,
fut errier mise une aultre journée, à Clémery. Maix ledit seigneur
Nicolle, qui estoit l’ung des quaitre commis pour la cité, n’y voult
point aller, pour ce que tout ne ce faisoit pas bien à sa guise ; parquoy
il ne firent rien pour celle fois. Et fut remise la chose au conseil, telle
ment que on fut quaitre ou V fois à Clémery, et tousjours venir et
raller, et, avec ce, rapourter la chose au conseil. Et tellement que,
moyennant le devent dit évesque, et seigneur Jacques Visse, abbé de
Gorse, qui s’en ti availlèrent merveilleusement, fut celle paix accordée.
En fasson telle que, le IXe jour de febvrier ensuiant, furent par yceulx
chainongne envoiés à Sainct Arnoult devent la pourte de la cité trois
des principal d’iceulx chanonnes, c’est assavoir le grant doien, le
trésorier et Maheu Roucel, lesquelles avoient la cherge et la puissance
pour tout le chapistre de passer touttes les articles de ce présant a
acord. Et fut ycelle paix faicte par lesdit seigneur évesque, acompaigniés et présant lesdit trois 5 commis pour la cité en l’encontre des
devent dit chanonnes, comme la tenour s ensuit.
a.
1.
2.
3.
M : psant.
Accusét dénoncé.
Aubrion, p. 12.
Aubrion, p. 12.
4. Aubrion ajoute que ce dernier refusa de se rendre à Nomeny.
5. Aubrion précise que Nicole Roucel n’y fut point : car, pour tant que la paix ne se
taixoit mie à sa guise, il n’y volt jamaix plux aller (p. 13).
368 ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER 1465 a. St.)
Le comencement de la paix entre la cilé et les chanoingne. — Item i, le
XIIe jour dudit moix de febvrier, viment et abourdairent à Saint
Clément hors de Mets tous le lest des chainonne qui estoient absant ;
et, ce jour meisme, vinrent à Sainct Arnoult devent la pourte d’icelle
cité de Mets. Et en ce lieu ce trouvait ledit seigneur évesque, acompaigniés des trois comis devent dit pour la cité ; et là fut la paix faicte,
crantée et ceellée d’ung coustez et d’aultre. Et fut alors d’icelle santance donnée absolucion à tous les habitans de la dicte cité et des païs
joindant, tout ainsy comme se jamaix l’on eust 2 heu desbat ne aulcune
dissancion ensamble. Puis, tantost après, yceulx chanonnes envoiairent
à Romme, du tout à leur coustange, quérir la confirmacion de la devent
dicte absolucion. Et, parmy celle paix faisant, furent contrains desdit
commis de la cité à ce faire, affîn qu’il fut veu et clèrement cognus que
lesdit chainonnes ne l’avoient mye du tout à leur guise, et aussy qu’il
n’avoient pas la puissance de escomunier la cité, et puis après de luy
donner absolucion. Et fut alors la paix faicte par la manier qui s’en
suit. C’est assavoir que tous lesdit chanonnes de la Grant Église, et avec
eulx plusieurs de leur chappellains et aultres officiers et serviteurs,
estoient franc de paier malletoste ne entrée à la pourte des biens qui
venoient sur le crus de la dicte église, sem plus. Avec ce, il doient avoir
congnoissance des cas ecclésiasticques. Et ne les doit on point gaigier
en leur hostel. Et plusieurs aultrez previlaige sont contenus en cest
acord, corne les article s’ensuient 3.
S’ensuit l’acord fait entre l’esglise et la cité de Metz.
Article du privilèges des chanoingne en la cité de Mets. — Nous 4,
George, par la grâces de Dieu esleu et confermés évesques de Mets,
sçavoir faisons que, comme fut 5 certains différans, débas et controuversies estant entres doien 6 et chapitres de nostre églises de Mets,
résidans à présant en nostre ville de Vy, d’une part, le 7 maistres eschevins, les trèses jurés et 8 touttes l’université de la cité de Mets, d’aultre
part, il ait pieu à nostre très sainct perre en Jhésu Crist, seigneur
Paule, pape second, nous mander, comettre, députer et ordonner de
médier entre les dictes parties, et ycelles mener induire d’apaisement 9,
selon certaines ordonnances piessa par luy sur ceu données, nous,
1. Aubrion, p. 13.
2. Comme si jamais l’on n’eût eu débat.
3. Philippe abrège ici le texte d’Aubrion, qui résume l'accord, mais ne le reproduit
pas intégralement.
4. Nous reproduisons en note les variantes de Huguenin, p. 347 et sqq., en négli
geant les variantes de pure forme.
5. Il faut corriger fut en sur.— La phrase doit être ainsi construite • Nous, Georges...,
savoir faisons que, comme sur certains différends... il ait plu à notre très saint père..!
nous ordonner de médier entre les dites parties..., voulant obtempérer... audit mande
ment... apostolique..., avons lesdites parties... pacifiées et accordées.
6. Entre les doyen.
7. Et le maistre eschevin.
8. Le conseil et toute l’université.
9. Et icelles mener et induire à voye d’apaisentement.
ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER 1465 a. St.) 369
comme filz d’obédiances, voulons 1 obtempérer et acquester 2 ausdit
mandement et comissions apostoliques, comme tenus sommes, aucy
pour excinder 3, prévenir 4 et obvier au grant maulx, inconvéniens 5,
indempnités et parolles 6 que par la continuacions d’iceulx difïérans
eussent peu sourdre et ensuir, avons lesdictes parties de leurs dit débas
et difïérans, après plussieurs altercacions et remonstrances faictes et
eues d’ung costés et d’aultres, et par leurs grés, sceu, volunteit, consen
tement pacifiez et acordés en la manières que s’ensuit.
Premier, est apointés et acordés entre lesdicte parties, et à ceu nous
somme en comtemplacions d’icelles consentis, affin que la réceptions
en la cités desdit doien et chapitres et leurs adhérans en cestes parties
soit plus honorables, les acompaigneront 8, en entrant en la dictes cité,
et les mainrons en jusques à la Grant Églises, et deveront estres content
de telz honneur qu’il plaira ausdit citains à nous et ausdit chanoinnes
faire.
Item, au regard de l’abolissement des proclamacions, etc., est acordés
que ledit abolissement se fera par lesdit maistres eschevins, avec deux
ou trois citains à ceu commis de part la cité, en nostre hostel épiscopal
de Mets, en nostre présances ; et seront tous banis prisonniers 9 à cest
cause 10 rappellés en la dicte cités et quictes.
Item, est encor acordés que, des causes espirituelles, corne de dismes,
de testamens ou de dariennes volluntés faictes par personnes eclésiastiques, avec aultres causes que de droit escript doient apartenir à 11
cognoistres par la juridictions espirituelles, ne devra la justices de
Mets12 entremetres nemesler. Niantmoins, tout ceu que seroit trouvés
estre acordés etpaiet13 entre les parties on cas de dismes demeurait en
son estre 14.
Item, est apointés et accordés que les doien, chapitres15, demy
chanonnes et16 chappellains, clerc de cuer ordonnés au services divin,
ensembles le maistre des anffans de cuer en nostre Grant Églises, en
telle nombres comme il ont usés de touttes anciennetés, et jusques au
nombre de XII chappellains ou au dessoubz, ou aultres serviteurs
1. Veuillant.
2. Acquiesceir.
3. Exteindre.
4. Pourveoir.
5. Malz et inconvénients.
6. Périls.
7. Voulenté et consentement.
8. Acompaignerons. — Le sujet est ; nous, l'évêque dessus dit.
9. Tous banis et prisonniers à ceste cause. — Tous ceux qui avaient été bannis
ou mis en prison à ce sujet.
10. Ajouter, après cause : prestres ou aultres.
11. Et au lieu de à.
12. Ne s'en debvera ladicte justice séculière de Mets.
13. Tout ce qui se trouvera avoir esté accordé et paié.
14. Ajouter ici cette phrase : Et, si aulcun débat en ce sorvenoit, se debveroit cognoistre
par le juge espirituel.
15. Les doyen et chappitre.
16. Supprimer et.
370 ACCORD
ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER
1465
a. st.)
d’esglises *1, comme organisées, clerc de chapitres et grant mairliés,
que soient personnes eclésiasticque, comprins on nombre desdit XII chapellains 2, avront et devront avoir, d’or en avant, la libertés et franchi
ses eclésiasticque confermans 3 leurs parsonnes et actions personelles,
comme de cas criminel, injures, manistes 4 et aultres actions perso
nelles, desquelles le maistre eschevins, trèses jurés et aultres officiers,
justiciers et gouverneur de la dicte cité ne se mesleront.
Et ne debvront lesdit maistre eschevin, trèses jurés et aultres jus
ticiers, etc., faire forces ne gaigier, és maisons canoniales esquelles
yceulx chanonnes, demey chainonnes, chappellains et maistres des
enfïans dessus dit seront résidans tant seullement ; laquelles franchises
de maison ne s’estenderait plus avant fors que toucherait leurs par
sonnes et biens, tellement que, ce aulcuns malfaicteurs ou aultres se
rend oient par cas d’aventures fugitifz ou demouroient en aulcunes a
desdictes maison, que la dessus dicte franchise de maison ne soit en ce
cas à la dicte cité nuysables.
Aucy, lesdit doien, chanonnes, demey chanonnes, chapellains et
aultres dessus nommés ne seront tenus de garder ou faire gairder
portes ne murailles, sinon en cas de nécessiteit évidentes ; ne ne seront
aucy tenus de faire aulcunes réparacions de murs, de fossés ou aultrez
ovraiges de la dicte cité, fors que à retenir les pavement d’entour leurs
maisons et aultres héritaiges situés en la dicte cité, appartenant à la
Grant Églises, ensi commes on ait fait d’ancieneteit.
Semblablement, ne seront tenus de paier gabelles, tailles, imposicions ou malletostes, ne aussy antrées ou yssues de portes des grains,
vins, sel et aultres revenues de leurs dicte église, des dignités, personnaiges, administracions et offices de la dicte Grant Églises. Et 5
yceulx recepvoir à la mesures d’icelles églises, par ainsy que lesdit 6
grains, vins, sel et aultres revenues doient lesdit chanonnes faire
retenues, chcscun endroit soy, en bonnes foy ou serment, és députés et
commis de part la cité, que c’est des biens, rentes et revenues de la
dicte églises et des prébendes, dignités, parsonnaiges et offices dessus
desclairées. Desquelles rentes et revenues polront lesdit doien et cha
pitres faire leurs bons plaisirs d’en vendre ou distribuei hors de la cité
sen en paier aulcunes choses pour yssues de portes, malletostes et
aultres gabelles. Et, on cas qu’il seroit trouvés du contraires 7, yceulx
biens seraient acquis à la cité. Et, se ainsy estoit qu’il volcissent 8 9
vandre en la dicte cité, faire le polroient, sus 3 telle condicions que
o.
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
M : aulcuns.
De l'église.
Supprimer chapellains.
Concernant.
Mains mises (saisies).
Il faut suppléer ici pourront.
Desdits grains.
Ajouter, après contraire : par le juge spirituel.
Qu ilz en volcissent.
Soubz,
ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER 1465 a. St.) 371
celluy ou ceulx qui achèteroient ausdit chanonnes en paient malletostes ou gabelles selon le droit et mesures de la cité. Pareillement,
c’il achetaissent ou vandissent aulcunes choses non venant des émolu
ment de leur dictes églises, prébende, personnaiges, administracions et
offices dessus couchées qu’il en paient malletostes ou gabelles comme
aultres menans de la cités.
Et, de touttes choses nécessaire pour les aornemens de l’églises,
comme de draps d’or, de soye, de luminaire et aultres choses semblables,
pareillement des choses nécessaires à la réparacions de la dicte églises,
ne seront lesdit chanonnes tenus en paier aulcune choses à la cité, en
faisant retenues, comme dessus, que c’est pour leur dicte église.
Avec ce, polront les dessus dit doien et chanonnes faire testament,
compactions 2, contraict et vendicion par crant de notaires, se bon leur
semblés, lesquelz seront valables en jugement et où 3 il apartenrait.
Et, on cas que aulcuns crant par ces 4 obligacions fussent faictes ou
encommenciés aparavent leurs partement, se debvront yceulx porsuyre, déduyre et demener par la manière qu’il ait estés acostumés de
faire on tempts passés.
Item, est acordés entre lesdicte parties que les status des cens parpétuelles à acquaister ou raicheter soient égalles et pareilles on temps
ad venir pour lesdit doiens et chanonnes comme pour les citains de
Mets, assavoir depuis l’atour fait et passés en l’an mil trois cenc et
trois ; et ceu qu’est devant l’atour demeures en son estre.
Item, au regaird des biens délaissés par lesdit doien, chanonnes et
leurs adhérans, etc., et 5 6apointez
7
que lesdit maistre eschevins, trèses
jurés et gouverneurs de la dicte cité donront ordonnances et efficaces
oppéracions que les dessus nommés doien et chanonnes, ensembles
touttes aultres personnes ecclésiasticquez, et leur serviteurs, que à cest
causes sont partis de la cité, soient restitués et remis en leurs biens
qu’ilz ont laissiez en leurs hostelz et qui porroient estre trouvés, sans
aulcune contracdictions ou débas, comme il les possédoient auparavent
leur partement. Et, se lesdit chainonnes et aultres dessus nommés
trouvoient aulcuns de leur dit biens en aultruy mains, et il leur pleut
les emporsuyvre, ou
à ceste causes, voulloient quereler aulcunes
personnes, faire le porroient. Et, en ce cas, seroient yceulx maistre
eschevins et trèses jurés tenus leurs administrer bonne et briefves
justices, selon le cas, usaige et coustumes du lieu.
Item 1, polront lesdit chainonnes poursuyre 8 les cens 9 dessus dictes
1. Touchés.
2. Emptions.
3. Là où.
_
....
4. Aulcuns crans, procès ou obligations. — Philippe a mal résolu 1 abréviation de
procès.
5. Est appointié.
6. Ou si.
7. Et au lieu de item.
8. Pour poursuir. — Il faut mettre une virgule avant pour; le complément de
polront devient : faire et constituer... un procureur,
9. Les causes dessus dictes.
372 ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE
METZ (FÉVRIER
1465 a. St.)
et aultre causes et actions 1 devent la justices sécullier de Mets, faire
et constituer, se bon leurs semblés, ung procureur ou sindicque, lequel
pour et on non de chapitre polrait faire tous jurement, tant calumpnie
comme aultres actz judicialz, le jurement duquel devrait souffrir 2,
affîn que lesdit doien et chapitres puissent tant mieulx vaquer aux
services divin.
Encor est acordés que tous ceu que les demourans en la Grand Église
et aultres églises collégialles de Mets, durant ce différant, avront
desboursés raisonnablement, tant pour la fabricque et réparacions
desdictes églises comme pour la porsuytes et entretenement des droit
et aultres charges rasonnables d’icelles, que seront 3 trouvés par bon
comptes, leur doit estre défalqués. Et, du sorplus, doient lesdit demou
rans faire restitucions aux absens, seulement de ceu qu’il avront receu
chescun endroyt soy. Et se, on fait desdit comptes et restitucions,
chiet aulcuns différans entres lesdictes parties, en seront prins et
chairgiez deux par ycelles parties pour les en appasanter. Et, on cas que
lesdit deux ne les puissent accordés dedens trois moix après l’absolucions obtenues et publiées, nous, à la requestes et contemplacions des
parties, avons consantis et consentons en estre tiers et pardessus pour
les déterminer dedans aultre trois moix ensuiant. Et, se les dessus dit
demeurant fuissent défaillant à 4 acomplir nostre ordonnances et
déterminacions, en ce cas polront lesdit chainonnes absens user de la
bulles de réincidances que sur ce serait obtenues en l’encontre desdit
deffaillans.
Item, est aussy porparlés et accourdés que tous ceulx qui ont occupez
les aultres bénéfices et dignités, etc., restituent entièrement, sen quel
ques diminuacions, touttes la valleur d’iceulx bénéfices ; et que tous
despoillent 5 d’une part et d’aultres soient restitués en leur bénéfices ou
dignités, par comissions de nostre sainct père le pappe, dedans trois
moix aprez la dicte absolucion publiées 6. 7
Item, est encor accordés que, s’aulcunes terres ou cens avoient estés
trefîondues durans ce différans, que lesdit doien et chapistres et aul
tres leurs adhérans dessus nommés y puissant retourner, parmy paient
les estaies ? escheutes.
Item, que tous contractz, comme de laiéez de terres, vignes, maisons,
et aultres choses que lesdit résidans ont fait pour l’utillités, honneurs et
prouffit de la dictes Grant Église, desmouront en leur vertus jusques
à ung ans. Et, on cas que les chanoinnes absens les volcissent retraire 8,
qu’il leurs feissent sçavoir en tamps deu.
1.
2.
3.
f4.
5.
6.
7.
mot
Et actions réelles.
Souffire.
Qui sera trouvé,
De acomplir.
Despouilliez.
Après la dicte absolution obtenue.
Estaie, arrérage de cens ou de rente (voy. Godefroy, art. escale et estaie). Ce
est exclusivement messin.
S. Retraicteir.
ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER 1465
a. St.) 373
Item, que, pour oster touttes vengeance hayneuses que lesdit chanoinnes absent et demourant polroient avoir les ung contres les aultres,
aucy envers les officiers, homes et subjectz a des terres et seigneurie
appertenant à la dite Grant Églises, à l’occasion de l’ofïences et de la
désobéissances faictes pendens le tempts desdit difîérans, est apointez
entre lesdictes parties que tous soit remis et pardonnés franchement et
libérallement d’une part et d’aultres, sen ceu que à nulz jour mais en
soient faictes actions, poursuites ne demandes par lesdites parties en
manier que ce soit.
Puis, après, fut acourdés que touttes despence, injure, dopmaiges et
intérest entres lesdictez parties advenues soient remises et pardonnée
d’une part et d’aultres.
Et seront les terres, cences et revenues *1 de la dicte Grant Église
qui sont hors de la cité et juridictions de Mets minse en nostre mains,
par tel condicions que, ce absolucions et réabilitacions 6, etc., ne pouoit
estre obtenues, comme il appertenrait, de cy au jour de feste sainct
Jehan Baptistes prochain venant, en devrons de là en avant lever la
mains.
Item, est encor apointés entres lesdictez parties que toutes par ces 2
publicacions et intumacions et touttes euvres de fait, d’ung coustés
et d’aultres, cesseront et sorsairont en bon estât, sen aulcunes choses
atempter ou immover 3 les ung contres les aultres, ne leurs adhérans.
Et, avec ceu, seront et devront estres lesdit doiens et chapitres, leurs
personnes, chapellains, serviteurs et aultres leurs adhérans dessus dit,
que à l’occasions de ces difîérans se sont absens 4, emsembles leurs
biens quelcunques estant en la dicte cité de Mets, après leurs antrées
en ycelle, en la tuicion, protestacions 5 et sauvegarde de la dicte cité,
comme aultres résidans en ycelle.
Après cecy dit, fut encor apointtés et accordés que, parmy ce présant traictiez, lesdit doien et chappistre consentirent 6 expressément
que lesdit citains, emsemble la clergie, et tous aultres à cuy 7 adhérans,
et touttes l’universités de la dicte cités et païs de Mets, soient par nostre
sainct perre et comissions appostolicquez absol, réabilités, restitués et
réintégrés tant en bénéfices, prébende, dignités, comme previlaiges
et honneurs 8, et que les excomunicacions, interdictes et touttes aultres
censures, peinnes et sentences déclairées, inferrée et fulminées c à
l’occasions desdit difîérans et à l’instances d’iceulx chanonnes absens,
a. M : silbjectz.
b. M : reabitacions.
c. M : fubminees.
1. Rentes.
2. Que tous procès, publications, intimations. — Voyez p. 371, n. 4
3.
4.
5.
6.
7.
S.
Innover.
Absentés.
Protection.
Consentiront.
Tous aultres à eulx adhérans.
Privilèges, fiedz et honneurs.
374 ACCORD ENTRE LES CHANOINES ET LA CITÉ DE METZ (FÉVRIER 1465 a. St.)
soient totalement extintes et abolie, en la meilleur formes que faire se
polrait ; par ainsy que, la dictes absolucions obtenues et en saxene
exécucions d’icelle l, soit de la partie de la dicte cités fait et acomplies
tout ceu qui ce debverait par la formes et manières dessus dictes 2
desclairées, et que l’ung se facertt avec l’aultre ; aussy, que lettres
autenticque en soient sur ceu faictes par lesdictes parties, en la milleur
forme que faire se polrait et devra, soubz nous 3 seelz et les seelz dez
parties.
Et tous lesquelz choses dessus escriptes et chescune d’icelle à faire,
acomplir et entretenir 4 et eschevir de point en point, ont lesdictes
parties, chescune endroy soy, par leurs comissaires et de présantes 5
ayant quant à ceu faire et passer plainnes puissances et auctorités,
promis en nostre mains, sans y contrevenir en manier que soit 6,
tous fraude, barath, déceptions, circumvencions et malengien en tout
et par tout y hors mys et exclus. Et, en signes et approbacions de ceu
que dit est, avons, nous, George, esleu et confermés de Mets dessus dit,
comme médiateurs et personnes interposites, fait placquer nostre sceel
de secret en mairches 7 de ces présantes.
Paireillement, et pour ceu que touttes les choses dessus dictes 8 et
chescune d’elles sont estés faictes, passées et 9 acordées et appointées
par le sceu, volluntés et consentement de nous, doien et chaipitres,
d’une part, et nous10, le maistre eschevins, les trèses jureiz, le conseil
et touttes l’universités de la cité de Mets, d’aultre part, avons, pour
plus grant seurtei, affirmacions et corroboracions de ceu que dit est,
placqués les sceelz de nous, doien et chapitre, et de la dicte cité, avec le
seelz de nostre redoubtés seigneur, mon seigneur George, esleu et
comfermés de Mets dessusdit, en mairges de ces présentes. Que furent
faictes et donnéez le dimenche meisme11 jour de febvrier, l’an dessus dit
mil quaitre cens et LXV 12.
1. Et en taisant l’exécution d’icelle.
2. Supprimer dictes.
3. Nostre seel.
4. A faire et accomplir, enterrineir et assevir.
5. Par leurs comissaires et députés.
6. En manière que ce soit,
î. En marge.
