[L] Chronique rimée éd_Plyer_seule.pdf
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Fait partie de Édition des Chroniques de la cité de Metz, Bibliothèque municipale de Metz ms 848
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[L] Chronique rimée éd_Plyer_seule.pdf
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Table des matières 1 du manuscrit BM 848
Quant Metius voullut mourir [et] de l'orde:nnanœ qu'il jist.... ... . . ... . ....
24
Quant [et] par quelz gens le pont des mortz et le pont thieffroy furent
faictz....... . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
25
De Octovian Empereur et de l'amphiteatre qu'il fist faire...................
26
Quant saint Pierre vint tenir son siege a Rome..................................
30
La conversion Mons[eigneu]r Saint Clement et comment Saint Pierre
l'envoya pardera............................................ .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . .
31
Cornent le Cerf 2 que les veneurs du prince chassoie[n]t en la forest
de gorze se vint rendre a S(ain]ts Clement.......................................
32
Co(m]ment le prince alla veoir le Cerf............................................... eodem
Co[m]ment Sainct Clement entra en la cité.......................................
33
Co( rn] ment Saint Clement resuscita la fille du Prince........................
36
Co(m]ment Saint Clement mist son etoile au col du serpent et
l'emmena........ .. . . . . .. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . .. . .
37
Co(m]ment Sainct Cle[m]ent fist faire l'esglise catedale qu'est Sainct
Piere au for dicloisoin ( ?) . .. . . . . . .. .. . . . . . .. . . . . .. . . .. . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . .. . . . •. . .. .. .
38
Prima sedes venie...........................................................................
39
Co[m]ment saint Aultre fust eveque de Metz.....................................
41
De Mons[eigneur] saint Servais........................................................
42
La guerre et destruction des Wandres.... .... .. . ... ...... .. ... . .. .... ... .. . .. . . . . ..
43
L'edification de l'eglise Saint Simphorien.. .. . .. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . .. . . . . . . .
46
Le duc Austrasius donna le nom en la province d'Astrasie.................
47
Co[m]ment la maisons de la haulte pierre et de la pierre hardie
furent faicte......................................... . . . . . . . .. . . . .. .. . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . .
43
De la place la ou on faisoit justice.................................................... eodem
1
Ce sommaire fut ajouté en même temps que la première continuation. TI y retrouve les
quatrains ajoutés. Ce sommaire commence au folio 24.
2
J'ai respecté la mise en forme de l'auteur et ainsi que les majuscules.
43
Co[m]ment la Vowerie de Mets vint a la citez et co[m]ment Nemecy
Baudoche grand almonier on grand moustiez par ung miracle
arguent la maison de l'amosnerie pour ung si grand almosnier a
toujiour mais................................................................................. .
Entre
45
et
49
Du duc Hervis pere a lorrain guerrin [et] Begne de Bellin qu'il eust de
la belle Beautrix............................................................................ ..
49
La fondation sainct Piere aux images dedans le moustier .................. .
52
Quand la grande eglise fust a commancee qu'estoit bien petitte
paravant...................................... .. ... . . . . . . . .. . .. . . . . .. . .. . .. . .. . . . . .. . .. . .. . .. . .. eodem
Quand l'eglise saint Arlout fut faicte ................................................. eodem
Quand Charlemagne fist faire n[ost]re Dame de Rabbay.................... eodem
Quant l'eglise Sainct Saulveur fust faicte........ ... .. .. .. .. . .. . .. . .. . . . . ... .. .. . .. eodem
Quant l'eglise Sainct Vincent fust faicte.... .... ... . . .. .. .. . .. . . .. ... .. . .. . .. . .. . .. . eodem
Quant l'eveque Bertrad establit les Amans........................................
53
Quant le corps de Mons[eigneur] saint Clement fust releve................ eodem
Quant les bannieres on Commung furent ablollies............................ eodem
Quant les templieres furent brusles........... .... ........ .. . .. . ... .. . ......... ... .. eodem
Quant le palais fust fait tout neuf.................................................... eodem
La guerre on Dudelange contre la citez.............................................
54
Quant le roy de Boheme vint a Metz................................................. eodem
Quant l'empereur et l'emperise vinrent a Metz dont la veille de noella
septieme lecon a matine. Il chanta sa couronne assemblee et l'espee
mis en la main................................................................................ eodem
Quant il fallut scavoir la richesse d 'ung ch[asc]un........ .. .. .. .. .... .. .. .. ... eodem
La guerre de Gondrecourt................................................................
55
La guerre de Pierre de Bairre..... ... ........ ...... ... ..................................
eodem
La guerre des Lorrains......................... . . . . . . . .. . . . . . .. .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . ..
56
Quant ceulx de Pierrefort vinrent au Champapanne la veille de
Sainct Sacrement despouiller les dames de Metz............................... eodem
Quant le peuple fust taillez trois fois pour ung an.............................
57
44
Quant les messains gaingerent le chastel de Soigne.......................... eodem
Quant deux gentilz hom[m]es ennemys de la citez furent decapites
devant le grand moustiez................................................................. eodem
Quant il y eust deux amans fm:juges........... .. . ... ... . . . . . . . . . . . ... . .. ... . . . . . .. . eodem
La guerre de sainct Germain............................................................
58
Quant mons[eigneur] saint Barnabez fist la paix entre les s[eigneu]rs
de Mets et l'eveque.......................................................................... eodem
La guerre du roy de Boheme duc de Luxembourg, du duc de Lorraine
du conte de Bar et de l'archevesque de Trieve contre la citez..............
59
Le siege devant Sampigney..... .. . .. . . .. .. . .. . .. . .. ... . .. . .. . .. . . . . .. . .. . ... .. . .. . ... ...
61
La dance de mons[seigneu]r s[ain]ct Jehan Baptiste.......................... eodem
La fondation de notre dame au champ des Ceslestins et de la
chapelle au champasseille.. .. . ... . . . . . . . . . .. . .. ... ... . . . . . . . . . . ... .. .... .. . . . . .. . .. . . . . . eodem
D'ung chanoine du grand moustier qui fut dix ans en prison qu'avoit
tue ung homme..............................................................................
62
Quant la bu lette fust ordonnee........................................................ eodem
Mutte reffondue deux fois pour ung an............................................. eodem
La guerre du duc de Juilliers........... ..... .......... .. . ... .. ............ .... .. ... .... eodem
La guerre de Luttanges et de Hettanges. ........................ ...................
63
La guerre du conte de sainct Paul.................................................... eodem
La guerre des Lorrains et des Allemands..........................................
eodem
Quant le duc de Barre fust prins a ligney.........................................
65
Le duc fist faire l'eglise des Carmes a Mets.......................................
66
La guerre des grans bretons................. .. . . . . . . .. . .. . . . . . . . . . . . .. . . . .. . . .. . . .. . .. . eodem
Institution de la feste sainct Saulveur... ....... ...... .................. ............
67
La guerre des quattres conte............................................................ eodem
La discension du peuple co[n]tre les s[eigneu]rs................................
68
La guerre de Salveme, Nassaue, Salme et de Boullay contre la cite.... eodem
45
D'une alliance qui fust faicte des s[eigneu}rs.. ......... .. .... ..... .......... .. ...
69
Quant on cuyda assailir Mets, escheeller Metz par le meschaille.. .. . . . .
70
La guerre du duc Charles de Lorraine..............................................
74
Quant Hanry de la Tour print le chastel de Mollin............................
75
La guerre de Messire Ferry de Chambley..........................................
eodem
Quant l'eglise des freres Bau de fut faicte et par qui...........................
76
Quant ceulx de Mets furent prinsjus des lorains au Wez le Houtton.. eodem
Co[m]ment apres que les lorrains eurent deffonces les vins au vaul
de Mets furent traictes par ceulx de la citez..................................... eodem
Quant les fonrrains paioie[n]t pour ch[ascu]n sepmaine ung denier...
77
Quant les marchans voulurent trahir la citez par le champ Nemmery. eodem
Une trahison du demesoux de Commercy.........................................
79
Quant les grosses bombardes furent faictes qui soulloient par un
dallain.... ................... ................................................ ...... .. ............
80
Une course faicte par aulcuns allemans........................................... eodem
3
Quant Jaicomin coppe chausse fut noies..........................................
80
4
Quant un capitaine de France vingt loger a Nowiant pour courrir la
terre de Mets..................................................................................
81
Encour de Demoisoux de Co[m]mercy.............................................. eodem
Mutte refondue encour une fois.......................................................
82
Une guerre des allemans................................................................. eodem
Quant Jehan de Chalon print Richart Many.....................................
83
Une guerre des allemans.................................................................
84
Quant ceulx de Mets allerent devant Fleville..................................... eodem
3
L'auteur ajoute ici un signe pour faire comprendre au lecteur que ce qui suit est inscrit dans
la marge.
4
A partir de ce titre, on reprend la lecture dans le corps du texte.
46
La guerre du roy de France Charles Septiesme et du roy de Cecilie.....
85
Quant la porte des allemans fust faicte.. .. . .. . .. . . . . .. . . . . .. . .. . .. . . . . . . . .. . . . . . .. .
86
Quant la croix du Pont des mors fust faicte et qui la fist faire............
87
Quant on renouvella les angevines................................................... eodem
L'entree de l'evesque George de Baudes en Mets...............................
88
La division des chanoines de Mets...................................................
89
Quant on donnait la quarte de vin pour une angevine.......................
91
La guerre du Nicollas de lorraine...................................................... eodem
La guerre de Gratiain Desguerres.....................................................
93
Quant l'empereur Frederich vint a Metz............................................
94
Quant le Chastel de Pantois fust prin s............................................. eodem
La guerre de Richemons................................ .. . . . . . . . . . . . . .. . . . .. .. . . . . .. . . . . . eodem
Quant le clochier de Mutte fust faict de pierre...................................
95
La guerre du duc Regnez de Lorraine...............................................
eodem
Quant furent co[m]mences les trois cœur de la grande eglise.............
96
Quant l'empereur Maximilian fust loges en passetemps. ... . . .. . .. .. . ... . . .. eodem
Le co[m]mencement de Jehan de Landremont...................................
98
La guerre de Franciscus....................... .. ....... .................. ... .............
100
Quant la duchesse de lorraine vint a Metz loger en passetemps et le
duc passa par dessus le pont Thieffroy allant loger a Mollin a leur
rentrans de S[ain]cte Barbe.............................................................
102
Quant la maison de gommendeur de Gorze fust pillez.......................
103
Quant le Roy François fut devant Pavie...........................................
105
5
Quant le jube du gra[n]d moustiez fust faict.....................................
106
Quant tous les portiers furent rechangies................ .... .. ... .... . . . . .. .. . ... eodem
5
L'étude du manuscrit 848, s'arrête ici pour la période étudiée. La suite fait l'objet de la
continuation.
47
Quant abbatant les jardins devant les portes ................................... .
eodem
Quant l'ouvraige devant la porte aux allemans et le pont Reingmont
fust faict . . .. . .. . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . .. . . . . . . . . .. .. . . . .. . . .. . . . . . . . . . . .. eodem
Entre
D'ung cerf qui entrist par dessoubz les haires on moyen pont en 1o6 et
Mets.............................................................................................
107
Quant le marquis de Baudes espousa en passe temps......................
107
Quant le tabernacle fust faict dessus le grand autel du grand
moustiez. .... .. . . .. .. . . . . .. .......... ... .. . .. . .. . .. . . . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .... . . ... . . . ...........
108
De la niche du grand moustier......................................................... eodem
Combien l'on voullent de Mets d'icelle anviche ( ?)............................
109
La premiere fois que l'empereur Charles cinquieme entrist en Mets....
110
Du s[eigneu]r Martin de Hen.. .. ... . ...... .. .. .. .. . .. ... .. . ... ... ... . .... . . .. . .. . .......
111
Du s[eigneu]r Claude Baudoiche......................................................
112
Quant le tresorier de Metz fust esleu doien de la grand eglise par la
mort de Jehan Baudoiche.. .. ... ... ... ... . ... .. . .. . ... ......... ... ... . . ......... ... . ... . eodem
Co[m]ment le dict doiennez vacquit encour une fois et de l'election
faicte alors.....................................................................................
113
Quant les protestans envoyerent leur ambassade a Metz................... eodem
Du maistre eschevin lors Gaspar de Heu..........................................
114
Du s(eigneu]r Androyn Roucel.........................................................
115
48
<<
Les croniqz de la cité de Mets depuis le co[m]mencement de la fondacion et
de quelz gentz elle fuit enco[m]mencié et en quelz tempz »
[1]
Dieu soit a mon com(m]encement
Et la vierge secondement
Tous saincts et saintes [et] to[us] les anges
En aient toux gloire [et] louvenges
[2]
Adam 6 qui fuit le premier hom[m]e
Nous dampna tous po[ur] une pom[m]e
Mangee en paradis terrestre
Et ne pooit que de terre estre.
[3]
Pour son péchiez tout fuit perilz
Subges d'estre en terre pourvis
Et tous a la mort condempnez
Tant que sont d'Eve 7 [et] d'Adam nez
[4]
Tant furent malvais lez humains
Malvais avant pirex demains
Usant de pechiesz en pechiesz
Que Dieu lez fist tous despeschiez
[5]
Quant Dieu heust sentence rendue
D'estre destruitte [et] confondue
Nature et toutz humain lignaiges
Il reserva huictz parsonnaiges
6
Gen. (/, 3), (II, 4-25).
7
Gen. (Ill, 20).
49
{6]
Noe s sa fem[m)e (et] ses trois filz
Et leurs trois fem[m]es [et] puis il fit
Une arche pour estre a refuge
Au passer l'horible deluge
{7]
Tout le resta gens desvoyez
De raison furent tous noyez
Ainsy l'avait Dieu ottroyez
Que le lieu en fuit nettoyez
[8]
Apres la grand destruction
D'humaine generacion
Noe fist restauracion
En grand painne [et] affliction
[9]
Le bon Noe tant Dieu pria
Que son puple multiplia 9
Qu'ava(n]t sa mort il vit la som[m]e
De vinte quatre cent milz hom[m}e
[10]
Ses anffans po[ur} Dieu deffier
Com[m)encerent a ediffier
Une tour magnifficq{ue) [et] belle
Et fuit nommee Tour Babel to
8
Gen. (V, 28-32,6,9-22). Noé est fils de Lamech et petit-fils de Mathusalem. TI est compté
parmi les dix patriarches antédiluviens. Dieu lui fit connaître son dessin de châtier les
coupables et lui ordonna de construire une arche. Elle devait être, durant le déluge, un lieu de
refuge pour lui, sa famille et les animaux qui seraient épargnés; Dict. de la Bible. L'auteur
rattache les origines messines aux temps bibliques.
9
Nous descendons tous de Noé, seul survivant du déluge avec ses fils. Le caractère sacré des
textes ne permet pas de mettre en doute ces affirmations. Les ancêtres des Grecs et des Latins
sont eux aussi des descendants de Noé qui ont camouflé sous des surnoms leur véritable
identité; DUBOIS, Celtes et Gaulois au XV/ème siècle, p. 23-24.
10
Gen. (XI, 1-9), Selon la Bible, après le Déluge, les hommes parlaient une langue unique et
vivaient groupés dans la terre de Sennaar, en Babylone. lls voulaient bâtir une ville avec une
tour dont le faîte irait jusqu'aux cieux. Mais cette entreprise déplut à Dieu qui confondit leur
langue, puis les dispersa sur la surface de la terre; Dict de la Bible. On trouve dans la
Chronique de Philippe de Vigneulles, t. I, p. 9, que Dieu confondit les langues« en l'an du
monde /730 ».
50
[11]
Avant que celle tour fuit faicte
Leurs langues fure[n]t contreffaicte
Que l'un l'aultre point n'entendoit
S'il donnoit ou s'il demandoit
[12]
Par rigueur tout appertement
Prindrent tous leurs desparteme[n]t
En allant par grand legions
Tous en estranges regions
[13]
Adam [et] Noe qui fist l'arche
Abraham 11 [et] lez patriarches
Et tous lez aultres anciens peres
Ont veu merveille sur la terre
[14]
Apres celle division
Partire[n]t par conclusion
De celle tour de Babillonne
Quatres tres nottanbles 12 parson[n]es
[15]
La premiere estoit une fem[m]e
Fille de Noe sueur de Sem
Et du dis Sem trois seigneurs
Tous trois ses filz digne d'honneurs
[16]
Celle dame heust nom Azita
Que ses trois nepveu visita
Le premier fuit nom[m)ez Geleth
L'aultre Jazelle tier Zelech, 1a
11
Gen. (XI, XII, XIV) descendant de Sem dont il est séparé par dix générations, il est le père
des Hébreux; Dict de la Bible.
12
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz a repris dans les annales messines le passage de
la venue des quatre notables personnes d'origine biblique qui viennent de Babylone. Tous les
auteurs qui ont écrit une histoire de Metz pendant la période de 1515 et 1530 évoquent les
origines bibliques de Metz; CHAZAN, Frontières (?),p. 208.
13
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz semble avoir trouvé des informations
concernant Azita et ses trois neveux: Geleth, Jazel et Zelech dans une source aussi utilisée
par l'auteur de la chronique anonyme du XYlème siècle dont Prost dans Les Légendes, p. 445,
a restitué quelques passages; CHAZAN, Frontières (?),p. 208.
51
[17]
Ses quatres prompts [et] diligens
Acompagniez de maintes gents
Se myrent en chemin et envoye
Come[n]t Dieu ses amis convoye
[18]
Tant chemineent par le monde
Par terre par eaue et par undes
Qu'il reposerent en ung lieux
Qui puis fuit nommes Mons des dieux
[19]
Tous se partirent en ung tempz
En travaillant dix septs ans
Par le monde en pluseurs propos
Sans trouver aise ne repos
[20]
Tant cheminerent monts [et] valz
Estez yvers [et] froyt [et] chault
Qu'ilz se trouverent en une place
Dieu les y trasmist de sa grace
[21]
La aresterent en bon propos
14
A grant salas et a repos
Menant petitte menandie
Et maints batus de maladie
14
Le nom de Mont des Dieux que les neveux d' Azita donnent à leur nouvelle cité renvoie au
nom de Dividunum que des nouveaux venus donnent à la cité au quatrain 44, v.4, «La cité de
devis d'ung hom[m]e 1 suit nommée Dividunum ». C'est au X.Ième siècle, pour la première
fois dans son Eloge de la ville de Metz, que Sigebert de Gembloux donne ce nom de
Dividunum à la ville. Il indique l'étymologie du nom en expliquant que dans la langue
gauloise Dunum signifiait: Mont. Il compare ce nom avec d'autres, notamment celui
d'Autun, qui devait se nommer Augustidunum et qui signifiait en langue celtique le Mont
d'Auguste. Dividunum devient alors le Mont des Dieux. Dans l'Antiquité, la cité avait un
nom peu différent: celui de Divodurum. Ce nom est évoqué par Tacite (Hist., 1, 63, p. 50) et
il figure aussi dans les différentes cartes d'itinéraires du IDème siècle, notamment l'Itinéraire
d'Antonin qui a été copié à Metz dans la première moitié du X.Ième siècle. Sigebert de
Gembloux a peut être eu la possibilité d'accéder à ce manuscrit. Toutefois, il n'évoque pas le
nom de Divodurum, mais bien le nom de Dividunum. Cette altération est peut être de son fait~
CHAZAN, «L'Eloge de la ville de Metz», p. 449, 450. Cette interprétation s'est par la suite
retrouvée dans la Chronique française des évêques de Metz qui fut traduite en langue vulgaire
au X:Vème siècle et servit de source aux différents auteurs qui rédigèrent l'histoire de Metz à
la fin du XVème siècle : « Premierement elle fut appelle Dividum cest a dire cite dedans pour
ce quelles haultes de murs de tours et de ediffices. »,Metz, BM 855 f> 212, c. 3.
52
{22]
La trouvere[n]t sy tres doulx aire
Fruits de bon goustz [et] debo[n]naire
lasserent desolacion
Et prindrent consolacion
[23]
En devisant la leur estaige
Disant vecy beau heritaige
Pour nourrir vendenges [et] moisson
Et bonne riviere a poissons
[24]
Et trouvere[n]t encor d'ava[n]taige
Beau champ beau boix [et] bon fruictaige
Pour nourrir char [et] bestes alainne
Belle montaignes [et] belles plainne 15
[25]
A Dieu firent le[ur) sacriffice
En com[m)anssa[n]t beaux ediffices
De pluseurs noms [et] puis apres
Maintenant est nommee Mets 16
[26]
Ses trois seigneurs [et] celle dame
Encom[m]encere[n]t en cellui terme
La noble edifficacion
De Mets et la fondacion
ts Dans sa Chronique, t. 1, p. 9, Philippe de Vigneulles décrit la région ainsi : «Considérant
plusieurs lieux, resgardant de touttes part les bas, les vallées, les montées et descendus des
costes et la haulteur des montaignes, vindrent en une montaigne essés belle et hau/te et plaine
de boix, pourtant fleurs et fruits, fréquentée des oyzeaulx, couverte de aer attrempée, moderée
et plaisante, bien et biau environnée diviséement de deux rivières venant de midi et
d'orient ... ».
16
La cité de Metz est citée dans les textes antiques. Elle est mentionnée pour la première fois
dans un écrit de Tacite (Hist. ; I; 63 ; 1), qui l'évoque à l'occasion de troubles qui se sont
déroulés dans les années 68-70 ; GAUTH1ER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule,
p.39.
53
[27]
Ilz firent premier troys chasteaux 17
L'ung apres l'aultre sy tres beaux
Qu'il n'y avoit sens nulles faulte
Chose en 1'ung qui ne fuit en l'aultre
[28}
Quant ses trois chasteaulx fure[n]t fais
A leur voulloir fort [et] parfait
Plus riches estoie[n]t a leurs calme
Qu'on n'este maintenant du royalme
[29]
Lors Azitha la noble Dame
Leur dit mes anffa[n]s p[ar] vos ames
Je vous ay servis servez moy
Chescun est au monde pour soy
[30]
Tous respondire[n]t d'ung acord
Vous estes n[ot]re reconfort
Tout vostre voulloir nous ferons
Commandez [et] nous servirons
[31]
Par son voulloir tres difficile
Plain de gra[n]t sens artifficile
Fist commencier œuvre mirable
De grant puissance innumerable
1s
17
Les fils de Sem construisent à Metz trois châteaux, dont on prétendait, longtemps après,
retrouver leurs traces dans les ruines qu'on observait au sommet de la montagne de Jurue. Ces
ruines se trouvaient en un lieu occupé par la cour de l'évêque, et un peu plus bas, dans une
antique maison des chevaliers de saint Jean, construite sur un escarpement qui dominait le
cours de la Moselle. On accédait à ces trois emplacements par la maison des carmélites, près
de la place sainte Croix, par le marché couvert et par l'îlot de maisons qui domine l'abreuvoir
de sainte Marie; PROST, les Légendes, p.123.
18
Dans sa Chronique, t. I, p. 8; Philippe de Vigneulles donne la date de la construction de la
première enceinte de Metz. Elle correspond à la construction des trois châteaux de
Mommélians. Cette construction selon le décompte du chroniqueur aurait eu lieu en l'an du
monde 2659, soit 417 ans après le déluge. L'auteur des Chroniques de la cité de Metz donne
aussi la date de 2659 au q0 41 v0 3 et 4. Mais cette date correspond à la fondation de Metz et
non pas à celle de la construction des trois châteaux.
54
[32]
Celle notanble damoiselle
Fist faire ung pont dessus Muzelle
De sy tres grant magnifficence
Qu'il valloit d'un roy la puissance
19
[33]
Ce pont fuit de montaignes a aultres
Sur forts arches molt grosses [et) haultes
De la longueur tant qu'elle dure
Chescun en puet voir la mesure
[34]
Quant son œuvre vit aschevee
Et ses arches haulte eslevee
Dit j'ay de mon voulloir joy
Et dit ons les arches a Joye
[35]
Et ceste edifficacion
Fist pour la dubitacion
Du deluge craindreme[n)t revenir
Du quel doit ch[ac)un souvenir 2°
19
Ce sont les Arches de Jouy. Celles-ci subsistent encore, en partie près du village du même
nom. Les magnifiques arcades, semblables aux débris d'un pont gigantesque, durent
naturellement, au moyen âge, exciter l'imagination des gens qui pouvaient ignorer leur
première destination. La tradition de leur origine romaine existait cependant ; PROST, les
Légendes, p. 123.
20
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz n'est pas le seul à évoquer la peur que les gens
d' Azita avaient de voir revenir le déluge. Philippe de Vigneulles évoque lui aussi dans sa
Chronique; t. I, p. 12; cette légende: «Craignant que le déluge ne advenist encor, pour
resister à l 'innundacion des eaues et pour passer seurement et sechement des montaignes en
montaigne, fist construire de grant pierres de haultes arches ».
55
[36]
Noel fuit susnommez Galus 21
Et de lui vinte Galatus 22
En Gaule print son second nom
Dygne pais de grant renom 23
[37]
Samothee d'Europe fuit roy 24
A mis que fut onquez charrez ni charroys
Ne charue ne moulin ne four
En Europe regna son tour
[38]
Mais avant que fuit Samothee
Estoit jay la cite de Mets
Dicte alors Dyvidorum
Gouverne de nobles hom[m)es
[39]
De la grace du Sainct espit
~
sn
livres escript
s op1n1ons des
f s a
Corrigiez desoubz la rouette
tremr nw 'liWVI:
21
Selon l'interprétation des écrivains du XVIème siècle, le prenùer d'entre les hommes qui
eut le nom de Gallus, fut le patriarche Noé qui surmonta les ondes durant le déluge. Tous
ceux qui sont issus de lui peuvent être nommés Gaulois. La France est dite Gaule, car le .
prenùer roi gaulois est Dis Samothés et il descend de Noé ; DUBOIS, Celtes et Gaulois au
XYlème siècle, p 97.
22
Selon Jean Lemaire de Belges, Galateus est le fils d'Hercule Lybien et roi des Gaules; Id,
p. 98.
23
Les quatrains n° 36, 37 et 38 ont été écrits en bas du folio 4. L'écriture est petite et difficile
à lire. J'ai numéroté les quatrains de cette manière parce que c'est ainsi que tous les copistes
les ont intégrés dans les autres manuscrits étudiés. Cette manière de faire se retrouvera par la
suite à plusieurs reprises. L'auteur a certainement ajouté postérieurement ces quatrains
pendant l'écriture du manuscrit. Il a dû le faire à chaque fois qu'il trouvait de nouveaux
renseignements sur les thèmes évoqués. Cette manière de faire permet de penser que ce
manuscrit est en quelque sorte un brouillon, comme cela a été évoqué dans l'introduction.
24
Samothés appelé aussi Saturne ou Dis, enseigna les bonnes lettres, ainsi que la religion aux
Gaulois en utilisant la langue qui plus tard s'appellera le Grec; DUBOIS, Celtes et Gaulois au
XVIème siècle, p. 50. Selon Jean Lemaire de Belge, la Gaule est peuplée dès l'origine par le
peuple de Samothés. Dans son livre : Les Illustrations de Gaule et singularités de Troie les
Gaulois sont les ancêtres des Troyens. Ce remaniement permet aussi de relier les Gaulois aux
origines bibliques. Jean Lemaire de Belge assure un lien entre deux traditions rivales l'une
laïque et troyenne et l'autre chrétienne et davidique; BEAUNE, Naissance de la nation France,
p. 37.
56
[40]
Ceulx li ont escript lez vray termes
Et apres leurs dit je m'afferme
On lieu de plus certainnes hystoire
En escripre ung peu de memoire 2 5
[41]
Selons les termes poetticq(ue]
Mets est sy vielle [et} sy anticqz
L'an du monde vint six cents
Cinquante nueufz fuit co(m]a[n]sant 2 6
[42]
Ce fuit apres le grant deluge
Ainsy que l 'Escripture juge
Quatrecens (et] dix septs ans
Fuit commencee en cellui tempz
[43]
Or retournons au parsonaiges
De nos gens [et] de leur ouvraiges
C'estoient curieuses gents
De labourer fort diligents
[44]
En leur edifficacion
En grant multiplicacion
Assemblerent, se dit la lettre,
Qu'il ne scavoie(n]t ou le[ur]s biens mettre
25
La recherche des origines est chère aux écrivains du XVIème siècle. Elle est liée à un
besoin de s'orienter dans le temps comme on s'oriente dans l'espace; DUBOIS, Celtes et
Gaulois au XVlème siècle, p. 19-20. L'auteur fait référence à ce souci qu'ont les écrivains du
XVIème siècle de découvrir leurs origines. Ces dernières permettent d'expliquer le destin de
la cité.
26
Sur la date de la fondation de Metz, chaque auteur donne sa version. Cette date s'établit
d'après celle de la création du monde. Dans sa Chronique, t. I, p. 4, Philippe de Vigneulles
nous décrit les sept âges du Monde. A partir de ces différents âges, les auteurs procèdent
chacun à leur propre décompte. L'auteur des Chroniques de la cité de Metz donne la date
suivante à la fondation de Metz : 2659. Philippe de Vigneulles calcule de manière différente.
Pour lui, Azita est arrivée sur le sol messin en l'an 1787. Antoine Esch ne donne pas la date
de la fondation de la cité, mais celle de la construction de la première enceinte de la ville qui
aurait eu lieu en 2067. Il parle aussi de l'arrivée de quatre héros, lesquels construisirent trois
châteaux. La Chronique anofl)'11'1e du XVlème siècle donne deux dates pour la fondation de la
ville parce que les calculs sont établis de manière différente. 93 5 après la création du monde
ou 2659 d'après les interprètes; PROST, les Légendes, p. 445.
57
[45]
Se leur survint ge[n]ts estrangiers 2 7
Demanda[n]t avec eulx lagier
Lesquelz benignement receuprent
Et ensambles leurs amis furent
[46]
Par peu de lieux necessitez
Fuit de ragrandir la cite
La firent ragrandir [et] doire
Asseurez furent com[m]e en gloire
[47]
Ces nobles noveaulx survenus
Quant ensambles fure(n]t co[n]gneus
La cite du devis 2s d'ung hom(m]e
Fuit nommee Dividunum 29
Longo Dividunum precessit tempore Roman ao
27
Dans sa Chronique, t. I, p. 10, Philippe de Vigneulles donne les noms des étrangers qui sont
au nombre de quatre et se nomment ainsi : « Cérébés, Mèfrès, 1hémosis et Horus ».
28
Dans sa Chronique, t. I, p. 50, Philippe de Vigneulles évoque le fait que saint Clément avait
établi l'église Sainte-Croix, il ajoute «lequel lieu estoit là où anciennement adoroeint les
ydolles. Pour ce que le glorieux luy preschant en ce lieu qui est le mont des Dieux où ce
adoraoit Jovis ».
29
Ce nom de la cité aurait selon ce qui est écrit au quatrain 18, la signification suivante : Le
Mont des Dieux. Rappelons que l'étymologie est une des grandes « passions » du Moyen
Age. Connaître l'origine du nom, c'était comprendre d'où il venait et surtout ce qui allait
advenir de lui. Comme si le nom portait en lui toute la destinée d'une cité ou d'un peuple;
GUENEE, Histoire et culture historique, p. 184, 191.
30
Les citations en latin doivent être reprises. L'auteur ne maîtrise pas cette langue et recopie
en faisant des fautes. Il faut lire «Longo Dividunum pr~dit tempore Romam ». Philippe de
Vigneulles donne aussi ces citations dans sa Chronique. Comme il ne connaît pas le latin, il
s'est fait traduire ces citations.
58
[48]
Et pour lez sorvenans moins craindre
La firent de muraille cendre 31
Tout alentour fors ung quartier
Pour ragrandir qua[n]t sera mestier
[49]
Pour l'oeuvre plus magniffier
Firent une tour edifiiez
Ung piller on fond de la tour
Et escriptz de lettre alentour
[50]
D'or estait l'escript magnifficq[ue]
En lettre latine [et] anticq[ue]
En intencion actuelle
De memoire perpetuelle
Hec est soructura nobilium
que processu temporis defficiente
justicia convertitur ad innobilles 32
[51]
Et puis quant le[ur] cite fuit cloze
Les noms donnere[n]t a plus[ieur]s choses
Chescune selons sa matiere
Premierement au deux rivieres
31
Bien qu'il soit difficile de déterminer la date de construction des premiers remparts, on peut
estimer que cette dernière survint après le milieu du Illème siècle. Son tracé aujourd'hui est à
peu près assuré. Il englobait la butte Nord, utilisait le mur extérieur des thermes du musée
(quartier sainte-Croix), il suivait à l'Est le trajet dont la rue des murs a conservé le souvenir.
On le retrouvait en Fournirue. Il passait aussi à l'emplacement du parking souterrain du
Centre Saint-Jacques. Il continuait parallèlement à la place Saint-Louis. Les maisons à l'Ouest
de cette place sont adossées au mur antique. Le mur rejoignait le chœur de Saint-Martin et se
retrouvait vers le Tour Camoufle d'où il tournait vers l'Ouest pour rejoindre la Tour d'Enfer.
De là, il remontait vers le Nord en suivant la ligne du relief qui surplombe la Moselle,
englobant la basilique Saint-Pierre-aux-Nonnains et l'actuel Palais de Justice. Le petit
amphithéâtre devait certainement faire partie du système défensif Cela suppose que l'église
Saint-Victor était au départ hors des murs ainsi que la place de Chambre. Cette enceinte
enserrant 70 ha environ, fut édifiée grâce, entre autre, à la réutilisation des matériaux
provenant du grand amphithéâtre. Cette constatation permet de penser que cet édifice avait
cessé d'être utilisé pour les jeux; GAumiER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule,
p. 40.
« Haec est structura nobilium quae deficienfÙ,lstitia conv~etur ad innobiles » ;
Tabouillot, Histoire de Metz, p. 15.
32
59
[52]
Car Mouzelle de sa nature
Entre mons courtz ta[n]t q[u'e)lle dure
Et pour lez monts la cause est celle
Pour quoy heust le nom de Monzelle
[53]
L'aultre riviere dont elle sourde
Est tousiours lente coye [et] sourde
Et court tant par eaulle sallee
Pour le sai fuit Salle appelee, 33
[54]
Apres plusie[ur]s noms raisonnanbles
Consequem[m)e[n]t bien convenanble
Ordonnement par droitture
Chescun nom selons sa nature
33
La Moselle et la Seille étaient toutes deux navigables et elles permettaient la circulation
privilégiée de marchandises. Le port de la Seille a donné naissance au faubourg de Port-Sailly
qui donna son nom à l'un des paraiges; GAUIHIER., Topographie Chrétienne des cités de la
Gaule, p. 40. Dans sa Chronique, t. I, p. 11, Philippe de Vigneulles écrit au sujet de la Seille
« Et l 'aultre venant de devers Oriant, fut par eu/x appelée Saille, pour cause que celle partie
d'yawes vient de saline et yawes sallées. La région du Saulnois était riche en sel et les
évêques de Metz étaient détenteurs d'une partie des salines. Du Saulnois, une partie du
commerce s'orientait vers Metz. La Seille et la route romaine se partageaient le trafic. Les
évêques payaient des redevances en sel aux maîtres-échevins. Les établissements
ecclésiastiques qui possédaient un excédent de sel, 1' écoulaient sur le marché de Metz. Les
transactions se faisaient en Saulnerie qui bordait la rive de la Seille. Le long de la HauteSaulnerie, on avait creusé des caves dans la pente qui dominait le cours d'eau. Les richesses
minières du Saulnois servaient au XIVème siècle à donner des gages aux financiers messins
qui tentèrent d'attirer à eux les produits des salines épiscopales. Cela fut possible grâce à
l'endettement des évêques; SCHNEIDER, La ville de Metz au XIII et X!Vème siècles, p. 219,
220.
60
[55]
Apres cellui tempz longue espace
Enssy qui tempz [et] terme passe
Sorvinrent cincq estrangers seigneurs 34
Que leurs firent tres grant rigueurs
[56]
Ses cincq seigne[ur]s sans congiez
Voulloie[n]t en la cite logiez
Et avoir le lieu d'avantage
Com(m]e sur leurs propre heritaige
[57]
Premier Eneas (et] Ancus
Silvius (et] Ascanius
Carpentus qui sont noms salvaiges
En nostre robuste langaige
La premier guerre q[ue) fuit org[anisee] co(n]tre la cite de Mets
[58]
La cite estoit jay fermee
Et de murailles environnee
Fors ung lieu fermez de pallis
Par ce lieu furent assaillis
34
Ces étrangères sont au nombre de quatre dans l'Epitome d'Antoine Esch. En revanche, dans
la Chronique anonyme du XV/ème siècle éditée par Prost «Les légendes», p. 453, on compte
neuf personnages : « Desquelx nobles en y eust neuf principault riches et puissant qui par
leurs puissances et richesses augmentèrent fort la cité, et se nommoit assavoir le dit Serpanus
et son frère Léopardus, Baudocius, Reguillonus, Grona/dus Mélandus, Do/bus, Aurénus et
Chaversonus ». Ces neuf personnages sont aussi évoqués dans les Chroniques de la cité de
Metz, mais l'auteur les évoque plus tardivement: à partir du quatrain 136. Dans sa Chronique,
t. 1, p. 13, Philippe de Vigneulles relate l'arrivée de nouveaux personnages. Il date cette
arrivée de l'an 3106. Ils sont au nombre de cinq et sont chevaliers de trois nations, c'est à dire
les« Ehreux, Egipciens et Allemans». Ce fait est évoqué par l'auteur des Chroniques de la
Cité de Metz au quatrain 63. Philippe de Vigneulles nomme ces étrangers ainsi : « Eneas,
Astanius, Silvius, Carpantus et ancus». Pour lui, il s'agit de la deuxième arrivée de Troyens.
Dans les différentes chroniques, ces personnages représentent les premières vagues d'arrivée
des Troyens sur le sol gaulois. Cette présence des Troyens est donc très ancienne. Les Gaulois
sont alors rattachés aux Troyens et tout aussi vénérables que les Romains ou les Grecs. Ce ne
sont plus seulement des ancêtres vaincus par Jules César.
61
Ycelle assallie fuit faicte en la rue qu'on dit Force faicte et pour ce en port le
nom.
[59]
Mais des citoyens redoubtez
Furent rudeme[n]t rebouttez
Neantmoin d'estocq[ue) [et) de taille
Y heust tres cruelle battaille
[60]
La y heust si mortelle enco[m)bre
Que de chescu[n] morrut g[ra)nt no[m)bre
Et apres quant firent retraitte
Ce lieu heust a nom Force faicte
[61]
Ses estrangier dirent en despit
Nous prandrons dilas [et] respit
Et ediffiicerons pour nous
Et temporisons com[m]e vous
[62]
Ung chasteau frrent ver mydy
Ainsy com[m]e Hz avoient dit
Tout pres [et] pour sçavoir le signe
L'esglise est de saincte Glossine ss
35
Ce château fut construit sur l'emplacement occupé plus tard par l'abbaye de Sainte
Glossinde ; PROST, les Légendes, p.l26. Sainte-Glossinde est considérée comme l'une des
fondations monastiques les plus anciennes. C'est vers 604 que Glossine, fille du duc Vintron
établit une abbaye à l'angle sud-est de la muraille romaine, à l'intérieur de la ville, «un pieux
asile qui fut bientôt peuplé de cent vierges consacrées à Dieu ». Cette fondation a lieu sur un
bien familial. La vie de la sainte nous est connue par deux Vitae. La première anonyme, aurait
été composée peu de temps après la mort de l'évêque Wala à la bataille de Remich en 882. La
deuxième Vita est plus littéraire et plus élaborée. Elle est due à Jean, Abbé de Saint-Arnoul de
Metz au Xème siècle. L'essentiel de la vie de la sainte telle qu'elle se déroule dans les deux
biographies fait référence à un sentiment religieux proche de la ferveur et à une situation
politique particulièrement agitée, puisque c'est l'époque durant laquelle les rois mérovingiens
de Neustrie a.fl.Tontent leurs rivaux d'Austrasie. Jean de Saint-Arnoul insiste sur la noblesse
des origines de la sainte. Cette dernière meurt le 25 juillet 610. Elle est ensevelie à l'église des
Saints Apôtres qui devient plus tard Saint-Arnoul. Vers 836-840, l'évêque Drogon fit
transférer ses reliques dans l'église même de l'abbaye. Au printemps 1473, la ville est
menacée par les Lorrains. On fit alors abattre « toutes les maisons et édifices du monastères
qui touchaient aux murailles de la cité » ; FRAY, Le temporel de 1'abbaye bénédictine de
Sainte-G/ossinde de Metz, p 10 à 15.
62
[63]
Tout pres firent leur mendon
Gens de diverses nacions
Hebreeux Egipciens Allemens
En rengnant tous egallement
[64]
Ces cincq seigne[u]r ta[n]t terribles
Devindrent apres sy passibles
Que tout fuit en paix remis
Et furent au citoyens amis
[65]
Des Hebreux natifz de Heber
Vint ung anffant no[m]mez Treber
Et de Treber Trebetha
Qu'an fonder Trieuve s'appresta
[66]
Trebetha par penne [et] aham
En l'an sixieme D'Abraham
Aincy que l'escripture preuve
Commansa a construire Trieuve 36
[67}
Ses anciens parrans [et] amis
Furenr extrais de Semiraimis 37
Dame [et] royne instituee
De Babillonne ou fuit tuee
36
D'après la Chronique de Philippe de Vigneulles, t. 1, p. 8, Trèves fut fondée au temps
d'Abraham, par Tréber venant de Dividunum, selon les auteurs en 525 après la fondation de
Babel, 13 ans avant la construction de Rome et 1825 ans après la fondation de la cité de Metz.
Selon Philippe de Vigneulles, cela correspond à 3404 ans après l'an du monde. Mais, p. 13,
t. 1, il ajoute que Tréber descendait de ces cinq seigneurs qui étaient venus assiéger Metz
(quatrain 57) et que Treber était aussi allemand. Philippe de Vigneulles ajoute une autre
version, dans sa chronique. Celle-ci lui vient de Jean Lemaire De Belges qui selon lui veut
que Ninus, fils de Jupiter Belus ait eu un fils d'une femme nommée Trebeta. Ce fils aurait dû
régner sur Babylone, mais la reine Sémiramis le chassa. Treber se retrouva en Gaule Belgique
et fonda la ville de Trèves. D semble que cette version soit privilégiée par l'auteur des
Chroniques de la cité de Metz.
37
L'auteur peut se référer à cette souveraine babylonienne grâce aux récits de Jean Lemaire
de Belge qui reprend les écrits d' Annius de Viterbe ; GUENEE, Histoire et culture historique,
p. 139.
63
[68]
De leur rengne fuit blanc on grix
Yssit ung filz nofm]mez Theugrix
Que prist de finance gr[an]t nombre
Et alla ediffier Thongre 38
[69]
Thongrix fuit filz de Torgolus
Torgolus fuit fil de Troyens
Troyens fuit filz d'Hector second
Dessendus de Cambulacion 39
[70]
La cité fist (et] ordonna
Et Thongre son nom lui donna
Par lui fuit la cité instruite
Et par ung aultre fuit destruite
[71]
Revenons a n[ost]re cité
Que son honne(ur] soit recité
Commencee fuit nobleme(n)t
Et noble addes conseque(m]me[n]t
[72]
Ensuivant g[ra]nt succession
Gens nobles de gra[n]t nacion
Firent grant œuvre magnifeste
Dont on doit sollempniser feste
38
Tongres était une ville belge de la province du Limbourg, au Nord-Ouest de Liège, C'était
une des plus anciennes cités du pays. L'évêque de Cologne, saint Materne, y aurait fondé un
évêché. Plus tard, pour des raisons de sécurité, l'évêché fut transféré d'abord à Maastricht et
ensuite à Liège; Id, p. 176.
39
Ce quatrain est écrit dans la marge droite. Une flèche permet de le situer dans le corps du
texte.
64
Quant le pont Raymon fuit faict
[73]
Ung hom[m]e noble de renom
Fist [et] fonda le pont Raymon
Et la rue qu'encor y est
Qu'on dit la grant rue Ayeste
40
[74]
Ayeste en leur construction
Est entendue adonction
Motee avant la cite
Qu'estoit de grand necessite
[75]
Raymondus de son voulloir
Le fist faire [et] de son avoir
Raymondus avoit a nom
Et son nom lui donna Raymon
[76}
En cellui tempz avoit des hom[m]es
En la cite riche a grant som[m)e
Qui firent edifiez tout nueuf
Des Ayeste 41 jusque a voisingnueufz 42
40
Le pont Remond, qui existait encore au XVIème siècle, est représenté à l'époque de PROST,
par le pont de la porte sainte Barbe à l'arsenal ; PRosT, les Légendes, p.l26. On a quelque
raison de croire qu'antérieurement déjà, le passage de la Seille avait été assuré par la
construction du pont Remond Ce pont devait être plus facile à atteindre que le pont de la
Moselle. Il se trouvait sur la ligne de parcours de la voie romaine qui en se maintenant
toujours sur la rive droite de la Moselle, venait de Scarpone, passait par Metz et se dirigeait
vers Trèves; PRosT, les Légendes, p.143. Grégoire de Tours, dans sa Vita de saint Martin,
indique qu'il existait un pont sur la Moselle. A proximité du pont devait se trouver le Portus
mentionné par le cartulaire de Gorze au IXème siècle; GAUIHIER, Topographie Chrétienne
des cités de la Gaule, p.41.
41
C'est certainement entre l'époque à laquelle appartient la première enceinte et celle qui a vu
s'élever la seconde, qu'il convient de placer la formation des quartiers d' Ayest (actuellement
la place Saint-Louis). Ayest (Aggestus) était au pied de la colline, dominée par la porte
Moselle. Il se trouvait dans l'espace resté libre entre cette porte et la Seille, que franchissait à
cet endroit le pont Remond ; GAUTHIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p.41.
42
Le quartier de Vésigneul se trouvait entre l'enceinte et la Seille de l'époque. Il était déjà
habité au VIIIème siècle ; GAUTHIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p.41. Sa
construction, ainsi que celle du Champ à Seille, s'effectua avant la construction de la
deuxième enceinte de la ville. Vésigneuf est occupé aujourd'hui par l'Arsenal. Vesigneuf
(Vicus Novus) était entre la Porte-Sailly et la porte du Champ et le Neufbourg (Novum
Burgum) était établi le long des murs, entre la Porte du Champ et la porte des Curtis, avec un
prolongement vers le sud dans la campagne ; le Champ à Seille avec les maisons du
Neufbourg, s'étendait jusqu'à la rivière. Les quartiers de Neufbourg et du Vésigneuf devaient
être peuplés avant l'époque où leur territoire fut réuni à la ville, par la construction de la
65
[77]
Une foys en jocondict
Ung des seigneur de la cite
Leurs dit bien viegniez voisin neuf
Que avez adjoncqs vielz a nieufz
[78]
Par ce mot voisingneufz 43 ot nom
Ne depuis n'en perdit le nom
Jay fuit que pas n'estait estrainge
Et depuis y furent les chainges
[79]
Apres la vie vient la mort
Qui est ung commun reconfort
Ces gens laisserent dez mainbour
Qui frrent faire le Nueufbourg 44
{80]
Au plus hault lieu de la cité
Y estoit ung piller planté
Et sur ce piller une ydole
De Jupiter estoit le[ur) mole
seconde enceinte. On ne peut pas assigner de date absolue à la fortification de ces deux
quartiers, ni à leur incorporation dans la cité. On peut donner leur origine, par rapport à la
construction des deux enceintes; PROST, les Légendes, p.143. Vésigneul est un des premiers
bourgs marchands. Il se développe le long de la muraille gallo-romaine entre la Porte-Sailly et
la poterne, sur le territoire de la paroisse Saint-Simplice; SCHNEIDER, La ville de Metz au
Xlllème et X/Vème siècles, p. 45.
43
Les merciers avaient élu domicile dans le quartier de Vesigneul dont une partie s'appelait la
mercerie. Le commerce y devint actif et attira de nombreuses familles patriciennes. Cela
provoqua dès la première moitié du Xllème siècle une hausse importante du prix du terrain.
L'importance de la vie économique toujours plus dense rendit le quartier insuffisant. Dès le
XIIème siècle, de nouveaux quartiers furent aménagés comme le Quarteau, le Champs-àSeille et le Neufbourg. Le marché de la place du quartier Vésigneul resta très important. On y
rencontra plus particulièrement des transactions concernant les marchandises lointaines telles
que la mercerie, les draps, mais aussi le poivre, le safran et « autrez espiciez » ; SCHNEIDER,
La ville de Metz au Xlllème et X/Vème siècles, p. 203.
44
Le mot de Neufbourg (Novum suburbium) laisse supposer l'existence dès 1140 d'un
nouveau mur constituant une partie de la nouvelle enceinte à cet endroit. Partant du mur galloromain, entre l'église Sainte-Glossinde, ce nouveau mur rejoignait la Seille tout au sud du
quartier de Champ à Seille. En effet, la formation de nouveaux marchés et donc d'un
peuplement important, rendirent nécessaire la construction de la muraille au-delà de
Neufbourg; Id, p. 32.
66
[81]
[82]
Et disoit ons Juspiter rue
Depuis on ne dit que Jurue
Pour Jupiter qu'en ce lieu
Estoit addorer com[m]e Dieu
45
Tout le puple en communite
En faisoit grant solempnite
Le judy chescune sepmenne
Ainsy que leur sabath se maine
Fo 9 ro
[83]
Pour la feste solempniser
Le judy et temporiser
En solas et esbattement
Manoient aultre sabattement
[84]
Leur sabath estoit addorer
Leur Jupiter [et) honorer
De mode et d'inclinacions
N'avoient aultre devocions
[85]
Ne faisaient q[ue] triboller
Chanter salter dancer baller
N'avoie[n]t nul empechement
De messe ne de proichemens
[86]
Dieu ne servoient en nulle guise
Oncques n'avoie[n)t veu esglise
Droit ne loy ne saincte Escripture
Ilz vivoient a l'aventure
[87]
Neantmoing tenoie[n]t justice
Et avoient telle pollice
Que cel que meffasoit a aultre
Tel cas lui faisoit ons sens faulte
45
n se peut que l'auteur se trompe en ce qui concerne l'étymologie du nom de la rue Jurue. Il
existe d'autres explications comme celle qui veut que le sens vienne de Juifiue, c'est-à-dire
rue des Juifs. La tradition locale voulait qu'un pilier portait la statue de Jupiter sur son
sommet, en haut de Sainte-Croix; KLAUSER, Eglises messines antérieures à 1'an mil, p. 69.
67
F 9
0
[88]
Tres subtilz d'oeuvre mecanicque
Estoie[n]t en leur loy paganicque
Desirants de scens et scavoir
Et aucy de richesses avoir
[89]
Les seigneurs sens divisions
Heurent une conclusion
D'ordonner ung lieu tout com[m]un
Pour tousjour mais aung chascun
[90]
Auprès Saille y avoit ung champ
Ou seigne[ur] bourjois et marchant
Et toutte la com[m]unaute
Faisaient grant sollempnite
[91]
Pour ceu que paiey passait Saille
Estoit nom[m]ez le Champpassaille
Nullui n'en estoit possessant
Communs estoit à tous passant
[92]
V
0
46
Affin qu'on ne puist concq[ue}ster
Sur ledit champ ne attempter
Par force destocqz ou de tailles
Firent doire le Champasaille
Fo 10 ro
[93]
Cloire le firent de quarure
Par telle ordre [et] par telz mesure
Que depuis n'y heust faulte alcune
Et est place et chescun commune
46
Le Champ à Seille (Champasaille) comme son nom l'indique, était un champ situé au bord
de la Seille qui traversait la ville jusqu'en 1905-1906, sur le tracé des rues Hautes seille, des
Tanneurs et Basses Seille. Le Champ à Seille s'étendait primitivement en dehors de la ville
entre la rivière et les remparts de la première enceinte. Dans le courant du Xlllème siècle, la
vieille enceinte fut abandonnée et le Champ à Seille englobé dans la ville. Il forma alors une
place plus restreinte. Le Champ à Seille fut de tout temps un lieu de réunion pour les
bourgeois et les sodoyeurs de la cité. n s'y donnait des tournois, des joutes, des foires et des
réjouissances de toutes sortes; JEANMAIRE, Le Champ à Seille, p. 20.
68
[94]
C'est une place proffitauble
A tous habittants delictauble
En la cité bien cituee
Et de preudhoms 4 7 constituee
[95]
Chasteaux, pallas, court, edifice,
N'y a en cité sy proppice
Car pour servir à touttes gents
Il vault cent mile marcs d'arcgent
[96]
C'este plaice fuit magniffeste
Pour tous esbattement et festes
Pour courir, joster (et] marcher,
Et pour tenir foire [et] marchié
[97]
Long temp furent sans ordonnance,
Sans escripts que par souvenance
Sens loy, sens regle [et] sens police
Chescun usoit de son malice
[98]
En cellui temp ch[esc]un faisoit
A son pooir de tout usoit,
De tous mestier de tous praticque
Sens repugnance ne replicque
Quant mesure fuist ordonnées
[99]
Pour abollir fraude [et] usure
Ilz ordonnere[n]t dez mesures
Pour livrer fromant [et] avoinne
Orge, poix, fêves (et] touttes graines
[100]
Aupartavant poi(n]t n'en usoie[n]t
Tous au marchander s'abusoie[n]t
Chescun queroit son advantaige
L'un a prouffit l'aultre a domaige
47
L'auteur en utilisant le mot Preudhoms fait sans doute référence à une assemblée
d'hommes sages, mais peut être pas à l'assemblée des Prud'hommes qui étaient depuis le
XIIIème des notables élus et qui venaient se joindre au conseil des Treize. Le nombre de ces
magistrats a varié mais ils étaient choisis dans chacun des paraiges. lls devaient normalement
être âgés de plus de quarante ans, ils devaient surtout se préoccuper des intérêts de la cité et
parfois sans doute surveiller les Treize ; WORMS~ Histoire de la ville de Metz, p. 28.
69
[101]
Quant leur mesure fure[n]t faitte
Qui estoient nom[m]ee quarte
L'une estoit au vin l'aultre au grain
Et fuit pour la cité le gain
[102]
Quant leur status fure[n]t reglez
Po[ur] mesurer avoinne [et] bledz
La on tenoient leurs estalz
Ce lieu fuit nommez le Quartalz 48
[103]
La se tenoie[n]t les quartierz
Et puis pour tous aultre mestiers
Que usoient sens ordonnances
Furent establis poix [et] ballences
[104]
Qui avoit char, il pooit vendre
Bonne et mauvaise sens repa[n]dre
Cil qui praticquoit vollentier
Pooit user de tous mestiers
[105]
Mallz rengnoie[n)t sens repune[n)cz
Mais ons y mist telle ordon[n)a[n)ce
Ycy et en aultre paiis
Que mainte trompeur furent esbahys
[106]
Que ordonna l'ascourcherie
Du qui est vieille boucherie 49
Le lieu commun pour escorchié
Pour char vendre [et] po[ur] destranchié
48
Le quarteau est une ancienne mesure de capacité qui valait soixante douze pintes (environ
70 litres). La quarte contenait 2 pintes. La mesure est aussi une mesure de poids. C'est bien du
mot «quarte» qu'est issu le nom de la place du quarteau. Au XIIIème Siècle, elle s'appelait
quairtal, quertal ou quartai. On y faisait les quartages ou mesurages de certaines
marchandises. Il y avait sur la place du quarteau un grenier à sel, des échoppes, des tanneurs
et une halle pour les drapiers qui existaient déjà en 1262; JEANMAIRE, Le Champ à Seille,
p. 27.
49
L'artère centrale, l'actuelle rue Serpenoise, s'appelait sur le territoire de l'église SaintMartin, la «vieille boucherie » Les bouchers y étaient nombreux au XIIT et XIVème siècles ;
SCHNEIDER, La ville de Metz au XII/ème et X!Vème siècles, p. 41.
70
[107]
En cellui temp pour mieulx accroistre
Ch[asc]un disoit ou mien on vostre
Et pour estre en bruit sucitez
Isirent hors de la cite
Quant Thionville [et] Mouson furent encommencez
[108]
Deux seigneurs de la cite nez
Tout dun acort determinez
Ly ung avoit nom Moucion
Et l'aultre avoit a nom Theon
[109]
Ces deux seigneur estoie[n]t frere
Et voldrent querir aultre terre
Moucion ver mydy monta
Et sur ung hault mont s'aresta
[110]
A quatre lieu de distance
Sur ung monts prist sa residence
Apres son nom fonda en son
Ung chesteaux quil nomma Mouson 5 o
[111]
Et Theon s'y prist la vallee
En une plainne large [et] lee
La fonda de grant domicilie
De Théon heu t nom Thionville
Ceulx qui encomanserent Toul et Verdun
[112]
Et puis encor deux nobles homs
De la cite comme devisons
Ly ung fuit nommez Tulius
Et l'aultre nommez Verdunus 5 1
50
Pont à Mousson : Meurthe et Moselle. C. de Pont à Mousson. Mousson était avant tout une
forteresse bâtie sur une butte témoin. Elle était la plus résistante de toutes les forteresses des
comtes de Bar. Mousson était construite sur un site privilégié. En plus de surplomber un pont,
elle surveillait une vallée tout entière qui représentait un passage commercial d'une grande
importance pour la Lorraine. C'est à ses pieds que vers 1260 fut construite la ville de Pont.
Cette ville devint un centre commercial important ; PARISSE, «Histoire de la Lorraine»,
p. 160.
51
Dans sa Chronique, t. 1, p. 17, Philippe de Vigneulles fait de Tulius et de Verdunus les fils
de Serpanus et de Mélandus. Ces personnages interviennent plus tardivement dans les
71
Fo 12 ro
[113]
Ses gents proveu d'or [et] d'argents
Acompaigniez de maintes gents
Querant pays par monts par plainnes
Car la cite estoit trop plainne
[114]
Tulius ver midy toma
Ces gens [et] ouvriers ordon[n]a
En ung lieu lowanble [et] proppice
La fist fonder beaulx ediffice
[115]
Vertueux fuit [et] diligent
Par puissance dor [et] dargent
Par ars de divercite
Ediffia une cite
[116]
Tulius Toul la nomma
Apres son nom et moult l'aima
Or y mist regime [et] police
Et la fist regir par justice
[117]
Verdunius dever occident
En ung beau gra[n]t valz desce[n]de[n]t
S'aresta [et] son exercite
En plaisant lieu beau [et] licite
Fo 12
[118]
La prist grant consolation
En sy belle occu pacion
Beau monts, beau boix, belle prairie,
Beau champ, beau prez, belle riviere.
[119]
Tres puissamme[n]t s'appareilla
Et fort son puple travailla
Ouvrant chescuns de son office
En commansant grants ediffice
V0
Chroniques de la Cité de Metz. Il existait donc différentes versions de la légende des
Fondateurs de Metz.
72
[120]
Tant ouvra [et] tant exploita
Tant son ouvraige augmenta
Prist confort contre advercite
Qu'en ce lieu fist une cite
[121]
A ces gents dit soyez tout d'un
Accord de la nom[m]er Verdun
Mon nom Verdunius le requiert
Et cellui nom bien lui assiert
[122]
Or reprenons no[st]re matiere
De n[ost]re cite la premiere
Que de gents ta[n]t multiplioit
Que soustenir ne les pooit
[123]
Assez n'estoit longue ne large
De hault de bas ne en estaige
Ronde quaree on angulaire
Pour nourir sy grant populaire
[124]
L'escri~ture
Qd
nous ennorte
ena c1fèsy&Mit
sept portes
s2
Chescune en son lieu necessaire
Pour charrois hors [et] dedent traire
52
Quand la ville fut enclose son castrum dessinait un polygone dont la légende voulait qu'il
soit percé de sept portes. Ces sept portes étaient identifiées comme suit : La porte Lavandière
était à la tête du Moyen-Pont. La Porte aux Chevaux semblait se trouver prés de la préfecture,
elle était flanquée d'un moulin que l'on nommait au Moyen Age le moulin de la Porte aux
chevaux. La porte Moselle était dans le prolongement de la place Sainte-Croix, prés de
Sainte-Ségolène, sur une petite place nommée place de la porte Moselle. La Porte-Sailly était
en bas de la Fournirue, prés du pont de la seille. La porte aux Champs était en bas de la rue du
Grand Cerf vers le carrefour du Quarteau. Les porte des Curtis était dans le voisinage de
l'église Saint-Martin, souvent nommée autrefois, Saint-Martin-en-Curtis. Cette porte
débouchait sur les cultures établies aux abords de la ville du côté fertile du sablon. La porte
Méridiane se trouvait là où la rue Serpenoise débouchait. Toutefois, il est fort probable que le
chiffre sept soit symbolique car la ville ne comprenait que trois portes principales ; la PorteMoselle, la Porte-Sailly, la Porte du Champ. En 1498, on peut être assuré de l'existence de
quatre portes; THIRIOT, Portes, Tours, Murailles, p 24. L'emplacement de quelques portes
semblent vraisemblables. Dès la construction de la première enceinte, on retrouve la Porte
Serpenoise au Sud de la ville, la Porte Moselle, à l'extrémité de la rue des Trinitaires, au
Nord; La Porte-Sailly, à l'angle d'En Fournirue et de la rue du Change, à l'Est. Une autre rue,
Lassale, à côté de Saint-Martin est probable ; GAUTinER, Topographie Chrétienne des cités de
la Gaule, p. 42.
73
[125]
Porte Muzelle Porte Saillis sa
Porte du champ Porte en Curtis
Et puis la plus cothidianne
C'estoit Porte Meredianne 54
[126]
Et puis au bas sur la riviere
Estoit la Porte Lavendiere
Et en descendant plus avalz
La estoit la Porte au Chevalz ss
53
La Porte-Sailly s'appelle ainsi parce qu'elle voisine du port de la Seille, où abordaient les
bateaux de seL La Porte était aussi appelée Porte du Port-Sailly et fut plus tard simplifiée en
Porte-à-Seille. Cette Porte-Sailly se trouvait en bas de la rue Fournirue ; THIRIOT, Portes,
Tours, Murailles, p.22.
54
La porte Méridiane regardait, comme son nom l'indique, le midi, ou plus exactement le sud
Ouest. Elle constituait la grande artère de circulation qui conduisait à la Porte-Moselle, et parlà, au passage des deux rivières en suivant à travers la cité, une ligne que dessine aujourd'hui
la rue Serpenoise, la rue Taison et la place Sainte-Croix. De la Porte-Moselle, deux chemins
descendaient de la colline, l'un se jetant un peu sur la droite, gagnait le Pont-Rémond par
lequel on traversait la Seille, l'autre tournant brusquement à gauche, conduisait à la Moselle.
Metz se trouve à l'intersection de deux grands axes routiers: Lyon-Trèves Nord-Sud et
Strasbourg-Reims Est-Ouest. ll existait deux voies parcourant le tracé, Metz-Trève qui
chacune encadrait la Moselle. Le lien de ces deux voies avec le réseau urbain de Metz nous
est inconnu, sauf en ce qui concerne la route provenant de Scarpone dont la Porte-Serpenoise
dit-on a gardé le nom. Un autre axe regagne la rue Fournirue. Un ancien pont romain en bois
devait se situer entre l'actuel pont des Roches et celui de la préfecture; PROST, les Légendes,
p.l42.
55
La Porte-Lavandière et la Porte-au-Chevaux, qui s'ouvraient sur le canal oriental de la
Moselle, ne donnaient probablement accès, comme l'indiquent leurs noms, qu'à un lavoir et à
un abreuvoir situés sur le petit bras de la rivière. Quant au passage de celle-ci, il devait se
faire ailleurs. Le Pont-Saint-Georges et le Pont- Thie:f:lfoy devait être un de ces passages ainsi
que les ponts Moyen-Pont et Pont-des-Morts. La porte qui correspondait à ce passage primitif
de la rivière devait être, comme l'indique son nom, le porte Moselle, située près de l'église
actuelle de sainte Ségolène, au sommet de la colline, et sur une petite place qui a longtemps
conservé son nom ;Id, p.l41.
74
[127]
Se vous comptez bien vos receptes
Des portes vous ay nom[m]ez septes
Sans les huix (et] sans lez poternes 5 6
Encor en y a dez modernes
[128]
Depuis ceste porte en curtis
Par la lettre en som[m]es advertis
Tranchoit ung foussez molz ou dure
Tout oultre jusque en Anglemur
[129]
57
Mais au millieux estoit la porte
que l'escri:Eture ~orte
emmnM ~§Mil
La ou Romessaule est fonde 59
Ain~
wra
nmnmee •
D'out vin le non d'Anglemur
[130]
En ung lieu hors de la cite
Gestoit ons les mondicite
Tous fanges y estoie[n]t assemblez
Et nommoit on ce lieu anglez
56
La poterne était un simple passage et l'huis, une petite porte. La muraille pouvait être
franchie par de petits passages. Ces passages pouvaient s'appeler des portes. C'est le cas de la
Porte-Patart qui est une poterne près de la place Saint-Vincent et le Pont-Thieffroy. La porte à
la Sais, est une poterne sur le Rimport, tout près du Pont-des-Grilles. Il est probable que la
Porte-en-Curtis ne soit qu'un simple passage. Il existait aussi une poterne Saint-Nicolas,
donnant accès au Champ Nemmery. Ces issues étaient aussi étroites que possible afin de
rendre inaccessible l'entrée dans la ville de lourdes armes d'artillerie; THIR.IOT, Portes, Tours,
Murailles, p. 22, 23.
57
L'extension de la ville de ce côté pourrait avoir occasionné à un certain moment la
destruction de cette partie des murailles. Il se pourrait aussi que lors de la construction de ces
dernières, on ait empêché leur établissement à cet endroit. Ce fossé semble avoir été garni
d'une simple palissade; PRosT, les Légendes, p.145. A l'époque romaine, la cité s'accrut de
ce côté par la construction de quartiers nouveaux; Id, p.147.
58
Dans sa Chronique, t. 1, p. 11, Philippe de Vigneulles décrit les portes après avoir présenté
la Moselle et la Seille. Cela amène à penser que Philippe de Vigneulles et l'auteur des
Chroniques de la cité de Metz travaillaient sur des sources semblables, mais qui comportaient
chacune des variantes, ou bien qu'ils utilisent les même sources mais de manières différentes.
59
Ce« nom perpétue le souvenir d'un vaste édifice gallo-romain qui s'étendait des deux côtés
de la rue des Clercs»; SCHNEIDER, La ville de Metz au Xlllème et X!Vème siècles, p 37.
75
[131]
Anglez estait sur la riviere
Dessus la Porte Lavendiere
Et quant Serpanus y fist mur
Adonc fuit nommer Anglemur 6o
[132]
En cellui temps par la proesse
De Melenaus Roy de Greee
Et de ceulx qui tindrent sa bande
Fuit destruictte Troye la grande
Apres la destruction de Troye fuit ragrandie la cite de Mets p(ar] les Troyens
que y vindrent 61
[133]
Troye la grande fuit destruite
L'an quatre miles deux cents (et] huict 62
Par la fortune de Paris
Et d'Helainne tout fuit peris
[134]
Les troyens prenant le(ur) depart
Cherchant reffuge toutte part
Au long au large [et] a la ronde
Furent dispersez par le monde
[135]
De ces Troyens de gra[n]d noblesse
Vindre[n]t nueufz parsonnaiges a Mets
Qua lors estait Dividunum
Tous estaient noble preudhom(m]es
[136]
Ung estait nommez Serpanus
Avec son frere Aurenus
Tous deus estaient filz de roy
Et bon justiciez en leur loy
60
Au Xlllème siècle, les deux ponts qui existent à Metz n'étaient plus suffisants pour
permettre la circulation due au trafic commercial. Le commerce gagna toute la rive de la
Moselle. Une partie des denrées qui descendait la Moselle vers Metz étaient déchargée à
Anglemur. Ce lieu proche d'une porte faisait partie des nouveaux quartiers qui étaient
désormais à l'intérieur de l'enceinte au Xlllème siècle. Au XIVème siècle, le trafic
commercial s'intensifia et Anglemur devint le port où arrivait le bois ;Id, p. 55 et 219.
61
Voir introduction.
62
Dans sa Chronique, t. I, p. 9, Philippe de Vigneulles donne la date de la destruction de
Troyes. «et fut destruictes au tampz du roy Priam, l'an du monde 4158 ans (quaitre mil cent
et LVIII) ans ».
76
[137]
Et d'aultres nobles hom[m]es encor septes
Tenant logier en leur recepte
Nobles gens saiges [et] gracieux
Saiges en conseil (et] vertueux
Les sept premiers nobles qui ragrandirent Metz, desquels y a encor la rasse.
[138]
Cestoit Dolbus [et] Melandus
Gornaldus [et] Badocius
Reguillo [et] Chaversonus
Et l'aultre estoit Leopardus 63
[139]
Ilz vindre[n]t gracieusement
Demande amoureuseme(n]t
Pour leur derniers estre receupz
Et ilz ne furent pas reffus
[140]
Qua[n]t logiez furent en la cite
Gens plain de g[ra]nt felicite
Leur conseilz donna reconfort
Et fuit la cite tres plus forte
[141]
Quant Serpanus le Troyens
Fuit advertis dez citoyens
De leur noble fondacion
S'en fist grant recreacion
[142]
Grant puple de gens il avoie[n]t
Lesquelz labourer ilz faisoie[n]t
Nourrir payez bien largement
Pour faire leur habergement
[143]
Tant de maisons [et] de haberges
Firent ta(n]t estroitte que larges
Et de no tan ble menedie
Que la cite fuit ragrandie
63
Gomaldius, Baudocius, Reguillonus et Chavemasus sont les noms dans lesquels on
reconnaît les puissantes familles patriciennes des Gournay, des Baudoches, des Reguilon et
des Chaverson ~PROST, les Légendes, p. 127.
77
[144]
Ung chasteau tailler [et] murer
Fist faire po[ur] y demeurer
Mais qu[an]t il fuit mieuls habergiez
Le redeffit pour abregier
[145]
Ce chasteau de noble fasson
Estoit au dela de Mousson
Il fuit deffait, se fuit domaige
Mais ons y fist ung beau villaige
[146]
Ce villaige est nommez Syrpanne 6 4
Pour Serpanus ou Champpapanne
Deva[n]t Mets fist menez les pieres
Pour ouvrer en aultres manieres
[147]
On lez prepara en tel sorte
Qu'il en fist fonder une porte
Grosse [et] haulte de mai[n]tes toise
Et heu t nom Porte Serpenoise 6s
F 15
0
[148]
Ses nobles chevalliers de Troye
Tant riche d'or [et] de monnoye
Furent chescun tres grant debvoir
D'esdiffier de leur avoir
[149]
Aurenus fist la Porte Aurainne
Qu'on disoit la Porte auz areinne
Mais aurenus auvray contenus
Avoit nom apres Aurenus
V
0
64
Selon la Chronique, t. 1, p. 16, de Philippe de Vigneulles, Serpanus aurait utilisé les pierres
du village de « Serpaigne » pour édifier la porte Serpenoise.
65
Les deux portes sont la Porte-Serpenoise et la Porte-aux-Arènes, q0 149. La première
supprimée vers le milieu du XVIème siècle, fut reconstruite en 1851 ; l'autre est représentée
par la Porte Saint-Thiebault qui occupe à peu près son emplacement actuel ; PROST, les
Légendes, p.127. En réalité, le nom de la Porte-Serpenoise n'est pas lié au nom du seigneur
• troyen, mais bien plutôt à la ville de Scarpone vers laquelle cette porte s'ouvrait ; PROST, les
Légendes, p.147.
78
[150}
La porte dont je fay devis
Est encor droitte a mon advis
De Serpenoise ciet plus bas
Et dit on Porte sainct Thie bal
[151}
Cincq de sez nobles chevalliers
Firent estoffes appareillier
Pour claire [et] saindre de muraille
Tout ceu qui est cloz oultre Saille
[152}
66
De murs [et] deux portes m[oul]t belles
Firent aussy faire oultre Muzelle
Deux de ses nobles chevalliers
Say vertueux [et] reveilliez
Fo 16 ro
[153}
Deux portes y firent belle [et] g[ra]nde
L'une on nom[m]oit Porte Melande
Apres le nom de Melandus
Et l'aultre le nom de Dolbus
[154}
Ses Troyens firent en la cite
Bien honne[ur] [et] felicite
Et en prindrent gra[n]t dilige[n]ce
D'y mettre pallice [et] regenge
[155}
Serpanus fuit acertenez
De grant gentes de la cite nez
Pour chercher terre [et] heritaiges
Comme gents de vaillant couraiges
[156}
~gr
çe[mlWç en escript on treuve
ng de ces noble fonda Trieuve
L'aultre Toul [et] l'aultre Verdung
Mais non pas en ung temp tout ung
66
Les deux portes (Serpenoise et aux Arènes) étaient reliées entre elles, par cette nouvelle
muraille qui les rattachait d'un côté de la Moselle, et de l'autre à la Seille, certainement dès le
Vème; Id, p. 148.
79
[157]
Ez termes y a gra[n]t difference
Car avant fuit Treuve q[ue] Fra[n]ce
Ne que cite qu'en France soit
Ne quoncq(ue] fuit nom des Fransois
[158]
Troye [et] Trieuve furent anticq(ue)
Selons lez terme poetticq[ue)
Devant Paris Lyon Miellan
Ne Venise plus de mile ans
[159]
Mais Mets par anticquite
Est la mere dez trois cite
Dont elle est en millieu moienne
Et mere metropolitainne 67
[160]
Car apres la confusion
De Babel [et) division
Fuit Mets a cite ordonnee
En la dix septiennes annee
[161]
Au temp de Nembroth fil de Cam
Cine cens ans deva[n]t Abraham
Et vint cincq selons lez metres
Que clercs ont sceu en escript mettre
Cornant la cite fut nomez Mediomatricum
[162]
Quant Serpanus heut bien enquis
Dont les fondateurs sont nasquis
Le nom osta Dividunum
Et mist Mediomatricum 68
67
L'idée que les autres villes doivent céder le pas devant Metz n'est pas nouvelle. On
retrouve déjà ces propos dans 1'Eloge de la ville de Metz que Sigebert de Gembloux rédige au
Xlème siècle. « Les villes voisines te cèdent le pas pour t'honorer comme une mère... » ;
CHAZAN, L'éloge de la ville de Metz, de Sigebert de Gembloux, p 443.
68
Dans ses mémoires, Jules César évoque le peuple des Médiomatiques : « De tous les
peuple, les Belges sont vaillants, parce qu'ils sont plus éloignés du luxe et du commerce de
Rome et qu 'on ne leur porte pas comme les autres ce qui amollit le courage. D'ailleurs, la
gue"e perpétuelle avec les Germains les rend plus belliqueux. Parmi eux, les
Médiomatriciens estoient estimés». Dans, PARISSE, Histoire de la Lo"aine, p. 49, il est noté
qu'à son arrivée dans l'Est de la Gaule (58 av. J.C.), César distingua trois peuples occupant
l'Est de la Belgique : Les Trévires au Nord, les rnédiomatriques au centre, les Leuques au sud.
Le territoire des médiomatriques partait de 1'Argonne et atteignait le Rhin. Il comprenait donc
80
[163]
Et po(ur) tant il est a entendre
Pour au vray la chose co[m)pre[n)dre
Que mere par droitte nature
Doit preceder sa geniture 69
[164]
Mets est donc mere a trois cité
Co(m]me ce devant est recité
La chose en est bien autenticq[ue]
Par son nom Mediomatriq[ue]
[165]
Ces seigne(ur]s de grant sapience
Firent maintes belles ordo(n]na(n]ces
Par eulx [et] par leur co(m]missaire
En la cité bien necessaire
[166]
Ilz firent fermer de murailles
Oultre Muzelle [et] oultre Saille
Depuis la Porte Lavondiere
Jusque a Saille l'aultre riviere
[167]
Ainsy fuit fermee toutte ento[ur]
De beau murs [et] de haulte to[ur]
Et de beau riche maisongnaiges
De grant puple [et] de bon menaiges
dans la Lorraine actuelle, le centre de la Meuse, le Nord de la Meurthe et Moselle et la plus
grande partie de la Moselle. Sigebert de Gembloux donne de Médiomatique l'étymologie
suivante: «Comme la matrice enveloppe l'enfant et le réchauffe dans le sein maternelle, de
même, placée dans une position centrale, nourissant les région voisines par des produits de
ton sol ou importés, tu réchauffes en quelque sorte dans ton sein maternel »Donc
Médiomatrix viendrait alors de Medium, milieu, et de Matrix, matrice et renverrait à l'idée de
mère nourricière ; CHAZAN, L'éloge de la ville de Metz, de Sigebert de Gembloux, p. 446.
69
Le texte de Sigebert fut repris dans l'histoire des évêques Metz dont le texte fut traduit au
XVème siècle. « Mediomatric en latin mediomatricum cest a dire cincq en moyen pour tant
quelle ait environ cy maintes cite. Cest assavoir vers Aquillon Trieves vers midy Toulx vers
occidant Verdun entre lesquelles elle est assize en my si comme elle mene». (BM 855 folio
212, c. 3). L'auteur des Chroniques de la cité de Metz a certainement repris cette idée;
CHAZAN, L'éloge de la ville de Metz, de Sigebert de Gembloux, p. 444. Dans sa Chronique,
t. 1, p. 19, Philippe de Vigneulles note que le peuple de Metz décida de nommer leur cité
« Mediomatricum », c'est à dire« Moyenne mère de trois cités» car les enfants de Dividunum
avaient fondé Trèves, Verdun et Toul. Dividunum est considérée comme leur «Mère et
nourrice » ; GAUTillER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p. 39.
81
F 17 V
0
[168]
Mets prist son commanceme[n)t
Dix huict cents [et] vint ci[n]q ans
Qui se nommoit Dividunum
Avant que Romulus fist Rome
{169]
Apres ung an apres deux ans
Apres ung cen apres deux cen
Apres mainte perilz [et) dangiers
Sont maintes paiis rechangiers
[170]
Apres la mort de Serpanus
Et des Troyens o lui venus
Nouveaux paiis nouvelle terre
Nouveau seigneur nouvelle guerre
[171]
Romulus que Rome fonda
En son temps moult fort lameda
Et apres heust telle victoire
Que se fuit du monde la gloire
{172]
Romulus prist cents docteur
Anciens [et] les fist senateur
Pour le nom de la cite bruire
Et pour les romains mieulx conduire
0
70
Fo 18 ro
{173]
Ro[m]me vint en sy grant croissence
En telle richesse [et] puissance
Que Julius par rigueur
Attribua a lui l'honneur
70
Rémus et Romulus furent les fils de la vestale Rhé Silvia qui était de sang royaL Les
jumeaux furent abandonnés sur les bords du Tibre et recueillis par une louve qui les nourrit.
Rémus et Romulus renversèrent le roi et décidèrent de fonder une ville sur le lieu même où ils
avaient été abandonnés. Les jumeaux tracèrent les limites de leur territoire, mais selon la
légende, Rémus aurait franchi cette limite. Romulus l'aurait tué sous le coup de la colère
devenant alors le seul fondateur de la ville qui prit son nom. Dans un premier temps, pour
augmenter son prestige, Romulus s'entoura de douze licteurs, puis il forma un sénat composé
de cent membres. Cet honneur lui valut le titre de père et à ses descendants celui de
patriciens; Tite-Live, Histoire romaine, livre I à IV, p. 61 à 68.
82
[174]
Nom pas seulement dez Romains
Mais tint tout le monde en sa main
Vaincquist lez Romains (et] Pompee
Et conquesta tout par l'espee
[175]
Tant prospera en grant vailla[n]ce
En honneur en magnifficence
Et conquist tant tout a la ronde
Qu'il fuit nommez prince du mo[n]de
[176]
Il subiuga tant de provinces
Qu'il fuit quasy du monde prince
Par sa grant force et grant puissance
Tint tout en son obeyssance
Qua[n)t Cesar envoia Metius son grant capitaine prendre Mets.
Tempore quo Sezar sua Gallis intulit arma, tune Mediomatricum devicit
Metius urbem. 71
[177]
Au temps qu'il mist sa gr(an]t armee
En Gaule apres la mort Pompee
Metius son grant cappittainne
Contre la cite prist grant penne
[178]
Par escript manda a Sezar
La force la police [et] lez ars
De la deffence [et) du regime
Dont le prince fist gr[an]t estime
71
ll semble qu'il existe deux variantes du récit de la légende de Métius. Selon Sigebert de
Gembloux, Métius aurait reconstruit la ville de Metz et lui aurait donné son nom. Métius est
alors chevalier romain. Dans son Eloge sur la ville de Metz, il évoque au sujet du héros,
« Ensuite si tu t'es applée Mettis, c'est parce que selon une tradition courante, on rapporte
que tu as été vaincue par Metius Suffectus, duc des Romains » ; CHAZAN, 1'Eloge de la ville
de Metz, de Sigebert de Gembloux, p. 447. Cette version est reprise dans les Gesta
Episcoporum de Metz et dans leur traduction en langue vulgaire. Une autre version veut que
la légende de Métius se soit développée après le XVème, c'est-à-dire après la constitution du
paraige du Commun. Cette version est reprise dans la Chronique de Philippe de Vigneulles.
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz évoque une citation qui selon la tradition est
gravée sur «une pierre tirée autrefois de la terre», Tabouillot, Histoire de Metz, p. 8. La
citation complète est la suivante : « Tempore quo Cesar sua Galliis intulit arma. Tune
Mediomatricum devicit Metius urbem, suffetius dederat nomen cui Metius urbi».
83
Arces murorum
sero firmat turba virorum
turres mirate
sunt nubilus associate
[179]
Neantmoing Julius jura
Qu'a son pooir la destruira
Que lez pallas quar force [et] rues
Fera labourer de charrues n
[180]
A Mecius manda par lettres
Quelz puissance qu'on y dheust mettre
Que toutte fuit deppopullee
Gents mors maisons arses [et] brullees
Tempore quo Sezar sua Galis intulit arma.
[181]
S'ilz ne font humble obeyssance
Sans contredit ne resistance
Et pour tout ceu estre plus fermes
Mettrent sur leur portes nos armes
[182]
Mecius fist son debvoir
Du mandeme[n]t faire assavoir
Au citoyens monstra par lettres
Co(m]mant le prince les vuelt mettre
{183]
Vela ceu que Cezar vous no[n]ce
Et m'en donnez briesme[n)t respo[n]ce
Conseillez vous dilligentment
Ou tous morres piteusement
73
72
Jules César ne mentionne pas la ville de Metz dans ses écrits. Tacite le fait lorsqu'il évoque
des troubles qui se sont déroulés entre les années 68 et 70. En 68, les soldats de Vitellius
partent pour l'Italie et passent à Dividurum. On ne connaît pas les raisons qui provoquèrent le
massacre de 4000 hommes par ses soldats. On sait cependant qu'en 70, la ville accueillit deux
légions rebelles. Des couches d'incendie datant du premier siècle, en divers endroits de Metz,
peuvent nous permettre de penser que la ville avait subit des représailles. Toutefois, les
fouilles récentes ne peuvent confirmer cette interprétation ~ GAlTI1IIER, Topographie
Chrétienne des cités de la Gaule, p. 39.
73
On peut remarquer que cette citation est, en fait, le début de celle qui se trouve entre les
quatrains 176 et 177. Cette nouvelle citation est tout à fait incomplète.
84
[184}
Prindrent ung peu de dilacions
Conclusant leurs intencions
Et quant ilz furent assamblez
Ilz se trouverent fort troublez
[185}
Neantmoins en conclusion
Tous d'acord sans division
Respondit ung ho[m]me pour tous
Plus noble ne veons que nous
[186}
Nous sommes sur n[ost]re heritaiges
De part noz anciens parantaiges
C'est nostre qui ne nous fait tort
Nous le tiendrons jusq[ue] a la mort
F 0 19
[187}
Ne aultre armes ne porterons
Que telles que nous eslirons
Nous eslysons pour tous confort
De prendre la vie [et] la mort
[188}
Et n'y voullons aultre collour
Qu'ainsy que la nuist [et] le jo[ur]
Se sont deux points oppositoire
Que signiffie blanc [et] noire
[189}
Le blanc nous signifie Dieu
Qu'en paradis tient son halt lieu
Et Lucifer en son manoire
Infernal signiffie noire 74
V
0
74
Ces couleurs sont aussi celles que l'on trouve sur le blason du paraige du commun. «Et le
commun portoit d'argent et de sable qui est blanc et noir et qui sont encor aujourd'huy les
couleurs de la ville»; MEURISSE, Histoire des évêques, t. 1, p. 18. Dans l'Histoire de Metz de
Tabouillot, p. 17, on trouve que le blanc et le noir seraient aussi les symboles de la vie et de la
mort. Dans sa Chronique, t. 1, p. 20, Philippe de Vigneulles explique« Pourquoy et affin qu'il
apparist à tous, pandiren notamment à leurs portes ung escu demey blan et demey noire, pou
ce qu'il n 'avoient que la vie et la mort, et non aultre supérieur (combien qu'elle estoit
tousjours subgecte à Dieu selon la manière des payens et gentilz) ».
85
[190]
Vela nos armes [et] nos blazons
Mais lez vostre nous refusons
Nostre pere fuit anffant de l'arche
De Noelle grant patriarche
[191]
Qua[n]t Cezar sceut leur responce
De grant despit le nez lui fronce
Et commanda par grant deppit
Que plus n'eussent jour de respit
Fo 20 ro
[192]
Quant Mecius eust escoultez
De son seigne[ur] la vollentez
De l'obeyr fist son debvoir
Et d'assallir fist son pooir
[193]
Lors fist armer toussez gens d'armes
lance picques espees [et] guisarmes
Et assaillitz tout alentours
Aussy chault qu'est le feu on four
[194]
Se la cite poons gangner
Nulluis ne debvons espargner
Mere, filles, vieulx, inocens,
Tout soit mis a feu [et] a sangz
[195]
Lors livrere[n]t si fort assault
Tout alento[ur) de chault en chault
Qu 'ainssy que force passe droit
Les convint morrir en destroit
[196]
Or fuit la cite mallostruitte
Prinse, abattue, arse [et] destruitte
Noyez, pendus, tuez, rostis,
Pouvre [et] riches [et] gra[n]ts [et) petis
F 0 20
[197}
V
0
Ainsy furent patibulez
Tuez, pandus, noyez, brulez,
Fermez enclos pris a la trappes
Malz de guerre dont nulz neschappe
86
[198]
La fuit grande desolacion
La fuit grande perdicion
La morurent sans repittiez
La fuit doloreuse pittiez
[199]
Fortune passe [et] sy sen va
Qui se polt salver se salva
Apres le grant trouble [et] huttin
Chescun msit la main au bu ttin
[200]
Assez trouvere[n]t pains [et] miches
Car la cite estoit tant riche
De grant jueaux darge[n]t et dor
Tous seriets remplis de tresor
Sunt tibi thesauri
pretium tibi militat auri
saculi numorum
complent secreta domorum.
[201]
La furent tres tous enrichis
Cappittaines chevallie melchis
De grant tresors que la trouvere[n]t
Qu'avecq eulx a Rome emportere[n]t
[202]
Quant le sceut le grant empereur
La destruction [et] l'horreur
Joyeux en fuit en son corraige
Et y fist faire laboraige
[203]
Pour bien accomplir son serma[n]t
N'y fist semer bledz ne froma[n)t
Mais dez deniers de sa figure
De cuivre qui a toujiours dure
[204]
Partout ou on puist labourer
Deniers de cuivre y fist semer
En perpetuelle memoire
Qu'ill'avoit vaincut par victor 75
75
Dans sa Chronique, t. 1, p. 26, Philippe de Vigneulles explique : « Ce très ma/vais César fit
faire des fossés jusques au fondz des fondements, où il fist semer des deniers de cuivre,
esquelles à l 'ung des coustés, estoit emprainte son ymaige, et, à l 'aultre, la figure de la cité
87
[205]
Apres Mecius retomez
A Rome [et} beaucoup seioumez
Souvant au cuer se lui mouvoit
Le grant pechiez que fait avoit.
[206]
Pour la cite qu'avoit destruitte
Que se par lui n'estoit restruitte
Jamais ne seroit pardonner
Mais en fin en seroit dampnez.
[207]
Mecius ad ce tant pensa
Que de ceur contrist commansa
A soy repentir et submettre
De la cite en point remettre
[208]
Mecius va a l'empereur
Qui est son souverain seigne[ur]
Disant soulz ombre de pardons
Sire je vous demande ung don
{209]
L'empereur qui le tenoit chier
Le respondit sans par marchier
Disant Mecius nostre amis
Vous n'estes pas en oblis mis
{210]
Demendez ceu qu'il vous plera
Se nostre est on le vous donra
Loyalment nous avez servis
Et beaucop de biens deservis
{211]
Tres redoubtez prince a present
Je deviens vielz, foible [et] pesant,
Necessite mest de suppos
Pour en viellesse avoir repos
avec ces mestres qui s'ensuyvent: tempore quo Cesar sur Galis intu/it arma, Mecius
Mediomaticum devicit Mecius urbem ».Philippe de Vigneulles traduit, p. 27, par:« Au tampz
que César fit la guerre aulx Gaulx, lors Mecius wainquist la cité des Mediomatrissains ».Il
ajoute : « Et les dictes pla/tines et derniers fist il espandre ès fossés, à ceste cause que, se la
cité estoit réédifiées une aultre fois, 1'en vit que par luy avoit estés destruites ».
88
[212]
Donnez moy po[ur] toutte dessertes
Celle pouvre a plaice deserte
La cite Mediomatricque
Que je pris en Gaule belgicque
[213]
L'empereur tres bien l'entendit
Et humbleme[n)t lui respondit
Vous nous avez servis sy bien
Que a nous ne perderez rien
[214]
Mecius bien nous vous entendons
Mais vous demandez pou ure don
Demander pour sante harciere
Demander pour maison masure
[215]
Tres redoubtez prince il souffit
Et me feriens tres grant prouffit
Vous remerciant a genoulx
Et se la tiendrais de vous
Fo 22 V
[216]
Recaindre la feroye a la[n]tour
De murailles [et] de forte to[ur)s
Saulf vostre hault voulloir desplaire
Et mettroye nouveaux popullaire
[217]
Mecius amis, je la vous donne
Et mon tresors vous haba[n)donne
Vous estez de tous bien remplis
Voz bons desirs soyent acomplis
[218]
Vostre mercy prince du monde
En vous touttes puissance habo[n]de
Puis que m'avez doez de Mets
La restaurer je vous promets
[219]
Or prenez donc tant de mez gents
Qu'il vous plaît [et] d'or [et] d'arge[n]t
Et faitte vostre honne[ur] valloir
Je congnois vostre bon voulloir
0
89
[220]
Lors, manda gents de to[u]s mestiers
Marichals, massons, cherpentiers
Ouvriers d'oeuvres edifficatoire
Assambla grant preparatoire
Fo 23 ro
[221]
Au prince congier demanda
Mecius et ses gents manda
Prist or argent [et] grant fina[n]ce
Et mist son oste en ordonnance
[222]
Mecius qu'estait filz de Roy
Prist son excercitte [et] charrois
Et gents de plusieurs nacions
Et vint en uste region
[223]
Quant vint ou la cite estait
Le cuer sauvant lui respittoit
D'ung sy beau puple [et] de le(ur] mort
Qu'il a voit fait morrir a tort
[224]
Il fist crier par tous paiis
Ou qu'il en y avoit fuys
Par l'oppression de la guerre
Qu'il lez mandait tres tous req(ue]re
[225]
Et qu'il leur donroit dava[n]taige
Lieu po[ur] maisons [et] heritaige
Pour recouvrer germe [et] syon
De vraye generacion
F 0 23
[226]
Tous ceulx [et] celles oyant le cris
De ses mandeme[n]t [et] rescripts
Retoumerent tous en leur lieu
Et esperance d'avoir mieulx
[227]
Entre lez quelz cinq en trouva
Que moult nobles [et] saiges approva
Il lez retint de son conseil
Et en justice ses pareilz
V
0
90
[228]
Moult de bien fist en la cite
En tous cas de necessite
Le puple avoit en grant amo[ur]
Et on lui portoit gra[n]t honnour 7 6
Cornant Mecius grant capitaine de Jules Cesar donna son nom a la cité.
