Mémoires de Philippe de Vigneulles (1471-1522). Edition critique du manuscrit Paris, BNF nouv. acq. fr. 6720

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Mémoires de Philippe de Vigneulles (1471-1522). Edition critique du manuscrit Paris, BNF nouv. acq. fr. 6720

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Description

2015

Sujet

fre
Édition semi-diplomatique du manuscrit, dans le cadre d'une thèse de l'École nationale des Chartes : p. 27-376 du t. I du mémoire.

Type

fre Metz (Moselle)
fre Chronique

Format

fre texte

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Edition des Mémoires de Philippe de Vigneulles

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Philippe de Vigneulles, Mémoires, manuscrit BnF, nouv. acq. fr. 6720.

Signes employés :
venoit : lettres barrées par l'auteur
^venoit^ : ajout interlinéaire
+venoit+ : ajout marginal
[-] : lettre(s) ou mot illisible(s)
[v...] : mot en partie lisible, le nombre de points correspond au nombre de lettres non déchiffrées
ven[oit] : lettre(s) et mot(s) appartenant aux parties mutilées du manuscrit, rétabli(s) d'après l'édition de
H. Michelant
y_olt : mots agglutinés par l'auteur
mon-seigneur : mots séparés par l'auteur
seigneur : développement des abréviations
(10) : page du manuscrit

(1) On non de Dieu le Perre, le Filz et le Sa[inct] Esperit qui est ung seul Dieu en trinité, soi[t]
acomencés cest ewre, ^par^faictes et achevié. On dit tout comunement que en touttes chose y_ait ung
acomencement, et pource que mon intancion est de escripre en ce petit traictiet la plus-part de touttes
les adventure, bonne et malvaise, que en mon tampts me sont advenue, et aussy plusieurs aultre diverse
fortune et advenue que durans mon tampts et desquelles j'ay heu congnoiss[ance], tant en guerre comme
aultrement, sont advenue tant en France, en Ytallie, en Allemaigne et en Loraine, et principallement en
la noble cité de Mets, de laquelles plus que ^de^ touttes les aultres je pretans à_pairler. Et pour_ce, tout
premirement, je veult escripre le tampts de ma nativité et de quelle gens je suis extrait ^et venus^, affin
que ceulx venent ^qui vanront^ aprés moy ne ce orgueillissent de leur genealogie et de leur anciens
parans, mais en toutte humilités il veullent[t] vivre comme il ont fait, cen voulloir prandre plus grand
estas, sinon doncques que leur office ou praticque le requier, laquelles chose il pouro[nt] cen ce en
orgueillir. Or venons doncque.
A Lorey, devent Mets, y_olt jaidit ung bon hom[me nommé] Jennat Royne, lequelles avoit essés
competanm[ent de] biens de fortune pour avec la paine de son [corps] ce gouverner et entretenir. Cellui
Jennat [avoit de] Collette Royne sa femme .V. filz. Le premier fu[t] (2) Geraird Royne, le cecond Jehan
Geraird, le thier Jehan Jennat, le quairt Jehan Audelliatte, et le .V. e fut appellés Collignon de Chaistel ; et
la diversités de leur sournon leur fut ausy ainsy mis pour l'amour dez personnaige avec qui il furent
nouris en leur jeunesse. Entre yceulx filz, Jehan Geraird fut celluy qui me enjanrait et me nourit.
Or venons à dire qui fut ma mere. Au villaige de Noeroy devent Mets, on troupes c'on dit
en_son Noeroy1, y_olt ung bon homme nommés Mangin Soult. Cellui paireillement n'estoit pas des plus
riche, ains vivoit de la labour de son corps parmy ung peu de bon herritaige qu'il avoit. Or ce mariait à
une jonne fille du lieu meysme, nommée Aubi Abillette, et fut celle Abillette en sa premier annee
ensainctes d'une fille. Mais ainsy comme il pleut à Dieu, cellui Mangin Solt escheut mallaide, de laquelle
malladie il mourut avent et ainssois que sa femme fut acouchee ne delivree de sa pourture, ne avent qu'il
solt à_vray c'elle estoit ensaincte on non. Or advint le jour qu'elle delivrait, et fut celle fille à sainct fon
de baptesme apellée Maguin.
Celle Abillette sa mere, environ ung ans aprés, ce remariait et fut donnee à ung bon homme
essés [an]siens demourant à Vignuelle devent Mets, nommés [Jeh]an Poinsay. Cellui Jehan n'avoit estoit
riche homme [et] n'avoit jamaix heu anffans, ne n'olt encor de-[pu]is. Et aincy vous oyés coment la jonne
fillette [Ma]guin, elle estant jonne orfe à_la mamelle, fut [pour]tee de Noeroy à Vignuelle et fut nourie
(3) essés powrement et rudement, et plus de sa mere [que] de son pairaiste, et tellement que a-lors et en
l'e[spaice] de .XIII. ans qu'elle fut mariee, jamais n'avoit pour[té] sollés au piedz ne cowrechief sus la
teste, comme je lui ait oÿ dire et certiffiés et que plusieur le tesmoign[ent].
Or disons coment elle fut marié. Cellui Jennat Royne de Lory cy devent escript estoit pairans à
1 en son Noeroy : en haut de Noeroy [Michelant].

2

celluy Jehan Poinsay, perre ^pairaitte^ à la devent dite fille, par_quoy il traitairen[t] le mariaige ensamble
d'icelle fille aigee de .XIII. ans et de Jehan Geraird, anffans audit Jennat, aigiés de .XXV. ans. Touteffois
les nopce furent faictes et la sollainités, et demourairent emsamble à Vignuelle avec le dit Jehan
Poinsairt. Et ce y gowernait tellement le dit Jehan Geraird que ledit Jehan Poinsairt, à_la fin de ces jour,
le fist mambour[t] de tout le siens, et acquaistait le dit Jehan Geraird aus hoirs tous les herritaiges qui
furent au dit Jehan Poinsairt.
Or creust la dite Maiguin sa femme en beaulteit et en science, tellement que quant elle vint à
avoir ces aise, c'estoit l'une des belle jonne femme pour une petitte femme que l'on sceust trow[er] en
tout le païs et qui sçavoit le mieulx dire, et [ce] faisoit aymer de jantil et de villain. Et n'y avoi[t] de
femme on païs qui mieulx sceut chanter d'ell[e, et] estoit toutte joieuse et toutte plaisante. Quant el[le
fut] en eaige competant, elle olt plusieurs anffan[s]. [Elle] olt ung filz nommés Jennat Royne, aprés ung
[aultre] filz només Mangin, et moururent yceulx anff[ans] depuis qu'il estoient grandellet et qu'il
sçavoi[ent lire] et escripre. Aprés, olrent une fille nommee [Collette] ; (4) celle fille fut mariee à Mets,
comme cy aprés serait dit.
Item, en l'an de l'incarnacion nostre Seigneur mil .IIIIC. LXXI. ans, par ung jour de vandredi on
moix de jung, environ la Panthecouste, la dite Maguin Poinsay ma mere delivrait de moy et fut son
quaitriesme anffans. Et de-puis moy olt encor une fille nommee Jehenne, qui mourut en l'eaige de .IIII.
ou .V. ans ; et furent tous les anffans que jamais olrent ledit Jehan mon perre ne la dite Maguin ma p
mere. Au jour de ma nativité mon perre en olt grand joie, comme il m'a dit ; aucy olt ma mere. Puis fus
pourtés à sainct fon de baptesme et olt à pairains ung nommés Jehan de Vignuelle le cordonniet,
lequelle depuis ait estés mairchamps de draps demourant à Mets à Mets, à Pal-rampol, et cy olt pour
mairenne une noutauble damme de Mets nommee damme Lourette Chaipel, laquelle damme voult et fut
sa voulluntés que je pourtasse le nom d'ung sien filz nommés Philippe. Alors je fus nouris de mon perre
et mere bien et honnestement cellon leur estat et fus bien aymés d'iceulx, comme plusieurs fois me l'ont
[m]onstrés.
Puis, quant je devins grandellet, [i]l m'envoiairent à l'escolle ^à villaige^ pour seullement
[ap]randre ung peu lire et escripre, car il [me] amoie tant qu'il ne me laissoie aller [loin]g d'eux, dont ce
me poise, car j'amaisse (5) mieulx qu'il m'eussent fait aprandre.
Or, en ycelluy tampts de ma jonnesse, c'est assavoir en l'an mil .IIII C.LXXIII., y_olt et ce
esmeust grand guerre entre le duc Nicollas de Loraine et la seigneurie et comulnalté de la cité de Mets.
Mais premier vous veult dire et compter la manier coment et en brief, car j'ay recueillis de plusieurs
traictiés et voullume ^et en ait fait^ ung aultre livre 2 qui parle de la fondacion de la noble cité de Mets,
et de plusieurs adventure et advenue qui en ycelle noble cité ont estés advenue, passés est mil ans et
plus, +comme voir pauréz+, par-quoy en ce petit traictiet je n'en dirés comme rien, et encor ^serait ce
2 Il s'agit évidemment de la Chronique.

3

seullement^ des advenue qui sont estés durans mon tampts ^et non plus^.
Or devés sçavoir que en celle annee mil .IIII C.LXXIII. estoit alors maistre eschevin de Mets
seigneur Perrin le Gournaix, et ne sçavoit on encor nul desbat ne mallivollance encontre le duc Nicollas
de Loraine, ains ce monstroit le dit duc grand amis à_la cité et tellement cowrit son couraige que
nullement on ne ce aperseust de sa malvistiet et trayson. Et de fait, pour mieul[x] fornir à son
entreprinse, il mandait à Metz tous [ses] fiedz et errier fiedz et tous ceulx qui à lui estoient [tenus] de le
servir en guerre, faindant de aller aultre_part [sur] aulcuns ces annemis. Et tout incontinent qu'il eust
pr[eparé] son cas, le .VIIIe. jour d'apvril, il ce partist de sa vi[lle] de Nancey et fist à luy venir toutte son
armee, la[quelle] alors estoit separee en plusieurs lieu, et furent [au] nombre de .XVI.C chevaulcheur
et .VI. mil pieton.
P[ar] (6) le .IXe. jour dudit moix, du matin entre quaitre et .V. heure, arivairent les devent dit
Lourain devent la pour^te^ Champenoize. Et alors que les deux pourtiet avec le chaitellain owrirent les
pourte ^Champenoise^, lesdit Lourains, ^sen dire mot^, entrairent dedens avec deux chair dont ^pour
abuser les pourtiet, dont^ l'ung estoit chairgiés de sertains tonnaiaulx plains de mairtiaulx et de
tricquoize et l'aultre est dessus ^et aultre angiens et instrument de guerre, et dessus^ l'aultre y_avoit ung
angiens bien subt de bois biens subtillement fait, qui estoit cowers affin c'on ne le vit, et ce arestait
celluy ^premier^ chair au dessoubz de la premier pourte du dedans de la cité. Et là, tout à_copt,
dressairent lesdit Lorains qui ad_ce estoient comis cellui engiens dessoubz les groz pault, affin qu'il ne
cheussent à_la vallee et que l'on passait par dessoubz. Quant le pourtiet, nommés Pierson, les vit ainsy
arester, non sçaichant qu'il faisoie, ce couroussait, disant: "Que faictes vous ? Que ne tirés vous
avant ?". Mais alors ^incontinent^ fut ampoigniés ledit pourtiet et ^incontinent^ fut tué tout roide en la
plaisse, ^[p]ar_quoy le chaistellain, ce voiant, c'en-fuit à loing du balle avec lez [c]lefz^. Cy entrairent
alors les Lourains cen contredis et desploiairent leurs ^guidon et^ estandairt ^et à hault ton ont sonnés
[le]ur tromppe^, en escriant : "Ville gaignié ! Ville gaignié ! Tués tout, femme et anffans, ^[n'e]pargniéz
riens^ !"
Mais Dieu, par sa pitié et bontéz, ne le voult pas permestre, ains inspirait ung boulungiet 3
demourant aprés de celle pourte, lequelle voiant qu'il serchoie l'antree pour monter on chaistiaulx,
dessus la pourte dite pourte, et ne la sçavoient trower ^l'entree^, cellui boullungier ce avensait, faindant
de les y mener ; puis, quant il fut a ^au^ dedens de l'uis, les emfermait dehors et fist cheoir les gros pal
à_la vallee, et cheurent tellement que en cheant en y_olt ung qui consit ledit angiens et trespersait le cher
tout parmey, et cheurent (7) tous, reservés ung qui ne voult courir.
Et ce tampts pandant4, le puple ce esmeust aux armes et sortissoient de leur maison cen tenir
orde ne messure et comme gens de couraige, nus et deschault comme il estoient, avec pal et massue et
3 On sait par ailleurs que ce boulanger s'appelait Harelle ; une rue de Metz porte aujourd'hui son nom.
4 Dans la marge supérieure, ajout inachevé : Et alo.

4

avec beche et howes ou aultre hutancille tel que chacun les powoit trower, ce mirent en dessoure ^au
devant^ en deffandant leur corps et leur biens, et tinrent bon +et trés virillement ce deffandirent+
jusques +tant que aulcuns+ homme d'arme ^se^ fussent armés ^et venus^. Aussy les bouchier de Viéz
Boucherie ruoient par leur fenestre pal, fuste, chayr, esta tauble et tretiaulx pour ampeschier la rue, et
furent les annemis jusques à ^environ le^ nombre de .VC. dedans la cité jusques tout dedans la Viéz
Boucherie.
Mais quant il virent que leur gens ne venoient plus aprés, il furent bien estonnés et esbaÿs ^et
non sans cause^, car il ne powoient entrer, comme dit est, par les pal ^aincy cheuz^, par_quoy bien viste
retournairent arrier et ce salvoit ^qui pouvoit^ par dessoubz ycelluy pal qui estoit demourés à cheoir. Et
en y eust heu ^daventaige^ plus de deux cent des tués, ce ne fust estés la prowesse d'ung trés vailla[nt]
homme allemens nommés seigneur Barthtel Crance, grand conceillier du Palscegreve 5 ^ou aultrement
nomméz la Grand [Barbe]^, le-quelle en salvait plusieurs, ^car il deffandoit le pas et pourtoit cellui le
cho[c]^. Touteffois, à_la fin, il ^luy meisme^ y fut tués, et avec luy plusieurs aultres jusques à nombre de
.XXXIII., entre lesquelles fut encor tués deuz [ung] jantil homme dont l'ung ^qui^ ce appelloit Jaicob,
grant maistre d'ostel du Palsegreve, lequelle pourt[oit] ung pennon ^de^ soye blanche et sanguigne,
+estandairt ou auquelle y_avoit ung sainct Mertin à cheval figurés dedans et brodéz en rouge soye a[vec]
plusieur devise et escuse6 en lestre d'or+.
Aussy il en fut dez prins plus de .L., lesquelles furent (8) lougiés et mis à_part en l'ostel de la
ville affin de les interroguer et sçavoir d'eulx plus avant, puis on en fist comme on en debvoit faire. Les
aultres qui furent tués furent tous unis ensamb[le] en une fousse en terre prophane à Sainct Loÿs.
Gasper de Raville, ^mareschal de Loraine^, fut fort blessiet en celle esca escarmouche et y fut ^[-] [-]
[-]^ en grand dangier de sa vie, car il fut t^r^aynés par ces serviteur hors de la pourte ^par la teste et par
les piedz^ et en furent tués deux dessus luy pour luy salver, car aultrement il eust esté ou mort ou prins.
Et en celle adventure, de ceulx de la cité n'en y_olt que deux dez tueis, avec ung fol et ung pourciaulx.
Les Lorains aincy reboutés retournairent en grant peur et crainte bien viste à Pon, et tellement
que ce le duc n'enraigoit, il n'en powoit plus et fist faire ^et de despis fist^ alors faire sa preparacion et
tout tant qu'il estoit necessaire à tenir sciege. Mais aincy comme il pleust à Dieu, le lundemains qu'il ce
cuidoit partir pour venir devent Mets, une malladie le print, de laquelle bien-tost aprés il mourut. Alors
les noble de Loraine, voiant l'accidant, tindrent la chose secrete et envoiairent leur ambaissaide à Mets
pour demender triewe, car il ce craindoient fort pource qu'il n'awoie point de chief. Et y fut envoiéz
l'evesque George George, alors evesque de Mets, lequel procurait tant qu'il obtint les triewe ; mais ce on
eust estés advertis de la mort du duc, on n'en eust pas fait ainsy. Tout Touteffois la chose fut faicte et
5 Le Palscegreve, de l'allemand « Pfalzgraf », est le titulaire du Palatinat du Rhin et, à ce titre, l'un des électeurs de
l'empereur du Saint-Empire romain germanique. Depuis le XIII e siècle, cette dignité est aux mains de la dynastie des
Wittelsbach. Il s'agit ici de Frédéric Ier dit le Victorieux (1425-1449-1476).
6 Mot difficilement lisible, à moitié « avalé » par le bas de la page.

5

furent ^en ce tampts^ les chain[oine] (9) ralliés avec la cité.
Durant cest antreprince, lez fiedz de Mets qui estoient allés en Loraine pour servir le duc furent
detenus en une petitte bonne ville entre Toul et Sainct Nicollas nommee Gondreville, mais aprés la mort
du duc on leur donnait congiés.
Item, tantost aprés fut esleu pour duc de Loraine Regné de Wauldemont 7, et en ce tampts, par
le moyens dudit evesque George, fut la paix faicte entre les partie.
Item, celle annee fist cy grand chailleur que jamaix on n'avoit veu la paireille, et vinre nt tous les
bien de terre fort par_tampts. Aussy en celle annee le vin fut à cy bon merchiéz c' 8on en donnoit à
Sainct Vincent pour une angevigne la quairte.
Item, ledit ans, le cecond jour de septambre, plusieurs de nous seigneur de Mets c'en allirent en
abassaude devers le duc Chairle de Bourgougne, lequelle estoit alort à_Lucembourch acompaigniéz
de .XXV. mil combaitant et de .IIII.C chair d'artillerie, et presantairent yceulx seigneur audit duc de part
la cité cent cawe de vin ; et furent ressu[s] benignement dudit seigneur et firent là bonne chier e[n] court,
puis c'en retournirent bien joieulx et rapourt[airent] bonne nowelles.
Tantost aprés, le vandredi .Xe. jour du dit moix de septambre, vinrent nowelle sertaine que
l'ampaireur Frederich voulloit venir en la cité de Mets, et furent touttes preparacion faict[e] pour le
recepvoir, et tellement que le samedi .XXVIIIe. jour dudit moix de septambre, entrait en Mets (10) à
heure de quaitre heure aprés nonne. Et luy fut on pourtés les clef jusques devers Sainct Aynes, puis on
lui fut à devent avec deux cent pillés alumés jusques à la faulce pourte des Allemans, et tous les
chainoigne, abbé, curé et aultre religieulx, vestus de chappe, croix et et yawe benitte, avec toutte la
seigneurie de la cité, et fut illec recueillis et menés jusques à grand moustiet, puis ^et^ fut lougiés en la
court l'evesque.
Puis on lui fist presant de .XXX. buef, .XXX. cawe de vin, .III C. chaitrons, .VIIIC. quairte
d'awaine, et avec ce une coppe d'or qui vailloit bien .III C. florins de Rin, et en ycelle coppe y_avoit
.XVIIC. florins de Mets. Quant à son filz Maximilien, on luy donnait quaisy la moitiet d'autant ; item
à_tous les archevesque et evesque et à tous lez aultre prince qui estoie venus avec ledit ampaireur, à
chacun leur fut donnés de biaulx presant ; item à heraulx d'armes et menetrés leur fut donnés .LX. florin
de Rin. Et fut le dit ampaireur festoiet par plusieur jour en la cité, durans lesquelles furent parler à luy
les ambaissaude du duc de Bourgougne.
Puis, le lundi .XXVIIe. jour de septembre, se partit de Mets le dit ampaireur par la pourte du
Pon dez Mors à heure de .XII. heure, et paissait awe à Ollixey et c'en tirait à Triewe. Et illec le duc de
Bourgougne fut parler à luy, puis ce despartit l'ampaireur cen dire a-dieu à duc et c'en tirait à Collougne 9.
7 René II de Lorraine, cousin du duc défunt, reçoit en fait le duché de Lorraine par l'intermédiaire de sa mère Yolande
d'Anjou (1428-1483).
8 Philippe écrit à on en donnoit ; nous corrigeons.
9 A l'automne 1473, Charles le Téméraire se rend à Trêves pour rencontrer l'empereur Frédéric III et discuter du

6

Et le duc c'en vint à Thionville10, et furent ces gens (11) lougiés on Vault de Mets et y firent de grand
domaig[e]. Et aprés c'en tirait ledit duc lui et ces gens à Digeon en la haulte Bourgougne, et y fut
longuement. Durant ce tampts l'on faisoit ung merveilleux gait à Mets, et vint à Mets l'airchevesque de
Collougne luy .XXXe11.
Tantost aprés, le .XVIIIe. jour12 de janvier l'an dessus dit, vinrent à Mets Adolfe de Cleve dit
seigneur de Ravestenne, frere au duc de Bourgonne, et messire Jaicque de Lucembourg, frere à monseigneur de Sainct Pol, congnestauble de France, lesquelles conduisoient les corps du duc Philippe de
Bourguogne et de sa femme13 pour les aller ancevelir à Dijon. Et estoient lesdit corps chacun sus ung
chariot dedans ung sercus de plonc, et estoient cowert de draps d'or. Et y avoit environ .IIIC. homme
d'arme à_les conduire et .IIC. homme à_piedz et cent pillés ardans, et leur fut on au_devent avec toutte
la clairgie, avec .IIIIXX. torche ardante et .IIIIC. cierges. Et ainsy furent amenés en la grand eglise, en
laquelle y_avoit plus de .IXC. cierges alumés, et là_fut pour ce jour chantee vigille avec tant d'honeurs
qu'il n'est à dire, et le lundemain la messe. Puis, avec plusieur chose faicte que je lesse, furent les deux
corps remis sus leur chairiat et sortirent hors de la cité par la pourte Sainct Thiebault, car il avoient
entrés par le Pon des Mors et c'en tiront droit à Dijon, auquelle lieu furent ensevellis yceulx deux corps
à Chairtrieulx14 dudit lieu.
Item, en cellui tampts, furent tenue plusieurs journee entre les Lorains et les Messaincts, et tant
fut allés et venus que par le pourchas de l'evesque ^George^ de Mets fut la dite paix faictes, ceellees et
crantee entre les partie le .XXXe. jour du moix d'apvril, l'an mil .IIIIC. et .LXXVIIII. et en l'annee que
seigneur Michiel le Gronay estoit maistre eschevin.
(12) En celle anné advint une merveilleuse aventure d'ugne des notauble et riche bourjouse de
Mets et l'une des belle, des simple et de bon fame qui fut en toute la cité, laquelle, p ar tantacion
diabollicque et par l'a-monestement d'ung sien clerc, eulx deux ensamble firent plusieurs fois leur
voulluntés charnelle et puis tuairent ledit bourjois son marit, qui estoit le plus riche et le mieulx ranté de
toutte la cité et ce nommoit Dediet Baillot. Et la dite sa femme en fut arse et brullee entre deux pon, et
ledit clerc ost les deux
mains coppee et puis le chief, et ainsy finairent leur jours. Et moy, l'acripvains, me sowient
veritaublement de celle chose, et pour_ce je veult à_cest heure retourner à mon premier prepos, et veult
dire comme j'ai promis à l'acomencement de ce livre touttes les adventure, bonne et malvaise, qui me
sont advenue.

10
11
12
13
14

mariage de sa fille, Marie de Bourgogne, avec le fils de Frédéric, Maximilien, mais aussi obtenir pour lui-même le
titre de « roi des Romains » ; les négociations échouent et Frédéric s'enfuit durant la nuit avec Maximilien.
C'est à Thionville qu'en décembre 1473, Charles le Téméraire publie les ordonnances visant à centraliser ses
domaines par l'établissement d'un parlement central et d'une Chambre des comptes à Malines.
Robert du Palatinat (1427-1480), archevêque et Prince-Electeur de Cologne de 1463 à sa mort.
Philippe réécrit ensuite jour sans le barrer ; nous le supprimons.
Philippe III de Bourgogne et sa femme Isabelle de Portugal, décédés respectivement en 1467 et 1471.
La Chartreuse de Champmol, fondée par Philippe le Hardi en 1378, sert des nécropole aux ducs de Bourgogne.

7

Il est vray que durant les chose devent dictes, tant de l'ampaireur qui fut à Mets comme de la
venue du duc de Bourguo Bourgougne et de ces gens qui passoient et repassoient, il m'en sowient bien,
ainsy comme parmy ung songe, car j'estoie jonne, allant à l'escolle à villaige comme dit est, et y souffris
durans ces guerre et course plusieurs adversités avec les aultre, et tellement que une fois ^entre
lesquelle^ il me sowient que ^une fois^, à Vignuelle dout je demouroie, y_avoit ^en ce tamps^ ung
aweugle nommés Jehan Burtault, lequelles, dés l'aige de trois ans, n'avoit veu goutte.
Mais de croire ce que cest aweugle faisoit, il n'y ait homme qui le vousit croire, car il il chantoit à
moustier, il aprenoit lez anffans à l'escolle, il treselloit les cloiche, il estoit l'ung dez (13) grand
braiconniet du païs et tandoit journellement à biche et à cerf, il faisoit lez painiés pour lez prandre, il
faisoit les rois à peschier, il faisoit hottes et chairpaigne, il owroit en la vigne, il cuilloit dez serise sus les
cerisiet et estoit l'ung des bon tandeur à grieve, à merles et aultre oysiaulx, à_bret et aultre angie ns que
l'en sceust trower ; et brief il faisoit chose incredible, et est tout vray, car je l'ay veu mil journee.
Et pour revenir à prepos, durans ces course et que nul ne ce oisoit tenir à villaige, les bon
homme de trois ou de quaitre villaige avoient fait ung grand paircque bien avent à bois pour mestre le
bestial, et tellement qu'il ce y_estoient retirés, fort les ancienne femme et les anffans ^qui estoie demouré
à_la ville^, entre lesquelles je y_estoie. Alors vinrent ung grand nombre d.... d'homme d'arme et de
pieton bourguignon pour lougier, mais tout incontinant le^s^_femmes prinrent leur anffans et en la
conduite d'icellui aweugle furent menee à heure de minuit de-dans les grand fourest au-prés de leur
maris, et y fus menés de ma mere avec les aultre. Et là y_avoit ung grand feu devent lequelle ce
couchoie femme et anffans comme des beste, et advint en celle nuit que ung charbon de feu ardant
saillit on collet du pourpoint mon perre qui dormoit et lui brulit la chair bien parfon, dont il en souffrit
grand doulleur.
Moult d'aultre grand fortune et advercité advindrent au powre gens pour celluy tampts, car le
dit duc (14) de Bourgougne, nommés Chairles, fut en son tampts le plus renommés prince et le plus
crains que jamaix fut depuis le tampts le grand roy Chairlemaigne, car en son tampts il avoit fait cy
grand guere et cy merveilleuse baitaille, tant en France à Montleherey15 encontre le roy, comme à Nus16
en Allemaigne, à Mouret17 et à Granson18 et en plusieurs aultre part, et tellement que tout les prince
crestiens le craindoient.
Mais comme la rowe de fortune ce tourne, tombait ledit duc par son orgueille et oultrecuidance
15 La bataille de Montlhéry (16 juillet 1465) avait opposé le roi de France Louis XI et Charles, à cette époque comte de
Charolais et meneur des grand seigneurs regroupés dans la Ligue du Bien public pour faire valoir leurs droits
féodaux face aux prétentions royales ; l'issue de la bataille avait été indécise.
16 En 1475, Charles le Téméraire assiège la ville de Neuss pendant plusieurs mois dans l'espoir d'instaurer un
protectorat bourguignon sur l'archevêché et la région de Cologne, en vain.
17 La bataille de Morat (22 juin 1476), due à la volonté de vengeance de Charles après sa défaite à Grandson, se solde
encore une fois par la victoire des Suisses, aidés notamment par René II de Lorraine.
18 La bataille de Grandson (2 mars 1476) voit la victoire des Confédérés suisses, soutenus par Louis XI, sur les armées
de Charles le Téméraire.

8

du plus hault à plus bas, car en l'an mil .IIII C.LXXVI., alors que estoit maistre eschevin de Mets seigneur
Jehan Chavers Chaverson, par le jour de la vigille des Roys, .Ve. jour de janvier, à_quelle jour ledit duc
tenoit trés estroitement la ville de Nancey assegiees, vint le duc Regné de Loraine avec grand puissance
de Suisses pour reconquester son pays, et tellement que aprés plusieurs chose faicte et dicte que je lesse
fut ledit duc de Bourgougne desconfis luy et ces gens. Et luy mesme y_fut tués 19, comme les vraye
cronicque qui de ce font mencion le devise20. Et pource que l'istoire en est tropts grande et prolixe, je
m'en paisse d'en plus dire, car cest journee fut l'une des piteuze qui fut advenue de deux cent ans
devent, et en ait bonne memoire, car je, Philippe, escripvain de cest istoire, estoie desjay grandellet.
Peu de temps aprés, je fus mis demourer à Sainct Mertin devent Mets et y demourait prés d'ung
ans du tampts que seigneur Simon de Gerney fut fait abbé (15) d'icellui lieu, et y estoie bien amés dudit
abbé et de tous les moine pour plusieur raison que je lesse.
Item, en l'an mil .IIIIC.LXXVII., fut maistre eschevin de Mets seigneur Geraird Perpignant. Item,
ung dimenche d'icellui ans, jour de sainct Pierre et sainct Pol, il fist en Mets ung merveilleux tramblement
de terre, et fist encore plusieurs aultre chose, desquelles je me paisse d'en plus dire.
Item, l'an aprés, .IIIIC. .LXXVIII.21, fut maistre eschevin seigneur Wiriat Rouscel. Item, en celle
annee on avoit grand guerre encontre ung capitaine nommés messire Graince de Guerre, et boutait ledit
capitaine les feu à Ais sus Muselle et y tuait deux ou trois homme. Aussy en celle annee je vis reffaire et
refondre la grosse cloche nommee Meute sus Sainct Illaire22. Aussy je fus alors mis à demourer en la
grand rue de pourte Champenoize avec 23 ung noctaire nommés Jehan Jennat et sa femme Jaicomette
Baillatte, la chandellier de cire, et alloie à l'escolle à_la Trinité. En celle annee ung notauble ch evalier de
Mets, nommés seigneur Jehan le Gournaix, c'en aillait randre à frere de l'observance24.
Item, l'an mil .IIIIC.IIIIXX. fut maistre eschevins seigneur Perrin Roussel. En celle anné, le .XXVI e.
jour de may, fut tout le pays foudroyés et tampetés, par_quoy il advint ung grand chier_tampts qui
durait prés de trois ans. En celle annee furent acomencee en Mets les suer Collette25. Aussy en celle
19 Charles le Téméraire avait conquis la ville de Nancy, mais René II de Lorraine était parvenu à la reprendre. La
bataille du 5 janvier 1477 a pour but de la récupérer, mais les troupes bourguignonnes sont écrasées par l'alliance
helvéto-lorraine. La mort du duc entraîne alors la Guerre de Succession de Bourgogne entre les Habsbourg et le roi
de France, qui se solde par le traité d'Arras en 1482.
20 Par exemple les Mémoires de Philippe de Commynes.
21 Philippe écrit mil .VC. et .XVIII. ; nous corrigeons.
22 La Mutte, cloche de onze tonnes et de 2,32 mètres de diamètre, est installée en 1412 dans la tour sud de la
cathédrale. D'après les Etudes campanaires mosellanes du chanoine Bour, la refonte dont parle ici Philippe est
effectuée par Jehan Lambert à Saint-Hilaire-le-Petit. On ne sonne La Mutte qu'à d'exceptionnelles occasions.
23 Philippe écrit avet ; nous corrigeons.
24 Les frères de l'observance sont des franciscains, ou cordeliers, qui suivent la règle réformée par Paoluccio Trinci à
partir de 1380. A Metz, ils sont appelés frères Baudes de l'observance : « Les cordeliers observantins, ou frères de
l'observance, s'établirent à Metz vers l'an 1428, sous l'évêque Conrade Bayer. Un aman de la ville de Metz, nommé
Jean Georges, de la famille des Baudes, leur fit bâtir une église, et est considéré comme leur fondateur, d'où leur est
venu le nom de frères Baudes. Leur maison fut d'abord bâtie en grande Mèze, où est à présent le retranchement, et
fut ruinée au siège de Metz en 1552, avec la maison des sœurs Colettes, et l'église paroissiale de Saint-Hilaire-leGrand. » (A. Calmet, Notice de la Lorraine..., p.89).
25 Les sœurs Colette suivent la règle de sainte Colette de Corbie (1381-1447), qui réforma l'ordre des clarisses à partir

9

annee fut ^re^faicte à Mets la pourte Sainct Thiebault et la pourte des Allemans. Aussy en celle annee
mil .IIIIC. et .IIIIXX., le .XIIIe. jour du moix d'awoust, qui fut la vigille de l'Asomption Nostre Damme,
fut trespassee de ce monde Maguin ma bonne mere, (16) que Dieu absoulve, et fut anterré derrier le
cuer de l'eglise de Vignuelle aprés de ces trois anffans. Et alors je retournait chiéz mon perre et alloie à
l'escolle à Lorey devent Mets.
Tantost aprés, en celle meisme annee, aprés les Roys, ce remariay et reprint femme ledit Jehan
Geraird mon perre, et print une trés ancienne femme de Joiey qui n'avo n'avoit que deux dans en la
bouche ne jamais n'avoit heu anffans, et cy l'olt encor furent26 encor .XXX. ans ensamble en mariaige.
Item, l'an aprés, qui fut l'an .IIIIXX. et ung, fut maistre eschevin seigneur Nicolle Remiat. Et en
celle annee, le .Xe. jour de may, fut acomencee l'esglise de Sainct Siphorien à Mets 27. Et en cest annee
estoit encor plus grand chier tampts que devent, car l'on van vandoit le blef .XVIII. ou .XX. sous la
quairte, et le vin .XII. denier. Item, en celle annee fut fait et eschevis le clochiéz de Meute 28 de la grand
eglise.
Item, l'an .IIIIXX. et deux, fut maistre eschevins seigneur Regnault le Gournaix. En celle annee
estoit de guerre à la cité ung jantil homme de Loraine nommés Liebault d'Auboncourt, et aprés plusieurs
course faicte par ledit Liebault, ung jour il fut assaillis tout devent son chaistiaulx par quaitre
compaignon de Mets, et illec fut tués et murtris.
Aussy en celle annee fut faicte on Champts Paissaille ung champs de baitaille à oultrance de
Broiche le soudoieur et de Dediet de Liverdun.
Item, en cellui tampts, corroit ung malvaix louptz et estranglait plusieurs anffans, et fut anclos
en une maison à Pletteville et fut prins. Mais incontinant en revint ung aultre pire la moitiet, et cen
compaireson, car cellui estranglait (17) plus de .XXX. +.LX.+ anffans on Vault de Mets. Et lez premier
anffans que cez deux loupz prinrent, ce fut à Waipey, et lez derniet à Pretteville. Et fut cellui derniet
loupz tués à la dite Pletteville par ung trés vaillant homme nommés Dediet, lequelle, pour ce fait, en fut
mis à gaige ^de la cité^ toutte sa vie. Cellui derniet loupz print deux anffans à Waipei, deux à Lorei,
deux à Vignuelle, moult belle jonne fille à marier, deux à Salnei, deux à Lessei, et en plusieurs aultre lieu
jusques à nombre devent dit, par_quoy l'on anfermoit lez anffans à l'ostel, et n'y avoit femme qui oysait
aller de-hors cen son mary et qu'il ne fut ambaitonnés ; par_quoy et à cest cause, je fus mis à demourer
en Allemaigne, en ung villaige à .X. lie lue de Mets en allant à Strasbourch, nommé Amenge, auquel lieu
y_ait ung bon prioré auquel estoit prieur messire Simon, abbé de Sainct Mertin. Et me y_menait ledit
abbé, et y fus ung ans.
de 1430.
26 Philippe écrit fureurent ; nous corrigeons.
27 Abbaye bénédictine fondée en 609 par l'évêque saint Papoul, Saint-Symphorien est brûlée en 1444 ; il s'agit donc ici
d'une reconstruction.
28 Cf. supra.

10

Item, l'an mil .IIII.C .IIII.XX et trois, fut maistre eschevins de Mets seigneur Nicolle Dex, chevalier.
En celle année fut combaitus à oultrance en Champtz Paissaille de Jehan de Sainct Miel et de Hurtault.
Item, en celle année que je retournait d'Allemaine, je fut mis demourer à Rampoult à Mets chiéz ung
merchampts nommés Steffe tenent l'ostellerie du Rouge Lion, et y fus ung demy ans, durans lequelle le
duc de Loraine et la duchiés de Lucembourch avec la cité de Mets olrent acort emsamble et firent
alliance de abaitre les plesse le conte de Wermambourch. Et après que tout fut apareilliés, les Lorains
assigierent le chaistiaulx de Rodemach et ceulx de de Lucembourch avec la puissance de Mets mire nt le
sciege à Richemont. (18) Et là furent menee plusieurs grosse bonbairde de la 29 cité ^avec^ aulcuns30
courtaul et serpantine et plusieurs aultre artillemens de guere. Et ce partirent de la cité ledit ans le
.XXVIIIe. jour de may. Item, après plusieurs chose faicte et dicte que pour abregiés je lesse, le .Ve. jour
de juillet ce rendirent ceulx de Rodemach et les receurent les Lorains et les Bourguygnons par le
consentement de ceulx de Mets. Après ce fait, ceulx du chaitiaulz de Richemont c'on_dit Ornelle, qui
sambloit estre plaice imprenable et y_avoit justement cent ans que premierement elle estoit faicte, voiant
Rodemach prinse, ce randirent le .VIII e. jour de juillet à ceulx de Mets, et tantost fut mise la banier de
Mets dessus la tour. Puis, en la_mey awost, furent abatue lesdite deux plesse.
En ce tampts fut mort Loÿs de Wallays, roy de France. Tantost après je fus mis à demourer à
Salney devent Mets decost ung prebtre et alloie à l'escolle, puis ne den et en ce lieu il me print une fiewre
quairtaine que me durait prés d'ung ans. Puis ne demourait guerre qu'il vint aulcuns troble de guerre,
par_quoy l'on me mist à demourer à Mets chiéz Jennat de Hainonville l'amant l'amant pour aprandre le
stille ; mais ledit Jennat estoit tant terrible homme qu'il n'y avoit clerc qui le puist servir, et rompist la
jambe à ung jantil filz qui demouroit avec moy, car leans y_avoit une servente allemande qui vailloit
encor ung diable. Elle enfermoit le pains et aultre vivre, et cy paioie .XX. frant pour ma tauble et cy
sçavoie desjai escripre comme je fais, et cy aprenoie trés_bien le stille.
Or oyés qu'il en advint. Ung jour entre les aultre, ce esmeust desbat entre nous deux, la dite
servente, tellement que d'ung wain de cheminée me cuidait ferir sur la teste, mais je ampoigne ledit wain
par le manche (19) et en donne à_la dite servente du plait devent. Et elle ce cuidant cowrir du bras, je
vins à_l'estaindre de la corne du wain sur la cheville de la mains et luy fis une playe. Et elle, en braiant,
c'en aillait à berbier. Et moy, voiant ce, fut bien honteus ; cy m'en aillait faire nostre lit et ne sçavoie quel
contenance tenir. Or vint ma maitresse de la-quelle je fus trés_bien batus, et le faisoit cuidant rapaiser
l'ire de son marit, lequelle, quant il vint à la parolle de la dite servente cen moy oÿr parler, c'en vint
amont en nostre chambre et me ruait de la crame on je estoie monté en bas et me foullait au pied, et
encor me voulloit ruer de hault en bas ^des degré à_la_vallee^, ce ne fust esté sa ^dite^ femme. Et ce
fait, me boutait hors villainement de sa maison cen ce enquerir ce je avoie ou tort ou droit.
29 la doublé dans le texte ; nous en supprimons un.
30 Philippe écrit aulcus ; nous corrigeons.

11

Touteffois, un chainoigne de Sainct Salvour, voiant le tort que l'on ^me^ faisoit, me priait à
soupés et cy me voulloit couchier, mais je avoie le cuer tant gros du tort que l'on me faisoit que je m'en
aillais par la ville et de honte ^ne^ me oisoie monstrer à ma suer, qui estoit mariee et demouroit en
Visegneus, et avoit ^à marit^ Jennat, sergent des Trese31 et dez compte apousiés. Et tellement que celle
nuit je couchait en plusieurs lieu enmey la rue, et cy me faisoit sairchier la dite ma maitresse de toutte
part pour moy rapaiser. Au_lundemains il fut dit à la dite ma suer et à mon perre, lesquelles en furent
moult courousés encontre le dit Jennat pour la villenie qu'il m'avoit fait. Et pour cest cause, je me thins
par aulcuns tampts chiéz la dite ma suer, lequelle durant je prepousait par l'amonestement d'aulcuns de
m'en aller juer par le païs pour congnoistre et aprandre. Et en fus en cy grand desir qu'il me sambloit que
jamaix je n'y vanroie à tampts, et demendait aulcunement et cowertement congiéz à mon perre, car je
sçavoie bien (20) que à grand paine me l'eust donnés, pource que sur tout il [-] ^doultoit^ à me perdre et
desiroit tousjour à avoir la weue de moy. Et pour_ce, quant il congneust ma voullunté, de touttes sa
puissance il m'en destournait et fist destorner par tous ceulx à_qui il luy sambloit que je parloie et
frecantoie, et tellement que à_cest cause ne me voulloit donner denier ni maille quant je lui en
demendoie, de_peur et affin que par deffault d'airgent je ne m'en allaisse.
T Touteffois, ung jour que je luy en demendoie, il me comptait et delivrait .IX. petit blan. Et
alors que je vis ce, je luy dis ainssy : "Pere, vraiement vous me faictes un grand compte de peu de
chose !" Et cen plus dire prins congiet de luy et deliberais que neans-moins je m'en yroie et
abandonneroie le païs pour une espaisse de tampz. Et parlais alors à mon compaignon, lequelles me
mist et assignais journee pour partir ; par_quoy je mis touttes mes chose en ordonnance, et fis et escript
une lestre essés bien faictes et bien dictee, tout par rime et par vers, en la-quelle je rescripvoie tout mon
despairt. Et avec ce y_avoit pourtraiture de plusieurs sorte, tant de mon perre, de ma suer, de son mairit
et de plusieurs aultre et de nous, qui estoie en celle painture monstrant que nous preniés congiéz, car
celle fueille de papier estoit papier de Troye et grand voullume, auquelle y_avoit encor une lestre es au
dessoubz de celle pointure, escripte en proise, en laquelle estoit escript toutte ma voulluntés et les
escuse et recomendacion que je faisoie devers mon perre ; et estoit celle lestre piteusement faicte et
dictee, par_quoy ledit mon perre en plourait essés. Cy fut la dite lestre et pointure par moy astaichee
encontre le cloverses de ma huge du dedans, affin que quant on owreroit la g dite huge, plus facillement
(21) on la vit.
Or, en ycelluy tampts, l'on juoist le jeu saincte Katherine du mon de Sinaÿ en Chambre, auquelle
je avoie estés requis de [-] estre pour en estre et ce devoit juer e és feste de la Panthecouste, ledit ans mil
.IIII.C et .IIII.XX et .VI. Et fut cellui jeu moult bien jués, avec biaulx mistere, et fut la saincte Katherine
31 Les sergents des Treize, dirigés par un maître sergent, sont les agents d'exécution des Treize mais aussi de la plupart
des grands corps et des offices de Metz. Ils sont ainsi chargés d'accomplir tous les actes de la vie publique relevant
de l'action judiciaire (huchements publics, saisies, etc.).

12

ung joune filz barbiet natif de Nostre Damme d'Ais, en Allemaigne, lequelles, l'an devent, avoit desjay
estés la saincte Bairbe au jeu saincte Bairbe. Et fist par trois jour cy bien son personnaige qu'il n'estoit
possible de mieulx faire. Et en cellui tampts je resambloie tant bien à cellui guerson que l'on m'ait
prins .XVII. fois pour lui, et pour_ce me amoit fort ledit guerson et voulloit tousjour que je fusse l'une
de ces damoiselle à ^cellui^ jeu. Mais je avoie le cuer aultre part, et avoie délibérés que en ces jour je
m'en yroie avec mon compaignon et que secretement nous partiriés de Mets, comme dit est.
Touteffois, ledit mon compaignon faillit ce jour de promesse, par_quoy ^le dit jour^ je m'en vins
sceoir devent la maison ma suer tant triste que merveille. Et a-lors y_olt ung autre compaignon, mariés,
qui vit bien que je n'estoie pas comme je solloie estre, car je faisoie triste chier. Et me interrogait de la
cause de mon dueil, tellement que je lui vins toutte à dire, et après plusieurs parolle nous acourdimes
ensemble pour nous en aller, et fut prins jour de partir à dimenche aprés jour de la Trinité, c'on_dit le
royaulx dimenche. Et ^me^ promist cellui compaignon, nommé Collin, foy et loyaultés.
Or n'avoit cellui point d'argent, et moy je n'avoie que environ deux frant, lesquelle partie je avoie
gaignié à dire dez sept seaulme. (22) Touteffois je luy promis que tant comme mon argent dureroit, il
seroit à luy comme à moy. Or vint le jour de partir, et fut conclus entre nous deux coment nous pouriens
faire. Et après plusieur parolle, je prins congié de ma suer et luy donnais à entandre que mon perre
m'avoit mendés de le aller veoir, mais je m'en aillait secretement en l'ostel dudit Collin en la rue des
Olliet, et illec estoit le dejuner prestre et apairilliés. Et quant nous eusme dejuner, à_plus secretement
qu'il fut possible fut le [-] [-] chemin prins par pourte Champenoize droit à Joiey.
En ce villaige je avoie congnoissance à ung joune homme nomméz Mangin Lavallee, car il estoit
pairans à ma mairaiste, et à ycellui me adressait, lui donnant à entandre que je m'en alloie à Arnaville
querir du papier pour ung mairchamps de Mets nommé Pierson le mersiet, et que dedans .VIII. jour je
me retourneroie à Mets. "Mais, dis je, j'ay obliés une clef d'une huge de laquelle mon perre arait grant
besoing, par_quoy je vous prie, ce dis je audit Mengin, que lui pourtés avec celle petitte lestre." Or
estoit celle clef de ma huge et la lestre adressoit à mon perre, disant qu'il resgairdait en ma huge et, là,
trowauroit escript toutte mon intancion. Et ce dit, nous fut donnés à banqueter. Puis nous primes
congiet, mais incontinant ledit Mangin, voiant que je avoie ung ferdellet, se doubtait bien du fait,
par_quoy tout à-l'eur ce partist et c'en vint à Vignuelle apourter (23) celle lestre et celle clef.
Or escoutés qu'il en advint. Collette, ma suer, voyant nostre despairt, ce doubtait bien de ce qui
estoit vray, et pour mieulx en savoir la verité, elle rompit la serre de la dite ma huge et alors vit tout le
fait, tant par l'escript comme par la pointure, comme oÿes avés ; par_quoy incontinant ce mist en chemin
droit à Vignuelle et trowait nostre perre menant grand chier avec la justice. Mais il fut bien rabaitus
quant il entendist ces nowelles, et incontinant print deux homme du villaige et les envoiait aprés le
chemin de Nencey. Mais quant il vinrent à Mollin, il rencontrairent ledit Mangin avec la lestre et la clef.

13

Cy ce dirent l'ung l'aultre leur pancee et la cause de leur allee, par_quoy ledit Mangin retournait arrier
avec yceulx compaignon et leur donnait la lestre et la clef. Et cheminairent tant yceulx deux homme qu'il
arivairent à Pon à Mouson, et là vindrent proprement à abourdee en l'ostellerie en laquelle nous aviens
maraudés, et leur en fut dis les enseigne. Cy ce remirent en chemin yceulx deux homme en tirent droit à
Nencey. Mais la chose vint cy à_point pour nous qu'il ne prinrent point le chemin que nous aviens prins,
par_quoy ^et par aincy^ il ne nous trowairent point et c'en retour retournairent à Vignuelle cen rien
faire, par_quoy ledit mon perre fut tant triste qu'il n'estoit homme qui le peust rapaiser, et ne ce voulloit
reconforter ; et encor estoit en plus grand meschief quant il pansoit que cen argent il m'en avoit laissier
aller, et ce doubtoit trés_fort que par_ce il ne luy ^me^ advint q quelque ancombrier ou quel je ne feisse
quelle mal (24) par l'ennortement de malvaise compaignie. Mais, la Dieu mercy, j'en estoie bien gairdé,
car mon intencion estoit de servir loyaullement et en prodomye en quelque lieu que je fusse.
En celluy tamptz l'ampaireur Federich arivait à lieu de Francquefort avec toutte la noblesse de
l'Ampire, et là fut elleu Maximilien, son filz, pour roy des Romains. Item aussy en celle dite année, l'an
.IIII.C .IIII.XX et .VI., en laquelle estoit maistre eschevins de Mets seigneur Jaicque Dex et en laquelle je
partis pour m'en aller par pays, comme dit est, fut alors acomencés lez fondemans du grant cuer de la
grand eglise de Mets. C'est assavoir, pour celle année acomensait le premier ^cuer^ messire Jaicque
d'Amenge, grand vicaire de la grand dite eglise, à faire fonder le cuer Nostre Damme de ces denier et de
ces maille, et premier fist abaitre deux haulte tournelle qui estoient d'une partie et d'aultre du cuer, pour
lesquelles le roy Chairlemaigne y_avoit encienement fait fonder. Et tantost on acomensait lez
fondemens dudit cuer Nostre Damme et lez bouttee qui sont du cousté vers la rivier, et estoit chose
merveilleuse et hideuse à resgairder la grand parfondité d'icelle bouttee, car on ne powoit trower bon
fondement et cowint dessandre plus baix que la rivier de Muzelle ; et encor il faillit faire du broixement
fort et ferme et de gros quairtiet de mairien pour fonder dessus, et est chose non à croire de ce que cest
owraige coustait.
Or retournons à parler de nostre allee, car mon intencion est de dire tout les lieu et lez plaisse
par ou nous passaime. Premier du Pon à Mouson nous en allaimes à (25) Condé sus Muzelle, et là nous
couchames et fut nostre giste. Puis, dellà, fut prins le chemin droit à Nencey, et dellà par touttes les ville
que cy aprés je nommerés : premier Sainct Nicollas, Baion, Chastel sus Muzelle, Epinal, Remermon, en
laquelle fut nostre giste la vigille du Sainct Sacrement ; puis de Remermon fut prins le chemin tout droit
parmi ces grand fourés ou croisse les sapin jusques à Sainct Thiebault d'Aulsay. Et estoit nostre
intencion de tenir le chemin tout droit à la cité de Louzenne sus le Lac, comme on nous avoit enseigniés,
pour aller à Romme. Mais il ce trowait ung grand cler clergiaulx piccairt en nostre compaignie, lequelle
c'en alloit à Romme, comme il disoit, et y sçavoit le chemin car il y avoit desjay estés. Et avec cellui, y
avoit ung jonne gairson de Bourgougne, le plus enlengaigiés que je vis jamais, lequelle demouroit à la

14

ville de Gome en Lumbairdie et y alloit, comme il disoit. Et pour ce nous acompaignimes d'iceulx en
lassant le premier chemin prepousés et en tenant le chemin des mons Sainct Goudair, affin de avoir
compaignie pour nous conduire. Mais le mal estoit pour le fairdiaulx que je pourtoie, car à chacun
passaige l'on me demendoit le tribus, cuidant que ce fust aulcune merchandise.
Or nous partimes tous ensamble de la ville de Sainct Thiebault, et fut le chemin prins à la cité de
Baille, puis de là par plusieur lieu que je ne sçay nommés, et fut passés la rivier du Rin, laquelle passee
nous laissaimes noustre droit chemin en prenant une petitte sante pour aller boire à une fontenne, aprés
de laquelle (26) fut arrier trowés une aultre petitte sante. Et, cuidant qu'elle deust arrier recheoir en
nostre chemin, nous y entrames. Mais elle nous conduit tout au contraire et hors de nostre chemin ; et
neantmoins, par le conseil de celui Piccairt, ne fut point lassee celle sante, ains fut tenue tant et cy
longuement que avent ce que nous puissions revenir à nostre premier chemin preposés de Lousenne,
nous nous destriaimes de plus de .L. .L. lues, car nous traversames par plusieur bonne ville et villaige du
païs de Suisse, premier par Baude en tournoyant par devers Suricque et Lucerne. Par quoy voyant ce
destriement, fut conclus mon compaignon et moy de laissier ce Piccairt et ce Bourgougnon qui n'estoie
que langair et de errier revenir en traversant pays en nostre premier chemin.
Et premier vismes à ariver en la cité de Berne et, de là, à Fribourg puis à Romon. Et tant
cheminames que nous arivames en la cité de Lozenne ; et alors, voyant que nostre argent ape apetissoit,
cella nous fist muer couraige, et fut conclus de non point aller à Romme pour celle fois ; car le dit Collin
n'avoit point d'argent, comme j'ai dit devent, et ce peu que j'en avoie estoit monnoie de Mets, laquelle on
ne congnissoit au pays et ne la prisoit on rien, souverainement au villaige et passaige ; par quoy bien
sowant il failloit et moy et luy c'en aller par devent les huis en estandant le bras, mais l'on nous donnoit
bien peu, la cause pourquoy que je estoie tropts bien acoustrés pour bribes.
(27) Touteffois, cy estoit ce nostre mestiet le matin et tout au loing du jour jusques à soir que
nous habergiens en la taverne avec avec nous bribes et peu de despance ; par quoy fut conclus de trower
maistre pour servir. Cy heusse bien trowés pour ma part à Berne en Suisse et à Lozenne, mais Collin
non, et la cause, il estoit homme marié, mal acoustrés et ne sçavoit ny A ne B. Et moy, je estoie tout
jonne, bien acoustrés, sçavent lire et escripre telle lestre que voyés, par quoy je trowoie mieulx que luy.
Cy ne le vouloie point encor abandonner, alors partimes de Lozenne et pour tirer à la cité de
Genewre32. Et premier fut tirés par une bonne ville sus le lac nommee Morge, puis à Evien, à Coppet, à
Gnon, et de là à la cité de Genewre, en laquelle nous fumes deux jour. Et voiant Collin qu'il ne trowoit
point maistre à sa guise, il c'en voult retourner à Mets, mais moy non. Alors vandit le dit Collin sa roube
à ung juif, et je lui baillais une de mes newe cheminse, laquelle il fandit devent et en fist ung rouchat,
puis print congiet de moy en moy comendant à Dieu. Et ainsy acoustrés, c'en retournayt à Mets et me
laissait là, impourveu de maistre et avec bien peu d'airgent.
32 Philippe écrit Gnewre ; nous corrigeons.

15

Touteffois, tantost aprés, je fus pourveu de maistre moyenant ung prebtre qui estoit du Pon à
Mouson, et fut mis à servir ung trés homme de bien qui estoit chainoigne de Sainct Pier, la grand eglise
de Genewre, et avec ce estoit sceelleur de l'evesque du lieu. Et fut moult bien lougiéz, et me veoit mon
maistre trés voulluntier.
(28) En celle annee y_olt grand guerre à pays de Liege, laquelle je laisse pour abregiés. Or
esceutés que fist le devent dit Collin. Luy venus à Mets et que mon perre en fut advertis, il voult faire
mestre la mains à luy par justice, disant qu'il luy avoit enmenés son filz et vandus, ne pour chose que le
dit Collin en sceust faire ne dire il ne ce voulloit conte contenter. Touteffois, apointement en fut fait
parmy_ce que le dit Collin retourneroit arrier à Genewre et rapourteroit sertificacion de moy. Et ainssy
en fut fait, et ce mist le dit Collin en voye et tant cheminait qu'il vint arrier à Genewre ; et lui venus, ce
mist à piedz des desgrés du moustiet Sainct Pier pour veoir ce je y passoie point.
Or en ce mesme jour, je estoie v vestus tout de neuf et m'en alloie requerir mon maistre qui
estoit à vespre ; mais quant le dit Collin me vit, oncque ne fut cy joieulx. Cy me appelle et me comptait
toutte l'affaire en la manier que oÿ avés. Alors, aprés plusieur parrolle, je fis et rescript une lestre à mon
perre, en escusant trés fort le dit Collin et en lui priant qu'il lui fist des biens ; et pource que le dit mon
perre me rescripvoit et prioit que mon plaisir fut de retourner à Mets, je luy rescript que mon intencion
n'estoit de encor point retourner, et lui mandait le lieu ou je estoie lougiéz, et qu'il n'en fut point à
mallaise de moy, car je estoie en bon lieu, et plusieur aultre chose ^lui mendait^ que je lesse.
Or fist tant le dit Collin qu'il fut à Mets et fist bien son messaige ; mais quant mon perre vit ma
lestre, Dieu scet c'il ce mist à plourer, comme il m'ait dis depuis, et tant plus la lisoit et tant plus ploiroit.
Touteffois, il avoit joie de ce que je estoie bien lougiés et ne demourait pas granment qu'il me envoiait de
l'airgent. Mais le pourteur (29) ne fut que jusques à Sainct Claude et rapourtait son argent à Mets. Et
ainssy demourait à G^e^newre et servis mon maistre ung ans durans lequelle, pource qu'il veoit que je
me entremetoie de plusieur pointure et subtil owraige à ces frais et coustange, il me voulloit mestre à
ung mestier d'orfewre ou aultre ; mais pource que je ne me voulloie obligiés plus hault d'ung ans, je n'y
fus pas.
Durans ce tampts vint à demourer en la maison du dit mon maistre ung clerc de Bourge en
Bairei, avec lequelle je promis de m'en aller à Romme. Et pour ce, tantost aprés, je demendait congiéz au
dit mon maistre, lequelle bien envis le m'octreyait, ains me destournoit de toutte sa puissance de non
aller à Romme, me remonstrant les dangier qui y estoie, car le dit mon maistre y avoit estés .XIX. fois.
Nonostant tout cella, je fut deliberés de m'en aller. Alors il me donnait environ quaitre ducas en prenant
congié de luy, et pour le soir nous couchames à une bonne ville sus le lac nommee Thonon. Et dellà fut
passés par touttes les cités et bonne ville que vous me oÿrés ycy aprés nommer. Premier de Thonon à
Sainct Gigoulx, à Sainct Maury, à Mertiniet, à Sainct Branchey, à Bour Sainct Pier, à Mont Sainct Barnaird,

16

à Bour Sainct Remey, à la cité d'Oste, à la cité d'Yvorie, à la cité de Vercel, à la cité de Pavie ; et illec peu
dellà fault passer la rivier du Poul et prant on le premier burtin, de là à Castel Sainct Jehan, à la cité de
Plaisance, à la cité de Palme, à la cité de Rege, à la cité de Modenne, à la cité de Boullougne, à
Florensoille, à L'Escairperie, à la cité de Florance, à Saquexenne, à la cité de Senne, à Bon-cowant, à
Sainct Clerico, à La Paille, à Acquependant, à Bourc Sainct Louran, (30) à Boulsalme, à Monteflascon, à
la cité de Viterbe, à Rousillon, à Soultre, à Monterouse, à Baicquant, à La Berguette, puis l'on vient à la
montaigne de Montemairte, de laquelle l'on voit la saincte cité de Rome.
En celle annee que je vins à Romme c'estoit en l'an .IIIIC. .IIIIXX. et .VII., et estoit alors maistre
eschevin seigneur Jehan Xavin. Et fut en celle année que la premier requeste de Pier Burtaulx vint en
Mets, auquelle vint depuis tant de mal, comme à la fin de ce livre est dit.
Nous venus à Romme en grant paine et à petit despans, car plusieur fois aviens couchiéz en
l'ospital ou en plain champts, et fut le g logies prins au Bourt Sainct Pier, et là fut devisés qu'il estoit bon
de faire. Au londemain aprés que l'esglise de Sainct Pier fut par nous visitee, nous demendions maistre,
mais à l'ocasion que je avoie prestés demi ducas à mon compaignon, lequelle je desiroie à ravoir, le dit se
desrobait de moy et me laissait. Cy fus là environ .VI. ou .VII. jour cen trower maistre, jusques ung jour
que je arivait en une petitte plaisse auprés Saincte Sesse, au bout du pon Sainct Ange. Et illec me trowait
ung pbrestre du Daulphinois, qui me demendait dont je estoie et que je queroie, et ce je voulloie avoir
maistre. Cy lui dit que oy, et que pour aultre chose je n'estoie venus. Alors me menait essés prés de là, en
l'ostellerie de la Gallee, pour parler à ung jonne jantil homme natif de Lozenne, lequel estoit roy d'arme
au duc de Callaibre33 et c'en voulloit de brief retourner à la cité de Neaples 34 ; et avec cellui je me mis et
promis à le servir cen aultrement me lower. Et aprés ce que .XV. jour furent passés et que le dit mon
maistre olt acomplis aulcune affaire qu'il avoit et que je olt aulcunement visités les sainct lieu de Rome,
par ung samedi sur le tairt fut monté en une nawier sur la rivier du Timbre, et tellement que nous vimes à
passer au loing des mur de la cité d'Ostie.
Et ainsy, comme le tampts estoit biaulx et clerc et que la nuit venoit, nous entrames en haulte
mer. Or estoit à plus grant jour et luisoit la belle cler. Et en celle premier (31) nuit que +nous+ y fume35,
y_orent une escarmuche par d'aulcun coursaire, pourtent que lez patron du batiaulx ou ^je^ estoie 36
Phelippe leur avoie dit aulcune injure. Et vinrent ^yceulx^ par grant despit hurter encontre leur nostre
bergantine, qui n'estoit ^que ung petit bastiaulx et n'estoit^ point grosse au regart de la leur, en telle
manier qu'à poc ne la firent vercer. Et ce n'eust esté ung homme de bien, qui là estoit, qui fist tent par
doulce parrolle qui lez apaixait, yl y eust heu du huttin cy grant qu'il en heust demourer en la plesse.
Mais aprés plussieurs parrolle et .II. ou .III. cox qu'il donnirent, il c'en retournirent et lez aultre
33 Alphonse II de Naples , duc de Calabre puis roi de Naples (1448-1494-1495).
34 Naples appartient à la famille d'Aragon depuis sa prise sur les Angevins en 1443 par Alphonse V d'Aragon.
35 furent corrigé en fume par l'auteur.
36 estoit corrigé en estoie par l'auteur.

17

haulcerent leur velle à vent à la clairté de la lune, ^car s'ettoit de nuit^, negerent tent qu'il ariverent ^le
lumdemain^ par une vespreez à la cité de Gaiette, et là coucherent ^pour celle nuit^. Et paincerent tropt
bien deux celle nuitee, et lendemain au bien matin ^nous en^ allame37 sus le port de la mer, et trouverent
une berquette qui voulloit aller à la cité de Naples. Cy entrame 38 dedens et ^nous^ mirent en mer à la
voullunté de Dieu et de fourtune. Et tent allerent qu'il ariverent par ung bien matin ^à Pettesoulle, de là^
à la cité de Naplez ou au port d'icelle.
Sy prinrent ^nous^ bague et ^nous^ en ailla^me^ chacun en son hostel ; Phelippe et son ^moy
et mon^ maistre, c'on appelloit Andrieu (maix ^on l'apelloit Caillaibre ad cause de son office^), s'en
aillerent en son hostel et trouvait son ^mon dit^ maistre ung sien bon amy qu'il l'avoit gouverné ^et
nouris^ en jonnesse, qui avoit heu son office devent que luy, et demouroie tout en ung hostel. Il ^le^
trouvait qu'il estoit fort mallade ; ne tairgit guere qu'il mourut et donnait au dit Andrieu de cez bien.
Or demourait (32) Phelippe avec son maistre, mais tent luy ennuioit que merveille pour la langue
qu'il n'entendoit mye bien, et aussy pour lez condicion dez gens. Et estoit moult bien avec son maistre,
mais le dit maistre ce voult ung peu eslever encontre le duc ^de Callaibre^ son maistre en_contredisent
disent à aulcune effaire qu'il luy avoit comendé touchant son office, par_quoy il fut dejepté et cassé fuer
de son office. Et pour cest cause acomencerent à_ffaire plus petit depent et n'abilloit ne ne vetoit mye le
dit Phelippe comme il devoit faire, et luy vint encor beaulcopt d'empechemens, par_quoy lez chose ce
rempiroient aidés de mal em pis. Et tellement qu'il fut force au maistre de dire à Phelippe qui ne le
povoit plus soutenir, et qu'il luy aideroit ailleur à querir partit. Phelippe estoit essés compten de s'en
ailler, mais moult luy deplaisoit qu'il avoit usé ces robez en son service et qu'il ne luy donnoit robe ny
argent pour cez paine. Et voulloit encor qu'il aillait demourer avec ung sien compaigno n qui estoit
homme d'airme au_dit duc, c'on appelloit Jehan Anthonne et estoit de Piemont, bien prés de Turin, tent
mavaix ^homme^ à servir que merveille.
Moult deplut au_dit Phelippe de ce faire. Touteffois, tent le tentait en luy promectent de le paier
de ce qu'il l'avoit servy, qu'il luy fit demourer ; et avoit servir le_dit Andrieu prés d'ung ans et c'il avoit
mal esté, encor fut il pis, sinon qu'il luy donnait ung peu d'abillement ; et quant il en voulloit parler ou
pour demender congié, il estoit malz venus et bien batus aulcune39 fois ; (33) car il ne couchoit que sus la
paille ou sus le train de cost lez chevaulx, ou sus le pavemens. Et le voulloit le_dit Jehan Anthonne tenir
comme esclave ou serf, de condicion par telz qu'il n'oseroit servir dedens la cité de Naples aultre que luy,
ce par son concentement n'estoit ; et tellement que le_dit Phelippe c'en estoit40 une fois fouis de luy et ce
voulloit lower avec ung aultre gentilz homme, mais quant il ouÿt que ce n'estoit mye du concentement de
son premier maistre, sy luy dit qu'il ne le loweroit point se premier n'avoit de luy congié, car il ne voulloit
37 allerent corrigé en allame par l'auteur.
38 Philippe a visiblement voulu corriger entrerent en entrame, mais a écrit : entrerme ; nous corrigeons.
39 Philippe écrit aulcunenefois ; nous corrigeons.
40 Philippe écrit ce nestoit ; nous corrigeons.