8. Dessus touchiées.
9. Supprimer et.
10. Et de nous.
11. Neufciesme jour de febvrier.
12. Huguenin publie, à la suite (p. 350-351), des articles adjoustés à l’accort précè
dent; ces articles, souscrits par l’évêque, sont datés du même jour et précisent certains
points de détail.
LES CHANOINES NE PEUVENT RENTRER A METZ
(15
FÉVRIER
1465 a. st.) 37a
[la RENTREE DES CHANOINES DE LA CATHÉDRALE
DANS LA VILLE
DE METZ,
LE
2
MAI
l46^, ETC.]
Or !, combien que celle paix fut faictes par la manier dessus dictes,
elle fut tenue et observée, maix jà pour tant ne revindrent ne n antrairent0 les devent dit chainonnes à Mets, jusques à tant qu’il rapourtairent la confirmacion de la dicte paix de court de Romme. Laquelle,
avent qu’elle fut rapourtée, fut ung ans passés, et encor plus, comme
vous oyrés ycy, par la tenour de deux lettres de paix que em prime
furent donnée on moix d’apvril, l’an mil quaitre cent LXVII, corne cy
après serait dit.
Après celle paix faictes et acordées en la manier que avés oy, et en
celle meisme année, avindrent encor plusieurs aultre besongnes en
Mets et ailleurs.
Le seigneur Jehan de Heu revenus de Jhérusalem. - Et \ premier
serait dit cornent, le X® jour de febvrier de cest présante année, revint
le seigneur Jehan de Heu, chevalier, du sainct voiaige de Jhérusalem,
de Saincte Katherine du mont de Synay, de samct Nicolas du Bar, et de
plusieurs aultre sainct et digne voiaige. Et rapourta ledit seigneurs
beaucopt de nouvelles des estranges nassion et de plusieurs merveilles
qu’il avoit veu és pays d’oultremer esquelles il avoit estés. Mais sa
venuee donnait à aulcuns grant tritresse et anuyt : car il ne ramenait
point le seigneur Geoffroy, le filz du seigneur Nicolle Papperel; parquoy
ce fut ung grant dueil à tous ces amis et parans. Cy leur comptait et
dit le devent dit seigneur Geoffroy 3 que, quant il vinrent en haulte
mer, la malladie print audit seigneur Geoffroy, et morut ; et fut son
corps 4 gectés en la mer. De quoy ledit seigneur Jehan de Heu en fut
merveilleusement troublés, maris et desplaisant ; mais il n y ait remide,
et luy covint pranre pacience.
, . , . , .
On dénye l’entréez aux chanoingne. - Le XVe jour de febvrier , s e
retournait ledit évesque à Vy. Et enmenait arrier avec luy tous les
chanonnes absent, qui l’avoient atendus à Sainct Arnoult. Et cuydoie
yceulx chanonnes dès incontinent entrer en la cité ; maix la pourte
n’estoit pas assés grande pour eulx. Car, avent toute heuvre et avent
que aller plus avant, force leur fut de faire et acomplir tout ce queycy
a. M : naitrairent.
b. M : copts.
1 Aubrion p 14. - La phrase est mal faite. Il faut comprendre : quoique la paix
fût tenue de l’aPmanière qu’elle avait été faite, néanmoins, les chanoines ne purent
rentrer à Metz. Sur ce fait, voyez aussi Huguenin, p. 351.
3. Distraction* de Philippe. Il s’agit évidemment de Jean de Heu.
4. Aubrion, p. 14.
376 DISSENSION DANS L’ABBAYE DE SAINT-ARNOULD (20 FÉVRIER 1465 a. St.)
devent est escript ; parquoy les plusieurs de antre eulx en furent
moult courossiés et desplaisant.
Le Bgntgraw en Mets. — Puis 1, tantost après, c’est assavoir le
XIXe jour de ce meisme moix de febvrier, vint et arivait en Mets le
Rindegrève, qui est ung grant seigneur en Allemaigne. Et, avec luy,
vint le seigneur Jehan de Fénestrange, lequel alors estoit marchault de
Lohereinne et sénéchault de Bar. Et venoient yceulx de servir mon
seigneur de Bourgongne encontre les Liégeois ; et rapourtairent vraye
nouvelle que ledit mon seigneur de Bourgongne et lesdit Liégeois
avoient bonne paix ensamble.
Division pour Vabahie de Saint Arnoult. — Item 2, en ycelluy meisme
tempts, estoit et y avoit à Sainct Arnoult devent les pourte de la cité
ung très notable et vénérable abbé, homme fort anciens et de belle
fenomye 3, appellé messeigneur Conraird de Ville 4. Celluy abbé gouvernoit saigement et proudomiement 5 son abbaye. Et tellement avoit
respairgniés qu’il avoit intencion de raicheter plus de quaitre vingz
livre de cens anuelles que son abbaye devoit tout les ans ; et, de fait,
il avoit desjà, ad cause de sa dicte abbaye, faict pourofferte de XXIIII
livrez de anuelle cens encontre les maistre et gouverneur de l’ospital
de Mets. Maix, le XXe jour de celluy moix de febvrier, vint une ambaxade de part le cardinal d’Alvignon 6, qui avoit empêtrés ycelle
abbaye, tout au vivant dudit abbé, et, à force, se vinrent fourer dedans
ycelle. Parquoy fut empesché beaucopt de la bonne voluntés dudit
bon abbé. Et ne furent pas du tout fait ne eschevis les raichet qu’il
avoit intencion de faire.
Nouvelle du Turcqz aux duc de Bourgongne. — Item 7, en celle
meisme année, le XIIe jour de mars en ensuiant, passait le mareschal
de Bourgongne parmy la cité. Lequel s’en alloit bien hastivement
devers ledit mon seigneur de Bourgongne, son seigneur. Et la cause
estoit pour tant que ledit de Bourgongne avoit mandés tout son conseil
enthièrement pour déterminer d’une bien merveilleuse besoingne,
laquelle de noviaulx luy estoit sorvenue, comme vous oyrés. La chose
est telles que le grant Turcquez sy avoit mandés et envoyés par devers
ycellui duc une très grande et noble embaxade, et moult richement
aornés, et acompaigniez de moult belle gens et saiges. Lesquelles, pour
et on nom dudit Turcque, leur seigneur, vinrent à requérir et à prier
audit duc de Bourgongne, disant ainsy que, pour la grant proesse et
pour les biaulx faiz d’armes que mon seigneur Charles, filz audit duc
1. Aubrion, p. 14.
2. Aubrion, p. 14.
3. Physionomie. Ce mot se prononçait à la cour, nous dit Henri Estienne (Deux
Dialogues du langage françois italianisé, t. I, p. 166), philosomie, phisolomie, philonomie, philomie, philonie, et même felonnie. L’on voit par l’exemple de Philippe que
ces déformations étaient anciennes et traditionnelles.
4. Evrard de Walle dans Aubrion.
5. Preudommement, sagement.
6. Alain de Coëtivy, évêque d’Avignon, nommé cardinal en 1448, mort en 1474 ?
7. Aubrion, p. 15.
GEORGES DE SERRIÊRES, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1466)
377
de Bourgongne, avoit en celle meisme année fait en l’encontre du roy
de France, comme cydevent ait estez dit, que, pour ces chose et plu
sieurs aultres, il pleust audit duc de Bourgongne de voulloir agréer,
consentir, et avec ce tant faire audit son filz Charles qu’il volcist donner
une fille qu’il avoit au filz dudit Turcques, leurs seigneurs, en mariaige.
Et, en ce faisant, ledit Turcquez luy juroit et promettoit que, incon
tinent après ce fait, il ce feroit baptiser et laver, luy et touttes ces gens
enthièrement.
Maix de ces chose je vous Iairés le parler, pour revenir au maistre
eschevin de Mets, car il est tampts.
Mil iiiic el txvj. — L’an après 1, quant le milliair courroit par mil
quaitre cenc et LXVI, qui fut l’an XXVIIe de l’empire du devent dit
Phéderich l’ampereur, fut alors fait, créés et essis pour maistre eschevin
de Mets le sire George de Serier, chevalier.
Deffiance contre la cité. — Et 2, en celle année, le mairdi XVe jour
d’apvril, les enffans Clausse Stroffe deffiairent la cité ; et fut ycelle
deffiance envoiée par ung propre messagier. Parquoy, les nouvelle
sceue, les bonne gens du Hault Chemin de la terre de Mets se doubtoient
cy très fort qu’il amenairent tous leurs biens à reffuge en la cité.
En celle dicte année 3, il fist ung très biaulx moix de mars, et ce
maintint le tampts jusques environ la moitiet du moix d’apvril ensuient.
Maix, le rest d’icelluy moix d’apvril, fut 4 ung très pouvre tempts, et
cheoit pluie aussy froide comme à Noël, et plevoit cy très fort et souvant
que les eawe furent très grande et hors de rive, et causy aussy grande
comme elle avoient estés en tout l’yver. Et se tint ainsy le tampts dès la
mitté d’apvril en jusques le VIIIe jour de maye ; parquoy on ne veoit
encor en vignes nulz résins, pour le froit tempts qu’il avoit fait. Et
aussy, quant ce vint après, l’on trouvait qu’il n’en y avoit pas granment, parquoy l’on espéroit de n’avoir pas grant vinéez.
Mortalité en Mets. — Or 5, avint aussy que en celluy tampts 1 on
acomensait treffort à morir de peste, tant en Mets comme on pays
entour. Et d’icelle mortallités morurent grant multitude de menu
puple ; aussy morut de grant parsonnaiges en Mets. Entre lesquelle
morurent ceulx cy après nommés : premier, Laurent de Toul, 1 amant,
Ysabel, fille seigneur Pier Renguillon, chevalier, aagée de XIIII ans,
le seigneur Régnault le Gouinaix, chevalier, duquel ce fut dueil et
dompmaige, car ilestoit homme saige, prudent et honnorable, et estoit
ung biaulx homme, puissant de corpts et de belle stature, et amoit
fort le comun puple, et aussy il estoit amés de tous les citains de Mets,
grant et petit. Gellui noble homme estoit cognus de tous les seigneurs
1.
2.
3.
4.
Aübrion, p. 15.
Aübrion, p. 16. — Clausse Strorffe.
Aübrion, p. 16.
Corriger fit : U fit un très pauvre temps.
MORTALITÉ EN METZ (1466)
378
des duchiés de Bar et de Loherenne et de plusieurs aultres pays, car il
tenoit tousjours court ouvertes en son hostel. Et est le corpts d’icelluy
noble seigneur ensevelis et ensépulturés on cloistre des Grant Prescheurs du couvent de Mets. Dieu ait son âme ! Amen.
Le merchault de Bourgongne passe parmei Mets. — Item l, en celluy
tempts, le merchault de Bourgongne passait de rechief parmy la cité
de Mets, acompaignié de cenc chevaulx. Mais, au retour, il n’y osa entrer
pour la mortalité qui alors y régnoit.
Car tousjours ce enforsoit, et moroit on de plus en plus ; et tellement
que, le XXVIIe jour de may 2, morut seigneur Jehan de Heu, cheva
liers, et grant almonier, perre a seigneur Nicolle de Heu 3, chevalier,
alors jonne anfïans. Et, à celle occasions, pour apaisanter l’ire de Dieu,
l’on fist en celluy tamps en Mets et dehors de belles pourcession, tant à
Sainct Clément, premier apostolle d’icelle cité, comme aultre part. En
ce meisme tempts morut Pérette 4, fille dudit seigneur Jehan de Heu,
et Mariette, fille seigneur Pier Deudeney. Aussy morut le seigneur
Jehan de Warize 5, très noble homme, et chevalier de Jhérusalem.
Et, alors qu’il morut, il avoit autant d’offices en la cité, luy seul, que
tout les rest des seigneurs, à cause qu’il estoit hommes saige, discret
et entandus. Et morurent encor de celle mortallité Thiébault Louve,
l’amant ; et le seigneur Pier Deudeney, l’amant ; damme Jehanne
Dex ; Wiberotte, sa suer ; damme Jennette Dex, leur aultre suer ;
damme Ysabel de Wairixe ; Katherine, fille Henry de Gorse, 1 amant ,
Jennette de Warixe, et Humbert, son frère, jonne escuier ; Allixette,
fille seigneur Pier Deudeney ; Jehan le Gornayx, escuier ; Collignon
Louve 6, escuier ; la fille Simonin Bertrand, l’amant ; Jehan Travault,
l’amant ; encor une des filles dudit Simonin Bertrand ; Dediet Ber
trand, son frère, et encor deux des aultres filz dudit Simonin Bertrand ,
Dediet, filz le seigneur Michiel le Gournaix ; Margueritte Louve ;
Katherine de Warixe ; damme Ysabel Dex ; seigneur Jehan Xavin 7,
l’enney ; Pier Roucel, escuier et chainoigne, qui est enterrés et ensevelis
a simetier Sainct Loys, avec les pouvre ; Jehan Renguillon, escuier ,
Mergueritte, fille le seigneur George de Serier ; Aillixette, fille seigneur
Jehan Rémiat ; et le seigneur Geoffroy Cuerdefer 8, chevalier, et
plusieurs aultres gens de biens et de bonne estimacion. Dieu ait leur
âme, et des aultres aussy ! Car la seigneurie de la cité en fut fort amendrie et descrute 9. Et fut ycelle mortallités merveilleusement grosse,
tant en Mets comme dehors, au plains païs.
1. Aubrion,
2. Aubrion,
3. Collignon
4. Aubrion,
5. Aubrion,
6. Aubrion,
7. Aubrion,
8. Aubrion,
9 Du verbe
p. 17.
p. 17.
dans Aubrion.
p. 18.
p. 19.
p. 20.
p. 21. — C’est Pierre Roucel qui est le fils de Nicole Roucel l‘aîné,
p. 22.
descroitre, décroître, diminuer.
ORAGES A METZ (JUILLET 1466)
379
Ung qui1 par justice on crevait les yeulx. — Item 12, en celle meisme
année, le XVIIIe jour d’apvril, fut en celle cité faictes et escécutées une
justice de laquelle n’avoit oncque estez en ycelle cité faicte la pareille.
Car, en ycelluy tampts, y oit ung homme lequelle avoit heu crevés les
deux yeulx d’ung prebstre, et estoit ycelluy homme nouvellement
venus demorer en Mets, et tant que on vint à la cognoissance d icelluy
cas. Parquoy il fut prins et fut menés en l’ostel du doien de la ville ;
et, après son cas cognus, il fut menés on pallas. Et puis, après la santance donnée, fut menés par les Trèzes et par les contes entre les pont
des Mors et celluy c’on dit le pont Thieffroy ; et, en ce lieu, auprès des
roue, fut le malfaiteur couchiez sus ung hault bancquez et eschéfault,
qui estoit fait de noviaulx, tout propisse corne il le failloit, et dessus
celluy fut très bien loyés, et par jugement le bouriaulx luy crevait les
deux yeulx hors de la teste, devent tout ceulx et celle qui estoient
présant et qui veoir le voulloient. Et fut celle justice une merveilleuse
besoingne et une justice très piteuse à resgairder.
Respit prins par l’évesques à la requeste des chanoingne.
A la sainct
Jehan 3, l’an dessus dit, envoiait mon seigneurs l’évesque de Mets
prandre respit, ung moix tant seullement, contre la cité de Mets,
pour le fait des devent dit chanonnes : c’est assavoir pour tant que,
en faisant le contraic de paix, il s’avoit fait fort d’apourter dedans le
dit jour sainct Jehan l’absolucion de la comfirmacion de Romme
de la paix et accord fait entre la cité et lesdit chanonnes, ce qu il ne
polt encor faire, parquoy il demandoit de graice espécialle d avoir
celluy respit.
Item 4, en la dicte année, fist ung très biaulx moix de jung ; et fut
cy très chault que l’on ne pouoit durer, de grant chailleur qu’il faisoit ;
parquoy l’on ce moroit tousjour de plus en plus. Et estoient les vignes
pouc chargiées de résin, maix ce poc qui y estoit estoit cy très
biaux et amendoit cy très bien que ce fut merveille.
Grant vent. — Puis 5, tantost après, le Ve, le VIe et le VIIe jour de
juillet, ces trois jour de routtes 6, fist le plus terrible tempts que de
loing tamps on avoit veu faire, c’est assavoir deux heures chacun jour
tant seullement. Car il vantoit sy trefïort qu’il sembloit que tout ce
deust fondre en abisme, et tonnoit et eslodoit terriblement , et puis,
après, pluvoit sy asprement et sy durement qu’il sembloit propre
ment que les nuez deussent cheoir. Et tellement qu’il n’y oit alors
cy bon teilz en Mets, tant fut bien racovatés, qui ne fut desrompus et
trespersés de la force du tamps, du vent et de la pluye qu il faisoit.
1. Qui, à qui. C’est le oui de l’ancien français qui survit ici.
2.
3.
4.
5.
Aubrion, p. 16.
Aubrion, p. 18.
Aubrion, p. 18.
Aubrion, p. 18.
6. De route, de suite.
380
JOURNÉE TENUE AVEC LES CHANOINES
(16
OCTOBRE
1466)
Pareillement 1, le pénultime jour du meisme moix de juillet, vint
errier en Mets ung terrible temps d’oraige, de grelle, de fouldre et de
tonnoire ; et tellement que, d’icelle grelle, y en avoit d’aucy grosse
comme des escuez à juer à la palme, ou que œufz d’oye, et les plus
petitte comme nois de noier. Parquoy ce tamps fist grant domaige
en Mets et en plusieurs aultre lieu. Et desrompit plusieurs wairiers,
principallement touctes les wairiers de la grant église de Sainct Vincent,
et plusieurs aultres parmy la cité. Mais, la grâce à Dieu, celle dan
gereuse nuée cheust causy toutte en la ville, et ne fist comme point de
dompmaige aux champs ne és biens de terre.
iiiic Bourguignon par devent Mets. — Item 2, ledit jour, passèrent
par devent la cité de Mets environ quaitre cenc Bourguignon, lesquelx
c’en alloient servir mon seigneur de Bourgongne contre la ville de
Dinant.
Procession. — Et 3, le XXIIIIe jour du moix d’aoust ensuient, on
fist une très belle porcession généralle au Grant Mostier de Mets, pour
le remide de la pestilance, qui corroit fort. Et ce partirent de ce lieu
pour aller quérir la vraye croix de Sainct Elloy aux Chartreux de
Nostre Damme du pont Thiefïroy. Et y fut pourté le chief sainct
Estienne au devent de la dicte vraye croix, avec la fierte sainct Clé
ment, qui pour l’heure avoit estés aportée à Metz (car il y avoit XL ans
qu’elle n’y avoit plus estés). Et, en celle compaignie, fut pairellement
pourtée la fierte le glorieulx martir sainct Levier, chevalier, natif de
Mets. Et en belle ordonnance fut ainssy acompaignée la très digne et
précieuse croix de Jésu Crist jusques à l’église de Sainct Pier le Viez.
Et en ce lieu fut possée, et demourait par plusieurs jours, en jusques
à tant que celle pestilance fut cessée.
Puis 4, dès ce jour en avant, ce mist le tampts au biaulx. Et fist ung
tamps merveilleusement biaulx c’est assavoir depuis la moitié dudit
moix d’aoust en jusques à la fin de septembre ; auquelle moix il fist
sy très chault qu’à poinne on le pouoit endurer. Et, à celle occasions,
furent les vins sy bons et dilicquait que c’estoit merveille ; et disoit
on que, passés XXX ans, il n’avoient estés milleurs. Parquoy l’on ne
vend oit les pouvre vins santant le verjus de l’an devent LXV que ung
denier la quairte, ou deux angevigne ; et en trouvoit on assés à ce pris,
car il estoient cy très fier que c’estoit pitiet. Maix le bon vin nouviaulx
de cest présente année, et les vins viez de l’an LXIIII, on les vandoit
communément à V deniers la quairte.
Journée tenue à Sainct Mertin la Glandière. — Item5, en celluy
tamps, retournirent de court de Romme les comis des devent dit chainonnes qui estoient de part eulx envoiez pour le fait d’icelle bulle.
Et tellement que, le XVIe jour d’octobre, le seigneur Geoffroy de
1.
2.
3.
4.
5.
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
p.
p.
p.
p.
p.
19-20.
20.
20.
21.
21.
NOUVELLES BULLES EXIGÉES DES CHANOINES (16 OCTOBRE 1466)
381
Warixe et le seigneur Jehan Baudoche, chevalier, qui estoient deux des
quaitre commis pour le fait des chanonnes, furent à une journée à
Sainct Mertin la Glandière contre les devent dit chanonnes, pour visiter
les bulles que lesdit chanonnes avoient nouvellement rapourtés de
Romme, et affin de sçavoir se lesdictes bulles estoient en forme selon
le contenus de l’accort fait entre la cité et lesdit chanonnes. Et en
présance y fut mon dit seigneur l’évesque de Mets. Et furent ycelle
bulles veue, visitéez et leutte tout du loing. Et ce thint ycelle journée
tout a meylieu du boix, entre Sainct Mertin et Sainct Avoul. Et, quant
il olrent veu le contenus d’icelle bulles, lesdit deux commis prinrent
dilacion, et retournirent arrier à Mets remonstrer le fait au conseil de
la cité. Puis, de rechief, au mardi après, s’en sont rallés audit lieu,
comme il avoie promis de faire. Mais il ne polrent encor avoir acort ;
car ledit seigneur évesque et les chanonnes tous ensemble avoient
impétrés plusieurs bulles à Romme en l’ancontre du rest des prebstre
qui estoient demorés durant ycelle dicension à la partie de la cité,
et la cité ne le voult mye passer ne parmettre sans en parler à yceulx
prebstre et gens d’église, tant de religion comme aultrement. Parquoy
il les mandirent quérir tous enthièrement pour oyr leur voilloir : c’est
assavoir les chainongne et les chaippellains des église collégialz résidant
en Mets, les abbez, les curés, les ordres mendiantes, et tous les altaris a,
et aultres vicaire et chaippellains. Et, eulx venus, leur fut demendés
oppinion, assavoir mon cornent il estoit bon de faire touchant le fait
d’icelle bulles. Alors lesdictes gens d’église respondirent ce que bon
leur pleust. Et tellement que, le dimenche tantost après, qui fut le
lundemain de la Toussains, lesdit deux commis y retournairent, et
fut arrier journée tenue contre lesdit chainonnes, comme par avant.