[229]
Je Mecius l'ay destruitte
Et de ma puissance restruitte
Noble cite je te promesse
Pour mon nom te no[m]meray Mets 77
Suffertus nomen dederat cui Mecius urbi
[230]
Tousio[ur]s ensuivent les parole
Nom pas p[ar]livre ne p[ar] rolle
Mais depuis q[ue] prist nom de Mets
En a duree la rymesse 78
De la pucelle emmuree en la tour d'Anglemure
[231]
76
79
Quant on fist lez tours d'Angle mure
Les anciens disoie[n]t en murmure
Pour avoir la cite duree
C'une pucelle y fuit muree 8o
Ce récit semble sortir de l'imagination de l'auteur. Il a« brodé» autour de sa source.
77
Depuis le Vème siècle, la cité se nomme Mettis. C'est le nom que Sigebert de Gembloux
lui donne dans L'Eloge qu'il rédige sur la ville juste avant de repartir à Gembloux avant 1075.
Cependant le nom romain de Civitas Mediomatricum est loin d'être oublié puisqu'il est
encore en usage dans certains textes du Xème siècle. Il faut dire que ce nom était bien connu
puisque c'était celui que Jules César avait donné à la ville dans son œuvre «La guerre des
Gaules » dont un des livres se trouvait à la bibliothèque de Saint-Vincent. C'est une note
datant du Xléme siècle faite par le bibliothécaire de l'abbaye de Saint-Arnoul qui nous
renseigne sur le lieu où se trouve l'ouvrage de Jules César; CHAZAN, Eloge de la ville de
Metz de Sigebert de Gembloux, p. 445.
78
Ce quatrain est écrit dans la marge droite. Une flèche permet de le situer dans le corps du
texte.
79
Ce titre est écrit dans la marge gauche du folio.
80
Avec les légendes de la Pucelle de Metz et de la fondation de la chapelle de Rabas par
Charlemagne au quatrain n° 529, nous quittons les sources écrites. En effet, ces deux légendes
ont non seulement une origine inconnue, mais de plus, elles ne sont relatées que dans les
Chroniques de la cité de Metz. Nous savons seulement qu'elles se transmettaient encore
oralement au début du XXème siècle. Il est donc fort probable que nous avons affaire à une
transcription de traditions orales messines; VOLTZ, Les Chroniques en vers de la ville de
Metz, étude historiographique, p. 22, 23.
91
Fo 24 ro
[232]
Et de lors fuit Mets appelee
Bien reffaite [et] repopullee
Mecius en fuit le seigneur
Et la submit a l'empereur
[233]
Mecius selons cours humain
Fil de roy natif des Romains
Dessina par anticquité
Et ordonna bien la cité
[234]
Il co[m]mist gens saiges [et] habilles
Ill'aimoit co[m]me pere sa fille
Ceulx de la generacion
De premiere fondacion
[235]
Extrais dez anffans de Noel
Lez ordonna seigneurs voez
Voz peres furent fondateurs
Et vous serez reparateurs
[236]
Je vous constitue en justice
En regime et bonne police
Pour rendre raison a chescuns
Et mon droit je donne au co[m]mun
F 0 24
[237]
V
0
Vous estes cinq nobles paraiges 81
Vaillant riches prudant [et] saiges
Pour regenter vous ay assis
Et mon co[m]mun qui fera six
81
Les cinq paraiges primitifs furent Porte Moselle, Jurue, Saint-Martin, Port-Sailly et OutreSeille. Par la suite s'est érigé le sixième paraige celui du Commun qui n'a pris le caractère
complet de paraige que vers le XVème. Les paraiges étaient un corps indépendant, qui vers le
commencement du XIIIème siècle s'est constitué afin de protéger les individus associés en
son sein. Au nombre de cinq, d'abord et ligués de bonne heure pour la conquête du pouvoir de
la cité, les paraiges avaient réussi à enlever aux évêques l'autorité que les prélats exerçaient
dans leur ville épiscopale. Dès le XIIIème et XlXème siècle, les paraiges sont maîtres de la
cité; Histoire de Metz, dir. Le Moigne, p. 145.
92
[238]
Pouoyez vous au demeurant
Adieu vous dis m'en voy morra[n]t
Secourez au plus necesaire
Eschevez je ne puis plus faire
[239]
Quant de ma vie il sera fin
Mon ame donne au seraphin
Et mon corps a la sepulture
Servez dieu (et] tenez droitture
[240]
Apres lui heure[n]t aultre seigne[ur]
Car maindre ploye soub grigne( ur]
La cleretey en est malaisee
A trouver par les librairiés
[241]
Mais pour ensuivir mon propos
La cite avoit pour suppos
L'empereur tousiours Augustus
Au quel la submist Mecius
[242]
La cite fuit assez reffaitte
Au monde na chose parfaitte
Quant ung ho[m]me fait son pooir
L'aultre doit faire son debvoir
Qua[n]t lez pont des morts (et] le ponts Tiffroy furent premier fait de la cite
après la mort de Mecius. s2
[243]
On passait par sus lez rivieres
Sur pont de bois no(n]pas de pieres
Malz retenus pour lez constanges
Et marchant souva[n]t par la fanges
[244]
Le puple en estoit tormentez
En temps d'yver [et] temp d'estez
Par grandes eaues, par glace [et] p(ar] neisge
En allant en leur heritaiges
82
L'auteur a inséré ce titre après avoir rédigé les quatrains. N'ayant pas suffisamment de
place entre les quatrains 242 et 243, le titre est en partie rédigé dans la marge droite du folio.
93
[245]
Mais Dieu permist deux nobles ho[m]mes
Nobles [et] puissant de grant renoms
L'un estoit nommez Thiffridus
Et l'aultre nommez Moridus
[246]
Ung pont fist faire Thiffridus
De pieres a la porte Dolbus
Esperant que grant bien feroit
Et fuit nommez le pont Thiffroy 83
[247]
Moridus en paroille sorte
En fist faire ung a l'aultre porte
En pitiez et de bon remort
Ce pont fuit dit le pont du mort 84
[248]
Ces ponts furent fait richeme[n]t
Serva[n]t tres prouffitanblement
Mais par faulte d'entretenir
Fault tou ttes choses a fin venir
[249]
Au tousiours prendre [et] ny rien mestre
Sy gros n'est que ne d'heust descrestre
Tant fure[n]t usez [et] desrompus
Tant par sus on ne marcha plus
[250]
Apres loing temp conclusion
Y fuit mise provision
Bien fondee certainnement
Pour l'oueuvre [et] l'entretenement
83
L'œuvre des seigneurs troyens consiste dans l'établissement de deux ponts de pierre, le
Pont-Thieffroy d'abord, le Pont-des-Morts ensuite, qui succèdent à des ponts de bois en
mauvais état. Cette légende permet de reconnaître que la tradition conservait le souvenir de
l'antériorité du Pont-Thieffroy sur le Pont-des-Morts, mais aussi du temps où l'on ne passait
le bras de la Moselle que dans les barques; PROST, les Légendes, p. 175.
84
On trouve des vestiges du pont antique près de l'actuel Pont-des-Morts. ll faut ajouter que
le bras oriental de la Moselle à cette époque devait être plus large, mais le tracé de ce cours
d'eau et son évolution nous sont inconnus. On peut malgré tout supposer que l'eau pouvait
submerger les quais et la place de chambre ; GAUTHIER, Topographie Chrétienne des cités de
la Gaule, p. 39.
94
[251]
De ses ponts la [et] d'aultre encor
Tant du dedans co[m]me du dehor
Selon l'ordre [et] le contenus
Sont maintenant entretenus
[252]
Jours a pres jours co[m]me il advien
Apres Julius Octavien
Fuit empereur sur lez Romains
Sy forte n'este qu'ay point de demain
De Octavien l'empereur et de l'amphyteaultre qu'il fuit faire
[253]
Octavien en cestui pays
Vint ou il n'estait pas hays
Et fuit receupt a grant honne[ur]
Comme appartient a empereur
[254]
Plusieurs jours a Mets seiouma
Et bon regime y ordonna
Et au temp de la stacion
Y fist grant reparacion
[255]
Octavien ama la cité
Et y fist grant sollempnité
Une œuvre nom pareille a aultre
Qu'on no[m]moit ung amphitheaultre as
[256]
En ung lieu nommez aux arrai[n]ne
Volt tenir sa court souverainne
Sur l'emphitheaultre a devis
A mode d'empereur servis
86
85
Le grand amphithéâtre à Metz était à 1' écart de l'agglomération. Ses dimensions
importantes permettaient de le considérer comme l'un des plus grands de l'empire romain. ll
fut certainement construit à la fin du premier siècle. Ce monument fut détruit au cours du
illème siècle lors des invasions. C'est à ce moment que les habitants de la ville de Metz
construisirent rapidement une enceinte en utilisant alors les pierres de l'amphithéâtre;
Histoire de Metz, dir. Le Moigne, p. 53. L'auteur ne semble pas connaître la destination
exacte d'un amphithéâtre puisqu'il évoque les réceptions tenues par l'empereur et non les jeux
qui devaient y avoir lieu: «Volt tenir sa court souverainne 1 sur l'emphitheaultre a devis 1 a
mode d'empereur servis».
86
ll se peut que le nom des Arènes fut donné à ce lieu à cause de l'amphithéâtre que les
romains y avaient construit ; PROST, les Légendes, p. 177.
95
[257]
Quant le lieu fuit a son gres mis
Ung mois festoya sez amis
Et hyuctz jours bourgois [et] marcha[n]s
Et hyuctz jours la comune gents
[258]
Haulte estoit assis en attours
Et au dessoubz tous alentours
Chescuns a son mieulx s'attornoit
Faisant dances, joustes [et] tournois
[259]
L'emphitheaultre de droitture
N'avoit fermetes ne sarrures
Ne couverture que drap dor
La avoit moult riche tresor
[260]
A Challon, Raim [et] Lucembourg
A Toul, Verdung, Trieuve [et] Strabo[urg]
Manda Octavien par expres
Apporter leurs tribus a Mets
Dont procede le nom de Romesalle
[261]
87
Et ordonna une maison
Pour chescun an rendre raison
Dez tributs rentes imperialles
Qui est nommee Romesaulle
Co[m]ment la table de marbre fuit faicte et fuit depuis l'autelez Sainct Piere
[262]
Quant sa maison heust ordonnee
Et son ordonnance donnee
Une riche marbre taillie
Y fuit mise pour l'estanblie
87
Romesalle était un édifice gallo-romain se trouvant en plein centre ville, là où la population
se faisait dense. Cet édifice dont le nom rappelait un vaste bâtiment s'étendait des deux côtés
de la rue des clercs. Romesalle est mentionnée dans la confirmation des biens de l'abbaye par
Célestin III le 15 mai 1192. ll subsiste des traces de mur antique entre Bonneruelle et la rue de
l'Esplanade actuelle ; SCHNEIDER, La ville de Metz au Xlllème et X!Vème siècles, p. 51.
96
[263]
En passant grant succession
Apres la digne passion
Fuit la reprist celle pierre
Et en fuit fait l'aultel s[ain]ct Piere
[264]
Apres de cest amphiteaultre
Dont fuit sollempnite si haulte
Demeura vangue [et] ruyneux
Puant infectz [et] veinimeux
[265]
La se faisoie[n]t chose noctoire
Touttes oeuvres diffamatoires
Tous gens jureus [et] an chantez
Usant de touttes meschantez
[266]
Boulle, putterie (et] bourdelaige
Cocubinaige [et] macrelaige
Sodomie [et] pollucions
Et tou ttes dissollucions
88
Fo 27 V
[267]
Longuement dura ce co[m]mine
Mais Dieu par sa grace divigne
Pugnit cel que ne se repent
La s'ariva ung grant serpens
[268]
Ce serpent osta les peschiez
Mais au puple fist g[ra]nt meschief
Il en dechassa la luxure
Et y mist velin [et] ordure
0
88
Selon la légende de saint Clément, c'est dans l'amphithéâtre romain, se trouvant sous
l'actuelle gare de marchandise, qu'il faut chercher l'emplacement de cet autel. Dans son
histoire des évêques de Metz, Paul Diacre évoque l'édification de cet oratoire par le premier
évêque. D'autres documents attestent de son existence, c'est le cas du sacramentaire de
Drogon, mais aussi de la Bulle du pape Innocent II de 1139 qui avait doté de nombreux
privilèges la première église chrétienne de Metz. Vers le milieu du IVème siècle eu lieu la
translation du siège près de la cathédrale dans un sanctuaire qui prit le nom de Saint-PierreLe-Vieux. L'oratoire continua d'exister jusqu'en 451 date à laquelle, il fut certainement
saccagé par les Huns. On note au IXème siècle, l'existence d'une église dans l'amphithéâtre.
En 1444, lors de la guerre contre le duc de Lorraine et le roi de France, le monument fut
épargné par les combats, mais le siège de 1552 amena sa destruction; KLAUSER, Eglises
antérieures à l'an mil, p. 571 à 574.
97
{269}
De sang faisoit effusion
Et de gents g[ra]nt co[n]fusion
Quant il desgorgoit son allai[n]ne
De velin estoit l'air plainne
{270}
Gens morroie[n]t journelleme[n]t
Addes continuellement
On ne se scavoit ou quachier
Ne ne l'osoit on approchier
{271}
Et avecq lui tant de vermine
Grande colleuvres serpentines
Gros crappaux, scorpions, lezardes
Destruire oh n'eust sceu sans les ardres
Fo 29 ro 89
[272]
En cellui tempz y avoit gens
Tres vertueux [et] diligens
Mais du velin dont ilz usoient
Nulz approchier ne les osoient
[273]
Cellui mallongueme[n]t dura
Dont le puple molt endura
En torma[n]t [et] affliction
Jusques apres la Passion
[274]
On treuve[n]t par sceux de clergie
Que lez terres sont rechangie
Royalmes duches [et] contez
Par ceulx qui lez ont conquestez
[275}
Octavian de Romme empereur
Tenoit en son sceus g[ra]nt erreur
Et au temp de sa seigneurie
Fuite nee la vierge Marie
89
Le folio 28 est manquant. L'auteur des Chroniques de la cité de Metz a tout simplement
oublié cette numérotation.
98
[276]
Or vint l'anonciation
De la saincte incarnation
De Dieu le pere [et] sainct esprit
Et du fille doulx Jhesucrist
0
F 29
[277]
Jhesus fuit ne en Bethleem
Ung lieu près de Jherusalem
Dont Herode occit par mal sceus
Sept vint quatre miles inocents
[278]
En diligence bien su bite
Fuit portez Jhesus en Egipte
Et quant Herode eut rendu ame
Retorna en Jherusalem
[279]
Marie (et] Joseph firent areste
En la cite de Nazareth
En leur maison [et] propre lieu
Norissant le vray filz de Dieu
[280]
Trente deux ans regna sur terre
Co(m]me anffant avec pere (et] mere
L'an apres souffrit Passion
Pour humainne redemption
V
0
Des miracles du jo(ur] de la Passion faict.
[281]
Au sainct jour de la Passion
Estaient en jubilacion
En Romessaule lez recepveurs
Pour lez tribus de l'empereur
Fo 30 ro
[282]
Depuis le jour du g[ra]nt deluge
Ou au monde n'eust c'un refuge
On ne trouve[n]t jour sy terrible
En tous les hystoire de bibles
99
[283]
Car au jour de la passion
Fist si terrible emocion
Par tout le monde univercel
Que maints droit furent revercez 90
[284]
Tout trembla par si fort raison
Qu'a Metz tomba maints maison
Et l'idole de Jupiter
A cellui jour tomba a terre 91
[285]
Et le chasteau sur la riviere
Pres de la Porte Lavandiere
De Zelech estait le treffons
Fuit fandus du hault jusq[ue] au fons
[286]
Qui estait de sy forte muraille
Qu'on ne scauroit faire pareille
Car des ouvriers de Babillonne
Fuit fais [et] des propre parsonnes
[287]
De ses signes tant perilleux
Tant oribles [et] ta[n]t merveilleux
Rescripverent a leur signeurs
Tyberius l'empereur 92
[288]
Car a Rome on sceut lez nouvelle
De la mort Jhesus tant cruelle
Et sy leur fuit certiffiez
Que Dieu estait cruciffiez
90
Dans sa Chronique, t. I, p. 40, Philippe de Vigneulles développe plus cet épisode en
donnant de nombreux détails : « Depuis 1'heure de sexte jusques à nonne, ténèbres y avoit
estez, sy ob[s]cure que l'on veoit les estoille on firmament et que terrible tranblement de terre
avoit estée fait ... et que plusieurs maison y estoient cheuttes et que une paroy tres espesse
avoit été rompu etfandue du plus haut jusques en bas».
91
Eusèbe-Jérôme est le premier à faire référence aux cataclysmes qui eurent lieu lors de la
mort du Christ. Vincent de Beauvais repris cette source dans son Speculum Historia/es.
L'adaptation française de cette œuvre servit à son tour de source et on en voit ici la version
messine ; BEAUNE, Naissance de la nation France, p. 52.
92
Philippe de Vigneulles ajoute dans sa Chronique, t. I, p. 45, les phrases suivantes: «Je
vous dirés de l'empereur Thiberius, lequel mist tant son amour en celle noble cité de Metz,
qu 'ill 'anoblit de toutte au/tres, et la douuait de plusieurs graice et privillaiges ».
100
Q{uan]t sainct Piere vint tenir son siege a Rome
[289]
Quant s{ain]t Piere le bon preudo[m]me
S'en vint tenir son siege a Ro{m]me
Prescha tant parmey la cité
Que de l'ouyr fure[n]t jucité
[290]
Jhesus apprist a ses appostres
Le sainct sacre [et) la pater nostre
En disant que bonne loy teingne
Pour accroistre la foy crestienne
[291]
Tous lez fist clercs [et] advisez
Et l'ung de l'aultre divisez
Mais quel grant que fuit les dicippes
Fuit sainct piere pere princippe
La convercion monseigneur sainct Clement
93
[292]
Sainct Piere pere appostollicq[ue]
En preschant la foy catholicq[ue]
Convertit ung noble seigneur
Du sang dez plus gra[n]t senateur 94
[293]
Ceste ho[m)me en liberte sans femme
Demanda crea[n)ce [et] baptesme
Et qua[n]t il fuit bien baptisez
Le monde prist en desprisiez
93
La légende de saint Clément était très connue à Metz à la fin du Moyen Age, ce qui
explique la place importante qu'elle occupe dans les Chroniques de la cité de Metz. Le .récit
que l'on trouve dans cette chronique se rattache à la dernière version de la légende sous une
forme abrégée puisque tout ce qui concerne le saint avant son arrivée à Metz a été omis. La
vie du premier évêque messin apparaît à travers les Chroniques de la cité de Metz comme un
récit original présentant saint Clément comme un saint exclusivement messin; VOLTZ, Les
Chroniques en vers de la ville de Metz, étude historiographique, p. 20.
94
Dans sa Chronique, t. 1, p. 48, Philippe de Vigneulles présente ainsi saint Clément:
« Homme de grande noblesse, doctes et a prins devent tous les pallaciens, preux en armes,
proveu de conseil, et estoit des plus noble de la cite de Romme, comme celluy qui estoit
descendus de la lignié dez senateurs et empereurs». n le nomme Clément Flavius et ajoute
qu'il est l'oncle du pape Clément martyr; CHAZAN, Dans la gueule du dragon, p. 28.
101
{294]
Sainct Piere si le baptisa
Et puis preste le disposa
De la messe [et] la pater nostre
Pour la foy Jhesuscrist accroistre
{295]
Sens plus de prolongacion
Pria davoir legacion
Vestus en prestre simplement
Et no[m]moit ons son nom Clement
{296]
Sainct Piere prist moult g[ra]nt plesir
Qua[n]t il congneut son bon desir
De bons preudhons l'associa
Et la foy leur speciffia
F 0 31
[297}
En dignite espiscopale
Lez mist [et] prins les dit en Gaule
Vous en yrez moult loing pays
De rien n'en fure[n]t esbahis
[298]
Ilz partire[n]t par compaignie
Onze prelat 95 tous sans mesgnie
Baptisiez [et] regenerez
Et en la foy bien literez
{299]
Tres tous a lavoye sont mis
Lassant leurs parans [et] amis
Qui lez tenoient pour chetis
Pourtant qu'estoient convertis
V
0
95
La tradition s'est enrichie et saint Clément finit par être accompagné par d'autres
personnages que ses deux compagnons Félix et Céleste. L'auteur des Chroniques de la Cité
de Metz écrit que onze prélats accompagnent saint Clément, mais il ne cite aucun nom. Dans
sa Chronique, p. 49, t. I, Philippe de Vigneulles, énumère les noms d'autres personnages:
«saint Pie"e luy bailla à compagnie Félix, preste, et Céleste, diacre», puis il ajoute, «avec
lesquelx il envoya plusieurs au/tres sainctes parsonnes, car il envoyait Eukaire, Valère et
Materne à ceulx de Trieuve et Mansuy à ceulox de Toul et Siros à ceux de rains, etc». Pour
Philippe de Vigneulles, ces personnages sont au moins au nombre de sept. Mais le dernier
terme: etc, indique qu'il pouvait y avoir d'autres personnes.
102
[300}
Quant vindre[n]t au monts de mo[n]giez
Tres humbleme[n]t prindre[n]t congiez
Pour aller sans dilacions
Chescuns en sa legacion
[301}
Tant ont leur fais solicitez
Que chescun trouva la cite
Ou que il estoit envoyez
Plainne de gens tous desvoyez
[302}
Quant heure[n]t fais desparteme[n]t
Tant cheminere[n]t app[er]tement
Co[m]me pelerins monte[n]t [et) avalle[n]t
Qu'ils vindre[n]t es pays de Gaule
[303}
Sainct Clement Felix [et] Celeste
En painne travail [et] moleste
Ne s'aresterent en lieu jamais
Tant qu'il furent bien pres de Mets
103
[304]
Tant ont cheminez [et] allez
Lassez travailliez [et] foullez
Que pour leur repas fire[n]t pose
Au fons du grant forest de Gorze 96
[305]
Il trouvere[n]t une fontaine
Qui n'estait pais de Mets lo[in]tai[n)ne
Ilz firent leurs devocion
En prenant leur reffection
Co[m]me le cerffe que chassaient les veneurs du prince vint aupres de sainct
Clement en la forest de Gorze. 97
[306]
Et alors que ilz reppassoie[n]t
Lez veneurs du prince chassoie[n)t
Ung grant serf parroy la forest
Qu'en leur girons fist son arest
96
Gorze est certainement une des abbayes lorraines la plus ancienne et la plus riche. La
fondation a sans doute eu lieu entre 747 et 757 par l'évêque de Metz Chrodegang. Ce dernier
est le descendant d'une grande famille de Hesbaye et il devint évêque à Metz en 752. Il part à
Rome en 753 et à son retour, il développe la réforme religieuse au travers de la liturgie dont le
chant grégorien est un élément important. Il réforme aussi le clergé régulier et fonde Gorze.
L'église de Gorze est dédiée aux saints Pierre, Paul, Etienne et à tous les saints. L'évêque
supervise la réforme bénédictine dans l'abbaye ce qui est important dans une région sensible
au monachisme irlandais qui donne moins d'importance au rôle de l'évêque. Gorze reste donc
dans la dépendance de l'évêque de Metz. C'est une des abbayes les plus importantes de la
région et les évêques comme Angelram (768-791) lui font des donations. Mais comme
l'abbaye est richement dotée, elle finit par être convoitée et en 855, à la mort de l'évêque
Drogon, qui était aussi abbé de Gorze, l'abbaye tombe entre les mains des laïcs. Ce
mouvement de mainmise des laïcs sur les biens religieux est général et c'est à cet événement
qu'il faut attribuer la décadence de l'abbaye. La venue de l'évêque Adalbéron 1er permet à
Gorze de restaurer sa grandeur. On évoque à ce sujet une deuxième fondation. Adalbéron
apparaît comme un nouveau Chrodegang. V abbaye conservera une grande importance dans
toute la région pendant l'époque médiévale. Mais à la fin du XVème siècle, comme la plupart
des abbayes bénédictines, Gorze connut un déclin du essentiellement à un fort endettement et
à un état de guerre permanent en Lorraine. Gorze devint l'enjeu de rivalités politiques et
religieuses et en 1544, elle appartient à l'empereur Charles Quint. Elle sera incendiée le 12
avrill552 par Gaspard de Coligny; WAGNER, Gorze au Xlème siècle, p. 17 à 25.
97
C'est au cours de la troisième version qu'est ajoutée la légende du cerf; CHAZAN, Dans la
gueule du dragon, p. 29.
104
Fo 32
[307}
Il s'aresta entre eulx trois
Clement au signe de la croix
Lez chiens tant fiers [et] mallaisiez
Furent tous doulx [et] respaisiez
[308]
Les veneurs voant ce miracle
Que de la main ung seul signaicle
Lez conffust sens plus travaillier
Tres fort s'en peurent esmerveillier
[309]
Retoumere[n]t sans arester
A leur prince lefait compter
Dont moult en fuit esmerveillez
Et d'y aller appareilleiz
V0
Co[m]ment le prince aller otor le cerff
[310]
N'attendit ne trois jours ne q(ua}tres
Au lendemain pour eulx esbattres
Le prince avec la princesse
En rallerent tous a la chasse
[311]
Tout aincy que le jour devant
Estoit le temp l'air [et] le vent
Braconniers [et} chiens en le[ur] tasse
Retrouverent le serf en sa place
Fo 33 ro
[312]
Le serf requerant son suppos
Ne rechanga pas son propos
En faisant ses salz soupplement
Sen vint rendre soub sainct Cleme[n]t
[313]
Sainct Clement le loyal preudhons
Qui apportait grace [et] pardons
Leurs fist comme au jour precedant
N'y eust chiens qui ouvrit sez dant
105
[314]
En faisant seuleme[n]t la croix
Tres tous lez chiens se tindre coy
Le prince veant la vertus
Lui va demender : qui es tu ?
[315]
Il respondit benignement
Nous so[m]mes pour v[ot]re salveme[n]t
Lez serviteurs de Jhesus Crist
Pere [et] fil [et] sainct esperit
[316]
Nous so[m]mes en ses pays venus
De part Dieu po(ur] v[ot]re salus
Pour vous donner cresme [et] baptesme
Et pour salver hommes [et] fe[m]mes
[317]
Le prince a cez most retourna
En ce lieu plus ne seiouma
Lui [et] la princesse sa fe[m]me
Et tous aultres seigneurs [et] dames
Co[m]ment sainct Clement epitra en la Citez
[318]
Sainct Clement vint en la Cite
Po[ur] cas de g[ra]nte necessite
Car tous estaient entaschiez
De malz [et] de mortelz pechiez 98
[319]
Quant ses premiers sermons prescha
Chesc[u]n pres de lui s'approcha
Et de fervant cuer l'escoultoient
Quoncq[ue) sermon ouy n'avaient
98
Sur la date d'arrivée des premiers évêques, on ne peut émettre que des suppositions. On
peut placer 1'épiscopat de saint Clément au premier quart de Illème siècle. On sait que pour la
Lorraine, la diffusion du christianisme fut d'abord un fait urbain et l'organisation
ecclésiastique se modela sur celle de l'administration de 1'époque. On reste malgré tout mal
renseigné sur les premiers lieux de culte chrétien. En se référant au témoignage de Paul
Diacre au Vllème siècle, des fouilles ont été entreprises au Sablon sur le site du grand
amphithéâtre au début du X:Xème siècle. Un réaménagement de la fosse des machines, après
abandon de l'édifice a été mis en évidence. Datant de la fin du llième siècle ou du début du
Nème siècle, il pourrait bien avoir une origine chrétienne; PARISSE, Histoire de la Lorraine,
p. 88, 89.
106
[320]
Puis disoie[n]t lez ung aux aultres
En cez parlers n'a nulles faultes
Tous ses mots sont d'auctoritê
Et ne dit rien que veritê
[321]
Ceulx qui ses sermons escoultoie(n]t
A leur voisins lez racomptoie[n]t
Disant beau Dieu de paradis
Ou peult il prandre ceu qu'il dit ?
Fo 34 ro
[322]
Tant prindre[n]t de devocion
D'oyr ses predicacions
Que cellui estoit desprisiez
Que briesment n'estait baptisiez
[323]
Tant de la foy lez advertit
Que la plus g[ra]nt part co[n ]vertit
Et baptisait journellement
Grant nombre generalement
[324]
Le prince tena[n]t son erreur
Et la princesse en rumeur
En leur grant estat triumphant
N'avaient for cun seul anffant 99
[325]
C'est anffant estoit une fille
Mais par la mort qui est subtille
De son mortel dart la frappa
Et la mist de vie a trepas
[326}
Le prince out desesperez
Impacient mal temperez
Et la dame pareillement
Menaient duel horiblement
99
Philippe de Vigneulles ne mentionne pas de la même manière le miracle de la résurrection
de la fille d'Orius et des autres morts puisqu'il évoque ces miracles de manière très abrégée,
en faisant le bilan toutes les œuvres de saint Clément. C'est à dire, une fois que ce dernier est
mort. Le récit de ces miracles est bien plus bref que dans les Chroniques de la cité de Metz.
107
0
F 34
{327]
Leurs gens po(ur] lez reconforter
Et de bon conseil ennorter
Leurs dirent sire par science
Prenez ung peu de pacience
{328]
En la Cite a ung propheste
Qui a tant de belle oeuvre faitte
Oncque nulz ne vit le pareille
Prenez ung peu de son conseille
{329]
Le prince triste [et] desolez
Fuit ung petit reconsollez
Desirant le sainct ho[m]me ouyr
Esperant a son resjouyr
{330]
Incontina[n)t ille manda
Et a lui se recommanda
D'une reco[m]mandacion saincte
Non pas d'amo[ur] mais par co[n]straite
{331]
Dalleur que son cueur estraidoit
D'humillier le constraindoit
Pour ceu qu'il fallait obeyr
A ce que plus voulloit hayr
V
0
Fo 35 ro
{332]
Mais Dieu n[ost]re bonoy salveur
Qu'a son appetit [et) sapveur
Au sapvourer notre salut
Avoit ceste sapveur esleut
{333]
Le sainct preudhons q[u'e]stoit principe
Avec ses deux bons disiciples
En louvant (et] requerrant Dieu
Se vindrent presenter au lieu
108
[334]
La trouvere[n]t le corp gisant
Seigne[ur]s [et) dames gemissa[n]t
En tristesse (et] en g(ra]nt dolleur
Ploran t avec leur seigneur
[335]
Le preudhons Cleme[n]t Flavius
S'en vint ver le prince Orius 1oo
Pour scavoir [et] pour demander
Qu'illui plaisoit a commander
[336]
La compaignie salua
Le prince en estat se leva
Dun cuer troublez tres resolus
Humblement lui rent son salus
F 0 35 V 0
[337]
Disant:« noble [et] loyal preudhome
Vous n'estes pas venus de Rome
En faisant si grand penitence
Que vous n'ayez de la science
[338]
Ho(m]me de bien conseillez moy
Qui suis las en tres g[ra]nt esmoy
Donnez a mon scens reconfort
Car vecy mon reconfort mort
[339]
Se vous avez quelque puissance
A nous donner rejoyssance
Et vous y vouller attempter
Nous vous voullons bien co(n]tempter ~.
[340]
La sainct ho[m]me lui respondit :
«Prince mieulx sceus q(ue} tu me dit
Ho[m)me n'est de puissance digne
Que par la puissance divigne
100
Dans sa Chronique, t. 1, p. 46, Philippe de Vigneulles présente le prince Orius avant
l'arrivée de saint Clément. Il ajoute que l'amour de l'empereur Tibère était tellement grand
pour Metz qu'il lui avait envoyé un prince« Lequel estoit homme noble et subtil, ingenieulx et
sage».
109
[341]
En saincte escripture est escrypt
Pere [et] fil [et] sainct esperit
Ses trois noms ung seul Dieu co[n]sone
Qu'est ung seul Dieu en trois parsonnes
Fo 36 ro
[342]
Et son avoir voullez victoire
En Jhesus Crist il vo[us] fait croire
Fil de Dieu co[m]me j'ay recité
Qui a de mort ressucité
[343]
Ilz vous fault recepvoir baptesme
Vous tous premier [et] v[ost]re fe[m]me
Tous seigne[ur]s [et] dames [et] familles
Et joye aurez de vostre fille ».
[344]
Aincy le prince le promist
Et en devolcion se mist
Lui, la princesse [et] tous ses gens
Deulx convertir tres diligens
[345]
Ses trois sainctz veant la moleste
Sainct Cleme[n]t Felix [et] Celeste
Tous trois en grant devolcion
Firent a Dieu leur oracions
[344]
Nostre doulx salvo[ur] Jh[es]ucrist
Renvoya a ce corps l'esperit
De son amour la visita
Et de mort la ressucita
F 36
0
[345]
V
0
Et sainct Clement le dit a tous
«Simple gents reconfortez vous
Car vous etez malz fortunez
En ceste loy que vous tenez,
110
[348]
Car oncq(ue] ydole n'eust puissance
De vous monstrer tel congnissa[n]ce
Mais cil qui a ressucité
Vous prouve ycy la verité
[349]
Se vous avez aulcuns gens mort
Sur terre apportez ce lez corpz
Apportez lez incontinant
Ilz ressuciteront maintenant
[350]
Des gens morts y avoit sur terre
Ilz fure[n]t tantost ma[n]dez querre
En cellui lieu furent apportez
Et la furent ressucitez ».
[351}
La fille revenue en vie
D'estre crestienne heut g[ra]nt envie :
« Dieu qui m'a redonnez mon ame
Donnez moy la loy de baptesme
Fo 37 ro
[352]
Pere [et] mere [et] tous mes amis
Pour Dieu soyez en la foy mis
Et tantost soyez baptissiez
Qu'en nostre loy sommes abbusez
[353}
Or congnoy bien qu'il appartien
Que nous soyons tous bons crestiens
Tantost furent tous baptisiez
Et de leur gros duel rapaisiez
[354]
Orius dit a sainct Clement :
«Pere en Dieu a toy me co[m]mand
Ordonne ceu qu'il te plaira
A mon pooir l'acomplira
[355]
Mais sur nous rengne une te[m]peste
D'un venin plus mortelz q(ue] peste
D'ung dragon, venimeux serpens,
Plus longue que quarante arpans
».
Ill
[356]
Veuille nous de ce nettoyer
Et de noz pechiez chastoyer
Et nous croirons devottement
En Dieu [et] ses commandement
».
[357]
Sainct Clement [et] ses serviteurs
Devot litterez [et] docteurs
Se mirent en devolcion
Et Dieu y mist provision
[358}
N'avaient en le[ur] loy ruralle
Veu procession generalle
S'y en firent une en no[m] de Dieu
Et se firent mener au lieu
[359]
D'armes [et] de bons bastons s'armere[n]t
Et en la fouce lez menerent
En monstant de loing la charriere
Mais bien se terroie[n]t ariere
Co[m]ment sainct Cleme[n]t mena le serpent
{360]
Par la saincte loy appostolle
L'ho[m]me de Dieu prist son estolle
Et la mist on col de la beste
Quoncque n'en remua la teste
[361]
Et chemina tout simpleme[nt]
Co[m)me ung chien apres s[ain]t Cleme[n]t
Lizardes colleuvres [et] bestailles
Tout mena condempner en Saille. 1o1
101
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz rapporte une tradition messine qui s'est
enrichie au cours des siècles. C'est au XIIIème siècle qu'est rédigée la quatrième version de la
légende de saint Clément et que reprend l'auteur sous une forme abrégée. Cette tradition
évoque une légende rapportée par Paul Diacre dans son Libellus Episcopis Mettensis rédigée
entre 782 et 786. Le miracle le plus important de saint Clément consiste à libérer la ville du
dragon qui se trouve dans 1'amphithéâtre. Saint Clément parvient à dompter le dragon grâce à
sa sainteté. Il explique aux habitants de la ville que la présence de ce serpent était due à leurs
péchés, à leur idolâtrie. Saint Clément n'est pas le seul évêque à dompter un dragon dans la
littérature hagiographique. En règle générale, le dragon représente le paganisme ou le Diable.
Mais dans les Chroniques de la cité de Metz, le fait est plutôt nouveau, puisque le dragon est
un instrument de Dieu, un châtiment divin et qu'il est présent pour punir les habitants de la
ville de Metz; CHAzAN, Dans la gueule du dragon, p. 19 à 35.
112
Fo 38 ro
[362]
Quant il heust destruit ce vermines
Il n'attendit plus de termine
Il fist faire ung fond a baptesme
Pour baptisier de aue [et] de cresme
102
[363]
Et puis vit lez gents sy contriste
Au nom de sainct Jeha[n] Baptiste
Fist faire ung fond enmy lez champz
Pour baptisiez touttes les gents
[364]
En ung plesant lieu a sa guise
Fist faire le fond de l'esglise
Et tout pres prist sa residence
Son oratoire en penitence 103
[365]
De puis on y fist ung moustier
Gros [et] parfais [et] bien enthier
Par devolcion [et] mistere
Fuit fonder ung beau monastere
[366]
Ce sainct lieu de digne efficace
Avait noms lors bazillicas
Le lieu la terre [et] le pourpris
Qui est maintenant de hault pris
F 38 V
0
[367}
0
Prince [et] princesse avec le[ur) fille,
Seigne[ur]s dames, toutte la famille
S'appresterent hastivement
Pour recepvoir baptisement
102
Ce quatrain se trouve en bas du folio. L'auteur, à l'aide d'un trait désigne le lieu où il
souhaite qu'il se trouve, accompagné de la phrase suivante: Yci doit estre ce couplet.
103
C'est Paul Diacre qui le premier raconte que le premier évêque de Metz avait élu domicile
dans l'ancien amphithéâtre situé au Sablon hors de la ville. C'est là qu'il construisit son
oratoire qu'il dédia à son maître saint Pierre. La dédicace à saint Pierre est certainement plus
tardive. Mais lors des fouilles, des traces d'aménagement contemporaines de saint Pierre-auxNonnains ont été trouvées dans la fosse située sous l'arène. Cette église est attestée par une
liste stationnale au VIIIème siècle ; GAUTIIIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule,
p42.
113
[368}
Sainct Clement fist la pluss[ieur]s prestre,
Clercs devotz le desirant estre
Aux quelz il apprist le servise
De nostre mere saincte esglise
Q[ua]nt sainct Clement fist faire la mere eglise episcopale
[369}
Et puis apres consequement
Fist faire curcensement
La mere esglise episcopale
Qui fuit le siege cathedrale 104
[370}
Se n'estoit for c'une chapelle
Qu'alors leur sambloit riche [et] belle
Au nom de sainct Piere l'Appostre
Qu'on dit maintenant le four clostre
[371}
Apres fist faire emmy lez champz
En lieu plus villain [et] mescha[n]t
Le premier siege de pardons
Et d'absolucions le don
{372}
On disoit sainct-Piere-aux-arraine
Au dehors de la porte aurienne
Seigneurs [et] bourgois marchant
La nomment or sainct-Piere-au-champz
[373}
Le premier siege a penitence
La premiere foy [et] creance
Le premier divin sacrement
Et du serpent le dampneme[n]t
104
En 616, on est assuré que la cathédrale de Saint-Etienne se trouvait sur le site qu'on lui
connaît aujourd'hui. Toutefois, Paul Diacre, à la fin du Vlllème siècle pense que cette
cathédrale se trouvait à l'emplacement de l'oratoire construit jadis par saint Clément et dont
parle Grégoire de Tours. Peut-on penser que cette église a toujours été au même endroit,
puisque la construction de saint Clément se trouvait sur le site de l'amphithéâtre ? Selon
Nancy Gauthier, « Si on admet que Metz a possédé un évêque avant la paix de l'Eglise » cet
oratoire n'a pas toujours été construit en plein centre de la ville, mais plutôt dans un lieu
suburbain comme le sablon. li faut attendre le Vème siècle pour que les chrétiens s'octroient
les bâtiments publics du centre de la cité. Le transfert de cette église en ce lieu semble révéler
un christianisme plus présent dans la population messine et à une amélioration des bâtiments ;
Id, p. 43.
114
Primas sedes venie
Prima fides patrie
Prima misse celebracio
Et serpentis ejectio tos
[374]
Quant sainct Clement fuit advertis
Que son puple estoit convertis
Il rescript a sainct Piere a Romme
Qu'il avoit trouvez des prudho[m)mes
[375]
Il rescript tout premierement
Qu'il fuit receupt benigneme[n]t
En charitauble affiction
De gents de bonne intencion
[376]
Et que tous convertis estoient
Et aux ydoles renonssoient
Et que en leur convercion
Avoien t grande devolcion
[376}
Et lui rescripint pluseurs choses
Du serf de la forrest de Gorze
Du dragon qu'il maldit en Saille
Et de la mort de la pucelle.
[378]
Moult en fuit sainct Piere joyeux
En louant le Dieu glorieux
De la foy qu'il veoit accroistre
Le manda a tous les appostres.
[379}
Aux appostres tous congreguez
Fuit ce mandeme[n)t alleguez
A sainct Jehan nepveu Jhesuscrist
Fuit desclairiez premier l'escript
105
Dans sa Chronique, t. I, p. 51, Philippe de Vigneulles rapporte ce qui est écrit,« Ce qui est
escript sus le pourtal de 1'eglise dudit Sainct Pier aux araines, c 'on dit a champs, Prima
sedes venie, prima fides patrie, prima misse celabracio et serpentis ejectio ».
115
[380]
Le quelz donna a tous pardons
Confessez de bouche a preudhons
Chescun [et] chescunes la somme
Autant qu'il en avoit a Romme
Fo 40 ro
[381]
C'est en son esglise au arrainne
Visiter deux foix la sepmenne
C'est une foix le mercredi
Et l'aultre foix le vendredi
[382]
Chascun appostre a son pooir
L'ottroya de tres bon voulloir
De joye ung chescun gemissait
Pour foy Dieu qui accroissait
[383]
Et sainct Piere lez confirma
Et de sa puissance y donna
Au tant qu'a Ro[m]me en y avoit
Et que jamais en y auroit.
{.384]
Sainct Clement prist solicitude
De lever escalles [et] estudes 106
Des ordonnances appostollicq[ue]
Accroissant la foy catholicques
[385]
Destruisant lez illusions
Erreurs [et] folles abusions
Des abbusez en follastries
Addorant leurs ydollastries.
F 40
0
[386]
V
0
Sainct Clement fist pluseurs esglises
Car on faisait tout a sa guise
Le siege tint vintg cincq ans
Et trois moix [et] puis fuit vacqua[n]t.
106
Cet élément peut paraître intéressant. C'est peut être une indication originale de 1' auteur
car on n'en trouve aucune mention dans la Chronique de Philippe de Vigneulles.
116
[387]
Apres sainct Cleme(nJs, sai(n]ct Celeste
En la vie humaine [et] terrestre
Prist ceste charge episcopalle
Qui est gros fais sur lez appalle
[388]
Apres sainct Celeste, sainct Felix
Qui sont beneurez in celis
Par souffrir penne miseranble
Sont en la gloire pardurable
[389]
Le quart ce fuit sainct Pacient 1os
1°7
Envoyez en bon essiant
Qui estoit dicipple [et] ministre
De sainct Jehan envangelistre
[390]
De sainct Paciens dit encor
Que son droit non estoit Procor :
« Nez de Greee ou moult loing y a
Et a Mets sainct Jehan l'envoya
[391]
Dieu esteut ung sainct ho[m]me en Gres
Po[ur] estre le pastour de Mets
Et a sainct Jehan revela
Qu'il vouloit qu'il en fuit prela ».
107
Metz fut très tôt un foyer de chrétienté. Une communauté chrétienne à Metz est
certainement antérieure à la paix de l'Eglise. Un évêque de Metz, nommé Victor figure sur la
liste de signature datée de 346, du pseudo concile de Cologne. Il existe aussi un catalogue
métrique rédigé sous l'évêque Angilramnus (768-791) inséré dans le Sacramentaire de
Drogon. Ce catalogue nous indique que le nom de Victor était porté par le Sème et le 6ème
évêque de Metz. L'auteur de la chronique n'évoque pas d'évêque ayant porté le nom de
Victor. Il se réfère uniquement à l'évêque Aultre qui apparaît en 451. Il cite les quatre
premiers: Clément, Céleste, Félix et Patient, puis il reprend avec Aultre qui selon la liste des
évêques serait le 13ème évêque ; GAU1HIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule,
p. 42.
108
La légende de saint Patient possède trois versions successives, dont les deux principales
sont transcrites, l'une après l'autre dans le Petit Cartulaire de Saint-Arnoul. La première
version est de plus reproduite dans la Chronique des évêques de Metz et dans les Chroniques
de la cité de Metz. La seconde version se retrouve dans la Chronique de Philippe de
Vigneulles ; PROST, Les Légendes, p. 72.
117
[392}
Dieu revela a sainct Jehan :
Que Precor dis Pacien
Ait Mets pour reconmmandee
Co[m]me ma mere te fuit do[n]nee
«
».
[393}
Sainct Jehan desbille [et] a[n]cien
Donna son dent a Pacien
On tesmoing sans negacion
D'exerser sa legacion
[394}
Quant sainct Pacient fuit a Mets
Une esglise fist faire pres
En nom de sainct Jehan son maistre
Et cellui dans il y fist mestre
[395}
Mais depuis elle fuit destruitte
Par falce guerre mallestruitte
Par grant tirrant no[m]mez lez Vanldre 109
Qu'au crestiens fire[n]t g[ra]nt esclandre
[396}
Et depuis fuit reediffier
Et la foy mieulx clariffiee
Pour servir Dieu a deux genoulx
Du nom du benoit sainct Arnoulx
Qua[n]t sainct Altre fuit esvesque de Mets no
[397}
Au tempz apres la Passion
Co[m]me en l'escript fait me[n]cion
Deux cents quarante [et] deux avecq[ue]
Sainct Altre estoit de Mets esvesque
109
Metz, qui ne fut peut être pas toujours épargnée par les incursions des ill et IVème siècles,
paraît, suivant certains témoignages, avoir subi de graves atteintes pendant les grandes
invasions du V ème siècle. Les Vandales et les Huns sont, en effet, les barbares dont le
souvenir a le plus marqué la mémoire du peuple de nos provinces. Les Vandales et les Huns,
les Wandres et les Hongres suivant la forme donnée à leurs noms dans les récits populaires,
sont donc la personnification de la barbarie déchaînée; Id, p. 276.
110
L'emprunt le plus important est la légende d' Auctor, évêque de Metz lorsque les Barbares
ravagèrent la cité. La manière dont l'auteur évoque cet événement révèle que, contrairement à
sa source, il n'a pas voulu introduire dans son œuvre une biographie du prélat, mais relater un
épisode de l'histoire messine au cours duquel l'évêque joua un rôle primordial; VOLTZ, Les
Chroniques en vers de la ville de Metz, étude historiographique, p. 20, 21.
118
[398]
En cellui temp le roy dez Hongres
Et des Huans assiga Thongre
Sainct Servais qu'en estoit pastour
En heust gra[n]t travail [et] tristour
[399]
Sainct Servais a Rome en alla
Co[m]me loyal devot prela
Ravis lui fuit en vision
Des pais la conffusion
[400]
Premier la cite qui s'appella
Aupres du Rin Ars la Chapelle
Confuse par ses annemis
Sera aincy Dieu l'a permis
[401]
Et Tongre par oultrecuidance
Sera menee a telle dance
Et au ta telle advercite
Qu'elle perdra nom de cite
[402]
Et Mets sera sy troublee
Qu'elle sera arse [et] brullee
Tout perira par ceste estraine
For l'horatoire sainct Estenne
111
[403]
Sainct Servais vit en vision
Sainct Estenne en devocion
Devant la haulte mageste
Criant mercy pour la cite
[404]
Dieu tout puissant lui respo[n]dit
Estienne entend ceu qui est dit
Pugnis seront po(ur] leur pechiez
Et mort en g[ra]nt trouble [et] meschiez
111
Grégoire de Tours raconte, lors de son premier témoignage, comment les Huns, sortis de la
Pannonie, arrivent, en semant partout la dévastation. Il dit qu'ils pénétrèrent dans la ville la
veille de Pâques, qu'ils la brûlèrent et massacrèrent les habitants. Rien n'échappa à la ruine
générale de la cité, sauf le seul oratoire de Saint-Etienne; PROST, Les Légendes, p. 285.
Toutes les versions, depuis celle que transcrit Grégoire de Tours jusqu'à celle de Philippe de
Vigneulles rédigée au XVIème siècle, s'accordent sur un point : La conservation miraculeuse
de l'oratoire de Saint-Etienne au milieu de la cité en ruine; PROST, Les Légendes, p. 322.
119
[405]
Sainct estienne acquist tel victoire
Que reservez son oratoire
Fuit de l'exille miseranble
Confusible [et] intolleranble
[406]
Quant sainct Servais fort estornez
Fuit en son paiis retournez
Alla dire au benoy sainct Altre n2
Nous seronnes pugnis po[ur] nos faites
[407]
Sainct Altre co[m]mence a preschier
Et leurs grant pechiez reprochier
Dont compte n'en voldrent tenir
Tant que le cop virent venir
[408]
Sainct servais [et] sainct Altre ensa[m]bles
Trambla[n]t co[m]me la feuille du tra[m]ble
Attendant de Dieu la sentence
Prescherent a faire penitence
[409]
Les gents nulz compte nen tenoie[n]t
Leurs malz [et] honte maintenoie[n]t
Mais a Mets advint tel merveille
Que tomba leurs tours (et] murailles 113
[410]
Tantost par lettre [et] par sedule
Fuit rescript au prince incredule
Par vray escript sens nulle glose
Que la cite estoit desclose
112
Saint Autor, selon la légende, avait passé une première partie de sa vie dans l'exercice du
métier de savetier. C'est là qu'un ordre émanant du ciel était venu le prendre pour le porter à
la tête de 1'Eglise. Aussi recommandable par son humilité que par sa sainteté, Autor, après
avoir refusé d'abord le glorieux fardeau qui lui était offert, ne s'était rendu qu'après avoir vu
la volonté expresse de Dieu; Id, p. 280.
113
Paul Diacre enrichit la version de Grégoire de Tours. Il ajoute notamment le récit de la
chute miraculeuse des murs de la ville. Les barbares avaient été arrêtés par elles lors de leur
première attaque. Ils se sont alors éloignés pour aller prendre Scarpone. A la nouvelle de
l'écroulement des murailles, ils reviennent et pénètrent alors à l'intérieur de la cité qu'ils
saccagent et livrent à l'incendie ; GAUTillER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule,
p. 40.
120
La guerre [et] destruction dez Vandale par le grant prince [et] tyrant le grant
Atthila 114
[411]
Tantost le prince retourna
Que tellement les attourna
Par sang par feu espee [et] lance
Quoncq[ue] ne fuit tel pestillence
{412]
Onque millui ne fuit fouys
Mais tous tuez ars [et] brouys
Fors ceulx qu'estoie[n)t en l'oratoire
Qui fure[n)t pris chose nottoire
{413]
Et avec eulx les emmenerent
Qu'en piteux point lez traynere[n]t
Mais Dieu lez pugnist [et] troubla
Que de clarte lez aveugla
[414]
Creez ses gens qu'ilz emmenoie[n]t
Ce n'estait pas menue monoie
Touttes signourie [et] gens nobles
Lor est toujio[ur] le plus chier molles
{415}
Et pourta[n)t qu'est plus chiere l'or
La met ons secret au tresor
Au lieu qui estait reservez
Furent les plus grans preservez
114
L'auteur semble faire un lien entre deux sources puisqu'il associe les Vandales et Attila. Il
se peut qu'il y eut un sac de la ville en 406. Cette supposition reste vraisemblable, bien
qu'elle soit attestée par les témoignages de valeur incertaine de Frédégaire qui écrit sa
chronique au VIlème siècle et qui semble avoir attribué aux Vandales, les faits que Grégoire
de Tours réserve aux Huns; GAUTHIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p. 41.
La prospérité du Vème siècle ne dura pas et en 406, des tribus importantes de Vandales, de
Suèves et d'autres barbares déferlèrent sur la Gaule et les Francs qui formaient l'armée
« romaine » furent écrasés par les envahisseurs. Nous savons que Trèves subit l'assaut de ses
barbares, mais en revanche, nous ignorons si Metz a subi le même sort. Ce qui est sûre c'est
qu'il n'y a plus de frontière et que le pays de Moselle est ouvert aux peuples barbares qui
fuient eux-mêmes les Huns; Histoire de la Lorraine, Société des Etudes Locales, p. 61.
121
{416]
Ses matins felons enraigiez
De joye en tristesse changiez
Ne scavoient que devenir
Ne quelz contenence tenir
{417]
Jusque pres Lissu en Bourg[n]gne
Aincy que histoire tesmoigne
Menerent liiez bras a bras
Les pauvres prisonniers de Mets
[418]
Adonc demanderent au crestiens
De qui ce simulacre tient
Faire la puissance vos Dieux
Que nous a aveuglez nos yeulx
{419]
Le devot preudho[m]me sainct Altre
Leurs respondit sans nulles faulte
Le vray filz de Dieu Jhesucrist
Vous a de vos pechiez repris
[420]
Se ruluminez nous ne so[m]mes
Ycy tous marres cest la so[m]mes
Mais c'il ons puissance divigne
Priez leurs quil no[us] renlumine
{421]
Se nous pooez renluminer
Seureme[n]t poez cheminer
En retournant en v[ost]re lieu
Se garris sommes par vos Dieu
115
115
Dans sa Chronique, t. 1, p. 80, Philippe de Vigneulles évoque la ville de« Dipaing ». Il dit
juste à ce sujet qu'elle est loin de Metz.
122
Fo 44 ro
[422]
Povre aveuglez ce dit s[ain]ct Altre
Nostre Dieu est vray Dieu sans aultre
Dieu en trois personnes estre escript
Pere [et] filz [et] sainct esperit 116
/423]
Sainct Altre fist son orison
Et Dieu leurs do[n]na garison
Du miracle furent advertis
Mais pas n'en furent co[n]vertis
[424]
Neantmoins congiez le[ur] donnere(n]t
Et le[ur] tresors leurs redonnere[n]t
En eulx asseurant jo(ur] [et] nuicts
Et leurs donna[n]t bon sauf conduit
[425]
Lors revindre[n]t en le[ur] cite
Destruitte en grant advercite
En dominant grant cris [et] pleurs
Et tres pitoyanble doleurs
[426]
La trouvere[n]t lez corpz gisans
Tuez murdris ou languisans
Par les rues (et] lez quaireforts
La ny a voit n ulz reconforts
F 44
0
[427]
La ny avait que dolleance
Annuit tristesse [et] desplaisence
Cris pleurs [et] desolacion
Mal deulz [et] tribulacion
[428]
Deulx fays a goustez sez dur mes
Piteusement la pauvre Mets
Deux fois destruitte en g[ra)nt escla[n]dre
Par Julius et par lez Vandre
V
0
116
Dans sa Chronique, t. 1, p. 74, Philippe de Vigneulles évoque aussi le passage des Wandres,
le miracle de l'oratoire, la cécité des barbares ainsi que l'écroulement des murailles. Les
Chroniques de la cité de Metz et celle de Philippe de Vigneulles sont proches, puisque les
deux auteurs semblent utiliser la Chronique française des évêques de Metz.
123
[429}
Deux fois a estee viollee
Destruitte arse [et] depoppullee
Et tousijours remise en puissance
En vertus force et accroissance
[430}
Le Dieu qui ressucite
Et qui la permis a cite
Et qui la maintient en victoire
En soit lhonneur lowenge [et] gloire
[431}
Or a estre deux fois destruitte
Et deux fois refaittes (et] restruitte
Dieu la garde de mescheoir
Ne en tel pitiez rencheoir
Fo 45 ro
[432}
Deux fois sont pardue lez lettre
Que clercs ont sceu en escript mettre
Anciennes cronnicqz (et] hystoire
Et pardue en est la memoire
[433}
Pourtant en parler seurement
On ne puet mais obscurement
Verite S\u'on ne puet trouver
Est fort mallaisie a prouver
[434}
Peu et peu fuit réedifiee
Au moin mal [et] fortiffiee
Ilz leurs convint ce mal passer
Loing temp pouvre on le puet pe(n]cer
[435}
Leurs annemis sens lasser rien
Pillere[n]t [et] prindre[n]t tous lez biens
Tout gaistez pardus [et] confus
Ny lasserent nes qu'apres feu
[436}
Loing tempz fure[n]t en pouvre hostel
Et pouvre gents en pouvretez
En remordant leur conscience
Portant leur malz en pacience
124
[437]
Il falloit chescun labourer
Par force on de faim langorrer
Car rien n'estoit appareilliez
Mais gaistez [et] desperpillier
[438]
Il n'y avoit celier et garnier
Paiste farme ne foumiez
Polz au feu n'escuelles lainee
Malz coulchiez [et] pouvre lence
{439]
Les Huans lez Wandle [et] lez Ho[n]gres
A Mets fire[n]t telle encombre
Les barbarins [et] Allobroges 11 7
De gra[n]ts maisons petitte loges
[440]
Le tirrant qu 'estoit chief de guerre
Se nommoit le gr[a]nt Gondegaire 118
Les Allobroges [et] barbarin
Avec le roy de Honguerie
[441]
De soubz le grant roy Athilla
Que par force tant battilla
Qu'il mist a feu [et] a l'espee
Lez citez cy apres nommees
117
Les Allobroges sont mentionnés par deux auteurs de l'Antiquité : Polybe et Tite-Live, lors
de la traversée des Alpes par l'armée d'Hannibal. La capitale des Allobroges était Vienne et
leur territoire se situait au confluent du Rhône et de l'Isère, c'est à dire, sur les actuels
départements de la Savoie et du Dauphiné. Ce peuple fut annexé en -121, à la province de
Narbonnaise. Il tenta de se révolter mais fut définitivement soumis en -62; RIPER, Les
Gaulois, le temps des glaives, p. 36.
118
Il se peut que ce chef de guerre soit en réalité le roi burgonde, Gondebaud (480-516). Il est
aussi connu pour être le père de la reine Clothide, donc le beau-père du roi Clovis ;
CUVILLIER, Histoire de l'Europe Occidentale au Moyen Age, p. 41. L'auteur des Chroniques
de la cité de Metz dit de lui qu'il était un tyran. Grégoire de Tours le décrit de la manière
suivante : « Gondioc avait été roi des Burgondes. Il avait quatre fils Gondebaud, Godégisile,
Chilpéric et Godomar. Gondebaud égorgea Chilpéric son frère et noya la femme de ce
dernier en lui attachant une pierre au cou. Il condamna à l'exil ses deux filles»; Grégoire de
Tours, Histoire des Francs, trad. R Latouche, 4ème éd., p 117.
125
[442]
Il mist tout a destruction
En ruyne [et} confusion
Haynal Braba[n}s Mons [et} Nyvelle
Tongre Tre [et} Ars la Chapelle 119
[443]
Touttes citez jeune [et] ancie[n]ne
Tournay, Aras [et] Vallencienne
Titwanne, Nimegne [et] Boullongne
Trieuve, Utrech, Mets [et} Collogne 12o
[444]
Strasbourg, Salverne [et} Mayance
Liege, Lambourg (et] Covellence
Toul [et} Verdun, Troye [et} Chaallon
Rain, Langre, Othin [et] Bezanson 12 1
[445]
Citez, chasteaux [et] bonne ville
Athylla mist tout en exille 122
Malcon [et] Chaallon sur la sone
Tout jusque Lyon sur le Rone 12a
[446]
Aincy furent persecutez
Pays, chasteaux villes (et} citez
Par lez gran ts pechiez qui regnoie
Il croit mal Dieu qui le regnoie
119
Hainaut, Brabant, Mons, Nivelle, Tongres, Utrecht et Aix la Chapelle.
120
Tournay, Arras, Valencienne, Thérouane, Nimègue, Boulogne, Trèves, Utrecht, Metz et
Cologne.
121
Strasbourg, Saverne, Mayance, Liège, Limbourg, Coblence, Toul, Verdun, Troyes et
Chalons, Reims, Langres, Othain, Besançon.
122
Le règne d'Attila débute en 434, en compagnie de son frère Bléda qu'il fait assassiner vers
445. Attila est tout à fait conscient de la grandeur de sa dignité royale. Il développe un début
d'administration et transforme son palais de bois et sa cour en une capitale qui deviendra la
ville la plus importante après Rome et Constantinople. Pendant les seize premières années de
son règne Attila eut de nombreux contacts avec l'empereur Théodose TI auquel il envoie des
troupes qui pillent l'empire romain d'Orient. Mais vers 450, il se tourne vers l'Occident. Il
s'agit là d'un volte-face diplomatique puisqu'il envisage même d'épouser la sœur de
l'empereur Valentinien III. Ce qu'Attila souhaite, c'est faire plus de butins et de conquêtes.
Au printemps, il marche sur la Gaule avec 30 000 hommes. Mais le 20 juin 451, le choc avec
les troupes de Gaule, a lieu aux champs Catalauniques entre Troyes et Chalons. Attila rentre
en Pannonie où il meurt en 453 ; MUSSET, Les vagues germaniques, p. 50 à 53.
123
Macon, Chalon sur Saône, Lyon sur le Rhône.
126
[447]
Par ce grant tirrant malhostrui
Furent maintes pays destruis
Et quelz y eust moult de dolleurs
Avant qu'ilz refusse{n]t en valleurs
[448]
A gents de grosse consciences
Fault souffrir grosse penitence
Pugnis furent aincy Dieu le volt
Pour les pechiez des malz devotz
[449]
Apres ce tempz co(m)me esperit volle
Ung esveque nommez Papole
Fist faire de pierre (et) marriens
L'abbye sainct Simphorien
L'edificacion de l'esglise sainct Simphorien
[450]
124
En l'an cinq cents [et] quatre vingz
Celle devolcion lui vint
En priant Dieu que par sa grace
D'eschever lui do[n)na espace
124
Dans sa Chronique, t. 1, p. 133, Philippe de Vigneulles signale que ce monastère a été
fondé par le 28ème évêque de Metz : Papole. Cette église fut détruite en 1444. Elle se trouvait
au sud de Metz, proche des remparts. On ne peut vérifier la tradition qui attribue la fondation
de cette église à l'évêque Papolus mort en 613-614. D se peut, qu'au départ, cette église ait été
une simple basilique. Elle servit de sépulture à certains évêques. Ce fut le cas de Papolus mais
aussi de Goericus; GAUTillER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p. 48. Selon la
tradition, ce serait sur d'anciennes ruines que des moines auraient planté une croix pour
marquer 1'emplacement de la plus ancienne abbaye d'hommes. Elle aurait dès 1'origine porté
le nom de Saint-Innocents dont elle aurait possédé des reliques. Mais au IXème, elle aurait été
détruite par les Normands. Les moines l'auraient reconstruite et en 992 y auraient transféré les
reliques de saints Symphorien, célèbre martyr d'Autun. Suite à cela, l'abbaye aurait pris le
nom de son saint patron. Mais l'abbé Constantin, le biographe d'Adalbéron II ne dit pas un
mot de cette translation. Or un fait aussi important ne pouvait pas passer sous silence. De plus
le nom de Saint-Symphorien était porté par l'abbaye déjà bien avant Adalbéron II et son
biographe ne connaît pas le nom de Saint-Innocents. Ces éléments permettent de mettre en
doute la translation elle-même. La dévotion à un martyr d'Autun n'a rien de surprenant à
Metz puisque le culte de ce saint était très ancien et très répandu ; KLAUSER, Eglises
antérieures à l'an mil, p. 607 à 613.
127
[451]
Dehors [et] pres de la cite
Mais par cas de necessite
Par une fortune de guerre
Fuit minee [et] mise par terre
Le duc Astrasius qui donna le nom a la province [et] au royalme d'Astrazie
[452]
En l'an de graice quatre cents
Et soixante trouvons lisans
Que Astrasius grant prince 12s
Tenait en Gaule g[ra]nt provinces
[460]
1 26
[453]
Astrasius prince de Mets
Le plus grant duc qui fuit jamets
Tenait en son obeyssance
Apres Mets la consequence
[454]
A Mets son siege royal
Et a Ars la Chapelle egal
Tenait son estat bruit [et) court
En toutte saisons longue [et] courte
125
La légende du duc Austrasius nous est parvenue au travers de deux textes qui constituent
deux versions distinctes. La première est reprise par les Chroniques de la cité de Metz, la
seconde à celle de Philippe de Vigneulles; PROST, les Légendes, p. 74. Ces deux versions
n'offrent entre elles que des différences peu importantes. Cependant, elles s'écartent l'une de
l'autre en un point qu'il faut signaler. Dans les Chroniques de la cité de Metz, qui nous donne
la version la plus ancienne et la plus essentiellement messine, Austrasius est un duc. Dans la
version de Philippe de Vigneulles, il est qualifié de roi ; PROST, Les Légendes, p. 416.
L'explication étymologique du nom Austrasie (du duc Austrasius) ne se trouve que dans les
illustrations de Gaule et singularitez de Troye de Jean Lemaire de Belges, publiées en 1510,
d'où l'auteur l'a peut être extraite; VOLTZ, Les Chroniques en vers de la ville de Metz, étude
historiographique, p. 22.
126
Le nom d'Austrasie se trouve pour la première fois évoqué dans l'un des ouvrages de
Grégoire de Tours. Ce dernier l'écrivit au moment du deuxième partage du royaume franc en
561. (Le premier partage avait eu lieu en 511). Avant de mourir, Clovis avait organisé sa
succession. Son fils aîné reçu en héritage la partie du royaume la plus difficile à gouverner :
celle de l'Est; PARISSE, Histoire de la Lorraine, p. 103. Dans sa Chronique, t. I, p. 89,
Philippe de Vigneulles évoque Austrasius. Selon lui ce prince était bon chrétien et aimé du roi
Chilpéric qui lui donna le« gouvernement de la Galle Belgicque ». Il donna alors son nom à
la province. Toujours d'après Philippe de Vigneulles: Le roy Austracius tenoit son siege
royaulx en la noble cité de Mets. Et aulcune fois le tenoit à Ais la Chaipelle ». On peut noter à
partir du XVème siècle, un vif intérêt pour le duc Austrasius dans l'historiographie messine.
128
[455}
Il tenait la haulte Bourgongne
Les extremittez dez montaigne
En jusqz a la mer de Frise
Possedait tout soubz sa maistrise
[456}
Il possedait entre le Rin
Et Lescalt deux fleuves marins
Tous le pays [et) territoire
Par sa grant puissance et victoire
Fo 47 V
{457}
Il possedait Utrecth [et] Trieuve
Et Mayance Collongne [et) Cleve
Gueldre Brabans [et) Hollande
Haynal Halsebain [et) Zellande 127
{458}
En seigneurie [et] previllaige
Tenait tout le pays du Liege
Alsace, le pays de Lembourg
Et la duchiez de Lucembourg
{459}
Il possedait autour du Rin
La terre au con te Pallatin
Le pays de Hem [et] Ardenne
Tout le pays bas [et) Lorainne
{460}
0
12s
Mets estait de forte ediffice
En lieu covenanble [et] propice
Et fuit trouve fort aissie
Pour la chambre au roy d'Astrasie
127
Utrecht, Trèves, Mayence, Cologne, Clèves, Gueldre, Brabant, Hollande, Hainaut,
Hesbaye et Zélande.
128
Les provinces tenues par le duc Austrasius représentent assez bien le royaume de
Lotharingie tel qu'il devait être en 959 au moment où l'archevêque Bruno le divisa ; PRosT,
les Légendes, p. 413. L'auteur reprend la liste des territoires énumérés par Jean Lemaire de
Belges dans le deuxième livre« Illustrations de Gaule et singularitez de Troye», p. 365, 366.
Jean Lemaire de Belges signale que deux cités sont des capitales dans le royaume d'Austrasie
«le dit royaume d'Austrasie ha eu par intervalle de temps deux citez capitales, cestadire là
où se tenoit le siege Royal, cestasavoir, Metz et Aix la chapelle », « entre les deux fleuves du
Rhin et Lescault et comprenoit Utrecht, Coulongne, Treves, Mayance, les pais de Brabant,
Gheldres, Cleves, Hollande, Zelande, Haynnau. Hasbain, Liege, Lembourg, Alsate et toutes
les terres que le Conte Palatin tient maintenant alentour du Rhin».
129
[461}
De touttes lez terres [et] pays
Dont le roy estoit obeys
Venoie[n]t a Mets querre secours
Car c'estoit leur souverain resours
129
[462}
Quant on n'a longue pouvrete
Petit a petit vient plante
Quant Dieu permet sa providance
Apres chier temp vient habondance
[463}
En ensuivant nostre matiere
La cite redevint entierre
Repupplee de vaillant gents
De biens plenne [et] d'or [et] d'argent
Commant que la maison de la haulte piere et de la piere hardie furent faitte
[464}
En cellui temp heust deux mignons
Ensambles loyaulx compaignons
Bien resamblable de manieres
Et avoient a non tous deux Pierre
[465}
Ly ung co[m]me j'ay leu je le dis
Avoit nom Pierre le Hardy
Et l'aultre selon la matiere
Nommoit en par nom le Hault Piere
[466}
Ses seigneurs par comparroison
Firent chescun une maison
Et pour eulx avoir renommee
Apres leurs noms furent no[m]mees
129
Le premier fils de Clovis est aussi le premier roi d'Austrasie et l'un des souverains les plus
dynamiques. Les héritiers conservèrent et étendirent les avantages acquis suite à de
nombreuses victoires. Pendant quarante ans, l'Austrasie affirma sa vocation de royaume
protecteur face aux Thuringiens, aux Saxons et aux Bavarois. Le royaume fut aussi dominé
par une personnalité tout à fait extraordinaire, celle de Brunehaut dont l'action permit à Metz
de devenir la capitale incontestée du royaume; PARJSSE, Histoire de la Lorraine, p. 105-106.
130
[467]
Cellui qu'avoit nom le Hault Piere
Sa maison fuit la haulte piere
L'aultre selons leurs estudie
Fuit nommee Piere Hardie 131
[468]
La ruelle qu'on dit vazelle
C'estoit le chastel de Jazel
Du fondateur estoit le nom
Filz de Noe de grant renom
[469]
Lez ouvriers au pres de Jazel
Faisoient frains brides [et) selles
Et pour lez frains qui bien argue
Fuit son premier nom fr aim::urue
130
De la place la faisoit justice
[470]
Ung lieu estoit en la cite
A cas criminelz depute
Pour copper testes oreilles [et) poings
Quant a justice estoit a point
[471]
Neccerue estoit lieu propice
Affaire criminelle office
Car necce en construction
Est occidez;m destruction
13 2
130
A la fin du XIVème siècle de vastes maisons canoniales étaient établies dans la rue des
prêcheurs. L'un de ces plus beaux hôtels de Metz fut celui de la Haute Pierre qui appartenait
au chapitre cathédral au XIVème siècle ; SCHNEIDER, La ville de Metz au Xl//ème et X!Vème
siècles, p. 38.
131
Par l'hôtel Hardie Pierre, on gagnait la place de Chambre dominée par la cathédrale Jd,
p.38.
132
En Nexirue va de la rue du Palais à la rue Poncelet. Le manuscrit 10 de la BM donne
l'explication de ce nom: Le nom de Nexirue est un nom dérivé du mot latin nexere Ôù nexare
qui signifie faire mourir ou donner la mort. Entre cette rue et celle des Clercs existait jadis
une petite place où avaient lieu les exécutions criminelles. Un acte de 1578 cite une place En
Nexirue derrière le palais. Il faut comprendre l'ancien palais de justice; JEANMAJRE, Les noms
des rues, p. 91.
131
Comment la vouwerie de Metz vint a la citez et comment Nemmery Baidoiche
grandÂnlnosiez peux ung miracle acques····.t Ja maison de la vouwerie en
f<J.../
habiter ung almosnier a ·:;a.jioumais 133
·,
[472]
Au plus pres estoit la maison i · '
Tresgrande a l'anticque fasson
pçs viiltiss 1:tllbitation
Seans estoient les prisons
[473}
De la cite on malfacteurs
Comment en y avoit plusieurs
Loges et quant juges estoient
Lez mains on voues les mettoient
[474]
Pour en faire l'execution
Quelques temps ja longue faison
Ung serviteur a l'asmosnier
Que seans estoit prisonnier
[475}
Detenus sans cause on raison
Nicolas estoit son droict nom
Gehemies et si tormentez
Cognenst avoir tout perpetrez
[476]
Ignorant on cas il estoit
Mais le torment le co[n}traignoit
A tesmoigner evidantment
Dont son maistre eust le cœur dolent
[477]
C'estoit le seigneur Nemmery
Baudoiche 134 qu'avoit le cœur mary
Tant fist qu'il parla a son ho[m}me
Luy donnant conseil de preudhome
,•
•')
f
/
'
'
'
133
Ce titre a été inscrit dans la marge droite du folio. L'auteur l'a relié à l'aide d'une flèche au
lieu où il souhaitait qu'il se trouve. Il a ajouté le mot suivant: Addition.
Nemmery Baudoche, maître-échevin en 1352 et que son frère Jean, tous deux chevaliers,
sont connus comme changeurs par une charte du duc Robert de Bar (1352, 1411). Nemmery
Baud.oche s'était engagé dans des opérations financières avec J~e Lorraine (13391390); SCHNEIDER, La ville de Metz au XI/lème et XIVème siècle~
rl
132
F 48 bis
0
[478]
Puis qu'ainsy est que es ignorant
On cas comme tu me va disant
Prie a mon seigneur sainct Nicolas
Qu'il prie a Dieu po[ur] ton soulas
[479]
Ainsy que mourir il debvoit
Le boureau qui bien s'efforcoit
Son office allant exercean t
Des deux bras devint non puissant
[480]
Pluszieurs estoient en la presence
Voiant ce miracle [et) puissance
De Dieu alors subitement
Cria a grande voix haulteme[n]t
[481]
Celuy qui le cas avoit fait
Messeigneurs je vous dis de fait
C'est moy qui ay le cas co[m]mis
C'estuy hors de voz mains soit mis
[482]
Ce que fust faict pour memoire
Le seigneur almosnier pour voire
Tant fist q[ue] la cite acquist
La place et maison et domnist
[483]
A la citez de son tresor
Grand somme [et) aussy par dehor
De la cite entre deux pontz
A tousio[ur) mais de son treffons
V
0
Fo 48 ter ro
[484]
Grand nombres de journalz de terre
La ou bon faict descapitere
Pour la print les delinquans
Ce qu'on souloit faire par dedans
133
[485]
La citez a donc acquiestait
La vouie et l'atribuait
A la citez lors l'ausmonier
La maison prist edifier
[486]
Il y fist faire une chapelle
Au nom saint Nicolas 1as moult belle
Et y donna des chappellains
Treze ceux donnant pour certains
[487]
Par an avinre honnestement
Chascun sa rente en bled argent
La maison sy tres grande estoit
Que le thier d'icelle souffisoit
[488]
Pour y loger ung gros seigneur
Laquelle yl desdia a l'heure
Pour le seigneur grand almosnier
A tousiour mais sans varier
[489]
Le demeurant de sa maison
De la grande eglise en fist don
Pour deux maison canonial
Bien resembloit ung don real
[490]
Davantaige a l'almonsnerie
Liebaville ban [et] seignorie
Verquiller pres de la citez
Donna en perpertnitiez
135
Il s'agit peut être de la fondation de l'hôpital Saint-Nicolas. On a déjà attribué la fondation
de cet hospice à l'évêque Adalbéron II (984-1 005). Mais les textes ne sont pas très clairs
d'autant que le biographe de l'évêque n'évoque pas cette fondation. Cette dernière serait donc
plus tardive ; KLAUSER, Eglises antérieures à 1'an mil, p. 632. Cet hôpital avait été fondé aux
frais des citoyens. On peut voir qu'il jouit rapidement d'une administration laïque, sous la
surveillance des magistrats de la cité. La ville contribua à la prospérité de cet hôpital, mais
elle en retira aussi des services fréquents. Elle lui imposa la construction des ponts de la
Moselle en échange de l'impôt sur l'habit des morts; BOUfEILLER, Monastica Mettensia,
recueil de notices sur quelques anciens monastères de Metz, p. 28.
134
[491}
Apres sa mort ensepvelis
Aupres son oncle Nemmery
Soubz le jubez du gra[n]t moustier
En l'e itaffe est dedejper
0
[492}
Hauriat Roucel almosniter 136
Long temps apres reedifier
Fist la chappelle sur la rue
Pour estre a chascun mieulx veue
[493}
Car celle qui estoit du dedans
Dont avons parles cy devant
Petite estoit et ruynee
Et asses mal apropriee
Le duc Hervis pere au Loherain Guerrin
{494}
En l'an sep cents a mon advis
Regnoit a Mets le duc Hervis
Qui fut pere au lorain Garin
Et au duc Begne de Belin 137
136
La maison des Roucelz était issue de celle de Champet, l'une des plus anciennes de la
ville. Henry de Champel fut surnommé Roucel à cause de la couleur de ses cheveux et il
transmis ce surnom à ces descendants. Henriat Roucel fut grand aumônier de la cathédrale. ll
meurt le 14 août 1490, D'HANNONCELLES, Metz ancien, t. II, p. 229.
137
La légende du duc Hervis fut recueillie par différents auteurs qui avaient rédigé la grande
geste des Lohérains au alentour de 1150 à 1170. Les gestes d'Hervis et de Garin ont souvent
été associées. Par la suite, on a pu recueillir deux versions ce cette légende. C'est la deuxième
version que l'on rencontre dans les Chroniques de la cité de Metz. Elle apparaît sous une
forme abrégée; PROST, Les Légendes, p. 73. Cette légende jouissait d'une grande popularité à
Metz. L'auteur de la chronique nous en donne un cours extrait et renvoie le lecteur à d'autres
ouvrages au quatrain 512. Pour les Messins, Hervis, duc de Metz et Garin le Lohérain son fils
étaient des personnages réels. lls en vénéraient les tombeaux à l'abbaye de Saint-Arnoul et
dans la cathédrale. C'est dans le Petit Carlu/aire de Saint-Arnoul qu'est décrit avec grande
précision le lieu où l'on peut trouver la sépulture de ces grands héros. C'est autour de ces
personnages fabuleux que se sont regroupés les faits relatifs à la défaite et à l'expulsion des
barbares. Cette légende messine rappelle les exploits de Charles Martel. Grâce à ce
rapprochement, Hervis devient l'un des héros du cycle poétique carolingien; PROST, Les
Légendes, p. 342.
135
{495]
Et par honneur qu'a tous bien tire
Il prist la fille au roy de Tire
Nommee la belle Beautrix
Que moult souffrit duel [et] estrifs
{496]
Robee fuît en son vergîez
De bringants larrons estrangiez
Pour vendre au marchiez a Festaiche
Comme on vend lez buofz [et] les vaches
{497]
Hervis qui tant fuit noble [et] gent
Mist grant nombre d'or [et] d'argent
Pour la dame (et] ung esparvier
Qu'il acheta [et} ung livrier
{498]
Grant pitiez prist de celle dame
Menee par garsons infalmes
Truans glou ttoun hollierz paillars
Felons murdriez larons pillars
Fo 49
[499]
Par maniere doulce [et] su btille
Leur dit d'ou vous vient ceste fille
Ilz respondirent comme hurons
Achattez la nous la vendrons
{500]
Je n'ay que faire de tel bague
Qui est de virginite vague
Ilz respondirent eulx tres tous
Sainne [et] pucelle elle est de nous
{501]
Car vous scavez qu'a tel mestier
Chascung voldroit estre premier
Et par ce cas bien entendu
A son corp estez deffendu
[502]
La pucelle de grant noblesse
Considerant la gentillesse
Au vassal plain d'honneurs [et] mours
Le regarda de doulce amours
V0
136
[503]
Quant le noble vassal Hervis
Remira la belle au cler vis
Congneust que falce trayson
L'avoit prise en noble maison
Fo 50 ro
[504]
Le vassal de tous bien apris
Demanda la so[m)me [et) le prix
Ilz lui firent ung grant tresor
Il lez paya en denier d'or
[505]
Puis acheta ung espervier
Beau [et) gent [et] puis un levrier
Aultre marchandie ne fist
Plus n'avoit plaisir que prouffit
{506]
Son pere lui disoit merchante
Pour sur lez champ estre marchant
Qui estoit nez de sang ducal
Ce n'estoit pas partie egal
[507}
Villain estoit de part son pere
Mais tres noble de part sa mere
Qui estoit fille au duc lorain
Dont il en fuit duc souverain
[508]
Quant a Mets fuit retornez
Son pere sans plus seiornez
Sans demander nulles occaisions
Les chassa hors de sa maison
F 0 50
[509]
V
0
Non congnossant la demoizelle
La reputtant quelque donzelle
Veuve de meschant comun
Lez deboutta en grant ruyne
137
[510]
Neantmoing malgre son lignaige
La prist en loyal mariage
Et logiez en petit hostel
Longtemp en tres grant pouvrete
[511]
Ensambles heure[n]t deux beaux anffant
Grant signeurs [et] fort triomphant
En grant regnom [et] province
Furent rengnant tres haultain prince
[512]
Que plus scavoir vuelt de le[ ur] geste
En pluseur livres est magnifeste
Car pour en declarer le scens
Je n'en dict cun peu en passant
[513}
Apres maintes r'ln.gne
Et maintes gouverneur gouvernez
Met~ar risse ma.grufficque .
Revi!tt to'!1iours en son anticque..,....
[514]
r~n~ez
(ï
~' 'ifH~-Q
t ·r t • .:•r
i
,:)1t·' ' ' " '
Le prince que Mets tenoient
De l'empereur la reprenaient
Qu'estoit royalme d'Astrasie
On y avoit maintes heresies
[515]
D'Astrasie et de tout le rengne
Metz estoit chambre souveraine
Et y tenoit le roy sa court
Grant chemin fait que toujiours court
[516]
Autour de la cite de Mets
A l'environ que long que pres
En lisânt ce nom la retinze
Se nommoit pays de Toringe
138
[517]
Ung roy que se nommait Lothaire
Françoize recite l'hystoire
Il mist aucy lus icy ay
En nommant Lothoringia
[518]
Ce roy rengnoit en l'an nueufz cents
Et cincquante (et] cincq en bon scens
Et pour garder d'an venir pire
La mist par eschainge a l'empire
138
[955]
Au tempz du royJe~ de son rengne
Lui fuit mis le nom de Lorainne
.,.... . ,_
Mais Mets rien ne lui ~ a_,{.~
~~.;svr,..~ ~orainne ~ Mets appertient
[519}
[520]
Plusieurs lorains y ont fait guerre
En la disant estre leur terre
Mais oncque charme sappin ne tremble
Ne piere n'en mindrent en'samble
[521]
Mets se dit vielle ~ticque
Par son nom Med@:>matricque
En Europe la precilente
Trieuve l'ancienne est sa iovente
[522]
Devant quoncque en Lorainne eust prince
Ne nom de duc en la province
Conte bally prevot sergent
Estait Mets mille ans devant
[523]
Mets usait jay de droit civil
Avant qu'en Lorainne eust bonne ville
Lorainne est jeune (et] Mets a,ncienne
Par quel droit debveroit ·estre sienne
cr
TI s'agit de Lothaire II (954 à 986). C'est lui qui donne son nom à la Lorraine~
Noblesse et chevalerie en Lorraine médiévale, p. 14.
138
PARISSE,
139
La fondacion de l'esglise sainct piere devant le moustier
{524]
Au temp du benay sainct Geury 139
Que plusieurs a de mal garry
Par ung muraicle fait de neige
Fist fonder sain ct Piere aux ymages
140
Quant la grant esglise fuit encommancee qu'estait alors bien petitte
[525]
{526]
[527]
Ly esvesque Deodory
Ses biens fait lui soient mercy
Il prist corraige en telle guise
Qu'il commansa la grant esglise
Et prist ceste devolcion
En l'an de l'incarnacion
Environ de mile (et] XX ans
Fuit comencee en cellui temps
141
(1020]
Et sy donna la grant corroinne
Qui atour du cueur environne
Pour avoir memor de ly
Il fuit desoubz ensevely
139
Dans sa Chronique, t. 1, p. 50, Philippe de Vigneulles souligne que l'évêque Goeri est le
trentième évêque sur la liste et qu'il est connu pour avoir édifié « 1'esglise de Pierre devant la
grande église de Mets, c 'on dit Sainct Pierre aux Ymages. Et là y donne des rentes et y fist
ensevelir le corps de Sainct Amoulfz ».
140
L'emplacement de cette église se trouve juste au sud de la cathédrale. Elle porta le nom de
Saint-Pierre-aux-Images, qui est une déformation de Saint-Pierre-li-Majeur. Cette église est
antérieure à 742 puisque l'évêque Chrodegang en fit refaire le chœur. Une tradition attestée
par la seconde Vita de saint Goeri, attribue la fondation de cette église à l'évêque Goeri. Cette
tradition est donc reprise par l'auteur de la chronique. Toutefois, Nancy Gauthier ajoute que la
valeur de cette tradition « reste douteuse». Sa construction pourrait remonter au IV ou au
V ème siècle. A partir, de la fin du Vlllème siècle, cette église est appelée « maior » par Paul
Diacre pour la distinguer d'une autre église nommée Saint-Pierre, toute proche et appelée
Saint-Pierre-le-Vieux ; GAUIHIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p. 44.
141
Si l'on en croit Grégoire de Tour, l'oratoire Saint-Etienne est le seul bâtiment à avoir
échappé aux flammes lors du siège de la ville en 451. On admet, mais sans véritable preuve
que c'est après cette date que le siège épiscopal fut transféré, GAUIHIER, Topographie
Chrétienne des cités de la Gaule, p. 43. Au Xème siècle, le diocèse est terre d'Empire et
l'évêque devient peu à peu le mai'tre de la ville. En 965, Thierry 1er arrive sur le trône
épiscopal. L'oratoire Saint-Etienne ne semble peut être pas correspondre à son souhait, aussi
cherche-t-il à embellir sa cathédrale. Mais la consécration du bâtiment n'aura lieu qu'en 1040
sous l'épiscopat de Thierry II; KUHN-MLITIER, La cathédrale de Metz, p. 21.
140
En cellui temp fuit l'esglise sainct Arnoulf faicte
[528}
En cellui temp se dit la chartre
L'esglise sainct Arnoulf fuit faicte
On lieu ou que sainct Paciens
L'avoit faicte on nom sainct Jehan
142
Le tempz de la fondacion de chapelle notre dame de Rahay
[529}
143
En cel tempz le roy Charlemaigne
Roy et empereur d'Allemaigne
En chassant aux boix alesbay
Fonda la chapelle a Rahay
142
Les restes de cette église étaient situés au Sablon et fut détruite en 1552. L'église avait
dans un premier temps été consacrée aux apôtres, mais on modifia son appellation lorsque le
corps de l'évêque Arnoul y fut enseveli vers 641. Le fait que cet évêque soit à l'origine de la
lignée des Pépinides développa l'importance de cette église qui fut le lieu où furent ensevelis
de nombreux carolingiens. On attribue la construction de cet édifice au quatrième évêque de
Metz, saint Patiens. On rapporte aussi qu'il y serait enseveli, mais rien ne le prouve ;
GAUTIIIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p. 49.
143
<?
La légende concernant la fondation de la chapelle de Rabbas est restée inchangée depuis la
date de sa consignation dans les Chroniques de la cité de Metz jusqu'au XXème siècle dans
certains endroits comme la vallée de la Canner et de la Nied. Cette légende fut retranscrite en
1884 par l'abbé Cazin selon cette forme: «C'était paraît-il en été, l'empereurs 'adonnait à la
chasse ou à la guerre. La chaleur était accablante, Charlemagne touché par la douleur de ses
hommes et de ses animaux et souffrant lui-même de la soif, fit un vœu. Il promit à la Vierge de
lui fonder une chapelle si elle venait à son secours. Sous les sabots du cheval de l'empereur,
une source jaillit. L'empereur tint parole et la chapelle fut construite»; Abbé CAZIN, «La
chapelle et le pèlerinage de Notre Dame de Rabbas ». TI s'agit là de la seule mention fàite à
tv~arl~ma ne dans les Chroniques de la cité de Metz ; PARISSE, Histoire de la Lorraine ,
p. 111.
(6
141
[530}
Sainct Grodegant chose certaine 144
Fist faire l'aultel sainct Estienne 145
Et ung loitry moult riche [et] gent
Tres tout couvers d'or [et] d'argent
[531]
Et maintes aultre bel ediffice
Et ordonna mainte benefices
Son corps fuit inhumez a Gorze 146
Et son ame es sainct cielz repose
Quant l'esglise Sainct Salveur fuit faicte
[532]
De bonne vie vient bon los
Ung esvesque nommez Valo 147
En l'honneur de Dieu salveur
Fonda l'esglise Sainct-Salveur 148
144
Chrodegang (742-766) est issu d'une famille de la haute aristocratie franque. La
personnalité de Chrodegang est exceptionnelle. Il fut à l'origine d'un triple renouveau
liturgique, communautaire et monastique. Il introduisit à Metz « la liturgie romaine»,
restaura et embellit sa cathédrale et créa une école de chant qui devient célèbre dans tout
l'Empire. Ce fut pour l'Eglise de Metz, le départ d'un essor culturel et d'un rayonnement
spirituel qui devait la marquer pour des siècles. L'évêque contribua à l'essor de la vie
monastique en fondant l'abbaye de Gorze en 749 ; TRIBoUT DE MOREMBERT, Le diocèse de
Metz, p. 18.
145
Dans sa Chronique, t. I, p. 170, Philippe de Vigneulles cite aussi ce passage:« à l'ayde du
roy Pepin, fit faire le cuer et 1'autel saint Estienne de Mets, et le re-vestiaire (sacristie), et, à
saint Pierre, il fist faire le presbitaire, et fist aussi faire le loitry Gubé) du cuer de Metz tout
couver d'or et d'argent, à archet par entour>). Philippe de Vigneulles développe la vie de
Chrodegang et notamment les liens avec les Carolingiens.
146
Dans sa Chronique, t. I, p. 170, Philippe de Vigneulles souligne que Chrodegang édifia
l'abbaye de Gorze et y fit appliquer la règle de saint Benoît. Il ajoute qu'il y fut enseveli.
147
L'évêque Wala (876-882) tenait le diocèse de Metz alors que Louis le Germanique avait
récupéré la totalité du territoire de la Lotharingie, au détriment des prétentions de Charles le
Chauve, suite au découpage de Meersen en 870. L'évêque de Metz assura des charges
militaires. C'est à lui que revint en 882 le soin d'arrêter les Normands à Remich, où il trouva
la mort ; PARISSE, Histoire de la Lorraine , p.ll3.
L'église Saint-Sauv~ur se trouvait entre la rue de Petit-Paris, la place Saint-Jacques et la
rue de Ladoucette. Cette église remonte à l'évêque Wala où il fut enterré. Si Wala fut le
premier fondateur, l'évêque Adalbéron en est de second. En effet, il repris la construction de
Saint-Sauveur et Sigebert de Gembloux parle d'une reconstruction. Cette église disparue
après le siège de 1552 ; KLAUSER, Eglises antérieures à 1'an mil, p. 638.
148
142
La fondacion de l'esglise Sainct-Vincent
[533]
L'esvesque Triedry en bon scens 149
Fonda l'abbye Sainct-Vincent 150
On doit avoir de lui memoire
Que Dieu le recepve en sa gloire
[534]
L'an de graice nueuf cents cinquants
Je vous dis entendez sur quantes
Mets estoit grande en territoire
Et peu y avoit d'oratoire
[950]
Quant les amant de Mets furent establis
151
[535]
L'esvesque Bertrand de Saxonne 1 5 2
Grant clerc (et] notanble parsonne
En Mets estanblit lez amants
Qui est grant pays vincquement
149
L'évêque Thierry 1 était le cousin gennain de l'empereur Othon II. Cette illustre parenté
valut à l'évêque une grande audience à la cour qu'il fréquenta assidûment. D fut élu évêque de
Metz en 965. En 967, il rejoignit l'empereur en Italie. Il y demeura cinq ans et en rapporta
d'innombrables reliques qui lui permirent de consacrer deux autels de 1'abbaye de SaintVincent, dont il avait jeté les fondements avant son départ. Le décès brutal de l'empereur en
décembre 983 poussa l'évêque de Metz à se rallier imprudemment à Henri le Querelleur, mais
la mort lui évita des représailles ; TRIBoUT DE MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 32.
°
15
Cet édifice s'est certainement toujours trouvé à l'emplacement de l'église Saint-Vincent.