18

point avoir debat, et estoit la coustume de gens d'airme telle comme vous oyés, ^que quant il avoient ung
serviteur qui lez laissoit, nulz ne l'oisoit pranre ce par le congiéz du_dit homme d'arme n'estoit^.
+Or quant Phelippe+ vit cela, cy c'en retourne en chiés son maistre +dit maistre+, et aprés
plussieurs parrolle ^qu'il eurent ensamble, il^ le servyt comme de devent ; et puis c'en vint à son premier
maistre, ^nommé Andrieu^, et luy dit coment que son maistre le traictoit et se il l'avoit vendus en ces
main. Mais il se print au escuzer et luy dit que neny ^non^, et qu'il ne lui avoit que presté tent que Dieu
l'eust aydé à remectre en son office ; et luy promist de luy faire donné congié.
En celluy tempts vint à Naples le quardinalz de Foines 41, qui fut grandement faitoiéz du roy et
toutes ces gens ; et pour cest cause mendait le roy42 tout ces gens d'airme de luy de et de ces filz, et lez
fist gairder en son chaitiaulx c'on appelle Castel Nowa, qui vault à dire Neuf ^comme^ Neuf Chaitiaulx.
Et pairaillemens fist mestre bonne guernixon à Castel de l'Owe, qui est dedens la mer à demy mil de
Naples ; (34) paireillement au chaitiaulx de Caponangne, ou le duc son filz ce tenoit ; aussy en la tour
Sainct Vincent en la mer ; paireillement à Sainct Martin sus la montaigne ; car lé mur de la cité n'estoie
encor point fait, comme mais ce faxoie tent belz que merveille comme on lez peult veoir et tent espés
que le plus gros cher c'on peult trouver eust bien allé par dessus et ung homme de chacun cousté tout à
leur ayxe ; et lez tours tout massice, fors dez archier pour traire, ^et estoient^ de .XL. pas en .XL. pas
loing l'une de l'aultre, et tout de pier de taille par dehors.
Et pour cest cause fut mis le maistre Phelippe au chaitiaulx du roy c'on dit Castel Nowa, avec les
aultre, pour garder. Cestuy chaitiaulx est tent belz que nul ne pouroit croire, et le fist faire le roy
Alfonce43. Au quaitre cornet sont .IIII. tour tent bien faicte que merveille, et le pourtal de maibre hault
et merveille et entaillyé de plussieurs pourtraiture ^de maibre blan^, belle et plaisante, et sont les mur
tent espés qu'il y ait ung jeu de palme dessus, du costé de devers la cité ; et au dedent est la court grande
et plentureuse, et sont arvoult entour ou sont plussieur gens de mestier qui là se tienne, qui besongne
pour la court. Du costé de devers la mer sont .II. saulle par ou on voit au loing de la mere ; l'une est la
grande sale reaille et l'aultre est petitte ; et entre ces .II. salle est la chaipelle du roy.
En celluy temps fut dequairteléz ^en quaitre cartiet^ ung homme et ^l'ung dez^ pourtier du_dit
chaitiaulx dudit roy, pourtent qu'il avoit voullu faire eschaiper (35) les prince que le roy tenoit em_prixon
au_dit chaitiaulx. Ces prince ^que je dit^ furent prins quant Phelippe vint au premier an Naple, et en fut
dequairteléz une partie dez plus grant et, comme le sacretaire et son filz l'ung devent l'aultre et dez aultre
aulcy ; et estoit cestuy sacretaire grant prince. Et lez aultre furent bouté en prixon, comme ^ung grant
maistre qui estoit^ prince d'Aultemure et duc d'Endre 44 ; et ^de^ plusieur aultre signoirie ^estoit
41 Pierre de Foix, dit le Jeune, fils de Gaston IV de Foix-Béarn et d'Eléonore Ière de Navarre, neveu de Louis XI,
cardinal de l'Eglise catholique (1449-1476-1490).
42 Ferdinand Ier de Naples, dit aussi Ferrante d'Aragon, roi de Naples (1423-1458-1494).
43 Si Alphonse V d'Aragon a effectivement entrepris de moderniser la forteresse, cette dernière date en fait du XIII e s.
S'agit-il d'une simple imprécision ou d'une volonté de Philippe de rendre hommage à ses maîtres aragonais ?
44 Pierre des Baux, duc d'Andria.

19

seigneur^, et estoit ung ^groz graz homme ; et avec lui furent^ plussieur aultre seigneur. Et la cause de
leur prinse fut pourtent qu'il avoie voullu traïr le roi et le bouter fuer du reaulme pour y mectre le duc
^Regné^ de Loraine45. Et n'en eschaipait ^de tout lez prince que le conte de Valle, qui escusait la chose,
et aucy eschaipait le prince^ de Salerne 46 qui s'enfouÿt à Salerne, sa cité, et là ce defendit du roy
Farande, puis ce partit et s'en alla à Romme et abandonna tout sen païs au roy, lequel le donna à ces
enffans, tent celluy là comme le païs dez aultre prince. Et entre lez aultre le second filz du roy, appellé
Dan Phedrich, qui estoit prince de Tarente, olt en sa part le païs du prince d'Aultemur qui estoit en
prixon, et print sa fille à femme47 et l'aillait espouser à sa cité d'Endre, au païs de Poulle, du temps que
Phelippe demouroit encor avec son premier maistre Endreu. Et y aillait ^le_dit^ Phelippe avec son dit
maistre à la dite cité d'Endre, qui est de Naples au dellà environ .C. mil ytalienes, +comme le chemin cy
apréz le declaire+.
Sy ce partirent de Naples et c'en aillerent à Marillain, de Marillain à Naule, à Baenne, à
Montefort, à La Villine ; de là L'Atripaude, (36) de L'Atripaude à Praide, à Torraise, à Miraibelle, à La
Gronde Menade, à Pocairin, à Gervailde, à Montelionne, à Baillaide, à La Cidoine, à Aiscuelle, à La
Velle, à Mourninne, à d'Endre, à laquelle ce faixoit la dite feste qui cy fist moult grande et moult
solainelle. Et paissairent par tout ces ville que en aillant, que en retournent.
Or, pour retourner à nostre premier prepos Phelippe, ^du tampts que le cardinal de Foiez estoit à
Naiple, Phelippe^ et Jehan Anthonne son maistre estoient estoient avec les aultre au Castel Nowe et
couchoit chacune nuit és allees du_dit chaitiaulx, et y furent tent que le quairdinal fut à Naples, qui
loigioit en la maixon du prince de Sallairne.
En cellluy temps vinrent à Naples les galliasse de France chairgeez de merchandise, comme elle
ont à coustume de chacun_an venir au moix d'aoust pour vendre leur denreez à la Dowaine à Naples
(^c'est^ ung lieu ensy nommé). Et quant elle orent fait et vendus l'une c'en voulloit retourner en France
à Aigue_Morte chairgié de blef, et lez aultre c'en voulloient ailler en Aillixandrie querir aultre diverce
merchandise.
Or fist tent Phelippe à son maistre qu'il luy donnist congié par le moien de son premier maistre ;
et luy trouvait son premier maistre ung homme de Bourge en Bary qui luy promist luy faire ces depent
jusque là, et le patron de la gallee luy donnaist son passaige. Mais ce tenoit tousjour de cost Jehan
45 Cette révolte des grands seigneurs, connue sous le nom de Conjuration des Barons, se forme à l'origine en 1461,
après la mort du roi Alphonse V d'Aragon, pour renverser son fils Ferdinand et lui substituer le duc Jean II de
Lorraine, duc de Calabre et fils de René d'Anjou. Ferdinand écrase la Conjuration en 1464, mais celle-ci se reforme
en 1484. Ferdinand l'apprend et attire les barons révoltés dans son palais avant de les faire exécuter, comme Philippe
le raconte ici. En revanche, Philippe semble faire l'amalgame avec le soulèvement de 1488, où la couronne
napolitaine fut effectivement proposée à René II de Lorraine qui dut refuser sous la pression du roi de France
Charles VIII, ce dernier projetant de conquérir la cité lui-même.
46 Antonello Sanseverino, prince de Salerne (1458-1499).
47 Isabelle des Baux (1465-1533), fille de Pierre des Baux, duc d'Andria, et de Maria Donata Orsini, est la seconde
épouse de Frédéric Ier de Naples. Il avait en effet épousé en premières noces la fille du duc de Savoie Amédée IX,
Anne de Savoie, décédée en 1480.

20

Anthonne tent que lez gallias s'en aillirent.
Or demourerent les dite gallias plus qu'elle n'avoie dit, et ennuiait au_dit Jehan Enthonne (37)
pourtent qu'il avoit ja aultre serviteur ; et dit à Phelippe, puis-qu'il avoit demendé congié, qu'il c'en aillait
ou il ne luy donroit mye quant il vouldroit. Or n'avoit Phelippe point d'ergent, car son maistre ne l'en
avoit point voullu donner.
Touteffois Cy c'en aillait ^le_dit Phelippe^ en court de don Phedrich, l'aultre filz du roy que cy
dessus avons parler, car luy et tout sa court ne parloie que fransoy et estoient dez païs par_dessa la plus
part, et y avoit esté marié le_dit prince de sa premier femme, et ce tint ^avoit tenus^ grant piece avec le
duc de Bourgougne, donc ce tint ledit ^du tampt qu'il estoit devent Nencey^. Et pour ce Phelippe ^ce
aillait randre en celle maixon et thint^ avec ung gentilz homme tent que lez galliasse s'en iroie.
Ce tent pendent, vint ung +jantilz+ g homme de la court à Phelippe, qui luy dit que c'il voulloit
demourer avec luy, qu'il luy donroit bon gaige. Phelippe, considerant qu'il n'avoit point d'ergent, et aussy
qu'il congnoissoient celluy maistre estre bom et que lez aultre serviteur qui l'avoie servy y avoie bom
temps ; que puis-que il avoit congié de son maistre, qu'il y demouroit et cy luait chacun moix .VII.
quairlin ; et plussieur aultre aventaiges qu'il en avoit. Or fut lowé à celluy là c'on appelloit +seigneur+
Guillaime le Guercon, nonostent qu'il n'estoit point gentilz homme ^de grant lieu^, car il estoit soneur
^sonnateur^ du prince, et ^bien privéz et améz de lui^, +et+ juoit de la rebette ^du rebecquette^ avec
lez aultre soneur ; et aussy combien que Phelippe fut son lequaie, car il alloit de piedz partout avec la
court, cy estoit il plus aixe et mieulx logiés que jamais n'avoit esté48, et en avoit moult d'aventaiges tent
qu'il ne dependoit (38) rien de son lowiet.
En celluy temps vint à Naples l'ung des filz du roy qui avoit non estoit batair et s'en estoit fouis
du roy son perre quant49 il estoit encor bien jonne, et s'en estoit allé demourer de_cost le grant Turc50,
lequel le norry comme l'ung dez grant de sa court et luy donnait terre et possession pour luy vivre ; et y
demourait ^le_dit baitairt^ moult grant temps. Et quant y vint en_l'entrees du reaulme de Naples, y
mendait au roy son perre sa venue, lequel luy fist grant bien-venue et avec grant gentillesse de duc, de
prince, de conte, d'erchevaique et d'avaique luy vinrent au_devent avec menetrés et trompette, et
plussieur instrument. Et le vinrent trouver à ung mil de Naples, qui estoit tout apairreilliet et monté sus
genecte et vetus tout à la monde de Turquie, et avoit avec luy plussieurs serviteur turc ; et en telle estet
s'en vinrent à Naples.
Aprés sa bien-venues faicte et plussieurs jour aprés, le roy luy essignay terre pour luy et pour son
estat entretenir ; mais il acomensait à mener le plus wail estat ^infame^ et ort ^estat de jamais^, car il
n'avoit print que tout malvaix guerxon de sa court et menoit sa vie comme ung folz, comme on dixoit. Et
48 suivi une phrase barrée quasi illisible
49 quant ajouté dans l'interligne en correction de qu50 Bayezid II le Juste ou Bajazet II, huitième sultan ottoman (1447-1481-1512).

21

pour cest cause le roy le fist mectre en prixon au Castel de l'Owe, qui est en mer au-prés de Naples et est
moult fort chatiaulx ; puis, aprés bien demy ans, à la requeste d'aulcun grant seigneur, le roy le fist mectre
dehors. Et fut celluy batairt fait evecque d'ung evechié au_dit reaulme, et Dieu pencés quelle evecque,
qui avoit esté touttes sa vie en Turquie avec lez infidelle, et quelle pasteur, ^et ne savoit ny A ne B^.
Ne tairgist guere que le prince d'Aultemure, c'est (39) assavoir don Phedrich, s'en voult aller
veoir sa femme qui estoit bien grosse qui ^d'enfant et^ demouroit à Endre, ^sa cité en Poulle^. Or ce
mirent au chemin et Phelippe et son maistre avec, et c'en aillirent de bonne ville à aultre tout par le
chemin que aultre-fois avoit esté. Ils demourent environ ung moix à Andre, qui est au païs de Poulle, et
fut la princesse acouchié d'ung filz 51. Puis ce partirent tout la court et en chassent ^et vollant^ s'en
alloient par tout le païs de Poulle et par +ung païs nommé+ le Baselicquaite jusque en Callaibre.
^Cy ce partirent^ de Andre ^et^ c'en aillairent premier à Quairaite, de là à Rowe ^et puis^ à
Aultemure ; aprés à Mateire qui est ung cité en ung hault, et croy qu'il n'y ait my .XX. maixon qui soie
mureez fuer de terre, comme je croy ; mais sont tout cawe entaillieez dedens la roche, qui est bien tenre à
taillier ; et est la ville enfondue au millieu et en celluy fons y est une petitte mo ntenette, sus quelle est
l'eglise catedralle, essute moult belle et grande et haute tour. Et les maison son l'une sus l'aultre contre la
montaigne, en telle maniere que lez ties ou coverture dessoure dez dite maixon font la rue de devent les
aultre maixon, qui sont encor plus haulte et tousjour ensy en montent amont la couste ; et ne voit on que
lez chaiminee dez maixon desseur terre, et n'y ait nulz huit derrier, comme on porroit dire à Mets devent
lez Lombairt, ^en Saurie^, exepté que lez maixon y sont mureez à Mets et là n'y sont muree, fort lez
huxerie et fenestre, chaimineez et aultre ouvraige semblaible, qui est une terrible chose à veoir et fort à
prendre.
De là +De celle matiere+ ^ce^ partirent la court et s'en aillerent à Monteiscailleuze, qui est
moult hault citueez, et logait le prince à une religion de sainct Michiel ou sont moine de sainct Benoit,
dedens la ville ; de là à La Tour de Mair ; et est loing dellà Naples +bien+ (40) la dite Tour de Mair
bien .C. et .L. mille +dellà Naple+. Puis furent là unne quantité de jour, et s'en retournait le_dit prince à
Andre ; et Phelippe demendait congié à son maistre quant il vinrent à Aultemure pour aller avec dez
aultre compaignon à Sainct Nicollay du Bair52, qui est bien une journeez de coustier d'Aultemure su la
mer de Poulle.
Or s'en aillirent ^par une bonne ville nommee^ Aiqueme et puis à Sainct Nicollay ; et son maistre
luy avoit cheirgié une lestre pour pourter à ung preste de l'aglise de Sainct Nicollay, en luy prient qu'il leur
vouxist donner de la maine ou de l'uyle du_dit sainct Nicollay, car aultrement n'en heusse il point heu53.
51 Ferdinand d'Aragon, futur duc de Calabre et vice-roi de Valence (1488-1550).
52 Saint Nicolas de Myre (270-345) est le saint patron de la ville de Bari.
53 Les ossements du saint suinteraient une huile sacrée ; ces reliques auraient été volées par des gens de Bari au XIe s.
dans l'église de Lycie où elles reposaient : « Et quant il fut enseveli en une tombe de marbre, une fontaine d'uille
decourrut du chevet de sa teste et une d'eaue des piés ; et jusques aujourd'uy yst de son corps huille saincte qui vault
au salut de moult de gens. […] Et lors vindrent la quarante et sept chevaliers du Bar et quatre moynes leur

22

Quant il vinrent là, cy firent chanter une messe de_devent l'autelz éz grote dessoubz le grant aultel, car là
gist le corps sainct Nicollay ; puis, aprés, le pretre entre derriere l'autel en ung lieu encor b plus bas pour
prendre de l'oille, et en print .III. fiolette plenne, et ces fiolette furent mise dedens boitte de blanc fer ;
puis lez donne au compaignon pellerin. Phelippe en olt une.
L'eglise de leans est assés belle et grande et la cité aussy, et y_ait .II. clochiés en l'eglise, et .II.
aussy en l'eglise catedralle de la ville. Et y_ait de part et d'aultre du pourtal de l'eglise .II. beuf de pier
^de mabre^, qui ont en leur teste proprement corne de beuf empee ; et dit on à la ville que ce sont les
corne dez beuf qui là pourterent le corps sainct Nicollay, car chacun voulloit avoir le corps devent sa
maixon pour lez miracles qu'il faixoit au tent qu'il mourut, ^car il estoient païens^.
Or s'en retournerent de Sainct Nicollay à Betonne ; de là à Rowe ^puis^ à Quairaite, ^et aprés^ à
Andre on estoit de-jay le prince. Puis, aprés plussieurs jour, Phelippe (41) et son maistre s'en aillerent à la
cité de Traine, qui est à .VI. mille de celle d'Endre et est moult ^belle^, essute sus mer mer pour ce
esbaitre ; puis c'en raileirent à la cité de Berlotte, port de mer moult ensiens, à la ^et est^ celle ville là on
on corronne tout les rois de Naples, et n'y_a de Traine que .VI. mille, ne d'Endre que .VI. mille, et enssy
ces .III. cité sont comme ung trappe, les .II. sus mer et l'aultre, c'est assavoir Andre, ^est^ sus terre.
Aprés ces chose, le prince retournist errier à Aultemeur, et fut bien .IIII. moix qu'il ne fist aultre
chose que tournoier par ces ville et cité, toujour en chessant ; et luy vint visiter son frere le duc de
Callaibre, et tousjour Phelippe tout à piedz avec ; puis aprés c'en voult retourner à Naples par ung aultre
chemin qu'il n'estoit venus et par le païs d'Abrusse.
Et premier d'Erd d'Endre vinrent à Cainouze, que ceulx du païs dissent que au tent passé
soulloit estre moult grandre, comme il apert encor en pluissieurs lieu ; de là à la Tour de la Mair, de là à
La Cherinoille, ^puis^ à Fange, ^puis^ à Troies ; puis quant on out passé la cité, on passe par le mon de
Crepecourre, et puis on vient à à Benivente, qui est fort cité et ensienne, qui le pape thient au reaulme
de Naples, et la conquetist Rollant, con dissent les istoire du païs, encontre le roi Ciprienne, et la
donnaist à l'eglise romaigne, car le pape y avoit tenus le siege .VII. ans et ne l'avoit poullu guenier. De là
vinrent à Caïesse, puis à La Cherre et puis à Naples.
Ne tairgist guere que Phelippe s'en raillait avec son maistre au nopce d'ung gentilz homme, à une
ville c'on_dit La Cawe, prés de Sallerne. Et s'en aillirent par Nuchiere ; là firent (42) moult grant chier
une semaine tout enthier, car son maistre juoit dez instrument avec ceulx du roy ; et aprenoit le_dit
Phelippe à jower de la rebette ^du rebecquet^ et lez faixoit luy meyme, dont son maistre l'amoit bien
pour sa subtilitté ; et aussy luy faixoit biaulcopt d'aventaige. Puis, la feste faillie, c'en retournire nt par
Escaiffaite et par La Tour du Grec et par Naulle et par Marillain, et vinrent à Naples.
monstrerent le sepulcre sainct Nicolas, lequel ilz ouvrirent et trouverent les os de luy nageans en huille et les
emporterent honnorablement en la cité du Bar en l'an de Nostre Seigneur mil octante et sept. » (J. de Voragine, La
Légende dorée..., p. 125).

23

En celluy tempts, y olt ung homme brulé pourtent qu'il s'avoit voullu prenre à une gement, et
ung aultre olt lez .II. main coppeez pourtent qu'il avoit frappé ung sergent qui le voulloie pranre pour
debte. Ung aultre fut pendus, qui avoit roigniés lez monnoie ; .II. aultre furent pendus et brulé, c'est
assavoir le grant pere et l'avelait, et le filz eschaippait, pourtent qu'il avoie fait fausse monnoie ; et eusse
esté boully en l'oyle, se n'eust esté par grant priere et grant dons. Et tout cella vist le_dit Phelippe.
Aprés bien demy ans, s'en retournirent à Endre ^par lez chemin que avéz oÿ^, et demourirent
encor bien .II. ou .III. moix en_tournoient le pais, comme vous avés oÿ ; puis retournirent à Naples. En
celluy temps que Phelippe y fut, fu et fist ^ce firent^ de moult belle joste realle, et y jotait une fois le
duc de Callaibre et gaignaist le pris, et ces .II. filz le prince de Capua et Alfonce.
Ce temps pendent, Phelippe estoit adés en atendent aventure pour c'en retourner au païs devers
son perre, car bien se pansoit que son perre en menoit grant dueil pour luy et l'en faixoit souvent le cuer
malz quant il y pansoit ; et eust bien trouvé à aprendre aulcun bon (43) mestier au païs, +et paireillement
office en court, car le prince avoit parlé à lui plussie[ur] fois+, mais il ne s'y osoit bouter, de peur que c'il
trouvoit aulcune bonne aventure pour c'en retourner, que son maistre qui l'aprendroit ne le laissait ailler,
c'il n'avoit fait ces ennee.
Et ensy atendoit aidés de jour en jour quelque embaxaide ou aultre pour c'en retourner et qu'il
ne dependit ce peu d'airgent qu'il avoit guegnié avec son dernier maistre, et estoit assés ^bien^
honnestement abillés, car il l'avoit servy plus d'ung ans et n'eust servir aultre maistre tout le temps qu'il
heust demouré au païs. Et avoit le_dit Phelippe demouré à Naples avec ces .III. maistre l'ung parmy
l'aultre .III. ans et demy.
Or vint que le roy de France avoit envoié aulcun dons à roy de Naples, pour la-quelle chose le roy
de Naples luy voult envoier des chevalx avec ung gentilz homme qui aillait avec pour embaxaide ; et
serchoie gens par-tout pour mener les_dits chevalx +chevaulx+ et pour guegnier argent. Phelippe s'y y
fut ressus, avec plussieur aultre qui c'en voulloie retourner en leur païs, qui estoie l'ung de Bourgogne,
l'aultre de Savoie, l'aultre de France, de Guescougne, et enssy dez aultre ; et ce lowirent au_dit
embaxaide, ^tellement^ que chacun guegnoit chacun chacun jour ung querlin pour g ^avoir chacun la
chairge^ de chacun .II. cheval ; et devoie aller à piedz et lez mener par la bride. Et ensy print Phelippe
congié de son maistre et de tout ceulx de l'ostel, qui en furent moult courcé.
Et ce partirent la dite compagnies de Naples par une vepree ^en owoust^, avec le herault du roy
de Franse et avec ung merchampt de chevalt qui estoit de Provence, qui avoit environ .XV. chevalx ; et
vinrent (44) couchiés cest nuit à la cité de Verse.
Lendemain ce partirent et allerent couchiés à la cité de Capua, puis de là c'en allerent tout le
chemin c'on vait au Romme par terre, comme il ^le chemin^, s'ensuit : de Capua à Sesse, à Molle, à Ytro,
à Terachine, qui est la fin du reaulme et la premier ville du pape ; de là à la Case Nowa, à Sermonette, à

24

Melitre, à Marin, à Rome, et là furent .II. ou .III. jour à l'ostel au Soleil. Et puis c'en retournerent tout
par le chamin que Phelippe estoit venus jusques à Castel Sainct Jehan ^en Lombairdie^, au-quel lieu
laissirent le chemin des mont Sainct Bernaird et prinrent le chamin dez Mon Senis, ^comme lez ville ce
ensuient : et premier^ de Castel Sainct Jehan à La Seradelle, à Castel de Voqueire, à Ponteilon, à
Tortone, à Alixandre, à Felicen, à Aistre, à Ville Nowe, à Mon-caillie, à Triboulle, à Villain, à Suse, à
Noveillaize, à La Ferriere, à Mon Senis ; puis de dessà les Mons Senis vinrent à Bourgue, de là à Sainct
André, à Sainct Michiel, à Sainct Jehan de Morienne, à La Chambre, à Eguebelle, à Monmelien, à
Chambery, à Eguebelette, au Pon de Biau Vouxin, à La Tour du Pin, à Bourgun, à La Werpiliere, à Lion,
et là furent .II. ou .III. jour par jour de Toussains ; puis de Lion à Sainct Mertin, à Fleur, de_là à l'a-batie
qui est ung lieu de plaisance au païs de la Biauce, et estoit à mon-seigneur le grant auquel devoie
demourer lez .II. chevalt ^chevaulx^ que Phelippe gouvernoit, et ne cuidoit aller plus loing avec ledit
embaixaide. Mais l'ung de ces chevalx fut poucif, par_quoy il c'en aillait tousjour oultre, cuident aller au
Paris.
Mais il leur fut dit que le roy ce tenoit à Tours en Touraine, par_quoy Phelippe s'ennoiait ^ce
ennoiait^ d'aller plus avec eulx (45) et demendait congié à son maistre, puis-qu'il avoit esté jusque à
ladite abatie ou ces chevalx devoie demouré. Mais il ^ledit ambaixaide^ ne luy voult point donner et
voulloit qu'il aillait tousjour avec lez aultre. Phelippe, conciderant le malz temps qu'il faixoit et qui avoit
bien fait son voaige et que il se s'ailongoit ^ce ellongeoit^ tousjour de Mets c'il ailloit plus avec eulx, ce
pansa qu'il n'yroit plus v... ^gairt^ loing avec eulx. De_l'a-batie ce +Touteffois ce+ partirent ^de là^ et
aillirent à54 ^ung lieu nommé^ La Grange, de là à Sainct Endré, de là à La Pecodiere. Puis [-] [-] à Sainct
Germain Et quant il vinrent là et que Phelippe vit qu’il ne povoit avoir congié de son maistre, il ce pansa
qu’il le prandroit veu qu’il avoit bien fait le terme qu’il luy avoit promis.
Et ce partit de là par une matiniéz bien matin pour retourner à Lion par ung aultre chemin, plus
court que cil qu’il estoie venus. Le temps estoit couvers et la lune luisoit, et qui cuidoient tuit qu’il fut
jour ; adonc quant il olt mis à_point ces chevalx, il ce partit secretement et tint le chemin c’on luy avoit
ensigniéz. Mais ^je vous veult contéz une aventure que lui advint^. Quant il vint bien à demy lieue loing
de leur logi[s], la lune ce musa et devint nuit. Et estoit Phelippe +seul et+ par luy, et ne savoit lez
chemin. Touteffois il cheminait aidés oultre, et s'aillait ^aincy qu’il cheminoit c’en aillait^ bouter
dessoubz ung gibet ou il pendoit ung homme tent bas qu’à_bien petit +que ledit+ Phelippe ce hurta
contre luy, ^par-ce c’on ne veoit goutte. Touteffois^ il fit le signe de la croix ^et^ dit ung prefundis, et
passe oultre. Puis ce print fort à venter et le temps à excurcis, et ^c’en^ aillait +ledit Philippe+, arive sus
une estans et ne povoit trouver manier de passer, et serche tent dessus et dessoubz qu’il trouvait (46)
une petitte sentelette, par la-quelle il passa. Puis, à grant poinne, fist tent qu’il ariva à villaige et ce alla
mectre devent l’eglise en atendent le jour, ca^r^ il avoit desja bien cheminé .II. lieue, ^et^ fut encor là
54 Philippe barre ce à ; nous le rétablissons, car une préposition est ici nécessaire.

25

bien unne heure et demee devent qu’il fut jour.
Quant il fut jour, il ce part et trouvist .II. jonne guerxon qui ailloie à Lion, et ^il^ s’acompaigne
desdit ^guerxon^. Puis c’en vinrent par Sainct Germain, de là à Roanne, à Sainct Siforien, à Tairaire, à
Ponquaray, à Brele, à Lion. Il atendit là ung jour ou .II. pour trouver compagnie, puis ce parte et s’en
vint à Ance, de Ance à Ville-franque, puis à Belle-ville, de Belleville à Macon, à Tourneu, à Chailon ^sus
Sonne^. Quant y vint, là trouvist ung compaignon qui luy dist que à Mets avoit grant guere et que ung
nommé Crance et ung nommé mon-seigneur de Bassonpier courroie fort au païs, pour la-quelle chose
Phelippe avoit intencion de soy abillier en ce païs là. Mais il ce pansay qu’il atenderoit jusques +à+
Mets. Et estoie lez yaue cy grande qu’il ne pourent entrer à Chalon que c’il n'ailoie par la nef ^n'entroie
en une nef parmi lez préz^. Puis ce partist de là et trouvaist ung jonne cler qui venoit de Lion et s’en
venoit à ung villaige en Loreine nommé Lorey, à .II. lieue prés de Sainct Nicollay. Sy s’acompagnirent
emsambles et c’en vinrent à Biane, de Biane à Nostre Dame du Chemin, puis à Noiet, de là à Digon, de
Digon à Langre. Et quant il vinrent là, cy olt grant paine de passer pour les passaige du roy qu’il failloit
paier, et y_olt pluissieur malvaixe rencontre que à grant paine poult il passer, tent és boix comme (47) és
ville, et aussy que les chemin estoie tent maulvaix c’on ne pouvoit pis, et n’y avoit cy petit ruisiaulx qui ne
fut une riviere de Langre à Neuf-chaitiaulx.
Puis c’en aillirent par le pont Sainct Vincent et aillirent couchiés à Lorey en-chiés le perre de son
compaignon. Lendemain print ^Philippe^ congié ^de lui^ et vint à Sainct Nicollay bien mouliés, Dieu
scet coment. Quant il fut là et qu’il oÿ parler de la guere et c’on ne laixoit passer homme de Mets qui ne
fut rué jus ^et destroussé^, il olt grant pavoir et ne savoit quelle conseil prandre, ^car il avoit jai
rencontré le jour devent plussieur gens d’arm[e]^. Touteffois il ce pansa qu’il passeroit et qu’il
contreferoit sa langue, par_quoy il ne serroit point cognus. Et fut toutte la nuit à pancer sus cellà. Puis
lendemain ce partit et en ailloit mengent ung mourciaulx de pain, comme ung coquin, ^contrefaisant du
fol^ affin c’on ne l’aretist pas. Sy rencontre ^Mais à saillir de Sainct Nicollay, il fut rancontrés dudit
Basonpier, au lequelle entroit à Sainct Nicollay bien acompaigniéz de gens armé^, et il fit saillir de Sainct
Nicollay et retournerent .II. de ces homme, lesquelle c’en aillirent atendre ^ledit^ Phelippe decost une
petitte chapelette ^nommee la Madellaine, à dessay de Sainct Nicollai^. Phelippe vit bien tout leur train et
s’avoit pourveu de reponce, et mourdoit tousjour dedens son pain, et c'il n'eust esté bien avisé, il estoit
en grant dengier d'estre perdus.
Adonc luy dit l'ung : “Arest ! Dont ve vient tu ?” Respondit : “De Rome. - Ha ! Tu es de Mets,
dit il ^Lors quant il fut arivé prés de ladite chaipelle, là ou il l'atandoit, l'ung desdit compaignon lui vint à
devent et lui dit : "Arest ! Dont vien tu ?" Respont Philippe : "Je vien de Rome. - Ha, dit il, tu es de
Mets^. - Testimon55, dit l'aultre, je ly ait oÿ demender le chemin à Mets." Phelippe ce print à escuser
moult humblement et dit que sauve leur honneur, qu'il estoit de Genevre en Savoie, +et+ print à parler
55 Philippe écrit sestimon ; nous corrigeons d'après Michelant.

26

savoien et ^dit^ qu'il avoit servy ung maistre à Rome qui estoit de Lorenne, et aussy qu'il avoit esté en
fourtune de mer, par_quoy il vouait ^promit le voiaige^ à Sainct Nicollay et à ma-damme Saincte56
Bairbe.
Adonc luy respondist ^dit^ l'ung et jurait (48) que par la chair qu'il ce mentoit, et le 57 prinrent
moult fort à menasser de le gecter en la riviere c'il trouvoient deffault en luy. Phelippe estoit tout
reconforté et leur donnoit tousjour responce supfisante à ce qu'il luy demendoie. Adont ^il^ luy
demende qu'il pourtoit en son ferdelette. Respont : "Ce sont mes ch... baugue ^et abillement^", car il y
avoit pluissieur besonne. Adont luy deffit ^deffirent^ et trouvairent dez livre en ytalien qu'il rapourtoit,
et cuidoient que ce fussent lestre qu'il pourtist pour ceulx de Mets ; aussy ung gippon de satin et ung
hoqueton et dez semence atrainge, et moult d'aultre baguette.
Et pourtant crurent plus fermement que ce qu'il dixoit fut vray, et avoit l'ung d'eux esté à Naples
et luy demende pluissieurs chose, dont Phelippe l'en donnast bonne responce.
Quant Phelippe vist qu'il eschaiperoit de leur main aprés pluissieurs menasse qu'il luy avoient fait,
sy ^fit^ maniere de doubter ceulx de Mets et ce consille à eulx c'il y oseroit bien passer, et aussy leur prie
que il leur pleut de luy donner enseigne par_quoy il peult passer par le païs et que d'aultre ne le
vouxissent mye serchier comme il avoit ^fait^, veu qu'il n'avoie trouvé en luy que bien à_point.
Adont luy donnent l'ung d'eux enseigne sertenne par quoy il passait tout aultre dengier, et n'eust
ja passé jusque au Pon au Mouson sen estre print, ce n'eust esté les ansaigne ^qu'il lui donnait^. Et
s'apelloit celluy là Gregoire, qui ^lequelle^ depuis aiday à_prenre ledit Phelippe, comme vous orés cy
aprés.
Il ^Or^ chaminait tent ^ledit Philippe^ qu'il vint à Nency et passay tout parmey de Nency, vint
passer Mezelle à dessoubz de Frowaulz, qui estoit moult grosse et eust à grant paine passé ce n'eust esté
le (49) batair de Loraine avec qui il passay. De là vint au Pont au Mousson et fut interrogué en moult de
lieu, dont il n'eust point eschaippé ce se n'eust esté les enseigne qu'il avoit de Gregoire. Puis fist tent
qu'il ariva dessus Joey, de là vit la cité tent58 desiree de Mets ^laquelle il avoit tant desiré^. Et s'en vint à
Joey en la maixon de Mengin qu'il avoit donné la clef et la lestre quant il partist, ^comme cy devent est
dit^, lequelle le huchait bien-vienant et ce contairent l'ung l'aultre de leur novelle. Puis dit Phelippe à
Mengin : "Il fault, ^dit il^, que demain venés avec moy à Mets, et acheterés du draps pour moy vetir et
tout ce qu'il me faudray. Et je vous bailleray argent assés, car je ne me veult mye monstrer à mon perre
tent que je soie bien en point."
La nuit passay, et lendemain s'en vinrent à Mets et acheterent drapt et tout ce qu'il luy failloit,
tent qu'il estoit tout neuf de-puis la teste jusque au taulon, et comendait +à couturier+ que cez robe
56 Philippe écrit sainct ; nous corrigeons.
57 luy ou le ? Difficile de trancher.
58 Philippe oublie de barrer tent malgré sa répétition en correction ; nous le supprimons.

27

fussent faicte la nuit pour ^le^ lendemain. Et retournirent ^arrier^ à Joiey ^pour^ celle nuit. L. ^Le^
lendemain revindrent +à Mets+, et s' ^ce^ abille , ce dejnairent en la taverne et puis s'en ^de cez neuf
abis, puis ce sont dejunés. Et ce fait, c'en^ vait ^ledit Philippe^ devers la maixon l'abbé de Sainct Mertin,
car là ly avoit on dit qu'il trouvaroit son perre, car il estoit maire audit abbé et ce tenoit à Mets pour la
guere acomencieez, et sa femme ^ce tenoit encor^ à villaige. Son perre n'y estoit point et ^n'estoit point
pour l'eur chiéz ledit abbé, et^ firent atendre là Phelippe jusque prés de la nuit +enchiéz ledit abbé+, car
il cuidoie avoir ung pot de vin de son perre avent qu'il luy disse ^qu'il fut revenus^. Et ce n'eust esté
ung berbier qui le ^qui le vint berbiet rongnier cez cheveulx chiéz ledit abbé et puis aprés c'en aillait, le^
dit au perre de Phelippe, qui ^lequelle^ ne savoit encor rien, car ledit berbiet luy avoit coppé ces
cheveulx il n'en et n'en heult encor rien seu ^ce ledit berbier ne lui eust dit^. Adont s'en vint son perre
qui ledit son pere, lequelle estoit pour l'eur alléz souppés chiés sa fille.
(50) estoit enchiés sa fille Et tumait precque une quairte de vin qu'il tenoit, de joie et de haite
qu'il heust quant ^il atandist les nowelle de son filz, duquel n'avoit oÿ nouvelle il y avoit .V. ans^ ; et c'en
vint tant courant qu'il suoit quant il vint là, et ^incontinent qu'il le vit, il^ embrasse son filz loingue
piece sen povoir mot dire. Et quant il peult parler, il ce luy dit tout em_plorent : "Mon enffant, tu soies
le bien venus ! Coment est tu tant fait de malz à ton pouvre pere pour ta loingue demoureez ! Or
maintenent je veulx bien morir puis-que je t'ay veu devent ma mort !" Et cella dixoit il de joie qu'il avoit
de sa venue, car il l'amoit moult. Et aussy Phelippe n'eust encor point revenu, ce se n'eust esté pour
l'amour de luy ^et qu'il en doutoit le pechié^, et eust aprins quelque bonne airt ^ou mestier, car
tousjour son cuer c'y adonnoit^ ; mais comme vous avés oÿ cy dessus, il ne ce voulloit point mectre
sugect ne ung ans ne deux. Et quant il vist son perre ensy plorer incessamment et qu'il estoit ensy
devenu maigre et hideux pour l'amour de luy, sy le print à comforter tent qu'il peult.
Puis on apareillait à soupper enchiés ledit abbé que le perre Phelippe paiait tout, et furent servy
moult grandemant et deviserent de plussieur chose joieuze ; apréz souppéz, chacun s'en aillait couchiés
quant tent en fut. Jehan Geraird et Phelippe son filz c'en aillirent couchiés ensemble en leur maixon, et
deviserent de beaulcoupt de chose ensemble, car son pere ne ce pouvoit aissés resjoïr de luy et de sa
venuee que tent avoit desiree. Puis, lendement, chacun le huchoit bien venant, privés et estrange.
.II. ou .III. jour apréz s'en aillirent à Vignuelle luy et son perre, ^montés^ à chevaulx, et n'en
savoit encor (51) rien sa damme, qui estoit sa mairaistre, qui ^laquelle^ en fut moult joieuse ; et ensy
firent grant chier par l'espaice de .III. semaigne ou ung moix. Apréz demourait Phelippe enchiés sa suer
bien ung moix ou .II.
Ce temps pandant couroient lez anemin de Mets par le païs d'entour et faixoient du malz assés ;
et vinrent une fois au chemin de Gouxe pour cuider prandre des gens ^d'Ars et^ d'Ency qui revenoie du
merchié ^de Gouxe^. Mais lez soudoier de Mets en estoie averty, et leur courourent sus et mirent à mort

28

ung jonne jentillz homme, de quoy le duc en fut moult courcé ; et lez enchaissirent +ceulx de Mets+
^jusques à Gouxe^.
Lez principal de cest guere ^et^ qui la faissoient estoit Crance ency nommé, avec tout ces aidans,
qui estoit filz à la Grant Bairbe, lequelle dixoit c'on avoit tué son fil perre à Mets mavaisement, comme
vous avés oÿ cy dessus ; l'aultre estoit le seigneur de Bassonpier et tous ces aidans. Et prenoient guere pour
aulcune maulvaise querelle, faignant que le duc ne leur faixoit mie faire, mais ledit duc y consentoit tout.
Ne tairgist guere ^que^ messeigneur de Metz heurent ung nommé Cappellaire qui avoit deffié le
duc de Loraine pour aulcune chose qu'il luy demendoit, et avoit asembléz une quantité de maulvaix
guerxon avec luy ; et coururent ap en la duchiéz de Bair et ramenerent moult de butin, tent en beste
qu'en aultre chose. Tellement ^estoit groz le butin que ung jour je vis donner^ une chievre pour .III.
sous ; mais messeigneur de Mets ne vourent (52) point souffrir qu'il le vendissent à Mets, pourtent qu'il
n'avoie encor point guere ouverte audit duc. Mais, ^faindant que lez seigneur n'en estoient consantans,
c'en^ alairent vendre au Prey Sainct Soube de cost Sainct Mertin, qui est terre de Lorenne.
Ung petit apréz vinrent aulcun Lorains et prinrent une plaice nommée Cecout, et boutirent dez
feu et firent du malz au païs. Les novelle en vinrent au oireille de messeigneur de Mets ; sy firent leur
mandemant secretement par la ville, et lendemain bien matin devent l'eure acoustumee donnait lez [-]
saillirent ^la nuit ensuivant sortirent de Mets en belle compaignie^ tent secretement qu'il peurent, et
aillairent mectre leur embuche devers Nomeny ; et les avent coureus aulcuns s'en aillerent, courent par
devers Nomeney, et areturent aulcune femme qui alloient au merchiés et firent manier de faire du malz
biaulcopt.
En la ville y avoit aulcuns gentil homme du duc, comme le jonne conte de Sadme Salme et
d'aultre une quantité ; et quant il virent ceulx de Mets à cy petit nomble nombre, sy s'aremairent et
saillirent au champs, lez cuident tuit avoir à leur voullunté ; et quant il le virent, sy s'en-fouyrent le
chemin de Mets et les Lorain tousjour apréz, tent qu'il vinrent en_droit de l'embuche, laquelle saillit sus
eulx. Et y olt là dure escarmouche, car les seigneur de Loraine y atoient prins devent et darier ; et y fut
prins celluy jonne conte de Salme, et le biaulx Giray, et George d'Anser, et furent amenés à Mets. Et n'y
olt .II. ou .III. dez tués +dez Lorein+ et les aultre s'en-fouyrent à Nomeny, et lez Messains aprés ; et c'il
heussent tousjour poursuit il heusse (53) print la ville, mais il heurent pavour de plus perde. Sy c'en
retournirent à Mets ; il y_olt .II. verlet d'ostel de Mets print dez Lorains et menés en Loraine, qui furent
tant que la guere durait.
Quant il vinrent à Mets, Dieu scet quel joie chacun avoit pour les seigneur qu'il amenoient. On lez
menait en ^en la maixon de la Burlette59^, et là furent guerdéz tent que la guere durait, et estoient garde
gairdéz de de .II. soidoier et de .II. bourgois par semaine ; se rechainjoie touttez ^lez semaigne. Crance^
59 L'hôtel de la Bulette, du nom du droit qui était perçu sur les actes concernant les mutations, la jouissance ou
l'engagement de la propriété foncière, sert de prison dès la fin du Moyen Age.

29

y fut precque prins mais il eschaippait, de quoy luy fut ^biaulx car il eust esté malx venus. Au^ temps
que ces chose ce fasoient, Phelippe fut mis et lowés par son pere enchiés Dediet Baillay, le merchamps,
pour aprandre l'airt de drapperie et de chaussetrie.
Ung poc apréz, le duc de Loraine deffia la cité et tous les abitans, et fut guere ouverte ; et vint
mectre le ciege devent l'eglise d'Ency. Lez bon homme du villaige, qui estoient une grande quantité de
jonne gens, femme et enffans ce retrairent à leur eglise avec tout leur bien, car il n'avoie rien fouis à Mets
; et ce deffandirent encontre les dit Lorains moult vaillanment en atendens cecour, car messeigneur de la
cité avoient envoié querir gens d'airme de tout cousté à leur ayde. Les Lorains traoient incessanment et
groz batons ; ceulx de dedens ne failloient mye aussy, car il avoie de bons batons ; et furent .III.
sepmaine ou environ ensy, c'on n'oïoit que on n'ovoit aultre chose que de leur trait et dés Mets ausy cler
que merveille. Les bon home de dedens tuirent moult ^esséz^ de Lorain, tent c'on dixoit c'on en +qu'il
en+ y_avoit chacune semaigne dez grosse [-] dez mort dez Lorains ^biaucopt dez nawré et dez mort^,
et de grant gentilz homme. Mon-seigneur (54) de Bassonpier fut trait, que jamais n'out plus guere de
santé.
A la dite eglise y avoit tent seulement .II. soudoier de Mets ; les Lorains aisailloient incessanment
et tousjour y en demouroit dez piece. En la fin il prinrent dez grant cwe ^cewe^ qui estoient au villaige
et les mirent és foussés, et l'aseillirent de tout cousté, et tellement qu'il leur donnirent tent affaire qu'il en
y olt aulcuns qui estoient dedent qui ce rendirent leur vie saulve ; et availlirent les pons et les Lorains
entrirent dedens +du costé devant+, que les aultre qui ce deffandoient ^du cousté^ derrier qui n'en
savoie rien.
Adont les dit Lorains mirent tout à l'espeez tent qu'il trouvirent, sinon aulcuns q ^que^ aulcuns
seigneur prinrent à renson ; et prinrent les mors, et en mirent bien .IIII.XX en une fousse. Puis les famme
vinrent à Mets au matin qui anoncerent cest novelle, plorent et braient que c'estoit une pitié à veoir. Et y
avoient envoiet les seigneur de Mets celle nuitee là ^envoiéz^ du cecourt, qui ^lesquelle n'y vinrent point
à tampts et ^ rencontrerent les dite femme et retournirent à Mets.
Aprés ces choses prinrent ^lez Lorain^ tout le butin et pendirent ung gentilz compaignon
d'Ency à ung arbe, nommé le malz Perrin, pourtent qu'il avoit sy bien fait son devoir dedens la plaice et
avoit blessé plussieur seigneur lorains ^et aultre^.
A cest guere, tout ceulx qui estoient soubget à Mets ce retrairent en la cité ; et croissoit tousjour
la guere de plus_fort en plus_fort, et couroient incessanment les ung sus les aultre. Or vinrent en
Quaresme à Mets le quapitenne Louis de Wauldre, et vint le capitenne Jehan de Vy, et le capitenne
Alnerande, le capitenne Blancheron, (55) le capitenne ca Jenon, le batair Courdon, dez conte
d'Allemaigne et moult d'aultre, que capitenne que seigneur, tent à chevalt comme à piedz ; et firent tuit le
serment à messeigneur de Mets, ^car on lez avoit mandéz de tout coustéz, et^ fut fait Louis de Wauldre

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capitenne general. Et estoient environ .XVI. ou .XVII. cens chevalx et de piedz une bonne compagnie ;
mais il ne vinrent point tout à une fois à Mets.
Le duc de Loraine paireillement fist une grande armee et mist le ciege devent Loveny, et ne fust
guere là qu'il la print, bouta tout en feu et en flame, et jua tant ^rua une partie^ par terre ; puis ce part
et s'ans ralla à Verny, et en fist autent comme au premier, tent qu'il n'y olt plesse qui ne tramblait devent
luy. Et n'avoie nulle voullunté messeigneur de Mets fort ^d'en tenir nulle, fort^ .II. ou .III., et sus tout
Verey ^tindre Wery^, car il l'avoie moult bien fourny de gens et de vivre et de trait.
Or crexoit chacun jour la guere tellement qu'il prenoie dez goz groz butin en Lorenne et lez
amenoie à Mets, bruloient villaige et grange et faxoie moult de malz, et awoient dez prixonnier tent que
merveille ; lez Lorains paireillemens venoient courre par autour de Mets et faxoient du mal tent que
merveille. Une fois, les gens de villaige s'en estoie allé courre en Lorenne bien avent et avoie l prins gros
buttin, mais il furent rencontré de Crance et furent precque tout mis à mort +ceulx qui estoient+. Une
aultre fois, lendemain de Paicque, c'en aillirent monter lez bons homme sus Sainct Quentin et furent
rencontré dez Lorains et chassés de bien prés ; nonostent il faixoient moult de maulz au païs de
Lorainne. Et en aillirent une fois bien avent en Lorenne eulx .XXIX. homme ; sy en ramenerent .XXX.
^dez Lorains^ qu'il avoient prins à une eglise. (56) Ne tairgist guere qu'il boutirent le feu à Noeroy
devent +Mets+ et ardont precque precque la mitiet à ^de la ville pour^ celle fois là , et amenerent
^grant^ butin. Mais devent que la guere fut fournie ^ne faillie, il^ 60 y_rallerent plus de .IIII. fois,
tellement que ce qui avoit demeuré la premier fois à bruler le fut les aultre, et le fut precque tout le
clochiés brulé, les cloches fondue, et tent de mal ce faxoient par les païs d'ung costé et d'aultre que
c'estoit pitié à oÿr raconter et encor plus à veoir.
Le duc de Lorenne adonc s'en vint mectre le ciege au Saincte Raffine, et faixoient chacune nuit
lez plus grant feu que merveille des muees ^et des pairciaulx^ des vignes, et les gastoient tout et
apourtoient les bois, lez planche et les tables des aultre villaige, et apourtoie tout à Sainct [-] Saincte
Raffine pour faire leur loigement, et ce fourtifierent fort comme en une bonne ville. La Hurte ^(c'est ung
seigneur de Allemaigne aincy nommé)^ estoit aidés sus les passaiges pour guerder qu'il ne venist nulle à
Mets qui ne fut rué jus ; et venoie bien .VII.C Allemans pieton au cecourt de messeigneur de Mets, qui
furent rués jus par La dite Hurte entre Tionville et Trieve, et precque tout mis à mort ou noéz en
Mezelle. Mais il en n'y avoit encor tropt à Mets qui guere ne vailloient de ces Allemans, et en quaisont
on des pietons precque la mitiet, ^car il ne voulloie que yvroignier et taverner^.
Aprés ces choses, les Lorains prinrent Mollin et l'eusse brulé, mais à la requeste de mesire
Robert de la Mairche n'y firent point de malz. Les dit Lorains venoient bien souvent courre jusque à la
justice, et les Messains avec leur gens d'arbe +d'airme+ en (57) belle ordonnance venoient contre eulx,
et avoient les Lorans abatu la justice de Mets. Il couroient les ung contre les aultre mais jaimais n'oserent
60. il doublé dans le manuscrit.

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les .II. partie frapper l'une contre l'aultre pour les artillerie et batons que chacune des dite partie menoient,
sinon aulcuns avens coureus qui ce torchoient ^et escarmouchoient^ tropt bien, tellement qu'il en
demouroit tousjour des piece.
Aucune fois couroient par dessus Sainct Quentin et venoient jusque en l'ile du Pont des Mort ; lez
Messains lé rechesoient jusques Sainct Quentin ; l'une fois estoit ledit Sainct ^Quentin^ lorain, l'aultre fois
estoit messains, et ne faixoie chacun jour aultre chose que de courir l'une fois cy, l'aultre fois là. Et ce
venoient mectre aulcune fois en embuche à Sainct Mertin, cuident entreper aulcuns seigneur ou capitenne
messains, mais la Dieu mercy, n'y peurent jaimais venir. Et pour cest cause messeigneur de Mets firent
couper tout lez arbre d'entour ledit Sainct Mertin qu'il n'y en demouray nulz, ^et autour de Mets
pareillement^. Et firent belle tranchié sus Waudrinowe et y menoient chacun matin .II. ou .III. bonne
serpertine et gens soufisemment pour guerder le lieu, car les dit Lorains avoient menesser de rompre la
dite Waudrinowe. Et avoient encor mes dit seigneur mis .II. grosse serpentine sus Sainct Illaire, qui
traoient jusque sus Sainct Quentin ; et pour cest chose lesdit Lorains n'osoient venir sy souvent comme il
fasoient par devent +Mets+, sinon aulcune fois en escarmouchant, et nous (58) gens les reboutoient
bien souvent.
En ces choses faissent furent airxe toutte Chaitel et Lessey, et plus des .III. part de Pleppeville,
et aussy à Longeville. Et Mollin fut airxe de ceulx de ^messeigneur de^ Mets, par le conseil de messire
Michiel le Gournaix ^et^ pour cuider guerder leur plesse affin c'on ne logaist point entour, quant ces
chose ^firent boutet le feu éz maixon de Mollin.
Durent cez chose^ et plussieur aultre ^qui^ ce faissoient, le duc de Lorenne et les seigneur ^de^
Mets eurent plusseur journees ensambles pour traicter de paix maix ne ce pourent acourder, car nous
gens de Mets faixoient de grant malz en Lorenne, et savoient mieulx ou courre que ne faixoient lez
Lorains ; et souverainement quant on estoit sus traictés de paix ce faixoient les malz. Nous gens s'ens
aillont une foix et ardont toutte La Chaissiees, donc le duc en fut durement courcé et boutirent le feu en
plussieur villaige entour de Mets pour cest cause. Une aultre fois c'en aillerent nous gens nuitenment et
bien secretement fuer de Mets pour ailler assaillir le moutiet de Rombairt, car là ce tenoient grosse
guernixon tent de gens d'airme comme dez bons homme qui faixoient moult de maulz à messeigneur de
Mets ou aux subgect d'icelle. Et menerent mesdit seigneur avec eulx bonne serpentine et courtault et
aultre engins pour assaillir, et en bonne ordonnance c'en aillerent horts de la cité bien secretement, car
besoing estoit ; car il eussent fait plussieur vaillance sus les Lorains durent la guere, mais il ne povoient
faire chose qui ne fut aussy tost revelleez audit duc de Lorenne, et ne povoient savoir (59) donc ce
venoit, et pourtent failloit il faire ces chose comme en lairencin, car plusseur durent la guere en avoient
ressus la mort, pourtent qu'il estoient escusé quant il voulloient faire quelque chose. Et tout ce faixoit le
traytre Jehan de Landremont et seigneur Genon le Lombairt, car ledit Jehan de Landremont estoit Treses

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et du conseil de la cité et de la chambre, et ainsy il savoit tout ; ^aucy furent suspect aulcune esbaïes de
damme^. Et avoye entreprins ^ledit Landremont et seigneur Jennon^ de delivrer la cité au duc de
Lorenne, ^eulx deux^ avec le chaitellain du Pon Thieffroy, ^nommé Chairle^; mais n'y pourent venir, la
Dieu mercy, comme seray dit cy aprés plus à plain.
Or c'on pour +revenir à prepos, c'en+ aillerent nous gens devent Rombay et l'aissaillirent par telle
vigour qu'en peu de temps fut prinse, mais ce ne fut pas qu'il n'en demourait de nous gens en la plesse
bien demy douzenne. +Mon-seigneur de Rolle y fut tué, qui ^estoie^ d'Allemaigne ung vaillent jonne
seigneur, donc messeigneur de Mets en furent bien courcé, et fut enteré à Sainct Faroy de devent Nostre
Damme+. Là y olt piteuse crierie, car celle plesse estoit tout plenne de gens de villaige qui c'y estoie nt
mis à refuge, de femme, de petit enffens, avec leur bien qui moult y en avoit. L'occision y fut grande, car
tout fut mis à l'espee ceulx qui ce deffandoient et furent laichiés plussieur prisonnier qui61 là estoient en
prison de nous gens, lesquel prinrent de bons butins avec les aultre, car il savoient bien les bonne hugees
et escrin. Et furent la dite eglise prinse et pillees tout ce c'on en poult avoir, et le remenent dez
prisonnier amenés à Mets tout decouppés d'aulcun que c'estoit piteuse chose à veoir. Et quant on olt
tout prins ce c'on voult, cy boutirent le feu partout et brulirent tout ; et en y_olt de brulés assés, tent de
mort comme de vif qui c'estoient quaichiés. Puis, cella fait, chacun en revint à Mets avec son butin.
Les novelle en vinrent au Lorains, qui (60) en furent moult courroussiés et moult doullent ; et le
duc ce tenoit aidés à Saincte Raffine pour veoir ^et oÿr^ ce62 les traitres pouroient ^aulcune chose faire et
porroient^ delivrer la cité. Mais la guernixon estoit cy bonne, qui estoit dedens, et les ordonnance cy
bien faicte que, la Dieu mercy, n'en pourent joieÿr comme il cuidoient. Nonostent +ce+, estoient ^ledit
duc^ atendent tousjour l'aventure à Saincte Raffine pour veoir c'il poroient besongnier comme les traitre
leur promestoient. Et en atendent aidés ^cez entrefaicte^ couroient ^tousjour^ l'une partie sus l'aultre,
et tent ^en fasson telle^ qu'il y avoit ^tant^ dez prisonnier à Mets ^que c'estoit^ sens nombre.
Une fois ce fist une alairme comme moult souvent ce faixoient, et coururent par devent le Pont
Thieffroy ; et les Messains saillirent fuer, c'est assavoir messire Jehan le Gronaix avec plussieur gens
d'airme, et coururent aprés. Mais il n'estoient point tent en nombre comme les aultre et cuidoient avoir
suite de leur gent, mais messire Michiel le Gournaix lez fist retourner, et pourtent quant les Lorains
virent cecy, sy s'areturent et tindrent copt, et messire Jehan le Gournaix, lequel estoit ^est ung jonne^
boussus ^estoit ung jonne homme boussus^ et contreffait et ung tent petit c[...] corps que merveille ;
^mais il estoit tant herdi qu'il^ et ne les craindit en rien mais, tout ceulle, comme ung lion dechenné,
moult vigoureussement se ferit entre eulx et frape sus l'ung puis sus l'aultre, et fist tent d'airme que
c'estoit merveille. Et les Loreins, le voient entre eulx tout ceulle, ne s'y faindirent pas à fraper tout sur
luy qui povoit ^mieulx mieulx^, car quant il congnurent que c'estoit ung seigneur de la cité, chacun frapoit
61. Philippe écrit qu'il la ; nous corrigeons.
62. Philippe écrit ces ; nous corrigeons.