Et leur firent la responce, pour la cité, telle : qu’il ne passeroient ne
agréeroient ycelle bulles, ne aultres, sinon que en ycelle fut contenus
que les gens d’église fussent absolz aussy bien comme toutte la cité.
Et tellement que force fut audit chanonnes, avent que rentrer en Mets,
de renvoier à Romme pour avoir nouvelle bulles.
Item12, en celle devent dicte année, il fist ung grantmoiste yver froit
et plevieulx ; mais il ne fist oncque gellée que durait a plus hault
de V ou VI jours en ung tenant.
Paireillement, en la meisme année mil 1111° et LXVI, ce firent plu
sieurs besongne au royaulme de France digne de mémoire.
Tresves prime entre François et Anglois.
Et, premier, fut le roy
advertis que les Anglois, anciens ennemis de la couronne de France,
avoient délibéré de envahir le royaulme et y faire descente. Sy fist faire
par le conte de Sainct Pol grande armée et amas de gens de guerre.
Mais, tantost après, furent faictes et accordées trêves de XXII mois
entre les dictz roys de France et d’Angleterre.
1. AUariste, latin altarüta, chapelain. Ce mot semble être particulier à l’est de 1«
France et à la Rhénanie.
2, Aubkion, p. 22.
m
RENÂUT LE GOURNAY. MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1467)
Et, en ce tampts, donnait le roy a princes du royaulme plusieurs
office et dominacion.
Réformation en France. — Et, avec ce, furent en celle meismc année
ordonnés et députés plusieurs grans et sages gens, jusques a nombre de
XXI, lesquelles furent fait comissaire pour adviser et donner ordre au
fait et police du royaulme, ainsy qu’il avoit estés dit et ordonné par
l’appointement fait par le roy avec les princes de son royaulme. Lesquelz réformateurs estoient pour ce faire à Paris le XVIe de juillet,
qui alors estoit la révolucion de l’an de la rencontre faicte à Montlehéry. De laquelle assemblée et réformacion estoit chief et principal
mon seigneur le conte de Dunoys, et l’archevesque de Rains, surnom
més des Ursins ; lequelle en ce jour célébra messe du Sainct Esperit
sollennellement au palas, affm que Dieu leur donnast faire chose qui
fust utille au bien publicque.
Le sciège devant Dynant. — En ce meisme ans, le duc Philippe de
Bourgongne, qui se faisoit pourter en une litierre, et son filz, de Charolois, mirent le siège devent la ville de Dinan. Laquelle, combien que
ce fut l’une des fortes villes du païs, finablement fut prinse d’assault,
et par traïson, comme le mest aulcune istoire. Et fut totallement
destruicte, les église abatues, les maisons airxe et arasée ; et partie des
habitans tués, femme et anfïans loyés par grant troupiaulx et reversés
en la rivier, et le rest envoia en exil. Les mur de la ville furent arasés à
fleur de terre et les foussez remplis. Et y fut faictes l’une des grant
désolacion et murtre innumains que jamaix fut faict en ville. En cest
ville de Dinan, fut tant prinse de batterie de paelle d’airains et de chauderon que tous le païs de Mets et de Loherenne en furent remplis.
Mortalités à Paris. - Et, en ce meisme tampts, on moix d’aoust et de
septembre, courut sy grande pestillence dedans Paris et és environs
qu’il en morut plus de XL mil créatures, comme l’on trouve escript,
par compte fait. Entre lesquelles morut maistre Arnoult, grant astrologien du roy, avec plusieurs aultre docteur et scientificque personne.
Les Fransois de guerre aux Bourguignon. — Aussy, en cellui tampts,
fut criez en France le ban et arrier ban pour aller contre ledit duc de
Bourgongne et contre le devent dit Charles, son filz. Aussy furent mis
sus de nouveau une quantité de francz archiers oultre le nombre
ordinaire.
Mais de leur guerre je vous lairés le parler, pour revenir à mon prepos et a maistre eschevin de Mets.
Mil iiiic Ixvij. — En l’an XXVIIIe de l’empire du devent dit Phéderich l’ampereur, qui fut l’an de nostre rédemption mil quaitre cenc
LXVII, fut alors créés, fait et essus maistre eschevin de la cité de
Mets le sire Régnault le Gournaix, qui depuis fut chevalier L
1. Aubrion, p. 22.
ARRANGEMENT FAIT AVEC LES CHANOINES (AVRIL 1467)
383
La paix du tout apoinlée entre la cité et les chanonnes.
Et *1, en la
dicte année, le jeudi après Paicquez, revint a de Romme le vicaire de
mon seigneur l’évesque, lequel rapourtait, comme on disoit, les bulle
de Romme contre les chainonnes tout ainsy comme la cité les deman
dent. Et tellement que le dit évesque en rescript audit de la cité ; et en
aportait les lettre le seigneur Henry Baier pour et affïn de on non dudit
évesque pranre une journée. Et fut conclus et assignée à la premier
pour le mairdi après Quasymodo. A laquelle journée y furent envoiés
pour la cité le sire Jehan Baudoche, chevalier, le seigneur Geoffroy de
Warixe, et seigneur Nicolle Roussel l’anney, pour visiter lesdicte
bulles. Et fut trouvés qu’elle estoient assés convenables. Et alors en
fut prins la coppie et rapourtée à Mets, pour les monstrer aux gens
d’église, assavoir mon c’il y avoit rien que dire. Puis 2, *le dimenche
après Quaisimodo, furent mandés tous les abbés, lez abbesses, les
chaippellains collégialle, et tous les curés de Mets, et tous aultres
eclésiasticque. Et à yceulx furent par lesdit comis monstrés la coppie
d’icelle bulles pour et affin de les resgairder et aviser c’elle estoient en
bonne forme. Et yceulx eclésiasticque les avisairent, et, a lundemains,
firent leur responce, telle qu’elle fut concordante d eulx tous ensambles,
disant que la chose alloit très bien, et que par les condicion faicte et
eschevye desdite bulle la paix ce pouoit bien faire. Et, tantost au
lundemains, que fut le mairdi, les trois commis pour la cité s’en retournairent à Nominy ; et y furent environ VII jours 3. Et à celluy jour
paissairent tout le traictiet et la paix enthièrement. Et, dès incontinent,
lesdit chainonnes c’en allirent publier l’absolucion par tout le pais de
Mets. Et puis, ce fait, leur fut donnés et essignés journée pour revenir
à Mets ; et fut celle journée prinse pour le jour de la sainct Clément en
may ensuient.
Mais, avant que je vous desclaire plus avent de leur antrée ne de leur
récepcion en Mets, je vous mecterés ycy les coppie de deux lestre faictes
et passées parmy cestuy escort faisant, comme la teneur s ensuit.
Lettres de sauvegarde
Leclres de saulvegairde. - Nous 4, George, par la grâces de Dieu
évesques de Mets, sçavoir faisons à tous que, comme il ait pleus à nostre
très sainct père en Jhésu Crist, seigneur Paul, pappe second, par ces
bulles de modéraeions à nous et certains aultre commissaires adressant,
que doien et chapistres de nostre églises de Mets, emsembles leurs
chapellains, serviteurs et biens quelcunques, soient en la protections
a. M : revit.
1. Aubrion, p. 22.
3* IubrIon’ p’ 23': et y jurent ung jour. Philippe a pris un (vij) pour le ehiffre vu.
4! Hxjguenin, p. 356, reproduit aussi cette lettre. Nous lui empruntons les variante»
qui suivent.
384
LETTRES DE SAUVEGARDE ET DE MODÉRATION (20 AVRIL 1467)
et sauvegarde de la cité de Mets, tant ycelle *1 comme dehors, de ce
est il que nous, désirans norir paix, amour et dilections “ entre lesdictez
partie, avons, par le voulloir, sceu, agréacion et consentement d’icelles,
les appaisantés et accord 2 de ce dit difïéians par la manier qui s’ensuit.
C’est assavoir que lesdit de Mets, en comtemplacions et honneur de
nostre sainct père, et à nostre prières et requestes, ont prins et receu,
prennent et reçoivent lesdit doiens et chapitres, emsembles leurs
chapellains, clerc de cuer, serviteurs, famillier et subjectz, tous les
biens de leurs dictes églises et les leurs, en chief et en nombres 3, tant
en la dicte cité comme dehors, en leurs protections et sauvegarde, pour
les garder, poursuivre et réclamer 4, defïandre bonnement et loyaulment, selon leurs possibillités, comme ilz font leurs citains et manans
de la dictes cités, ht seront tenus lesdit doiens et chappitre, pour eulx
et les leurs dessus dit, paier chacun ans, tant et sy longuement qu’il
seront en la dicte sauvegardes, la somme de XXXVI livrez, monnoie
de Mets, aux jour de Pasques communial, ou VIII jour après, san
malengien, à la dicte cité ou à leurs commis et députés. Et ont lesdictes
parties, chescunes endroy soy, promis et cranteit en bonne foidz avoir
ce que dit est ferme, estaubles et agréables, sans y contrevenir en
manière que soit ou puist estre, et le tout san malengiens. Et, en signe
de ceu, avons, nous, George, évesque de Mets dessus dit, comme média
teurs, fait appandre nostre sceel à ces présentes. Et, pour affirmacions
et approbacion dé choses dessus dictes estre par nous, les parties,
faictes, passées, promises et crantées par la manières que dit est,
avons, doiens et chappitres, nostre grant sceelz, et nous, le maistre
eschevins, trèses jurés, le conseil et touttes l’universités de la cité de
Mets, le grant sceelz de la dictes cités avec le sceelz dudit révérandz
perre mis et appandus à ces présantes. Que furent faictes et données le
XXe jour du moix d’apvril, l’an mil quaitres cens et soixantes et septs.
Lettres sur les modéracions
Lectres sur les modérations. — Nous 5, George, par la grâces de Dieu
évesques de Mets, et Jehan, par la parmission divines abbés du monaistères de Sainct Mathie près et hors des murs de Trieuves, de l’ordre
sainct Benoy, sçavoir faisons 6 7que, en concluant paix et concorde ?
entre les vénérables nous chiers et amés frères doiens et chapistres
de l’églises de Mets, d’une part, et spectables lé maistre eschevins,
trèzes jurés, conseil et universités de la cité de Mets, d’aultre part, sur
а. M • Elections.
1. Tant dedans icelle.
2. Les appaisantés et accordés.
3. Et en membres.
4. Poursuir, réclameir et deffendre.
5. Huguenin, p. 356, reproduit aussi cette lettre. Nous lui empruntons les Tariantes
qui suivent.
б. Sçavoir faisons à tous que.
7. Accord.
RENTRÉE DES CHANOINES
A METZ (2 MAI 1467)
385
certains traictiez jà piéça fait par le moien de nous, George dessus
dit, entre lesdictes partie, et sur certainnes modéracions contenues
és bulles appostoliques confîrmatoires dudit traictiez à nous adressant,
c’est assavoir que, s’alcun débatz sourvenoit en cas de disme, et aussy
touchant l’acquisicions des biens, etc., se deveront cognoistres *1 par le
juge espirituel, avons 2 conjointement, pour biens de paix, du sceu,
grey, consentement et vollunteit expresses desdictes parties, dit et
desclarisons et déclairons 3 par ces présentes que l’article desdictes
modéracions ens tant 4 qu’il touches l’aquisicions des biens 5 lesquelz
par confîrmacions aux portes, porroient et debveroient, selon ledit
traictiés, estre acquis à la dictes cités ; et par 6 *ycelle modéracions
dessus nommées estre souffisanment comprinses esdicte lettre de con
cordes faictes entres lesdictes partie ; et que elles ne doient préjudicier
ne derroguer à ladictes concordes en manier que soit 1 ou puist estre,
et le tout sans malengin. Et, en signe de ceu, avons, nous George,
évesques, et Jehan, abbés dessus dit, comme médiateurs en cest par
ties a, fait espandre nous sceelz en ces présantes. Et, pour aifirmacions
et approbacions des choses dessus dictes estres par nous, les parties,
passées, agréés 8 par la maniers que dit est, avons, nous doiens et
chapitre, nostre grant sceelz, et nous, le maistre eschevins, trèses jurés,
le conseille et universités de la cités de Mets, le grant sceel de la dictes
cité mis et espandus avec les sceelz desdit révérendz et vénérables
pères en Dieu à ces présantes. Que furent faictes et données le XXe jour
du moix d’apvril, l’an mil quaitre cent et LXVII.
Item 9, en celle meisme année mil quaitre cent et LXVII, il fist ung
merveilleux tampt on moix de mars et on moix d’apvril ; car il ne fut
oncque journée on dit moix de mars qu’il ne pleust, et aussy fist il en
apvril, jusques a XXVe jours ; et estoit ycelle pluye très merveilleuse
ment froide. Et, avec ce, il tonnait audit moix de mars et d’apvril par
plusieurs fois, et cheoit de grosse gresle, qui estoient bien domaigeable
au fleur des arbres.
Les chanoinne entre en Mets. — Puis10, tantost après, c’est assavoir
le samedi deusiesme jour du moix de may, qui fut le jour de la sainct
Clément, lequelle jour, comme cy devent est dit, avoit estés essignés et
а. M • paties.
1. Se debvera cognoistre. — Le sujet de devra est débat.
2. Il faut réunir : Nous, George, etc., savoir faisons que... nous avons.
3. Avons... dit et desclairiè, disons et desclairons.
4. En tant qu’il touche.
5. Ici Philippe a sauté un membre de phrase : l’acquisition des biens, ne s’estend
plus avant, ne ne doit estre entendu fors que seulement au regart des biens lesquelz par
confiscation aux portes, polroient et debveroient, etc.
б. Supprimer par. — Ce nombre de phrase dépend de : disons et déclarons.
7 En matière que ce soit.
8. Passées et agréées.
9. Aubbion, p. 23.
10. Aubrion, p. 23.
386
DIFFICULTÉS A METZ AVEC LES CHANOINES (MAI
1467)
prins pour entrer les devent dit chainonnes en Mets, et*1, de fait, il y
entrirent, acompaigniés de mon seigneur l’évesque d icelle cité, et,
paireillement, de tous leur serviteur, lesquelles durant celle dicencion
avoient estés banis pour tant qu’il s’en estoient allez avec lesdit chanonnes ; mais, par le devent dit accord fait, il furent rappellés. Et, à
leur antrée, fut fait de grant mistère ; car, pour celluy jour qu’il y
entront, il fallut cesser de chanter messe, et ne fut ce jour chantés ne
sonnés quelque cloiche en Mets ne on pais d icelle, jusques au lundemain, le dimenche, aux VII heures ; et, alors, fut premier sonnés au
Grant Moustier, et, en après, fut sonnés par tout aultres église parmy
la cité. Et, ce fait, fut ledit évesque à la Grand Église durans la grant
messe et les vespres, acompaigniés de tous les chanonne devent dit;
et paireillement au lundemains. Auquelle jour furent devent ledit
évesque les commis pour la cité, c’est assavoir le seigneur Régnault le
Gornaix, maistre eschevin de Mets, le seigneur Jehan Baudoche, le
seigneur Pier Renguillon, le seigneur Geoffroy de Warrixe, tous trois
chevaliers, et le seigneur Nicolle Roucel l’anney, demender absolucion
pour toutte la cité enthièrement. Et mon seigneur l’abbé de Sainct
Vincent en l’isle de Mezelle en Mets, mon seigneur de Sainct Clément,
mon seigneur de Sainct Arnoult, mon seigneur de Sainct Simphoriens,
mon seigneur de Sainct Mertin, tous abbés, y furent pour touttes les
gens d’église enthièrement.
Et, pour avoir mémoire de leur venue, en furent composés ces vers
ycy après escript par yceulx chainonnes meismes, auquelle est contenus
le milliair et l’an qu’il rantrirent en Mets. Lisés à trait, et le tout y
trouvenrés, ce bien le sçavés comprandre :
CLaret nVnC Métis, Cesslt noX, heCquez serenat.
Or 2 *avint,
4
le lundi tantost après, pour tant que les citains de Mets
ne faisôient mye bonne chier ausdit chanoignes, il c’en vinrent doloser
et complaindre audit évesque. Car tout le puple les haioit formeement ,
et les destraictoient 4, et leur disoient grant injure et villeme. Parquoy
lesdit chainonnes, comme dit est, ce vindrent à complaindre audit
évesque en luy desclairant les injures et villeme que les citains de Mets
leur disoient, et le moleste c’on leur faisoit. Et, alors, ledit evesque
envoiait quérir le seigneur Jehan Baudoiche, seigneur Geoffroy de
Warixe « et seigneur Nicolle Roucel l’anney, et leur dit et priait qu il
volcissent à tel tenir le puple qu’il ne faïssent ne dissent desplaisir
audit chainonnes. Lesqueulx trois seigneurs commis pour la cité respondirent audit évesque qu’il n’estoient mye enbahis se le peuple
a. M : Warixe (le w est barré de l’abréviation er).
1. Il laut supprimer et pour que la phrase devienne régulière.
23: Fermement'signifie « formellement, en forme ». Philippe n’a-t-il pas confondu
avec jorment « fortement » ?
^
4. jJdracter, refuser de servir quelqu’un.
DIFFICULTÉS au sujet de l’abbaye de gorze (mai 1467)
387
haïsoit lesdit chainonnes pour le mal qu’il avoient query contre la cité ;
maix, néantmoins, s’il en y avoit aulcuns qui faisissent ou desissent
desplaisir à aulcuns desdit chainonne, et il s’en plaindoient à justice,
lesdit comis promirent de leur en faire bonne et brief justice, et telle
comme au cas seroit requis. Alors, quant ledit évesque oyt leur responce, il es contantairent ; et dit à yceulx complaindant qu’il se tinssent
gracieusement, et qu’il ce maintinssent a et feissent tellement et sy
gracieusement qu’il n’en oyt nul nouvelles. Et, tantost le lendemains,
se partit le dit évesque de la cité, et s’en allait à Vy. Et la cité le fist
conduire et luy fist honneurs à son retour ; car tous les soldoieurs de
la dictes cité, qui estoient environ VIXX chevaulx, bien en point, par le
comendement et ordonnance de leurs maistres, les Septz de la guerre,
le reconduirent près de deux lue loing ; et puis prinrent congiez et c’en
sont retournés à Mets.
Item !, tantost aprez, lesdit chainoignes ordonnairent de faire trois
porcessions par trois dimenchez l’ung après l’aultre. Et, le premier
dimenche ensuiant, en fut faicte une à Sainct Clément ; maix il n’y fut
causy personnes, pour tant que les seigneurs n’y furent pas. Parquoy
lesdit chainonnes en furent couroussiet et desplaisant, et, de fait, le
dirent aux seigneurs, en eulx remonstrant que aux dictes porcession y
alloit poc de gens. De quoy les seigneurs devent dit leurs respondirent
et dirent que à ce jour de dimenche n’estoit pas convenauble de laissier
sa grant messe pour faire ycelle pourcession, et qu’il seroit bon de les
mettre à aultre jour. Et lesdit chainoigne ont bien humblement respondus qu’il les mestoient à leur discrécions. Et, tantost le vandredi
après, les seigneur firent huchier et faire une très belle porcession ; et
fut faictes à Sainct Arnoul ; et à ycelle porcession se trouvait tant de
gens que ce fut sans nombre. Et puis, tantost, le second vendredi, qui
fut le VIIIe jour après, on fist l’aultre porcession à Nostre Damme
au Champs ; et y oit encor plus de gens que à nullez des aultres.
L’embassade de mon seigneur d’Arras â Mets. — Item 2,
* 1environ la
Pantecouste après, vint et arivait en Mets une embaxade de mon
seigneur d’Aras, le cardinal d’Alby, lesquelx venoient prandre posses
sion de l’abaye de Gorse. Et furent logiez à Sainct Vincent ; puis,
assés tost après, c’en allircnt à Gorse. Maix il n’y demouront guerre ;
car bonnement et de craintes il ne c’y oisoient tenir. Et, tantost, il
commensairent à faire lettres et à planter l’escomunicacion a portai
du Grant Mostier contre l’abbé de Gorse. Dont il en y oit aulcuns et
plusieurs qui c’entremirent de les dessirier et de oster ycelle lettres du
portai. Et tant que lesdit ambassadeurs ce firent mener en justice
devent mes seigneur les Trèzes, leur priant que l’on y voulcist mestre
remède. Et, tantost, à cellui jour qui fut faictes la pourcession à Sainct
Arnoult, firent yceulx ambassaide mettre l’interdit contre lesdit de
a. M : maintissent.
1. Aubrion, p. 24.
2. Aubrion, p. 24-25.
388
ORAGE A METZ (2 JUILLET 1467)
Gorse au portai dudit Sainct Arnoul. Et, alors, y oit ung compaignon,
appellés Herment l’estennour 1, que les araicha et les mist en piesse.
Parquoy, incontinent qu’il fut venu à la congnoissance de justice, le
propre lundemains, ledit Herment fut huchiés sur la pier ; et fut banis
ung ans hors de la cité et du pais d’icelle, et, avec ce, paiait XL sols
de messins d’amende. Et puis fut errier criés que nulz ne fut sy oisez
ne herdi de les plus dessirer ne de les oster. Et fut ce huchement fait
pour tant que le roy de France, mon seigneur de Lorraine et mon
seigneur le marquis du Pont avoient rescript à la cité qu’il aidaissent
aux ambassades dudit cardinal contre ledit abbé de Gorse, parquoy
on ne les oisoit couroussier.
En celle année 2, ce chaingeait le tamps par plusieurs fois. Et telle
ment que, environ VIII jour à la fin du moix de jung, fit cy très c'hault
et sy très biaulx qu’on ne pouoit durer de challeur ; et estoient desjay
les verjus gros à la sainct Pier, quoy qu’il eust fait bien froit trois
semaigne dudit moix de jung, lesquelles durant il plevoit tous les jours
pluie aussy froide comme à la sainct Martin.