Le fait qu'elle soit mentionnée dans la liste stationnale atteste qu'elle a été reconstruite en 968
et non fondée par l'évêque Thierry 1 à cette même date. Sa construction pourrait remonter au
VIème siècle. C'est en effet, Childebert I qui rapporte comme relique, la tunique de saint
Vincent à Paris et du même coup introduit ce culte en Gaule; GAUTHIER, Topographie
Chrétienne des cités de la Gaule, p. 51.
151
L'auteur a ajouté les quatrains 535 et 536 dans la marge droite du folio en signifiant
l'endroit où ils doivent être introduit à l'aide d'une croix rouge et d'un trait, en ajoutant« Ces
deux couplets de travers doivent estes à la croix rouge ».
152
L'empereur obtint du pape que l'un de ses fidèles, Bertram (1180-1212) soit évêque de
Metz. A partir de 1190, Bertram entama un long épiscopat de 32 ans, dans une cité où une
main fenne était souhaitable. L'empereur l'avait sous doute choisi pour cela ; TRIBOUT DE
MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 50.
143
[536}
Quant les amans furent establis
Du tout n'est pais mis en oblis
Le milliaire estoit tout ron
Mil deux cents on environ 154
1sa
(1200)
Quant le corp Monseigneur sainct Clement fuit relevez
[537}
Ung esvesque nommez Herman
Releva le corp sainct Clemens
Et se le fit pourter a Mets
Et puis morut troys jours apres
1ss
153
L'acte du 8 juillet 1197 institue les amans. Ils sont deux dans chaque paroisse et chargés
d'assurer la garde des contrats, puis de leur rédaction. Cette institution traduit le souci de
simplifier les formalités de la vie juridique et économique ; SCHNEIDER, La ville de Metz au
Xlllème et X/Vème siècle, p. 160.
154
L'institution des Amans eut lieu en 1197 et non en 1200. Il se peut que l'auteur ne se
souvenait plus de la date exacte de la création de cette institution puisqu'il note lui-même
« Mil deux cents ou environ ». En revanche, Philippe de Vigneulles note avec exactitude cette
date dans sa Chronique, t. 1, p. 309. On peut aussi supposer que l'auteur des Chroniques de la
cité de Metz avait à ce moment plus le souci de la rime que de l'exactitude de la date.
155
Dans sa Chronique, t. 1, p. 226, Philippe de Vigneulles rapporte aussi cet événement: «fuit
amonesté ledit evesque par une advision miraculeusement luy faicte qu'il levait le corps de
saint Clément, le premier apostolle et premier evesque de Mets. Et enssuy le fist. Et, quant il
1'ost fait, il morut, trois jours après qu 'ill'ot levé ... ».
144
[538]
L'esvesque estoit chose murarnble
Devant Dieu acusez des deables 156
L'esvesque Hermans devant dit
Mais sainct Clemens de deffendit
156
Dans sa Chronique, t. 1, p. 228, Philippe de Vigneulles rapporte, lui aussi, que saint
Clément pria pour l'âme de l'évêque Hermann qui était accablée par le Diable. Les prières du
saint sauvèrent l'évêque. Selon la Chronique française des évêques de Metz, l'âme
d'Hermann avait été saisie par le Diable. Il fallut l'intervention de saint Clément pour que son
âme fut sauvée. Saint Clément s'était souvenu de lui, parce qu'il avait procédé à l'élévation de
ses reliques et qu'il avait confirmé leur appartenance à l'abbaye de Saint-Clement. La
Chronique des évêques Metz en français qui se trouve dans le manuscrit BM 855, relate ce
miracle, folio 221, colonne 1 et 2. L'auteur rappelle, dans un premier temps, la querelle des
investitures dans ces termes : « En son temps, fut trop grant peril/ouse discorde entre le
royaulme et la clergie, car on mettoit roy sur roy, pape sur pape et dura logtemps cette
discorde ». Puis l'auteur évoque la translation de saint Clément : « Et fut amonesté par a
vision qui le mist le corps de sainct Clement, le premier doctoru de Metz et ainsi le .fist. Et
marut trois jours apres ce qui/ ot leve et quand le dit corps de sainct Clément fut apportez en
l'esg/ise de Metz si fist de très grant miracles par l'espace de trois jours. Et tantost que
l'evesque fut mort, le corps cessait a faire miracles par 1'espace de deux jours dont le peuple
fut moult triste et demandait pourquoy cestoit ». L'auteur explique alors comment saint
Clément sauve l'âme de l'évêque: «Et tantost la cause fut révél/ée a ung sainct homme
re/igieulx. Et fut dit en ceste manière : pour le temps que le corps sainct Clemant ait cesser a
faire miracles, il ait este devant le souverain juge pour defendre l'âme de /'evesqz Hermans
que les dyables accusaient trop fort. Il mettaient sus que la paour de la mort avoit mie fait son
debvoir de la gue"e que estoient entre la clergie et le royaulme. Et a chacun argument que
les dyab/es fe soient, saint Clément prier pour luy a mains jointes et a genoulz et fut la prière
de saint Clement de si très grans pour plus en pitié et avoit pardon a /âme de l'evesqz
Hermans et mist si/lenœ a tous les dyables. ».Les événements évoqués correspondent à deux
quatrains et se déroulent un siècle plus tôt puisqu'il est question de faits relatifs à Bertram,
c'est à dire au XIème~s é~....-àuss1 parti e cett
' "ôde~qùe.lachrorùque ne
respecte plus vraiment la chronologie. L'auteur, en fait, ne relate pas ici la période durant
laquelle Hermann fut l'évêque, mais un miracle le concernant. Hermann fut évêque pendant la
période concernée par la querelle des investitures. Il suivit le parti des papes et l'empereur
Henri IV le chassa de son évêché en 1078. TI ne revint à Metz qu'en 1089. Pendant ce temps,
son temporel resta sans surveillance. Les seigneurs du pays ainsi que les Messins prirent leur
part du butin. Depuis cette époque, les évêques sont en continuelle hostilité avec les Messins.
En effet, les évêques cherchèrent à récupérer leurs terres; WoRMS, Histoire de la ville de
Metz, p. 18.
145
Quant lez banieres du commun furent abollies
[539]
Mile deux cents quatrevingz [et] trois
En Mets la costume estoit
Que les commung portoit baniere
Mais on en deffit la maniere 157
[540]
Le commun contre les paraiges
Volloient user d 'ung oultrange
Mais on y trouva une paix
Et lez banieres furent arse
[541]
Lettres en sont faittes et brullee
Quelle furent arses et brullees
En ung voulloit est union
Et en plusieurs divisions
(1283]
Quant lez Templiez furent brullez 1ss
[542]
Mil trois cents et septe emplis
Furent brullez tous les templis
Par tout le monde en ung seul jour
De quoy se fuit moult grant orrour
[1307]
157
Tout au long du Xlllème, certaines catégories de métiers se soulevèrent contre le pouvoir
du patriciat messin. Les bouchers, notamment possédaient un poids économique important,
mais ils n'avaient aucun pouvoir politique. En effet, l'oligarchie du patriciat messin ne leur
permettait pas d'entrer dans les paraiges. Déjà, à partir de 1214, les merciers, corroyeurs de
cuir blanc, faiseurs de braies en cuir, les cloutiers, les gantiers, les parmentiers et les fripiers
s'étaient regroupés en Franc-Métier. A plusieurs reprises, ces gens de métiers tentèrent de
renverser l'oligarchie des paraiges. ll existait des rivalités entre les paraiges et le Commun.
Ces querelles permettaient parfois aux ducs de Lorraine et de Bar de s'associer avec certains
membres des paraiges pour mieux s'opposer à la cité. En 1283, le Commun prit pour chef
ceux du paraige d'Outre-Seille. Ensemble, ils se révoltèrent mais sans succès. Le patriciat
messin décida alors de brûler les bannières du Commun; Histoire de la Lorraine, Société des
Etudes Locales, p. 173.
158
L'ordre du Temple eut de nombreux biens, mais peu de commanderies. Pour le Xlllème
siècle, toutefois, on peut retenir les noms de Pierrevillers, Gelucourt et de Metz où vers 1200,
ils avaient rebâti la chapelle Saint-Maurice, cédée par l'abbesse de Sainte-Glossinde. La
tradition fixe très tôt l'arrivée des Templiers à Metz, mais la date de 1123 doit être retardée
sans doute de dix ans au moins et mise en rapport avec le passage de saint Bernard dans la
cité en 1133; TR.rnour DE MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 76. C'est le 13 octobre 1307
que l'ordre fut anéanti par Philippe le Bel, roi de France (1268-1314).
146
Quant le pallas fuit reffait tout nueuf
[543]
Par mile trois cents et dix huites
Aincy que~ cronicq s'ensuite
Fuit reffait du bas jusque en
Le pallas de nueufve fasson 1
[1318]
[544]
Mil troi cents quarante septe
Furent mis en fers et en seppe
Deux freres qu'estaient bouchiez
Et puis noyez pour despeschiez
[1347]
[545]
Ly ung avoit nom Huguegnon 160
Mais de l'aultre ne scay le nom
Pour ceu qu'il a voient en erreur
Conspirez contre leur seigneur
.1_
C::u
159
En 1315, un contrat d'échange fut établit entre la ville et la cathédrale. Le Chapitre de la
cathédrale se plaignait de ne pas pouvoir procéder au service divin dans leur cloître parce que
le maître-échevin accompagné des Treize donnaient leurs audiences, entendaient les plaignant
et y faisaient lire les bans deux fois par an. Le chapitre cède alors à la ville une maison
canoniale qui se trouve à l'entrée de la ruelle Sergent avec toutes les dépendances. Cette
demeure avait été occupée auparavant par Thierry de Crecy, chanoine de Metz. En échange,
la ville donne au chapitre, une maison qui se trouve derrière Saint-Victor et qui appartenait à
Nicole le Selavier. Du coup, le mrutre-échevin et les Treize renoncent à tenir« cloître» dans
l'ancien cloître et les chanoines purent en disposer à leur grès. C'est à l'emplacement de la
maison canoniale obtenue grâce à l'échange que la ville fit bâtir en 1317 le nouveau palais ou
palais neuf dont les travaux s'achevèrent en 1318. Ce bâtiment fut le siège des magistrats
jusqu'au moment où fut établi le parlement; D'HANNONCEILES, Metz ancien, t. I, p. 35.
160
Le patriciat messin ne prenait pas pour habitude d'être conciliant et cette attitude entraînait
le mécontentement parmi le peuple. En 1347, le boucher Huguignon eut une querelle avec les
treize et fut condamné à une amende de 20lb, et au bannissement pour 20 ans. Sa faute ne
devait être ni grave, ni suffisamment établie, sinon les mesures eussent été plus dures.
Huguignon ne voulut pas se soumettre à cette sentence. Il tenta de résister avec d'autres
bouchers accourus en arme à la vieille boucherie. ll fut pris et noyé dans la Moselle. Dans la
Chronique de Praillon, les complices d'Huguignon sont cités ; SCHNEIDER, La ville de Metz au
Xlllème et X/Vème siècles, p. 45.
147
La guerre de Dudelange contre la cite
[546]
Chastel sainte Eve et Tehercourt
Dudelange et Amelecourt 161
Et encore pluseurs aultres plaices
Furent prinses par ceulx de Mets
[547]
L'an treize cent quarante neuf
Et prindrent chevealx et vache et buefs
Et aultre buttin a grant somme
Et dez ennemis quatorze hommes
[548]
Onze on pandren t et d'une espee
Trois heurent les testes coppees
Et furent en ce point acoustere
Par ung qu 'estoit leur menestre
[1349]
161
Saint-Epvre : Moselle, arr. Château Salins, c. Delme. Thicourt: Moselle, arr. Boulay,
c. Faulquemont. Dudelange: Luxembourg, District du Luxembourg. Amelecourt: Moselle,
arr. etc. Château Salins. Dans ces lieux se déroulèrent de nombreux combats. En effet, le duc
de Lorraine Raoul était entré en guerre contre Metz car cette dernière s'opposait à la
progression du duc vers le pays du sel, sources du beaucoup de profits. Le duché de Lorraine
ne pouvait plus se contenter de l'exploitation de Rosières, et le duc progressait le long du
Sanon à partir de Buissoncourt et Amelécourt, en direction de Vic et de Marsal. Le duc Raoul
avait déjà, pour protéger ce territoire, fait construire en 1340 une forteresse à l'emplacement
de ce qui allait devenir Château-Salins. Jusqu'à cette époque, seul l'évêque de Metz avait été
le maître des lieux. Le conflit fut alors inévitable; M. PARISSE, «L'époque médiévale»,
Encyclopédie de la Lorraine illustrée, p. 194. Dans la Chronique de Philippe de Vigneulles,
p. 30, t. II, on peut lire, «Fut abbatue et destruicte par ceulx de Metz, la maison de SaincteEve, et une maison d'Ameliocourt, et le chastel de Theheicourt, le chastel de Rodre, le
moustier en Allemaigne et la maison de Du/lange. Et y furent prins que maistre que varlet,
jusqu 'au nombre de quatorze, desquele il en y olt onze des pandus ».
148
Quant le roy de Behaigne vint a Mets
[549]
Mil trois cents cinquante et trois
Vint de Bahaigne a Mets ung roy
En seioumant en son repart
Fist duc le conte de bar
[1353)
162
Qua[n]t l'empere(ur) et l'emperise furent a Mets
[550]
Mile trois cents cinquante et six
De bon voulloir meure et rassis
Vint a Mets tres haultainne entreprise
De l'empereur et l'emperise
[551]
De grant princes y avoit plusie(ur)s
Avec que les septes eslyseurs 163
Et tint sa court on champpassaille
Servis a mosde non pareilles
[1356)
162
Ce roi de Bohème est Charles IV, roi des Romains (1346-1355), puis empereur (13551378). Notons qu'il vint pour la première fois à Metz en 1354. Il attribua le titre de duc au
comte de Bar. Charles IV avait sans doute dans l'idée de donner une plus grande importance
au comte de Bar; M. Parisse, «L'époque médiévale», Encyclopédie de la lorraine illustrée,
p. 199. Le venue de Charles IV à Metz était détenninée par le souhait de voir s'établir la paix
entre Metz qui soutenait son évêque et le duché de Lorraine qui voulait s'emparer le pays du
sel. Les Messins étaient arrivés jusque sous les murs de Nancy. Le pays n'était plus du tout en
sécurité et il est à noter que les vignerons, à cette époque, procédaient aux vendanges, armés
d'arbalètes. La tentative de Charles IV pour rétablir la paix fut vaine. Une fois, l'empereur
parti, les hostilités reprirent; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p.48.
163
Avant 1356, une assemblée de princes et d'archevêque se réunissait en Reischtag (diète
d'Empire ou assemblée des nobles) et proposait son candidat. Le collège des électeurs s'est
crée pour l'élection du premier Hohenstaufen et il était composé des ducs de Franconie, de
Saxe, de Souabe et de Bavière et des trois archevêques de Mayence, de Cologne et de trèves.
La Franconie fut ensuite remplacée par le comte palatin du Rhin, celui de Bavière par celui de
bohême et le duché de Souabe par celui de Brandebourg. Les sept électeurs assumaient aussi
les fonctions d'officiers de la couronne. Charles IV de Luxembourg complète ce document et
le fait accepter aux diètes de Nuremberg et de Metz (1355-1356). C'est la bulle d'or datée du
25 décembre 1356 qui fixe l'élection de l'empereur à la majorité des voix et assure aux sept
électeurs une situation nettement supérieure à celle des autres princes de l'Empire. Les
électeurs ont désormais le statut de conseillers permanents du royaume. Ces sept personnages
sont en 1356 toujours au nombre de sept. Il s'agit des archevêques de Cologne, de Trèves, de
Mayence, du duc de Saxe, du roi de Bohême, du Margrave de Brandebourg et du comte
Palatin du Rhin ; CUVELLIER, Histoire de 1'Europe occidentale au Moyen-Age, p. 141.
149
[552]
Grant princes duc senechal
Servoient les mets achevalx
La noblesse qui pooit estre
Estoit un paradis terrestre
[553]
La nuict de noel a matine
Des lissons chanta la septieme
Sa noble corronne affublee
Et en main nue son espee
[554]
En cellui temps en la cite
Il fuit au manant recite
Que d'un chescung falloit scavoir
La valleur de tous son avoir 164
Quant il fallut scavoir la richesse de chescun
[555]
Mil trois cent soixante et cincq
Fuit la chose mallice on simple
De cent livre payer convint
Dix solz et l'annee apres XX
[1365)
La guerre de Gondrecourt
[556]
Mile trois cents soixante et huictz
Fuit Gondrecourt 165 prinse a grant bruit
Le seigneur et ses gentilz homs
Et toutte l'aultre garnison
[1368)
164
En 1356, la bataille de Poitiers permettait aux Anglais d'entrer sur le territoire français et
la même année, l'empereur Charles IV accompagné de l'impératrice, vint à Metz. Il était
accompagné d'une nombreuse suite de puissants personnages dont les ducs de Bavière et de
Saxe, les archevêques de Trèves, de Cologne et de Mayence ainsi que des trois autres
électeurs. Pendant son séjour, il tint une diète, il régla les affaires de son empire. Il reçut aussi
le dauphin de France, le futur Charles V, fils de Jean le Bon, prisonnier des Anglais. Pendant
la présence de l'empereur à Metz, la paix avait été rétablie. Toutefois, les bouchers de la ville,
anciens alliés d'Huguignon, qui ne supportaient pas l'hégémonie du patriciat messin,
voulurent offrir la ville à l'empereur. Ce dernier prévint alors le Conseil de la cité dont les
membres s'empressèrent de noyer les conjurés au Pont-des-Morts ; WORMS, Histoire de la
ville de Metz, p. 49.
165
Gondrecourt: Le Château, Meuse, arr. Commercy.
150
[557]
Le seigneur Collay des Hermoises
Ne beut plus ne vin ne setvoise
Renonsa aux armes et espee
Et puis heust la teste coppee
[558}
La puissance de ceulx de Mets
Lez assallirent de si pres
Avec le conte de sainct Pol
Tresze en pendirent par lez colz
[559]
166
167
Et en ycelle annee aussy
Fuit pris le chasteau de Mussy 168
Par ceulx de Mets a ung matin
Et y gaingnerent grant buttin 169
166
Le Seigneur Colin des Armoises était le fils de Robert des Armoises qui avaient été
emprisonné en même temps que le duc de Bar à Metz en 1465 ; WORMS, Histoire de la ville
de Metz, p. 51. Philippe de Vigneulles ajoute dans sa Chronique, t. II, p. 64, que Colin des
Armoises se trouvait dans la tour de Gondrecourt entouré de toute une compagnie de
mercenaires. « En laquelle tour y avoit plusieurs mau/vais garson et malfecteurs, entre
lesquelles estoit Collas des Armoises», «On coppa la teste audit Collas des Armoises et
aincy fut paiet de sa deserte ».
167
Une compagnie de Bretons, brigands, avaient dévasté le pays lorrain et certains d'entre eux
s'étaient retrouvés dans la tour de Gondrecourt sous le commandement de Colin des
Armoises. Sous l'autorité de comte de Saint-Paul qui était au service de la cité de Metz, les
Messins décidèrent d'investir la tour de Gondrecourt. Les pillards furent décapités ou pendus;
WoRMS, Histoire de la ville de Metz, p. 51. Philippe de Vigneulles ne semble pas mécontent
que le comte de Saint-Paul ait ramené la paix dans le pays. Dans sa Chronique, t. II, p. 64, il
décrit l'épisode ainsi : »Ceulx de Metz allèrent avec le conte de Sainct Pol por assegier une
tour seant près de Gondrecourt. », « Et y firent lesdit de Mets avec ledit conte 1'espace de XV
jours avant qu 'ilz se vaulcissent rendre et par cest manier fut prinse ladicte tour. Et, furent
les ga/lans de dedans prins, entre lesquelles en furent treize desdit ma/facteurs pandus et
estrang/és ».
168
Mussy : près de Longuyon.
169
éjà en 1365, Pierre de Bar avait engagé la guerre contre la ville de Metz à cause de la
e Norroy. Cette ville avait été achetée par le sire Poince de Vy au duc de Bar mais ce
r réclamait toujours le dr~it de liS!lage. Ceil'X(fe Metz soutenaient le sire de Vy et la
bataille s'engagea contre le duc de Bar; Woîù:ls, Histoire de la ville de Metz, p. 50.
151
[560]
Soixante et septe mile et trois cent
Piere de Bar 1 70 fort et puissant
Sans besoing ne necessite
Prist guerre contre la cite
[1367)
171
[561]
Et en celle troisieme annee
La cite mist sur son armee
Et par force d'armes et d'assault
Prinderent le chastel de Marsalz 172
170
En 1367, le comté de Bar est déjà puissant. Depuis, le XIIème siècle les comtes de Bar
représentent « l'ambition d'une certaine noblesse». Ils sont partis de peu, mais ont su petit à
petit bâtir un comté puissant. Les comtes ont toujours été, sauf exception, des hommes de
grande valeur. Ils étaient d'excellents soldats, forts habiles et surtout ambitieux. Il n'y a donc
rien d'étonnant à ce qu'ils représentent une menace évidente pour une cité aussi riche que
celle de Metz; PARISSE, Histoire de la Lorraine, p. 156. Pierre II de Bar, seigneur de
Pierrefort (1359-1380) entra en conflit avec les Messins de 1365 à 1373. C'est ce quatrain qui
fait le premier, mention de cet épisode. Le motif semble être une affaire d'argent, de villages
engagés et non rendus, de manipulations financières que couvraient des traditions dites
spécifiquement messines. Aidé de seigneurs tout aussi endettés que lui, le sire de Pierrefort
n'hésita pas à attaquer la citadelle messine. Il avait déjà eut recourt à un agitateur du nom
d'Arnaud de Cervolle dit l'archiprêtre qui était accompagné d'une compagnie de Bretons.
Cette compagnie était célèbre pour ses exactions et le duc de Bar dû payer leur départ 20 000
florins. La guerre sévissait alors et les routes n'étaient, plus du tout, sûres. Les quatrains
suivants évoquent ce conflit ponctué par la prise du château de Marsal (quatrain 561 ), du
château de la Haye (quatrain 562), du château de Belleville (quatrain 564), ainsi que du
château de Solgne (quatrain 568) ; LEFEVRE, Les sires de Pierrefort de la maison de Bar,
p. 325, 326.
171
Dans Ms 848, le folio 56 a été détruit.
172
Marsal: Moselle, arr. Château Salins, c. Vic sur Seille. A cette époque, Marsal appartient
au temporel de l'évêque. Mais ce dernier n'est pas concerné par le conflit entre Pierre de Bar
et les Messins. En fait, les Messins ne se sont pas emparés de Marsal, mais de Mandres-auxquatre-Tours, forteresse des Blâmont qui sont les alliés des Pierreforts ; LEFEVRE, Les sires de
Pierrefort de la maison de Bar, p. 325, 326. Ce sont des hommes du duc de Bar qui
s'emparèrent du château de Marsal, mais l'évêque envoya son armée pour récupérer ce
château. Philippe de Vigneulles décrit ce passage ainsi dans sa Chronique, t. II, p. 64 et 65,
« Burtand de Nouviant, Simonin de Mercheville et Girard s'Aisey firent et menairent la
guerre encotre l'évesque Thiédri de Bompart, alors évesque de Mets. Ilz prirent la ville de
Massaulx par ung matin. Et fut reprinse la dicte ville par lesdit évesque, accompagniés de
ceulx de /'éveschié de Mets. Et furent environ LX personnaiges mors et occis et mis taut en
une fosse ».
152
[562]
Encor en celle ditte annee
Ainsy estoit la destinee
Par les metsains que envie hai
Fuit gaingnie le chastel de Hei 173
[563]
Et leans fuit pris le seignour
Et son frere par grant rigour
Et en menez sans repittez
Et a Mets descappitez 174
[564]
En cel an devant la toussains
Par les Lorains et les Metsains
Fuit le chastel de Belle ville t7s
Gaingniez destruict mis en exille
[565]
En celle annee mesment
Allerent messaing seurement
Gaingniez le nueuf bourg de Briey
Et tout destruict ars [et] bruy
[566]
Ons est bien sauvant abusez
Par croire des mal advisez
Hz creudoit avoir bon buttin
Mais ilz leverent trop matin
Quant le puple fuit tailles trois fois en ung ans
[567]
173
En celle annee la cite
Avoit d'argent necessite
Et fallut sans ne qu'une quoy
Taillez le puple par trois foys
Château de la Haye: près de Pierrefort.
174
Dans sa Chronique, t. II, p. 58, Philippe de Vigneulles note à ce sujet, «Pareillement en
celle année, la justice de Mets fit copper la teste de Geoffroy de Lustange et de Hanri
d'Anserville, escuier, pour plusieurs mefiait qu'il olrent fait contre la ville a bonne gent
trepaissant par pais ».
175
Château de Belleville: Meurthe et Moselle, arr. Nancy, c. Pont à Mousson.
153
Quant les messains gagnirent le chasteau de Solgne
[568]
En cel an s'en fair a du lorgne
Fuit gaingniez le chastel de Solgne
Par les Metsains une vespree
Et y eut cincq testes coppees
[569]
Apres bien [et) chastel pardus
Vin te nueuf en furent pandus
Et pour les aultres esbanoyez
Furent tous tuez on noiez
{570]
Pierre de Bar les as mis
Quan Metsains n'estoit pas amis
Solgne estoit malvaise maison
Plainne de faulx garnison
176
Deux gentilzho[m)mes annemis de la cite furent decappite deva[n]t la gran te
esglise
[571]
L'an mil trois cents et dix huictz
Et quatre vingz co[m]me il sensuit
Deux gentilz hommes saint et entier
Morurent devant le moustier
[572]
Ostez leurs armes [et] leurs espees
Il heurent les testes coppes
Pour les mesfait [et] demerittes
Qu'avoient fais du preteritte
[573]
Leurs forfais leur furent rendu
Quinze de leurs valets pand u
Furent au gibet pour mesprison
Et dix huict mors en prison
[574]
Ses deux gentilzho[m]mes pillart
Acompaigniez de grant paillart
Robbant pillart sur le commun
Et generalement sur chescuns
176
(1398]
Solgne: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny.
154
Quant il y heut deux amans fmjugiez
[575}
Celle annee consequement
Furent for jugiez deux amant
Et tous leurs biens vendus et pris
Fait avoient dez faulx escripts 17'7
La guerre de Sainct-Germain
[576}
L'an mil deux cents environ
Et trente Jehan D'Appremont 178
De l'esglise [et] de l'esveschaiz
De Mets estoit souverain chief
[577}
Entre l'esvesque [et] la cite
Survint moult grant advercite
Par debat [et] aultre entreffaitte
Y heust maintes chose malfaittes
[578}
Dont tout le plus grant mal sally
Le paraige de Porsailly
De l'esvesque tindre la bende
Dont la discorde en fuit plus grande
[1230]
177
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz ne donne pas de réelle date à cet événement. La
dernière date donnée par l'auteur est 1368, la suivante est 1230. Lors de la composition de son
ouvrage l'auteur a peut-être inséré des éléments plus tardifs que 1368. Philippe de Vigneulles
évoque le jugement et le bannissement de deux amans pour l'année 1399. L'événement
semble être semblable à celui des Chroniques de la cité de Metz, puisque dans sa Chronique,
t. II, p. 119, on y trouve les écrits suivants : «Furent bannys et forsjugié de Metz deulx amans
de la cité, c'est assavoir Jehan Enlecol et Hannès de Sainct Jullien, son janre. La cause
pourquoy fut pour ce qu 'ilz. s.'en estoient fouys nuytamment, car ilz avoient mis en leur arches
beaucop de faulx escrips ».
178
Jean d'Apremont fut évêque de Metz de 1224 à 1338. Né d'une famille noble, il obtint très
jeune la charge de grand archidiacre au chapitre cathédral de Metz. Il succéda à l'évêque
Conrad défunt sans susciter d'intervention de la part de l'empereur. Le nouvel évêque était un
homme capable et fort peu désireux de laisser la bourgeoisie agir à sa guise. En 1231 débuta
les prémices de la« Guerre des Amis» (1232-1234). En fait, il faut remonter en 1226 pour se
rendre compte que les bourgeois avaient décidé d'obliger le clergé à s'acquitter d'un impôt
pour aider à la réparation des murailles. Le désaccord éclata avec l'évêque qui trouva un
appui dans le paraige de Port-Sailly dont il était l'un des parents. La guerre éclata et l'évêque
dû se réfugier à Châtel-Saint-Germain. Les Messins achetèrent les alliés de l'évêque; c'est-àdire le duc de Lorraine et le comte de Bar. Jean d'Apremont fut certainement le dernier
évêque qui chercha à contrôler la puissance grandissante des familles patriciennes messines. ;
TRIBOUTDEMOREMBERT, Le diocèse de Metz, p.Sl-61.
155
[579]
Ilz furent tres tous bouttez hors
Lassant leurs biens (et] leurs tresors
Se non ung baston en leur mains
Allerent a chastel Sainct-Germain 1 79
[580]
Tous leurs biens leurs furent ostez
Buttinez destruict leurs hostelz
A Sainct -Germain pour abregiez
En leur chastel furent assignez
[581]
Mais Fesvesque par diligence
Assambla gens a gra[n]t puissance
Mais bon conseil vint sy en haiste
Que de tous mal fuit paix faittes
{582]
Neantmoing la guere trois ans
Dura qui estoit moult pesant
Ou la guerre est [et] ung [et)une
Rengne[n]t trestous en grant fortune
179
Châtel Saint-Germain: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Ars sur Moselle.
156
Quant Monseigneur sainct Barnabe fist la paix entre l'esvesque et l'esveches
[583]
L'an mil trois cents [et} deux ans
A nostre matiere et divisant
Renald de Bar estoit esvesque 1ao
De Mets dont vint grant eschecq
[584]
Entre l'estat spirituel
D'une part [et] du temporel
S'esmeust tres grant division
Par convoitise abusion
[585}
Chescun prent vollentier du tien
Et donne tres envy du sien
Pourtant son ravissant luppars
Qui convoittent plus que leur pars
[586]
Quant chescun dit qu'on lui faict tort
C'est d'ou viennent lez grant discordz
Par trop souvant usez de force
Ont estez pluseurs mis en fosse
[1302]
180
Renaud de Bar fut évêque de Metz de 1302 à 1316. Dès 1302, il devint le tuteur de son
neveu, le jeune Edouard 1er comte de Bar. Le climat se détériora rapidement entre l'évêque et
les Messins puisque le conflit débuta en 1304. En effet, à cette date, les Messins rendirent une
ordonnance qui ôtait aux prêtres le droit de succéder et d'hériter. Déjà depuis 1226, les
moines devaient s'acquitter de droits sur les marchandises et fournir leur part sur les impôts.
Le clergé protesta, mais paya. En 1304, un clerc étant mort sans avoir établit de testament,
Renaud de Bar réclama la possession de ses biens au gouvernement de Metz. Celui-ci refusa.
L'évêque entra alors en guerre contre la ville. La bataille allait commencer quand des
personnes influentes obtinrent une réconciliation. L'évêque consentit à rentrer dans Metz en
jurant qu'il y entrerait avec une armée. Mais les Messins lui firent promettre le contraire. Par
orgueil, il décida d'y entrer lors d'une procession en grande pompe, accompagné par de
nombreuses personnes ;WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 38. Philippe de Vigneulles
écrit dans sa Chronique, t. I, p. 363, «Pour sa/ver son sairement, il fit faire le jour des
Palmes la grant procession selon ce que 1'ordonnaire de la Grant Eglise de Mets le devise :
car à celle procession, l'evesque doit estre present». Les chanoines de la ville n'étaient pas
en meilleurs termes avec leur évêque. Ils avaient dressé contre lui une liste de plaintes
particulièrement précises et qui traduisait leur indignation. En fait, l'évêque se désintéressait
complètement des affaires liées à Metz. Il préférait se préoccuper de ses autres résidences. Les
Messins critiquèrent vivement le transfert de juridiction ecclésiastique à Vic. Cela entravait le
fonctionnement normal de la justice. Cet épiscopat s'acheva dans la confusion puisque
Renaud de Bar décéda empoiS()Ilfié au monastère de Saint-Vincent en 1316; TRJBOUT DE
MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 56.
157
[587]
L'esvesque jura ung serment
Qu'a Mets n'entrerait que forment
Par son voulloir a grant puissance
Cela fist il, mais par nuance
[588]
Il pansait venir a ses dames
A Metz par force de gent darme
Mais il vint en procession
Par bonne composition
[589]
Pour estre quitte de son voulz
Il goust la nuict a Sainct-Arnoulf
Le dimanche y benyst lez palmes
A grant nombre d'homme [et] de fe[m]mes
[590]
Il jura par oultrecuidance
Qu'a Mets entrerait a puissance
A puissance entra voirement
Mais ce fuit debonnairement
181
[591]
Le mistere en fuit bon [et] bel
Par Monseigneur sainct Barnabe
Qu'en fist la paix en une place
Entre deux Sainct-Arnoulf [et] Mets
[592]
En c'este plaice de miraicle
Fuit la chapelle Sainct Fiacre
Faitte a donc pour toujiour mais
No[m]mee la Chapelle de paix
181
Le quatrain 591 a été ajouté sur le folio précédent. L'auteur, à l'aide d'une croix indique
l'endroit où il doit se trouver et ajoute: «ce couplet doit être a l'aultre partie».
158
La guerre du roy de Bohagne duc de Lucemboug du duc de Lorainne du
conte de Bar [et] de l'archevesque de Trieuve contre la cite.
[593]
182
[1324]
Mil troi cens vingt quatre ans
Le roy de Bahagne J ehan
Estoit son nom aincy le treiuve
Manda l'archevesque de Trieuve
[594]
Le duc des Lorains d'une part
Acompaigniez de cueus Bar
Par mandement de belle lettres
Se trouverent ensambles eux quatres
[595]
Pour en dire tout brief (et] court
A Lucemboug estoit leur court
Tout haistyvement par expres
Vindrent asiege devant Mets
[596]
Et firent de tres g(ra]nt domaige
En brulant maintes beaulz villaiges
Sens pitiez [et] sans conscience
Devant qu'on heust lez defflance
[597]
Le messaigier vint a la porte
183
Tenez sez lettres que je porte
Fuit droit fuit tort fuit honte ou blasme
Tout estoit en feu [et] en flarne
182
Metz était devenue au XIVème siècle, la banque des princes et ces derniers étaient toujours
tentés d'annuler leurs dettes par le biais des guerres. C'est ce que font les comtes de Bar et
Jean de Bohême, comte de Luxembourg, le duc Ferri IV de Lorraine et l'archevêque de
Trèves qui s'allient en 1324 contre Metz. Ce conflit porte le nom de la guerre des Quatre
Seigneurs ; PARISSE, Histoire de la Lorraine , p. 189.
183
A chaque guerre, les ennemis de Metz cherchent des appuis à l'intérieur de la cité. Ce
conflit de 1324 à 1326, entre Metz et les ducs de Lorraine et de Bar provoqua une hausse des
impôts nécessaires à la reconstruction de la cité. Une partie du patriciat se souleva et s'allia
aux ennemis. Malgré l'optimisme dont fait preuve l'auteur quant à la gestion de la cité, la
peur de la trahison issue des divisions internes renai'tra à chaque conflit ; GANŒLET, Entre
France et Empire, Metz, une conscience municipale en crise, p. 18.
159
Fo 60 ro
[598]
Les pouvres gents par le pays
Se trouvere[n]t moult esbahys
Lasserent tout [et] bestes [et] biens
Que leur anffans s'en prendre rien
[599]
La guerre fuit moult merveilleuse
Et de chiertemps moult perilleuse
Car les grains furent ars es granges
Et pardus toutte lez vendanges
[600]
Mais tant furent messains vaillant
De tret destocq[ue] [et] de taillant
Faisànt tel guerre [et] tel huttin
Qu'il conquesterent grant bu ttin
[601]
Malgrez la guerre [et] son malice
On usa d'une tel police
Sy bien [et] ordonnencement
Qu'on heust tres bon gouvernement
[602]
Or la plus grant pitiez quy fuit
Cest qu'Hz mirent par tout lez feu
Tout fondus [et] aruynnez
Et n'avoit ons rien enhannee
F 0 60
[603]
V
0
Moult heust la cite a souffrir
A leur esvesque allerent offrir
Quinzes milles livres d'argent
Pour avoir ayde de ses gents
160
[604]
L'esvesque estoit Ham:y Daffin
Du Daphine malis [et} fin
Il leurs promist estre servis
Mais mal fuit l'argent deservis
[605]
Il engaiga ses bonnes villes
Et ses chastels bien po[ ur] ce[n]t mile
Sens les quinze milles de gaiges
Tout par ses cautelleux langaige
[606]
Et quant son argent heust receupt
Les seigneurs en furent deceupt
Quant ilz lez heust bien assurez ,
S'en retorna on Daphinee
[607}
La leur survint guerre sur guerre
Par force leur convint co[n}querre
Telle somme avalz l'esveschiez
Dont ilz en heurent g[ra]nt meschiez
[608]
La guerre fuit dez annemis
184
Devant Mets ung an [et} deux
Et au printemp on mois de mars
De tous malz fuit faitte la paix
184
Le successeur de Renaud de Bar (1302-1316) fut Henri Dauphin du Viennois (1319-1325).
Issu d'une famille puissante du royaume d'Arles, il n'avait que vingt et un an quand il arriva à
Metz. Il refusa de se faire consacrer pour mieux gérer le Dauphiné et choisit des vicaires
généraux pour le seconder. Toutefois, il vint dans la cité, prit part à la mise en place des
Treize et s'occupa de faire poursuivre la construction de la cathédrale. Il se trouva encore
obligé de participer à la guerre des Quatre Seigneurs. La cause du conflit g.tt surtout dans le
fait que les bourgeois messins étaient les seuls, avec les Lombards, à pouvoir prêter
d'énormes sommes d'argent à ces seigneurs. Les Messins recevaient en gage des biens de
l'évêché. Mais l'évêque se souciait davantage des affaires du Dauphiné que celles de Metz.
Aussi, il finit par se démettre de ses fonctions en 1325; TRIBOUT DE MOREMBERT, Le diocèse
de Metz, p. 58.
161
Le siege devant Sampegny
[609]
Et aincy que guerre se me[n]ne
A Sampegny 185 onze septiemme
Tindrent la garnison
Sens gaingnez chasteaux ne maison
[610]
A Mets lez convint retraire
Car trayson leur fuit contraire
Deux seigneurs nobles y eurent mort
Dont se leur fuit grans desconfort
La dance de Monseigneur sainct Jehan Baptiste
[611]
Treize cents soixante [et] quatorze
Au monde advint piteuse choses
Qu'en citez en villes [et] en champs
Gens dansoient du bien sainct Jehan
[612]
C'estoit une pitiez miranble
A merveille tres pitoyanble
Car tous les plus reconfortez
Estoient fort enpoentes
[613]
Fuit en dormant fuit en veillant
Fuit sur pouvres fuit sur vaillant
Ou que la fortune venoit
Tantost dancier les convenoit
[614]
Le prestre en faisant son office
Le seigneur seant en justice
Le laboureur a la labour
[1374)
186
Sur quis que cheoit la dollour
185
Sampigny: Meuse, arr. Commercy, c. Pierrefitte sur Acre.
186
En, 1374, il ne fait nul doute que la crise économique, les famines, la peste et la guerre
entraînent une immense piété accompagnée de tous ses errements. Les flagellants avaient déjà
parcouru la Lorraine au moment où la peste avait durement sévi (1348-1349) Mais à Metz, en
1374, l'obsession du pêché entraîna une «hystérie collective», la danse de saint Guy ou de
saint Jean ; P ARISSE, Histoire de la Lo"aine , p. 221.
162
[615]
Et dansoie[n)t nueufz ou dixjo{u]rs
Sans avoir repos ne seiour
Ou plus ou moin a l'aventure
Co[m]me est le mal aux creatures
[616]
Ilz dansere[n]t a sainct Jen en chambre
L'un l'aultre ne pooit attendre
De la cite en heust dansans
Grans et petis bien quinze cents
La fondacion dez Celestien [et) la chapelle en Champpassaille
[617]
Bertrand le Hungre 18'1 en cellui temps
Puisant d'or [et] d'argent contant
Qui aime Dieu ses solas tien
Fist commencier lez Celestiens
[618]
Burtrand de Hungre chevallier
Ainsi appelles panetier
De l'esvesqz de Mets heritanble
Ho[m]me en tous ses dict veritable
[619]
En son temps par devocion
Esmeu de bonne esmotion
Sur le scien propre a ses despens
Il fonda Nostre Dame az Champs
[620]
Donna[n]t le biens il visitoit
Par devotion qu'il y a voit
En dangier fuit d'estre troussez
De malvais garsons ennemis
187
Bertrand de Hongre est aman de Saint-Etienne, il est aussi panetier héréditaire de l'évêché.
C'est lui qui fonda le couvent des Célestins le 11 janvier 1370. Il dota ce couvent de biens
considérables avec un cens annuel sur sa propre maison. Il avait fait bâtir une église basse que
l'évêque Thierry Bayer consacra en 1376. ll meurt en 1397; SCHNEIDER, La ville de Metz au
XIJ/ème et X!Vème siècles, p. 47.
188
Le folio 61 bis verso est une page blanche.
163
[621]
Ainsi que sur lui ilz tendirent
Au tour de pourprins espoient
Devant hymaige s'endormaient
Il y fuit trop plus longuement
189
Que les aultres sors ne solloit
Fo 62 ro
[622]
Encommencrent lez fist (et] parfaire
Et maintes aultres belle œuvres faire
Et la chapelle on Champpasaille
Tout de sez deniers (et] sez mailles
D'un chanoine qui fuit longtemp en prison
[623]
Mil trois cens [et] dix septe
Et soixante fuit mis en seppe
Ung chanoine du grant moustier
Et tres puniblement traictiez
[624]
Contre ung ho[m]me prist tel discort
Qu'ille navrajusqz a la mort
S'en fuit mis enchief le doyen
Sens plesere seurte ne moyen
[625]
Sens adviser aise ne peine
Il y fuit logier trois sepmenne
Et puis rendu a la clergie
Pas n'en fuit sa peine allegie
[626}
Il fuit jugiez par le grant maistre
Qu'il en georoit dix ans charstre
Sans aumusse ne sorpellis
Dix ans y fuit tout accomplis
[1377]
189
Les quatrains 618 à 621 font partie d'une nouvelle interpolation tout comme se fut le cas
pouf les quatrains relatifs au miracle âe-Tâ-·voilenë:" Le folio n'est pas paginé. TI est donc
nommé 61 Bis.
164
{627]
Pain (et] eaue avait pour pitence
Dix porta la penitence
Mais par sacree dignitte
Il fuit de la mort repitte
Quant la bulette fuit ordo(n)nee
{628]
Par mile trois cents quatrevingz
Par conseille par maistre escheving
Fuit ordonnee la bullette 190
Pour scellier (et] buller lettres
[1380]
Mutte refondue deux foys pour ung an
{629]
Treize cents quatreving (et] ung
La grosse cloche du commun
Qu'on dit mutte fait refondue 19 1
Deux fois a grant peine pardus
(1381]
La guerre du duc de Jullet
{630]
Treize cents quatre vingz [et} six
D'ung gouffre guerroyaulle yssy
Ung conseil a tous mal avissanble
Et a Mets tres fort nuissanble
{631]
Premier fuit le duc de Julet
Que pas n'estait petit verlet
Et estait a ung aultre advoux
Qui estait conte de Nassau
(1386]
190
Dans sa Chronique, t. II, p 89, Philippe de Vigneulles évoque cette institution de la
manière suivante : « Fut institués et acommancée la bulette en Metz. En laquelle institucion
fut ordonnés de paier la malletotte de tout vandaige ou acquaist d'aritaige, c'est assavoir
pour chacune livrez VI deniers ».
191
Jusqu'à la fin du XIVéme siècle, Metz n'eut pas de cloche pour son service particulier et
lorsqu'ils avaient besoin d'ameuter ou de se rassembler, les Messins faisaient sonner celle de
Saint-Eucaire. Ce n'est qu'en 1381 que la ville se résolut à avoir une« bandoche » et qu'elle
la fit monter sur une des tours inachevées de la cathédrale, un campanile en bois. De la
première fonte en 1381, nous n'avons pas d'information. Nous savons malgré tout que
l'opération ne réussie pas et qu'il fallut recommencer; La Cathédrale de Metz, dir. Aubert,
p. 250.
165
[632}
Et ung grant seigneur D'Allemaigne
Et Boullay tenoit la montaigne
Avec plusieur chevalliers
Qui estaient leurs allier 192
{633}
Ou alors pooit plus de mal faire
Sur pouvre menus popullaire
Bruller violier enforciez
Cellui estoit plus est expriciez
[634}
Moult de mal firent (et] de domaiges
Sur les pauvres gens de villaiges
De tout destruire corp [et] biens
Pitiez n'avaient plus que chiens
{635}
Et quant ilz heurent fuit rettraitte
Pour ceu ne fuit pas paix faitte
Ceulx de Mets pour abregie
Convint jouer au revengier
{636}
Le chastel devant Thiaville
9
Fuit gaingniez ta[n'jt--.r.-u.....
is-se-nt habille
Et tant de mal firent au pays
Que maintes en furent esbahys 193
192
Les Messins étaient menacés par le sire de Boulay ; WORMS, Histoire de la ville de Metz,
p. 51.
193
En 1386, le comte de Saint-Paul n'était plus au service des Messins. Il était en fait
mécontent parce que ses services n'avaient pas été payés selon lui à leur juste valeur. Le
comte vint mettre le siège devant Gorze, mais les Messins réagirent et le comte se retrouva
dans le pays de Thionville à Mondorff, où il fit brûler les blés. Philippe de Vigneulles, dans ià
Chronique, t. II, p 102, évoque à ce sujet : «Et le conte sainct Pol envoiait en Mets Robert de
Hervillez et plusieur aultre, pour traictiet qu'il peult avoir de l'airgent desdit de Mets, ou
aultrement il assaillirait Gouxe; comme il fist », «Firent une chevaulchiée ledit conte sainct
Pol et c 'en allirent à Manndor et illec boutairent lez feu, et 1'airdirent toucte ».
166
0
F 63
[637]
V
0
Le chastel fuit ars [et] bruller
Gens tues (et] patibuller
S'il ont brulle tues (et] estouppe
En eux refist tel pain sou ppe
La guerre de Lutenge [et] de Haittange
[638]
Treize cents quatreving (et] septe
Les gens d'annes depart lez septes
De Mets abbattirent Haittange 194
Champillon 195 (et] aucy Luttange 19fi
[1387]
La guerre du conte de Sainct Pol
[639]
Treize cents quatreving [et) quinze
Le conte de Sainct Pol damprise 197
Les bleds au champs prest acillier
Fist bruller ardre [et] exillier
[640]
Sauvant sur la pouvre cite
Est venue moult advercite
Ont sez gents a mort offris
Et moult de grant peine souffris
[1395]
La guerre dez Lorrains [et] des Allemands
[641]
Mile troi cents cinquante [et) ung
De propre usaige tout commun
Dez Lorains (et] dez Allemans
Briez conseilliez egallement
194
Hettange : Moselle, arr. Thionville-est, c. Cattenom.
195
Champion: Ferme, commune de Chailly-les-Ennery.
196
Luttanges: Moselle, arr. Thionville-est, c. Metzervisse.
[1351)
197
Comme le comte de Saint Paul n'était plus au service de la ville de Metz, il commettait de
nombreux forfaits à chaque fois qu'il passait dans le pays messin. Philippe de Vigneulles
signale dans sa Chronique, t. II, p 112, «Revint sur les terres de Mets le conte de Sainct Pol,
et boutit le feu en plusieurs bledz par Devent les Pontz. Et avoit avec luy grand compagnie,
entre lesquelle estoient plusieurs seigneurs de France du sang reau/».
167
Fo 64 ro
{642]
Ilz ont d'usaige acostumez
Ou droit ou tort tantost tumez
Car les loups a peu d'occoison
Prennent poullains veaux (et] oixons
{643]
Aincy fuit raison ou tort fait
Leur conseil fuit tan tost fait
Disant faisons la guerre acomppe
Du moin nous prandront une souppe
{644]
Lorrains ne cesseront jamais
De prendre guerre a ceulx de Mets
Et reveillez [et] endormy
Se sont toujiours leurs annemis 198
1
1
{645]
Pour estrela guerre entasmee
A Flery 199 vindrent grant armee
Et la firent dresser leur tentes
Et en dresserent vingt a trente
{646]
Il y avoit de fme mouches
Faisant sauvant g[ra]nt scarmouche
Qui ne valloient pas ung sol
Dont ilz en furent tantost saolz
0
F 64
{647}
V
0
Ne firent aultre vasselange
Que bruller lez pauvres villange
Et efforcer filles [et] femmes
Et excecranble fait infalmes
198
En 1347, les bourgeois messins avaient étouffé la révolte des bouchers. L'un d'entre eux,
Huguignon avait été noyé au pont des mots avec son frère. Finalement, pour le patriciat
messin la guerre valait mieux puisqu'elle occupait les gens du peuple. Les magistrats prirent
donc le parti de la guerre en s'engageant dans le conflit qui opposait l'évêque Adhémar de
Monteil au sire de Fénétrange. C'est ainsi qu'ils exposèrent les environs de la ville aux
incursions continuelles des pi~ORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 48.
199
Fleury : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny
168
[648]
Tantost lez convint despartir
Chescun en son lieu revertir
Mais ceulx de Mets sceure[n]t en haitte
Qu[an)t leurs armees fuit desfaitte
[649]
Les Messains ne fure[n)t pas lasches
Mais tres diligent fort [et] fresches
Preste en armee [et] appareillee
Pour lez aller bien resveillier
[650]
Et a estre en allerent aincy
Tout destruisant jusq[ue] Ancy 2oo
Et brullant fortresse faubourg
Et tout le pays alentours
[651]
Assaillirent Frouway 2o1 [et) Roziere 2 02
Se fort maisons firent mauxiere
Et furent on jay en desduit
Malgrez tous deux jours (et) deux nuicts
Fo 65 ro
[652]
Le sire Thiebal de Blaumont
Noble chevallier de renon
Pour aller bruller en Lorainne
Des messains estoit cappitaine
[653]
Des Metsains survint une alarme
Des Lorrains sept cents ho[m]me d'arme
Dont sept vingtz en furent attrappez
Des lorains mors [et] d'estrippez
[654]
Des Metsains ne morut cun ho[m]me
Mais des navrez en heust grant somme
L'un bien joyeux l'aultre maris
L'un meshaigniez l'aultre garris
200
Ancy-sur-Moselle : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Ars sur Moselle.
201
Frouard : Meurthe et Moselle, arr. Nancy, c. Pompey.
202
Rosières aux Salines: Meurthe et Moselle, arr. Nancy, c. Saint Nicolas de Port.
169
[655}
l
1
Du principe ne du conclu
Court abreigier je n'en dit plus
Fors que de reduire a memoire
Les fait la date [et] lez hX~i?!f,Ç:.~...
_...,,......,~ -'""''-''•·'-'"-'"•"~-' """""'-~•''»>"~" ,c.,.........,.,"'"''-·"'""--'" >' • _, ,._,,,.. .. >>:'<4~"'\,•'-'"--!-'1.,,.';:,:..,
0
D'un ampereur qui fuit mangiez dez poux
[656}
[657}
En l'an de l'incarnacion
Neufz cents [et] douze faict mendon
D'ung ampereur nomez Arnoulft 2 04
Qui fuit mort [et] mangiez des poux
[912)
Quant Dieu pugnit lez creature
Medecin ny peult mettre cure
Dieu ait tout fait si saigement
Que nulz ne soit ses jugement
Qua[n]t le duc de Bar fuit pris a Lagny en Bairoy
[658}
Mile trois cents soixante [et] uictz
En joye en solas en deduit
Yssirent de Mets quatre on cincq cents
Ho[m]mes de bien tous inocents
[659}
Entre lesquelz ung chevallier
Nommez Robert de Hervillier
Servant a la cite au gaiges
Estoit cause defaulz langaige
[660}
Par ung nomme Jehan de May
Qu'estoit Barisien se Dieu may
Cellui que avoit dit injure
Mais en fuit prouvez parjure
[1368)
203
L'adversaire le plus redoutable restait le duché de Lorraine. Il s'était opposé à l'évêque de
Metz pour la possession de Château-Salins. Les Messins soutirent leur évêque et s'avancèrent
jusque sous les murs de Nancy; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 48.
204
Arnoul de Carinthie, couronné empereur en 896 et mort en 899. Dans sa Chronique, t. 1,
p. 212, Philippe de Vigneulles fait mention de cet empereur qui régna 12 ans et «Il fut .sy
tourmentés de poulz et de vermine que nul phizisien ne l'en polt guerir par nulle art». Il
n'évoque pas de punition divine.
170
[661]
Sy en fuit araniez ung champ
A lances [et] espee tranchants
Champis devant le duc de Bar 2os
Qu'estoitjuge pour les deux part
[662]
Tous deux estoient gentilz hommes
Chescun obligiez pour la somme
De perdre la vie [et] l'honneur
Devant le duc [et]lez seigneurs
[663]
Et quant vint au premier la chose
En avrille jour sainct Ambroise
Cellui de Mets se y trouva
Et l'aultre tres faut se prouva
[664]
Metsains y allerent joyeux
Mais trayson tendoit sur eulx
Po[ur] les champs n'y heust deux ne quatre
Mais les convint tres tous combattre
[665]
La se trouvere[n]t esbahys
Peu de gents loing de le[ur] pays
Mais se pas n'estoient assez fort
Dieu lez arma de reconfort
[666]
Quant ilz virent si forte guerre
Ilz mire[n]t tous le pied a terre
Tant frappant d'estocq[ue] (et] de taille
Qu'il gaignere(n]t champ [et] bataille
205
Dès 1365, la ville de Metz avait du affronter des compagnies de grands Bretons. C'était des
brigands et pillards et ils dévastaient les pays qu'ils traversaient. Ils avaient alors affaire avec
le duc de Bar contre la ville de Metz. Mais cette dernière paya à la compagnie, la somme de
dix-huit mille florins afin que les Bretons dévastent les terres de l'évêque de Metz et celles du
duc de Bar. Ce dernier fut fait prisonnier et enfermé à Metz. Il ne put retrouver la liberté en
1368, qu'en promettant de payer une forte rançon. Mais il ne tint jamais sa promesse;
WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 50.
171
[667]
La gaingniere[n]t honne[ur] [et] pris
Et la fuit le duc de Bar pris
Et plus de six vingz gentilhoms
Qui cranterent tenir prisons
[668]
A Metz fuit le prince amenez
Dont grant duel en fuit demenez
Se Barisiens avoient trouble
Met sains avoient joye adou ble
Celui duc fist faire l'esglise dez Carmes
[669]
Or apres pour conclusion
Dieu met partout provision
Paix vint entre lez seigneurs
A tous seigneurs touttes honneurs 2 06
La guerre des grant Brettons
{670]
En l'an trois cents soixante [et] quinze
En l'escripture est ainsy mise
( Vindrent les gents d'armes [et] piettons
Qu'on appelloit les grant Brettons 207
[1375]
206
Duc Robert de Bar (1352-1411), avait été fait prisonnier par les Messins à Ligny. A sa
sortie de prison, il aurait fait construire cette église. La Chronique des évêques de Metz ne
mentionne pas ce fait. Par ailleurs, on sait que la construction des Carmes débuta en 1370 et
que sa consécration eue lieu en 1415. Cependant, en 1392, le duc de Bar fit un don aux
Carmes «en souvenir des bontés que les religieux avaient eu pour lui, lorsqu 'en 1368 et
durant deux ans, il fut prisonnier à Metz ». Ce don était destiné aux chants lors des messes ;
TRIBOlff de MOREMBERT, « Les Carmes à Metz », A.S.H.A.L., p. 50, 51.
207
Les années 1360-1380 sont certainement les plus sombres que connaisse la Lorraine. Cette
dernière est le terrain de nombreux conflits. Les routiers bretons apparaissent en 1360, en
Lorraine, libérés par le traité de Bretigny. Ils s'installent dans un premier temps dans le comté
de Vaudémont et s'opposent au comte de Bar. Pierre II de Pierrefort les embauche contre les
Messins et ces derniers sont obligés d'acheter le départ des bandits. En 1375, les Messins sont
obligés d'acheter une deuxième fois la paix contre les Bretons que le comte de Pierrefort et le
duc de Lorraine avaient engagés contre la cité; PARISSE, Histoire de la Lorraine, p. 201.
172
[671}
Quinze jours furent et villaiges
De nostre terre a grant domaige
On lez nommoit a sy grant sommes
Qu'on lez asinoit cent mile hommes
Fo 67 ro
[672}
Sans faire la chose lontainne
Lez seigneurs vers lez cappittaine
Furent porter ung pot de vin
De trente quatres milles florins
[673}
Lors entrerent en l'esveschiez
Mais l'esvesque 2os en vint bien a chief
Beaux dont leurs fist pour lez fist traire
Droit ou la contez de Ferraitre
[674}
Ceulx de Mets tout a l'entour
De la cite arderent lez bourgz
Et tout vindrent [et} corpz [et} biens
Et tout bruller sens lassier rien
[675}
Car se les routte eussent logiez
Ez bourgz s'eust estez grant dangiez
Grant folie [et) grant nicete
Assez pour perdre la cite
[676}
On dit souvant qu'amour fait moult
Mais par dessus argent fait tout
Tant fussent puissant [et] grants gens
Deschassiez furent par argent
/
·~~==.:~~~::~,
.
\
€titucion
[677}
E~ !~?? . .
~1 fe ste Sainct Salvator
.e_kqi~-œfi.tk!L~:tt.lYs--.
7
Fo 67 V
0
[1320]
En Mets tel fortune advint
Que les corbeaux le feu portoient
Et sur pluseurs lieux le gettoient
208
Thierry Bayer de Boppart (1365-1384).
173
[678}
Et y heust en pettite espasse
En la cite grants maisons arse
Ung jour de fe ste sain ct Salvour
Dont moult fuit grande la paour
[679}
Il fault entendre pour le mieulx
Qu 'estoit pugnassion de Dieu
Dieu vueille garder la cite
De telle grande advercite
La guerre des quatre contes
[680}
L'an mile quatre cent [et] quatre
Pour plusieurs querelles de bettre
Plusieurs seigneurs de plusieurs terre
Contre la cite prinrent guerre 2o9
[681}
Le duc de Lorraine 210 [et] l'esvesque 211
Et les seigneurs de Mets avecq
Firent ensamble ung compromis
Pour garroyer leurs annemis
[682}
aincy qu'est escript en compte
( EtPremier
y avoit quatre conte
Et pluseurs aultre chevallier
Et aultre avec eulx alliez
-
212
[683}
[1404]
1 'Et dura la guerre trois ans
A qui qu'en fuit la paix pesant
Ou qu'en soit meritte on pechiez
Les pauvres gens ont le meschief
~
209
Ces quatre comtes sont Philippe de Nassau-Sarrebruck, Jean de Salme, Gérard de Boulay
et Jean d'Autel, seigneur d'Apremont. Ils s'étaient retrouvés devant Metz avec 1500 hommes
et exigèrent le prix de leur départ à dix mille florins. Les gens de Metz furent contraints de
payer et le peuple se souleva contre le patriciat, WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 53.
210
Duc Charles II de Lorraine (1365-1384).
211
Raoul de Coucy, évêque de Metz (1387-1415) conclut une alliance avec le duc de Lorraine
le 2 janvier 1406; SCHNEIDER, La ville de Metz au Xlllème et X/Vème siècles, p. 500.
212
Le quatrain 683 se trouve dans la marge droite du folio. L'auteur a indiqué, à l'aide de
signes l'endroit où doit se trouver ce quatrain.
174
[684]
L'an mil quatre cents [et} quatre
Coustoit le bled cents sol {et} quatre
Sens cellier sens vonner sans battre
Bon temp en fist cent solz rabattre
[1404]
La disension du peuple contre les seigneurs
[685]
L'an mil quatre cent [et] cincq
Gent malicieux non pas simple
Entreprindrent une querelle
Qui fuit dangereuse [et] cruelle 21a
[686]
Pluseur dez gents de la cite
S'assamblerent grant qua[n]tite
Pour aucune cause ou rumeur
S'esleverent contre lez seigneur
[687]
Veant la chose aincy mal duitte
Tous les seigneurs prindrent la fuitte
Doublant de mal estre encombrez
N'en y eust cun des attrappez
[688]
Se fuit le
214
Ny vaillut se~-';~net
.. ---~
Dessus luy cheut sy telle tempeste
Quil en heust trancher la teste
[1405]
sir~~roignet
213
Ce conflit est le fruit de tensions qui existent entre le patriciat messin et les artisans. De
grands conflits sociaux secouèrent les régions d'Europe les plus urbanisées et les plus
productives. A Metz, les conflits furent de grandes ampleurs. Les artisans étaient très
nombreux et très actifs. Les patriciens quant à eux étaient riches et puissants et ils
regroupaient entre leurs mains toutes les charges politiques. Les gens de métiers eux avaient
cherché à se regrouper pour défendre leurs intérêts. Mais les seigneurs réduisirent leur
pouvoir. Un conflit avait déjà débuté en 1404, lors de la guerre des quatre comtes. Les
habitants de Metz qui avaient du payer le départ des quatre comtes s'en prirent au patriciat.
Les bouchers saisirent le chevalier Nicole Grognas et son serviteur et leur tranchèrent la tête,
puis ils ravagèrent les terres du comte de salm. Affolés les membres du patriciat quittèrent la
ville en 1405 et décidèrent de rejoindre leurs propriétés campagnardes. L'année suivante ils
rentrèrent dans la ville et effectuèrent une forte répression; PARISSE, «L'époque médiévale»,
Encyclopédie de la lorraine illustrée, p. 202.
214
Les seigneurs avaient quitté précipitamment la cité. Nicole Grognat fit exception et les
insurgés le décapitèrent; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 57.
175
[689}
Ung an furent seigneur et maistre
Nul n'osois la cause debattre
Et userent de leur veulloir
Nullui ne s'en osoit dolloir
[690}
Et dura la discencion
Jusqu'au jour de l'Ascencion
Ung an entier moin cincq semenne
Fuit la cite en moult grant peine
F 68
0
[691}
Et qua[n]t ilz furent revenus
Et de leur puple soustenus
Tantost en preindrent trente six
Qu'ilz firent morrir sens mercy
[692]
Le cas ne sceuren t denorer
V
0
Dont ilz lez firent tout noyer
Se fuit un grant cruaute
Tant de gents de gra[n]t parent
[693]
Grant honneur est de g[ra]nt seigneurs
Grant prouffit de bons gouverneurs
Grant plesir de femme [et] d'anffans
Quant tout est regis p[ar] bon scens
Omne regnum in se divisum et solabitur
[694]
Encor advint en celle annee
Qu 'estoit tres mal fortunee
La guerre de quatre seigneur
A grant perdre [et] grant deshonne[ur]
[695]
Salverne, Nassau [et] Salme
Et Boullay tous gents de grant falme
Accompagniez de grant gents d'armes
Vindrent livrer ung grant alarme 21s
215
L'auteur de la chronique fait de nouveau référence à la guerre de 1404-1405 qui oppose les
Messins aux sires Philippe, comte de Nassau et de Sarrebruck, le comte de Salm, le sire de
Boulay et le sire d'Apremont.
176
La guerre de Salveme, de Nassau, de Salme et de Boullay
[696}
[697}
Vindrent a forces [et] des rois
Courir jusque au genestrois 2 1 6
Metsains y allerent trop briesment
Et trop mal ordonnement
La perdirent Messains le jeu
La pluspat furent ruez jus
Pluseur seigneur de la cite
Et du puple grant quantite
21 7
[698}
Et moult des mors [et] dez navrez
A tel œuvre n'avaient oncque envoyez
C'est sauvant folies [et] oultraige
D'ouvrer quy n'entend son ouvraige
[699}
Marchal, massons et cherpentier,
Bouchier, tisserans, parmentiers,
Chescun voulloit courir devant
C'estoit avecq que plume au vant
[700}
La y eut grant confusion
Grant dalleur (et] perdition
Par fortune advient grant fondoire
Quant il commence a meschoir
[701}
216
Les signeurs que y furent pris
N'eschapperent pas sans bon pris
Et tous ceulx qu'en furent menez
Furent tres chierement ransonnez
Partie du Sablon, commune de Metz.
217
Bien que la ville de Metz ait été obligée de payer la somme de dix mille florins pour
empêcher les quatre comtes d'entrer en guerre contre elle, la guerre continua avec les comtes
de Nassau et de Sarrebruck; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 54.
177
Une alliance que faitte des seigneurs
[702]
En cellui an sens obliance
Fuit faitte une grande alliance,
Du duc Lorain du duc de Bar
Mets et l'esvesque d'aultre par 21s
[703]
Ensemble furent alliez
Prince, prelas, chevallierz,
Sens avoir guerre ou deffiance
Durant le temps des alliances
[704]
Le duc Robert [et] le duc Charle
Mets [et] l'esvesque dont je parle
Qu'on nommoit Raoul de Coucy 219
En paix estaient sens soucy
[705]
/
La paix est moult bonne au merchant
~ ·.
Ef au commun puple de gens
Met paix [et] se fet gents a mallaise
Mais la faulce guerre malvaise
218
L'auteur annonce que la trêve eut lieu le 2 juillet 1408. TI évoque cette paix aux quatrains
701 à 705 avant d'évoquer le conflit qui avait amené à conclure cette paix. Le récit ne suit pas
toujours un ordre chronologique. La paix faisait suite à la guerre qui avait eut lieu entre la
ville de Metz, le duc de Bar et d'Orléans et le duc de Lorraine. Le duc d'Orléans se fit
assassiner par le duc de Bourgogne et le duc de Bar se retrouva seul. Il consentit à conclure
une paix avec les Messins qui fut négociée par l'évêque de Metz, Raoul de Coucy. Il ffit arrêté
que les frais de guerre ne donneraient lieu à aucune réclamation et que les droits de chacun,
antérieurs à la guerre seraient maintenus; Id, p. 55.
219
L'évêque de Metz, sans nul doute devait trouver cette paix bien importante. Metz vivait la
fin de l'époque du Grand Schisme durant laquelle deux papes se trouvaient à la tête de la
chrétienté. La nomination de Raoul de Coucy à 1' évêché de Metz été compromise par la
désignation de Thilman faite par le pape romain Urbain VI. Le pape d'Avignon avait évoqué
le tout jeune Pierre de Luxembourg, mais ce dernier mourut en 1387. Thilman engagea des
hostilités contre Metz de 1385 à 1388. Raoul de Coucy fut tout de suite engagé dans le conflit
contre Thilman. Ce dernier meurt en 1411 et le schisme prend fin en 1416 ; SERPIERJ,
Graouilly, image et légende du fameux dragon de Metz p. 117.
·
178
'')
[706]
Au temp du duc Robert de Bar
Cuidant plus scavoir cun regnart
Longtemp fuit a Mets en prison
Prisonniez pour sa mesprison 22o
{707]
Quant de sa prison fuit quitez
Encor usa d'iniquite
Car s'il avait faitte une faulte
Encor en cuida faire une aultre
'"'-"•V•.
'····-....
Qua[n}t on cuida excheller Mets on mercy Charle
{708]
L'an mile quatre cents septe
Estant pasible en son recepte
De cuer n'estait pas allegiez
Mais desirait estre vengiez
{709]
En cellui temps selong mon co[m}pte
Mets avait guerre de troys contes 22 1
Veant ceulx de Mets empeschiez
Pensa eulx faire un grand meschief
(1407]
220
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz évoque à nouveau l'emprisonnement du duc
Robert de Bar en 1365. (Voir à partir du quatrain 658).
221
L'auteur utilise le terme de trois comtes. Il semble que ces seigneurs ne soient pas comtes,
mais ces titres sont sans doute empruntés pour la rime. Ces trois seigneurs semblent être le
duc d'Orléans qui cherche à trouver des appuis avec le duché du Luxembourg, le duc de Bar
Edouard I, son allié ainsi que le fils du duc de Bar, le marquis de Pont-à-Mousson. Ces trois
seigneurs s'engagent en 1407 dans une bataille pour investir Metz; WORMS, Histoire de la
ville de Metz, p. 55.
179
[710}
Pour celle guerre apaixenter
Vint ung ho[m]me presenter
Entre deux pour estre moyen
De part monsseigneur d'Orlien
222
[711}
Tandis que les seigneur commis
Ambassadeurs ver leur amis
Querroit leur appointement
Leur feist ung fault to[ur] fainteme[n]t
[712}
Les seigneurs estant a Paris
Devant ce seigneur dehault pris
Pour vuider aulcun point expres
Leur convint renvoyer a Mets
[713}
L'escuier Jofrroy de Werrise 22a
Prest [et] habille en son servise
En vint a Mets inellement
Et retourna habillement
:mIl s'agit du duc d'Orléans frère du roi de France, Charles VI. Le duc d'Orléans soutenait le
duché de Luxembourg dont le duc Wenceslas était accablé de dettes. Wenceslas avait donc
engagé son duché le 18 août 1402. Louis d'Orléans essayait de s'approprier des terres tout
autour du Luxembourg afin de s'opposer au développement de l'état bourguignon. Metz
faisait donc partie de ses prétentions. En 1404, le duc d'Orléans chercha à s'introduire dans
Metz, mais ses tentatives restèrent infructueuses malgré le soutien du duc de Bar. Le duc de
Lorraine vint au secours des Messins moyennant cinq cent livres qu'ils lui souscrivirent. Dès
1405, le duc de Lorraine Charles II s'engagea auprès du duc de Bourgogne. En 1407, le duc
d'Orléans chercha à nouveau à profiter des querelles intestines qui avaient lieu à Metz pour y
entrer, mais ce fut un nouvel échec. Les tentatives du duc d'Orléans cessèrent quand le duc de
Bourgogne Jean sans Peur le fit assassiner. Le duc de Bar se retrouva sans allié. Il accepta
alors la paix avec la ville de Metz. La Lorraine subissait le contrecoup des rivalités entre la
Bourgogne et la France; Histoire de la Lorraine, Société des Etudes Locales, p. 135 à 136.
223
Jeoffroy de Warise est seigneur de Neufchastel. Il est chevalier et voué de Montigny. Il
devient maître-échevin en 1454 et il meurt le 22 juillet 1473 et fut enterré à Saint-Martin de la
Chapelle Notre-Dame ; D'HANNONCELLES, Metz ancien, t. Il, p. 265.
180
[714]
A son retour de mal garsons
Fuit pris [et] bouttez en prison
Il fuit destoumez de sa voye
Mais ses seigneurs rien n'e[n) scavoient
[715}
Il fuit cerchiez par gents discret
Scavoir c'il portoit le secrets
Pas ne lez avoit que de bouche
Garder se fault de fine mouche
[716]
Nos seigneurs que fort troublez furent
Procurerent au mieulx quilz sceure[n]t
Pas ne scavoient le meschief
Dont leur ho[m)me estoit empechiez
[717}
Noz seigneurs sans avoir regar
Vindre par la ville de Bar
Quant ilz retoumerent de France
La leur fist ons de la souffrance
[718]
Il cuidoit estre bons amis
Et ilz furent en prison mis
Aincy questoit leur escuier
Tous estoient mal appoyez 224
224
Le duc de Lorraine avait réagi face aux intrigues entre le duc Louis d'Orléans et le duc
Edouard de Bar. Louis d'Orléans voulait s'emparer de Metz. Mais Charles TI s'empara du
château de l'avant-garde en 1406 qui appartenait au duc de Bar et au comte de Nassau. Le
Duc Edouard obtint du roi de France des troupes importantes, mais qui ne dépassèrent pas
Neufchâteau. En 1407, le duc de Lorraine fait prisonnier Robert de Sarrebruck, allié du duc
d'Orléans. Mais Philippe de Nassau, Frédéric de Saverne, Jean de Salm et Gérard, seigneur de
Boulay se mirent au service du duc d'Orléans. Alors que de duc d'Orléans et le duc de Bar
cherchaient à s'emparer de Metz, le duc de Lorraine les écrasa à Champigneulles. Autant dire
que le pays messin était entouré de nombreux conflits, alors qu'il était lui-même convoité;
Histoire de la Lorraine, Société des Etudes Locales, p.l37.
181
[719]
Et en temps broyaient la salee
De trayson malvaise [et] falce
Edoar le marquis du Pont, 22s
Malvais chante pire respont
[720]
Cellui marquis querrait la noise
Et seigneur Richard des Bernoise
Et le prevost de la chaulcee
Qui conduisait la chevaulchie
[721]
Les plus grants dez Barisiens
Pires que les pharisiens
Assemblerent une grande armee
En une vollente fermee.
{722]
S'assemblerent au Pont a Mouson
Secretement sens sonner son
Cuidant prendre Mets de nuict
Disant pas la lune ne luit. 226
[723]
D'eschelles, d'engiens [et] de cordes
Pour escheller chescun sacorde
Mangonneaux, passus [et] mariens
Vindrent on preis Sainct Simphorien
[724]
Et quant la ilz furent assamblez
En leur conseil fort trou biez
Il estait apres la mienuict
Tel il ne puet aydier que trop nuit.
225
Edouard, marquis de Pont-à-Mousson est le fils d'Edouard 1, duc de Bar.
226
Le duc de Bar avait pour allié de duc d'Orléans qui souhaitait affirmer son influence dans
les terres de Lorraine afin de s'opposer au duc de Bourgogne. Dans un premier temps, le duc
de Bar et le duc d'Orléans proposèrent un traité avec la ville de Metz sous condition qu'il
poss' a la moitié de la v·
Cette proposition fut repoussée. Le duc de Bar se résolut alors à
, entre
surpn
s· ·la ville de Metz. Il envoya des bateaux chargés de
nter
munitions ainsi qu'un grand nombre de soldats dans le pré de Saint-Symphorien. Le
lendemain devait avoir lieu l'attaque, mais les soldats semblent avoir été pris de frayeur
quand ils se trouvèrent en présence de la ville qu'ils avaient appris lors des précédents
combats à craindre. Les attaquants s'enfuirent laissant leurs bateaux et leurs échelles déjà
tenues sur la ville. Au matin, les Messins se rendirent compte du danger auquel ils avaient
échappé; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 54.
182
[725]
Aincy soudain co[m]me ung escouffle
L'un disoit biffle [et] l'aultre bouffie
L'un sesespoente [et] l'aultre tramble
Et n'eurent point d'acort ensamble.
[726]
Le seigneur Au Vergier leur dit
Vous estes folz et estordis
De cuidier prendre une tel plaice
Se n'est pas comme ung nit d'esgasses
[727]
Tantost s'esmeurent en descordance
Disant vecy pouvre ordonnance
Jayne fallait tant avancier
Pour sy beau fait encommencier
Fo 72
[728]
Ceste armee de fripponnailles
Gens assemblez sil valt se vaille
Et tous gentilz ho[m)mes [et] seigneurs
Y eurent tous grant deshonneurs
[729]
Tous se prindrent a esbouller,
Grongnier, hongnier [et] rebeller
Quant virent la chose mal duitte
Soubdamement prinrent la fuitte.
{730]
Le duc de Bar gloriffiez
Se tenoit tout certiffier
A telle grosse compaignie
Que la cite fuit jay gaingnie
[731]
Il donna congiez nos seigneurs
En leur faisant faintes honneurs
Car a per lui faisait son compte
Mais tout lui tourna a gra[n)t ho[n]te
V
0
183
Fa 73 ra
[732]
Lez citoyens en leurs repos
Ne scavoient rien du propos
Ne aucy les aultres seigneurs
Qui estoient embassaldeurs
[733]
Ung seul ho[m}me sur la muraille
Ver eu lx pre sen ta sa moureille
En passant temps de sa musette
Commensa une chansonette
[734]
En sa chanson disoit aincy
Vous perdes vostre temps ycy
Recullez vous on vous voy bien
Fuiez vecy le jour qui vient
[735]
la chanson estoit bien rymee
Il n'entendit rien de l'armee
Ne lez aultres aucy d'aultre part
Par ce la prindrent leur depart.
F 73
0
[736]
V
0
La lasseren t leur bastillerie
Lez nefz plainne d'artheillerie
Tout on pres Sainct Simphorien
Et tout leur fait ne vallut rien.
[737]
Les seigneurs retournez a Mets
Furent esbahys plus quoncq[ue] mais
Estre eschapez de telz dangiez
Et de guerre estre sy chargiez
[738]
Alors en gr[an}t devocion
Firent de grands processions
Que la graice du sainct esperit
Lespreserva de tel perilz
184
[739]
Du passez la pouvre cite
Ait souffir moult d'advercite
Pour combattre ses annemis
Y a moult de constange mis
Fo 74 ro
La guerre du duc Charle de Lorainne
[740]
L'an mile quatre cents (et] trente
Par guerre qui tue (et] tormante
Charle qu'estait duc de Lorainne
Pour grever Mets prist gr(an]t peine 227
[741]
Il mist son siege devant Mets
Puis cy puis la que long que pres
Cuidant cerchie son advantage
Mais rien ny trouva que domaige
[742]
De malvais conseil sy comblez
Qu'il fist gaster fruis vignes (et] bled
Et quant il heust tout despechiez
Il n'en heust rien que le pechier
[1430]
Fo 74
[743]
V0
Ung siege mist on Desiremont 22s
Pour tout confondre [et] valz (et] mont
Vint cincq cop tirer bombarde
Mais bien est salve que Dieu garde
227
Sur ces entre faits, le duc de Lorraine déclenche «la guerre de la hottée de pommes». En
effet, parmi les droits des ducs de Lorraine sur la terre de Saint-Martin, figure alors une
redevance levée sur les fruits portés hors des terres de leur souveraineté. Or en septembre
1427, l'abbé de Saint-Martin-devant-Metz, étant en conflit avec les religieux du monastère
s'était installé à titre privé à Metz. Il s'y fit porter une hottée de pommes cueillies dans le
jardin des moines, sans acquitter la taxe due. Les moines saisirent 1' occasion de le dénoncer
aux officiers du duc. Celui-ci ayant vainement réclamé son dû aux magistrats de la cité,
déclara la guerre aux Messins. Les hostilités se prolongèrent pendant plus de deux ans, malgré
les offres de médiation de l'évêque Conrad Bayer de Boppart et le village de Saint-Martin fut
entièrement détruit à l'exception de l'église abbatiale et paroissiale. Le 1er janvier 1430, la
paix fut enfin publiée avec retour au statut quo ante. Le duc fut vexé de n'avoir pas triomphé;
Les pays de l'entre-deux au moyen âge, p. 48 à 51.
228
Faubourg Desiderius Mates: Bellecroix.
185
[744]
Il fist grant bruit [et] tempeste
Sens domaigier ne gents ne bestes
Et quant il aperceupt cela
Leva le siege [etJ s'en alla
[745]
La cite en heust grant soufferte,
Grant travail, grant domaige [etJ perte
Se des malz avoient ung millier
Encor lez fault humillier.
[746]
Ce duc avoit moult grant puissance
De gents [et] fist moult grant despence
Aucy fist la cite grant sommes
Et tout pour ung penier de pommes
[747]
Ce fuit de pomme grant chier temps
Nulz n'en voldroit tant pour autant
Mais quant orgueil vuelt surmonter
Grant malz en puet bien hault monter.
Quant Hanry de la Tour prist le chastel de Molin
[748]
Par mile quatre cents [et] quinze
Fuit la place de Molin prinse
Par seigneur Hanry de la Tour 229
Et brullez le pays au tour
[749]
A ceulx de Mets estoit amis
Et ilz aiderent sez annemis
Devant le chastel du Salcy 2ao
Cas pareille leur fist aucy
[1415)
229
Ensemble, les Messins et le duc de Bar avaient abattu une forteresse qui se trouvait sur le
saulcy et qui était la propriété d'Henry de la Tour, sujet du duc de Lorraine. Ce dernier
emprisonna et rançonna les ambassadeurs du duc de Bar car il soutenait Henri de la Tour.
Cela donna au duc de Lorraine l'occasion d'entrer en conflit avec la ville de Metz; WORMS,
Histoire de la ville de Metz, Paris, 1973, p. 55. Philippe de Vigneulles rédige dans sa
Chronique, t. TI, p. 169, les événements suivants: « Ung jantilz homme, nommés sire Hanry
de la Tour, qui estoit ung très ma/vais guerson et ung parfait tirans, celluy Hanry fist en ce
tampts grand guerre contre la bonne cité de Mets, et sans cause nul, fort seullement pour ce
que les seigneurs d 'icell avoient aydiés à abatre une forteresse appellée le Saulcy ».
230
Saulcy Woevre.
186
La guerre de messire Ferry de Chamblay
[750}
Messire Ferry de Chamblez 23 1
Mile quatre cent assamblez
Et dix huict avec cest le nombre
Fist a la cité grant encombre
[751}
Il prist le chastel d'Annery 232
Par ung traytre mal nory
Qui servait le propre seignour
A son signour fuit traitour.
{752}
Alors comme il est mendon
La cite devoit pencion
A Charle le duc de Lorainne
Qu'en usa mal selon son rengne
[1418]
F 75
0
[753}
il debvoit la cite deffendre
Et ly lassoit trayer sez membres
Dont il en heust confusion
Et en perdit sa pencion
[754}
De la pencion furent
Les Messains que trois milles francs
Lui devoient tous les ans rendre
Et par ce lez debvoit deffendre.
[755}
Il scavoit bien la trayson
C'estoit mal user de raison
En son fianble ait on fiance
Et il fist de fer deffiance
V
0
231
Ferry de Chamblé était un chevalier lorrain qui s'empara par trahison de la forteresse
d'Ennery qui était la propriété de la ville de Metz. Ferry de Chamblé remis la forteresse entre
-tes mams du duc de Lorrame. Metz ne put récupérer sa propriété moyennânfia-somme de
seize mille florins; WoR:M:s, Hiswire de la Ville ck 1vfetz, p. 55.
232
Ennery: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Vigy.
187
[756}
Depuis fuit le traystre pris
Qui fuit de son mesfait repris
Par raison traystre appeliez
Et par justice esquartellez.
{757}
En cellui an fuit refondue
Mutte qui estoit hault pendue
Souva[n]t lahaller et repondre
Il fait maintes deniers despendre
Quant l'esglise des freres Baude 233 fuit co[m]mencee
{758}
En cest an seigneur Jehan George 2 34
En lieu d'ermitaige ou de loge
Fist commander une maison
Pour sacrifice [et] orasons.
[759}
Il fist comencier une esglise
Catholicque selon la guise
De chastete come esmeraude
Qu'on appelle les frere Baude
{760}
Toutte esglises de dignite
Sont maisons de virginite
Pour meritte [et] devocion
Curant touttes pollucions
[761}
Touttes esglises collegiale
Cathedralle [et] parochealle
Tous lieux ou on fait sacreme[n]t
Soient a nostre salvement
233
Les frères Baudes étaient des Observantins, autrement dit des Franciscains réformés. Le
nom de Baude correspond à celui du premier religieux de cet ordre qui vint à Metz entre
1418-1419. L'église fut commencée en 1435. Elle était située à la limite du Grand Meis et du
Rimport du côté de la rue de l'Arsenal ; BaUR, « Note sur la topographie de la partie orientale
de la ville», A.S.H.A.L., p. 141-144.
234
Jean George est aman de Saint-Simplice. ll fonde le couvent des Franciscains; TRIBom
DE MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 93.
188
[762]
En celle annee proprement
Advint grant fortune [et] torma[n]t
La cite avoit fort affaire
Et respondre a ses adversaire
Co[m]me[n]t ceulx de Mets fure[n]t ruez jus dez Lorains au Wez le Houtton
[763]
Ceux de Mets se mirent au champs
Agrant armee chevalchant
Rencontrez furent des Lorains
Battus ruez jus [et] constrains
[764]
Aincy que brebis ou mouttons
Fure[n]t pris au Weis le Houtton 235
Tuez battus eschecq[ue] [et] mette
Et dez pris cents [et] dix septes
[765]
Malheure leur fuit la destinee
Mal soir [et] malle matinee
Fortune ainsy va p[ar] le monde
Quant l'un avalle l'aultre monte.
[766]
En cel an fist Mets gr[an]t œuvre
Prindrent Rodemach 236 [et] Moyeuvre
Sens aultre ayde fort que deulx
Et lez brullerent toutte deux
Cornant heurent deffonciez les villaige du Val tous les vins de la cite
235
Ce lieu semble correspondre au
événement qui eut lieu en 1429. E.
de la ville de Metz, p 73.
~-fj d't)tton,
Fridi~r:shue
mais il est difficile de localiser cet
cette bataille près de Goin; WORMS, Histoire
236
Rodemack : Moselle, arr. Thionville-Est, c. Cattenom. Moyeuvre Grande : Moselle, arr.
Metz-Campagne.
189
[767]
En cellui an vindrent on valz 237
Dix milles qu'appiedz q[ue] chevalz
Des Lorains faisant malle fin
Gaistant [et] desfonceant lez vins
Lorains co(m]ment furent par ceulx de Mets tous lez
Plus nobles an nostre de XX homme de pris [et] nobles
Furent pris et cranterent leur foy [et] d'alors la
Plurement et furent prover fait compaignons devant leur prince
[768}
Tan tost se feist ung grant allarme
Les Metsains prindrent fust [et] armes
De prime face quatre cents
S'en allerent co[m]me inocents
[769]
Tyrrant jusqz au Pont a Molin
Les Lorrains enyvrez de vin
Que se desievoient on valz
Dessendiren t bien tost avalz
[770]
Lors s'enfuirent ceulx de Mets
Et les Lorains chassant apres
Mais l'un l'aultres ne firent rien
Jusqz au clos Sainct-Simphorien
[771]
Mais q[ua]nt vindrent entre lez muraille
La firent lez Metsains merveille
Dessenderent de leur chevaulx ·
Chescun monstrant que sa char valt
237
Si on se réfère à la dernière date annoncée par l'auteur au quatrain 748, on serait encore en
1415. Mais les années se sont écoulées. Au quatrain 757, l'auteur évoque la refonte de la
Mutte qui eut lieu en 1427. Les événements relatifs au quatrain 767 se déroulent en 1429, tout
comme la bataille du guet d'Otton.
190
[772}
De flesches, d'espee [et] de lances,
Firent Messains si g[ra]nt vailla[n]ce
Que des Lorains y ot des pris
Soixante [et] dix hommes de pris 2 38
Fo 77 V
[773}
On ne chierpente sens estelles
La y heu t battaille mortelle
Les Metsains furent fort navrez
Mais n'en fuit cun a mort livrez
{774}
Le quel frappa tant du taillant
Qu'il fist cranter les plus vailla[n]t
Des cos qu'il receu pt abandon
Morut, Dieu lui faire pardon
[775}
Collin Paillat estait no[m]mez
En fait d'armes bien reno[m]mez
En retournant tres justement
Fist escripre son testament.
[776}
Messire Verry de Tournay
A Nancy pas ne retourna
Et le prevot de Chastenay
Serait faulx cil y retournait.
{777}
Et pour la chose plus certaine
Y demeura leur cappittainne
Mais plusseurs aultres retamerent
Que depuis leur foy perjurerent
0
238
Depuis la guerre« Pour une hottée de pommes», en 1427, le duc de Lorraine était toujours
en guerre contre la ville de Metz. Il s'était allié avec le duc de Bar, René de Sicile, le marquis
de Baude, ainsi que le duc de Bavière. Ils avaient sous leurs ordres une armée comptant dix
mille cavaliers et vingt mille piétons. De son côté la ville de Metz préparait sa défense, elle
s'était attachée les services d'un certain Guillaume seigneur de Château-Villain, ainsi que
d'autres capitaines. On arma les murs de la ville et on construisit des bombardes. Les combats
furent en fait réduits à une série de pillages. Le pays se retrouvait épuisé et la paix fut déclarée
en 1431 ; WORMS, Histoire de la ville de Met, p. 58.
191
[778}
Mais lez nobles tenant prisons
Leurs prouverent leur mesprisons
Monstrant que droitture on doit faire
Ou aultrement estre falfaire.
[779}
Et a Mets furent amenez
Les prisonnierz emprisonnez
Et dura cela pluseurs mois
Et plusieurs mantirent leur foy
Q[ua)nt lez fourains payaient chesque semaine un denier
[780}
En cellui an fuit ordonnez
Ung conseil [et] derterminez
Pour tous lez fourains [et] fourainnes
Une gabelle bien soubdainne 239
[781}
Tous ceulx [et] celles depuis douze ans
Venis estant chescun dobvant
Sens petits ne grant espargnier
Chescun samedy ung denier
Qu[an]t lez mercha[n]t vollure[n]t trayr la cité par le champ Ne[m]mery
[781}
Trante [et] ung quatre cents [et] milles
Avoit des traystre en la ville
De leur traysons accusez
Dont trop se trouverent abusez
[783}
De ceste jaicquerie la
Ung bon le secret revella
Ses mots entendus [et] escript
Tantost les pluseurs furent pris
[1431]
239
Les forains étaient considérés comme les personnes ne pouvant pas accéder au statut de
bourgeois.
192
[784]
Les aultres faulx [et] corrumppus
Congnoissant leur secret rompus
Legierement prindrent la fuitte
Car ilz avoient au dos la suitte
[785]
Ceux qui estoient emprisonner
Furent tantost araisonnez
Ilz conffesserent leurs pechiez
Tantost on lez fist deppelchier
[786]
Ilz estoient on six ou septe
Chescuns ung bel ma[n}tel de secq[ue}
Pour leurs jounesse esbainoyer
Dedent les quelz furent noyez
[787]
On lez mena au Pont des mors
Pour do[n]ner a pluseurs remors
De non faire telle entreprise
C'estoit folie mal comprise
Fo 79 ro
[788]
Lez aultres qu'estoie[n]t fuiant
Se cachoie[n}t co[m}me chahua[n]t
Bannis estoient [et} fmjugiez
Comme traystres landengiez
[789]
Tous estoient riche marchant
Et tous furent chetis meschant
De leur proces fuit la teneurs
Et leur lignaiges a deshonneurs.
Une trayson du Demesels de Commercy 240
[790]
Mile quatre cents trente quatre
S'alloie[n]t les seigne[ur] esbastre
Pont a Mou son a la jou ste
Trayson ne dort ni ne jocquez
[1434]
240
Ce personnage qui s'était appelé le Damoiseau de Commercy est Robert Ide Commercy
(1414-1465); Histoire de la Lorraine, Société des Etudes Locales, p. 182.
193
[791]
Messire Nicolle Grongnat 241
Le pris de lajouste gaingna
Par devant tous les gra[n]t seigne[ur]
Heurent les Messains grant honne[ur]s
[792]
Et quant fuit le desparteme[n]t
Ilz manderent joyeuseme[n]t
Querir a Mets leurs saudars
Pour eulx reconduire au repars
[793]
Mais le seigneur de Co[m]mercy
Qu'avait le cuer faulx (et] norcis
Fist au bois grant gents embuchiez
Pour faire nos gents trebuchier.
[794]
Hz chargerent sur nos gents darmes
Et le[ur] feire[n]t ung grand alarme
Tuez, battus, en trayson,
Et treszes menez en prison.
[795]
Et la fuit ilz prieuvez faulsaire
A Mets estait pensionnaire
Mais selon qu'est de geniture
S'ensuivitt sauvant sa nature
[796]
Tousiours ont heu des amis
Mais encor plus dez annemis
Qui ne se sceit de quis garder
Autour de lui doit regarder.
241
Nicolle II Grongnat est le fils de Nicole I Grognat qui avait été mis à mort lors du
soulèvement populaire de 1405. Nicolle II est seigneur de Montoy, chambellan de l'évêché. TI
est maître-échevin en 1421. On suppose qu'il vivait encore en 1473; D'HANNONCELLES, Metz
ancien, t. Il, p. 123. Philippe de Vigneulles rapporte l'événement dans sa Chronique, t. II,
p. 227 : «Messire Regnault le Goumaix, chevalier, et citains de Mets, chevaulchoit en armes,
et venoit de gaignier on i1ûch1é de Bar i}our certains argent que on luy debvoit. Et en
retournant qu'il faisaoit, les gens du seigneur Robert de Commercy courrurent sus ledit
seigneur Regnault, et, de fait, le prindrent, et 1'enmenait prisonniers à Commercy ».
194
?