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sus luy et escrioient qu'il ce rendit pour l'emmener prisonnier. Mais messire Jehan le Gournaix, comme
vaillant et comme ung petit Rollant, ne daignan daignait escouter à leur (61) parolle, mais ce deffandist
tousjour vaillanment. Et aussy il estoit cy fort fendus des gembe que quant il estoit monté sus son grant
cheval, à paine le povoit on veoir par dessus la teste de son cheval, car il avoit le beu du corps courtte et
estoit bien armé, et estoit hardy et savoit tout les tour de guere.
Quant ces gens le virent ainsy entre ces annemin seul, y ce parfourcerent de le ravoir, et pour ce
faire mirent grant poinez, et en n'y olt qui demourerent prisonnier pour aider à le ravoir, mais
^principallement^ par sa seulle vaillance fist tent qu'il eschaippait de leur mains. Ce ne furent point sens
avoir ressus grant horion, car il avoit plussieur plaie tent de lense ^lance^ comme d'apeez, nonostent
qu'il en fut tost guery ; ^et en fut biaucop pairlé de luy^.
Or s'en retournerent à Mets et fut messire Jehan le Gournaix prixiés ^et lowés^ et amés de tous
les gens d'airme astrengier plus que nulz aultre seigneur pour la vaillence +que à cest fois+ qu'il luy avoie
veu faire cest fois, et des aultre ^fois^ aucy.
Ce tent pendent ce traictoit la paix incessanment, et vint à Mets mon-seigneur l'evecque
^l'airchevacque^ de Trieve63 à tout grant noblesse, et luy fut faicte une moult grant bien-venue, car il
vint par la riviere et tout la clergié ly alait au devent ^en belle pourscecion^, et le menerent jusque à la
grant eglise. Aprés plussieur fest c'on ly fist, ce trouvont maniere de traicter la paix, et tent aillirent les
messaigier d'ung costé et d'aultre que, à la requeste dudit esveque +esrchevaicque+, la paix ce fist et fut
criees par-tout publiquement. Or fut le menus puple tent joieux tent d'ung cousté comme d'aultre64 que
merveille, mais celle paix fut paix fourees et n'estoit que trieve ungne comp.... ^espasse^ de temps, (62)
comme il se montrait bien de-puis, affin que les gens d'airme qui estoient à Mets c'en aillaissent et que ce
temps pandent lez traistre puissent mieulz besongnie[r] à leur aixe ; et avoient tout cella conclus lesdit
traistre.
Or fut paix comme chacun cuidoit et, de fait, furent rendus les prisonnier et s'en raillait chacun
demourer en leur villaige au mieulx qu'il peurent., car la plus-part estoit brulees ; et les gens d'airme qui
estoient au gaiges d'ung costé et d'aultre s'en retournirent en leur païs, et aussy les seigneur qui estoient
prisonnier à la Burlette s'ens retournirent franc et quitte en leur païs, sens rien paier.
Or vous avés oÿ une partie du fait de la guere et aussy coment, ce temps pendent, Phelippe
demouroit avec Dediet Baillay le merchamps pour apraindre l'airt de drapperie et de chausseterie ; et
aprint plus en ung demy ans que la guere durait que d'aulcuns n'eurent fait en .III. ans. Or vint ^apréz
celle guere^ à Mets grande mortalités, et tellement que les ung c'en ailloient à Verdun, les aultre à_
Thionville, lez aultre par les villaige. Et pour cest cause s'en aillait Jehan Geraird, perre à Phelippe,
demourer à Vignuelle, la-quelle n'avoit point esté arxe ne bruleez ; ^et fut ce fait^ oultre le conseil dudit
63 Jean II de Bade, archevêque de Trèves et Prince-Electeur de 1456 à 1503.
64. d'austre*

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Phelippe, car il ly avoit bien priés ^à son pere^ qu'il n'y aillait point, pourtent +que son dit perre+ qu'il
avoit ^le^ non ^et le bruit^ qu'il estoit riche, et aprés lez guere regnent les mauvaix guerxon qui ne
scevent plus guegnier ^ne faire comme il solloie^.
Mais nonostent ces chose pour l'amour de la mortallités et que les aultre meyre de Mets y alloie,
+ledit maire+ y allait. Et aussy Dediet Baillat, le maistre Phelippe, s'en voult aller en merchandise en
Flandre et dem (63) ^à Francquefort, et demanday^ à Phelippe c'il y voulloit ailler, lequelle luy
acourdayt par le consentement de son perre. Et ce partirent de Mets la nuit par la rivier ^la nuit^ qui
estoit ^du^ jour de sainct Jehan decoullaite, et avoient esté ledit jour les nopces d'une de ces niepces, c'est
assavoir Betry, la fille Collignon de Chatel de Lorey.
Or c'en aillirent et vinrent au point du jour devent Thionville ; de là c'en aillirent à Trive et puis à
Covelance. Quant il furent à Covelance, il montirent a-mont le Rin de bonne v ville an aultre, jusque à
Maence ; de là s'en retournirent par une aultre rivier fuer du Rin jusques à Francquefort. Et là furent
.VIII. jour, car les foire y estoient, et acheterent plussieur merchandise Dediet Baillay et les aultre
merchamps de Mets. Phelippe y achetait dez la futenne ^pour sa premier merchandise^. Puis firent leur
baches et +fardiaulx+ et les envoierent à Mets, et s'en retournont le chemin qu'il estoient venus, jusque à
Covelance. Puis se remirent on Rin et s'en aillont à Coullougne ; de là partirent det aillairent tent de
bonne ville à aultre, comme par devent Nus comme à Bolleduc et en plussieur aultre, qu'il vinrent à
Anvers ^Envers, en^ laquelle ce tenoient les foires. Là furent .VIII. jour, mais tout estoit sy chier
au_cause des monnoie qui estoient rabasseez, qu'il n'acheterent point la moitiet de ceu qu'il cuidoient.
Phelippe n'achetait rien.
Puis ce part d'Anvers et s'en cuidoient aller à Lendis +à la Sainct Denis+ à Paris, mais il
trouverent de malvaixe novelle, par quoy il retournirent le chemin de par Mets par terre, c'est assavoir de
Anvers à Malline, de Malline à Louvain, de là à Neumeure, en la-quelle il doitoient moult fort pour
aulcune mavaixe novelle. Et louerent une guide qui guegnaist ung florin d'or celluy pour ung (64) jour, et
fire vinrent celluy jour ^de Naimur^ couchier à Sainct Humbert +tout+ à piedz, et fist moult malz
temps celluy jour sus la nuit de tonnoire et de pluye et de vent, et sy estoient encor és bois qu'il estoit
nuit et ne veoient sinon par l'aloude qui les allumoit. De Sainct Humbert se part et tent allerent qu'il
furent à Mets. Mais devent ^premier^ furent à Vignuelle et y dejunerent, et y demourait ledit Phelippe
bien .VI. semaigne qu'il n'osoit aller à_Mets pour la mortalitéz, car ung de leur compaignon, c'est assavoir
Jehan de Rodemac, fut mort tantost qu'il vint à Mets.
Ce temps pendent, Phelippe acommensait à amer par amour ^ce ennamourer^, et le vouloit
marier son perre, et ailloit par les feste dessa della, et fut veoir la fille le maire Le Sairte de Lessey, c'on
appelloit Sabellin. Mais celle joie luy durait moult peu, comme vous orés, car de-puis qu'il estoit
retournés de Naples, n'avoit le païs esté en paix et n'avoit esté à point ne à seurté, plus ^forcque^ que

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adoncque qui poc dura, car il olt plus grant guere envers luy et son perre que jamais n'avoie heu, ^comme
vous oïréz^.
Or avoit promis Phelippe dés qu'il estoit par le païs ^au retour de Rome^ ung voiaige à Sainct
Nicollay avec aulcun dons de cire et einsy à Saincte Bairbe, et avoit fait celluy de Saincte Bairbe, mais
l'aultre non. Et ces .VI. semaigne que Phelippe menait bon temps à Vignuelle, vendange ce faixoit, et
avoit Phelippe fait une paire de chausse à ung [-] à neus de cordellier que plus n'en avoit on fait à Mets, à
telle modes ^ne fasson, et fut la premier ; et le fist^ comme il en avoit veu en Envers. ^Et^ aprés
vendange trouvaist ^ledit Philippe^ compaignies ^pour aller à Sainct Nicollais^. Et se partirent par ung
jour dez airme, ^qui fut le mairdi^ bien matin, lundemain de la Toussainct qui fut (65) par jour de
mairdy qu'il partirent et le dimenche devent avoit esté la feste à Salney et tent chaminerent celluy jour
qu'il arivairent à Sainct Nicollay entre .II. et .III. heure aprés mydy. Puis firent leur offrande et s'en
aillirent à l'otellerie, à la-quelle il furent mis couchiés en une chambre ou il y avoit ung Picart, pouvre
homme qui avoit esté detenu loing temps prisonnier et deschas de son païs par guere, comme il disoit,
et avoit ung petit enffans qu'il pourtoit +à qui+ que les dens luy venoient em_premes, et ^pour ce^ ne
fist que crier et braire toute la nuit. C'estoit desjay acomensement de fourtune qui venoit au powre
Phelippe, car il avoient esté levéz fort matin la nuit devent et estoient fort traveilliés, et celle nuit ne
porent oncque dormir que bien leur fist pour l'enfent, et aussy estoie logiés assés froidement.
Or se paissait celle nuit ; sy ce lieve et se mirent en chemin, et tent cheminerent qu'il vinrent à
Mairly ^amprés Mets^, en la-quelle avoient cognoissance, qui les prierent bien de ^et lez voulloit on
retenir pour^ demourer +celle nuit+, pourtent qu'il estoit ^fort tairt et^ precque nuit, et orent tout en
voullunté de demourer, mais il s'en aillirent tousjour oultre tent qu'il vinrent à Vignuelle.
Là avoit ung viéz homme qui estoit moitriés à son perre qui avoit apoussés ^femme pour^ celluy
jour, et estoit son perre au nopces ; et tous les homme du villaige qui n'estoient point au nopces estoient
en la maixon du maire, le perre Phelippe, qui faixoient la plus grant chier du monde, car on leur avoit
envoiéz des bien des nopces. Or fut Phelippe bien pencéz et bien (66) chauffés, car on leur envoiait dez
biens des nopces à voulluntés, +comme dit est+, et faixoient ces bons homme la plus grant chier de
jamais et ce prinrent au chentéz et au hower. Puis vint le perre Phelippe et fut bien joieux de la venue de
son filz, car il ne l'atendoit point celluy jour, et pour cest cause avoit logés +ledit+ ^maire^ des gens des
nopces qui ^en son hostel et^ devoient dormir au lit Phelippe, comme +il firent+. Et ce print ledit
maire ^son perre^ au chenter et menés grant chier avec les aultre. Et voult que son filz juaist de la
rebelle ^d'une rebecque qu'il avoit^, car tout l'en prioient ; et Phelippe, à la requeste de son p erre, print
la rebelle et se mist au juer, combien que moult envis le fist, car il estoit lassés et traveilliés et n'avoit
point dormir qu'il ce cel nuit devent, et ne voulloit que repoussés.
Adonc tous ce mirent à dencer de tant bons couraige que merveilles, et ne voulloient que

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Phelippe laissait le juer tent y estoient boutés et +eschauffés+, meyme son perre qui estoit tent joieux
que merveil, et furent ainsy jusques prés de minuit en joie et en deduit. Helas ! Con poult poucque leur
durait celle joie ! Car c'il eussent seus seu le grant malz c'on leur pourchassoit, il heusse laissiet le
chanter et le dancer et ce furent mis à plorer ou à regarder coment il ce poroient saulver.
Or vint l'eure que chacun ce despart, et s'en aillirent couchiés ; Phelippe aillait couchiés avec son
perre ^pourtant que son lit estoit retenus^, et n'y avoit plus couchiés dés qu'il estoit revenus de Naples
^passéz estoient .X. ans^ ; et fut tantost endormis.
Environ .II. ou .III. jour devent avoient estéz à Gourxe .V. ou .VI. maulvaix guerxon qui avoient
achetés ledit maire de Vignuelle, passés plus de .XV. jour devent, en la main d'ung nommé Rellequin de
Noueroy et Picavat de Sainct Prevé ^la Montaigne^, et en devoient paié .C. florin ^d'or^ en la mains de
ces deux (67) +traistre devent dit+ pour les delivrer. Et ce trouvont tuit à Gourxe, et avec eulx estoit
ung de Mets nommé Jehan du Mollin, au-quelle demendirent c'ilz voulloit estre de la merchandise telz
comme eulx. Ledit Jehan du Mollin promist d'estre telz comme eulx ^et fit ce plus par doubte et par
crainte^ que aultrement. Et composerent qu'il pranroient le maire Le Sairte de Lessey et plussieur aultre
avec. Et partirent les ung pour aller en ung lieu et les aultre en ung aultre ; et ce partirent les deux traistre
et c'en vinrent à la feste à Salney, et orent tout entencion de pranre Phelippe qui c'en venoit nuitenment
couchiés à Vignuelle avec ung compaignon tent seullement. Et ^c'en^ allont les traistre a-couster à la
feneste ou il couchoient tout la nuit ou en partie. Et Jehan dou Mollin ^cy devent nommés^ fist tent
qu'il ^ce part^ part d'eux .II. ou .III. jour +ce despart+ ^de leur compaignie .II. ou .III. jour^ aprés, et
s'en vint à Mets bien secretement, et vint anoncier tout la traison au seigneur de la cité, lesquelle, ^quant il
furent avertis^, envoierent en l'ostel le maire Le Sairte ung soudoier et dire qu'il fut sus sa garde ; et
ainsy par tout les aultre c'on avoit menassé de pranre. Et envoiairent ledit Jehan du Mollin à Vignuelle
^pour le dire éz maire^.
Mais quant il vint en l'isle du Pon des Mort, il trouvaist Geraird Royne de Lorey, frere audit
maire de Vignuelle, et luy comptay tout ^le fait^ et qu'il ne +et luy+ ^dit qu'il ne^ lassait point qu'il ne
mendait à son frere l'entreprince faicte sur luy de part, ^et que^ messeigneur de justice ^luy mandoie qu'il
gairdait^. Mais son_dit frere fut tent peresseus et nonchaillant qu'il conclut en luy meyme qu'il
atenderoit ^à le dire à son frere^ jusque au londemain ; et ^ce cuidoit^ que par aventure Jehan du Mollin
le fexit pour avoir ung pot de vin, et cy le dit et ^à^ des aultre ^bourgeois de Mets^ qui estoient à Lorey,
mais il ne ^mais à son frere, non^, +et ne+ le mandait mye à Vignuelle qui est tout par prés ^d'illec^.
Et furent (68) ces chose faicte le propre jour que Phelippe revenoit de Sainct Nicollay, et estoient les
traytre avec leur maistre ^pour ycelle heure^ sus les champs, et vinrent à Vignuelle la nuit qu'il avoient
fait cy grant chier, ^comme j'ai dit devent^, et que chacun estoit au premier somme. Et prinrent ^lesdit
traistre^ ung coustre de cherue qu'il trouverent aux champs, et vinrent à ung mur qui respondoit en ung

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sellier en l'ostel dudit maire ^et^ qui n'estoit guere fort. Et tant firent qu'il trouuerent ledit m[...] mur65.
Et lezr maistre ^desdit traistre et à qui y les avoie vandus^ estoient bien airmé et bien monté eulz deux
tent seullement avec ung paige, c'est assavoir ^ung nommé^ le Lorains, et ^l'aultre estoit nommé^
Gregoire, ^et estoient^ au dehors de la ville atendent que les traistre heussent besongniés, c'est assavoir
Rillequin et Picavat, avec encor .II. aultre que les maistre ^devent dit^ avoient amenés, dont l'ung avoit
non Pereignon et l'aultre le Mauvaix Giraird, qui estoient de devers Cetenay.
Quant il heurent trowés le mur, Picavat comme le plus petit ce boutait dedens le sellier et entrait
en la maixon ; et owrit l'uit de devent aux aultre ^l'uis de devent de la maixon^. Puis entrerent tuit en la
chambre ou le maire, +sa femme+ et son filz avec sa femme dormoient, et prinrent de la chandoille
comme ceulx qui bien savoient lez engins de l'ostel, et l'alumerent ; et ainsy vinrent à leur aixe à leur lit,
car l'uit de la chambre n'estoit point farmet, et ne l'avoit ledit maire voullus farmer pour les gens
atranges qui logoient en sa maixon, car il le fromoit lez aultre nuit. Et c'il l'eust esté ^fairmé comme il
soulloit^, il s'eusse bien aucunement saulvés. Et adonque quant il furent deja là venus, la femme vit
aulcunement +la chandoille+ appeller et cuidoit que ce fut leur servande et l'apellait. Et incontinent les
traistre trairent la curtine de devent le lit et trairent tirairent leur [-] [-] [-] braquemair, et les aultre
prinrent leur picque, et le dirent au maire (69) qu'il ce levaist, le-quelle fut bien ebaïs quant il les vit
devent son lit l'espeez traicte, et dit ^leur dit le maire^ que non feroit, et respont [-] [-] +puis leur dit :
"Et+ ou me voullés vous mener ? Que voullés que me lieve ? - Ne te chaille, dirent il, mais par la chair, se
tu ne te lieve bien en haite, malz pour toy !"
Adonc se mist ledit maire au braire et eulx au frapper, par telz maniere que à poc ne le tuirent.
Phelippe, +voyant ce+, ^fut bien ambaïs, et ce lieve bien en_haite et^ prant ung baton qui estoit devent
le lit, et ^ait^ requeillés plussieurs copt dudit baton car il frappoient incessanment. Et pour ^leur^ prioit
ledit Phelippe pour l'amour de Dieu qu'il ne le tuissent point ; et c'estoit piteuse chose à veoir, mais car
son perre braioit moult fort et yl frappoie tousjour sus luy. Mais il ne povoie mye bien avoir le tour ne le
lieu de le frapper de hault sens pour la voulte du lit, qui estoit baixe ; et pourtent, tout à ung copt, le
prinrent entre eulx et le trainerent par les piedz jus du lit, tellement que sa teste print ung bout de dessus
le lit sus le bancque et de dessus le bancque ung aultre ^copt^ sus la terre, et ainsy desplaiés l'empourtirent
tout nudz, car il avoit la main moitiet couppeez et une grande lerdesse au visg visaige et p plussieur
aultre au corps ; et Phelippe n'avoit c'ugne petitte plaie en la main d'ugne espee qu'il avoit empongniéz.
Et ^quant^ la femme vit ainsy piteusement empourter son marit, elle l'embrasse en le cuident
deffandre, mais il la frapperent de la hante d'une hallebairde sus la teste par telle fourxe qu'il luy firent
une moult grant plaie, et la geterent à travers du feu. (70) Et empoignirent Phelippe par la main,
^lequelle estoit aucy^ tout nudz aussy fort que d'ugne chemise et d'ung bonet qu'il avoit tent
seullement ; et son perre n'avoit q ^non plus vetus^ ne que quant il sourtit du ventre sa mere ; et
65 Mure corrigé en mur par l'auteur.

38

l'enmennairent hors de la maixon, et ceulx qui leans ^estoient^ loggiés ce quacherent dessoubz leur lit.
Quant les deux maistre, c'est assavoir le Lorain et Gregoire66, ouÿrent que leur gens avoient
besongniés, il s'en vinrent devent la maixon, car ^au^ par devent il couroient avalz la ville l'esppee traicte
pour empoventés les gens affin que nulz ne saillit dehors. Et le ^eulx venus^ prinrent les aultre par
+maire et par+ forxe et le mirent sus le chevalz du paige ainsy tout nudz comme vous avés oÿ, et en
frappent dessus luy comme sus une beste le firent tirer avent, et firent Phelippe aller à_piedz ainsy tout
dechault, qu'il avoit encor les piedz tout lessés et plain de grosse boutille du jour de devent. Et le firent
cheminés parmey des vigne qui, ^lesquelle en la dite année^ avoie estés trappeez ^tellement^ que les
taique ^dez vigne^ luy entroie és piedz. Aussy la terre estoit sy dure que merveille, car il gelloit à pier
fendent, et ce mouroient de froit et avoient tent de malz de tout cousté qu'il n'y ait langue qu'il le puist
dire ; car on frappoit adés sus eulx, et quant Phelippe passoit par lez ruisiaulz ^de la chaipelle à^
Saulney, la glesse estoit tantost prinse à ces gembe et en telle maniere les ^car il gelloit merveilleusement
et vantoit ung vant de bixe qui tranchoit tout. Et en telle manier les^ menerent à grant haite jusques fuer
dez bois de la chappelle à à Salney.
Le pouvre Phelippe voult laichier de l'iaue, mais elle s'en gelloit à son (71) menbre ^viril^, et
failloit qu'il le tenist en sa main pour le rachaffer tousjour en cheminent, +et en eust une estreme
doulleur+. Et son pouvre perre estoit aussy mourent de froit sus son chevalz, tellement qu'il estoit
precque transis. Et est merveille qu'il ne fut mort, car le sanc qui degoutoient de ces plaie ce engelloit
tousjour à_ffait qu'il cheoit ; et [-] fist le plus grant yver celle yver là ^annee^ qu'il [-] n'avoit fait de .XX.
ans devent, de ne grant temps aprés n'en fist point de pareille. Et lez traistre ne voulloient avoir pitiet
d'eux.
Rellequin de Noeroy menoit Phelippe et +par les bras+, ^auquelle le dit Phelippe^ acomence à
parler à luy [-] [-] demendoit tent humblement misericorde, ^lui priant qu'il eust pitiet de luy^ car il
mouroit de froit. +Lors parlait ledit Rellequin+ et luy dit ledit Rellequin qu'il ce repantoit d'avoir fait ceu
qu'il avoit fait, car leur maistre leur avoient promis de leur donné .C. florin d'or pour les aider à prandre
et à delivrer, ^et leur devoie donné^ de devent qu'il heussent passés les boix. "Mais il veoit, dit il, je vois
bien qu'il +n'en feront rien et+ n'en avoient ^ont^ cure."
Et ^alors^, Phelippe luy promectait ^dit et promist^ +qu'il feroit+ merveille maicque il fist tent
^c'il powoit tent faire^ qu'il puissent eschapper ; mais il ^ledit Relequin ne^ se osoit fier en leur ^sa^
promesse, car il luy sembloit qu'il estoit deschais à tousjour maix de son païs, et dixoit encor que ceu
qu'il avoit fait estoit une partie en despit de son perre, pourtent qu'il ne l'avoit mye marié à son gré. Et
plussieur aultre parrolle eust Phelippe à luy, et se fist ^ledit Rellequin^ cognoissent à luy, mais il ne voult
oncque nommer ces maistre.
Adonc luy prie ^ledit^ Phelippe qu'il puisse avoir des abillement pour l'amour de Dieu, ^car il
66 Philippe écrit Gregoie ; nous corrigeons.

39

mouroit de froit^. Et Rellequin p leur prie ^en priait^ à ces (72) maistre, lesquelle ^n'en tindre compte
et^ tiroient tousjour oustre ^en ce haitant^ tant fort que merveille et, ^car il^ avoient grant peur de la
chesse pourtent qu'il estoient peu gens, et qui eust allés aprés, il les eust ramenés sinon donc qu'il ^ou les
traistre^ les heussent tué mais ^et despeschiéz, car^ il juroie comme chiens que, s'on vennoit aprés pour
les racourre, qu'il les tueroie.
Touteffois, quant ce vint à point du jour et qu'il estoie bien prés d'ung villaige ^en la duchié de
Bair^ nommé Huxeraille, il s'areture ^ce arest^ +illec+ et virent bien qu'il n'en povoie plus ; et donnait
^affublairent^ au maire ung mentiaulx de rouge pour ce couvrir et ung chappiaulx, et l'aultre qui tent
l'avoit batus, c'est assavoir le mavaix Giraird, ^lui prestait^ ung chaperon et une chemise, et le sindant
^fut saint^ d'une sinture ; et le remirent à chevalz. Mais tout ce [-] ne luy faixoit ^vailloit^ guere +à
powre homme+, car il estoit ^à^ moitiet mort. Et Rillequin, qui fort ce repentoit de ceu qu'il avoit fait
et qui avoit grant pitiet d'eulx, ^et^ aussy ^estoit courcé^ pourtent qu'il ne luy tenoie mye ceu qu'il luy
avoient promis, donnaist à Phelippe une de ces robe, car il en avoit .II., et luy donnait son gippo n et ces
sollés, et Picavat luy donnaist des petitte chaussette qu'il avoit +sus+ ces aultre chausse.
Puis, ce ^fait, parlirent ensamble et ce^ depart les .II. maistre avec leur paige, et firent aller le
maire au piedz. Et concelerent ^leur dirent^ en l'oreille des aultre ce qu'il devoie faire, et puis c'en depart
d'eux ^vont et lez laissirent là^. Et les aultre prinrent le maire et son filz, et tent cheminerent à l'aube du
jour par boix et par haie sans tenir ne voie ne sentiéz, qu'il ariverent à (73) ung boix ^esséz préz de la
dite ville^ de Huxeraille, et là se tinrent tout celluy jour sans cheminer ^ne bougier du bois^. Rellequin
er Picavat furent envoiet à Huxeraille querir du feu, mais il ce dejunerent et devent qu'il retournissent, et
estoit prés de mydy quant il revindrent. Sy firent du feu tropt bien et apourtirent du pain et du vin. Mais
le pere Phelippe n'en voult oncque mengié, +car il n'eust sceu+ ; Phelippe en mengait ^quelque peu,
et^ son perre prenoit la nege et la metoit en sa bouche pour luy rafreschiet, +car il avoit la gourge toutte
hailée hailleez+ car il ^et^ negoit à force. Puis ne tairgist guere que auprés 67 d'eulx passait ung homme à
chevalx, nonostent qu'il ne les vist point, et pour cest cause c'en aillirent faire leur feu plus dedens le
boix +de peur68 d'estre+ ^apersus.
Et^ quant il ossent fait ung grant feu, Phelippe assamblait ung gros monciaulx de fueille et vint
couchier son perre dessus au devent du feu, et le cowre par deriere, car bon mestier en avoit, car il avoit
une des jowe grosse à merveille et estoit t.nt ^tant^ difiguré que à paine le cognoissoit on. Puis ce
endormirent tuit +les lairon+ atour du feu les la.ons, fort ung qui faixoit maniere de dormir ^comme lez
aultre^.
Quant Jehan Geraird, le perre Phelippe, vit qu'il dormoie, cy fit signe à Phelippe pour c'en aller ^et
c'en-fowir^, mais Phelippe luy dit qu'il cheminait le premier et puis qu'il c'en yroit aprés c'il veoit qu'il
67 aprés corrigé en auprés par l'auteur
68 Philippe écrit de peu ; nous corrigeons.

40

^que à vray il^ dormisse, car bien ce doubtoit ^ledit Phelippe^ de ce qu'il avint.
Or ce mist son perre au chemin tout doulcement, mais n'ot guere alléz que le mavaix (74)
Geraird le fit ^bien rigoureusement re^ retourner et reveille les aultre et, +auquelle il dit pluceurs69
injures+ en les chosent, ^et leur dit ceu^ qui estoit avenus ; et le pouvre maire se resseut tout honteus
delés les aultre.
Or lessons les ung poc et retournons à parler de sa femme, qui estoit moult fort navreez
et qui ailloit braient par la ville quant on les en-menoit, tellement que tuit saillirent dehors de leur
maixon, pourtent qu'elle leur70 sartifioit qu'il n'estoie mye plus de sept homme en tout, et sonerent les
cloches. Sy en furent avertis ceulx de Lorey et vinrent à Vignuelle, ^c'est assavoir^ Collignon de
Chaitelz, frere audit Jehan Geraird, et Jaicomin son nepveux et plussieur aultre, et ce mirent au chemin
pour les racourre. Mais quant il vinrent à la chapelle à Salney, l'ermite leur sertifie +et jurait+ que nulz n'y
avoit passé, car il ne les avoit point oÿ ; et ^pour_ce^ s'en retourne chacun en son lieu. Lundemain bien
matins, la femme s'en vint à Mets et y apourte ^y pourtait^ ceu qu'il avoie de bom et, ^et incontinent^
furent les novelle ^d'icelle prinse^ apandue par tout le païs.
Or, pour retourner à nostre propos, quant ^le jour fut paisséz et^ la nuit de celluy jour fut venue,
les larrons ce despart du boix et c'en allent allirent vers Huxeraille, et envoierent Rillequin et Picavat à la
ville pour lower ung chevalz et une guide ^pour lez mener^ ; et les .II. aultre gairdoie les prisonnier
à_chief de la ville. Et demendoie ^Rellequin^ +lowait+ celluy chevalx, ^donnent à antandre à bon
homme que c'estoit^ pour71 ung powre pellerin qu'il avoie trouvé mourent de froit, ^comme il disoient^,
et que c'estoit pour l'amour de Dieu.
Perrignon allait aprés pourtent qu'il, +leur compaignon, voient que ledit Rellequin et Picavat+
demouroie tropt, ^c'en allait aprés^, et le mauvaix Geraird gairdoit les prisonnier au chief de la ville, qui
estoie comme mort de froit, car il ce levait ung vent d'Erdenne tent froit qu'il detranchoit tout. Mais
ledit mauvaix Geraird estoit comme enraigiés de ceu qu'il demouroie tropt, et ce demenoit et tripoit en
frappent du piedz en terre, comme c'il vouxist saillir du senc ; car les aultre ne poulrent trouver cy
en_haite ceu qu'il queroient, et tellement que le maire l et son filz eurent conseille ensemble et eurent
plussieur voullunté d'asaillir ledit Geraird. Mais ne savoie quelle conseille prandre, car il estoit comme
ung dyable et bien embatonés, +et le maire+ or ^eulx^aussy il ^et son filz^ estoie sy transy de froit qu'il
n'avoie membre dont il ce puisse aider, et n'avoient espeez ne coutiaulx ne aultre batons. Et ne savoient
qu'il deussent faire, fort reclamer Dieu et ces sains ^en leur ayde^ ; aussy il avoie aides ^tousjour crante^
et povour que les aultre ne retournisse ^avent qu'il eussent fait leur fait^, et [-] c'il eussent failly à leur
entreprinse, il estoie mort.
69 plusseurs corrigé en pluceurs par l'auteur
70 les corrigé en leur par l'auteur.
71 par corrigé en pour par l'auteur.

41

Or atendirent tent que les aultre retournirent et, ^lesquelle^ amenerent le filz de leur oste et son
chevaulx pour eulx guider et ce mirent au chemin, passirent par Gondrecourt et +et en+ ^passant à bout
de la ville^, Phelippe chut au ventaulz d'une estent de Gondrecourt, pourtent qu'il ne veoient goute +et
cuidoit estre perd pairdus+, et ce fist bien malz. +Mais tout le reconfort qui lui fut fait à cest cheutte, ce
fut qui lui dirent :"Hault, de par le diable, hault !" Et ne santoit ledit Philippe membre qu'il eust de
froidure [-] ^qu'il avoit, et y olt les^ aulcun de eulx meisme que y perdirent lez ongle dez mains de froit+.
Sy cheminerent tent par boix et par haie, tousjour en frappent sus eulx, +tant+ qu'il ariverent à
Belley à heure de minuit. (76) Quant il furent là venus72, les femme tilloie encor leur chanve par la ville
et fasoie de grant feu. Mais il ce detournirent secretement et vinrent jusque à la halle. Là venus, il
envoierent ung d'eux ^d'entre eulx^ veoir en l'ostellerie ; puis retourne bien en_haites et eurent conseil
ensemble.
Le conseil fait, le mauvaix Giraird leur dit ^vint à prisonniet et leur dit que^ c'il voulloie aller en
l'ostellerie, qu'il yroie pour chauffer, mais qu'il ces gairdesse bien de dire mot, que par la chair, c'il
sonoient mot, que malz pour eulx, et plussieur aultre menasse leur dit. Adonc entrent en l'ostellerie en al
laquelle trouverent ung grant feu, et n'y trouverent homme ne femme forque les deux maistre, ^c'est
assavoir^ Gregoire et le Lorain, qui gexoient en ung lit. Or estoit le jeudy à minuit ; sy ce lieve et ce
abille et ce airme à la couverte, puis firent mectre la table et mirent dessus ung demy chappon qu'il avoie
heu de remenent à souppés. Et voulloie que le maire mengait, mais il ne voult oncque ^mangier, et^
Phelippe mengait ^ung peu^. Et fist une rotie à son perre qui en goutait ung poc, car il estoit comme
mort, et ce n'eust esté le feu qui les remit ung poc, je croy que jamais n'eusse ^n'eust^ veu le lendemain.
Ce tampts pendent, vint à la feneste ^de celui hostel^ le maire de la ville et deme nde quel gens
estoie logiés là dedens. Respons Gregoire : "^Ce sont^ gens de bien, et qui n'aloie ^ne vont^ que
pourtent ^pour^ bien." Sy leur dit le maire qu'il ce gardesse de malz faire, et ^sus ce^ c'en aillait. Adonc
tirerent une courtine par devent les feneste, mais le maire de (77) Vignuelle olt tout intencion de
recrier : "Ville franche !" et il n'ossait de peur d'estre tué.
Aprés ^ce, ledit maire^ demende à leur guide tout bellement c'il savoit point ou leur maistre les
vouloie mener, lequelz ly respont qui leur avoit oÿ dire ^qu'il lez menoit^ à Chavency. Lez maistre lez
virent lez parler ensemble : sy leur deffent que plus n'y parlesse. Aprés ces chose faicte, cy ce conseille
ensemble +et eurent plussieur parrolle+ ; et monte à chevalz lez .II. maistre, et mist Gregoire Phelippe
derrier luy, et son perre mirent sus le chevalz du paige, et renvoierent leur guide arriere. Et demourirent à
Billey les .IIII. compaignon avec le paige ^devent nommé, c'est assavoir Perignon, Rellequin, Picavat, et le
malvais Geraird et le paige^. Et les .II. maistre emenerent les .II. prisonnier Dieu scet coment et par
quel chemin, à nus dos sus le chevaulx, sens saille, sens abillement, mourent de froit et de somme, et
souverainement Phelippe, qui n'avoit dormis de .III. nuit une heure ^entier^, comme vous avés ouÿ. +Et
72 Philippe écrit venus ; nous corrigeons.

42

p estoit environ une heure aprés minuit+, il ce laissoit ^et ce laissoit ledit Philippe^ tumber à chacun copt
de dessus le chevalz c'il ne l'eusse aidier, car de somme, de froit et de toute malle meschance, il ne
santoit menbre qu'il heut, ^et est merveille qu'il ne randit l'airme^. Paireillement son perre estoit sans
saille et estoit tout afoullé ^et desplaiéz^. C'estoit piteuze chose à veoir.
Tent cheminerent en cest estat qui ariverent au-prés de Chaivency au saillir d'ung ^boix, et estoit
à l'ajournés^. Gregoire s'en aillait devent à Chaivency, et le Lorain gairdoit les prisonnier là. Sy
acomensait à ajournés, et vit Phelippe Chavency ; cy le dit à son maistre ^Lorain et lui demandait^ ce
estoit lay la plesse on qu'il lez voulloie menés, pourtent qu'il ne ly en_chailloit ^ou il fut^ mais qu'il peult
dormir et (78) repouser ou qu'il fut. Son maistre. ^loing Le73 traistre^ le fist tantost retirer dedens le
boix, car il ne voulloit mye qu'il la vist.
Ne tairgist guere que Gregoire retourne, et bandirent les yeulx au prisonnier et tirerent, ^en cest
estat^, +le menairent+ droit à Chevency. Là arivéz furent menés droit à la grosse tour au millieu de la
plesse, et lé prinrent aulcun de leans par la main et lez firent montiés les degré, pourtant qu'il ne veoie
goute ; puis furent debandés et mis en la voute au plus hault de la tour, mais ne veoient goute là dedens,
fort de la clerté du feu, car il avoie fait ung bon feu.
Sy demendait le maire à ung paige qui là estoit quelle plesse c'estoit, ^et il^ respondist ^que
c'estoit^ Chavancy. Phelippe ce l chauffait ung pouc et la premier chose qu'il fist, il ce couche sus ung
poc de pezet qui estoit en ung englet, et là s'endormit. Mais il y avoit tent de puce qu'il en fut tout plain.
Tantost aprés, ung maire de Sainct Humbert qui leans demouroit et qui estoit cherpantier apourtaist ung
sappe en menier en manier d'ugne couche et ung ferdel de train dedens, et leur apourte ung peu à
maingier et ce print ung poc à deviser avec eulx, car il lez veoit en moult powre point et en avoit g rant
pitiet ; +car le powre maire ^de Vignuelle^ avoit heu lez piedz cy engelléz par le chemin que de cez
deulx tallon tumboie de la piaulx morte et blanche en forme d'ung gobellet, et degoutoie nt au feu par la
froidure qu'il avoit ressus, que c'estoit pietiet, et c'estoit pource qu'il l'avoie tousjour amenéz à chevaulx
tous nus, comme avéz oÿ+. Puis c'en aillait et farrait ^retourne ledit maire Sainct H Humbert et fairmait
trés bien^ l'uit aprés luy.
Or demourerent les powre prisonnier en moult grant esmay. Sy ce couche sus la couche du
sappe, mais il n'y estoie point enfourmé dedens et ce couvre de train et d'une plainche que le maire mist
sur eulx, mais il ne la pourent souffryr. (79) Et delibererent entre eulx qu'il demenderoie leur renson
tantost le lendemain, c'il vouloie pranre ranxon 74 en gré, car il amoie mieulx morir que vive en telle
estat. Sy le firent et emprierent audit maire de Sainct Humbert, lesquelz s'en traveillait moult bien et leur
faixoit moult grant soullaineté ^confort^ de deviser avec eulx en les reconfortent et en content de
bonne example, et leur faixoit bon feu, et sembloit estre ung mou bon homme.
73 de corrigé en le par l'auteur.
74 Philippe écrit raexon ; nous corrigeons.

43

Nonostent toute ces chose, chacun peult savoir coment qu'il leur enuioist, ^car chacun jour leur
sambloit ung ans^ et ne povoient atendre qu'il seusse combien qu'il leur demendoient affin qu'il c'en
rallait l'ung d'eulx. Or avoit dit le maire Jehan Geraird, le perre Phelippe, ^à maire Sainct Humbert^ que
c'estoit Chaivency ou il estoie, et bien ^[-] il^ luy dit de l'aultre maire que non et aussy ^il lui demende^
coment qu'il ^il^ le savoit. Sy dit qui l'avoit ^le maire de Vignuelle^ +qu'il avoit+ oÿ dire le paige,
lequelle ^paige pour cest ceulx chose^ en eust ung malz ans +et en eust congiéz+. Et pour cest cause
^que le maire avoit dit que c'estoit Chavency^, on les menassoit dez enmenés ^de lez enmener^ plus
avent en France, en disant que là n'estoit point le lieu ou y lez voulloie tenir prisonnier, et que le maistre
de l'ostel estoit ung trés bon homme et que c'il eust seu que ce furent telz gens, jamais ne les heust
habergiés ; mais quant il seroie ung peu revenus à eulx, qu'il les renvairoie et ce dixoient ^delivreroit à
ceulx qui lez avoient amenéz pour en faire leur bon. Et disoie ce pour lez apowanter, et aucy^ pourtent
qu'il n'eussent point voullu qu'il eussent seu ou il heusse esté, car il ^lé [-] [-]^ [-] moult +celloye moult+
fort, ^disant^ que ce n'estoit point Chavency.
Or avint bien au chief de .IIII. jour ou de .V. qu'il estoie tousjour sus ces propos de les enmener,
éz ^et^ le maire priait pour l'amour de Dieu que on ne les enmenaissent (80) point en pieur ^aultre^
lieu, "car, ^dit ilz, il ne me seroit possible de le^ souffrir sens resoire mort", et c'il voulloie avisés
gracieusement ^à^ leur renson, il qu'il estoit content ^de ce acourder à eulx. Et la faisoit dire à
capitenne de leans^ par le maire de Sainct Humbert, lesquelz leur respondist ^maire Sainct Humbert
donnait^ la responce de par leur maistre qu'il paieroie .III.M escus de renson c'il voulloie estre dehors, et
qu'il avisaisse sur ce de leur en donner une briefve responce, car il c'en voulloient ailler en la guere en
Burtaigne, +la-quelle guere le roi Chairle de France menoit 75+, et ne retourneroie dedens ung ans,
comme il disoie ; et ce disoie il pour les plus decomforter.
Les pouvre prisonnier oyent la responce et la renson c'on lez mectoit, saichiéz qu'il n'y olt ^en
eulx^ que decomforter en pansant à la somme de .III.M escus et puis les menasse qu'il leur faisoient ;
saichiés qu'il heusse voullu .C. fois estre mort, car .e ^le powre maire^ souffroit jay assés de leur ^cez^
plaiez et les ^de ces^ piedz qu'il avoit moitiet engellés, sans ^et n'avoit besoing de^ avoir aultre malz.
^Et aprés cest responce donnee^, on leur apourte ung peu à maingier, mais oncque ne peure nt
manger +pour+ celle nuit là ; et ne savoie le perre ne le filz quel comfort prenre, sinon de plorer et se
embrasser l'ung l'aultre par chairitéz, que c'estoit piteuse chose à veoir, car il ce contoie comme perdus
au terme que leur maistre voulloient tenir. Adont dit le maire à son filz : "Que faixons nous cy ? Nous
somme gens perdus ce nous ne t^r^ouvons trouvens la maniere d'eschaipper. Vayt, dit il, veoir ver la
feneste ce tu la pouroie owrir." Au devent ^d'icelle feneste^, y avoit bien une (81) demy cherees de boix
et de bonne plenche tensonneez, mais Phelippe fist tent qu'il les ostait et vit la clerté par la ^du jour par
75 En 1490, Charles VIII entre en guerre contre le duché de Bretagne à la suite du mariage par procuration d'Anne de
Bretagne avec Maximilien d'Autriche ; le roi obtient finalement la main d'Anne, qu'il épouse en 1491.

44

la dite^ feneste, et laissait la chose en telz estat jusques à tent qu'il fut plus tart.
Quant on ne vist plus goute, il retourne à la ^à celle^ fenestre et l'owre tout ^bellemant^, et
ruait une pier à la valleez pour savoir c'il y avoit ^de^ l' 76yaue decost la tour éz foussés de la tour. Sy s'en
retourne decost son perre et luy dit que bonne novelle estoit, car il n'y ait point d'yaue és fo^u^ssés de la
tour, et ^et luy dit^ que lez meurs de la plesse n'estoie guere hault du dedens. "Mais du dehors, +dit il,
je+ n'en sçavoit ^sçay^ rien, et ne sçay que ce pouldroit ^peust^ estre."
Adoncque il ce prinrent au dexirer .II. linseul c'on leur avoit apourté le jour devent pour [-]
^couchiéz^ le maire pour ces plaie. Et ^Cy^ erdoient les [-] arpon par dehors avec du feu, pourtent qu'il
n'avoie point de coustiaulz et xiroient de chacun linseul .III. bande du loing et lez lierent trés_ bien l'une
en son l'aultre, et au chief lierent encor une longe ^de^ chevalz et ce de quoy il ce sindoient. Et allerent
à_la feneste en ce baixant +baissant et ambraissant l'un l'autre l'aultre+ et ce recomendant à_Dieu, et
lierent leur bandez à ung batons ^et mirent cellui baiton^ au travers de la feneste par dehors dedans de
la tour, ^et laichierent leur angien par dehors^.
Phelippe dit à son perre qu'il s'availleroit le premier et que c'il trouvoit le lieu sec à terre, qu'il
tireroit le bandez, et ce ^en ce faisant^ seroit signe quel le lieu +estoit bon et qu'il+ availlait seurement.
Et avoit print .III. trait d'a^r^boullette et les avoit mis à sa couroie, [-] tant besoing qu'il +lesquelle yl+
avoit print en la feneste que (82) de la tour, qui ^la-quelle^ tour estoit plus de .XVII. piedz d'espesseur.
Sy ce boute deffuer ^ledit Phelippe^ de la feneste assés voulluntairement, comme celluy qui amoit
autent morir que vive. Mais c'estoit follie, car c'il eust seu le dengier ou il ce mestoie, il ce fusse bien
gairdé de l'entreprendre.
Quant Phelippe fut tout dehors de la feneste et qu'il ce sentit la pesenteur du corps seullement
sus la force de ces brais, saichiés qu'il fut bien esbaïs, car les bandez comence à petter comme c'elle
voulaisse rompre, et ne povoit reculer amont. Aussy ces main s'achauffoie et dexiroie contre le
^pourgiéz du^ mur, +en telle manier que le sanc en sailloit+. Nonostent, il print couraige ; forxe luy
estoit car il veoit sa mort apaireillées c'il eust laichiés, au_cause que c'estoit du plus hault estaige de la
tour. Mais il eust grant paine, car il ne ce tenoit que à ces mains et n'avoie point moulliés les linsieulx
^ne mis atour de cez jambe comme il deust^.
Or vint à terre et allait ung peu dessay dellà, escoutent escoutent ^c'il oyoit rien^, et trouve les
aultre mur de la plesse plus hault qu'il ne cuidoit ; nonostent qu'il ne [-] mye ^ce abaihit de rien^ de les
[-] monter, et eust tout intencion qu'il escrieroit à son perre que point ne s'availlait pour la poine qu'il
avoit souffrir, et c'il eust seu remonter hault, il l'eut fait, mais puis-qu'il vit qu'il ne povoit +poulroit
estre+ qu'il n'eschaipassent ou que leur chose ne fut escusees, il ce recomendait à Dieu et fit le signe
^qu'il avoient^ à son perre, lequelle ^estoit de tirer la towaille. Et^ incontinent ce boute (83) +le maire+
dehors et cuidait faire comme son filz, mais le pouvre homme estoit viés et avoit les mains et le corps
76 Philippe écrit de yaue ; nous corrigeons.

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blessiés ^et pesans^. Cy ne ce peult tenir en jusque tout baisse, mais +quant il santist la deulleur de
l'achauffement de ces mains+, laichit la bande de plus d'une grant lance de terre et chut telz copt ^sus
cez piedz^ sus la terre qui estoit dure comme pier pour la gellee sus ces piedz et ; +et puis+ rechut sus
son dos sans faire aultre mission ne parrolle, comme celluy qui est mort, et fut ainsy sans parler bien
l'espesse d'avoir dit une sept seaulme.
Or pansés en quelle doulleurs estoit le pouvre Phelippe de tout couttés quant il vit son perre
gisant là. Il ce gette sur luy en le baixant et l'acoullant, et ploiroit cy trés_fort que tout son visaige estoit
en yaue, en disant +à baix voix+ : "Mont trés_chier perre, ou est mon esperrence, ou est mont confort ?
Helas ! Vostre pouvre filz que vous laissiés tent dessollés ! O mort ! Que ne vint tu et prant ce pouvre
miserable chetif, affin que je ne voie la pouvreté ou nous somme ! Helas ! Au_moins se je puisse mourir
d'ugne brief mort ! Mais nenney : quant il me trouveront, il me feront lengueyr le residu de ma vie ! O
fourtune mauvaixe, coment nous ait tu ainsy tourné ta rue ? Pourquoy ne la tourne tu sur moy, que je
puisse estre depechiés +et mort+ avec mon perre ?" Et moult d'aultre samblable parrolle dixoit ^ledit^
Phelippe en embrassent son perre et en plorent, qui estoit piteuse chose à veoir.
En ces parrolle dixant, son perre s'acomence ung peu à sentir et à ^retourner de paismeson, et
du premier copt il^ acomence sy trés_fort à braire que toutte la maixon (84) en retendit. Le pouvre
Phelippe l'embraisse et le voulloit faire taire, mais luy qui n'avoit nulle cognoissance braioit aidés plus
fort pour la douleur qu'il sentoit. Phelippe, veant ainsy son perre braire, se gecte sur luy et luy met la
main sus la bouche affin c'on ne l'oïesse l'oït braie.
Mais il ce mist cy trés_fort au braire comme celluy qui n'avoit nulle cognoissance que les chiens
de leans ^ce resveille et^ acomence à abaier trés_fort ; et disait ^et le maire, quant il poult parler, dit^ à
son filz qu'il ce tirait arier, qu'il luy faixoit "car, dit il, tu me fait malz", et ^lui dit encor^ qu'il le menait
en son hostel, car il cuidoit estre en sa maixon et ne savoit dont venit ^luy venoit^ le malz qu'il sentoit.
Et pour_ce +le powre homme+ comence trés_bien à choiser et à tanser son filz.
Le pouvre Phelippe, qui estoit en grant detresse de cuer, ne savoit coment il deust faire, et luy dit
: "Helas, mon trés chier pere ! Comme faicte vous ainsy ? Vous nous ferés tout perder de vostre brait et de
vostre cry ! Ne savés vous point coment nous somme prins et ne somme point en vostre maixon pour vous
y mener ? Helas, nous en somme bien malz espaireilliés ! ^Chier pere^, taisés vous ung peu, pour l'amour
de Dieu !" Adonc luy dit ^le maire^ : "Qu'esse donque que me fait sy malz en la gembe ? Tu me tue
mauvaisement ; tire te ariere ou me maine en nostre maixon !"
Phelippe, le veant ainsy print sa ^et qu'il ce plaindoit de sa jambe, le print par la dite^ gembe et
luy tire trés_fort et trouve qu'elle estoit route et tout fuer de son lieu endroit la cheville du piedz. Adonc
comensait le maire à braire et voult monter dessus pour s'en aller, mais il eust rechut arrier dos ce son
filz ne l'eut tenus et le. Et en faisant ce, le powre homme (85) rebouttait +son piedz+ tout defuer de

46

son ^du^ lieu, et voulloit aidés que son filz le menait en son hostel, en demendant : "Que[-] fassons là
+faisons nous ycy+ ?", et moult d'aultre telz follie demendoit.
Ne jamais son filz ne luy pot bouter en la teste ne +donner à [en]tendre+ aultrement, tent qu'il
luy parlait de Rellequin de Noeroy qu'il les avoit [-] ^vandus^, et luy comptait toutte la maniere coment il
avoie voullus eschapper et qu'il s'avoit laissiés cheoir. Le pouvre maire +revint en sa memoire et+ fut
bien esbaiis, et ne poulloit parler de dueil sy +qu'il eust.
Philippe+ le print son filz sus son col et l'empourtait en [-] +une ruelle entrez+ la chaipelle de
leans et ung aultre mur, et luy dit qu'il ne ce bougaist de là ^et^ qu'il yroit veoir c'il trouvoit aulcuns
pertuit par ou il peult pourter son perre fuer de leans. Et s'en aillait, circuitant la plesse, mais ne trouvait
chose que plaisant luy fut. Et print une grande vielle eschielle et la dressait sus ung fumier contre les
mur de leans, et monte dessus, mais il ^car il estoit emprime en la baisse court bien enfermé de mur et
d'yawe et^ vit de l'aultre part les grant foussés plain d'iaue, et les mur essés plus hault dehort que dedens.
En dementier qu'il estoit là, il vit de l'aultre cousté .IIII. ou .V. homme bien embatonnés qui
ailloie faissant le chaulgait par dessus les mur ^de l'aultre cousté^, pourtent que les chiens avoit ainsy
esbaiés. Phelippe dexant bien en_haicte et remist la chielle en son lieu, et ce aillait quaichiés en ung
fumier. Puis devaillirent les gaite de dessus les mur en la court et ^c'en^ aillont avec leur chiens, ch
serchent de tout coustés, et vinrent lesdit chiens +sentir et flairer, serchant ledit+ Phelippe qui estoit on
fumier, et passirerent les homme precque par_dessus son perre et ^ne^ point les +virent point+ ; (86)
virent et +il+ s'en retourne +arrier+.
Phelippe vint à son perre et luy compte tout ce qu'il avoit trouvés. Son perre luy prie ^et dit^
qu'il aillait encor veoir c'il trouveroit lieu plus convenable pour eschaipper, et s'en aillait ariere, print sa
chielle en laquelle failloit .II. ou .III. eschiellon. Sy print ces virton qu'il avoit apourtés de la tour et les y
mist, et monte sus les mur en ung aultre lieu, et ne trouvist rien que bon luy fut.
De là, c'en aillait encor en ung aultre et puis encor en ung aultre, et trouvait lieu qu'il luy sambloit
qu'il eschapperoit bien, mais son perre non, pour la-quelle chose il fut moult decomfortés et s'en
retourne mectre l'eschielle en son lieu. Et +eust cent mil panceez c'il eschaiperoit ou non, mais il+ vint
à son perre et luy compte tout ce qu'il avoit trouvé, lequelle voulloit ^tousjour^ que son filz ce mist en
voie d'eschaipper ; lequelle ne voult puis-que son perre ne poulloit nullement eschaipper, +car il eust
estéz mort de froidure avent qu'il eust esté jour.
Et avec ce il y avoit encor grant dangier pour Phelippe ; pour ce il eust reprins son angien de cez
lincieulx et lez eust remis au dehors dez mur et eust paisser l'yawe en la vaigne d'ung mollin, maix cy
avoit il grant dangier+. Et ^pour_ce^ orent conclusi[on], puis-que la chose ailloit ainsy malz et qu'il
mouroie de froit, qu'il apelleroient aulcun de l'ostel.
Sy le print ^ledit^ Phelippe sus son col et l'empourte devers la pourte ^et l'antree de la plesse^,

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et vinrent sy à_point qu'il ariverent à la feneste du capitenne. Et [-] ^en grant crainte [-]^, le maire ^ et
criait^ en dixant : "Ho, gaite, ^ho, gaitte^ !" Le capitenne, ^tout esmus^, ce lieve et boute sa teste p ar la
feneste, et demende qui es là. Respont le maire : "^Helas^ ! Ce sont les pouvre prisonnier qui ont voullu
eschapper, et me suis routté la gembe." +Et adoncque le capitenne, comme tout esmus, lui dit+ : "Et ou
est ton filz dit il respont ?" +Et le powre maire, tout en plourent, respont et dit+ : "Je suis sus son col.
-Ho, chair Dieu, dit il, malz pour vous !"
Incontinent vinrent à_tout une lenterne bien .V. ou .VI. bien embatonnéz. (87) Et en dexandent
+lez degrer+ qu'il faixoient, le capitenne comme tout enraigiés leur escrie que les pandisse incontinent
+fusse pandus+. Mais il ne leur en_chailloit guere, car il l'eusse jay voullu estre, ^et desiroie plus la mort
que la vie^. Nonostent, il les remenirent devers la tour. Le pouvre Phelippe avoit tousjour son perre sus
son colz, et cuidait tomber en montent les degré ; bien peu s'en failloit qu'il ne cheut du hault à la
valleez.
Touteffois, quant il revindre en leur lieu, quelque chose que le capitenne eust dit n'en firent rien,
sinon qu'il y eust aulcuns d'eulx qui les choisait tropt bien, car il les veoient essés affl^i^gés et
tourmentés de tout couttés. ^Puis retupirent la feneste^ et leur firent du feu, et s'en retourne chacun en
sa chacune.
Quant ce vint le lundemain au matin, le maire de Sainct Humbert les vint veoir et les trouvist en
trés pouvre estat, souverainement le maire, perre à Phelippe, qui perdoit la jambe et braioit comme une
femme traveillant d'enfant. Sy les recomforte assés bonnement, et le comptait au capitenne la pitié d'eux,
lequel y envoiait ung medecin nommé Jehan Belz Velz, qui estoit berbier ; lequelz mist grant dilligence à
le guerir tent de la jambe comment de sa main et de ces aultre plaie. Et ly apourterent une petitte
couchette et le lit dessus, auquelz couchait le maire pour sa jambe qui estoit tailleez ^et lieez^.
Or olt le capitenne aulcune supecion sus le maire de Sainct Hubert et sus le depencier de leans,
pourtent qu'il avoie v gouverné les [-] +prisonnier+ ; pour la-quel chose ledit maire ne les voult plus
gouvernés. Ne tairgist guere que le boutellier eust congiés. Or fist le capitenne trés_bien bairer les
fenestre de la tour, et comendait que Phelippe fut chacune nuit mis (88) au sappe ; la-quelle chose fut
faicte. Et couchoit ledit Phelippe au sappe tout les nuit, auquel avoit tent de puce que merveille, et de
jour il estoit decost son perre.
Et eurent ung aultre tourier nommé Pier, qui sembloit estre moult cruel, car c'estoit ung viés [-]
homme d'airme. Mais les prisonnier trouvirent grace vers luy par les belle [-] example que Phelippe estant
au sappe luy comptoit. Et pour cest cause fist tent au capitenne qu'il luy apourtait ung livre et le faxoit
lire chacune77 nuit .V. ou .VI. feuillet. Et encor plus, pourtent qu'il vit Phelippe honneste filz et bien
parlent, il print sy grant plaisir à son lire qu'il apourtaist son lit et du noviaulz train et le mist on sappe
qui estoit fait en manier d'ugne couche ; et couchait Phelippe avec luy couch, ^et eust estéz esséz bien ce
77 Philippe écrit chacun ; nous corrigeons.

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ne fut cez piedz qui^ +pandoie à froit à dehors du sappe+, et qu'il ne laissait point qu'il ne fut aidés au
sappe, bien enfromés +à la clef+.
Aussy fut fait ung nowel depencier d'ung jonne compaignon nommé Goubert, mais il n'estoit
point sy piteus comme Pier le tourier. Jehan Belz Velz le berbier les venoit aussy souvent veoir, et fist
telle diligence qu'en peu de temps la jambe fut precque tout guerie, parmey ceu que Phelippe le mectoit
à_point de jour de tout son povoir de faire son lit et de le servir comme son perre. Et avoit fait ung
bande d'ugne piece du linseul qu'il avoie [-] ^decouppéz^, lequelle pernoit son perre par dessoubz les
.II. espaulle par dessus le colz et par lez nages, et couvroit plus de .XII. plaie, sus lequelz il mectoit dez
sirat ^et amplaistre^ que le berbier luy avoit donné ; et en fist sy bonne diligence qu'elle fusse toute
guerie.
Et n'y vint plus Jehan Belz ^Velz^, et fut ^ledit^ en grant +ledit bairbier en grant+ dangier
d'estre noiés, car il fut dit qu'il avoit anonciéz (89) et dit +et qu'il avoit dit+ au aulcuns de Mets que les
prisonnier estoient leans ; et l'aloient +et pour_ce+ ^le prinrent^ ceulx de Chavency ^et le aillirent^
querir en sa maixon, et fut en grant dengier.
Or laissons ung peu à parler d'eulx, qui estoient à grant emaie ^et en grant desconfort^, car on
les menassoit tous les jour de les enmener plus avant en ung aultre plesse, faignant que le capitenne de
leans n'y avoit rien et qu'il estoit courcé de leur malz ; et retournons à parler de sa femme qui estoit à
Mets, bien desoullees car on ne povoit oïr novelle ^à vray^ ou lez prisonnier fussent menéz.
A Verduns avoit aulcuns bourgois de Mets qui estoie là fuiant pour la mort. Sy oÿrent dire que les
prisonnier estoient detenus en des caverne au boix prés de là, et le mendirent à Mets. Incontinent, on
n'y envoiait des soudoier de la cité au despent du prisonnier ; mais il ne trouvirent rien.
A Mets avoit .II. compaignon de guere, l'ung nommé Blaise et l'aultre Jehan Billon, au-quelle on
miraucollioit ce fait ycy au moins qu'il avoient esté du conseil. Et mirent la justice la main à tout leur
biens, +tant pour ceu que pour aultre chose+, et il c'en-fouirent. Ne tairgime .II. moix aprés qu'il
trouverent Frecquegnon, le filz Jehan Frecquegnon le mairchant, qui retournoit de Sainct Nicollay, et
dejunirent avec luy et le_menerent prisonnier en une plesse devers Lucembourt ; et y fut plus de demy
ans puis eschaippait. Et firent tent de malz au païs de Mets, comme vous orés, que ce fut sans nombre. Et
furent prins de-puis à Nency, dont Jehan Billon mourut en prison, et Blaise eschaippait. Et ainsy, ^pour
revenir à prepos^, on ne povoit avoir novelle ou les prisonnier estoie.
Or ce c' ^en^ estoient allé Rellequin et Picavat (90) à Verduns, car comme vous avés oÿ, on ne
leur avoit point donné leurs .C. florin comme on leur avoient promis, [-] dans ^mais leur dirent^ qu'il
atendisse que la renson fut paiees. Et pour cest cause c'en aillirent demourer à Verduns et oÿrent bien dire
coment on ne pouvoit savoir ou lez prisonnier fussent menés. Cy ce pancirent qu'il ne sauroie mieulx
avoir leur paix [-] envers ceulx de Mets que en anonsens les prisonnier, ^et dirent ou il avoie esté

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menés^. Et le firent en depit de leur maistre qui ne leur voulloie donner leur .C. florin, ^et mandirent
lez deux^ +dessus nommé aus oncle dudit Phelippe c'il voulloient faire leur paix qu'il diroie tout+. Et
retournirent à Mets les .II. traictre par esxurement, et ancuserent tout le fait en demendent leur paix,
laquelle leur fut otroiees. Il ne fault point demender les malz que la pouvre femme souffroit, qui estoit à
Mets, par les xourde novelle c'on luy apourtoit tous_les jour de son marit.
Or retournons à parlés des prisonnier, lesquelle, quant il furent comme guery, Pier le tourier leur
donnoit à entendre c'on les voulloit enmenés ailleur, et que leur maistre estoient ^venus et estoient^
comme enraigiés quant il avoie oÿ dire qu'il avoie voullus eschapper. Et ^dit ledit Pier^ qu'il avoit tent
prié au capitenne pour eulx qu'il avoient demourer jusque l'eure present. "Mais maintenant, dit ilz, n'y a
plus de remide, car il sont venus seans et ont dit à monseigneur le capitenne de seans ^plussieur injure et
reproche, en disant qu'il n'estoit point^ gentilz homme c'il ne leur rendoit les prisonnier comme il leur
avoit promis ; et c'il voulloit dire du contraire, qu'il l'en combaiteroit en plain champs et tent ^en
champz de baptaille, et avoie heu telle parrolle ensamble (comme disoit ledit Pier)^ qu'il avoie tirer leur
espees l'ung contre l'aultre, et y avoit heu grant malleez." Et moult d'aultre semblable parrolle leur dixoit
ledit Pier, en lowant fort le capitenne de leans et en dixant qu'il avoit grant (91) pitié d'eulx et que c'il les
mectoit une fois és mains de leur maistre, qu'il les feroie morir en lenguise nt, car d'ergent ne de renson
ne leur chailloit.
Et disoit ledit Pier que luy meyme en avoit tent prié que merveille, et estoient chacun jour en_
tout ces menasse tent que les pouvre prisonnier eussent voullu estre mort cent fois le jour et ne povoient
dormir ne repouser, cuident tousjour c'on lez venist querir pour souffrir, comme il avoie fait à l'aultre
fois. Et tout ce disoit ^disoi Pier^ [-] de_part le capitenne, faignent qu'il n'estoit point cause de leur
malz et qu'il les avoit logiés à la bonne fois et avoit promis la foy qu'il les renderoit à leur maistre ^à
ceulx qui lez avoie amenéz et^ à leur voullunté, et pourtent le requeroient ilz de sa foy, comme Pier
disoit.
Et disoit encor ledit Pier de_part le capitenne que en aulcuns temps ne l'en vousice mye rendre
le malz pour le bien, c'il faixoit tent qu'il ne les rendit mye à leur maistre 78, lesquelle, ^comme dit est^,
leur feroie moult de malz c'ilz les tenoie à leur voullunté. Et cest couverture faixoit ledit ^faire le^
capitenne en faixant le bon filz pourtent qu'il savoit bien que le maire avoit dit qu'il estoit à Chavency,
combien que moult le devoierent en disant que ce n'estoit point Chavency.
Or ^Or^ vint une fois +ledit capitanne+ veoir les prisonnier en la tour, en ^abis dissimullé et
en^ guise de d'ung serviteur, et ne ce fit point cognoissent. En ces menesse [-] et en ces parrolle qui
tropt loingue seroie à racompter estoient chacun jour, tent que le maire, tout emplorent, dist ^ung jour^
à Pier que ce le bon capitenne poulloit tent faire envers eulx ^leur maistre^ qu'il voulcissent prendre une
courtoise renson, celon que au cas apartenoit, ilz estoit comptent, (92) cen c'on les menait fuer de
78 Philippe écrit mastre ; nous corrigeons.

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leans, de ce mectre à renson.
Les parolle demourerent .e ^en cest estat^ bien .VIII. jour, puis revint ledit Pier et dit qu'il prioit
fort pour eulx, "car, leur ^dit il, vous^ maistre dixoient c'on lez traictoit ^ont dit c'on vous gouverne^
tropt bien et tropt delisieusement, et en estoient ^sont^ precque enraigiés car pourtent ne ce voulloient il
^et disent lesdit vous maistre que pour ce ne vous voulléz^ mectre au .III. M escus." comme Pier disoit Et
encor plus fort disoit c'on avoit dit à leur maistre qu'il en paieroie plus de .VII. M c'il les tenoie bien
rudement.
^Et ung jour et^ ung peu de temps aprés, vinrent ^avint que tout soudain, cen ce c'on c'en
gardoit, vinrent^ .III. ou .IIII. compaignon à heure de min^u^it en la prixon, à tout leur lenterne et bien
embatonnés. Et ^à celle heure^ Phelippe estoit au sappe qui dormoit, et son perre ne dormoit point, car
il ne se faixoit que complaindre toutte lez nuit ; ^et leur sambloit que chacune nuit durait ung ans^.
Or dit Pier au maire qu'il ne powoit faire envers son leur maistre qu'il lez vouxisse plus laixier [-]
^illec^, combien que moult en heust prié, ^comme il disoit^ ; mais failloit que Phelippe c'en venist et qu'il
l'en voulloie mener en France et ce le maire n'eust heu la. "^Car, dit il à maire, ce ne fut pour la^ jambe
^c'avés^ route, [-] ^il vous^ en heusse mené avec eulx." Et +incontinent+, ^san plus dire^, prinrent
ledit Phelippe ^et le desfairmerent hors du sape^, et l'emmenerent avec eulx ; et le ^powre^ maire
demourait tout ceulle ^sus sa couche. Mais^ Dieu scet en quelle decomfort et l'ung et l'aultre estoient.
Il prinrent ledit Phelippe et le mirent au fon [-] de la tour en ung sappe double ou il y eust bien
entré .XXX. homme, et là le mirent des .II. jambe. Et estoient bien empechiés .III. homme de levés
à_tout des tenaulz [-] l'ung des marien de celluy sappe pour l'owrir, tent groz estoit. Là le laissirent. Le
lendemain au matin +Et illec laissairent ledit seullet, gisant, Dieu scet en quelz desconfort et en quelle
doulleur, luy qui estoit en la fleur de sa jonnesse, et avoit acoustumés de aller et venir et hanter le païs.
Le lundemain à matin+ (93) vinrent .II. homme avec ledit Pier le tourier et avec le depensiés, et
estoie ^yceulx^ abilliéz de robe de velour, et dixoie ^firent a-croire à Philippe^ que c'estoit le capitenne
de leans, mais il mentoient. Et vint ^celluy capitenne^ devent Phelippe qui gisoit au sappe, et acomence à
parler en dissant dit ^plussieur parolle, entre lesquelle il dit^ qu'il lez avoit traictéz moult doulcement, et
disoit qu'il estoit capitenne de leans et qu'il ne pouvoit plus ^tant^ faire à [-] que leur maistre ne les en
vousisse menés c'il ne ce metoie à renson, et moult de telle parrolle ^disoit^ qui tropt loingue seroient
^à raconter^.
Mais le pouvre Phelippe ne savoit que dire ne que faire et sinon de plorer, car c'il eust heu du
gros de la tour ou il estoit de fin or, il l'eust bien voullu donner pour en estre hors du malz qu'il
souffroit, [-] il ^et estoit tant maulx lougiés qu'il^ ne savoit ou mectre son pain que les beste ne ly
empourtisse de nuit ^ou de jour^, et failloit qu'il faxit sa necessité dessoubz luy.
Paireillement le ^powre homme son pere^ lequelle son filz ne powoit aidier ne cecourre [-] [-]

51

que Phelippe ne adait plus, car il [-] [-] ^estoit en grant pitiet et necessité, et estoit pitié de leur fait^. [-]
laissiés encor [-] et [-] +Cy ont lez traistre laissiéz+ ledit Phelippe .VIII. jour en celle fosse ^fosse, et n'y
avoit nuit que ne lui semblit ung ans^. Ce tent pandent firent tent envers son perre de le [-] ^lesdit
traistre envers le maire son pere tant de^, +tant de+ menasse que de parrolle, en dixant que Phelippe
estoie en [-] à France qu'il ce mist à mille florin d'or de renson, et encor ne luy otroierent ^otroient^
point qu'il eschaipperoit là parmey ^pour le pris, et lui faisoie acroire que ledit Philippe estoit mené en
France, de quoy le powre homme avoit doulleur trés_grant^.
Touteffois ramenerent Phelippe decost luy qui estoit comme demey mort, car il fut plus d'ung
moix aprés [-] ^ce qu'il fut retourné qu'il ne^ poulloit laichiés son orine que à grant poine, pourtent qu'il
avoit adés couchiés sus son dos ; et ^emplorent^ embraisse +quant il vit+ son perre, ^il l'ambraice^ tout
emplorent et son perre paireillement [-] luy. Et ensy demourent les chose ung peu de temps, tent que [-]
ung +jour le+ capitenne leur fist dire par ledit Pier qu'il eschaperoie pour lez mille florin ^d'or^ ; mais il
failloit atendre leur maistre avent qu'il partissent du lieu ; et aincy leur fut dit par ledit Pier.
(94) +Et+ lesquelle vinrent bien tost aprés +vinrent lesdit leur maistre+ et entrirent en la prixon
comme enraigiés, tout hoselés et aparronnés, et firent de moult tarible chiere, en disant que le capitenne
n'estoit point gentilz homme qu'il ne leur avoit voullu rendre comme il leur avoit promis, comme il
disoie, “car par la chaire, ^dirent il^ ^et juroie de moult grant sairmen qu'il^ en eusse plus heu deux fois
qu'il ne les avoit mis. Et ensy ce demenoient et tripoient comme gens enraigiés, en jurent et renient
^tellement qu'ils sambloient estre hors du sanc^.
Le pouvre maire voult dire une parrolle, mais il luy coururent sus à tout une petitte massue que
Gregoire tenoit comme folz enraigiés, et estoit le maire avec sa gembe ^rompue^ engenoullié, lez mains
jointe devent eulx ; mais il ne le vourent oncque acoutés, et luy fut tout biaulx c'il ce pouvoit taire, car il
luy disoient : "Traytre, que te veult tu demener ? Ne savons nous mye bien que tu as presté argent à
ceulx de Mets pour gueroier monseigneur de Lorenne ?" Il est bien vray qu'il en avoit presté à la guere qui
estoit devent passees ; ^et furent contraint^ luy et plussieur aultre bourjois^ [-] [-] luy [-] [-] [-] [-] avoit
esté et que disoie de chacun prester une somme d'airgent.
Puis aprés disoie lez traistre comme en rechinnant^ : "Reguerdes là le feu que le capitenne leur
fait ! C'il nous eust tenu promesse, nous te guerdissions bien de voulloir cangler. Or sà, dirent il, puisqu'ensy va, raguerde comme tu veult faire. Il fault que tu racripvent à tes amis."
Et tantost firent venir ancre et papier et firent acriprent une lestre par Phelippe, et ne vourent
oncque que nul d'eux s'en aillit. Mais voulloient qu'il metissent en la lestre ou ces amis devoient prenre
ces mil florin, comme c'il fusse tout compté en ung (95) monciaulx. Et fut la lestre escripte et envoiés à
Mets par des [-] et fut données à [-] frere ^une voille fille, car nulz messaigier n'y eust oussés aller. Et fut
celle lestre donnee à frere dudit maire^, mais on ne scé qu'il en firent, car on n'en ost jamais novelle ne,

52

+et croi qu'il la brulairent+.
+Ce+ temps pendent, le capitenne les fist trés bien pencés de vivre ^en faisans du bon
compaignon^ ; et fut la jambe du maire ^tellement^ guerie qu'il montoit ung peu dessus.
Quant le maire vit c'on n'oioit nulle novelle de leur lestre, il prioit +tous lez jour à+ Pier qu'il
trouvaist manier envers le capitenne que l'ung d'eux c'en raillait ^retournait^ pour faire la renson. Et
^leur^ fut dit que l'ung d'eux c'en yroit pour faire la ^dite^ renson, et eussent voulluntier laichiés Phelippe,
mais pourtent que le maire avoit plussieur fois dit que ce ^ce^ ne fut pour l'amour de son filz, qu'il ne
s'eust jamais mis à telle renson, [-][-] qu'il ce laissent [-] povoir en prixon la paier et qu'il defenderoit à
son filz qu'il ne [-] [-] [-] ^et pour_ce heurent conclussion lez traistre de ranvoier le maire, de peur que
c'il demourait en prison, qu'il ne s'y laissait morir avent que de paier lez mil florin, et poulroit deffandre
à son filz, c'il en sailloit, qu'il ne fist point la ranson^.
Et pour_ce fut dit que le maire c'en yroit. Mais Dieu scet que ce ne fut pas sans grant lengaige,
car par l'espaice de .XV. jour, Pier ne fit oncque aultre chose que les preschier nuit et jour, en disant que
ces ^leur disant coment^, par ces priere, le capitenne estoit comptent que le maire c'en aillait voir par
telle que ledit Pier vouxit demourer pour luy et estre mis au sappe dez piedz et des mains tent que ledit
maire retourneroit, et que le maire ce gairdait bien, pour l'amour de Dieu, que quant il vanroit à Mets,
qu'il ne ce decowrait à nulluy de son fait, car ce ces maistre en avoient novelle, il en-meneroient son filz
et luy que jamais n'en oroit novelle, et que le bon capitenne (96) que cy bien les avoit traicté n'en eust
nulle reprouche, car il le faixoit pour l'amour de Dieu, cen le seu de leur maistre, car il ^et^ savoit bien
qu'il ^le capitenne que leur maistre^ ne lez en_laisseroit point ailler, et par ainsy y demoureroient moult
loing temps. Et moult de telle ou samblable parrolle luer leur dixoit ledit Pier en ces .XV. jour durent,
^en lowant et escusa[nt]^ +le cpitenne le capitenne+.
Et [-] en feroit on une [-] et atendoient que le temps ce metit [-] ^Or ne ce atandoit plus sinon que le
tamps fut bien dispouséz et qu'il fist^ biaulx et [-] doulx, car il avoit fait le plus fort yver que de jamais
et gesait +de neige que+ ^de loing tampts eust fait, et y avoit encor^ de nege sus terre tout au moins
jusque au genoulz, plus de [-] durent au debout de ces .XV. jour le temps fut doulx et fut [-] de partir et
^et durait [-] depuis la Sainct Andrieu jusques la Chandelleur ; puis le tampts ce deffist, et fut conclus de
partir^.
^Cy^ apourtirent une alne de blan draps, de_quoy Phelippe fit une paire de chausse à son perre
et, ^au mieulx qu'il sceut^, luy fit des mouffe de viés pelesson qu'il mectoit entour sa gembe et des
pecouel, et l'adoubait tellement ledit Phelippe de toutte piece qu'il trouvait ^et^ c'on leur avoit apourtés
que ce fut merveille, et que bien ce powoit ^le maire son pere^ garder contre le froit. Mais il +ledit
Philippe+ ne poult oncque tent faire qu'il peult avoir une alne de draps pour luy ^dez chausse^ faire79.
Or, somme [-] tout, quant ce vint le dimenche au matin, Pier dit ^à maire^ que le capitenne
79 Nous introduisons cet infinitif sans lequel la phrase est incorrecte.