Grant vent. — Item 3, le deusiesme jour de juillet, fit ung très
orrible tempts de vent et de pluie ; parquoy furent abatus plusieurs
arbres à Metz et on païs d’icelle, et fist la grelle de gros dopmaige és
vignes en aulcune contrée. Puis, après, environ le XXe jours de ce
meisme moix de juillet, fit ung tel tampts que les vignes furent touttes
collées et fort brullée, tellement qu’il y oit grand dopmaiges. Et, encor
pis, les bief furent tout embrussiés 4 on païs de Mets et en plusieurs
aultre contrée, meismement a les froment, en la duchié de Bar et aultre
part. Puis, quant ce vint on moix d’aoust après, environ la mitté, le
tamps se chaingeait ; et fist ung très biaulx temps, et aussy fist on
moix de septembre. Et, alors, acomensairent les vignes à ce fort meller 5
et à meurir ; et tellement que, le premier jour de septembre, l’on
heust desjay bien fait du vin nouviaulx, qui heust vollu.
Les Lorains gaingne plussieur piesse. — Item 6, le second jour de
septembre, vinrent nouvelles en Mets que les Lorrains avoient gain
es. M : meisment.
1. On peut lire esteuvour, étuveur, propriétaire d’étuves, teneur de bains. Mais,
dans un inventaire de 1508 publié par Lorédan Larchey (Aubrion, p. 7, n. 1 et 8), les
prétendus étuveurs sont joints aux chaudronniers et aux potiers de cuivre. Il faut donc
interpréter estainnour, ouvrier qui travaille l’étain. C’étaient des batteurs d’écuelles ou
escuelliers d’étain, des potiers d’étain; l’on faisait aussi, en étain ou en plomb, des
miroirs, des sonnettes, des chaînettes.
2. Aubrion, p. 25.
3. Aubrion, p. 25-26.
4. Patois ambrûsieu (Zéliqzon,
Dictionnaire des patois romans de la Moselle) :
brouir, se dit du blé attaqué par la rouille.
5. Maler (ibid.) se dit encore aujourd’hui au pays messin des raisins qui commen
cent à mûrir : une partie des grains se teinte, les autres étant encore verts.
6. Aubrion, p. 26.
MORT DE PHILIPPE, DUC DE BOURGOGNE (1467)
389
gnez plusieurs places de mon seigneur le merchault *, noméement
Benville 12, que estoit forte terriblement.
Les Metsains en crainte. — Puis 3, le XXe jour de ce meisme moix de
septembre, vinrent errier nouvelle en Mets que il venoit grant compaignie de gens d’armes contre la cité. Parquoy alors fut ordonné de
faire double gait dessus les murs et a pourte. Et fist on fouyr en la
cité les bonnez gens du Vaulx et d’aultre lieu de la terre de Mets 4.
[la MORT DE PHILIPPE, DUC DE BOURGOGNE ; LES PREMIERS
ACTES DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE, SON FILS]
Durant ce tamps, c’est assavoir en celle meisme année, ce firent
encor plusieurs aultrez chose digne de mémoire, tant on royaulme de
France comme en la cité de Mets et aultre pars.
Le roy de France en Normandie. — Premier, avint que, en la dicte
année, le roy Loys c’en alla on pais de Normendie, et y mena la royne
et ces fille ; et, là, luy furent envoiés en embassade, on nom du roy
d’Angleterre, le conte de Warvich, et plusieurs aultres, pour traictier
apointement. Lesquelles le roy festoia grandement en la ville de Rouan
par l’espasse de XII jours à ses despans ; et, au despartir, leur donna le
roy de grans dons. Et, avec eulx, envoya le conte de Roussillon, admirai
de France, l’évesque de Laon et plusieurs aultres ces embassade. Et ne
firent rien, ou peu, de leur proffit.
La royne à Paris. — Après ce fait, le roy s’en retourna à Paris.
Et y mena la royne, qui n’y avoit encor point esté ; et y entra par
yaue, le mardi premier jour de septembre, où elle fut honnorablement
receue. Entre les aultres, luy fut présenté ung cerf fait de confiture,
ayant les armes d’icelle royne pandues à son col.
La mort de Philippe, duc de Bourgongne. — En celle meisme année,
on moix de juing, trespassa de ce sciècle Philippe, duc de Bourgongne,
en la ville de Bruges ; et fut son corps portés enterrer en ung riche
sépulcre, aux Chartreux de Dijon, avec ses prédécesseurs. Et luy
succéda Charles, conte de Charolois, son seul filz.
Les Parisiens en armes. — Et, en ce tampts, le roy fist mestre en
armes lé Parisiens. Et ne scet on à quelle cause, sinon qu’il voulloit
congnoistre quelle force avoit la cité, ou pour ce qu’il espéroit que la
renommée de celle chose espoventeroit ses annemis. Et tellement que,
1. Jean de Fénétrange, maréchal de Lorraine.
2. Bouville au miroir sus Madon, dans Huguenin, p. 359. C’est Bainville-auxMiroirs, Meurthe-et-Moselle, Nancy, Haroué, sur la Moselle (et non Bainville-surMadon).
3. Aubrion, p. 26.
4. On les force à se réfugier dans Metz.
390
CHARLES LE TÉMÉRAIRE EN GUERRE AVEC LES LIÉGEOIS (1467)
le XVe jour de septembre, selon le comendement du roy, fussent issuz *1
les Parisiens de la cité par la pourte Sainct Anthonne, soubz les ensei
gnes des juges, officiers, capitaines et ministres ; et, en la présance
dudit roy, ont rapourtés que le nombre estoit de soixante et dix mil
hommes en armes.
Loys de Bourbon asseigiés par les Liégeois. — Et fut ce fait du tampts
que les Liégeoys menoient la guerre encontre Loys de Bourbon, leur
évesque, et qu’il le asségèrent à la ville de Heu. De quoy, le XXVIe jour
de ce meisme moix de septembre, en vinrent les nouvelle en la cité de
Mets ; et fut dit, comme il estoit vray, que ladicte ville de Heu estoit
gaingnié par lesdit Liégeois. De quoy mon seigneur le duc Charles de
Bourgongne fut moult courrosiez et dollans ; car il avoit apousés la
niepce dudit Loys de Bourbon. Parquoy il entreprint et délibéra de
leur faire la plus terrible guerre que jamaix fut faictes contre cité.
La guerre criéez contre ceulx de Liège. — Et, jay ce que le dit Loys,
évesque de Liège, estoit eschappés de ce dangier, ce ne fut pas pour tant
le dit duc Charles raipaisés. Ains manda ces fiedz et arrier fiedz, tant de
Mets que d’aultre part, et fist crier la guerre à son de trompe encontre
lesdit Liégeoys. Et tenoient ceulx qui anonsoient celle guerre une espée
nue en l’une des mains et une torche ardante en l’aultre ; laquelle
chose signifîoit qu’il voulloit destruire celle nacion de feu et de sanc.
Et 2, pour descervir leurs fiedz, y furent desdit de Mets le sire Philippe
Dex, seigneur Giraird Perpignant, en propre personnes ; et le seigneur
Werry Roucel, chevalier, et le petit Collignon de Heu y envoiairent
leur verlet pour et en lieu d’eulx. Et partirent de la cité de Mets le
samedi thier jour d’octobre, très bien en point.
Le roi de France envoie secour aux Liégeois. — Touteffois, pour ce que
de loing tempts yceulx Liégeois avoient estés conjoinctz et a alliez avec
lez Françoys, pour raison de quoy délibéra le roy leur envoier secours,
comme il fist. Et, de fait, y envoia bon capitaine, acompaignié de quaitre
cens hommes d’armes, avec VI mil franc archieis.
Le pape veult abollir la Pragmalicquez Sancion. — Aussy, en ce
meyme tampts, estoit bruit que le roy avoit promis au pape de afïacer
et destruire la Pragmatique Sancion. Parquoy le dit pappe, non aient
oubliés cest promesse, comme il eust en grant horreur celle mesme
Pragmatique et l’appelloit hérésie, et, à celle occasion, envoia ces
ambassade devers le roy, affin de le enhorter de soy acquiter de sa
promesse ; et le dit Loys en fit tout son devoir. Mais le parlement ne
le voult acourder. Et, par sus tous les aultres, maistre Jehan Romain,
procureur général du roy, y résista et ne c’y voulut concorder, pour
menaces que Balue, cardenal de Romme et embassadeur du pappe,
luy sceüst faire, mais dit qu’il estoit du tout résolu de tout perdre,
et office et biens, avent ce qu’il fist chose qui fust contre son âme, au
a. M : a.
1. On attendrait : furent issus.
2. Aubrion, p. 27.
TRÊVE DE SIX MOIS ENTRE FRANCE ET ROURGOGNE (1467)
391
préjudice du royaulme et de la chose publicque. Parquoy ledit Balue le
menassoit, et en olrent plusieurs parolles ensemble ; et luy devoit
faire mons et merveilles, car c’estoit ung homme frauduleux et plam
cIg
câutcllG.
•
Et, tantost après, cil Balue, avec plusieurs aultres, furent envoiez
on non du roy Loys par devers Charles, duc de Bourgongne, en am assade, pour plusieurs raison, que je lesse. Entre lesquel es eurs u
bailliés comission de apaiser les Liégeois d’icelle devent die e guerre
que le duc Charles leur menoit.
j Hntlt
Liège destruide. - Mais il n’en firent riens ; ains furent obliés , dont
mal leur en print, et furent frustrés de l’espérance qu il avoie a roy
De quoy, après plusieurs chose faicte et dictes, que je laisse, turent
lez muraille d’icelle cité de Liège en partie abatue, et la cité gamgnée,
et le païs destruit. Et, avec ce, leur fut ostés beaucopt de leur franchise
et paièrent grant somme de denier. Et en furent en ce amp s
nouvelle apourtée en la cité de Mets.
,
Trêves de vj moix. - Et, tantost après, le dit Balue et le conte de
Sainct Pol c’en retournairent dever le roy, cen aultre chose faire, smon
qu’il avoie ampétrés devers ledit Charles de Bourgongne treves de six
^Plussieur conspirateurs contre le roi. - Item, aussy en celluy tempts
le roy avoit encor plusieurs conspirateur encontre luy. Entre lesque e
estoit le duc de Bretaigne, et Jehan, duc d’Alenxon : car yceulx prince
tantost estoient amis a roy et tantost luy estoient contraire, p
que le roy remuoit tropt souvent ces officiers pour en y reme
nouviaulx.
Comission baillée à Balue. - Or, je vous veult raconter une bonne
parolles que fut dictes a roy par Chaban, conte de Dammartm. H est
vray que en ce tamps le roy donna comission a dit Jehan Balue, c
dinal, de faire sortir les Parisiens en armes au champs c on dit le
aux Clerc, joignant le monastère Sainct Germain, affm de faire leur
monstre et reveue de leur nombre, et aussy de regairder cornent 1
estoient armés et acoustrés, et qu’il en sceut à dire a roy e vray Et
alors que ces monstre ce faisoient, le dit Jehan Balue estait vestus
d’ung sorpellis de lin, et estoit monté dessus ung pc î mu
.
le devent dit Chaban, conte de Dammartm, en oit despit , et, corn
en ce tampts il résidoit avec le roy, despité de ce que ce P-tre^o
comis à faire l’exploit appertenant à ung homme de guerre ait dit
ainssy : « Très prudent roy », dit-il, « tu envoies le cardinal Balue
évesque d’Évreux, à Paris, pour fane la monstre des gens d armes de
la ville. Mais, chier sire, je te prie, ottroie moy que je aille a
Évreux, de laquelle ledit Balue est évesque, pour faire enqueste des
prestres qu’i conviendra sacrer : car cest office autant es
y
1. Ce sont les Liégeois qui furent oubliés.
392
LES ÉTATS-GÉNÉRAUX A TOURS (1468)
venable comme est à ung évesque la congnoissance des gens d’armes »'
Ues parolles de Chaban chascun se print à rire.
Les Breton en Normendie. - Ce tampts pendant que ces choses se
laisoient, les Bretons, en grosse armée, antrairent en Normandie et
traversèrent jusques à Constances. Contre lesquelles fist le roy une
merveilleuse armée, laquelle on estimoit à cenc mil combatans, sans
ceulx qui avoient la conduicte du bagaige.
Le duc de Bourgongne aux paiis de Vermendois. — Et, durant ces
jour, le duc Charles de Bourgongne fist marcher ces gens à Sainct
Quentin, en Vairmendois, pour donner secours à Charles, duc de
erry et frère a roy ; et faindoit qu’il ne sceut rien de l’armée que le
roy avoit faicte. Et en la compaignie dudit Charles de Bourgongne
estoit son marchai, lequelle, après la prinse de la cité de Liège, là où il
s estoit fait vaillant, avoit heu délibérés de venir frapper en Loherenne1
en vangeance de ce qu’il avoient heu prins de ces plaice, comme cy
devent est contenus ; maix il en fut retardés par ce que dit est devent
et lu y fut force de laissier son entreprise pour aller et estre à celle
devent dicte armée avec le duc son seigneur.
Et en ces meisme jour, sont retournés d’icelle guerre et revindrent
en Mets les seigneurs devent dit qui avoient estés mandés à ycelle
armée de la cité de Liège pour deservir leur fiedz 2. 3
Assembliez faicte à Tours pour le roy. - Or, en ce tamps que ces
chose se faisoient, et plusieurs aultres que je laisse, et voyant le roy
que tout le royaulme branloit, trouva manier par ambassade de assem
bler une congrégacion généralle à Tours pour traictier de paix. Laquelle
assemblée fut tenuee ledit ans, comme il avoit estés déterminés ; et
a ycelle se trovairent les princes ycy après nommés : premier ce y
trouva Begné, roy de Sicille et duc de Bar, Jehan, duc de Bourbon, le
conte de Perche, le filz du duc d’Alenxon, le cardinal d’Angiers,’ le
patriarche de Jhérusalem, et plusieurs aultre, tant seigneurs spirituel
comme temporel. Aussy, les plus noble du puple y envoiairent leur
ambassades. Et dirent chacun leur oppinion. Et fut trouvés à ce con
seille que la duchié de Normandie appartenoit au royaulme de France,
et que le roy meisme ne la pouuoit à aultre transporter. Mais, en tant
que touchoit à Charles, frère du roy, pour sa porcion de l’héritaiges
paternel, luy assignerait Loys douze mil livres tournois de pancion
anuelle, avec la délivrance de quelque païs qui eust nom de contés ou
duché. Et, oultre, fut ordonné que ledit roy, de ses deniers, payroit
encor audit Charles pour une fois la somme de soixante mil livres
tournois. Et plusieurs aultrez chose furent à ce conseille ordonnés,
que je lesse pour abrégiés. Et, après ces choses ainsy faictes, ce despar
tit l’asamblée.
L’yver 3 de cest présante année fut fort variable de pluie et de vent ;
et ne gellait comme rien.
1. Aubrion, p. 27.
2. Aubrion, p. 27.
3. Aubrion, p. 27.
MATHIEU LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1468)
393
Item aussy en celle meisme année, la vigille des grant Roys, ung
jonne compaignon de la cité de Mets, demourant en Fornerue, fut
accusé qu’il avoit desrobé une coroie 12 d’argent ; maix il eschappait
des sergent, et s’en fuit au Grant Mostier ; puis, la nuit, s’en fouit aux
Carmes. Et, pour ce que les sergent le gardoient jour et nuit, et qu’il vit
que nullement ne pouoit eschaper de la cité, il ce mist en abit de femme,
et retournit a Grant Mostier. Auquel il fut XV sepmaine, gaingnant sa
vie à sonnant les cloches.
Joste aux Champèsail. — Aussy 3, en celluy tamps, c’est assavoir le
gras dimenche ensuient, fut faicte une jouste on Champaissaille par
aulcuns jonnes filz de seigneurs, c’est assavoir Collignon Rémiat,
François le Gournaix, Claude de Merche, Philippe de Ragecourt et
Jehan de Serrier, et plusieurs aultres.
Mais de ces chose je me tairés pour le présant, pour revenir a maistre
eschevin de Mets et des diversités qui advindrent en son année.
[le FEU A LA CATHÉDRALE DE METZ ;
AUTRES ÉVÉNEMENTS
MÉMORABLES, TANT A METZ QU’AU PAYS DE FRANCE : l468]
Mil iiiie Ixviij. — Puis 4, en l’an après, qui fut le XXIXe de l’em
pire du devent dit Phédrich, qui est de Jésu Christ mil quaitre cent
LXVIII, fut alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire Maheu le
Gournaix, filz a seigneur Dediet le Gournaix, chevalier.
Et 5, en celle année, on moix d’apvril et partie du moix de may,
fist ung treffroit temps, et tellement que les biens de terre ne pouoient
amender ne venir à parfection pour la diversité du tampts.
Fortune de feu à la Grant Église de Mets. — Aussy 6, en celle meisme
année, le vandredi devent les Grant Croix, advint ung grant cas de
fortune et ung grant domaige de feu en la dicte cité de Mets. Le cas
fut tel que, par ung ouvraige que le sire Estienne Jouin7, accolastre
et maistre de la fabricque de la Grant Église d’icelle cité, faisoit faire
sur ycelle église par maistre Hannès, filz maistre Henry de Rancon-
1. Aubrion, p. 27-28.
2. Aubrion, p. 27-28, a noté une coronne d’ergent et précise qu’elle a été dérobée
en l’ostel d’une femme appellée Perratte, demorant daier Sainct Gergonne (c’est sans
doute un bijou rappelant plus ou moins, comme forme, ce qu’on appelle aujourd’hui
un diadème). — Par distraction, Philippe a transcrit couroie, où la faute est évidente. —
Huguenin (après Praillon ?) a corrigé Philippe et imprimé . une ceinture d’argent.
3.
4.
5.
6.
7.
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
p.
p.
p.
p.
28.
29.
29.
29.
Étienne Jouin (Jovini), mort en 1473 (voyez G. Thiriot, La cathédrale de Metz :
xvii et p. 60).
les épitaphes, Langres, Impr. Champenoise, 1929, p.
394
LA VIE DE SAINTE CATHERINE JOUÉE A METZ (1468)
vaulx, le masson, c’est assavoir une cler voie de blanche pier atour et
par dessus ycelle église, du cousté devers Chambre (car à ycelle partie,
devers le marchiez, n’en y avoit encor point) ; et, ainssy comme ledit
maistre Hannès estoit journellement à celluy ouvraige, et, affin qu’il
fut bon et qu’il thint fermement, il y mectoit du plomb, et tout acramponné de fer, comme il est requis à tel ouvraige, pour lequel plomb
à fondre y estoit requis d’avoir du feu ; mais, par fortune, ledit maistre
Hannès laissait ung chauderon de feu dessus les woulte d’icelle église,
et tellement que, par le vent qu’il fit de nuyt, le feu ce amprint et
alumait à une corde qui estoit et pandoit à la grand rue qui est le tour
et l’angiens à quoy l’on tiroit ycelle pier sur la dicte église. Et, environ
la minuit, ce renforsait le feu ; et ce print au toict de la dicte église, et,
de fait, en ardit une grant partie avent que jamaix on y peult mestre
remède. Et coustait le dopmaige à reffaire, tant en bois, en escaille
comme en fasson, à la somme de plus de VI cenc florin d’or.
Et, s’il ne fust esté bien secouru, il ce feust prins au clochier de
Meutte, lequelle en celluy tampts estoit encor tout de bois, parquoy
il eust fait pour plus de XX mil florin de dompmaige à la cité, mais,
la grâce à Dieu, qu’il 1 fut bien secourus. Car, à la prière du seigneur
Geoffroy de Warize et du seigneurs Pier Baudoche, qui alors estoient
trésorier de la cité, il y montairent plus de trois cenc parsonnes pour
estaindre et résister encontre ycelluyfeu ; car, sans la prière des devent dit seigneur, il n’y feussent pas allés ne montés, et aussy pour ce,
comme dit est devent, que ce dompmaige touchoit à la cité pour le
cloichier de Meutte. Ains, ce ne fut estés pour cella, lesdit de Mets
eussent laissiés toutte ardre et bruller la dicte église (jay ce que ce eust
estés ung moult grand dompmaige), pour cause que, en ce tampts,
la comune de la cité haïssoit encor tropt et avoient lesdit chainoignez
en couraige pour le procès et l’excommunicacion devent dicte qu’il
avoient heu gectés contre la ville ; et heussent les aulcuns bien voullus
que yceulx chainoignes eussent estés dedans le feu.
La vie de sainte Katherine de Sennes jouués en la court des Grant
Prescheurs. — Item 2, en la dicte année, fut fait et jués en Mets le jeu
de ma damme saincte Katherine de Senne, vraye religieuse de l’ordre
des Jacopins. Et fut ce jeu fait en la court des Grant Proicheurs,
parmy les trois feste de la Panthecouste. Et, pour le faire, en furent
abatue les estaige qui estoient couvert tout en l’antours encontre la
muraille, et qui couvroie les ancienne épitaffle et sépulture. Et le fist
faire et juer damme Katherine Baudoche à ses frais et despans. Et
gist ycelle damme au dit Grant Prescheurs, en la chaipelle qu’elle fist
faire et fonder, qui est scituée en l’entrée d’icelle église et fondée on
non de la dicte saincte Katherine. Et pourtait le parsonnaige de saincte
Katherine une jonne fillette, aagée de environ XVIII ans, laquelle
estoit fille à Dediet le Woirier ; et fist merveilleusement bien son deb1. Mais que, si ce n’est que.
2. Aubrion signale cet événement en trois lignes, p. 29.
NOUVEAU DIFFÉREND ENTRE LA CITÉ ET LES CHANOINES (OCTOBRE 1468) 395
voir, au grés et plaisir d’ung chacun. Toutefïois, avoit ladicte fille
XXIIIe vers de parsonnaige, mais néantmoins elle les sçavoit tout sus
le doyt. Et parloit celle fille cy vivement et piteusement qu’elle provocquoit plusieurs gens à pleurer, et estoit agréable à toutte gens.
Et, à l’occasion de ce, fut celle fille richement mariée à ung jantilz
homme, soldoieurs de Mets, appellés Henry de la Tour, qui d’elle
s’enamourait par le grant plasir qu’il y print1.