[797]
Quant lez grant heure[n}t bien co[m]pris
De son meffait il fuit repris
Et d'aultre cas estre vengiez
Fuit en son chastel asiiegiez.
[798]
Les princes par conclusion
L'assiegerent sans division
Et prierent a la cite
Estre leur associetez.
[799]
La cite point ne refusa
Mais nottanbleme[n]t en usa
Ilz fomirent en harnais [et] bardes
Ung siege de traictz [et bombardes.
Quant la grosse bombarde fuit faitte (1436) et furent redeffaitte plusieurs
trop grosse pieres pour faire les grandes serpentin en l'an mil V Cet XVII
(1517)
[800]
[1436]
Mile quatre cent trente six
Apres le siege a Commercy
Pour deffendre [et) po[ur] salve garde
Fuit faitte la grosse bombarde 242
[801]
En ensuivant tousiours aincy
Le demesoulx de Commercy
Acompagniez de gra[n]t gent darmes
Revint faire ung nouvel alarme
[802]
Apres vindrent les Barisiens
Qui sont nos annemis anciens
Acompaigniez de trois cents lances
Et firent moult grant pestillence
[1436)
242
Les Messins s'associèrent avec leur évêque, les évêques de Toul et de Verdun ainsi que le
duc de Bar pour assiéger Commercy. Place forte à partir de laquelle le turbulent damoiseau de
Commercy ravageait le pays. De nombreux hommes de guerre ainsi que beaucoup d'armes
furent employés pour le siège. Philippe de Vigneulles dans sa Chronique, t. II, p. 236 raconte,
«Deux cent LXX hommes d'armes à cheval, X:XV arbel/estriers et archiers, et plusieurs
massons et chapentiers et au/tres compaignons de guerre; et menairent X\XV chers avec
eulx chargiés d'atillerie et aultre engiens pour asségier la dicte Commercy». Le Damoiseau
de Commercy demanda pardon et promis de cesser ses exactions, promesse qu'il ne tint pas.
195
[803]
Ilz corrurent en pluseurs villaige
Tout accueillant bestes [et menaiges
Et prinrent sens rien espargniez
Grant qua[n]tite de prisonniers
Une course faitte par des Allemants
[804]
Deux ans apres cincents cheval
Dez Allemants firent grant malz
Vindrent fourraigier a Werrise, 243
Mais ce fuit une folle emprise.
[805]
Tantost les gents d'armes de Mets
Legierement chasserent apres
Et lez ruant jus en ung bas
Entre deux Viller [et] Rabais
[806]
La fuit rescoultre la pannee
Qu'a pouvre gents fuit ramenee
Et puis gangnerent du buttin
Qui fuit vendu mile florins
Quant Jaicomin Coppechaulce fist noyer
[807]
243
En cest an par costume falce
Meffist J aicomin Coppechaulce 244
Qui estoit treize 245 [et] de justice
Trop meffit contre son office
Varize : Moselle, arr. et c. de Boulay.
244
Jacquomin Coppechause est issu d'une famille non noble, il appartient cependant au
paraige d'Outre-Seille et fait partie des Treize. Le 3 février 1438, il est mis à mort et noyé
pour crime de vol ; D'HANNONCELLES, Metz ancien, t. II, p. 60.
245
Cette nouvelle magistrature apparaît en 1207. Elle est composée de treize jurés recrutés,
d'une chandeleur à l'autre, dans les familles qui fournissent les échevins. Ce conseil des
Treize devient pendant la période communale l, organe le plus important du gouvernement. Il
exerce la juridiction criminelle, administre le domaine de la cité et ses finances. Les Treize
dirigent aussi la politique extérieure. Ils délèguent certaines tâches à des commissions de sept
membres (un par paraige et deux pour le paraige du Commun) pour s'occuper de la guerre,
des finances, des murs, des moulins de la cité, des ponts, de la monnaie ; Histoire de la
Lorraine, Société des Etudes Locales, p. 172.
196
[808]
En gardant a la haulte porte,
Il fuit temptez de falce enhorte
Il vit une tanble sens gents
Il roba six tasses d'argent.
[809]
Et ceu que fist la mesprison
Il s'enfuia en sa maison
Et les enferma en sez huges.
Laran prouvez son cas le juge
[810]
Il fuit pris po[ur) cas criminel
Et par justice examinez
Son cas congnues sanc variez
Au Pont des morts en fuit noyez
Quant ung cappittaine de France vint lagier a Nouviant [et] courir la terre de
Mets
[811]
En ycelle meysme annee
Vindrent ge[n]ts d'arme a gr[a]nt arme
A Nouviant 246 on petit Valx
En nombre de huit cents chevalx.
[812]
Et par tout jusqu'a villecel
Le seigneur Jehan Pannoncel
Conseilliez d'une teste vainne
Estait seigneur [et] cappittainne
[813]
Tantost corrirent a Corny 247
Tout pillier aincy a J oyey 248
N'y heust rien salve que lez gents
Qu'au fuir furent dilligent.
246
Novéant sur Moselle: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Ars sur Moselle.
247
Corny : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Ars sur Moselle.
248
Jouy-aux-Arches : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Ars sur Moselle.
197
[814}
Ce cappittainne estoit de France
Sans querelle que de bobance
Cuidant estre le bien venus
Au mangier le puple menus.
[815}
Tantost la cite sans areste
D'assambler leur gents furent preste
Et y allerent a tel puissance
Qu'ilz le rechasserent en France.
Du Demosoulx de Commercy
[816}
Quatorze cents quarante [et] ung
Ung ho[m]me en malice commun
Sens bien, sans raison, sens mercy,
Estoit seigneur de Commercy. 249
[817]
Il avoit estez assiegiez
Po[ur] ses meffais [et] corrigiez
Mais tantost qu'il estoit en paix
Il refaisoit pis quoncque ne mais
[818]
Sans aultre debat ne querelle
Recommansa guerre nouvelle
A ceulx de Mets [et] du pays
Car tousiours les avoit hays.
[8191
Et lez seigneurs pour eu lx vengier
De leur annemis estrangier
Boutterent lours soldans au champs
Que briefz lez furent approchant
[820]
Sens lez ho[m]mes de petit pris
Trois gentilz ho[m]mes y furent pris
Qu'il amenerent en la cité
Pour beau dit ne furent quittez.
249
Comme à son habitude, dès 1441, le Damoiseau de Commercy s'engagea dans une série de
pillages autour de pays messin. La cité s'engagea alors dans une guerre ouverte contre ce
seigneur. Dans sa Chronique, t. II, p. 269, Philippe de Vigneulles rapporte, «Le dit seigneur
Robert de Commercy à mener la guerre encontre les seigneurs de la cité, sans tiltre et sans
nulle cauze quelconquez. A celle occasion, la guerre fut de rechief ouvertes».
198
[821]
Ilz estoient chose certaine
De Lorrainne deux cappitainne
Et l'aultre qui estoit le tiere
Estoit le bastiers darentier
De mutte refondue
[822]
[823]
En cellui tempz estoit fendue
Mutte qu'a donc fuit refondue
Et y fist on en escript mettre
Ceu qui s'ensuit rymez par metres
Quarante deux mile quatre cents
Au nom de Dieu le tout puissa[n]t
Fuit faitte pour donner mon son
Quant lez offices se reffont
2so
(1442]
250
Le 21 mars 1442, à l'occasion de la nomination du nouveau maître échevin Guillaume de
Perpignan, la Mutte qui était fendue fut refondue. Les travaux commencèrent sous la direction
de Pierson le Charpentier. On ne put faire descendre la Mutte de son clocher sans accidents
graves. Les cordes se rompirent et en tombant, la cloche endommagea la voûte tuant deux
hommes et en blessa de nombreux autres. La ville passa un marché de refonte avec le maître
bombardier Louis de Hamelle qui exécuta le travail le 6 octobre. La nouvelle cloche pesait dix
sept mille livres et portait l'inscription suivante Quarante deux mil quaitre cents 1 au nom de
Dieu le tout puissant 1 fuz faict pour donner mon son 1 quant les officers se reffont 1 pour les
bans prendre et tout les lire 1 se nulz les voulloit escondirent 1 pour guerre me faict on sonner
1 pour gens mettre ensembles et armer 1 et qui vouldrait scavoir mon nom 1 damme Mutte
ainsy m'appelle on 1 Ludoycus de Haelle 1 me fecit et cetera. Ces inscriptions ont été reprises
aux quatrains 823 à 825. Cette cloche semblait pourtant parfaitement réussie mais elle eut une
existence brève puisqu'elle fut fêlée le 12 juillet 1443 ; La Cathédrale de Metz, dir. Aubert,
p. 251.
199
[824]
Pour lez bans prandre [et] po[ur] lez lire 251
Se nulz les voilait escondire
Pour guerre me fait on sonner
Pour gents mettre ensambles (et] armer 252
[825]
Et qui voldroit scavoir mon nom
Dame mutte aincy m'appelle ons
Ludovicus de Hamelia
Me fecit et cetera
Une guerre des allemants
[826]
Le conte de Petitte Piere 2sa
Et le conte de Hanau Piere
Le cappittainne Rodat Bayer
Firent au Metsains grosse fumiere
251
C'est l'évêque Bertram qui introduisit en 1197 dans le droit messin l'obligation de mettre
par écrit toutes les transactions concernant les biens, c'est-à-dire, achats, vente, abandon,
reprise, constitution ou rachat d'hypothèque. Cet écrit devait être déposé dans une arche dont
un aman détenait la clef servait de preuve en cas de contestation. Auparavant tout devait se
faire en public lors des plaids afin que tout le monde soit informé et au besoin s'oppose à
certaines transactions. Désormais, le secret régnait. On du alors publier officiellement, sous
l'autorité de maître-échevin les écrits. Cela s'appelait prendre les bans. Le clerc de la mairie
concerné, au début de chaque plaid annal devait résumer l'acte de l'aman. Pendant rannée qui
suivait chacun pouvait faire opposition et dans ce cas, on annulait la prise de ban. Cette
pratique prit des proportions importantes et r on constitua des rôles de bans. Chaque rouleau
débutait toujours par le nom du maître-échevin, puis suivaient les prises de bans faites aux
différents plaids; DOSDAT, «Prises de bans et rôles de ban à Metz du Xlllème au XYlème
siècles», Cahiers Lorrains, p. 143 à 148.
252
L'opinion généralement admise voulait que la cloche serve surtout à « ameuter » le peuple,
à l'assembler pendant la guerre. Elle devait servir souvent dans d'autres occasions. Les
Messins la faisaient sonner à chaque élection de maître-échevin, à chaque élection de Treize
ainsi qu'à la lecture des bans; La Cathédrale de Metz, dir. Aubert, p. 250.
253
Dans sa Chronique, t. Il, p. 270, Philippe de Vigneulles rapporte, « Virent faire une course
sus le pais de Mets le wouuez de Hanapier, le conte de Pettite Pierre, Redambiert, filz du
seigneur Hanry Baier, nepveu à seigneur Conrad Baier, évesque de Mets. Ont boutés lez feu.
Premier ardirent à Charlet deux maison, à Sainte-Barbe, deux, et à Anery, une grange. Ce
mirent le dit Mets en armes. Et incontinent, les trois ga/lans furent pandus et estranglés ».
200
[827]
Lez Messains triste [et] courouciez 2 54
Sallerent chevalx et courcier
Et y corrurent mallement
Et prendirent trois allemans.
[828]
Ces trois estoient serviteurs
Et favoranbles az seigneurs
Ilz avoient leurs gents perdus
Et par nos gents furent pendus
[829]
Et puis apres la grosse routte
Que ne retourna pas trestoutte,
Il leurs livrerent tel assalt
Qu'Hz prindrent cinquante chevalx.
[830]
Tous chevalx cellez [t] bridder
Les maistres furent mal guidez
Les chevalx s'en vindrent a Mets
Lez maistres pas ne vindrent apres.
[831]
Ne prindrent que cincq prisonniers
Mieulx vault assez que trop gaigniez
Le buttin vallut tant de livre
Quatorze cents quarante livres
[832]
Encor firent ilz abrelise
Sur ses dit contes une entreprise
Deux seigneurs [et] quattre haussaire
Que estoit de dessus la faire
[833]
Et cellui damier huttin
Ilz y gaingnere[n]t de buttin
Sens lez prisonniez argent franc
Deux centz quatrevingz douze fra[n]cz
254
Une paix relative durait depuis 1431 et la ville de Metz avait l'occasion de réparer ses
murailles. Toutefois, la ville eut à combattre de petits seigneurs particulièrement remuants tel
que le sire de Commercy, de Rethel, d'Apremont, de Bannestroff, de Puttelange, de Conflans,
de Fleville, de Savegney ; WORMS, Histoire de la Lorraine, p. 59.
201
Quant Jehan de Chaalon prinst Richar Maingny
[834]
Sept hommes armez de la cite
En Lorrainne prinrent ung chastel
Brullez pillez et deffournis
Qu'on appelle Richar Many 2ss
[835]
En en suivant tousiours la date
Mal acostumez n'en fait d'aultre
~~ ung seul crappau mangiez
~1~,.en puet mangiez sa[n)s dangiez.
[836]
Le Demexoulz de Commercy
Malvais jeune [et] tousiours aincy
Vindrent courir sy pres de nous
Qu'Hz vindrent jusqz a Sainct-Arnoulf.
[837]
Par un jo(ur) de la panthecouste
Trois milles soldars en sa routte
En tres grant pitie [et] dommaige
Sur les pouvres gens de villaiges
[838]
A Sainct- Ladre bou tta le feu
Et le gibet bouttere[n]t jus
Et que plus de malz ne sceu t faire
Il fist son armee retraire.
[839]
Nos gens d'armes courrurent apres
A peu de gents nom pas trop pres
Dez damier prindrent cincq soudars
Qui estoient levez trop tars.
[840]
A Mets furent amenez
Ne scay s'ilz avoient dinez
Mais on lez bou tta en prison
Pour congnostre leur mesprison.
255
La prise du château de Richardménil eut lieu en 1443 par Jean de Chalon. Meurthe et
Moselle, arr. Nancy, c. Saint-Nicolas-de-Port.
202
[841]
Bref les seigneurs sans plus lassier
Le gibet firent redrossier
Et sez cincq y furent menez
De ses gents il fuit estranniez
Une guerre des Allemens
[842]
Mile quatre cents quarante troy
Estoit le pays en destroy
Tout autour devant et derier
Dez Allemans [et] dez bayer
[1443]
Quant celx de Metz allerent devant Fleville
[843]
Trois cents hommes banieres [et] fannoys
Avec q[ue] seize cent piettons
En allerent devant Fleville 256
Pour les frotter mieulx q[ue] destrille
F 0 84
[844]
V
0
Revindre sens playes ou meshains
En rallerent a chastel Brehain, 257
Fuit assaillis et eschellez,
Et fuit pris [et] ars [et] brullez.
258
[845}
Se Messains ont fait deffaillance
Sy ont ilz fait plusieurs vaillance
Jamais fortune ne seiourne
Que toujiours la roe ne tourne.
256
Fléville-Lixières : Meurthe et Moselle, arr. Briey, c. Conflans-Jarnisy.
257
Château Bréhain: Moselle, arr. Château Salin, c. Delme.
258
L'auteur a indiqué, à l'aide d'une flèche l'endroit où doit se trouver le quatrain 843. En
effet, ce dernier a été ajouté en bas du folio.
'-"""
203
[846]
Nicolle Louve chevallier 259
Fist en cel an appareillier
Des estoffes [et] parfaire ung po[n]t 26o
Qui est a tous passant moult bon.
[847]
La y avait ung pont de bois
Que souvante foix valloit pou
Au bout de l'ille sans muraille
Qu 'o[n] nommait le pont quirroreille
[848]
261
En celle annee refondue
Fuit mutte qu'est bien chier vendue
Par maistre Anthoine Bombardier
Avec ceulx qui le voldre aidier 262
259
Nicole Louve appartenait à 1'une des familles les plus anciennes de Metz qui appartenait
au paraige de Saint-Martin. Ce patricien était chevalier, seigneur de Villers-Laquenexy, ainsi
que chambellan de l'empereur et du roi de France. Il était aussi conseiller du duc de
Bourgogne. Il fut maître-échevin en 1408, amant de Saint-Martin et échevin du palais. En
plus du pont qu'il fit construire, il y ajouta une croix qui fut appelée la Croix-aux-Loups. Il
avait élevé quatre autres croix sur les quatre principaux chemins de la ville, c'est-à-dire de
Saint-Barbe, de Peltre, de Pouilly et de Jouy. Il mourut à 75 le 1er février 1461 ;
D'HANNONCELLES, Metz Ancien, p. 167, 168.
260
Ce pont devait être le Pont-aux-Loups. Il menait à l'île du Pont-des-Morts.
261
Le pont dont fait allusion l'auteur semble avoir été financé par l'échevin Nicole Louve,
l'un des membres les plus importants du patriciat messin. Ce pont devait remplacer une
construction en bois qui semblait précaire. Ce pont avait été reconstruit en pierre entre le 31
juillet 1442 et le 11 avril 1443 par le maître maçon Thiedrich de Sierck. Il se trouvait sur la
route conduisant à l'abbaye de Saint-Martin et était appelé le Pont-aux-loups. Si le nom du
pont avait aussi été celui de quicayereye ou quicaillerie c'était, sans doute, pour faire allusion
au bruit de métal que produisaient les charrettes quand elles l'empruntaient; WAGNER, Les
croix de sire Nicole Louve, p. 133, 134.
262
Depuis le 12 juillet 1443, la cloche Mutte était fendue. Le bombardier Louis Harelle qui
l'avait fondue avait établit un traité garantissant la cloche pendant un an. Ses ressources ne lui
permettaient pas de faire les avances nécessaires à la constitution d'une nouvelle cloche.
Depuis dix huit mois, les Messins n'avaient plus de cloche. Les habitants de Metz
n'attendirent pas le délai demandé par Louis Harelle pour la refondre et s'adressèrent à un
autre maître bombardier Antoine d'Estain. Ce dernier procéda à la refonte de septembre 1443
à octobre. La nouvelle Mutte pesait dix sept mille trois cents livres et portait en inscription les
mêmes mots que sur la précédente cloche. On ne sait pas quel nouvel incident survint, mais en
1459, la Mutte était à nouveau hors d'usage; La Cathédrale de Metz, dir. Aubert, p. 252.
204
La guerre du roy Charles VII de France avec le roy de Cecile
[849]
En l'an mile, ce dit la lettre,
Quatre cents [et} quarante quatres
Charles de Valloy, roy de France, 26a
Vint devant Mets a gra[n]t puissance.
[850]
Et aucy le roy de Cecile 264
Y vint bien estandre sez ysles
Car il tenoit son co[m]mu[n] rengne
Avec le duc de Lorainne.
[851]
Et plusseurs leurs favorisant,
Moult fort a la cite nuisant,
De duc de conte et de merquis
Que pas n'estoie[n]t amis acquis.
[852]
Aux Messains firent grant meschief
Sur pouvres gents [et) gra[n]t pechiez
Par leurs grant hayne [et] envie
En perderent maintes la vie.
[1444)
263
Les prédécesseurs du roi de France avaient acquis une partie du pays de Bar. En 1284,
Philippe le Bel épouse l'héritière du comte de Champagne et de Navarre. La France est
désormais voisine directe de la Lorraine. Le roi impose petit à petit sa présence dans les villes
lorraines. Ces avancées sont possibles car le pouvoir dans l'empire s'est affaibli. En 1301, le
comte de Bar était entré en guerre contre le roi de France, mais suite à sa défaite, le comte de
Bar devint avec le traité de Bruges en 1301, le vassal du roi de France pour toutes ses
possessions qui se trouvaient à l'Ouest de la Meuse. C'est ce qu'on appela le Barrois
mouvant; PARlSSE, Histoire de la Lorraine, p. 191. En même temps, les Messins étaient
toujours les créanciers du duc de Lorraine dont le trésor s'était appauvri suite aux guerres qui
l'opposaient à la Bourgogne. Les Messins rançonnèrent les sujets du duc René qui leur devait
de grosses sommes. Le duc de Lorraine demanda de l'aide au roi de France Charles vn qui
venait de conclure une trêve avec l'Angleterre. Il estima qu'il pouvait déverser sur le pays
messin sa horde de soldats qui lui était devenue désormais inutile. Il se rendit à Saint-Nicolas
de Port pour un pèlerinage accompagné de soixante mille hommes qui ravagèrent les
alentours de Metz. La surprise était grande car le traité de paix avec l'Angleterre avait été
secret. La résistance de Metz fut tenace et les Messins appelèrent l'armée française les
escorcheurs, Charles vn voulait affirmer une politique d'expansion vers l'Est ; Histoire de la
Lorraine, Société des Etudes Locales, p. 143.
264
Ce roi de Sicile est aussi le duc de Lorraine et de Bar. C'est René d'Anjou (1431-1453).
205
{853]
La cite en fuit moult fouller
Sez gents blesser [et] affoler
Qui a puissance basse (et] haulte
Puet foller l'un [et] pourter l'aultre.
F 0 85
{854]
Le roy de France (et] d'Angleterre
L'un contre l'aultre avoie(n]t guerre
Mais vingtz deux mois heurent trieuve 265
Dont Mets souffrit peine greuve.
{855}
Le roy de Cecile en son rengne,
Lez duc de Bar [et] de Lorainne
Les voisins d'autour les plus pres
Hayoient la cite de Mets.
{856]
Aux Messains cousta moult d'argent
A touttes manieres de gents
Aincy cun loup prent un oison
Et l'estrangle a peu d'occoison.
{857]
Lez Messains firent g[ra]nt fait d'armes
Durant la guerre en petit terme
Car ilz prindre par leur proesse
Les Franscois en plusieurs fortresse.
{858]
Touttes fort plaice on ilz logeaient
Metsains de nuictz les assiegoient
Sens craindre bellewarcq(ue] ne tour
Qu'il n'assallissoit tout autour.
V
0
Fo 86 ro
[859]
La y heust plaice ne fort maison
Se ilz y avoit garnison
Que ne fuisse(n]t toutte assallies
Prinses, brullees (et] exillies.
265
Cette trêve fut nommée la trêve de Tour. Elle dura de 1444 à 1449. Elle fut conclue entre
la France et l'Angleterre, ce qui laissa le roi de France Charles VII libre de procéder à une
expansion de son royaume vers l'Est; Histoire de la Lorraine, Société des Etudes Locales,
Nancy, p 144.
206
[860]
Les Messains plains d'abillite
Bien conduis par subtillitte
Tous ceulx qu'ilz prenoient au logiez
Nullui ny estoit replesgiez
[861}
Les Bourguignons [et] Allements
Frappoient sus journellement
Chescuns querrant son adventure
En faisant grant desconffiture,
[862]
Et retournant tous les matins
Ramenant leur proye et buttins
Avecq aulcuns bon prisonnier
Et tous ensambles parsonniers.
[863]
Les Allemans [et] Bourguignons
Nom point au Messains compagnons,
Mais c'estoit par sur les fronttieres
Qu 'ilz lez prenoient a la rattieres.
[864]
L'yver estoit sy doulx sens froys
Qu'en la sepmenne apres les Roys
Trouvoit ons ou marchiez par rainges
Les standelins plains de vendanges.
[865]
De nuict alloient vendengier
De jour n 'osoient pour les dangier 2 66
Ou n'en deffendoit a nullui
Qui vendengoit c'estoit pour lui
0
F 86
[866]
V
0
De touttes pars chescuns pensoit
A buttiner sur lez Franscois
Mais qui que feist playe au mehain
C'estoit au compte des Messains.
266
Pendant la guerre qui l'opposait au duc de Lorraine et au roi de France, Metz ne manqua ni
de vivres, ni de munitions. Les sept de guerre avaient particulièrement bien organisé la
défense au point que les Messins purent dès le mois de septembre vendanger. Ils le faisaient
de nuit car le jour, les combats reprenaient ; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 61.
207
[867]
La paix en fuit fait a Nancey 267
Et fuit faicte par ung tel cy
Que plus ne doubvoit prendre guerre
A la cite ne en la terre.
[868]
Quant le roy fist sonner retraitte
Et crier que paix estoit faicte,
Son grant oste estoit despechiez
De quinze milles francs archierz.
268
[869}
Quant celle guerre mallaisie
Fuit a son couroux rapaisie
Comme ung serpent met jus sa roussie
A donc fist ons la tour scoumouffie 269
[870}
Sens eppargnier travail ne paine
Fist en fonder on champ-à-Pannes
Celle tour pour bonne deffence
Apres celle guerre de France.
{871}
L'an apres par bonne adventure
Fuit remontee la molture
A ung gros la quarte de bledz
Se furent six deniers doublez.
[872]
Aincy advienent lez fortunes
Deux playes font mal plus fort c'une
Pouvretez tousiours ou mesouffre
Et convient que pouvretez souffre.
1
267
La guerre entre la cité et le duc de Lorraine et le roi de France avait été acharnée. La
fatigue de la guerre permit au conflit de s' essoufller et des négociations pour la paix
s'engagèrent. Le 12 janvier 1445, une assemblée fut tenue à Pont-à-Mousson et la paix fut
signée à Nancy en février entre la ville et le roi de France. Les forteresses et châteaux furent
rendus aux Messins et les prisonniers délivrés, mais les Messins durent payer dix mille
florins. Quant au duc de Lorraine, ses dettes furent annulées. Les Messins contribuèrent
lourdement à cette paix, Id, p. 61.
268
Les quatrains 869 et 870 ont été écrit dans la marge droite du folio. A l'aide d'une flèche
l'auteur indique l'endroit où ils doivent se trouver.
269
La tour Camoufle occupe l'angle sud-est du front de la porte Champenois. Plus ancienne
que la tour d'Enfer, elle aurait été construite vers 1437 sur les conseils du maitre bombardier
de la cité Jacques Castel, dit Camoufle ~ THI:RIOT, Portes, Tours et Murailles de la cité de
Metz, p. 34-35.
208
Quant la Porte des Allemant fuit faicte
[873]
L'annee apres tout bellement
A la Porte des Allemans
Fuit le bellevarth commenciez
Et hors de la terre eshaulciez.
Quant la croix du Pont dez mors fuit faicte
{874]
Mile quatre cents quarante septe
Par le milliaire, on le sceit,
Que la croix au pont Quicoreille
Fuit faitte de forme [et] de taille
[875]
Quiccoreille cest au Pont dez mors,
Mais pardus en est la memor,
Par maintes annees rechangie
Sont maintes costumes estrangies.
[876]
Le seigneur fist appareillier
[1447]
Nicolle Louve chevallier
Des estoffes des ouvriers [et] puis
Fist faire a croix [et] le puis.
[877]
Et puis fist faire autour de Mets
En beaux lieux une liue pres
Crois [et] puix, en compassion
Du puple [et] recreation.
[878]
L'une ou chemin de Saincte-Barbe,
En plat chemin sans bois ne arbe
L'aultre aporte l'aultre a Poully 271
Et l'aultre on chemin de Joey
270
°Chemin de Sainte-Barbe : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Vigny.
27
271
Poully : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny.
209
Quant on renouvela lez angevines
[879]
Mile quatre cents cinquantes six
La monoye couroit aincy
A Mets avoit tout d'angevine
Que c'estoit ung crueux vermine 2 7 2
[1456]
273
[880]
On en fist faire dez nouvelles
Plus blanche meilleure [et} plus belles
Et pour congnoistre lez certainnes
On y fist le chief sainct Estienne
[881]
Quatre cents quatre vingt [et} mile
Les gros de Mets en toutte villes
Couroient a sy bon marchiez
Qu'ilz furent tantost tous quachiez.
[882]
Les signeurs par conclusion
D'un acord sans division
Les mirent par bonne conduite
De douze deniers a dix huicte.
[883]
Nos anciens peres ou temp passez
Avoient or [et} argent assez
Pour son cours a pris le mettoient
Apres plus ne le remontoient.
[884]
Quant mal temp vient bon temp s'allogne
A temp dez guerre de Bourgongne 274
La malle roe de fortune
Prist au remonter la pecune
[1480]
272
En 1456, les Messins achetèrent des angevines leur permettant de se défendre. Désormais, )
les seuls habitants de Metz ne pouvaient suffire à défendre la ville. Il fal1ait faire appel à des
.·
professionnels ; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 76.
273
Les quatrains 880 et 881 ont été écrits dans la marge droite du feuillet. L'auteur indique à \
l'aide d'une flèche l'endroit où il souhaite que ces quatrains se trouvent.
tJtJI
274
Le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, était mort le 5 janvier 1477 sous les murs de
Nancy. Le roi de France Louis XI et le futur empereur Maximilien Duc d'Autriche étaient
entrés en conflit pour le partage de la Bourgogne. Cette guerre s'étendait jusqu'au pays
messin et la paix ne fut conclue qu'en 1482; Id., p. 77.
210
7
·
[885}
Quant monnoye prist remontement
Bon temp prist son departement
Chier tempz vint en l'hoste! du riche
Qu'en avarice le tient chiche.
[886]
Pour le monoye malleurees
Remonterent toutte danrees
Pour au pouvre accroistre meschief
Jamais plus n'aura bon merchief.
L'entree de l'evesque en Mets signeur George de Baudre
[887]
Mile quatre cents soixante [et] ving et ung
George de Baudre on moix de jun 275
Fist son entree a grant puissance
En monstrant sa migniffissance.
[888]
L'esvesque [et] lez cha[n]noinez ensambles
Aincy que deux falz point s'assemble
Furent en ung point assamblez
Et par meilleur point d'essamblez
(1481]
275
L'évêque Conrad de Boppart (1415-1459) chercha dès 1450 un coadjuteur pour lui
succéder. Il choisit, en 1456, Georges de Bade, chanoine de Cologne (1459-1484). Pour
manifester son contentement, la famille de Bade, alliée aux maisons régnantes d'Allemagne et
de Lorraine, s'empressa de donner à l'évêque encore en place les moyens de retirer Epinal des
mains du roi de France et 6000 florins pour reprendre d'autres biens considérables engagés à
divers seigneurs. En avril 1459, Conrad Bayer de Boppart mourrait et Georges de Bade se
présentait devant le chapitre pour en prendre possession. Il trouva alors face à lui un
compétiteur élu par une partie des chanoines. Il s'agissait d'Oiry de Blamont, grand-oncle du
duc de Lorraine. Malgré la pression des cours de France et de Bourgogne qui soutenaient de
Blamont, Pie II demeura ferme et envoya ses bulles à Georges de Bade le 11 juillet. Durant
son épiscopat de vingt cinq ans (1459-1484), l'évêque ne s'occupa guère du spirituel qu'il
confia à ses suffragants ; TRIBOUT DE MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 95.
211
[889]
C'estoit en leur intencion
Qu'en prenant la pocession
Secretz sou bz ben edicte
Qu'il la prandroit de la cite 276
{890]
Et leurs sambloit chose facile
D'entrer puissamment en la ville
Qu'il n'en feyst nulles doubtance,
Craindre ne falloit resistance.
[891]
Mais c'estoit levez peu matin
Pour estudier leur latin
Les penseurs moult bon tempz auroien t
Ce conte penseurs ny estoient,
t
{892]
,'
Car les seigneurs par bon conseille
_Avoient la puce en l'oreille
Qui vuelt ung grant fax soustenir
Ung baston prend pour soy tenir.
F 0 88
[893]
Nos seigneurs firent appareillier
Leurs gents par cent [et] par millier,
En lieu secretz par grant armee
Et les rues tres bien fermees.
[894]
Puis fuit receups cortoisement
En leur donnant advisement
Qu'on de feist rien que bien appoint
Car on estoit preste [et] en point.
V
0
276
L'évêque Georges de Bade entra dans Metz en 1481 _ La ville de Metz était
particulièrement hostile à son évêque qui était déjà entré en conflit avec la ville 1463, conflit
lors duquel l'évêque avait été fait prisonnier et avait dû payer la forte somme de cent mille
florins pour être libéré. L'évêque avait mis en gage une partie de ses possessions pour payer
la rançon. Il souhaitait en 1481, entrer en force dans la ville afin de lui prouver sa toute
puissance mais il se retint afin de ne pas créer d'autres conflits qui auraient pu lui coûter cher.
Il y entra avec beaucoup de fastes, mais son entrée fut précédée de négociations et les deux
parties signèrent un traité confirmant les privilèges messins; Histoire de la Lorraine, Société
des études locales, p. 221.
212
[895]
Mais la chose fuit bien conduitte
Et touttes foUies reduitte
Sens sonner mots de mille choses
Tout demeura desoubz la rose.
[896]
Et puis fuit moult homme de bien,
Usant sa vie en beau maintien
Et fuit sy ecclesiasticque
Qu'il menoit vie sainctifficque.
[897]
Le siege il tint vingt septe ans
Et y rengne apres son tempz
Messire Hanry de Lorainne 277
· è)ü:'esvesque estoit de Tirenanne
[898]
Vingt trois ans ilJl!!t de Mets
Evesque [et) ny entra jamais
En grant esglise ne es temples
Il ne rompit jamais lez lamppes.
La division des chanoines de Mets
[899]
1462
277
Mile quatre cents soixante [et) deux
Fuit trouble cruelz [et) hydeux,
Par orgueilleuse oppinions
Par gents differant division. 278
(1462]
Henri de Lorraine-Vaudémont (1484-1505) était déjà évêque de Thérouane.
278
Il s'agit d'une révolte d'une partie des chanoines soutenus par l'évêque contre l'autorité du
maître-échevin, à propos du siège épiscopal de Mayence. Cette querelle débuta en 1462 et
trouva un règlement en 1473. Notons que c'est à l'occasion de ce conflit que pour la première
fois à Metz, les chanoines utilisèrent des affiches polémiques ; TRIBour DE MOREMBERT,
«Les chanoines de Metz lancent les premières affiches de polémiques», Mémoire de
/'accadémie de Metz, 1965, p. 194 à 193. C'est aussi à cette occasion que le roi de France
Louis XI apporta son soutien aux chanoines. Il leur envoya des lettres de sauvegarde en
n'oubliant pas d'évoquer Charlemagne dont il se réclame en tant que successeur: « Paur la
considération de la dite église est fondée par feu de glorieuse mémoire le Roy Charlemaigne,
en son vivant empereur et roi de France»; GANTELET, Entre France et Empire, Metz, une
conscience municipale en crise, p. 183.
213
[900]
On dit deux orgueilleux vassalx
Ne vallent rien sur ung chevalx
Se l'un veult tourner a la destre
L'aultre vuelt tourner a senestre.
[901]
Quant arguant d'acord n'ont point
Et chescuns vuelt tenir son point
S'en soy ralassier que par force
Il fault que le plus forts l'emporte.
[902]
S'il se gouverne follemant
Qui quiert meilleur pain que fromant
Qu'est bien [et] ne si puet tenir
Par droit l'en doit mal advenir.
[903]
On doit tenir enciennete
Aincy que anciens ont estez,
Mais lever costume nouvelle
Constraint gents a estre rebelles.
[904}
Chescun doit maintenir le sien
Sens mallengiez comme les anciens,
Mais quant oultrecuider vuet faire
Trop fort on lui fait le contraire.
0
F 89
[905]
Ces prestres contre la cite
Vollurent prendre autorite
Mais avant que cela seut fait
On heust plustot trestout deffais.
[906]
Gens venus de grant pouvretez
Et en grant richesse montez
Ce a droit ne vuellent condestendre
Doient du hault en bas descendre.
[907]
Il assiert par necessite
Avoir deux bras en la cite
Premier est le bras fundateur
Qui est du peuple conduicteur.
V
0
214
[908]
L'aultre brais, c'est fidelite
Exemplaire d'humilite
Monstrant, preschant foy catholicq[ue]
Quant menant vie angelicq(ue].
[909]
Nous debvons selons la clergie
Croire saincte theologie,
Qui est parfaitte honnestete
Raison, simplesse [et] chastete.
Fo 90 ro
[910]
Et quant le contraire se fait
La falte est d'un bras contreffait
Ceulx qui ont la voix plus haute
Au descorder font lez grant faites
[911]
Les chanoines du grant moustier,
Sens nulz quy scent trouver traittiez,
Furent agoustez d'un tel mes
Que tous vindrent hors de Mets.
[912]
Ce fuit si grant division
Qu'il fallut on confusion
Tout lassier esglise (et) prebende
Tous ceulx qui soubtindrent la bende.
[913]
Cincq ans on dura le debat
Cherchant leur bon droit hait [et) bas
Au pappe a l'empereur au roy, 279
Telz en avoit ris qu'on pleurait.
[914]
Oncq(ue} jour ou la grant esglise
N'en fuit ramandris le servise
Clercs prestres y furent ordonnez
A qui le fax en fuit donnez.
L'empereur Frédéric rn (1452-1493), le roi, c'est-à-dire René d'Anjou, duc de Lorraine,
cherchèrent à faire confirmer leur droit auprès des papes Pie II (1458-1464) et Paul II (14641471).
279
215
F 0 90
[915/
Pour qui en heust tort ou raison
Il cousta sens comparoisons,
Et quant revindre en leurs hostel
La furent moult desconfortez.
[916]
Sy grant guerre ne fuit jamais
Qu'il n'en soit venus une paix
Revindre au second jour de may
En la cite en grant esmay.
[917]
Leurs maisons estoient gastres,
Desrompues [et] debarretees
Celiers, grenniers, pourvis fondus
Litz [et] mennaiges confondus.
[918]
Et quant ilz furent retomez
Leurs biens leurs furent redonnez
Et en leurs estat restanblis
Et tous debas mis en oblis.
[919]
En celz tempz une annee antiere
Heut grant labours es semettieres
De grant pestillance mortelle
En loing tempz n'en fuit poi[n]t de telle.
V
0
Fo 91 ro
[920]
Ons y morroit de sy grant force
Qu'on y boutta de corpz en fosse
Tant es furebourg co[mm]es en la ville
En quatre moix bien quatre milles.
[921]
Une foudre vint si cruelle
De glace [et] de si grosse grelle
Que ons estimoit tout perdus
Tout habysmez [et] confondus.
216
[922]
Sur lez maisons maintes gouttieres
Et es esglises lez voirieres
Rompus [et] moult d'avercitez,
Et ne cheut que sur la cite.
[923]
La pestillence [et] grelle aucy
280
Fuirent en l'an soixante [et] six
Mile quatre cent tout justement,
Qu'on heust bon vins habudam[m}ent
[924]
(1466]
L'an devant la mortalite,
Furent lez vin a telz vilte
Et reputez par gents lordalz
Vins de coussat [et] matudalz 2 81
282
[925]
Mile quatre cents soixante [et] huict
Par ordonnance mal renduitte
Fuit le feu en la grande esglise
Dessus les voltes fort emprise. 283
(1468)
280
La peste est de retour dans le pays lorrain, en fait cette épidémie est endémique et ne quitte
pas vraiment l'Europe. Philippe de Vigneulles évoque souvent ce qu'il nomme Mortalité en
Mets. Le nombre de décès reste important et tout au long de sa Chronique, on peut se rendre
compte à quel point le départ de certains personnages le navre. C'est notamment le cas, t. ll,
p. 377, 378 :«Or, avint aussy que en celluy tampts l'on acomensait treffort à morir de peste,
tant en Mets comme on pays entour. Et d'icelle mortalités morurent grant multitude de menu
puple ; aussi morut de grant parsonnaiges en Mets. », « le seigneur Regnault le Gournaix,
chevalier, duquel ce fut dueil et dompmaige, car il estoit homme saige, prudent et honorable,
et estoit ung biualx homme, puissant de corpts et de belle stature, et amoit ort le commun
puple, et aussy il estoit amés de tous les citains de Mets, grant et petit ».
281
Philippe de Vigneulles, dans sa Chronique, t. II, p. 377, explique que lors de l'année en
question, le froid avait été si intense et les pluies tellement abondantes que les raisins ne
poussaient plus sur les vignes: «Le reste d'iccelluy moix d'apvril, fut ung très pouvre tempts,
et cheoit pluies aussi froide comme à Noël», «Et se tint ainsy le tampts dès lea mitté d'apvril
en jusques le huitième jour de maye ; parquoy on ne veoit encore en vignes nulz résins ».
282
N'ayant pas assez de place en bas de son feuillet, l'auteur a écrit le quatrain 925 dans la
marge droite en bas du feuillet.
283
En 1468, un incident grave survint, en effet, la cathédrale était en rénovation et les ouvriers
laissèrent une nuit un chaudron de feu allumé qui servait à faire fondre le plomb. Mais avec le
vent, ce chaudron enflamma la toiture. Plus de trois cent personnes aidèrent à éteindre
l'incendie qui avait atteint le beffioi où se trouvait la cloche Mutte. En fait, c'est pour cette
raison que les Messins aidèrent les chanoines à éteindre l'incendie. On peut penser que si le
feu n'avait pas atteint le beffioi bien peu de Messins se seraient déplacés puisqu'ils étaient
toujours opposés à leurs chanoines; La Cathédrale de Metz, dir. Aubert, p. 15.
217
[926]
Tant on fuit par grace divigne
Qu'on donnoit pour une angevine
La quarte en plussieur lieux a Mets
Et sy n'y avoit pas grant presse.
284
[927]
Mile quatre cents soixante [et] onze
C'en que lez grandz fortune annonce
Se mest en l'air une commette 28s
Dont plusieurs gents en furent matte.
[1471]
La guerre du duc Nicolay de Lorainne
[928]
Aincy que fortune ont leur rengne
Rengnoit ung grant prinse en Lorain[n]e
Mile quatre cents septente [et] troys
Qu'en ses cuidiers fuit fort destrois.
[929]
Soudan[n]eme[n]t com[m]e ung escouffie
Par brief conseil que souef souffle
Lui souffia ung vent en 1'oreille
Par quoy entreprist grant merveille.
[930}
Par ung huittieme jour d'apvril
A pied levez co[m]me un cabris
S'en vint avecq son excers
Tout secret a plus pres de Mets,
286
[1473]
2 87
284
L'auteur a écrit le quatrain 927 dans la marge droite du feuillet. A l'aide d'une croix, il
indique l'endroit où doit se trouver le quatrain.
285
L'auteur de la chronique note en peu de termes le passage de la comète. Pourtant à cette
époque, ce genre d'événement suscitait l'appréhension de la population. Le passage d'une
comète annonçait souvent des catastrophes. Selon DELUMEAU, La peur en occident (XIVXYI/Ième siècles), le passage d'une comète pouvait créer« un effroi collectif».
286
Le duc Nicolas de Lorraine (1470-1473).
287
Tout comme ses prédécesseurs, le duc Nicolas de Lorraine souhaitait conquérir Metz. Pour
cela il avait envoyé, dès le 8 avril, certains de ces soldats surveiller la ville afin de déterminer
sa puissance ainsi que les forces en présence; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 69.
218
[931}
Accompaigniez de dix miles hom[m]es
Et d'angins de guerre a gra[n]t so[m]mes,
En attendant l'heure d'ouverture
La on dormait dure adventure.
[932}
Trop matin fuit la porte ouverte
Pour ceulx qui en heurent la perte
Telz cuidoit avoir bon bu ttin
Qui fuit mal partis au huttin. 288
[933}
Trop frian t au mangier la sou ppe
Selchaulde la langne -eule.z.poutte
Pout tant est fol qui trop s'avance
De querir sa malle meschance
[934}
Les plus esfammez au gra(n]t dents
Entrerent lez premiers dedant,
Cuidant tantost remplir leur sacq(ue]
Mais on leurs bailla un eschercq(ue]
[935/
Gents enraigiez [et] hors du scens
Y entrerent cincq ou six cents
Saltant, criant, brayant, huant,
Pensent qu'on s'en yroit fuiant.
[936}
Ung angins fait de grant mallice
Dresserent soubz lez palz coullice
Mais cet angin fait de faulx art
Fuit dressiez trop tost ou trop tart
288
Ce conflit entre Metz et le duc de Lorraine eut lieu le 9 avril 1473. Le duc de Lorraine
Nicolas, petit-fils du duc René d'Anjou essaya de prendre la cité de nuit. Ses soldats avaient
parcouru toute la nuit le chemin de Pont-à-Mousson, jusqu'à Metz. Or un certain Grantz, dit
Grande barbe avait imaginé qu'un chariot placé sous la porte Serpenoise pouvait empêcher la
herse de retomber, permettant ainsi à l'armée du duc de Lorraine de pénétrer dans Metz.
Déguisés en marchands, les Lorrains avec Grantz à leur tête entrèrent et se jetèrent sur le
gardien qu'il tuèrent. Ils purent atteindre la Chapellerue et la vieille Boucherie. Hors c'est à ce
moment que se produisit le célèbre passage du boulanger Harelle qui, éveillé tôt ce matin là,
donna l'alerte et bloquant la porte permit aux Messins de repousser les assaillants. La déroute
fut complète et les ennemis s'enfuirent; GANTELET, Entre France et Empire, Metz, une
conscience municipale en crise, p. 9.
219
[937]
Les palz coullices cheurent en bas
Adonc co[m}mansa le debas.
Lez Metsains furent reuveilliez
Et diligent d'estre habilliez.
[938]
Tantost corrurent au murailles,
La commansa dure bataille.
Les aultres fermerent lez rues,
La cite fuit tost secourus.
[939]
Bartel Crance leur cappittaine
Y entra en sa malle estrai[n}ne
Sy bien heut de son fait jouy
Qu'il en coulcha a Sainct-Louy
[940]
Et plusieurs de ses gents de guerre
Qui prindrent tous nouvelle terre
La cite lasserent entiere
Pour gaingnier une cymethiere.
[941]
Dez Metsains ne morut q[ue} troys
Deux sur terre l'aultre sur ung toys ;
Le premier se fuit le portier
L'aultre ung folz, l'aultre ung cherpentier.
289
289
En bas du folio, accompagné d'un signe, l'auteur écrit: tournez une feuille. Si l'on suit les
indications de l'auteur, le texte relatif à la guerre de Gratien Daguerre est à part. En effet, il
fait référence à des événements qui se sont déroulés en 1480, alors que l'auteur est en train de
relater les événements constitutifs de la guerre du duc Nicolas qui ont lieu en 1473. V auteur
n'avait pas encore mis en forme son manuscrit. Il faudrait donc d'après l'auteur passer du
quatrain 941 au quatrain 953 dont le titre est : rest du duc Nicolas. Les quatrains 942 à 952
auraient dû être placés autrement, selon l'auteur.
220
La guerre de Gratian Daguere
[942]
Mile quatre cents [et} quatrevingt
Faillirent lez bledz [et] lez vins
En nulz lieux neust vigne eschappees
Qui ne fuissent touttes estrappees.
[943]
Ung no[m}mez Gracien Daguerre
Contre la cite fist la guerre
En deppitant sens nulz mercy
Vint bruller à Ars [et} Ancy. 291
[944}
En cellui tempz estoient en gaige
Ancy Ars [et}plusieurs villaiges
A la cite et congnoissant
Et au seigneur obeyssant.
[945]
De ce seigneur ung serviteur
De son armee conducteur
Vint noncier au seigneur de Mets :
« Creez moy [et] je vous promets,
[946]
Se mon maistre vouliez avoir,
Je vous en seray tel debvoir,
Venez ungjour au lendemain
Je le livreray en vos mains. »
[947}
Lez seigneurs pour estre vengiez
Qu 'aincy les a voit oultragiez
Assailleren t leur appareille
Pour lui rendre le cas pareille
[1482]
290
292
290
Gratien Daguerre est le conseilleur du duc de lorraine René II. Mais il se laissa gagner par
le roi de France Louis XI qui le nomma gouverneur de Mouzon (Ardennes). Ses soldats
ravagèrent le Barrois non mouvant mais aussi tout le territoire de la cité de Metz, dont les
bourgeois se plaignirent au roi de France; GAN1ELET, Entre France et Empire, Metz, une
conscience municipale en crise, p. 191.
291
Ars sur Moselle: Moselle, arr. Metz-Campagne.
292
En bas du folio, l'auteur a ajouté la note suivante : [tournez ung feuille ou celle enseigne]
221
Fo 93
{948]
Une armee de quatre miles 293
Assamblerent [et] hors de la ville,
Artheillerie [et] charrois devant
Estandars [et] bannieres au vant.
[949]
Quant vindrent pres de Denviller
Pour son arogance aviller
En faisant ung petit repas
Fuit rompus le tour du compas
[950]
De ceu qu 'avoient composez
Le malfaicteur fuit acusez
Tant ot forgiez [et] martelez
Qu'alors en fuit esquartelez.
[951]
La convint il tout retournier
Hastement sans seiourner
Car ilz avoient d'annemis
Bien deux milliers pour ung amis.
[952]
En hyver fist ay tres grant froit
Et fuit hyver si tres destroit
Que tout fuit geliez [et] fondus
Et lez arbres sech [et] fandus.
V0
Fo 94 ro
Rest du duc Nicolay
[953]
Le prince avec son armee
Tous bien montez la main armee
A tous ceu quil heut de poisson
Retourna au Pont a Mouson 294
Ci
293
Gratien de Guerre, capitaine de Damviller voulut faire la guerre aux Messins pour des
raisons inconnues. Il défia la cité et à cette occasion mit sur les routes deux cent soixante
chevaux et deux mille piétons. Mais son entreprise n'eut pas grande importance ; WORMS,
Histoire de la ville de Metz, p. 76.
294
Après son échec devant Metz, le duc Nicolas décida de se retirer à Pont-à-Mousson. Il
souhaitait vivement se venger, mais une trêve fut conclue en juillet. Le lendemain de la
signature du traité, le duc mourut, Id, p. 71
222
[954]
Trist [et] troublez de sa gra[n]t faite
Car il l'avoit livrez trop halte,
Resuivant sa oultrecuidance,
Moult remanst de ceu q[ue) fol pe[n)ce
[955]
Sez joyes furent terminee
Car il mo rut pour celle annee
Et partit sens paige [et] vallet
Le vingt sept jour en jullet
[956]
prist le rengne
Et fuit receups duc de Lorain(n]e
La paix des Messains fuit faitte
Et des Lorains de leur l'antreffaitte.
Le conte Rene
295
Quant l'empereur Frederich vint a Mets
{957]
En celle annee vint a Mets
L'empereur a tres grant noblesse
Assossiez en ung lien
De son fil Maximilien 296
297
[958}
295
Il y avoit (et) rois [et] ducz
Et grant princes [et] le fil du grant turcq
Et furent en solas [et] seiour
En Mets l'espace de neufz jours
Duc René II de Lorraine (1473-1508).
296
Le 18 septembre 1473, l'empereur Frédéric rend visite à la ville de Metz. ll était
accompagné de son fils Maximilien, de l'archevêque de Mayence, de l'évêque de Metz, du
duc de Bavière ainsi que du comte de Wurtemberg. Les Messins s'empressèrent de lui
demander de confirmer leurs privilèges ; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 72.
297
L'auteur indique par un signe que le quatrain 957 fait suite au quatrain 958. En effet, entre
ces deux quatrains, l'auteur avait inséré les quatrains 959 et 960. De plus le quatrain 958 se
trouve écrit en haut du feuillet suivant.
223
[959]
Mile quatre cents septente [et] quatre
En lowant Dieu de la conqueste
Firent fonder une chappelle 298
Que misericorde s'appelle.
[960]
Au portal de la grande esglise
Pour faire le divin setvise
Regraciant Dieu en memoire
Qu'a leurs avoit donnez victoire.
[1474)
299
_.......
~·-'·"···"
-~-
uant le chasteLde Pontoyfuit"pris.
[961]
Quatorze cents septente [et] septe
Sens faire mises ne recepte
Par ung portier que peu doubtois
Fuit pris le chastel de Pontoy aoo
[962]
Par douze compaignons de guerre
Tous assamblez de pluseurs terre
Fuit robee subtillement
Dont en morurent villement.
[963]
La cite leur manda briesment
Que vindassent paisiblement
Ilz respondiren t au sergent :
« Vous n'estes pas assez de gents.
[1477)
»
298
Cette chapelle fut édifiée en 1476-1477 comme action de grâces pour la victoire sur le duc
Nicolas. Elle était située au sud de la cathédrale, entre Saint-Pierre-aux-Images et le chœur de
Notre Dame La Ronde. (Chapelle Notre-Dame du Mont Carmel). Elle fut démolie en 1754.
299
Les quatrains 961, 962 et 963 sont écrits dans la marge gauche du feuillet. Anivé en bas de
la marge gauche, l'auteur fut obligé d'écrire en petit caractère tout en bas du feuillet les deux
autres quatrains suivants, c'est à dire les quatrains 964 et 965. A l'aide de flèches et de signes
l'auteur tente d'indiquer l'ordre des quatrains.
300
Château de Pontoy: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny. En 1477, la ville de Metz
entra en conflit avec douze compagnons de guerre qui avait été licenciés suite à la déroute que
l'armée du duc de Bourgogne avait connue devant la ville de Nancy. Ces bandes de brigands
s'organisaient pour piller et rançonner les marchands. Ils avaient coutume de prendre des
châteaux qui devenaient leurs places fortes. La ville de Metz devait se défendre contre ces
attaques incessantes et ne put participer au nouvel essor économique qui pourtant avait débuté
dans le royaume de France dès les années 1450 ; Histoire de la Lorraine, Sociétés des Etudes
Locales, p. 220.
224
[964]
Lez seigneurs prindre[n]t bende
De gentilz gallant belle [et] gr[a]nde
Tres tous jeunes gallant de pris
Au deuxieme assaulx fure[n]t pris
[965]
Deux furent tuez en la place
Et lez aultres amenez a Metz
Y mal savoient deffendus
Que tous dix enfurent pendus
La guerre de Richemont
[966]
Mile quatre cents a mon compte
Et quatreving trois, ung conte
De Wemembourg estoit le sire
Tout fol [et] dez malvais le pire. ao1
[967]
Le conte a l'entour de sa terre
A tous chescun prenoit la guerre
Tousiour tendoient sur lez champz
Sur laboureur [et] sur merchant.
[968]
Et avoit en sa compaignie
Ung grant tas de falce maignies
Et tres malvaise garnison,
Sens droit, sens loy [et] sens raison.
[969]
Il prenoient guerre au Messains
Au Bourgouignons [et] au Lorains
Tres tout estoit de leur buttin
Mais a eulx on prist le huttin.
[1483]
301
En 1482, le roi de France et le duc d'Autriche, futur empereur Maximilien avaient conclu
la paix, ce qui provoqua le licenciement des soldats qui livrés à eux-mêmes, vivaient sur le
pays messin. Pour se défendre, Metz prit à son compte la solde d'un des capitaines de
compagnie qui était le comte de Wurtembourg. Mais ce dernier ne se soucia que de ces
intérêts et laissa Metz seule, face aux brigands. Il décida de poursuivre la guerre qu'il avait
engagé contre le Barrois, la Lorraine, le duché du Luxembourg et ajouta à cette liste le pays
messin. La ville de Metz décida de s'allier avec le duc de Lorraine et de Luxembourg pour
vaincre ce guerrier si redoutable. Ce dernier avait pris deux châteaux : ceux de Rodemark et
de Richemont. Ces deux places fortes furent assiégées en même temps par les Lorrains et les
Messins, WORMS; Histoire de la ville de Metz, p. 77.
225
[970]
Les Bourgongnons [et] lez Lorains
Composirent avec lez Metsains
Pour assiegier de ses fortresses
Qu'estaient tres malvaise plasses
[971]
Les Messains [et] lez Bourgongnons,
Adionctz ensambles compaigno[n)s,
Allerent assiegier ornelle
Qu'on dit Richemont sur Muselle. aoo
[972]
Tant y fure(n]t quelle fuit prise
Abbatue [et] par terre mise,
Qu'estoit une gra[n]t laronniere
Dessus terre [et] par la riviere.
[973]
Rodemarch dez Lorrains fuit prise,
La chose estoit aincy comprise
Pour estre plu tost ab bregee
Tout en ung tempz furent assiegee
[974]
Ce conte la estoit Franscois
Mais le roy de rien n'avanssoit
Car il estoit nuict [et] jour yvre
Grant bien fuit d'en estre delivre
3 04
302
Ces quatre derniers quatrains, (966, 967, 968 et 969) sont entièrement entourés par les
ajouts des précédents quatrains. Afin de mieux se guider, au moment où il aurait dû tout
remettre en forme, l'auteur a ressenti l'obligation d'indiquer à l'aide d'une flèche que le
quatrain 967 fait suite au quatrain 970. Cela peut ne pas paraître évident, mais sur le
manuscrit, il est important de rappeler que deux quatrains (964 et 965) sont écrits en petit
caractère en bas du feuillet. On aurait pu vraisemblablement être amené à penser qu'ils font
suite au quatrain 969.
303
Ancien château, commune de Richemont : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Fameck. Ce
château fut investi par les Messins afin d'en déloger le comte de Wurtembourg. Ils y
envoyèrent une forte armée composée de pas moins cent cinquante cavaliers et trois mille
piétons. Le 25 juillet 1483, le château fut rasé; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 77.
304
Lors du conflit qui en 1483, opposait le comte de Wurtembourg aux Lorrains,
Luxembourgeois et Messins, les Lorrains décidèrent d'assiéger le château de Rodemack qui
était un des repaires du comte. Pendant ce même moment, les Messins eux avaient investit
celui de Richemont. C'est ainsi que les Lorrains et les Messins purent se débarrasser de ce
comte ;Id., p. 77.
226
Quant le clochiez de mutte fait de piere 1483
[975}
En cellui an fuit despeschiez
Et essenis le gros clochiez aos
De mutte (et] la cloche fondue
Et on nueuf clochiez repandue
La guerre du duc Rene de Loraine
[976}
Quatorze cents octente [et] nueufs
Tous vielz debats devinre[n]t nueufz
Car guerre quiert toutte querelle
Vielles [et] jeunes tout renouvelle.
[977}
Adonc Rene, duc de Lorainne,
Sur lez Lorains avoit le rengne,
Duc de Bar, de Valdemont conte
Oyez qu'il advint de mon compte.
{976}
De son fol volloir incite
Prist guerre contre la cite
Mais avant qu'en fuit departie
Grant perte heurent les deux parties.
[979}
Prist au resmuer lez querrelles
Bonne, malvaise, vielle [et] nouvelle
Toutte questions hault [et] bas
Pour esmouvoir alcuns debas
[1489]
305
Comme il a déjà été écrit au quatrain 925, en 1468, un incendie se déclara dans les parties
hautes de la cathédrale ce qui détruisit la tour de bois qui servait de beffroi de la ville. La
cloche de la Mutte avait souvent été refondue et elle pesait de plus en plus lourd. Pour
accueillir cette cloche, les habitants de la ville de Metz demandèrent à Jean de Ranconval de
remplacer l'ancien beffroi de bois par une flèche en pierre pour contenir la Mutte. Les travaux
furent achevés fin de l'année 1482; La Cathédrale de Metz, dir. M. Aubert, p. 252.
306
Le folio 96 est manquant. On retrouve les quatrains relatifs à ce folio dans les copies de
manuscrit BM 848.
227
[980}
Puis fist dez chevalx destrier
Pour courir rober [et] pillier
Sur marchants (et sur laboureur
Et ny avoit rien que po(ur] eulx 3 07
308
Fo 97 ro
[981}
Ilz survint un tas de Gascons
Courir jusque Devant lez Ponts
Soubz le title de la baniere
Seigneur Joffroy de Bassompiere.
309
[982}
De lui fure[n]t bien advoez,
Ce fuit es advent de noel,
Qu'ilz prindrent le premier buttin
Et si fuit le premier huttin.
[983}
Puis apres six ou sept semmene
Des aultres courreur de Lorrain[n]e
Prindrent le chastel de Secourt 3to
Mais Metsains allerent a secours
[984}
Sens dire vigille ou sep salme
Fuit la pris le conte de Salme
Et avecq lui brief [et] court
Le beau Gerard de Heraucourt
307
Le duc de Lorraine était entré en guerre contre la ville Metz dès 1489, car il souhaitait que
les Messins lui accordent des remises de dettes. En effet, le duc de Lorraine avait participé
aux guerres d'Italie auprès du roi de France car il voulait récupérer le royaume de Sicile ainsi
que Naples. Son trésor était donc au plus bas. Il se mit à piller le pays messin, mais surtout il
engagea Hannes de Grantz qui était le fils de Grantz la grande Barbe, celui qui avait participé
auprès du duc de Lorrain Nicolas à la tentative d'investissement ratée de Metz. Hannes Grantz
voulut venger son père et il se mit à ravager le pays messin; WORMS, Histoire de la ville de
Metz, p. 78.
308
L'auteur, à l'aide d'un signe, a indiqué la consigne suivante: Tournez ung feuillet a telle.
Cette indication est suivie du signe.
309
Lors du conflit qui opposait le duc de Lorraine et Metz, le duc de Lorraine avait envoyé
certains de ses vassaux ravager le pays messin. L'un d'eux était le seigneur de Bassompierre.
Il était accompagné de Hannes de Grantz ainsi que du seigneur de Fénétrange; WORMS,
Histoire de la ville de Metz, p. 78.
310
Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny.
228
[985]
Et sy fuit pris George Denfer
Bien montez [et] armez de fer
Ung escuier tranchant a tau ble
Du prince qu'on nom[m]oit le baulle
[986]
Quant a la chasse [et) au combattre
Des gentilz hommes prindre[n]t q[u)atre
Amenez a Mets en prison
Pour desclairer le mesprison.
[987]
La ly tant furent saiges ne discret
Se desclairerent ilz le secret
Au seigneurs tout de bout en bout
Et la fuit sceu le vray de tout.
[988]
Le prince en heust grant desplesance,
Appresta toutte sa puissance
Quant il vyt la chose estre aincy
Assiega le moustier ~nc~ll
[989]
Par force avec trayson
Fuit pris [et] moustier [et] maisons
Grant meudre [et) gra[n)t sang respendus,
Y heust avis qu'il fuisse rendus.
[990]
Par conseil [et] d'accord uny
Allerent assieger Louveny at ,
Puis furent pris, ars [et) brulle '
Tuez, noyez, pattibullez.
311
Le duc de Lorraine envoya son armée assiéger le châ eau d'Ancy qui appartenait aux
Messins. Mais ces derniers ripostèrent en assiégeant Nom
où ils firent de nombreux morts
car ils avaient engagé une forte armée composée. de Messins mais aussi de nombreux
étrangers dont des Bourguignons, des Français, des Lombards, des Espagnols, des Allemands.
Cette guerre dura de 1488 à 1493 sans qu'aucun des deux partis n'eut de victoire décisive;
WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 85.
312
Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny.
229
\)
[991]
Touttes lez places furent prises
Ou que garnisons estoit mises,
Rien ny vallu t fortiffieer
Cest follie de s'i fier.
[992]
Puis revindrent a Sai[n]cte-Ruffine 313
Il nest si grant jour qui ne fine
Quant toutte heurent gastee la terre
Furent la jusque a fin de guerre.
[993]
Pour mal faire [et] plus de dom[m]aiges
Brullerent tres tous lez villaiges;
Par toutte la terre de Mets
Pires gents ne furent jamais.
[994]
Ny resta plaice que Very 314
Que fuit exempte du peril
Car deffendre c'est gra[n]t pen[n]e
S'ilz n'y a vaillant cappittaine
[995]
Lez messains sans estre esbahys
Brullerent moult de son pays
En Lorain[n]e, en duchie de Bar
Et Allemangne [et] aultre part
313
Le premier document connu attestant le nom de Sainte-Ruffine date de 927. Au cours du
Moyen Age, Sainte-Ruffine ne possède pas un grand tenitoire et elle dépend de la mairie
messine d'Outre-Moselle. Toutefois, les nombreuses guerres qu'a du supporter cette région
1' obligeait à se défendre. Chaque village possédait alors soit une église, soit une maison forte,
soit les deux et les habitants étaient soumis à un « service militaire» afin de permettre la
défense du village à chaque menace sérieuse. En 1484, le duc de Lorraine et roi de Sicile
René II fait élire évêque de Metz, son grand-oncle Henri de Lorraine-Vaudémont. Il espérait
ainsi conquérir plus facilement la cité. Mais il n'y parvint pas. Aussi, en 1489 le seigneur de
Bassompierre alla défier la ville et la guerre éclata. Ars et Ancy furent incendiés et Moulins
prit. Le duc René II établit son quartier à Sainte-Ruffine où il résida du 3 au 28 avri11490. Le
duc de Lorraine demanda au seigneur de Baudrecourt d'entamer des pourparlers de paix. Mais
les tractations échouèrent et le duc René II quitta Sainte-Ruffine et se retira à Pont-àMousson; MOPPERT, Sainte Ruffine en Val de Metz, p. 21 à 69.
314
Vry: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Vigy.
230
[996]
Lui desirant la paix ou treuve
Manda l'esvesque de Trieuve a1s
Qui vint a noble convenant
Et fist la paix pour ung an.
[997]
Et apres cel an revollus
De guerre on estait resollus
A trieuve en fuit la paix oultree
fylais ce fuit unne paix faulcee
[998]
'---------Ell€--ne vallu t pas ung clos
Car lez chemins estait clos
Et ·pour en faire l'ouvertture
D'argent fallut grant forniture
[999]
\
Les grants savaient en effet
Com[m]ant la paix en estait faitte
Mais tous lez Metsains ne Lorains
N'en sceurent manants ne foirains
Commanceme[n]t de Jehan de Landremont
{1000]
La guerre fuit par trayson
Conduitte toutte la saisons
Par un faulx traystre metsain
Auquel le fait fuit tres malsain
316
315
La guerre que le duc de Lorraine avait engagée avec Metz, était une guerre
d'escarmouches et dans ce conflit le duc avait souvent le désavantage. Le duc de Lorraine
avait hâte d'obtenir la paix, d'autant plus que le roi de France Charles VIII restait neutre. La
paix fut signée le 22 juin 1490, grâce à la médiation de l'archevêque de Trêves ainsi qu'à la
ville de Strasbourg. Effectivement cette paix ne dura qu'un an puisqu'en novembre 1491,
Jean de Landremont été exécuté car le duc de Lorraine ne respecta pas la paix avec une ville
qu'il voulait abattre. Les Messins firent de nouveau appel à l'archevêque de Trêves pour que
ce dernier oblige le duc de Lorraine à respecter la paix signée un an plutôt ; WORMS, Histoire
de la ville de Metz, p. 83.
316
L'auteur indique ar la note suivante: Cez cinq coupplets sont
d'un article. L'auteur
indique que les cinq prece ents qua rat
regroupes. n effet, l'auteur, par
manque de place a ajouté des quatrains supplémentaires dans les deux marges du feuillet et il
est difficile de suivre sa logique. Cela sera observé et complété après le quatrain 1006.
231
[1001]
Le traystre a ce cas propice
Estoit un seigneur de justice
Que on cuidoit ferme [et] discret
Mais tous revelloit lez secrets.
[1002]
Du duc il avoit pencion
Fondee en malle intention,
Esperant a delivrer Mets
A cellui duc a tousiours mais.
[1003]
En ung lieu secrets folloit mettre
Tous lez secrets escript p[ar] lettres
Par ung espie estoit cherchiez
Le lieu ou ceu estoit quachiez.
[1004]
Ce traystre no(m]mez par nom
Estoit Jehan de Landremon
Par boureau divisez en Chambre
Fuit son cuer [et] ses quatre mambres.
[1005]
La teste au debout d'une lance
Et ses mambres a q[u]atre potences
En quatre lieux autour de Mets
De telle estouffes mauvais mes. 317
318
317
Le duc René II de Lorraine souhaitait investir Metz, mais il n'avait pas de moyens
militaires suffisamment importants pour pouvoir assiéger la ville. En novembre 1491, il
décida grâce à un de ses pensionnaires, Jenon de la Molise, de prendre contact avec l'un des
patriciens de la ville de Metz, membre des Treize, Jean de Landremont. Ce dernier s'était
engagé à livrer la ville au duc et pour cela, il avait attiré dans son complot le gardien de la
porte Thieffioy, Charles Cauvellet. Ce gardien, qui avait les clefs de la porte, devait ouvrir le
passage aux Lorrains. Le jour de la ïete de sainte Catherine fut choisi pour investir la ville
mais de fortes chutes de pluies reportèrent le complot au lendemain. Pendant ce temps
Charles Cauvellet, assailli par le remord, voulu se retirer de la conspiration. Il dénonça alors
Jean de Landremont et révéla tout au conseil de la ville. Jean de Landremont fut donc
convoqué devant ses pairs et exécuté en 1491 ; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 81, 82.
318
Le titre qui suit est écrit dans la marge gauche du manuscrit. L'auteur a ajouté les quatrains
1006 jusqu'à 1015 dans les marges droite et gauche de deux feuillets. Après avoir fini un
feuillet, il a écrit sur le précédent pour commencer son ajout de quatrains. Comme il fut
difficile de suivre la logique de l'auteur, j'ai suivi l'ordre qui a été institué dans les copies de
ce manuscrit et notamment celui de la Bibliothèque Nationale BN 14527-18907 qui semble
être le plus proche du manuscrit étudié ici.
232
Quant l'empereur Maximilian vint a Mets
[1006]
L:an mile cincents septe an moins 319
Je mes mon scens pour c'est tesmoing
Que l'empereur vint a gra[n]t nombre
De noblesse a Mets en novembre.
[1007]
La sepmene sainct Martin d 'yvers
Estoit le tempz si tres divers
Et de meurisons si estrainge
Que c'estoit la force de vendange
[1008]
Car a la sainct Remy devant
Fuit en vielle vigne ou provent
On ny trouvoit raisin mellez
Ne bien peu grains de tallez
[1009]
Tou ttefois l'estez sain ct Martin
Fut sy doulx et soir [et] matin
Que la vigne tint sa verdure
Et fuit vin de bonne nature
[1010]
On en fist de bon vin claret
Qu'on le vendit bien sens arest
Et en fuit assez par raison
Selon la diverse saison.
[1011]
L'an apres co[mm]e riviere avalle
Des Volgiens lez premier walle
De planches passère[n]t parmy Mets
Ou passez on n'avoit jamais 320
319
L'empereur Maximilien de Habsbourg (1493-1519) qui avait épousé l'héritière du duché
de Bourgogne, Marie de Bourgogne fille de Charles le Téméraire, vient à Metz, non pas en
novembre 1506 comme l'auteur de la chronique le suggère, mais à deux dates différentes,
ce
100 qui se trouve dans a marge u em et et qui a donc fait l'objet d'un ajout postérieur à la
première rédaction du manuscrit. Mais peut-on vraiment penser que cette erreur de datation
est le fruit de l'inattention de l'auteur?
320
L'auteur indique, à l'aide d'un signe que les six quatrains qui suivent se trouvent en bas du
feuillet suivant. Afin de mieux suivre l'auteur, je me suis référée à la copie du manuscrit de la
Bibliothèque Nationale. Il a indiqué, à l'aide d'un signe, à côté du quatrain 1012, la mention
suivante : « Retournez devant a telle enseigne ». L'autre signe auquel il fait référence se
trouve devant le quatrain 1011.
233
[1012}
\
[1507)
En l'an mile cincents [et] septe
Aincy est escript en recepte
La sepmene du nouvell an
Ceu qui advint nouvellement
[1013}
Nouveau doyen, nueufve maison,
Nouveau horeau nueufve prison
Jeune lairon nueufve cordelle
Gibet tout nueuf [et] nueufve eschelles
[1014}
Nouvelle place en fuit dressier
Tout fuit novel encommanciez
Le boureau a ceste justice
Commanssa sa premiere office
[1015}
En celle nouvelle sepmene
Advinrent cez nouvelle estraine
Ce fuit ung laid commencement
Et toujiours laid consequement
[1016}
Et fuit en la fin de Bourny
Que ce mistere fuit fourny
Mais le doyen [et] sa maison
Et le boureau [et] la prison
[1017}
Cela estait de la cite
Mais pour estre a tous recite
Ce fuit la malleureuse annee
Et tous malz tres mal fortunee
[1018}
a21
En l'an mile cincentz [et] dix
Aincy que les croniq[ue]z dise
Fuit attrappez ung malfaicteur
Qui usoit mal [et] de faulx tour
[1510]
1
[1019}
On fist en cest an au q[ua]rtal
Ung fournel dever lez estalz
Tout rond clos [et] fermez de pierre
Et du dedent une chauldiere.
321
Dans le manuscrit 848, les quatre quatrains ( 1 018 à 1021) qui suivent, se trouvent, pour les
deux premiers, dans la marge droite du dernier feuillet du folio 98 et les deux suivants dans la
marge gauche du premier feuillet du folio 99.
234
[1020]
La fuit instruit ceste ediffice
Pour justicier le malefice
Pour cuire, boullir [et] noyer
Ung qui estoit faulx monnoyer.
[1021]
Il faisoit dez gr[an]ts bla[n]c de roy
Contreffaicts [et] de faulx esloy
Et pour tout ceu estre abollis
Il fuit l'aue elle bouillis.
F 0 99
[1022]
L'an mile cincents dix septe
Comme est escript en maint receptes
Survint grant persecusion
Au monde [et] tribullacion.
1
[1023]
Au mois d'apvril [et] may voisins
En vigne avoit tant de roisins
Quoncque ne fuit telle habundance
Mais fortune rompit la dance.
[1024]
Huictz nuictes l'une apres l'aultres
Gella addes sens nulle faultes,
Tant que par monts [et] p(ar] valles
Touttes vignes furent engellees.
[1025]
Par gelee vin, soille [et] fruictz
Furent confondus [et] destruits
Et en hestez neust nulz herbaiges,
Ne foin en preis ne pasturaiges.
[1026]
Vin, fruictz, poix, feves, awaine [et] bledz
Furent en pris si hault redoublez
La quarte vingt solz on greniez
Et le vin a dix huictz deniers.
V
0
[1517]
235
Fo 100 ro
[1027]
Ce fuit la malheureuse annee
Meschant chescune [et] fortunee,
Quant lez vignes sont engellees
Touttes joyes sont ravallees.
[1028]
Cest malvais temp pour lez meschant
Mais cest bon temp pour les marcha[n]t
Qu'ont plains celiez [et] grenierz,
La assamblent tout lez deniers.
[1029]
Fortune en sa mobilite
Envenima mortalite
Pour la pugnicion seconde
Et vint grant pestillence au monde.
[1030]
Et la tierce se fuit le guerre
Sur lez Metsains [et] sur le[u]r terre
De feu [et] daultres malz mortal
Par ung villain nommez Burtal322
[1031]
Piere Burtal mal fortunez
Fuit en Mets nouris [et] nez
Mais depuis y fist du mal tant
Qu'il fist guerre plus de trante ans.
Fo 100
[1032]
V0
Jehan Roucel noble signeur 323
En sa jeunesse [et] gr[ a] nt valleur
Estait lors en auctorite
Maistre escheving de la cite.
322
En 1512, Pierre Burtaux s'engagea dans un conflit contre l'autorité de la cité. Cette
dernière lui avait refusé la jouissance d'un héritage au profit du trésor public ; GAN1ELET,
Entre France et Empire, Metz, une conscience municipale en crise, p. 10.
323
Jean 1er Rou cel, écuyer fut maître-échevin en 1508 et 1517 et échevin du palais. Il mourut
le 4 octobre 1521 ; D'HANNONCELLES, Metz ancien, t.II, p. 229.
236
[1033}
Le puple fuit persecuttez
De chier tempz [et] mortalite,
De fouldre tempeste [et] orraige
Que sur les biens fist grant domaige.
La guerre de Francis
324
[1034}
L'an mil cinq cent [et] dix huictz,
Aincy que fortune a sa suitte,
Burtal heu t la teste coppee
Qu'avoit mai[n]te foix eschappee.
[1035}
Son nom estoit Piere Soffroy
Que maintes malz fist [et] souffrait
Faire aux laboureux [et] march[a]nts
Sur les villaiges [et] sur les champs
[1036}
En cel an au moix de septembre,
Lez blancs roisins plus jalne qu'embre
Et noires preste a vendengier
Furent en grant perilz [et] dangier.
[1037}
Quant malz sur mal vient tout s'empire
Ung cappittaine de l'ampire 325
Vint a siege devant la ville
Acompaigniez de trante milles
[1038}
Son oste estandars [et] ba[n]nieres
Et son campe mest a Valliere, 3 26
Loges, tavernes, hostelleries,
Puissance [et] grosse artherllerie
(1518)
324
Il s'agit de Franz de Sickingen (1481-1523). Ce personnage fait partie des chevaliers
d'Empire et il est autant mercenaire que brigand. Il se rallie à la religion réformée. Il
s'emploie surtout à partir de 1514 à piller et rançonner Metz ainsi que ses marchands. Il finit
par assiéger la ville d'août à septembre 1518; GANTELET, Entre France et Empire, Metz, une
conscience municipale en crise, p. 10.
325
Pierre Burtaux avait légué ses droits à Philippe Schluchterer, comte d'Effenstein et à Franz
de Sickingen (1481-1523). Ils assiégèrent la ville d'août à septembre 1518. Pour achever la
guerre, la municipalité décida de payer le départ des mercenaires. Quoiqu'il en soit les routes
ne furent pas plus sûres et les marchands messins ne purent fréquenter davantage la foire de
Francfort; Id., p. 11.
326
Vallière: Moselle, arr. etc. Metz.
237
[1039]
Les plaices tres malz deffendues
Furent incontina[n}t rendues
Cest assavoir Viller 327, Pontoy
Sorbellez 3 28 Estangz 3 29 [et] Montoy.
[1040]
La ville assiega de sy pres
Qu'il tirra au murs de Mets
Et tout dedent de tret de pouldre
Fort impetueux com[m]e fouldre
[1041]
Les bestes prindre[n}t dez villaiges
Et de feu fire[n]t grant dom[m]aiges
En maintes lieux p[ar] la constree
La chance fuit mal ronconstree.
[1042]
33o
Ce cappittain[n}e fort ou foible
N'estait gentilhom[m]e ne noble
Quatrevingt huit pourtoit en son escus
"'Sens nom ttltre que Franciscus.
327
Viller : Villers-Laquenexy : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Pange
328
Sorbey: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Pange.
329
Les Etangs: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Vigy.
330
Montoy : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Pange.
238
[1043]
Le Ringrave en traicta la paix 331
Mais sur la cite fuit la faix
Grant somme d'arge[n]t en co[n]vint t[ra]ire
Empruntez sur le popullaire. 3 32
[1044]
Le pouvre puple resiouy
Se retirrent au pays,
Car lez bestes en petit termine
Souffrirent a Mets grant famine.
[1045]
Ce cappitainne estoit causez
Faul [et} de pluseurs acusez
Quilz estoit de faulce eloquence,
Mais je nen scay la consequence.
[1046]
Depuis morut en grant destresse
Par trect de pouldre en sa fortresse,
De trois princes fuit assiegiez
Et de ses mesfaicts corrigiez.
Quant la duchesse de Loren[n}e fust a Mets logiee on Passetemps et le duc
passa p(ar] sur le pont Thiefroy allant logiez a Mollin retornans de saincte
Barbe
[1047]
Par mile cincents vingte troye
Passa par sur le pont Tyffroy
Tout du loing le duc de Lorain[n]e
Et sa noblesse en beau deme[n]ne
(1523]
331
Le capitaine d'Empire Philippe Schluchterer pillait tout le pays messin et en 1517, la cité
envoya une plainte à l'empereur. Celui mit le mercenaire au ban de l'Empire et de leur côté
les Messins mirent sa tête à prix. La rançon s'élevait à cent florins. En même temps il
cherchait à négocier la paix avec Schluchterer et ils demandèrent au Rhingrave d'Allemagne
de s'entremettre pour négocier la paix. Mais Schluchterer répondit par le défi et des sommes
exorbitantes. Il alla jusqu'à bombarder la ville. Ces coups de canon ne firent pas grand mal
mais les Messins furent très impressionnés. La paix fut obtenue le 7 septembre 1518 et les
Messins versèrent la somme de vingt-quatre mille florins d'or; WoRMS, Histoire de la ville
de Metz, p. 90, 91.
332
Après ces deux mois de siège, les Messins devaient donc payer le départ des brigands. La
ville depuis 1514 avait bien tenté d'organiser sa défense, mais ses habitants avaient montré
quelques difficultés pour participer à la protection de leur cité. En 1518, les habitants
accepteront de payer qu'à la condition d'être remboursés. Ils souhaitaient pour cela que leur
nom soit enregistré; GANTELET, Entre France et Empire, Metz, une conscience municipale en
crise, p. 22.
239
333
[1048}
En retournant de Saincte-Barbe
Son armee [et] son avan garde
A Mollin firent leur desjun
Par le nueufvieme jour de jung
[1049}
Et apres lui vint la duchesse
Aomee de grant richesse,
A Mets entra moult noblement
Fuit receupte honorablement.
[105'0}
En Passetempz 334 Oultre Muzelle
La princesse [et] ses damoizelles
En solas [et] en grant deduit
Furent la deux jours [et] deux nuict.
[1051}
Et quant prist son departeme[n]t,
Alla diner a sainct Clement
Apres diner monte aux arsons
Et retourna au Pont a Mousson.
De la grande geHee quil fist faire a la sainct Martin
[1052}
En cellui an cin cents vingt [et] troys
Commenca l'yver sy destroy
La vigile de sainct Martin
Que partout fist tres gra[n]t huttin
[1053}
Car il gela sy tres fortement
Qu'engelez furent lez froma[n]t
En terre par sy gra[n]t merveille
Que nulz n'avoit veu la pareille.
(1523]
333
Du 18 au 20 juin 1523, le duc Antoine de Lorraine, son épouse la duchesse Renée de
Bourbon ainsi que son frère François, accompagnés de près de 600 chevaux, se rendirent en
pèlerinage à Sainte-Barbe. Ils sont accueillis dans les châteaux de la noblesse messine. Le duc
n'entre pas dans la ville, car il est accompagné de beaucoup trop de monde, d'après lui. Dans
un premier temps, il séjourne au château d'Ancerville de Nicolas Raigecourt, puis à SainteBarbe chez Nicolas Baudoche. Il demande, en revanche, à son épouse de séjourner à Metz ;
Id, p. 30.
334
Cet hôtel avait été construit par Pierre Baudoche entre 1485 et 1488. Il était situé à
1' emplacement de 1' actuelle maison Sainte-Constance, entre la Moselle et la Vincentrue ;
PROST,« Le Passetemps »,L'union des Arts, p. 249 à 273.
240
[1054]
En vigne, en arbres, en masnaiges
Y heust par tout sy gra[n]t domaige
Ez fruictz cueilliez pour la saison
Gaiste furent en maintes maisons.
[1055]
Et puis sens grandz nesges ne pluie
Vindre lez eavves en tel deluge
Plus grandes en rivieres (et] estampz
Que n'avaient estez en cent ans.
[1056]
L'an mile cin cents vint quatre
Astrologiens vendaient lettres
Disant pronosticacions
Que tout seroit a perdicion
[1057]
Car la pugnicion de Dieu
Estoit prinse en plusieurs lieux,
Dont le puple estoit esbahys
Par plusieurs citez (et] pays.
[1524]
Fo 103 ro
[1058]
Mais plusieurs bons seigneurs d'esglises
Firent a Dieu de beaux servises
Et le puple en devolcion
Et Dieu leur fist remission.
[1059]
Et fuit le temp mieulx disposez
Que ilz n'avaient proposez
Qu'en Eu roppe le dernier climaux
Signifiaient moult de maulx.
[1060]
De mortalitez (et] de guerres
De fouldre [et] tramblement de terre
Des eavves en sy gra[n]t superflus
Et lez aultres brullez par feus.
[1061]
Dieu tourna leur philizophie
En simple philozofollies
Oncques hom[m]e ne sceut regle mettre
Que Dieu ne fuit par dessus mestre.
241
[1062]
Mais ceste annee malheureuse
Fuit au pouvres gents dolloreuse
Car le plus dez fruicions
Tomberent a perdicion.
[1063}
Le septieme jour de jullet
Estoit tant beau le vernilet
Et lez vignes en gra[n]t portee
Cellui jour furent tempestee.
Quant la maison du maistre d'hostel de Gorze fuit fouraige par lez muttins
[1064}
Et en y celle annee propre
A l'esglise vint g[ra]nt opprobre
Par ung augustin g[ra]nt docteur 335
Qui estoit grant predicateur
[1065}
A Mets prescha ung caresme
Devant g[ra]nt puple hommes [et] femmes
Qui en sa predicacion
Avoient grant devolcion.
[1066}
Les ordinaire par envie
Qui l'amoie[n]t mieulx mort que vie
Le prindre sy fort a hayr
Qu'il consenterent a le trahyr.
[1067}
Ung chan[n]oine malicieux
Parla a ung religieux
Du couvant d'icellui docteur
Lequel lui fuit fault trayteur
[1068}
Tant fist quille mena dehor
Et en receupt trente escus dor
Le livre a ses annemis
En piteuse prison fuit mis.
335
Jean Châtelain, moine augustin, originaire de Tournai.
242
{1069]
Pris d 'ung maistre d 'hostel de Gorze
Furieusement par la gorge
Disant : « chanoine suis de Mets
Ou tu ne rentreras jamais. »
Fo 104 ro
[1070]
« Tu
/1071]
Crois que tu en seras pugnis »
Lors l'emmenerent a Nomeny 336
En charxtre fuit mis saol on sain
Condempnez a l'eaue [et] au pain.
/1072]
Leans fuit des la penthocoste
Mal nourris [et] tres chier lui couste,
Jusque janvier onzieme jour
Le lendemain fina son cours.
/1073]
Les clercs le prindre[n]t a leur advy
Et de la fuit menez a Vy 337
Et brulez fuit de leurs conclus
Fuit tort ou droit, je n'en dis plus
[1074}
Monseigneur le grant com[m]andeur
De sainct Anthoine 338 sens demeur
Son exploit fais s'en vint a Mets
Servis fuit d'ung perilleux Mets.
[1075/
Par le jour de la sainct Felix
Fuit perdue raison [et] police
En ung turbe de villains matins
Laroncelz, pillairs [et] muttins.
336
337
as preschiez de nostre estat
Je te hay plus c'ung appostat
Et touchiez sur lez gents d'esglise
Maintenant te tiens a ma guise.
Nomeny: Meurthe et Moselle, arr. Nancy est aussi la prison de l'évêque.
Vic-sur-Seille: Moselle, arr. Château Salin.
338
Théodore de Saint-Chamont, vicaire général du cardinal Jean de Lorraine, abbé général des
Antonistes, a présidé à l'exécution de Jean Châtelain; WORMS, Histoire de la ville de Metz,
p. 94.
243
Fa 104 va
[1076]
Pippeurs) trompeurs) gents survenus
Iceux affamez [et] tout nus
S'assemblerent par grant moncelz,
Groullant) ruminant, com[m]e porcelz.
[1077]
Sens craindre Dieu ne le[ur] signeurs
Eschauffez [et) plain de fureur
A malvais conseil tous enclins
Sens penses ou gisoit la fin.
[1078]
Souldain com[m)e le tonoire tonne
Devant Phostel de sainct Anthoine
S'assambla une garnisons
Et efforcerent la maison
[1079]
Cuidant tuer le come[n]deur,
Mais p[ar] l'ayde de nos seigneurs
Qui estoient toussez amis
Fuit salvez de ses annemis.
[1080]
Et puis qua[n]t ilz vire[n]t leur falte
Ailleurs, ailleurs, aux aultres, aux aultres
Allons efforciez nostre noise
Sur le maistre d 'hostel de Gorze 339
[1081]
Aincy sens rymes ne raison
Fuit fouragie la maison
Plainne de biens innumerables
Et de richesse inestimable.
Fa lOS ra
[1082]
Car l'hostel estoit sy comblez,
De vin, de boix, d'awanne [et] bledz
Grande vasselles d'argent [et] d'or
D'habundant richesses [et] tresors.
339
Le chanoine Martin Pinguet, administrateur des biens de l'abbaye de Gorze et gouverneur
de cette ville au nom de Jean de Lorraine, abbé commanditaire de Gorze, a procédé par son
intermédiaire à l'arrestation de Jean Châtelain, Id., p. 94.
244
[1083]
Or fuit le tresor tost pilliez
Et le meilleur desperpilliez
Arches [et) couffres escraventez
La estait tres grand cualtez.
[1084]
Puis q(ua)nt to[us) biens furent vuidiez
Comme murdreux [et] oultrecuidiez
Destromperent fenestres [et] murraille
Sens lasser angons ne ferraille.
[1085]
Or par grace du sai[n)ct esperit
Fuit tantost ung grant conseil pris
Des seigneurs sens dilacion
De ceste tribulacion.
[1086]
Encherchient a leurs bougeais
Se contre eulx alcuns se bougois,
Mais ilz les trouverent bien fermes
Et puis lez firent mettre en armes.
[1087]
De nuict allant p[ar) la cite
Cherchant ceste mondicite
Et furent mis toussez mutins
En prison devant le matin.
[1088]
Pour radressier les forvoyez
Lendemain en furent noyez
Devant l'hoste! de sainct Anthoine
Trois des plus malvaise personne.
[1089]
Et plusieur de mort resplegiez,
L'ung bannis, l'aultre fmjugiez
Et tout le buttin reportez
Honteusement [et) tous nattez.
[1090]
Ung tas de folz mal ennortez
Mirent hors de captivite 340
De la cours l'esvesque ung prison
Dont ilz firent grand mesprison.
340
Les émeutiers avaient libéré Jean Védaste qui était Luthérien, Id, p. 95.
245
[1091]
L'an vintg cinq [et] quinze cent
Fuit le roy Francoy nom puissant
Et perdit sens paralisie
Ses forts mambres devant Pavie 3 41
[1092]
Car malheur lui fist tel destourbe
En le tombant desoulz la bourbe
Ou il cheust par fortune instable
Prisonnier soubz son co[n]questauble.
[1093]
En bataille d'esppees [et] de lances
En la grand puissance de France
Et la grand forces dez Franscois
Sy fors n'est qu'aussy fort ne soit
[1094]
Par la prouesse de Bourgoigne 342
Fust eschevee la besoigne
Et furent les François battus
Et leur hault orgueil abbatus.
[1525]
341
Depuis la victoire de Marignan en 1515, le roi de France, François 1er poursuivait le rêve
italien des précédents rois. Mais les défaites successives pendant les guerres qui l'opposaient
à l'empereur Charles Quint lui firent perdre le Milanais et Naples en 1520. Le roi réagit et en
1525 s'engage dans un conflit, qu'il perd à Pavie. Le roi est emprisonné à Madrid. Il rentre en
France seulement en mars 1526; JACQUART, François
p. 80.
rr,
342
Lors de son emprisonnement, le roi dû signer le traité de Madrid (1526) qui fait suite à la
bataille de Pavie. Une des clauses stipule que François 1er devait abandonner le duché de
Bourgogne au profit de Charles Quint, Id, p. 82
246
Du seigneur Humbert de Serrier 343 qui tua ung beucher a la porte
serpenoise
[1095]
Ainsy que fortune a son tours
Attournes en perilleux jours
Ou que son malheureux roy chies
Sont aulcuns en piteux meschief
[1096]
L'an cincq cens vingt cincq [et] mille
Ung noble homme hors de la ville
Devant la porte Serpenoise
Fuit souppris de tres apre noise.
[1097}
Par courroux et ch ault scens troublez
Fust d'entendement aveuglez
Luy jeune homme despris souldain
Fist ung coup mortel de la main.
[1098]
Neantmoins par grand sapience
Fut pris en bonne pacience
Et le cas si bien ordonnez
Que tous malz furent pardonnez.
l
,.;··
'
343
Les Serrières étaient originaires du marquisat de Pont-à-Mousson. Cette famille s'établit à
Metz au XIVème siècle. Humbert de Serrières, fils de Conrad de Serrière, chevalier en 1498,
fut maître-échevin en 1472 et 1492. Il est le représentant du paraige de Port-Sailly. Sa mère
Claude Baudoche est fille de Pierre Baudoche écuyer. Humbert était certainement écuyer et
seigneur de Saulny, probablement né en 1502. Il fut mrul:re-échevin en 1520. Il vivait encore
en 1540. On ne lui connaît pas de postérité; D'HANNONCELLES, «Metz ancien», t. Il, p. 246.
Humbert de Serrière se trouve aussi sur la liste des sept de guerre dont il est membre dès
1522. L'établissement des sept de guerre date de 1323. Les sept de guerre organisaient tout ce
qui était relatif à la guerre, c'est-à-dire l'engagement des troupes et des soldats, les opérations
tendant à repousser 1' ennemi ainsi que les traités de paix. Ces sept officiers étaient choisis par
voix du sort, un dans chacun des paraiges et deux dans celui du Commun. Leur charge qui
avait d'abord une durée de deux ans devint par la suite annuelle.