53

voulloit venir parler à_luy, et vint ung traystre qui estoit d'ung aultre lieu là emprés, qui bien souvent
venoit à Chaivency ^et estoit familliet du capitenne^. Et, faignant que ce fut le capitenne, vint avec Pier
en la tour. ^Et^ incontinent ^que^ le maire se ^le vit^, +il ce+ gecte à ces piedz en le remercient de ce
qu'il les avoit bien traicté ne avent qu'il n'eusse esté en la ^et pansés, de quoy il c'en savoit bien tenus à
luy, souverainement de ce qu'il ne lez avoit delivréz en la main de leur maistre^ main de leur maistre, et
moult de telle louenge qu'il luy donnoist ^le powre maire^.
Adonc luy dit celluy traistre, (97) qui bien [-] le prelat +contrefaissoit le prelas+ : "Or escoute,
maire. Tu scés q ou doit savoir que ce que vous avés de vie, toy et ton filz, vous la tenés de moy. Et
pourtent gairde toy bien que tu ne me rendre le malz pour le bien et que, quant tu seras à Mets, que tu ne
faicent aultrement que à_point, ce tu aime la vie de ton filz ; car ce que j'en fais, je le fait à la bonne foys
par la priere que Pier, que cy est, m'en ait fait, et aussy qu'il ^que ledit Pier^ en demeure en ma main en
ton lieu. Car par la chair, ^dit il^, je luy dit devent ^toy et devent^ luy que ce tu fait aultrement ^que tu as
promis^, je ne luy fa^u^rait mye ne ^à^ luy ne ^à^ ton filz, car je ^et^ n'en veult avoir nulle reprouche,
car j'en ^[-]^ és ja assés heu, +et tout+ pour bien faire, comme ^il avint^ l'aultre jour il ^qu'il^ vinrent à
moy et me voulloient tuer, pourtent que je ne vous voulloie rendre à leur voullenté. Et pourtent, maire,
avise que tu feras. Je veult que ton filz m'acripvent une lestre comme je te deviserait."
Et ^alors^ print l'encre et le papier, et fist ecripre à Phelippe en telle manier comme ^il^ s'ensuit :
"Je, Jehan Geraird, maire de Vignuelle, promet au capitenne de seans de retourner avec la renson, moy
ou aultre pour moy, ^dedent .XII. jour^, ou retourner à retour de prison, et on cas que je ne
retourneroie, je perdont la mort de mon filz pour le faire mourir de quelle mort qu'il leur plairait ^audit
capitenne^." Et plussieur aultre chose y avoit en la dite lestre, et tout ce fit cranter au maire et à son filz,
[-] ^promectant^ de tenir comme dit est.
Mais il y olt ung peu de difference, car ledit qui ce faxoit capitenne ne voulloit donner que .X.
jour pour tout ce faire ; mais par grant priere (98) qu'il firent, il en eurent .XII. jour. Aprés ces parrolle et
plussieur aultre c'en retournirent chacun en son [-] lieu, forque Pier qui, ^lequelle durant cez parrolle^ ce
caichait dessoubz le sappe qui estoit derrier eulx que le maire ne son filz n'en savoie rien, pour acouter
c'il disoie rien que à_point et c'il avoient entencion de faire celle renson ou non.
+Auci cellui qui avoit estet decost eulx n'estoit point capitenne, maix estoit quellque malvaix
geurxon qui estoit en [-] son lieu et faindoie que ce fut le capitenne, comme dit est+.
Le maire acomence aparlait ^à son filz^ de plussieur prepos, et estoit comme tout decomforté,
car il avoient encor fait mectre en la dite lestre que cest renson devoit estre pourtee en une chapelle en
France, apelleez Nostre Damme de Manez, dedens les .XII. jour, et que cil qui vanroit là le premier, on
lieu dit [-] [-] ^c'est assavoir ceulx qui pourteroie la^ renson ou les dit recepvoir ^d'icelle^, devoie faire
ung signe à_l'uys de la chapelle ^d'une crois de croie^, par_quoy lez aultre cognoistroient que l'aultre

54

partie estoit venueez. Et pour cest cause estoit le maire decomforté en considerent le brief terme qu'il
luy avoie donné et le loing chemin qui estoit à faire ; ausy la grosse et teriblez renson ^qu'il failloit qu'il
fist, et à tort et cen cause^; paireillement le dengier auquelle il lessoit son filz ; et tent d'aultre penceez
luy venoie en memoire qu'il en avoit .C. mille passion en son cuer.
Quant Phelippe le vit en telle estat, il le print à conforté reconforter de son povoir. Touteffois, il
^apréz plussieur pansee et suspir, le maire^ print couraige en ce reconfortent en Dieu, et acomence à
conter à son filz son intencion et coment qu'il voulloit faire, aussy ou qu'il devoit pranre partie de la
renson. En ces parrolle ly dit Phelippe ^disant, le maire parloit hault, et Philippe luy dit^ qu'il parlait
baisse, qu'il avoit powour ^car il avoit peur^ c'on ne les oÿt. Et ensy en ces devise ce passait le temps
^bien tairt^, en atendent c'on les venist querir jusque bien tairt +pour partir+.
Pier adont saillit ^de son embuche et^ dont il estoit quaichiés, et c'en (99) aillait +pairler à
capitenne+, cen ce que le maire ne son filz en seusse rien. Puis retourne decost eulx et s'assit le maire
adoncque ^ledit Pier decost eulx [-] et faisoit piteuse chier. Le maire adoncque parlait à luy^, +et+ luy
demende c'il partiroie tost. Le dit Pier ly dit comme tout couroussé qu'il ne savoit c'il partiroie et que les
chose estoie retourneez. Le maire, voiant qu'il estoit courcé, luy enquier diligenment et tent qu'il ^que
ledit Pier^ luy confessit qu'il s'avoit caichiés desoubz le sappe pour acouter, mais il avoie parléz cy baixe
qu'il n'avoit point entendu qu'il avoie dit.
"Et pourtent, maire, dit il, je ne [-] scés quelle entencion que vous avés de faire, mais ce vous
failliés de vostre promesse, malz pour vous Phelippe et pour moy." Et moult d'aultre parrolle leur dit ledit
Pier, en faissant les chose fort v.ll..ez ^estrange^.
Le maire s'ascomence ^s'escusait^ moult fort au escuser et son filz aussy, en jurent ^et firent et
firent^ de moult fort sairement que leur intencion estoit bonne et ^toutte^ ainssy +comme yl80+ qu'il
l'avoient promis en la lestre. Oultre_plus luy disoit ledit Phelippe : "Je seroie bien mal-heureux, ^disoit il^,
se je me boutoie en telle dengier se je ne sentoie qu'il ^que mon pere^ eust bonne intencion. +Puis,
disoit+ ^encor ledit Phelippe^, prenés moy dés maintenent et me mectés au sappe, et que je n'en bouge
jusques au_tent qu'il retournerait comme il ait promis ; et c'il faille ^fault^, faicte moy morir comme dit
est."
^Et estoit pitiet d'oïr le powre Philippe, maix^ le maire ne son filz ne savoie sceurent tent dire
qu'il n'en fusse retairdé tout celluy jour. Touteffois il fut dit qu'il partiroie à minuit. Et vinrent à minuit
Pier et .III. ou .IIII. autre aultre et prinrent le maire et l'enmenirent, lequelle ^au despairtir^ embraisse
son filz et le comende à_Dieu tout em_plorent. Elas ! Phelippe ploroit aussy, mais c'il eust seu le malz
qu'il avoit encor à souffrir, il eust bien aultrement ploréz, car il ^le powre jonne filz^ fut encor .XI. moix
em_prison (100) aprés +depuis le despairt de+ son perre.
80 Philippe ne barre en fait pas le l de qu'il afin de le « réutiliser » pour former le pronom yl ; nous simplifions par
souci de lisibilité.

55

+Nowiaulx chaipistre+
Le maire fut mis à chevalz et ces crosse lieez emprés luy, et avoit dessoubz sa gembe une
planche pour estriés en manier d'ung ladee. Il furent guidé de du braconier de leans parmey les bois, et
faixoit tent nuit que le maire ne vit point le chatiaulx dont il partoit, nonostent qu'il savoit bien que
c'estoit Chaivency. Quant il deusse aller le chemin de Mets, il ailloie tout au contraire par leur maulvitiéz
et pour cuider abuser le maire +powre homme+, et lez conduisoit ledit braconier tellement que quant ce
vint le matin et qu'il avoie tent ^toutte nuit^ chevachier parmey ces nege, il ce retrovirent ^le matin^
devent la plesse de Chaivency.
Adonc en y_olt ung ^l'ung d'eulx^ qui demendit à l'aultre quelle plesse s'aitoit, et il luy dit que
s'aitoit Chaivency81. Et yl firent manier d'estre comme tout enraigiés en_l'encontre de leur guide, et
sambloit qu'il le vouxisse tuer, en disant : "Traystre, tu nous ait amenés par devent Chaivency et tu scés
bien que ce sont Lorains et sont nous grant anemis, et c'il nous tenoie, il nous tueroie ! Mais par la chair,
ce tu ne nous retourne par aultre chemin, malz pour toy !"
Et bruoient tuit ensemble comme dyable ^affin d'abuséz le powre maire et qu'il ne pansait point
estre venus de Chavency^ ; et incontinent tourne a-mont de la montaigne. Et toutte ces chose faixoie
par malvitiés, ^faindant de ne point^ +congnoistre la plesse+. Le pouvre maire, voient la tour en laquelle il avoit laicssiés son filz, et ausy voient la paine qu'il luy avoie donné et le froy à sa jambe qui n'en
avoit mye grant besoing, ne ce pot tenir de plorer.
Or, pour l'a-faire brisié, il chevaulchirent tent qu'il arivairent à ung villaige ^en la duchier de Bair^
nommé Moineville, au-quel yl mirent le maire auprés ^à bout de la ville, aupréz^ d'ugne haie, et là le
mirent laissirent et dirent és femme du (101) villaige que c'estoit ung powre pelerin qu'il avoie trouvé ; et
^cen plus dire^, c'en retournirent à Chaivency.
Et le maire trouvaist là +priait audite femme qu'il appellaice+ ung sien parent et bon amey,
lequelle ^demourait à cellui villaige. Et cellui pairan^ le receupt moult beninement et moult
charitablement, et ly fit trés bonne chier. Puis, lendemain bien matin, il apreste ^aprestait^ une chairette
et ung lit dessus, au-quelle fut mis le maire, ^et le traictait bien amiablement^, et tent firent qu'il vinrent
à Mets Vignuelle ^dont il estoit^.
Dieu scet c'il fut huchiés bien venient : chacun le venoit veoir, sa powre femme estoit comme
morte et n'avoit point heu cy grant recomfort dez frere du maire comme elle deust, ne de ceulx qu'il
cuydoit ces plus grant amey, mais en prenoie qui en povoit avoir.
Pour faire briefve, le maire fut amenés à Mets ; les novelle en coureurent par-tout de sa revenue.
Incontinent il mendist pour ces frere et leur conte ^dit^ toute sa necessité en les et l'obligacion qu'il
avoit fait de son filz en les requerent chacun de sertenne somme pour bien rendre. Et avoit le maire dejay
81 Il manque le jambage du -i- dans le texte, nous le rétablissons car l'auteur l'a tout de même pointé.

56

commis Dediet Baillay le merchamps pour serchier des escus pour de l'aultre or, car il lez prenoient plus
hault ^à_l'avenent^ que l'aultre or.
Incontinent que ces frere oÿrent la sa requeste qu'il leur faixoit, il le recomforte de belle parrolle
et l'alirent incontinent ^le furent dire et^ a-nunciet82 au seigneur de Mets, et de tout les point qu'il s'avoit
decover à eulx en fiance, lesquelle vinrent incontinent ^descowrirent tout le secrec de_quoy en fiance il
ce avoit descowers à eulx^. Le lundemain à matin, ^lesdit seigneur ou lez comis de justice vinrent^ en la
maixon du maire, qui gissoit au feu pour sa gembe qui avoit esté traveilliéz et ne povoit encor aller. Et ly
enquerirent ^lesdit seigneur^ diligenment du fait de [-] ^sa prinse et de sa delivrance de point^ en point,
tellement qui luy fut forxe de tout dire.
Adonc lesdit ^commis de justice^ luy deffendirent sus corps et sus bien qu'il ne faixit fessit
(102) point cest ranson. Le maire voulloit differer +à leur commendement+, mais il luy donnirent tent
de parrolle, moitiet menesse, moitiet priere, que maulgré luy ly firent retourné son couraige. Et luy
promirent ^lesdit seignueur^ qu'il il le rameneroient bien sans ranson, et que c'il failloit paier renson,
qu'il la paieroient pour luy, et moult d'aultre telle parrolle luy boutirent en la teste et meimement ses frere,
qui en faixoient tout leur effort affin qu'il n'y metisse rien du leur. Le pouvre maire avoit le cuer comme
entre .II. pier et ne savoit que dire ne que faire, sinon de plorer.
Ce temps pandent se fondirent lez neige tellement que tout les païs estoient en yaue et n'y avoit
homme qui peult aller ne venir ; et avoit la riviere de Mezelle enmenés les pont du Saucy et fait plusieur
malz. Paireillement, la riviere qui court par Chaivency rompit le pont et le mollin de leans, et entre
dedens c'on ne povoit aller par la court que à tout ung petit batiaulz, et couvrit la terre d'ung cousté plus
de demey lieue. Et entre +tumait la picratte+ ^ne avoye esté lez yawe cy grande pair-tout de plus de
.XX. ans devent, et antrirent^ és seliet et fit grant domaige és vins du selliet ^de Chaivencey^, et les
tourne cen que dessus desoubz.
Ensy ce passait le temps dez .XII. jour que les yaue estoient ensy grosse que nulz ne povoit aller
dehors, meimement le compaignon qui avoit amenés le maire ^à Mets^ ne s'en powoit retournés.
+Nowiaulx chaipistre+
Or parlons de Phelippe qui estoit demouré en prixon, et laissons ung peu à_parler de Jehan
Geraird son perre lequelle.
Incontinent qu'il ^que ledit Jehan Geraird^ fut partis, vecy ung marechal qui vint en la prison
avec le depenciéz, et mirent à Phelippe de bon ^gros^ fer au piedz et luy faixoient tenir la chandoille en
luy fourgent les g clos és fer. Le pouvre Phelippe ne ce povoit tenir de plorer, +tellement que lez lairme
couroie sus lez mains de cellui qui fourgeoit lez fer+ ; puis le laissirent là (103) tous ceullet.
82 Philippe écrit a-runciet ; nous corrigeons.

57

Quant ce vint le lendemain, environ dinés, Pier retourne decost luy et le ^re^conforte, et le
traictay essez bonnement durent les .XII. jour. Ce temps pandent qu'il enuioit ^fort^ à Phelippe, fait il
vit en ung cornet de la tour dez fenestre de la ^d'icelle^ tour qui soloient servir avent qu'il venisse, qui
estoient de papiet. Et rompit ^ledit Philippe^ le papiet, et pour son temps passer plus legierement, il ce
pance qu'il s'ocuperoit à faire quelque chose touchent le fait de sa prinse. Et il comence à ecripre +d'ung
charbon+ à la clerté du feu de dessous son papiet d'ung cherbon, ^car il ne veoit goute aultrement^ ; et
dedens les .XII. jour, en atendent novelle de son perre, composait ces vers comme la teneurs s'ensuit :
Or entendez83 petit et grant,
Et retenés ^[-]^ cest [-] ^en ceste^ matiere.
Vous qui avés entendement,
Sarés tousjour vous huis derrier,
Bouchiés fenestre et poullier
Sellon mon intencion,
Et chantés tous, je vous requier :
Mauldicte soit trayson !
Messains c'on paiis ^que à champs^ demourés,
Soiés tousjour sur vostre ^voustre^ gairde,
Et mieulx que d'aulcunz ^nous cy^ vous gairdez
Que furent ^fumes^ prins par malle gairde,
Et ^ung^ chacun de vous se gairde
D'en-suir maulvais guerson
De ceulx de quoy l'on ne se gairde.
Mauldicte soit trayson !
Au Picavat ^O Picavat^ de Sainct Pryvés84
Et Relequin de Noeroy,
A la malle heure furent il né ^futes vous nés^,
Car telles gens haÿr on doit,
Et qui de Dieu mauldictes soit,
Qui ait noury de telle ^telles^ glouto[n]

83 entendez est ajouté dans l'interligne au-dessus d'escoutés, mais ce premier choix n'est pas barré par l'auteur.
84 Prevés corrigé en Pryvés par l'auteur.

58

Qui85 pis vaillent que meurtrer ^ne font point cellon la loi^.
Mauldicte soit trayson !
Au gens de gracieulx digne ^capitenne de Chaivanci^
Il ont fait leur apointement
Pour [-] [-] ^nous en vandre^ et delivrer ^pranre aincy^
En trayson et en dorment.
Il en ont ressus argent
Et ^ont^ vandus comme mouton.
Une fois n'aront leur paiemen[t]
^Qu'il^86 mauldiront la trayson !
(104) Deux ou trois fois les apierent +nous appiairent+
Tent qui les trouvent tout ^qu'il nous ont trouvés^ à_point.
Par ung mairdy lez ^nous^ visitairent
Comme gens ^ceulx^ qui ne dorment ^dormoient^ pointz ;
Le dyables les apourtirent à_pointz
Rompre fenestre, fer et angon.
Une fois n'aront ung point
Qu'il mauldiront la trayson !
Par la fenestre entrirent
Picavat et Relequin
Pour leur proie mieulx sasir
Comme brochet ou chien maitin.
Adonc oÿrent ^Alors oÿmes^ le huttin
Ceux qu'atainait ^Nous qui estiens^ en la maixon ;
Tout nudz au lit furent ^fumes^ souprin.
Mauldicte soit trayson !
Les ^deux^ aultre estoient adonc devant
Qui gairdoient le passaige ;
Y_les firent entrer dedens
85 que corrigé en qui par l'auteur.
86 L'auteur redonne qu'il dans l'interligne sans raturer le premier, qui est moins lisible car aggloméré à mauldiront.

59

Secretement à_leur ouvraige.
Se leur fus grant aventaige
De s'y trouver quaitre compaignon
Sens les .II. ^deux^ maistre et leur paige.
Mauldicte soit trayson !
Sans plus à_dire, comme enraigiéz,
Y les ^Nous^ ont batus tout à leur guise
En les ^nous^ tirent hort par les piedz,
Sans chausse, robbe, ne chemise87.
En les menant ^Puis nous menairent^ en telz [-] guise,
Batent, frappent de leur baton,
A la froidure de la bise.
Mauldicte soit trayson !
Les maistres qui fasion +faisoient+ le guet,
Il ^ont^ oÿ [-] bien ^tout^ le huttin ;
Sy s'en vindrent sens faire arest
Comme laron font au buttin,
Follent au piedz de leur ronsin
Dessus leur ^nous^ corps comme fellon.
Peu leur cettons avés ^avoient mis à nous^ noury88.
Mauldicte soit trayson !
Rien n'y vailloit crier “hahay !”,
Doulce parrolle y perdient temps.
Souvent leur ^nous^ faisoient dire : "Elas !89"
En les ^nous^ fassent passer avent,
Mais le grant froy qui fut du temp
Leur ^Nous^ fist geller gembe et tallon ;
Parmey les bois les ^nous vont^ batent.
Mauldicte soit trayson !
87 L'auteur emploie le tilde pour la forme cheminse ; nous corrigeons pour respecter la rime.
88 Rime erronée.
89 Rime erronée, ou plutôt pseudo-rime visuelle entre deux interjections.

60

Quant les bois furent passéz,
Il ^Nous^ estoiens comme gens perdus :
Depuis la ville à Sainct Pryvéz,
Y_les ^nous^ avoient menés tout nudz,
Tant que souffrir ne pollient plus
C'il n'avoient ^nous n'aviens^ robe ou gippon,
Car il estoient ^nous estiens^ tout morfondus.
Mauldicte soit trayson !
Relequin ^Lors Rellequin^ en ost [-] pitiet
De ce qu'il leur ^nous^ veoit souffrir :
Sa robe leur ^nous^ donne et ces sollet,
Et ce print à repantir.
Et ung aultre, sans mentir,
Leur donnist ^nous donnait' son chapperon ^Donna mon perre son chapperon^,
Qui des aultre estoit le pire.
Mauldicte soit trayson !
(105) A_l'arivés prés d'ung villaige,
+Voir+ quant le jour fut venus,
En ung bois hors de passaige
Les boutirent ^Nous ont bouttés^ jusquez la nuis ;
Là n'y mengerent ^ne mengeaimes^ ne cuit ne crus,
Hoye rotie ne pourcillon,
Aultre que ^de^ nege sens plus.
Mauldicte soit trayson !
Quant le jour heust fait son cour,
Y_les ^Il nous^ firent tirer pays
D'Uxeraille à Gondrecour,
Le ^grant^ chemin droit à Billy ;
Là leur donnirent ^il nous ont donnés^ respy
De faire ung peu collacion :
^Mout^ mieulx vailloit ensy que pis.

61

Mauldicte soit trayson !
Y_les firent ^Là nous ont fait^ ung peu chauffer,
Car il avoient ^Car il faisoit^ froit comme la glesse,
Puis les firent ^il nous ont fait^ cheminer,
Qu'il etoient encor Jay ce que nous estiens molt lesse,
Le chemin droit à la plesse +plaice+,
Les yeulx bandéz comme laron :
Chapiaulx leur ^Bandiaulx nous^ mirent devent ^la^ fesse +faice+.
Mauldicte soit trayson !
[-] chemin [-] ^Prindrent ung ^champ^ pour nous^ logiés
[-] ^Auquelle^ n'y olt que bois et haie,
Poignent d'aguillon comme boviéz
En renovelent souvent leur ^nous^ plaie.
Là furent ^nous fumes^ en grant esmaye
Quant il ce virent ^nous nous vimes^ en la prixon :
Sens rien devoir, il fault qu'il ^c'on^ +paie+ !
Mauldicte soit trayson !
En une tour +il nous+ leur les logerent
En fer en sappe pour ^nous^ cen gairder
+En ung chaistiaulx emey les champs
On nous ait mis pour nous gairder+,
Moult loing temps y demererent
^Et sy fumes assés loing tamps^
Avent qu'il en puisse ^qu'en puissiens^ eschapper.
Maulvaise vie leur ont mener
^Ne font c'aller et pourmener^ :
C'est pour eulx ^nous^ mettre à ranson,
Batus les ont et sarmenté
^Le plus souvant eulx demener^.
Mauldicte soit trayson !

62

Grant temps avent qu'il heusse [-]
^Avant se fait par plusieur jour^
Bien cuiderent ^Nous cuydiez estre es^ estre eschappés,
Et s'availlirent ^desvaillimes^ de la tour,
Cuident passer mur et fossés.
Mais la fourtune c'est tournés
Encontre leur ^nostre^ entencion,
Car par les chiens furent ^fortune fumes^ encusés.
Mauldicte soit trayson !
Avent les ^Puis nous^ firent moult lenguir
Qu'il puisse ^Avant que^ avoir expediment,
Et ne ce voulloient consentir
Qu'il allissent ^Que l'on aillait^ querir l'argens.
Il y furent ^Nous y fumes^ prés d'ung quart d'an
Avent qu'il en puisse ^puissent^ avoir ranson
^En atandant nostre ranson^ :
Encor s'usse mangié les dent
^Moult ennoié cil qui a-tamps^.
Mauldicte soit trayson !
Le capitenne de la tour
Y_lez ^Dit qu'il nous^ ait bien gouverné ;
Est apellé ^C'est celluy^ Jehan de Harcour
Qui ^Qu'ency^ par non est apellé.
Je prie à Dieu de majesté
Qu'il en doint telle guedon guerendon
Comme en-vers eulx ^nous^ l'ait meri[té].
Mauldicte soit trayson !
(106) Pourtent vous prie que vous gairdé
Entre vous ces grant merchans.
En [-] ^borgue^, en ville ou en cité,
Ne soiéns pas negligens

63

Et vous gairdé bien sus lez chanps
D'encheoir en main dez lairon ;
Vous pouriez bien chanter ce chant ^champs^ :
Mauldicte soit trayson !
Et aussy ^Paireillement^ vous, vigneron,
Je vous en averty bien par_temps,
Car quant entrapés ou y sont
Tart en est le repantement
^De repantir il n'est pas temps^.
Et qui voudray savoir ^[-]^ coment
On appelle cest chanson,
On l'apelle en bon roment ^communement^
“ Mauldicte soit trayson !”
Celluy qui fis cest chanson
Bien en devoit savoir parlés,
Car il estoit en la prison
En une tour fort en-fermés,
Et pour mieulx son temps passé
Souvent, en grant dollacion ^desosolacion^,
Il ce mestoit au chantés :
“ Mauldicte soit trayson !”
Et qui voudray savoir la plesse
Et le lieu ou il furent mis,
Se fust en ce lieu plain de maresse
C'on appelle à _Chaivencys.
Pourtent priéz Dieu, mes amis,
Qui gairde de malz tout proudon
Et à_la fin doinct paradis.
Mauldicte soit trayson !
Encor unne aultre en vert coppéz, qui est derrier ad_cause qu'el estoit +imparfaicte+.

64

+Cherchez à .XLIe. fuiellet90, vous trowairez ung en ver coppé+.
Ces vers compossait ledit Phelippe comme vous avés oÿ durent les .XII. jour, et encore unne
grande oreson à nostre damme et une à sainct Nicollay et une à saincte Bairbe, ^que sont bien de .II.

C

ligne^, lesquelle je laisse à_cause de briesté, et aussy pourtent qu'elle ne touche point à mon prepos.
Lesdit .XII. jour passé, Pier ce parte de Chavency avec sertenne gens, et allyrent bien em_point et
bien armé à la couverte à la dite Nostre Damme de Mane ou la dite renson devoit estre pourtee. La cause
pour_quoy il y alarent armé fut pourtent qu'il y_avoit aulcuns traystre qui aultre fois avoit esté capitenne
de Chaivency et avoit premierement anoncés le maire de Vignuelle pour estre prins, en dissant qu'il estoit
riche. Et adonc ce tenoit à Mets ou ^Et en ycellui tampts ce tenoit ledit traistre^ à Noeroy ^devent
Mets^, et fut l'ung de ceulx qui detourbait que la renson ne fut point (107) pourtees et qu'il ayderoit bien
le maire à ravoir son filz sans ranson ; lequelle ^maire^ ne savoit rien de sa traison, +car le traistre+
^voulloit servir à deux autel^.
Oultre_plus mandit ledit traystre à ceulx de Chaivency qu'il ne ce trouvissent point à lieu ou la
renson devoit estre pourtees, car ceulx de Mets y envoieroient gens d'airme pour les pranre. Et tout ces
chose mendait ledit ^celluy^ traistre comme celluy qui voulloit [-] de +complaire au+ deux altel
^pairtie^. Et pour cest cause y envoiait ledit capitenne ces gens bien airmé.
Quant il vinrent là, yl furent trois jour atendent sans oÿr novelle de perssonne ; puis ^s'en91^
retournirent ^arier, et^ Dieu scet en quelle doulleur estoit Phelippe ces trois jour durent, et en quelle
paine. Au debout des trois jour vecy Pier venir en la prison, ^qu'il estoit^ bien tairt et tout moulliéz et
tout crotté. La premier salutacion qu'il fit92 à Phelippe fut en disant luy detravent moult fort et en luy
donnent la malle nuit.
Le pouvre Phelippe, voient qu'il estoit enssy courcé, luy dit moult humblement93 et tout em_
plorent : "Helas ! [-] Pier, ^mon amis^, que vous fault il ? Que novelle sont ce que vous m'apourtés ? - Il
me fault, dit il, le grant diable que vous empourte, et à vous et à vostre traystre perre, qui à telle maichief
nous a mis, et moy et vous ; car, par la chair, se je le tenoie, jamais de pain ne mengeroit. Mais ne vous
chaille, vous la comperrés bien qui ^chier, puis-que^ pour luy avés voullus demourer et saviés bien qu'il
ne revenroit point ! Je vous promet que devent que la nuit soit passees, vous vouriés que jamais n'eussiet
^ne feussiés^ esté néz [-]. Mais au fort, au grant dyable soiés donnés ! (108)94 Il ne m'en chault que pour
mon fait. - Helas ! que je le seusse, respont le pouvre Phelippe, non fait, sus ma part de parradis, j'eusse
esté bien malz heureux de voulloir demourer pour luy. - Par la chair, respont ledit Pier, c'en cerés vous
mis en gehine avent que la nuit passe ^soit passee^. Or regairdés coment vous ferés, le diable vous faisoit
90
91
92
93
94

Le numéro de feuillet donné par Philippe est erroné.
L'auteur donne dans l'interligne s'en sont, sans corriger retournirent.
Philippe écrit qu'il ^me^ fit ; nous corrigeons.
L'auteur écrit hublement.
A la fin de la page précédente, la phrase d'annonce est barrée : Il ne m'en chault que[-] [-] [-] en [-] et [-]. Il s'agit
donc d'une phrase différente de celle copiée page 108.

65

bien demourer pour luy."
En ces parolle furent loing temps que le powre Phelippe ne ce savoit coment escuser, et Pier
juroit et tripoit comme homme enragéz. Or cuidoit estre delivré le powre Phelippe ^estre delivré^, mais il
estoit pis que devent, et Pier le laissait en disant ^illec et luy dit^ qu'il s'adoubay d'une pouvre couverture
qu'il avoit c'il voulloit, car on le venroit tantost querir. Dieu scet en quelle decomfort estoit, et ne savoit
que pancer, ou ce son perre avoit esté rué jus, ou c'il ne l'avoie point envoié, comme il disoie ; et tent de
divers pancees ly venoie au devent que c'estoit merveille ^qu'il ne mouroit de deuel[-]^.
En cest estat estoit Phelippe jusque prés de minuit, en atendent c'on le venit querir ou c'on le
metit en quelque gehine, et s'avoit adoubés avec ladite couverture ^et acoustrer avec celle powre sairge
qu'il avoit, et^ Dieu scé coment, et sambloit bien qu'il vouxit jué d'ung personnaige, et avoit mis la mitiet
^car oncque Egiptien ne fut en l'estat qu'il estoit. Et avoit ledit Philippe mis la^ +moitiés+ d'une miche
en son sain qu'il avoit de remenent +du jour devent+, [-] ^et estoit pour^ luy recomforter par le chemin,
ce metiet estoit.
Adont allay +vay+ venir ledit Pier, et ^dit^ qu'il q avoit prié au capitenne qu'il ne partisse point
pour cest nuit là, pour l'amour de Dieu, car il faissoit le plus horible temps de jamais de pluie et de vent.
La nuit ce passe ^paissait, et le^ lendemain furent les yaue sy grande que nulle a..pant ^personne ne
peust^ entrer leans par l'espasse de .VIII. jour. Et ainsy demourait ledit Phelippe aprés plussieur menesse
^qu'il lui firent^.
Tantost que l'on poult cheminer, vecy Pier venir avec de l'encre et du papier de part le (109)
capitenne et fit ecripre une lestre audit Phelippe, lequelle la recript tent piteuse que c'estoit merveille, en
fort blament son perre. La lestre escripte fut pourtees au capitenne +et fut [-] [-]+ ^leuste^ en la
presentce d'aulcuns qui ne ce pourent tenir de plorer, oïent les piteuse parolle ou ^et^ lamentacion que
ledit Phelippe avoit fait comme celluy qui bien faire le savoit +et le faisoit de cuer+.
La dite lestre fut envoieez à Mouson à ung traystre nommé Baxort, et cuide que c'estoit celluy qui
ce faixoit capitenne au departement du maire. Puis fut ^celle lestre^ envoiés +par ledit Baixort+ à Mets
[-] [-] par une femme.
Quant le powre maire vit la lestre et l'oÿt lire, Dieu ^scet^ en quelle estat qu'il estoit, et ce son
filz avoit bien du malz, encor en avoit il autent, car il l'amoit fort. La lestre fut pourtees au conseil à Mets
et fut lustes devent les seigneur, lesquelle prinrent tantost sertains seigneur avec sertains messaigiés, et c'en
allirent devers mon-seigneur le duc de Lorenne, en luy monstrant que vouxist tenir ces gens à telz qu'il
rendisse lez prisonniet qu'il tenoie, et fut la lestre leue +leuste+ devent luy.
Tantost incontinent furent mendés Petit Jehan de Harcourt et le Lorains et Gregoire, lesquelle
dirent et respondirent qu'il n'en avoie point. Petit Jehan +de Hercourt+, ^qui estoit capitenne de
Chaivency^, dit bien qu'il avoie esté en sa plesse de Chaivency et les avoit logiés environ .VIII. ou .XV.

66

jour, mais il les avoit rendus à ceulx qui les y_amenirent, cuident qu'il fusse de bonne guere. Au
pardevent avoit tousjour dit qu'il n'y avoye point esté, mais il ne le pouvoit plus denoier pour Rellequin et
Picavat et aussy le berbiet qui avoit mis à_point le maire, qui avoient tesmoigniet le contraire, ^et c'en
estoient lez tesmoing print à Mets^.
Le Lorains et Gregoire disoient que jamais n'avoie prins ces gens cy, et qu'il en voulloie
combaitre encontre ceulx qui aultrement vouroient dire. (110) Il y_olt plussieur requeste faicte et
plussieurs parrolle rendue, qui tropt longue seroie à racompter. Aprés ces chose, chacun retourne en son
lieu.
Quant Petit Jehan fut venus à Chaivency, il comendit à Pier que fesist encor escripre une lestre en
monstrent qu'il ne donne ^donnaient^ guere de ce que ceulx de Mets avoient fait. La dite lestre escripte
par ledit Phelippe, en laquelle avoit .C. mille besonne, fut pourtees comme l'aultre. Phelippe estoit en
grant doulleur ; aucy estoit son perre qui faixoit tout son povoir de pourchessier pour son filz.
Et vint à Mets ung nommé Pier le Gascon de Xuxe, qui tesmoinaist que le prisonnier estoit à
Chaivency. Le maire avoit apresté ung notaire qui en ressus le tamonaige, et ^en voult le maire avoir
instrument^, dont ledit Pier fut bien embahis. Paireillement le boullungier de leans +de Chaivency+
^tesmoignait^, donc il en eust de-puis les oreille coppees audit Chaivency ; parreillement le chaitellain de
Chaivency, nommé le Hault Dediet, dont depuis en fut dechas de leans, aucy +que+ du premier
depencier qui gouvernoit quant lez prisonnier vourent eschapper. Et de tout ces chose en print tesmoint
le maire par noctaire ^et par instrument^. Et oyoit chacun jour tent de xourde novelle de son filz que on
en feroit ung gros roment ^livre^.
Ce temps pandent, Phelippe estoit tousjour comme cesluy qui n'atendoit que la mort, car on le
menessoit de jour en jour qu'il le depecheroient c'il n'oïoient aultre novelle de son perre ; et meysmement
luy dixoit Pier, qui ^lequelle^ estoit ung peu apaixé ^apaisantés^, qu'il avoit tent prié pour luy que
merveille, mais il ce doubtoit fort de luy.
Quant Phelippe vit ces chose ainsy aller et que tout alloit au pis, comme tout desesperé ^ce^
aprouche de la fenestre par la-quelle il avoie devaillé la premier fois, et acomence à la debarer et à tirer
les pranche ariere. Et tent fit qu'il vit (111)95 par entre des aultre planche qui estoie encor à debarer, +et
vit+ au millieu de la court de leans et par ung aultre grant trois trous veoit sus la montaigne, donc ce luy
fut grant collacion, pourtent que de grant temps, ce luy sambloit, n'avoit veu la clerté ^du jour^, et luy
sambloit c'ung noviaulx soleil fut né.
Et ^ce pansoit^ que c'il povoit demourer ainsy, qu'il seroit bien, puis-qu'il n'avoit point de
compaignie et que nul ne s'en povoit apercevoir au dehors ; mais au dedens on le veoit bien. Incontinent
95 Dans la marge inférieure de la page 110 figure cet ajout, dans une écriture légèrement différente : quant s'ens
apersus le cappitaine, il acomensa à me dictier par vers courppiés, (lequelle) lequelle demourait imparfait jusques à
ma delivrance, comme il est sy derrier.

67

ce mit ledit Phelippe en besoingne, et mist tellement à_point les planche et les baire qu'il sambloit c'on
n'y eust touchié, et avoit mis une planche par manier telle que quant il voulloit veoir, elle ce tirroit sus
les aultre errier de son lieu par entre les aultre planche et la baire qui les tenoient. Et avoit encor ung
petit ferdellet de train, de quoy il touppoit le premier trous, et ne le veoit on point quant la planche
estoit remisse en son lieu.
Sy ^Et Pier^ regairdait plussieur fois ledit Pier à la fenestre avec de la chandoille, mais oncque ne
c'en poult apercevoir, et n'y ait mye de .XL. l'ung qui sceut trouver telle engin sans [-] coutiaulx ne aultre
tallement. Et quant il estoit à sa fenestre et qu'il veoit par la ^celle^ fandesse et par le trous, et que Pier le
tourier venoit et defairmoit le premier huis, il ^Phelippe^ l'oïoit bien et retournoit le ferdellette de train
et la planche en son lieu, et avoit fait avent qu'il venist au secon huis, et retournoit ^ledit Philippe^ tout
bellement en son lieu. Et affin c'on n'ouïst point bruire ces fers qui estoient en manier d'ugne grosse
chenne, il les soutenoit à sa couroie d'une courde.
Ses chose faicte et ce tamps pendent, vint à Mets mon-seigneur l'evaique de Verduns96, (112) qui
estoit parent à ung jonne abbé qui novellement estoit +abbé+ de Sainct Mertin abbé ^devent Mets^ ; et
pourtent que Vignuelle apartient à Sainct Mertin, il fut dit au maire dez plus grant de la cité que
monseigneur de Verduns97 luy pourroit bien aider, et tent que ledit seigneur vint une fois à bonne aventure
e^n^ l'ostel Jehan Dex. Le maire ce gecte à ces piedz et luy comptit son cas tout à_ loing, et luy promit
ledit maire sertenne somme c'il l'en pouvoit aidier, et encor .IIII. cowe de vin viés qu'il voulloit tantost
donner à l'abaïe ^dam Gairan, son pairen, abbé de Sainct Martin^ de Sainct Mertin. Ledit mon-seigneur de
Verdun ly promist en la presence de tuyt les ^plussieur^ seigneur qui là estoie de ly faire ravoir son filz
franc et quicte.
Ces chose passees, mon-seigneur de Verduns c'en maillait entremist de tout son povoir ; aussy
firent plussieur grant ^aultre^ seigneur, comme monseigneur Ainthoine de Pons sus Saille, et generallement
tous les seigneur de Mets, tent pour ledit Phelippe comme pour le filz Frequegnon le merchant, que Blaise et
Jehan Billon tenoie prisonnier en ung aultre lieu, ^comme dit est^, dont ledit Petit Jehan c'en doutoit
fort.
Mais ce +Et+ fut [-] bien dit ^en prison^ audit Phelippe coment mon-seigneur de Verduns c'en
mailloit, et que en despit de luy et de tous ceulx qui c'en malloient, il en feroient encor pis, et que ce le roy
c'en malloit, ce n'en seroit il aultrement98 qu'il ^que à^ leur voulluntés, c'il devoient gouvernéz ledit
Phelippe tant ^en prison prison tout le tampt^ de sa vie ; car tout +ce qui faisoit+ le malz, c'estoient les
traystre comme le Lorains et les aultre, qu'il estoient tousjour sus les champs, qui mendoie toute nouvelle
audit Petit Jehan.
96 Guillaume de Haraucourt, évêque de Verdun de 1457 à 1500.
97 Philippe écrit Verdus ; nous corrigeons.
98 Dans l'ajout interlinéaire qui suit, l'auteur répète l'adverbe sous la forme aultremant.

68

Or avint que ^le capitenne^ entendit aucune nouvelle desdit traystre, dont pour cest cause
vinrent ces serviteur, c'est assavoir Pier et plussieur aultre, par ung maicrerdy ^.XXIIIe. jour de mairs^ en
Quairesme, dont la Nostre Damme, c'est assavoir l'A-nonciacion, estoit le venredy (113) aprés et vinrent
delés Phelippe cestuy mecredy q +suipvent +aprés, et à celluy jour ou la nuit en-suivant vinrent les dessus
dit decot Philippe+, ^à heure de m^ minuit que Phelippe dormoit.
Sy l'esveille et prinrent ung grant chapperon et luy bouchier le visaige ^et estompirent trés_
bien^ qu'il ne povoit veoir ; et sen dire aultre chose le print Pier sus son col et l'empourte hors de leans,
et cheminerent tout du loing de la court, tent que Phelippe sentit qu'il montoie les desus les mur. Et en
aprouchant du lieu, il ayoit bruire l'y^a^ue de plus fort en plus fort, et bruit celle yaue là ^illec^ comme
^feroit^ Wandrinawe fait a^préz de^ Mets.
Or pancés en quelle estat estoit lours ledit Phelippe ! Il ne le fault point demender, car plussieurs
fois l'avoye menasser de noyer, et avoit dit ledit Pier plussieurs fois +fois et jurer+ que mainte en avoient
ejecté de dessus les mur à_la_vaillee [-]. Aussy que ^de [-] disoit que ce on^ n'avoit aultre novelle du
maire, qu'il doubtoit fort du. dudit Phelippe. Toute ces chose considerees, le powre Phelippe n'y atendoit
aultre chose que la mort, veu qu'il estoit bien atouppés et enserrés, +et estoit le tamps froit, noir, hideux
et oxcur+.
Et comme cestuy qui ait le chanette on col ny ^qui^ n'atent synon qu'il soit tourné ^et gestu du
gibet à_vaulx^, ainsy n'atendoit Phelippe aultre chose, sinon qu'il le versisse à la vallees ^dez mur en
l'yawe^, et leur demendoit incessanment, au non de la saincte Passion de Dieu, qu'il luy vouxisse donner
confession. Mais il ne luy donnoient aultre responce, sinon de le faire taire.
Tant cheminerent au loing des mur qu'il entrirent en une tour, dont Phelippe entendit bien qu'il
perdoit l'oÿe de l'yaue, là venus ^car il ne veoit point et avoit lez yeulx bandé, comme dit est ; et, là
venus^, fromirent l'uis et detoupirent ledit Phelippe, puis firent ung peu de feu. Phelippe, regairdent
cestuy lieu là +de tout coust[é], et+ nonostent qu'il ne fut mye fort biau, car c'estoit le lieu ou il
faixoient la pourre de bonbairde, ce pansoit que ce Dieu luy faisoit la graice de là demourer, qu'il
+neant-moins ce pansoit ledit Philippe que ce Dieu luy faisoit la graice de illec demourer, encor ne seroit
se pas du pir, et+ (114) seroit bien heureus ; +et trambloit encor tout de la peur de morir qu'il avoit
heu+.
Mais n'y heus guere esté que Pier [-] +vait+ à_lever une trappe, ou pour mieulx dire estoit en
manier d'une fenestre en ung cornet de la tour, et gecte la couverture Phelippe là dedens, puis l'availle
+availlirent+ ^ledit Phelippe^ là dedens en celle prixon, qui estoit bien ^une^ lanse et demee de parfon,
et refairme la trappe et s'en rallirent. Quant le pouvre Phelippe fut là avalléz, il ne savoit ou il fut, car on
n'y veoit goutte, et vait sautent dessà et dellà et trouve ung sappe en maniere de couche ou il y_avoit du
train là dedens.

69

Sy ce couche ^couchait^ là une heure ou deux, et luy sambloit que cest nuitié estoit fort
loingue ; puis acomence à cheminer parmey la prison, qui n'estoit mie fort lairge, en santent de mur au
aultre, qui ^lesquelle^ estoient sy leute ^et cy moiste^ qui degoutoient tout d'yaue, au_moins d'ung
^dez^ cousté. Et en santent, trouve en manier d'une archier qui respondoit és fossés, ^là^ où l'yaue
bruiloit sy fort que c'estoit ennuoize chose à oÿr, et sent[oit] +que celle archiere [-]+ estoit nouvellement
muree et que le mourtiet estoit encor tout frés. Puis retourne sus son train jusque au jour.
Quant le jour fut venus, il oyoit bien lez pourte de leans clore et ouvrir, car celle prison estoit
tout prés ^d'icelle^, mais il ne veoit goute. Pour cest cause ce trait prés de la dite erchierre et acomence
ung peu à deffaire de ou à detouppéz celle erchierre ung bien peu, tent qu'il vit qu'elle repondoit sus la
riviere, et incontinent la rebouche trés_bien du dedens ; mais du dehors il avoit ostés une pier qui estoit
cugniés au plus estroit de l'erchier. Nonostent, elle estoit sy bien bouchees c'on n'y veoit goute du
dedens.
Celluy jour, qui estoit la vigille de la Nostre Dame, (115) fut bien junee par ledit Phelippe, car
oncque de tout le jour jusque toute nuit ne le furent visités, ne pain ne yaue ne luy apourtirent, dont le
jour luy fut moult grant pour plussieur raixon. Touteffois, quant ce vint bien une heure en la nuit, Pier
vint et availlit une eschielle là dedens et apourte ung plait de poys audit Phelippe, pourtent qu'il avoit sy
vaillanment junés, et ung peu de chandoille et du pain et de l'yaue.
Puis, ^ce fait^, parlait à_luy de plussieur chose, en dissant qu'il avoit bien dit à son perre ce qui
avenroit et qu'il n'empechait ^de lui, “et lui avoie, fait il, bien dit qu'il n'empeschait^ personne [-]
^vous^ cuider ravoir sens renson, car plus y mectroit, comme il avoit fait à mon-seigneur de Verduns, et
plus y_perdroit, et que ce tout les seigneur du monde s'en malloie, ^ce^ dit ledit Pier, il ne [-] amenderoie
point +voustre cas+, maicque ainsoys empirier. Ha ! dit il, comme je ly avoie bien dit et bien preschié par
l'espaice de .XV. jour, comme vous savés, et c'il m'eust crus, il eust mieulx fait ! Mais il cuidoit que je le
mouquaisse ^ce fut mocqueriez^ ; may nenny, car ceulx qui vous ont em_puissance ne feroient ne pour
Dieu ne pour dyable. Et c'il fut venus au_moins au jour dit ou .III. ou .IIII. jour aprés avec la renson ou,
c'il ne l'eut tout peu faire, au moins avec la moitiet ou le quairt, on eust trouvés quelle apointemain.
Mais il ait fait tout au contraire de ceu qu'il avoit promis, et vous cuide ravoir sen ranson. Mais je vous
sertifie que ce ne sarait tent qu'il vive ne vous aucy."
Ses parrolle dixoit Pier qui sambloit estre assés courcé du malz que Phelippe avoit, et estoit essés
milleur homme qui n'estoit Goubert le depancier, car il avoit assaiéz que c'estoit de prixon. Phelippe ne
savoit que pancer de son perre ne que dire, (116) sinon de plorer +et ce lamenter+.
Aprés ces parrolle c'en retourne ledit Pier et Phelippe demourait là, comme tout decomforté, et
luy venoient au devent tent de diverse pancee et tent de divers ymaginacion que c'estoit une horrible
chose ; et bien souvent, c'il ne sc'eut recomfortés en Dieu et en sa benoitte mere et au benoit saints et

70

sainctes, en pancent lez martir qu'il avoie pour Dieu soufert, je croy qu'il ce fust desesperés. Mais en
conciderant la mortelle vie ou nous sommez, et que nous n'avons point de demain quant Dieu veult, ausy
en contemplent les joie de paradis, laquelle les benoit sainct ont gaigniee par martire et par passience
qu'il ont voulluntairement ressus, aucy des paine d'enfert qui est apareillees au malvaix, et l'une et l'aultre
est perdurable : tout ces chose conciderees, il prenoit la plus grant passience qu'il powoit, nonostent que
moult luy faisoit le cuer malz, car il estoit au plus joieux temps de son eaige et avoit acome nciet à faire
ces premier amours, desquelle yl joïst de-puis à l'aide de Dieu, comme vous orés, c'est assavoir de Sabelin
^sa seconde femme^.
Le plus grant malz qu'il ^heut^ estoit quant il pansoit qu'il estoit là sans savoir le jour ne l'eur de
sa delivrance, et savoit bien que son perre l'amoit fort, et pourtent estoit il plus esmerveilliet coment il
l'avoit ainsy failly.
Ces chose passees, c'en passait ^allait^ le temps jusquez à Pasque sans oÿr aultre novelle qui
à_dire soit. En la grant semaigne vint Pier ^en la prison^ delés Phelippe et ly dit qu'il ce recomfortait,
car il esperoit que au plaisir de Dieu qu'il ceroit tost delivré, et que le capitenne alloit dehors et qu'il
cuidoit que à son retour il le delivrerait, "+et crois, dit il, que à son retour vous serés delivrés+". (117)
Et ne l'en voult aultre chose dire.
Phelippe ce reconforte ung peu sus cella, et n'en savoit aultre chose ; mais pour en dire le vray,
c'estoit le maire ^de Vignuelle^, perre à Phelippe, qui pourchassoit la delivrance dudit Phelippe de tout
son povoir, comme vous orés. +Et pour+ [-] ^vous en dire comme il en avint, il est vray^, comme vous
avés oÿ cy devent de la guere qui avoit esté entre mon-seigneur de Lorenne et messeigneur de Mets99.
Le traicté ^tratiéz^ en avoit esté fait par mon-seigneur ^l'archevesque^ de Trieve, comme le
comun puple cuidoit, mais il y avoit encor quelque chose à dire ^à passer^ et n'estoit point ^encor^ la
paixe faicte, tout houtreesment combien que chacun alloit et venoit sans rien doubter.
Et pour cest cause fut donnees journees à Gouxe entre l'une des partie et l'autre pour la dite
paixe faire, à la-quelle journees fut mené ledit maire de Vignuelle avec ces tasmoignaige ; aucy y fut
mendé Petit Jehan de Harcourt, le Lorain et Gregoire. Là y furent plussieurs grant seigneur, entre lesquelle mon-seigneur l'avescque de Verduns y fut, lequelle promist derechief au maire, en presence de
plussieur gens qui là estoient, qui ly feroit ravoir son filz franc et quicte, comme il avoit ja promis à
Mets, dont plussieurs gent dirent ^furent present qui dirent^ à maire qu'il le devoit bien remerciet et qu'il
devoit estre bien joieux. Le maire, oyent les parrolle et promesse de l'evaisque, ce gecte à ces piedz et le
remercie moult humblement.
Or ^ce^ acomence la journeee à tenir, dont plussieur prepos furent rendus d'ung costé et
d'aultre, lesquelle je laisseray et ne toucheray qu'à ma matier acomencyés.
Dont quant le maire vint avent en faissant ces complainte et requeste en_l'enconte du Lorain et
99 Cette phrase est bancale ; sans doute est-elle incomplète.

71

Gregoire, qui l'avoient print trayteusement et en leur ^sa maixon^, là ou il ce dormoit , et avec ce lez
avoie liés, batus et enmenéz, et lui detenoie son filz à Chaivencey, comme il le prowoit par tesmoing
digne de crance. Et avec ce abandonnoit ledit maire son corps pour estre taités et mis en gehine pour
soubtenir que (118) [-] +aincy estoit+.
Le Lorains, oyent les parrolle du maire, vint avent et dit qu'il ne disoit pas vray et qu'il voulloit
mectre son corps en_l'encontre du maire pour champiéz et pour ^en faire champts de baitaille^ ; +et là
pouront+ veoir qui avoit tort ou droy, et de ce presentoit son gaige.
Adonc +A cez parrolle+ respont le maire qu'il estoit homme viés et debille, et que à leur cause
avoit heu la gembe ^route^, pour la-quelle chose il n'estoit point homme pour champiéz, ^et^ aucy qu'il
avoit souffisant tamoignaige ^et^ bien fait ^et prins^ par main de notaire, lesquelle devoient pourter foy
et devoit estre crus de lui et de ces prouve. "Mais se ceu ne vous souffit, dit ledit +maire+, prenés mon
corps ^comme j'ay dit^ et le mectés en gehine pour moy faire dedire ceu que j'ay dit. Paireillement le sien
^soit prins^ pour luy faire ^soit prins pour luy faire^ confessés verités, et là verrés qui est tort ou droy,
car vous savés bien qu'il me requiert d'une chose hors de raixon, +c'est+ de voulloir champiéz."
Le deffandent dit qu'il en faissoit assés puis-qu'il 100 presentoit son corps pour champiéz, et que
aultre chose n'en feroit. Plussieur aultre parrolle furent rendue à celle journees, tant pour ce fait cy
comme pour d'aultre, lesquelle je laisse pour cause de briefté. Mais, somme en tout, tent firent d'ung
cousté et d'aultre qu'il estoient sus traictéz de paix ^et de avoir acort^.
Et estoit Petit Jehan de Harcourt et ces complisse en grant soussy, doutent que force ne leur fut
de rendre le prisonniet franc et quicte, comme il eust esté ce la journees ne fut parachevees. Mais comme
fortune le voult et qu'il estoient, ^comme dit est^, sus traictéz de paix et que tout prisonniet devoient
^estre^ rendus et tout tort fait amendé, la chose fut retournees [-] tout à_cop et ne firent rien.
^Et^ la cause pour quoy fut ^pour-ce^ que messire Wairi[n] Roucelz, chevalier, qui ^lequelle^
estoit l'ung des .III. comis de ^pairt^ la cité, +pour ce fait+ n'estoit point là en presence ce n'oserent les
aultre passé ^venus^ ; et pour cest cause, lez aultre ces compaignon ne voulrent passer (119) aulcune [-]
+chose+ que les Lorains demendoient sans [-] luy ^le consantement dudit seigneur Wairey^. Et
l'envoierent querir bien en_haite ^à Mets^, mais il +ledit seigneur Warin+ fut lointains et ne vint point
en_haite [-] ^à copt ny à tampts, et de fait il dit qu'il estoit mallaide^, +pour+ laquelle chose il desplut
au ^seigneur^ lorains qui là estoient, et c'en retournirent et prinrent journees au moix de maye ensuiant.
Et ensy ^fut reutte la journee et^ ce departirent les choses sans rien faire.
Qui fut bien doullent, ce fut le maire de Vignuelle. Aucy fut ^Philippez^ son filz qui atendoit
d'oÿr dez bonne novelle par les parrolle que Pier luy avoit dit, et contoit chacun jour les heures et les
minuit en atendent la graice de Dieu. Mais ce luy proffitoit +moult+ poc, car il fut co mme tout confus
quant il oÿt que nulle bonne nouvelle ne luy venoye.
100 Dans le manuscrit : puis p qu'il.

72

Toutefois, Pier luy don... ^donnait^ encor ung peu d'esperence en disant que le capitenne n'avoit
point esté ou qu'il cuydoit, [-] mais au moix de maye il yroit. Mais ^Et^ tout ce ne prouffitait ^de^ rien
audit Phelippe, car la journeez fut tenue et ne firent rien, et101 lez chose ne furent +les chose+ jamais cy
en bon terme que à Gorxe c'il eussent besongniet ; [-] ^car ce tampts pandant, lez traistres^ ce
provoierent [-] traytre de parrolle en telle maniere que jamais ne vourent confesser qu'il l'eussent ledit
prisonniet.
Mais touteffois, par les grant pourchas et requeste et ^que^ mon-seigneur de Verduns en fit, et
mon-seigneur Anthoine de Pons sus Saille et, generalement, tous lez seigneur, le duc de Loraine envoiait
sertaine gens pour visiter Chaivency assavoir mon ce le prisonnier y estoit. Mais il fut incontinent mendé
au capitenne par les traystre ^devent dit, et^ tantost les novelle [-] ^venuee^, vint Pier102 +par
l'ordonance+ ^du capitenne103^ au lieu ou estoit Phelippe, ^et fut^ par ung mairdy bien matin, et fit
acroire ^ledit Pier^ audit Phelippe que ces maistre le voulloie avoir coment qu'il fut et ne c'en voulloient
plus entrepourter, (120) coment qu'il fut et qu'il +ains+ l'en voulloye menés +enmener+.
"Et je me doubte, dit ledit Pier, que quant il vous tanront à leur voullunté, qu'il ne vous faisse
souffrir de la paine biaulcop plus que ne faicte seans. - Je ne sçay quelle paine, dit led it Phelippe, maix
j'aime autent mourir que ^plus^ vivre en cest estat, et quant il m'aront fait mourir, au_ moins j'en serés
quite, et aront leur soul de ceq qu'il demende. -Oÿ ^bien^, dit ledit Pier, mais ce n'est point cella. Le
capitenne de ceans ait grant pitiet de vous ; et aucy je ly ait prié et remonstré coment qu'il feroit bien c'il
voulloit qu'il ne vous trouvaroie point, car il vouroit bien trouver maniere, ^ce^ dit ledit Pier, qu'il peult
estre quicte d'eulx, affin qu'il vous pust faire eschapper. Mais pourtent qu'il leur promist la foy de vous
rendre en leur main, il ne scet coment qu'il en pourait faire, et pourtent je ly ait dit qu'il ferait bien car ^et
enseigniet coment il ferait : c'est que^ quant il sercheroit en ung lieu et en dementiet qu'il seront en ung
aultre, nous vous transmueront au lieu on il aront de-jay serchié. Et il m'ait dit que c'estoit bien dit, mais il
fauroit que vous ne disien mot, affin que le capitenne n'en fut reprins de vous maistre et qu'il ne fut
trouvé menteur ; car il le fait par pitié et vous eust rendus en leur main, ce se ne fut la priere que pour
vous j'en ait fait."
Et tout ce disoit ledit Pier en lowant fort le capitenne et en faissant samblent que ledit capitenne
faixit tout ce pour bien, affin que ce Phelippe c'en retournoit par aulcune maniere, qu'il n'en fut reprins
devers le prince. Mais nonostent, Phelippe pansoit bien toutte leur mavitiet, combien qu'il n'y polloit
mestre remide ; tantost eulx +et estoient yceulx+104 lez messaigier du duc de Lorenne qui devoient venir
(121) visiter le lieu, coment vous avés oÿ.
101 car corrigé en et par l'auteur.
102 Philippe barre Pier, mais ne donne pas de sujet à sa phrase ; nous le rétablissons.
103 vint répété à cet endroit dans le manuscrit.
104 Le manuscrit donne : car c'estoie +et estoient yceulx+ lez messaigier. Nous corrigeons la répétition du verbe en
privilégiant l'ajout marginal.

73

+Et+ tantost en l'eure fit monter Phelippe a-mont la chielle, à bien grant paine pour ces fer, et
detrapirent le lieu ^et la prison^ et osterent toute chose et toute ordure, tellement qu'il sambloit que
jamaix n'y eust heu prisonniet. Et boutirent Phelippe en une petitte voutette ou il y avoit .III. ou .IIII.
tonnialz de pourre de bombairde et plussieur artellerie ; et cy i_avoit plus d'une cherees de trait
d'arbelette empanés de bois. Là fut ledit Phelippe .II. jour ^entier^.
Là dedens +En celle woulte y+ avoit une petitte fenestre qui rendoit clerté, et cy y_avoit unne
grande courbille plenne de lestre vielle lestre. Ces deux jour durent, Phelippe ne faixoit que lire pour passer
son temps, et trouve ^trouvait^ de moult de maniere de lestre, par quoy il congnust qu'il estoit à
Chaivency et cognust le non du capitenne.
Entre lesquelle il en trouve ^lestre il en trowait^ une que Gregoire luy ^avoit^ avoit mendé ^à
capitenne^ du temps que le maire +son perre+ y estoit encor, et qu'il ^que ledit maire^ avoit rescript la
premier fois à ces frere pour faire leur renson, dont nulle novelle n'en vinrent. Et pourtent recripvoit ledit
Gregoire aincy +derechief à capitenne, et+ entre plussieur aultre chose ^disoit aincy^ :
"Mon-seigneur le capitenne, j'és envoiet la lestre que vous m'en-voïst au partir de l'A ipremont,
mais je n'en és encor oÿ nulle novelle. Ceulx de Mets sont venus et ont dit que nous avons prins de leur
gens, mais nous leur avons respondu qu'il en ont menty. Il acomence novelle guere contre le temps
noviaulx, mais ne vous chaille, nous en feront bien. Et pourtent il me samble qu'il seroit bon qu'il en
recripce ^encor^ unne aultre, et qu'il dice le lieu ou il veult qu'il ^c'on^ prenne ceu qu'il demende, c'est
assavoir la renson." Cest lestre fut de-puis apourtees à Mets par ledit Phelippe, et en orent les seigneur
coppie, comme vous orés cy aprés.
(122) Aprés ces chose faicte fut ledit Phelippe retourné en son lieu en prison sen oïr aultre chose,
car il avoit entencion, c'il les veoit, qu'il brairoit. Car ^Et y_avoit^ en l'uis de celle votette avoit ^ou il
estoit^ ung pertuit par ou il regairdoit, mais il ne pot oncque veoir personne, et luy furent passees tout
esperence.
Ce temps pandent, ^ledit Philippe^ trouvayt maniere comme +de veoir+ ^par l'airchier et aincy^
+comme+ il avoit fait en l'aultre tour de veoir par ^l'air^ l'eschier. Et print ung jour de la pouciere et de
l'yaue et fit du mortiet, et acomence à hovter ^lever^ les pier au chief desoure de lest l'erchier, tent qu'il
vit par ung trou ^grant^ comme pour bouter une pome.
Cela fait, acomence à remurer ces pier en lessant tousjour son ^ledit^ trou, mais du dedens mit
une qui ^pier^ qui touppoit sy justement celluy trou c'on ne c'en pouvoit apercevoir, et jetoit de la
pouciere par dessus. Et olt là ung peu de collacion par son angin [-] [-], car quant il avoit osté celle pier,
il veoit au ^lez allant et lez venant au^ loing de la chaussiees et de la riviere du dehors de leans les allant
et les venent, et nulz ne le povoit veoir au_cause que le trou estoit petit.
Toutefois il ce monstroit de dehors comme c'il ne fut ^point^ touppé, pour la-quelle chose fut la

74

dite erchierre revisetees plussieur fois dudit Pier et de Goubert le depancier, mais oncque ne c'en
pourent apercevoir, car quant Phelippe oyoit bouter la clef en la premier pourte de la chambrette dessus
luy, il remetoit incontinent sa pier et avoit de la pouciere ^toutte preste^ qu'il gectoit par dessus, et n'y
avoit homme qui c'en sceust apercevoir.
Ledit Phelippe avoit trouvé aucuns grains de blef dedens ung palme ^espis^ et les avoit gecté
dedens son ^ledit^ trous, et ^gectoit chacun jour^ de l'yaue dessus les dit grains ; +et il+ reprinrent et
crurent grant comme ung dois, tellement (123) que l'on les v^e^oit du dehors, et y_ regairdaist Pier par
plussieur fois, mais oncque ne c'en peurent apercevoir.
Ce pouc de clarté là ^illec^ fit tent grant aixe audit Phelippe c'on ne pouroit croire, car ^cen ce^
il fut esté tout plain de poul et de vermine ; mais il c'y serchoit au mieulx qu'il povoit. Nonostent il olt
tent de puce que oncque homme n'en vit tent ^pour une fois^, et luy faixoient moult de malz, car pour
ung copt il en prenoit ^prenoit^ .VII. ou .VIII. en les fousse dez cheville de ces piedz.
Il ^Ledit Philippe^ avoit mis ung peu de drappiaulz entour ces fer, affin qu'il ne luy ficent malz,
mais tent de puce c'y boutoient qu'il le faillit oster. On les heut bien recuilly à [-] [-] la ^poingnié parmy
la^ prixon, et sambloit de son corps 105 et de ces jambe que ce fut ung qui est mallaide de proprieulle. Et
n'en pouvoit dormir ne pouser ^ne repouser^ ne menger ne boire, sinon ^estre^ en grant doulleur,
souverainement entour le moix de jung.
Et une fois entre les aultre en fut tellement assailley qu'il fut trois jour et .III. nuit sans oncque
dormir ; et au debout des .III. jour, il ^c'en^ allait couchier en ung anglet ^à plus^ loing de son estrain,
et là s'endormit droitement à l'eure c'on luy devoit apourtéz à soupper. Ce temps pendent, Pier vint pour
luy apourter à soupper, et owre le la trappe dessoure et availle par la dite trappe son crochet, qui
^comme il avoit acoustuméz, lequelle croichet^ estoit en maniere d'ung crochet de bois pour ung puis, et
au debout dudit ^d'icellui^ crochet avoit une pinte d'yaue et du pain en une corbillette ; mais personne
ne la recuilloit, dont ledit Pier fut bien esbaïs et ne savoit que pancer, et apelloit, mais nulz ne
respondoit.
Adonc print ^ledit Pier^ l'eschielle et ^ce^ devaille (124) [-] +en la prison+, et trouve +ledit+
Phelippe couchiés à_la reverse ; et cuidoit ledit Pier qu'il dormoit fut mort, et ^il^ le boute du piedz et
trouve qu'il dormoit. Pier luy demende la cause qui le mectoit aux dormir à celle heure ; adont luy dit
ledit Phelippe que c'estoit pour les puce, et luy monstre ^monstrait^ la pitié ou il estoit par tout le corps.
Et ce print ledit Phelippe au plorer moult fort et dit : "Helas ! mon trés chier amey Pier, et
m'apourterés vous jamais nulle bonne novelle ? - Je ne sçay, dit ledit Pier, quelle dyable ce serait. Je cude
+cuide+, ce Dieu ne nous ayde, qu'il nous y fauldrait morir. Voustre perre ait fait le plus honteusement
et le plus trayteusement envers vous c'onque fit homme, et ait fait tout au contraire de ce qu'il avoit
promis. Car [-] ^Et pleut or^ à Dieu qu'il fut cy en vostre lieu : je cuide c'on luy feroit +chier+
105 Philippe écrit coprs ; nous corrigeons.