Grant tempeste et oraige. — En celle saison 2, il fist ung très pouvre
tamps d’estés ; car, tout celluy estés durant, le tamps ne ce thint point
en chailleur quaitre jours l’ung après l’aultre qu’il ne chaingeait incon
tinent. Et, avec ce, fist en cest année plusieurs grant tempeste et oraige
de grelle et de tonnoire, lequelle fist plusieurs dompmaige és vignes et
és aultre biens ; et, daventaiges, en furent plusieurs personne tués. Et,
encor pire, il faisoit sy froit après la sainct Jehan que les vignes ne
peurent meurir, et tellement que, à la sainct Michiel, ycelle vignes
estoient encor causy en verjus. Mais, toutefïois, la graice à Dieu,, on
eust beaucopt de bief et d’avoinne, et bons ; et, avec ce, estoient
à bon marchez. Et, au contraire, il n’y avoit pas grant vignée, et ne
vailloient comme riens ; et, pour ce qu’il estoient de pouvre boisson,
l’on les appelloit tout comunement les vins de couffot 3, ou les vins de
chapperon.
Ve Bourguignon passe parmei Mets. — Item 4, en celle meisme année,
le XVIIIe jour de septembre, vinrent et arivairent en Mets environ
V cenc Bourguygnon, lesquelx passoient et s’en alloient devers mon
seigneur de Bourgongne pour aller contre le roy Loys devers Péronne,
comme je vous dirés ycy après quant tamps sera. Et estoient yceulx
Bourgongnon partis 5 d’une compaignie en laquelle on estimoit environ
XXV mil homme ; maix ceulx ycy de quoy je parle vinrent en la cité
pour acheter biaucopt de leur nécessité.
Nouvelz diférent esmeuz entre la cité et les chanoingne. — Une nouvelle
question6 ce esmeust de nouviaulx en Mets. Car, en celluy tamps, on
mois d’octobre, le chappistre de la Grant Église d’icelle cité avoient
fais citer seigneurs Perrin le Gournay à Vy, pour certaine somme d ar
gent qu’il disoient que ledit seigneur Perrin avoit receu on tempts que
ledit chappistre avoit esté hors de Mets, et que celluy argent leur
devoit compéter 7. Pour laquelle chose, et pour tant que ledit seigneur
Perrin n’estoit plus chanonne, et qu’il estoit marié, la cité ne voullut
point souffrir qu’il sortit devent l’évesquez pour action personnelle ,
et ont la justice mandés quérir le chappistre, auquelle il ont comendés
1. Husson, p. 103.
2. Aubrion, p. 30.
3. Coffat, dans Husson, p. 103.
4. Aubrion, p. 30.
5. Déroutés dans Aubrion.
6. Aubrion, p. 31. Pour plus de détails, voyez Huguenin, p. 370-372, qui relate
aussi une autre affaire (p. 361-370).
7. Compéter à : appartenir à.
396
CRAINTES DE GUERRE
A METZ (NOVEMBRE 1468)
que tantost ilz deffisent la citacion ; et, cella fait, c’il voulloient aulcune
chose demender audit seigneur Perrin, qu’il le feroient respondre et
sortir devent eulx à justice et à raison. Icelle chose oyees, le chappitre
respondirent qu’il n’en feroient riens. Et, quant justice et le conseille
de la cité virent qu’il estoient désobéissant de la dicte citacion à deffaire,
et qu’il virent et cogneurent que celle chose a tampts ad venir pourrait
redonder à domaige de toutte la cité, et que ce seroit à eulx possession
de tousjour faire ainssy, c’est assavoir de faire citer ceulx ou celle qui
seroient d aulcune chose tenus à eulx, parquoy le conseil leur fist
assavoir que, ce il ne levoient la mains et ne défaisoient la dicte cita
cion, ilz les metteroient hors de la saulvegarde et protection de la cité.
Et, pour eulx adviser, donnirent terme pour ce faire jusques à la
Conception Nostre Damm'e ensuyant.
Le tampts d’estés 1 d’icelle année ce chaingeait tousjour de pis en
pire. Et tellement que, comme j’ay dit devent, les vigne ne peurent
meurir. Et, avec ce, on ne pouuoit enhainer 2 ne semer les blefz, pour le
tampts qui estoit tropt moitte. Parquoy les froment, lesquelles ung
peu devent on donnoit pour deux sols la quairte, ou deux sols VI
deniers le milleur, ce vandit et fut mis à IIII sols VI deniers ; et le
soille, qui ce donnoit pour XVI deniers, fut mis à deux sols ou à deux
sols VI deniers la quairte. Paireillement, le vin de l’an LXVII, lequelle
ce vandoit deux denier et maille la quairte, ad cause qu’il n’estoie pas
tropt bon, et, pour ce que l’on vit le tampts ce mal pourter et que l’on
espérait d’en avoir encore de pire, il furent mis à V denier la quairte :
car les vin qui furent cueillis pour celle année furent les devent dit vin
de coffat ou de chapperon, qui estoient une très pouvre boisson.
Les eawe hors de ryve. — En celluy tampts 3, durans la vandange, les
yaue estoient toutte hors de rive et a plus grande, pour les grant pluie
qu’il avoit fait.
Item 4, aussy en celle meisme année, environ la sainct Mertin d’iver,
il y heust grant doubte de guerre en Mets, pour aulcune bande et
compaignie de gens d’armes, et à grant nombres, qui estoient près des
païs. Et, à celle occasion, l’on fist huchier au forteresses ; et se retirèrent
touttes les bonnes gens en la cité avec leurs biens et bestial. Maix,
la Dieu mercy, la chose s’appasantait ; et s’en retournait chescun en
son lieu.
Ung produiseur de faulx tesmoin pugnys. — Puis 5, aprez, en la
sepmaine des Roys, l’an dessus dit, avint à Mets que ung compaignon,
par séducion et par argent, fist faire aulcuns fault tesmoing 6. Pourquoy
il fut prins et menés on pallas ; et en eust punicion tel qu’il fut mis
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Aubrion, p. 31.
Ahaner, labourer.
Aubrion, p. 31.
Aubrion, p. 32.
Aubrion, p. 33.
Témoignages.
DIFFÉREND ENTRE LE CONSEIL ET LES « TREIZE »
(2
FÉVRIER
1468 a. st.) 397
en charcran 1 on Champs Paissaille, et y demoura quaitre heure en
tier ; et puis fut banis à LXI ans.
Le cardinalz d’Albi impètre ij abahie. — Item 2, avint en celle meisme
année que le cardinal d’Alby avoit impétré à court de Romme l’abbaye
de Sainct Clément et celle de Sainct Simphorian, après la mort des
abbés d’icelle abbaye. Et, en ce tampts, estoient esleu, premier, pour
Sainct Simphoriens, le sire Feuillat, et, pour Sainct Clément, le sire
Simon du Bouson, soufïragant de l’évesque de Mets. Mais le devent dit
cardinal les en déjectait, et n’y demeurirent pas ; car, quant il sentirent
que le dit cardinal en volloit estre abbé, il c’en allirent vers luy en
France, où il estoit, et se acordirent ensemble. Tellement que ledit
seigneur Feullat demoura abbé de Sainct Clément ; et ledit cardinal
voult estre abbé de Sainct Simphoriens, mais il en fist gouverneur
ledit soufïragant. Et fut celluy accoid faict à Sainct Denis en France,
dont il estoit abbé.
Grande eawe. — L’iver 3 de celle année fut fort pluvieulx. Et vint
ung peu de gellée après Noël ; mais elle ne dura guerre. Et furent les
yaue, le samedi après la Chandellours, aussy grande comme elle avoient
esté passé XL ans ; mais elle ce retirèrent incontinant, et ne durairent
point en leur grandeur.
Différent entre les seigneur de conceilz de la cité et les seigneur Trèzes. —
Item 4, à la Purificacion Nostre Damme ensuient, advint ung nouviaulx desbetz en Mets, entres les seigneurs du conseil, d’une part,
et les XIII nouvel fais et créés pour l’année, d’aultre part. Et estoit
celluy débatz telz que les dit trèzes jurés, c’est assavoir seigneurs
Nicolle Roussel, seigneur Phelippe Dex, seigneur Jehan Boullay,
chevalier 5, Guyot de Hampon, Collin Régnault 6, 7Thiriot de Landremont et Simonin Bertrand, tous ceulx ycy ne voulloient point que le
seigneur Michiel le Gournaix, chevallier, fut Sept de la guerre. De quoy
le dit seigneur Michiel se plaindit au maistre eschevin. Et fut celle
plainte 1 déterminée par le conseil que ledit seigneur Michiel avoit bien
à estre Septz et à demourer en celle office. De laquelle chose les VII des
sus nommés, qui estoient Trèzes, furent mal contans, pour tant que on
avoit déterminés chose contraire à leur pourtefuers 8. Et, à celle occa
sion et par despit, tindrent leur chambre close trois ou quaitre jours
sans voulloir aministrer justice en manier quelconque. Parquoy le
conseil en fut ensamblez. Et dirent à yceulx Trèze qu’il feissent leur
offices de Trèzes, ou sinon l’on y metteroient remède. Et, alors, il
rantrirent en leur chambre, et firent leur office comme faire dévoient.
1. Carcan.
2.
3.
4.
5.
Aubrion, p. 33.
Aubrion, p. 34.
Aubrion, p. 34.
Chevaliers s’applique aux trois noms qui précédent.
6. Collignon Remiat dans Aubrion.
7. Et fut sur celle plainte déterminé ?
8. Portefuer, sentence, jugement, décision.
398
LOUIS XI A PÉRONNE (1468)
i Tremblement de terre. — Item, en celle meisme année, la veille de
l’Ascension a Nostre Seigneurs, la terre trambla moult fort à Tours en
Tourraines, à Amboise et en plusieurs aultre lieux.
La plus grant partie de Normandie] reminse és mains du roi. — Et, en
celle meisme année, le roy françoys, en ensuyant la délibéraciou et
l’oppinion devent dictes des dit trois estas, envoia son armée és marches
de Normandie. Et print et remist en sa mains grant partie dudit païs,
réservé la ville de Caen et aulcunes aultres, que tenoit le dit duc de
Bretaigne.
Le duc de Bourgongne à Péronne. — Pour laquelle cause, comme
j’ay dit devent, Charles, duc de Bourgongne, se mist en armes dessus les
champs pour aller aydier ausditz ductz de Normendie et de Bretaigne ;
et ce vint parquer au loing de la rivier de Somme, entre Esclusiers et
Capy. Parquoy le roy ala à Compiengne, et envoya devers le duc en
embassade le conte de Sainct Pol, connestable de France, et plusieurs
aultres ces conseilliers. Lesquelz firent avec luy abstinence de guerre.
Et, alors, s’en retira ledit de Bourgongne à Péronne.
Plussieur briganderie en France. — Or estoit en ce tamps le royaulme
cy triboullés entre les princes que l’ung désiroit et estudioit à décepvoir
l’aultre, jay ce que plusieurs assemblées et ambassade furent faictes
d’une part et d’aultre, desquelles je m’en passe et n’en dis riens, pour ce
que leur issue furent vaine et inutille. Parquoy, pour ces raison et
plusieurs aultre, y avoit en ce tampts tant de lairons et de ribleur
par le royaulme que c’estoit chose infinie.
Le roi se transporte à Péronne vers le düc de Bourgongne. — Et, tantost, après plusieurs chose mal faictes, que je lesse, le roy, contre l’opi
nion de tous, acompaigniez de peu de gens, ce transpourta à la dicte
Péronne ; auquelle lieu alors, comme j’ay dit devent, estoit Charles
de Bourgongne, et y avoit mis son siège. Et, illec, trefïamilièrement
parlèrent les ung avec les aultres, et en ce lieu firent ensamble une paix,
de petitte vallue ; pour laquelle, au comandement du roy, furent faictes
pourcession parmy Paris, et, avec ce, y tenir taubles rondes et feu
de joie.
Liégeois derechief subjugés du tout, avec grant pillerie et murtre commys. — Durant que ces chose ce faisoient, pour ce que l’évesquez du
Liège n’avoit encor célébré messe ne faict sacrifice à Dieu dessus l’autel
sacré du Liège, le puple Liégeoys de rechief contre luy se levait, et le
voulloient contraindre à faire cestuy sacrifice ; toutefïois, pour cest
affaire, on en thint journée. Et, comme il sambloit que acord en fut
fait et que tout fut appaisanté, le devent dit Charles, duc de Bour
gongne, avec toutte son armée, cheminant à Nammur, ardamment
désiroit pranre vengeance desdit Lyégoys. Et, durant ces chose, le roy
s’en estoit allés en voyaige à Nostre Damme de Haulx, en Alemaigne.
Parquoy, à son retour, vint à passer an Liège, où alors estoit le devent
dit duc de Bourgongne ; devers lequelle voluntairement se transporta
a. M : correction récente ; Philippe avait écrit sascension.
PRISE ET SAC DE LIÈGE (OCTOBRE 1468)
399
le roy, comme compaignon avec luy de celle expédicion de guerre.
Semblablement y alla le devent dit évesque de Liège, pour et affin qu’il
puist appaiser le duc de Bourgongne ; en quoy ne profita de riens,
ains jurait ycelluy Bourguignon que jamais n’espargneroit plus la cité
que premier ne l’eust subjuguée, et aprivoysée les citoyans. Et, qui
plus est, retint l’évesque a ce qu’il ne retournast en la cité aux siens.
Cecy congneu, les Liégeoys, forclos de tout espoir et de l’ayde du roy,
issirent de la cité et assaillirent leurs ennemys, mettans à mort tous
ceulx qu’il prenoient, sans pitiet ne mercy. Toutefïois, quant il consi
dérèrent qu’il estoient pressez d’assiégement, dès le premier assault,
et que les principaulx de la cité estoient eschapés, s’en fuyrent par tout
où ilz peurent ; et laissaient les femme en la cité avec le petit popu
laire, les religieux et les anfïans. Parquoy, par très âpre fériocité, les
Bourgongnon, parsistens en l’assault, prindrent la ville. En laquelle
premier entra le roy Loys, et, après luy, le duc de Bourgongne. Et en
furent tantost les nouvelle raportée à Mets ; et fut dit que, à celle
antrée, le roy y pourta la crois sainct Andrieu, criant : « Vive Bour
gongne ! » ; lesquelles nouvelles on tenoit pour bien estrange chose.
Dès incontinant que la cité fut prinse en la manier que avés oy,
furent en tous lieux faictz murtres, peillcries, destruiction de villes,
ravissemens de vierges, les religieulx occis : car yceulx satallites et
gens d’armes n’espargnoient parsonnes, meismes les petit anffans
inocent ; ainçoys les cruelz souldartz coupèrent la gourge à aulcune
vierges, après qu’il les eurent violé et gaistés ; les prestres, à celle heure
célébrant la saincte messe és églises, de glèves furent occis. Et encors ne
furent les inhumains ennemis saouliez de tant cruelle occision, car il
peillèrent toutte la cité, faisans aux temples sacrilèges, bruslèrent la
ville, abatirent les murailles, et des ruynes remplirent les foussez.
Et furent faictes en ycelle misérable cité d’aussy grandes inhumanitez
et cruaultez que jamais furent à prinse de ville dont soit mémoire en
cronicque. Et fut ce fait ledit ans mil quaitre cenc et LXVIII, le
XXVIIIe jour d’octobre. Et, ainssy, furent les anciens amys des
Françoys en cest fasson destruictz et gaistés. Dont a roy, en qui il
avoient mis leur espérance, et ce fioient du tout en luy, en tourna
grant péchiés.
La paix entre le roi de France et le duc de Bourgongne.
Puis, ce
fait, c’en retourna le roy à Senlis. Et, alors, fut à son de trompe publié
la paix faictes entre le roy et le duc de Bourguongne a.
L’escluse en Hollande hors de ryve. — Item, en ce tampts, y oit és
pais de Hollande et de Zélande sy grande habondance et lavaces *1
d’eaues que les escluses tenans la mer en furent rompues ; dont plu
sieurs ville et places furent noyées et emportées. Parquoy, esdictz
pais, qui sont soubz la seigneurie du duc de Borgoigne, y eust plus
a. M : Bouguongne.
1. Lavasse, pluie torrentielle.
400
ANDRÉ DE RINECQ, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1469)
grans dommaiges, destruictions et intérestz ^, comme on disoit, que ledit
duc n’avoit par fureur fait aux habitans de la cité de Liège. ’
Cy lairons de ces choses le parler pour a retourner a maistre eschevin
de Mets et a plusieurs aultres besoingne lesquelles avindrent en son
année.
[GUERRE ENTRE FRANCE ET BOURGOGNE ; ÉVÉNEMENTS DIVERS
A METZ ET AU PAYS DE METZ :
Mil iiijc et Ixix.
Après ces chose ^ ainssy estre advenue en la
manier comme cy devent avés oy, et en l’an XXXe de l’empire du
devent dit Phiederich, qui estoit de nostre Rédempcion mil quaitre
cenc LXIX, fut alors fais, créés et essus maistre eschevin de la cité de
Mets le seigneurs Andrieu de Rinech, lequel depuis fut fait chevalier.
Pluyeet iempeste. - Et 3, en celle année, il fist ung très biaulx moix
de mars, et chault comme ce se fust estés à la saint Jehan ; pareille
ment fist il en apvril et la plus part du moix de may. Parquoy les biens
de terre en furent fort avanciés, et par espécial les vignes. Mais, quant
ce vint on moix de jung, le tampts ce chaingeait, et ce tournait à pluye,
à tonnoire et à tempeste. Et, souverainement, à la fin d’icelluy moix’
il pleut environ V jours et V nuit sans laichier et à grand force. A
l’ocasion de quoy les yaues furent tellement hors de rive qu’elle firent
grant dompmaige aux foingz estant dessus les rivières. Et fut celle
année fort dangereuse de fouldre et d’oraige ; et d’icelle 4* 5y1 oit
2 3plusieurs
finaiges entour de Mets engreslée et fouldroiés ; et, avec ce, plusieurs
gens tués au champs , et cheut ce tampts en plusieurs lieu parmy la
cité. Toutefïois, furent les vins qui eschaipairent essés bons, selon
l’année.
Ung feibvre décapités. - Item 5, aussy avint, en la dicte année, le
jour de la Visitacion Nostre Damme, second jour de juillet, que ung
feuvre, citains de Mets, demourant en la Bonne Ruelle, appellé Fourat
homme marié, s’acointa d’une femme commune appellée la fille Taixey!
Et tellement que, une nuyt qu il avoit couchiez avec elle et heu compaignie d icelle gairse, et après tous jeu et ris passés, se acomensairent à
hutiner ensemble, tellement qu il 1 atranglait ; et fut le matin trouvée
morte. Le cas accusés b, fut prins et mis on pillory et trainnés sus la
a. M : pour pour.
b. M : le cas tut accusés.
1. Intérêt, dommage, préjudice.
2. Aubrion, p. 34.
3. Aubrion, p. 34, 35 et 36, passim.
4. Orage est du féminin.
5. Husson, p. 104.
LE CARDINAL D’ALBI A METZ (NOVEMBRE 1469)
40l
brouuette au pont des Mors, et, là, Entre deux Pons, oit la teste coppée,
et fut son corps mis sus la rue. Et oit une belle repantance.
Légal en Mets. — En ce meisme ans i, on moix d’octobre, vint en
Mets ung liégal appellé Tare 2, acompaignié de XX chevaulx. Auquel
on fist grant honneurs ; et fut logiez en l’ostel d’ung chanonne près de
l’ostel à Heaulme. Et y furent les souldoieurs de la cité deux lieux au
devent ; et luy fut faicte ung présant de deux cawe de vin, deux gras
beu f, et L quairte d’avoinne.
Cardinal d’Albi en Mels. — Tantost après 3, le XIXe jour de novem
bre, vint à Mets le devent dit seigneur Jehan Geoffroy, cardinal d’Alby,
lequelle estoit grand conseillier du roy de France, et estoit abbé de
Sainct Denis en France, abbé de Lussu, abbé de Gourxe et abbé de
Sainct Simphoriens. Et fut loigé en la grant maison d’icelle abaïe de
Sainct Simphorien, en la grant rue de porte Champenoise. Auquelle
cardinal les seigneurs firent grant honneurs ; et luy firent présans de
trois cawes de vin, trois buef, cenc quairtes d’avoinne et quaitre
chauldières de gros poisson, c’est assavoir carpes, broichetz, anguilles
et barbés. Et luy furent au devent la plus grande partie des seigneurs de
la cité, acompaignié moult noblement de tous les souldoieurs, jusques
à mey chemin de Joiey ; et noméement y furent ceulx ycy après
nommés, c est assavoir seigneur Geoffroy de lVarixe et seigneurs
Jehan Baudoche, seigneurs Pierre, son fdz, seigneur Wiriat Louve,
seigneur Régnault le Gournaix, seigneur Michiel le Gournaix, seigneur
Perin le Gournaix, et plusieurs aultres ; et le conduirent yceulx sei
gneurs jusques à son hostel de la grant maison de Sainct Simphorien.
Puis, ce fait, et qu’il fut ung peu à repos, il manda quérir seigneurs
Foullat, abbé de Sainct Clément, et ung citains de Mets, nommés
Jaicomin Pichon, le merchamps, lesquelles ensemble avoient estés
mainbours du seigneur Poince de Champel, jaidit abbé dudit Sainct
Simphoriens. Et les contraindit tellement ledit cardinal qu’il luy randirent XVIIe florin d’or qu’il avoient ressus en gairde comme main
bours, et que ledit abbé Poince avoit heu lessier pour faire ung neuf
clochier à la devent dicte église de Sainct Simphorien : c’est assavoir,
le dit seigneur Feullet en gairdoit mil florin, et ledit Jaicomin VII cent.
Et, quant ledit cardinal en fut saisis, ne ce soussiait en rien ne des
cloche ne du cloichier, ainsois ampourtait le tout avec luy. Et, encor
daventaige, non comptant de ce, il print toutte la vaxelle de ladicte
abbaïe ; et fist encor vendre tous les blefz, vins et avoine de la dicte
église pour luy en avoir l’argent, réservés la provision qu’il f'ailloit aux
religieux pour ung ans, sans plus.
Le cours de l’eau de la ripuière de Wauldrinowe rumpue. — Or 4, avint
que, en celle année, il avoit merveilleusement gellés, et fist ung grant
1.
2.
3.
4.
Aubrion, p. 36.
Evre dans Aubrion, évêque de Trequair dans Huguenin, p. 374.
Aubrion, p. 36.
Aubrion, p. 37.