247
Quant Metius voullut mourir [et] de l'orde:nnanœ qu'il jist.... ... . . ... . ....
24
Quant [et] par quelz gens le pont des mortz et le pont thieffroy furent
faictz....... . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
25
De Octovian Empereur et de l'amphiteatre qu'il fist faire...................
26
Quant saint Pierre vint tenir son siege a Rome..................................
30
La conversion Mons[eigneu]r Saint Clement et comment Saint Pierre
l'envoya pardera............................................ .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . .
31
Cornent le Cerf 2 que les veneurs du prince chassoie[n]t en la forest
de gorze se vint rendre a S(ain]ts Clement.......................................
32
Co(m]ment le prince alla veoir le Cerf............................................... eodem
Co[m]ment Sainct Clement entra en la cité.......................................
33
Co( rn] ment Saint Clement resuscita la fille du Prince........................
36
Co(m]ment Saint Clement mist son etoile au col du serpent et
l'emmena........ .. . . . . .. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . .. . .
37
Co(m]ment Sainct Cle[m]ent fist faire l'esglise catedale qu'est Sainct
Piere au for dicloisoin ( ?) . .. . . . . . .. .. . . . . . .. . . . . .. . . .. . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . .. . . . •. . .. .. .
38
Prima sedes venie...........................................................................
39
Co[m]ment saint Aultre fust eveque de Metz.....................................
41
De Mons[eigneur] saint Servais........................................................
42
La guerre et destruction des Wandres.... .... .. . ... ...... .. ... . .. .... ... .. . .. . . . . ..
43
L'edification de l'eglise Saint Simphorien.. .. . .. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . .. . . . . . . .
46
Le duc Austrasius donna le nom en la province d'Astrasie.................
47
Co[m]ment la maisons de la haulte pierre et de la pierre hardie
furent faicte......................................... . . . . . . . .. . . . .. .. . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . .
43
De la place la ou on faisoit justice.................................................... eodem
1
Ce sommaire fut ajouté en même temps que la première continuation. TI y retrouve les
quatrains ajoutés. Ce sommaire commence au folio 24.
2
J'ai respecté la mise en forme de l'auteur et ainsi que les majuscules.
43
Co[m]ment la Vowerie de Mets vint a la citez et co[m]ment Nemecy
Baudoche grand almonier on grand moustiez par ung miracle
arguent la maison de l'amosnerie pour ung si grand almosnier a
toujiour mais................................................................................. .
Entre
45
et
49
Du duc Hervis pere a lorrain guerrin [et] Begne de Bellin qu'il eust de
la belle Beautrix............................................................................ ..
49
La fondation sainct Piere aux images dedans le moustier .................. .
52
Quand la grande eglise fust a commancee qu'estoit bien petitte
paravant...................................... .. ... . . . . . . . .. . .. . . . . .. . .. . .. . .. . . . . .. . .. . .. . .. . .. eodem
Quand l'eglise saint Arlout fut faicte ................................................. eodem
Quand Charlemagne fist faire n[ost]re Dame de Rabbay.................... eodem
Quant l'eglise Sainct Saulveur fust faicte........ ... .. .. .. .. . .. . .. . .. . . . . ... .. .. . .. eodem
Quant l'eglise Sainct Vincent fust faicte.... .... ... . . .. .. .. . .. . . .. ... .. . .. . .. . .. . .. . eodem
Quant l'eveque Bertrad establit les Amans........................................
53
Quant le corps de Mons[eigneur] saint Clement fust releve................ eodem
Quant les bannieres on Commung furent ablollies............................ eodem
Quant les templieres furent brusles........... .... ........ .. . .. . ... .. . ......... ... .. eodem
Quant le palais fust fait tout neuf.................................................... eodem
La guerre on Dudelange contre la citez.............................................
54
Quant le roy de Boheme vint a Metz................................................. eodem
Quant l'empereur et l'emperise vinrent a Metz dont la veille de noella
septieme lecon a matine. Il chanta sa couronne assemblee et l'espee
mis en la main................................................................................ eodem
Quant il fallut scavoir la richesse d 'ung ch[asc]un........ .. .. .. .. .... .. .. .. ... eodem
La guerre de Gondrecourt................................................................
55
La guerre de Pierre de Bairre..... ... ........ ...... ... ..................................
eodem
La guerre des Lorrains......................... . . . . . . . .. . . . . . .. .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . ..
56
Quant ceulx de Pierrefort vinrent au Champapanne la veille de
Sainct Sacrement despouiller les dames de Metz............................... eodem
Quant le peuple fust taillez trois fois pour ung an.............................
57
44
Quant les messains gaingerent le chastel de Soigne.......................... eodem
Quant deux gentilz hom[m]es ennemys de la citez furent decapites
devant le grand moustiez................................................................. eodem
Quant il y eust deux amans fm:juges........... .. . ... ... . . . . . . . . . . . ... . .. ... . . . . . .. . eodem
La guerre de sainct Germain............................................................
58
Quant mons[eigneur] saint Barnabez fist la paix entre les s[eigneu]rs
de Mets et l'eveque.......................................................................... eodem
La guerre du roy de Boheme duc de Luxembourg, du duc de Lorraine
du conte de Bar et de l'archevesque de Trieve contre la citez..............
59
Le siege devant Sampigney..... .. . .. . . .. .. . .. . .. . .. ... . .. . .. . .. . . . . .. . .. . ... .. . .. . ... ...
61
La dance de mons[seigneu]r s[ain]ct Jehan Baptiste.......................... eodem
La fondation de notre dame au champ des Ceslestins et de la
chapelle au champasseille.. .. . ... . . . . . . . . . .. . .. ... ... . . . . . . . . . . ... .. .... .. . . . . .. . .. . . . . . eodem
D'ung chanoine du grand moustier qui fut dix ans en prison qu'avoit
tue ung homme..............................................................................
62
Quant la bu lette fust ordonnee........................................................ eodem
Mutte reffondue deux fois pour ung an............................................. eodem
La guerre du duc de Juilliers........... ..... .......... .. . ... .. ............ .... .. ... .... eodem
La guerre de Luttanges et de Hettanges. ........................ ...................
63
La guerre du conte de sainct Paul.................................................... eodem
La guerre des Lorrains et des Allemands..........................................
eodem
Quant le duc de Barre fust prins a ligney.........................................
65
Le duc fist faire l'eglise des Carmes a Mets.......................................
66
La guerre des grans bretons................. .. . . . . . . .. . .. . . . . . . . . . . . .. . . . .. . . .. . . .. . .. . eodem
Institution de la feste sainct Saulveur... ....... ...... .................. ............
67
La guerre des quattres conte............................................................ eodem
La discension du peuple co[n]tre les s[eigneu]rs................................
68
La guerre de Salveme, Nassaue, Salme et de Boullay contre la cite.... eodem
45
D'une alliance qui fust faicte des s[eigneu}rs.. ......... .. .... ..... .......... .. ...
69
Quant on cuyda assailir Mets, escheeller Metz par le meschaille.. .. . . . .
70
La guerre du duc Charles de Lorraine..............................................
74
Quant Hanry de la Tour print le chastel de Mollin............................
75
La guerre de Messire Ferry de Chambley..........................................
eodem
Quant l'eglise des freres Bau de fut faicte et par qui...........................
76
Quant ceulx de Mets furent prinsjus des lorains au Wez le Houtton.. eodem
Co[m]ment apres que les lorrains eurent deffonces les vins au vaul
de Mets furent traictes par ceulx de la citez..................................... eodem
Quant les fonrrains paioie[n]t pour ch[ascu]n sepmaine ung denier...
77
Quant les marchans voulurent trahir la citez par le champ Nemmery. eodem
Une trahison du demesoux de Commercy.........................................
79
Quant les grosses bombardes furent faictes qui soulloient par un
dallain.... ................... ................................................ ...... .. ............
80
Une course faicte par aulcuns allemans........................................... eodem
3
Quant Jaicomin coppe chausse fut noies..........................................
80
4
Quant un capitaine de France vingt loger a Nowiant pour courrir la
terre de Mets..................................................................................
81
Encour de Demoisoux de Co[m]mercy.............................................. eodem
Mutte refondue encour une fois.......................................................
82
Une guerre des allemans................................................................. eodem
Quant Jehan de Chalon print Richart Many.....................................
83
Une guerre des allemans.................................................................
84
Quant ceulx de Mets allerent devant Fleville..................................... eodem
3
L'auteur ajoute ici un signe pour faire comprendre au lecteur que ce qui suit est inscrit dans
la marge.
4
A partir de ce titre, on reprend la lecture dans le corps du texte.
46
La guerre du roy de France Charles Septiesme et du roy de Cecilie.....
85
Quant la porte des allemans fust faicte.. .. . .. . .. . . . . .. . . . . .. . .. . .. . . . . . . . .. . . . . . .. .
86
Quant la croix du Pont des mors fust faicte et qui la fist faire............
87
Quant on renouvella les angevines................................................... eodem
L'entree de l'evesque George de Baudes en Mets...............................
88
La division des chanoines de Mets...................................................
89
Quant on donnait la quarte de vin pour une angevine.......................
91
La guerre du Nicollas de lorraine...................................................... eodem
La guerre de Gratiain Desguerres.....................................................
93
Quant l'empereur Frederich vint a Metz............................................
94
Quant le Chastel de Pantois fust prin s............................................. eodem
La guerre de Richemons................................ .. . . . . . . . . . . . . .. . . . .. .. . . . . .. . . . . . eodem
Quant le clochier de Mutte fust faict de pierre...................................
95
La guerre du duc Regnez de Lorraine...............................................
eodem
Quant furent co[m]mences les trois cœur de la grande eglise.............
96
Quant l'empereur Maximilian fust loges en passetemps. ... . . .. . .. .. . ... . . .. eodem
Le co[m]mencement de Jehan de Landremont...................................
98
La guerre de Franciscus....................... .. ....... .................. ... .............
100
Quant la duchesse de lorraine vint a Metz loger en passetemps et le
duc passa par dessus le pont Thieffroy allant loger a Mollin a leur
rentrans de S[ain]cte Barbe.............................................................
102
Quant la maison de gommendeur de Gorze fust pillez.......................
103
Quant le Roy François fut devant Pavie...........................................
105
5
Quant le jube du gra[n]d moustiez fust faict.....................................
106
Quant tous les portiers furent rechangies................ .... .. ... .... . . . . .. .. . ... eodem
5
L'étude du manuscrit 848, s'arrête ici pour la période étudiée. La suite fait l'objet de la
continuation.
47
Quant abbatant les jardins devant les portes ................................... .
eodem
Quant l'ouvraige devant la porte aux allemans et le pont Reingmont
fust faict . . .. . .. . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . .. . . . . . . . . .. .. . . . .. . . .. . . . . . . . . . . .. eodem
Entre
D'ung cerf qui entrist par dessoubz les haires on moyen pont en 1o6 et
Mets.............................................................................................
107
Quant le marquis de Baudes espousa en passe temps......................
107
Quant le tabernacle fust faict dessus le grand autel du grand
moustiez. .... .. . . .. .. . . . . .. .......... ... .. . .. . .. . .. . . . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .... . . ... . . . ...........
108
De la niche du grand moustier......................................................... eodem
Combien l'on voullent de Mets d'icelle anviche ( ?)............................
109
La premiere fois que l'empereur Charles cinquieme entrist en Mets....
110
Du s[eigneu]r Martin de Hen.. .. ... . ...... .. .. .. .. . .. ... .. . ... ... ... . .... . . .. . .. . .......
111
Du s[eigneu]r Claude Baudoiche......................................................
112
Quant le tresorier de Metz fust esleu doien de la grand eglise par la
mort de Jehan Baudoiche.. .. ... ... ... ... . ... .. . .. . ... ......... ... ... . . ......... ... . ... . eodem
Co[m]ment le dict doiennez vacquit encour une fois et de l'election
faicte alors.....................................................................................
113
Quant les protestans envoyerent leur ambassade a Metz................... eodem
Du maistre eschevin lors Gaspar de Heu..........................................
114
Du s(eigneu]r Androyn Roucel.........................................................
115
48
<<
Les croniqz de la cité de Mets depuis le co[m]mencement de la fondacion et
de quelz gentz elle fuit enco[m]mencié et en quelz tempz »
[1]
Dieu soit a mon com(m]encement
Et la vierge secondement
Tous saincts et saintes [et] to[us] les anges
En aient toux gloire [et] louvenges
[2]
Adam 6 qui fuit le premier hom[m]e
Nous dampna tous po[ur] une pom[m]e
Mangee en paradis terrestre
Et ne pooit que de terre estre.
[3]
Pour son péchiez tout fuit perilz
Subges d'estre en terre pourvis
Et tous a la mort condempnez
Tant que sont d'Eve 7 [et] d'Adam nez
[4]
Tant furent malvais lez humains
Malvais avant pirex demains
Usant de pechiesz en pechiesz
Que Dieu lez fist tous despeschiez
[5]
Quant Dieu heust sentence rendue
D'estre destruitte [et] confondue
Nature et toutz humain lignaiges
Il reserva huictz parsonnaiges
6
Gen. (/, 3), (II, 4-25).
7
Gen. (Ill, 20).
49
{6]
Noe s sa fem[m)e (et] ses trois filz
Et leurs trois fem[m]es [et] puis il fit
Une arche pour estre a refuge
Au passer l'horible deluge
{7]
Tout le resta gens desvoyez
De raison furent tous noyez
Ainsy l'avait Dieu ottroyez
Que le lieu en fuit nettoyez
[8]
Apres la grand destruction
D'humaine generacion
Noe fist restauracion
En grand painne [et] affliction
[9]
Le bon Noe tant Dieu pria
Que son puple multiplia 9
Qu'ava(n]t sa mort il vit la som[m]e
De vinte quatre cent milz hom[m}e
[10]
Ses anffans po[ur} Dieu deffier
Com[m)encerent a ediffier
Une tour magnifficq{ue) [et] belle
Et fuit nommee Tour Babel to
8
Gen. (V, 28-32,6,9-22). Noé est fils de Lamech et petit-fils de Mathusalem. TI est compté
parmi les dix patriarches antédiluviens. Dieu lui fit connaître son dessin de châtier les
coupables et lui ordonna de construire une arche. Elle devait être, durant le déluge, un lieu de
refuge pour lui, sa famille et les animaux qui seraient épargnés; Dict. de la Bible. L'auteur
rattache les origines messines aux temps bibliques.
9
Nous descendons tous de Noé, seul survivant du déluge avec ses fils. Le caractère sacré des
textes ne permet pas de mettre en doute ces affirmations. Les ancêtres des Grecs et des Latins
sont eux aussi des descendants de Noé qui ont camouflé sous des surnoms leur véritable
identité; DUBOIS, Celtes et Gaulois au XV/ème siècle, p. 23-24.
10
Gen. (XI, 1-9), Selon la Bible, après le Déluge, les hommes parlaient une langue unique et
vivaient groupés dans la terre de Sennaar, en Babylone. lls voulaient bâtir une ville avec une
tour dont le faîte irait jusqu'aux cieux. Mais cette entreprise déplut à Dieu qui confondit leur
langue, puis les dispersa sur la surface de la terre; Dict de la Bible. On trouve dans la
Chronique de Philippe de Vigneulles, t. I, p. 9, que Dieu confondit les langues« en l'an du
monde /730 ».
50
[11]
Avant que celle tour fuit faicte
Leurs langues fure[n]t contreffaicte
Que l'un l'aultre point n'entendoit
S'il donnoit ou s'il demandoit
[12]
Par rigueur tout appertement
Prindrent tous leurs desparteme[n]t
En allant par grand legions
Tous en estranges regions
[13]
Adam [et] Noe qui fist l'arche
Abraham 11 [et] lez patriarches
Et tous lez aultres anciens peres
Ont veu merveille sur la terre
[14]
Apres celle division
Partire[n]t par conclusion
De celle tour de Babillonne
Quatres tres nottanbles 12 parson[n]es
[15]
La premiere estoit une fem[m]e
Fille de Noe sueur de Sem
Et du dis Sem trois seigneurs
Tous trois ses filz digne d'honneurs
[16]
Celle dame heust nom Azita
Que ses trois nepveu visita
Le premier fuit nom[m)ez Geleth
L'aultre Jazelle tier Zelech, 1a
11
Gen. (XI, XII, XIV) descendant de Sem dont il est séparé par dix générations, il est le père
des Hébreux; Dict de la Bible.
12
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz a repris dans les annales messines le passage de
la venue des quatre notables personnes d'origine biblique qui viennent de Babylone. Tous les
auteurs qui ont écrit une histoire de Metz pendant la période de 1515 et 1530 évoquent les
origines bibliques de Metz; CHAZAN, Frontières (?),p. 208.
13
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz semble avoir trouvé des informations
concernant Azita et ses trois neveux: Geleth, Jazel et Zelech dans une source aussi utilisée
par l'auteur de la chronique anonyme du XYlème siècle dont Prost dans Les Légendes, p. 445,
a restitué quelques passages; CHAZAN, Frontières (?),p. 208.
51
[17]
Ses quatres prompts [et] diligens
Acompagniez de maintes gents
Se myrent en chemin et envoye
Come[n]t Dieu ses amis convoye
[18]
Tant chemineent par le monde
Par terre par eaue et par undes
Qu'il reposerent en ung lieux
Qui puis fuit nommes Mons des dieux
[19]
Tous se partirent en ung tempz
En travaillant dix septs ans
Par le monde en pluseurs propos
Sans trouver aise ne repos
[20]
Tant cheminerent monts [et] valz
Estez yvers [et] froyt [et] chault
Qu'ilz se trouverent en une place
Dieu les y trasmist de sa grace
[21]
La aresterent en bon propos
14
A grant salas et a repos
Menant petitte menandie
Et maints batus de maladie
14
Le nom de Mont des Dieux que les neveux d' Azita donnent à leur nouvelle cité renvoie au
nom de Dividunum que des nouveaux venus donnent à la cité au quatrain 44, v.4, «La cité de
devis d'ung hom[m]e 1 suit nommée Dividunum ». C'est au X.Ième siècle, pour la première
fois dans son Eloge de la ville de Metz, que Sigebert de Gembloux donne ce nom de
Dividunum à la ville. Il indique l'étymologie du nom en expliquant que dans la langue
gauloise Dunum signifiait: Mont. Il compare ce nom avec d'autres, notamment celui
d'Autun, qui devait se nommer Augustidunum et qui signifiait en langue celtique le Mont
d'Auguste. Dividunum devient alors le Mont des Dieux. Dans l'Antiquité, la cité avait un
nom peu différent: celui de Divodurum. Ce nom est évoqué par Tacite (Hist., 1, 63, p. 50) et
il figure aussi dans les différentes cartes d'itinéraires du IDème siècle, notamment l'Itinéraire
d'Antonin qui a été copié à Metz dans la première moitié du X.Ième siècle. Sigebert de
Gembloux a peut être eu la possibilité d'accéder à ce manuscrit. Toutefois, il n'évoque pas le
nom de Divodurum, mais bien le nom de Dividunum. Cette altération est peut être de son fait~
CHAZAN, «L'Eloge de la ville de Metz», p. 449, 450. Cette interprétation s'est par la suite
retrouvée dans la Chronique française des évêques de Metz qui fut traduite en langue vulgaire
au X:Vème siècle et servit de source aux différents auteurs qui rédigèrent l'histoire de Metz à
la fin du XVème siècle : « Premierement elle fut appelle Dividum cest a dire cite dedans pour
ce quelles haultes de murs de tours et de ediffices. »,Metz, BM 855 f> 212, c. 3.
52
{22]
La trouvere[n]t sy tres doulx aire
Fruits de bon goustz [et] debo[n]naire
lasserent desolacion
Et prindrent consolacion
[23]
En devisant la leur estaige
Disant vecy beau heritaige
Pour nourrir vendenges [et] moisson
Et bonne riviere a poissons
[24]
Et trouvere[n]t encor d'ava[n]taige
Beau champ beau boix [et] bon fruictaige
Pour nourrir char [et] bestes alainne
Belle montaignes [et] belles plainne 15
[25]
A Dieu firent le[ur) sacriffice
En com[m)anssa[n]t beaux ediffices
De pluseurs noms [et] puis apres
Maintenant est nommee Mets 16
[26]
Ses trois seigneurs [et] celle dame
Encom[m]encere[n]t en cellui terme
La noble edifficacion
De Mets et la fondacion
ts Dans sa Chronique, t. 1, p. 9, Philippe de Vigneulles décrit la région ainsi : «Considérant
plusieurs lieux, resgardant de touttes part les bas, les vallées, les montées et descendus des
costes et la haulteur des montaignes, vindrent en une montaigne essés belle et hau/te et plaine
de boix, pourtant fleurs et fruits, fréquentée des oyzeaulx, couverte de aer attrempée, moderée
et plaisante, bien et biau environnée diviséement de deux rivières venant de midi et
d'orient ... ».
16
La cité de Metz est citée dans les textes antiques. Elle est mentionnée pour la première fois
dans un écrit de Tacite (Hist. ; I; 63 ; 1), qui l'évoque à l'occasion de troubles qui se sont
déroulés dans les années 68-70 ; GAUTH1ER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule,
p.39.
53
[27]
Ilz firent premier troys chasteaux 17
L'ung apres l'aultre sy tres beaux
Qu'il n'y avoit sens nulles faulte
Chose en 1'ung qui ne fuit en l'aultre
[28}
Quant ses trois chasteaulx fure[n]t fais
A leur voulloir fort [et] parfait
Plus riches estoie[n]t a leurs calme
Qu'on n'este maintenant du royalme
[29]
Lors Azitha la noble Dame
Leur dit mes anffa[n]s p[ar] vos ames
Je vous ay servis servez moy
Chescun est au monde pour soy
[30]
Tous respondire[n]t d'ung acord
Vous estes n[ot]re reconfort
Tout vostre voulloir nous ferons
Commandez [et] nous servirons
[31]
Par son voulloir tres difficile
Plain de gra[n]t sens artifficile
Fist commencier œuvre mirable
De grant puissance innumerable
1s
17
Les fils de Sem construisent à Metz trois châteaux, dont on prétendait, longtemps après,
retrouver leurs traces dans les ruines qu'on observait au sommet de la montagne de Jurue. Ces
ruines se trouvaient en un lieu occupé par la cour de l'évêque, et un peu plus bas, dans une
antique maison des chevaliers de saint Jean, construite sur un escarpement qui dominait le
cours de la Moselle. On accédait à ces trois emplacements par la maison des carmélites, près
de la place sainte Croix, par le marché couvert et par l'îlot de maisons qui domine l'abreuvoir
de sainte Marie; PROST, les Légendes, p.123.
18
Dans sa Chronique, t. I, p. 8; Philippe de Vigneulles donne la date de la construction de la
première enceinte de Metz. Elle correspond à la construction des trois châteaux de
Mommélians. Cette construction selon le décompte du chroniqueur aurait eu lieu en l'an du
monde 2659, soit 417 ans après le déluge. L'auteur des Chroniques de la cité de Metz donne
aussi la date de 2659 au q0 41 v0 3 et 4. Mais cette date correspond à la fondation de Metz et
non pas à celle de la construction des trois châteaux.
54
[32]
Celle notanble damoiselle
Fist faire ung pont dessus Muzelle
De sy tres grant magnifficence
Qu'il valloit d'un roy la puissance
19
[33]
Ce pont fuit de montaignes a aultres
Sur forts arches molt grosses [et) haultes
De la longueur tant qu'elle dure
Chescun en puet voir la mesure
[34]
Quant son œuvre vit aschevee
Et ses arches haulte eslevee
Dit j'ay de mon voulloir joy
Et dit ons les arches a Joye
[35]
Et ceste edifficacion
Fist pour la dubitacion
Du deluge craindreme[n)t revenir
Du quel doit ch[ac)un souvenir 2°
19
Ce sont les Arches de Jouy. Celles-ci subsistent encore, en partie près du village du même
nom. Les magnifiques arcades, semblables aux débris d'un pont gigantesque, durent
naturellement, au moyen âge, exciter l'imagination des gens qui pouvaient ignorer leur
première destination. La tradition de leur origine romaine existait cependant ; PROST, les
Légendes, p. 123.
20
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz n'est pas le seul à évoquer la peur que les gens
d' Azita avaient de voir revenir le déluge. Philippe de Vigneulles évoque lui aussi dans sa
Chronique; t. I, p. 12; cette légende: «Craignant que le déluge ne advenist encor, pour
resister à l 'innundacion des eaues et pour passer seurement et sechement des montaignes en
montaigne, fist construire de grant pierres de haultes arches ».
55
[36]
Noel fuit susnommez Galus 21
Et de lui vinte Galatus 22
En Gaule print son second nom
Dygne pais de grant renom 23
[37]
Samothee d'Europe fuit roy 24
A mis que fut onquez charrez ni charroys
Ne charue ne moulin ne four
En Europe regna son tour
[38]
Mais avant que fuit Samothee
Estoit jay la cite de Mets
Dicte alors Dyvidorum
Gouverne de nobles hom[m)es
[39]
De la grace du Sainct espit
~
sn
livres escript
s op1n1ons des
f s a
Corrigiez desoubz la rouette
tremr nw 'liWVI:
21
Selon l'interprétation des écrivains du XVIème siècle, le prenùer d'entre les hommes qui
eut le nom de Gallus, fut le patriarche Noé qui surmonta les ondes durant le déluge. Tous
ceux qui sont issus de lui peuvent être nommés Gaulois. La France est dite Gaule, car le .
prenùer roi gaulois est Dis Samothés et il descend de Noé ; DUBOIS, Celtes et Gaulois au
XYlème siècle, p 97.
22
Selon Jean Lemaire de Belges, Galateus est le fils d'Hercule Lybien et roi des Gaules; Id,
p. 98.
23
Les quatrains n° 36, 37 et 38 ont été écrits en bas du folio 4. L'écriture est petite et difficile
à lire. J'ai numéroté les quatrains de cette manière parce que c'est ainsi que tous les copistes
les ont intégrés dans les autres manuscrits étudiés. Cette manière de faire se retrouvera par la
suite à plusieurs reprises. L'auteur a certainement ajouté postérieurement ces quatrains
pendant l'écriture du manuscrit. Il a dû le faire à chaque fois qu'il trouvait de nouveaux
renseignements sur les thèmes évoqués. Cette manière de faire permet de penser que ce
manuscrit est en quelque sorte un brouillon, comme cela a été évoqué dans l'introduction.
24
Samothés appelé aussi Saturne ou Dis, enseigna les bonnes lettres, ainsi que la religion aux
Gaulois en utilisant la langue qui plus tard s'appellera le Grec; DUBOIS, Celtes et Gaulois au
XVIème siècle, p. 50. Selon Jean Lemaire de Belge, la Gaule est peuplée dès l'origine par le
peuple de Samothés. Dans son livre : Les Illustrations de Gaule et singularités de Troie les
Gaulois sont les ancêtres des Troyens. Ce remaniement permet aussi de relier les Gaulois aux
origines bibliques. Jean Lemaire de Belge assure un lien entre deux traditions rivales l'une
laïque et troyenne et l'autre chrétienne et davidique; BEAUNE, Naissance de la nation France,
p. 37.
56
[40]
Ceulx li ont escript lez vray termes
Et apres leurs dit je m'afferme
On lieu de plus certainnes hystoire
En escripre ung peu de memoire 2 5
[41]
Selons les termes poetticq(ue]
Mets est sy vielle [et} sy anticqz
L'an du monde vint six cents
Cinquante nueufz fuit co(m]a[n]sant 2 6
[42]
Ce fuit apres le grant deluge
Ainsy que l 'Escripture juge
Quatrecens (et] dix septs ans
Fuit commencee en cellui tempz
[43]
Or retournons au parsonaiges
De nos gens [et] de leur ouvraiges
C'estoient curieuses gents
De labourer fort diligents
[44]
En leur edifficacion
En grant multiplicacion
Assemblerent, se dit la lettre,
Qu'il ne scavoie(n]t ou le[ur]s biens mettre
25
La recherche des origines est chère aux écrivains du XVIème siècle. Elle est liée à un
besoin de s'orienter dans le temps comme on s'oriente dans l'espace; DUBOIS, Celtes et
Gaulois au XVlème siècle, p. 19-20. L'auteur fait référence à ce souci qu'ont les écrivains du
XVIème siècle de découvrir leurs origines. Ces dernières permettent d'expliquer le destin de
la cité.
26
Sur la date de la fondation de Metz, chaque auteur donne sa version. Cette date s'établit
d'après celle de la création du monde. Dans sa Chronique, t. I, p. 4, Philippe de Vigneulles
nous décrit les sept âges du Monde. A partir de ces différents âges, les auteurs procèdent
chacun à leur propre décompte. L'auteur des Chroniques de la cité de Metz donne la date
suivante à la fondation de Metz : 2659. Philippe de Vigneulles calcule de manière différente.
Pour lui, Azita est arrivée sur le sol messin en l'an 1787. Antoine Esch ne donne pas la date
de la fondation de la cité, mais celle de la construction de la première enceinte de la ville qui
aurait eu lieu en 2067. Il parle aussi de l'arrivée de quatre héros, lesquels construisirent trois
châteaux. La Chronique anofl)'11'1e du XVlème siècle donne deux dates pour la fondation de la
ville parce que les calculs sont établis de manière différente. 93 5 après la création du monde
ou 2659 d'après les interprètes; PROST, les Légendes, p. 445.
57
[45]
Se leur survint ge[n]ts estrangiers 2 7
Demanda[n]t avec eulx lagier
Lesquelz benignement receuprent
Et ensambles leurs amis furent
[46]
Par peu de lieux necessitez
Fuit de ragrandir la cite
La firent ragrandir [et] doire
Asseurez furent com[m]e en gloire
[47]
Ces nobles noveaulx survenus
Quant ensambles fure(n]t co[n]gneus
La cite du devis 2s d'ung hom(m]e
Fuit nommee Dividunum 29
Longo Dividunum precessit tempore Roman ao
27
Dans sa Chronique, t. I, p. 10, Philippe de Vigneulles donne les noms des étrangers qui sont
au nombre de quatre et se nomment ainsi : « Cérébés, Mèfrès, 1hémosis et Horus ».
28
Dans sa Chronique, t. I, p. 50, Philippe de Vigneulles évoque le fait que saint Clément avait
établi l'église Sainte-Croix, il ajoute «lequel lieu estoit là où anciennement adoroeint les
ydolles. Pour ce que le glorieux luy preschant en ce lieu qui est le mont des Dieux où ce
adoraoit Jovis ».
29
Ce nom de la cité aurait selon ce qui est écrit au quatrain 18, la signification suivante : Le
Mont des Dieux. Rappelons que l'étymologie est une des grandes « passions » du Moyen
Age. Connaître l'origine du nom, c'était comprendre d'où il venait et surtout ce qui allait
advenir de lui. Comme si le nom portait en lui toute la destinée d'une cité ou d'un peuple;
GUENEE, Histoire et culture historique, p. 184, 191.
30
Les citations en latin doivent être reprises. L'auteur ne maîtrise pas cette langue et recopie
en faisant des fautes. Il faut lire «Longo Dividunum pr~dit tempore Romam ». Philippe de
Vigneulles donne aussi ces citations dans sa Chronique. Comme il ne connaît pas le latin, il
s'est fait traduire ces citations.
58
[48]
Et pour lez sorvenans moins craindre
La firent de muraille cendre 31
Tout alentour fors ung quartier
Pour ragrandir qua[n]t sera mestier
[49]
Pour l'oeuvre plus magniffier
Firent une tour edifiiez
Ung piller on fond de la tour
Et escriptz de lettre alentour
[50]
D'or estait l'escript magnifficq[ue]
En lettre latine [et] anticq[ue]
En intencion actuelle
De memoire perpetuelle
Hec est soructura nobilium
que processu temporis defficiente
justicia convertitur ad innobilles 32
[51]
Et puis quant le[ur] cite fuit cloze
Les noms donnere[n]t a plus[ieur]s choses
Chescune selons sa matiere
Premierement au deux rivieres
31
Bien qu'il soit difficile de déterminer la date de construction des premiers remparts, on peut
estimer que cette dernière survint après le milieu du Illème siècle. Son tracé aujourd'hui est à
peu près assuré. Il englobait la butte Nord, utilisait le mur extérieur des thermes du musée
(quartier sainte-Croix), il suivait à l'Est le trajet dont la rue des murs a conservé le souvenir.
On le retrouvait en Fournirue. Il passait aussi à l'emplacement du parking souterrain du
Centre Saint-Jacques. Il continuait parallèlement à la place Saint-Louis. Les maisons à l'Ouest
de cette place sont adossées au mur antique. Le mur rejoignait le chœur de Saint-Martin et se
retrouvait vers le Tour Camoufle d'où il tournait vers l'Ouest pour rejoindre la Tour d'Enfer.
De là, il remontait vers le Nord en suivant la ligne du relief qui surplombe la Moselle,
englobant la basilique Saint-Pierre-aux-Nonnains et l'actuel Palais de Justice. Le petit
amphithéâtre devait certainement faire partie du système défensif Cela suppose que l'église
Saint-Victor était au départ hors des murs ainsi que la place de Chambre. Cette enceinte
enserrant 70 ha environ, fut édifiée grâce, entre autre, à la réutilisation des matériaux
provenant du grand amphithéâtre. Cette constatation permet de penser que cet édifice avait
cessé d'être utilisé pour les jeux; GAumiER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule,
p. 40.
« Haec est structura nobilium quae deficienfÙ,lstitia conv~etur ad innobiles » ;
Tabouillot, Histoire de Metz, p. 15.
32
59
[52]
Car Mouzelle de sa nature
Entre mons courtz ta[n]t q[u'e)lle dure
Et pour lez monts la cause est celle
Pour quoy heust le nom de Monzelle
[53]
L'aultre riviere dont elle sourde
Est tousiours lente coye [et] sourde
Et court tant par eaulle sallee
Pour le sai fuit Salle appelee, 33
[54]
Apres plusie[ur]s noms raisonnanbles
Consequem[m)e[n]t bien convenanble
Ordonnement par droitture
Chescun nom selons sa nature
33
La Moselle et la Seille étaient toutes deux navigables et elles permettaient la circulation
privilégiée de marchandises. Le port de la Seille a donné naissance au faubourg de Port-Sailly
qui donna son nom à l'un des paraiges; GAUIHIER., Topographie Chrétienne des cités de la
Gaule, p. 40. Dans sa Chronique, t. I, p. 11, Philippe de Vigneulles écrit au sujet de la Seille
« Et l 'aultre venant de devers Oriant, fut par eu/x appelée Saille, pour cause que celle partie
d'yawes vient de saline et yawes sallées. La région du Saulnois était riche en sel et les
évêques de Metz étaient détenteurs d'une partie des salines. Du Saulnois, une partie du
commerce s'orientait vers Metz. La Seille et la route romaine se partageaient le trafic. Les
évêques payaient des redevances en sel aux maîtres-échevins. Les établissements
ecclésiastiques qui possédaient un excédent de sel, 1' écoulaient sur le marché de Metz. Les
transactions se faisaient en Saulnerie qui bordait la rive de la Seille. Le long de la HauteSaulnerie, on avait creusé des caves dans la pente qui dominait le cours d'eau. Les richesses
minières du Saulnois servaient au XIVème siècle à donner des gages aux financiers messins
qui tentèrent d'attirer à eux les produits des salines épiscopales. Cela fut possible grâce à
l'endettement des évêques; SCHNEIDER, La ville de Metz au XIII et X!Vème siècles, p. 219,
220.
60
[55]
Apres cellui tempz longue espace
Enssy qui tempz [et] terme passe
Sorvinrent cincq estrangers seigneurs 34
Que leurs firent tres grant rigueurs
[56]
Ses cincq seigne[ur]s sans congiez
Voulloie[n]t en la cite logiez
Et avoir le lieu d'avantage
Com(m]e sur leurs propre heritaige
[57]
Premier Eneas (et] Ancus
Silvius (et] Ascanius
Carpentus qui sont noms salvaiges
En nostre robuste langaige
La premier guerre q[ue) fuit org[anisee] co(n]tre la cite de Mets
[58]
La cite estoit jay fermee
Et de murailles environnee
Fors ung lieu fermez de pallis
Par ce lieu furent assaillis
34
Ces étrangères sont au nombre de quatre dans l'Epitome d'Antoine Esch. En revanche, dans
la Chronique anonyme du XV/ème siècle éditée par Prost «Les légendes», p. 453, on compte
neuf personnages : « Desquelx nobles en y eust neuf principault riches et puissant qui par
leurs puissances et richesses augmentèrent fort la cité, et se nommoit assavoir le dit Serpanus
et son frère Léopardus, Baudocius, Reguillonus, Grona/dus Mélandus, Do/bus, Aurénus et
Chaversonus ». Ces neuf personnages sont aussi évoqués dans les Chroniques de la cité de
Metz, mais l'auteur les évoque plus tardivement: à partir du quatrain 136. Dans sa Chronique,
t. 1, p. 13, Philippe de Vigneulles relate l'arrivée de nouveaux personnages. Il date cette
arrivée de l'an 3106. Ils sont au nombre de cinq et sont chevaliers de trois nations, c'est à dire
les« Ehreux, Egipciens et Allemans». Ce fait est évoqué par l'auteur des Chroniques de la
Cité de Metz au quatrain 63. Philippe de Vigneulles nomme ces étrangers ainsi : « Eneas,
Astanius, Silvius, Carpantus et ancus». Pour lui, il s'agit de la deuxième arrivée de Troyens.
Dans les différentes chroniques, ces personnages représentent les premières vagues d'arrivée
des Troyens sur le sol gaulois. Cette présence des Troyens est donc très ancienne. Les Gaulois
sont alors rattachés aux Troyens et tout aussi vénérables que les Romains ou les Grecs. Ce ne
sont plus seulement des ancêtres vaincus par Jules César.
61
Ycelle assallie fuit faicte en la rue qu'on dit Force faicte et pour ce en port le
nom.
[59]
Mais des citoyens redoubtez
Furent rudeme[n]t rebouttez
Neantmoin d'estocq[ue) [et) de taille
Y heust tres cruelle battaille
[60]
La y heust si mortelle enco[m)bre
Que de chescu[n] morrut g[ra)nt no[m)bre
Et apres quant firent retraitte
Ce lieu heust a nom Force faicte
[61]
Ses estrangier dirent en despit
Nous prandrons dilas [et] respit
Et ediffiicerons pour nous
Et temporisons com[m]e vous
[62]
Ung chasteau frrent ver mydy
Ainsy com[m]e Hz avoient dit
Tout pres [et] pour sçavoir le signe
L'esglise est de saincte Glossine ss
35
Ce château fut construit sur l'emplacement occupé plus tard par l'abbaye de Sainte
Glossinde ; PROST, les Légendes, p.l26. Sainte-Glossinde est considérée comme l'une des
fondations monastiques les plus anciennes. C'est vers 604 que Glossine, fille du duc Vintron
établit une abbaye à l'angle sud-est de la muraille romaine, à l'intérieur de la ville, «un pieux
asile qui fut bientôt peuplé de cent vierges consacrées à Dieu ». Cette fondation a lieu sur un
bien familial. La vie de la sainte nous est connue par deux Vitae. La première anonyme, aurait
été composée peu de temps après la mort de l'évêque Wala à la bataille de Remich en 882. La
deuxième Vita est plus littéraire et plus élaborée. Elle est due à Jean, Abbé de Saint-Arnoul de
Metz au Xème siècle. L'essentiel de la vie de la sainte telle qu'elle se déroule dans les deux
biographies fait référence à un sentiment religieux proche de la ferveur et à une situation
politique particulièrement agitée, puisque c'est l'époque durant laquelle les rois mérovingiens
de Neustrie a.fl.Tontent leurs rivaux d'Austrasie. Jean de Saint-Arnoul insiste sur la noblesse
des origines de la sainte. Cette dernière meurt le 25 juillet 610. Elle est ensevelie à l'église des
Saints Apôtres qui devient plus tard Saint-Arnoul. Vers 836-840, l'évêque Drogon fit
transférer ses reliques dans l'église même de l'abbaye. Au printemps 1473, la ville est
menacée par les Lorrains. On fit alors abattre « toutes les maisons et édifices du monastères
qui touchaient aux murailles de la cité » ; FRAY, Le temporel de 1'abbaye bénédictine de
Sainte-G/ossinde de Metz, p 10 à 15.
62
[63]
Tout pres firent leur mendon
Gens de diverses nacions
Hebreeux Egipciens Allemens
En rengnant tous egallement
[64]
Ces cincq seigne[u]r ta[n]t terribles
Devindrent apres sy passibles
Que tout fuit en paix remis
Et furent au citoyens amis
[65]
Des Hebreux natifz de Heber
Vint ung anffant no[m]mez Treber
Et de Treber Trebetha
Qu'an fonder Trieuve s'appresta
[66]
Trebetha par penne [et] aham
En l'an sixieme D'Abraham
Aincy que l'escripture preuve
Commansa a construire Trieuve 36
[67}
Ses anciens parrans [et] amis
Furenr extrais de Semiraimis 37
Dame [et] royne instituee
De Babillonne ou fuit tuee
36
D'après la Chronique de Philippe de Vigneulles, t. 1, p. 8, Trèves fut fondée au temps
d'Abraham, par Tréber venant de Dividunum, selon les auteurs en 525 après la fondation de
Babel, 13 ans avant la construction de Rome et 1825 ans après la fondation de la cité de Metz.
Selon Philippe de Vigneulles, cela correspond à 3404 ans après l'an du monde. Mais, p. 13,
t. 1, il ajoute que Tréber descendait de ces cinq seigneurs qui étaient venus assiéger Metz
(quatrain 57) et que Treber était aussi allemand. Philippe de Vigneulles ajoute une autre
version, dans sa chronique. Celle-ci lui vient de Jean Lemaire De Belges qui selon lui veut
que Ninus, fils de Jupiter Belus ait eu un fils d'une femme nommée Trebeta. Ce fils aurait dû
régner sur Babylone, mais la reine Sémiramis le chassa. Treber se retrouva en Gaule Belgique
et fonda la ville de Trèves. D semble que cette version soit privilégiée par l'auteur des
Chroniques de la cité de Metz.
37
L'auteur peut se référer à cette souveraine babylonienne grâce aux récits de Jean Lemaire
de Belge qui reprend les écrits d' Annius de Viterbe ; GUENEE, Histoire et culture historique,
p. 139.
63
[68]
De leur rengne fuit blanc on grix
Yssit ung filz nofm]mez Theugrix
Que prist de finance gr[an]t nombre
Et alla ediffier Thongre 38
[69]
Thongrix fuit filz de Torgolus
Torgolus fuit fil de Troyens
Troyens fuit filz d'Hector second
Dessendus de Cambulacion 39
[70]
La cité fist (et] ordonna
Et Thongre son nom lui donna
Par lui fuit la cité instruite
Et par ung aultre fuit destruite
[71]
Revenons a n[ost]re cité
Que son honne(ur] soit recité
Commencee fuit nobleme(n)t
Et noble addes conseque(m]me[n]t
[72]
Ensuivant g[ra]nt succession
Gens nobles de gra[n]t nacion
Firent grant œuvre magnifeste
Dont on doit sollempniser feste
38
Tongres était une ville belge de la province du Limbourg, au Nord-Ouest de Liège, C'était
une des plus anciennes cités du pays. L'évêque de Cologne, saint Materne, y aurait fondé un
évêché. Plus tard, pour des raisons de sécurité, l'évêché fut transféré d'abord à Maastricht et
ensuite à Liège; Id, p. 176.
39
Ce quatrain est écrit dans la marge droite. Une flèche permet de le situer dans le corps du
texte.
64
Quant le pont Raymon fuit faict
[73]
Ung hom[m]e noble de renom
Fist [et] fonda le pont Raymon
Et la rue qu'encor y est
Qu'on dit la grant rue Ayeste
40
[74]
Ayeste en leur construction
Est entendue adonction
Motee avant la cite
Qu'estoit de grand necessite
[75]
Raymondus de son voulloir
Le fist faire [et] de son avoir
Raymondus avoit a nom
Et son nom lui donna Raymon
[76}
En cellui tempz avoit des hom[m]es
En la cite riche a grant som[m)e
Qui firent edifiez tout nueuf
Des Ayeste 41 jusque a voisingnueufz 42
40
Le pont Remond, qui existait encore au XVIème siècle, est représenté à l'époque de PROST,
par le pont de la porte sainte Barbe à l'arsenal ; PRosT, les Légendes, p.l26. On a quelque
raison de croire qu'antérieurement déjà, le passage de la Seille avait été assuré par la
construction du pont Remond Ce pont devait être plus facile à atteindre que le pont de la
Moselle. Il se trouvait sur la ligne de parcours de la voie romaine qui en se maintenant
toujours sur la rive droite de la Moselle, venait de Scarpone, passait par Metz et se dirigeait
vers Trèves; PRosT, les Légendes, p.143. Grégoire de Tours, dans sa Vita de saint Martin,
indique qu'il existait un pont sur la Moselle. A proximité du pont devait se trouver le Portus
mentionné par le cartulaire de Gorze au IXème siècle; GAUIHIER, Topographie Chrétienne
des cités de la Gaule, p.41.
41
C'est certainement entre l'époque à laquelle appartient la première enceinte et celle qui a vu
s'élever la seconde, qu'il convient de placer la formation des quartiers d' Ayest (actuellement
la place Saint-Louis). Ayest (Aggestus) était au pied de la colline, dominée par la porte
Moselle. Il se trouvait dans l'espace resté libre entre cette porte et la Seille, que franchissait à
cet endroit le pont Remond ; GAUTHIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p.41.
42
Le quartier de Vésigneul se trouvait entre l'enceinte et la Seille de l'époque. Il était déjà
habité au VIIIème siècle ; GAUTHIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p.41. Sa
construction, ainsi que celle du Champ à Seille, s'effectua avant la construction de la
deuxième enceinte de la ville. Vésigneuf est occupé aujourd'hui par l'Arsenal. Vesigneuf
(Vicus Novus) était entre la Porte-Sailly et la porte du Champ et le Neufbourg (Novum
Burgum) était établi le long des murs, entre la Porte du Champ et la porte des Curtis, avec un
prolongement vers le sud dans la campagne ; le Champ à Seille avec les maisons du
Neufbourg, s'étendait jusqu'à la rivière. Les quartiers de Neufbourg et du Vésigneuf devaient
être peuplés avant l'époque où leur territoire fut réuni à la ville, par la construction de la
65
[77]
Une foys en jocondict
Ung des seigneur de la cite
Leurs dit bien viegniez voisin neuf
Que avez adjoncqs vielz a nieufz
[78]
Par ce mot voisingneufz 43 ot nom
Ne depuis n'en perdit le nom
Jay fuit que pas n'estait estrainge
Et depuis y furent les chainges
[79]
Apres la vie vient la mort
Qui est ung commun reconfort
Ces gens laisserent dez mainbour
Qui frrent faire le Nueufbourg 44
{80]
Au plus hault lieu de la cité
Y estoit ung piller planté
Et sur ce piller une ydole
De Jupiter estoit le[ur) mole
seconde enceinte. On ne peut pas assigner de date absolue à la fortification de ces deux
quartiers, ni à leur incorporation dans la cité. On peut donner leur origine, par rapport à la
construction des deux enceintes; PROST, les Légendes, p.143. Vésigneul est un des premiers
bourgs marchands. Il se développe le long de la muraille gallo-romaine entre la Porte-Sailly et
la poterne, sur le territoire de la paroisse Saint-Simplice; SCHNEIDER, La ville de Metz au
Xlllème et X/Vème siècles, p. 45.
43
Les merciers avaient élu domicile dans le quartier de Vesigneul dont une partie s'appelait la
mercerie. Le commerce y devint actif et attira de nombreuses familles patriciennes. Cela
provoqua dès la première moitié du Xllème siècle une hausse importante du prix du terrain.
L'importance de la vie économique toujours plus dense rendit le quartier insuffisant. Dès le
XIIème siècle, de nouveaux quartiers furent aménagés comme le Quarteau, le Champs-àSeille et le Neufbourg. Le marché de la place du quartier Vésigneul resta très important. On y
rencontra plus particulièrement des transactions concernant les marchandises lointaines telles
que la mercerie, les draps, mais aussi le poivre, le safran et « autrez espiciez » ; SCHNEIDER,
La ville de Metz au Xlllème et X/Vème siècles, p. 203.
44
Le mot de Neufbourg (Novum suburbium) laisse supposer l'existence dès 1140 d'un
nouveau mur constituant une partie de la nouvelle enceinte à cet endroit. Partant du mur galloromain, entre l'église Sainte-Glossinde, ce nouveau mur rejoignait la Seille tout au sud du
quartier de Champ à Seille. En effet, la formation de nouveaux marchés et donc d'un
peuplement important, rendirent nécessaire la construction de la muraille au-delà de
Neufbourg; Id, p. 32.
66
[81]
[82]
Et disoit ons Juspiter rue
Depuis on ne dit que Jurue
Pour Jupiter qu'en ce lieu
Estoit addorer com[m]e Dieu
45
Tout le puple en communite
En faisoit grant solempnite
Le judy chescune sepmenne
Ainsy que leur sabath se maine
Fo 9 ro
[83]
Pour la feste solempniser
Le judy et temporiser
En solas et esbattement
Manoient aultre sabattement
[84]
Leur sabath estoit addorer
Leur Jupiter [et) honorer
De mode et d'inclinacions
N'avoient aultre devocions
[85]
Ne faisaient q[ue] triboller
Chanter salter dancer baller
N'avoie[n]t nul empechement
De messe ne de proichemens
[86]
Dieu ne servoient en nulle guise
Oncques n'avoie[n)t veu esglise
Droit ne loy ne saincte Escripture
Ilz vivoient a l'aventure
[87]
Neantmoing tenoie[n]t justice
Et avoient telle pollice
Que cel que meffasoit a aultre
Tel cas lui faisoit ons sens faulte
45
n se peut que l'auteur se trompe en ce qui concerne l'étymologie du nom de la rue Jurue. Il
existe d'autres explications comme celle qui veut que le sens vienne de Juifiue, c'est-à-dire
rue des Juifs. La tradition locale voulait qu'un pilier portait la statue de Jupiter sur son
sommet, en haut de Sainte-Croix; KLAUSER, Eglises messines antérieures à 1'an mil, p. 69.
67
F 9
0
[88]
Tres subtilz d'oeuvre mecanicque
Estoie[n]t en leur loy paganicque
Desirants de scens et scavoir
Et aucy de richesses avoir
[89]
Les seigneurs sens divisions
Heurent une conclusion
D'ordonner ung lieu tout com[m]un
Pour tousjour mais aung chascun
[90]
Auprès Saille y avoit ung champ
Ou seigne[ur] bourjois et marchant
Et toutte la com[m]unaute
Faisaient grant sollempnite
[91]
Pour ceu que paiey passait Saille
Estoit nom[m]ez le Champpassaille
Nullui n'en estoit possessant
Communs estoit à tous passant
[92]
V
0
46
Affin qu'on ne puist concq[ue}ster
Sur ledit champ ne attempter
Par force destocqz ou de tailles
Firent doire le Champasaille
Fo 10 ro
[93]
Cloire le firent de quarure
Par telle ordre [et] par telz mesure
Que depuis n'y heust faulte alcune
Et est place et chescun commune
46
Le Champ à Seille (Champasaille) comme son nom l'indique, était un champ situé au bord
de la Seille qui traversait la ville jusqu'en 1905-1906, sur le tracé des rues Hautes seille, des
Tanneurs et Basses Seille. Le Champ à Seille s'étendait primitivement en dehors de la ville
entre la rivière et les remparts de la première enceinte. Dans le courant du Xlllème siècle, la
vieille enceinte fut abandonnée et le Champ à Seille englobé dans la ville. Il forma alors une
place plus restreinte. Le Champ à Seille fut de tout temps un lieu de réunion pour les
bourgeois et les sodoyeurs de la cité. n s'y donnait des tournois, des joutes, des foires et des
réjouissances de toutes sortes; JEANMAIRE, Le Champ à Seille, p. 20.
68
[94]
C'est une place proffitauble
A tous habittants delictauble
En la cité bien cituee
Et de preudhoms 4 7 constituee
[95]
Chasteaux, pallas, court, edifice,
N'y a en cité sy proppice
Car pour servir à touttes gents
Il vault cent mile marcs d'arcgent
[96]
C'este plaice fuit magniffeste
Pour tous esbattement et festes
Pour courir, joster (et] marcher,
Et pour tenir foire [et] marchié
[97]
Long temp furent sans ordonnance,
Sans escripts que par souvenance
Sens loy, sens regle [et] sens police
Chescun usoit de son malice
[98]
En cellui temp ch[esc]un faisoit
A son pooir de tout usoit,
De tous mestier de tous praticque
Sens repugnance ne replicque
Quant mesure fuist ordonnées
[99]
Pour abollir fraude [et] usure
Ilz ordonnere[n]t dez mesures
Pour livrer fromant [et] avoinne
Orge, poix, fêves (et] touttes graines
[100]
Aupartavant poi(n]t n'en usoie[n]t
Tous au marchander s'abusoie[n]t
Chescun queroit son advantaige
L'un a prouffit l'aultre a domaige
47
L'auteur en utilisant le mot Preudhoms fait sans doute référence à une assemblée
d'hommes sages, mais peut être pas à l'assemblée des Prud'hommes qui étaient depuis le
XIIIème des notables élus et qui venaient se joindre au conseil des Treize. Le nombre de ces
magistrats a varié mais ils étaient choisis dans chacun des paraiges. lls devaient normalement
être âgés de plus de quarante ans, ils devaient surtout se préoccuper des intérêts de la cité et
parfois sans doute surveiller les Treize ; WORMS~ Histoire de la ville de Metz, p. 28.
69
[101]
Quant leur mesure fure[n]t faitte
Qui estoient nom[m]ee quarte
L'une estoit au vin l'aultre au grain
Et fuit pour la cité le gain
[102]
Quant leur status fure[n]t reglez
Po[ur] mesurer avoinne [et] bledz
La on tenoient leurs estalz
Ce lieu fuit nommez le Quartalz 48
[103]
La se tenoie[n]t les quartierz
Et puis pour tous aultre mestiers
Que usoient sens ordonnances
Furent establis poix [et] ballences
[104]
Qui avoit char, il pooit vendre
Bonne et mauvaise sens repa[n]dre
Cil qui praticquoit vollentier
Pooit user de tous mestiers
[105]
Mallz rengnoie[n)t sens repune[n)cz
Mais ons y mist telle ordon[n)a[n)ce
Ycy et en aultre paiis
Que mainte trompeur furent esbahys
[106]
Que ordonna l'ascourcherie
Du qui est vieille boucherie 49
Le lieu commun pour escorchié
Pour char vendre [et] po[ur] destranchié
48
Le quarteau est une ancienne mesure de capacité qui valait soixante douze pintes (environ
70 litres). La quarte contenait 2 pintes. La mesure est aussi une mesure de poids. C'est bien du
mot «quarte» qu'est issu le nom de la place du quarteau. Au XIIIème Siècle, elle s'appelait
quairtal, quertal ou quartai. On y faisait les quartages ou mesurages de certaines
marchandises. Il y avait sur la place du quarteau un grenier à sel, des échoppes, des tanneurs
et une halle pour les drapiers qui existaient déjà en 1262; JEANMAIRE, Le Champ à Seille,
p. 27.
49
L'artère centrale, l'actuelle rue Serpenoise, s'appelait sur le territoire de l'église SaintMartin, la «vieille boucherie » Les bouchers y étaient nombreux au XIIT et XIVème siècles ;
SCHNEIDER, La ville de Metz au XII/ème et X!Vème siècles, p. 41.
70
[107]
En cellui temp pour mieulx accroistre
Ch[asc]un disoit ou mien on vostre
Et pour estre en bruit sucitez
Isirent hors de la cite
Quant Thionville [et] Mouson furent encommencez
[108]
Deux seigneurs de la cite nez
Tout dun acort determinez
Ly ung avoit nom Moucion
Et l'aultre avoit a nom Theon
[109]
Ces deux seigneur estoie[n]t frere
Et voldrent querir aultre terre
Moucion ver mydy monta
Et sur ung hault mont s'aresta
[110]
A quatre lieu de distance
Sur ung monts prist sa residence
Apres son nom fonda en son
Ung chesteaux quil nomma Mouson 5 o
[111]
Et Theon s'y prist la vallee
En une plainne large [et] lee
La fonda de grant domicilie
De Théon heu t nom Thionville
Ceulx qui encomanserent Toul et Verdun
[112]
Et puis encor deux nobles homs
De la cite comme devisons
Ly ung fuit nommez Tulius
Et l'aultre nommez Verdunus 5 1
50
Pont à Mousson : Meurthe et Moselle. C. de Pont à Mousson. Mousson était avant tout une
forteresse bâtie sur une butte témoin. Elle était la plus résistante de toutes les forteresses des
comtes de Bar. Mousson était construite sur un site privilégié. En plus de surplomber un pont,
elle surveillait une vallée tout entière qui représentait un passage commercial d'une grande
importance pour la Lorraine. C'est à ses pieds que vers 1260 fut construite la ville de Pont.
Cette ville devint un centre commercial important ; PARISSE, «Histoire de la Lorraine»,
p. 160.
51
Dans sa Chronique, t. 1, p. 17, Philippe de Vigneulles fait de Tulius et de Verdunus les fils
de Serpanus et de Mélandus. Ces personnages interviennent plus tardivement dans les
71
Fo 12 ro
[113]
Ses gents proveu d'or [et] d'argents
Acompaigniez de maintes gents
Querant pays par monts par plainnes
Car la cite estoit trop plainne
[114]
Tulius ver midy toma
Ces gens [et] ouvriers ordon[n]a
En ung lieu lowanble [et] proppice
La fist fonder beaulx ediffice
[115]
Vertueux fuit [et] diligent
Par puissance dor [et] dargent
Par ars de divercite
Ediffia une cite
[116]
Tulius Toul la nomma
Apres son nom et moult l'aima
Or y mist regime [et] police
Et la fist regir par justice
[117]
Verdunius dever occident
En ung beau gra[n]t valz desce[n]de[n]t
S'aresta [et] son exercite
En plaisant lieu beau [et] licite
Fo 12
[118]
La prist grant consolation
En sy belle occu pacion
Beau monts, beau boix, belle prairie,
Beau champ, beau prez, belle riviere.
[119]
Tres puissamme[n]t s'appareilla
Et fort son puple travailla
Ouvrant chescuns de son office
En commansant grants ediffice
V0
Chroniques de la Cité de Metz. Il existait donc différentes versions de la légende des
Fondateurs de Metz.
72
[120]
Tant ouvra [et] tant exploita
Tant son ouvraige augmenta
Prist confort contre advercite
Qu'en ce lieu fist une cite
[121]
A ces gents dit soyez tout d'un
Accord de la nom[m]er Verdun
Mon nom Verdunius le requiert
Et cellui nom bien lui assiert
[122]
Or reprenons no[st]re matiere
De n[ost]re cite la premiere
Que de gents ta[n]t multiplioit
Que soustenir ne les pooit
[123]
Assez n'estoit longue ne large
De hault de bas ne en estaige
Ronde quaree on angulaire
Pour nourir sy grant populaire
[124]
L'escri~ture
Qd
nous ennorte
ena c1fèsy&Mit
sept portes
s2
Chescune en son lieu necessaire
Pour charrois hors [et] dedent traire
52
Quand la ville fut enclose son castrum dessinait un polygone dont la légende voulait qu'il
soit percé de sept portes. Ces sept portes étaient identifiées comme suit : La porte Lavandière
était à la tête du Moyen-Pont. La Porte aux Chevaux semblait se trouver prés de la préfecture,
elle était flanquée d'un moulin que l'on nommait au Moyen Age le moulin de la Porte aux
chevaux. La porte Moselle était dans le prolongement de la place Sainte-Croix, prés de
Sainte-Ségolène, sur une petite place nommée place de la porte Moselle. La Porte-Sailly était
en bas de la Fournirue, prés du pont de la seille. La porte aux Champs était en bas de la rue du
Grand Cerf vers le carrefour du Quarteau. Les porte des Curtis était dans le voisinage de
l'église Saint-Martin, souvent nommée autrefois, Saint-Martin-en-Curtis. Cette porte
débouchait sur les cultures établies aux abords de la ville du côté fertile du sablon. La porte
Méridiane se trouvait là où la rue Serpenoise débouchait. Toutefois, il est fort probable que le
chiffre sept soit symbolique car la ville ne comprenait que trois portes principales ; la PorteMoselle, la Porte-Sailly, la Porte du Champ. En 1498, on peut être assuré de l'existence de
quatre portes; THIRIOT, Portes, Tours, Murailles, p 24. L'emplacement de quelques portes
semblent vraisemblables. Dès la construction de la première enceinte, on retrouve la Porte
Serpenoise au Sud de la ville, la Porte Moselle, à l'extrémité de la rue des Trinitaires, au
Nord; La Porte-Sailly, à l'angle d'En Fournirue et de la rue du Change, à l'Est. Une autre rue,
Lassale, à côté de Saint-Martin est probable ; GAUTinER, Topographie Chrétienne des cités de
la Gaule, p. 42.
73
[125]
Porte Muzelle Porte Saillis sa
Porte du champ Porte en Curtis
Et puis la plus cothidianne
C'estoit Porte Meredianne 54
[126]
Et puis au bas sur la riviere
Estoit la Porte Lavendiere
Et en descendant plus avalz
La estoit la Porte au Chevalz ss
53
La Porte-Sailly s'appelle ainsi parce qu'elle voisine du port de la Seille, où abordaient les
bateaux de seL La Porte était aussi appelée Porte du Port-Sailly et fut plus tard simplifiée en
Porte-à-Seille. Cette Porte-Sailly se trouvait en bas de la rue Fournirue ; THIRIOT, Portes,
Tours, Murailles, p.22.
54
La porte Méridiane regardait, comme son nom l'indique, le midi, ou plus exactement le sud
Ouest. Elle constituait la grande artère de circulation qui conduisait à la Porte-Moselle, et parlà, au passage des deux rivières en suivant à travers la cité, une ligne que dessine aujourd'hui
la rue Serpenoise, la rue Taison et la place Sainte-Croix. De la Porte-Moselle, deux chemins
descendaient de la colline, l'un se jetant un peu sur la droite, gagnait le Pont-Rémond par
lequel on traversait la Seille, l'autre tournant brusquement à gauche, conduisait à la Moselle.
Metz se trouve à l'intersection de deux grands axes routiers: Lyon-Trèves Nord-Sud et
Strasbourg-Reims Est-Ouest. ll existait deux voies parcourant le tracé, Metz-Trève qui
chacune encadrait la Moselle. Le lien de ces deux voies avec le réseau urbain de Metz nous
est inconnu, sauf en ce qui concerne la route provenant de Scarpone dont la Porte-Serpenoise
dit-on a gardé le nom. Un autre axe regagne la rue Fournirue. Un ancien pont romain en bois
devait se situer entre l'actuel pont des Roches et celui de la préfecture; PROST, les Légendes,
p.l42.
55
La Porte-Lavandière et la Porte-au-Chevaux, qui s'ouvraient sur le canal oriental de la
Moselle, ne donnaient probablement accès, comme l'indiquent leurs noms, qu'à un lavoir et à
un abreuvoir situés sur le petit bras de la rivière. Quant au passage de celle-ci, il devait se
faire ailleurs. Le Pont-Saint-Georges et le Pont- Thie:f:lfoy devait être un de ces passages ainsi
que les ponts Moyen-Pont et Pont-des-Morts. La porte qui correspondait à ce passage primitif
de la rivière devait être, comme l'indique son nom, le porte Moselle, située près de l'église
actuelle de sainte Ségolène, au sommet de la colline, et sur une petite place qui a longtemps
conservé son nom ;Id, p.l41.
74
[127]
Se vous comptez bien vos receptes
Des portes vous ay nom[m]ez septes
Sans les huix (et] sans lez poternes 5 6
Encor en y a dez modernes
[128]
Depuis ceste porte en curtis
Par la lettre en som[m]es advertis
Tranchoit ung foussez molz ou dure
Tout oultre jusque en Anglemur
[129]
57
Mais au millieux estoit la porte
que l'escri:Eture ~orte
emmnM ~§Mil
La ou Romessaule est fonde 59
Ain~
wra
nmnmee •
D'out vin le non d'Anglemur
[130]
En ung lieu hors de la cite
Gestoit ons les mondicite
Tous fanges y estoie[n]t assemblez
Et nommoit on ce lieu anglez
56
La poterne était un simple passage et l'huis, une petite porte. La muraille pouvait être
franchie par de petits passages. Ces passages pouvaient s'appeler des portes. C'est le cas de la
Porte-Patart qui est une poterne près de la place Saint-Vincent et le Pont-Thieffroy. La porte à
la Sais, est une poterne sur le Rimport, tout près du Pont-des-Grilles. Il est probable que la
Porte-en-Curtis ne soit qu'un simple passage. Il existait aussi une poterne Saint-Nicolas,
donnant accès au Champ Nemmery. Ces issues étaient aussi étroites que possible afin de
rendre inaccessible l'entrée dans la ville de lourdes armes d'artillerie; THIR.IOT, Portes, Tours,
Murailles, p. 22, 23.
57
L'extension de la ville de ce côté pourrait avoir occasionné à un certain moment la
destruction de cette partie des murailles. Il se pourrait aussi que lors de la construction de ces
dernières, on ait empêché leur établissement à cet endroit. Ce fossé semble avoir été garni
d'une simple palissade; PRosT, les Légendes, p.145. A l'époque romaine, la cité s'accrut de
ce côté par la construction de quartiers nouveaux; Id, p.147.
58
Dans sa Chronique, t. 1, p. 11, Philippe de Vigneulles décrit les portes après avoir présenté
la Moselle et la Seille. Cela amène à penser que Philippe de Vigneulles et l'auteur des
Chroniques de la cité de Metz travaillaient sur des sources semblables, mais qui comportaient
chacune des variantes, ou bien qu'ils utilisent les même sources mais de manières différentes.
59
Ce« nom perpétue le souvenir d'un vaste édifice gallo-romain qui s'étendait des deux côtés
de la rue des Clercs»; SCHNEIDER, La ville de Metz au Xlllème et X!Vème siècles, p 37.
75
[131]
Anglez estait sur la riviere
Dessus la Porte Lavendiere
Et quant Serpanus y fist mur
Adonc fuit nommer Anglemur 6o
[132]
En cellui temps par la proesse
De Melenaus Roy de Greee
Et de ceulx qui tindrent sa bande
Fuit destruictte Troye la grande
Apres la destruction de Troye fuit ragrandie la cite de Mets p(ar] les Troyens
que y vindrent 61
[133]
Troye la grande fuit destruite
L'an quatre miles deux cents (et] huict 62
Par la fortune de Paris
Et d'Helainne tout fuit peris
[134]
Les troyens prenant le(ur) depart
Cherchant reffuge toutte part
Au long au large [et] a la ronde
Furent dispersez par le monde
[135]
De ces Troyens de gra[n]d noblesse
Vindre[n]t nueufz parsonnaiges a Mets
Qua lors estait Dividunum
Tous estaient noble preudhom(m]es
[136]
Ung estait nommez Serpanus
Avec son frere Aurenus
Tous deus estaient filz de roy
Et bon justiciez en leur loy
60
Au Xlllème siècle, les deux ponts qui existent à Metz n'étaient plus suffisants pour
permettre la circulation due au trafic commercial. Le commerce gagna toute la rive de la
Moselle. Une partie des denrées qui descendait la Moselle vers Metz étaient déchargée à
Anglemur. Ce lieu proche d'une porte faisait partie des nouveaux quartiers qui étaient
désormais à l'intérieur de l'enceinte au Xlllème siècle. Au XIVème siècle, le trafic
commercial s'intensifia et Anglemur devint le port où arrivait le bois ;Id, p. 55 et 219.
61
Voir introduction.
62
Dans sa Chronique, t. I, p. 9, Philippe de Vigneulles donne la date de la destruction de
Troyes. «et fut destruictes au tampz du roy Priam, l'an du monde 4158 ans (quaitre mil cent
et LVIII) ans ».
76
[137]
Et d'aultres nobles hom[m]es encor septes
Tenant logier en leur recepte
Nobles gens saiges [et] gracieux
Saiges en conseil (et] vertueux
Les sept premiers nobles qui ragrandirent Metz, desquels y a encor la rasse.
[138]
Cestoit Dolbus [et] Melandus
Gornaldus [et] Badocius
Reguillo [et] Chaversonus
Et l'aultre estoit Leopardus 63
[139]
Ilz vindre[n]t gracieusement
Demande amoureuseme(n]t
Pour leur derniers estre receupz
Et ilz ne furent pas reffus
[140]
Qua[n]t logiez furent en la cite
Gens plain de g[ra]nt felicite
Leur conseilz donna reconfort
Et fuit la cite tres plus forte
[141]
Quant Serpanus le Troyens
Fuit advertis dez citoyens
De leur noble fondacion
S'en fist grant recreacion
[142]
Grant puple de gens il avoie[n]t
Lesquelz labourer ilz faisoie[n]t
Nourrir payez bien largement
Pour faire leur habergement
[143]
Tant de maisons [et] de haberges
Firent ta(n]t estroitte que larges
Et de no tan ble menedie
Que la cite fuit ragrandie
63
Gomaldius, Baudocius, Reguillonus et Chavemasus sont les noms dans lesquels on
reconnaît les puissantes familles patriciennes des Gournay, des Baudoches, des Reguilon et
des Chaverson ~PROST, les Légendes, p. 127.
77
[144]
Ung chasteau tailler [et] murer
Fist faire po[ur] y demeurer
Mais qu[an]t il fuit mieuls habergiez
Le redeffit pour abregier
[145]
Ce chasteau de noble fasson
Estoit au dela de Mousson
Il fuit deffait, se fuit domaige
Mais ons y fist ung beau villaige
[146]
Ce villaige est nommez Syrpanne 6 4
Pour Serpanus ou Champpapanne
Deva[n]t Mets fist menez les pieres
Pour ouvrer en aultres manieres
[147]
On lez prepara en tel sorte
Qu'il en fist fonder une porte
Grosse [et] haulte de mai[n]tes toise
Et heu t nom Porte Serpenoise 6s
F 15
0
[148]
Ses nobles chevalliers de Troye
Tant riche d'or [et] de monnoye
Furent chescun tres grant debvoir
D'esdiffier de leur avoir
[149]
Aurenus fist la Porte Aurainne
Qu'on disoit la Porte auz areinne
Mais aurenus auvray contenus
Avoit nom apres Aurenus
V
0
64
Selon la Chronique, t. 1, p. 16, de Philippe de Vigneulles, Serpanus aurait utilisé les pierres
du village de « Serpaigne » pour édifier la porte Serpenoise.
65
Les deux portes sont la Porte-Serpenoise et la Porte-aux-Arènes, q0 149. La première
supprimée vers le milieu du XVIème siècle, fut reconstruite en 1851 ; l'autre est représentée
par la Porte Saint-Thiebault qui occupe à peu près son emplacement actuel ; PROST, les
Légendes, p.127. En réalité, le nom de la Porte-Serpenoise n'est pas lié au nom du seigneur
• troyen, mais bien plutôt à la ville de Scarpone vers laquelle cette porte s'ouvrait ; PROST, les
Légendes, p.147.
78
[150}
La porte dont je fay devis
Est encor droitte a mon advis
De Serpenoise ciet plus bas
Et dit on Porte sainct Thie bal
[151}
Cincq de sez nobles chevalliers
Firent estoffes appareillier
Pour claire [et] saindre de muraille
Tout ceu qui est cloz oultre Saille
[152}
66
De murs [et] deux portes m[oul]t belles
Firent aussy faire oultre Muzelle
Deux de ses nobles chevalliers
Say vertueux [et] reveilliez
Fo 16 ro
[153}
Deux portes y firent belle [et] g[ra]nde
L'une on nom[m]oit Porte Melande
Apres le nom de Melandus
Et l'aultre le nom de Dolbus
[154}
Ses Troyens firent en la cite
Bien honne[ur] [et] felicite
Et en prindrent gra[n]t dilige[n]ce
D'y mettre pallice [et] regenge
[155}
Serpanus fuit acertenez
De grant gentes de la cite nez
Pour chercher terre [et] heritaiges
Comme gents de vaillant couraiges
[156}
~gr
çe[mlWç en escript on treuve
ng de ces noble fonda Trieuve
L'aultre Toul [et] l'aultre Verdung
Mais non pas en ung temp tout ung
66
Les deux portes (Serpenoise et aux Arènes) étaient reliées entre elles, par cette nouvelle
muraille qui les rattachait d'un côté de la Moselle, et de l'autre à la Seille, certainement dès le
Vème; Id, p. 148.
79
[157]
Ez termes y a gra[n]t difference
Car avant fuit Treuve q[ue] Fra[n]ce
Ne que cite qu'en France soit
Ne quoncq(ue] fuit nom des Fransois
[158]
Troye [et] Trieuve furent anticq(ue)
Selons lez terme poetticq[ue)
Devant Paris Lyon Miellan
Ne Venise plus de mile ans
[159]
Mais Mets par anticquite
Est la mere dez trois cite
Dont elle est en millieu moienne
Et mere metropolitainne 67
[160]
Car apres la confusion
De Babel [et) division
Fuit Mets a cite ordonnee
En la dix septiennes annee
[161]
Au temp de Nembroth fil de Cam
Cine cens ans deva[n]t Abraham
Et vint cincq selons lez metres
Que clercs ont sceu en escript mettre
Cornant la cite fut nomez Mediomatricum
[162]
Quant Serpanus heut bien enquis
Dont les fondateurs sont nasquis
Le nom osta Dividunum
Et mist Mediomatricum 68
67
L'idée que les autres villes doivent céder le pas devant Metz n'est pas nouvelle. On
retrouve déjà ces propos dans 1'Eloge de la ville de Metz que Sigebert de Gembloux rédige au
Xlème siècle. « Les villes voisines te cèdent le pas pour t'honorer comme une mère... » ;
CHAZAN, L'éloge de la ville de Metz, de Sigebert de Gembloux, p 443.
68
Dans ses mémoires, Jules César évoque le peuple des Médiomatiques : « De tous les
peuple, les Belges sont vaillants, parce qu'ils sont plus éloignés du luxe et du commerce de
Rome et qu 'on ne leur porte pas comme les autres ce qui amollit le courage. D'ailleurs, la
gue"e perpétuelle avec les Germains les rend plus belliqueux. Parmi eux, les
Médiomatriciens estoient estimés». Dans, PARISSE, Histoire de la Lo"aine, p. 49, il est noté
qu'à son arrivée dans l'Est de la Gaule (58 av. J.C.), César distingua trois peuples occupant
l'Est de la Belgique : Les Trévires au Nord, les rnédiomatriques au centre, les Leuques au sud.
Le territoire des médiomatriques partait de 1'Argonne et atteignait le Rhin. Il comprenait donc
80
[163]
Et po(ur) tant il est a entendre
Pour au vray la chose co[m)pre[n)dre
Que mere par droitte nature
Doit preceder sa geniture 69
[164]
Mets est donc mere a trois cité
Co(m]me ce devant est recité
La chose en est bien autenticq[ue]
Par son nom Mediomatriq[ue]
[165]
Ces seigne(ur]s de grant sapience
Firent maintes belles ordo(n]na(n]ces
Par eulx [et] par leur co(m]missaire
En la cité bien necessaire
[166]
Ilz firent fermer de murailles
Oultre Muzelle [et] oultre Saille
Depuis la Porte Lavondiere
Jusque a Saille l'aultre riviere
[167]
Ainsy fuit fermee toutte ento[ur]
De beau murs [et] de haulte to[ur]
Et de beau riche maisongnaiges
De grant puple [et] de bon menaiges
dans la Lorraine actuelle, le centre de la Meuse, le Nord de la Meurthe et Moselle et la plus
grande partie de la Moselle. Sigebert de Gembloux donne de Médiomatique l'étymologie
suivante: «Comme la matrice enveloppe l'enfant et le réchauffe dans le sein maternelle, de
même, placée dans une position centrale, nourissant les région voisines par des produits de
ton sol ou importés, tu réchauffes en quelque sorte dans ton sein maternel »Donc
Médiomatrix viendrait alors de Medium, milieu, et de Matrix, matrice et renverrait à l'idée de
mère nourricière ; CHAZAN, L'éloge de la ville de Metz, de Sigebert de Gembloux, p. 446.
69
Le texte de Sigebert fut repris dans l'histoire des évêques Metz dont le texte fut traduit au
XVème siècle. « Mediomatric en latin mediomatricum cest a dire cincq en moyen pour tant
quelle ait environ cy maintes cite. Cest assavoir vers Aquillon Trieves vers midy Toulx vers
occidant Verdun entre lesquelles elle est assize en my si comme elle mene». (BM 855 folio
212, c. 3). L'auteur des Chroniques de la cité de Metz a certainement repris cette idée;
CHAZAN, L'éloge de la ville de Metz, de Sigebert de Gembloux, p. 444. Dans sa Chronique,
t. 1, p. 19, Philippe de Vigneulles note que le peuple de Metz décida de nommer leur cité
« Mediomatricum », c'est à dire« Moyenne mère de trois cités» car les enfants de Dividunum
avaient fondé Trèves, Verdun et Toul. Dividunum est considérée comme leur «Mère et
nourrice » ; GAUTillER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p. 39.
81
F 17 V
0
[168]
Mets prist son commanceme[n)t
Dix huict cents [et] vint ci[n]q ans
Qui se nommoit Dividunum
Avant que Romulus fist Rome
{169]
Apres ung an apres deux ans
Apres ung cen apres deux cen
Apres mainte perilz [et) dangiers
Sont maintes paiis rechangiers
[170]
Apres la mort de Serpanus
Et des Troyens o lui venus
Nouveaux paiis nouvelle terre
Nouveau seigneur nouvelle guerre
[171]
Romulus que Rome fonda
En son temps moult fort lameda
Et apres heust telle victoire
Que se fuit du monde la gloire
{172]
Romulus prist cents docteur
Anciens [et] les fist senateur
Pour le nom de la cite bruire
Et pour les romains mieulx conduire
0
70
Fo 18 ro
{173]
Ro[m]me vint en sy grant croissence
En telle richesse [et] puissance
Que Julius par rigueur
Attribua a lui l'honneur
70
Rémus et Romulus furent les fils de la vestale Rhé Silvia qui était de sang royaL Les
jumeaux furent abandonnés sur les bords du Tibre et recueillis par une louve qui les nourrit.
Rémus et Romulus renversèrent le roi et décidèrent de fonder une ville sur le lieu même où ils
avaient été abandonnés. Les jumeaux tracèrent les limites de leur territoire, mais selon la
légende, Rémus aurait franchi cette limite. Romulus l'aurait tué sous le coup de la colère
devenant alors le seul fondateur de la ville qui prit son nom. Dans un premier temps, pour
augmenter son prestige, Romulus s'entoura de douze licteurs, puis il forma un sénat composé
de cent membres. Cet honneur lui valut le titre de père et à ses descendants celui de
patriciens; Tite-Live, Histoire romaine, livre I à IV, p. 61 à 68.
82
[174]
Nom pas seulement dez Romains
Mais tint tout le monde en sa main
Vaincquist lez Romains (et] Pompee
Et conquesta tout par l'espee
[175]
Tant prospera en grant vailla[n]ce
En honneur en magnifficence
Et conquist tant tout a la ronde
Qu'il fuit nommez prince du mo[n]de
[176]
Il subiuga tant de provinces
Qu'il fuit quasy du monde prince
Par sa grant force et grant puissance
Tint tout en son obeyssance
Qua[n)t Cesar envoia Metius son grant capitaine prendre Mets.
Tempore quo Sezar sua Gallis intulit arma, tune Mediomatricum devicit
Metius urbem. 71
[177]
Au temps qu'il mist sa gr(an]t armee
En Gaule apres la mort Pompee
Metius son grant cappittainne
Contre la cite prist grant penne
[178]
Par escript manda a Sezar
La force la police [et] lez ars
De la deffence [et) du regime
Dont le prince fist gr[an]t estime
71
ll semble qu'il existe deux variantes du récit de la légende de Métius. Selon Sigebert de
Gembloux, Métius aurait reconstruit la ville de Metz et lui aurait donné son nom. Métius est
alors chevalier romain. Dans son Eloge sur la ville de Metz, il évoque au sujet du héros,
« Ensuite si tu t'es applée Mettis, c'est parce que selon une tradition courante, on rapporte
que tu as été vaincue par Metius Suffectus, duc des Romains » ; CHAZAN, 1'Eloge de la ville
de Metz, de Sigebert de Gembloux, p. 447. Cette version est reprise dans les Gesta
Episcoporum de Metz et dans leur traduction en langue vulgaire. Une autre version veut que
la légende de Métius se soit développée après le XVème, c'est-à-dire après la constitution du
paraige du Commun. Cette version est reprise dans la Chronique de Philippe de Vigneulles.
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz évoque une citation qui selon la tradition est
gravée sur «une pierre tirée autrefois de la terre», Tabouillot, Histoire de Metz, p. 8. La
citation complète est la suivante : « Tempore quo Cesar sua Galliis intulit arma. Tune
Mediomatricum devicit Metius urbem, suffetius dederat nomen cui Metius urbi».
83
Arces murorum
sero firmat turba virorum
turres mirate
sunt nubilus associate
[179]
Neantmoing Julius jura
Qu'a son pooir la destruira
Que lez pallas quar force [et] rues
Fera labourer de charrues n
[180]
A Mecius manda par lettres
Quelz puissance qu'on y dheust mettre
Que toutte fuit deppopullee
Gents mors maisons arses [et] brullees
Tempore quo Sezar sua Galis intulit arma.
[181]
S'ilz ne font humble obeyssance
Sans contredit ne resistance
Et pour tout ceu estre plus fermes
Mettrent sur leur portes nos armes
[182]
Mecius fist son debvoir
Du mandeme[n]t faire assavoir
Au citoyens monstra par lettres
Co(m]mant le prince les vuelt mettre
{183]
Vela ceu que Cezar vous no[n]ce
Et m'en donnez briesme[n)t respo[n]ce
Conseillez vous dilligentment
Ou tous morres piteusement
73
72
Jules César ne mentionne pas la ville de Metz dans ses écrits. Tacite le fait lorsqu'il évoque
des troubles qui se sont déroulés entre les années 68 et 70. En 68, les soldats de Vitellius
partent pour l'Italie et passent à Dividurum. On ne connaît pas les raisons qui provoquèrent le
massacre de 4000 hommes par ses soldats. On sait cependant qu'en 70, la ville accueillit deux
légions rebelles. Des couches d'incendie datant du premier siècle, en divers endroits de Metz,
peuvent nous permettre de penser que la ville avait subit des représailles. Toutefois, les
fouilles récentes ne peuvent confirmer cette interprétation ~ GAlTI1IIER, Topographie
Chrétienne des cités de la Gaule, p. 39.
73
On peut remarquer que cette citation est, en fait, le début de celle qui se trouve entre les
quatrains 176 et 177. Cette nouvelle citation est tout à fait incomplète.
84
[184}
Prindrent ung peu de dilacions
Conclusant leurs intencions
Et quant ilz furent assamblez
Ilz se trouverent fort troublez
[185}
Neantmoins en conclusion
Tous d'acord sans division
Respondit ung ho[m]me pour tous
Plus noble ne veons que nous
[186}
Nous sommes sur n[ost]re heritaiges
De part noz anciens parantaiges
C'est nostre qui ne nous fait tort
Nous le tiendrons jusq[ue] a la mort
F 0 19
[187}
Ne aultre armes ne porterons
Que telles que nous eslirons
Nous eslysons pour tous confort
De prendre la vie [et] la mort
[188}
Et n'y voullons aultre collour
Qu'ainsy que la nuist [et] le jo[ur]
Se sont deux points oppositoire
Que signiffie blanc [et] noire
[189}
Le blanc nous signifie Dieu
Qu'en paradis tient son halt lieu
Et Lucifer en son manoire
Infernal signiffie noire 74
V
0
74
Ces couleurs sont aussi celles que l'on trouve sur le blason du paraige du commun. «Et le
commun portoit d'argent et de sable qui est blanc et noir et qui sont encor aujourd'huy les
couleurs de la ville»; MEURISSE, Histoire des évêques, t. 1, p. 18. Dans l'Histoire de Metz de
Tabouillot, p. 17, on trouve que le blanc et le noir seraient aussi les symboles de la vie et de la
mort. Dans sa Chronique, t. 1, p. 20, Philippe de Vigneulles explique« Pourquoy et affin qu'il
apparist à tous, pandiren notamment à leurs portes ung escu demey blan et demey noire, pou
ce qu'il n 'avoient que la vie et la mort, et non aultre supérieur (combien qu'elle estoit
tousjours subgecte à Dieu selon la manière des payens et gentilz) ».
85
[190]
Vela nos armes [et] nos blazons
Mais lez vostre nous refusons
Nostre pere fuit anffant de l'arche
De Noelle grant patriarche
[191]
Qua[n]t Cezar sceut leur responce
De grant despit le nez lui fronce
Et commanda par grant deppit
Que plus n'eussent jour de respit
Fo 20 ro
[192]
Quant Mecius eust escoultez
De son seigne[ur] la vollentez
De l'obeyr fist son debvoir
Et d'assallir fist son pooir
[193]
Lors fist armer toussez gens d'armes
lance picques espees [et] guisarmes
Et assaillitz tout alentours
Aussy chault qu'est le feu on four
[194]
Se la cite poons gangner
Nulluis ne debvons espargner
Mere, filles, vieulx, inocens,
Tout soit mis a feu [et] a sangz
[195]
Lors livrere[n]t si fort assault
Tout alento[ur) de chault en chault
Qu 'ainssy que force passe droit
Les convint morrir en destroit
[196]
Or fuit la cite mallostruitte
Prinse, abattue, arse [et] destruitte
Noyez, pendus, tuez, rostis,
Pouvre [et] riches [et] gra[n]ts [et) petis
F 0 20
[197}
V
0
Ainsy furent patibulez
Tuez, pandus, noyez, brulez,
Fermez enclos pris a la trappes
Malz de guerre dont nulz neschappe
86
[198]
La fuit grande desolacion
La fuit grande perdicion
La morurent sans repittiez
La fuit doloreuse pittiez
[199]
Fortune passe [et] sy sen va
Qui se polt salver se salva
Apres le grant trouble [et] huttin
Chescun msit la main au bu ttin
[200]
Assez trouvere[n]t pains [et] miches
Car la cite estoit tant riche
De grant jueaux darge[n]t et dor
Tous seriets remplis de tresor
Sunt tibi thesauri
pretium tibi militat auri
saculi numorum
complent secreta domorum.
[201]
La furent tres tous enrichis
Cappittaines chevallie melchis
De grant tresors que la trouvere[n]t
Qu'avecq eulx a Rome emportere[n]t
[202]
Quant le sceut le grant empereur
La destruction [et] l'horreur
Joyeux en fuit en son corraige
Et y fist faire laboraige
[203]
Pour bien accomplir son serma[n]t
N'y fist semer bledz ne froma[n)t
Mais dez deniers de sa figure
De cuivre qui a toujiours dure
[204]
Partout ou on puist labourer
Deniers de cuivre y fist semer
En perpetuelle memoire
Qu'ill'avoit vaincut par victor 75
75
Dans sa Chronique, t. 1, p. 26, Philippe de Vigneulles explique : « Ce très ma/vais César fit
faire des fossés jusques au fondz des fondements, où il fist semer des deniers de cuivre,
esquelles à l 'ung des coustés, estoit emprainte son ymaige, et, à l 'aultre, la figure de la cité
87
[205]
Apres Mecius retomez
A Rome [et} beaucoup seioumez
Souvant au cuer se lui mouvoit
Le grant pechiez que fait avoit.
[206]
Pour la cite qu'avoit destruitte
Que se par lui n'estoit restruitte
Jamais ne seroit pardonner
Mais en fin en seroit dampnez.
[207]
Mecius ad ce tant pensa
Que de ceur contrist commansa
A soy repentir et submettre
De la cite en point remettre
[208]
Mecius va a l'empereur
Qui est son souverain seigne[ur]
Disant soulz ombre de pardons
Sire je vous demande ung don
{209]
L'empereur qui le tenoit chier
Le respondit sans par marchier
Disant Mecius nostre amis
Vous n'estes pas en oblis mis
{210]
Demendez ceu qu'il vous plera
Se nostre est on le vous donra
Loyalment nous avez servis
Et beaucop de biens deservis
{211]
Tres redoubtez prince a present
Je deviens vielz, foible [et] pesant,
Necessite mest de suppos
Pour en viellesse avoir repos
avec ces mestres qui s'ensuyvent: tempore quo Cesar sur Galis intu/it arma, Mecius
Mediomaticum devicit Mecius urbem ».Philippe de Vigneulles traduit, p. 27, par:« Au tampz
que César fit la guerre aulx Gaulx, lors Mecius wainquist la cité des Mediomatrissains ».Il
ajoute : « Et les dictes pla/tines et derniers fist il espandre ès fossés, à ceste cause que, se la
cité estoit réédifiées une aultre fois, 1'en vit que par luy avoit estés destruites ».
88
[212]
Donnez moy po[ur] toutte dessertes
Celle pouvre a plaice deserte
La cite Mediomatricque
Que je pris en Gaule belgicque
[213]
L'empereur tres bien l'entendit
Et humbleme[n)t lui respondit
Vous nous avez servis sy bien
Que a nous ne perderez rien
[214]
Mecius bien nous vous entendons
Mais vous demandez pou ure don
Demander pour sante harciere
Demander pour maison masure
[215]
Tres redoubtez prince il souffit
Et me feriens tres grant prouffit
Vous remerciant a genoulx
Et se la tiendrais de vous
Fo 22 V
[216]
Recaindre la feroye a la[n]tour
De murailles [et] de forte to[ur)s
Saulf vostre hault voulloir desplaire
Et mettroye nouveaux popullaire
[217]
Mecius amis, je la vous donne
Et mon tresors vous haba[n)donne
Vous estez de tous bien remplis
Voz bons desirs soyent acomplis
[218]
Vostre mercy prince du monde
En vous touttes puissance habo[n]de
Puis que m'avez doez de Mets
La restaurer je vous promets
[219]
Or prenez donc tant de mez gents
Qu'il vous plaît [et] d'or [et] d'arge[n]t
Et faitte vostre honne[ur] valloir
Je congnois vostre bon voulloir
0
89
[220]
Lors, manda gents de to[u]s mestiers
Marichals, massons, cherpentiers
Ouvriers d'oeuvres edifficatoire
Assambla grant preparatoire
Fo 23 ro
[221]
Au prince congier demanda
Mecius et ses gents manda
Prist or argent [et] grant fina[n]ce
Et mist son oste en ordonnance
[222]
Mecius qu'estait filz de Roy
Prist son excercitte [et] charrois
Et gents de plusieurs nacions
Et vint en uste region
[223]
Quant vint ou la cite estait
Le cuer sauvant lui respittoit
D'ung sy beau puple [et] de le(ur] mort
Qu'il a voit fait morrir a tort
[224]
Il fist crier par tous paiis
Ou qu'il en y avoit fuys
Par l'oppression de la guerre
Qu'il lez mandait tres tous req(ue]re
[225]
Et qu'il leur donroit dava[n]taige
Lieu po[ur] maisons [et] heritaige
Pour recouvrer germe [et] syon
De vraye generacion
F 0 23
[226]
Tous ceulx [et] celles oyant le cris
De ses mandeme[n]t [et] rescripts
Retoumerent tous en leur lieu
Et esperance d'avoir mieulx
[227]
Entre lez quelz cinq en trouva
Que moult nobles [et] saiges approva
Il lez retint de son conseil
Et en justice ses pareilz
V
0
90
[228]
Moult de bien fist en la cite
En tous cas de necessite
Le puple avoit en grant amo[ur]
Et on lui portoit gra[n]t honnour 7 6
Cornant Mecius grant capitaine de Jules Cesar donna son nom a la cité.
[229]
Je Mecius l'ay destruitte
Et de ma puissance restruitte
Noble cite je te promesse
Pour mon nom te no[m]meray Mets 77
Suffertus nomen dederat cui Mecius urbi
[230]
Tousio[ur]s ensuivent les parole
Nom pas p[ar]livre ne p[ar] rolle
Mais depuis q[ue] prist nom de Mets
En a duree la rymesse 78
De la pucelle emmuree en la tour d'Anglemure
[231]
76
79
Quant on fist lez tours d'Angle mure
Les anciens disoie[n]t en murmure
Pour avoir la cite duree
C'une pucelle y fuit muree 8o
Ce récit semble sortir de l'imagination de l'auteur. Il a« brodé» autour de sa source.