75

comparrer." Aprés plussieur aultre parrolle c'en retourne ledit Pier, et Phelippe demoure comme celluy qui
est ^en qui és p^pouc de joie.
Ne tairgit mye .VIII. jour que Pier apourtait plus de .VI. houtees de pier et les availlait à tout
une courde en la prixon, et les faixoit recuillier audit Phelippe. Et en bouchait encor mieulx les dite
erchier qu'elle n'estoie, dont ledit Phelippe fut bien embahis. Or ne sçay quelle novelle qu'il heusse oÿ,
mais il doubtoient chacun jour plus de luy et le tenoient plus secretement qu'il n'avoie encor fait, et ne
luy apourtoit on ^plus^ à soupper qu'il ne fut bien tair en la nuit, affin que nulle ne c'en aperceust.
Toutefois, il me samble qu'il ne devoie mye doubter qu'il eschap^ait^, car c'il heut voullus
eschapper ^par le droit huis du lieu^ dont il estoit, adont (125) je vous dyray quelle passaige il eust
faullus passer. Premierement, il heust faillus rompre ces fer ; aprés, luy qui estoit comme tout nudz et qui
n'avoit ne corde ny achielle ne taiellement qu'il heust, ^il eust faillus^ monter jusques la travexon ; et
qu'il heut ^là venus, il eust convenir^ rompre la trappe ou la pourtette par ou on entroit en la prixon,
qui est plus d'ung piedz d'espesse, qui ^la-quelle chose^ heust esté moult grant chose à_ffaire ; ^et^
cella fait, il fut ^amprimes^ esté en la chembrette dessoure luy, et convenoit encor rompre l'uis de celle
chambrette, qui est encor plus d'ung grant demy piedz d'espesse, ^ferment à groz weroult^. En oultre, il
fut esté en la court de leans, et convenoit encor rompre .II. pourte et passer .II. pont levys avent qu'il
^fut^ eschappé, la-quelle chose estoit impossible sans miracle de Dieu, et encor sens le dengier des
guette qui velloient nuit et jour.
Et c'il eust voullus eschaper aultrement que par les huis, il luy heust faullus aussy bien rompre ces
fers et rompre le mur de la tour, qui estoit bien .XV. piedz d'espesse ; aprés, passer la riviere, qui est plus
malle à passer que ^n'est la rivier de^ Mezelle, sans le dangier des guette, ^comme dit est^, qui estoient
nuit et jour tout dessoure luy. Je ne sçay coment qu'il l'eust fait.
Touteffois, pour revenir au prepos106, combien que Pier heust mis plus de pier en les archier
^que devent^, ce ne laissait Phelippe +ledit Philippe+ par sa subtillité qu'il ne vit tousjour par son ^le
devent dit^ pertuis, mais nom_pas cy bien qu'il faixoit.
Aprés ces chose vint ung jour Pier en la prixon avec de la chandoille, de l'ancre et du papier, et
fit recripre encor une lestre, la-quelle fut pourtees [-] comme les aultre +à ce meisme+ à ce traistre de
Mousson nommé Baxort ; (126) Baxort de Mosson lequelle Baxort les envoiait par une femme à Mets.
Et chantoient les ^icelle^ lestre que Phelippe estoit en une plesse au païs de Liege et que ledit Baxort avoit
parlé au luy, et plussieurs aultre bourde avoient fait mectre audit Phelippe en celle lestre.
Le pouvre maire, qui estoit à Mets, ^estoit^ moult decomforté [-] ^et hideux et^ n'avoit oncque
voullus faire sa bairbe dés qu'il avoit esté prins. ^Cy ait ledit maire^ ressus ces lestre et les ^ait^ pourtés,
comme il faissoit les aultre, en la chambe des Treses, tout en plorent et lairmoient, ^et^, comme il avoit
acoustumé, ce gecte à leur piedz et leur donne ^ce prostairnais à piedz dez seigneur de justice et leur
106 Philippe écrit prepros ; nous corrigeons.

76

presantait^ la lestre en leur prient que, pour l'amour de Dieu, qu'il y trouvisse ung remide, ou sinon qu'il
vanderoit tout tent qu'il avoit pour le racheter.
Les seigneur, oyent ledit maire, luy promectoient de jour en jour de le ravoir et le recomfortoient
tent qu'il povoient, car ce estoit piteuse chose à_veoir le pouvre homme, le die dueil qu'il menoit chacun
jour devent eulx. Et leur dixoit encor le maire, tout en plorent : "Helas ! Ce mon filz meure en celle
prixon, que poulrait on dire ? Chacun me montrerait aulx dois et diras l'on : vellà le traystre qui laissait
mourir àson filz en prixon, comme raison serait d'en ^de le^ dire, car oncque ne fut plus traistre ne que
je suis. Et ce la fourtune avenoit ^qu'il mourut^, je promet à Dieu que jamais en ce païs ne demouroie,
mais venderoie tout le mien et m'en iroie à l'aventure . Helas, mes-seigneur, pour Dieu vueilliés y proweoir
de remide ! Prenés tout le mien et me faicte ravoir mon filz, ^ou souffrés que je le rachaite^, et ne me
weulliés plus abusser, car desjay y_ait trois quairt d'en +.IX. moix+ qu'il y_est. Messeigneur, prenés pitiet
de ce pouvre miserable qui est tousjour esté bon à la cité, (127) et comme vous savés, messeigneur, je fus
une partie prins pour l'ergent que je presta à la cité à la guere passees, ^et fut la chose que plus me
grevait^. Et coment povés vous souffrir telle chose à vous powre subget ? Au moins je ne vous demende
rien du vostre, maicque [-] +forcque+ me souffrés à racheter mon powre filz, ^qui pourit en prison^ !
Et ce ne faicte que je raie mon filz, ou par ung chemin +une voye+ ou par aultre, je mourés de dueil."
Ces parrolle ^et plussieur aultre^ dixoit le maire devent les seigneur tout en plorent, tellement que
c'estoit piteuse chose à veoir et sy grant pitiet au oÿr que plussieur des seigneur plouroient, que les lairme
leur cheoient du visaige. Nonostent il ^ne faisoit rien, sinon qu'il^ recomfortoient le maire ceu qu'il
povoient en luy promectent que dedens brief tent ^tamps il^ le [-] ^feroie revenir, et lui promirent^ que
jamais la paix ne seroit faicte ce premier les prisonnier n'estoient rendus.
Le maire estoit chacune semaine une fois ou deux devent eulx et pourchassoit tousjour ceu qu'il
povoit. Aussy estoit Frecquegnon le merchant pour son filz, et alloient tousjour en-samble le maire et
luy, car on rapourtoit tent de novelle au maire que c'estoit merveille. L'ung luy dixoit qu'il avoit veu son
filz qui alloit avalz la court de Chaivency avec ces fers et qu'il ^és piedz, et qu'il^ estoit comme tous
derot ; l'aultre disoit au contraire qu'il estoit en une belle chambre ou il faixoit plussieurs painture et
acripvoit, et que le capitenne le voulloit avoir pour son cler ; l'aultre dixoit qu'il avoit parléz à luy et qu'il
luy avoit donné une chemise pour ce revetir ; et tout ^ce^ estoient bourde.
Aprés en vint ung qui demouroit en la duchié de Bair bien prés de Chaivency et avoit une pa
^sienne^ parente à Vignuelle, (128) et [-] plussieur fois +disoit et ce vantoit+ devent sa parente qu'il
feroit bien revenir le prisonnier pour peu de chose, ce le maire voulloit, car il avoit grant cognoissance à
chaitellain de leans et ^en^ cuidoit bien joÿr.
Sa parente le_dit au maire, lequelle n'en fist compte ; et pour cest cause pourtoie les language
par-tout que le maire n'avoit mye grant voullunté de ravoir son filz, puis-qu'il ne voulloit mie donné ung

77

bien peu d'ergent à leur parent pour ly faire ravoir c'il voulloit ^son filz^, dont chacun en blamoit le
maire. +Lequelle+, oyent les lengaige des gens, ^ung jour^ appellay cestuy dit parent avec sa parente de
Vignuelle et ^ung nommé^ Jehan Pierard, son marit, et lez maine ^menait le maire^ à Precheur à Mets,
et luy demende c'il luy feroit bien revenir son filz, ^comme il ce vantoit^ ; lequelle luy respont que oy,
parmey la somme de .XII. florin qu'il luy voussit donner pour faire leur depant.
Le maire, qui jay avoit esté trompé de plussieurs 107 aucy [-] chose ^aultre et en tel cas^, luy
respont +que+ au regairt de luy donner les .XII. florin pour leur despent et pour leur paine comme il
demendoie et [-] en [-] pour ravoir son filz, qu'il n'en feroit rien. "Mais, dit il, vous ne me demendés
que .XII. florin en tout. Faicte moy ravoir mon filz et je me obligerait, dés maintenent que quant vous me
l'amenrés cy à Mets, de vous donnés .C. florin d'or pour vous paine."
Les aultre, oyent sa responce, ne sorent que dire, sinon qu'il n'avoye mye bien argent pour cella
faire, et que au moins il leur donnist ung frant ou deux pour leur depant. Le maire le voult bien ^fut
comptant^ et leur donnait. Il s'en allyrent, mais jamais de-puis ^ne revindre, et^ ne oÿt novelle, et perdit
cella. Et ^y olt^ tent de telle gent que venoie chacun jour ^venoient^ rapourter de telles novelle, qu'il en
estoit tout en-ameit et en prenoit ^du sien^ qui en (129) povoit avoir, +et estrange et privés+ ;
meymement ces amis et ceulx qui le deusse aydier, et venoie chacun jour les plussieur et dixoie qu'il avoie
fait merveille pour luy. L'ung prenoit ung dinés, l'aultre ung souppés, et les aultre demendoie des l'ergent,
et tout tent qu'il faixoient n'en vailloit rien.
Et en cest manier estoit le pouvre maire ^homme^ malz menés de tout coutés, et couroie sus
luy comme les chiens font à la chair ; +et estoit merveille que l'on ne lui ostoi[t] lez yeull[x] de la tes[te],
car fortune lui estoit contraire de tout coustéz+, dont c'estoit pitiet. Et quant Baxort ^de Mouson^
envoioit les ^aulcune^ lestre par une velle fille ^de joie^, il la failloit faitoer ^faitoier^ comme une damme
; et encor les pourtiet ^de Mets^ voulloient avoir ung g. de Mets pour +leur vin+ ^et pour^ la laixier
dedens, et en orent plussieur fois.
Qui pouroit dire ou imaginer le duel et aussy le pourchet qui ^que chacun jour^ faisoit le
^powre^ maire chacun jour ? Il n'y ait homme qui le sceust pancer ne comprandre, et ne faixoit rien
aultre chose ^nuit et jour^ ; aussy n'eust il encor seu ^owrer^ pour sa jambe qui n'estoit pas bien guerie.
Et ^de prinse celle prinse^ en furent les novelle espandue cy fort par tout le païs c'onque de
homme prins au païs de Mets ne fut cy grant novelle, au_cause des grant seigneur qui c'en malloient,
comme mon-seigneur de Verduns et plussieur aultre. Mais tent qu'il sorent faire ne vaullut rien au proffit
du maire ne de son filz.
Le v ^powre^ maire, vouant voiant que tout ne luy vailloit rien, rescript une lestre audit Baxort ^à
Mouson^, en luy prient secretement qu'il ce vouxist traveilliet pour luy et qu'il vouroit bien ravoir son filz
en paient ranson, maicque il voucisse prandre raixon en gré ; et fust cest lestre pourteez à Mouson.
107 Philippe écrit plussieus ; nous corrigeons.

78

Baxoirt, qui savoit toutte la trayson, racript à maire bien .XV. jour aprés [-] ^à maire, et fut^
depuis qu'il olt parlés au capitenne de Chaivency. Coment qu'il s'avoit +Et lui rescript ledit Baixort
coment il ce avoit (130) s'avoit tent traveilliéz que merveille et avoit tent fait qu'il avoit trouvé son filz, et
avoit parlé à ces maistre, qui ^lesquelle^ demouroie à païs de Liege, en ung chatiaulx sus ^la riviere de^
Meuse. Mais somme [-] tout, il randeroie +c'estoient deliberés de ne+ point ^randre^ le prisonnier,
sinon en paient la somme de .XII.C escus ; et ^avec ce demendoit ledit Baixoir^ .C. florin pour ces paine
dudit Baixort.
Le maire, oyent les responce de Baxort, fut bien embahis, ^et non sans cause^. Lez traistre
capitenne et Baxort avoient devisés cest lestre en cest maniere pourtent qu'il veoient que le maire avoit fait
ce qu'il avoit peu pour le ravoir franc et quicte et qu'il n'en avoit peu joÿr. Et demourait la chose une
espesse de tant ^tampt^ ensy, au +au+-quelle tans tamps vous povés savoir que Phelippe n'avoit mye
grant [-]aixe, mais estoit en grant soucy et en grant paine, et ces les puce l'avoie bien gueroiés entour le
moix de maye, les puce ^pous^ le gueroierent entour le moix d'auoust, car sa cheminxe et son bonet
estoie grant, ^qu'il avoit quant il le prinrent, estoient^ gras et pourris, et c'y boutirent les pous, qui le
picquoie tropt [-] ^fort^.
Or, aprés ces chose, quant le maire vit qu'il n'en pouroit aultrement joÿr, il mandait querir ung
frere baude de l'observence et du couvent de Mets108, nommé frere Nicolle au deu +.II.+ doie, et eurent
conclusion que ledit frere s'en yroit à Chaivency pour enquerir c'il pouroit oÿr novelle du prisonniet,
pourtent que aultre homme n'y osoient aller.
Et fist tent ^ledit frere^ qu'il vint là et preschay au villaige dudit Chaivency, puis aprés c'en allait
au chaitiaulx et parlait au capitenne, et luy declairait ^partie de^ son couraige en partie touchent du
prisonniet, (131) en luy presentent sertaine somme d'ergent +par pairolle+ que le maire luy faixoit
presenter pour ravoir son filz.
Le capitenne, oyent les parrolle dou biaulz perre, fut moult ire, +ou il en fist le samblant+, et
^comme en grant courous^, luy dit : "Coment, biaulz perre ? Cuidés vous que je soies ung lairon pour ^à
force^ tenir les ^aulcuns^ prisonnier ? Qu'esse que vous me dictes ? Dont vous vint cecy ? Je ne sçay ce
vous le dictes en pancent que je l'aye, ou ce vous venés saiens pour nous espier. Mais par la chair ^je fais
veu à Dieu^, ce ne fut pour ung peu, je vous feisse saust saulter de dessus les muraille és foussés,
comme d'aultre y ont dejay saultés ! "
Le pouvre frere, oyent ces parrolle, fut bien embahis +estonnés+ et ne savoit que respondre,
sinon de ce escuser le plus courtoisement qu'il povoit ; et aprés plussieur aultre parrolle, ce depart et c'en
allait au villaige ^pour^ diner.
Le capitenne, ^pansant à l'offre que le frere lui fais[ait]^, mandait incontinent +ung secr[et] messaige+
108 Cf. supra.

79

à Mouson à Bassort, affin qu'il ^que109 se le frere y alloit, il^ fut avertis de ceu qu'il devoit respondre ce
le frere y alloit. Puis, ce [-] ^fait, il^ mendait ^arrier^ querir le biaulx pere qu'il venit de dinés avec luy ;
mais il estoit dejay +en la ville à+ table et n'y voult point aller. Adont luy envoiait le capitenne de son
vin, et luy mandait que c'il voulloit oÿr novelle du prisonniet, qu'il allait à Mouson parler à ung nommé
Baxort, et qu'il l'en saroit bien à dire quelque chose.
Adont ce parte +Lors quant+ frere Nicolle ot ^olt dinés, il^ s'en vait à Mouson parler à Baxort,
qui +lequelle+ desjay estoit avertis de ceu qu'il devoit respondre, et n'y fit rien, car pourte nt qu'il veoie
que le maire chassoit, il ce tenoie tousjour à leur .XII.C escus et cent florin pour ces paine. Et c'en (132)
retourne ledit frere à Mets cen faire aultre chose, et contait au maire ceu qu'il avoit trouvé.
Pandent ces chose, le temps ce passoit tousjour en aprochent la Sainct Remey, et Phelippe estoit
comme celluy qui ce contoit perdus. Pourtent ce mist en aventure par ^et ce^ avisés c'il pouroit trouver
manier d'eschaper ; et luy vinrent tent de diverxe penceez au cuer que c'estoit merveille par l'espesse
d'ung moix ou .III. semaine, et ne povoit veoir lieu qui luy fut fort propice pour eschapper.
Touteffois il avoit trouvé ung petit fer, de_quoy il avoit derivés lez cloz d'ung ^dez fer^ de ces
piedz et estoit deffairés d'ung fer. Sy vint une fois Goubert le depenciés et luy apourte une paire de
chandoille et une sisure et du fille pour reffaire une paire de chausse pour ledit Goubert, mais oncque ne
ce aperceut dez fert de Phelippe, car il les avoit remis en sa plesse et avoit lié du drapiaulx entour, c'on ne
c'en povoit apercevoir qui n'eust osté ledit drapiaulz.
Puis aprés ^aprés, quant cez chausse furent faictes^, c'en retourne ledit Goubert quant ces
chausse furent faicte, mais il laissait ces sisure ^et lez oubliait^. Et deslay en avent +on+ acomence à
traicter ledit Phelippe plus gracieusement qu'il n'avoie fait et luy apourtoie quelque fois de la chandoille,
pourtent que son perre venoit à presenter renson.
Adont ce print Phelippe à_pencer coment qu'il pouroit faire pour eschaper, et ^ait^ trouvé ^en la
prison^ des batons, ^lesquelle il^ qu'il acomence à taillier de ces sisure comme pour faire une echielle, et
print dez petitte courdelette qu'il avoit de loing temps, et liéz ces batons l'ung en son l'autre et les aultre
du traver pour faire les eschaillons. Et avoit deliberés que ce on laissoit la trappe de dessus ouverte, qu'il y
mecteroit sa chielle, (133) car il avoit lié ung gnet grant batons à travers de sa +son+ eschielle dessoure
et avoit une perche ^de^ quoy qu'il eust boutés sa chielle, c'est assavoir le debout dedens la trappe ou le
guichellette dessoure, et le batons qui estoit du travers eust tenir en telle maniere qu'il que la chielle eust
pandus en l'aire, car elle ne s'eust seu soutenir pourtent qu'elle estoit de plussieurs piece et fut monté
dessus ^piece [et] ce powoit ploier pour bouter sous son bras.
Et aincy fut monté ledit Phelippe^ ; et fut une espesse de temps en ces pencees, et tellement qu'il
n'en povoit dormir, car il luy sambloit c'on ^en pansant que on^ l'acomensoit à traicter110 ung peu plus
109 Philippe écrit qeue ; nous corrigeons.
110 Philippe écrit traictere ; nous corrigeons.

80

gracieusement que les aultre fois, et que c'il failloit à son entreprinse, qu'il vauroit mieulx que jamais ne fut
esté né et seroit pis que devent.
Une fois entre les aultre, Pier le montait hault en la chambrette et le fit ung peu chauffer ; ^et
estoit^ en l'a-comencement de l'yver. Adont Phelippe avisait bien son ^le^ lieu, et encor c'en aillait Pier
querir de la viende pour le faire dinés là +illec+. Et entremetent, Phelippe reguerde par une fenestre qui
respondoit en la riviere du dehors, et vit que en_droy la fenestre avoit ungne [-] ^petitte nacelle^ ; mais
c'estoit fort hault.
Touteffois, il heult bien trouvé maniere de c'y availler, et n'y avoit aultre dengier quant il heut esté
monté en la ^celle^ chambre sinon qu'il ne fut ^estéz^ veu, car cella il ne povoit faire cella sinon de
jour. Et en aprochent l'yver, Pier le menoit souvent chauffer, et quant il l'avoit ravaillé en la prixon, il
laixoit souvent la trappe ouverte, meysmement de jour, tent que ledit Phelippe avoit deliberéz de mectre
son ouvraige en effect.
Mais quant il cuidait besongnier, on acomence plus fort à regairder sus luy que jamais, et
s'availloit souvent Pier en la prison pour veoir qu'il ne ce metit en voie d'eschaipper. La cause pour quoy,
^ce^ fut (134) que en ce temps pendent que Phelippe deliberoit de cellay +faire+ et qu'il ce voulloit
mectre en aventure d'eschaper, vint ^avint une aventure que je vous [-] dirés^.
A Sainct Mertin devent Mets ^vint^ ung homme d'airme, lequel mendait incontinent querir le
maire de Vignuelle qui estoit à Mets ; et luy ^venus, luy^ dit que c'il voulloit, qu'il luy feroit bien ravoir
son filz. Le maire, oyent celluy homme d'airme, en fit peu de compte, car il avoit tent trouvé de telle
gent, ^comme avez cy devent oÿ^, qui luy promectoient merveille, qu'il ^et^ en estoit tout ennoiet.
Quant l'omme d'airme vit qu'il ne mectoit forxe à ces parrolle, il fut comme enraigiés et luy dit
qu'il ne luy demendoit rien du sien jusque à_tent qu'il rameneroit son filz. Adont ^Illec presant^ y_avoit
ung moine, qui ^lequelle pour ce fait^ avoit mendé querir le maire, qui luy ^et^ dit +ce moine+ au
maire qu'il avoit tort qu'il n'entendoit à ces parrolle ^de cest homme de bien^, veu qu'il ne luy
demendoit rien jusque à tent qu'il raveroit son filz. Adont ^Lors^ luy dit le maire quelle ^[-]^demendoit
^quelle chose il demandoit^ pour ce faire [-]. "Vous me donrés, dit il, .C. florin d'or." Et le maire c'y
acourde et luy promist de luy donner lesdit .C. florin quant il revenroit avec son filz.
Or c'en allait celluy homme d'airme à Chaivency et parlait au pourtiet, auquel il avoit
cognoissance. Aprés, c'en aillait en la plesse et trouvait le capitenne, auquelle 111 ^il est eust plussieur
parolle^ ; et luy demendait qu'il venoit querir et il luy dit qu'il venoit pour aulcune affaire, et luy comptait
au plus loing de son cuer. Aprés plussieur parrolle, le capitenne le conviait au dinés.
Aprés dinés, il ce depart et laissait à Chaivency son paige et ces deux chevaulx, et c'en allait à ung
villaige prés de là nommé Chaivency Sainct Humbert, car il ^ledit homme d'airme^ avoit entendus du
capitenne qu'il c'en voulloit aller dehors .II. ou .III. jour aprés. Et pourtent c'en ailloit il à Chavency
111 lequelle corrigé en auquelle par Philippe.

81

Sainct Hubert, en disent (135) qu'il y alloit besongniet quelque chose, affin qu'il heust hocausion de
revenir à Chaivency querir ces chevalt quant le capitenne seroit hors.
Et avoit deliberés qu'il y coucheroit et trouvaroit maniere avec le pourtiet ou je ne sçay coment
qu'il en tireroit le prisonniet, et l'eut fait ce fourtune ne luy heust [-] [-] +estéz contrai[re]+. Mais il se
guattist, car il dit à Chaivency Sainct Hubert qu'il venoit là besongniet pour aulcune piece, puis retourne à
Chaivency ^le Chaitiaulx^ et trouve que le capitenne n'en estoit encor point allé ; et luy dit qu'il venoit
besongniet pour d'aultre piece tout au contraire qu'il n'avoit dit à Chaivency Sainct Hubert, tellement que
le capitenne congnust aucunement qu'il wairioit en ces parrolle et ce fordoutait de luy.
Toutefois, il le prie ^encor^ au dinés et luy enqueir tent de sus et de jus touche nt ces affaire qu'il
cognust fermement qu'il n'y venoit point pour bien, et luy dit le capitenne qu'il y venoit pour aulcuns
malz. Et heurent plussieur parrolle essamble, tellement que [-] ledit capitenne le fist prandre et mectre en
prison. Et pour cest cause fut Phelippe plus souvent visités qu'il n'estoit devent, de peur qu'il
n'eschaipait, et heut plus grant gairde qu'il n'avoit avent ^heu, et fut pour ce tamps^ qu'il pensoit
d'eschaper, .II. ou .III. jour aprés ^comme avés oÿ^.
^Deux ou trois jour aprés^ achappait celluy homme d'airme et ne sot on coment, mais on voult
dire que le pourtiet estoit de son païs et ly avoit donné voie d'eschaipper ; et perdit ces .II. chevalz et ne
fit rien de ceu qu'il avoit entreprins, nonostent qu'il l'en print bien qu'il eschappait, car il ^le capitenne^
estoit deliberés c'on l'eust noyés le lendemain, pourtent que l'on voulloit dire qu'il voulloit tuer le
capitenne.
Or, pour venir à propos, aprés ces chose bien .XV. jour ^environ .XV. jour apréz cez chose aincy
faictes^, vint Pier en la prison avec de l'encre et du papiet et dit à Phelippe qu'il failloit rescripre ^encor^
une lestre à frere Nicolle, et qu'il mist en la dite lestre (136) que Baxort +ly+ avoit a fait recripre cest
+dite+ lestre car il avoit oÿ novelle de ces maistre, mais il ne voulloie rien laichier de leur somme.
Cest lestre fut pourtees à frere Nicolle, lequelle la monstrait au maire ^et^ son s pere ^et lui
monstrait^ les humble recomendacion que Phelippe faixoit en luy prient ^audit frere^ qu'il vousit
remontrer à son perre qu'il le vouxit rachetait, et que c'il ne le faixoit, qu'il estoit piene ^plus inahumin et
pire^ que .II. homme que son perre luy avoit aultre fois compté, qui ^lesquelle ce^ estoie laissiet en
prison l'ung l'aultre, veu que ces .II. homme n'estoie point parent comme luy qui estoit son propre fil
^perre^ ; et avoient encor fait mectre en la dite lestre que Baxort avoit oÿ novelle de ces maistre, et
plussieur aultre chose qui tropt longue seroie à racompter. Ces parrolle recomfortoie peu le maire, veu
qu'il ne voulloie rien laichiet de leur somme.
.VIII. jour aprés ces chose revint Pier en la prixon decost Phelippe, qui estoit moult
decomfortéz, et luy dit qu'il avoit pencé d'une chose assés profitable, ce luy sambloit. "C'est, dit il, q ue
vous heussiet rescript une lestre au capitenne de Chaivency [-] - ^et faindoit ledit Pier qu'il ne fussent

82

point à Chaivency -, car, ce dit Pier^, j'ay oÿ dire qu'il ait grant cognoissance à vous maistre et pouroit
bien estre cause de vostre delivrance."
Aprés plussieur aultre parrolle, Phelippe, qui bien cognoissoit leur mavitiet, fut comptent de
recripre la dite lestre, en prient trés charitablement à cestuy capitenne qu'il le vouxist aydier à estre
delivré et qu'il c'en vouxist traveilliet envers ces maistre. La lestre escripte fut pourtees au capitenne pour
la visités, et y_avoit aulcuns mos qui point ne luy plaisoie, qu'il effaissait et corigait de sa propre main ;
et la firent [-] recripre tout du loing audit Phelippe.
Mais encor y_olt changes car à la fin Phelippe avoit mis ^”et ceterra”^ escript [-], et voulloit
escripre mectre escripte “en telz lieu ung telz jour” comme la cotume [-] est de mectre, mais quant il olt
mis escripte ^la seconde fois i_olt il plus à dire, de_quoy grant mal cuidait [-] venir, car à la fin d'icelle
lestre, Philippe avoit mis en escript “et ceterra” en telle forme : “et c.”^ ; +et voulloit ledit Philippe
mestre à la fin de sa lestre comme la coustume est de mestre quant on mest : "Escript en telle le lieu et en
telle jour". Mais quant il olt seullement mis (137) ce mot "escript"+, il ce avise c'on ne voulloit point
c'on sceust le lieu, et allay mectre aprés “et cetera” en brief, comme vous povés veor +veoir [forme
abrégée d'etc.]+ ; la-quelle parrolle fut prinse en malz dudit capitenne, et fut dit qu'il voulloit mestre
"escripte à Chaivency", car le "c" tranchiés ^qui^ faixoit "Chaivency", comme il dixoit, et fut precque sot
^et enraigiéz^. Et c'en retourne ^ledit^ Pier en la prixon comme enraigiéz en_l'encontre de Phelippe,
pour cest seulle parrolle qu'il entendoie aultrement que112 n'avoit fait ledit Phelippe.
Touteffois, aprés plussieur parrolle et que Phelippe ce fut escusés en-vers eulx, fut la lestre recript
tout à leur voullunté, et la print le capitenne et l'empourtait à Gouxe ; et incontinent mendait à frere
Nicolle, qui pour l'eure estoit à la Chapelle au Boix, qu'il venist parler à luy, lequelle ^frere^ c'en allait [-]
^premier^ à Mets parler à maire pour savoir quelle responce qu'il luy donroit.
Le maire luy dit que c'il oyoit bonne novelle de son filz, que luy fit la presentacion de .V.C florin
d'or pour le ravoir, mais de plus non. Et incontinent ce parte ^de Mets^ ledit frere Nicolle, qu'il ^et^
estoit bien tairt, et avec cela faixoit le plus divers ^et le plus cruel^ temps qu'il avoit fait de .XX. ans ; car
c'estoit la vigille de la Saincte Katerine, ^et fut celle nuit^ quant Jehan de Lendremont devoit delivrer la
cité ^de Mets^ en celle nuit par trayson, mais pour l'amour du diverxe temps il ne pourent besongniet,
comme serait dit cy aprés.
+Et aucy cellui jour Saincte Kaitherine fut le propre jour que le roy d'Espaigne113 antrait à la
grande et fameuze cité de Grenaide ave[c] son airmee, et fut cellui jour prinse la dite cité ^et^ moiennant
la graice d[e] Dieu fut faicte crestienne, qui par avant estoient Mor blan et païens114. Et y fut cellui jour la
112 qui corrigé en que par l'auteur.
113 Ferdinand II d'Aragon, dit Ferdinand le Catholique (1452-1516).
114 Le 2 janvier 1492, Boabdil, émir nasride de Grenade, livre la ville à Ferdinand II d'Aragon et Isabelle I ère de
Castille. Cette reddition marque l'achèvement de la Reconquista entreprise depuis le VIII e s. par les souverains
chrétiens.

83

premier messe chantee en ung paillas c'on_dit le grant Melchita115, et fut celle noble conqueste faicte en
partie par la bonne dilligence de la noble leur maistre royne d'Espaigne116.
Mais pour revenir à prep[os]+, à_grant paine et à_grant meschief vint frere Nicolle à Gouxe, car
il sambloit que le vent l'en vouxist pourter. Le lendemain chantait messe à_l'abaïes de x Gouxe. Le
capitenne avoit envoiet ces verlet pour savoir c'il estoit venus, et furent ^lesdit verlet^ tous du loing de sa
messe pour atendre qu'il eust fait ; puis luy dirent que leur maistre le mandoit querir qu'il venist parler
à_luy. "C'il ait besoing de moy, dit frere Nicolle, ce viegne cy."
Les serviteur c'en retourne, et incontinent vint (138) +ledit Jehan de Haircour+, le capitenne de
Chevency, au lieu ou frere Nicolle estoit +et puis dit+ : "Je me traveille t.nt ^tant^ comme je puis, dit
ledit capitenne ^il^, pour ceu dont vous m'aviés l'aultre jour parlé. Mais j'ay tent fait que j'en ait oÿ
novelle, et pourtent vous ay mendés querir. -Je le croy bien, dit frere Nicolle. Lowés en soit Dieu qu'il ne
vous fault mye aller fort loing de vostre maixon pour en oÿr novelle, et n'y ait mye grant traveille !
-Coment, respont le capitenne, grant traveille ? Vecy une lestre qu'il m'ait envoiés."
Et print la lestre et la monstre à frere Nicolle et voulloit qu'il la lisit. "Je n'en veult point lire,
respont le frere. Qu'en vauroit le lire ? L'aultre jour, quen vous m'en-voiaist parler à Baxort, il me dit que
on ne le raveroit point à moins de .XII. C escus d'or et cent florin pour ces paine. J'é tent fait aux amis
du guerxon qu'il venderont les heritaige qui ly acompete de part sa mere et le racheteront de la somme
de .V.C florin ce on leur veult delivrés, car le perre n'y oseroit rien mectre pour ses seigneur qui ly ont
deffendus. -Et pourtent biaulx perre, ce respont le capitenne, c'il vous plait, vous irés jusque à Mouson
parler à Baxort, car j'entent qu'il scet au vray ou que le prisonnier est, et vous orés qu'il vous dirait et me
le ferés savoir ; car puis-que le guerxon m'ait mandés et priet que je luy vouxisse aydiet, comme vous veés
la lestre, j'en ferés voulluntiet mon devoir et de bon cuer, pourtent que j'entent que c'est ung belz
^biaulx^ jonne filz et ung jentilz guerxon. -Au reguairt d'aller à Mouson, dit frere Nicolle, je n'y en
entrerés jay pour parler au Baxort, car il ne fault parler à aultre que à vous, qui le tenés, le pouvre
guerxon qui jamais ne vous mesfit rien. Mais ne vous chaille, Dieu vous en (139) renderait le lowiet
cellon ce que vous le deservés."
A ces parrolle fut precque le capitenne enraigiés quant il vit qu'il ne voulloit point lire sa lestre, et
incontinent la print et la desxire en plus de cent piece ^là^ ou il estoie, en mey le moutiet de Gouxe, et
acomence à jurer et à renier comme ung enraigiés. "Coment, dit il, me dicte vous ces parrolle cy
outragieuze ? Que ne m'en dixiés vous autent quant vous estiés à Chaivency ? Car par la chair, je vous
heusse fait saulter de dessus les mur à la vallees ! -Il n'estoit pas temps, respont frere Nicolle. Je suis en
terre d'esglise et ne vous doubte ne ne vous craint. Jay[-] me menessiet vous en disent que vous n'y aviet
fait saulter d'aultre, mais il n'estoit pas temps de parler, combien que je seusse jay bien que vous l'aviés en
115 Peut-être le palais de l'Alhambra.
116 Isabelle Ière de Castille, dite Isabelle la Catholique (1451-1504).

84

vostre maixon. - Et qui vous l'ait dit que je l'avoie ? respont le capitenne. Tous ceulx qui le dixent c'en ont
menty !" Respont frere Nicolle : "Il m'ait esté dit en vostre villaige et en vostre p^r^oupre plesse. - De
qui ? fait il. -De tous enthierement, respont frere Nicolle."
Adont acomence [-] ^à amboulléz et saultoit et tripoit^ comme enraigiés, et ^print^ à jurer et
^à^ menesser. "Il n'y vault le jurer ne menesser, dit frere Nicolle. On scet bien de loing temps que vous
l'avés. Mais au fort je vous dirés, se vous l'avés, faictes en des petit patés, puis-que vous ne voullés pranre
raison en gré et que son pouvre pere en ait fait ceu qu'il ait peu. Et je vous promet que je l'en donrés
pleniere absolucion c'il c'en confesse à moy et ne aille jamais plus aprés, veu qu'il en ait fait ceu qu'il ait
peu. - Par la chair Dieu, dit le capitenne, se je l'avoie, avent qu'il fut trois jour +je+ [-]envoieroie sa teste
devent les pourte de Mets ^et^ en vostre sanglent despit, puis-que tent en avés dit ! - Et le (140) grant
diable vous en pourait bien pourter, respont frere Nicolle, vous qui en vaillés pis que les tirent qui
tourmentoie les saints, car il ne les cognoissoie pas ; mais vous, qui tor tormentés l'innocent et vostre
frere crestiens et celluy qui jamais malz ne vous fit, pancés vous point que une fois vous en doiés
demourer impunis ! Nenny, vous le tormentés à tort et cen cause, et c'il le prant pacienment, il serait
comme saints en paradis et comme martire, et vous en serés dennés à_tous les diable ! - Ha, par la chair !
dit le capitenne, je vous vouroie tenir à Chaivency ! Je croy que vous ne brariés mye sy hault ! Je vous
feroie bien ravailler vostre quaquet ! -Le menesser n'en vault rien, dit il, je suis en telle terre d'eglise et ne
vous doubte. Le pere n'ait fait chose envers son filz que je ne l'en deusse bien absudre117." Et à celle
heure +parrolle+ ce departirent et c'en revait frere Nicolle à Mets, lequelle +venus+ contait tout au
maire ceu qu'il avoie fait et dit ; et le capitenne ^retourne^ à Chaivency.
Le ^powre^ maire estoit en grant penceez et en grant paine ; aucy estoit son filz, comme chacun
peult pencer, et pensent à ces chose n'y ^ne sçavoie^ comme le bout ^ou la fin^ en pouroit une fois
venir. Le maire avoit encor grant pavour que c'il donnoit son argent, qu'il ne reust point son filz sçans et
f saulz, pourtent que c'estoit une lairencin et ne ce osoient fier l'une dez parties en l'aultre.
Et Phelippe estoit tousjour là en atendent la grace de Dieu, et ne pansoit aulcune fois d'en jamais
yssir ^sortir^, nonostent que de-puis que frere Nicolle y_avoit esté la premier fois en presentent
sertenne somme, yl avoit esté ung peu mieulx traicté que devent. Mais cy estoit il aussy bien guerdé que
jamais ou mieulz, et encor plus secretement, et n'en n'y avoit que .II. ou trois en la maixon qui en sceust
rien au vray, sinon par devinence.
(141) Puis, aprés ung peu de temps, vint à Mets ung prebtre d'une ville en la duchiet de Bair
nommees Peux, et dit au maire de Vignuelle que c'il voulloit oÿr des bonne novelle, qu'il envoiait à_
ladite Peux Collignon de Gaudiet de Noeroy, son parent, pour parler à ung nommé Pier le Guercon qui
demouroit à_ladite Peux, car ledit +aincy ledit+ Pier le mandoit. Incontinent le maire y envoiait ledit
Collignon ^à Peux^.
117 Philippe écrit asbudre ; nous corrigeons.

85

Or ne sçay quelle chose qu'il heusse brassé le capitenne et luy, mais c'estoit cestuy là qui avoit
envoiet la lestre à Chaivency ^disant^ c'on n'allit point à Nostre Damme de Mane ^pourter la ranson^,
comme vous avés oÿ cy dessus, ou ly ou son fillaitre +Robert+ qui demouroit à Noeroy, qui ce disoit
jentilz homme et qui aultre fois avoit esté capitenne de Chaivency118 ; et pourtent +pourtant yceulx119+
vouloie rapaisiet le capitenne qui en avoit +contre eulx+ esté courcé, et ^aucy affin^ qu'il ne fut point
malz de ceulx de Mets c'il povoient ; car Pier, qui gouvernoit Phelippe, luy avoit souvent dit que c'il
povoit estre hors de prixon, qu'il luy enseveroit nommeroient ung traystre au-quelle il ce pouroit
rescoure c.. se avoie ^de ces perde, et lui dit que ce avoient^ esté ceulx qui premier lez avoie fait pranre.
Mais jamais ne l'en voult dire aultre chose, sinon qu'il avoye envoiet la lestre c'on n'allit point à Nostre
Damme de Mane, et par cella entendit Phelippe depuis, comme vous orés, que ce c'estoient ceulx là.
Or, pour venir à_la_conclusion, celluy +Pier de Peux+ dit à Collignon de Gaudiet de Noeroy
qu'il avoit parler [-] ^à telle^ gens qui +lesquelle+ leur feroie ravoir son parent pour la somme de .V.C
florin d'or, et qu'il le fit assavoir au maire. Collignon c'en retourne à Mets et le contait à maire, lequelle
voulloit renvoiet ledit Collignon [-] pour veoir qu'il en puis rabatre ^quelque chose^, mais sa femme luy
dit pour l'amour de Dieu qu'il n'y renvoiait point, car il veoit bien ^que touttez^ les promesse c'on luy
avoit faicte ne luy vailloie rien, et sy avoit mis grant (142) coutange en poursuite et par aventure que l'on
le remonteroit devent que rabaitres.
Touttefois, Collignon de Gadiet s'en retournit arrier à Peux par le consentement du maire, et
vinrent ^retournirent^ arriés ledit Collignon ^à Mets^ avec Pier le Guescon et avec Robert, son fillaitre
de Noeroy, à Mets pour parler au maire ; lequel vint parler à eulx és ^gerdin et^ messure devent le Pont
des Mort, et priait moult fort ledit maire audit Pier qu'il vouxist tent faire qu'il peult rabatre quelque
chose de cest somme là, et que voulluntier paieroit .IIII.C florin.
Adont c'en retourne Pierre le Guescon à Chaivency et contait tout au capitenne ; et ne croy
point aultrement qu'il ne seut tout la voullunté dudit capitenne. Et retournaist ^ledit Pier^ incontinent
aprés son messaige fait à Mets, ^et^ avec ^luy^ son biaulz filz et Collignon de Gaudiet, et dit au maire
qu'il avoit fait merveille pour luy, mais nullement on n'en rabateroit rien de la somme des .V.C florin. Mais
ce ne disoie il point que le capitenne l'eust en sa puissance, sinon qu'il avoit fait merchiés avec lesdit
maistre +ceulx+ qui le tenoie.
Le maire, oyent ces parrolle, avise en son cas que aultrement ne le rairoit que par renson, et les
menait en son holtel ; puis leur dit qu'il c'en ailloit emprunté une partie de cest argent et les laissait en
une chambre ; et retourne incontinent avec avec ce qu'il luy failloit.
Nonostent qu'il ne fut point hort de sa maixon, ce ^en^ fit il ^les^ maniere d'y aller, et leur
118 Le sens bancal de cette phrase laisse penser que Philippe a changé d'idée en cours d'écriture et a oublié de la
modifier.
119 yceulx répété dans le manuscrit.

86

compte cest ^contait ledit^ argent, cy qui ^lequelle^ estoit une terrible renson pour gent de villaige ; et
leur prie moult affectueusement qui vouxisse besongniet comme pour eulx meyme, lesquelle luy
promirent. Cy ce pairte (143) et c'en allait +lez dessus dit et c'en aillirent à Mairville+, et fit le maire cecy
cent ce que homme du monde aultre en seut rien.
Car, quant il furent partis, le maire c'en aillait à ces frere et [-] leur dit en cest maniere : "Mes
frere, vous savés les promesse que les seigneur m'ont fait, dont ne moy ne mon filz n'en vaillent
+waillent+ rien de mieulx, et y ait mis grant chose en poursuite, car il m'ont adés promis de jour en jour
qu'il me le feroie revenir. Mais il me samble que j'en suis au-sy loing que jamais, et y_ arait tantost .XIIII.
moix qu'il y_ait. Et pourtent, mes frere, comme vous oyés, j'ay intencion de le racheter parmey vostre
bonne ayde qu'il vous plaise à me racheter +aydier+ chacun de quelque somme, pour vous bien redonnés
quant Dieu m'airai aydiet, ^car j'és bien lez heritaige et lez aultre bien pour ce faire^."
Ses frere oyent cella, l'ung luy dit qu'il avoit ung peu de vaxaille ^d'argent^ qu'il luy preteroit c'il
en avoit besoing ; l'aultre dit qu'il avoit des guaige qu'il luy preteroit paireillement, ^mais il les failloit
brief ravoir^ ; et l'aultre dit qu'il avoit mariés sa fille et qu'il n'avoit point d'ergent ; et ensy les aprowait
tous, combien qu'il n'en heust point de besoing, comme vous avés oÿ. Et ne trouvait oncque homme de
plussieur qu'il requerait ^la plus-part de ceulx qu'il ait requis^ qui le vouxist grandemant secouryr, synon
ung sien parent nommé Jehan Collay, clerc à seigneur Jehan Pauperel, qui luy abandonnait cent florin d'or
ou cent escus ce besoing estoit, cen plege et cen seurté. Le maire, qui mestiet n'en avoit, le remerciet
grandement ^et trowait ausy aulcuns sien powre pairent qui abandonnairent leur powoir^.
En cestuy temps ou ung bien peu devent fut print Jehan de Lendremont et Chairle le chaistellain
du Pont Thieffroy pour fait de trayson, comme (144) vous orés tantost cy aprés.
Or, pour venir au propos, tent cheminerent les dit dessus nommé qu'il vinrent à Merveille. Là
venus, mendirent au capitenne de Chaivency par Pier le Guercon que la renson estoit venue ; mais une
chose y_estoit qu'il ne vouloie point donner la dite renson tent c'on eust amenéz le prisonniet et que ces
parent, qui pourtoient la renson, l'eusse veu.
Le capitenne, oyent Pier, luy dit que ceux qui tenoie le prisonniet ne c'y acourderoie jamais, mais
une chose feroie ^en ferait, dit il^, c'est qu'il envoieront ung homme à Merveille pour ressoire la renson,
et ne bougeroit ledit homme tent que le prisonniet [-] ^soit^ là mené, voir par telz que ledit homme aroit
la renson vers luy avent que le prisonniet fut là mené.
Pier, oyent le capitenne, print congié de luy et c'en retourne à Marveille pour savoir la responce
de ces gens et qu c'il voulloie bien ce que le capitenne avoit dit ; car pourtent que c'estoit ung cas de
trayson, l'une des partie ne ce osoit fier en l'aultre. A cest heure fut Phelippe delivrés fuer de prison et
mis en une chambre, et ^lui fut^ fait bon feu et fut trés bien traicté ; et luy comptait Pier, ^c'est assavoir
cellui Pier qui [-]^ qui le gouvernoit, ^luy contait^ tout coment qu'il estoit en voie de c'en aller et coment

87

ces amis estoie venus pour le racheter.
A cest parrolle ne fault point demendé ce Phelippe avoit grant joie, et ne demendoit point
combien qu'il paieroient, car il ne luy en chailloit maicque il en fut dehors, combien qu'il doubtoit encor
fort et ce pansoit en luy meyme que jamais ne seroit seur jusques à_tent qu'il seroit devent les pourte de
Mets.
Touteffois, il avoit esperence plus (145) que jamais, veu la bonne chier c'on luy acomensoit à
faire, et aucy Pier luy fit [-] ^rebuer^ sa cheminse, mais elle estoit cy pourrie qu'elle c'en allait tout en
piece de gresse et d'ordure, qu'elle n'avoit esté [-] +buees+ dés qu'il avoit esté prins ; et estoit toutte
newe quant il fut prins.
Tantost aprés la responce ^heues^ de Collignon de Gaudiet et des aultre, c'en retournit ledit Pier
le Guescon +de Mairville+ à Chaivency et dit au capitenne qu'il estoit comptent c'on envoiait ung
homme à Merville, comme il avoit dit, voir qui fut souffissant pour cella faire.
Le capitenne adont y_envoiait ung homme avec ledit Pier le Guescon et c'en retournirent
^derechief^ à Merveille. Mais c'estoit ung mauvais guerxon et n'en voullurent point lez amis de Phelippe,
et pour cest cause conclurent entre eulx qu'il demenderoie ^à avoir^ le [-] prevost de Mon-maidy pour
ressoire cest argent, ce le capitenne ^le^ voulloit, car il ^les amis Philippe^ y_ avoie cognoissence
+audit prevost+ et c'en fieroie bien en luy.
Incontinent c'en retourne Pier le Guescon ^errier^ une aultre fois à Chaivency et [-] ^racontait^
tout au capitenne ceu qu'il avoie conclus, lequelle fut bien comptent que le prevost fut prins pour
ressoire ledit argent.
Adont fut mendé ledit prevot ^qu'il vinst^ à Merville, et et y_vint à .IIII. ou .V. chevaulx, et cy
fut .IIII. ou .V. jour +en atende[nt] illec+ tout au despent des pouvre prisonniet, car ce temps pendent,
Pier le Guescon fit .V. ou .VI. fois la voie depuis Mairville jusque à Chevency, et estoient les chemin tent
mauvaix et les yaue tent grande c'on n'en povoit saillir.
Aprés ces chose bien .II. ou .III. jour, quant120 il virent que nulz ne venoit de Chaivency, il
renvirent renvoierent ledit Pier pour savoir ce le capitenne y voulloit +avoir+ aultre ^personne^ à ressoire
ledit argent que le prevost de Mon-maidy. Le capitenne y envoiait Pier, ^c'est assavoir cellui Pier^ qui
gouvernoit Phelippe, avec (146) l'aultre Pier, +le Gaiscon+, et luy chairgait une bougette pour ressoire
cest argent. Et encor au ressoire y_olt grant parrolle, car il ne voulloie point mectre prenre les piece
^d'or^ pour ceu que les aultre lez vouloie mestre, tent que Pier qui gouvernoit Phelippe retournit ^encor^
ariés à Chaivency pour savoir la responce du capitenne.
Et enfin, le prevost de Mon-maidy ^qui^ estoit là atendent, fist tent que ^les pairtie^ feurent
comptent, et fut paiet ledit argent en sa main et le mit en la bougette, et Pier qui gouvernoit Phelippe en
print la clef. Puis ce parte +partirent de Mairville+ luy et Pier le Guescon et c'en allont à Chevency, mais
120 Il semble que Philippe ait barré quant ; nous le rétablissons.

88

il laissaire l'airgent és mains du provost.
Quant Pier qui gouvernoit Phelippe fut là venus, il comptait à son maistre tout secretement
coment qu'il avoie fait, lequel en fut bien comptent et dit à Pier le Guescon qu'il atendit au villaige tent
que le prisonniet fut venus, "car jay ^car desjay, dit il^, y_ait .II. jour que je l'ait envoiet querir."
Et à cest heure fut envoiet Pier qui gouvernoit Phelippe en la prison, et en tirait ledit Phelippe et
luy fit du feu en la chambre dessoure luy ; mais il sambloit estre tout courcé. Adont luy demende
Phelippe qu'il avoit. "J'ay, dit il, bien perdus mon temps en-tour vous, car vecy maintenent que vous en
yrés, et vous savés coment je servis vostre perre au temps qu'il estoit seans et me suis grandemant
traveilliéz et au pourter bois et aultrement, tellement qu'il m'avoit promis qu'il m'en paieroit bien. Et de
fait, Pier le Guescon m'avoit l'aultre jour dit qu'il m'a-pourteroit demy dousenne de florin que vostre
perre m'en-voieroit ; mais maintenent, je vois bien que j'ay perdus mon temps, car le capitenne ne veult
rien pranre de ces depans et ne veult mye que nous prenions rien pour nostre paine. Mais je fais veu à
Dieu que ce g'y peult venir une fois, telz le paierait qui gairde ne c'en donne. Le Il est vray que le (147)
capitenne ne voulloit rien pour ces depans, affin c'on ne peult dire qu'il en avoit rien prins, mais c'estoit
tout pour luy ou la plus grant partie."
Quant Phelippe oÿt ainsy Pier, il fut bien joieulx d'ung costé, mais il doubtoit que Pier ne luy fut
nuysable à sa delivrance, et pourtent luy promist que ^[-]^ +ledit Philippe que+ c'il en povoit estre
dehors, qu'il luy feroit donner ceu c'on luy avoit promis. Adonc ce parte ledit Pier et allay querir à
mengier pour Phelippe, et aucy allay querir au villaige une lime pour limer ces fer et pour le deffairer.
Ce tamps pandent vint Goubert parler à Phelippe par une fenestre et fit maniere qu'il fut bien
joieulx de la delivrance dudit Phelippe, car Phelippe avoit dit à Pier qu'il luy feroit donné argent pour ces
poine, comme luy, et dit ledit Goubert à Phelippe qu'il avoit entendu que son perre ne paioit que la moitiet
de la renson qu'il avoit promis. "Touteffois, dit il, le capitenne est comptent, comme j'entens, que vous en
rallés, par_telz que vous luy ferés une sedulle de vostre main et luy promecterés de luy paier l'aultre
moitiet ou de luy envoier quant vous serés revenus à Mets. Et pourtent avisés bien comme vous ferés et
que ne faicte ainsy que vostre perre, car je vous promés que ce vous failliés de ceu c'on vous ferait
promectre, que là ou que vous seriés rencontrés l'on vous oteroit la vie du corps."
Phelippe luy respont qu'il n'avoit mye intencion de promectre chose que au plaisir de Dieu ne le
deust tenir. Et aprés plussieur aultre parrolle c'en retournait ledit Goubert, et incontinent revindrent luy
et Pier et apourte à mengier. Puis, aprés, Pier ce mist au limer l'ung des fers dudit Phelippe et olt grant
paine de le limer, car il estoit tair +desjay bien tairt+ et les chemin ort, et doubtoit bien qu'il ne fusse amolis.
Quant celuy fert fut limé, Goubert c'en retourne et Pier voult limer l'aultre, mais il trouve qu'il
estoit tout limé et qu'il sailloit hors tout par luy, dont il en fut tout esmus. (148) Phelippe luy dit qu'il y

89

avoit grant temps qu'il s'avoit ensy fait tout par luy.
"Hélas121, dit ^Pier^, j'amesse mieulx perdre grant chose que Goubert l'eusse veu ! Or sa, n'en
dicte rien, et encor d'une aultre chose que je vous veult avertir, pourtent que vous m'avés promis que vous
me feriés bien paier. Vecy que j'ay entendus : que le capitenne envoierait tantost ycy ung homme qui
vous dirait qu'il serait capitenne et vous ferait faire une lestre et plussieur promesse . Gairdés bien que ne
le renfusés de chose qu'il vous requiert ! - Jamais, ce dit Phelippe, je ne luy promecterés chose que je ne
puisse bien tenir, car se je luy prometoie chose que je ne puisse tenir, ce seroit toutte trayson et
mentiroie ma foy."
Et ces parrolle disoit ledit Phelippe pourtent qu'il cuidoit que Pier le vouxit dessaier pour veoir
c'il avoit bonne voullunté de faire ceu qu'il avoit aroit promis, comme il avoit fait aultre fois à son perre.
"Ha ! ce dit Pier, pour l'amour de Dieu, gairdés vous bien que de chose qu'il vous faisse dire ou
promectre, que le faictes ! Car vous vous pouriés bien gaiter et pouriés bien estre remis en prison comme
devent ; et ausy faicte bonne myne, comme ce ce fut le capitenne, car il vous dirait qu'il serait capitenne,
et luy pourteré honeur le plus que ^vous^ pourés, et ne le contredisés en rien. - Oy, ce dit Phelippe, mais
c'il me veult faire promestre ou escripre aulcune chose que je ne puisse tenir, coment le feroye je ? - Ne
vous chaille, ce dit Pier, coment qu'il aille maicque vous en soiés dehors. Jurés et faicte toute les promesse
qu'il vous feront faire, car vous devés savoir que c'est une lairsin et qu'il n'y_a prebtre qui ne vous en
deust assobre quant vous serés dehors, et toute promesse faicte en prison ne vaillent rien."
Phelippe differoit, car il avoit grant peur que Pier ne le dessut et qu'il ne dit cella pour oÿr sa
voullunté ; mais nenny, car ^déz ycelle heure^ puis-que Phelippe luy avoit tent promis [-] qu'il (149) le
paieroit bien, il +ledit Pier+ avoit grant voulluntés qu'il en fut dehors. Adont dit Phelippe qu'il feroit tout
ceu que pour bien luy conseilleroit.
A_cest heure c'en retourne Pier decost le capitenne ; ne tairgist guere qu'il revindre, et avec luy
Goubert et ung nommé Pier de Provence, qui estoit pourtiet de leans. Phelippe le cognust incontinent
que c'estoit le pourtiet, car mainte fois l'avoit veu par son ^le^ petit pertuis ^de l'airchier^, et avoit le non
par toutte la maixon d'estre ung trés mauvaix homme et le hayoient tuit. Meymement avoit souvent fois
dit au capitenne qu'il avoit oÿr bescher en la prixon et qu'il veoit ung petit pertuit en l'erchier par dehors,
pour la-quelle parrolle la prison en fut mieulx guerdee.
Là venus, cestuy Pier le pourtiet, +qui estoit vetus de vellour+, demende ce c'estoit le
prisonniet, car jamais ne l'avoit veu. On luy dit que oy.
"Vous savés, dit il, biaulx filz, coment que je vous ait gouverné longuement seans, et aucy coment
que vous y futte premierement amenés et que de-puis, comme vous savés, vous maistre vous voulloie
tousjour avoir. Touteffois j'ay tent fait par la priere de Pier que vecy que[-] vous avés tousjour demourés,
je car je sçay bien qu'il vous heusse fait mourir et en as heu de grant heynes en-vers eulx. Mais vostre
121 Philippe écrit halés ; nous corrigeons.

90

perre m'ait rendus le malz pour bien."
Et acomence celuy Pier ung sermon touchent le pere de Phelippe, qui tropt loingue seroit à
raconter, et faixoit bonne mine, comme ce se fut ung capitenne, en tenent les mains à la couroie comme
ung prelat. Phelippe ce humilioit devent luy tout à genoulz, en le remersiant grandement.
"Or sçay, ce dit ledit Pier aprés plussieur prepos, vous sçavés coment vostre perre ce mist à la
renson de mil florin d'or. Touteffois, il vous ait laixiés en la trappe ^prison^ jusque à maintenent, et
encor n'en presente il que .V.C. Je sçay bien que vous maistre ameroie mieulx morir que le faire, mais en
considerent qu'il vous y fauroit morir, qui n'aroit pitiet de vous ? Et aucy que Pier m'en ait fort (150)
priet, je suis comptent que vous en raillés. Mais premierement, je veult que me escripvés une sedulle de
vostre main, en laquelle serait que vous me promectés de paier lesdit aultre .V.C florin et les pourterés ou
envoieréz ou il vous serait dit, devent la Chandelleur qui vient prochenement venent ; car vous maistre
n'en prenroie pas moins une angevine ^maille^, et fauroit que je lez paiesse du mien propre, comme je
leur en demouris en leur main quant vostre perre s'en raillait. Mais je vois bien qu'il vous y fauroit pourir
qui n'y trouvaroit ^le^ remide. Touchent mes despens je n'en veult rien, ne dez mes paine aucy, et
pourtent avisés ce vous la voullés escripre ou non. - Je suis bien comptent, mon trés chier seigneur, de
l'ecripre, ce dit Phelippe, mais je vous vouroie bien prier, ce vostre plaisir estoit, que j'eusse terme de
revenir avec lesdit .V.C florin jusque au Bulle, car le terme seroit court à la Purificacion."
Le contrefaseur de capitenne ne s'y voulloit point acourder ; touteffois il le voult b ien, et
incontinent donnairent l'ancre et le papiet à Phelippe et ly devisait la lestre comme il voulloit qu'il la fist, et
comme la teneur s'ensuit :
"Je, Phelippe de Vignuelle, confesse estre debteur au capitenne de seans de la somme de .V.C
florin d'or, lesquelle je promet de paier en jusques au jour dez [-] Bulle qui vient prochenement venent et
lez pourter en ung chatiaulx qui ly nommerent au païs de Liege sus Mieuse. Et promest cecy à tenir
ferme et estable sus la part que j'atens ^à avoir^ en paradis, et encor ^avec ce promest^ de jamais n'en
rien dire à homme du monde ^ne^ du lieu ou j'ay esté."
La lestre faicte, il la prinrent et l'empourtirent ^pour^ montrer au capitenne, mais il ne le disoient
point à Phelippe. Le capitenne y remist plussieur chose de sa propre main, (151) et la firent tout retraire
audit Phelippe ; puis la remontrerent encor au capitenne, et encor ne fut elle point bien à sa +guise+, car
il s'avisait et y_remist encor plussieur aultre chose qui estoient parrolle non pas de cretien mais de
Sarasin, car il_l'y[-] mist coment ledit Phelippe renioit Dieu, nostre Damme, cresme et batesme en prenent
chambre és abisme d'enfer, au tousjour maix perpetuellement, ou cas qu'il +que sen nul cy+ il
n'achevisoit tout ceu qu'il avoit promis au jour dit cen nulz cy, ne que [-] jamaix tent qu'il viveroit à
homme du monde ne diroit ou il aroit esté, ne la plesse ne le lieu, ne personne de l'ostel, ce nulle en
cognissoit, ne nomeroit ; et avec cella voit mis en la lestre mil florin d'or en lieu dez .V.C.

91

Et fut la dite lestre recripte trois ^fois^ avent qu'elle fut bien au gréz du ^vray^ capitenne, et fut
forxe à Phelippe d'y mectre mil florin en la somme ; mais il ne luy en chailloit coment qu'il en fut
maicque il en fut hors.
Aprés, quant la dite lestre fut bien à leur gré et que le capitenne l'ot és mains, celuy Pier qui
contrefaxoit le capitenne retournist encor une aultre fois et apourtast ung messel d'eglise, auquelle estoit
escripte les Evengille ^de Dieu^, et firent mectre Phelippe en genoulz et luy firent faire encor les plus
diverse serment du monde en tenent les mains sus les ^saincte^ Evengille, et en renient Dieu, cresme et
batesme et tent de divers serment qu'il n'y ait homme, c'il est bon crestien, que122 lez cheveulz ne luy
deusse dresser en la teste en les oyent. Et en faisent ces serment là luy fasoient promectre de tenir ce que
la lestre chantoit, et encor plus.
Puis, aprés +ce fait+, comme chien qu'il estoient, ^il^ avoie mis unne ostie entre .II. fuillet du
breviaire, ^en disant à Philippe qu'elle estoit sacree^ ; et la voulloit prenre au main celuy qui ce disoit
capitenne pour la mectre en (152) la bouche de Phelippe, mais Pier +le tourrier+, qui le gouvernoit, luy
dit qu'il ne123: "+Ha ! Sire, vous ne+ la devés124 point touchier aux mains !"Adont print celuy pourtiet
ung coutiaulz et le boute dessoubz l'ostie pour la faire venir dessus le bourc du breviaire, et fit erriés
encor jurer à Phelippe, qui estoit au genoulz devent eulx, qu'il tenroit ceu qu'il avoit promis, et ou cas
qu'il non tenroit, que celle ostie sacrees qu'il ressoiroit fut à son dennement.
Phelippe, voient leur grant chenerie et maulvitiéz, acomence tent ^ce print à pleurer et^ à
trambler ^de peur125^, car Sarasins à paine l'eussent fait, et differoit de la pranre et ressoire. "Coment, ce
dit celluy traistre qui ce faissoit capitenne, ne la voullés vous point ressoire ? - Helas, messeigneur,
respont Phelippe, je vous prie, pour l'amour de Dieu, que vous vous entrepourtés de telle choses faire ! Je
suis crestien : voullés vous que je me denne mavaisement ? Vous savés que je suis indigne de ressoire mon
createur, veu que je ne suis point confessés et ne le feu pessés ung ans. Il vous deverait bien souffire des
aultre serment que vous m'avés fait faire ! - Il fault que le recevés, respont celuy traistre, en promectent
de tenir ceu que vous nous avés promis."
Pier qui avoit gouverné Phelippe, voient qu'il ne la voulloit point ressoire, ce tire prés de luy et
luy dit qu'il la ressus, c'est assavoir celle ostie sacree, puis-que le capitenne le voulloit ; puis luy dit tout
bas en l'oreille qu'il la prenist hairdiment et qu'elle n'estoit point sacreez, et luy jurit pour vray. Phelippe,
oyent ce que Pier luy avoit dit et sertifiés, la print et ressut en promectent les promesse devent dite.
Quant tout fut fait, il estoit desjay bien tairt et ennuioit fort à Pier le Guescon, qui tousjour
atendoit à villaige. Le capitenne luy mendait dire qu'il aillait atendre sus le hault chemin, car la guette de
122 qui corrigé en que par l'auteur.
123 qu'il ne n'est pas barré par Philippe, malgré la correction au discours direct.
124 devoit corrigé en devés par l'auteur.
125 Philippe écrit de pawour et corrige par de peur dans l'interligne, sans toutefois barrer sa première idée. Nous
privilégions l'ajout interlinéaire.