402
LA VANNE DE WADRINAU ROMPUE (JANVIER
1469 a. St.)
yver et froit ; et tellement que les rivier furent prinse à grosse glesse
pour charier dessus. Cy avint que, le lundemains du nouvel ans, second
jour de janvier, le tamps ce deffît ; et, à l’ocasion de ce, se rompirent
les glaice. Desquelles il en vint ung gros monciaulx à l’avallée devers
Longeville ; et vint celle glasse à grant force, avec la roideur de l’yaue,
à hurter et à ce lancier contre la vainne de Wauldrinowe, et tellement
y hurta qu’elle y entamait une grande piesse et y fist ung grand trous,
lequel estoit environ de LX piedz de large. Parquoy l’yaue y passoit,
et n’en venoit goutte à Mets, ains ce retiroit tout de ce cousté et passoit
parmy celle rompure. Et tant que force fut de faire mouldre des moullins
à chevaulx que alors la cité avoit en Franconrue. Car, sans cella, le
puple ne sçavoit où mouldre ne faire farine, sinon à yceulx mollin à
chevaulx ou au mollin de la Haulte et de la Basse Saille. Mais ung bien
fut, car en celluy tamps la cité avoient environ XVI mil1 quartes de
farine moullues, laquelle estoit en ung des greniers de la ville ; cy firent
les seigneurs mettre celle farine en vandaige, pour tant que le pouvres
peuple avoit grant nécessité de mouldre. Et fut donnée celle farine
pour III sols VI deniers la quairtes.
Granl affluence d’eaue. — Puis 2, après le premier jours de mars,
avint tout à coupt que lez yaues crurent et devindrent cy grande que,
par force d’icelle, elle venoient à Mets aussy abondanment comme elle
avoient fait en grant temps, et néantmoins n’estoient mye encor
refïait la dicte venne. Mais, pour l’abondance d’ycelle yawe, les gros
glassons s’en venoient a filz de l’iaue de grant roideur à l’avallée. Et tel
lement que, par la force et roideur d’icelle glasse, fut abatus et rompus
ung pont de bois on Saulcis, par sus lequelle, alors qu’il fut despessés,
passoient trois compaignon, qui furent renversés en l’yaue ; desquelx
il en y eust ung des noiez, qui estoit de Marville, et les deux aultres
furent salvés et secourus.
Grant gellée. — Item 3, en ce meisme jours, qui fut le premier de
mars, faisoit tousjours froit. Et durait celle gellée jusques a jours de la
sainct Nicollas d’esté ; et gellait tellement que, a XVe jour d’apvril,
il n’y avoit encor fleurs ne verdeur, et estoit la terre cy dur de gellée
que à grant paine pouoient entrer les laboureurs à terre de force de
gellée.
Biaucopt d’aultre besoingne advindrent encor en ces pais pour cest
année, desquelles je me despourte.
Apoiniement entre le roi Loys et son frère. — En celle meisme année,
fist tellement le cardinal Ballue qu’il fist l’apointement du roy Loys
avec Charles, son frère. En condicion que audit Charles fut baillée la
duchiez d’Aquitaine en trefïons et héritaige ; et, parmy ce, ledit Char
les se désista du dons que luy avoit estés fait de la duchiez et du pais
1. xvj° dans Aubrion.
2. Aubrion, p. 38.
3. Aubrion, p. 38.
ENTREVUE ENTRE LOUIS XI ET SON FRÈRE (1469)
403
de Normendie. Et tout ce fist faire le dit Ballue ; car il estoit alors en
auctorité envers le roy, et y avoit grant crédicte, et plus que nul aultre
des officier domestiques de la maison. Mais cella ne dura guerres,
comme vous oyrés ycy après.
Le duc René à Tours vers le roi. — Après celle paix faictes, le roy s’en
alla à Tours ; et là vindrent devers luy le roy René de Cecille, son oncle,
et sa femme; où le roy les receut moult honnorablement, et pour l’amour
d’eux fist faire joustes et tournois.
Les ij frères parlemente ensemble. — Et, après leur retour, et que le
roy sceust que Charles, son frère, avoit prins possession dudit duchiez
de Guienne, il s’en tira en Poictou vers « Nyort et La Rochelle, acompaigniez de mon seigneurs de Bourbon et aultres grans princes. Et, en
ce lieu, ledit son frère s’aproucha de luy en ung chastel appellé Char’on ;
et, là, se assemblèrent les deux frères, et parlèrent ensemble sur ung
pont qui avoit esté fait sur la rivière de la Sèvre, sur lequel avoyent
estés faictes barrières. Mais, quant il ce entrevirent, ilz firent moult
bonne chère 1 ung l’autre ; et furent lesdictes barries rompues, et
passa le roy oultre, et longuement parlèrent ensemble. Puis ce despar
tirent , et le roy retourna en louraine, et le dit Charles en ces païs.
Balue rescript au duc de Bourgongne contre le roi. — Or, en ce tampts,
voyant le devent dit Ballue les deux frère estre ferme en amours et
charité, aultrement qu il ne pansoit, conceu envye contre la paix, et
bailla secrètement une lettres à quelque son familier pour la pourter
au duc de Bourgongne ; lesquelles furent arestée en chemin et furent
pourtée a roy. Et, par ces lettres, fut cognue la traïson : car il admonestoit le duc se mestre en armes et se donner bonne garde, parce qu’il
disoit que la paix faictes entre les deux frères estoit faictes à son detriement et dommaige ; et encor plusieurs aultre chose rescripvoit Ballue,
avec parolle détestauble et villaine, qui seroient loinguez à réciter,
parquoy je m’en passe.
Balue constitués prisonier. — Mais, quant celle trayson fut congneue,
comenda le roy qu il fut mis en prison à Montbason ; et fut mis soubz
bonne gairde.
La contés d Armina\c\ réduicie aux roi. — En celle meyme année,
fut de part le roy envoiez une grosse armée en la conté d’Armignac ;
et fut celle conté réduyt a roy sans effusion de sanc.
La paix entre le roi de France et d’Espaigne. — Le samedi quaitriesme
jour de novembre, fut publiée la paix entre les rois de France et d’Espaigne.
Le roy envoie son ordre aux duc de Bretaingne. — Item, on moix de
janvier après, le roy envoya ses embassadeurs porter a duc de Bretaigne son ordre nouvellement créé et mis sus ; laquelle pour lors il
îei'usa, à cause qu’il avoit prins la toison d’or, en soy déclairant amy,
frère et alyé dudit de Bourgongne. Pour tel refus le roy se tint mal
content, parquoy il préposa de y envoier une armée.
a. M : vert.
404
PHILIPPE D’ESCH, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1470)
La guerre criéez contre les Anglois. — Le maicredi XIIIIe jour de
febvrier, fut crié le ban et arrier ban pour aller contre les Anglois,
lesquelz en ce tamps se préparoye pour dessandre en France.
Plusieurs aultre chose furent encor en ce tampts faictes et dictes ;
desquelles je me tais pour le présant, car je veult retourner a maistre
eschevin de Mets et à plusieurs aultres besoingne.
Mil iiiic Ixx. —- Puis, en l’an après, que le milliair couroit par mil
quaitre cenc LXX, qui fut la XXXIe année de l’ampire du devent dit
Phéderich l’empereur, fut alors fait et créés maistre eschevin de la cité
de Mets le sire Phelippe Dex, l’eschevin, filz du seigneur Geoffroy Dex,
chevalier *l.
Et 2, en cellui tampts, le VIe jour d’apvril, ce partirent de la cité de
Mets mes seigneur Andrieu de Rinecque a et le seigneur Jehan le Gournay, l’eschevin, pour aller en Jhérusalem ; et enmenèrent avec eulx ung
serourgien, appellé maistre Jaicques, et ung prebstre de Sainct Mertin
en Courtis, appellés seigneur Drouyn. Et 3, de ce meisme voiaige, fut
ledit seigneur Andrieu à Saincte Katherine du mon de Sinay, et a
Grand Caire, qui est la plus grand cité du monde, comme l’en dit, en
laquelle ce thiennent comunément les souldan de Babilloine, et en
plusieurs aultres voiaige et sainct pélerinaige, tel comme à Romme,
à Sainct Nicollas du Bar, à Nostre Damme de Lorette, et en plusieurs
lieu de dévocion qui sont en diverse lieu et contrée, esquelles ledit
seigneur vit des chose estrange et admirative.
L’acomencement 4 de l’esté de celle devent dicte année fut fort
chault jusques à la Feste Dieu ; tellement que les biens de terre ne
pouoient amender, souverainement les avoinnes et les prés, ad cause
de la grant challeur qu’il faisoit. Maix, depuis le premier jour de jung
jusques au dernier jour d’aoust, il pleut tant que l’on ne pouoit lever
et recuillir les biens de terre.
Le conte de Vauldémonl trespassés. — Item 5, le dernier jour d’aoust,
vinrent nouvelles en Mets que le conte de Vauldémont estoit trespassés.
De quoy l’on en fut en la cité moult couroussé.
Jehan, duc de Bar et Lorenne, mort à Barcelonne. — Et 6, 7pareille
ment on dit ans, mourut et trespassa le bon duc Jehan, duc de Loherainne et de Bar ; et mourut en Barselonne. Et fut nouvelle que l’on
les avoit ampoisonnés 1. Dont, de leur mort, fut grant domaige, car il
estoient grant amis à la cité de Mets.
а. M : Rinecquelre.
1. Aubrion, p. 38.
2. Aubrion, p. 38-39.
3. Ce qui suit semble être une adjonction personnelle de Philippe.
4. Aubrion, p. 39 et 40, passim.
5. Aubrion, p. 40.
б. Aubrion, p. 41.
7. Husson, p. 104. — Le pluriel renvoie au conte et au duc.
PHILIPPE DE SAVOIE A METZ (6 SEPTEMBRE 1470)
405
Philippe de Savoie à Mets, et plusieur aulire seigneur. — Item *, le
VIe jour de septembre de celle meisme année, vint et arivait en la cité
Philippe de Savoie, frère à la royne de France, et, avec luy, le mairquis
de Montferat, et mon seigneur l’évesque de Genèvre, et le seigneur de
Montagu, et plusieurs aultres seigneurs, acompaigniés environ de cenc
et L chevaulx ; et y entrirent par la pourte du pont Tieffroy. Et fut
ledit Phelippe logiez en l’ostel du Bretton ; et luy furent au devent les
souldoieurs de la cité. Et, quant il fut en son logis, la cité luy fit présant
de deux buefz, deux cawes de vin, XXV chaRron et cenc quairte
d’avoine. Et firent ce présant de part le conseil le seigneurs Jehan Baudoche, chevalier, le sire Warrin Roussel, chevalier, pour trésoriers, et le
sire Wiriat Louve et le sire Jehan Paperel, pour Trèze. Et, le lundemain,
le dit seigneur, avec les siens, acompaigniés de plusieurs aultres, furent
en la Grant Église et ouyrent messe devent Nostre Damme la Ronde.
Et, pour son honneurs, firent les chainoinnes parer le grant autel ; et
furent juées les grosses orgues pour l’amour de luy. Et print celluy
seigneur moult à grés de veoir les joiaulx d’icelle église, et moult le3
prisa, luy et ces gens. Et voult veoir la cloche de Meutte et le Lourains
Guérin 2*. 31Et
4 à ce faire le conduisoient tousjours seigneurs Michiel le
Gournay, seigneur Warin Roussel, chevalliers, et le maistre eschevin.
Et puis, après dîner, il ce partit de la cité, luy et les siens ; et s en
allirent par la porte à Maizelle, et le conduirent les souldoieurs et
plusieurs des jonnes seigneurs de Mets environ deux lieux loing. Puis
ont prins congiet les ung des aultres, et c’en revinrent.
Environ 3 VI ou septz semaigne après, qui fut le XXIIIe jour d octo
bre, appousa seigneur Phelippe Dex, alors maistre eschevin de Metz,
la fille seigneur Geoffroy Chaversson, appellée Bonne ; et fut ceste
apousaille faicte à Sainct Gorgonne. Et estoit mon seigneur l’évesque
en celluy tamps en son hostel épiscopal en la cité, parquoy il vit touttes
la noblesse qui alors estoit aux nopcez, laquelle estoit grande et magnificques. Car l’apousée estoit moult richement vestue et parée, et
paireillement estoient tous les aultres seigneurs et dammes, entre
lesquelles en y avoit plusieurs, tant seigneur comme dammes, de
dehors, avec grant foison de ménestrés, trompette, vielles, rebech et
tabourin.
Item 4, environ0 le Noël après, revint le devent dit seigneur Jehan
le Gournaix de Jhérusalem.
)
Le services du duc de Lorenne fait à Mets.
Et 5, en ce tampts, 1 on
apourta les nouvelles sertaines en Mets de la mort du devent dit duc
a. M : eviron.
1. Aubrion, p. 40.
,
.
2. C’est Garin le Lorrain, « duquel le corps gist à présant tout enthier en la Grande
Église d’icelle cité de Metz », dit Phüippe (t. I, p. 3). Il est curieux de constater, à cette
époque, l’intérêt que l’on portait encore à la Geste des Lorrains et au plus célèbre de
ses héros.
3. Aubrion, p. 4t.
4. Aubrion, p. 41.
5. Aubrion. p. 41.
406
DIFFÉREND ENTRE LES LORRAINS ET LA CITÉ DE METZ (4470 a. st.)
Lohereinne- Pour le que lie on en fust moult couroussé en ycelle
cité de Mets; car, comme j’a dit devent, il y estoit grandement amés
dez grant et des petit. Et en fut sonnés trois ou quaitre jours à Sainct
Mertm devent Mets et à Sainct Pier au Dammes ; et luy fist on plu
sieurs biaulx service en la cité, tant en la Grant Église comme en
touttes les abbayes de Mets.
Apres *1 le trespassement de celluy noctauble seigneur le duc Jehan
devent dit, environ la Chandelleur, les Lorrains se comencèrent à
mettre sus pour aller mestre le sciège devent Chastel sus Meselle. Et
y .furent longuement ; mais il n’y firent riens, et despandirent « à
celluy assiègement ce qu’il avoient. Et tellement que, pour ce cuydier
récompencer, il voulaient demender une ayde ou une taille aux subjegz
dé chamomnes et des aultres église de la terre de Mets ; mais les seigneur
d icelle cité ne le vouldrent souffrir ; et en furent faictes plusieurs
requestes au conseil de Lourainne. Nonobstent ce, ung jantil homme,
appellés Liébault d’Aubocourt, nacionés de Loraine, lequelle depuis
u u s e mis à mort par lesdit de Mets, comme cy après serait dit, en
fist une course sur lesdit de Mets à Ralcourt ; et print touttes les bestes
et les enmena. Et, alors, les Testeurs 2 et gouverneurs de la chose
pubhcquez de la cité de Mets, avec tout le conseil d’icelle, en ont heu
rescript et signifier a roy Loys et au nouvel duc de Loheraine, lequel
peu devent n’estoit que merquis. Et, incontinent, lesdit de Mets ont heu
leur responce ; et leur fut mandés par lettre qu’il estoit ordonnés de
par esdit roy et duc que ycelle bestes ainssy prinse fussent randues,
et que I on saissait le courres et le gaigiers b.
Durans que ces chose avindrent en Mets, corne oy avés, se faisoient
au royaulme de France, de Bourgongne et d’Angleterre plusieurs
aultrez besoingne digne de mémoire.
Éclouard roy d'Angleterre, et le roy Hanrei mys en prison. — Et,
premier, en ce tampts et en celle meisme année ce fist Édouard roy
ngleterre. Et, comme le mestent maistre Robert Gauguin et la
Mer des Istoire, il en deschaissait Hanry, VR de ce nom, lequelle alors
u mis en prison et détenus par le devent dit Édouart. Parquoy ma
damme Mergueritte, femme audit Hanry, et suer du roy René de
Gecille, et tante au roy de France, avec elle son filz, prinse de Galles,
le duc de Clarence, les contes de Warvich et de Watsonfort, avec leurs
emme, anffans et famille, et ce qu’il peurent amasser de gens, s’en
vmdrent en France. Et, premier, avec quaitre vinctz navierre arivaia. M : desppandirent.
b- Ici se trouve un long passage (f° 145 r°, six lignes, f° 145 v°, seize lignes) qui a été
raye de telle manière qu’il est impossible de le déchiffrer. Philippe a-t-il supprimé
ui-meme ce passage ? On en peut douter. II rapportait vraisemblablement des démêlés
qui eurent lieu cette année à l’abbaye de Saint Vincent (Aubrion, p. 39-40).
1. Aubrion, p. 41-42. Philippe n’a pas suivi Husson, p. 104-105, qui est plus
complet.
2. Recteurs (lisez : réteurs).
NAISSANCE DE CHARLES, FUTUR ROI DE FRANCE (1470)
rent à Honnefleur ; et là furent honnorablement receuz par mon sei
gneur l’admirai de France, selon le bon plaisir du roy. Et ont demendés
secours et ayde au dit roy contre ledit Édouard, usurpateur dudit
royaulme d’Angleterre ; ce que le roy leur promist faire. Parquoy le duc
Charles de Bourgongne, advertis c’on les avoit receu, envoia lettres
à la court de parlement, faisant mencion que le roy avoit receu le
conte de Varvic, son annemy, laquelle chose estoit venir contre l’apointement que le roy et luy avoient fait à Péronne.
La guerre de rechief ouverte entre les François et Bourguignon. — Et,
à cest cause, fut de rechief la guerre ouverte entre les Françoys et
Bourgongnon, et fist alors le duc marchier ces gens contre le roy et ces
aydans.
La nativités de Charles, conquesleur de Naples. — En ces jour, environ
le dernier jour de septembre, fut la royne Charlotte, espouse du roy
Loys, acouchée à Amboise ; et enfanta ung filz, nommés Charles,
lequelle en son tampts conquit le royaulme de Neaples, et succéda à
son perre, comme cy après serait dit. Il semble que sa nativité eust esté
prédicte par le prophète David en ung ver du psaultier, on pseaulme
LXIIIIe, où il dit : In stillicidiis ejUs letabitur germinans bundices
corone 1. Car, à prandre toutes les lettres qui sont en ycelluy ver servantz à nombre, on y trouvera l’an mil quaitre cenc LXX, qui est cest
présente année de sa dicte nativité. Et sequitur : Et campi tui replebuntur uberlale.
Le roi à Angiers ; le prince de Galle mariés à la fille du conte de Varvich. - Tantost après, le roy s’en alla à Angiers, là où alors estoit le roy
René de Cicille, avec sa suer, le prinse de Galles, le conte de Warvich,
et leur compaignie. Et, là, fut traicté le mariage dudit prince de Galles
avecques la fille d’icelluy conte de Warvich. Et, après ce fait, bailla le
roy audit conte gens et vivres pour retourner en Angleterre faire guerre
audit Édouart.
Apointement entre le roi et le duc de Bretaingne. — En ce tampts, vint
à Angiers mon seigneur le duc de Guienne. Par le moiens duquel fut
fait l’apointement du différant qui estoit entre le roy et le duc de
Bretaigne. Dont le duc de Bourgongne fut plus mal content que devent ;
mesmement attendu que ledit de Bretaigne renvoia audit de Bourgoigne
son seelle et aliance.
Après ce que dit est, ledit duc de Guienne s’en retourna à Bordeaulx,
et le roy en pélerinaige au Mont Sainct Michel.
Édouard deschassés, Hanrei restabli. — Et, aprez ce fait, fit tant que,
malgré le duc de Bourgongne, fist reconduire le conte de Warvich en
Engleterre. Lequelle venus, fist son armée à l’ayde de ces amis et bien
vueullant, deschassa le roy Édouard et restitua Hanry en son lieu.
1. Verset 11. Rivos ejus inebria, multiplica genimina ejus : in stillicidiis ejus Iaetabitur germinans. — Verset 12. Benedices coronae anni benignitatis tuae : et campi
tui replebuntur ubertate. Lire : In stILLICIdlIs eIVs LetabltVr gerMInans
benedICes Coronae.
408
GUERRE ENTRE FRANCE ET BOURGOGNE (1470)
Alors celluy Édouard c’en fouyt au duc de Borgongne, qui avoit espousé
sa suer.
Plussieur princesse à Paris. — Et, durans ces jours, le roy Loys
avoit envoiés ma damme Margueritte, royne d’Angleterre, la contesse
de Warvich et la jeune princesse de Galles, sa fdle, à Paris. Et à son
entrée furent les rues tendues ; et furent honnorablement receue.
Le filz du prince d’Orenge se rend aux roi de France. — En ce temps,
le seigneur d’Argueil, fdz du prince d’Orenge, se vint rendre au roy
de France. Dont, par despit, le duc de Bourgoigne fîst raser toutes les
places qu’il avoit en son païs.
Nouvelle aliance entre le roy de France et Hanri, roi d'Angleterre. —
Le XIIIIe jour d octobre, fut publiée à son de trompe avault Paris
1 aliance faicte entre le roy de France et Henry, roy d’Angleterre.
Par laquelle tous Anglois pouoyent seurement venir, descendre et
marchander en France sans saulconduitz, exeptez les aliés de Édouart
de la Marche, jadis roy d’Angleterre. Et alors la royne d’Angleterre
retourna de France à son mary.
Le roy conquesle plussieur ville sus le duc de Bourgongne. — Peu de
tampts après, le roy Loys recouvra sus le duc de Bourgongne Sainct
Quentin, Amiens, Roye, Mondier 1 et plusieurs aultres. Lesquelles,
après la prinse, il les fist fortifier et environner de bonne muraille. Et
à ce grandement luy ayda le duc de Guienne, son frère, lequelle y vint
moult bien en point, acompaignié de quaitre cenc lances, pour servir
le roy. Et, en la prinse desdite villes, le connestable se mist dedans
Sainct Quentin avec deux cenc lances dont il avoit charge. Touteffois,
pour ce qu’il avoit tousjours esté du party du dit de Bourgoigne, le
populaire de France n’estoit pas bien asseur 2 de luy, et en murmuroit
moult fort.
Semblablement, le dit duc de Bourgoigne fist faire grande armée de
gens d’armes, et ce mist sur les champs. Et, de fait, c’en vint parquer
entre Amiens et Bapaulmes, où les gens de l’armée du roy les tindrent
fort pressé, tellement que ledit duc ne ce osoit, luy ne les siens, esloigner ; et y fust en telle souffreté et grande indigence à l’environ de
Pasques. Auquel tempts le roy, par le moyen d’aulcuns, lesquelle
possible n’amoient pas tropt l’onneur du royaulmes, luy ottroya trêves
d’ung ans.