77
Depuis le Vème siècle, la cité se nomme Mettis. C'est le nom que Sigebert de Gembloux
lui donne dans L'Eloge qu'il rédige sur la ville juste avant de repartir à Gembloux avant 1075.
Cependant le nom romain de Civitas Mediomatricum est loin d'être oublié puisqu'il est
encore en usage dans certains textes du Xème siècle. Il faut dire que ce nom était bien connu
puisque c'était celui que Jules César avait donné à la ville dans son œuvre «La guerre des
Gaules » dont un des livres se trouvait à la bibliothèque de Saint-Vincent. C'est une note
datant du Xléme siècle faite par le bibliothécaire de l'abbaye de Saint-Arnoul qui nous
renseigne sur le lieu où se trouve l'ouvrage de Jules César; CHAZAN, Eloge de la ville de
Metz de Sigebert de Gembloux, p. 445.
78
Ce quatrain est écrit dans la marge droite. Une flèche permet de le situer dans le corps du
texte.
79
Ce titre est écrit dans la marge gauche du folio.
80
Avec les légendes de la Pucelle de Metz et de la fondation de la chapelle de Rabas par
Charlemagne au quatrain n° 529, nous quittons les sources écrites. En effet, ces deux légendes
ont non seulement une origine inconnue, mais de plus, elles ne sont relatées que dans les
Chroniques de la cité de Metz. Nous savons seulement qu'elles se transmettaient encore
oralement au début du XXème siècle. Il est donc fort probable que nous avons affaire à une
transcription de traditions orales messines; VOLTZ, Les Chroniques en vers de la ville de
Metz, étude historiographique, p. 22, 23.
91
Fo 24 ro
[232]
Et de lors fuit Mets appelee
Bien reffaite [et] repopullee
Mecius en fuit le seigneur
Et la submit a l'empereur
[233]
Mecius selons cours humain
Fil de roy natif des Romains
Dessina par anticquité
Et ordonna bien la cité
[234]
Il co[m]mist gens saiges [et] habilles
Ill'aimoit co[m]me pere sa fille
Ceulx de la generacion
De premiere fondacion
[235]
Extrais dez anffans de Noel
Lez ordonna seigneurs voez
Voz peres furent fondateurs
Et vous serez reparateurs
[236]
Je vous constitue en justice
En regime et bonne police
Pour rendre raison a chescuns
Et mon droit je donne au co[m]mun
F 0 24
[237]
V
0
Vous estes cinq nobles paraiges 81
Vaillant riches prudant [et] saiges
Pour regenter vous ay assis
Et mon co[m]mun qui fera six
81
Les cinq paraiges primitifs furent Porte Moselle, Jurue, Saint-Martin, Port-Sailly et OutreSeille. Par la suite s'est érigé le sixième paraige celui du Commun qui n'a pris le caractère
complet de paraige que vers le XVème. Les paraiges étaient un corps indépendant, qui vers le
commencement du XIIIème siècle s'est constitué afin de protéger les individus associés en
son sein. Au nombre de cinq, d'abord et ligués de bonne heure pour la conquête du pouvoir de
la cité, les paraiges avaient réussi à enlever aux évêques l'autorité que les prélats exerçaient
dans leur ville épiscopale. Dès le XIIIème et XlXème siècle, les paraiges sont maîtres de la
cité; Histoire de Metz, dir. Le Moigne, p. 145.
92
[238]
Pouoyez vous au demeurant
Adieu vous dis m'en voy morra[n]t
Secourez au plus necesaire
Eschevez je ne puis plus faire
[239]
Quant de ma vie il sera fin
Mon ame donne au seraphin
Et mon corps a la sepulture
Servez dieu (et] tenez droitture
[240]
Apres lui heure[n]t aultre seigne[ur]
Car maindre ploye soub grigne( ur]
La cleretey en est malaisee
A trouver par les librairiés
[241]
Mais pour ensuivir mon propos
La cite avoit pour suppos
L'empereur tousiours Augustus
Au quel la submist Mecius
[242]
La cite fuit assez reffaitte
Au monde na chose parfaitte
Quant ung ho[m]me fait son pooir
L'aultre doit faire son debvoir
Qua[n]t lez pont des morts (et] le ponts Tiffroy furent premier fait de la cite
après la mort de Mecius. s2
[243]
On passait par sus lez rivieres
Sur pont de bois no(n]pas de pieres
Malz retenus pour lez constanges
Et marchant souva[n]t par la fanges
[244]
Le puple en estoit tormentez
En temps d'yver [et] temp d'estez
Par grandes eaues, par glace [et] p(ar] neisge
En allant en leur heritaiges
82
L'auteur a inséré ce titre après avoir rédigé les quatrains. N'ayant pas suffisamment de
place entre les quatrains 242 et 243, le titre est en partie rédigé dans la marge droite du folio.
93
[245]
Mais Dieu permist deux nobles ho[m]mes
Nobles [et] puissant de grant renoms
L'un estoit nommez Thiffridus
Et l'aultre nommez Moridus
[246]
Ung pont fist faire Thiffridus
De pieres a la porte Dolbus
Esperant que grant bien feroit
Et fuit nommez le pont Thiffroy 83
[247]
Moridus en paroille sorte
En fist faire ung a l'aultre porte
En pitiez et de bon remort
Ce pont fuit dit le pont du mort 84
[248]
Ces ponts furent fait richeme[n]t
Serva[n]t tres prouffitanblement
Mais par faulte d'entretenir
Fault tou ttes choses a fin venir
[249]
Au tousiours prendre [et] ny rien mestre
Sy gros n'est que ne d'heust descrestre
Tant fure[n]t usez [et] desrompus
Tant par sus on ne marcha plus
[250]
Apres loing temp conclusion
Y fuit mise provision
Bien fondee certainnement
Pour l'oueuvre [et] l'entretenement
83
L'œuvre des seigneurs troyens consiste dans l'établissement de deux ponts de pierre, le
Pont-Thieffroy d'abord, le Pont-des-Morts ensuite, qui succèdent à des ponts de bois en
mauvais état. Cette légende permet de reconnaître que la tradition conservait le souvenir de
l'antériorité du Pont-Thieffroy sur le Pont-des-Morts, mais aussi du temps où l'on ne passait
le bras de la Moselle que dans les barques; PROST, les Légendes, p. 175.
84
On trouve des vestiges du pont antique près de l'actuel Pont-des-Morts. ll faut ajouter que
le bras oriental de la Moselle à cette époque devait être plus large, mais le tracé de ce cours
d'eau et son évolution nous sont inconnus. On peut malgré tout supposer que l'eau pouvait
submerger les quais et la place de chambre ; GAUTHIER, Topographie Chrétienne des cités de
la Gaule, p. 39.
94
[251]
De ses ponts la [et] d'aultre encor
Tant du dedans co[m]me du dehor
Selon l'ordre [et] le contenus
Sont maintenant entretenus
[252]
Jours a pres jours co[m]me il advien
Apres Julius Octavien
Fuit empereur sur lez Romains
Sy forte n'este qu'ay point de demain
De Octavien l'empereur et de l'amphyteaultre qu'il fuit faire
[253]
Octavien en cestui pays
Vint ou il n'estait pas hays
Et fuit receupt a grant honne[ur]
Comme appartient a empereur
[254]
Plusieurs jours a Mets seiouma
Et bon regime y ordonna
Et au temp de la stacion
Y fist grant reparacion
[255]
Octavien ama la cité
Et y fist grant sollempnité
Une œuvre nom pareille a aultre
Qu'on no[m]moit ung amphitheaultre as
[256]
En ung lieu nommez aux arrai[n]ne
Volt tenir sa court souverainne
Sur l'emphitheaultre a devis
A mode d'empereur servis
86
85
Le grand amphithéâtre à Metz était à 1' écart de l'agglomération. Ses dimensions
importantes permettaient de le considérer comme l'un des plus grands de l'empire romain. ll
fut certainement construit à la fin du premier siècle. Ce monument fut détruit au cours du
illème siècle lors des invasions. C'est à ce moment que les habitants de la ville de Metz
construisirent rapidement une enceinte en utilisant alors les pierres de l'amphithéâtre;
Histoire de Metz, dir. Le Moigne, p. 53. L'auteur ne semble pas connaître la destination
exacte d'un amphithéâtre puisqu'il évoque les réceptions tenues par l'empereur et non les jeux
qui devaient y avoir lieu: «Volt tenir sa court souverainne 1 sur l'emphitheaultre a devis 1 a
mode d'empereur servis».
86
ll se peut que le nom des Arènes fut donné à ce lieu à cause de l'amphithéâtre que les
romains y avaient construit ; PROST, les Légendes, p. 177.
95
[257]
Quant le lieu fuit a son gres mis
Ung mois festoya sez amis
Et hyuctz jours bourgois [et] marcha[n]s
Et hyuctz jours la comune gents
[258]
Haulte estoit assis en attours
Et au dessoubz tous alentours
Chescuns a son mieulx s'attornoit
Faisant dances, joustes [et] tournois
[259]
L'emphitheaultre de droitture
N'avoit fermetes ne sarrures
Ne couverture que drap dor
La avoit moult riche tresor
[260]
A Challon, Raim [et] Lucembourg
A Toul, Verdung, Trieuve [et] Strabo[urg]
Manda Octavien par expres
Apporter leurs tribus a Mets
Dont procede le nom de Romesalle
[261]
87
Et ordonna une maison
Pour chescun an rendre raison
Dez tributs rentes imperialles
Qui est nommee Romesaulle
Co[m]ment la table de marbre fuit faicte et fuit depuis l'autelez Sainct Piere
[262]
Quant sa maison heust ordonnee
Et son ordonnance donnee
Une riche marbre taillie
Y fuit mise pour l'estanblie
87
Romesalle était un édifice gallo-romain se trouvant en plein centre ville, là où la population
se faisait dense. Cet édifice dont le nom rappelait un vaste bâtiment s'étendait des deux côtés
de la rue des clercs. Romesalle est mentionnée dans la confirmation des biens de l'abbaye par
Célestin III le 15 mai 1192. ll subsiste des traces de mur antique entre Bonneruelle et la rue de
l'Esplanade actuelle ; SCHNEIDER, La ville de Metz au Xlllème et X!Vème siècles, p. 51.
96
[263]
En passant grant succession
Apres la digne passion
Fuit la reprist celle pierre
Et en fuit fait l'aultel s[ain]ct Piere
[264]
Apres de cest amphiteaultre
Dont fuit sollempnite si haulte
Demeura vangue [et] ruyneux
Puant infectz [et] veinimeux
[265]
La se faisoie[n]t chose noctoire
Touttes oeuvres diffamatoires
Tous gens jureus [et] an chantez
Usant de touttes meschantez
[266]
Boulle, putterie (et] bourdelaige
Cocubinaige [et] macrelaige
Sodomie [et] pollucions
Et tou ttes dissollucions
88
Fo 27 V
[267]
Longuement dura ce co[m]mine
Mais Dieu par sa grace divigne
Pugnit cel que ne se repent
La s'ariva ung grant serpens
[268]
Ce serpent osta les peschiez
Mais au puple fist g[ra]nt meschief
Il en dechassa la luxure
Et y mist velin [et] ordure
0
88
Selon la légende de saint Clément, c'est dans l'amphithéâtre romain, se trouvant sous
l'actuelle gare de marchandise, qu'il faut chercher l'emplacement de cet autel. Dans son
histoire des évêques de Metz, Paul Diacre évoque l'édification de cet oratoire par le premier
évêque. D'autres documents attestent de son existence, c'est le cas du sacramentaire de
Drogon, mais aussi de la Bulle du pape Innocent II de 1139 qui avait doté de nombreux
privilèges la première église chrétienne de Metz. Vers le milieu du IVème siècle eu lieu la
translation du siège près de la cathédrale dans un sanctuaire qui prit le nom de Saint-PierreLe-Vieux. L'oratoire continua d'exister jusqu'en 451 date à laquelle, il fut certainement
saccagé par les Huns. On note au IXème siècle, l'existence d'une église dans l'amphithéâtre.
En 1444, lors de la guerre contre le duc de Lorraine et le roi de France, le monument fut
épargné par les combats, mais le siège de 1552 amena sa destruction; KLAUSER, Eglises
antérieures à l'an mil, p. 571 à 574.
97
{269}
De sang faisoit effusion
Et de gents g[ra]nt co[n]fusion
Quant il desgorgoit son allai[n]ne
De velin estoit l'air plainne
{270}
Gens morroie[n]t journelleme[n]t
Addes continuellement
On ne se scavoit ou quachier
Ne ne l'osoit on approchier
{271}
Et avecq lui tant de vermine
Grande colleuvres serpentines
Gros crappaux, scorpions, lezardes
Destruire oh n'eust sceu sans les ardres
Fo 29 ro 89
[272]
En cellui tempz y avoit gens
Tres vertueux [et] diligens
Mais du velin dont ilz usoient
Nulz approchier ne les osoient
[273]
Cellui mallongueme[n]t dura
Dont le puple molt endura
En torma[n]t [et] affliction
Jusques apres la Passion
[274]
On treuve[n]t par sceux de clergie
Que lez terres sont rechangie
Royalmes duches [et] contez
Par ceulx qui lez ont conquestez
[275}
Octavian de Romme empereur
Tenoit en son sceus g[ra]nt erreur
Et au temp de sa seigneurie
Fuite nee la vierge Marie
89
Le folio 28 est manquant. L'auteur des Chroniques de la cité de Metz a tout simplement
oublié cette numérotation.
98
[276]
Or vint l'anonciation
De la saincte incarnation
De Dieu le pere [et] sainct esprit
Et du fille doulx Jhesucrist
0
F 29
[277]
Jhesus fuit ne en Bethleem
Ung lieu près de Jherusalem
Dont Herode occit par mal sceus
Sept vint quatre miles inocents
[278]
En diligence bien su bite
Fuit portez Jhesus en Egipte
Et quant Herode eut rendu ame
Retorna en Jherusalem
[279]
Marie (et] Joseph firent areste
En la cite de Nazareth
En leur maison [et] propre lieu
Norissant le vray filz de Dieu
[280]
Trente deux ans regna sur terre
Co(m]me anffant avec pere (et] mere
L'an apres souffrit Passion
Pour humainne redemption
V
0
Des miracles du jo(ur] de la Passion faict.
[281]
Au sainct jour de la Passion
Estaient en jubilacion
En Romessaule lez recepveurs
Pour lez tribus de l'empereur
Fo 30 ro
[282]
Depuis le jour du g[ra]nt deluge
Ou au monde n'eust c'un refuge
On ne trouve[n]t jour sy terrible
En tous les hystoire de bibles
99
[283]
Car au jour de la passion
Fist si terrible emocion
Par tout le monde univercel
Que maints droit furent revercez 90
[284]
Tout trembla par si fort raison
Qu'a Metz tomba maints maison
Et l'idole de Jupiter
A cellui jour tomba a terre 91
[285]
Et le chasteau sur la riviere
Pres de la Porte Lavandiere
De Zelech estait le treffons
Fuit fandus du hault jusq[ue] au fons
[286]
Qui estait de sy forte muraille
Qu'on ne scauroit faire pareille
Car des ouvriers de Babillonne
Fuit fais [et] des propre parsonnes
[287]
De ses signes tant perilleux
Tant oribles [et] ta[n]t merveilleux
Rescripverent a leur signeurs
Tyberius l'empereur 92
[288]
Car a Rome on sceut lez nouvelle
De la mort Jhesus tant cruelle
Et sy leur fuit certiffiez
Que Dieu estait cruciffiez
90
Dans sa Chronique, t. I, p. 40, Philippe de Vigneulles développe plus cet épisode en
donnant de nombreux détails : « Depuis 1'heure de sexte jusques à nonne, ténèbres y avoit
estez, sy ob[s]cure que l'on veoit les estoille on firmament et que terrible tranblement de terre
avoit estée fait ... et que plusieurs maison y estoient cheuttes et que une paroy tres espesse
avoit été rompu etfandue du plus haut jusques en bas».
91
Eusèbe-Jérôme est le premier à faire référence aux cataclysmes qui eurent lieu lors de la
mort du Christ. Vincent de Beauvais repris cette source dans son Speculum Historia/es.
L'adaptation française de cette œuvre servit à son tour de source et on en voit ici la version
messine ; BEAUNE, Naissance de la nation France, p. 52.
92
Philippe de Vigneulles ajoute dans sa Chronique, t. I, p. 45, les phrases suivantes: «Je
vous dirés de l'empereur Thiberius, lequel mist tant son amour en celle noble cité de Metz,
qu 'ill 'anoblit de toutte au/tres, et la douuait de plusieurs graice et privillaiges ».
100
Q{uan]t sainct Piere vint tenir son siege a Rome
[289]
Quant s{ain]t Piere le bon preudo[m]me
S'en vint tenir son siege a Ro{m]me
Prescha tant parmey la cité
Que de l'ouyr fure[n]t jucité
[290]
Jhesus apprist a ses appostres
Le sainct sacre [et) la pater nostre
En disant que bonne loy teingne
Pour accroistre la foy crestienne
[291]
Tous lez fist clercs [et] advisez
Et l'ung de l'aultre divisez
Mais quel grant que fuit les dicippes
Fuit sainct piere pere princippe
La convercion monseigneur sainct Clement
93
[292]
Sainct Piere pere appostollicq[ue]
En preschant la foy catholicq[ue]
Convertit ung noble seigneur
Du sang dez plus gra[n]t senateur 94
[293]
Ceste ho[m)me en liberte sans femme
Demanda crea[n)ce [et] baptesme
Et qua[n]t il fuit bien baptisez
Le monde prist en desprisiez
93
La légende de saint Clément était très connue à Metz à la fin du Moyen Age, ce qui
explique la place importante qu'elle occupe dans les Chroniques de la cité de Metz. Le .récit
que l'on trouve dans cette chronique se rattache à la dernière version de la légende sous une
forme abrégée puisque tout ce qui concerne le saint avant son arrivée à Metz a été omis. La
vie du premier évêque messin apparaît à travers les Chroniques de la cité de Metz comme un
récit original présentant saint Clément comme un saint exclusivement messin; VOLTZ, Les
Chroniques en vers de la ville de Metz, étude historiographique, p. 20.
94
Dans sa Chronique, t. 1, p. 48, Philippe de Vigneulles présente ainsi saint Clément:
« Homme de grande noblesse, doctes et a prins devent tous les pallaciens, preux en armes,
proveu de conseil, et estoit des plus noble de la cite de Romme, comme celluy qui estoit
descendus de la lignié dez senateurs et empereurs». n le nomme Clément Flavius et ajoute
qu'il est l'oncle du pape Clément martyr; CHAZAN, Dans la gueule du dragon, p. 28.
101
{294]
Sainct Piere si le baptisa
Et puis preste le disposa
De la messe [et] la pater nostre
Pour la foy Jhesuscrist accroistre
{295]
Sens plus de prolongacion
Pria davoir legacion
Vestus en prestre simplement
Et no[m]moit ons son nom Clement
{296]
Sainct Piere prist moult g[ra]nt plesir
Qua[n]t il congneut son bon desir
De bons preudhons l'associa
Et la foy leur speciffia
F 0 31
[297}
En dignite espiscopale
Lez mist [et] prins les dit en Gaule
Vous en yrez moult loing pays
De rien n'en fure[n]t esbahis
[298]
Ilz partire[n]t par compaignie
Onze prelat 95 tous sans mesgnie
Baptisiez [et] regenerez
Et en la foy bien literez
{299]
Tres tous a lavoye sont mis
Lassant leurs parans [et] amis
Qui lez tenoient pour chetis
Pourtant qu'estoient convertis
V
0
95
La tradition s'est enrichie et saint Clément finit par être accompagné par d'autres
personnages que ses deux compagnons Félix et Céleste. L'auteur des Chroniques de la Cité
de Metz écrit que onze prélats accompagnent saint Clément, mais il ne cite aucun nom. Dans
sa Chronique, p. 49, t. I, Philippe de Vigneulles, énumère les noms d'autres personnages:
«saint Pie"e luy bailla à compagnie Félix, preste, et Céleste, diacre», puis il ajoute, «avec
lesquelx il envoya plusieurs au/tres sainctes parsonnes, car il envoyait Eukaire, Valère et
Materne à ceulx de Trieuve et Mansuy à ceulox de Toul et Siros à ceux de rains, etc». Pour
Philippe de Vigneulles, ces personnages sont au moins au nombre de sept. Mais le dernier
terme: etc, indique qu'il pouvait y avoir d'autres personnes.
102
[300}
Quant vindre[n]t au monts de mo[n]giez
Tres humbleme[n]t prindre[n]t congiez
Pour aller sans dilacions
Chescuns en sa legacion
[301}
Tant ont leur fais solicitez
Que chescun trouva la cite
Ou que il estoit envoyez
Plainne de gens tous desvoyez
[302}
Quant heure[n]t fais desparteme[n]t
Tant cheminere[n]t app[er]tement
Co[m]me pelerins monte[n]t [et) avalle[n]t
Qu'ils vindre[n]t es pays de Gaule
[303}
Sainct Clement Felix [et] Celeste
En painne travail [et] moleste
Ne s'aresterent en lieu jamais
Tant qu'il furent bien pres de Mets
103
[304]
Tant ont cheminez [et] allez
Lassez travailliez [et] foullez
Que pour leur repas fire[n]t pose
Au fons du grant forest de Gorze 96
[305]
Il trouvere[n]t une fontaine
Qui n'estait pais de Mets lo[in]tai[n)ne
Ilz firent leurs devocion
En prenant leur reffection
Co[m]me le cerffe que chassaient les veneurs du prince vint aupres de sainct
Clement en la forest de Gorze. 97
[306]
Et alors que ilz reppassoie[n]t
Lez veneurs du prince chassoie[n)t
Ung grant serf parroy la forest
Qu'en leur girons fist son arest
96
Gorze est certainement une des abbayes lorraines la plus ancienne et la plus riche. La
fondation a sans doute eu lieu entre 747 et 757 par l'évêque de Metz Chrodegang. Ce dernier
est le descendant d'une grande famille de Hesbaye et il devint évêque à Metz en 752. Il part à
Rome en 753 et à son retour, il développe la réforme religieuse au travers de la liturgie dont le
chant grégorien est un élément important. Il réforme aussi le clergé régulier et fonde Gorze.
L'église de Gorze est dédiée aux saints Pierre, Paul, Etienne et à tous les saints. L'évêque
supervise la réforme bénédictine dans l'abbaye ce qui est important dans une région sensible
au monachisme irlandais qui donne moins d'importance au rôle de l'évêque. Gorze reste donc
dans la dépendance de l'évêque de Metz. C'est une des abbayes les plus importantes de la
région et les évêques comme Angelram (768-791) lui font des donations. Mais comme
l'abbaye est richement dotée, elle finit par être convoitée et en 855, à la mort de l'évêque
Drogon, qui était aussi abbé de Gorze, l'abbaye tombe entre les mains des laïcs. Ce
mouvement de mainmise des laïcs sur les biens religieux est général et c'est à cet événement
qu'il faut attribuer la décadence de l'abbaye. La venue de l'évêque Adalbéron 1er permet à
Gorze de restaurer sa grandeur. On évoque à ce sujet une deuxième fondation. Adalbéron
apparaît comme un nouveau Chrodegang. V abbaye conservera une grande importance dans
toute la région pendant l'époque médiévale. Mais à la fin du XVème siècle, comme la plupart
des abbayes bénédictines, Gorze connut un déclin du essentiellement à un fort endettement et
à un état de guerre permanent en Lorraine. Gorze devint l'enjeu de rivalités politiques et
religieuses et en 1544, elle appartient à l'empereur Charles Quint. Elle sera incendiée le 12
avrill552 par Gaspard de Coligny; WAGNER, Gorze au Xlème siècle, p. 17 à 25.
97
C'est au cours de la troisième version qu'est ajoutée la légende du cerf; CHAZAN, Dans la
gueule du dragon, p. 29.
104
Fo 32
[307}
Il s'aresta entre eulx trois
Clement au signe de la croix
Lez chiens tant fiers [et] mallaisiez
Furent tous doulx [et] respaisiez
[308]
Les veneurs voant ce miracle
Que de la main ung seul signaicle
Lez conffust sens plus travaillier
Tres fort s'en peurent esmerveillier
[309]
Retoumere[n]t sans arester
A leur prince lefait compter
Dont moult en fuit esmerveillez
Et d'y aller appareilleiz
V0
Co[m]ment le prince aller otor le cerff
[310]
N'attendit ne trois jours ne q(ua}tres
Au lendemain pour eulx esbattres
Le prince avec la princesse
En rallerent tous a la chasse
[311]
Tout aincy que le jour devant
Estoit le temp l'air [et] le vent
Braconniers [et} chiens en le[ur] tasse
Retrouverent le serf en sa place
Fo 33 ro
[312]
Le serf requerant son suppos
Ne rechanga pas son propos
En faisant ses salz soupplement
Sen vint rendre soub sainct Cleme[n]t
[313]
Sainct Clement le loyal preudhons
Qui apportait grace [et] pardons
Leurs fist comme au jour precedant
N'y eust chiens qui ouvrit sez dant
105
[314]
En faisant seuleme[n]t la croix
Tres tous lez chiens se tindre coy
Le prince veant la vertus
Lui va demender : qui es tu ?
[315]
Il respondit benignement
Nous so[m]mes pour v[ot]re salveme[n]t
Lez serviteurs de Jhesus Crist
Pere [et] fil [et] sainct esperit
[316]
Nous so[m]mes en ses pays venus
De part Dieu po(ur] v[ot]re salus
Pour vous donner cresme [et] baptesme
Et pour salver hommes [et] fe[m]mes
[317]
Le prince a cez most retourna
En ce lieu plus ne seiouma
Lui [et] la princesse sa fe[m]me
Et tous aultres seigneurs [et] dames
Co[m]ment sainct Clement epitra en la Citez
[318]
Sainct Clement vint en la Cite
Po[ur] cas de g[ra]nte necessite
Car tous estaient entaschiez
De malz [et] de mortelz pechiez 98
[319]
Quant ses premiers sermons prescha
Chesc[u]n pres de lui s'approcha
Et de fervant cuer l'escoultoient
Quoncq[ue) sermon ouy n'avaient
98
Sur la date d'arrivée des premiers évêques, on ne peut émettre que des suppositions. On
peut placer 1'épiscopat de saint Clément au premier quart de Illème siècle. On sait que pour la
Lorraine, la diffusion du christianisme fut d'abord un fait urbain et l'organisation
ecclésiastique se modela sur celle de l'administration de 1'époque. On reste malgré tout mal
renseigné sur les premiers lieux de culte chrétien. En se référant au témoignage de Paul
Diacre au Vllème siècle, des fouilles ont été entreprises au Sablon sur le site du grand
amphithéâtre au début du X:Xème siècle. Un réaménagement de la fosse des machines, après
abandon de l'édifice a été mis en évidence. Datant de la fin du llième siècle ou du début du
Nème siècle, il pourrait bien avoir une origine chrétienne; PARISSE, Histoire de la Lorraine,
p. 88, 89.
106
[320]
Puis disoie[n]t lez ung aux aultres
En cez parlers n'a nulles faultes
Tous ses mots sont d'auctoritê
Et ne dit rien que veritê
[321]
Ceulx qui ses sermons escoultoie(n]t
A leur voisins lez racomptoie[n]t
Disant beau Dieu de paradis
Ou peult il prandre ceu qu'il dit ?
Fo 34 ro
[322]
Tant prindre[n]t de devocion
D'oyr ses predicacions
Que cellui estoit desprisiez
Que briesment n'estait baptisiez
[323]
Tant de la foy lez advertit
Que la plus g[ra]nt part co[n ]vertit
Et baptisait journellement
Grant nombre generalement
[324]
Le prince tena[n]t son erreur
Et la princesse en rumeur
En leur grant estat triumphant
N'avaient for cun seul anffant 99
[325]
C'est anffant estoit une fille
Mais par la mort qui est subtille
De son mortel dart la frappa
Et la mist de vie a trepas
[326}
Le prince out desesperez
Impacient mal temperez
Et la dame pareillement
Menaient duel horiblement
99
Philippe de Vigneulles ne mentionne pas de la même manière le miracle de la résurrection
de la fille d'Orius et des autres morts puisqu'il évoque ces miracles de manière très abrégée,
en faisant le bilan toutes les œuvres de saint Clément. C'est à dire, une fois que ce dernier est
mort. Le récit de ces miracles est bien plus bref que dans les Chroniques de la cité de Metz.
107
0
F 34
{327]
Leurs gens po(ur] lez reconforter
Et de bon conseil ennorter
Leurs dirent sire par science
Prenez ung peu de pacience
{328]
En la Cite a ung propheste
Qui a tant de belle oeuvre faitte
Oncque nulz ne vit le pareille
Prenez ung peu de son conseille
{329]
Le prince triste [et] desolez
Fuit ung petit reconsollez
Desirant le sainct ho[m]me ouyr
Esperant a son resjouyr
{330]
Incontina[n)t ille manda
Et a lui se recommanda
D'une reco[m]mandacion saincte
Non pas d'amo[ur] mais par co[n]straite
{331]
Dalleur que son cueur estraidoit
D'humillier le constraindoit
Pour ceu qu'il fallait obeyr
A ce que plus voulloit hayr
V
0
Fo 35 ro
{332]
Mais Dieu n[ost]re bonoy salveur
Qu'a son appetit [et) sapveur
Au sapvourer notre salut
Avoit ceste sapveur esleut
{333]
Le sainct preudhons q[u'e]stoit principe
Avec ses deux bons disiciples
En louvant (et] requerrant Dieu
Se vindrent presenter au lieu
108
[334]
La trouvere[n]t le corp gisant
Seigne[ur]s [et) dames gemissa[n]t
En tristesse (et] en g(ra]nt dolleur
Ploran t avec leur seigneur
[335]
Le preudhons Cleme[n]t Flavius
S'en vint ver le prince Orius 1oo
Pour scavoir [et] pour demander
Qu'illui plaisoit a commander
[336]
La compaignie salua
Le prince en estat se leva
Dun cuer troublez tres resolus
Humblement lui rent son salus
F 0 35 V 0
[337]
Disant:« noble [et] loyal preudhome
Vous n'estes pas venus de Rome
En faisant si grand penitence
Que vous n'ayez de la science
[338]
Ho(m]me de bien conseillez moy
Qui suis las en tres g[ra]nt esmoy
Donnez a mon scens reconfort
Car vecy mon reconfort mort
[339]
Se vous avez quelque puissance
A nous donner rejoyssance
Et vous y vouller attempter
Nous vous voullons bien co(n]tempter ~.
[340]
La sainct ho[m]me lui respondit :
«Prince mieulx sceus q(ue} tu me dit
Ho[m)me n'est de puissance digne
Que par la puissance divigne
100
Dans sa Chronique, t. 1, p. 46, Philippe de Vigneulles présente le prince Orius avant
l'arrivée de saint Clément. Il ajoute que l'amour de l'empereur Tibère était tellement grand
pour Metz qu'il lui avait envoyé un prince« Lequel estoit homme noble et subtil, ingenieulx et
sage».
109
[341]
En saincte escripture est escrypt
Pere [et] fil [et] sainct esperit
Ses trois noms ung seul Dieu co[n]sone
Qu'est ung seul Dieu en trois parsonnes
Fo 36 ro
[342]
Et son avoir voullez victoire
En Jhesus Crist il vo[us] fait croire
Fil de Dieu co[m]me j'ay recité
Qui a de mort ressucité
[343]
Ilz vous fault recepvoir baptesme
Vous tous premier [et] v[ost]re fe[m]me
Tous seigne[ur]s [et] dames [et] familles
Et joye aurez de vostre fille ».
[344]
Aincy le prince le promist
Et en devolcion se mist
Lui, la princesse [et] tous ses gens
Deulx convertir tres diligens
[345]
Ses trois sainctz veant la moleste
Sainct Cleme[n]t Felix [et] Celeste
Tous trois en grant devolcion
Firent a Dieu leur oracions
[344]
Nostre doulx salvo[ur] Jh[es]ucrist
Renvoya a ce corps l'esperit
De son amour la visita
Et de mort la ressucita
F 36
0
[345]
V
0
Et sainct Clement le dit a tous
«Simple gents reconfortez vous
Car vous etez malz fortunez
En ceste loy que vous tenez,
110
[348]
Car oncq(ue] ydole n'eust puissance
De vous monstrer tel congnissa[n]ce
Mais cil qui a ressucité
Vous prouve ycy la verité
[349]
Se vous avez aulcuns gens mort
Sur terre apportez ce lez corpz
Apportez lez incontinant
Ilz ressuciteront maintenant
[350]
Des gens morts y avoit sur terre
Ilz fure[n]t tantost ma[n]dez querre
En cellui lieu furent apportez
Et la furent ressucitez ».
[351}
La fille revenue en vie
D'estre crestienne heut g[ra]nt envie :
« Dieu qui m'a redonnez mon ame
Donnez moy la loy de baptesme
Fo 37 ro
[352]
Pere [et] mere [et] tous mes amis
Pour Dieu soyez en la foy mis
Et tantost soyez baptissiez
Qu'en nostre loy sommes abbusez
[353}
Or congnoy bien qu'il appartien
Que nous soyons tous bons crestiens
Tantost furent tous baptisiez
Et de leur gros duel rapaisiez
[354]
Orius dit a sainct Clement :
«Pere en Dieu a toy me co[m]mand
Ordonne ceu qu'il te plaira
A mon pooir l'acomplira
[355]
Mais sur nous rengne une te[m]peste
D'un venin plus mortelz q(ue] peste
D'ung dragon, venimeux serpens,
Plus longue que quarante arpans
».
Ill
[356]
Veuille nous de ce nettoyer
Et de noz pechiez chastoyer
Et nous croirons devottement
En Dieu [et] ses commandement
».
[357]
Sainct Clement [et] ses serviteurs
Devot litterez [et] docteurs
Se mirent en devolcion
Et Dieu y mist provision
[358}
N'avaient en le[ur] loy ruralle
Veu procession generalle
S'y en firent une en no[m] de Dieu
Et se firent mener au lieu
[359]
D'armes [et] de bons bastons s'armere[n]t
Et en la fouce lez menerent
En monstant de loing la charriere
Mais bien se terroie[n]t ariere
Co[m]ment sainct Cleme[n]t mena le serpent
{360]
Par la saincte loy appostolle
L'ho[m]me de Dieu prist son estolle
Et la mist on col de la beste
Quoncque n'en remua la teste
[361]
Et chemina tout simpleme[nt]
Co[m)me ung chien apres s[ain]t Cleme[n]t
Lizardes colleuvres [et] bestailles
Tout mena condempner en Saille. 1o1
101
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz rapporte une tradition messine qui s'est
enrichie au cours des siècles. C'est au XIIIème siècle qu'est rédigée la quatrième version de la
légende de saint Clément et que reprend l'auteur sous une forme abrégée. Cette tradition
évoque une légende rapportée par Paul Diacre dans son Libellus Episcopis Mettensis rédigée
entre 782 et 786. Le miracle le plus important de saint Clément consiste à libérer la ville du
dragon qui se trouve dans 1'amphithéâtre. Saint Clément parvient à dompter le dragon grâce à
sa sainteté. Il explique aux habitants de la ville que la présence de ce serpent était due à leurs
péchés, à leur idolâtrie. Saint Clément n'est pas le seul évêque à dompter un dragon dans la
littérature hagiographique. En règle générale, le dragon représente le paganisme ou le Diable.
Mais dans les Chroniques de la cité de Metz, le fait est plutôt nouveau, puisque le dragon est
un instrument de Dieu, un châtiment divin et qu'il est présent pour punir les habitants de la
ville de Metz; CHAzAN, Dans la gueule du dragon, p. 19 à 35.
112
Fo 38 ro
[362]
Quant il heust destruit ce vermines
Il n'attendit plus de termine
Il fist faire ung fond a baptesme
Pour baptisier de aue [et] de cresme
102
[363]
Et puis vit lez gents sy contriste
Au nom de sainct Jeha[n] Baptiste
Fist faire ung fond enmy lez champz
Pour baptisiez touttes les gents
[364]
En ung plesant lieu a sa guise
Fist faire le fond de l'esglise
Et tout pres prist sa residence
Son oratoire en penitence 103
[365]
De puis on y fist ung moustier
Gros [et] parfais [et] bien enthier
Par devolcion [et] mistere
Fuit fonder ung beau monastere
[366]
Ce sainct lieu de digne efficace
Avait noms lors bazillicas
Le lieu la terre [et] le pourpris
Qui est maintenant de hault pris
F 38 V
0
[367}
0
Prince [et] princesse avec le[ur) fille,
Seigne[ur]s dames, toutte la famille
S'appresterent hastivement
Pour recepvoir baptisement
102
Ce quatrain se trouve en bas du folio. L'auteur, à l'aide d'un trait désigne le lieu où il
souhaite qu'il se trouve, accompagné de la phrase suivante: Yci doit estre ce couplet.
103
C'est Paul Diacre qui le premier raconte que le premier évêque de Metz avait élu domicile
dans l'ancien amphithéâtre situé au Sablon hors de la ville. C'est là qu'il construisit son
oratoire qu'il dédia à son maître saint Pierre. La dédicace à saint Pierre est certainement plus
tardive. Mais lors des fouilles, des traces d'aménagement contemporaines de saint Pierre-auxNonnains ont été trouvées dans la fosse située sous l'arène. Cette église est attestée par une
liste stationnale au VIIIème siècle ; GAUTIIIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule,
p42.
113
[368}
Sainct Clement fist la pluss[ieur]s prestre,
Clercs devotz le desirant estre
Aux quelz il apprist le servise
De nostre mere saincte esglise
Q[ua]nt sainct Clement fist faire la mere eglise episcopale
[369}
Et puis apres consequement
Fist faire curcensement
La mere esglise episcopale
Qui fuit le siege cathedrale 104
[370}
Se n'estoit for c'une chapelle
Qu'alors leur sambloit riche [et] belle
Au nom de sainct Piere l'Appostre
Qu'on dit maintenant le four clostre
[371}
Apres fist faire emmy lez champz
En lieu plus villain [et] mescha[n]t
Le premier siege de pardons
Et d'absolucions le don
{372}
On disoit sainct-Piere-aux-arraine
Au dehors de la porte aurienne
Seigneurs [et] bourgois marchant
La nomment or sainct-Piere-au-champz
[373}
Le premier siege a penitence
La premiere foy [et] creance
Le premier divin sacrement
Et du serpent le dampneme[n]t
104
En 616, on est assuré que la cathédrale de Saint-Etienne se trouvait sur le site qu'on lui
connaît aujourd'hui. Toutefois, Paul Diacre, à la fin du Vlllème siècle pense que cette
cathédrale se trouvait à l'emplacement de l'oratoire construit jadis par saint Clément et dont
parle Grégoire de Tours. Peut-on penser que cette église a toujours été au même endroit,
puisque la construction de saint Clément se trouvait sur le site de l'amphithéâtre ? Selon
Nancy Gauthier, « Si on admet que Metz a possédé un évêque avant la paix de l'Eglise » cet
oratoire n'a pas toujours été construit en plein centre de la ville, mais plutôt dans un lieu
suburbain comme le sablon. li faut attendre le Vème siècle pour que les chrétiens s'octroient
les bâtiments publics du centre de la cité. Le transfert de cette église en ce lieu semble révéler
un christianisme plus présent dans la population messine et à une amélioration des bâtiments ;
Id, p. 43.
114
Primas sedes venie
Prima fides patrie
Prima misse celebracio
Et serpentis ejectio tos
[374]
Quant sainct Clement fuit advertis
Que son puple estoit convertis
Il rescript a sainct Piere a Romme
Qu'il avoit trouvez des prudho[m)mes
[375]
Il rescript tout premierement
Qu'il fuit receupt benigneme[n]t
En charitauble affiction
De gents de bonne intencion
[376]
Et que tous convertis estoient
Et aux ydoles renonssoient
Et que en leur convercion
Avoien t grande devolcion
[376}
Et lui rescripint pluseurs choses
Du serf de la forrest de Gorze
Du dragon qu'il maldit en Saille
Et de la mort de la pucelle.
[378]
Moult en fuit sainct Piere joyeux
En louant le Dieu glorieux
De la foy qu'il veoit accroistre
Le manda a tous les appostres.
[379}
Aux appostres tous congreguez
Fuit ce mandeme[n)t alleguez
A sainct Jehan nepveu Jhesuscrist
Fuit desclairiez premier l'escript
105
Dans sa Chronique, t. I, p. 51, Philippe de Vigneulles rapporte ce qui est écrit,« Ce qui est
escript sus le pourtal de 1'eglise dudit Sainct Pier aux araines, c 'on dit a champs, Prima
sedes venie, prima fides patrie, prima misse celabracio et serpentis ejectio ».
115
[380]
Le quelz donna a tous pardons
Confessez de bouche a preudhons
Chescun [et] chescunes la somme
Autant qu'il en avoit a Romme
Fo 40 ro
[381]
C'est en son esglise au arrainne
Visiter deux foix la sepmenne
C'est une foix le mercredi
Et l'aultre foix le vendredi
[382]
Chascun appostre a son pooir
L'ottroya de tres bon voulloir
De joye ung chescun gemissait
Pour foy Dieu qui accroissait
[383]
Et sainct Piere lez confirma
Et de sa puissance y donna
Au tant qu'a Ro[m]me en y avoit
Et que jamais en y auroit.
{.384]
Sainct Clement prist solicitude
De lever escalles [et] estudes 106
Des ordonnances appostollicq[ue]
Accroissant la foy catholicques
[385]
Destruisant lez illusions
Erreurs [et] folles abusions
Des abbusez en follastries
Addorant leurs ydollastries.
F 40
0
[386]
V
0
Sainct Clement fist pluseurs esglises
Car on faisait tout a sa guise
Le siege tint vintg cincq ans
Et trois moix [et] puis fuit vacqua[n]t.
106
Cet élément peut paraître intéressant. C'est peut être une indication originale de 1' auteur
car on n'en trouve aucune mention dans la Chronique de Philippe de Vigneulles.
116
[387]
Apres sainct Cleme(nJs, sai(n]ct Celeste
En la vie humaine [et] terrestre
Prist ceste charge episcopalle
Qui est gros fais sur lez appalle
[388]
Apres sainct Celeste, sainct Felix
Qui sont beneurez in celis
Par souffrir penne miseranble
Sont en la gloire pardurable
[389]
Le quart ce fuit sainct Pacient 1os
1°7
Envoyez en bon essiant
Qui estoit dicipple [et] ministre
De sainct Jehan envangelistre
[390]
De sainct Paciens dit encor
Que son droit non estoit Procor :
« Nez de Greee ou moult loing y a
Et a Mets sainct Jehan l'envoya
[391]
Dieu esteut ung sainct ho[m]me en Gres
Po[ur] estre le pastour de Mets
Et a sainct Jehan revela
Qu'il vouloit qu'il en fuit prela ».
107
Metz fut très tôt un foyer de chrétienté. Une communauté chrétienne à Metz est
certainement antérieure à la paix de l'Eglise. Un évêque de Metz, nommé Victor figure sur la
liste de signature datée de 346, du pseudo concile de Cologne. Il existe aussi un catalogue
métrique rédigé sous l'évêque Angilramnus (768-791) inséré dans le Sacramentaire de
Drogon. Ce catalogue nous indique que le nom de Victor était porté par le Sème et le 6ème
évêque de Metz. L'auteur de la chronique n'évoque pas d'évêque ayant porté le nom de
Victor. Il se réfère uniquement à l'évêque Aultre qui apparaît en 451. Il cite les quatre
premiers: Clément, Céleste, Félix et Patient, puis il reprend avec Aultre qui selon la liste des
évêques serait le 13ème évêque ; GAU1HIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule,
p. 42.
108
La légende de saint Patient possède trois versions successives, dont les deux principales
sont transcrites, l'une après l'autre dans le Petit Cartulaire de Saint-Arnoul. La première
version est de plus reproduite dans la Chronique des évêques de Metz et dans les Chroniques
de la cité de Metz. La seconde version se retrouve dans la Chronique de Philippe de
Vigneulles ; PROST, Les Légendes, p. 72.
117
[392}
Dieu revela a sainct Jehan :
Que Precor dis Pacien
Ait Mets pour reconmmandee
Co[m]me ma mere te fuit do[n]nee
«
».
[393}
Sainct Jehan desbille [et] a[n]cien
Donna son dent a Pacien
On tesmoing sans negacion
D'exerser sa legacion
[394}
Quant sainct Pacient fuit a Mets
Une esglise fist faire pres
En nom de sainct Jehan son maistre
Et cellui dans il y fist mestre
[395}
Mais depuis elle fuit destruitte
Par falce guerre mallestruitte
Par grant tirrant no[m]mez lez Vanldre 109
Qu'au crestiens fire[n]t g[ra]nt esclandre
[396}
Et depuis fuit reediffier
Et la foy mieulx clariffiee
Pour servir Dieu a deux genoulx
Du nom du benoit sainct Arnoulx
Qua[n]t sainct Altre fuit esvesque de Mets no
[397}
Au tempz apres la Passion
Co[m]me en l'escript fait me[n]cion
Deux cents quarante [et] deux avecq[ue]
Sainct Altre estoit de Mets esvesque
109
Metz, qui ne fut peut être pas toujours épargnée par les incursions des ill et IVème siècles,
paraît, suivant certains témoignages, avoir subi de graves atteintes pendant les grandes
invasions du V ème siècle. Les Vandales et les Huns sont, en effet, les barbares dont le
souvenir a le plus marqué la mémoire du peuple de nos provinces. Les Vandales et les Huns,
les Wandres et les Hongres suivant la forme donnée à leurs noms dans les récits populaires,
sont donc la personnification de la barbarie déchaînée; Id, p. 276.
110
L'emprunt le plus important est la légende d' Auctor, évêque de Metz lorsque les Barbares
ravagèrent la cité. La manière dont l'auteur évoque cet événement révèle que, contrairement à
sa source, il n'a pas voulu introduire dans son œuvre une biographie du prélat, mais relater un
épisode de l'histoire messine au cours duquel l'évêque joua un rôle primordial; VOLTZ, Les
Chroniques en vers de la ville de Metz, étude historiographique, p. 20, 21.
118
[398]
En cellui temp le roy dez Hongres
Et des Huans assiga Thongre
Sainct Servais qu'en estoit pastour
En heust gra[n]t travail [et] tristour
[399]
Sainct Servais a Rome en alla
Co[m]me loyal devot prela
Ravis lui fuit en vision
Des pais la conffusion
[400]
Premier la cite qui s'appella
Aupres du Rin Ars la Chapelle
Confuse par ses annemis
Sera aincy Dieu l'a permis
[401]
Et Tongre par oultrecuidance
Sera menee a telle dance
Et au ta telle advercite
Qu'elle perdra nom de cite
[402]
Et Mets sera sy troublee
Qu'elle sera arse [et] brullee
Tout perira par ceste estraine
For l'horatoire sainct Estenne
111
[403]
Sainct Servais vit en vision
Sainct Estenne en devocion
Devant la haulte mageste
Criant mercy pour la cite
[404]
Dieu tout puissant lui respo[n]dit
Estienne entend ceu qui est dit
Pugnis seront po(ur] leur pechiez
Et mort en g[ra]nt trouble [et] meschiez
111
Grégoire de Tours raconte, lors de son premier témoignage, comment les Huns, sortis de la
Pannonie, arrivent, en semant partout la dévastation. Il dit qu'ils pénétrèrent dans la ville la
veille de Pâques, qu'ils la brûlèrent et massacrèrent les habitants. Rien n'échappa à la ruine
générale de la cité, sauf le seul oratoire de Saint-Etienne; PROST, Les Légendes, p. 285.
Toutes les versions, depuis celle que transcrit Grégoire de Tours jusqu'à celle de Philippe de
Vigneulles rédigée au XVIème siècle, s'accordent sur un point : La conservation miraculeuse
de l'oratoire de Saint-Etienne au milieu de la cité en ruine; PROST, Les Légendes, p. 322.
119
[405]
Sainct estienne acquist tel victoire
Que reservez son oratoire
Fuit de l'exille miseranble
Confusible [et] intolleranble
[406]
Quant sainct Servais fort estornez
Fuit en son paiis retournez
Alla dire au benoy sainct Altre n2
Nous seronnes pugnis po[ur] nos faites
[407]
Sainct Altre co[m]mence a preschier
Et leurs grant pechiez reprochier
Dont compte n'en voldrent tenir
Tant que le cop virent venir
[408]
Sainct servais [et] sainct Altre ensa[m]bles
Trambla[n]t co[m]me la feuille du tra[m]ble
Attendant de Dieu la sentence
Prescherent a faire penitence
[409]
Les gents nulz compte nen tenoie[n]t
Leurs malz [et] honte maintenoie[n]t
Mais a Mets advint tel merveille
Que tomba leurs tours (et] murailles 113
[410]
Tantost par lettre [et] par sedule
Fuit rescript au prince incredule
Par vray escript sens nulle glose
Que la cite estoit desclose
112
Saint Autor, selon la légende, avait passé une première partie de sa vie dans l'exercice du
métier de savetier. C'est là qu'un ordre émanant du ciel était venu le prendre pour le porter à
la tête de 1'Eglise. Aussi recommandable par son humilité que par sa sainteté, Autor, après
avoir refusé d'abord le glorieux fardeau qui lui était offert, ne s'était rendu qu'après avoir vu
la volonté expresse de Dieu; Id, p. 280.
113
Paul Diacre enrichit la version de Grégoire de Tours. Il ajoute notamment le récit de la
chute miraculeuse des murs de la ville. Les barbares avaient été arrêtés par elles lors de leur
première attaque. Ils se sont alors éloignés pour aller prendre Scarpone. A la nouvelle de
l'écroulement des murailles, ils reviennent et pénètrent alors à l'intérieur de la cité qu'ils
saccagent et livrent à l'incendie ; GAUTillER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule,
p. 40.
120
La guerre [et] destruction dez Vandale par le grant prince [et] tyrant le grant
Atthila 114
[411]
Tantost le prince retourna
Que tellement les attourna
Par sang par feu espee [et] lance
Quoncq[ue] ne fuit tel pestillence
{412]
Onque millui ne fuit fouys
Mais tous tuez ars [et] brouys
Fors ceulx qu'estoie[n)t en l'oratoire
Qui fure[n)t pris chose nottoire
{413]
Et avec eulx les emmenerent
Qu'en piteux point lez traynere[n]t
Mais Dieu lez pugnist [et] troubla
Que de clarte lez aveugla
[414]
Creez ses gens qu'ilz emmenoie[n]t
Ce n'estait pas menue monoie
Touttes signourie [et] gens nobles
Lor est toujio[ur] le plus chier molles
{415}
Et pourta[n)t qu'est plus chiere l'or
La met ons secret au tresor
Au lieu qui estait reservez
Furent les plus grans preservez
114
L'auteur semble faire un lien entre deux sources puisqu'il associe les Vandales et Attila. Il
se peut qu'il y eut un sac de la ville en 406. Cette supposition reste vraisemblable, bien
qu'elle soit attestée par les témoignages de valeur incertaine de Frédégaire qui écrit sa
chronique au VIlème siècle et qui semble avoir attribué aux Vandales, les faits que Grégoire
de Tours réserve aux Huns; GAUTHIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p. 41.
La prospérité du Vème siècle ne dura pas et en 406, des tribus importantes de Vandales, de
Suèves et d'autres barbares déferlèrent sur la Gaule et les Francs qui formaient l'armée
« romaine » furent écrasés par les envahisseurs. Nous savons que Trèves subit l'assaut de ses
barbares, mais en revanche, nous ignorons si Metz a subi le même sort. Ce qui est sûre c'est
qu'il n'y a plus de frontière et que le pays de Moselle est ouvert aux peuples barbares qui
fuient eux-mêmes les Huns; Histoire de la Lorraine, Société des Etudes Locales, p. 61.
121
{416]
Ses matins felons enraigiez
De joye en tristesse changiez
Ne scavoient que devenir
Ne quelz contenence tenir
{417]
Jusque pres Lissu en Bourg[n]gne
Aincy que histoire tesmoigne
Menerent liiez bras a bras
Les pauvres prisonniers de Mets
[418]
Adonc demanderent au crestiens
De qui ce simulacre tient
Faire la puissance vos Dieux
Que nous a aveuglez nos yeulx
{419]
Le devot preudho[m]me sainct Altre
Leurs respondit sans nulles faulte
Le vray filz de Dieu Jhesucrist
Vous a de vos pechiez repris
[420]
Se ruluminez nous ne so[m]mes
Ycy tous marres cest la so[m]mes
Mais c'il ons puissance divigne
Priez leurs quil no[us] renlumine
{421]
Se nous pooez renluminer
Seureme[n]t poez cheminer
En retournant en v[ost]re lieu
Se garris sommes par vos Dieu
115
115
Dans sa Chronique, t. 1, p. 80, Philippe de Vigneulles évoque la ville de« Dipaing ». Il dit
juste à ce sujet qu'elle est loin de Metz.
122
Fo 44 ro
[422]
Povre aveuglez ce dit s[ain]ct Altre
Nostre Dieu est vray Dieu sans aultre
Dieu en trois personnes estre escript
Pere [et] filz [et] sainct esperit 116
/423]
Sainct Altre fist son orison
Et Dieu leurs do[n]na garison
Du miracle furent advertis
Mais pas n'en furent co[n]vertis
[424]
Neantmoins congiez le[ur] donnere(n]t
Et le[ur] tresors leurs redonnere[n]t
En eulx asseurant jo(ur] [et] nuicts
Et leurs donna[n]t bon sauf conduit
[425]
Lors revindre[n]t en le[ur] cite
Destruitte en grant advercite
En dominant grant cris [et] pleurs
Et tres pitoyanble doleurs
[426]
La trouvere[n]t lez corpz gisans
Tuez murdris ou languisans
Par les rues (et] lez quaireforts
La ny a voit n ulz reconforts
F 44
0
[427]
La ny avait que dolleance
Annuit tristesse [et] desplaisence
Cris pleurs [et] desolacion
Mal deulz [et] tribulacion
[428]
Deulx fays a goustez sez dur mes
Piteusement la pauvre Mets
Deux fois destruitte en g[ra)nt escla[n]dre
Par Julius et par lez Vandre
V
0
116
Dans sa Chronique, t. 1, p. 74, Philippe de Vigneulles évoque aussi le passage des Wandres,
le miracle de l'oratoire, la cécité des barbares ainsi que l'écroulement des murailles. Les
Chroniques de la cité de Metz et celle de Philippe de Vigneulles sont proches, puisque les
deux auteurs semblent utiliser la Chronique française des évêques de Metz.
123
[429}
Deux fois a estee viollee
Destruitte arse [et] depoppullee
Et tousijours remise en puissance
En vertus force et accroissance
[430}
Le Dieu qui ressucite
Et qui la permis a cite
Et qui la maintient en victoire
En soit lhonneur lowenge [et] gloire
[431}
Or a estre deux fois destruitte
Et deux fois refaittes (et] restruitte
Dieu la garde de mescheoir
Ne en tel pitiez rencheoir
Fo 45 ro
[432}
Deux fois sont pardue lez lettre
Que clercs ont sceu en escript mettre
Anciennes cronnicqz (et] hystoire
Et pardue en est la memoire
[433}
Pourtant en parler seurement
On ne puet mais obscurement
Verite S\u'on ne puet trouver
Est fort mallaisie a prouver
[434}
Peu et peu fuit réedifiee
Au moin mal [et] fortiffiee
Ilz leurs convint ce mal passer
Loing temp pouvre on le puet pe(n]cer
[435}
Leurs annemis sens lasser rien
Pillere[n]t [et] prindre[n]t tous lez biens
Tout gaistez pardus [et] confus
Ny lasserent nes qu'apres feu
[436}
Loing tempz fure[n]t en pouvre hostel
Et pouvre gents en pouvretez
En remordant leur conscience
Portant leur malz en pacience
124
[437]
Il falloit chescun labourer
Par force on de faim langorrer
Car rien n'estoit appareilliez
Mais gaistez [et] desperpillier
[438]
Il n'y avoit celier et garnier
Paiste farme ne foumiez
Polz au feu n'escuelles lainee
Malz coulchiez [et] pouvre lence
{439]
Les Huans lez Wandle [et] lez Ho[n]gres
A Mets fire[n]t telle encombre
Les barbarins [et] Allobroges 11 7
De gra[n]ts maisons petitte loges
[440]
Le tirrant qu 'estoit chief de guerre
Se nommoit le gr[a]nt Gondegaire 118
Les Allobroges [et] barbarin
Avec le roy de Honguerie
[441]
De soubz le grant roy Athilla
Que par force tant battilla
Qu'il mist a feu [et] a l'espee
Lez citez cy apres nommees
117
Les Allobroges sont mentionnés par deux auteurs de l'Antiquité : Polybe et Tite-Live, lors
de la traversée des Alpes par l'armée d'Hannibal. La capitale des Allobroges était Vienne et
leur territoire se situait au confluent du Rhône et de l'Isère, c'est à dire, sur les actuels
départements de la Savoie et du Dauphiné. Ce peuple fut annexé en -121, à la province de
Narbonnaise. Il tenta de se révolter mais fut définitivement soumis en -62; RIPER, Les
Gaulois, le temps des glaives, p. 36.
118
Il se peut que ce chef de guerre soit en réalité le roi burgonde, Gondebaud (480-516). Il est
aussi connu pour être le père de la reine Clothide, donc le beau-père du roi Clovis ;
CUVILLIER, Histoire de l'Europe Occidentale au Moyen Age, p. 41. L'auteur des Chroniques
de la cité de Metz dit de lui qu'il était un tyran. Grégoire de Tours le décrit de la manière
suivante : « Gondioc avait été roi des Burgondes. Il avait quatre fils Gondebaud, Godégisile,
Chilpéric et Godomar. Gondebaud égorgea Chilpéric son frère et noya la femme de ce
dernier en lui attachant une pierre au cou. Il condamna à l'exil ses deux filles»; Grégoire de
Tours, Histoire des Francs, trad. R Latouche, 4ème éd., p 117.
125
[442]
Il mist tout a destruction
En ruyne [et} confusion
Haynal Braba[n}s Mons [et} Nyvelle
Tongre Tre [et} Ars la Chapelle 119
[443]
Touttes citez jeune [et] ancie[n]ne
Tournay, Aras [et] Vallencienne
Titwanne, Nimegne [et] Boullongne
Trieuve, Utrech, Mets [et} Collogne 12o
[444]
Strasbourg, Salverne [et} Mayance
Liege, Lambourg (et] Covellence
Toul [et} Verdun, Troye [et} Chaallon
Rain, Langre, Othin [et] Bezanson 12 1
[445]
Citez, chasteaux [et] bonne ville
Athylla mist tout en exille 122
Malcon [et] Chaallon sur la sone
Tout jusque Lyon sur le Rone 12a
[446]
Aincy furent persecutez
Pays, chasteaux villes (et} citez
Par lez gran ts pechiez qui regnoie
Il croit mal Dieu qui le regnoie
119
Hainaut, Brabant, Mons, Nivelle, Tongres, Utrecht et Aix la Chapelle.
120
Tournay, Arras, Valencienne, Thérouane, Nimègue, Boulogne, Trèves, Utrecht, Metz et
Cologne.
121
Strasbourg, Saverne, Mayance, Liège, Limbourg, Coblence, Toul, Verdun, Troyes et
Chalons, Reims, Langres, Othain, Besançon.
122
Le règne d'Attila débute en 434, en compagnie de son frère Bléda qu'il fait assassiner vers
445. Attila est tout à fait conscient de la grandeur de sa dignité royale. Il développe un début
d'administration et transforme son palais de bois et sa cour en une capitale qui deviendra la
ville la plus importante après Rome et Constantinople. Pendant les seize premières années de
son règne Attila eut de nombreux contacts avec l'empereur Théodose TI auquel il envoie des
troupes qui pillent l'empire romain d'Orient. Mais vers 450, il se tourne vers l'Occident. Il
s'agit là d'un volte-face diplomatique puisqu'il envisage même d'épouser la sœur de
l'empereur Valentinien III. Ce qu'Attila souhaite, c'est faire plus de butins et de conquêtes.
Au printemps, il marche sur la Gaule avec 30 000 hommes. Mais le 20 juin 451, le choc avec
les troupes de Gaule, a lieu aux champs Catalauniques entre Troyes et Chalons. Attila rentre
en Pannonie où il meurt en 453 ; MUSSET, Les vagues germaniques, p. 50 à 53.
123
Macon, Chalon sur Saône, Lyon sur le Rhône.
126
[447]
Par ce grant tirrant malhostrui
Furent maintes pays destruis
Et quelz y eust moult de dolleurs
Avant qu'ilz refusse{n]t en valleurs
[448]
A gents de grosse consciences
Fault souffrir grosse penitence
Pugnis furent aincy Dieu le volt
Pour les pechiez des malz devotz
[449]
Apres ce tempz co(m)me esperit volle
Ung esveque nommez Papole
Fist faire de pierre (et) marriens
L'abbye sainct Simphorien
L'edificacion de l'esglise sainct Simphorien
[450]
124
En l'an cinq cents [et] quatre vingz
Celle devolcion lui vint
En priant Dieu que par sa grace
D'eschever lui do[n)na espace
124
Dans sa Chronique, t. 1, p. 133, Philippe de Vigneulles signale que ce monastère a été
fondé par le 28ème évêque de Metz : Papole. Cette église fut détruite en 1444. Elle se trouvait
au sud de Metz, proche des remparts. On ne peut vérifier la tradition qui attribue la fondation
de cette église à l'évêque Papolus mort en 613-614. D se peut, qu'au départ, cette église ait été
une simple basilique. Elle servit de sépulture à certains évêques. Ce fut le cas de Papolus mais
aussi de Goericus; GAUTillER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p. 48. Selon la
tradition, ce serait sur d'anciennes ruines que des moines auraient planté une croix pour
marquer 1'emplacement de la plus ancienne abbaye d'hommes. Elle aurait dès 1'origine porté
le nom de Saint-Innocents dont elle aurait possédé des reliques. Mais au IXème, elle aurait été
détruite par les Normands. Les moines l'auraient reconstruite et en 992 y auraient transféré les
reliques de saints Symphorien, célèbre martyr d'Autun. Suite à cela, l'abbaye aurait pris le
nom de son saint patron. Mais l'abbé Constantin, le biographe d'Adalbéron II ne dit pas un
mot de cette translation. Or un fait aussi important ne pouvait pas passer sous silence. De plus
le nom de Saint-Symphorien était porté par l'abbaye déjà bien avant Adalbéron II et son
biographe ne connaît pas le nom de Saint-Innocents. Ces éléments permettent de mettre en
doute la translation elle-même. La dévotion à un martyr d'Autun n'a rien de surprenant à
Metz puisque le culte de ce saint était très ancien et très répandu ; KLAUSER, Eglises
antérieures à l'an mil, p. 607 à 613.
127
[451]
Dehors [et] pres de la cite
Mais par cas de necessite
Par une fortune de guerre
Fuit minee [et] mise par terre
Le duc Astrasius qui donna le nom a la province [et] au royalme d'Astrazie
[452]
En l'an de graice quatre cents
Et soixante trouvons lisans
Que Astrasius grant prince 12s
Tenait en Gaule g[ra]nt provinces
[460]
1 26
[453]
Astrasius prince de Mets
Le plus grant duc qui fuit jamets
Tenait en son obeyssance
Apres Mets la consequence
[454]
A Mets son siege royal
Et a Ars la Chapelle egal
Tenait son estat bruit [et) court
En toutte saisons longue [et] courte
125
La légende du duc Austrasius nous est parvenue au travers de deux textes qui constituent
deux versions distinctes. La première est reprise par les Chroniques de la cité de Metz, la
seconde à celle de Philippe de Vigneulles; PROST, les Légendes, p. 74. Ces deux versions
n'offrent entre elles que des différences peu importantes. Cependant, elles s'écartent l'une de
l'autre en un point qu'il faut signaler. Dans les Chroniques de la cité de Metz, qui nous donne
la version la plus ancienne et la plus essentiellement messine, Austrasius est un duc. Dans la
version de Philippe de Vigneulles, il est qualifié de roi ; PROST, Les Légendes, p. 416.
L'explication étymologique du nom Austrasie (du duc Austrasius) ne se trouve que dans les
illustrations de Gaule et singularitez de Troye de Jean Lemaire de Belges, publiées en 1510,
d'où l'auteur l'a peut être extraite; VOLTZ, Les Chroniques en vers de la ville de Metz, étude
historiographique, p. 22.
126
Le nom d'Austrasie se trouve pour la première fois évoqué dans l'un des ouvrages de
Grégoire de Tours. Ce dernier l'écrivit au moment du deuxième partage du royaume franc en
561. (Le premier partage avait eu lieu en 511). Avant de mourir, Clovis avait organisé sa
succession. Son fils aîné reçu en héritage la partie du royaume la plus difficile à gouverner :
celle de l'Est; PARISSE, Histoire de la Lorraine, p. 103. Dans sa Chronique, t. I, p. 89,
Philippe de Vigneulles évoque Austrasius. Selon lui ce prince était bon chrétien et aimé du roi
Chilpéric qui lui donna le« gouvernement de la Galle Belgicque ». Il donna alors son nom à
la province. Toujours d'après Philippe de Vigneulles: Le roy Austracius tenoit son siege
royaulx en la noble cité de Mets. Et aulcune fois le tenoit à Ais la Chaipelle ». On peut noter à
partir du XVème siècle, un vif intérêt pour le duc Austrasius dans l'historiographie messine.
128
[455}
Il tenait la haulte Bourgongne
Les extremittez dez montaigne
En jusqz a la mer de Frise
Possedait tout soubz sa maistrise
[456}
Il possedait entre le Rin
Et Lescalt deux fleuves marins
Tous le pays [et) territoire
Par sa grant puissance et victoire
Fo 47 V
{457}
Il possedait Utrecth [et] Trieuve
Et Mayance Collongne [et) Cleve
Gueldre Brabans [et) Hollande
Haynal Halsebain [et) Zellande 127
{458}
En seigneurie [et] previllaige
Tenait tout le pays du Liege
Alsace, le pays de Lembourg
Et la duchiez de Lucembourg
{459}
Il possedait autour du Rin
La terre au con te Pallatin
Le pays de Hem [et] Ardenne
Tout le pays bas [et) Lorainne
{460}
0
12s
Mets estait de forte ediffice
En lieu covenanble [et] propice
Et fuit trouve fort aissie
Pour la chambre au roy d'Astrasie
127
Utrecht, Trèves, Mayence, Cologne, Clèves, Gueldre, Brabant, Hollande, Hainaut,
Hesbaye et Zélande.
128
Les provinces tenues par le duc Austrasius représentent assez bien le royaume de
Lotharingie tel qu'il devait être en 959 au moment où l'archevêque Bruno le divisa ; PRosT,
les Légendes, p. 413. L'auteur reprend la liste des territoires énumérés par Jean Lemaire de
Belges dans le deuxième livre« Illustrations de Gaule et singularitez de Troye», p. 365, 366.
Jean Lemaire de Belges signale que deux cités sont des capitales dans le royaume d'Austrasie
«le dit royaume d'Austrasie ha eu par intervalle de temps deux citez capitales, cestadire là
où se tenoit le siege Royal, cestasavoir, Metz et Aix la chapelle », « entre les deux fleuves du
Rhin et Lescault et comprenoit Utrecht, Coulongne, Treves, Mayance, les pais de Brabant,
Gheldres, Cleves, Hollande, Zelande, Haynnau. Hasbain, Liege, Lembourg, Alsate et toutes
les terres que le Conte Palatin tient maintenant alentour du Rhin».
129
[461}
De touttes lez terres [et] pays
Dont le roy estoit obeys
Venoie[n]t a Mets querre secours
Car c'estoit leur souverain resours
129
[462}
Quant on n'a longue pouvrete
Petit a petit vient plante
Quant Dieu permet sa providance
Apres chier temp vient habondance
[463}
En ensuivant nostre matiere
La cite redevint entierre
Repupplee de vaillant gents
De biens plenne [et] d'or [et] d'argent
Commant que la maison de la haulte piere et de la piere hardie furent faitte
[464}
En cellui temp heust deux mignons
Ensambles loyaulx compaignons
Bien resamblable de manieres
Et avoient a non tous deux Pierre
[465}
Ly ung co[m]me j'ay leu je le dis
Avoit nom Pierre le Hardy
Et l'aultre selon la matiere
Nommoit en par nom le Hault Piere
[466}
Ses seigneurs par comparroison
Firent chescun une maison
Et pour eulx avoir renommee
Apres leurs noms furent no[m]mees
129
Le premier fils de Clovis est aussi le premier roi d'Austrasie et l'un des souverains les plus
dynamiques. Les héritiers conservèrent et étendirent les avantages acquis suite à de
nombreuses victoires. Pendant quarante ans, l'Austrasie affirma sa vocation de royaume
protecteur face aux Thuringiens, aux Saxons et aux Bavarois. Le royaume fut aussi dominé
par une personnalité tout à fait extraordinaire, celle de Brunehaut dont l'action permit à Metz
de devenir la capitale incontestée du royaume; PARJSSE, Histoire de la Lorraine, p. 105-106.
130
[467]
Cellui qu'avoit nom le Hault Piere
Sa maison fuit la haulte piere
L'aultre selons leurs estudie
Fuit nommee Piere Hardie 131
[468]
La ruelle qu'on dit vazelle
C'estoit le chastel de Jazel
Du fondateur estoit le nom
Filz de Noe de grant renom
[469]
Lez ouvriers au pres de Jazel
Faisoient frains brides [et) selles
Et pour lez frains qui bien argue
Fuit son premier nom fr aim::urue
130
De la place la faisoit justice
[470]
Ung lieu estoit en la cite
A cas criminelz depute
Pour copper testes oreilles [et) poings
Quant a justice estoit a point
[471]
Neccerue estoit lieu propice
Affaire criminelle office
Car necce en construction
Est occidez;m destruction
13 2
130
A la fin du XIVème siècle de vastes maisons canoniales étaient établies dans la rue des
prêcheurs. L'un de ces plus beaux hôtels de Metz fut celui de la Haute Pierre qui appartenait
au chapitre cathédral au XIVème siècle ; SCHNEIDER, La ville de Metz au Xl//ème et X!Vème
siècles, p. 38.
131
Par l'hôtel Hardie Pierre, on gagnait la place de Chambre dominée par la cathédrale Jd,
p.38.
132
En Nexirue va de la rue du Palais à la rue Poncelet. Le manuscrit 10 de la BM donne
l'explication de ce nom: Le nom de Nexirue est un nom dérivé du mot latin nexere Ôù nexare
qui signifie faire mourir ou donner la mort. Entre cette rue et celle des Clercs existait jadis
une petite place où avaient lieu les exécutions criminelles. Un acte de 1578 cite une place En
Nexirue derrière le palais. Il faut comprendre l'ancien palais de justice; JEANMAJRE, Les noms
des rues, p. 91.
131
Comment la vouwerie de Metz vint a la citez et comment Nemmery Baidoiche
grandÂnlnosiez peux ung miracle acques····.t Ja maison de la vouwerie en
f<J.../
habiter ung almosnier a ·:;a.jioumais 133
·,
[472]
Au plus pres estoit la maison i · '
Tresgrande a l'anticque fasson
pçs viiltiss 1:tllbitation
Seans estoient les prisons
[473}
De la cite on malfacteurs
Comment en y avoit plusieurs
Loges et quant juges estoient
Lez mains on voues les mettoient
[474]
Pour en faire l'execution
Quelques temps ja longue faison
Ung serviteur a l'asmosnier
Que seans estoit prisonnier
[475}
Detenus sans cause on raison
Nicolas estoit son droict nom
Gehemies et si tormentez
Cognenst avoir tout perpetrez
[476]
Ignorant on cas il estoit
Mais le torment le co[n}traignoit
A tesmoigner evidantment
Dont son maistre eust le cœur dolent
[477]
C'estoit le seigneur Nemmery
Baudoiche 134 qu'avoit le cœur mary
Tant fist qu'il parla a son ho[m}me
Luy donnant conseil de preudhome
,•
•')
f
/
'
'
'
133
Ce titre a été inscrit dans la marge droite du folio. L'auteur l'a relié à l'aide d'une flèche au
lieu où il souhaitait qu'il se trouve. Il a ajouté le mot suivant: Addition.
Nemmery Baudoche, maître-échevin en 1352 et que son frère Jean, tous deux chevaliers,
sont connus comme changeurs par une charte du duc Robert de Bar (1352, 1411). Nemmery
Baud.oche s'était engagé dans des opérations financières avec J~e Lorraine (13391390); SCHNEIDER, La ville de Metz au XI/lème et XIVème siècle~
rl
132
F 48 bis
0
[478]
Puis qu'ainsy est que es ignorant
On cas comme tu me va disant
Prie a mon seigneur sainct Nicolas
Qu'il prie a Dieu po[ur] ton soulas
[479]
Ainsy que mourir il debvoit
Le boureau qui bien s'efforcoit
Son office allant exercean t
Des deux bras devint non puissant
[480]
Pluszieurs estoient en la presence
Voiant ce miracle [et) puissance
De Dieu alors subitement
Cria a grande voix haulteme[n]t
[481]
Celuy qui le cas avoit fait
Messeigneurs je vous dis de fait
C'est moy qui ay le cas co[m]mis
C'estuy hors de voz mains soit mis
[482]
Ce que fust faict pour memoire
Le seigneur almosnier pour voire
Tant fist q[ue] la cite acquist
La place et maison et domnist
[483]
A la citez de son tresor
Grand somme [et) aussy par dehor
De la cite entre deux pontz
A tousio[ur) mais de son treffons
V
0
Fo 48 ter ro
[484]
Grand nombres de journalz de terre
La ou bon faict descapitere
Pour la print les delinquans
Ce qu'on souloit faire par dedans
133
[485]
La citez a donc acquiestait
La vouie et l'atribuait
A la citez lors l'ausmonier
La maison prist edifier
[486]
Il y fist faire une chapelle
Au nom saint Nicolas 1as moult belle
Et y donna des chappellains
Treze ceux donnant pour certains
[487]
Par an avinre honnestement
Chascun sa rente en bled argent
La maison sy tres grande estoit
Que le thier d'icelle souffisoit
[488]
Pour y loger ung gros seigneur
Laquelle yl desdia a l'heure
Pour le seigneur grand almosnier
A tousiour mais sans varier
[489]
Le demeurant de sa maison
De la grande eglise en fist don
Pour deux maison canonial
Bien resembloit ung don real
[490]
Davantaige a l'almonsnerie
Liebaville ban [et] seignorie
Verquiller pres de la citez
Donna en perpertnitiez
135
Il s'agit peut être de la fondation de l'hôpital Saint-Nicolas. On a déjà attribué la fondation
de cet hospice à l'évêque Adalbéron II (984-1 005). Mais les textes ne sont pas très clairs
d'autant que le biographe de l'évêque n'évoque pas cette fondation. Cette dernière serait donc
plus tardive ; KLAUSER, Eglises antérieures à 1'an mil, p. 632. Cet hôpital avait été fondé aux
frais des citoyens. On peut voir qu'il jouit rapidement d'une administration laïque, sous la
surveillance des magistrats de la cité. La ville contribua à la prospérité de cet hôpital, mais
elle en retira aussi des services fréquents. Elle lui imposa la construction des ponts de la
Moselle en échange de l'impôt sur l'habit des morts; BOUfEILLER, Monastica Mettensia,
recueil de notices sur quelques anciens monastères de Metz, p. 28.
134
[491}
Apres sa mort ensepvelis
Aupres son oncle Nemmery
Soubz le jubez du gra[n]t moustier
En l'e itaffe est dedejper
0
[492}
Hauriat Roucel almosniter 136
Long temps apres reedifier
Fist la chappelle sur la rue
Pour estre a chascun mieulx veue
[493}
Car celle qui estoit du dedans
Dont avons parles cy devant
Petite estoit et ruynee
Et asses mal apropriee
Le duc Hervis pere au Loherain Guerrin
{494}
En l'an sep cents a mon advis
Regnoit a Mets le duc Hervis
Qui fut pere au lorain Garin
Et au duc Begne de Belin 137
136
La maison des Roucelz était issue de celle de Champet, l'une des plus anciennes de la
ville. Henry de Champel fut surnommé Roucel à cause de la couleur de ses cheveux et il
transmis ce surnom à ces descendants. Henriat Roucel fut grand aumônier de la cathédrale. ll
meurt le 14 août 1490, D'HANNONCELLES, Metz ancien, t. II, p. 229.
137
La légende du duc Hervis fut recueillie par différents auteurs qui avaient rédigé la grande
geste des Lohérains au alentour de 1150 à 1170. Les gestes d'Hervis et de Garin ont souvent
été associées. Par la suite, on a pu recueillir deux versions ce cette légende. C'est la deuxième
version que l'on rencontre dans les Chroniques de la cité de Metz. Elle apparaît sous une
forme abrégée; PROST, Les Légendes, p. 73. Cette légende jouissait d'une grande popularité à
Metz. L'auteur de la chronique nous en donne un cours extrait et renvoie le lecteur à d'autres
ouvrages au quatrain 512. Pour les Messins, Hervis, duc de Metz et Garin le Lohérain son fils
étaient des personnages réels. lls en vénéraient les tombeaux à l'abbaye de Saint-Arnoul et
dans la cathédrale. C'est dans le Petit Carlu/aire de Saint-Arnoul qu'est décrit avec grande
précision le lieu où l'on peut trouver la sépulture de ces grands héros. C'est autour de ces
personnages fabuleux que se sont regroupés les faits relatifs à la défaite et à l'expulsion des
barbares. Cette légende messine rappelle les exploits de Charles Martel. Grâce à ce
rapprochement, Hervis devient l'un des héros du cycle poétique carolingien; PROST, Les
Légendes, p. 342.
135
{495]
Et par honneur qu'a tous bien tire
Il prist la fille au roy de Tire
Nommee la belle Beautrix
Que moult souffrit duel [et] estrifs
{496]
Robee fuît en son vergîez
De bringants larrons estrangiez
Pour vendre au marchiez a Festaiche
Comme on vend lez buofz [et] les vaches
{497]
Hervis qui tant fuit noble [et] gent
Mist grant nombre d'or [et] d'argent
Pour la dame (et] ung esparvier
Qu'il acheta [et} ung livrier
{498]
Grant pitiez prist de celle dame
Menee par garsons infalmes
Truans glou ttoun hollierz paillars
Felons murdriez larons pillars
Fo 49
[499]
Par maniere doulce [et] su btille
Leur dit d'ou vous vient ceste fille
Ilz respondirent comme hurons
Achattez la nous la vendrons
{500]
Je n'ay que faire de tel bague
Qui est de virginite vague
Ilz respondirent eulx tres tous
Sainne [et] pucelle elle est de nous
{501]
Car vous scavez qu'a tel mestier
Chascung voldroit estre premier
Et par ce cas bien entendu
A son corp estez deffendu
[502]
La pucelle de grant noblesse
Considerant la gentillesse
Au vassal plain d'honneurs [et] mours
Le regarda de doulce amours
V0
136
[503]
Quant le noble vassal Hervis
Remira la belle au cler vis
Congneust que falce trayson
L'avoit prise en noble maison
Fo 50 ro
[504]
Le vassal de tous bien apris
Demanda la so[m)me [et) le prix
Ilz lui firent ung grant tresor
Il lez paya en denier d'or
[505]
Puis acheta ung espervier
Beau [et) gent [et] puis un levrier
Aultre marchandie ne fist
Plus n'avoit plaisir que prouffit
{506]
Son pere lui disoit merchante
Pour sur lez champ estre marchant
Qui estoit nez de sang ducal
Ce n'estoit pas partie egal
[507}
Villain estoit de part son pere
Mais tres noble de part sa mere
Qui estoit fille au duc lorain
Dont il en fuit duc souverain
[508]
Quant a Mets fuit retornez
Son pere sans plus seiornez
Sans demander nulles occaisions
Les chassa hors de sa maison
F 0 50
[509]
V
0
Non congnossant la demoizelle
La reputtant quelque donzelle
Veuve de meschant comun
Lez deboutta en grant ruyne
137
[510]
Neantmoing malgre son lignaige
La prist en loyal mariage
Et logiez en petit hostel
Longtemp en tres grant pouvrete
[511]
Ensambles heure[n]t deux beaux anffant
Grant signeurs [et] fort triomphant
En grant regnom [et] province
Furent rengnant tres haultain prince
[512]
Que plus scavoir vuelt de le[ ur] geste
En pluseur livres est magnifeste
Car pour en declarer le scens
Je n'en dict cun peu en passant
[513}
Apres maintes r'ln.gne
Et maintes gouverneur gouvernez
Met~ar risse ma.grufficque .
Revi!tt to'!1iours en son anticque..,....
[514]
r~n~ez
(ï
~' 'ifH~-Q
t ·r t • .:•r
i
,:)1t·' ' ' " '
Le prince que Mets tenoient
De l'empereur la reprenaient
Qu'estoit royalme d'Astrasie
On y avoit maintes heresies
[515]
D'Astrasie et de tout le rengne
Metz estoit chambre souveraine
Et y tenoit le roy sa court
Grant chemin fait que toujiours court
[516]
Autour de la cite de Mets
A l'environ que long que pres
En lisânt ce nom la retinze
Se nommoit pays de Toringe
138
[517]
Ung roy que se nommait Lothaire
Françoize recite l'hystoire
Il mist aucy lus icy ay
En nommant Lothoringia
[518]
Ce roy rengnoit en l'an nueufz cents
Et cincquante (et] cincq en bon scens
Et pour garder d'an venir pire
La mist par eschainge a l'empire
138
[955]
Au tempz du royJe~ de son rengne
Lui fuit mis le nom de Lorainne
.,.... . ,_
Mais Mets rien ne lui ~ a_,{.~
~~.;svr,..~ ~orainne ~ Mets appertient
[519}
[520]
Plusieurs lorains y ont fait guerre
En la disant estre leur terre
Mais oncque charme sappin ne tremble
Ne piere n'en mindrent en'samble
[521]
Mets se dit vielle ~ticque
Par son nom Med@:>matricque
En Europe la precilente
Trieuve l'ancienne est sa iovente
[522]
Devant quoncque en Lorainne eust prince
Ne nom de duc en la province
Conte bally prevot sergent
Estait Mets mille ans devant
[523]
Mets usait jay de droit civil
Avant qu'en Lorainne eust bonne ville
Lorainne est jeune (et] Mets a,ncienne
Par quel droit debveroit ·estre sienne
cr
TI s'agit de Lothaire II (954 à 986). C'est lui qui donne son nom à la Lorraine~
Noblesse et chevalerie en Lorraine médiévale, p. 14.
138
PARISSE,
139
La fondacion de l'esglise sainct piere devant le moustier
{524]
Au temp du benay sainct Geury 139
Que plusieurs a de mal garry
Par ung muraicle fait de neige
Fist fonder sain ct Piere aux ymages
140
Quant la grant esglise fuit encommancee qu'estait alors bien petitte
[525]
{526]
[527]
Ly esvesque Deodory
Ses biens fait lui soient mercy
Il prist corraige en telle guise
Qu'il commansa la grant esglise
Et prist ceste devolcion
En l'an de l'incarnacion
Environ de mile (et] XX ans
Fuit comencee en cellui temps
141
(1020]
Et sy donna la grant corroinne
Qui atour du cueur environne
Pour avoir memor de ly
Il fuit desoubz ensevely
139
Dans sa Chronique, t. 1, p. 50, Philippe de Vigneulles souligne que l'évêque Goeri est le
trentième évêque sur la liste et qu'il est connu pour avoir édifié « 1'esglise de Pierre devant la
grande église de Mets, c 'on dit Sainct Pierre aux Ymages. Et là y donne des rentes et y fist
ensevelir le corps de Sainct Amoulfz ».
140
L'emplacement de cette église se trouve juste au sud de la cathédrale. Elle porta le nom de
Saint-Pierre-aux-Images, qui est une déformation de Saint-Pierre-li-Majeur. Cette église est
antérieure à 742 puisque l'évêque Chrodegang en fit refaire le chœur. Une tradition attestée
par la seconde Vita de saint Goeri, attribue la fondation de cette église à l'évêque Goeri. Cette
tradition est donc reprise par l'auteur de la chronique. Toutefois, Nancy Gauthier ajoute que la
valeur de cette tradition « reste douteuse». Sa construction pourrait remonter au IV ou au
V ème siècle. A partir, de la fin du Vlllème siècle, cette église est appelée « maior » par Paul
Diacre pour la distinguer d'une autre église nommée Saint-Pierre, toute proche et appelée
Saint-Pierre-le-Vieux ; GAUIHIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p. 44.
141
Si l'on en croit Grégoire de Tour, l'oratoire Saint-Etienne est le seul bâtiment à avoir
échappé aux flammes lors du siège de la ville en 451. On admet, mais sans véritable preuve
que c'est après cette date que le siège épiscopal fut transféré, GAUIHIER, Topographie
Chrétienne des cités de la Gaule, p. 43. Au Xème siècle, le diocèse est terre d'Empire et
l'évêque devient peu à peu le mai'tre de la ville. En 965, Thierry 1er arrive sur le trône
épiscopal. L'oratoire Saint-Etienne ne semble peut être pas correspondre à son souhait, aussi
cherche-t-il à embellir sa cathédrale. Mais la consécration du bâtiment n'aura lieu qu'en 1040
sous l'épiscopat de Thierry II; KUHN-MLITIER, La cathédrale de Metz, p. 21.
140
En cellui temp fuit l'esglise sainct Arnoulf faicte
[528}
En cellui temp se dit la chartre
L'esglise sainct Arnoulf fuit faicte
On lieu ou que sainct Paciens
L'avoit faicte on nom sainct Jehan
142
Le tempz de la fondacion de chapelle notre dame de Rahay
[529}
143
En cel tempz le roy Charlemaigne
Roy et empereur d'Allemaigne
En chassant aux boix alesbay
Fonda la chapelle a Rahay
142
Les restes de cette église étaient situés au Sablon et fut détruite en 1552. L'église avait
dans un premier temps été consacrée aux apôtres, mais on modifia son appellation lorsque le
corps de l'évêque Arnoul y fut enseveli vers 641. Le fait que cet évêque soit à l'origine de la
lignée des Pépinides développa l'importance de cette église qui fut le lieu où furent ensevelis
de nombreux carolingiens. On attribue la construction de cet édifice au quatrième évêque de
Metz, saint Patiens. On rapporte aussi qu'il y serait enseveli, mais rien ne le prouve ;
GAUTIIIER, Topographie Chrétienne des cités de la Gaule, p. 49.
143
<?
La légende concernant la fondation de la chapelle de Rabbas est restée inchangée depuis la
date de sa consignation dans les Chroniques de la cité de Metz jusqu'au XXème siècle dans
certains endroits comme la vallée de la Canner et de la Nied. Cette légende fut retranscrite en
1884 par l'abbé Cazin selon cette forme: «C'était paraît-il en été, l'empereurs 'adonnait à la
chasse ou à la guerre. La chaleur était accablante, Charlemagne touché par la douleur de ses
hommes et de ses animaux et souffrant lui-même de la soif, fit un vœu. Il promit à la Vierge de
lui fonder une chapelle si elle venait à son secours. Sous les sabots du cheval de l'empereur,
une source jaillit. L'empereur tint parole et la chapelle fut construite»; Abbé CAZIN, «La
chapelle et le pèlerinage de Notre Dame de Rabbas ». TI s'agit là de la seule mention fàite à
tv~arl~ma ne dans les Chroniques de la cité de Metz ; PARISSE, Histoire de la Lorraine ,
p. 111.
(6
141
[530}
Sainct Grodegant chose certaine 144
Fist faire l'aultel sainct Estienne 145
Et ung loitry moult riche [et] gent
Tres tout couvers d'or [et] d'argent
[531]
Et maintes aultre bel ediffice
Et ordonna mainte benefices
Son corps fuit inhumez a Gorze 146
Et son ame es sainct cielz repose
Quant l'esglise Sainct Salveur fuit faicte
[532]
De bonne vie vient bon los
Ung esvesque nommez Valo 147
En l'honneur de Dieu salveur
Fonda l'esglise Sainct-Salveur 148
144
Chrodegang (742-766) est issu d'une famille de la haute aristocratie franque. La
personnalité de Chrodegang est exceptionnelle. Il fut à l'origine d'un triple renouveau
liturgique, communautaire et monastique. Il introduisit à Metz « la liturgie romaine»,
restaura et embellit sa cathédrale et créa une école de chant qui devient célèbre dans tout
l'Empire. Ce fut pour l'Eglise de Metz, le départ d'un essor culturel et d'un rayonnement
spirituel qui devait la marquer pour des siècles. L'évêque contribua à l'essor de la vie
monastique en fondant l'abbaye de Gorze en 749 ; TRIBoUT DE MOREMBERT, Le diocèse de
Metz, p. 18.
145
Dans sa Chronique, t. I, p. 170, Philippe de Vigneulles cite aussi ce passage:« à l'ayde du
roy Pepin, fit faire le cuer et 1'autel saint Estienne de Mets, et le re-vestiaire (sacristie), et, à
saint Pierre, il fist faire le presbitaire, et fist aussi faire le loitry Gubé) du cuer de Metz tout
couver d'or et d'argent, à archet par entour>). Philippe de Vigneulles développe la vie de
Chrodegang et notamment les liens avec les Carolingiens.
146
Dans sa Chronique, t. I, p. 170, Philippe de Vigneulles souligne que Chrodegang édifia
l'abbaye de Gorze et y fit appliquer la règle de saint Benoît. Il ajoute qu'il y fut enseveli.
147
L'évêque Wala (876-882) tenait le diocèse de Metz alors que Louis le Germanique avait
récupéré la totalité du territoire de la Lotharingie, au détriment des prétentions de Charles le
Chauve, suite au découpage de Meersen en 870. L'évêque de Metz assura des charges
militaires. C'est à lui que revint en 882 le soin d'arrêter les Normands à Remich, où il trouva
la mort ; PARISSE, Histoire de la Lorraine , p.ll3.
L'église Saint-Sauv~ur se trouvait entre la rue de Petit-Paris, la place Saint-Jacques et la
rue de Ladoucette. Cette église remonte à l'évêque Wala où il fut enterré. Si Wala fut le
premier fondateur, l'évêque Adalbéron en est de second. En effet, il repris la construction de
Saint-Sauveur et Sigebert de Gembloux parle d'une reconstruction. Cette église disparue
après le siège de 1552 ; KLAUSER, Eglises antérieures à 1'an mil, p. 638.
148
142
La fondacion de l'esglise Sainct-Vincent
[533]
L'esvesque Triedry en bon scens 149
Fonda l'abbye Sainct-Vincent 150
On doit avoir de lui memoire
Que Dieu le recepve en sa gloire
[534]
L'an de graice nueuf cents cinquants
Je vous dis entendez sur quantes
Mets estoit grande en territoire
Et peu y avoit d'oratoire
[950]
Quant les amant de Mets furent establis
151
[535]
L'esvesque Bertrand de Saxonne 1 5 2
Grant clerc (et] notanble parsonne
En Mets estanblit lez amants
Qui est grant pays vincquement
149
L'évêque Thierry 1 était le cousin gennain de l'empereur Othon II. Cette illustre parenté
valut à l'évêque une grande audience à la cour qu'il fréquenta assidûment. D fut élu évêque de
Metz en 965. En 967, il rejoignit l'empereur en Italie. Il y demeura cinq ans et en rapporta
d'innombrables reliques qui lui permirent de consacrer deux autels de 1'abbaye de SaintVincent, dont il avait jeté les fondements avant son départ. Le décès brutal de l'empereur en
décembre 983 poussa l'évêque de Metz à se rallier imprudemment à Henri le Querelleur, mais
la mort lui évita des représailles ; TRIBoUT DE MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 32.
°
15
Cet édifice s'est certainement toujours trouvé à l'emplacement de l'église Saint-Vincent.
Le fait qu'elle soit mentionnée dans la liste stationnale atteste qu'elle a été reconstruite en 968
et non fondée par l'évêque Thierry 1 à cette même date. Sa construction pourrait remonter au
VIème siècle. C'est en effet, Childebert I qui rapporte comme relique, la tunique de saint
Vincent à Paris et du même coup introduit ce culte en Gaule; GAUTHIER, Topographie
Chrétienne des cités de la Gaule, p. 51.