92

leans avoit veu le prisonniet c'on amenoit, ^comme il disoit^, et qu'il les rencontreroit ja ^illec sus le
chemin^ ; et ainsy le fit il.
Incontinent Pier +Et faindaient ainci que Philippe vint de bien loing+ +Et firent celle faintise,
disant que Philippe venoit de bien loing+, (153) +et Pier+ qui gouvernoit Phelippe allait +incontinent+
monter à chevaulz et aillait atendre dehors Chaivency, ou il savoit c'on devoit mener Phelippe. Et
Goubert ^le despanciet^ et celluy qui ce disoit capitenne enmenerent ledit Phelippe tout atour de la
muraille, et puis le desxandirent en une fause pourtenne qui respondoit sus la riviere ; et croy que de
.VII. ans ^devent^ n'avoit esté ouverte. Et par_là saillirent ^dehors^ et entrirent en ung petit batiaulx
sus la riviere, qui Goubert conduisoit, et c'en aillirent prenre terre bien à .III. trait d'arbelette loing de la
plesse, ^là^ ou Pier à_tout son chevalz les atendoit. Puis mirent Phelippe à chevalz derrier luy et prinrent
congié d'eulx.
Phelippe, voient l'air, estoit comme tout aveugle. Ne tairgist guere qu'il rencontrirent Pier le
Guescon qui les atendoit sus le hault chemin, ^là ou il lui avoit esté dit^. Et ne sambloit point 126 que
Phelippe venit de la plesse, mais sambloit qu'il heusse saillit du bois, pourtent qu'il l'avoient ainsy tourniet
par la riviere.
"Es icy le +Esse ycy le+ prisonniet ? ce dit Pier le Guescon. - Oy, respont Pier. J'en n'és fait, dit
il, trois cent lieue de chemin pour l'amour de luy, et encor oncque ne l'avoie veu." Ainsy cheminerent
sens tropt de parrolle, car il estoit tairt et les chemins maulvaix, et passerent par dessoubz Mon-maidy.
La riviere y estoit sy grosse c'on ne voioit rien des pont, et eurent grant paine de pesser ; et Phelippe
demendoit encor à_Pier ce celle ostie qu'il avoit ressus estoit sacrees, lequelle luy dit que nenny.
Or firent tent qu'il arivairent à Mairville, mais il estoit bien une heure en la nuit et les pourte
estoie fourmees. Sy mirent leur chevaulz ^à dehors la ville^, à_l'ostel Sainct Anthoine, et Pier le
Guescon ^ait^ escriés la guete qui estoit sus la pourte et luy priait qu'il aillay dire au prevost de Monmaidy qu'il estoient venus, et qu'il leur fessit ouvrir la pourtenes du chatiaulx.
Adont c'en aillirent tout127 autour de la ville pour venir au chatiaulx ; là venus, ne trouverent
personne ^à qui parler^. (154) Pier le Guescon rescriait tent que la guete du chatiaulx vint ; sy ly priait
ledit Pier comme il avoit fait à_l'aultre +gaitte+ de l'aultre pourte, en luy promectent une quairte de vin.
Ainsy furent là grant piece en atendent avent qu'il eust parlé au prevost et le ^que le^ prevost
^eust parler^ à ceulx qui devoie estre à_l'owrir ^la dite pourte128 ; et aincy^ il fut bien tair.
Puis vinrent et ouvrirent la pourtenne, et entrirent dedens, ^c'est assavoir^ Pier le Guescon et
l'aultre Pier, et Phelippe, et les ^aulcuns^ aultre qui les avoient là menés, qui ^lesquelle^ estoie de Sainct
Enthonne, c'en retournirent audit Sainct Anthonne. Adont c'en aillirent tout droit en une ostellerie
126 Présence d'un pas non barré dans l'interligne en dessous de sambloit, non rapporté par l'auteur à une place
particulière.
127 Philippe écrit tour ; nous corrigeons.
128 Correction interlinéaire difficilement lisible : pour ?

93

emprés de la haille ou estoit le prevost, ^lui et cez gens^, qui estoie au soupper.
Mais Phelippe avise en entrent en la chambre c'il veoit en la table nulz de ces oncle, frere à son
perre, comme on luy avoit ^donné à antandre et^ dit. Quant il vit que nulz n'en [-]y_avoit, il fut bien
embaihis et luy vint em_pencees qu'il estoit ^derechief^ trahis, et que pour cellay ^il^ l'avoie +aincy+
amenés cy cecretement ^et de nuit^, car il luy sambloit du prevost que c'estoit le Lorein qui l'avoit prins,
et en fut ledit Philippe tout esmus.
Le prevost, le voiant ^aincy ambaïs^, l'apella et luy tandist la main ; aucy fit Robert, fillaitre à
Pier le Guescon, et generalement tout ceulx qui là estoie luy font ung bien-venient maicque, ^reservés^
son oncque Collignon de Gaudiet de Noeroy, qui ^lequelle ne disoit mot et^ atendoit que Phelippe luy fit
aulcune chiere, et estoit là ^cen^ mot ^dire^. Mais ^ledit^ Phelippe estoit sy troublés qu'il ne le
cognissoit, et sy ^estoit cy prés qui^ le touchoit.
Collignon de Gaudiet, voient cecy, ne ce poult tenir de plorer. "Helas ! dit il, Phelippe, mon trés
chier amey, coment ne me cognissés vous point que aulcune cheire ne me faicte ?" Adont l'entent
Phelippe à la parrolle plus-tost qu'il n'en ^ne le^ cognut à veoir, et l'embraisse tout em_plorent.
Puis, ^ce fait^, le fit le prevost aseoir emprés de luy et les aultre en ensuiant. Au ^cellui^ soupper
chacun le regairdoit et avoient (155) pitiet de luy, +pour celle raison+ que cy longuement avoit esté en
prison à_tort et cen cause. Et deviserent de plussieurs chose [-] [-] +durent le+ souppé, léquelle je lesse.
Aprés le soupper, chacun c'en aillay couchiés. Phelippe couchait avec Pier, +celluy+ qui l'avoit
gouvernés, et luy demendait ledit Phelippe qu'il luy vouxist dire ^et nommer celluy^ qui luy avoit
tousjour promis de dire em_prison, ^c'est assavoir celluy^ qui avoit esté cause de sa prinse ; mais il ne
l'en voult rien dire.
"Coment ? ce dit Phelippe. Vous m'aviés dit p que vous me le diriés." Or avoit dit Pier à Phelippe,
comme vous avés oÿ cy devent, que celuy là estoit qui avoit envoiés la lestre à Chaivency quant on devoit
aller querir la renson à Nostre Damme de Mane, comme vous avés oÿ cy devent. Et quant ce vint au
soupper que Phelippe fut venus, entre plussieur parrolle, Robert et Pier le Guescon, en presentce du
prevost, s'acusoie à Pier qui avoit gouverné Philippe ^ce escusoie de celle lestre^ en disent que le
capitenne leur avoit seu mal gré à tort pour la lestre qu'il avoie envoiet, et en tinrent grant parlement ensamble, tellement que Phelippe cognust par cella que ceulx que Pier luy avoit tousjour dit estoient Pier le
Guescon et son fillaitre ^Robert^, mais de-puis avoient besongniet pour l'une des partie et pour l'aultre,
comme gens qui serve à .II. aultel, et pourtent ^ledit Pier^ ne l'en voult ^plus^ rien dire Pier ; et pour
cella, Phelippe n'en demenday plus.
Or avés oÿ coment Phelippe fut delivrés de prison, qui ^et fut^ par ung jour de Noel Sainct
Thomas devent Noel, en l'en mil .IIII. C .IIII.XX et .XI. ans129. Le lendemain tout le jour furent Phelippe à
Mariville ^et ne bougeairent Philippe^ ne [-] ces gens ^de Mairville^, et le prevost print congiet et c'en
129 Dans la marge gauche, non rapporté à un endroit du texte : memor de mestre la ballaide.

94

retournist à Mon-maidy. Celuy jour n'allait point Phelippe hors de l'ostellerie.
Le lendemain, qui estoit venredy, ce partirent de Merville et chevaulchirent tent qu'il vinrent
couchiés (156) +en ung villaige nommés130+ Useraille. Mais avent le departement fit Phelippe donner à
Pier qui l'avoit gouverné .VI. florin d'or , les .V. pour luy et l'aultre pour Goubert.
Or, pour venir prepos, quant il furent à Uxeraille, l'oste leur demendoit merveille, mais Phelippe
n'en voult oncque rien dire ; et leur dit l'oste que son filz avoit esté celuy qui les avoit guidé jusques à
Billey quant on les en-menoit, et leur comptait tout coment qu'il avoie dit que c'estoie pouvre pellerin.
Aucy leur comptait de Jehan de Lendremont, et coment que le filz Frecquegnon le merchamps estoit
revenus de prison, car Phelippe n'en savoit encor rien qu'il fut esté prins.
Le lendemain ce parte pour venir à Mets et c'en vinrent par Noeroy, à_la-quelle on leur fit bonne
chier. Pier le Guescon ne venoit point avec eulx, sinon Robert son fillaitre et Collignon de Gaudiet et
ung aultre chareton, lequelle avoit presté sa robe à Phelippe ; et avoit ledit Phelippe des abillement de plus
de .X. personne, +car+ l'ung luy avoit presté ung bonet, l'aultre ung chapialz, l'aultre ung gipon, l'aultre
dez chausse et des soullés, l'aultre dez mouffle, et ainsy chacun y avoit fait +son+ almone ; et tout n'en
vailloit rien, et encor n'estoit pas bien abillés.
Robert demourait à Noeroy, et Collignon de Gaudiet et Phelippe c'en [-] vinrent à Mets par le
Pont Thieffroy. Phelippe c'en aillait devent affin qu'il ne fut cognus tout par derrier les murs tent qu'il
vint enchiés son perre le en la rue de la Haie. Là venus, il fit atendre son oncque Collignon l'uis et
sonnait la clochette. La servente vint, qui par avent le cognissoit ^bien, et à l'eur^ ne le cognust point.
“Que voullés vous ? dicte elle. - Je veult parler au maistre de seans, respont Phelippe. - Il n'est point
seans, dit elle.”
(157) Sa mairaitre, qui estoit à l'ostel et qui mainte lairme en avoit gectees pour l'amour de luy,
l'entendit au parler et vint à l'uis et l'embraise tout em_ploirent. Quant elle le vit en telle estat et ainsy
vestus, pencés que le cuer l'en fist malz ! Le maire, son perre, estoit à_la pourte du Pont des Mort en les
atendent, car il avoit oÿ dire qu'il venoient et avoit esté bien .II. jour qu'il ne povoit dormir ne repouser
de nuit, et de jour alloit à la jo pourte pour regairder c'il les veoit venir ; et estoit en cy grant soucy c'on
ne le pouroit pencer, pourtent qu'il luy sambloit qu'il demouroie tropt, ^et alloit le powre homme et
venoit comme fist la femme Thobie en atendant le petit Thobie^, et pansoit que son argent et son filz
estoient au champs et que ce seroit une chose plus mavaixe à faire que par bonne guere. Et aincy ne
povoit ^le powre homme^ avoir bien tent qu'il oÿt novelle de son filz et qu'il le vit.
^Et^ ainsy, comme il estoit là ^atandant^, sa servente le vint querir et luy dit que ung homme le
demendoit. Quant il fut venus et il vit son filz en telz abis, pancés qu'il ne luy eust esté possible de dire
ung mot d'une grant piece ! Et tenoit son filz embrassiés en plorent tent amerement qu'il n'y ait homme,
c'il l'eust veu, qui n'en eust pitiet ; et ainsy ung^ne^ grant piece. Phelippe, voyant son perre d'aultre
130 couchiés à Useraille : à n'est pas barré par Philippe malgré la correction marginale.

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cousté qui encor n'avoit fait sa bairbe et qui sambloit estre ung pouvre homme demendent son pain, ne
ce poult tenir aucy qu'il ne plorait, et tout en plorent recomfortoit son perre qui faxoit infinis regret qui,
et estoit piteuse chose à oÿr.
Aprés plussieur parrolle et plussieur regret, le maire dit à son filz qu'il [-] : “+Mon filz, allons
nous en+ à Nostre Damme la Ronde à la grant eglise, + car aincy l'ait woués+.” Et achetait ung sierge et
luy pourtaist. Phelippe adont laissait aller ces cheveulx qui estoie en son bonnet ^et^ qui (158) n'avoie
esté couppé dés qu'il avoit esté prins ; et cy avoit esté .XIIII. mois en prison, c'est ass avoir ung ans et .II.
mois, +et+ pourtent luy venoie ^yceulx cheveulx jusques^ à la couroie, mais il estoient tent ort que
merveille, ^et^ pourtent y avoit aulcune ^plussieur^ fille ^estoient^ par la ville qui point ne le
cognissoient qui ^et^ cuidoient que ce fut une fille deguisee, car il n'avoit encor point de bairbe qui
guere grande ^rien^ fut.
A celle heure qu'il estoit à la grande eglise et que les novelle vinrent qu'il estoit venus, il ne fault
point demender c'il eust dez bien-viegnent, car tous les chainonne qui là estoient le bienviengnerent, et
tent d'aultre gens qu'il ne savoit auquelle respondre, car chacun l'amoit et avoient esté courcéz de son
malz ; car ^et^ quant il fuit prins, il avoit le milleur bruit ^et lés^ de jamais. Plussieur de ces amis
ploroient en le voient. Aprés ces chose c'en retournirent à l'ostel.
Lendemain, qui estoit la vigille de Noel, firent dire une messe devent Nostre Damme la Ronde, et
y_vint Frecgnon et ces enffans pourtent que le maire et luy s'ettoie tenus compaignie +par+ loing temps
en leur dessolalacion, et avoie mainte fois allé devent les seigneur emsamble. Nulz ne pouroit dire les
gens qui venoie à Phelippe pour le huchier bien-vienent en celuy jour, et encor [-] ^plus^ de .VI. semaine
aprés ; et chacun voulloit ^et desiroit^ savoir coment qu'il avoit esté prins et de qui, et ou il avoit esté
mené, et coment qu'il avoit esté traicté, et c'il avoit eschappé ou c'il avoit paiet renson. Mais Phelippe les
faisoit tout ung et n'en disoit mot, non_pas à son perre ne l'avoit il voullus dire encor tent qu'il ce fut
concilliet des promesse et juroment qu'il leur avoit fait ^en prison^.
Tantost incontinent que les seigneur seurent qu'il estoit venus, meyme en celuy jour là le
menderent en la chambre ou (159) pallais luy et son perre +et luy+, et luy enquiert [-] +et demande+ de
la chose coment qu'il en avoit allé, et c'il avoit paiet renson +ou non+. Le maire respondit qu'il en avoit
paiet .V.C florin d'or et luy avoit coutéz plus de .V. C frant en poursuite. Aprés demendairent à Phelippe c'il
avoit tousjour demouré à Chaivency, et plussieur aultre chose luy enquerirent +enquiert+, mais Phelippe
ne leur en dit aultre chose dire pour l'eure, sinon qu'il l'avoie menés hors de leans lez yeulx bandé aprés ce
que son perre n'estoit venus et l'avoie tournoiet parmey les bois, mais il ne savoit ou il heut tousjour esté,
ne du saillir paireillement n'en avoit rien veu.
Aprés ces chose c'en aillirent en leur maixon et ce fist Phelippe berbiet ces cheveulx, et son perre
paireillement fit faire sa bairbe et vetit une aultre robe pour la venue de son filz, et fit vetir Phelippe en

96

ces abis et luy ostait sa chemise et ung mauvaix linsieulz qu'il luy avoie donné, qui estoit tout pouris ;
aucy estoit sa cheminse et puoit tout. Tent de gens venoie enchiés le maire que merveille.
Lendemain fut jour de Noé ; l'on allait à l'eglise comme bon crestien doit faire, et au sourplus fut
le prisonniet trés_bien traicté durent les feste. Il print soulas et joie de ceu qu'il poult, nonnostent que le
cuer luy fit bien malz que ensy maichantement avoit perdus son temps et ^de^ ces bien une partie, et
pansoit coment qu'il pouroit faire au capitenne, car Pier luy avoit dit au despartir que c'il envoioit une
petitte lestre au capitenne en ce recomendent à luy et en [-] ^ce^ ascusent du sourplus de la renson qu'il
avoit promis, qu'il ce tenroit bien comptent, voir maicque il ne dit point ou il auroit esté en prison. Et
encor ^dit ledit Pier^ que c'il voulloit retourner à Chaivency (160) pour demourer, que le capitenne luy
feroit du bien comme aultre fois luy avoit oÿ dire, car les lestre que Phelippe faisoit luy plaisoie fort,
tellement que c'il y voulloit aller et il le servit bien ^pour le servir^, qu'il le recompenceroit bien de ceu
qu'il avoie avoit perdus. Et pourtent fist Phelippe une lestre au capitenne en ce escussent qu'il ne luy estoit
possible de faire ceu qu'il avoit promis, et l'envoiait à Chaivency par Pier le Guescon, ung petit aprés les
feste de Noé ; et enmenait ledit ^[-]^Pier encor trois demy cowe de vin qu'il olt pour ces paine, et olt son
[-] ^fillaitre^ et Collignon de Gaudiet quelque chose. Et ^tent^ de gens en prenoie que merveille estoit
que le maire n'estoit hors de passience, ^car chacun en avoit prins^, tent les messaigier de la cité que les
aultre ; entre lesquelle vint messire Enthonne de Ponlt sus Saille, qui c'en avoit fort traveilliés, comme
vous avés oÿ, pourtent que le maire faisoit pour luy et estoit aulcunement son maire ^à lieu de Vignuelle^,
lequelle demendait au maire .XL. franc pour ces paine, en disent qu'il n'en eust eust point encor autent
fait pour cent frant. Le maire cuidoit qu'il n'en deust rien pranre, touteffois il demendait graice et à g rant
paine fist tent qu'il eschapait eschaippait pour .XXV. frant. Et furent tousjour nouvelle coutenge ^sus le
powre homme^.
Or avés oÿ la prinse et la delivrance du maire de Vignuelle et de son filz. Maintenent parlerons
ung ung peu de Jehan de Lendremont et de Chairle, chaitellain du Pon Thieffroy, qui ^lesquelle^
estoient prins à Mets en l'ostel du doien 131 pourtent qu'il avoie voullus traïr la cité et delivrés en la main
du duc ^Regné^ de Lorenne ; et duroit jay cest trayson dés la guere qu'il mist le siege au Saincte Raffine,
devent ^et ainsois^ que Phelippe fut prins, et astendoie tousjour qu'il puissent venir à leur intencion, mais
jamais n'y porent venir. Pourtent firent les Lorains en maniere d'une paix fourees affin que les gens
d'airme qui estoie à (161) Mets c'en allaissent et qu'il puissent aprés mieulx venir au dessus de leur
entreprinse, ^comme j'ay dit dessus^. Et estoie conduicteur de la traison Jehan de Landremont, Trese, [-]
et [-] qui ^lequelle estoit Trese et de justice pour celle annee, et^ estoit capitenne au Pont Thieffroy à
son tour quant[-] il y gairdait, et l'aultre estoit son comperre messire Jenon le Lombair et Chaille le
chaitellain le tier ; et estoient tout comperre. Mais jamais n'avoie [-] ^sceu^ venir à_leur intencion pour
mectre la chose en effet en .II. ou trois ans qu'elle avoit duré, jusque à la Saincte Katerine passees, à_la131 Sans doute l'hôtel de la Bulette (cf. supra), qui avait appartenu à un certain Ledoyen.

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quelle faisoit sy terrible temps quant frere Nicolle ^ci devent dit^ allait à Gouxe parler à capitenne de
Chaivency pour le fait de Phelippe, comme vous avés oÿ.
Mais adonc estoit en cest semaine ledit Jehan de Lendremont capitenne au la pourte du Pon
Thieffroy, et avoie deliberés de delivrer la cité, tellement que grant airmeez ce faissoit en la duchié de
Bair. Et pour conclusion , Jehan de Lendremont devoit logier bien environ .XXIIII. compaignon qui
devoie venir à Mets celle nuitee là ^et ce devoit faire^ tout secretement, et ^devoie estre^ airméz à la
couverte dessoubz leur mentiaulz. Et avoit achetés du poisson pour eulz, mais comme vous avés oÿ,il fit
ung sy terrible temps et de grant yaue que les compaignon ne pourent venir, et demourait la chose là
^aincy^.
Se temps pandent ce amsait Chairle le chaitellain ou il fut inspirés par dla Vierge Maire Nostre
Damme d'esperence dez Cairme, comme il confessit de-puis que la benoitte Vierge l'avoit inspirés à cella,
tellement qu'il ce aillait comfesser. Et aprés plussieur aultre chose qui tropt loinge seroie à racompter, il
c'en aillait en l'ostel seigneur Jehan Chaverson, ^lequelle avoit esté^ son maistre, et fit comme le
confesseur luy avoit enchairgé et luy comptait tout de point en point la trayson, dont messire Jehan
Chaverson fut bien embahis. Et firent partent ^[-]^ [-] de tousjour +Et conseillait audit Chairle de
tousjour132 perceverer (162) avec les aultre en faisant samblant qu'il n'en seussent rien, et n'y avoit
homme qui le seut, comme on voulloit dire, que messire Jehan Chaverson et messire Michiel le
Gournaix, +son sire+ ; et encor aulcuns et la plus-part disoie que Chairle leur avoit dit grant temps
devent la Saincte Katerine, mais il n'en avoie jamais voullus rien dire. Et ly avoie les dess us nommé fait
pranre dons des Lorains, lesquel il avoit ressus à plussieur fois, comme son procés, qui tropt loingue
seroit à raconter, le contenoit, +et comme ledit Chairle le me dit et contait tout au loing de sa propre
bouche bien demi ans aprés, en me monstrant la belle maixon que l'on lui avoit donné pour demourer, là
ou sainct Levier fut né133.
Aincy ce passait la chose ung grant ^temps^ tent que ce vint ung peu aprés la Saincte Katerine
que en la compaignie de l'airmeez des Lorains, comme on vouloit dire, avoit ung Guescon qui
aulcunement avoit heu debat avec d'aultre compaignon, et pour cest cause s'en vint à Mets et vint acuser
la trayson en la chambre des Treses, mais comme on disoit, mais il ne cognissoit point ceulx qui la dite
traison devoie faire. Pourtent ne se gairdait point de le dire en presence de Jehan de Lendremont qui là
estoit au conseil ^en la chambre^, lequelle, quant il l'oÿt, c'en aillait en sa maixon et dit aux aultre seigneur
que c'il avoie rien besongniet que [-] [-] laisserent point pour luy car ceu qu'il feroie il le tenoit à fait, +ou
aultrement il fut dit que pour-ce que le duc de Loraine demandoit une ayde à_la cité en manier d'ugne
taille, que lez seigneur en avoient esté ensamble en conseille pour savoir [c]'il la paieroie ou non, et en
132 de tousjour doublé dans le texte.
133 Livier ou Livaire de Marsal, martyr né sur le territoire messin au IVe ou au Ve s. On trouve aujourd'hui à Metz les
ruines d'une église médiévale qui lui était dédiée.

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firent demander l'opinion à toutte lez parroiche de Metz.
Adont lez eschevins desdite parroiche vindre donné responce que l'on ne donnit rien à duc et
que le puple amoit mieulx la guere ^que aincy le faire^. Et quant on vint à demander l'opinion dudit
Jehan de Landremont, il dist qu'il estoit aulcune fois necessité de gectéz une os en la goulle d'ung
malvaix chien.
Adont mon-seigneur Nicolle de Heu [-] ne ce poult tenir de parler et dit : "Ha ! Traistre !" Et
incontinent le mot dit c'en aillait ledit Jehan, comme [dit est, en sa maixon]+, et c'en cuidoit ledit Jehan
de Lendremont foïr en Lorenne. Mais quant messire Jehan Chaverson vit cecy, il escuserent la chose tout
au loing en disent : "Ce nous atendons plus, nous perderons nostre homme."
Et incontinent l'ailairent querir en sa maixon, qui jay vouloit monter à chevalz, et l'amenarent au
palais ; et incontinent fut print luy et Chairle le chaitellain et leur femme, et furent mis en l'ostel du
doien134, dont grant bruit en fut par tout la ville. Messire Genon estoit adoncque en Lorenne, dont belle
l'en print, car on n'en [-]eust fait nesques de Jehan de Lendremont.
Jehan de Lendremont, estent en prison, comfessit tout son cas et en encorpit messire Genon ;
(163) et pourtent messeigneur de la justice firent faire ung huchement qu'il ce venit escuser dedens .VII.
nuit c'il c'en sentoit [-] ^du crime de quoy il estoit chairg[é] et^ de la traison ^de_quoy on l'ancorpit^,
mais il s'en gairdait ^bien^.
Et ce fut fait au temps que Phelippe estoit novellement revenus de prison, la vigille de l'Aparicion c'on_dit les Roy. Tantost aprés, en l'en mil .IIII.C nonente et ung, [-] fut faicte la justice dudit
Jehan de Lendremont en chambre au piedz dez degré ; mais ^je vous veult conter coment^.
Ung peu devent avoit mendé mon-seigneur le duc de Lorenne à messeigneur de Mets qu'il ce
gairdesse bien de le faire morir, car c'estoit son pencionaire ; et ^fut celle lestre faicte cen nul
saluta[cion], en laquelle estoit contenus coment^ et que de quel mort qu'il le feroie morir, il feroit morir
tous ceulx qui tenroit de Mets.
Les seigneur de Mets firent anoncés cest lestre par tout les paroche, en [-] +et fut+ comendé qu'il
eusse conseil chacune baroche ansemble pour savoir c'il le feroie morir ou non, et que .II. homme de
chacune parroche furent print pour en dirent au seigneur leur samblant.
Mais tout ^tou|s] fut d'une opinion et^ rapourtirent qu'il devoit morir, et que les petit enfant, en
oyent parler de luy, le jugeoie. Et pourtent celuy jour vigille dez Rois furent les pourte close ; on laissoit
bien entrer mais yssir non, pourtent y_olt biaucopt de gens de villaige.
Quant ce vint au matin, on avoit fait ung petit perc ^en la plesse^ devent la grant eglise. Là fut
mené Jehan de Lendremont et Chairle, et fut lit son pourcés, qui estoit moult grant. Aprés, il fut mis à
chevalt et menés par les cairfort de Mets, et Chairle ^ailloit^ à piedz ; et à chacun quairfort ^on sonnoit
la trompette et^ le maistre sergent escrioit : "Vecy Jehan de Lendremont, qui ait voullus traÿr la cité et
134 Cf. supra.

99

tous les abitent ! L'on en ferait la justice au .II. heure aprés midy en chambre."
Quant on l'eult ainsy menés par tout les cairfort, il fust remis ou palas jusque au .II. heure aprés
midy. Puis, à celle heure, fut menés en chambre dessus ung ^grant^ eschafault, et fut encor lit son
procés, du-quelle j'en dirés ung peu de la sustance.
Premierement fut lit toutte ^dez^ acomtence (164) que premierement avoit fait avec +de+
Chairle [-] et +de+ messire Genon, et coment que ledit Chairle en avoit ressus airgent plussieur fois ;
mais la plus-part estoit par le consentement de messire Jehan Chaiverson, [-]au-quel il avoit dit son cas
secretement, comme vous avés oÿ, lequel luy fist ressoire une fois environ cent frant.
Aprés fut lit coment que ledit Chairle devoit avoir ung ^unne^ grant damme en Lorenne à femme
et devoit tuer la sienne, et devoit estre seigneur d'ung chatiaulz +nommé Lupy le Chaitelz+. Aucy devoit
avoir .II. ou .III. maixon de riche bourgois en Mets pour en faire sa voulluntés avec tous les biens,
comme la maixon Mertin Clausse et d'aultre.
Oultre_plus fut lit coment les .XXIIII. compaignon devoie venir la nuit de la Saincte Katerine
couchiés en l'ostel dudit Jehan de Lendremont, et aprés soupper devoient aller avec ledit Jehan de
Lendremont sus la pourte le plus secretement qu'il eussent peu, et quant on eust laissiet le dit Jehan de
Lendremont dedens, il devoie entrer avec luy et devoie tuer tous les aultre gairdens.
Cella fait devoie aller au loing des murs jusque au Pont des Mors et devoie tuer toute les gaite ;
puis eust appelléz ledit Jehan de Lendremont le chaitellain du Pont dez Mort et yl_eust laissiés dedens,
au_cause qu'il estoit Trese ^et homme de justice^, et il eussent fait d'eulx comme de ceux du Pont
Tieffroy ; et ainsy eussent guegniés les pourte. Et en_dementiet qu'il eussent fait cella, toute l'armees
devoit estre devent le Pont Tieffroy, ou lieu c'on_dit derrier Chambiere ; et quant on eust ouvert la
pourte, il fucent entré dedens par la pourte qui respont au loing des foussés, decost les orme, cen ce que
les aultre baisse pourtiet en seussent rien ; et ainsy eussent entré nuitenment en la cité. Et estoit conclus
et passés au conseil du duc de Lorenne, comme il fut dit audit pourcés, qu'il devoie tuer homme et
femme et anffans [-] [-] [-] [-] religieux (165) et religieuze sens espargnier nulluy, +et devoie faire une
nowelle Mets+. Mais +la chose fut aultrement+, la mercy Dieu qui les en gairdait !
Toutes ces chose et plussieur aultre s qui tropt loingue seroie à_recripre furent dicte audit procés,
et confessit toute ledit Jehan de Lendremont. Cella fait, il y_avoit dessus celuy ^grant^ tablement ^ou
eschauffault^ en maniere d'une lairge et espesse planche, qui estoit droite dressiees ; et y_avoit en celle
planche une grosse cheville ou ledit Jehan de Lendremont fut mis à ^en^ chevalchant le dos contre la
planche, mais et y_avoit une corde, qui passoit par celle planche, qui le lioit parmy le col et en_semblent
manier par les bras, comme ung135 homme en crus.
Les religieulx qui ^là^ estoie le recomfortoie, mais il avoit trés bon couraige et, en parlent à eulx,
faixoit maniere de rire. Adonc le bouriaulz mist ung cuvialz devent luy pour tomber le sanc. Il avoit ja
135 Philippe écrit une ; nous corrigeons.

100

devetus son propoint et n'avoit que ces chasse et sa cheminse. Et puis print ledit bourialz son coutialz et
fendist sa cheminse, et l'on vit son ventre qui estoit blanc et gras. Puis, aprés, aulcu n vouloie dire qui luy
avoit couppé son manbre ^viril^ et le sambloit qui l'eust getés ou cuvialz. ^Je vis faire la justice, mais je
n'en sçay rien de vray ; et fut^ tantost qu'il eust coppés sa chemise aucy pourtent qu'il avoit brais.
Aprés cella luy acomence ledit bouriaulz au fendre le le ventre en acomensent tout dessoubz ^à
petit vantre, et luy boutait le coutiaulx illec^ en fendent [j..] jusques tout hault en l'estomac ; puis le
refent +le fand[it]+ en au travers ^du vantre et^ en crus et luy tirent toute les tripes ou cuvialz. Aprés
prent son cuer et luy montrait, et en faisent cella le sant luy montit tellement au visaige qu'il estoit noire
comme Moure, et ^ce^ tacoit ^et fraipoit^ sa teste à la planche en escrient : "Jhesus !". Et ainsy mourut
de malle mort.
Cella fait, on luy brulit les tripez et son corps fut mis en ^.IIII.^ quairtiet ; l'ung fut mis à p ourte
Champeneuse, l'aultre au Pont Remont, l'aultre à la pourte à Maiselle, et l'aultre au Pont Thieffroy ; +et
Philippe vit touttez cez chose faire et eschevir+. Et la teste dudit (166) +Jehan de Landremont+ fut
mise en une lence, +laquelle estoit toutte+ couverte de blanc fer, sus la pourte du Pont Thieffroy au
plus hault, et sembloit grant temps aprés qu'il fut vivent, pourtent [-]que ^que une^ partie du sanc luy
estoit demouree au visaige ^et lui avoit montés pour la destresse de mort^. A Chairle le chaitellain l'on
ne fist nulz malz.
Tant de monde y_avoit à celle justice faire que c'estoit merveille, et mainte gens en laissairent à
mangier chair à la bonne nuit dez Rois ^pour sa graisse chair qu'il avoie veu descouper^. Ne tairgist
guere +aprés+ que l'on fist une poursacion generalle à la cause de cest traison cy ; et preschait l'on ^fut
le sairmon^ au Cairme, et en celuy sermon fut descorpés Chairle le chaitellain de la trayson, et fut
+fait+ comendement à chacun sus corps et sus bien c'on ne luy reprochit point, car il l'avoit revelleez au
cop et au temps.
Et aucy pour cest cause messeigneur de la cité luy firent de grant biens, car il luy donnirent la grant
maixon ou hault de Jurue ou fut nés sainct Leviet136 et luy donnirent .II.C livres d'ergent, et encor la haulte
prebende à l'Opital, et chacun moix sa vie durent .C. sous ; et c'il moroit devent sa femme, elle en aroit .L.
sous sa vie durent, et paireillement leur enfens qu'il aroie en mariaige, à ung chacun d'eulx, chacun
moix .L. sous leur vie durent ; et avec ce [-] l'afranchirent de tout debit de ville en quelconque maniere
que ce fut. Et de tout ceu l'en firent bonne lestre selees du seel de la ville, ^commet ledit Chairle l'ait
comptéz de-puis à dit Philippe^.
Or laissons de parler d'eulx et parlons de Phelippe. Aprés ces chose fut Phelippe ung peu de
temps en l'ostel son perre, environ .VI. semaine ; aprés, il c'en aillait arrier demourer enchiés Dediet
Baillait ^le mairchamps^. Et quant le prins-temps vint ^fut venus^, il acomence à ailler veoir les fille,
comme il avoit fait devent qu'il fut ^prins^ ; et souverainnement ^aillait veoir^ la fille le maire Le Sairte
136 Cf. supra.

101

de Lessey, et la fit demender à femme pourtent qu'elle l'amoit fort.
Aucy faisoit sa merre et tous ces amis ; mais elle avoit ung frere plus encien d'elle, lequel le pere
eust voulluntiet mariés devent ^le premier^, et pourtent respondit son perre au perre de (167) Phelippe
que la paixe n'estoit encor point +du tout+ faicte, et qu'il n'avoit point entencion de la marier devent la
Sainct Remey l'en .IIII.XX et .XII. ans. En ce temps pendent, Phelippe l'ailait tousjour veoir et luy fist on
bonne chiere.
Et aucy en ce temps fut print Picavat qui ^à Mets, lequelle^ avoit137 vendus le maire et Phelippe,
comme vous avés oÿ cy devent. Mais il ne fut point prins pour celle cause, car on luy avoit pardonnés ;
mais +ains+ fut prins pour ung chevaulz qu'il avoit derobé, et fut ledit Picavat pendus au gibet de Mets.
Et une partie dez aultre qui avoie esté au prenre ledit maire furent pendus dever Merville. Aucy en celluy
temps courroit Blaise et faisoit moult de malz au païs de Mets, et print plussieur prisonniet.
Or donc, pour venir au prepos, quant ce vint la Sainct Remey, le maire de Vignuelle parlait arrier
au maire Le Sairte ^de Lessey^ et fit parler pour sa fille qu'il demendoit pour son filz Phelippe. Et de tent
que le maire de Vignuelle chaissoit fort ^la chose^, encor plus ^aucy^ fort chassoit la mere de la fille,
qui ^laquelle^ desiroit que le mariage ce fit ; aucy faisoie tous leur amis. Mais le maire +Le Sairte+
differoit tousjour, en disent qu'il estoit guere et qu'il ne l'oseroit encor marier.
Car en celuy temps vint le roy des Romains 138 à Mets avec grant compagnies de gens, tent à Mets
que dehors, le-quel ^roy^ voulloit aller encontre le roy de Franse ; et luy fist en une belle bien- venue à
Mets en luy donnent plussieur dons, ^mais il demandoit encor une grant ayde^. Et cy fut une espesse de
temps ^à Mets^, puis c'en aillirent en Franse. Et aincy fut Phelippe renfusés la seconde fois, et ce
pessairent les chose aincy +préz d'ung ans+, jusques en l'entrees de Caresme plus d'ung ans aprés ce
qu'il fut [-] de prison.
Adonc racomensait le maire de Vignuelle à parler de cest matiere, parce qu'il veoit que la fille et
sa mere y avoient grant voullunté et que la chose ce fut jay faicte à la Sainct Remey, ce ne fust esté
aulcuns (168) bouteur qui en detourbirent le maire Le Sairte.
Adonc respondit le maire Le Sairte qu'il ne differoit point, mais il avoit fait serment que devent
Pasque ne la marieroit point ; mais à Pacque il estoit tout deliberé de ce faire. En ce temps pendent
vinrent aulcuns au maire de Vignuelle qui luy anoncirent la fille le maire Le Loups d'Angondenge, entre
lesquelle ^ung mairchamps de Mets nommé Jehan de Haite^ Jehan de Haitenge, qui avoit heu la suer de
celle ^fille et estoit janre audit maire Le Loups^ +en+ parlait.
Et aprés plussieur aultre parrolle dit ^ledit merchampts^ au maire de Vignuelle que luy et le maire
le Loups voulloient aller dinés la vigille du my Quareme en sa maixon, et aincy +en+ fut fait. Le maire
de Vignuelle mendait querir Phelippe enchiés Dediet Baillat, et en venent qu'il fit il passait par le
137 avoit est barré par Philippe à la suite de qui ; nous le rétablissons.
138 Titre porté par Maximilien, fils de Frédéric III, depuis son élection en 1486.

102

merchiés et trouvait Sabellin, la fille le maire Le Sairte, laquelle ^fille^ luy dit qu'il ne ce tenist point
malz comptent de la responce de son perre, car sa merre avoit esté le jour devent à Moullin et avoit prié
damme Bonne, femme à seigneur Pier Baudouche, qu'il vouxist dire au maire Le Sairte son mary qu'il ne
renfusit plus le maire de Vignuelle. "Et pourtent, dit la dite Zabellin, ce vous voullés atendre jusque à
Paicque, je sçay bien que mon perre ne vous renfuserait plus." Et aprés plussieurs parolle c'en aillait ledit
Phelippe en l'ostel son perre, et trowaist le maire Le Loups et Jehan de Haitenge son genre. La table fut
misse et il dinairent.
A_la fin du dinés acomence ledit Jehan de Haitenge à parler de ce mairiaige cy, car le maire Le
Loups ^estoit allemans et^ ne savoit point de roment, tellemant que Phelippe entendit ^bien à leur
parolle^ qu'il voulloie tantost merchander ; et pourtent tir ^il tirait^ son perre à part et luy comp.st dit
tout ce que Zabellin luy avoit dit. Le maire de Vignuelle son perre luy dit que le maire Le Sairte luy avoit
jay mis plussieur alongement et, ^quant [..] ce^ venroit à Paicque, par aventure n'en voulroit rien faire,
"et aincy nous tomberions de (169) deux siege à terre."
Phelippe estoit en pencees de c'y consentyr ou non, pourtent qu'il ne cognissoit point bien la fille
et ne l'avoit jamais veu c'une fois, et aucy jamais n'avoit esté en leur ville. Touteffois, au gré de son perre,
il c'y consentyt, et fut fait le merchiés de Phelippe et de Mariette, fille le maire Le Loups.
Et tantost le lendemain, jour du my Caresme, fiencirent ; et les nopces furent faicte en l'entrees
du moyx de maye aprés, au-quelle nopces furent precque tout les seigneur de Mets et d'aultre gens bien
.V.C, qui tous furent bien servis.
En celuy temps retournirent les gens d'airme de France et fut la paix faicte entre les deux rois,
c'est assavoir le roy des Romains et le roy de Franse. Aucy ung peu aprés, par ung jour du realz dimenche
aprés la Pentecouste, l'en mil .IIII. C .IIII.XX et .XIII. ans, fut publiés la paix à Mets entre mon-seigneur le
duc de Lorenne et messeigneur de Mets, qui encor n'avoit esté formees dés qu'il avoie mis le siege à
Saincte Raffine, comme vous avés oÿ cy devent.
Aprés ces chose, Phelippe et Mariette allairent demourer en Rempons à leur menaige, et Sabellin
fut fort deplaisente qu'el avoit failly à Phelippe ; aucy fut sa mere et tous leur amis.
Environ entour le moyx de jullet aprés vinrent logiés aulcuns gens d'airme en ^à Montoy ; c'est^
une plesse qui estoit à messire Jehan Chaverson, lequel quant +seigneur Jehan, quant+ il le solt, y allait
avec de ces gens pour les en cuider bouter dehors. Mais il firent telle escarmouche que ledit messire
Jehan Chaverson y fut precque tués et y_olt l'une des jues toute fendues et les dens rompus.
Et ces gens ^ycy^ demendoie leur part du buttin c'on avoit amenés de Rombay à la +durant la+
guere passees, qu'il ^et^ disoient que messire Michiel, +le sire ledit seigneur Jeh[an]+, leur retenoit, car il
estoie adonc au guaige de Mets, et yceulx retournoie adonc de France ; et pour cest cause firent plussieur
malz puis c'en aillirent.

103

Ne tairgit guere aprés, environ la Sainct Remey, qu'il y_olt ung gentilz homme d'Allemaigne
nommé (170) mon-seigneur de Bouxatte, qui avoit esté au gaige à Mets et avoit print guere encontre la
cité pour ung chevalz c'on disoit qu'il demendoit, tellement qu'il vint une matinees avec grant rotte de
gens d'airme, ung peu devent la Sainct Remey, et boutait le feu à Malleroy, à Ercansey, à Allexey, à Aiey
et à plussieur aultre villaige plus de .X. ; et enmenerent139 plus de .XVII.C beste au corne et des homme
ungne grant rotte, et brulirent tent de blé que ce fut pitiet. Et aincy à celle cou^r^xe firent moult grant
dommaige.
En celle semaine estoit Phelippe mis novellement à la haulte pourte des Allemans, et estoit
Mariette alleez en Allemaigne veoir sa mere, fille à Jehan de Haitenge, qui ^ce^ mouroit, car en celle
ennee fut grant mortalités par-tout. Aucy ung peu devent avoit esté brulees plus de la moitiet de
Tionville ^Thionville^ par fortune de feu, dont c'estoit pitiet. Ung peu aprés fut fait le mariage de
Jaicomin, filz le maire Le Sairte, et de Fransoize, fille le maire à140 Doipy.
En celuy temps l'on fist justice d'une femme de Fornerue qui avoit voullus empoisonnés son
marey, et fut brulees ; et le compaignon qui ce +qui lui assistoit et+ devoit faire ^le fait^ eust la teste
tranchiés. Ung aultre, orfewe, eust la teste tranchiéz, qui ^lequelle^ avoit fait dez fault escus ; ^et estoit
ung moult biaulx homme^. Ung aultre, le filz le masson de dessus les mollin, eust les mains coppees à
Joiey et y fut brulés pourtent qu'il contrefaisoit le prebtre et chantoit messe, et sy ne l'atoit point ; et aucy
avoit fait murtre et lairsin.
En celuy temps Phelippe vendoit drapt et fassoit chasse +dez chausse+, et estoit bien aise car il
avoit une bonne femme ; mais fortune, qui jamais ne dort, luy ostait sa femme ; et luy print le malz le
jour de la Sainct Nicollay, .VIe. jour de decembre, qui fut le mercurdy, et le mairdy aprés mourut, dont
Phelippe en menait grant deul. Et luy fit faire (171) sen servise bien et onetrement, et [-] ledit Phelippe [-]
de Sainct Ferroy [-] [-] [-] [-] [-] que +et fut+ la dite Mariette fut ensevelie devent Nostre l'autel Nostre
Damme audit ^à^ Sainct Ferroy, ou elle gist. Dieu ait pitiet de son airme et de toute aultre aucy.
Ung peu aprés, on fist justice d'ung ^Bourguignon^ qui avoit heu compagnie à une vaiche, et fut
brulés.
Aincy vous avés oÿ comme Phelippe demourait weve de sa femme, dont il bien luy +en+ fut bien
grief. Le temps ce passait aincy jusques en Caresme ; et adonc son perre le voult remarier et luy
annonsoit on plussieur femme, entre lesquelle les luy anonsait encor ^on reprint encor à pairler de^
Zabellin, la fille le maire Le Sairte, pourtent que l'on savoit bien qu'il l'amoit fort. Aucy faissoit la fille, et
tellement que les .II. perre en parlirent ensamble et eurent telle acort que par ung jour de la Chier Sainct
Pier, .XXVe. jour de fevrier, l'en .IIII.XX et .XIII., en fut le mairchiés fait dudit Phelippe et de la dite
Sabellin en l'ostel messire Arnoult ^de Clerey^, chainonne de la grant eglise +de Mets+, lequel c'en
139 Philippe écrit emenenerent ; nous corrigeons.
140 Philippe écrit mairca ; nous corrigeons.

104

avoit jay de loing temps fort traveilliés pour l'ung dez cousté et pour l'aultre.
Et le141 derniere feste de Pacque ^jour de Causy-modo142^ aprés en-suiant, l'an .IIII.XX et .XIIII.
ans, fiensairent à grant joie à Lessey, qui fut le .VIe. jour d'avril. Et le .XXIe. jour dudit mois poiserent,
qui fut .II. jour devent la Sainct George, et firent une moult grant chier, combien qu'il ne faisoie que une
petitte nosse au regairt de la premier qu'il avoit fait. Et estoient les gens de Mets tant joieulx et ceulx du
paiis aucy que c'estoit merveille, pourtent c'on avoit bon merchiés de blé et de vin.
Et estoit l'ennee en tout belle esperence pour avoir dez bien que merveille, tent en blé, en vin
comme en fruit ; et acomensoit l'ennee à estre fort trempees, tellement que les owrier avoie guigniet à la
vigne pour ung jour .VIII. sous (172) et n'en povoit on encor trouver. Les seresiés et aultre arbre
acomensoie desjay à pendre tent ce montroie estre charegiés, ^et^ pourtent estoie les gens joieulx.
Mais fortune, qui jamais ne dort, leur ostait leur ^ycelle^ joie, car le jour dez nopces Phelippe,
^ce^ acomense le temps à enfroidire, tellement qu'il plut +et plut+ de l'yaue moult froide, tellement que
la nuit tout fut engellés, les vigne et les fruit, non_point seullement en ung lieu au-tour de Mets, mais
par-tout cen rien ^bien poc en^ aschapper, ^au_moins chose^ qui fut chose à compter, dont ce fut
pitiet ^et domaige^.
Et faillut trapper les vigne ^en aulcuns lieu^, et pour cest cause furent les gens sy abatus de joie
qu'il sambloit que le monde deust finer ; +car le jour desdite nopce, [o]n avoit le vin pour .IIII. denier la
quairte le milleur, et le lundemain [c]e vandoit .XII. denier ; encor [n']en crowoit on point+. Mais
touteffois les blef estoient biaulz et n'eure point de malz pour celle fois, [-] combien que le temps fut
moult dengereus de tonneure, car à Ansy ^la ville d'Ancey^ avoit demouré ung peu de belle vigne qui
fussent tempetees le jour de l'Ensencion, l'en .IIII.XX et .XIIII. ans.
Le lundy aprés celle Ancencion vint à Mets, en revenent de Saincte Bairbe, ma-damme la
duchesse de Lorenne143, a-compaignié de grant gentillesse ; et n'y fut que trois jour et logaist en l'ostel
messire Conraird ^de ...rier^, à la-quelle messeigneur de Mets et messeigneur les chainoine firent de grant
present, tent à Saincte Bairbe comme à Mets. Et au surplus fut festoiees trés_bien et puis c'en raillait en
Lorenne.
En celluy temps Phelippe achetait la maixon ^que fut^ Mangin le tailleur de derrier Sainct Saveur,
et y allerent demouré luy et sa femme. Et ung peu aprés vint à Mets le frere de la meysme duchesse de
Loraine, qui estoit duc de Galle 144, auquel fut fait de grant present. Aucy en ce meisme temps estoit
Sabellin la femme Phelippe ensainte, dont ledit Phelippe et tout ces gens en estoie bien joieulx.
Mais fortune, qui gueroie (173) tousjour, voult qu'il print à la dite Sabellin aulcune tous de
froidure qu'il ly vint en l'entrees de l'iver, par_quoy elle en dechairgit devent que droy par ung mairdy, le
141 la corrigé en le par l'auteur.
142 La fête de Quasimodo a lieu le premier dimanche suivant Pâques.
143 Philippe de Gueldre (1467-1547), épouse de René II de Lorraine depuis 1485.
144 Charles d'Egmont, duc de Gueldre et comte de Zutphen (1467-1492-1538).

105

premier aprés la Sainct Nicollay d'iver, et par telle jour que son aultre femme Mariette avoit esté morte
l'an devent. Et par ainsy l'enfent ne vecquit point, dont Phelippe en fut bien marit ; aucy fut sa femme.
En ce meisme temps cy fut que le roy de France ailloit conqueré le reaulme de Naples, car le roy
Farrande estoit novellement mort et estoit roy son ennés filz Alfonce, lequel n'estoit sinon duc de
Callaible au temps que Phelippe demouroit audit reaulme. Et disoit on en cestuy temps present que le roy
de France estoit desjay auprés de Rome145, et ung peu aprés vinrent les novelle qu'il avoit guegniet tout le
reaulme de Naples146.
En celluy meisme temps, par ung jour du grant mairdy de la grant semaigne de Caresme, l'an
.IIII.XX et .XV., fut fait justice devent les pons de Mets d'une jonne fille eaigees de .XVIII. ans, qui
+laquelle+ demouroit en l'ostel p le gros Pieron des Mollin. Et fut la dite jonne fille menee au pillory
de-puis les .X. heure jusques au .II. ^heure^, comme la coustume en est ; et puis fut menee devent les
pons et eust là une ^illec l'une dez^ main coupees, et puis, cellay fait, fut brulees et airse, non_pas
comme on ars les aultre, car elle estoie haulte ellevees, et incontinent qu'elle fut morte on estaindait le
fait feu et fut mis son corps sus une rue ; et luy mist on emprés d'elle ung petit enffans de bois, (174) et
avoit encor avec cella ung aultre grant paupier atachiés à ladite rue, auquel avoit ung anffans en pointure
et sa merre qui le tuoit.
Et tout ce fut fait pourtent que la powre jonne fille avoit esté engrossié d'ung merchant
estrangier et avoit tousjour nier à sa maitresse qu'elle ne l'estoit point ; et une nuit qu'elle estoit en son
lit, en-tour la Chandelleur devent qu'elle fut detruiste, elle acouchait toute à par elle. Mais avent que
l'enfant fut du tout à monde, elle l'empongnait par la teste et le tirait de-hors, et puis le ruait en terre et
le tuait et le gairdait soubz son lit en des drapiaulz jusques au lendemain.
Et le lendemain elle le ruait en ungne puis ^cisterne^ qui estoit en ung celliet on l'on ne tiroit
guere souvent de l'yaue, mais de cop de fortune, y eust ung guerxon de leans qui besoignoient aulcune
chose au selliet et le voult regairder au puis ^à la sisterne^ ; et le vit et le monstrait à ung sien
compaignon, mais il ne savoient au vray que ce fut.
Cy le tirerent de-hors et trouvirent que c'estoit ung enffans, et ainsy qu'il le tiroient hors de puis
^l'iawe^, la fille vint au celliet et le print en son giron et le cuidait cachier, [-] et s'en cuidoit fouir. Mais
incontinent fut acusees à justice et fut prinse et brulees comme vous avés oÿ, et souffryt grant tourment.
Dieu luy pardont ces faulte et nous les nostre, car elle eust une belle repantence à la fin.
(175) L'en aprés, l'en .IIII. XX et .XV., retournait le roy de France du reaulme de Naples, le-quelle
il avoit conquesté, et laissait là une parties de ces gens pour guerder le païs147. +Maix il ne vint pas encor
145 Les Français entrent à Rome le 31 décembre 1494.
146 La première guerre d'Italie (1494-1497) voit en effet l'entrée des Français dans Naples le 22 février 1495, quelques
jours seulement après l'abdication du roi Alphonse II
147 Le 20 mai 1495, face à l'hostilité de la population, Charles VIII quitte Naples, y laissant une garnison commandée
par le vice-roi Gilbert de Montpensier.

106

cy tost [en France] qu'il ne fut rancontré[s], comme cerait dit cy aprés+.
Celle annees fut fort fertille en tous bien, car on heust mill[..]eur merchiés de blé, de vin, de
pois, de feve, c'on avoit heu de .VII. ans devent, et vinrent tous les bien en grant abondence, forque dez
fruit, qui furent tous engellé forque ^reservés^ lez pome. Et furent lez avoine chier, car on vendoit
autent une quairte d'avoine que une de blé froment.
En celluy temps estoit Zabellin la femme Phelippe +derechief+ amsaincte, et fut acouchees le
.XIIIIe. jour du moix de novembre, l'en .IIII.XX et .XV., d'une fille, la-quelle heust à_non aprés sa grant
damme, c'est assavoir Jaicomette le Sairte ; +et eust à pairain seigneur Arnou[lt] de Clerei le chainoine, et
pour mairine Karenne, la fe[mme] Poincignon le braiconniet, et la femme Collign[on] d'Auboncourt dit
Faubelle le chaingeurs+.
Ung peu devent sa gessine fut Phelippe fort mallaide par l'espaice de .II. moix, tellement c'on n'y
atendoit que la mort ; mais, Dieu mercy, il fut reguery devent +parmy+ la gessine de sa femme. Durent
celle meisme gessine fut fait le merchiet de Ariouze, la suer Zabellin, et de Jehan Aie Ainelz, le filz
Somenin Ainelz de Vaulz ; et bien poc a-prés furent les [.] nopces.
Ung peu devent fut tué Blaise, lequelle avoit estés anemin à la cité, par l'espaice de .V. ans, et
avoit ^avoit estéz annemis à la cité et avoit^ fait moult de malz. Mais lez soudoier l'espierent ung jour
qui tendoit sus aulcuns, et le tuirent luy et tous ces compaignon.
(176) L'en aprés .IIII.XX et .XVI., le lundemain du realz dimenche, ce partit Phelippe de Mets
avec sertaine compaignie et c'en aillirent au Lendi à Paris, c'est assavoir de Mets à Gouxe, à Sainct Miel, à
Loupy, au Sonnemire, au Chaillon, à Apernay, à Dormen, à Chaitiaulz Thieri, à Lisy sus Ours, à Clees, à
Sainct Denis ; et puis furent là tent à Paris que à Sainct Denis une espasse de temps, et c'en retournirent le
chemin qu'il estoient venus jusqu'à Chaillon.
Mais là arivait ung messaigier de Mets qu'il leur vint dire qu'il fussent sus leur gairde, car aulcuns
malvaix guerxon tendoie sus eulx pour lez detrousser à_la requeste d'ung de Nency, qui demendoit
aulcune chose à Dediet Minairt ^le^ car [le] +mairchamps. Et+ pour ceu prinrent le chemin aultre part et
c'en vinrent de Chaillons à Nostre Damme de l'A-pine, à Don-pierre le Chaitelz, à Brisyaue, à Ouche, à
Dieue, à Pari en Woieve, à Mets ; en la-quelle ^le jour de la Sainct Jehan Baptiste^ y retournirent,
moienent la graice de Dieu, cen nulz dengier le jour de la sainct Jehan.
En celuy tempts fut pris ung Allement nommé Niclasse Concque, le-quelle avoit allés à Nostre
Damme des Cairme de nuit et avoit alumés dez +.VII.+ sierge .VII. et ^avoit^ sonés la cloche, et
pluissieur aultre derision avoit fait, tellement que le puple en fut tout esmus. Et mandait ^celluy
Allemans^ au-lcuns des seigneur ^pour venir^ au Cairme et leur dennomait .II. ou .III. des la cité qu'il
disoit estre traictre à la cité, et disoit que Nostre Damme des Cairme (177) avoit anoncés. Et pandit ces
airmes devent Nostre Damme, et tellement ^que^ par ces parrolle fut le puple esmus ^et^ que les pourte

107

furent fermees celuy jour jusquez à midi.
Et n'estoit pas de bonne mere nés qui n'alloit veoir au Cairme, car celluy Niclasse fist et dit
biaucopt de besoingne qui trops loing seroient à racontés. Mais en-fin il fut trouvé que ce qu'il avoit dit
des traistre qu'il disoit estre en la cité, c'estoit toute menterie et n'en ^ne le^ disoit sinon pour aultre
chose sinon qu'il haioit les personnaige, et aucy qu'il cuidoit avoir aulcun bien ou al aulcune graice de la
cité, comme avoit heu Chairle qui escusait la traison Jehan de Lendremont, comme cy devent ^il^ est
escript.
Et pour cest cause fut le dit Niclasse menés et au Pon des Mors, et là eust la laiengue coupees
bien avent en la bouche ; et fut ce fait l'en .IIII. XX et .XVI., le .XXVIIIe. jour de jung. Et avec ledit
Niclasse fut menees une jonne femme qui estoit de devers Verdun, la-quelle eust lez .II. oireille
coupees ; et la cause fut pourtent qu'elle avoit esté loing temps devent la dite Vierge au Cairme
^en_contre^-faisant la folle et la demoniacle, et disoit qu'elle avoit les diable au corps ; et disoit
merveille qui trops loingue seroit à raconter. Et y ailloient les gens tous les jour, cuydent que ce fut le
diable qui parlait. (178) Mais en la fin fut la verités cognues et fut pugnié, comme vous oyés ^avez oÿ^ ;
et confessit qu'elle n'avoit rien fait ne dit que ne fut par le consentement et conseil de sa merre, qui estoit
avec elle. Mais elle demourait encor en l'ostelz du doien, et ung peu aprés fut baniees de Mets.
Cest ennees cy fut aussy fertille c'on avoit point heu en .VII. ans devent en bon blé, en toutte
maniere de fruit et en vin, en tent grant abondence que merveille ; et estoie les tonnialz causy ausy chier
que le vin. Mais l'ennees fut tairdif au_cause des pluie.
Aucy en cestuy ans revint Chairle de Vailloy, pour l'eure roy de France, lequel avoit estés à
Naplez et en avoit conquis le reaulme et tout le païs, car le roy Farrendus estoit mort, et son filz
Alfonse thint ung peu le realme. Et puis, ^ung peu aprés^, fut fait roi l'anelet du roy Fairende, qui
^lequelle^ estoit prince de Capua du tempts que j'y ^Philippe^ y_demouroit148. Mais le roy de France
conquestait tout et eust grant guere encontre lez Venicens et les Milenois, avec lez Napolitens 149.
+Et fut à cellui retour de Naple que le roi de France fut asaillis, luy et son armeez, par lez
Venicien et lez Millannois en ung lieu en Lumbairdie c'on dit Fernowe. Et y_eust là merveilleuze
journee et baitaille150. Touteffois, comme il plust à Dieu et à mon-seigneur sainct Denis, la journee fut
pour le roy et eust victoire de cez anemins, luy qui n'estoit et n'avoit en son armee que de .XVIII. et
.XX. mil combaitant, et cez anemins furent bien estimé à .L. mil homme+.
En cestuy ens aucy, depuis que le roy fut revenus, il y_eust grant guere en Loraine (179) entre le
duc de Loraine et messire Robert de la Mairche, lequel dit messire Robert fist plussieur grant malz et
148 Philippe se répète et confond les règnes : à Ferdinand Ier succède son fils Alphonse II, qui abdique en février 1495
en faveur de son fils Ferdinand II. Frédéric Ier, fils de Ferdinand Ier, accède au trône en septembre 1496.
149 La Ligue de Venise, formée le 31 mars 1495, rassemble Venise, Milan, le pape, l'empereur et l'Aragon contre la
France.
150 La bataille de Fornoue a lieu le 6 juillet 1495.

108

domaige en la duchié de Bair et de Loraigne et y print moult de bon prisonnier, dont ce fut grant
dommaige.
Et durait ce debat grant temps, lequelz pandent y heust errier ung aultre grant debat entre
nostre sainct perre ^le pape^ de Romme et ung nommé Marradas d'une_part, et mon-seigneur +le duc
Regniet+ de Lorrenne et mon-seigneur Olri de Blamont d'aultre_part, aul_cause de l'avaichiet de Toult ;
car nostre sainct perre le paupe y voulloit mestre Marradas pour esvesque de Toult, et mon-seigneur de
Loiranne y voulloit mestre seigneur Olri de Blamon.
Et pour cest cause furent plussieur grant plaidoieriez promeneez d'unegne part et d'aultre,
tellement que sentence d'escommucacion fut gecteez sus ceulx du chaipitre de Toult, en deno mment lez
principault premier, et puis generallement toutte la cité et tous lez abitens et tous lez aident et
favorissent en cestuit cas.
Et furent grant lestre ^et escripte en grosse forme^ pendueez tous lez jour par lez eglise de Metz,
^et estoient ycelle [-] [-]^ dez escomuniement et ^estoient journellemant^ araicheez dez aultre, tent que
lez lestre ce mectoient hault éz ^tour des^ clochiéz, comme à Sainct Vincent et à Sainct Saulveur, et aucy
dez aultre, affin c'on n'y avenist pas ^pour lez ostet^. Et deffandoit on à Mets éz eglise c'on ne but ne
mengeat ne participait avec nulz de Lorrenne qui fut de l'aveschiet de Toult, sus paine d'escomuniment.
(180) Et à cest cause fut fait le saisse éz eglise [-] à Mets quant aulcuns d'eulx y vennoient.
Aucy en cestui tempts vint messire Robert de la Mairche à Metz luy et sa fe mme et c'y thint
eviron demy ans, le-quel pendent y eust dez journeez tenuez entre lui et mon-seigneur de Lorenne, mais
nulz acort n'y fut trouvé pour l'eure, car lez Lorains prinrent le capitenne messire Robert, nomméz le
Baitairt Jennot, lui et sez gens, et furent long temptz en prisons.
Ce tempts pandent, l'en .IIII.XX et .XVII., eviron la Nostre Damme en semptembre, fut mis et
posséz le crucifis avec lez .II. lairon, comme y sont ou hault de Dessiremont, et ung peu aprés furent
misse lez aultre crus ou chemin de la pourte dez Allemans.
En ce meysme moix de semptembre, le .XIIIIe. jour de Saincte151 Crus, fut fait ung escorbillon de
vent sy grant et sy impetueus environ lez .IIII. heure aprés midi, que on cuidoit par tout ce païs cy que le
monde deust finer, car il abatit tour, grange, maixon en plussieur lieu, et fit seullement entour de Mets
pour plus de mille florin de dommaige ez airbez, raiez, et empourtist ung grande piece de la couverture
de la cour l'avesque, paireillement le tis du clochiet Sainct Fairroy ; aucy .II. grande bouteez dez
precheur, aucy la grant wairierez de dessus le pourtaulz de Sainct Siforien, et (181) unne grande partiez
dez ormes de dessus Sainct Illaire. Et en ^ce^ tempts d'aultre bien fist ^fist ce vants et ce tampts moult
d'aultre^ dommaige à Mets ^et tant^ que merveillez, car cestuy vent empourtoit de dessus lez maixon lez
thieullez et lez aicaillez de dessus lez clochiéz à grande abondence.
A cestuy jour je ^Philippe^ estoit à la foirre à Thionville, à la-quelle fut faictes paireillement ung
151 Philippe écrit Sainct ; nous corrigeons.