Et, durans ce tamps, le roy avoit és marches de Borgongne une moult
belle et grande armée, dont estoit chief et conducteur le conte Daulphin
d’Aulvergne, filz du sire de Monpensier 3, acompaigniés de plusieurs
noble et gens de grant maison, qui eussent incontinent conquesté tout le
pays, se lesdictes trêves ne fussent entrevenues. De quoy il furent
moult desplaisans ; aussy furent plusieurs aultres de Paris et d’aultre
part. Parquoy ce faisoient et journellement ce escripvoient aulcuns
1. Montdidier.
2. Sûr, assuré.
3. Louis IeT de Bourbon-Montpensiar.
JEAN PAPEREL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1471)
409
dictons et ballaide diffamatoires, en chargeant laidement sur aulcuns
de la court par le moyen desquelz telles trêves avoient estés procurée
et conduictes. Et ce attaichoient ycelle lettre de nuyt à Sainct Innocenc,
à l’ostel de la ville, au pallais et en aultres lieux publiques. Touteffois,
on ne peult jamaix savoir qui avoit esté l’aucteur de telz libelles.
Item ■*, en celluy tampts, il fist ung très biaulx acomancement de
prinstampts, car il fist biaulx et chault depuis la moitié du mois de
febvrier, avec tout le mois de mars entbier. Et, pour la challeui d’icelluy
tamps, ce avencèrent les biens de terre à venir et à lever, et tellement
que, XV jour après Pasques, l’on xawoultroit les vignes entour de la
cité de Mets et en plusieurs aultrez lieu.
Mais de ces chose je lairés le parler, affm de retourner au maistre
eschevin de la cité de Mets et aux diverse adventure advenue en son
année.
Mil iiiic Ixxj. — En l’an XXXIIe de l’empire du devent dit Phéderich l’empereur, qui fut de nostre Rédemption mil quaitre cenc LXXI,
fut fait et créés maistre eschevin de la cité de Mets le sire Jehan Paperel 12.
Le tampts 3 de celle année ce amendoit tousjour de mieulx en mieulx.
Et tellement que, devers la Panthecouste, il fist cy très biaulx tempts
et de cy grant challeur que on trouvoit desjà du gros verjus bon à mangier. Et fut la moisson de cest année sy belle et bonne et sy hastive
que on levoit les blefz trois sepmainnes plus tost que les aultres années.
Et avoit on desjà des bons raisins à mangier à la Magdellaine.
Item 4, en celle année, le second jours du moix de may, revint sei
gneur Andrieu de Rinecque, chevallier, de Jhérusalem et de Saincte
Katherine du mont de Sinay.
La mort du pape Paul; le pape Sixte. — Pairellement 5, fut en celle
meisme année, le XXVIIe jour de juillet, que nostre sainct perre le
pappe Paul mourut. Et, le IXe jour du moix d’aoust ensuiant, fut esleu
pour nouvel pappe ung cordellier ; et fut appellé pappe Sixte. Lesquelle
on estimoit ung vray preudhom ; et disoit on qu’il voulloit reffourmer
l’Église, et qu’il ne voulloit avoir nulz trésors, fors que pour envoier
contre les Sarrasins. Celluy 6, 7 avent qu’il fut pappe, ce nommoit
Françoys de Savona
natif de Genève ; grant astrologien estoit, et
ministre général de l’ordre des Frère Mineurs ; et, par avant, cardinal
du titre de Sainct Pier. Et fut esleu sans son sceu ; et vesquit XIII ans
après son élection.
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
Aubrion,
p.
p.
p.
p.
p.
42.
42.
42 passim.
42.
42.
Ces détails ne sont pas dans Aubrion.
7. Il était fils d’un pêcheur de Celles, près de Savone.
410
DÉFAITE ET MORT DE WARWICK EN ANGLETERRE (1471)
Nicolas duc de Lorainne. — Item, en celle meisme année, le VIIe jour
dudit moix d’aoust, vint Nicollas, duc de Calabre, à Nancy prandre la
possession du duchiez de Lohcrainne. Et 1, pareillement, tantost après,
revint le merquis du Pont pour prandre la possession de la dicte duchié
de Lorainne et de Bar. Et fut grant pièce à Toul. Au quelle lieu y
allairent de ceulx de Mets seigneur Jehan Bollay, seigneur Michiel
le Gronaix, seigneur Warin Roucel, tous trois chevaliers. Et avec eulx
furent maistre Guillaume, pencionaire de la cité de Mets, et Jehan Dex,
secrétaire et clerc des Septz de la guerre.
Année fructueuse. — Item 2, celle année fut fort fertille en touttes
choses. Car on eust de bon vins et de bon blefz merveilleusement et
largement, et aussy bons comme ilz avoient estés passés XX ans.
Et furent assés à bon merchié. Dieu en soit loués et merciés !
Les mollin dessus Muzelle bruslés. — Or 3, en celle dicte année,
environ le Noël après, avint une chose merveilleuse à Mets ; et ne
sceust on cornent ne par quelle manier se fut : car les neufz mollin
dessus Moselle furent tous ars et brullés, ne jamaix on n’en poult rien
rescourre.
Les fossés vuidés dairier les Pucelle. — Et 4, en celle meyme année,
furent par les paroiche vuydiés tous les foussés de fons en fons de
derrier les Pucelles.
Signe démonstratif aux ciel. — Cy avint encor 5, en celle meyme année,
plusieurs aultres merveilles. Entre lesquelles, environ Noël, se des
montrait ung merveilleux signe on ciel avec les estoilles ; et l’appelloient
les aulcuns une plainnette, et les aultres une commette. Laquelle
estoit ainsy comme une estoille on ciel avec les aultres estoilles, et
avoit une longue coue rouge et terrible et en manier d’ung dragon.
Et ce monstrait en plusieur manier, signifiant plusieurs choses à adve
nir ; et durait 6 environ V sepmaines ; et estoient ses rais de plusieurs
coleurs.
xvc Bourguignon passe par devent les porte. — Item 7, environ le
mey karesme ensuient, il passa par devant les pont de la cité environ
XV cenc Bourguignon, très bien en point ; et disoit on qu’il c’en alloient
en Flandres vers mon seigneurs de Bourgongne. Paireillement, XV jours
après, passa d’iceulx Bourguignon par le Hault Chemin environ six
cenc, qui ce en alloient après les aultres.
Victoire du duc de Bourgongne. — Et fist le duc Charles de Bour
gongne une grosse armée, tant de Piccars, Flamans comme d’Austrelins et Bourguignon. Lesquelles, devers la Pasques, il envoya en Angle
terre à l’ayde et secours du devent dit Édouart de la Marche, lequelle
en l’an devent avoit estés expulsé et bouttés hors dudit royaulme,
1.
2.
3.
4.
5.
6.
1.
Husson, p. 105.
Aubrion, p. 42-43.
Aubrion, p. 43.
Husson, p. 105.
Aubrion, p. 43.
Husson, p. 105.
Aubrion, p. 43.
CONRARD DE SERRIÈRES, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1472)
411
comme cy devent ait estes dit. Et, aprez plusieurs baitailles contre le
devent dit roy Henry de Lencastre, avint la victoire audit Édouart,
et gaigna la journée. Et en ycelle moururent les princes de Galle, filz
dudit roy Henry, le conte de Warvich, et plusieurs aultres grant
seigneurs de leur party. Et y fut prins ledit roy Henry avec le jonne
Édouard, son filz, et avellet du roy de Cecille. Desquelles nouvelle le
roy Loys fut moult desplaisant.
La mort du prince de Savoye. — Et, en celle année, morut le prince
de Savoie en la cité d’Orléans.
Coustume de sonner les Ave Maria. — Aussy, en celle année et en
celluy tamps, le roy Loys introduisit et ordonna celle coustume de
sonner les Ave Maria à l’heure de midi, affm de prier Dieu pour la
paix. Laquelle chose se fait encor ajourd’ui.
Cy lairés de ces chose le parler, pour retourner a maistre eschevin
de Mets et à plusieurs aultrez besoingne.
Mil iiiic Ixxij. — Item, quant ce vint en l’an après, qui fut l’an
XXXIIIe de l’empire dudit Phédrych, et de l’incarnacion de Jhésu
Crist mil quaitre cenc LXXII, fut alors fait et créés maistre eschevin
de la cité de Mets le seigneur Conraird de Serrier L
Et 2,
* 1en celle année, la vigille de la sainct George, avint une avanture à Mets. Car, à celluy jour, deux compaignon estraingiers, l’ung
appellé Robinet, et l’aultre Jaicquelo, tous deux du pais de Hénault,
ce trouvairent a bourdiaulx de nuyt. Et avec eulx arivait ung aultres
compaignon meisme de leurs pais, lequelle estoit fdz bastart d ung
chevalier. Et entre eulx ce esmeust questions ; tellement que ledit
bastart fut tué. Parquoy les deux dessus nommés, par qui avoit le
copt esté a donnés, s’en fuyrent en franchise en la Grant Église. Et
y furent environ septz sepmaines. Et tellement que, une nuyt, ledit
Jaicquelo, par ce que le temps luy ennoioit, se mist en avanture d eschapper ; et, de fait, ce avalla par une tour de ladicte église du cousté
devers le Wyvier ; mais tantost il fut reprins, et fut menés en 1 ostel
de la ville. Et fut dit que ledit Robinet son compaignon, l’avoit accusé.
Le conte de Rouss[y] et sa femme à Mets. — Puis 3, en ce tampts, le
vandredi après, vint le conte de Roussy et sa femme, qui estoit fille a
conte de Sainct Pol, conestable de France (lequelle eust depuis la
teste tranchée à Paris, comme il serait dit ycy après). Et, à sa venue,
la cité luy fist grant honneurs ; et luy fut on nom d’icelle donnés et
présentés trois cawe de vin, cenc quairte 4 d’avoinne et pour XX frant
de poisson. Et, au lendemains, ledit conte demanda à la justice d icelle
cité le dit Robinet, qui estoit encor à la Grant Église ; et très volluntier
a. M : estait.
1. Aubrion, p. 43.
2. Husson, p. 106.
3. Husson, p. 106.
4. I dans Husson.
412
PORT-SUR-SEILLE PRIS PAR CEUX DE METZ (2 AOUT 1472)
il a lu y donnaient. Et, alors, ledit conte s’en vint à ycelle Grant Église,
et trouvait celluy Robinet, auquelle il dit : « Prant moy par la robe » ;
et sy fit il. Et, amssy le tenant par la robe, le menait hors de l’église ;
et, par celle manier, eschappait ledit Robinet franc et quicte.
Justice exécutée. — Et *1, le meisme jour, qui estoit le samedi, à
deux heures après midi, fut menés ledit Jacquelo, son compaignon,
au gibet de Mets ; et, là, fut pandu et estranglés. Et eust celluy belle
repentance. Dieu luy pardoing !
Le mollin à vent fait on Sautcis. — Item2, en la meisme année, on mois
de jung après, on fit faire une grosse neusve tour on Saulcys, sur Mu
selle, pour faire ung mollin à vent. Et, quant elle fut faicte et eschevie,
on la voult emplir de sablom ; et, à l’ocasion de ce qu’elle estoit encor
toutte frèche, elle ne poult endurer le fais, et fendit en quaitre lieu.
De quoy on fut bien esbahy ; et fut force de la toutte defïaire, qui
coustait biaucopt, car on ostait touttes les pierres jusques au fond, et
mist on le lieu en telle estât qu’il estoit au premiers, et fist on noviaulx
fondement de grosses pierres qui furent amenée de la montaigne
Sainct Quentin. Et là fut celle tour faistes, toutte massis, de fons en
fons ; et sur ycelle fit on ledit mollin à vent comme on le voit encor
ajourd’uy. Et moy, l’escripvains de ces présentes, l’a veu tourner et
ouvrer ; mais il ait bien peu de vent. Et coustait celluy ouvraige à
faire, comme on disoit, environ deux mil florin avent qu’il fut tout
achevey.
Port sus Saille prinse par ceulx de Mets. — Item 3, le second jour
d’aoust de celle meisme année, furent les soldoieurs de la cité, et avec
eulx environ XXX compaignon de piedz, devent la forteresse de
Porsursaille 4 pour et en intencion de la prandre. Car, en ce lieu, se
tenoit ung seigneur, appellés le seigneurs de la Romainne 5, qui estoit
croisiés de Sainct Jehan de Rodes, lequelle à force tenoit celle place ;
et avoit des gens avec luy auquel il soufïroit à faire plusieurs mal : car
journellement venoient on Hault Chemin, en la terre de Mets, et
destruissoient 6 7les merchamps de France et de Rourgongne, et tout
aultres manier de gens qu’il trouvoient. Et, quant yceulx soldoieurs
de Mets vinrent illec, ilz firent sy saigement que tantost ilz eurent
ladicte place pour la cité ; et la thint et posséda la cité le terme de
quaitre moix, ou environ, tant que accord y fut trouvés.
Grantde vinée. — Item en celle année, on eust tant de vin que
à peinne les sçavoit on où boutter ne lougier, par faulte de tonneau ;
а. M : R U.
1. Husson, p. 106.
2. Aubrion, p. 44.
3. Aubrion, p. 44.
4. Port-sur-Seille, Meurthe-et-Moselle, Nancy, Pont-à-Mousson.
5. De la Domergue dans Aubrion.
б. Detrossoient dans Aubrion : détroussaient.
7. Aubrion, p. 44.
GUERRE OUVERTE ENTRE FRANCE ET ROURGOGNE (1472)
413
mais ilz n’estoient pas des milleur, à cause des grandes et terribles
pluyes qu’il fist en la vendange.
Et 1, en celluy tampts, fiansa et print mary celle jonne fille devent
dicte qu’on appelloit la saincte Katherine de Sennes : car ycelle avoit
pourté le parsonaige de la dicte saincte Katherine au jeu qui en fut fait.
Et fist grandement son debvoir, comme cy devent ait estés dit ; parquoy elle fut haultement mariée, elle qui estoit povre fille.
Les mollin Oulire Muzelle racoulirés. — Aussy 2, en celle année, furent
refiait tout de neuf les mollins à papier et le follant à draps qui sont en
la rivier, oultre Muselle.
L’yver 3 de cest présante année fut fort pluvyeux et moytte ; et ne
gellait comme point. Et ce moroit on quelque peu de la peste et des
esprinssons.
Et, environ le Noël après, revint mon seigneur de Loherenne de
dever le duc de Bourgongne.
Guerre ouverte entre le roi de Franc[e] et le duc de Bourgongn[e]. — En
celle meisme année 4, accomença la guerre, qui tropt durait, entre le
devent dit Loys, roy de France, et le duc Charles de Bourgongne,
comme ycy après il serait dit. Et, dès ineontinant, ledit de Bourgongne
mist le sciège devent Belmont ; et fut gaingnié, arse et abatue, réservé
une rue que on disoit apartenir a duc de Bar.
Marchans de Mets délroussé[s]. — Item 5, environ le Noël après,
plusieurs des marchamps de Mets, c est assavoir Burtrand Cugnin,
et aultre, enmenoient plusieurs merchandiës en France. Et, pour ce
que on disoit que ycelle merchandie es.toient menée à la faveur des
François, lesdit Bourguignon de la guénison 6 de Danviller les ont rués
jus ; et furent touttes ycelle marchandise prinse, enmenée et butinée ;
et n’en porent lesdit marchamps de Metz oncque rien ravoir.
Monstre nez en France. — Item 7, 8en celle meisme année, avint en
France une merveille. Car une femme, d’ung villaige appellé Ay, près
de Espernay, on pais de Champaigne, enfanta deux anffans desquelx
les dolz se tenoient ensemble. Et 1 ung d iceulx enffans vint à morir,
et fut bien XV jours mors avec le vif, et estoit chose impossible des
séparer d’ensemble ; parquoy, pour l’imfection et puanteur d’icelluy
enffans mors, avent lesdit XV jours passés, l’aultre morut.
Item 8, on moix de mars après, il fist ung très biaulx temps et chault ,
et tellement que tous les biens de terre amandoient et cressoient sy
fort que, au premiers jour du moix d’apvril, on veoit desjay les raisins
en plaine vigne, et trouvoit on beaucopt de soille en paulme et du
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Aubrion, p. 44-45. Voyez p. 394-395.
Husson, p. 107.
Aubrion, p. 45.
Husson, p. 107.
Aubrion, p. 45.
Garnison.
Husson, p. 107-108.
Aubrion, p. 45.
414
PRISE ET SAC DE NESLE (JUIN 1472)
myrguay flory. Et, à celluy premier jour d’apvril, estoient touctes les
serizies, les pruniers, purnelliers et grosselicrs 1 et plusieurs poires et
pommes noées sur les arbres, de quoy c’estoit cause pour soy resjoyr.
Dieu en soit louués et bénis ! Amen.
Puis, en celle meisme année, avindrent on royaulme de France
plusieurs aventure, tant en guerre comme aultrement.
Et, premier, fut brullée par fortune l’église de Nostre Damme de
Cléry, on dyosèse d’Orléans.
Maistre Jehan Charelier trespassés. — Et, en ce tampts, alla de vie
à trespas le bon maistre Jehan Chartier, évesque de Paris ; et fut fort
plouré et plaint de tout son puple.
Le duc de Lorainne s’alie du duc de Bourgongne. — Item, en ces
meisme tamps, le duc Charles de Bourgongne fist suborner mon sei
gneur Nicollas, marquis du Pont et duc de Loherenne, filz du duc
Jehan de Calabre, qui estoit filz a roy René de Cecille et duc d’Anjou ;
et tellement le fist persuader, soubz umbre de grandes promesses qu’il
luy faisoit, dont il n’avoit pas vouloir de les tenir ne acomplir, que ledit
duc Nicollas, auquelle le roy avoit fait fyancer ma damme Anne de
France, son aisnée fille, s’en ala devers ledit de Bourgoigne ; dont plu
sieurs ce esmerveilloient. Et olrent plusieurs parolles et promesse
ensemble ; entre lesquelles on veult dire que ledit de Bourgongne luy
devoit venir ayder à conquester la cité de Mets. Mais, après, ledit duc
Nicollas oit aultre conseille, et luy seul, avec l’ayde de ces gens, lé
cuida furtivement prandre. Mais, la Dieu mercy, il faillit. Et ne vesquit
guerre après, comme cy en errier vous serait dit.
Défaide des Franço[is] par les Bourguignon. — En celle meisme
année, non obstant les trêves données entre le roy Loys et le dit de
Bourgongne, furent mise sus les champs d’iceulx Bourgongnon une
grosse armée, lesquelles se sont emparqués entre Arras etBapaulmes,
en ung lieu nommé Hébuterie 2 en Artois. Et, de là, ce sont partis,
et ont mis le sciège devent la ville de Nesle, en laquelle estoient V ou
VI cenc franez archers, desquelle estoit capitaine ung nommé le petit
Picart, qui ce defïandirent moult vaillanment. Mais, pour ce qu’il
n’estoient pas essés puissans pour résister à l’armée dudit de Bour
gongne, le dit capitaine, luy et ces gens, ce randirent, par composicion
que chescuns c’en devoit aller la vie et les baigue salve. De quoy ne leur
fut riens tenus ; car, incontinent qu’il furent désarmez, cuidans estre
à seurté, lesdit Bourgongnons entrèrent dedans et tuèrent tout ce qu’il
trovairent. Plusieurs ce retirèrent en l’église, laquelle alors estoit plaine
de gens de la ville, espérans y avoir franchise. Mais yceulx inhumains
Bourgongnon les murtrirent jusques sur les autelz, mesmement ceulx
qui tenoient embrassez les ymaiges. Le dit murdre ainsy fait, vint le
duc de Bourgongne, monté sus ung puissant chevaulx, et, luy meisme
1. Cerises,^prunes, prunelles, et groseilles.
2. Hébuterne, Pas-de-Calais, Arras.
BEAUVAIS ASSIÉGÉ PAR LES BOURGUIGNONS (JUIN
1472)
4l5
en personne, entra tout montés en la dicte église, plaine de corps a mors
tellement que le pavement estoit tout couvert de sang humain, qui en
aulcuns lieux de ladicte église estoit de demy piedz de hault. Et, quant
le dit de Bourgongne vit tant de mors, comme homme inhumains,
tirant et félon couraige *1 sans pitié, dist qu’il avoit de bons bouchiers :
« Car maintenant », dit-il, « je congnois combien plain de sang sont mes
bourreaulx ». Et, après ce dit, fist mettre le feu et ardoir touttc la ville.
Puis, ce fait, il fist pandre et estrangler à des potence le petit Picairt,
avec aulcuns jantilz hommes, non obstant la foy à eulx donnée ; et à
plusieurs aultre fist coupper les poingtz. Et puis ce partit et lassa la
ville razée et toutte destruictes.
Roye prinze par composition. — Et c’en tirait à Roye ; laquelles,
jà ce qu’il y eust grosse garnison de plusieurs noble et jantil homme,
acompaigniez de deux cens lances et de XIIII cenc francz archiers,
néantmoins luy fut randue, leur vie saulve, ung biaulx blan bâton en
leur mains. Et passairent tout par le millieu de leur annemis, qui les
moquoient et dérisoient.
Ceulx de Biavaix résistent aux Bourguignon ; vaillance d’une pucelle.
— La dicte ville de Roye prinse, le dit de Bourgongne, congnoissant
qu’il n’y avoit milles gens de guerre en la ville de Beauvais, se partit
pour y aller ; et, de fait, y mist le sciège. Et, de plaine venue, y donna
ung fort et merveilleux assault, auquelle fut vaillanment et de grant
couraige résisté par les bourgois et leaulx habitans d’icelle cité. Et,
néantmoins que nullement n’espéroient la venue des ennemis, quant
il virent venir les Bourgongnon, ilz se rangèrent és murailles, et à grand
couraige les repoulsairent. Et, en cest assault, apparut l’excellente
vertus d’ugne pucelle, laquelle alors aracha l’estandart d’entre les
mains d’ung Bourgongnon qui grinpoit amont la muraille. Puis, ce
jour meisme et durant cest essault, arivairent plusieurs capitenne
françois en la cité, telz que Guillaume de Vallée, lieutenant du sénéchal
de Normendie, et plusieurs aultres. Et, eulx entrés, et avent que
repaistre, mirent piedz à terre et livrairent leur chevaulx aux femmes
et anfïans pour les panser, et c’en allèrent sur la murailles avec lez
bourjois de la ville ; et tellement ce defïendirent que lesdit Bourgon
gnon furent reboutez honteusement. Et, au londemains, y arivairent
encor plusieurs aultres capitaines, acompagniés de bons gens d’armes.