151
L'auteur a ajouté les quatrains 535 et 536 dans la marge droite du folio en signifiant
l'endroit où ils doivent être introduit à l'aide d'une croix rouge et d'un trait, en ajoutant« Ces
deux couplets de travers doivent estes à la croix rouge ».
152
L'empereur obtint du pape que l'un de ses fidèles, Bertram (1180-1212) soit évêque de
Metz. A partir de 1190, Bertram entama un long épiscopat de 32 ans, dans une cité où une
main fenne était souhaitable. L'empereur l'avait sous doute choisi pour cela ; TRIBOUT DE
MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 50.
143
[536}
Quant les amans furent establis
Du tout n'est pais mis en oblis
Le milliaire estoit tout ron
Mil deux cents on environ 154
1sa
(1200)
Quant le corp Monseigneur sainct Clement fuit relevez
[537}
Ung esvesque nommez Herman
Releva le corp sainct Clemens
Et se le fit pourter a Mets
Et puis morut troys jours apres
1ss
153
L'acte du 8 juillet 1197 institue les amans. Ils sont deux dans chaque paroisse et chargés
d'assurer la garde des contrats, puis de leur rédaction. Cette institution traduit le souci de
simplifier les formalités de la vie juridique et économique ; SCHNEIDER, La ville de Metz au
Xlllème et X/Vème siècle, p. 160.
154
L'institution des Amans eut lieu en 1197 et non en 1200. Il se peut que l'auteur ne se
souvenait plus de la date exacte de la création de cette institution puisqu'il note lui-même
« Mil deux cents ou environ ». En revanche, Philippe de Vigneulles note avec exactitude cette
date dans sa Chronique, t. 1, p. 309. On peut aussi supposer que l'auteur des Chroniques de la
cité de Metz avait à ce moment plus le souci de la rime que de l'exactitude de la date.
155
Dans sa Chronique, t. 1, p. 226, Philippe de Vigneulles rapporte aussi cet événement: «fuit
amonesté ledit evesque par une advision miraculeusement luy faicte qu'il levait le corps de
saint Clément, le premier apostolle et premier evesque de Mets. Et enssuy le fist. Et, quant il
1'ost fait, il morut, trois jours après qu 'ill'ot levé ... ».
144
[538]
L'esvesque estoit chose murarnble
Devant Dieu acusez des deables 156
L'esvesque Hermans devant dit
Mais sainct Clemens de deffendit
156
Dans sa Chronique, t. 1, p. 228, Philippe de Vigneulles rapporte, lui aussi, que saint
Clément pria pour l'âme de l'évêque Hermann qui était accablée par le Diable. Les prières du
saint sauvèrent l'évêque. Selon la Chronique française des évêques de Metz, l'âme
d'Hermann avait été saisie par le Diable. Il fallut l'intervention de saint Clément pour que son
âme fut sauvée. Saint Clément s'était souvenu de lui, parce qu'il avait procédé à l'élévation de
ses reliques et qu'il avait confirmé leur appartenance à l'abbaye de Saint-Clement. La
Chronique des évêques Metz en français qui se trouve dans le manuscrit BM 855, relate ce
miracle, folio 221, colonne 1 et 2. L'auteur rappelle, dans un premier temps, la querelle des
investitures dans ces termes : « En son temps, fut trop grant peril/ouse discorde entre le
royaulme et la clergie, car on mettoit roy sur roy, pape sur pape et dura logtemps cette
discorde ». Puis l'auteur évoque la translation de saint Clément : « Et fut amonesté par a
vision qui le mist le corps de sainct Clement, le premier doctoru de Metz et ainsi le .fist. Et
marut trois jours apres ce qui/ ot leve et quand le dit corps de sainct Clément fut apportez en
l'esg/ise de Metz si fist de très grant miracles par l'espace de trois jours. Et tantost que
l'evesque fut mort, le corps cessait a faire miracles par 1'espace de deux jours dont le peuple
fut moult triste et demandait pourquoy cestoit ». L'auteur explique alors comment saint
Clément sauve l'âme de l'évêque: «Et tantost la cause fut révél/ée a ung sainct homme
re/igieulx. Et fut dit en ceste manière : pour le temps que le corps sainct Clemant ait cesser a
faire miracles, il ait este devant le souverain juge pour defendre l'âme de /'evesqz Hermans
que les dyables accusaient trop fort. Il mettaient sus que la paour de la mort avoit mie fait son
debvoir de la gue"e que estoient entre la clergie et le royaulme. Et a chacun argument que
les dyab/es fe soient, saint Clément prier pour luy a mains jointes et a genoulz et fut la prière
de saint Clement de si très grans pour plus en pitié et avoit pardon a /âme de l'evesqz
Hermans et mist si/lenœ a tous les dyables. ».Les événements évoqués correspondent à deux
quatrains et se déroulent un siècle plus tôt puisqu'il est question de faits relatifs à Bertram,
c'est à dire au XIème~s é~....-àuss1 parti e cett
' "ôde~qùe.lachrorùque ne
respecte plus vraiment la chronologie. L'auteur, en fait, ne relate pas ici la période durant
laquelle Hermann fut l'évêque, mais un miracle le concernant. Hermann fut évêque pendant la
période concernée par la querelle des investitures. Il suivit le parti des papes et l'empereur
Henri IV le chassa de son évêché en 1078. TI ne revint à Metz qu'en 1089. Pendant ce temps,
son temporel resta sans surveillance. Les seigneurs du pays ainsi que les Messins prirent leur
part du butin. Depuis cette époque, les évêques sont en continuelle hostilité avec les Messins.
En effet, les évêques cherchèrent à récupérer leurs terres; WoRMS, Histoire de la ville de
Metz, p. 18.
145
Quant lez banieres du commun furent abollies
[539]
Mile deux cents quatrevingz [et] trois
En Mets la costume estoit
Que les commung portoit baniere
Mais on en deffit la maniere 157
[540]
Le commun contre les paraiges
Volloient user d 'ung oultrange
Mais on y trouva une paix
Et lez banieres furent arse
[541]
Lettres en sont faittes et brullee
Quelle furent arses et brullees
En ung voulloit est union
Et en plusieurs divisions
(1283]
Quant lez Templiez furent brullez 1ss
[542]
Mil trois cents et septe emplis
Furent brullez tous les templis
Par tout le monde en ung seul jour
De quoy se fuit moult grant orrour
[1307]
157
Tout au long du Xlllème, certaines catégories de métiers se soulevèrent contre le pouvoir
du patriciat messin. Les bouchers, notamment possédaient un poids économique important,
mais ils n'avaient aucun pouvoir politique. En effet, l'oligarchie du patriciat messin ne leur
permettait pas d'entrer dans les paraiges. Déjà, à partir de 1214, les merciers, corroyeurs de
cuir blanc, faiseurs de braies en cuir, les cloutiers, les gantiers, les parmentiers et les fripiers
s'étaient regroupés en Franc-Métier. A plusieurs reprises, ces gens de métiers tentèrent de
renverser l'oligarchie des paraiges. ll existait des rivalités entre les paraiges et le Commun.
Ces querelles permettaient parfois aux ducs de Lorraine et de Bar de s'associer avec certains
membres des paraiges pour mieux s'opposer à la cité. En 1283, le Commun prit pour chef
ceux du paraige d'Outre-Seille. Ensemble, ils se révoltèrent mais sans succès. Le patriciat
messin décida alors de brûler les bannières du Commun; Histoire de la Lorraine, Société des
Etudes Locales, p. 173.
158
L'ordre du Temple eut de nombreux biens, mais peu de commanderies. Pour le Xlllème
siècle, toutefois, on peut retenir les noms de Pierrevillers, Gelucourt et de Metz où vers 1200,
ils avaient rebâti la chapelle Saint-Maurice, cédée par l'abbesse de Sainte-Glossinde. La
tradition fixe très tôt l'arrivée des Templiers à Metz, mais la date de 1123 doit être retardée
sans doute de dix ans au moins et mise en rapport avec le passage de saint Bernard dans la
cité en 1133; TR.rnour DE MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 76. C'est le 13 octobre 1307
que l'ordre fut anéanti par Philippe le Bel, roi de France (1268-1314).
146
Quant le pallas fuit reffait tout nueuf
[543]
Par mile trois cents et dix huites
Aincy que~ cronicq s'ensuite
Fuit reffait du bas jusque en
Le pallas de nueufve fasson 1
[1318]
[544]
Mil troi cents quarante septe
Furent mis en fers et en seppe
Deux freres qu'estaient bouchiez
Et puis noyez pour despeschiez
[1347]
[545]
Ly ung avoit nom Huguegnon 160
Mais de l'aultre ne scay le nom
Pour ceu qu'il a voient en erreur
Conspirez contre leur seigneur
.1_
C::u
159
En 1315, un contrat d'échange fut établit entre la ville et la cathédrale. Le Chapitre de la
cathédrale se plaignait de ne pas pouvoir procéder au service divin dans leur cloître parce que
le maître-échevin accompagné des Treize donnaient leurs audiences, entendaient les plaignant
et y faisaient lire les bans deux fois par an. Le chapitre cède alors à la ville une maison
canoniale qui se trouve à l'entrée de la ruelle Sergent avec toutes les dépendances. Cette
demeure avait été occupée auparavant par Thierry de Crecy, chanoine de Metz. En échange,
la ville donne au chapitre, une maison qui se trouve derrière Saint-Victor et qui appartenait à
Nicole le Selavier. Du coup, le mrutre-échevin et les Treize renoncent à tenir« cloître» dans
l'ancien cloître et les chanoines purent en disposer à leur grès. C'est à l'emplacement de la
maison canoniale obtenue grâce à l'échange que la ville fit bâtir en 1317 le nouveau palais ou
palais neuf dont les travaux s'achevèrent en 1318. Ce bâtiment fut le siège des magistrats
jusqu'au moment où fut établi le parlement; D'HANNONCEILES, Metz ancien, t. I, p. 35.
160
Le patriciat messin ne prenait pas pour habitude d'être conciliant et cette attitude entraînait
le mécontentement parmi le peuple. En 1347, le boucher Huguignon eut une querelle avec les
treize et fut condamné à une amende de 20lb, et au bannissement pour 20 ans. Sa faute ne
devait être ni grave, ni suffisamment établie, sinon les mesures eussent été plus dures.
Huguignon ne voulut pas se soumettre à cette sentence. Il tenta de résister avec d'autres
bouchers accourus en arme à la vieille boucherie. ll fut pris et noyé dans la Moselle. Dans la
Chronique de Praillon, les complices d'Huguignon sont cités ; SCHNEIDER, La ville de Metz au
Xlllème et X/Vème siècles, p. 45.
147
La guerre de Dudelange contre la cite
[546]
Chastel sainte Eve et Tehercourt
Dudelange et Amelecourt 161
Et encore pluseurs aultres plaices
Furent prinses par ceulx de Mets
[547]
L'an treize cent quarante neuf
Et prindrent chevealx et vache et buefs
Et aultre buttin a grant somme
Et dez ennemis quatorze hommes
[548]
Onze on pandren t et d'une espee
Trois heurent les testes coppees
Et furent en ce point acoustere
Par ung qu 'estoit leur menestre
[1349]
161
Saint-Epvre : Moselle, arr. Château Salins, c. Delme. Thicourt: Moselle, arr. Boulay,
c. Faulquemont. Dudelange: Luxembourg, District du Luxembourg. Amelecourt: Moselle,
arr. etc. Château Salins. Dans ces lieux se déroulèrent de nombreux combats. En effet, le duc
de Lorraine Raoul était entré en guerre contre Metz car cette dernière s'opposait à la
progression du duc vers le pays du sel, sources du beaucoup de profits. Le duché de Lorraine
ne pouvait plus se contenter de l'exploitation de Rosières, et le duc progressait le long du
Sanon à partir de Buissoncourt et Amelécourt, en direction de Vic et de Marsal. Le duc Raoul
avait déjà, pour protéger ce territoire, fait construire en 1340 une forteresse à l'emplacement
de ce qui allait devenir Château-Salins. Jusqu'à cette époque, seul l'évêque de Metz avait été
le maître des lieux. Le conflit fut alors inévitable; M. PARISSE, «L'époque médiévale»,
Encyclopédie de la Lorraine illustrée, p. 194. Dans la Chronique de Philippe de Vigneulles,
p. 30, t. II, on peut lire, «Fut abbatue et destruicte par ceulx de Metz, la maison de SaincteEve, et une maison d'Ameliocourt, et le chastel de Theheicourt, le chastel de Rodre, le
moustier en Allemaigne et la maison de Du/lange. Et y furent prins que maistre que varlet,
jusqu 'au nombre de quatorze, desquele il en y olt onze des pandus ».
148
Quant le roy de Behaigne vint a Mets
[549]
Mil trois cents cinquante et trois
Vint de Bahaigne a Mets ung roy
En seioumant en son repart
Fist duc le conte de bar
[1353)
162
Qua[n]t l'empere(ur) et l'emperise furent a Mets
[550]
Mile trois cents cinquante et six
De bon voulloir meure et rassis
Vint a Mets tres haultainne entreprise
De l'empereur et l'emperise
[551]
De grant princes y avoit plusie(ur)s
Avec que les septes eslyseurs 163
Et tint sa court on champpassaille
Servis a mosde non pareilles
[1356)
162
Ce roi de Bohème est Charles IV, roi des Romains (1346-1355), puis empereur (13551378). Notons qu'il vint pour la première fois à Metz en 1354. Il attribua le titre de duc au
comte de Bar. Charles IV avait sans doute dans l'idée de donner une plus grande importance
au comte de Bar; M. Parisse, «L'époque médiévale», Encyclopédie de la lorraine illustrée,
p. 199. Le venue de Charles IV à Metz était détenninée par le souhait de voir s'établir la paix
entre Metz qui soutenait son évêque et le duché de Lorraine qui voulait s'emparer le pays du
sel. Les Messins étaient arrivés jusque sous les murs de Nancy. Le pays n'était plus du tout en
sécurité et il est à noter que les vignerons, à cette époque, procédaient aux vendanges, armés
d'arbalètes. La tentative de Charles IV pour rétablir la paix fut vaine. Une fois, l'empereur
parti, les hostilités reprirent; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p.48.
163
Avant 1356, une assemblée de princes et d'archevêque se réunissait en Reischtag (diète
d'Empire ou assemblée des nobles) et proposait son candidat. Le collège des électeurs s'est
crée pour l'élection du premier Hohenstaufen et il était composé des ducs de Franconie, de
Saxe, de Souabe et de Bavière et des trois archevêques de Mayence, de Cologne et de trèves.
La Franconie fut ensuite remplacée par le comte palatin du Rhin, celui de Bavière par celui de
bohême et le duché de Souabe par celui de Brandebourg. Les sept électeurs assumaient aussi
les fonctions d'officiers de la couronne. Charles IV de Luxembourg complète ce document et
le fait accepter aux diètes de Nuremberg et de Metz (1355-1356). C'est la bulle d'or datée du
25 décembre 1356 qui fixe l'élection de l'empereur à la majorité des voix et assure aux sept
électeurs une situation nettement supérieure à celle des autres princes de l'Empire. Les
électeurs ont désormais le statut de conseillers permanents du royaume. Ces sept personnages
sont en 1356 toujours au nombre de sept. Il s'agit des archevêques de Cologne, de Trèves, de
Mayence, du duc de Saxe, du roi de Bohême, du Margrave de Brandebourg et du comte
Palatin du Rhin ; CUVELLIER, Histoire de 1'Europe occidentale au Moyen-Age, p. 141.
149
[552]
Grant princes duc senechal
Servoient les mets achevalx
La noblesse qui pooit estre
Estoit un paradis terrestre
[553]
La nuict de noel a matine
Des lissons chanta la septieme
Sa noble corronne affublee
Et en main nue son espee
[554]
En cellui temps en la cite
Il fuit au manant recite
Que d'un chescung falloit scavoir
La valleur de tous son avoir 164
Quant il fallut scavoir la richesse de chescun
[555]
Mil trois cent soixante et cincq
Fuit la chose mallice on simple
De cent livre payer convint
Dix solz et l'annee apres XX
[1365)
La guerre de Gondrecourt
[556]
Mile trois cents soixante et huictz
Fuit Gondrecourt 165 prinse a grant bruit
Le seigneur et ses gentilz homs
Et toutte l'aultre garnison
[1368)
164
En 1356, la bataille de Poitiers permettait aux Anglais d'entrer sur le territoire français et
la même année, l'empereur Charles IV accompagné de l'impératrice, vint à Metz. Il était
accompagné d'une nombreuse suite de puissants personnages dont les ducs de Bavière et de
Saxe, les archevêques de Trèves, de Cologne et de Mayence ainsi que des trois autres
électeurs. Pendant son séjour, il tint une diète, il régla les affaires de son empire. Il reçut aussi
le dauphin de France, le futur Charles V, fils de Jean le Bon, prisonnier des Anglais. Pendant
la présence de l'empereur à Metz, la paix avait été rétablie. Toutefois, les bouchers de la ville,
anciens alliés d'Huguignon, qui ne supportaient pas l'hégémonie du patriciat messin,
voulurent offrir la ville à l'empereur. Ce dernier prévint alors le Conseil de la cité dont les
membres s'empressèrent de noyer les conjurés au Pont-des-Morts ; WORMS, Histoire de la
ville de Metz, p. 49.
165
Gondrecourt: Le Château, Meuse, arr. Commercy.
150
[557]
Le seigneur Collay des Hermoises
Ne beut plus ne vin ne setvoise
Renonsa aux armes et espee
Et puis heust la teste coppee
[558}
La puissance de ceulx de Mets
Lez assallirent de si pres
Avec le conte de sainct Pol
Tresze en pendirent par lez colz
[559]
166
167
Et en ycelle annee aussy
Fuit pris le chasteau de Mussy 168
Par ceulx de Mets a ung matin
Et y gaingnerent grant buttin 169
166
Le Seigneur Colin des Armoises était le fils de Robert des Armoises qui avaient été
emprisonné en même temps que le duc de Bar à Metz en 1465 ; WORMS, Histoire de la ville
de Metz, p. 51. Philippe de Vigneulles ajoute dans sa Chronique, t. II, p. 64, que Colin des
Armoises se trouvait dans la tour de Gondrecourt entouré de toute une compagnie de
mercenaires. « En laquelle tour y avoit plusieurs mau/vais garson et malfecteurs, entre
lesquelles estoit Collas des Armoises», «On coppa la teste audit Collas des Armoises et
aincy fut paiet de sa deserte ».
167
Une compagnie de Bretons, brigands, avaient dévasté le pays lorrain et certains d'entre eux
s'étaient retrouvés dans la tour de Gondrecourt sous le commandement de Colin des
Armoises. Sous l'autorité de comte de Saint-Paul qui était au service de la cité de Metz, les
Messins décidèrent d'investir la tour de Gondrecourt. Les pillards furent décapités ou pendus;
WoRMS, Histoire de la ville de Metz, p. 51. Philippe de Vigneulles ne semble pas mécontent
que le comte de Saint-Paul ait ramené la paix dans le pays. Dans sa Chronique, t. II, p. 64, il
décrit l'épisode ainsi : »Ceulx de Metz allèrent avec le conte de Sainct Pol por assegier une
tour seant près de Gondrecourt. », « Et y firent lesdit de Mets avec ledit conte 1'espace de XV
jours avant qu 'ilz se vaulcissent rendre et par cest manier fut prinse ladicte tour. Et, furent
les ga/lans de dedans prins, entre lesquelles en furent treize desdit ma/facteurs pandus et
estrang/és ».
168
Mussy : près de Longuyon.
169
éjà en 1365, Pierre de Bar avait engagé la guerre contre la ville de Metz à cause de la
e Norroy. Cette ville avait été achetée par le sire Poince de Vy au duc de Bar mais ce
r réclamait toujours le dr~it de liS!lage. Ceil'X(fe Metz soutenaient le sire de Vy et la
bataille s'engagea contre le duc de Bar; Woîù:ls, Histoire de la ville de Metz, p. 50.
151
[560]
Soixante et septe mile et trois cent
Piere de Bar 1 70 fort et puissant
Sans besoing ne necessite
Prist guerre contre la cite
[1367)
171
[561]
Et en celle troisieme annee
La cite mist sur son armee
Et par force d'armes et d'assault
Prinderent le chastel de Marsalz 172
170
En 1367, le comté de Bar est déjà puissant. Depuis, le XIIème siècle les comtes de Bar
représentent « l'ambition d'une certaine noblesse». Ils sont partis de peu, mais ont su petit à
petit bâtir un comté puissant. Les comtes ont toujours été, sauf exception, des hommes de
grande valeur. Ils étaient d'excellents soldats, forts habiles et surtout ambitieux. Il n'y a donc
rien d'étonnant à ce qu'ils représentent une menace évidente pour une cité aussi riche que
celle de Metz; PARISSE, Histoire de la Lorraine, p. 156. Pierre II de Bar, seigneur de
Pierrefort (1359-1380) entra en conflit avec les Messins de 1365 à 1373. C'est ce quatrain qui
fait le premier, mention de cet épisode. Le motif semble être une affaire d'argent, de villages
engagés et non rendus, de manipulations financières que couvraient des traditions dites
spécifiquement messines. Aidé de seigneurs tout aussi endettés que lui, le sire de Pierrefort
n'hésita pas à attaquer la citadelle messine. Il avait déjà eut recourt à un agitateur du nom
d'Arnaud de Cervolle dit l'archiprêtre qui était accompagné d'une compagnie de Bretons.
Cette compagnie était célèbre pour ses exactions et le duc de Bar dû payer leur départ 20 000
florins. La guerre sévissait alors et les routes n'étaient, plus du tout, sûres. Les quatrains
suivants évoquent ce conflit ponctué par la prise du château de Marsal (quatrain 561 ), du
château de la Haye (quatrain 562), du château de Belleville (quatrain 564), ainsi que du
château de Solgne (quatrain 568) ; LEFEVRE, Les sires de Pierrefort de la maison de Bar,
p. 325, 326.
171
Dans Ms 848, le folio 56 a été détruit.
172
Marsal: Moselle, arr. Château Salins, c. Vic sur Seille. A cette époque, Marsal appartient
au temporel de l'évêque. Mais ce dernier n'est pas concerné par le conflit entre Pierre de Bar
et les Messins. En fait, les Messins ne se sont pas emparés de Marsal, mais de Mandres-auxquatre-Tours, forteresse des Blâmont qui sont les alliés des Pierreforts ; LEFEVRE, Les sires de
Pierrefort de la maison de Bar, p. 325, 326. Ce sont des hommes du duc de Bar qui
s'emparèrent du château de Marsal, mais l'évêque envoya son armée pour récupérer ce
château. Philippe de Vigneulles décrit ce passage ainsi dans sa Chronique, t. II, p. 64 et 65,
« Burtand de Nouviant, Simonin de Mercheville et Girard s'Aisey firent et menairent la
guerre encotre l'évesque Thiédri de Bompart, alors évesque de Mets. Ilz prirent la ville de
Massaulx par ung matin. Et fut reprinse la dicte ville par lesdit évesque, accompagniés de
ceulx de /'éveschié de Mets. Et furent environ LX personnaiges mors et occis et mis taut en
une fosse ».
152
[562]
Encor en celle ditte annee
Ainsy estoit la destinee
Par les metsains que envie hai
Fuit gaingnie le chastel de Hei 173
[563]
Et leans fuit pris le seignour
Et son frere par grant rigour
Et en menez sans repittez
Et a Mets descappitez 174
[564]
En cel an devant la toussains
Par les Lorains et les Metsains
Fuit le chastel de Belle ville t7s
Gaingniez destruict mis en exille
[565]
En celle annee mesment
Allerent messaing seurement
Gaingniez le nueuf bourg de Briey
Et tout destruict ars [et] bruy
[566]
Ons est bien sauvant abusez
Par croire des mal advisez
Hz creudoit avoir bon buttin
Mais ilz leverent trop matin
Quant le puple fuit tailles trois fois en ung ans
[567]
173
En celle annee la cite
Avoit d'argent necessite
Et fallut sans ne qu'une quoy
Taillez le puple par trois foys
Château de la Haye: près de Pierrefort.
174
Dans sa Chronique, t. II, p. 58, Philippe de Vigneulles note à ce sujet, «Pareillement en
celle année, la justice de Mets fit copper la teste de Geoffroy de Lustange et de Hanri
d'Anserville, escuier, pour plusieurs mefiait qu'il olrent fait contre la ville a bonne gent
trepaissant par pais ».
175
Château de Belleville: Meurthe et Moselle, arr. Nancy, c. Pont à Mousson.
153
Quant les messains gagnirent le chasteau de Solgne
[568]
En cel an s'en fair a du lorgne
Fuit gaingniez le chastel de Solgne
Par les Metsains une vespree
Et y eut cincq testes coppees
[569]
Apres bien [et) chastel pardus
Vin te nueuf en furent pandus
Et pour les aultres esbanoyez
Furent tous tuez on noiez
{570]
Pierre de Bar les as mis
Quan Metsains n'estoit pas amis
Solgne estoit malvaise maison
Plainne de faulx garnison
176
Deux gentilzho[m)mes annemis de la cite furent decappite deva[n]t la gran te
esglise
[571]
L'an mil trois cents et dix huictz
Et quatre vingz co[m]me il sensuit
Deux gentilz hommes saint et entier
Morurent devant le moustier
[572]
Ostez leurs armes [et] leurs espees
Il heurent les testes coppes
Pour les mesfait [et] demerittes
Qu'avoient fais du preteritte
[573]
Leurs forfais leur furent rendu
Quinze de leurs valets pand u
Furent au gibet pour mesprison
Et dix huict mors en prison
[574]
Ses deux gentilzho[m]mes pillart
Acompaigniez de grant paillart
Robbant pillart sur le commun
Et generalement sur chescuns
176
(1398]
Solgne: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny.
154
Quant il y heut deux amans fmjugiez
[575}
Celle annee consequement
Furent for jugiez deux amant
Et tous leurs biens vendus et pris
Fait avoient dez faulx escripts 17'7
La guerre de Sainct-Germain
[576}
L'an mil deux cents environ
Et trente Jehan D'Appremont 178
De l'esglise [et] de l'esveschaiz
De Mets estoit souverain chief
[577}
Entre l'esvesque [et] la cite
Survint moult grant advercite
Par debat [et] aultre entreffaitte
Y heust maintes chose malfaittes
[578}
Dont tout le plus grant mal sally
Le paraige de Porsailly
De l'esvesque tindre la bende
Dont la discorde en fuit plus grande
[1230]
177
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz ne donne pas de réelle date à cet événement. La
dernière date donnée par l'auteur est 1368, la suivante est 1230. Lors de la composition de son
ouvrage l'auteur a peut-être inséré des éléments plus tardifs que 1368. Philippe de Vigneulles
évoque le jugement et le bannissement de deux amans pour l'année 1399. L'événement
semble être semblable à celui des Chroniques de la cité de Metz, puisque dans sa Chronique,
t. II, p. 119, on y trouve les écrits suivants : «Furent bannys et forsjugié de Metz deulx amans
de la cité, c'est assavoir Jehan Enlecol et Hannès de Sainct Jullien, son janre. La cause
pourquoy fut pour ce qu 'ilz. s.'en estoient fouys nuytamment, car ilz avoient mis en leur arches
beaucop de faulx escrips ».
178
Jean d'Apremont fut évêque de Metz de 1224 à 1338. Né d'une famille noble, il obtint très
jeune la charge de grand archidiacre au chapitre cathédral de Metz. Il succéda à l'évêque
Conrad défunt sans susciter d'intervention de la part de l'empereur. Le nouvel évêque était un
homme capable et fort peu désireux de laisser la bourgeoisie agir à sa guise. En 1231 débuta
les prémices de la« Guerre des Amis» (1232-1234). En fait, il faut remonter en 1226 pour se
rendre compte que les bourgeois avaient décidé d'obliger le clergé à s'acquitter d'un impôt
pour aider à la réparation des murailles. Le désaccord éclata avec l'évêque qui trouva un
appui dans le paraige de Port-Sailly dont il était l'un des parents. La guerre éclata et l'évêque
dû se réfugier à Châtel-Saint-Germain. Les Messins achetèrent les alliés de l'évêque; c'est-àdire le duc de Lorraine et le comte de Bar. Jean d'Apremont fut certainement le dernier
évêque qui chercha à contrôler la puissance grandissante des familles patriciennes messines. ;
TRIBOUTDEMOREMBERT, Le diocèse de Metz, p.Sl-61.
155
[579]
Ilz furent tres tous bouttez hors
Lassant leurs biens (et] leurs tresors
Se non ung baston en leur mains
Allerent a chastel Sainct-Germain 1 79
[580]
Tous leurs biens leurs furent ostez
Buttinez destruict leurs hostelz
A Sainct -Germain pour abregiez
En leur chastel furent assignez
[581]
Mais Fesvesque par diligence
Assambla gens a gra[n]t puissance
Mais bon conseil vint sy en haiste
Que de tous mal fuit paix faittes
{582]
Neantmoing la guere trois ans
Dura qui estoit moult pesant
Ou la guerre est [et] ung [et)une
Rengne[n]t trestous en grant fortune
179
Châtel Saint-Germain: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Ars sur Moselle.
156
Quant Monseigneur sainct Barnabe fist la paix entre l'esvesque et l'esveches
[583]
L'an mil trois cents [et} deux ans
A nostre matiere et divisant
Renald de Bar estoit esvesque 1ao
De Mets dont vint grant eschecq
[584]
Entre l'estat spirituel
D'une part [et] du temporel
S'esmeust tres grant division
Par convoitise abusion
[585}
Chescun prent vollentier du tien
Et donne tres envy du sien
Pourtant son ravissant luppars
Qui convoittent plus que leur pars
[586]
Quant chescun dit qu'on lui faict tort
C'est d'ou viennent lez grant discordz
Par trop souvant usez de force
Ont estez pluseurs mis en fosse
[1302]
180
Renaud de Bar fut évêque de Metz de 1302 à 1316. Dès 1302, il devint le tuteur de son
neveu, le jeune Edouard 1er comte de Bar. Le climat se détériora rapidement entre l'évêque et
les Messins puisque le conflit débuta en 1304. En effet, à cette date, les Messins rendirent une
ordonnance qui ôtait aux prêtres le droit de succéder et d'hériter. Déjà depuis 1226, les
moines devaient s'acquitter de droits sur les marchandises et fournir leur part sur les impôts.
Le clergé protesta, mais paya. En 1304, un clerc étant mort sans avoir établit de testament,
Renaud de Bar réclama la possession de ses biens au gouvernement de Metz. Celui-ci refusa.
L'évêque entra alors en guerre contre la ville. La bataille allait commencer quand des
personnes influentes obtinrent une réconciliation. L'évêque consentit à rentrer dans Metz en
jurant qu'il y entrerait avec une armée. Mais les Messins lui firent promettre le contraire. Par
orgueil, il décida d'y entrer lors d'une procession en grande pompe, accompagné par de
nombreuses personnes ;WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 38. Philippe de Vigneulles
écrit dans sa Chronique, t. I, p. 363, «Pour sa/ver son sairement, il fit faire le jour des
Palmes la grant procession selon ce que 1'ordonnaire de la Grant Eglise de Mets le devise :
car à celle procession, l'evesque doit estre present». Les chanoines de la ville n'étaient pas
en meilleurs termes avec leur évêque. Ils avaient dressé contre lui une liste de plaintes
particulièrement précises et qui traduisait leur indignation. En fait, l'évêque se désintéressait
complètement des affaires liées à Metz. Il préférait se préoccuper de ses autres résidences. Les
Messins critiquèrent vivement le transfert de juridiction ecclésiastique à Vic. Cela entravait le
fonctionnement normal de la justice. Cet épiscopat s'acheva dans la confusion puisque
Renaud de Bar décéda empoiS()Ilfié au monastère de Saint-Vincent en 1316; TRJBOUT DE
MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 56.
157
[587]
L'esvesque jura ung serment
Qu'a Mets n'entrerait que forment
Par son voulloir a grant puissance
Cela fist il, mais par nuance
[588]
Il pansait venir a ses dames
A Metz par force de gent darme
Mais il vint en procession
Par bonne composition
[589]
Pour estre quitte de son voulz
Il goust la nuict a Sainct-Arnoulf
Le dimanche y benyst lez palmes
A grant nombre d'homme [et] de fe[m]mes
[590]
Il jura par oultrecuidance
Qu'a Mets entrerait a puissance
A puissance entra voirement
Mais ce fuit debonnairement
181
[591]
Le mistere en fuit bon [et] bel
Par Monseigneur sainct Barnabe
Qu'en fist la paix en une place
Entre deux Sainct-Arnoulf [et] Mets
[592]
En c'este plaice de miraicle
Fuit la chapelle Sainct Fiacre
Faitte a donc pour toujiour mais
No[m]mee la Chapelle de paix
181
Le quatrain 591 a été ajouté sur le folio précédent. L'auteur, à l'aide d'une croix indique
l'endroit où il doit se trouver et ajoute: «ce couplet doit être a l'aultre partie».
158
La guerre du roy de Bohagne duc de Lucemboug du duc de Lorainne du
conte de Bar [et] de l'archevesque de Trieuve contre la cite.
[593]
182
[1324]
Mil troi cens vingt quatre ans
Le roy de Bahagne J ehan
Estoit son nom aincy le treiuve
Manda l'archevesque de Trieuve
[594]
Le duc des Lorains d'une part
Acompaigniez de cueus Bar
Par mandement de belle lettres
Se trouverent ensambles eux quatres
[595]
Pour en dire tout brief (et] court
A Lucemboug estoit leur court
Tout haistyvement par expres
Vindrent asiege devant Mets
[596]
Et firent de tres g(ra]nt domaige
En brulant maintes beaulz villaiges
Sens pitiez [et] sans conscience
Devant qu'on heust lez defflance
[597]
Le messaigier vint a la porte
183
Tenez sez lettres que je porte
Fuit droit fuit tort fuit honte ou blasme
Tout estoit en feu [et] en flarne
182
Metz était devenue au XIVème siècle, la banque des princes et ces derniers étaient toujours
tentés d'annuler leurs dettes par le biais des guerres. C'est ce que font les comtes de Bar et
Jean de Bohême, comte de Luxembourg, le duc Ferri IV de Lorraine et l'archevêque de
Trèves qui s'allient en 1324 contre Metz. Ce conflit porte le nom de la guerre des Quatre
Seigneurs ; PARISSE, Histoire de la Lorraine , p. 189.
183
A chaque guerre, les ennemis de Metz cherchent des appuis à l'intérieur de la cité. Ce
conflit de 1324 à 1326, entre Metz et les ducs de Lorraine et de Bar provoqua une hausse des
impôts nécessaires à la reconstruction de la cité. Une partie du patriciat se souleva et s'allia
aux ennemis. Malgré l'optimisme dont fait preuve l'auteur quant à la gestion de la cité, la
peur de la trahison issue des divisions internes renai'tra à chaque conflit ; GANŒLET, Entre
France et Empire, Metz, une conscience municipale en crise, p. 18.
159
Fo 60 ro
[598]
Les pouvres gents par le pays
Se trouvere[n]t moult esbahys
Lasserent tout [et] bestes [et] biens
Que leur anffans s'en prendre rien
[599]
La guerre fuit moult merveilleuse
Et de chiertemps moult perilleuse
Car les grains furent ars es granges
Et pardus toutte lez vendanges
[600]
Mais tant furent messains vaillant
De tret destocq[ue] [et] de taillant
Faisànt tel guerre [et] tel huttin
Qu'il conquesterent grant bu ttin
[601]
Malgrez la guerre [et] son malice
On usa d'une tel police
Sy bien [et] ordonnencement
Qu'on heust tres bon gouvernement
[602]
Or la plus grant pitiez quy fuit
Cest qu'Hz mirent par tout lez feu
Tout fondus [et] aruynnez
Et n'avoit ons rien enhannee
F 0 60
[603]
V
0
Moult heust la cite a souffrir
A leur esvesque allerent offrir
Quinzes milles livres d'argent
Pour avoir ayde de ses gents
160
[604]
L'esvesque estoit Ham:y Daffin
Du Daphine malis [et} fin
Il leurs promist estre servis
Mais mal fuit l'argent deservis
[605]
Il engaiga ses bonnes villes
Et ses chastels bien po[ ur] ce[n]t mile
Sens les quinze milles de gaiges
Tout par ses cautelleux langaige
[606]
Et quant son argent heust receupt
Les seigneurs en furent deceupt
Quant ilz lez heust bien assurez ,
S'en retorna on Daphinee
[607}
La leur survint guerre sur guerre
Par force leur convint co[n}querre
Telle somme avalz l'esveschiez
Dont ilz en heurent g[ra]nt meschiez
[608]
La guerre fuit dez annemis
184
Devant Mets ung an [et} deux
Et au printemp on mois de mars
De tous malz fuit faitte la paix
184
Le successeur de Renaud de Bar (1302-1316) fut Henri Dauphin du Viennois (1319-1325).
Issu d'une famille puissante du royaume d'Arles, il n'avait que vingt et un an quand il arriva à
Metz. Il refusa de se faire consacrer pour mieux gérer le Dauphiné et choisit des vicaires
généraux pour le seconder. Toutefois, il vint dans la cité, prit part à la mise en place des
Treize et s'occupa de faire poursuivre la construction de la cathédrale. Il se trouva encore
obligé de participer à la guerre des Quatre Seigneurs. La cause du conflit g.tt surtout dans le
fait que les bourgeois messins étaient les seuls, avec les Lombards, à pouvoir prêter
d'énormes sommes d'argent à ces seigneurs. Les Messins recevaient en gage des biens de
l'évêché. Mais l'évêque se souciait davantage des affaires du Dauphiné que celles de Metz.
Aussi, il finit par se démettre de ses fonctions en 1325; TRIBOUT DE MOREMBERT, Le diocèse
de Metz, p. 58.
161
Le siege devant Sampegny
[609]
Et aincy que guerre se me[n]ne
A Sampegny 185 onze septiemme
Tindrent la garnison
Sens gaingnez chasteaux ne maison
[610]
A Mets lez convint retraire
Car trayson leur fuit contraire
Deux seigneurs nobles y eurent mort
Dont se leur fuit grans desconfort
La dance de Monseigneur sainct Jehan Baptiste
[611]
Treize cents soixante [et] quatorze
Au monde advint piteuse choses
Qu'en citez en villes [et] en champs
Gens dansoient du bien sainct Jehan
[612]
C'estoit une pitiez miranble
A merveille tres pitoyanble
Car tous les plus reconfortez
Estoient fort enpoentes
[613]
Fuit en dormant fuit en veillant
Fuit sur pouvres fuit sur vaillant
Ou que la fortune venoit
Tantost dancier les convenoit
[614]
Le prestre en faisant son office
Le seigneur seant en justice
Le laboureur a la labour
[1374)
186
Sur quis que cheoit la dollour
185
Sampigny: Meuse, arr. Commercy, c. Pierrefitte sur Acre.
186
En, 1374, il ne fait nul doute que la crise économique, les famines, la peste et la guerre
entraînent une immense piété accompagnée de tous ses errements. Les flagellants avaient déjà
parcouru la Lorraine au moment où la peste avait durement sévi (1348-1349) Mais à Metz, en
1374, l'obsession du pêché entraîna une «hystérie collective», la danse de saint Guy ou de
saint Jean ; P ARISSE, Histoire de la Lo"aine , p. 221.
162
[615]
Et dansoie[n)t nueufz ou dixjo{u]rs
Sans avoir repos ne seiour
Ou plus ou moin a l'aventure
Co[m]me est le mal aux creatures
[616]
Ilz dansere[n]t a sainct Jen en chambre
L'un l'aultre ne pooit attendre
De la cite en heust dansans
Grans et petis bien quinze cents
La fondacion dez Celestien [et) la chapelle en Champpassaille
[617]
Bertrand le Hungre 18'1 en cellui temps
Puisant d'or [et] d'argent contant
Qui aime Dieu ses solas tien
Fist commencier lez Celestiens
[618]
Burtrand de Hungre chevallier
Ainsi appelles panetier
De l'esvesqz de Mets heritanble
Ho[m]me en tous ses dict veritable
[619]
En son temps par devocion
Esmeu de bonne esmotion
Sur le scien propre a ses despens
Il fonda Nostre Dame az Champs
[620]
Donna[n]t le biens il visitoit
Par devotion qu'il y a voit
En dangier fuit d'estre troussez
De malvais garsons ennemis
187
Bertrand de Hongre est aman de Saint-Etienne, il est aussi panetier héréditaire de l'évêché.
C'est lui qui fonda le couvent des Célestins le 11 janvier 1370. Il dota ce couvent de biens
considérables avec un cens annuel sur sa propre maison. Il avait fait bâtir une église basse que
l'évêque Thierry Bayer consacra en 1376. ll meurt en 1397; SCHNEIDER, La ville de Metz au
XIJ/ème et X!Vème siècles, p. 47.
188
Le folio 61 bis verso est une page blanche.
163
[621]
Ainsi que sur lui ilz tendirent
Au tour de pourprins espoient
Devant hymaige s'endormaient
Il y fuit trop plus longuement
189
Que les aultres sors ne solloit
Fo 62 ro
[622]
Encommencrent lez fist (et] parfaire
Et maintes aultres belle œuvres faire
Et la chapelle on Champpasaille
Tout de sez deniers (et] sez mailles
D'un chanoine qui fuit longtemp en prison
[623]
Mil trois cens [et] dix septe
Et soixante fuit mis en seppe
Ung chanoine du grant moustier
Et tres puniblement traictiez
[624]
Contre ung ho[m]me prist tel discort
Qu'ille navrajusqz a la mort
S'en fuit mis enchief le doyen
Sens plesere seurte ne moyen
[625]
Sens adviser aise ne peine
Il y fuit logier trois sepmenne
Et puis rendu a la clergie
Pas n'en fuit sa peine allegie
[626}
Il fuit jugiez par le grant maistre
Qu'il en georoit dix ans charstre
Sans aumusse ne sorpellis
Dix ans y fuit tout accomplis
[1377]
189
Les quatrains 618 à 621 font partie d'une nouvelle interpolation tout comme se fut le cas
pouf les quatrains relatifs au miracle âe-Tâ-·voilenë:" Le folio n'est pas paginé. TI est donc
nommé 61 Bis.
164
{627]
Pain (et] eaue avait pour pitence
Dix porta la penitence
Mais par sacree dignitte
Il fuit de la mort repitte
Quant la bulette fuit ordo(n)nee
{628]
Par mile trois cents quatrevingz
Par conseille par maistre escheving
Fuit ordonnee la bullette 190
Pour scellier (et] buller lettres
[1380]
Mutte refondue deux foys pour ung an
{629]
Treize cents quatreving (et] ung
La grosse cloche du commun
Qu'on dit mutte fait refondue 19 1
Deux fois a grant peine pardus
(1381]
La guerre du duc de Jullet
{630]
Treize cents quatre vingz [et} six
D'ung gouffre guerroyaulle yssy
Ung conseil a tous mal avissanble
Et a Mets tres fort nuissanble
{631]
Premier fuit le duc de Julet
Que pas n'estait petit verlet
Et estait a ung aultre advoux
Qui estait conte de Nassau
(1386]
190
Dans sa Chronique, t. II, p 89, Philippe de Vigneulles évoque cette institution de la
manière suivante : « Fut institués et acommancée la bulette en Metz. En laquelle institucion
fut ordonnés de paier la malletotte de tout vandaige ou acquaist d'aritaige, c'est assavoir
pour chacune livrez VI deniers ».
191
Jusqu'à la fin du XIVéme siècle, Metz n'eut pas de cloche pour son service particulier et
lorsqu'ils avaient besoin d'ameuter ou de se rassembler, les Messins faisaient sonner celle de
Saint-Eucaire. Ce n'est qu'en 1381 que la ville se résolut à avoir une« bandoche » et qu'elle
la fit monter sur une des tours inachevées de la cathédrale, un campanile en bois. De la
première fonte en 1381, nous n'avons pas d'information. Nous savons malgré tout que
l'opération ne réussie pas et qu'il fallut recommencer; La Cathédrale de Metz, dir. Aubert,
p. 250.
165
[632}
Et ung grant seigneur D'Allemaigne
Et Boullay tenoit la montaigne
Avec plusieur chevalliers
Qui estaient leurs allier 192
{633}
Ou alors pooit plus de mal faire
Sur pouvre menus popullaire
Bruller violier enforciez
Cellui estoit plus est expriciez
[634}
Moult de mal firent (et] de domaiges
Sur les pauvres gens de villaiges
De tout destruire corp [et] biens
Pitiez n'avaient plus que chiens
{635}
Et quant ilz heurent fuit rettraitte
Pour ceu ne fuit pas paix faitte
Ceulx de Mets pour abregie
Convint jouer au revengier
{636}
Le chastel devant Thiaville
9
Fuit gaingniez ta[n'jt--.r.-u.....
is-se-nt habille
Et tant de mal firent au pays
Que maintes en furent esbahys 193
192
Les Messins étaient menacés par le sire de Boulay ; WORMS, Histoire de la ville de Metz,
p. 51.
193
En 1386, le comte de Saint-Paul n'était plus au service des Messins. Il était en fait
mécontent parce que ses services n'avaient pas été payés selon lui à leur juste valeur. Le
comte vint mettre le siège devant Gorze, mais les Messins réagirent et le comte se retrouva
dans le pays de Thionville à Mondorff, où il fit brûler les blés. Philippe de Vigneulles, dans ià
Chronique, t. II, p 102, évoque à ce sujet : «Et le conte sainct Pol envoiait en Mets Robert de
Hervillez et plusieur aultre, pour traictiet qu'il peult avoir de l'airgent desdit de Mets, ou
aultrement il assaillirait Gouxe; comme il fist », «Firent une chevaulchiée ledit conte sainct
Pol et c 'en allirent à Manndor et illec boutairent lez feu, et 1'airdirent toucte ».
166
0
F 63
[637]
V
0
Le chastel fuit ars [et] bruller
Gens tues (et] patibuller
S'il ont brulle tues (et] estouppe
En eux refist tel pain sou ppe
La guerre de Lutenge [et] de Haittange
[638]
Treize cents quatreving (et] septe
Les gens d'annes depart lez septes
De Mets abbattirent Haittange 194
Champillon 195 (et] aucy Luttange 19fi
[1387]
La guerre du conte de Sainct Pol
[639]
Treize cents quatreving [et) quinze
Le conte de Sainct Pol damprise 197
Les bleds au champs prest acillier
Fist bruller ardre [et] exillier
[640]
Sauvant sur la pouvre cite
Est venue moult advercite
Ont sez gents a mort offris
Et moult de grant peine souffris
[1395]
La guerre dez Lorrains [et] des Allemands
[641]
Mile troi cents cinquante [et) ung
De propre usaige tout commun
Dez Lorains (et] dez Allemans
Briez conseilliez egallement
194
Hettange : Moselle, arr. Thionville-est, c. Cattenom.
195
Champion: Ferme, commune de Chailly-les-Ennery.
196
Luttanges: Moselle, arr. Thionville-est, c. Metzervisse.
[1351)
197
Comme le comte de Saint Paul n'était plus au service de la ville de Metz, il commettait de
nombreux forfaits à chaque fois qu'il passait dans le pays messin. Philippe de Vigneulles
signale dans sa Chronique, t. II, p 112, «Revint sur les terres de Mets le conte de Sainct Pol,
et boutit le feu en plusieurs bledz par Devent les Pontz. Et avoit avec luy grand compagnie,
entre lesquelle estoient plusieurs seigneurs de France du sang reau/».
167
Fo 64 ro
{642]
Ilz ont d'usaige acostumez
Ou droit ou tort tantost tumez
Car les loups a peu d'occoison
Prennent poullains veaux (et] oixons
{643]
Aincy fuit raison ou tort fait
Leur conseil fuit tan tost fait
Disant faisons la guerre acomppe
Du moin nous prandront une souppe
{644]
Lorrains ne cesseront jamais
De prendre guerre a ceulx de Mets
Et reveillez [et] endormy
Se sont toujiours leurs annemis 198
1
1
{645]
Pour estrela guerre entasmee
A Flery 199 vindrent grant armee
Et la firent dresser leur tentes
Et en dresserent vingt a trente
{646]
Il y avoit de fme mouches
Faisant sauvant g[ra]nt scarmouche
Qui ne valloient pas ung sol
Dont ilz en furent tantost saolz
0
F 64
{647}
V
0
Ne firent aultre vasselange
Que bruller lez pauvres villange
Et efforcer filles [et] femmes
Et excecranble fait infalmes
198
En 1347, les bourgeois messins avaient étouffé la révolte des bouchers. L'un d'entre eux,
Huguignon avait été noyé au pont des mots avec son frère. Finalement, pour le patriciat
messin la guerre valait mieux puisqu'elle occupait les gens du peuple. Les magistrats prirent
donc le parti de la guerre en s'engageant dans le conflit qui opposait l'évêque Adhémar de
Monteil au sire de Fénétrange. C'est ainsi qu'ils exposèrent les environs de la ville aux
incursions continuelles des pi~ORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 48.
199
Fleury : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny
168
[648]
Tantost lez convint despartir
Chescun en son lieu revertir
Mais ceulx de Mets sceure[n]t en haitte
Qu[an)t leurs armees fuit desfaitte
[649]
Les Messains ne fure[n)t pas lasches
Mais tres diligent fort [et] fresches
Preste en armee [et] appareillee
Pour lez aller bien resveillier
[650]
Et a estre en allerent aincy
Tout destruisant jusq[ue] Ancy 2oo
Et brullant fortresse faubourg
Et tout le pays alentours
[651]
Assaillirent Frouway 2o1 [et) Roziere 2 02
Se fort maisons firent mauxiere
Et furent on jay en desduit
Malgrez tous deux jours (et) deux nuicts
Fo 65 ro
[652]
Le sire Thiebal de Blaumont
Noble chevallier de renon
Pour aller bruller en Lorainne
Des messains estoit cappitaine
[653]
Des Metsains survint une alarme
Des Lorrains sept cents ho[m]me d'arme
Dont sept vingtz en furent attrappez
Des lorains mors [et] d'estrippez
[654]
Des Metsains ne morut cun ho[m]me
Mais des navrez en heust grant somme
L'un bien joyeux l'aultre maris
L'un meshaigniez l'aultre garris
200
Ancy-sur-Moselle : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Ars sur Moselle.
201
Frouard : Meurthe et Moselle, arr. Nancy, c. Pompey.
202
Rosières aux Salines: Meurthe et Moselle, arr. Nancy, c. Saint Nicolas de Port.
169
[655}
l
1
Du principe ne du conclu
Court abreigier je n'en dit plus
Fors que de reduire a memoire
Les fait la date [et] lez hX~i?!f,Ç:.~...
_...,,......,~ -'""''-''•·'-'"-'"•"~-' """""'-~•''»>"~" ,c.,.........,.,"'"''-·"'""--'" >' • _, ,._,,,.. .. >>:'<4~"'\,•'-'"--!-'1.,,.';:,:..,
0
D'un ampereur qui fuit mangiez dez poux
[656}
[657}
En l'an de l'incarnacion
Neufz cents [et] douze faict mendon
D'ung ampereur nomez Arnoulft 2 04
Qui fuit mort [et] mangiez des poux
[912)
Quant Dieu pugnit lez creature
Medecin ny peult mettre cure
Dieu ait tout fait si saigement
Que nulz ne soit ses jugement
Qua[n]t le duc de Bar fuit pris a Lagny en Bairoy
[658}
Mile trois cents soixante [et] uictz
En joye en solas en deduit
Yssirent de Mets quatre on cincq cents
Ho[m]mes de bien tous inocents
[659}
Entre lesquelz ung chevallier
Nommez Robert de Hervillier
Servant a la cite au gaiges
Estoit cause defaulz langaige
[660}
Par ung nomme Jehan de May
Qu'estoit Barisien se Dieu may
Cellui que avoit dit injure
Mais en fuit prouvez parjure
[1368)
203
L'adversaire le plus redoutable restait le duché de Lorraine. Il s'était opposé à l'évêque de
Metz pour la possession de Château-Salins. Les Messins soutirent leur évêque et s'avancèrent
jusque sous les murs de Nancy; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 48.
204
Arnoul de Carinthie, couronné empereur en 896 et mort en 899. Dans sa Chronique, t. 1,
p. 212, Philippe de Vigneulles fait mention de cet empereur qui régna 12 ans et «Il fut .sy
tourmentés de poulz et de vermine que nul phizisien ne l'en polt guerir par nulle art». Il
n'évoque pas de punition divine.
170
[661]
Sy en fuit araniez ung champ
A lances [et] espee tranchants
Champis devant le duc de Bar 2os
Qu'estoitjuge pour les deux part
[662]
Tous deux estoient gentilz hommes
Chescun obligiez pour la somme
De perdre la vie [et] l'honneur
Devant le duc [et]lez seigneurs
[663]
Et quant vint au premier la chose
En avrille jour sainct Ambroise
Cellui de Mets se y trouva
Et l'aultre tres faut se prouva
[664]
Metsains y allerent joyeux
Mais trayson tendoit sur eulx
Po[ur] les champs n'y heust deux ne quatre
Mais les convint tres tous combattre
[665]
La se trouvere[n]t esbahys
Peu de gents loing de le[ur] pays
Mais se pas n'estoient assez fort
Dieu lez arma de reconfort
[666]
Quant ilz virent si forte guerre
Ilz mire[n]t tous le pied a terre
Tant frappant d'estocq[ue] (et] de taille
Qu'il gaignere(n]t champ [et] bataille
205
Dès 1365, la ville de Metz avait du affronter des compagnies de grands Bretons. C'était des
brigands et pillards et ils dévastaient les pays qu'ils traversaient. Ils avaient alors affaire avec
le duc de Bar contre la ville de Metz. Mais cette dernière paya à la compagnie, la somme de
dix-huit mille florins afin que les Bretons dévastent les terres de l'évêque de Metz et celles du
duc de Bar. Ce dernier fut fait prisonnier et enfermé à Metz. Il ne put retrouver la liberté en
1368, qu'en promettant de payer une forte rançon. Mais il ne tint jamais sa promesse;
WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 50.
171
[667]
La gaingniere[n]t honne[ur] [et] pris
Et la fuit le duc de Bar pris
Et plus de six vingz gentilhoms
Qui cranterent tenir prisons
[668]
A Metz fuit le prince amenez
Dont grant duel en fuit demenez
Se Barisiens avoient trouble
Met sains avoient joye adou ble
Celui duc fist faire l'esglise dez Carmes
[669]
Or apres pour conclusion
Dieu met partout provision
Paix vint entre lez seigneurs
A tous seigneurs touttes honneurs 2 06
La guerre des grant Brettons
{670]
En l'an trois cents soixante [et] quinze
En l'escripture est ainsy mise
( Vindrent les gents d'armes [et] piettons
Qu'on appelloit les grant Brettons 207
[1375]
206
Duc Robert de Bar (1352-1411), avait été fait prisonnier par les Messins à Ligny. A sa
sortie de prison, il aurait fait construire cette église. La Chronique des évêques de Metz ne
mentionne pas ce fait. Par ailleurs, on sait que la construction des Carmes débuta en 1370 et
que sa consécration eue lieu en 1415. Cependant, en 1392, le duc de Bar fit un don aux
Carmes «en souvenir des bontés que les religieux avaient eu pour lui, lorsqu 'en 1368 et
durant deux ans, il fut prisonnier à Metz ». Ce don était destiné aux chants lors des messes ;
TRIBOlff de MOREMBERT, « Les Carmes à Metz », A.S.H.A.L., p. 50, 51.
207
Les années 1360-1380 sont certainement les plus sombres que connaisse la Lorraine. Cette
dernière est le terrain de nombreux conflits. Les routiers bretons apparaissent en 1360, en
Lorraine, libérés par le traité de Bretigny. Ils s'installent dans un premier temps dans le comté
de Vaudémont et s'opposent au comte de Bar. Pierre II de Pierrefort les embauche contre les
Messins et ces derniers sont obligés d'acheter le départ des bandits. En 1375, les Messins sont
obligés d'acheter une deuxième fois la paix contre les Bretons que le comte de Pierrefort et le
duc de Lorraine avaient engagés contre la cité; PARISSE, Histoire de la Lorraine, p. 201.
172
[671}
Quinze jours furent et villaiges
De nostre terre a grant domaige
On lez nommoit a sy grant sommes
Qu'on lez asinoit cent mile hommes
Fo 67 ro
[672}
Sans faire la chose lontainne
Lez seigneurs vers lez cappittaine
Furent porter ung pot de vin
De trente quatres milles florins
[673}
Lors entrerent en l'esveschiez
Mais l'esvesque 2os en vint bien a chief
Beaux dont leurs fist pour lez fist traire
Droit ou la contez de Ferraitre
[674}
Ceulx de Mets tout a l'entour
De la cite arderent lez bourgz
Et tout vindrent [et} corpz [et} biens
Et tout bruller sens lassier rien
[675}
Car se les routte eussent logiez
Ez bourgz s'eust estez grant dangiez
Grant folie [et) grant nicete
Assez pour perdre la cite
[676}
On dit souvant qu'amour fait moult
Mais par dessus argent fait tout
Tant fussent puissant [et] grants gens
Deschassiez furent par argent
/
·~~==.:~~~::~,
.
\
€titucion
[677}
E~ !~?? . .
~1 fe ste Sainct Salvator
.e_kqi~-œfi.tk!L~:tt.lYs--.
7
Fo 67 V
0
[1320]
En Mets tel fortune advint
Que les corbeaux le feu portoient
Et sur pluseurs lieux le gettoient
208
Thierry Bayer de Boppart (1365-1384).
173
[678}
Et y heust en pettite espasse
En la cite grants maisons arse
Ung jour de fe ste sain ct Salvour
Dont moult fuit grande la paour
[679}
Il fault entendre pour le mieulx
Qu 'estoit pugnassion de Dieu
Dieu vueille garder la cite
De telle grande advercite
La guerre des quatre contes
[680}
L'an mile quatre cent [et] quatre
Pour plusieurs querelles de bettre
Plusieurs seigneurs de plusieurs terre
Contre la cite prinrent guerre 2o9
[681}
Le duc de Lorraine 210 [et] l'esvesque 211
Et les seigneurs de Mets avecq
Firent ensamble ung compromis
Pour garroyer leurs annemis
[682}
aincy qu'est escript en compte
( EtPremier
y avoit quatre conte
Et pluseurs aultre chevallier
Et aultre avec eulx alliez
-
212
[683}
[1404]
1 'Et dura la guerre trois ans
A qui qu'en fuit la paix pesant
Ou qu'en soit meritte on pechiez
Les pauvres gens ont le meschief
~
209
Ces quatre comtes sont Philippe de Nassau-Sarrebruck, Jean de Salme, Gérard de Boulay
et Jean d'Autel, seigneur d'Apremont. Ils s'étaient retrouvés devant Metz avec 1500 hommes
et exigèrent le prix de leur départ à dix mille florins. Les gens de Metz furent contraints de
payer et le peuple se souleva contre le patriciat, WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 53.
210
Duc Charles II de Lorraine (1365-1384).
211
Raoul de Coucy, évêque de Metz (1387-1415) conclut une alliance avec le duc de Lorraine
le 2 janvier 1406; SCHNEIDER, La ville de Metz au Xlllème et X/Vème siècles, p. 500.
212
Le quatrain 683 se trouve dans la marge droite du folio. L'auteur a indiqué, à l'aide de
signes l'endroit où doit se trouver ce quatrain.
174
[684]
L'an mil quatre cents [et} quatre
Coustoit le bled cents sol {et} quatre
Sens cellier sens vonner sans battre
Bon temp en fist cent solz rabattre
[1404]
La disension du peuple contre les seigneurs
[685]
L'an mil quatre cent [et] cincq
Gent malicieux non pas simple
Entreprindrent une querelle
Qui fuit dangereuse [et] cruelle 21a
[686]
Pluseur dez gents de la cite
S'assamblerent grant qua[n]tite
Pour aucune cause ou rumeur
S'esleverent contre lez seigneur
[687]
Veant la chose aincy mal duitte
Tous les seigneurs prindrent la fuitte
Doublant de mal estre encombrez
N'en y eust cun des attrappez
[688]
Se fuit le
214
Ny vaillut se~-';~net
.. ---~
Dessus luy cheut sy telle tempeste
Quil en heust trancher la teste
[1405]
sir~~roignet
213
Ce conflit est le fruit de tensions qui existent entre le patriciat messin et les artisans. De
grands conflits sociaux secouèrent les régions d'Europe les plus urbanisées et les plus
productives. A Metz, les conflits furent de grandes ampleurs. Les artisans étaient très
nombreux et très actifs. Les patriciens quant à eux étaient riches et puissants et ils
regroupaient entre leurs mains toutes les charges politiques. Les gens de métiers eux avaient
cherché à se regrouper pour défendre leurs intérêts. Mais les seigneurs réduisirent leur
pouvoir. Un conflit avait déjà débuté en 1404, lors de la guerre des quatre comtes. Les
habitants de Metz qui avaient du payer le départ des quatre comtes s'en prirent au patriciat.
Les bouchers saisirent le chevalier Nicole Grognas et son serviteur et leur tranchèrent la tête,
puis ils ravagèrent les terres du comte de salm. Affolés les membres du patriciat quittèrent la
ville en 1405 et décidèrent de rejoindre leurs propriétés campagnardes. L'année suivante ils
rentrèrent dans la ville et effectuèrent une forte répression; PARISSE, «L'époque médiévale»,
Encyclopédie de la lorraine illustrée, p. 202.
214
Les seigneurs avaient quitté précipitamment la cité. Nicole Grognat fit exception et les
insurgés le décapitèrent; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 57.
175
[689}
Ung an furent seigneur et maistre
Nul n'osois la cause debattre
Et userent de leur veulloir
Nullui ne s'en osoit dolloir
[690}
Et dura la discencion
Jusqu'au jour de l'Ascencion
Ung an entier moin cincq semenne
Fuit la cite en moult grant peine
F 68
0
[691}
Et qua[n]t ilz furent revenus
Et de leur puple soustenus
Tantost en preindrent trente six
Qu'ilz firent morrir sens mercy
[692]
Le cas ne sceuren t denorer
V
0
Dont ilz lez firent tout noyer
Se fuit un grant cruaute
Tant de gents de gra[n]t parent
[693]
Grant honneur est de g[ra]nt seigneurs
Grant prouffit de bons gouverneurs
Grant plesir de femme [et] d'anffans
Quant tout est regis p[ar] bon scens
Omne regnum in se divisum et solabitur
[694]
Encor advint en celle annee
Qu 'estoit tres mal fortunee
La guerre de quatre seigneur
A grant perdre [et] grant deshonne[ur]
[695]
Salverne, Nassau [et] Salme
Et Boullay tous gents de grant falme
Accompagniez de grant gents d'armes
Vindrent livrer ung grant alarme 21s
215
L'auteur de la chronique fait de nouveau référence à la guerre de 1404-1405 qui oppose les
Messins aux sires Philippe, comte de Nassau et de Sarrebruck, le comte de Salm, le sire de
Boulay et le sire d'Apremont.
176
La guerre de Salveme, de Nassau, de Salme et de Boullay
[696}
[697}
Vindrent a forces [et] des rois
Courir jusque au genestrois 2 1 6
Metsains y allerent trop briesment
Et trop mal ordonnement
La perdirent Messains le jeu
La pluspat furent ruez jus
Pluseur seigneur de la cite
Et du puple grant quantite
21 7
[698}
Et moult des mors [et] dez navrez
A tel œuvre n'avaient oncque envoyez
C'est sauvant folies [et] oultraige
D'ouvrer quy n'entend son ouvraige
[699}
Marchal, massons et cherpentier,
Bouchier, tisserans, parmentiers,
Chescun voulloit courir devant
C'estoit avecq que plume au vant
[700}
La y eut grant confusion
Grant dalleur (et] perdition
Par fortune advient grant fondoire
Quant il commence a meschoir
[701}
216
Les signeurs que y furent pris
N'eschapperent pas sans bon pris
Et tous ceulx qu'en furent menez
Furent tres chierement ransonnez
Partie du Sablon, commune de Metz.
217
Bien que la ville de Metz ait été obligée de payer la somme de dix mille florins pour
empêcher les quatre comtes d'entrer en guerre contre elle, la guerre continua avec les comtes
de Nassau et de Sarrebruck; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 54.
177
Une alliance que faitte des seigneurs
[702]
En cellui an sens obliance
Fuit faitte une grande alliance,
Du duc Lorain du duc de Bar
Mets et l'esvesque d'aultre par 21s
[703]
Ensemble furent alliez
Prince, prelas, chevallierz,
Sens avoir guerre ou deffiance
Durant le temps des alliances
[704]
Le duc Robert [et] le duc Charle
Mets [et] l'esvesque dont je parle
Qu'on nommoit Raoul de Coucy 219
En paix estaient sens soucy
[705]
/
La paix est moult bonne au merchant
~ ·.
Ef au commun puple de gens
Met paix [et] se fet gents a mallaise
Mais la faulce guerre malvaise
218
L'auteur annonce que la trêve eut lieu le 2 juillet 1408. TI évoque cette paix aux quatrains
701 à 705 avant d'évoquer le conflit qui avait amené à conclure cette paix. Le récit ne suit pas
toujours un ordre chronologique. La paix faisait suite à la guerre qui avait eut lieu entre la
ville de Metz, le duc de Bar et d'Orléans et le duc de Lorraine. Le duc d'Orléans se fit
assassiner par le duc de Bourgogne et le duc de Bar se retrouva seul. Il consentit à conclure
une paix avec les Messins qui fut négociée par l'évêque de Metz, Raoul de Coucy. Il ffit arrêté
que les frais de guerre ne donneraient lieu à aucune réclamation et que les droits de chacun,
antérieurs à la guerre seraient maintenus; Id, p. 55.
219
L'évêque de Metz, sans nul doute devait trouver cette paix bien importante. Metz vivait la
fin de l'époque du Grand Schisme durant laquelle deux papes se trouvaient à la tête de la
chrétienté. La nomination de Raoul de Coucy à 1' évêché de Metz été compromise par la
désignation de Thilman faite par le pape romain Urbain VI. Le pape d'Avignon avait évoqué
le tout jeune Pierre de Luxembourg, mais ce dernier mourut en 1387. Thilman engagea des
hostilités contre Metz de 1385 à 1388. Raoul de Coucy fut tout de suite engagé dans le conflit
contre Thilman. Ce dernier meurt en 1411 et le schisme prend fin en 1416 ; SERPIERJ,
Graouilly, image et légende du fameux dragon de Metz p. 117.
·
178
'')
[706]
Au temp du duc Robert de Bar
Cuidant plus scavoir cun regnart
Longtemp fuit a Mets en prison
Prisonniez pour sa mesprison 22o
{707]
Quant de sa prison fuit quitez
Encor usa d'iniquite
Car s'il avait faitte une faulte
Encor en cuida faire une aultre
'"'-"•V•.
'····-....
Qua[n}t on cuida excheller Mets on mercy Charle
{708]
L'an mile quatre cents septe
Estant pasible en son recepte
De cuer n'estait pas allegiez
Mais desirait estre vengiez
{709]
En cellui temps selong mon co[m}pte
Mets avait guerre de troys contes 22 1
Veant ceulx de Mets empeschiez
Pensa eulx faire un grand meschief
(1407]
220
L'auteur des Chroniques de la cité de Metz évoque à nouveau l'emprisonnement du duc
Robert de Bar en 1365. (Voir à partir du quatrain 658).
221
L'auteur utilise le terme de trois comtes. Il semble que ces seigneurs ne soient pas comtes,
mais ces titres sont sans doute empruntés pour la rime. Ces trois seigneurs semblent être le
duc d'Orléans qui cherche à trouver des appuis avec le duché du Luxembourg, le duc de Bar
Edouard I, son allié ainsi que le fils du duc de Bar, le marquis de Pont-à-Mousson. Ces trois
seigneurs s'engagent en 1407 dans une bataille pour investir Metz; WORMS, Histoire de la
ville de Metz, p. 55.
179
[710}
Pour celle guerre apaixenter
Vint ung ho[m]me presenter
Entre deux pour estre moyen
De part monsseigneur d'Orlien
222
[711}
Tandis que les seigneur commis
Ambassadeurs ver leur amis
Querroit leur appointement
Leur feist ung fault to[ur] fainteme[n]t
[712}
Les seigneurs estant a Paris
Devant ce seigneur dehault pris
Pour vuider aulcun point expres
Leur convint renvoyer a Mets
[713}
L'escuier Jofrroy de Werrise 22a
Prest [et] habille en son servise
En vint a Mets inellement
Et retourna habillement
:mIl s'agit du duc d'Orléans frère du roi de France, Charles VI. Le duc d'Orléans soutenait le
duché de Luxembourg dont le duc Wenceslas était accablé de dettes. Wenceslas avait donc
engagé son duché le 18 août 1402. Louis d'Orléans essayait de s'approprier des terres tout
autour du Luxembourg afin de s'opposer au développement de l'état bourguignon. Metz
faisait donc partie de ses prétentions. En 1404, le duc d'Orléans chercha à s'introduire dans
Metz, mais ses tentatives restèrent infructueuses malgré le soutien du duc de Bar. Le duc de
Lorraine vint au secours des Messins moyennant cinq cent livres qu'ils lui souscrivirent. Dès
1405, le duc de Lorraine Charles II s'engagea auprès du duc de Bourgogne. En 1407, le duc
d'Orléans chercha à nouveau à profiter des querelles intestines qui avaient lieu à Metz pour y
entrer, mais ce fut un nouvel échec. Les tentatives du duc d'Orléans cessèrent quand le duc de
Bourgogne Jean sans Peur le fit assassiner. Le duc de Bar se retrouva sans allié. Il accepta
alors la paix avec la ville de Metz. La Lorraine subissait le contrecoup des rivalités entre la
Bourgogne et la France; Histoire de la Lorraine, Société des Etudes Locales, p. 135 à 136.
223
Jeoffroy de Warise est seigneur de Neufchastel. Il est chevalier et voué de Montigny. Il
devient maître-échevin en 1454 et il meurt le 22 juillet 1473 et fut enterré à Saint-Martin de la
Chapelle Notre-Dame ; D'HANNONCELLES, Metz ancien, t. Il, p. 265.
180
[714]
A son retour de mal garsons
Fuit pris [et] bouttez en prison
Il fuit destoumez de sa voye
Mais ses seigneurs rien n'e[n) scavoient
[715}
Il fuit cerchiez par gents discret
Scavoir c'il portoit le secrets
Pas ne lez avoit que de bouche
Garder se fault de fine mouche
[716]
Nos seigneurs que fort troublez furent
Procurerent au mieulx quilz sceure[n]t
Pas ne scavoient le meschief
Dont leur ho[m)me estoit empechiez
[717}
Noz seigneurs sans avoir regar
Vindre par la ville de Bar
Quant ilz retoumerent de France
La leur fist ons de la souffrance
[718]
Il cuidoit estre bons amis
Et ilz furent en prison mis
Aincy questoit leur escuier
Tous estoient mal appoyez 224
224
Le duc de Lorraine avait réagi face aux intrigues entre le duc Louis d'Orléans et le duc
Edouard de Bar. Louis d'Orléans voulait s'emparer de Metz. Mais Charles TI s'empara du
château de l'avant-garde en 1406 qui appartenait au duc de Bar et au comte de Nassau. Le
Duc Edouard obtint du roi de France des troupes importantes, mais qui ne dépassèrent pas
Neufchâteau. En 1407, le duc de Lorraine fait prisonnier Robert de Sarrebruck, allié du duc
d'Orléans. Mais Philippe de Nassau, Frédéric de Saverne, Jean de Salm et Gérard, seigneur de
Boulay se mirent au service du duc d'Orléans. Alors que de duc d'Orléans et le duc de Bar
cherchaient à s'emparer de Metz, le duc de Lorraine les écrasa à Champigneulles. Autant dire
que le pays messin était entouré de nombreux conflits, alors qu'il était lui-même convoité;
Histoire de la Lorraine, Société des Etudes Locales, p.l37.
181
[719]
Et en temps broyaient la salee
De trayson malvaise [et] falce
Edoar le marquis du Pont, 22s
Malvais chante pire respont
[720]
Cellui marquis querrait la noise
Et seigneur Richard des Bernoise
Et le prevost de la chaulcee
Qui conduisait la chevaulchie
[721]
Les plus grants dez Barisiens
Pires que les pharisiens
Assemblerent une grande armee
En une vollente fermee.
{722]
S'assemblerent au Pont a Mouson
Secretement sens sonner son
Cuidant prendre Mets de nuict
Disant pas la lune ne luit. 226
[723]
D'eschelles, d'engiens [et] de cordes
Pour escheller chescun sacorde
Mangonneaux, passus [et] mariens
Vindrent on preis Sainct Simphorien
[724]
Et quant la ilz furent assamblez
En leur conseil fort trou biez
Il estait apres la mienuict
Tel il ne puet aydier que trop nuit.
225
Edouard, marquis de Pont-à-Mousson est le fils d'Edouard 1, duc de Bar.
226
Le duc de Bar avait pour allié de duc d'Orléans qui souhaitait affirmer son influence dans
les terres de Lorraine afin de s'opposer au duc de Bourgogne. Dans un premier temps, le duc
de Bar et le duc d'Orléans proposèrent un traité avec la ville de Metz sous condition qu'il
poss' a la moitié de la v·
Cette proposition fut repoussée. Le duc de Bar se résolut alors à
, entre
surpn
s· ·la ville de Metz. Il envoya des bateaux chargés de
nter
munitions ainsi qu'un grand nombre de soldats dans le pré de Saint-Symphorien. Le
lendemain devait avoir lieu l'attaque, mais les soldats semblent avoir été pris de frayeur
quand ils se trouvèrent en présence de la ville qu'ils avaient appris lors des précédents
combats à craindre. Les attaquants s'enfuirent laissant leurs bateaux et leurs échelles déjà
tenues sur la ville. Au matin, les Messins se rendirent compte du danger auquel ils avaient
échappé; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 54.
182
[725]
Aincy soudain co[m]me ung escouffle
L'un disoit biffle [et] l'aultre bouffie
L'un sesespoente [et] l'aultre tramble
Et n'eurent point d'acort ensamble.
[726]
Le seigneur Au Vergier leur dit
Vous estes folz et estordis
De cuidier prendre une tel plaice
Se n'est pas comme ung nit d'esgasses
[727]
Tantost s'esmeurent en descordance
Disant vecy pouvre ordonnance
Jayne fallait tant avancier
Pour sy beau fait encommencier
Fo 72
[728]
Ceste armee de fripponnailles
Gens assemblez sil valt se vaille
Et tous gentilz ho[m)mes [et] seigneurs
Y eurent tous grant deshonneurs
[729]
Tous se prindrent a esbouller,
Grongnier, hongnier [et] rebeller
Quant virent la chose mal duitte
Soubdamement prinrent la fuitte.
{730]
Le duc de Bar gloriffiez
Se tenoit tout certiffier
A telle grosse compaignie
Que la cite fuit jay gaingnie
[731]
Il donna congiez nos seigneurs
En leur faisant faintes honneurs
Car a per lui faisait son compte
Mais tout lui tourna a gra[n)t ho[n]te
V
0
183
Fa 73 ra
[732]
Lez citoyens en leurs repos
Ne scavoient rien du propos
Ne aucy les aultres seigneurs
Qui estoient embassaldeurs
[733]
Ung seul ho[m}me sur la muraille
Ver eu lx pre sen ta sa moureille
En passant temps de sa musette
Commensa une chansonette
[734]
En sa chanson disoit aincy
Vous perdes vostre temps ycy
Recullez vous on vous voy bien
Fuiez vecy le jour qui vient
[735]
la chanson estoit bien rymee
Il n'entendit rien de l'armee
Ne lez aultres aucy d'aultre part
Par ce la prindrent leur depart.
F 73
0
[736]
V
0
La lasseren t leur bastillerie
Lez nefz plainne d'artheillerie
Tout on pres Sainct Simphorien
Et tout leur fait ne vallut rien.
[737]
Les seigneurs retournez a Mets
Furent esbahys plus quoncq[ue] mais
Estre eschapez de telz dangiez
Et de guerre estre sy chargiez
[738]
Alors en gr[an}t devocion
Firent de grands processions
Que la graice du sainct esperit
Lespreserva de tel perilz
184
[739]
Du passez la pouvre cite
Ait souffir moult d'advercite
Pour combattre ses annemis
Y a moult de constange mis
Fo 74 ro
La guerre du duc Charle de Lorainne
[740]
L'an mile quatre cents (et] trente
Par guerre qui tue (et] tormante
Charle qu'estait duc de Lorainne
Pour grever Mets prist gr(an]t peine 227
[741]
Il mist son siege devant Mets
Puis cy puis la que long que pres
Cuidant cerchie son advantage
Mais rien ny trouva que domaige
[742]
De malvais conseil sy comblez
Qu'il fist gaster fruis vignes (et] bled
Et quant il heust tout despechiez
Il n'en heust rien que le pechier
[1430]
Fo 74
[743]
V0
Ung siege mist on Desiremont 22s
Pour tout confondre [et] valz (et] mont
Vint cincq cop tirer bombarde
Mais bien est salve que Dieu garde
227
Sur ces entre faits, le duc de Lorraine déclenche «la guerre de la hottée de pommes». En
effet, parmi les droits des ducs de Lorraine sur la terre de Saint-Martin, figure alors une
redevance levée sur les fruits portés hors des terres de leur souveraineté. Or en septembre
1427, l'abbé de Saint-Martin-devant-Metz, étant en conflit avec les religieux du monastère
s'était installé à titre privé à Metz. Il s'y fit porter une hottée de pommes cueillies dans le
jardin des moines, sans acquitter la taxe due. Les moines saisirent 1' occasion de le dénoncer
aux officiers du duc. Celui-ci ayant vainement réclamé son dû aux magistrats de la cité,
déclara la guerre aux Messins. Les hostilités se prolongèrent pendant plus de deux ans, malgré
les offres de médiation de l'évêque Conrad Bayer de Boppart et le village de Saint-Martin fut
entièrement détruit à l'exception de l'église abbatiale et paroissiale. Le 1er janvier 1430, la
paix fut enfin publiée avec retour au statut quo ante. Le duc fut vexé de n'avoir pas triomphé;
Les pays de l'entre-deux au moyen âge, p. 48 à 51.
228
Faubourg Desiderius Mates: Bellecroix.
185
[744]
Il fist grant bruit [et] tempeste
Sens domaigier ne gents ne bestes
Et quant il aperceupt cela
Leva le siege [etJ s'en alla
[745]
La cite en heust grant soufferte,
Grant travail, grant domaige [etJ perte
Se des malz avoient ung millier
Encor lez fault humillier.
[746]
Ce duc avoit moult grant puissance
De gents [et] fist moult grant despence
Aucy fist la cite grant sommes
Et tout pour ung penier de pommes
[747]
Ce fuit de pomme grant chier temps
Nulz n'en voldroit tant pour autant
Mais quant orgueil vuelt surmonter
Grant malz en puet bien hault monter.
Quant Hanry de la Tour prist le chastel de Molin
[748]
Par mile quatre cents [et] quinze
Fuit la place de Molin prinse
Par seigneur Hanry de la Tour 229
Et brullez le pays au tour
[749]
A ceulx de Mets estoit amis
Et ilz aiderent sez annemis
Devant le chastel du Salcy 2ao
Cas pareille leur fist aucy
[1415)
229
Ensemble, les Messins et le duc de Bar avaient abattu une forteresse qui se trouvait sur le
saulcy et qui était la propriété d'Henry de la Tour, sujet du duc de Lorraine. Ce dernier
emprisonna et rançonna les ambassadeurs du duc de Bar car il soutenait Henri de la Tour.
Cela donna au duc de Lorraine l'occasion d'entrer en conflit avec la ville de Metz; WORMS,
Histoire de la ville de Metz, Paris, 1973, p. 55. Philippe de Vigneulles rédige dans sa
Chronique, t. TI, p. 169, les événements suivants: « Ung jantilz homme, nommés sire Hanry
de la Tour, qui estoit ung très ma/vais guerson et ung parfait tirans, celluy Hanry fist en ce
tampts grand guerre contre la bonne cité de Mets, et sans cause nul, fort seullement pour ce
que les seigneurs d 'icell avoient aydiés à abatre une forteresse appellée le Saulcy ».
230
Saulcy Woevre.
186
La guerre de messire Ferry de Chamblay
[750}
Messire Ferry de Chamblez 23 1
Mile quatre cent assamblez
Et dix huict avec cest le nombre
Fist a la cité grant encombre
[751}
Il prist le chastel d'Annery 232
Par ung traytre mal nory
Qui servait le propre seignour
A son signour fuit traitour.
{752}
Alors comme il est mendon
La cite devoit pencion
A Charle le duc de Lorainne
Qu'en usa mal selon son rengne
[1418]
F 75
0
[753}
il debvoit la cite deffendre
Et ly lassoit trayer sez membres
Dont il en heust confusion
Et en perdit sa pencion
[754}
De la pencion furent
Les Messains que trois milles francs
Lui devoient tous les ans rendre
Et par ce lez debvoit deffendre.
[755}
Il scavoit bien la trayson
C'estoit mal user de raison
En son fianble ait on fiance
Et il fist de fer deffiance
V
0
231
Ferry de Chamblé était un chevalier lorrain qui s'empara par trahison de la forteresse
d'Ennery qui était la propriété de la ville de Metz. Ferry de Chamblé remis la forteresse entre
-tes mams du duc de Lorrame. Metz ne put récupérer sa propriété moyennânfia-somme de
seize mille florins; WoR:M:s, Hiswire de la Ville ck 1vfetz, p. 55.
232
Ennery: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Vigy.
187
[756}
Depuis fuit le traystre pris
Qui fuit de son mesfait repris
Par raison traystre appeliez
Et par justice esquartellez.
{757}
En cellui an fuit refondue
Mutte qui estoit hault pendue
Souva[n]t lahaller et repondre
Il fait maintes deniers despendre
Quant l'esglise des freres Baude 233 fuit co[m]mencee
{758}
En cest an seigneur Jehan George 2 34
En lieu d'ermitaige ou de loge
Fist commander une maison
Pour sacrifice [et] orasons.
[759}
Il fist comencier une esglise
Catholicque selon la guise
De chastete come esmeraude
Qu'on appelle les frere Baude
{760}
Toutte esglises de dignite
Sont maisons de virginite
Pour meritte [et] devocion
Curant touttes pollucions
[761}
Touttes esglises collegiale
Cathedralle [et] parochealle
Tous lieux ou on fait sacreme[n]t
Soient a nostre salvement
233
Les frères Baudes étaient des Observantins, autrement dit des Franciscains réformés. Le
nom de Baude correspond à celui du premier religieux de cet ordre qui vint à Metz entre
1418-1419. L'église fut commencée en 1435. Elle était située à la limite du Grand Meis et du
Rimport du côté de la rue de l'Arsenal ; BaUR, « Note sur la topographie de la partie orientale
de la ville», A.S.H.A.L., p. 141-144.
234
Jean George est aman de Saint-Simplice. ll fonde le couvent des Franciscains; TRIBom
DE MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 93.
188
[762]
En celle annee proprement
Advint grant fortune [et] torma[n]t
La cite avoit fort affaire
Et respondre a ses adversaire
Co[m]me[n]t ceulx de Mets fure[n]t ruez jus dez Lorains au Wez le Houtton
[763]
Ceux de Mets se mirent au champs
Agrant armee chevalchant
Rencontrez furent des Lorains
Battus ruez jus [et] constrains
[764]
Aincy que brebis ou mouttons
Fure[n]t pris au Weis le Houtton 235
Tuez battus eschecq[ue] [et] mette
Et dez pris cents [et] dix septes
[765]
Malheure leur fuit la destinee
Mal soir [et] malle matinee
Fortune ainsy va p[ar] le monde
Quant l'un avalle l'aultre monte.
[766]
En cel an fist Mets gr[an]t œuvre
Prindrent Rodemach 236 [et] Moyeuvre
Sens aultre ayde fort que deulx
Et lez brullerent toutte deux
Cornant heurent deffonciez les villaige du Val tous les vins de la cite
235
Ce lieu semble correspondre au
événement qui eut lieu en 1429. E.
de la ville de Metz, p 73.
~-fj d't)tton,
Fridi~r:shue
mais il est difficile de localiser cet
cette bataille près de Goin; WORMS, Histoire
236
Rodemack : Moselle, arr. Thionville-Est, c. Cattenom. Moyeuvre Grande : Moselle, arr.
Metz-Campagne.
189
[767]
En cellui an vindrent on valz 237
Dix milles qu'appiedz q[ue] chevalz
Des Lorains faisant malle fin
Gaistant [et] desfonceant lez vins
Lorains co(m]ment furent par ceulx de Mets tous lez
Plus nobles an nostre de XX homme de pris [et] nobles
Furent pris et cranterent leur foy [et] d'alors la
Plurement et furent prover fait compaignons devant leur prince
[768}
Tan tost se feist ung grant allarme
Les Metsains prindrent fust [et] armes
De prime face quatre cents
S'en allerent co[m]me inocents
[769]
Tyrrant jusqz au Pont a Molin
Les Lorrains enyvrez de vin
Que se desievoient on valz
Dessendiren t bien tost avalz
[770]
Lors s'enfuirent ceulx de Mets
Et les Lorains chassant apres
Mais l'un l'aultres ne firent rien
Jusqz au clos Sainct-Simphorien
[771]
Mais q[ua]nt vindrent entre lez muraille
La firent lez Metsains merveille
Dessenderent de leur chevaulx ·
Chescun monstrant que sa char valt
237
Si on se réfère à la dernière date annoncée par l'auteur au quatrain 748, on serait encore en
1415. Mais les années se sont écoulées. Au quatrain 757, l'auteur évoque la refonte de la
Mutte qui eut lieu en 1427. Les événements relatifs au quatrain 767 se déroulent en 1429, tout
comme la bataille du guet d'Otton.
190
[772}
De flesches, d'espee [et] de lances,
Firent Messains si g[ra]nt vailla[n]ce
Que des Lorains y ot des pris
Soixante [et] dix hommes de pris 2 38
Fo 77 V
[773}
On ne chierpente sens estelles
La y heu t battaille mortelle
Les Metsains furent fort navrez
Mais n'en fuit cun a mort livrez
{774}
Le quel frappa tant du taillant
Qu'il fist cranter les plus vailla[n]t
Des cos qu'il receu pt abandon
Morut, Dieu lui faire pardon
[775}
Collin Paillat estait no[m]mez
En fait d'armes bien reno[m]mez
En retournant tres justement
Fist escripre son testament.
[776}
Messire Verry de Tournay
A Nancy pas ne retourna
Et le prevot de Chastenay
Serait faulx cil y retournait.
{777}
Et pour la chose plus certaine
Y demeura leur cappittainne
Mais plusseurs aultres retamerent
Que depuis leur foy perjurerent
0
238
Depuis la guerre« Pour une hottée de pommes», en 1427, le duc de Lorraine était toujours
en guerre contre la ville de Metz. Il s'était allié avec le duc de Bar, René de Sicile, le marquis
de Baude, ainsi que le duc de Bavière. Ils avaient sous leurs ordres une armée comptant dix
mille cavaliers et vingt mille piétons. De son côté la ville de Metz préparait sa défense, elle
s'était attachée les services d'un certain Guillaume seigneur de Château-Villain, ainsi que
d'autres capitaines. On arma les murs de la ville et on construisit des bombardes. Les combats
furent en fait réduits à une série de pillages. Le pays se retrouvait épuisé et la paix fut déclarée
en 1431 ; WORMS, Histoire de la ville de Met, p. 58.
191
[778}
Mais lez nobles tenant prisons
Leurs prouverent leur mesprisons
Monstrant que droitture on doit faire
Ou aultrement estre falfaire.
[779}
Et a Mets furent amenez
Les prisonnierz emprisonnez
Et dura cela pluseurs mois
Et plusieurs mantirent leur foy
Q[ua)nt lez fourains payaient chesque semaine un denier
[780}
En cellui an fuit ordonnez
Ung conseil [et] derterminez
Pour tous lez fourains [et] fourainnes
Une gabelle bien soubdainne 239
[781}
Tous ceulx [et] celles depuis douze ans
Venis estant chescun dobvant
Sens petits ne grant espargnier
Chescun samedy ung denier
Qu[an]t lez mercha[n]t vollure[n]t trayr la cité par le champ Ne[m]mery
[781}
Trante [et] ung quatre cents [et] milles
Avoit des traystre en la ville
De leur traysons accusez
Dont trop se trouverent abusez
[783}
De ceste jaicquerie la
Ung bon le secret revella
Ses mots entendus [et] escript
Tantost les pluseurs furent pris
[1431]
239
Les forains étaient considérés comme les personnes ne pouvant pas accéder au statut de
bourgeois.
192
[784]
Les aultres faulx [et] corrumppus
Congnoissant leur secret rompus
Legierement prindrent la fuitte
Car ilz avoient au dos la suitte
[785]
Ceux qui estoient emprisonner
Furent tantost araisonnez
Ilz conffesserent leurs pechiez
Tantost on lez fist deppelchier
[786]
Ilz estoient on six ou septe
Chescuns ung bel ma[n}tel de secq[ue}
Pour leurs jounesse esbainoyer
Dedent les quelz furent noyez
[787]
On lez mena au Pont des mors
Pour do[n]ner a pluseurs remors
De non faire telle entreprise
C'estoit folie mal comprise
Fo 79 ro
[788]
Lez aultres qu'estoie[n]t fuiant
Se cachoie[n}t co[m}me chahua[n]t
Bannis estoient [et} fmjugiez
Comme traystres landengiez
[789]
Tous estoient riche marchant
Et tous furent chetis meschant
De leur proces fuit la teneurs
Et leur lignaiges a deshonneurs.
Une trayson du Demesels de Commercy 240
[790]
Mile quatre cents trente quatre
S'alloie[n]t les seigne[ur] esbastre
Pont a Mou son a la jou ste
Trayson ne dort ni ne jocquez
[1434]
240
Ce personnage qui s'était appelé le Damoiseau de Commercy est Robert Ide Commercy
(1414-1465); Histoire de la Lorraine, Société des Etudes Locales, p. 182.
193
[791]
Messire Nicolle Grongnat 241
Le pris de lajouste gaingna
Par devant tous les gra[n]t seigne[ur]
Heurent les Messains grant honne[ur]s
[792]
Et quant fuit le desparteme[n]t
Ilz manderent joyeuseme[n]t
Querir a Mets leurs saudars
Pour eulx reconduire au repars
[793]
Mais le seigneur de Co[m]mercy
Qu'avait le cuer faulx (et] norcis
Fist au bois grant gents embuchiez
Pour faire nos gents trebuchier.
[794]
Hz chargerent sur nos gents darmes
Et le[ur] feire[n]t ung grand alarme
Tuez, battus, en trayson,
Et treszes menez en prison.
[795]
Et la fuit ilz prieuvez faulsaire
A Mets estait pensionnaire
Mais selon qu'est de geniture
S'ensuivitt sauvant sa nature
[796]
Tousiours ont heu des amis
Mais encor plus dez annemis
Qui ne se sceit de quis garder
Autour de lui doit regarder.
241
Nicolle II Grongnat est le fils de Nicole I Grognat qui avait été mis à mort lors du
soulèvement populaire de 1405. Nicolle II est seigneur de Montoy, chambellan de l'évêché. TI
est maître-échevin en 1421. On suppose qu'il vivait encore en 1473; D'HANNONCELLES, Metz
ancien, t. Il, p. 123. Philippe de Vigneulles rapporte l'événement dans sa Chronique, t. II,
p. 227 : «Messire Regnault le Goumaix, chevalier, et citains de Mets, chevaulchoit en armes,
et venoit de gaignier on i1ûch1é de Bar i}our certains argent que on luy debvoit. Et en
retournant qu'il faisaoit, les gens du seigneur Robert de Commercy courrurent sus ledit
seigneur Regnault, et, de fait, le prindrent, et 1'enmenait prisonniers à Commercy ».
194
?
[797]
Quant lez grant heure[n}t bien co[m]pris
De son meffait il fuit repris
Et d'aultre cas estre vengiez
Fuit en son chastel asiiegiez.
[798]
Les princes par conclusion
L'assiegerent sans division
Et prierent a la cite
Estre leur associetez.