109

telz vent, car il y eust devent Thionville unne nef qui paissoit oultre la riviere, laquelle fut renverseez en
l'iaue ; et estoit celle nef toutte plaine de gens, femme et homme, mais Dieu mercy n'y eust personne
noyéz.
Aucy lez mersiéz, qui vendoie sus lez fousséz, y perdirent biaucopt de leur denreez, qui tout fut
reverseez au vent. Et paireillement fist cestui vent grant donmaige tent à Thionville comme en tout le
païs au loing de Mussaille, tent que ce seroit loingue chose à racomptéz. Et ne durait pas cestuy vent
ung grant deuré, et ne plut comme rien.
+Et vinrent depuis sertaine nouvelle qu'il avoit noyéz grant navier sus mer ledit jour de Saincte
Crus, dont toute ^manier de^ apice en furent leuveez plus chier, et fut congnus que ce vant avoit estéz
par toutte crestienité, souverainement dupuis France jusques à_la mer de Flandre et par tout le païs de
Holandre, auquelle ledit estorbillon avoit fait moult grant domaige tant és edifice comme en aultre
chose+.
Touteffois, cest anneez fut la milleur qui eust encor estéz en .VII. ans devent en touttez chose,
forque éz vigne, qui furent tairdivez aul_cause dez pluez qu'il fit tout l'esté, mas pair_quoy lez vigne en
^et [-] n'y olt guere de vin, mais il^ furent pas sy bon ; mais ^et aucy^ lez blef furent ^trés^ bon, et
heust on tent de toutte manierre de fruit par-tout qu'il en y eust plus dez perduz que dez mengéz. Dieu
en soit loiéz de la grande habondence !
(182) En cestui meisme ans, environ la Maidellenne, vint nouvelle à messeigneur de la cité de
Mets que sertenne gens d'airme, maulvaix guerxon, dexandoient en Loraine et voulloient venir logier au
païs de Mets ; et n'estoient ces gens au gaige de nulz prince, mais estoient gens de toutte sorte et tout
maulvaix guerxon qui s'estoient recuillit des guerre. Et en y_avoit unne partie maillaide de la maillaidie
c'on dixoit la maillaidie de Naiplez ^ou la goure^, la-quel vault pis que mesailerie ; et pour cest cause
estoient ^yceulx^ deboutéz de tout coustéz.
Maiz ces gens cy estoient deliberés de ce venir yvernéz au païs de Mets, pour_quoy ^nous^
seigneur, avertis de ce, assamblirent leur gens tent de Mets que du païs, et ce trouvist là unne bonne
bande, et failloit que chacun y fust en personne qui poulloit pourtéz baiton. Et estoit on tout deliberéz de
leur ailléz au devent, ^et^ estoit le pain tout cuit et l'ertillerie chairgeez, et avoit on comendé c'on ne
laixist nulz vivre és villaige.
Et ce fait, le jour c'on se devoit partir la nuit, vint le capitenne Alnerande à Sainct Arnoult avec
plussieur aultre et mendait nous seigneur pour parler avec luy, lesquelle y aillirent. Et firent telle
apointement que lesdit capitenne leur promirent de ce partir le plus brief et le plus legierement qu'il
pourroient, per-ce qu'il veoient bien c'on n'estoit point deliberés de lez laixiéz sejourneez ; car ceulx de
la duchiés de Lucembourc estoient (183) venus à Mets en ayde de messeigneur de la cité, par-ce qu'il
veoient aprouchier ces gens cy et +ycy de leur païs et ce+ doutoie aucy pour leur païs ^eulx^. Aucy

110

estoit pour l'eure ^l'eure^ messire Robert à Mets, le-quelle estoit pancionaire de la cité.
Durent ce hutin, on faixoit bon guet à Mets et y estoient tous les gens de villaige. Mais par
fourtune, le feu fut bouté ^de nuit^ en unne maixon oultre Saille, en la-quelle estoit ung maire de
dehors qui fut precque air, et luy fut force saillir par la feneste en la rue. Et pour cest cauze fut ung grant
huttin toutte la nuit en Mets, car on doutoit de traizon, et n'avoit on jaimais veu en Mets mestre lez
gens en sy belle hordonnence comme il estoient ^furent^ pour l'eure, tent au Champs Paisaille comme à
Pouxaillis, au pourte Champenoize et en Chambe.
Or, quant ce vint le lundemain, il y_eust encor ung plus grant huttin la mitiet environ à .II. heure
aprés midy. Lez ^Or oyés qu'il en avint. Yceulx^ gens d'airme devoie passer au Pon au Mollin, comme il
avoient dit ; mais il heure peur c'on ne leur courut sus et c'en aillirent dever Verdun ; et la gairde de
Loraine le coutioit par dessus Chaitelz. Ceulx de Chaitelz +Sainct Germin+ lez virent et cuidoient qu'il
voulxisent desandre ou vault, et sonnerent leur cloche ; et aincy firent ung grant bruit de l'un en l'aultre,
tent que le bruit en vint en jusque à Mets.
Et (184) là y eust aulcuns qui oÿrent le bruit et c'en vinrent dire à la pourte c'on en-menoit lez
seigneur de Mets ou les aulcuns avec +d'iceulx avec+ plussieur bon homme du vault, lesquel seigneur
estoient ailler à Mollin pour veoir paisséz lez gens d'airme. Pour cest cause fut esmus la cité de l'ung en
l'aultre, et couroit chacun au baiton et ne savoient la plus-part que c'estoit, forque ^que^ on disoit que
tout estoit perdus et que on en-menoit nous ^les^ seigneur, et qu'il estoient trahis.
Là hussiés veu la cité aucy esmeute en peu d'eure c'on la vit oncque, et couroient gens
embaitonnés ^et^ de toutte sorte par lez rue, et gectoient ^en terre^ femme et enffans par lez rue qu'il
+quant+ il ^les^ rencontroie. Là huissiés ^aussy^ veu lez sergent et lez baneret courre par lez rue et
comender au femme de pourter pier et sandre sus lez maixon, et mestre plaine cowe d'iaue éz huisse en
la rue, et aucy mestre lez enffans en l'ostel. Et menoit on sy g rant bruit par la ville c'on n'y heust pas oÿ
Dieu tonner.
Mais quant la multitude dez gens vinrent à la pourte, on ne lez laissit pas aillet dehors tent que
tout y fut. Puis on chairge bien .XII. ou .XIII. piece d'artillerie en la grange de la ville, et en ^alors l'en^
fit owrir la pourte et c'en saillirent tout de-hors. Et dixoient lez aucuns que ceulx de Lucembourc avoient
fait la traixon, car il c'en estoient retournéz ^en leur païs^ et (185) n'estoient point plus loing que
Laidonchamps.
Mais ^le contraire ce monstrait bien et^ [.]estoient bourde, car quant il oÿrent le bruit ^et
l'effroy^, il retournerent arrier +bien hastivement en l'isle du Pont dez Mort+ et vinrent veoir que
c'estoit et quel bruit on menoit. Toutefois, quant on vint à Mollin, on trouvist que c'estoient toute
bourde, et retournirent à Mets bien joieulx.
Mais il fut dit là par tout lez anciens et aucy de toutte estrangier que jaimais n'avoient veu ung

111

peuple sy bien asamblé ne sy bien ordonné en peu d'eure sans ^avoir^ comendement de justice, forque
chacun y ailloit de bonne voullenté. Et furent aucy pour l'eure et tout soudainement toutte lez tour de
tout lez mestiet sus lez mur fournie de ceulx qui devoient estre, et aucy lez pourtez, tellement c'on en fut
loéz et priséz.
En cestuy meisme ans vint à Mets la suer du duc de Loraine la vigille de S ainct Luc, le .XVIIe.
jour d'octobre, la-quelle ne fit que passer. Au moin ne sejournait c'ugne nuit et c'en aillait pousser
+espouser+ en Aillemaigne152.
Déz ce jour de Sainct Luc grant temps aprés, on fit grant guet à Mets, car on ce doutoit de
traixon pour dez parrolle c'on avoit rapourtéz à seigneur. Aucy en cestuy ans fut faictes la paix entre monseigneur de Loiraine et messire Robert de la Mairche, et furent rendueez à messire Robert lez plesse qu'il
demendoit et lui fut donnés grant somme d'ergent avec pancion tous lez ans. Paireillement fut apaixiéz le
grant plait entre nostre sainct perre ^le pape^ et Mairaidas d'une_part, et le duc de Loraine et seigneur
Oiri de Blamon d'aultre part, aul_cause de l'evechiéz de Toult153.
(186) Se tamps pandant estoit Phelippe en essés bonne paix, la Dieu mercy, sans quelque malle
aventure, mais estoit toutte en joye car Sabellyn, sa femme, estoit ensain[cte] d'enfant ; aucy estoit
paireillement sa suer Ariouze. Et furent delivreez de leur fruit toutte deux en ung jour, de chacune ung
filz ; c'est assavoir le .Xe. jour de mars, l'en .IIII.XX et .XVII., jour Sainct Allixandre, qui fut le samedi, fut
Zabellin delivreez à l'eure de minuit ou ung peu aprés, et sa seur le fut le dime nge qui estoit le
lundemain. Et eurent pour non Jehan aprés le perre Phelippe et le perre sa femme, +et eust pour pairain
maistre Michiel le chainoine et seigneur Renault, le filz messire Fransoi le Gronaix, et pour mairine [-]
Ysabelz, la femme Jehan de Lorei le tinturier+.
Le jour de Paicque florieiz aprés, l'en .XV. .IIII.XX et .XVIII., fut trespassés de cest sciecle en
l'aultre le roi Chairle de France, dont Dieu ait l'airme, et fut le reaulme de Naiple retourné aux hoirs du
roi Alfonce. Ung peu aprés fut mon-seigneur le duc d'Olleans corronés à Rains roi de France.
Cest anneez fut chaude jusque à la fin de jullet, mais de-puis fut tousjour pleweuse. Touteffois,
on heust assés bon mairchiéz de toutte chose.
En cest esté fut que je fis owréz en ma maixon et fis faire mon escriptoire et poindre ma
chambre ^hault^, et plussieur aultre menueez chose qui me couttairent en toutte somme et au vrai tent
hault que baixe [-] +la somme de+ .XLVIII. frant ; c'est assavoir : le lever, la traineure de la chambre
hault et la poindre et le seman de dessus et l'acritoire, .XV. frant IX. sous ; et le lieu baix avec le taulz et
le celliet en tout .XXXII. frant .III. sous.
(187) Ung peu aprés mon owraige achevis, moi et ma femme nous en aillaimes à Sainct Giraird
152 Yolande, fille de Ferry II de Lorraine et de Yolande d'Anjou, sœur de René II de Lorraine, épouse en 1497 le
landgrave de Hesse Guillaume II.
153 Olry de Blâmont sort gagnant de l'affaire et détiendra l'évêché jusqu'en 1506.

112

de Toult et à Sainct Nicollai en woiaige ; et ung peu aprés, le .XXVII e. jour de septambre, jour sainct
Colme et sainc Damien, l'en .IIII. XX et .XVIII., antrai le roy dez Romains à Mets avec belle compaigniez
car il +de plussieur prince. Premier+ y estoit le duc d'Octriche 154, le riche duc155, le duc dez Ais, et tent
d'aultre grant prince que merveille. Et furent environ .VIII. jour à Mets et venoient de la haulte
Bourgougne ad_cause de la guere que lez Fransoi y faixoie, et puis c'en retournirent en Flandre.
En cestui meisme ans, le jour du Gras Mairdi, qui fut le .XII e. jour de fevrier, y_eust ung gentilz
homme, filz de conte et de grant pairaige, qui fut tué en l'ostelz Broiche Le Sodoier en Rampolz ; et le
tuait ledit Broiche en lui couppant le colz d'ung revert d'ung braicquemair, environ à .XI. heure aprés
midy.
Et ledit Broiche c'en-fuiait au Cairme en franchise, mais il fut prins leans et en heust la teste
couppeez devent lez pon le samedi aprés, .XVIe. jour dudit moix. Et fut rapourté le corps et la teste
dudit Broiche à Mets en unne biere, et ensevelis au Prescheur ad_cause que aulcuns seigneur de Mets
l'amoie fort ; et l'aultre gentilz homme qui estoit par lui tué fut ensevellis au frere ^de l'observence^ et
fut fort plains, car il estoit belz homme entre mil et estoit pairent à messire Andrieu Drineck, chevalier.
(188) +Ceci fut fait en prison et deust estre devant avec l'aultre+ :
O_capitaine de Chaivancy,
Robe de gris,
Se me samble, pourtoie ung jour,
Foureez selon mon avis
D'aignelins.
Tu m'as fait mectre en unne tour,
Dont j'en puis bien avoir doilleur,
Plain de pleur
Et haïr qui m'i ais mis.
Mais encor mauldiront l'eur
Se grant peur
C'onque j'entri à Chaivancy.
Moult longuemant y suis esté
Qu' achappé
N'en powoie nullemant,
154 Maximilien Ier : l'empereur est également archiduc d'Autriche.
155 Georges de Bavière, dit le Riche, duc de Bavière-Landshut (1455-1479-1503).

113

Et sy avoie de tout cousté
Malz essé
Qui me venoit d'emmemant,
Puis me railloie bien souvant,
Confourtant
En disant qu'il y avoit telz
Qui ne me lairoit nullemant
Pour argent
Qu'il ne me deust raichetés.
(189) En ce pancer ou que j'aitoie,
Je chantoie
En mauldisant la traison.
Fy d'argent et de monnoie !
Qui n'ait joie
Ne estoisse pas bonne chanson ?
Je suis esté loingue saixon
En prixon
Ou cest le tampts qui m'y ennoie,
Et bien souvant me disoit on,
Se ranson
Brief ne venoit, que je i moiroie.
Mais graice à_Dieu, lequelle gairdai
Et saulvay
Jonas au vantre d'ugne baillaine,
La fille la Cananeez curay
Et donnait yaue vive à la Samaritaine,
En atandant jour et semaigne
En grant paine,
Vinrent nouvelle c'on m'apourtay
De pair Haircourt le capitaine,
Qui mes chaine
Fist comander c'on m'és ostay.

114

(190) Per ungne feste de sainct Thomas
En soullais
Voir celle qui est devant Noé,
Se jour me fut ung bon Sabas.
Ne fut pas,
Quant de prison fut delivré,
.XIIII. mois y suis esté
A compté
Tout le tampts et hault et bas.
Mais graice à Dieu quoy c'aye coutté,
Delivré
Fut ce jour d'ung malvaix pas.
Tout lez jour arais l'istoire
En memoire
En ma powre airme pecheresse.
Sy prie à Dieu le roy de gloire,
Qui pour voire
Mourut pour nous en grant detresse,
Qui nous gairde par sa noblesse
De tritesse
En cest vie transitoire
Et à la fin en grant liesse,
En solais,
Puissions regner lassus en gloire.
AMEN.
(191) Ceste presante rime, qui parle de la prixon, fut compoizeez par moy, Phelippe, unne partie
en prison et l'aultre partie à Mets ; et pourtent l'ai_ge mis ycy.
Item l'en aprés, c'est assavoir l'en .IIII. XX et .XIX., fut Zaibellin ma femme delivreez erriéz d'ung
filz le .IIIIe. jour de apvrilz, jour sainct Ambroise evesque, qui fut le jeudi. Et eust ledit anffans pour non
Arnoult, et ne fut plus jonne que son frere Jehan environ que de .XIII. mois, ad_ cause que nous
prenons le millier à l'A-nunciait, et Jehan fut néz ung peu devent l'en .IIII.XX et .XVII., et Arnoult ung
peu aprés l'en .IIII.XX et .XIX. ; et aincy ne fut Jehan plus viéz de Arnoult que environ de .XIII. mois.

115

+Et eust pour pair[ain] Collignon de la Teste d'O[r] et Fransoi, chainoigne de Sainct Thieb[ault], et pour
marine Jaicquemett[e], femme Dedie[t] Lapiet, qu[i] de-puis fu[t] femme audit Collignon de la Teste
d'Or+. Mais cellon la voullunté de Dieu, l'enffant trepaissait le .XIX e. jour dudit moiz l'an dessus dit,
jour sainct Victour, et fut anterré à Lessey.
Et ledit ans, le .XIIIIe. jour ^de^ jung, la vigille de Sainct Vit, le vandredi à l'eure de .VI. heure
aprés midi, trespaissait de cest sciecle en l'aultre Collette, seur audit Phelippe et femme à Jennat de May,
le sergent dez Tresez et des Compte, et fut encevelie tout devent le grant autelz en la chaipelle Sainct
Aultre Aultre, qui est au simetier de Sainct Simplise, sus la fontaine. Dieu par sa bonté en ait l'airme, et
de tous aultre aucy. Et aincy demourait ledit Phelippe seulz anffans de son perre et de sa merre, car sa
suer n'en avoit nulz.
(192) +Item que en cest anneez, l'an mil .IIII. C .IIII.XX et .XIX., fut fondeez et faicte toutte
newe l'eglise dez suer de la Maddellaine, là ou elle est à presant, car par avent soilloit estre ung petit
oraitoire éz muraille de la ville, en unne vielle tour qui est encor éz mur derrier leur maixon 156 ; et leur
fut donné ycelle tour à la guere dez .III. rois et l'ont tenus environ .LX. Ans, car par avent leur eglise
estoit là ou à present est Sainct Thiebault, à presant et Sainct Thiebault estoit hors la cité. Et en cest
anneez .IIII.XX et .XIX. ans leur fut donnee une viellez grange qui estoit à l'Opitalz à ceulx de l'Opitalz,
là ou à presant est leur cloistre. Et encor leur fut donné de grande aulmone et lez vielle maixo n
joindant, et firent fonder leur cuer là ou estoit leur gerdin. Et je, Philippe, vis raier ung groz pomier là ou
à presant est le grant aultéz, et plussieur aultre airbre là ou est le cuer. Et fut la premier pier de cest
edifice mise et essutte ^en l'an devant^ le jour sainct Gregoire, en ^.XIIe. jour de^ mairs l'an dessus dit,
^c'est assavoir en l'an dicte [-]^, et [-] lez dite suer ^furent^ ranfourmee l'an dessus dit. Puis en cest
plesente annee .IIII.XX et .XIX. fut ladite la dite eglise et cowant fait, et les comme dit est, et lesdite
156 « [Les religieuses] de la Madelaine, à Metz, étaient aussi appelée Sœurs pénitentes, comme il paraît par une
sentence de l'évêque Conrad Bayer de Boppart, rendue, l'an 1452, en faveur des chanoines de l'église collégiale de
Saint-Thibaut de la même ville, par laquelle ce prélat, pour satisfaire à un bref du pape Nicolas V, érigea le
monastère de Sainte-Madelaine de Metz des sœurs pénitentes, en une église collégiale sous le titre de la sainte
Vierge et de saint Thibaut, et la chapelle de Sainte-Elizabeth en un monastère de ces religieuses […] Cet acte est
rapporté par Murisse, évêque de Madaure, dans son Histoire des évêques de Metz. Il tire de là une conséquence que
ces religieuses de la Madelaine à qui le peuple a donné le nom de Madelonettes, étaient déjà établies à Metz, et dit
qu'il n'a pu prouver précisément le temps de leur établissement. Mais ces religieuses prétendent avoir été établies
plus de quatre cent cinquante ans auparavant, et font remonter leur origine à l'an 1005, ce qu'elles auraient sans
doute bien de la peine à prouver. Il se peut faire que cette chapelle dédiée à sainte Elizabeth, mère de saint JeanBaptiste dans son origine et où ces religieuses ont été transférées en 1452, ait été bâtie en 1005 ; mais le nom de
Sœurs pénitentes, qui leur est donné dans la sentence de l'évêque de Metz, les religieuses d'Huys du même ordre
(selon les mémoires qui m'ont été envoyés), et qui vinrent pour rétablir cette maison qui avait été abandonnée
pendant les guerres, et où il n'était resté qu'une sœur converse, les monastères de l'ordre de la Madelaine, qui sont
encore en Allemagne, et où les religieuses sont habillées de même qu'à Metz, me font croire que celles-ci […] sont
du même ordre que les religieuses de la Madelaine en Allemagne, et cette sentence rendue, l'an 1452, par l'évêque
Conrad, fait connaître qu'elles ne peuvent pas avoir tiré leur origine du monastère des Filles pénitentes à Paris, qui
ne furent établies que l'an 1492 […] l'ordre de la Madelaine suit les constitutions de l'ordre de Saint-Dominique : au
moins il y avait en Allemagne plusieurs monastères qui suivaient ces constitutions, ce qu'ont pu faire aussi les
Madelonettes de Metz. » (P. Helyot et V. Philippon de La Madelaine, Histoire complète et costumes des ordres
monastiques..., p.513-515).

116

suer+.
En ce tamps ce faisoient grant guere en +à païs de+ Xowiste, car le roy des Romains voulloit
avoit le païs comme cez soubjech, et comme il sont tenus à l'Ampire et ^il^ ne le voulloient en rien
congnoistre à seigneur ne servir, et à cest cause y avoit grant guere entre l'une partie et l'aultre. Et y
estoit ledit roy dez Romains ailléz en personne avec toutte sa puissance, et y eust plussieur escairmouche
et rancontre faicte entre l'une dez partie et l'aultre, dont grant occision c'y faisoit. Dieu par sa bonté y
mecte paix.
Aucy en ce tamps cy y_eust grant mortaillités à Mets et plus c'on avoit veu loing tamps devant,
car il y mourust de grant personnaige et toutte la fleur, c'est assavoir de jonne gens. Pairaillement me
recourde que durent cest mortaillitéz, moy estant en semaine de guerder à la pourte dez Allemans, par
ung merdi .XXIIIe. jour de juillet, jour de sainct Appolinaire evecque, le lundemain de la Maldelaine, je
estoient sus la muraille de la ville sus le tairt aprés souppéz, et à_cest heure là vis en l'air unne escumette
de feu grosse et longue en manier d'ung dragon qui durait esséz longuemant. Et la vire nt pluissieur
(193) comme moy tant à Mets que dehors, et powoit estre aucuns signe ou dez guere ou dez mortaillitéz
qui à l'eure rannoient.
Cest anneez cy fut assés fertille en tous bien, reservéz en fruit, et fut bien chaude jusque
la fin mais au mois d'owoust que. +Mais aleurs+ le tamps ce muaist tellement en pluie et en bruine
jusquet à la Tousaincts que lez vigne en furent forte retairdive, et en furent lez vins plus maure. Et en ce
tampts ce mouroit on au Mets et au païs de peste plus fort que devent, et durait celle mortallité jusque
en yver.
En cestuy tamps estoit le roy de France avec sa puissance menent guere en la duchet de Millan
de-puis que la guere fut faillie en Xowiste. Dieu il mecte paix. Amen.
En cestuy tamps aucy, en-tour la Tousainct l'an dessus dit, y_eust unne grant aventure avvenuez
à Paris, car le pon Nostre Damme de Paris, le-quel estoit biaulx ^pon^ et riche et bien poupullés de
maixon et de gens, tumbay tout à ung copt en la rivier, et y eust g rant dommaige tant en en gens comme
^l'edifice^ comme en biens ; et comme y avoit heu devent grant dommaige au joste au corronnement du
roi dez hort ou eschauffault qui churent, et y eust de grant personnaige tué à celle chutte. Aucy
paireillement avoit esté à Romme Castelz Sainct Ange brulé par fourtune de feu.
(194) En cest anneez, le .XIe. jour de fevrier, le jour dez nopcez la fille messire Fransoi le
Gournaix, fut fait ung tournois en chainge de .III. contre .III., c'est asavoir pour lez deffandans lez trois
filz dudit messire Fransois, Thiebault, Renault et Jehan, et lez .III. de dehors Michiel, le filz seigneur
Jehan Chaiverson, et lez deux filz seigneur Nicolle Dex, Phelippe et Collignon.
En cest anneez avoit Phelippe deliberé d'aller à Romme en l'en jubillé, l'en .V. C, et avoit cez chose
toutte preste, avec .VII. aultre compaignon et gens de bien ; et ce devoie partir le lundemain dez Bulle,

117

et avoie aucy belle ordonnance amsamble qu'il estoit poussible d'estre, tent de l'ailer que du venir. Mais
la guere que le roy de France menoit à +duc de+ Millan fut sy dure au pellerin que presque tous c'en
retournoie tant detruit et depouilliet, tent dez Fransoy que dez Lombairt.
Et fut en +y+-celle guere prins ledit duc de Millan, ^apellés le Mor^, lequelle estoit vaillent
homme, et fut delivré en la main du roy ^de France^ par lez Xouiste qui le prinrent en traixon, car
c'estoient les gens meisme dudit duc qui le livraire, et fut mené en France157.
En cestuy meisme ans, l'an .V. C, ce partit ledit Phelippe le lundemain de la Pantecouste pour ailler
^au^ Landi à Parei, et c'en aillirent par le chemin acoustumé cen trower, Dieu mercy, que bonne
nouvelle aillent et venent. Et encor lez trowait milleur au retour en sa maixon, car il trowist Zaibellin sa
femme acouchieez d'ung biaulx filz, lequel eust pour pairain maistre Aindrieu, le filz du president (195)
de Loraine, et eust le non, et pour l'aultre pairan messire Pairexat, curé de Sainct Mairtin, et pour
mairenne la femme Maithieu Bay ^le merchamps^. Et fut nés ledit Andrieu le jeudi aprés lez feste de
Pantecouste, le .XIe. jour de jung, le jour sainct Barnabé.
Le +Et le+ .XVIIIe. jour du moix de juillet aprés furent criéz les or et monnoie à prenre de pois
à Mets et ou païs à la manier qu'elle avoient esté en Flandre ung peu devent, et toutte or qui n'estoient
de pois, on les prenoit au change en raibaitent lez grains qu'il en failloit, et puis les couppoient lesdit
chaingeur. Et furent ordonnéz pour chaingeur trois, c'est assavoir Hanreque, apoiticaire, Jehan Faubelle
et Jaicque de Lion.
En ce tamps cy faillit ^aucunement en pertie, mais non pas de tout^, la [.] malladie c'on disoit la
grant gourre ou la malladie Job, la-quelle avoit duré l'espaice de .IIII. ou .V. ans, que pluissieurs gens en
avoient estéz entaichiéz, dont aulcuns en avoient prins mort. Et estoit unne malladie ahominable comme
laidre, et n'y avoit homme qui heust memor de l'avoir jaimais veu regner.
Cest anneez cy, qui fut le jubilé à Romme, fut fort chier au païs de Mets et encor plus en Loraine
et en Xouiste en toutte chose fort que le vin, qui estoit à bon merchief. Mais au_cause que lez Xouiste
n'avoie peu enhaivés leur blef lez anneez par devent, durent lez guere, il avoie sy chier tampts de blef
qu'il le venoient querir jusque à Mets.
Aucy toutte manier de fruit avoient faillis celle anneez cy pour lez vermine qui furent à sy grant
abondance par-tout qu'elle ne laissirent nulle verdure sus lez arbe. (196) Et sy moururent fort lez brebis
et n'y heust nulle port au bois, car il n'y avoit nul glan ; et aincy nous humes chier tamps de chair et de
laine et de toutte, reservés le vin.
Cestuy ans on abatis plussieurs gerdin par devant pourte Champenoize et par devent aulcune
aultre pourte, pourtant c'on murmuroit c'on y avoit voullus faire aulcune traison, comme on disoit.
Aucy paireillement en cestuy ans, environ depuis la Sainct Mertin jusque à Noé, il gellit sy
157 Le 10 avril 1500, Ludovic Sforza est trahi et livré au général de La Trémoille. Il est emmené en France pour y être
emprisonné, d'abord à Lyon, puis près de Bourges et enfin au château de Loches, où il meurt en 1508.

118

durement que merveille, et ung peu devent Noé il dejelait toutte à unne fois tent lez glaice que lez nege,
per_quoy toutte rivier furent merveilleuzement deriveez, et estoient sy hors de rive le jour Sainct
Thomas devent Noé ^cy hors de rive^ que la lairgeur de Muzelle duroit jusque déz lez Waisieulz, là ou
ce dechairge lez sapin, jusques158 au prés de Sainct Mertin ^devant Mets^ et tout parmey le préz Sainct
Soibe et en aultre lieu, de-puis la pourte du Pon Remon jusques au prés de Sainct Ailloy. Et ne veoit on
tout à_vault l'ile du Pon dé Mors que unne partie de la crus, et lez loups de dessus le Pon au Loups.
Paireillement +la riviere de+ Saille estoit sy fort deriveez que on ne povoit saillir +sortir+ ^dehors^ par la pourte à Maizelle, ny à piedz ne à chevault, car les maixon du bourg estoient toutte en
l'yaue jusque au ^la^ premier treveure. Et fyrent ces yaue cy grant dommaige parmy le monde car ^que
merveille, entre lesquel dommaige^ elle abaitirent ung pont de pier (197) c'on avoit fait à Sainct Miel,
qui estoit tout neuf et qui avoit moult cousté.
En cestuy meisme ans, à la fin de l'an, vinrent nouvelle sertaine que en Allemaigne, en-tour le
Rin, on fut fraippéz d'une mailladie nouvelle et assés estrange, car du ciel cheoient dez crois sus lez
personne en coilloire, l'une perxe, l'autre jalne ou rouge, et incontinent qu'il estoient fraippéz desdite
crois il mouroient tantost aprés. Et c'elle cheoient sus la roube, elle l'avoient tantost percés jusques à la
chair. Par_quoy on ordonnait à Mets poursaision generalle et tous lez dimanche devent le crucifix on
chantoit : "+O Crux gloriosa, etc.+".
Le .XVIe. jour de janvier aprés, l'en .V.C et .I., je fis le merchief de la maixon qui fut La Maignier,
joindant la mienne, et l'aichetis en la main de Baudat Blanchair l'amant et luy en donnis le denier à Dieu
à celle journees. Cest anneez cy, paireillement comme l'aultre de devent, je fus au Landis à Paris avec
grant compaigniez de Mets ; et, moy retourné, fis faire une alleez de la maixon deve nt en celle que
j'avoie nouvellement achetés.
Aucy le jubillé estoit cest anneez par toutte France et voulloit on dire que l'ergent, c'estoit pour
avoir gens d'airme pour ailler sus les infidelle. En cest meisme tempts sortirent unne grant compaignie de
gens hors du païs de Liege, lesquel estoient tous crusiéz pour aller sus les Turs et avoient unne chemize,
la-quelle estoit cheute du ciel, comme il (198) disoient, et avoit cheus la dite chemise toutte chairgeez de
petitte croix rouge dessus unne jonne fille du païs. Et pourtoient ^cez gens^ lestre de l'evaisque de
Liege, qui ^le-quelle^ prioit ^à tous seigneur^ c'on les laissait paisser.
En ce meisme tampts envoiait le roy de France grosse armeez ou reaulme de Neaples. En cestuy
meisme ans, l'en .V.C et ung, fut le blé et le vin assez chier, car il n'en n'y_eust point grosse anneez.
Paireillement comme l'en de devent fut Sabellin la femme de Phelippe grosse d'effans, et delivrait de son
fruit le .XXVIe. jour du moix d'auoust l'en dessus dit ; et fut unne fille, la-quelle eust non Margueritte aprés la mere Phelippe, et eust pour pairain Baudat Blanchair l'amant et pour mairaine Mairiette Daiton,
femme Jaicomin Daiton le pelletiet, et pour Diatte, femme Hanri Le Seruexiéz de derrier Sainct Jaicque.
158 Philippe écrit jusqus ; nous corrigeons.

119

En cestuy ans y_eust aulcuns mauvais guerxon allemans qui deffiairent la cité et firent du malz
biaulcopt, car il prinrent Jehan d'Aulnoult le merchant, et depuis prinrent maistre Glaude avec Geraird
Le Secretaire et avec .IIII. soudoier qui lez conduissoient en embaixaude devers le roy dez Romains.
Et la cause de cest guere fut pour unne arboullaitre que l'ung de ces Allemans d'icy +ycy+ disoit
avoir laissiéz en la maixon de Broiche à l'eure qu'il tuait le gentilz homme, le jour de Karesme prenent
l'en .IIII.XX et .XVIII., comme il est ycy devent escript. Et disoit ledit Allemans qu'il luy avoit laissiéz
pour reffaire, et quant on vandist lez biens dudit Broiche, on ne luy (199) voullut point redonner, jaisoit
ceu qu'il presantoit à faire sairmans que l'airbellaitre estoit sienne, dont il en fist depuis requeste à la
cité. Et, les requeste faictes, il courrust et print les prisonniet, comme vous oyés, lesquelle y furent
environ .IIII. moix ou plus ; puis on les reust à bien grant paine ^et coustait biaul-copt^.
Cest anneez cy, l'en .V.C et ung, ne fut pas tropt abondans en bien, car lez vigne prinrent malz ;
mais ce qui y vint fut fort bon. Et les blé, il en y_avoit assés, mais il fist g sy grant naige en yver que
merveille, et tellement que quant les naige fondirent, par les grant yaue qui en furent, elle gaitairent
biaulcopt de blé, tent és greniés comme és grainche ; par quoy le blé en fut plus chier de biaucopt, voir
le viéz qui estoit bon ce vandoit .XV. sous la quairte, mais du nowiaulx, qui avoit estés mouill... mouilliet,
on l'avoit pour .VIII. ou .IX. sous, car il santoie presque tout l'empiriés.
En cestuit meisme ans, le roy de Franse asoujectis et mit ^derechief^ en obeissance le roiaulme
de Naple, et fut à luy paisiblement.
L'an aprés, .V.C et deux, je fis faire la premier chamble sus ma waulte devent, sus la rue du cousté
devers la p...... on la Teste d'Or. Aprés ce fait, je m'en aillait au Landi à_Paris, tous ceul de drapiés, car il
n'en vint nulz de Mets avec moy ; et me partis le premier jour de jung.
En cest anneez n'y heust pas grant vineez, car la plus-part dez vigne avoie esté engelleez,
^comme dit est devant^, et furent assés chier et lez blef et les vins +bien chier, car on vandoit .XV. sous
la quairte+. Et ne fist oncque point d'iver de jelleez ne de nege cest enneez cy qu'il ne fust bien tairt,
(200) forque tousjour plovoir, car de-puis la Tousainc[t] jusquez j la mitte de fevriet ne fist que plue la
plus grant partie du tampts, tellement c'on ne peust rien faire en vigne +parmei un anz+.
Mais de-puis la mitte de fevriet jusques la mitte de mars fist unne sy grant froidure et unne sy
aipre jellees qu'il y_avoit loing tampts c'on ^n'en^ avoit veu la paireille, tent fut ou cuer d'iver. Et avec
cella cheut tent de neige sus terre c'on ne powoit ailler par voie [...] ^ne par^ chemin, et trowoit on lez
powre beste au champts, comme liewre et aultre, qui mouroie de fain et ce laissoie pranre au main.
Meismement on ne powoit paichier les aitain pour la Caresme ad_cause de grande glaice. Puis,
environ la mitte dudit moix de mars, lez glaice fondire et lé naige aucy, et y heust sy grande yaue que
merveille, car les rivier furent cy deriveez qu'il y_avoit ^et autant ou^ plus de .XII. ans qu'elle ne l'avoie
cy fort esté ^que l'an precedent^. Et avoit Muzelle de lairgeur de-puis lez Waissieulx jusques ou 159 préz
159 ou doublé dans le manuscrit.

120

Sainct Soibe et de haulteur jusques préz dez loulpz qui sont figuré sus le pon au Loulpz, à_moins estoit
l'airche toupeez. Et la rivier de Saille estoit encor plus grande à_l'avenent, car elle fist grant grant
donmaige à toutte lez maixon qui sont dessus, ou il y ait celliet ou owriéz en celliet, co mme tixerent,
tinturier, taneus ou aultre. Et ne savoie au-quelle coure le premier : ou à l'iaue du celliet, ou à celle qui
cheoit éz greniet, car tout le monde estoit empechiéz dez yaue qui cheoie éz greniet ad_cause dez neige.
(201) Aprés, l'en .V.C et trois, estoit la femme Phillippe ansainte d'enfant, et aincy qu'il plut à
Dieu, elle delivrait le .XXVIIe. jour de maye, environ minuit, et n'avoit point pourté son tairme, par_
quoy l'enfant mourust ; et estoit unne fille. Et avint la chose aincy soudaine, cen savoir la cause coment
ce avint, forque par la voullunté de Dieu.
Environ .XV. jour aprés, ce partist Phelippe pour ailler au Landi à Paris, luy et Jaicquemin le frere
sa femme, lequelle ailloit en voiaige à Sainct Mor dez Fossés et luy thint compaignie durant le Landi. Et
ce partirent de Mets le jour sainct Bairnabé, .XIe. jour de jung, et aillairent par Chaallon et par le chemin
acoustumé. Et partirent de Paris pour retourner à Mets le lundemain de la Sainct Jehan Baiptiste, le
.XXVe. jour dudit mois.
Mais il retournairent par ung aultre chemin, comme cy aprés orrés, c'est assavoir : de Paris à ung
villaige c'on dit à Borget, de là à Eve soubz Demp-mairtin, puis à Nentoille le Heydowin, item à Villecourt de Roy, à ^la cité de^ Soixoins, à Lan en Lalnois, à Nostre Damme de Liance, à ^la cité^ Rains, à
.III. Maixons, à Baconne, à Suppe la Longue, à Snin p Suppe, à Snin Tourbe, à Han en Champaigne, à la
Newe Ville à Pon, à Floran dedent les Bois, à Pairois, à Abreville, à Donbaille, à Verdun, à
Houdronmont, à Pinte-ville, à Paire en Weve, à Villesoulron, à Sainct Maixe, à Chaitelz Sainct Germains,
à Mets.
En cest anneez cy ce firent grant asambleez de gens en France pour ailler derechiéz ou reaulme
de Naple, car lez Espaignois y avoye fait du grant malz en tuant lez Fransois bien inumnainement et en
trayson, (202) comme on voulloit dire en France, et y_eust de grant personnaige mort, telz comme monseigneur de Nemours160 et d'aultre ; et on y_ranvoiait mon-seigneur de La Tremoille et d'aultre avec grant
compaignie.
Cest annees cy, l'en .V.C et trois, estoit de grant apairance pour venir des biens à voullunté, car
toutte chose estoient fort bien prinse, chacune chose en son endroy, tent en blé, en vin, comme en tous
fruit ; mais l'enneez fut sy trés fort chaude et y_eust cy trés +g rant+ saicheresse que la plus-part des
biens qui estoient de grande apairance retournirent en rien ; car161, comme dit est devent, il^ fut
quelque .XII. semaigne ^et plus^ sans plouvoire ne san roussees de_quoy la terre en fust de rien
trampees, mais faisoit continuellement chault, par_quoy toutte rivier ne sambloie que petit ruissiaulx, et
failloit que ceulx de Mets la plus-part aillaissent moure lez blef par les villaige.
160 Louis d'Armagnac, duc de Nemours, trouve effectivement la mort à la bataille de Cérignole (28 avril 1503).
161 car est suivi d'un premier il non barré par Philippe ; nous le supprimons.

121

Et aincy la grant secheresse qu'il fist engenrait unne grande d chierté de blef, car ce que on heust
heu pour trois ou quaitre sous la quairte, on la vandoit .XII. sous et plus, et l'avoine .VI. et .VII. sous, lez
pois .XVI. sous, lez fewe .XXX. sous et la nawees .XXII. sous ; et avec cella ne vailloie rien ne pois ne
fewe, car il ne voulloie cuire.
Mais le blef, ce qui estoit estoit le milleur c'on heust veu de .X. [.] ans et le mieulx revenant ;
mais il n'y avoit point d'estrains, car lez espis furent tent courte qu'il les failloit raier au champ ^mains^
en biaulcopt de lieu. Et n'y heust comme ung foing ne glans au bois, ne lin ne chanve, ne toutte telle
chose, par_quoy que tout fut chier, c'est assavoir blef, avoigne, toutte chair, porcque et aultre, pois,
fewe, huille, (203) masowaige, laine, draps, lait, fourmaige, et tout ce qui vint de la doulceur de la terre,
forcque le vin et lez tanre fruit, car les vigne resistairent bien contre la chailleur et fust cest anneez cy la
plus abondante et la milleur en vin qui fust point en .XXX. ans devant, car on heust des vins tent c'on
ne les savoit on mectre, et avec ce estoit bon.
Et ne fust pas cecy que je dis, tent seullement de_l'abondance de vin comme de la chierté de
toutte aultre chose, en ung païs, mais fut generallement par tout les païs dessay les mons, ce ce ne fust
en aulcuns malvais et froy païs, comme en Airdaine qu'il eurent des blef essés, car les froide terre le
gaignairent et ne furent point brulleez du soilleil.
En ce meisme estés cy, l'en entreprint de reffaire lez fondemant de la pourte dez Allemans, car
deux en ^ans^ devent, c'est assavoir l'en .V. C et ung, fust dist au seigneur que le billevair estoit en grant
dangier de cheoir, car l'yaue avoit tout miné dessoubz et c'estoit nourie ung grant fossé devent l'airche
du pont, mairveilleuzement parfonde, et estoit mairveille que tout ne cheoit dedent ; et tout ce venoit
ad_cause de deux portier c'on n'y avoit fait pour retenir l'yaue. Mais quant la rivier estoit grande, elle ne
powoie delivréz esséz yaue, par_quoy venoit ce domaige, et venoit tropt d'yaue par la cité qui faisoit
grant domaige ; et meismement en l'en aprés, l'en .V.C et deux, comme vous avés162 oÿ. Mais ledit ans, l'en
.V.C et deux, on y owrait tout l'esté durent, tent au faire dez tranchiees pour retenir lesdite yaue comme
pour emplir la dite fosse de pier et de mortiet, qui coustait moult à avent qu'il fut fait, et quant l'yaue fut
wuidiéz de la dite (204) fosse, il chust ung pan de mur des fondemans des grosse tour, et faillust laissier
l'ewre pour retenir lesdite tour.
Puis, ce fait, on emplist la dite fosse comme je +j'ay+ dit et enmurait on dedent dede grant pault
farréz, et de dessus au travers on y enmurait de grosse piece de mairiens, et que tout ce fermoit à grosse
clef de boix audit pault par air de chairpanterie. Puis, dessus, on clowait de grosse planche de channe à
grosse broiche de fer, et fut planchiéz ung grant quartiet du foussé, souverainement ou soulloit estre la
fousse, affin que ^lez pier et^ le mortiet de dessoubz heust espaisse d'esxuer et de ce pranre en l'yaue.
Et coustait cest owraige moult ^grant somme^, mais quant l'iver vint et les yaue furent grande,
elle emflairent ^le bois ce amflait^ le bois ^ce amflait^ et ce crevait l'owraige, tellemant que par la
162 Philippe écrit avec ; nous corrigeons.

122

fource dez grande yaue qui venoit par les deux petitte pourtier, elle crevait tout et enmenait et bois et
fer et pier et tout tent c'on y_avoit fait ^l'esté devent^, et n'y demourait rien. Et boutist hors de la fosse
bien loing les grosse pier plus pesante de deux deux cowe de vin, et fut la dite fosse encor pire que l'en
devant, et n'y paurust rien comme s'on n'y heust jamais owré.
Et pour_ce, l'esté aprés, c'est assavoir, comme je dist devent, l'en .V.C et trois, en l'esté presant on
racomansait à owrer és dit foussé plus fort que jamais, et y fust on tout l'esté durent à plus d'owriéz que
l'en devent. Et owrait on d'aultre manier, car on rompist lesdite dite portier et acurait on les foussés
affin que l'yaue heust mieulx son courxe. Et emplirent la dite fosse de grant fource de mourtiet et de
pier, puis, ce fait, par dessus le paivairent de grosse pier de taillez encranponnéz de fer en ploing, en lieu
du boix (205) de l'en devent, tent que c'est unne merveilleuse chose d'avoir veu lez blanche pier, le fer
et le ploing qui y est entré, et ne pouroit on à_paine croire ceu qu'il ait cousté.
Meisment en ces ^deux^ ans ycy ce aconmensoit le billowair de pourte Champenoize, qui est
ung gros owraige, comme on peust voir. Mais il fust fort detourbé pour la dite pourte +et fousse+ dez
Allemains. Aucy fust faicte visitacion sus les muraille en cestuy ans ycy, et n'y heust guere mestiet que
par comendemens de justice ne faisicent faire quelque chose en leur tour, ^tent en arteillerie qu'en aultre
cho[se]^.
Aucy en cestuy ans, messeigneur de chaipitre de la grande eglise mairchandirent de faire le cuer
de la grande chappelle Sainct Nicollay en la dite grande esglise paireille à celluy du grant vicaire ; et l'acomansait on à abaitre ou dist ans. Dieu leur doinct glaice de le bien achevir.
Pairellement ou dist esté fut l'ampairaur tout au-prés de Mets à .III. ou .IIII. liewe, et estoient
toutte chose preste ^en Mets^ pour son recueille, mais il n'y entrait point et paissait oultre, et aillait en
Xouiste. Unne partie de ces gens loigairent à Mets.
Ou dist ans on fist de grant raichet à Mets, tent generalz que particulier, car le roy de Cecille163
raichetait ce que messigneurs de la cité avoie chacun ans sus le Pon à Mouson ; paireillement
raichetairent ceulx de Verdun ce de_quoy il estoie chacun_an tenus à la cité de Mets. Aucy reverand pere
en Dieu l'esvecque de Mets raichetait les terre qui estoient en gaige à la cité comme Ais, Aincy, Chaitelz,
Sciey et les aultre, et encor plussieurs aultre [.] raichet fut fait pour ledit ans.
En ce meisme ans, environ la Sainct Remey, (206) fut trepaissé de ce monde en l'aultre nostre
sainct pere le pape Aillixandre, que Dieu absolve ; et fut elleu en son lieu reverand pere en Dieu Pius
Tercius, lequelle estoit homme de gran prudence et elleus sainctemans, comme on disoit ; mais il ne fut
que .XII. jour pape qu'il mourut, et fut elleus en son lieu Jullius Secondus.
En cestuy tamps avint que à_Metz vint demourer unne jonne fille allemande, et fut demourent à
163 Philippe nomme le duc de Lorraine René II « roi de Sicile » car, bien qu'il n'en soit rien dans les faits, ce dernier
hérite des prétentions angevines sur le royaume de Naples par sa mère Yolande d'Anjou, fille de René Ier d'Anjou, roi
de Naples.

123

Poursaillis cheus Clement, filz Jehan d'Oultre d'Outre-Saille et janre à la Grant Bairbe le merchamptz ;
la-quelle fille estoit grosse ^du fait^ d'ung prebtre d'Allemaigne quant elle vint à Mets. Mais elle ce sceut
cy bien celler que personne n'en savoit rien, meisme s au propre prebtre n'en avoit jamaix rien voullu
taimoignier, comme elle confessist de-puis ; mais ce cuidoit tousjour celler.
Et avint quel le jour vint qu'elle deust acouchiéz, et fut en ce meisme ans cy ^l'an dessus dit^, le
lundemain de la Sainct Mairtin d'iver, ^qu'elle acouchait^ bien matin devent le jour. Et quant elle eust
fait son fait, elle mist l'enfans en la ruelle de ^son^ lit, comme elle dist, puis c'en aillait en la chambre
son maistre comme pour faire du feu, et puis en l'estat ou elle estoit retournaist en sa chambre et trowist
que l'enfant n'avoit point de vie, comme elle disoit. Et pour_ce elle le print et le ruait en leur puis.
Et avint deux jour aprés, comme il plust à Dieu, que par fortune tumbist ung pollet de la maixon
on dit puis, et ^on voulloit tuer ung pollet pour le soupper, mais par fortune il eschapait et cheut^ ^on^
voulloit en tuer ledit ^ung^ pollet pour le souppéz, mais ^par fortune^ il achaipait et c'en-fuit tent qu'il
cheut audit puis. Et pour (207) le ravoir, ledit Clement, maistre de l'ostelz, prins unne courbille ou
chairpaigne et peschoit ledit poullet, mais la premier chose qu'il ramenait, ce fut ledit enffant, lequel
estoit aucy bien fait et aucy bien fourmés c'on en en peust point trower, comme tesmoigne ceulx qui le
virent. Et incontinent qu'il le vit, il decellait la chose aux seigneurs ^de justice^.
Cy fut la fille prinse incontinent et mise en prison, et confessait son fait en telle manier que pour
son saillaire, elle en fut brulleez au Pon dez Mors ; et en fut la justice acomplie justeme nt à bout de son
moix, à sa releveez, le samedi lundemain de la Conception. Et souffrit biaucopt par la faulte du
bouriaulx, car elle eust lez piedz et lez jambe toutte airxe jusque aux os avent qu'elle fut grai.. +comme
rien+ brulleez aux visaige ne aux bras, dont ledit bouriaulx en perdist sa prebande ung moix, car il
cuidoit apairgnier le boix, tellemant que la powre fille, +qui n'estoit pas bien loieez+, monstroit toutte
sa powreté. Dieu luy pardoint.
En celle nuit enxuant y_eust ung cruel feu en Franconrue, car à ungne maixon et granche qui
apartenoit à seigneur Fransoy le Gronaix y_avoit ung moitriet qui devoit avoir lez baiteus pour baitre son
blef. L'ung vint de bon maitin, comme à .II. heure aprés minuit, alumait sa chandoille et la bouttait en
ung baitton fandus et fichait ledit baiton ou touxe de blé, et c'en aillait huchiéz son compaignon.
Et ce tampts pandant, sa chandoille tumbist oudit blé et s'alumist toutte la granche et la maixon,
dont ce fut grant domaige, car il y avoit moult de (208) blef164 ; et ne vit on de loing tempts devant cy
grant feu en Mets, ne on il y_eust plus de bien perdus.
Et quant il fut tout estains, au_moins c'on cuidoit qu'il n'y eust plus de dangier pour lez aultre
maixon entour, deux ou trois jour aprés il ce ralumoit à plin et y faillus recourre par .III. fois pour ung
jour, car là aprés y avoit dez maixon là ou il avoit grant dangier pour le boix qui estoit ; mais en la dite
granche et maixon n'y demourait rien que tout ne fut brullé.
164 Philippe écrit bref ; nous corrigeons.

124

Ung peu aprés fut acuzé Jehan Mangin, le filz Mangin le tailleur, lequelle avoit fait mairveille en
son tampts, car ce fut ung second Fransoy Willon de bien rimer, de bien juer fairxe et de tout
embaitement, tellement c'on ne cuide point avoir veu son paireille en Mets ; et le mairiait son perre
richemant à la fille maistre Hannes de Ranconvauld, qui le maisson, qui fist le grand clochei de Meutte
de la grande eglise ^de Mets^.
Mais ledit Jehan Mangin ce gouvernait tellemant qu'il fist powre son perre et luy meisme, et fist
de sy grant follie qu'il fust raicheté .III. ou .IIII. fois de grant dangier, comme d'estre pandus ou d'aultre.
Et n'y avoit precque enneez qu'il ne fust .II. ou trois fois en prison en l'ostelz de la ville, mais son bien
faire et son bien dire le faisoit tousjour achapper, et qui vouroit acripre sa vie, ce ceroit une Bible ;
pour_ce m'en tais à_presant et vous dirés seullement la cause de son ailliéz et baignissement.
Il est vray que nouvellement avoit esté en la maixon de la ville pour aulcune cause que je laisse ;
cy fut remis hors (209) à_la_requeste dez jonne seigneurs. Mais ung peu aprés, il enfoursait unne jonne
fille en l'eaige de .XII. ans et la mist [.] en ung piteulx point, et aincy c'on le cuidaist pranre, il c'en-fuist
au Cairme. Et furent fait lez huchement sus lui cellon la coustume de Mets pour ce venir escusés, mais il
ne c'y avoit guere de trower.
Il eust peur c'on ne l'aillait pranre aux Cairme, comme il estoit conclus ; cy c'en-fuit par ung
mattin en abist de femme avec dez drappiaulx sus sa teste, faignant ailler lez lavéz en Muzaille, et c'en
aillait par le Pon Tieffroy. Nonostant c'on avoit mis gairde par toutte lez pourte, cy trowist il la manier
d'eschaiper par la manier dessus dite, dont lez pourtiéz en furent en malz eurs ; et c'il eust esté tenus à
celle fois, on en eust fait cruelz justice. Et pour_ce il fust baignis et fourjugiéz déz adonc à tousjo ur
maix. ^Il mourut ledit ans à Rome, à l'ospitaul du Sainct du Esperit^.
Ung peu aprés, ou mois de maye en enxuant, en l'en .V. C et .IIII., fut unne jonne fille servante à
Lorei devent Mets qui gectait unne jonne fillette en l'eage de .V. ans dedent ung puis ; et fut nees noieez
ledit anffans, et estoit fille à maistre de la dite guairxe ; et lui ruait de grosse pier sus la teste, dont elle en
fut brulleez au dessus de Lorei. Et n'avoit point plus de .XIX. ans, dont je, Philippe de Vignuelle, la vis,
que mon oncle Collignon de Chaitelz en estoit acquesteur de son procés. Et voulloit on dire qu'elle
avoit fait de plus grant chose ^en Allemaigne^ que ce n'estoit ; Dieu lui pardoinct.
En ce meisme ans, l'en .V. C et quaitre, (210) fus Zabellin la feme Phelippe grosse d'enfans, et
pourtait son tairme tent qu'il plus à Dieu qu'elle delivrait d'ung filz le jour de saincte Petronelle, qui fut
le vandredi bien tairt et le dernier jour du moix de maye. Et le samedi premier jour de jung, le jour sainct
Nicomedis mairtir, fut baptisé ledit anffans et eust à_non Fransoy, et heust pour pairain seigneur
Dimanche, curé de Sainct Estienne, et le petit Lowiat l'acripvain, et pour mairaine Jehanne, la femme [-]
[-] Collignon de Chaitelz de Lorey. Mais comme il plut à_Dieu, il ne vecquit que environ deux moix et
mourut le .XXIXe165. jour du moix de jullet, le jour Sainct Luxi.
165 Philippe écrit simplement .XXIX. jour.

125

Cest ennees cy, l'en .V.C et quaitre, fut merveilleuzement de grant chailleurs à son
acomancement, et comme j'ay dist de l'en devent des grant seicheresse qui furent, encor ne fu fusse rien
au regairt de cest, et taimoignoient les gens anciens de n'avoir jamais veu ^en ce païs ycy^ le paireille
tempts de chailleurs ^en ce païs ycy^, car à son acomancement il estoit de aussy belle apairance, et tout
les biens et les semance aucy bien levéz c'on 166 les avoit veu de loing tampts jusque à_l'a-comancement
d'avrilz.
Mais de-puis ledit premier jour d'avril jusques .XV. jour dedent jung ne cheut goutte d'eaue, fort
que tousjour faire la plus merveilleuze chailleur de jamais. Et estoit la terre cy deffandue par-tout et lez
hairbe et herbes cy brullé par-tout que c'estoit pitiet à veoir. Et faisoit on plussieurs (211) porcession,
tent generaille que particulier, car il n'y avoit rien qui ne ce pourtait malz, forque lez vigne, lesquelle
estoie tant belle que merveille, et cellon ce que l'en devant avoie heu peu mairien, elle en avoie tent plus,
et dez raizin à voullunté.
Mais les maisuaige, c'est assavoir pois, fewe et toutte aultre chose, tout estoit gaisté, et encor ce
qui eschaipoit de la chailleur, comme serize, oignon et lez novelle feve, meisme les preune, tout estoit
plain de verse ^et de vermine^, meismement les serise qui estoient encor blanche et qui encor n'estoient
point meure, +cy y_avoit il dez verxe+. Et encor avec ce peu de foin qui estoit éz prés, il y_eust tant de
sauterelle qu'elle rongeire causy tout et n'y demourait guere de verdure par-tout.
En cestui ans, le .XXIIIe. jour d'ouuost, fist environ minuit ung petit tramblement de terre,
comme plussieur oÿrent ; mais, Dieu mercy, ne fist aultre malz. Touteffois, cest anneez fust fort
pestilencieuze de fievre, et cy heust grant guerre en Aillemaigne entre le roi des Romains, le duc
Aillixandre et plussieurs conte d'Allemaigne ailliés ensamble pour ce fait cy d'une_part, et le co
Paillecegreve, c'on_dit le conte Paillantin167, avec ces aidans, d'aultre_part, jaisoit ce que le roy des
Romains faignoit de ne c'en meller point, mais laissoit faire au conte. Touteffois, la Dieu mercy, la paix
en fut faicte entour la Sainct Remey.
Cest enneez cy fust fort chier en toutte chose, reservé le vin qui fut à grant vilté, car l'en avoit
de deux wuidange ou tonniaulx vint (212) ung chairalz de vin, mais le blef à .XIII. ou .XIIII. sous la
quairte, et l'avenne à .VII. ou .VIII. sous, lez fewe à .III. frant la quairte et lez pois .II. frant, unne petitte
chaireez de fois foins .V. ou .VI. frant ; et toutte aultre chose chier à_l'avenent, lait et formaige, euf,
aulx, oignon, meisme les laine et drapts.
Mais à la fin elle ^l'anneez^ fust fort belle, et y_eust du revaicin en prés et fauchait on deux fois,
qui fist fist grant bien aulx beste. Et fist cest anneez cy la plus belle vandenge que jaimais on vit et le
plus biaulx voiaigier jusquez à la Sainct Mertin qu'il ne plust point ; aucy on ne veoit que pellerin sus les
champts, et fist bon laibourer et enhaivéz.
166 on doublé dans le manuscrit.
167 Philippe Ier l'Ingénu, comte palatin du Rhin (1448-1476-1508).

126

En cest enneez avint unne avanture assés estrange d'ung homme qui, par fortune, ce tuait ; et ne
vit on, se croyié, jamais homme mourir de mort paireille ne ce tuer en la manier qu'il ce tuait ; pour_ce
la veult je mectre ycy. ^Or avint que^ ung maicredi .IX e. jour d'octobre, le lundemain des nopce ^Jehan
Blanchair^, le filz Baudat Blanchair l'aman, avint que ung compaignon bouchiéz, lequelle estoit mairiéz
et demouroit en Viéz Boucheriez et ce nommoit Hanri Daunoult, l'ung des fort homme de Mets et l'ung
des puissant, mais non pas hault de corps, ycellui Hanri Daulnoult dansoit en la newe saille au
lundemain desdite nopce, car il avoit servis au dite nopce, et dansoit avec les aultre se ^une^ dance
c'on_dit le grant turdion, car il estoit joieulx homme ^d'esperit^.
Et aincy qu'il voulloit remener sa baicelle, il fist le cul tumerel en ce (213) tenant au main, +c'est
assavoir qu'il tenoit+ l'une jambe devent l'aultre, ^et en ploiant cell[e] jambe et la tenant cen laichier
faissoit le cul tumerel, qui est esséz ung fort to[ur à] faire^, comme bien le savoit faire.
Mais en ce faisant, il avoit deux coutiaulz ^de bouchiéz c'on_dit rousse^ en unne gaigne sus son
cul, qui saillirent hors de la gueigne et, en cheant qu'il firent, l'ung desdit coustiaulx ce draissait et tint le
manche contre le pavés, tellement que en faisant le cul tumerel, comme j'ay dit, luy entrait ^ledit
coustiaulx^ tout dedent le corps par entre le pourpoint et lez chausse, par telle +force et+ manier que à
paine veoit on ledit coustiaulx.
Et quant il santist qu'il s'avoit fait malz, non cuidant que ce fut ce qu'estoit, il remenait la fille
qu'il tenoit en son lieu avec les aultre, et revint en la ^dite^ plaice pour serchier ces coustiaulx qui avoit
santus cheoir. Et quant il n'en trovait que l'ung, il fut bien embaïs, et en ce redressant il santist emprime
le copt ^qu'il avoit^ et demandait incontinant confession.
Mais [..] ^Cy^ cuidoie tous qu'il ^ce^ mocquaist, mais on le vit tantost changiéz et le menait on
au quairtaulz chieus ung aultre bouchey, et fut confesséz avant c'on tirait ledit coustiaulx. Mais quant ce
vint à le tirer, il y_eust deux maistre berbiett qui le tiroie avec des trecoize et n'en p...... savoie venir à
bout de l'avoir, car à_paine le veoit on de-hors du corps, et estoit de ces lairge coustiaulx de_quoy qu'il
escourche lez beste, ^c'on apelle rousse^. Et quant il fut dehors, il le trouvairent tout ploiéz, car il estoit
fraippéz ^en la hanche^ en unne os, et au de-bout de trois jour aprés ledit Hanri en mourut. Dieu ait
son airme, car il estoit bon compaignon.
(214) En cest enneez ycy y_vint à_Mets biaulcopt de joieulx de plussieurs embaitement,
desquelle on +n'+en avoit ^encor^ pas granment veu faisant telz chose, entre lesquelle vint
d'acomencement ung compaignon de Miaulx en Brie, qui dansoit par sus unne corde en la court de
Viller, et y dansoit la mou^r^sisque et toutte manier de dance, les raisoir soubz ces piedz ou des
escieulz, ou les fer au piedz et les yeulz bandé, ou tout airmé, et plussieurs aultre chose faisoit.
Et incontinent qu'il c'en fut en aillé, y vint ung aultre qui estoit picairt, lequelle fist de plus
grande chose cen nulz compaireson que le premier, car il faisoit tout ce que le premier faisoit et

127

davantaige juoit sus unne petitte corde laiche avec des sercle, et faisoit merveille. Et fist encor plus gran
chose, car il ataichait unne corde au fenestre de la tour du relouge du grant moustiet, c'est assavoir à
plus prés de la cloche dudit relouge, et l'aultre bout de la courde venoit en terre ataichiéz à ung paulz
bien prés du_bout de Fournerue. Puis c'en ailloit ledit compaignon emprés du relouge et déz là hault ce
laissoit coulléz au loing de la courde, la teste devent, la courde au loing du vandre, cen ce tenir rien,168
car il en-lairgeoit les brais et les jambe comme +c'il+ voussist vouller, et le fist plussieurs fois. Et c'en
venoit de cy grande redeur au_loing de celle corde qu'il cembloit que ce fut la foudre et estoit grande
hideur à_le voir venir ; puis cheoit sus ung monciaulx de robe qui faisoit mestre desoubz, mais il [-]
estoit incontinent sus ces piedz.
Durant qu'il faisoit (215) ces embaitement ycy comme vous oyés et avent qu'il c'en fut en aillé,
vint encor à Mets ung aultre maistre jueulx de souplesse et par dessus la corde, tant la grosse comme la
petitte laiche, lequelle maistre amenait ^avec lui^ ung petit filz qu'il avoit, qui faisoit ^estoit ung trés
biaulz filz et aucy bien acoustréz, et faisoit aucy^ merveille de bien jués. Et estoit ledit maistre de la cité
de Lucque en Ytailie et ce disoit maistre par sus tout les aultre maistre, comme bien le monstrait,
^aincy^ comme vous oïrés.
Et lui venus +à Mets pour la premier fois+, il fist juer son petit filz par dessus la courde de ^et
faire^ tout ce que les aultre avoie juees, c'est assavoir toutte manier de dance, aucy bien ou mieulx c'on
ne sairoit faire en plaine tere ; lez raisoir, lez pantoufle au pied, lez escieus ^ou pellotez^, lez fer et les
yeulx bandé, et de fait y_courir, y saulter, y_faire le fourcheu paire, ce pande la teste embaix par lez
pointe dez piedz, par lez taillon, par lez genoulx, ce relever, mestre le contrepois derrier son dos, le
laichiéz, et recuillir en ce retournent sus la dite courde, y_ailler cen contrepois et juer de l'espee au
bouclier, puis fist availler ledit gairxon au loing de la courde comme l'aultre, c'est assavoir de la tour du
relouge et du paillais.
Mais quant le ^devent dit^ Picair, qui encor estoit à Mets, vit ceu qu'il faisoit et qu'il avoit le pris,
il +ce aillait armer et+ ce laissait ailler de la dite tour du relouge emprés tout airmé, dont se fut unne
grande hairdiesse à lui ^et le plus outraigeu[x] fait que je vis oncque faire^. Puis aprés, quant le pere de
^cellui^ petit ^gair^ vit cellay, il voullus juer +à_prime luy meisme juer+, car encor n'avoit il point juéz
jusque à cest heure, et juoie comme par envie le Picairt et lui.
Mais quant ledit maistre ^itailliens ytalliens^ vint à juer, il paissoit tout les aultre (216) de bien
juer et faisoit chose incredible +et non+ à_croire à gens qui ne l'airoie veu, tent sus la petitte corde
laiche comme sus la grosse. Et n'y ait homme qui sceust raiconter les tour qu'il faisoit sus la dite petitte
corde, et sambloit qu'il ne touchait ny à_ciel ny à terre de legiereté qui estoit en lui. Et estoit ledit
168 rien est précédé d'un à qui n'est pas barré et que l'on peut conserver si l'on choisit la seconde version de la phrase
donnée par Philippe dans l'interligne, sans barrer la première : ...cen ce tenir à rien ^main ny à rien, et tenoit cez
main et cez bas bras en crus comme c'il voulloit^...

128

maistre cy bien acoustré qu'il n'y_ait seigneurs en Mets qui eust de plus belle roube qu'il avoit, et estoit
maistre jueulx d'espees, ^de la haiche d'airme, de la courte daigue^, de toutte airmes et du bouclier 169.
Brif, c'estoit chose de l'aultre monde de ce qu'il faisoit.
Ce tampts pandent qu'il estoient encor à Mets, vinrent .VI. Hongre qui tous .VI juoie de la
trompette, que biaulx les faisoit oïr, et encor d'aultre instrument à_la moude de leur païs ; entre lesquelle
en y avoit ung qui faisoit merveille de souplesse de corps per terre. Et avoie ledit Hongre deux grant
horxe qu'il faisoie dancer avec dez atours en leur teste, et avoie lesdit ourxe des instrument qu'il
sambloit qu'il juesse tout en densant.
Et furent touttes ces chose faictes en celluy ans, l'en .V. C et .IIII., ou tampts de la vandange ou
ung peu d aprés, auquel tampz il faisoit cy biaulx, et comme j'ay dit devent, et durait jusques à Noé.
Et en_ensuiant l'esté qui avoit esté seiche et chault, les rivier estoient cy courte que on ne
powoit moure à mollin par faulte d'yaue, souverainement entour la Toussaincts. Puis, quant vint aprés
jusques à_la Chandellour, toutte chose acomensairent à croistre plus (217) fort qu'elle n'avoie fait en
esté, par le doubz tampts qui estoit a l'eure -^doncque^, car tout ce qui n'avoit point creu en esté par les
grant chailleur qu'il faisoit ce boutait hors de terre en yver, par le doulx tampz qu'il fist, et avoit on
milleur merchiés d'aulx, d'ougnon, de naviaulx, jouttes et persin et tout masuaige que en esté.
Meimement le foin et les herbe ce prinre à croittre, et trouvoit on comunement entour Noé les
abesson freche et en vandoit on devent le moustiet la vigille de Noé et parmey les feste. Aucy trowoit
on la fleur du serixiet, les armenie, la fleur du soille, la fleur de fewe, dez viollette de Caresme, des
flamette et des rouze, non point en ung lieu mais en plussieurs, et precque tout l'iver durant.
Et ne jellait oncque tout celluy yver, sinon ung bien petit le jour de la Tousaincts et le jour des
Rois, et n'eust celle jellee point pourté unne gelline ; et environ la fin de janvier tombait bien plain ung
chapialz de naige, car de devent on n'en avoit oncque veu pour l'ennees, et n'en vint plus jusque le jour
sainct Vincent Vincent et le jour sainct Poulz, au-quelle jour il fist merveilleuze jellees.
En celle anneez, le jour de la Chandellour fut le gray dimanche et le jour de l'A-nonciatte nostre
Damme fut la .IIe. feste de Paicque ; entre la pourcession de la Sainct Mairque et les Rogacion n'y eust
que deux jour. Paireillement la Sainct Benoy fut le grant vanredi et on ne fist le maistre eschevin de Mets
que à grant (218) samedi, et comansait on à sonner Meutte quant les cloiche comansaire à grant
moustiet, aprés c'on eust benis les fons. Et ^ledit ans mil .V.C et .V.^, le jour de la Sainct Jaicque et Sainct
Phillippe, qui est le premier jour de maye, en cest ^dite^ annees l'an .V.C et .V. fut +eschut+ le jour de
l'Encencion, ^le-quelle jour ce fait la^ feste à sainct Soibe devent Mets et à sainct Jullien.
En cestuy moix de maye l'an dessus dit fut tenus unne merveilleuze journeez à Collougne sus le
Rin, esseigneez de part l'ampaireur roy des Romains, et c'y trouvairent les prince eschevaicque et
avecque, les seigneurs et embaixaide et lez comis des cité, comme cy aprés c'ensuient. Et premierement
169 Philippe écrit bouclir ; nous corrigeons.

129

le roy dez Rommains y fut en parsonne ;
les prince eliseur :
premier mon-seigneur de Collougne et170 airchevaicque, prince eliseur171,
mon-seigneur de Triewe, prince eliseur172,
mon-seigneur le conte pallantin l'annel, prince eliseur173,
le duc Ferry de Zaisse, prince eliseur,
Joachim, mairquis de Brandebourg, prince eliseur ;
les evesque dudit Sainct Empire :
premier l'evecque de Witzbugon174 Arbipelensis175,
l'evesque de Renistz,
l'esvesque de Wormez176,
l'esvesque de Baneberg,
l'esvesque de Spier177,
l'evesque Meydburgt,
l'evesque de Tris,
l'evesque de Munesteyr178,
et encor plussieur aultre avesques ;
(219) aultre prince subget audit Sainct Empire :
premier le Lanser-graive Wellemme de Hessen avec .IIII.C179 cheval,
Hanry, duc de Bruneswich et de Lynenbourg le jonne180,
Errich, duc de Bruneswich,
Phelippe, duc de Bruneswich,
Johannes, duc de_Zaisse, frere à_l'eliseur,
George, duc de_Zaisse,
Louis, conte pallantin, duc en Bavier,
170 Philippe écrit es ; nous corrigeons.
171 Hermann de Hesse, dit le Pacifique, archevêque et Prince-Electeur de Cologne (1450-1480-1508).
172 Jacques de Bade, archevêque et Prince-Electeur de Trèves de 1503 à 1511.
173 Cf. supra.
174 Lorenz von Bibra, duc de Franconie et prince-évêque de Wurtzbourg (1459-1495-1519).
175 Arbipelensis : Herbipolis, nom latin de la ville de Wurtzbourg.
176 Reinhard II von Rippur, évêque de Worms de 1503 à 1523.
177 Philipp Ier von Rosenberg, évêque de Spire de 1504 à 1513.
178 Conrad II de Rietberg, évêque de Münster de 1497 à 1508.
179 cent est répété en toutes lettres ; nous le supprimons.
180 Henri II le Jeune n'est en fait duc qu'à la mort de son père Henri, également présent, en 1514.