Et, par l’espace de XXVI jour que dura le siège, y oit plusieurs essault
et plusieurs choses faictes, que je lesse pour abrégiés.
xvc Bourguignon tresbuchés és fossés. — Et trouve l’on que, en ung
seul assault, trébuchèrent et moururent plus de XV cent Bourgongnon
és foussés de la ville. Car yceulx Biauvoisins furent fort secourus et
aydé de ceulx de Paris et d’Orléans, tant de vivre comme d’artillerie.
Parquoy force fut audit de Bourgongne de lever le sciège et s’en aller.
Et fist grant dopmaige au païs entour en brullant ville et maisons et en
a. M : coprs.
1. Faut-il corriger : félon, et d'un courage (cœur) sans pitié ?
416
TRÊVES ENTRE FRANCE ET BRETAGNE (OCTOBRE 1472}
destruissant lez blefz des champs ; et n’y avoit rien qu’il ne mist à
destruiction.
Valéri prinse par le Bourguignon; les Bourguignon aux paiis de
Caulx. - Puis c’en tirait à Sainct Valéry, qui fut tantost prinse, et, de
là a, on pays de Caulx, auquelle il firent plus de domaigcs et destruc
tions de biens que tout leurs vaillant *1 n’eussent sceu réparer. Et,
après plusieurs aultres corse et riblerie faictes, les dit Bourgongnon
s’en sont allés devent Rouen ; auquel lieu furent cy bien recueillis des
habitans et bourjois d icelle cite qu il s en retournait à sa grante perte
et dommaige, et sans aultre chose faire de son proffit.
Le duc de Guyenne trespassés. — En celluy tamps, vindrent nou
velles au roy que mon seigneur le duc de Guienne, son frère, estoit
trespassé en sa ville de Bordeaux ; et estoit le commung bruit qu’il
avoit esté empoisonné. Parquoy, quant le roy sceut la vérité de la
dicte mort, il ala jusques a La Rochelle pour reprendre en ses mains
lesditz pais de Guienne. Et, alors, devers luy se rendirent grant partie
des officiers de son feu frère, qu’il recœuillit et retint en son service.
Les faulbour de Noyon brullés. — Aussy, en ce tamps, le sire de
Crussol et autres capitaines firent brûler et abatre les faux bours de
Noyon, pour ce que le bruit couroit que ledit de Bourgoigne y venoit
mettre le siège.
Pandant les choses dessus dictes, le roy de France estoit és marches
de Bretaigne atout plus de cinquante mil combatans, faisant la guerre
au duc de Bretaigne, pour ce qu’il ne luy vouloit rendre aulcunes de ses
villes de Normandie. Et, posé que ledit roy eust tout conquesté ce qu’il
demandoit s’il eust voulu abandonner ses gens, toutefïois on n’yfist
pas grans faitz d’armes, à cause que il craingnoit tousjours la mort et
perdicion des siens, et se efïorçoit de parvenir à paix et acord sans
effusion de sang.
Trêves entre le roy et les Breton, et le Bourguignon corne son alié. —
Parquoy, en celluy temps, on ottroya unes trêves audit de Bretaigne
pour lui et ces aliés. Tellement que ledit duc desclaira ledit de Bourgongne estre son alié, et le dit de Bourgongne les accepta pour luy et
poui les siens, lesquelles il déclaira estre l’empereur, les roys d’Engleterre, d’Escosse, de Portingal, d’Espaigne, d’Arragon, de Cecille, et
plusieurs ducz et princes. Mais il faisoit la dicte déclaracions pour faire
et donner suspicion au roy.
Déconfiture /aide par les Fransois. — Item, aussy en ce temps,
messire Robert d’Estouteville et Joachim Rouault prindrent la ville de
Eu, par telle composicion que les chevaliers seulement du parti des
Bourguignon s’en iroient sur ung petit courtault, et les autres ung
baston en leur poing, en laissant tous leurs biens. En après regaignèrent
lesdit Françoys Sainct Waléry par semblable composicion ; et puis
M : délia.
1. Leur avoir, leur fortune,
a.
PRISE DE LECTOURE PAR LES FRANÇAIS (MARS
1472 a st.)
417
vindrent à Rabanes, dont les Bourguignons se partirent, leur vies
saulves.
Le filz du coneslable thient le parti de Bourgong[ne]. — Cependant le
conte de Roussy, fdz du connestable et tenant la partie des Bourgui
gnons, vint faire une cource jusques à la conté de Tonnerre, où il ne
trouva nulle résistence. Et puis vint devent Joigny, là où il fut bien
recueilley.
Le conte d’Armignac prent la ville de Lesto[ye]
— En celle meisme
année, vers la fin, le conte d’Armignac surprint d’emblée la cité de
Lestoye 1 ; et en ycelle print plusieurs grans prisonniers. Dont le roy
fut fort desplaisant, et tellement qu’il fist de rechief assiéger la dicte
ville et le dit conte.
Le conte d’Armignac tués. — Et, après plusieurs assault donnés, fut
prinse, arse et destruicte ; et ledit conte d’Armignac tué. Et fut ce fait
le vendredi Ve jour de mars ; et n’en eschappa seullement que la
contesse, avec trois chambrier, que tout ne fut tués et mis à mort.
Et la cause pourquoy, comme dient aulcuns, fut pour tant que, les
Françoys tenent le sciège devent celle cité, et comme aulcuns noble
de la partie d’iceulx Françoys entrirent par essurement en la ville
pour traicter de paix, mais, soubz l’essurement devent dit, le conte les
voult faire tuer et murtrir, parquoy les Françoy qui estoient au dehors,
oyent le huttin, entrirent en la ville par ung mur rompus d’artillerie,
et mirent tout à mort en la manier comme avés oy. En cest affaire
estoit pour le roy le séneschal de Limosin et le cardinal d’Arras, avec
plusieurs aultres.
Apointemenl entre le roi et le duc de Bretaingne. — En ce tampts fut
fait l’appoinctement entre le roy et le duc de Bretaigne.
L’entrée de mon seigneur de la Forest d Paris. — Le VIIe jour de
febvrier, seigneur Loys, évesque de Paris, filz de mon seigneur de la
Forest, fist son entrée à Paris.
Le duc d’Alençon menés devers le roy. — Item, aucy en ce tamps,
mon seigneur le duc d’Alençon fut mené devers le roy, pour ce qu’on
disoit qu’il estoit party de son païs cuydant aller au duc de Bourgoigne
luy vendre et délivrer toutes ses terres qu’il tenoit au royaulme.
Et, en celluy tamps, c’en estoit retournés le duc de Bourgongne en
Picardie, luy et ces gens.
Le roy d’Aragon se retire en son paiis. — A l’acomencement du moix
de mars ensuiant, le roy d’Arragon, estant en la ville de Parpignan, et
ouyant les nouvelles de la mort du conte d’Armignac, s’en ala hors de
la dicte ville ; mesmement aussi pour ce qu’il entendit que mon sei
gneurs Philippe de Savoye aloit à grosse puissance contre luy pour
réduyre la dicte ville à l’obéissance du roy Loys.
Et, tantost après, le samedi XIIIIe jour de ce meisme moix de mars,
le roy se partit de Tours à petitte compaignie pour s’en aler à Bordeaulx et à Bayonne.
1. Lectoure, Gers.
418
ÉPILOGUE DU TROISIÈME LIVRE
Trêves entre le roy et le duc de Bourgongne. —- Et furent en ce meisme
tampts de rechief faicte trêve entre le roy et le duc de Bourgoingne,
durant l’espace d’ung ans.
Mais de ces choses ne dirés plus quant à présent, car je veult icy faire
la fin de cestuy thier livre des cronicque de France, de Mets, de Loherenne, de Bourgongne et d’Angleterre. Et puis vanrés à vous desclairer
le quaitriesme livre d’icelle devent dicte cronicques. Auquelles, tout
à l’acomencement, pourés oyr et entendre la herdie entreprinse que le
duc Nicollas de Loherenne fîst encontre de la noble cité de Mets. Et
puis, ce dit, porés oyr plusieurs aultre merveilles et chose estrange et
digne à raconter estre advenue en nostre tampts, lesquelles je, Philippe
de Vignuelle devent dit, ait heu recueillis de plusieurs traictiés et
voullume, et les ay joing et concordés ensemble, avec ce que j’en ay veu,
en la manier corne cy aprez pourés oyr.
PROLOGUE 1
A la gloire et louuenge du benoy créateur de tous les anges et arkange
et de tous les sainct et sainctes de paradis soit jusques ycy cest euvre
pairfaictes et formes ! Et, a rest, que leur bonté ce estande de à moy,
indigne, envoier science, graice, force et vertus de cest quairte partie
parfaire et eschevir, et de non y escripre chose qui ne soit à son hon
neurs et gloire, au proffit et hutillités de la devent dicte cité de Mets et
des seigneurs et gouverneurs de la chose publicque, paireillement de
tous les habitans, subjecg et manans qu’en la dicte cité sont et seront
demourant et résidant ! Car, en ycelle quairte partie, serait dit, con
tenus et desclairés les grandes guerres, persécusion et malvitiet que en
l’encontre d’icelle noble cité de Mets ont esté inventée, minse en jeux
et sairchée, et desquelles, moyenant la graice du benoît Dieu, elle et son
peuple en ait estés jusquez ajourd’ui eschappée et préservée, et comme,
par évident miracle de Dieu, ait esté par plusieurs fois de traïson
délivrée. Desquelles guerre et traïson, aventure, fortune et aultre
mutacion, avec disposicion du tamps et plusieurs aultre merveille et
chose estrainge et admirative qui sont estés advenue, tant en la devent
dicte cité comme en plusieurs aultre païs et régions, depuis l’an devent
dit mil quaitre cenc et LXXII jusques a tamps présent, je, Phelippe
de Vignuelle, le merchamps, et citains d’icelle noble cité de Mets,
moyenant la graice d’icelluy mon Dieu, prêtant de parfaire et eschevir,
et cest quairte partie du tout narrer et acomplir.
Et, premièrement, serait dit, tout à l’acomencement, d’une grande
subtillité et une conspiracions malvaise que le duc Nicollas, alors
nouviaulx régnant en Loherenne, pansait de faire sur celle noble cité
de Mets, la cuidant prandre d’amblée. Puis orrés après cornent, à sa
grant honte et deshonneurs, il en fut espulcé et desjectés, de quoy a
1. Philippe a voulu dire : épilogue ?
Ms. 839 [89], f" 153
ÉPILOGUE DU TROISIÈME LIVRE
419
cuer il en oit telz dolleurs, comme il fut à présumés, que tantost après
il en morut de dueil.
Consécanment, vous serait dit cornent, après la mort d icelluy duc,
fut ressus és deux duchiez le duc René. Et, daventaige, orrés cornent
le duc Charles de Bourgongne, par envie, convoitise et malvistiet, le
voult de son pais despouiller, et l’en cuidait a force d armes dégecter.
Après, orrés cornent il mist le sciège devent la ville de Nancy, et puis
devent Nusse 1,2 et, fînablement, le leva pour c’en aller devent Moret
et Granson, auquelle lieu il fut très bien batus ; et, avec ce, y perdit
plusieurs de ces gens, et y lessait plusieurs de ces estandars, guidons et
banniers. Aussy serait dit apres cornent il revint en Loheraine, et de
rechief asségeait Nancy. Devent laquelle, fînablement, il perdit la
journée encontre le dit René, qui amenait lez Suisse, par lesquelle, la
nuit des Grant Roys, fut le dit Charles, avec plusieurs milliers de ces
gens, tués et murtris, et le rest mis en fuictes, espars et dispercés.
Concéquemment vous serait dit, en cest dernier partie, plusieurs
course et riblerie, destruiction de biens et de pais estre avenus, tant en
ce pais de Mets comme aultre part en France, Bourgongne, Loranne et
Angleterre, jusque au tamps que le devent dit duc René, duc de Bar
et de Loherenne, par le bouttement, conseille et envie d’aulcuns malvais
ces conceilliers, entreprint contre ycelle noble cité la guerre, moyenant
laquelle plusieurs malz et grief domaige furent fait et perpétrés, tant
sur l’une des partie que sur l’aultre, comme ycy après pourés oyr,
quant temps serait d’en parler.
A rest, oyrés la trayson et grant desloiaultés d’ung des conseilliers
et trèses jurés de la dicte cité de Mets, nommés Jehan de Landremont.
Auquelle on avoit fiance ; mais il cuidait trahir la ville et tous lez habitans d’icelle, ce la miséricorde de Dieu n’y fut estés. Parquoy,
son cas conus, l’escécucion en fut faictes, en la manier comme cy après
oyrés.
.
Puis, après, vous serait dit cornent, en celluy tamps, je, Philippe des
sus dit, composeur et escripvains de ces présente, fut vandus à biaulx
denier comptent, et, avec mon perre, prins et enmenés.
Consécamment, en la V« et dernier partie, de la guerre Pier Burtault et de plusieurs aultres besoingne que durans ces tampts avmdrent.
Et par loing tempts après duray celle maldicte guerre de Burtault,
jusques à la venue du conte Francisque, lequelle, avec moult grant
puissance de gens, tant à piedz comme à chevaulx, et à la cause d’icelluy
Pier Burtault, vinrent mettre le sciège devent ycelle noble cité. Et fut
force, pour éviter plus grant dommaige, de à luy et a siens composer.
Et coustait celle guerre à la cité plusieurs millier de florin, comme ycy
après orés, quant tempts serait d’en parler.
1. Nuz dans Commynes, Mémoires, éd. Calmette et Durville, t. II, p. 6, etc. . Neuss.
près de Cologne, en Rhénanie.
2. Il faut suppléer : vous sera dit de la guerre, etc.
420
ÉPILOGUE DU TROISIÈME LIVRE
Plusieurs aultres chose digne de mémoire, merveilleuse et estrange,
sont advenue, lesquelles je, Phelippe dessus dit, ait heu prins et extrait
de plusieurs livre et vollumes, et les ais joing et concordés ensemble
comme vous trouvenrés escript, ce le voullés lire ou escouter. Gy prie à
tous les liseur et auditeur que mon fait vueullent escuser, et les faulte
qu il y trovenront corriger et amender, car je sçay que plusieurs chose
y sont mise qui ne sont pas de grand vallue à raconter a.
a. Ms. 839[89] (M), f° 154 r°. Le verso est occupé par le dessin, rehaussé de couleur,
que nous avons reproduit en tête du premier volume de notre édition.
L’évêque Bertrand reçoit le premier maîtie échevin
de Metz, Benoît. (Bibliothèque municipale de Metz,
Ms. 912 [162], f° 1.)
Dessin de Philippe de Vigneulles; il était peut-être en tête
du ms. 838 [88].
ADDENDA ET CORRIGENDA
La date de la naissance de Philippe de Vigneulles. — Dans notre
tome I, Introduction, page II, il faut corriger la date de la naissance
de Philippe : c’est le 7 juin 1471 qu’il vit le jour.
La date de la mort de Philippe de Vigneulles. — D’après un article
récent (Cahiers lorrains, t. VIII, 1929, p. 48-49), M. l’abbé J. Fœdit
a trouvé dans les Registres de la Bulletle de Metz la preuve que Philippe
de Vigneulles était encore vivant le 20 mars 1528 ; il est donc mort entre
cette date et le 12 avril 1528, date de Pâques, où les bans portent le
nom de Ysabellin « femme feu Philippe de Vigneulle le merchant »■
Ces renseignements complètent et précisent ceux que nous avons donnés
tome I, Introduction, page IX.
La rédaction de la Chronique de Philippe de Vigneulles. — Aux indi
cations que nous avons données tome I, Introduction, pages XIV et XV,
l’on peut ajouter les détails suivants.
Dans le manuscrit M (839 [89], f° 153 r°), Philippe de Vigneulles a
apporté à son texte primitif un certain nombre de corrections impor
tantes. C’est ainsi qu’il avait écrit : « de cest quairte et dernier partie »
(l’on distingue encore très bien ces deux mots sur la photographie du
manuscrit que nous avons reproduite en regard de la page 418 de notre
édition). Quelques lignes plus loin, il a également rayé : « en ycelle
quarte et dernier partie » et de même partout où revient cette expres
sion : « la quarte partie ». A la page 419 de notre édition, ligne 9 avant
la fin, les mots : en la Ve et dernier partie, ont été ajoutés entre les li
gnes. Les grandes divisions de la Chronique ont donc été remaniées
postérieurement à la rédaction définitive du tome II du manuscrit.
Dans ce volume, page 66, ligne 2, corriger : le basiard de Tilley.
Page 375, dernière ligne, corriger : force leur fut de faire et acomplir
tout ce que ycy...
TABLE DES ILLUSTRATIONS
L’évêque Bertrand reçoit le premier maître échevin de Mets,
Benoît (Ms. 838 [88], f° 213 v°)....................................................... ’
i
Ms. 838 [88], ff« 401, 404....................................................................
152
Manuscrit A (Archives départementales de la Moselle) ; voyez
tome I, Introduction, p. XIV......................................................... 212
Ms. 839 [89], fo 153 r°......................................................................... 418
L’évêque Bertrand reçoit le premier maître échevin de Metz, Benoît
(Bibliothèque municipale de Metz, ms. 912 [162], fo 1; dessin de
Philippe de Vigneulles : il était peut-être jadis en tête du ms. 838
t88] .................................................................................................. 420
TABLE DES MATIÈRES
LIVRE DEUXIÈME {Suite)
La paix faite entre la cité et les III conte dessusdits.........................
De la paix de 1324 à la consécration d’Adémar de Monteil,
soixante-douzième évêque de Mets, en 1327 .................................
De la consécration d’Adémar de Monteil, en 1327, à la mutinerie
des Bouchers, en 1347 ...................................................................
De la mutinerie des Bouchers, en 1347, à la visite de l’empereur
Charles de Bohême à Metz, en 1356 ................................................
De la visite de l’empereur à Mets, en 1356, à la consécration de
Jean III de Vienne, évêque de Mets, en 1361...............................
De la consécration de l’évêque Jean de Vienne, en 1361, à celle
de Thierri de Boppart, en 1365 ......................................................
De la consécration de Thierri de Boppart, en 1365, au renvoi des pri
sonniers barrois, en 1369 ............................................................
Du renvoi des prisonniers barrois, en 1369, à la guerre des Cha
noines, en 1377 ...........................................................................
De la guerre des Chanoines, en 1377, à la mort de Thierri de
Boppard, en 1383 ...........................................................................
Le bienheureux Pierre de Luxembourg, soixante-quinzième évêque
de Metz : 1381-1387 ......................................................................
De l’avènement de Raoul de Coucy, soixante-seizième évêque de
Metz, en 1388, à la folie de Charles VI, roi de France, en 1392 ...
De la folie de Charles VI, roi de France, en 1392, à la déposition de
Richard II d’Angleterre, en 1399 .............................................
De la déposition de Richard II d’Angleterre, en 1399, à la « Jacque
rie » de Mets, en 1406 ................................................................
De la « Jacquerie » de Mets, en 1406, à l’alliance des « Quatre
.
Traité d’alliance entre l’évêque de Metz, les ducs de Lorraine et
de Bar et la ville de Metz..............................................................
De l’année 1412 à l’avènement de Conrad de Bayer de Boppard,
soixante-db£-septième évêque de Metz .......................................
De l’avènement de Conrad de Bayer de Boppard, soixante-dixseptième évêque de Metz, à la prise de Paris par les Bourgui
gnons, en 1418...................................................................................'
De la prise de Paris par les Bourguignons, en 1418, au début de la
guerre « de la Hottée de pommes », en 1428...................................
Pages
1
12
17
28
36
45
53
65
78
92
101
109
119
137
147
161
165
173
424
TABLE DES MATIÈRES
LIVRE TROISIÈME
Page»
Prologue................................................................................................
La guerre « de la Hottée de pommes », 1428-1429.............................
Jeanne d’Arc délivre Orléans ; le sacre du roi Charles VII à Reims
Suite de la guerre dite « de la Hottée de pommes », 1429 ................
Jeanne d’Arc brûlée à Rouen ; suite de la guerre de Cent ans........
De la mort de Charles Ier, duc de Lorraine, le 25 janvier 1431, à
la paix entre René d’Anjou et Antoine de Vaudémont, en 1433
De l’an 1434 à la paix d’Arras, entre le roi Charles VII et le duc de
Bourgogne, le 21 septembre 1435 .................................................
Les années 1436 et 1437 .................................
Guerres en France et en Lorraine : 1438-1440 .................................
La cité de Metz en guerre avec le damoiseau de Commercy, le sire
de Fléville, etc., 1441-1444 ...........................................................
La guerre des Rois ; le siège mis devant Metz : 1444.......................
Trêves rompues entre la France et l’Angleterre ; événements divers
à Metz et en Lorraine : 1445-1449 ...............................................
Différend entre la ville de Metz et le duc de Lorraine et de Bar ;
suite de la guerre entre les Français et les Anglais : 1450-1453...
La guerre entre les chanoines de la Cathédrale et la cité de Metz, etc. :
1462-1464 ........................................................................................
Début du règne de Louis XI, roi de France, etc. ; la guerre « du
bien public » ....................................................................................
La paix signée entre les chanoines de la cathédrale et la cité de
Metz : 1465 ....................................................................................
La rentrée des chanoines de la cathédrale dans la ville de Metz,
le 2 mai 1467, etc...............................................................................
La mort de Philippe, duc de Bourgogne ; les premiers actes de
Charles le Téméraire, son fds..........................................................
Le feu à la cathédrale de Metz ; autres événements mémorables
tant à Metz qu’au pays de France : 1468 .....................................
Guerre entre France et Bourgogne ; événements divers à Metz
et au pays de Metz : 1469-1472 .....................................................
Prologue (épilogue) .............................
BESANÇON. — IMPRIMERIE JACQUES ET DEMONTRONS.
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