[799]
La cite point ne refusa
Mais nottanbleme[n]t en usa
Ilz fomirent en harnais [et] bardes
Ung siege de traictz [et bombardes.
Quant la grosse bombarde fuit faitte (1436) et furent redeffaitte plusieurs
trop grosse pieres pour faire les grandes serpentin en l'an mil V Cet XVII
(1517)
[800]
[1436]
Mile quatre cent trente six
Apres le siege a Commercy
Pour deffendre [et) po[ur] salve garde
Fuit faitte la grosse bombarde 242
[801]
En ensuivant tousiours aincy
Le demesoulx de Commercy
Acompagniez de gra[n]t gent darmes
Revint faire ung nouvel alarme
[802]
Apres vindrent les Barisiens
Qui sont nos annemis anciens
Acompaigniez de trois cents lances
Et firent moult grant pestillence
[1436)
242
Les Messins s'associèrent avec leur évêque, les évêques de Toul et de Verdun ainsi que le
duc de Bar pour assiéger Commercy. Place forte à partir de laquelle le turbulent damoiseau de
Commercy ravageait le pays. De nombreux hommes de guerre ainsi que beaucoup d'armes
furent employés pour le siège. Philippe de Vigneulles dans sa Chronique, t. II, p. 236 raconte,
«Deux cent LXX hommes d'armes à cheval, X:XV arbel/estriers et archiers, et plusieurs
massons et chapentiers et au/tres compaignons de guerre; et menairent X\XV chers avec
eulx chargiés d'atillerie et aultre engiens pour asségier la dicte Commercy». Le Damoiseau
de Commercy demanda pardon et promis de cesser ses exactions, promesse qu'il ne tint pas.
195
[803]
Ilz corrurent en pluseurs villaige
Tout accueillant bestes [et menaiges
Et prinrent sens rien espargniez
Grant qua[n]tite de prisonniers
Une course faitte par des Allemants
[804]
Deux ans apres cincents cheval
Dez Allemants firent grant malz
Vindrent fourraigier a Werrise, 243
Mais ce fuit une folle emprise.
[805]
Tantost les gents d'armes de Mets
Legierement chasserent apres
Et lez ruant jus en ung bas
Entre deux Viller [et] Rabais
[806]
La fuit rescoultre la pannee
Qu'a pouvre gents fuit ramenee
Et puis gangnerent du buttin
Qui fuit vendu mile florins
Quant Jaicomin Coppechaulce fist noyer
[807]
243
En cest an par costume falce
Meffist J aicomin Coppechaulce 244
Qui estoit treize 245 [et] de justice
Trop meffit contre son office
Varize : Moselle, arr. et c. de Boulay.
244
Jacquomin Coppechause est issu d'une famille non noble, il appartient cependant au
paraige d'Outre-Seille et fait partie des Treize. Le 3 février 1438, il est mis à mort et noyé
pour crime de vol ; D'HANNONCELLES, Metz ancien, t. II, p. 60.
245
Cette nouvelle magistrature apparaît en 1207. Elle est composée de treize jurés recrutés,
d'une chandeleur à l'autre, dans les familles qui fournissent les échevins. Ce conseil des
Treize devient pendant la période communale l, organe le plus important du gouvernement. Il
exerce la juridiction criminelle, administre le domaine de la cité et ses finances. Les Treize
dirigent aussi la politique extérieure. Ils délèguent certaines tâches à des commissions de sept
membres (un par paraige et deux pour le paraige du Commun) pour s'occuper de la guerre,
des finances, des murs, des moulins de la cité, des ponts, de la monnaie ; Histoire de la
Lorraine, Société des Etudes Locales, p. 172.
196
[808]
En gardant a la haulte porte,
Il fuit temptez de falce enhorte
Il vit une tanble sens gents
Il roba six tasses d'argent.
[809]
Et ceu que fist la mesprison
Il s'enfuia en sa maison
Et les enferma en sez huges.
Laran prouvez son cas le juge
[810]
Il fuit pris po[ur) cas criminel
Et par justice examinez
Son cas congnues sanc variez
Au Pont des morts en fuit noyez
Quant ung cappittaine de France vint lagier a Nouviant [et] courir la terre de
Mets
[811]
En ycelle meysme annee
Vindrent ge[n]ts d'arme a gr[a]nt arme
A Nouviant 246 on petit Valx
En nombre de huit cents chevalx.
[812]
Et par tout jusqu'a villecel
Le seigneur Jehan Pannoncel
Conseilliez d'une teste vainne
Estait seigneur [et] cappittainne
[813]
Tantost corrirent a Corny 247
Tout pillier aincy a J oyey 248
N'y heust rien salve que lez gents
Qu'au fuir furent dilligent.
246
Novéant sur Moselle: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Ars sur Moselle.
247
Corny : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Ars sur Moselle.
248
Jouy-aux-Arches : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Ars sur Moselle.
197
[814}
Ce cappittainne estoit de France
Sans querelle que de bobance
Cuidant estre le bien venus
Au mangier le puple menus.
[815}
Tantost la cite sans areste
D'assambler leur gents furent preste
Et y allerent a tel puissance
Qu'ilz le rechasserent en France.
Du Demosoulx de Commercy
[816}
Quatorze cents quarante [et] ung
Ung ho[m]me en malice commun
Sens bien, sans raison, sens mercy,
Estoit seigneur de Commercy. 249
[817]
Il avoit estez assiegiez
Po[ur] ses meffais [et] corrigiez
Mais tantost qu'il estoit en paix
Il refaisoit pis quoncque ne mais
[818]
Sans aultre debat ne querelle
Recommansa guerre nouvelle
A ceulx de Mets [et] du pays
Car tousiours les avoit hays.
[8191
Et lez seigneurs pour eu lx vengier
De leur annemis estrangier
Boutterent lours soldans au champs
Que briefz lez furent approchant
[820]
Sens lez ho[m]mes de petit pris
Trois gentilz ho[m]mes y furent pris
Qu'il amenerent en la cité
Pour beau dit ne furent quittez.
249
Comme à son habitude, dès 1441, le Damoiseau de Commercy s'engagea dans une série de
pillages autour de pays messin. La cité s'engagea alors dans une guerre ouverte contre ce
seigneur. Dans sa Chronique, t. II, p. 269, Philippe de Vigneulles rapporte, «Le dit seigneur
Robert de Commercy à mener la guerre encontre les seigneurs de la cité, sans tiltre et sans
nulle cauze quelconquez. A celle occasion, la guerre fut de rechief ouvertes».
198
[821]
Ilz estoient chose certaine
De Lorrainne deux cappitainne
Et l'aultre qui estoit le tiere
Estoit le bastiers darentier
De mutte refondue
[822]
[823]
En cellui tempz estoit fendue
Mutte qu'a donc fuit refondue
Et y fist on en escript mettre
Ceu qui s'ensuit rymez par metres
Quarante deux mile quatre cents
Au nom de Dieu le tout puissa[n]t
Fuit faitte pour donner mon son
Quant lez offices se reffont
2so
(1442]
250
Le 21 mars 1442, à l'occasion de la nomination du nouveau maître échevin Guillaume de
Perpignan, la Mutte qui était fendue fut refondue. Les travaux commencèrent sous la direction
de Pierson le Charpentier. On ne put faire descendre la Mutte de son clocher sans accidents
graves. Les cordes se rompirent et en tombant, la cloche endommagea la voûte tuant deux
hommes et en blessa de nombreux autres. La ville passa un marché de refonte avec le maître
bombardier Louis de Hamelle qui exécuta le travail le 6 octobre. La nouvelle cloche pesait dix
sept mille livres et portait l'inscription suivante Quarante deux mil quaitre cents 1 au nom de
Dieu le tout puissant 1 fuz faict pour donner mon son 1 quant les officers se reffont 1 pour les
bans prendre et tout les lire 1 se nulz les voulloit escondirent 1 pour guerre me faict on sonner
1 pour gens mettre ensembles et armer 1 et qui vouldrait scavoir mon nom 1 damme Mutte
ainsy m'appelle on 1 Ludoycus de Haelle 1 me fecit et cetera. Ces inscriptions ont été reprises
aux quatrains 823 à 825. Cette cloche semblait pourtant parfaitement réussie mais elle eut une
existence brève puisqu'elle fut fêlée le 12 juillet 1443 ; La Cathédrale de Metz, dir. Aubert,
p. 251.
199
[824]
Pour lez bans prandre [et] po[ur] lez lire 251
Se nulz les voilait escondire
Pour guerre me fait on sonner
Pour gents mettre ensambles (et] armer 252
[825]
Et qui voldroit scavoir mon nom
Dame mutte aincy m'appelle ons
Ludovicus de Hamelia
Me fecit et cetera
Une guerre des allemants
[826]
Le conte de Petitte Piere 2sa
Et le conte de Hanau Piere
Le cappittainne Rodat Bayer
Firent au Metsains grosse fumiere
251
C'est l'évêque Bertram qui introduisit en 1197 dans le droit messin l'obligation de mettre
par écrit toutes les transactions concernant les biens, c'est-à-dire, achats, vente, abandon,
reprise, constitution ou rachat d'hypothèque. Cet écrit devait être déposé dans une arche dont
un aman détenait la clef servait de preuve en cas de contestation. Auparavant tout devait se
faire en public lors des plaids afin que tout le monde soit informé et au besoin s'oppose à
certaines transactions. Désormais, le secret régnait. On du alors publier officiellement, sous
l'autorité de maître-échevin les écrits. Cela s'appelait prendre les bans. Le clerc de la mairie
concerné, au début de chaque plaid annal devait résumer l'acte de l'aman. Pendant rannée qui
suivait chacun pouvait faire opposition et dans ce cas, on annulait la prise de ban. Cette
pratique prit des proportions importantes et r on constitua des rôles de bans. Chaque rouleau
débutait toujours par le nom du maître-échevin, puis suivaient les prises de bans faites aux
différents plaids; DOSDAT, «Prises de bans et rôles de ban à Metz du Xlllème au XYlème
siècles», Cahiers Lorrains, p. 143 à 148.
252
L'opinion généralement admise voulait que la cloche serve surtout à « ameuter » le peuple,
à l'assembler pendant la guerre. Elle devait servir souvent dans d'autres occasions. Les
Messins la faisaient sonner à chaque élection de maître-échevin, à chaque élection de Treize
ainsi qu'à la lecture des bans; La Cathédrale de Metz, dir. Aubert, p. 250.
253
Dans sa Chronique, t. Il, p. 270, Philippe de Vigneulles rapporte, « Virent faire une course
sus le pais de Mets le wouuez de Hanapier, le conte de Pettite Pierre, Redambiert, filz du
seigneur Hanry Baier, nepveu à seigneur Conrad Baier, évesque de Mets. Ont boutés lez feu.
Premier ardirent à Charlet deux maison, à Sainte-Barbe, deux, et à Anery, une grange. Ce
mirent le dit Mets en armes. Et incontinent, les trois ga/lans furent pandus et estranglés ».
200
[827]
Lez Messains triste [et] courouciez 2 54
Sallerent chevalx et courcier
Et y corrurent mallement
Et prendirent trois allemans.
[828]
Ces trois estoient serviteurs
Et favoranbles az seigneurs
Ilz avoient leurs gents perdus
Et par nos gents furent pendus
[829]
Et puis apres la grosse routte
Que ne retourna pas trestoutte,
Il leurs livrerent tel assalt
Qu'Hz prindrent cinquante chevalx.
[830]
Tous chevalx cellez [t] bridder
Les maistres furent mal guidez
Les chevalx s'en vindrent a Mets
Lez maistres pas ne vindrent apres.
[831]
Ne prindrent que cincq prisonniers
Mieulx vault assez que trop gaigniez
Le buttin vallut tant de livre
Quatorze cents quarante livres
[832]
Encor firent ilz abrelise
Sur ses dit contes une entreprise
Deux seigneurs [et] quattre haussaire
Que estoit de dessus la faire
[833]
Et cellui damier huttin
Ilz y gaingnere[n]t de buttin
Sens lez prisonniez argent franc
Deux centz quatrevingz douze fra[n]cz
254
Une paix relative durait depuis 1431 et la ville de Metz avait l'occasion de réparer ses
murailles. Toutefois, la ville eut à combattre de petits seigneurs particulièrement remuants tel
que le sire de Commercy, de Rethel, d'Apremont, de Bannestroff, de Puttelange, de Conflans,
de Fleville, de Savegney ; WORMS, Histoire de la Lorraine, p. 59.
201
Quant Jehan de Chaalon prinst Richar Maingny
[834]
Sept hommes armez de la cite
En Lorrainne prinrent ung chastel
Brullez pillez et deffournis
Qu'on appelle Richar Many 2ss
[835]
En en suivant tousiours la date
Mal acostumez n'en fait d'aultre
~~ ung seul crappau mangiez
~1~,.en puet mangiez sa[n)s dangiez.
[836]
Le Demexoulz de Commercy
Malvais jeune [et] tousiours aincy
Vindrent courir sy pres de nous
Qu'Hz vindrent jusqz a Sainct-Arnoulf.
[837]
Par un jo(ur) de la panthecouste
Trois milles soldars en sa routte
En tres grant pitie [et] dommaige
Sur les pouvres gens de villaiges
[838]
A Sainct- Ladre bou tta le feu
Et le gibet bouttere[n]t jus
Et que plus de malz ne sceu t faire
Il fist son armee retraire.
[839]
Nos gens d'armes courrurent apres
A peu de gents nom pas trop pres
Dez damier prindrent cincq soudars
Qui estoient levez trop tars.
[840]
A Mets furent amenez
Ne scay s'ilz avoient dinez
Mais on lez bou tta en prison
Pour congnostre leur mesprison.
255
La prise du château de Richardménil eut lieu en 1443 par Jean de Chalon. Meurthe et
Moselle, arr. Nancy, c. Saint-Nicolas-de-Port.
202
[841]
Bref les seigneurs sans plus lassier
Le gibet firent redrossier
Et sez cincq y furent menez
De ses gents il fuit estranniez
Une guerre des Allemens
[842]
Mile quatre cents quarante troy
Estoit le pays en destroy
Tout autour devant et derier
Dez Allemans [et] dez bayer
[1443]
Quant celx de Metz allerent devant Fleville
[843]
Trois cents hommes banieres [et] fannoys
Avec q[ue] seize cent piettons
En allerent devant Fleville 256
Pour les frotter mieulx q[ue] destrille
F 0 84
[844]
V
0
Revindre sens playes ou meshains
En rallerent a chastel Brehain, 257
Fuit assaillis et eschellez,
Et fuit pris [et] ars [et] brullez.
258
[845}
Se Messains ont fait deffaillance
Sy ont ilz fait plusieurs vaillance
Jamais fortune ne seiourne
Que toujiours la roe ne tourne.
256
Fléville-Lixières : Meurthe et Moselle, arr. Briey, c. Conflans-Jarnisy.
257
Château Bréhain: Moselle, arr. Château Salin, c. Delme.
258
L'auteur a indiqué, à l'aide d'une flèche l'endroit où doit se trouver le quatrain 843. En
effet, ce dernier a été ajouté en bas du folio.
'-"""
203
[846]
Nicolle Louve chevallier 259
Fist en cel an appareillier
Des estoffes [et] parfaire ung po[n]t 26o
Qui est a tous passant moult bon.
[847]
La y avait ung pont de bois
Que souvante foix valloit pou
Au bout de l'ille sans muraille
Qu 'o[n] nommait le pont quirroreille
[848]
261
En celle annee refondue
Fuit mutte qu'est bien chier vendue
Par maistre Anthoine Bombardier
Avec ceulx qui le voldre aidier 262
259
Nicole Louve appartenait à 1'une des familles les plus anciennes de Metz qui appartenait
au paraige de Saint-Martin. Ce patricien était chevalier, seigneur de Villers-Laquenexy, ainsi
que chambellan de l'empereur et du roi de France. Il était aussi conseiller du duc de
Bourgogne. Il fut maître-échevin en 1408, amant de Saint-Martin et échevin du palais. En
plus du pont qu'il fit construire, il y ajouta une croix qui fut appelée la Croix-aux-Loups. Il
avait élevé quatre autres croix sur les quatre principaux chemins de la ville, c'est-à-dire de
Saint-Barbe, de Peltre, de Pouilly et de Jouy. Il mourut à 75 le 1er février 1461 ;
D'HANNONCELLES, Metz Ancien, p. 167, 168.
260
Ce pont devait être le Pont-aux-Loups. Il menait à l'île du Pont-des-Morts.
261
Le pont dont fait allusion l'auteur semble avoir été financé par l'échevin Nicole Louve,
l'un des membres les plus importants du patriciat messin. Ce pont devait remplacer une
construction en bois qui semblait précaire. Ce pont avait été reconstruit en pierre entre le 31
juillet 1442 et le 11 avril 1443 par le maître maçon Thiedrich de Sierck. Il se trouvait sur la
route conduisant à l'abbaye de Saint-Martin et était appelé le Pont-aux-loups. Si le nom du
pont avait aussi été celui de quicayereye ou quicaillerie c'était, sans doute, pour faire allusion
au bruit de métal que produisaient les charrettes quand elles l'empruntaient; WAGNER, Les
croix de sire Nicole Louve, p. 133, 134.
262
Depuis le 12 juillet 1443, la cloche Mutte était fendue. Le bombardier Louis Harelle qui
l'avait fondue avait établit un traité garantissant la cloche pendant un an. Ses ressources ne lui
permettaient pas de faire les avances nécessaires à la constitution d'une nouvelle cloche.
Depuis dix huit mois, les Messins n'avaient plus de cloche. Les habitants de Metz
n'attendirent pas le délai demandé par Louis Harelle pour la refondre et s'adressèrent à un
autre maître bombardier Antoine d'Estain. Ce dernier procéda à la refonte de septembre 1443
à octobre. La nouvelle Mutte pesait dix sept mille trois cents livres et portait en inscription les
mêmes mots que sur la précédente cloche. On ne sait pas quel nouvel incident survint, mais en
1459, la Mutte était à nouveau hors d'usage; La Cathédrale de Metz, dir. Aubert, p. 252.
204
La guerre du roy Charles VII de France avec le roy de Cecile
[849]
En l'an mile, ce dit la lettre,
Quatre cents [et} quarante quatres
Charles de Valloy, roy de France, 26a
Vint devant Mets a gra[n]t puissance.
[850]
Et aucy le roy de Cecile 264
Y vint bien estandre sez ysles
Car il tenoit son co[m]mu[n] rengne
Avec le duc de Lorainne.
[851]
Et plusseurs leurs favorisant,
Moult fort a la cite nuisant,
De duc de conte et de merquis
Que pas n'estoie[n]t amis acquis.
[852]
Aux Messains firent grant meschief
Sur pouvres gents [et) gra[n]t pechiez
Par leurs grant hayne [et] envie
En perderent maintes la vie.
[1444)
263
Les prédécesseurs du roi de France avaient acquis une partie du pays de Bar. En 1284,
Philippe le Bel épouse l'héritière du comte de Champagne et de Navarre. La France est
désormais voisine directe de la Lorraine. Le roi impose petit à petit sa présence dans les villes
lorraines. Ces avancées sont possibles car le pouvoir dans l'empire s'est affaibli. En 1301, le
comte de Bar était entré en guerre contre le roi de France, mais suite à sa défaite, le comte de
Bar devint avec le traité de Bruges en 1301, le vassal du roi de France pour toutes ses
possessions qui se trouvaient à l'Ouest de la Meuse. C'est ce qu'on appela le Barrois
mouvant; PARlSSE, Histoire de la Lorraine, p. 191. En même temps, les Messins étaient
toujours les créanciers du duc de Lorraine dont le trésor s'était appauvri suite aux guerres qui
l'opposaient à la Bourgogne. Les Messins rançonnèrent les sujets du duc René qui leur devait
de grosses sommes. Le duc de Lorraine demanda de l'aide au roi de France Charles vn qui
venait de conclure une trêve avec l'Angleterre. Il estima qu'il pouvait déverser sur le pays
messin sa horde de soldats qui lui était devenue désormais inutile. Il se rendit à Saint-Nicolas
de Port pour un pèlerinage accompagné de soixante mille hommes qui ravagèrent les
alentours de Metz. La surprise était grande car le traité de paix avec l'Angleterre avait été
secret. La résistance de Metz fut tenace et les Messins appelèrent l'armée française les
escorcheurs, Charles vn voulait affirmer une politique d'expansion vers l'Est ; Histoire de la
Lorraine, Société des Etudes Locales, p. 143.
264
Ce roi de Sicile est aussi le duc de Lorraine et de Bar. C'est René d'Anjou (1431-1453).
205
{853]
La cite en fuit moult fouller
Sez gents blesser [et] affoler
Qui a puissance basse (et] haulte
Puet foller l'un [et] pourter l'aultre.
F 0 85
{854]
Le roy de France (et] d'Angleterre
L'un contre l'aultre avoie(n]t guerre
Mais vingtz deux mois heurent trieuve 265
Dont Mets souffrit peine greuve.
{855}
Le roy de Cecile en son rengne,
Lez duc de Bar [et] de Lorainne
Les voisins d'autour les plus pres
Hayoient la cite de Mets.
{856]
Aux Messains cousta moult d'argent
A touttes manieres de gents
Aincy cun loup prent un oison
Et l'estrangle a peu d'occoison.
{857]
Lez Messains firent g[ra]nt fait d'armes
Durant la guerre en petit terme
Car ilz prindre par leur proesse
Les Franscois en plusieurs fortresse.
{858]
Touttes fort plaice on ilz logeaient
Metsains de nuictz les assiegoient
Sens craindre bellewarcq(ue] ne tour
Qu'il n'assallissoit tout autour.
V
0
Fo 86 ro
[859]
La y heust plaice ne fort maison
Se ilz y avoit garnison
Que ne fuisse(n]t toutte assallies
Prinses, brullees (et] exillies.
265
Cette trêve fut nommée la trêve de Tour. Elle dura de 1444 à 1449. Elle fut conclue entre
la France et l'Angleterre, ce qui laissa le roi de France Charles VII libre de procéder à une
expansion de son royaume vers l'Est; Histoire de la Lorraine, Société des Etudes Locales,
Nancy, p 144.
206
[860]
Les Messains plains d'abillite
Bien conduis par subtillitte
Tous ceulx qu'ilz prenoient au logiez
Nullui ny estoit replesgiez
[861}
Les Bourguignons [et] Allements
Frappoient sus journellement
Chescuns querrant son adventure
En faisant grant desconffiture,
[862]
Et retournant tous les matins
Ramenant leur proye et buttins
Avecq aulcuns bon prisonnier
Et tous ensambles parsonniers.
[863]
Les Allemans [et] Bourguignons
Nom point au Messains compagnons,
Mais c'estoit par sur les fronttieres
Qu 'ilz lez prenoient a la rattieres.
[864]
L'yver estoit sy doulx sens froys
Qu'en la sepmenne apres les Roys
Trouvoit ons ou marchiez par rainges
Les standelins plains de vendanges.
[865]
De nuict alloient vendengier
De jour n 'osoient pour les dangier 2 66
Ou n'en deffendoit a nullui
Qui vendengoit c'estoit pour lui
0
F 86
[866]
V
0
De touttes pars chescuns pensoit
A buttiner sur lez Franscois
Mais qui que feist playe au mehain
C'estoit au compte des Messains.
266
Pendant la guerre qui l'opposait au duc de Lorraine et au roi de France, Metz ne manqua ni
de vivres, ni de munitions. Les sept de guerre avaient particulièrement bien organisé la
défense au point que les Messins purent dès le mois de septembre vendanger. Ils le faisaient
de nuit car le jour, les combats reprenaient ; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 61.
207
[867]
La paix en fuit fait a Nancey 267
Et fuit faicte par ung tel cy
Que plus ne doubvoit prendre guerre
A la cite ne en la terre.
[868]
Quant le roy fist sonner retraitte
Et crier que paix estoit faicte,
Son grant oste estoit despechiez
De quinze milles francs archierz.
268
[869}
Quant celle guerre mallaisie
Fuit a son couroux rapaisie
Comme ung serpent met jus sa roussie
A donc fist ons la tour scoumouffie 269
[870}
Sens eppargnier travail ne paine
Fist en fonder on champ-à-Pannes
Celle tour pour bonne deffence
Apres celle guerre de France.
{871}
L'an apres par bonne adventure
Fuit remontee la molture
A ung gros la quarte de bledz
Se furent six deniers doublez.
[872]
Aincy advienent lez fortunes
Deux playes font mal plus fort c'une
Pouvretez tousiours ou mesouffre
Et convient que pouvretez souffre.
1
267
La guerre entre la cité et le duc de Lorraine et le roi de France avait été acharnée. La
fatigue de la guerre permit au conflit de s' essoufller et des négociations pour la paix
s'engagèrent. Le 12 janvier 1445, une assemblée fut tenue à Pont-à-Mousson et la paix fut
signée à Nancy en février entre la ville et le roi de France. Les forteresses et châteaux furent
rendus aux Messins et les prisonniers délivrés, mais les Messins durent payer dix mille
florins. Quant au duc de Lorraine, ses dettes furent annulées. Les Messins contribuèrent
lourdement à cette paix, Id, p. 61.
268
Les quatrains 869 et 870 ont été écrit dans la marge droite du folio. A l'aide d'une flèche
l'auteur indique l'endroit où ils doivent se trouver.
269
La tour Camoufle occupe l'angle sud-est du front de la porte Champenois. Plus ancienne
que la tour d'Enfer, elle aurait été construite vers 1437 sur les conseils du maitre bombardier
de la cité Jacques Castel, dit Camoufle ~ THI:RIOT, Portes, Tours et Murailles de la cité de
Metz, p. 34-35.
208
Quant la Porte des Allemant fuit faicte
[873]
L'annee apres tout bellement
A la Porte des Allemans
Fuit le bellevarth commenciez
Et hors de la terre eshaulciez.
Quant la croix du Pont dez mors fuit faicte
{874]
Mile quatre cents quarante septe
Par le milliaire, on le sceit,
Que la croix au pont Quicoreille
Fuit faitte de forme [et] de taille
[875]
Quiccoreille cest au Pont dez mors,
Mais pardus en est la memor,
Par maintes annees rechangie
Sont maintes costumes estrangies.
[876]
Le seigneur fist appareillier
[1447]
Nicolle Louve chevallier
Des estoffes des ouvriers [et] puis
Fist faire a croix [et] le puis.
[877]
Et puis fist faire autour de Mets
En beaux lieux une liue pres
Crois [et] puix, en compassion
Du puple [et] recreation.
[878]
L'une ou chemin de Saincte-Barbe,
En plat chemin sans bois ne arbe
L'aultre aporte l'aultre a Poully 271
Et l'aultre on chemin de Joey
270
°Chemin de Sainte-Barbe : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Vigny.
27
271
Poully : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny.
209
Quant on renouvela lez angevines
[879]
Mile quatre cents cinquantes six
La monoye couroit aincy
A Mets avoit tout d'angevine
Que c'estoit ung crueux vermine 2 7 2
[1456]
273
[880]
On en fist faire dez nouvelles
Plus blanche meilleure [et} plus belles
Et pour congnoistre lez certainnes
On y fist le chief sainct Estienne
[881]
Quatre cents quatre vingt [et} mile
Les gros de Mets en toutte villes
Couroient a sy bon marchiez
Qu'ilz furent tantost tous quachiez.
[882]
Les signeurs par conclusion
D'un acord sans division
Les mirent par bonne conduite
De douze deniers a dix huicte.
[883]
Nos anciens peres ou temp passez
Avoient or [et} argent assez
Pour son cours a pris le mettoient
Apres plus ne le remontoient.
[884]
Quant mal temp vient bon temp s'allogne
A temp dez guerre de Bourgongne 274
La malle roe de fortune
Prist au remonter la pecune
[1480]
272
En 1456, les Messins achetèrent des angevines leur permettant de se défendre. Désormais, )
les seuls habitants de Metz ne pouvaient suffire à défendre la ville. Il fal1ait faire appel à des
.·
professionnels ; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 76.
273
Les quatrains 880 et 881 ont été écrits dans la marge droite du feuillet. L'auteur indique à \
l'aide d'une flèche l'endroit où il souhaite que ces quatrains se trouvent.
tJtJI
274
Le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, était mort le 5 janvier 1477 sous les murs de
Nancy. Le roi de France Louis XI et le futur empereur Maximilien Duc d'Autriche étaient
entrés en conflit pour le partage de la Bourgogne. Cette guerre s'étendait jusqu'au pays
messin et la paix ne fut conclue qu'en 1482; Id., p. 77.
210
7
·
[885}
Quant monnoye prist remontement
Bon temp prist son departement
Chier tempz vint en l'hoste! du riche
Qu'en avarice le tient chiche.
[886]
Pour le monoye malleurees
Remonterent toutte danrees
Pour au pouvre accroistre meschief
Jamais plus n'aura bon merchief.
L'entree de l'evesque en Mets signeur George de Baudre
[887]
Mile quatre cents soixante [et] ving et ung
George de Baudre on moix de jun 275
Fist son entree a grant puissance
En monstrant sa migniffissance.
[888]
L'esvesque [et] lez cha[n]noinez ensambles
Aincy que deux falz point s'assemble
Furent en ung point assamblez
Et par meilleur point d'essamblez
(1481]
275
L'évêque Conrad de Boppart (1415-1459) chercha dès 1450 un coadjuteur pour lui
succéder. Il choisit, en 1456, Georges de Bade, chanoine de Cologne (1459-1484). Pour
manifester son contentement, la famille de Bade, alliée aux maisons régnantes d'Allemagne et
de Lorraine, s'empressa de donner à l'évêque encore en place les moyens de retirer Epinal des
mains du roi de France et 6000 florins pour reprendre d'autres biens considérables engagés à
divers seigneurs. En avril 1459, Conrad Bayer de Boppart mourrait et Georges de Bade se
présentait devant le chapitre pour en prendre possession. Il trouva alors face à lui un
compétiteur élu par une partie des chanoines. Il s'agissait d'Oiry de Blamont, grand-oncle du
duc de Lorraine. Malgré la pression des cours de France et de Bourgogne qui soutenaient de
Blamont, Pie II demeura ferme et envoya ses bulles à Georges de Bade le 11 juillet. Durant
son épiscopat de vingt cinq ans (1459-1484), l'évêque ne s'occupa guère du spirituel qu'il
confia à ses suffragants ; TRIBOUT DE MOREMBERT, Le diocèse de Metz, p. 95.
211
[889]
C'estoit en leur intencion
Qu'en prenant la pocession
Secretz sou bz ben edicte
Qu'il la prandroit de la cite 276
{890]
Et leurs sambloit chose facile
D'entrer puissamment en la ville
Qu'il n'en feyst nulles doubtance,
Craindre ne falloit resistance.
[891]
Mais c'estoit levez peu matin
Pour estudier leur latin
Les penseurs moult bon tempz auroien t
Ce conte penseurs ny estoient,
t
{892]
,'
Car les seigneurs par bon conseille
_Avoient la puce en l'oreille
Qui vuelt ung grant fax soustenir
Ung baston prend pour soy tenir.
F 0 88
[893]
Nos seigneurs firent appareillier
Leurs gents par cent [et] par millier,
En lieu secretz par grant armee
Et les rues tres bien fermees.
[894]
Puis fuit receups cortoisement
En leur donnant advisement
Qu'on de feist rien que bien appoint
Car on estoit preste [et] en point.
V
0
276
L'évêque Georges de Bade entra dans Metz en 1481 _ La ville de Metz était
particulièrement hostile à son évêque qui était déjà entré en conflit avec la ville 1463, conflit
lors duquel l'évêque avait été fait prisonnier et avait dû payer la forte somme de cent mille
florins pour être libéré. L'évêque avait mis en gage une partie de ses possessions pour payer
la rançon. Il souhaitait en 1481, entrer en force dans la ville afin de lui prouver sa toute
puissance mais il se retint afin de ne pas créer d'autres conflits qui auraient pu lui coûter cher.
Il y entra avec beaucoup de fastes, mais son entrée fut précédée de négociations et les deux
parties signèrent un traité confirmant les privilèges messins; Histoire de la Lorraine, Société
des études locales, p. 221.
212
[895]
Mais la chose fuit bien conduitte
Et touttes foUies reduitte
Sens sonner mots de mille choses
Tout demeura desoubz la rose.
[896]
Et puis fuit moult homme de bien,
Usant sa vie en beau maintien
Et fuit sy ecclesiasticque
Qu'il menoit vie sainctifficque.
[897]
Le siege il tint vingt septe ans
Et y rengne apres son tempz
Messire Hanry de Lorainne 277
· è)ü:'esvesque estoit de Tirenanne
[898]
Vingt trois ans ilJl!!t de Mets
Evesque [et) ny entra jamais
En grant esglise ne es temples
Il ne rompit jamais lez lamppes.
La division des chanoines de Mets
[899]
1462
277
Mile quatre cents soixante [et) deux
Fuit trouble cruelz [et) hydeux,
Par orgueilleuse oppinions
Par gents differant division. 278
(1462]
Henri de Lorraine-Vaudémont (1484-1505) était déjà évêque de Thérouane.
278
Il s'agit d'une révolte d'une partie des chanoines soutenus par l'évêque contre l'autorité du
maître-échevin, à propos du siège épiscopal de Mayence. Cette querelle débuta en 1462 et
trouva un règlement en 1473. Notons que c'est à l'occasion de ce conflit que pour la première
fois à Metz, les chanoines utilisèrent des affiches polémiques ; TRIBour DE MOREMBERT,
«Les chanoines de Metz lancent les premières affiches de polémiques», Mémoire de
/'accadémie de Metz, 1965, p. 194 à 193. C'est aussi à cette occasion que le roi de France
Louis XI apporta son soutien aux chanoines. Il leur envoya des lettres de sauvegarde en
n'oubliant pas d'évoquer Charlemagne dont il se réclame en tant que successeur: « Paur la
considération de la dite église est fondée par feu de glorieuse mémoire le Roy Charlemaigne,
en son vivant empereur et roi de France»; GANTELET, Entre France et Empire, Metz, une
conscience municipale en crise, p. 183.
213
[900]
On dit deux orgueilleux vassalx
Ne vallent rien sur ung chevalx
Se l'un veult tourner a la destre
L'aultre vuelt tourner a senestre.
[901]
Quant arguant d'acord n'ont point
Et chescuns vuelt tenir son point
S'en soy ralassier que par force
Il fault que le plus forts l'emporte.
[902]
S'il se gouverne follemant
Qui quiert meilleur pain que fromant
Qu'est bien [et] ne si puet tenir
Par droit l'en doit mal advenir.
[903]
On doit tenir enciennete
Aincy que anciens ont estez,
Mais lever costume nouvelle
Constraint gents a estre rebelles.
[904}
Chescun doit maintenir le sien
Sens mallengiez comme les anciens,
Mais quant oultrecuider vuet faire
Trop fort on lui fait le contraire.
0
F 89
[905]
Ces prestres contre la cite
Vollurent prendre autorite
Mais avant que cela seut fait
On heust plustot trestout deffais.
[906]
Gens venus de grant pouvretez
Et en grant richesse montez
Ce a droit ne vuellent condestendre
Doient du hault en bas descendre.
[907]
Il assiert par necessite
Avoir deux bras en la cite
Premier est le bras fundateur
Qui est du peuple conduicteur.
V
0
214
[908]
L'aultre brais, c'est fidelite
Exemplaire d'humilite
Monstrant, preschant foy catholicq[ue]
Quant menant vie angelicq(ue].
[909]
Nous debvons selons la clergie
Croire saincte theologie,
Qui est parfaitte honnestete
Raison, simplesse [et] chastete.
Fo 90 ro
[910]
Et quant le contraire se fait
La falte est d'un bras contreffait
Ceulx qui ont la voix plus haute
Au descorder font lez grant faites
[911]
Les chanoines du grant moustier,
Sens nulz quy scent trouver traittiez,
Furent agoustez d'un tel mes
Que tous vindrent hors de Mets.
[912]
Ce fuit si grant division
Qu'il fallut on confusion
Tout lassier esglise (et) prebende
Tous ceulx qui soubtindrent la bende.
[913]
Cincq ans on dura le debat
Cherchant leur bon droit hait [et) bas
Au pappe a l'empereur au roy, 279
Telz en avoit ris qu'on pleurait.
[914]
Oncq(ue} jour ou la grant esglise
N'en fuit ramandris le servise
Clercs prestres y furent ordonnez
A qui le fax en fuit donnez.
L'empereur Frédéric rn (1452-1493), le roi, c'est-à-dire René d'Anjou, duc de Lorraine,
cherchèrent à faire confirmer leur droit auprès des papes Pie II (1458-1464) et Paul II (14641471).
279
215
F 0 90
[915/
Pour qui en heust tort ou raison
Il cousta sens comparoisons,
Et quant revindre en leurs hostel
La furent moult desconfortez.
[916]
Sy grant guerre ne fuit jamais
Qu'il n'en soit venus une paix
Revindre au second jour de may
En la cite en grant esmay.
[917]
Leurs maisons estoient gastres,
Desrompues [et] debarretees
Celiers, grenniers, pourvis fondus
Litz [et] mennaiges confondus.
[918]
Et quant ilz furent retomez
Leurs biens leurs furent redonnez
Et en leurs estat restanblis
Et tous debas mis en oblis.
[919]
En celz tempz une annee antiere
Heut grant labours es semettieres
De grant pestillance mortelle
En loing tempz n'en fuit poi[n]t de telle.
V
0
Fo 91 ro
[920]
Ons y morroit de sy grant force
Qu'on y boutta de corpz en fosse
Tant es furebourg co[mm]es en la ville
En quatre moix bien quatre milles.
[921]
Une foudre vint si cruelle
De glace [et] de si grosse grelle
Que ons estimoit tout perdus
Tout habysmez [et] confondus.
216
[922]
Sur lez maisons maintes gouttieres
Et es esglises lez voirieres
Rompus [et] moult d'avercitez,
Et ne cheut que sur la cite.
[923]
La pestillence [et] grelle aucy
280
Fuirent en l'an soixante [et] six
Mile quatre cent tout justement,
Qu'on heust bon vins habudam[m}ent
[924]
(1466]
L'an devant la mortalite,
Furent lez vin a telz vilte
Et reputez par gents lordalz
Vins de coussat [et] matudalz 2 81
282
[925]
Mile quatre cents soixante [et] huict
Par ordonnance mal renduitte
Fuit le feu en la grande esglise
Dessus les voltes fort emprise. 283
(1468)
280
La peste est de retour dans le pays lorrain, en fait cette épidémie est endémique et ne quitte
pas vraiment l'Europe. Philippe de Vigneulles évoque souvent ce qu'il nomme Mortalité en
Mets. Le nombre de décès reste important et tout au long de sa Chronique, on peut se rendre
compte à quel point le départ de certains personnages le navre. C'est notamment le cas, t. ll,
p. 377, 378 :«Or, avint aussy que en celluy tampts l'on acomensait treffort à morir de peste,
tant en Mets comme on pays entour. Et d'icelle mortalités morurent grant multitude de menu
puple ; aussi morut de grant parsonnaiges en Mets. », « le seigneur Regnault le Gournaix,
chevalier, duquel ce fut dueil et dompmaige, car il estoit homme saige, prudent et honorable,
et estoit ung biualx homme, puissant de corpts et de belle stature, et amoit ort le commun
puple, et aussy il estoit amés de tous les citains de Mets, grant et petit ».
281
Philippe de Vigneulles, dans sa Chronique, t. II, p. 377, explique que lors de l'année en
question, le froid avait été si intense et les pluies tellement abondantes que les raisins ne
poussaient plus sur les vignes: «Le reste d'iccelluy moix d'apvril, fut ung très pouvre tempts,
et cheoit pluies aussi froide comme à Noël», «Et se tint ainsy le tampts dès lea mitté d'apvril
en jusques le huitième jour de maye ; parquoy on ne veoit encore en vignes nulz résins ».
282
N'ayant pas assez de place en bas de son feuillet, l'auteur a écrit le quatrain 925 dans la
marge droite en bas du feuillet.
283
En 1468, un incident grave survint, en effet, la cathédrale était en rénovation et les ouvriers
laissèrent une nuit un chaudron de feu allumé qui servait à faire fondre le plomb. Mais avec le
vent, ce chaudron enflamma la toiture. Plus de trois cent personnes aidèrent à éteindre
l'incendie qui avait atteint le beffioi où se trouvait la cloche Mutte. En fait, c'est pour cette
raison que les Messins aidèrent les chanoines à éteindre l'incendie. On peut penser que si le
feu n'avait pas atteint le beffioi bien peu de Messins se seraient déplacés puisqu'ils étaient
toujours opposés à leurs chanoines; La Cathédrale de Metz, dir. Aubert, p. 15.
217
[926]
Tant on fuit par grace divigne
Qu'on donnoit pour une angevine
La quarte en plussieur lieux a Mets
Et sy n'y avoit pas grant presse.
284
[927]
Mile quatre cents soixante [et] onze
C'en que lez grandz fortune annonce
Se mest en l'air une commette 28s
Dont plusieurs gents en furent matte.
[1471]
La guerre du duc Nicolay de Lorainne
[928]
Aincy que fortune ont leur rengne
Rengnoit ung grant prinse en Lorain[n]e
Mile quatre cents septente [et] troys
Qu'en ses cuidiers fuit fort destrois.
[929]
Soudan[n]eme[n]t com[m]e ung escouffie
Par brief conseil que souef souffle
Lui souffia ung vent en 1'oreille
Par quoy entreprist grant merveille.
[930}
Par ung huittieme jour d'apvril
A pied levez co[m]me un cabris
S'en vint avecq son excers
Tout secret a plus pres de Mets,
286
[1473]
2 87
284
L'auteur a écrit le quatrain 927 dans la marge droite du feuillet. A l'aide d'une croix, il
indique l'endroit où doit se trouver le quatrain.
285
L'auteur de la chronique note en peu de termes le passage de la comète. Pourtant à cette
époque, ce genre d'événement suscitait l'appréhension de la population. Le passage d'une
comète annonçait souvent des catastrophes. Selon DELUMEAU, La peur en occident (XIVXYI/Ième siècles), le passage d'une comète pouvait créer« un effroi collectif».
286
Le duc Nicolas de Lorraine (1470-1473).
287
Tout comme ses prédécesseurs, le duc Nicolas de Lorraine souhaitait conquérir Metz. Pour
cela il avait envoyé, dès le 8 avril, certains de ces soldats surveiller la ville afin de déterminer
sa puissance ainsi que les forces en présence; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 69.
218
[931}
Accompaigniez de dix miles hom[m]es
Et d'angins de guerre a gra[n]t so[m]mes,
En attendant l'heure d'ouverture
La on dormait dure adventure.
[932}
Trop matin fuit la porte ouverte
Pour ceulx qui en heurent la perte
Telz cuidoit avoir bon bu ttin
Qui fuit mal partis au huttin. 288
[933}
Trop frian t au mangier la sou ppe
Selchaulde la langne -eule.z.poutte
Pout tant est fol qui trop s'avance
De querir sa malle meschance
[934}
Les plus esfammez au gra(n]t dents
Entrerent lez premiers dedant,
Cuidant tantost remplir leur sacq(ue]
Mais on leurs bailla un eschercq(ue]
[935/
Gents enraigiez [et] hors du scens
Y entrerent cincq ou six cents
Saltant, criant, brayant, huant,
Pensent qu'on s'en yroit fuiant.
[936}
Ung angins fait de grant mallice
Dresserent soubz lez palz coullice
Mais cet angin fait de faulx art
Fuit dressiez trop tost ou trop tart
288
Ce conflit entre Metz et le duc de Lorraine eut lieu le 9 avril 1473. Le duc de Lorraine
Nicolas, petit-fils du duc René d'Anjou essaya de prendre la cité de nuit. Ses soldats avaient
parcouru toute la nuit le chemin de Pont-à-Mousson, jusqu'à Metz. Or un certain Grantz, dit
Grande barbe avait imaginé qu'un chariot placé sous la porte Serpenoise pouvait empêcher la
herse de retomber, permettant ainsi à l'armée du duc de Lorraine de pénétrer dans Metz.
Déguisés en marchands, les Lorrains avec Grantz à leur tête entrèrent et se jetèrent sur le
gardien qu'il tuèrent. Ils purent atteindre la Chapellerue et la vieille Boucherie. Hors c'est à ce
moment que se produisit le célèbre passage du boulanger Harelle qui, éveillé tôt ce matin là,
donna l'alerte et bloquant la porte permit aux Messins de repousser les assaillants. La déroute
fut complète et les ennemis s'enfuirent; GANTELET, Entre France et Empire, Metz, une
conscience municipale en crise, p. 9.
219
[937]
Les palz coullices cheurent en bas
Adonc co[m}mansa le debas.
Lez Metsains furent reuveilliez
Et diligent d'estre habilliez.
[938]
Tantost corrurent au murailles,
La commansa dure bataille.
Les aultres fermerent lez rues,
La cite fuit tost secourus.
[939]
Bartel Crance leur cappittaine
Y entra en sa malle estrai[n}ne
Sy bien heut de son fait jouy
Qu'il en coulcha a Sainct-Louy
[940]
Et plusieurs de ses gents de guerre
Qui prindrent tous nouvelle terre
La cite lasserent entiere
Pour gaingnier une cymethiere.
[941]
Dez Metsains ne morut q[ue} troys
Deux sur terre l'aultre sur ung toys ;
Le premier se fuit le portier
L'aultre ung folz, l'aultre ung cherpentier.
289
289
En bas du folio, accompagné d'un signe, l'auteur écrit: tournez une feuille. Si l'on suit les
indications de l'auteur, le texte relatif à la guerre de Gratien Daguerre est à part. En effet, il
fait référence à des événements qui se sont déroulés en 1480, alors que l'auteur est en train de
relater les événements constitutifs de la guerre du duc Nicolas qui ont lieu en 1473. V auteur
n'avait pas encore mis en forme son manuscrit. Il faudrait donc d'après l'auteur passer du
quatrain 941 au quatrain 953 dont le titre est : rest du duc Nicolas. Les quatrains 942 à 952
auraient dû être placés autrement, selon l'auteur.
220
La guerre de Gratian Daguere
[942]
Mile quatre cents [et} quatrevingt
Faillirent lez bledz [et] lez vins
En nulz lieux neust vigne eschappees
Qui ne fuissent touttes estrappees.
[943]
Ung no[m}mez Gracien Daguerre
Contre la cite fist la guerre
En deppitant sens nulz mercy
Vint bruller à Ars [et} Ancy. 291
[944}
En cellui tempz estoient en gaige
Ancy Ars [et}plusieurs villaiges
A la cite et congnoissant
Et au seigneur obeyssant.
[945]
De ce seigneur ung serviteur
De son armee conducteur
Vint noncier au seigneur de Mets :
« Creez moy [et] je vous promets,
[946]
Se mon maistre vouliez avoir,
Je vous en seray tel debvoir,
Venez ungjour au lendemain
Je le livreray en vos mains. »
[947}
Lez seigneurs pour estre vengiez
Qu 'aincy les a voit oultragiez
Assailleren t leur appareille
Pour lui rendre le cas pareille
[1482]
290
292
290
Gratien Daguerre est le conseilleur du duc de lorraine René II. Mais il se laissa gagner par
le roi de France Louis XI qui le nomma gouverneur de Mouzon (Ardennes). Ses soldats
ravagèrent le Barrois non mouvant mais aussi tout le territoire de la cité de Metz, dont les
bourgeois se plaignirent au roi de France; GAN1ELET, Entre France et Empire, Metz, une
conscience municipale en crise, p. 191.
291
Ars sur Moselle: Moselle, arr. Metz-Campagne.
292
En bas du folio, l'auteur a ajouté la note suivante : [tournez ung feuille ou celle enseigne]
221
Fo 93
{948]
Une armee de quatre miles 293
Assamblerent [et] hors de la ville,
Artheillerie [et] charrois devant
Estandars [et] bannieres au vant.
[949]
Quant vindrent pres de Denviller
Pour son arogance aviller
En faisant ung petit repas
Fuit rompus le tour du compas
[950]
De ceu qu 'avoient composez
Le malfaicteur fuit acusez
Tant ot forgiez [et] martelez
Qu'alors en fuit esquartelez.
[951]
La convint il tout retournier
Hastement sans seiourner
Car ilz avoient d'annemis
Bien deux milliers pour ung amis.
[952]
En hyver fist ay tres grant froit
Et fuit hyver si tres destroit
Que tout fuit geliez [et] fondus
Et lez arbres sech [et] fandus.
V0
Fo 94 ro
Rest du duc Nicolay
[953]
Le prince avec son armee
Tous bien montez la main armee
A tous ceu quil heut de poisson
Retourna au Pont a Mouson 294
Ci
293
Gratien de Guerre, capitaine de Damviller voulut faire la guerre aux Messins pour des
raisons inconnues. Il défia la cité et à cette occasion mit sur les routes deux cent soixante
chevaux et deux mille piétons. Mais son entreprise n'eut pas grande importance ; WORMS,
Histoire de la ville de Metz, p. 76.
294
Après son échec devant Metz, le duc Nicolas décida de se retirer à Pont-à-Mousson. Il
souhaitait vivement se venger, mais une trêve fut conclue en juillet. Le lendemain de la
signature du traité, le duc mourut, Id, p. 71
222
[954]
Trist [et] troublez de sa gra[n]t faite
Car il l'avoit livrez trop halte,
Resuivant sa oultrecuidance,
Moult remanst de ceu q[ue) fol pe[n)ce
[955]
Sez joyes furent terminee
Car il mo rut pour celle annee
Et partit sens paige [et] vallet
Le vingt sept jour en jullet
[956]
prist le rengne
Et fuit receups duc de Lorain(n]e
La paix des Messains fuit faitte
Et des Lorains de leur l'antreffaitte.
Le conte Rene
295
Quant l'empereur Frederich vint a Mets
{957]
En celle annee vint a Mets
L'empereur a tres grant noblesse
Assossiez en ung lien
De son fil Maximilien 296
297
[958}
295
Il y avoit (et) rois [et] ducz
Et grant princes [et] le fil du grant turcq
Et furent en solas [et] seiour
En Mets l'espace de neufz jours
Duc René II de Lorraine (1473-1508).
296
Le 18 septembre 1473, l'empereur Frédéric rend visite à la ville de Metz. ll était
accompagné de son fils Maximilien, de l'archevêque de Mayence, de l'évêque de Metz, du
duc de Bavière ainsi que du comte de Wurtemberg. Les Messins s'empressèrent de lui
demander de confirmer leurs privilèges ; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 72.
297
L'auteur indique par un signe que le quatrain 957 fait suite au quatrain 958. En effet, entre
ces deux quatrains, l'auteur avait inséré les quatrains 959 et 960. De plus le quatrain 958 se
trouve écrit en haut du feuillet suivant.
223
[959]
Mile quatre cents septente [et] quatre
En lowant Dieu de la conqueste
Firent fonder une chappelle 298
Que misericorde s'appelle.
[960]
Au portal de la grande esglise
Pour faire le divin setvise
Regraciant Dieu en memoire
Qu'a leurs avoit donnez victoire.
[1474)
299
_.......
~·-'·"···"
-~-
uant le chasteLde Pontoyfuit"pris.
[961]
Quatorze cents septente [et] septe
Sens faire mises ne recepte
Par ung portier que peu doubtois
Fuit pris le chastel de Pontoy aoo
[962]
Par douze compaignons de guerre
Tous assamblez de pluseurs terre
Fuit robee subtillement
Dont en morurent villement.
[963]
La cite leur manda briesment
Que vindassent paisiblement
Ilz respondiren t au sergent :
« Vous n'estes pas assez de gents.
[1477)
»
298
Cette chapelle fut édifiée en 1476-1477 comme action de grâces pour la victoire sur le duc
Nicolas. Elle était située au sud de la cathédrale, entre Saint-Pierre-aux-Images et le chœur de
Notre Dame La Ronde. (Chapelle Notre-Dame du Mont Carmel). Elle fut démolie en 1754.
299
Les quatrains 961, 962 et 963 sont écrits dans la marge gauche du feuillet. Anivé en bas de
la marge gauche, l'auteur fut obligé d'écrire en petit caractère tout en bas du feuillet les deux
autres quatrains suivants, c'est à dire les quatrains 964 et 965. A l'aide de flèches et de signes
l'auteur tente d'indiquer l'ordre des quatrains.
300
Château de Pontoy: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny. En 1477, la ville de Metz
entra en conflit avec douze compagnons de guerre qui avait été licenciés suite à la déroute que
l'armée du duc de Bourgogne avait connue devant la ville de Nancy. Ces bandes de brigands
s'organisaient pour piller et rançonner les marchands. Ils avaient coutume de prendre des
châteaux qui devenaient leurs places fortes. La ville de Metz devait se défendre contre ces
attaques incessantes et ne put participer au nouvel essor économique qui pourtant avait débuté
dans le royaume de France dès les années 1450 ; Histoire de la Lorraine, Sociétés des Etudes
Locales, p. 220.
224
[964]
Lez seigneurs prindre[n]t bende
De gentilz gallant belle [et] gr[a]nde
Tres tous jeunes gallant de pris
Au deuxieme assaulx fure[n]t pris
[965]
Deux furent tuez en la place
Et lez aultres amenez a Metz
Y mal savoient deffendus
Que tous dix enfurent pendus
La guerre de Richemont
[966]
Mile quatre cents a mon compte
Et quatreving trois, ung conte
De Wemembourg estoit le sire
Tout fol [et] dez malvais le pire. ao1
[967]
Le conte a l'entour de sa terre
A tous chescun prenoit la guerre
Tousiour tendoient sur lez champz
Sur laboureur [et] sur merchant.
[968]
Et avoit en sa compaignie
Ung grant tas de falce maignies
Et tres malvaise garnison,
Sens droit, sens loy [et] sens raison.
[969]
Il prenoient guerre au Messains
Au Bourgouignons [et] au Lorains
Tres tout estoit de leur buttin
Mais a eulx on prist le huttin.
[1483]
301
En 1482, le roi de France et le duc d'Autriche, futur empereur Maximilien avaient conclu
la paix, ce qui provoqua le licenciement des soldats qui livrés à eux-mêmes, vivaient sur le
pays messin. Pour se défendre, Metz prit à son compte la solde d'un des capitaines de
compagnie qui était le comte de Wurtembourg. Mais ce dernier ne se soucia que de ces
intérêts et laissa Metz seule, face aux brigands. Il décida de poursuivre la guerre qu'il avait
engagé contre le Barrois, la Lorraine, le duché du Luxembourg et ajouta à cette liste le pays
messin. La ville de Metz décida de s'allier avec le duc de Lorraine et de Luxembourg pour
vaincre ce guerrier si redoutable. Ce dernier avait pris deux châteaux : ceux de Rodemark et
de Richemont. Ces deux places fortes furent assiégées en même temps par les Lorrains et les
Messins, WORMS; Histoire de la ville de Metz, p. 77.
225
[970]
Les Bourgongnons [et] lez Lorains
Composirent avec lez Metsains
Pour assiegier de ses fortresses
Qu'estaient tres malvaise plasses
[971]
Les Messains [et] lez Bourgongnons,
Adionctz ensambles compaigno[n)s,
Allerent assiegier ornelle
Qu'on dit Richemont sur Muselle. aoo
[972]
Tant y fure(n]t quelle fuit prise
Abbatue [et] par terre mise,
Qu'estoit une gra[n]t laronniere
Dessus terre [et] par la riviere.
[973]
Rodemarch dez Lorrains fuit prise,
La chose estoit aincy comprise
Pour estre plu tost ab bregee
Tout en ung tempz furent assiegee
[974]
Ce conte la estoit Franscois
Mais le roy de rien n'avanssoit
Car il estoit nuict [et] jour yvre
Grant bien fuit d'en estre delivre
3 04
302
Ces quatre derniers quatrains, (966, 967, 968 et 969) sont entièrement entourés par les
ajouts des précédents quatrains. Afin de mieux se guider, au moment où il aurait dû tout
remettre en forme, l'auteur a ressenti l'obligation d'indiquer à l'aide d'une flèche que le
quatrain 967 fait suite au quatrain 970. Cela peut ne pas paraître évident, mais sur le
manuscrit, il est important de rappeler que deux quatrains (964 et 965) sont écrits en petit
caractère en bas du feuillet. On aurait pu vraisemblablement être amené à penser qu'ils font
suite au quatrain 969.
303
Ancien château, commune de Richemont : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Fameck. Ce
château fut investi par les Messins afin d'en déloger le comte de Wurtembourg. Ils y
envoyèrent une forte armée composée de pas moins cent cinquante cavaliers et trois mille
piétons. Le 25 juillet 1483, le château fut rasé; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 77.
304
Lors du conflit qui en 1483, opposait le comte de Wurtembourg aux Lorrains,
Luxembourgeois et Messins, les Lorrains décidèrent d'assiéger le château de Rodemack qui
était un des repaires du comte. Pendant ce même moment, les Messins eux avaient investit
celui de Richemont. C'est ainsi que les Lorrains et les Messins purent se débarrasser de ce
comte ;Id., p. 77.
226
Quant le clochiez de mutte fait de piere 1483
[975}
En cellui an fuit despeschiez
Et essenis le gros clochiez aos
De mutte (et] la cloche fondue
Et on nueuf clochiez repandue
La guerre du duc Rene de Loraine
[976}
Quatorze cents octente [et] nueufs
Tous vielz debats devinre[n]t nueufz
Car guerre quiert toutte querelle
Vielles [et] jeunes tout renouvelle.
[977}
Adonc Rene, duc de Lorainne,
Sur lez Lorains avoit le rengne,
Duc de Bar, de Valdemont conte
Oyez qu'il advint de mon compte.
{976}
De son fol volloir incite
Prist guerre contre la cite
Mais avant qu'en fuit departie
Grant perte heurent les deux parties.
[979}
Prist au resmuer lez querrelles
Bonne, malvaise, vielle [et] nouvelle
Toutte questions hault [et] bas
Pour esmouvoir alcuns debas
[1489]
305
Comme il a déjà été écrit au quatrain 925, en 1468, un incendie se déclara dans les parties
hautes de la cathédrale ce qui détruisit la tour de bois qui servait de beffroi de la ville. La
cloche de la Mutte avait souvent été refondue et elle pesait de plus en plus lourd. Pour
accueillir cette cloche, les habitants de la ville de Metz demandèrent à Jean de Ranconval de
remplacer l'ancien beffroi de bois par une flèche en pierre pour contenir la Mutte. Les travaux
furent achevés fin de l'année 1482; La Cathédrale de Metz, dir. M. Aubert, p. 252.
306
Le folio 96 est manquant. On retrouve les quatrains relatifs à ce folio dans les copies de
manuscrit BM 848.
227
[980}
Puis fist dez chevalx destrier
Pour courir rober [et] pillier
Sur marchants (et sur laboureur
Et ny avoit rien que po(ur] eulx 3 07
308
Fo 97 ro
[981}
Ilz survint un tas de Gascons
Courir jusque Devant lez Ponts
Soubz le title de la baniere
Seigneur Joffroy de Bassompiere.
309
[982}
De lui fure[n]t bien advoez,
Ce fuit es advent de noel,
Qu'ilz prindrent le premier buttin
Et si fuit le premier huttin.
[983}
Puis apres six ou sept semmene
Des aultres courreur de Lorrain[n]e
Prindrent le chastel de Secourt 3to
Mais Metsains allerent a secours
[984}
Sens dire vigille ou sep salme
Fuit la pris le conte de Salme
Et avecq lui brief [et] court
Le beau Gerard de Heraucourt
307
Le duc de Lorraine était entré en guerre contre la ville Metz dès 1489, car il souhaitait que
les Messins lui accordent des remises de dettes. En effet, le duc de Lorraine avait participé
aux guerres d'Italie auprès du roi de France car il voulait récupérer le royaume de Sicile ainsi
que Naples. Son trésor était donc au plus bas. Il se mit à piller le pays messin, mais surtout il
engagea Hannes de Grantz qui était le fils de Grantz la grande Barbe, celui qui avait participé
auprès du duc de Lorrain Nicolas à la tentative d'investissement ratée de Metz. Hannes Grantz
voulut venger son père et il se mit à ravager le pays messin; WORMS, Histoire de la ville de
Metz, p. 78.
308
L'auteur, à l'aide d'un signe, a indiqué la consigne suivante: Tournez ung feuillet a telle.
Cette indication est suivie du signe.
309
Lors du conflit qui opposait le duc de Lorraine et Metz, le duc de Lorraine avait envoyé
certains de ses vassaux ravager le pays messin. L'un d'eux était le seigneur de Bassompierre.
Il était accompagné de Hannes de Grantz ainsi que du seigneur de Fénétrange; WORMS,
Histoire de la ville de Metz, p. 78.
310
Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny.
228
[985]
Et sy fuit pris George Denfer
Bien montez [et] armez de fer
Ung escuier tranchant a tau ble
Du prince qu'on nom[m]oit le baulle
[986]
Quant a la chasse [et) au combattre
Des gentilz hommes prindre[n]t q[u)atre
Amenez a Mets en prison
Pour desclairer le mesprison.
[987]
La ly tant furent saiges ne discret
Se desclairerent ilz le secret
Au seigneurs tout de bout en bout
Et la fuit sceu le vray de tout.
[988]
Le prince en heust grant desplesance,
Appresta toutte sa puissance
Quant il vyt la chose estre aincy
Assiega le moustier ~nc~ll
[989]
Par force avec trayson
Fuit pris [et] moustier [et] maisons
Grant meudre [et) gra[n)t sang respendus,
Y heust avis qu'il fuisse rendus.
[990]
Par conseil [et] d'accord uny
Allerent assieger Louveny at ,
Puis furent pris, ars [et) brulle '
Tuez, noyez, pattibullez.
311
Le duc de Lorraine envoya son armée assiéger le châ eau d'Ancy qui appartenait aux
Messins. Mais ces derniers ripostèrent en assiégeant Nom
où ils firent de nombreux morts
car ils avaient engagé une forte armée composée. de Messins mais aussi de nombreux
étrangers dont des Bourguignons, des Français, des Lombards, des Espagnols, des Allemands.
Cette guerre dura de 1488 à 1493 sans qu'aucun des deux partis n'eut de victoire décisive;
WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 85.
312
Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Verny.
229
\)
[991]
Touttes lez places furent prises
Ou que garnisons estoit mises,
Rien ny vallu t fortiffieer
Cest follie de s'i fier.
[992]
Puis revindrent a Sai[n]cte-Ruffine 313
Il nest si grant jour qui ne fine
Quant toutte heurent gastee la terre
Furent la jusque a fin de guerre.
[993]
Pour mal faire [et] plus de dom[m]aiges
Brullerent tres tous lez villaiges;
Par toutte la terre de Mets
Pires gents ne furent jamais.
[994]
Ny resta plaice que Very 314
Que fuit exempte du peril
Car deffendre c'est gra[n]t pen[n]e
S'ilz n'y a vaillant cappittaine
[995]
Lez messains sans estre esbahys
Brullerent moult de son pays
En Lorain[n]e, en duchie de Bar
Et Allemangne [et] aultre part
313
Le premier document connu attestant le nom de Sainte-Ruffine date de 927. Au cours du
Moyen Age, Sainte-Ruffine ne possède pas un grand tenitoire et elle dépend de la mairie
messine d'Outre-Moselle. Toutefois, les nombreuses guerres qu'a du supporter cette région
1' obligeait à se défendre. Chaque village possédait alors soit une église, soit une maison forte,
soit les deux et les habitants étaient soumis à un « service militaire» afin de permettre la
défense du village à chaque menace sérieuse. En 1484, le duc de Lorraine et roi de Sicile
René II fait élire évêque de Metz, son grand-oncle Henri de Lorraine-Vaudémont. Il espérait
ainsi conquérir plus facilement la cité. Mais il n'y parvint pas. Aussi, en 1489 le seigneur de
Bassompierre alla défier la ville et la guerre éclata. Ars et Ancy furent incendiés et Moulins
prit. Le duc René II établit son quartier à Sainte-Ruffine où il résida du 3 au 28 avri11490. Le
duc de Lorraine demanda au seigneur de Baudrecourt d'entamer des pourparlers de paix. Mais
les tractations échouèrent et le duc René II quitta Sainte-Ruffine et se retira à Pont-àMousson; MOPPERT, Sainte Ruffine en Val de Metz, p. 21 à 69.
314
Vry: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Vigy.
230
[996]
Lui desirant la paix ou treuve
Manda l'esvesque de Trieuve a1s
Qui vint a noble convenant
Et fist la paix pour ung an.
[997]
Et apres cel an revollus
De guerre on estait resollus
A trieuve en fuit la paix oultree
fylais ce fuit unne paix faulcee
[998]
'---------Ell€--ne vallu t pas ung clos
Car lez chemins estait clos
Et ·pour en faire l'ouvertture
D'argent fallut grant forniture
[999]
\
Les grants savaient en effet
Com[m]ant la paix en estait faitte
Mais tous lez Metsains ne Lorains
N'en sceurent manants ne foirains
Commanceme[n]t de Jehan de Landremont
{1000]
La guerre fuit par trayson
Conduitte toutte la saisons
Par un faulx traystre metsain
Auquel le fait fuit tres malsain
316
315
La guerre que le duc de Lorraine avait engagée avec Metz, était une guerre
d'escarmouches et dans ce conflit le duc avait souvent le désavantage. Le duc de Lorraine
avait hâte d'obtenir la paix, d'autant plus que le roi de France Charles VIII restait neutre. La
paix fut signée le 22 juin 1490, grâce à la médiation de l'archevêque de Trêves ainsi qu'à la
ville de Strasbourg. Effectivement cette paix ne dura qu'un an puisqu'en novembre 1491,
Jean de Landremont été exécuté car le duc de Lorraine ne respecta pas la paix avec une ville
qu'il voulait abattre. Les Messins firent de nouveau appel à l'archevêque de Trêves pour que
ce dernier oblige le duc de Lorraine à respecter la paix signée un an plutôt ; WORMS, Histoire
de la ville de Metz, p. 83.
316
L'auteur indique ar la note suivante: Cez cinq coupplets sont
d'un article. L'auteur
indique que les cinq prece ents qua rat
regroupes. n effet, l'auteur, par
manque de place a ajouté des quatrains supplémentaires dans les deux marges du feuillet et il
est difficile de suivre sa logique. Cela sera observé et complété après le quatrain 1006.
231
[1001]
Le traystre a ce cas propice
Estoit un seigneur de justice
Que on cuidoit ferme [et] discret
Mais tous revelloit lez secrets.
[1002]
Du duc il avoit pencion
Fondee en malle intention,
Esperant a delivrer Mets
A cellui duc a tousiours mais.
[1003]
En ung lieu secrets folloit mettre
Tous lez secrets escript p[ar] lettres
Par ung espie estoit cherchiez
Le lieu ou ceu estoit quachiez.
[1004]
Ce traystre no(m]mez par nom
Estoit Jehan de Landremon
Par boureau divisez en Chambre
Fuit son cuer [et] ses quatre mambres.
[1005]
La teste au debout d'une lance
Et ses mambres a q[u]atre potences
En quatre lieux autour de Mets
De telle estouffes mauvais mes. 317
318
317
Le duc René II de Lorraine souhaitait investir Metz, mais il n'avait pas de moyens
militaires suffisamment importants pour pouvoir assiéger la ville. En novembre 1491, il
décida grâce à un de ses pensionnaires, Jenon de la Molise, de prendre contact avec l'un des
patriciens de la ville de Metz, membre des Treize, Jean de Landremont. Ce dernier s'était
engagé à livrer la ville au duc et pour cela, il avait attiré dans son complot le gardien de la
porte Thieffioy, Charles Cauvellet. Ce gardien, qui avait les clefs de la porte, devait ouvrir le
passage aux Lorrains. Le jour de la ïete de sainte Catherine fut choisi pour investir la ville
mais de fortes chutes de pluies reportèrent le complot au lendemain. Pendant ce temps
Charles Cauvellet, assailli par le remord, voulu se retirer de la conspiration. Il dénonça alors
Jean de Landremont et révéla tout au conseil de la ville. Jean de Landremont fut donc
convoqué devant ses pairs et exécuté en 1491 ; WORMS, Histoire de la ville de Metz, p. 81, 82.
318
Le titre qui suit est écrit dans la marge gauche du manuscrit. L'auteur a ajouté les quatrains
1006 jusqu'à 1015 dans les marges droite et gauche de deux feuillets. Après avoir fini un
feuillet, il a écrit sur le précédent pour commencer son ajout de quatrains. Comme il fut
difficile de suivre la logique de l'auteur, j'ai suivi l'ordre qui a été institué dans les copies de
ce manuscrit et notamment celui de la Bibliothèque Nationale BN 14527-18907 qui semble
être le plus proche du manuscrit étudié ici.
232
Quant l'empereur Maximilian vint a Mets
[1006]
L:an mile cincents septe an moins 319
Je mes mon scens pour c'est tesmoing
Que l'empereur vint a gra[n]t nombre
De noblesse a Mets en novembre.
[1007]
La sepmene sainct Martin d 'yvers
Estoit le tempz si tres divers
Et de meurisons si estrainge
Que c'estoit la force de vendange
[1008]
Car a la sainct Remy devant
Fuit en vielle vigne ou provent
On ny trouvoit raisin mellez
Ne bien peu grains de tallez
[1009]
Tou ttefois l'estez sain ct Martin
Fut sy doulx et soir [et] matin
Que la vigne tint sa verdure
Et fuit vin de bonne nature
[1010]
On en fist de bon vin claret
Qu'on le vendit bien sens arest
Et en fuit assez par raison
Selon la diverse saison.
[1011]
L'an apres co[mm]e riviere avalle
Des Volgiens lez premier walle
De planches passère[n]t parmy Mets
Ou passez on n'avoit jamais 320
319
L'empereur Maximilien de Habsbourg (1493-1519) qui avait épousé l'héritière du duché
de Bourgogne, Marie de Bourgogne fille de Charles le Téméraire, vient à Metz, non pas en
novembre 1506 comme l'auteur de la chronique le suggère, mais à deux dates différentes,
ce
100 qui se trouve dans a marge u em et et qui a donc fait l'objet d'un ajout postérieur à la
première rédaction du manuscrit. Mais peut-on vraiment penser que cette erreur de datation
est le fruit de l'inattention de l'auteur?
320
L'auteur indique, à l'aide d'un signe que les six quatrains qui suivent se trouvent en bas du
feuillet suivant. Afin de mieux suivre l'auteur, je me suis référée à la copie du manuscrit de la
Bibliothèque Nationale. Il a indiqué, à l'aide d'un signe, à côté du quatrain 1012, la mention
suivante : « Retournez devant a telle enseigne ». L'autre signe auquel il fait référence se
trouve devant le quatrain 1011.
233
[1012}
\
[1507)
En l'an mile cincents [et] septe
Aincy est escript en recepte
La sepmene du nouvell an
Ceu qui advint nouvellement
[1013}
Nouveau doyen, nueufve maison,
Nouveau horeau nueufve prison
Jeune lairon nueufve cordelle
Gibet tout nueuf [et] nueufve eschelles
[1014}
Nouvelle place en fuit dressier
Tout fuit novel encommanciez
Le boureau a ceste justice
Commanssa sa premiere office
[1015}
En celle nouvelle sepmene
Advinrent cez nouvelle estraine
Ce fuit ung laid commencement
Et toujiours laid consequement
[1016}
Et fuit en la fin de Bourny
Que ce mistere fuit fourny
Mais le doyen [et] sa maison
Et le boureau [et] la prison
[1017}
Cela estait de la cite
Mais pour estre a tous recite
Ce fuit la malleureuse annee
Et tous malz tres mal fortunee
[1018}
a21
En l'an mile cincentz [et] dix
Aincy que les croniq[ue]z dise
Fuit attrappez ung malfaicteur
Qui usoit mal [et] de faulx tour
[1510]
1
[1019}
On fist en cest an au q[ua]rtal
Ung fournel dever lez estalz
Tout rond clos [et] fermez de pierre
Et du dedent une chauldiere.
321
Dans le manuscrit 848, les quatre quatrains ( 1 018 à 1021) qui suivent, se trouvent, pour les
deux premiers, dans la marge droite du dernier feuillet du folio 98 et les deux suivants dans la
marge gauche du premier feuillet du folio 99.
234
[1020]
La fuit instruit ceste ediffice
Pour justicier le malefice
Pour cuire, boullir [et] noyer
Ung qui estoit faulx monnoyer.
[1021]
Il faisoit dez gr[an]ts bla[n]c de roy
Contreffaicts [et] de faulx esloy
Et pour tout ceu estre abollis
Il fuit l'aue elle bouillis.
F 0 99
[1022]
L'an mile cincents dix septe
Comme est escript en maint receptes
Survint grant persecusion
Au monde [et] tribullacion.
1
[1023]
Au mois d'apvril [et] may voisins
En vigne avoit tant de roisins
Quoncque ne fuit telle habundance
Mais fortune rompit la dance.
[1024]
Huictz nuictes l'une apres l'aultres
Gella addes sens nulle faultes,
Tant que par monts [et] p(ar] valles
Touttes vignes furent engellees.
[1025]
Par gelee vin, soille [et] fruictz
Furent confondus [et] destruits
Et en hestez neust nulz herbaiges,
Ne foin en preis ne pasturaiges.
[1026]
Vin, fruictz, poix, feves, awaine [et] bledz
Furent en pris si hault redoublez
La quarte vingt solz on greniez
Et le vin a dix huictz deniers.
V
0
[1517]
235
Fo 100 ro
[1027]
Ce fuit la malheureuse annee
Meschant chescune [et] fortunee,
Quant lez vignes sont engellees
Touttes joyes sont ravallees.
[1028]
Cest malvais temp pour lez meschant
Mais cest bon temp pour les marcha[n]t
Qu'ont plains celiez [et] grenierz,
La assamblent tout lez deniers.
[1029]
Fortune en sa mobilite
Envenima mortalite
Pour la pugnicion seconde
Et vint grant pestillence au monde.
[1030]
Et la tierce se fuit le guerre
Sur lez Metsains [et] sur le[u]r terre
De feu [et] daultres malz mortal
Par ung villain nommez Burtal322
[1031]
Piere Burtal mal fortunez
Fuit en Mets nouris [et] nez
Mais depuis y fist du mal tant
Qu'il fist guerre plus de trante ans.
Fo 100
[1032]
V0
Jehan Roucel noble signeur 323
En sa jeunesse [et] gr[ a] nt valleur
Estait lors en auctorite
Maistre escheving de la cite.
322
En 1512, Pierre Burtaux s'engagea dans un conflit contre l'autorité de la cité. Cette
dernière lui avait refusé la jouissance d'un héritage au profit du trésor public ; GAN1ELET,
Entre France et Empire, Metz, une conscience municipale en crise, p. 10.
323
Jean 1er Rou cel, écuyer fut maître-échevin en 1508 et 1517 et échevin du palais. Il mourut
le 4 octobre 1521 ; D'HANNONCELLES, Metz ancien, t.II, p. 229.
236
[1033}
Le puple fuit persecuttez
De chier tempz [et] mortalite,
De fouldre tempeste [et] orraige
Que sur les biens fist grant domaige.
La guerre de Francis
324
[1034}
L'an mil cinq cent [et] dix huictz,
Aincy que fortune a sa suitte,
Burtal heu t la teste coppee
Qu'avoit mai[n]te foix eschappee.
[1035}
Son nom estoit Piere Soffroy
Que maintes malz fist [et] souffrait
Faire aux laboureux [et] march[a]nts
Sur les villaiges [et] sur les champs
[1036}
En cel an au moix de septembre,
Lez blancs roisins plus jalne qu'embre
Et noires preste a vendengier
Furent en grant perilz [et] dangier.
[1037}
Quant malz sur mal vient tout s'empire
Ung cappittaine de l'ampire 325
Vint a siege devant la ville
Acompaigniez de trante milles
[1038}
Son oste estandars [et] ba[n]nieres
Et son campe mest a Valliere, 3 26
Loges, tavernes, hostelleries,
Puissance [et] grosse artherllerie
(1518)
324
Il s'agit de Franz de Sickingen (1481-1523). Ce personnage fait partie des chevaliers
d'Empire et il est autant mercenaire que brigand. Il se rallie à la religion réformée. Il
s'emploie surtout à partir de 1514 à piller et rançonner Metz ainsi que ses marchands. Il finit
par assiéger la ville d'août à septembre 1518; GANTELET, Entre France et Empire, Metz, une
conscience municipale en crise, p. 10.
325
Pierre Burtaux avait légué ses droits à Philippe Schluchterer, comte d'Effenstein et à Franz
de Sickingen (1481-1523). Ils assiégèrent la ville d'août à septembre 1518. Pour achever la
guerre, la municipalité décida de payer le départ des mercenaires. Quoiqu'il en soit les routes
ne furent pas plus sûres et les marchands messins ne purent fréquenter davantage la foire de
Francfort; Id., p. 11.
326
Vallière: Moselle, arr. etc. Metz.
237
[1039]
Les plaices tres malz deffendues
Furent incontina[n}t rendues
Cest assavoir Viller 327, Pontoy
Sorbellez 3 28 Estangz 3 29 [et] Montoy.
[1040]
La ville assiega de sy pres
Qu'il tirra au murs de Mets
Et tout dedent de tret de pouldre
Fort impetueux com[m]e fouldre
[1041]
Les bestes prindre[n}t dez villaiges
Et de feu fire[n]t grant dom[m]aiges
En maintes lieux p[ar] la constree
La chance fuit mal ronconstree.
[1042]
33o
Ce cappittain[n}e fort ou foible
N'estait gentilhom[m]e ne noble
Quatrevingt huit pourtoit en son escus
"'Sens nom ttltre que Franciscus.
327
Viller : Villers-Laquenexy : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Pange
328
Sorbey: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Pange.
329
Les Etangs: Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Vigy.
330
Montoy : Moselle, arr. Metz-Campagne, c. Pange.
238
[1043]
Le Ringrave en traicta la paix 331
Mais sur la cite fuit la faix
Grant somme d'arge[n]t en co[n]vint t[ra]ire
Empruntez sur le popullaire. 3 32
[1044]
Le pouvre puple resiouy
Se retirrent au pays,
Car lez bestes en petit termine
Souffrirent a Mets grant famine.
[1045]
Ce cappitainne estoit causez
Faul [et} de pluseurs acusez
Quilz estoit de faulce eloquence,
Mais je nen scay la consequence.
[1046]
Depuis morut en grant destresse
Par trect de pouldre en sa fortresse,
De trois princes fuit assiegiez
Et de ses mesfaicts corrigiez.
Quant la duchesse de Loren[n}e fust a Mets logiee on Passetemps et le duc
passa p(ar] sur le pont Thiefroy allant logiez a Mollin retornans de saincte
Barbe
[1047]
Par mile cincents vingte troye
Passa par sur le pont Tyffroy
Tout du loing le duc de Lorain[n]e
Et sa noblesse en beau deme[n]ne
(1523]
331
Le capitaine d'Empire Philippe Schluchterer pillait tout le pays messin et en 1517, la cité
envoya une plainte à l'empereur. Celui mit le mercenaire au ban de l'Empire et de leur côté
les Messins mirent sa tête à prix. La rançon s'élevait à cent florins. En même temps il
cherchait à négocier la paix avec Schluchterer et ils demandèrent au Rhingrave d'Allemagne
de s'entremettre pour négocier la paix. Mais Schluchterer répondit par le défi et des sommes
exorbitantes. Il alla jusqu'à bombarder la ville. Ces coups de canon ne firent pas grand mal
mais les Messins furent très impressionnés. La paix fut obtenue le 7 septembre 1518 et les
Messins versèrent la somme de vingt-quatre mille florins d'or; WoRMS, Histoire de la ville
de Metz, p. 90, 91.
332
Après ces deux mois de siège, les Messins devaient donc payer le départ des brigands. La
ville depuis 1514 avait bien tenté d'organiser sa défense, mais ses habitants avaient montré
quelques difficultés pour participer à la protection de leur cité. En 1518, les habitants
accepteront de payer qu'à la condition d'être remboursés. Ils souhaitaient pour cela que leur
nom soit enregistré; GANTELET, Entre France et Empire, Metz, une conscience municipale en
crise, p. 22.
239
333
[1048}
En retournant de Saincte-Barbe
Son armee [et] son avan garde
A Mollin firent leur desjun
Par le nueufvieme jour de jung
[1049}
Et apres lui vint la duchesse
Aomee de grant richesse,
A Mets entra moult noblement
Fuit receupte honorablement.
[105'0}
En Passetempz 334 Oultre Muzelle
La princesse [et] ses damoizelles
En solas [et] en grant deduit
Furent la deux jours [et] deux nuict.
[1051}
Et quant prist son departeme[n]t,
Alla diner a sainct Clement
Apres diner monte aux arsons
Et retourna au Pont a Mousson.
De la grande geHee quil fist faire a la sainct Martin
[1052}
En cellui an cin cents vingt [et] troys
Commenca l'yver sy destroy
La vigile de sainct Martin
Que partout fist tres gra[n]t huttin
[1053}
Car il gela sy tres fortement
Qu'engelez furent lez froma[n]t
En terre par sy gra[n]t merveille
Que nulz n'avoit veu la pareille.
(1523]
333
Du 18 au 20 juin 1523, le duc Antoine de Lorraine, son épouse la duchesse Renée de
Bourbon ainsi que son frère François, accompagnés de près de 600 chevaux, se rendirent en
pèlerinage à Sainte-Barbe. Ils sont accueillis dans les châteaux de la noblesse messine. Le duc
n'entre pas dans la ville, car il est accompagné de beaucoup trop de monde, d'après lui. Dans
un premier temps, il séjourne au château d'Ancerville de Nicolas Raigecourt, puis à SainteBarbe chez Nicolas Baudoche. Il demande, en revanche, à son épouse de séjourner à Metz ;
Id, p. 30.
334
Cet hôtel avait été construit par Pierre Baudoche entre 1485 et 1488. Il était situé à
1' emplacement de 1' actuelle maison Sainte-Constance, entre la Moselle et la Vincentrue ;
PROST,« Le Passetemps »,L'union des Arts, p. 249 à 273.
240
[1054]
En vigne, en arbres, en masnaiges
Y heust par tout sy gra[n]t domaige
Ez fruictz cueilliez pour la saison
Gaiste furent en maintes maisons.
[1055]
Et puis sens grandz nesges ne pluie
Vindre lez eavves en tel deluge
Plus grandes en rivieres (et] estampz
Que n'avaient estez en cent ans.
[1056]
L'an mile cin cents vint quatre
Astrologiens vendaient lettres
Disant pronosticacions
Que tout seroit a perdicion
[1057]
Car la pugnicion de Dieu
Estoit prinse en plusieurs lieux,
Dont le puple estoit esbahys
Par plusieurs citez (et] pays.
[1524]
Fo 103 ro
[1058]
Mais plusieurs bons seigneurs d'esglises
Firent a Dieu de beaux servises
Et le puple en devolcion
Et Dieu leur fist remission.
[1059]
Et fuit le temp mieulx disposez
Que ilz n'avaient proposez
Qu'en Eu roppe le dernier climaux
Signifiaient moult de maulx.
[1060]
De mortalitez (et] de guerres
De fouldre [et] tramblement de terre
Des eavves en sy gra[n]t superflus
Et lez aultres brullez par feus.
[1061]
Dieu tourna leur philizophie
En simple philozofollies
Oncques hom[m]e ne sceut regle mettre
Que Dieu ne fuit par dessus mestre.
241
[1062]
Mais ceste annee malheureuse
Fuit au pouvres gents dolloreuse
Car le plus dez fruicions
Tomberent a perdicion.
[1063}
Le septieme jour de jullet
Estoit tant beau le vernilet
Et lez vignes en gra[n]t portee
Cellui jour furent tempestee.
Quant la maison du maistre d'hostel de Gorze fuit fouraige par lez muttins
[1064}
Et en y celle annee propre
A l'esglise vint g[ra]nt opprobre
Par ung augustin g[ra]nt docteur 335
Qui estoit grant predicateur
[1065}
A Mets prescha ung caresme
Devant g[ra]nt puple hommes [et] femmes
Qui en sa predicacion
Avoient grant devolcion.
[1066}
Les ordinaire par envie
Qui l'amoie[n]t mieulx mort que vie
Le prindre sy fort a hayr
Qu'il consenterent a le trahyr.
[1067}
Ung chan[n]oine malicieux
Parla a ung religieux
Du couvant d'icellui docteur
Lequel lui fuit fault trayteur
[1068}
Tant fist quille mena dehor
Et en receupt trente escus dor
Le livre a ses annemis
En piteuse prison fuit mis.
335
Jean Châtelain, moine augustin, originaire de Tournai.
242
{1069]
Pris d 'ung maistre d 'hostel de Gorze
Furieusement par la gorge
Disant : « chanoine suis de Mets
Ou tu ne rentreras jamais. »
Fo 104 ro
[1070]
« Tu
/1071]
Crois que tu en seras pugnis »
Lors l'emmenerent a Nomeny 336
En charxtre fuit mis saol on sain
Condempnez a l'eaue [et] au pain.
/1072]
Leans fuit des la penthocoste
Mal nourris [et] tres chier lui couste,
Jusque janvier onzieme jour
Le lendemain fina son cours.
/1073]
Les clercs le prindre[n]t a leur advy
Et de la fuit menez a Vy 337
Et brulez fuit de leurs conclus
Fuit tort ou droit, je n'en dis plus
[1074}
Monseigneur le grant com[m]andeur
De sainct Anthoine 338 sens demeur
Son exploit fais s'en vint a Mets
Servis fuit d'ung perilleux Mets.
[1075/
Par le jour de la sainct Felix
Fuit perdue raison [et] police
En ung turbe de villains matins
Laroncelz, pillairs [et] muttins.
336
337
as preschiez de nostre estat
Je te hay plus c'ung appostat
Et touchiez sur lez gents d'esglise
Maintenant te tiens a ma guise.
Nomeny: Meurthe et Moselle, arr. Nancy est aussi la prison de l'évêque.
Vic-sur-Seille: Moselle, arr. Château Salin.
338
Théodore de Saint-Chamont, vicaire général du cardinal Jean de Lorraine, abbé général des
Antonistes, a présidé à l'exécution de Jean Châtelain; WORMS, Histoire de la ville de Metz,
p. 94.
243
Fa 104 va
[1076]
Pippeurs) trompeurs) gents survenus
Iceux affamez [et] tout nus
S'assemblerent par grant moncelz,
Groullant) ruminant, com[m]e porcelz.
[1077]
Sens craindre Dieu ne le[ur] signeurs
Eschauffez [et) plain de fureur
A malvais conseil tous enclins
Sens penses ou gisoit la fin.
[1078]
Souldain com[m)e le tonoire tonne
Devant Phostel de sainct Anthoine
S'assambla une garnisons
Et efforcerent la maison
[1079]
Cuidant tuer le come[n]deur,
Mais p[ar] l'ayde de nos seigneurs
Qui estoient toussez amis
Fuit salvez de ses annemis.
[1080]
Et puis qua[n]t ilz vire[n]t leur falte
Ailleurs, ailleurs, aux aultres, aux aultres
Allons efforciez nostre noise
Sur le maistre d 'hostel de Gorze 339
[1081]
Aincy sens rymes ne raison
Fuit fouragie la maison
Plainne de biens innumerables
Et de richesse inestimable.
Fa lOS ra
[1082]
Car l'hostel estoit sy comblez,
De vin, de boix, d'awanne [et] bledz
Grande vasselles d'argent [et] d'or
D'habundant richesses [et] tresors.
339
Le chanoine Martin Pinguet, administrateur des biens de l'abbaye de Gorze et gouverneur
de cette ville au nom de Jean de Lorraine, abbé commanditaire de Gorze, a procédé par son
intermédiaire à l'arrestation de Jean Châtelain, Id., p. 94.
244
[1083]
Or fuit le tresor tost pilliez
Et le meilleur desperpilliez
Arches [et) couffres escraventez
La estait tres grand cualtez.
[1084]
Puis q(ua)nt to[us) biens furent vuidiez
Comme murdreux [et] oultrecuidiez
Destromperent fenestres [et] murraille
Sens lasser angons ne ferraille.
[1085]
Or par grace du sai[n)ct esperit
Fuit tantost ung grant conseil pris
Des seigneurs sens dilacion
De ceste tribulacion.
[1086]
Encherchient a leurs bougeais
Se contre eulx alcuns se bougois,
Mais ilz les trouverent bien fermes
Et puis lez firent mettre en armes.
[1087]
De nuict allant p[ar) la cite
Cherchant ceste mondicite
Et furent mis toussez mutins
En prison devant le matin.
[1088]
Pour radressier les forvoyez
Lendemain en furent noyez
Devant l'hoste! de sainct Anthoine
Trois des plus malvaise personne.
[1089]
Et plusieur de mort resplegiez,
L'ung bannis, l'aultre fmjugiez
Et tout le buttin reportez
Honteusement [et) tous nattez.
[1090]
Ung tas de folz mal ennortez
Mirent hors de captivite 340
De la cours l'esvesque ung prison
Dont ilz firent grand mesprison.
340
Les émeutiers avaient libéré Jean Védaste qui était Luthérien, Id, p. 95.
245
[1091]
L'an vintg cinq [et] quinze cent
Fuit le roy Francoy nom puissant
Et perdit sens paralisie
Ses forts mambres devant Pavie 3 41
[1092]
Car malheur lui fist tel destourbe
En le tombant desoulz la bourbe
Ou il cheust par fortune instable
Prisonnier soubz son co[n]questauble.
[1093]
En bataille d'esppees [et] de lances
En la grand puissance de France
Et la grand forces dez Franscois
Sy fors n'est qu'aussy fort ne soit
[1094]
Par la prouesse de Bourgoigne 342
Fust eschevee la besoigne
Et furent les François battus
Et leur hault orgueil abbatus.
[1525]
341
Depuis la victoire de Marignan en 1515, le roi de France, François 1er poursuivait le rêve
italien des précédents rois. Mais les défaites successives pendant les guerres qui l'opposaient
à l'empereur Charles Quint lui firent perdre le Milanais et Naples en 1520. Le roi réagit et en
1525 s'engage dans un conflit, qu'il perd à Pavie. Le roi est emprisonné à Madrid. Il rentre en
France seulement en mars 1526; JACQUART, François
p. 80.
rr,
342
Lors de son emprisonnement, le roi dû signer le traité de Madrid (1526) qui fait suite à la
bataille de Pavie. Une des clauses stipule que François 1er devait abandonner le duché de
Bourgogne au profit de Charles Quint, Id, p. 82
246
Du seigneur Humbert de Serrier 343 qui tua ung beucher a la porte
serpenoise
[1095]
Ainsy que fortune a son tours
Attournes en perilleux jours
Ou que son malheureux roy chies
Sont aulcuns en piteux meschief
[1096]
L'an cincq cens vingt cincq [et] mille
Ung noble homme hors de la ville
Devant la porte Serpenoise
Fuit souppris de tres apre noise.
[1097}
Par courroux et ch ault scens troublez
Fust d'entendement aveuglez
Luy jeune homme despris souldain
Fist ung coup mortel de la main.
[1098]
Neantmoins par grand sapience
Fut pris en bonne pacience
Et le cas si bien ordonnez
Que tous malz furent pardonnez.
l
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'
343
Les Serrières étaient originaires du marquisat de Pont-à-Mousson. Cette famille s'établit à
Metz au XIVème siècle. Humbert de Serrières, fils de Conrad de Serrière, chevalier en 1498,
fut maître-échevin en 1472 et 1492. Il est le représentant du paraige de Port-Sailly. Sa mère
Claude Baudoche est fille de Pierre Baudoche écuyer. Humbert était certainement écuyer et
seigneur de Saulny, probablement né en 1502. Il fut mrul:re-échevin en 1520. Il vivait encore
en 1540. On ne lui connaît pas de postérité; D'HANNONCELLES, «Metz ancien», t. Il, p. 246.
Humbert de Serrière se trouve aussi sur la liste des sept de guerre dont il est membre dès
1522. L'établissement des sept de guerre date de 1323. Les sept de guerre organisaient tout ce
qui était relatif à la guerre, c'est-à-dire l'engagement des troupes et des soldats, les opérations
tendant à repousser 1' ennemi ainsi que les traités de paix. Ces sept officiers étaient choisis par
voix du sort, un dans chacun des paraiges et deux dans celui du Commun. Leur charge qui
avait d'abord une durée de deux ans devint par la suite annuelle.
247