130

Ferrey, conte pallantin, duc en Bavier,
George, conte pallantin, duc en Bavier,
Hanrey, conte pallantin, duc en Bavier,
le mairquis Fridrich de Brandebourg,
le duc de Juillet181, le duc Aillix
le duc Aillixandre, duc en Bavier,
le duc Wirtenberch182,
Albercht, duc de Mechelburch,
Hanry, duc de Lynenbourg,
Hanry, duc de Mechelbourch;
les ville dudit Sainct Empire estant ausdite journees :
premier Mets, Spier, Lamb^a^ch,
Troich, Utrich, Ach, Collougne,
Straubourg, Ausbourg, Lubich,
Noremberch, Franquefort, Wormez,
et Desselignen en Xouwaube ;
les ambaissaideur183 :
(220) premier l'ambaixaide du pape,
l'ambaissaideur du roy de France,
l'ambaissaide du roy de Napples184,
l'ambaissaideur de Venixe,
l'ambaissaide de la Boutte185 en Xowaube,
l'ambaissaudeur du roy d'Espaigne186,
l'ambaissaudeur du roy d'Angletere187,
l'ambaissaide du duc Albert de Minichen, duc en Bavier ;
et plussieur conte, bairons et aultre grant seignours.
181 Guillaume VIII de Juliers-Berg, duc de Berg et de Juliers et comte de Ravensberg (1455-1475-1511).
182 Ulrich VI de Wurtemberg, duc de Wurtemberg et comte de Montbéliard (1487-1498-1550).
183 Répétition avec une graphie différente page 220 : les embaixaideur ; nous la supprimons.
184 Ferdinand II d'Aragon, qui a réunifié le royaume des Deux-Siciles en conquérant Naples sur son cousin Frédéric en
1504.
185 Sans doute une fédération (allemand Bund) de villes.
186 Philippe Ier de Habsbourg dit le Beau, fils de l'empereur Maximilien et roi consort de Castille et de Leon en 1506
(1478-1506).
187 Henri VII Tudor, roi d'Angleterre (1457-1485-1509).

131

L'esté de celle dite enneez fut moult biaulx et moult bien dispoussés en son comancemant,
sowerainemant le maye fut tent biaulx et tent doulx que merveille, tellemant que toute chose crurent cy
bien que de .XL. ans devant on n'avoit veu les blef ne 188 avaigne ne toutte aultre semance en cy belle
esperance qu'elle estoie, et pairaillemant les vigne ; et disoit on que on aroit la quairte de vin pour unne
engevigne.
Mais aincy qu'il plut à Dieu, tout fut bien retourné, car le tamps ce comance à chaingier au mois
de jung et jullet et ce tournist en pluie, tellemant c'on heust grant paigne de lever les blef et en y_eust
essés des germés et dez versés. Et continuait celle pluye toute l'ennees, tent que lez vigne retournaire
touttez à niant (221) car les raisin ne peurent meuriés et en y_eust essés des engellés au champs, et
n'avoit on point encor tout vandangiéz à_la Sainct Mertin. Touteffois aincy maure et maulx meure qu'il
estoie, il ce vandoie .V. ou .VI. frant la cowe, et les viéz .VII. ou .VIII. frant, les fourmant .VII. ou .VIII.
sous la quairte, l'avaigne .II. sous .VI. denier, les pois .IIII. ou .V. sous, les fewe .VIII. sous et la navees .XII.
sous.
En celle dite enneez, l'an .V.C et .V., le .VIIIe. jour de jung, qui fut dimenche et jour de la feste
sainct Maidairt, delivrait Zabellin la femme Phelippe d'ung filz, le-quelle fut apelléz au sainct fons de
baiptesme Jaicque et eust pour pairain maistre Jehan Noé, chair sairchier de la grant eglise de Mets, et
Hannes le Viéz, berbiet de derriet Sainct Salvour, et pour mairaine Zaibellin, la femme maistre Fransoy
Colligney.
En cest anneez, entour le .XX e. jour du moix d'octobre, fut trepaissé reverand perre en Dieu
mon-seigneurs l'evesque de Mets189 - Dieu en ait l'ame - et fut constituéz en son lieu, par dispance de
nostre sainct perre, le filz au roy de Cecille, nommé Jehan190, lequelle estoit pour l'eure jonne et dessoubz
eaige.
En l'a-comancemant dudit moix d'octobre, je, Phillippe, fut en grant dangier par mallaidie,
tellemant que je fus comme jugiés à mort ou en aventure de perdre les manbre ; et fut loing tampts que
je ne m'en powoie aidier. Touteffois, la Dieu mercey et des benoy sainct, je fut reguerey.
En l'iver en-xuant, il fist de merveilleuze jellees, maiz peu de n.. naige ; (222) et firent ces gellees
tant de maulx que merveille, car elle engellairent la plus-part dez vigne, et meisme celle qui achaipairent
de celle gelleez, il n'y heust comme nulz roxin.
+Environ en cestui tamptz fut prinze et mize en soubjection par lez Fransoi la cité de Genne en
Lumbairdie, et lez tenoye lesdit Fransoi cy subjecté qu'il ne leur laissirent aultre baiton pour eulx
deffandre que chacun ung coutiaulx pour couper leur pain ; et tenoie desjai lesdit Fransoi le duc de
188 ne doublé dans le manuscrit.
189 Henri de Lorraine-Vaudémont, fils d'Antoine de Lorraine, évêque de Thérouanne de 1456 à 1485 puis de Metz de
1484 à 1505 (v. 1430 – 1505).
190 Jean III de Lorraine n'a en effet que 6 ans à son élection ; il était auparavant coadjuteur de son oncle Henri de
Lorraine depuis l'âge de 3 ans.

132

Millan prisonnier191+.
En celle anneez, l'an .V.C et .VI., fut Phelippe au Landi à Paris et n'eust que bonne fortune, la
Dieu mercy. Les blef de celle annees furent bon et les vin aucy, et fure nt le blef, orge, avoigne, pois,
fewe à essés po conpetant merchiéz. En cestuy ans fut mort le puissant prince roy de Castille 192, qui
estoit pour l'eur le plus puissant en seigneurie de tout les cristiens, et estoit filz à lampereur et estoit en
l'acomancement de son eage.
En cestuy ans fut passés à Romme que les rantes et revenues de l'avachiéz de Mets ce partiroie
en trois l jusques à tant que le jonne anffans filz à roy de Cecille ceroit en eage co npetent. Et la premier
part fut ordonneez pour l'entretenement dudit anffans ; la seconde part fut pour l'entretenement des
affaire de l'avaichiéz, des plesse, des gens d'airme et aultre officiés dudit evaichiéz ; et l'aultre tier fut
donné à l'owraige et faubricque de la grant eglize de Mets, car en cestuy ans tamps on faisoit le cuer de
la dite eglize, ^comme dit est devent^, et furent les seigneur de chaipitre de la dite eglize gouverneur de
l'avaichiéz jusque à tampts que ledit anffans fut en eage.
Item ou dit ans .V.C et .VI. fut ampetrés à Romme par le duc de Loraine pour et ou non de son
jonne filz l'evaicque de Mets que de là en avant l'on (223) pouroit mangier bure et laitaige à tousjour
maix és jour c'on n'en soulloit point mangier 193 cy aprés nommé, comme la vigille de la Nativité nostre
Seigneur, la vigille de l'Asoumption nostre Damme, et la vigille de la feste de Toussainct et plussieurs
aultre ; et par tout lez quairantaine pouroit on mangier dez vig viande dessus dit. Et fut ce previllaige
anonciet publicquement le dimanche devent Noé en l'an dessus_dit par tout l'avaichiéz de Mets.
Item l'an aprés, mil .V. C et .VII., je, Philippe, fis une piece d'ewre à l'agueille la non paireille que
jamais on avoit veu ; c'est assavoir que ce fut ung draps tailliés et coussus ensamble, au-quelz draps
y_avoit plus de .VIIII. mil piece de draps mise et joincte ensamble toutte de biais et alainé. Et sambloit
à_le veoir qu'il fut paint, tant estoit justemant fait.
Et y_avoit à millieu l'imaige nostre Damme, et sy avoit à destre et à senestre l'imaige saincte
Katerine et saincte Bairbe ; item dessus y_avoit lez airme des .VI. pairaige de Mets et les nons d'iceulx en
lestre romaigne mize sus chacun ; item y_avoit les airme de nostre sainct pere le pappe et lez airme de
l'ampaireur à destre et du roy trés_cristien à senestre. En aprés estoient tout en l'autour les airme de
tout les seigneur de Mets, et avec ce_y avoit plussieur biaulx trait entretailliéz et entrelaissés à noult
d'amour en diverse sorte, que l'une ne resambloit l'aultre ; et y_avoit dessus l'imaige nostre Damme en
escript, en draps meisme et en belle lestre de forme, l'orexon cy aprés dite et en cest forme ycy comme
vous veez ycy aprés :
Ve Veraigne

humblemant te daigne ne viegne

191 Cf. supra (194).
192 Philippe Ier de Castille, fils de Maximilien Ier et de Marie de Bourgogne, roi consort de Castille et de León (14781496-1506).
193 Philippe écrit mangin ; nous corrigeons.

133

O Vierge plye deffans que mort ma vie
(224) L'orexon devant dite vault autent à dire et ce doit antandre aincy : "O Vierge souveraigne,
humblemant te suplie : deffans que mort soudaigne ne viegne sus ma vie."
Et tout à_mey lieu dudit drapz, tout au bout dessoubz, furent fait deux bon homme abilliés à_la
moude du tampz papp passéz, lesquelle tenoie ung ecusson là ou estoit fait dedant le signet de_ quoy
ledit Philippe husoit en ces lestre ; et y_avoit en escript tout en-tour dudit escusson : "Phelippe de
Vignuelle m'ait fait." Et cy estoit le millier en lestre de chiffre.
Et fut ce dit draps mis et pousés et aitandus devant la grande eglize de Mets le jour de la Sainct
[-] Mairque l'en dessus dit ; aprés duquelz fut mis ung taubleau, lequelz je, Philippe, avoie escript et
compouzé, et disoit aincy :
Gloire soit à la Trinité,
A Perre, à Filz et Sainct Esperit194,
Et weullent gairdé cest cité
Et preserver de tout perit :
De-puis le tamptz qu'Adam perit
Du mort qu'il fist dedant la pome,
L'omme vit tousjour en perit
Tant que mort le prant et assomme.
Je dis cecy tout à prepos
Pour nous vivant en grant dangier,
Muant aulcuns sowant prepos.
L'ung tir avant, l'aultre en errier ;
Cil qui ce melle d'aultruy jugier195
Doit premier estre bien congnoissant
Et qu'il ne die chose en derrier
Qu'il ne voulcit dire per devant.
(225) Il sont aulcuns qui nous mesdit,
Comme envieulx en ont pairlé.
Pour eulx j'ay compouzé ce dit
Qu'il n'ont que faire de c'en mellé196,
194 Le respect de l'octosyllabe impose de lire Esperit comme Esprit.
195 Ce vers et le suivant sont hypermétriques si l'on lit le e final de melle et estre, il est donc probable que ces e sont
muets dans l'esprit de l'auteur.
196 Idem pour le e de faire.

134

Car quant au fait de bigairé
Montrant qu'il faice une telle piece,
+Et+ c'ilz la scevent devisé
Je veult c'on me decoupe en piece.
Mon par_avanture le manre trais197
Ou les aulcuns de ces escus
Tropt bien feront ilz aulcuns fautrais198,
Contre eulx je_y mestrés .X. escus199.
Et se je disoie encor plus,
Je vous promet par sainct Germains,
Je guegneroie, car tout conclus
On leur couperoit200 devant les mains.
Mais toutefois, pour leur langaige,
Il fault respondre en tamps et lieu,
N'en desplaize aux personnaige201.
J'en gloirifie le non de Dieu :
Que lez montaigne de leur lieu
Ne c'en bouge point de leur plaisse !
Je n'en dis plus, disant à Dieu,
Et qui sairait mie^u^lx faire202 ce faisse.
Car il est tampts que me repouze
En delaissant ma retouricque.
Je n'y entant teste ne glouze,
Forcque aincy que je m'aplicque ;
Aucy n'esse pas ma praticque,
Pour_ce vault mieulx qu'acripve en prouze.
Prenés en grés celle replicque,
Car il est tamptz que me repouze.
197 Idem pour le e de manre.
198 Vers hypermétrique (neuf pieds au lieu de huit).
199 Idem.
200 Lire couproit.
201 Vers hypométrique (sept pieds au lieu de huit).
202 e final muet.

135

(226) Item, dessoubz ces dit ver .VIII^tains^. et ou dit taubliauz meisme, y_avoit une grande
lestre et en prosez ou estoient plussieur parrolle en declairant la manier et pourquoy ce dit draps avoit
esté fait ; et entre lesquelle parrolle y avoit que je, Phillippe, dessus nommé, me offroie et presantoie à
mectre .X. escus d'or en l'encontre de .ung. à_tous ceulx qui ouseroie entreprandre de en faire ung
paireille draps ou à moitiet tent seullement. Et y avoit en la dite lestre que cen voulloir personne blaimer,
je me offroie à mectre la dite somme en-contre tous ceulx de la cité de Mets, de la duchié de Bair et de
Loraine.
Et fut ledit taubliaulx ou estoient lesdite lestre pandant avec ledit draps tout le jour de sainct
Marc, l'en dessus dit, en la plesse devent le moustiet à la weue d'ung chacun, cen ce que personne y mist
la main pour le depandre et pour y mectre ung escus contre .X.
Item, ung peu aprés, à moix de jung l'en dessus dit, ce partit de Mets ledit Pheilippe avec sa
femme, et c'en aillairent en weaige à Nostre Damme de_Aliance ; et furent à Rains le jour de la Feste
Dieu pour veoir la belle poursacion qu'il y font. Puis, aprés, nous retournés à Mets, à la-quelle ne fus
que .VIII. jour que je cheus en unne grande mailaidie, de la-quelle je fus en grant dangier de mourir ;
mais, la Dieu mercey, j'en fut reguerey.
En cestuy ans, environ le maye, paissait aprés de Mets unne grande multitude de gens d'airme,
gens de piedz malz acoustré et comme mourant de fain, qui vinrent des Allemaigne et ce voulloient
lougier és païs de Mets ; pour la- (227) -quelle chose on fouit tout en Mets, et corps et bien, et elleust
on tout les plus vitte compaignon du païs de Mets pour joindre avec leur aliés ceulx de la duchiéz de
Lucembour et pour faire resistance audit gens d'airme.
Mais premier fut envoier seigneur Fransoy le Gournay devers eulx, lequelle fist ung traictié envers yceulx que parmei une somme d'airgent qui leur fut donneez, il c'en aillairent en aultre païs ; et
adonc chacun retournait en son lieu.
En cest presante annee, l'an mil .V. C et .VII., fut le blef à bon merchiéz, car on avoit du bon
forment pour .IIII. sous .VI. denier la quairte et le moitange pour .III.sous, l'avaigne, pois, fewe comme
l'en devent, et la navee .IX. ou .X. sous la quairte. Et heust on grant merchiéz de toutte chose en cest
annee, forcque le vin, car on vandoit .X. frant la cowe en vandange, pour-ce qu'il n'en n'y avoit guere
heu ; mais c'estoie lez milleur vin c'on avoit heu de grant tamptz devant.
Le .XXVIIIe. jour de janvier, l'an dessus dit .V.C et .VII., le jour de feste saincte Agnés, trepaissait
Jehan, le filz du dessus dit Philippe et de Sabellin sa femme, aigiéz environ de .X. ans, et ait enterré au
simitier Sainct Jaicque emprei du mur de l'eglise ; lequelle anffans Dieu absoulve, car il savoit autant de la
lestre et de la clergie c'on en trowairoit entre ung millier de son eage.
Paireillemant, le .VIIIe. jour de mairs l'an en enxuant l'an .V.C et .VII., print une mallaidie de
peste à Jaicquematte, sa fille ^et suer audit Jehan^, à l'eure de minuit ; et trepaissait de ce sciecle le jour

136

Sainct Longis, .XVe. jour dudit moix de mairs, à l'eure de une heure apréz minuit. Et estoit eaigeez
environ de .XII. ans et .IIII. moix, et croy qu'il (228) n'en y avoit point à Mets de son eaige qui mieulx
sceut lire qu'elle faisoit, et acripvoit esséz bien et bien coudre et filler comme à fille aparthient.
Et à celluy propre jour qu'elle mourut prin le malz à ung jonne filz, mon serviteur, natif de
Lowain et eaigiéz environ de .XVIII. ans ; et ne vesquit que ung jour et demi aprés. Et gissant au
simetier Sainct Jaicque, c'est assavoir la dite Jaicquemette emprés son frere. Dieu ait leur ame tous deux
troy, car le guerxon estoit ung biau filz et bon entre ung millier, et qui besongnoit bien.
Et de quoy ledit Philippe et la dite Zabellin sa femme furent fort desplaisant, tant de la mort de
leur deux anffans, lesquelle il avoient mis grant paine à les aprandre, comme de leur serviteur. Mais helas,
ce n'estoit que acomancemant de doullour, car de loing tampts aprés ne furent sans quelque tristesse,
coe comme vous oïrés.
Et acomansait cest tristesse à Philippe dés qu'il retournait de Nostre Damme de_Aliance et qu'il
fut cy grievemant mallaide, comme vous avés oÿ, et luy durait loing tampts, comme vous oÿrés ycy aprés,
car comme vous avés oÿ cy dessus, quant il fut reguery de sa maillaidie, il perdist par mort ces deux plus
grant anffans et son serviteur.
Et fut adoncque l'acomancement de la mortaillité qu'il fist à Mets cestui ans, comme vous oÿrés ;
laquelle fist biaulcopt de mal, et sowerainement audit Philippe, car chacun le fuioit ad_cause que cez
anffans estoient mort de peste et à grant paine trowoit203 pairans ny amis qui woussit avoir ne tenir
(229) ces aultre anffans ; car ledit Philippe les fuioit de tout cousté puis ce, puis là, ou il powoit mieulx
affin de les sawer.
Car tout incontinant que Lowey, son serviteur, fut mort, Zaibellin, femme dudit Philippe, fut
picquees de paiste elle estant grosse et ansainte d'enfans ; de_quoy ledit Philippe eust moult de mal et
paine. Et avoit adoncque ^ledit Philippe encor^ demourant chiéz lui encor ung serviteur, filz à ung
merchampz de Lowain lequ et compaignon à cellui trespassés, lequelle serviteur son perre l'avoit
recomandéz audit Philippe.
Mais quant il vit la fourtune, il ne ce voulloit tenir à l'ostel et ledit Philippe ne trowoit pas bien à
le mectre et ne savoit à_quelle antandre, car il avoit encor .III. anffans espars en trois lieu et son
serviteur en ung aultre lieu. Et furent rechaingiéz et remouvés de lieu en aultre trois ou .IIII. fois, et sa
femme grosse qui avoit la paiste, laquelle prenoit encor deulle et soussy. Mais toustefois v elle print
couraige et vowait à Dieu et à sainct Sebaistien de le ailler visiter en son esglise à Dieulevay dellai du Pon
à Mouson.
Et aincy comme elle estoit, yl y_entreprint le voiaige et lui thint compaignie ledit Philippe avec
unne vielle femme, la-quelle avoit servir cez anffans mallaide, et laissirent leur jonne servante seulle à
l'ostel. Maiz quant il revindre de Sainct Sebaistien, il trowirent leur dite jonne servante qui estoit picquees
203 Philippe écrit towoit ; nous corrigeons.

137

et mallaide de la dite ^mallaidie de^ peste comme les aultre, dont ledit Philippe fut moult desplaissant, et
c'en fut voulluntier fouis lui mesme de peur de ce trowés entre tant de mallaide.
Touteffois, comme il plut à Dieu, (230) Zabellin sa femme et aucy sa servante retournirent en
leur santé et furent reguerie, mais il estoient tousjour seul à l'ostel Philippe, [..] sa femme et sa servante,
car leur aultre enffans estoient espairt par plussieur lieu, et ne antandoient que la misericorde de Dieu,
car la mallaidie ce acomansoit à_pranre en diverce lieu, et pour_ce leur annoioit merveilleuzement qu'il
estoient cy peu de gens ensamble, car de .XI. qu'il estoient ung peu devant au diner ou ^à^ soupper ne
ce trowoient que eulx trois.
Par_quoy ledit Philippe, voiant que la mallaidie ce boutoit en plussieurs lieu et ce ampiroit tous
les jour, il ranvoiait querir ces aultre anffans et serviteur, et revindre chiéz luy à Paicque, l'an .V. C et .VIII.
; et furent en atandant la graice de Dieu jusques en jullet. Mais audit mois de juillet, l'an mil .V.C et .VIII.,
print le malz de peste à Jaicquemin, le petit filz Philippe eaigiéz environ de trois ans, .V. semaigne
moins ; pour le-quelle Hainequin de Lowain, serviteur audit Philippe, eust peur et c'en aillait à Lowain
son païs unne espaice de tampt, et partist de Mets le .XIe. jour dudit moix.
Et le .XVe. jour dudit moix, le jour de la divizion des apouste, par ung samedi à soir, trespaissait
ledit anffans, dont ce fut ung nowel dueil audit Philippe. Et pour cest cause, voiant que son anffans estoit
mort et son serviteur en aillés, et aucy par le conseil de biaucopt de gens, fairmait ledit Philippe ces huis
et sa maixon, et avec le rest de ces anffans et famille c'en aillait demourer à Lessey enchiéz le frere
Zabellin ^sa femme^ ; auquelle lieu elle fust acouchieez et delivrait d'ung filz le (231) .XXIIIe. jour dudit
moix de juillet, par ung dimanche, le lundemain de la Madellaine et jour sainct Apollinaire. Et eust ledit
enffans à non .Jehan., et eust à pairain messire Jaicque, prebtre à_Lessey, et Jehan Caige, c'on_dit Jehan
Hesse, de la dite Lessey, et à mairanne Bairbe, femme [..] Jehan Nouillouxon l'acrivain de Mets.
[.] ^Celle^ dite saixon jusque aprés vandange demourent ledit Philippe et sa femme à Lessey,
auquel tampt mourut moult grant puple à Mets, et ^estoit^ chose merveilleuze de ceulx c'on oyoit dire
tout les jour estre mort ; et tellemant que les citains et menant d'icelle, on les voilloit laixier entrer, ailler
ne venir à Verdun, à Touls, à Sainct Nicollay, à Nency ny à Pon, ny en touttes les bonne ville de entour
d'eulx, et les deboutoit on de tout cousté comme laidre. Encor quant il ailloient és lieu dessus dit, on ne
leur voilloit vandre ne pain ne vin, maiz failloit couchiéz au champz comme beste.
Et mourut cest dite annees à Mets de gens d'actorité biaucopt que je ne congnois, entre lesquelle
mourust Jehan Houdebran, Trese et amant, damme Perrette, femme à seigneur Thiebault le Gronaix, et la
femme à seigneur Jehan le Gournaix et fille à seigneur Regnault le Gronaix, deux aucy belle damme de
Mets et toutte en la fleur de leur eyaige, damme Ain Aignon, femme à Pieron de Vy, ung biaulx jonne
gentilz homme de Straboucque qui estoit aulx gaige à Mets, deux ou trois maistre en medicine qui
estoient à gaige à Mets et ne savoient trouvés remide pour eulx meyme204, la femme Jehan Stevenin le
204 Philippe écrit meye, sans apparemment mettre d'abréviation ; nous corrigeons.

138

merchampt, la plus grande merchande de Mets et sa suer, femme à Jehan Travault, et lez .II. fille Jehan
Rollat le merchampt, Drowin le merchampts, (232) Mangin Baisse le mairchampts, sa femme et son
seulle filz, nowiaulx mariéz, la femme Michiel Traval, Trese et amant, Jehan Husson le merchampt, dont
sa femme eust ledit Michiel à mary, les deux jonne fille Boulligni, fille à marier et la fleur de Mets, la
femme Jehan Fourquignon et la fille Poincignon le braiconniet, qui estoient merchande et deux aucy
belle jonne femme +qu'il en y_eust point+ à Mets, Paullus L'Ostelliet et Pier L'Apouticaire, et moult
d'aultre que je laisse pour cauze de brieté, et touttes gens de grant reputacion, entre les-quelle mourut
Gillet, le belz clerc des Treses de Mets, le .XXVIIe. jour de nouvambre ledit ans.
Au-quelle jour, qui estoit feste sainct Gricolle, on apourtait nouvelle à Philippe que son petit v
filz Jehan estoit mort au lieu de Lessei, là ou il l'avoie laissiet à nourice ; et fut enterré aud it lieu de
Lessei le lundemain, jour sainct Vital, et mourut cestuy ans .V.C et .VIII. +Et furent mors+ tant d'aultre
menus puple que ce fut merveille, tellemant que en l'espaice de .III. ou .IIII. moix, il en mourut en la
pairoiche Sainct Jaicque, en laquelle demouroit ledit Philippe, deux cent que petit que grant par compte
fait, et toutte jonne gens dont j'ay heu les nons par escript, et aincy és aultre bairoiche à_l'avenant. Dieu
ait leur ame.
Touteffois, celle annees fut fort fertille et abondande en tout biens, et n'y eust milleur merchiéz
de loing tamps devant ; et disoit le menus puple que ceulx qui demoureroient en vie viveroie à moitriet
pour_niant, car on avoit dez formant à grant abondance et de tout fruit et la chair à bon mairchiéz ;
maiz le vin (233) ce vandoit à .V. ou .VI. denier la quairte. De_quoy c'estoit bon tampts pour le païs de
Mets, et ne ce pairloit plus que de faire la bonne chier, car la paiste cessoit et ne ce mouroit on plus ;
pair quoy on ne pairloit que de faire de sot et diverse mariaige de biaucopt de weve, tant femme que
homme, dont leur partie avoient esté morte peu devent. Et ce en fist de bien diverce, comme voulluntiet
ce fait apréz une mortaulité.
En cestuy meisme ans fut faicte unne grande et merveilleuze aliance entre plussieur prince
crestien pour ailler en l'ancontre des Wenicien 205, entre lesquelle estoit pour principault de l'aliance
l'ampaireur, le roy de France206, acompaigniéz de nostre sainct pere le pape, le roi d'Angleterre et le roi
d'Espaigne207 qui favovrissoit le duc de Loraine, et plussieur aultre. Et voulloit on dire que les Venissiens
avoient les Turc de leur cousté, et eurent de grant baitaille, comme il en cerait dit ycy aprés.
En celle dite anneez que chacun pansoit de ce raujoïr aprés la mortaillité paisseez et que Philippe
ce cuidoit raujoïr avec les aultre en obliant les malz qu'il avoit heu ledit ans, et ung peu aprés ce que son
petit filz fut mort et c'on ne pairloit plus comme rien de la peste, avint qu'il y eust unne servante chiéz
son perre, en la rue de la Haie, qui fut picqueez de la peste, et tellema nt que force fut audit Philippe et à
205 La Ligue de Cambrai, formée à la suite du traité de Cambrai (10 décembre 1508).
206 Louis XII, roi de France (1462-1498-1515).
207 Ferdinand II d'Aragon, qui règne sur l'Aragon. Jeanne Ière de Castille, dite la Folle, règne sur la Castille depuis le
décès de son époux Philippe le Beau en 1506.

139

sa femme de soliciter le lieu et envoier sa servante pour yder à servir son perre pour les complaire ; et aucy
que la femme mairaistre audit Philippe ne ce powoit aydier, car elle avoit plus de .IIII.XX et .XII. ans ; de
la-quelle malaidie mourut la dite servante.
(234) Aprés cest servante morte il en luairent ungne aultre, qui dedent .XV. jour fut picquees et
mourut comme la premier. Et furent deux servante morte en moins de trois semaigne, dont ledit Philippe
et sa femme eurent grant paine, car chacun fuioit le lieu pour la peste qui c'y estoit boutees.
Ne tairgeait gaire aprés, ou moix d'octoubre, que Jehan Geraird, pere audit Philippe, fut picqués
de celle mallaidie et eust ^deux^ peste, luy qui estoit eaigiéz de plus de .IIII. XX ans, dont ce fut derechief
ung grant meschief pour ledit Philippe et pour sa femme, car il failloit qu'il fissent tout à_cause que la
femme dudit Jehan ne ce powoit aydiés pour son ancienetés, comme vous avés oÿ, et ne powoie trower
personne qui les voussit servir, craindant le lieu.
Et encor ledit Jehan fut par telle fois qu'il ne ce voulloit laissier servir ^ne aidier^, et voulloit
faire comme il avoit fait du paisséz ; mais coment qu'il en fut, fist tant ledit Philippe qu'il luait une femme
pour lez servir, qui gaienoit tout les jour .XVIII. denier ^de remenant^ et disoit à son perre qu'elle ne
gaignoit rien.
Et fut ^l'une de cez^ peste troweez par ung bairbiet et courust, puis revint sus piedz ledit Jehan
et aillait par voie ung peu de tampt comme en traynant, mais ne fut guere aprés, devers lez avant de Noé,
que sa peste qui estoit recloize ne ce retroiait derechief, et courut plus que devant n'avoit fait. Et eurent
ledit Philippe et sa dite femme du malz biaucopt au-tour de_luy ; puis, aprés qu'elle fut recloize, ledit
Jehan devint anfflés par les jambe jusques au vantre tant fort que merveille, et fut derechief ung aultre
meschief.
En celluy tampts, (235) le .Xe. jour de dessambre, l'an .V. C et .VIII., par ung dimanche, Regnier, duc de
Loraine et de Bair, en aillant à la chesse ledit jour aprés dudit Bair, luy print ung cattaire, du-quelle il en
mourut. En cestuy meisme tampts à la Nowe Noé enxuant, print audit Philippe cy grant mallaidie aulx
yeulx qu'il ne veoit comme rien et les cuydoit perde; mais, Dieu mercy et ma-damme saincte Claire208, il
lez fist remedeciner et fut essés bien regueris.
Et durant celle mallaidie estoit tousjour Jehan Geraird, perre audit Philippe, mallaide de son
amflence et ce ampiroit tous les jour, tellemant c'on ne atandoit chacun jour fort qu'il deust mourir, car
chacun qui le veoit le jugeoit à mort, et disoie tous qu'il ne viveroit jamaix .VIII. jour. Mais touteffois il
fut en celle langeur l'espaice de plus de .VII. moix, tousjour atandant l'eure de la mort, dont c'estoit
pitiet et grant paine pour le powre homme et pour ceulx qui estoient entour luy.
En celluy ans enxuant, l'an mil .V. C et .IX., y_eust de merveilleuze baitailles entre le roy de

208Sainte Claire ou sainte Sigeberge, abbesse de l'abbaye de Remiremont, dans les Vosges, au VIIe siècle, est
traditionnellement invoquée en cas de maladie des yeux.

140

France et les Veniciens209, car ledit roy de France vint là en Ytailliees avec son armeez devent que ne fist
l'ampaireur, et vinrent lestre que le .XXe. jour d'avril mil .V.C et .IX. ans, fut prinze en Ytaulie par le grant
maistre de France avec son armeez la ville de Trevy, en la-quelle estoient .IIII. C chevaulx legier et douze
cent homme de piedz ; et ce sont randus aulcuns des capitaine, grant personnaige, la courde aulx col, et
ce presantirent .V.C jonne femme toutte nuees et deschevelees, cryant misericorde, affin que la ville ne
fut point pilleez ne robeez.
Et celluy tampts, en maye, print audit Philippe unne fiewre, (236) la-quelle luy thint fort
destroitte ; mais, la Dieu mercy et mon-seigneur sainct Pier, il en fust guerei. Sy montait à chevaulx pour
c'en ailler aus Landi à Paris par les chemin acoustumé ; et ces besoingne bien faicte retournait, la Dieu
mercy, bien regueris.
En ce meisme moix de maye, le .VIIIe. jour, ce partist le roi de France de Millant, acompaigniéz
de tant de prince et grant seigneur que c'estoit sans compairexon. Et estoient vetus et montés et airmés
en cy grant gloire et triumfle c'oncque ne ce vit la paireille, et n'y estoient lez draps d'or, soye et wellours
espargniéz nesque buriaulx, comme les lestre qui en furent envoiees le disoye.
Et ne c'estoit veu de loing tampts plus belle compaignie, et aillait loigier ledit jour en ung
chaitiaulx nommé Cassam, sus la riviere de Ade, et est la riviere grosse et impetueuze, sus la-quelle fut
fait ung pon et ung billevairt bien gairnis d'airtillerie, car c'est terre venicienne. Et le lundemain partist le
roy et passait la dite riviere, et firent camp l'espaice de .III. jour ; et en ce tampts estoit l'airmeez des
Veniciens arivees devent la dite ville de Trevy, distant du camp des Fransoi une lieue, et estoient lesdit
Veniciens en nombre de .LXIIII. ou .LXV. mille homme de guere.
Et firent aulcune escairmouche là ou fut tué le capitaine Chappiron, fransoi. Aprés, le roy
ordonnait ces baitaille et ce deloigirent, et fit mairchier et ce en aillirent celle nuit loigier en ung bois t
nommés Tariacon, prés d'une ville nommeez Rivelle, la-quelle fut cedit jour prinse d'aussault en moins
de .III. heures (237) et puis +fut+ misse à feu et à sanc, femme et anffans.
Le lundi .XIIIIe. jour dudit moix, le roi partist dudit Tiriacon pour tirer ver Pandi et Carentz, ou
messire Barthelemy d'Albianne, grant cappitaine et gouverneur general de l'airmeez des dit Veniciens,
de ce avertis, paireillement ce partit de devent ledit Trevy ou il estoit et son armees en belle ordonnance
qui coustoyoit tousjour le roy, et mairchay hastivemant jusques en ung lieu nommé Amidal, lieu
trés_mauvais, plain de foussés et grosse riviere et marez, et illec fist mettre et asseoir son artillerie en
triangle et en trois parties. Et furent .XXV. piece d'airtillerie, dont le roy n'en avoit point de plus belle ne
de milleur, et comansay à faire grant repaire et soy fortifier, cuydant par 210 ce moyen empeichier le
passaige du roy.
209La quatrième guerre d'Italie (1508-1513) oppose la ligue de Cambrai, alliance de la papauté, de la France et du
Saint-Empire, à Venise.
210Philippe écrit pas ; nous corrigeons.

141

Et avoient plussieurs espiees et estoit ledit capitaine deliberé de combaitre le roy avec son
armees, lesquelle fist serrer ces gens et en belle ordonnance mairchairent jusques à l'a-sciete de leur
artillerie, la-quelle artillerie fist grant dommaige aus Fransoi sus leur airiere gairde. Mais pourtant ne
laichier point de ce aprouchier, tellemant qu'il y_eust grande et piteuze baitaille tant d'ung cousté que
d'aultre.
Et tenoie bon lé Veniciens ad_cause dé .XXX. piece de leur artillerie, lesquelle incessanmant
ruoient sus lesdit Fransoy. Mais ce nonostant, ne tinrent guere lunguement qu'il ce minrent en fuite [..] et
abandonnairent leur dite artillerie, car à l'aproichier que le roy fist en personne, il furent mis en fuitte et
furent illec prinse leur dite artillerie en nombre de .XXXVI.
Et fut la chaisse sus (238) eulx donnees en plussieurs lieu, et fut la plus grande et piteuze tuerie
de jamais, car la chaisse durait bien .VII. mille loing, en la-quelle demourait bien .XV. ou .XVI. mille
Veniciens, qui estoit la_plus grande pitiet à veoir c'oncque homme vit de teste copeez, de bras et jambe
gessant l'ung sus l'aultre par lez champs, coment racomptoient les vraye lestre qui furent apourtees à
messigneurs de Parlemant à Paris. Dieu ait leur ame.
En celle baitaille ledit capitaine Barthelemy d'Albiane fut pris prisonnier et blecés, lequelle ce
monstrait waillant homme et bon serviteur de la seigneurie de Venize. Et fut dist par les dite lestre que c'il
eust guegniéz la baitaille il gaignoit trois chose, c'est assavoir : fame, reno mmeez et triumphe, plus
c'oncque homme de sa callité ; la seconde il gaignoit ung million d'or ; la tierce la seigneurie luy
donnoit .X. mille ducat de rante à luy et aus siens à jamais. Mais il fut envoiéz en prison au chaitiaulx de
Millan.
Le lundemain fut prins le chaitiaulx de Carrenaz et une ville nommeez Pandi ; aprés ce bougeait
le roy et vint lougier à unne ville nommeez Sainct Bedair, sus une petitte riviere nommeez Oye, ou luy
fut apourteez les clef d'ugne petitte ville nommee Clare. Aprés ce randist une ville nommeez Pontoille ;
puis, aprés sertains jour et que biaulcopt d'aultre chose furent faicte, tant de ville randuees comme de
ville prinse par force et d'escairmouche que je laisse ad_cause de briesté, le roy fist son antrees à une
triumphant ville nommeez Bresse, qui est une belle ville et forte bien gairniez de tour et d'airtilleriez et
bon fousséz plain d'yawe et bon chaitiaulx, et veult on dire que ce fut la plus triumphant antrees (239)
de jamais, car il y_avoit .mil. ou .XII. C homme, dont l'on ne congnissoit le-quelle estoit le plus grant
maistre tant estoient tous richemant montés et airmés. Le roy ce pertit dudit Brese pour ailler devent
Pesquiere, pource c'on dit que le conte de Petillan l'atandoit là avec trante mil homme ; par_quoy le roy
l'alla serchier là ^illec^, mais il ne l'atandist pas.
Aprés fut prins ung provediteur de Venise, grant personnaige, auquelle le_roi fist coupper la teste
pource que lesdit Veniciens avoient fait mourir par poixon aulcuns capitaine de France qui estoient
prisonniet à Venize. Aprés ce fait c'est randueez la ville de Cresme et de Cremone, fort que le chaitiaulx.

142

Le vandredi au soir, .VIII e. du mois de jung, arivait 211 le roy des Romains assez prés de l'airmeez
du roy et ce envoiairent des ambaixaide l'ung l'aultre par grant amour. Nostre sainct perre ait
excomuniet tout les Veniciens et tous ceulx qui leur donne ayde, et absoult tous ceulx qui leur font
guere.
En cellui tampts mourut le roy d'Angleterre, qui estoit bon Fransoy 212. Paireillement le roy de
France, le rois des Romains et le roy d'Aragon ont eu des Veniciens tout ce que lesdit Veniciens tenoient
d'eulx ; et aprés plussieurs chose faicte, le roy et les prinse retournirent et parlirent le pape et le roy
ansamble à Boullougne la Graice. Le pape fist publier la croixade le jour de la Panthecoste, et en ces
meisme jour les Florantins ont pris Pise par composicion.
En celluy tampts estoit Zabellin la femme Philippe bien grosse d'anfant, et avoient tousjour leur
pere mallaide. Et en celluy meisme tampts .V. C et .IX. avint de grande et merveilleuze avanture tant à
Mets comme ou païs voixin, comme cy aprés cerait dist.
Et premirement, entour de Bair (240) et principallemant de Rambecourt, de Luppei et de
Lehecourt, avint que entour la Paicque il y plut tant et ce impetueuzement que les yawe devindre cy
grande et cy hors de rive qu'elle dessandoient des montaigne et emmenoient les terre et les arbe, et en
aulcuns lieu les maixon et les beste, en telle maniere que de-puis le de-luge ne furent veue cy grande ne
cy domaigeaille, car elle vindrent principallemant audit Rambecourt et antrairent és maixon en cy grande
abondance que force fut aus habitans d'icelle de monter en leur hault estaige et ce tenir là.
Et paireillemant y faillit monter et tirer ^les^ waiche et chevaulx, berbis et aultre beste, ou sinon
elle fussent esté noe noiees ; et ceulx qui ne lez y tirairent ou montairent point, furent touttes perieez et
noieez, tellemant qu'il y_eust telz laboureus qui perdist par les dite yawe la vaillue de plus de mille frant,
tant en maixon, en champs de blef, comme en beste et aultre chose.
Et ce veoit on lez beste flouter par dessus l'yawe, les tauble, les bancque et aultre hutancille de
maixon, et y avoit aulcuns merchampt à Rambecourt qui avoient de la danrees que tout fut gaités,
comme du scé et aultre danrees. Et durait cez yawe environ trois jour, et firent aus païs pour plus de
.VII. mille frant de domaige.
En ces meisme jour, environ le moix de maye, avint que le f.t feu ce boutait à la ville de Sancey
et y fist ung merveilleus donmaige. Ne sçay par quelle fortune ce avint, mais il durait biaulcopt c'on n'en
powoit estre maistre. Aucy paireillement, ledit ans .V.C et .IX., le dernier jour de jung, le lundemain de la
(241) Sainct Pier, le feu ce print en la ville de Lucembourt par fortune, on ne scet au vray comant, et
brullait bien .V.C maixon, dont ce fut pitiet et domaige pour ceulx à_qui les dite maixon estoient, car on
ne poult jaimais rien salver ne raicourre de la plus-part des biens desdite maixon, et ce d'avanture on
pourtoit quelque biens hors desdite maixon, tout incontinant estoit airs et brullé. Et durait ce feu bien
211Philippe écrit arivivait ; nous corrigeons.
212Henri VII Tudor meurt le 21 avril 1509. Son fils Henri VIII lui succède.

143

trois ou .IIII. jour, et veoit on les gran pan de mur cheoir par la chailloir du feu. Et fut la plus grans
pitiet à veoir les powre gens, femme et anffans, ploirer et ce tenir sus ung fumiet, tout destruit de leur
biens, car les aulcuns perdirent grant qu'il avoient waillant.
En ce meisme tampts y_olt à païs de Mets, en ung villaige nommé Chamenat, la maixon d'ung
powre bon homme, le-quelle par avent estoit riche laboureus, laquelle fut brullees par fortune de feu
avec sa grainge, là ou estoient tout ces beste et tout son blef et avoigne. Et ne luy demourait rien au
monde de tout ces biens que demi journault d'avaigne qui encor estoit aus champt en ung monciaulx et
avoit esté fauchiéz pour le jour. Et fut pitiet de luy, car il estoit tenus l'ung des bon prouhomme de tout
le païs, et eust biaulcopt de plainte.
En cellui meisme tampt, l'an .V.C et .IX., le .XXVIe. jour de juillet, qui fut le judi jour de saincte
Anne, lundemain de feste sainct Jaicque et sainct Cristoffle, et aincy que Phillippe avoit aulcuns de ces
bon amis à dinéz qu'il avoit festoiéz à sa feste, le malz d'anffans print à Sabellin sa femme et fut tout
incontinant acoucheez d'ung biaulx filz, le-quelle eust à non Hector et eust à pairain messire dan Jehan,
prieur (242) de Rouzerieulle, lequel dinoit pour l'eur en l'ostel dudit Philippe, et seigneur Nicolle Rousse,
et à mairenne Ysaubel, la femme Mertin des Sept de la guere.
En cellui meisme tampts, à la fin de jullet, avint assés d'aultre avanture en moins de trois
semaigne à_l'a-comancemant d'owost. Premier y_eust ung jonne clerc, merliet de Sainct Arnoult, qui le
jour dudit sainct Arnoult aprés dinés ce avisait de ailler prandre des jonne pigeon qu'il avoit veu empréz
du tis de la nef dudit Sainct Arnoult. Cy montait en hault et voullut prandre lesdit pigeon, mais le piedz
et les mains luy faillirent et ce laissait cheoir de-puis ledit tis jusques sus le planchiéz, de_quoy est
sallemeez la dite esglise, et du copt qu'il print il derompist et declouait .III. plainche de la traveure et
sallemeure ^d'icelle^, et de là cheut de hault embais ^enmy^ l'egleise ^et tout à_plus^ emprés de l'autelz
ou est Nostre Damme de Pitiet, et fut tout derompus. Dieu ait son ame.
Ung peu de tampts aprés, avint au bourcque dudit Sainct Arnoult une aultre aventure, car il avint
que ung dimanche sus le tairt ce levait ung cy merveilleus tampts de foudre et d'ouraige q ue merveille, et
sambloit que tout deust fondre. Mais pourtant il ne fist point de grelle, fort que pluye et vant, et tonnoit
et auloidoit merveilleuzemant. Adonc ^Et alors^ il y avoit deux compaignon dudit bourc qui c'en
ailloient couchiéz en une moitresse environ demi lieue dellay, affin d'y_estre plus mattin pour sillier les
blef213, car c'estoit au tampts de moixon ; et quant il virent le mervilleus tampt qu'il faisoit, il ce
ampointirent, car on ne veoit goutte que de l'auloide.
Et dist l'ung à son compaignon : "Je m'en veult retournés, car j'ay ma (243) femme que gist
d'anffans et sçay bien qu'elle arait grant peur." Et l'aultre fut comptant, et retournirent et à grant paine
peurent revenir au bourt dudit Sainct Arnoult, tant faisoit obcur ^et nuit^. Mais quant il vinrent illec,
celluy qui avoit sa femme gissant fut ranversés dedant ung puis la teste ambas et les piedz en_hault, et
213Philippe écrit bref ; nous corrigeons.

144

fut noyé et derompus dedent ledit puis.
Et ne sceut jamais son compaignon dont ce avint, fort qu'il avoient rancontré ung personnaige
tout noir, comme il disoit, à_qui il oyrairent ^donnairent^ le bon-soir, mais il ne repondit rien ; et ne vit
point cheoir son compaignon dedent le puis, sinon quant il alloidoit, à_la clairté de l'auloide il vit les
piedz dudit son compaignon qui estoient en_hault et la teste embais en cheant qu'il fist oudit puis.
Deux ou trois jour aprés, y_avoit ung jonne filz aprantis chiés Hanrey Le Pelletiet, prés du pon à
Saille, lequelle ung aprés souppés, à_l'eur d'aller couchiéz, donnait le bon-soir à son maistre et maitresse
et c'en aillait couchiés. Mais quant il fut desaibilliéz, il ce aillait bouter en Saille pour ce baignyer ; mais
ne sçay par quelle ^et nyant-moins qu'il n'y avoit comme point d'eaue par^ fortune, il ce noyait et n'y
avoit comme point d'yawe en la riviere et demourait là jusques au mattin, que son maistre vit qu'il ne ce
levoit point. Cy l'allait huchier pour ce lever, mais quant il ne le trowait point il regairdait en la riviere
qui estoit derriere chiéz luy, et le vit qu'il c'estoit ^gisoit illec^ noyé illec en ung peu d'yawe.
En celluy tampts ce reampirait fort la mallaidie de Jehan Geraird, perre à Philippe de Vignuelle,
et tellemant qu'il fut (244) aministrés deux ou trois fois de-puis sa dite mallaidie. Maiz à cest heure là fut
mis cy à_bas et fut ce debillité de tant couchiéz sus son dos que force fut de luy donné la saincte
onction. Et la demandait ledit Jehan pour Dieu ; et aprés ce qu'il eust ressus tous ces sainct sacremans et
qu'il ne powoit comme plus parler, il dist à bien grant paine : "Jhesus, Maria !"
Et puis, quant il l'eut dit, il fist signe audit Philippe son filz qu'il luy donnait le sierge en la mains
et, ce fait, le thint grant piece, tousjour en tirant à la mort, et randist son esperit à Dieu le dima nche bien
mattin, ung peu apréz minuit, qui fut le .Ve. jour du mois d'owoust, l'an .V.C et .IX. Dieu ait son ame par
sa graice. ^Amen^.
Et le fist anceveillir ledit Philippe à Sainct Maixe, sa bairoiche, tout à_l'antreez du cuer sainct
Nicollas. Et aprés ce que Zabellin, femme audit Philippe, fut relevees d'anffans, il firent faire le service
belz et honneste, et firent moult d'aulmougne pour son ame, cen celle que ledit Jehan avoit devisés, tant
aus orde mandians comme aultre_part. Dieu, par sa graice, les prenes en grés.
En ces meisme jour, le .VII e. jour du mois d'owost, ce levait ung grant vant et une grande pluye
sus le tairt. Or avint qu'il y_avoit ung jonne chainoigne à Sainct Salvour nommé messire Dimanche, curé
de Wisse en Allemaigne, biaulx personnaige et bien amés de chacun, le-quelle avoit souppés dehors sa
maixon. Et luy, voyant la pluye qu'il faisoit, print congiéz de la compaignye ou il estoit et c'en vint en sa
maixon pour veoir que la pluye (245) ne faisist aulcuns malz à ces blef, car ilz n'avoit personne enchiéz
luy, forcque unne ancienne femme, sa mere, et demouroit en la rue des Clerc.
Sy donnait ledit messire Dimanche le bon-soir à sa mere et devestist sa roube, disant qu'il ailloit
veoir ces blef. Mais, je ne sçay par quelle fortune, ledit messire Dimanche ce laissait cheoir à_la_vailleez
des degréz, tellemant qu'il vint la teste ambais et rancontrait la jambe de l'uis de sa teste et ce rompist

145

toutte la servelle ; et fut loing tampts en cest estat cen ce bougiéz du lieu, et tant que sa mere, qui filloit
aus feu, ce levait de son lieu pour ailler veoir qu'il faisoit tant aus guerniet. Maiz quant elle voult monter
lez degréz et elle trowait son filz en l'estat qu'il estoit, Dieu scet lez creys et lez plainte qu'elle gettait, car
il sambloit que l'on eust là escourchiéz ung beuf du sanc qui estoit pairtis de son corps. Dieu ait son
ame par sa graice, car c'estoit pitiet à veoir, et eust grant plainte.
Paireillemant, en ces meisme jour, y_eust ung viéz bon homme en la Grant Rue nomméz Thiriat
de Wezon, lequelle montait à chevaulx pour ailler audit Wezon, maiz le chevaulx le ruait ambais, et
demourait pandant d'ung piedz aus estriéz tellemant que le chevaulx le traynait ; et mourust tantost
aprés. Dieu ait son ame, car on le tenoit pour bon homme. En ces meysme jour jour, à Ancy, y_eust ung
homme noyé par fourtune.
Paireillement, en ces meisme jour, y_eust deux aventure à deux aultre personnaige, (246) qui leur
avindre tout pour ce tamps ; mais, Dieu maircy; il en achaippairent sens mort. Premier y_ eust ung
jonne guerxon, vairlet à ung tinturier nommé Jehan de Montoy, demourant ou Baix Champel, lequelle
guerxon ce jowoit aus woulletins et montait hault sus le tis de son maistre pour repranre son dit
woulletins, qui estoit demouré. Mais, ne sçay comant, qu'il [-] ledit montist par dessus une collice, laquelle rompist, et cheut ledit guerxon du hault du tis emmey le chiés d'ostel cen ce que oncque ce fist
malz, dont ce fut grant avanture et comme miraicle.
L'aultre aventure avint que en ces meisme jour, on faisoit le billowairt de pourte Champenoize
et y estoient plussieurs gens à crowees, et pour les tenir à l'owraige y estoient les baineret, entre lesquelle y_estoit le baineret de Saincte Segoulline, lequelle estoit tout debout sus lez foussés des
fondemant du pon, lesquelle foussés du fondemant estoient mairvilleusement parfon. Et ledit baineret
voult recullés, mais il cheut du hault embais dedent lesdit foussés, et fut merveille qu'il ne fut mort et
derompt ; mais il enchaippist, combien qu'il en fut bien blessé.
En ces meisme jour y_avoit au païs de Mets sertains ^aulcuns^ compaignon +fransoi+
demandant leur pain pour Dieu, avec aucy leur femme ou leur ribaulde ; lesquelle vindrent de France et
estoient biaulx compaignon, et encor plus belle femme. Et ce tindrent ung espesse de tampts à Ais sus
Muzelle.
Mais aincy que ung jour ung dez riche homme de la ville et puissant de corps ^et d'avoir^ c'en
(247)214 ailloit aus champs, l'une de ces femme +cy+ se acompaignait de luy, et aincy qu'il c'en ailloient
devisant, la dite femme le vait ampoignyés et de fait le voulloit houtraigiés, et luy couppit sa couroie là
ou pandoit sa bourxe. Et à_paine peust ledit homme eschaiper de ces mains et c'en-fouist.
Mais au debout de deux ou trois jour, il la recongnust à Ais. Sy fist mestre la mains à elle p ar la
justice, à_laquelle elle congnust son cas, dissant que elle et ces compaignon et compaigne avoient tué
plus de .XXV. personnaige ; et n'avoit encor point la dite femme .XXII. ans d'aige. Et pour l'eur qu'elle
214Tout en haut de la page est écrit : Je suis homme vés.

146

fut prinse, ces compaignon et compaigne estoient à Ais en l'opital, mais on n'en savoit rien. Cy fut la dite
[-] femme noyees à Ais, mais les aultres eschaipirant.
Essés d'aultre avanture avindrent tout pour celluy tamps, lesquelle je laisse ad_cause de briesté ;
mais je veult bien dire que le tamps de fortune ne se paissait point san Ph moy, ^Philippe^, comme vous
avés oÿ ycy devant, depuis deux ans devant que l'une des fortune et anuis cy n'estoit point pesséz que
l'aultre retournoit, tant de malaidie de luy comme en la mort de son perre et de ces anffans ; et encor
derechief ne veult point cesser, car aincy que ledit Philippe cy estoit au plus ampeschiéz en faissant lez
vigille de son feu perre, ung mois aprés ce qu'il avoit esté trespessés, nouvelle luy vindrent nowelle luy
vindrent que son petit filz Hector, lequelle il aymoit sus tout et ce raujoïsoit en luy, estoit mallaide à_la
mort ; et estoit ledit anffans à nourisse à Houxey.
Et le landemains, (248) à plus ampeschiés qu'il estoient à faire dire la messe des dite vigille, on
leur rapourtait ledit anffans mort, qui fut adonc jeudi, le jour sainct Donnacien, .VI e. jour de septambre,
l'an .V.C et .IX.. Et ce meisme jour fut mort et anterré Jehan Jennat de Lorey, frere germains audit Jehan
Geraird et oncle audit Philippe. Dieu ait leur ame. Et aincy ne fut point ledit Philippe cen tristesse, ne
Sabellin sa femme qui bien en eust sa part et de la paine biaulcopt.
Le dimanche .XVIe. jour dudit mois de septambre, et que lez rouxin estoient meure et en y_
avoit jay biaulcopt de vandangiéz ou Vault de_Mets, en ycelluy jour on faisoit la feste à Lorey devant le
pon ; et estoit leur intancion, au moins à_la plus-pairt de la dite Lorey, de vandangier leur vigne le
lundemains de leur feste.
Mais fourtune en detournait les aulcuns, car le jour de leur dite feste, sus le tair, ce levait ung cy
gros tampts d'ouraige, de grelle et de tonnoire qu'il foudriait et tampaitait la plus-part de leur vigne ; et
veoit on lez raixin tout meure deffroixiéz et derompus gissant soubz lez seppe. Et ne fist point ce
domaige seullemant à Lorey, maix aucy à Mairieulle et à Weson, et encor leur firent grant dommaige lez
yawe qui dexandirent és maixon et gaistoit leur aultre biens, comme les blef en gerbe, foins et awaigne,
dont ce fut pitiet et dommaige.
Touttes- (249) -fois, cest dite annees fut fort bonne et fertille, sowerainemant en blef et
formant, car on avoit de bon fourmant pour .III. sous .VI. denier la quairte ; mais le vin ce vandoit
comme l'an devant à .VI. denier la quairte, et furent fort bon les vin de cest annees .V. C et .IX., et estoit
bon tamps pour les vigneron. Aucy y_eust des fruit essés en celle annees, pairaillemant essés bon
mairchiés de pois, de fewe et de chair, et de tout aultre vivre. Dieu en soit lowé.
Item en celluy tampz mil .V. C et .IX, entour environ la Sainct Remey, je, Philippe, acomansait à
faire ediffier, tant en la maixon derrier Sainct Salvour ou je demoure comme en la maixon qui fut à
Humbert Le Boullungier, et ne fut point cens owriéz de-puis ce tamptz là jusques à la Noé mil .V. C et
.XI., tant en maisson, chairpantier, menuxier, sareurier, wairniéz, racowaiteur, paintre, pottier,

147

manowriéz et aultre ; tellemant que en la dite premier anneez .V.C et .IX. et la mitte de .V. C et .X. fut
ediffieez la maixon que fut Humbert Le 215 Boullungier, qui coustait prés de .L. frant, et fut faicte ma
gaillerie en la maixon que fut Mangin Le Tailleur, derrier Sainct Salvour, que coustait .XXXVI. livrez.
Et fut faitte la woulte et tairesse derrier en la maixon que fut La Maignier sus la couxelle et la
grande chambe, le chief d'ostel, le paillé et la_vis de la dite maixon ; et l'an .V.C et .X. fut fait le mantel
de la chaminee de la dite grant chambe, que coustait .XXIII. livrez, et l'uisserie du chief d'ostel, que
couste en tout .IX. livrez.
Et à_la (250) fin de celluy meisme ans fut faictes la petitte tairesse et fut woulteez toutte la
maixon devent, et fut faictez la boutticque et le paillé de_costé telle comme il sont, et beaulcopt d'aultre
menus owraige ; tellemans que par compte fait, tout l'owraige de la dite maixon, tant devant que derrier,
me monte et vient d'ergent que j'en ait paiet pour ledit owraige à_faire à_la somme de .V.C .IIII.XX .IX.
frant ^.VI. sous^, en comptant despance et tout erres ung cloz au_plus droy que j'ay peu.
Et de-puis ce fait et achevis en l'an .V. C et .XI., je fis owréz à Vignuelle et en mon gerdin à la
pourte dez Allemans. Et premier à Vignuelle je fis faire une newe chambre en hault et une estauble de
chevaulx et une bouverie de waiche, et me couste ledit owraige en tout la somme de .XLIIII. frant.
Parmey biaulcopt de la vielle depoulle de ma maixon à Metz et en mon gerdin, je fis faire le cloistre, la
chambre dessus et le petit guerniet dessus, et parmey la despoulles dez bois et dez pier que je avoye de
ma maixon ; le tout coustait encor la somme de .XXX. frant, aprés toutte lez avantaige que je avoie.
+Item, ledit ans, fis owréz à la rue de la Haie et à Lessei, et coustait éz dit deux lieu en ma p art .XV.
frant .VI. sous+.
Item, pour revenir à mon prepos de l'an mil .V. C et .IX., en ycelluy tampts nostre sainct pere le
pape, l'ampaireur et le roy de France faisoient tousjour grant guere aus Weniciens. Mais en l'an mil .V. C
et .X., le pape tournay bande et fit aliance audit Veniciens216, et ce tournait de leur partiez, aprés ce que
le roy luy avoit fait ravoir Boullougne la Graisse ; de_quoy ledit ampaireur avec le roy de France firent
celle dite anneez de grant baitaille et escarmouche encontre ledit pape et encontre lesdit Veniciens
devent Veronne et devent (251) Vincence, et par tout le païs.
Cest anneez mil .V.C et .X. fut bien fertille en blef, mais ce fut il ung peu plus chier que l'an
devent, ca^r^ le bon fourmant ce vandoit .V. sous la quairte ; mais il fut biaulcopt milleur merchiéz de vin
que l'an devent, mais non pas cy bon de la moitiet, car il fist tropt de pluye quant il deussent meuriet, et
donnoit on pour .III. denier la quairte et n'en tenoit on compte, car on disoit qu'il ne ce guerderoie pas et
qu'il cheroie en fain au chault tamps.
Mais il firent bien leur devoir et ce rancherirent tousjour, tellement que ceulx qui en avoye
215Philippe écrit et ; nous corrigeons.
216Jules II, inquiet des avancées françaises en Italie, finit effectivement par prendre le parti de Venise. Il lève
l'excommunication de la cité le 24 février 1510.

148

guerdéz y_heurent grant proffit, et le chairaulx qui n'avoit cousté que .XL. sous en celle vandange ce
vandit en l'an apréz .X. frant la ronde cowe de cez maure vin ycy, parce que lez vigne furent engellee et
furent encor lez vin plus maure, comme il cerait dit ycy aprés. Et n'y eust nul fruit entour de Mets pour
cest anneez, mais touttez aultres chose demourent à_leur pris à bon mairchief, comme pois, fewe,
naveez, avoine et aultre grains.
Item, à la fin de l'an .V.C et .IX. et à l'a-comencement de l'an .V.C et .X., fut le grant jubillé à
Mets, et le pourtoye lez chevalier de l'orde de saincte Elizabecth de Honguerie ; et l'airgent estoit pour
ailler combaitre contre lez infidelle et pour sowenir à_la dite orde dez dit chevaillier. Et estoit ledit
jubillé aucy grant et aucy plenier comme est le grant jubillé de Romme, qui ce thient de .C. ans en .C. ans
et pour absoudre de tous cas, reservés du veu de +chaisteté, de+ Jherusalam et de religion.
Et acomansait cedit (252) jubillé le jour des Brandon .V. C et .IX. ans, et durait en jusques à
Quaisimodo aprés, mil .V.C et .X. ans, que sont .VII. semaigne. Et y_heust ung grant et excellant
triumphe de la clergie en ycelluy jour en la grande eglise eglise à l'a-levacion de la Crois. Et furent
ordonnee à_ycellui jour à_Mets pour toutte l'avaichiéz lez .VII. eglise principalle, comme elle sont à
Romme, et pour faire les stacion tout ledit jubillé durant.
Premier la grande eglise de Sainct Estienne fut ordonnee pour Sainct Pier de Romme ; et au
cowant dez frere precheur fut ordonnee Sainct Pol, Sainct Saulvour fut Sainct Sebaistien, Sainct Thiebault
fut Sainct Jehan de Lautran, lez Augustin fut Sainct Lauran, Saincte Elizabech hors la pourte des
Allemans fut Saincte Marie Majour, et les frere Baude de l'observance fut ordonnee pour Saincte Crois.
Et y gaignoit on lez grant pardon comme j'ay dit devent ; avec ce on powoit avoir une lestre c'on
dit ung perpetuum pour aulcune somme d'ergent, la-quelle lestre est de telle vertus que toutte fois que
une personne cuide estre en dangier de mort, il ce peult faire absoudre de tous par ung simple prebtre de
tous cas reservés à pape, et une fois en sa vie luy estant en bonne santé. J'en ait heu une : je prie à Dieu
qu'elle me soit profitauble à salus de l'ame.
En cellui meisme ans, ung peu aprés, fut fait le cloichiéz de l'eglise Sainct Maixel. En ycellui
meyme ans, je fus au Landis à Paris et n'eus que bonne fortune aillant et venant, Dieu en soit lowéz. Et,
(253) moy retournéz, m'en aillais ung peu aprés au grant pardon à Nostre Damme à Ays en Allemaigne,
qui ce thiengne de .VII. ans en .VII. ans.
Et nous partisme de Mets bien montéz et bien acompaignyéz environ de .XVI. chevaucheur, par
ung jour de Saincte Mairgueritte, .XIIIe. jour de jullet ; et allaime par lez ville cy aprés nommeez. Premier
nous partisme de Metz et cy allaimez dinéz à Thionville, et au souppéz à Lussambourt, là ou il y_ait
biaulx cowant de cordellier, et fumes visiter la ville, la-quelle estoit en piteux estat par le feu qui l'avoit
bruleez, comme j'ay dit devant ; de Lussambour partimes le lundemain à_matin et alaimes dinés à une
ville nommeez Elbruch, et de là à Houze, et aillaimes couchiéz à_Blan-vanpaicque ; le lundemain à dinés

149

à Sainct Vy en Ardanne, bonne ville fermeez, et dellay pour tirer à Sainct Servay à Tréz, nous tiramne à
ung villaige nomméz Oudenvaulx, et dellà à ung bon villaige nomméz Onvault, à deux lieue d'Ay ; et
dellay à Trés en Aillemaigne, qui est l'une dez belle et grosse bonne ville que l'on pouroit trowéz, là ou
ce monstre lez juel cy apréz escript.
Premier ce monstre le chief sainct Servay, son bourdon, sa crosse, son caillice et sa plattine, et
deux ou trois digne drapz ; c'est assavoir ung drapz que lez ange apourtirent du ciel et avec d'aultre ; item,
ung denier croisiet que sainct Luc donnit à Nostre Damme, lequelle elle le pourtait entre cez mamelle
plussieur anneez, et le bras sainct Thomas et la clef dudit sainct, qui lui fut envoieez du ciel, comme on
dist, et ung vaissiaulx pour boire qui lui fut envoiéz du ciel, que on ne scet quelle pier c'est et est de
plussieur coullour.
Et (254) arivaimes à la dite ville propremant à_l'eure que l'on monstroit lez juaulx devent dit, car
on ne lez monstre jamais que à chacun jour une fois les pardon durant, et lez monstre on sus dez alleez
faictes à cler voye que sont sus le cuer de la grande eglise, à_la moude et fasson qu'il font à Ays, et
preche ^l'on^ à chacun juaulx qui ce monstre.
Et là, en la grant plaisse ambais derrier ledit cuer, y_avoit y_avoit tant de puple que c'estoit
merveille ; et puis on sonnoit lez cloiche, lez menestré de la ville cornoye esséz préz desdit juaulx et
relicque, et tout le puple buissinoit de leur cornet, qui est unne merveilleuze chose à oÿr et à croyre, et
n'y avoit guere de gens que lez lairme ne luy venissent à l'eul.
Et incontinant cellay fait, nous aillaimes visiter la dite eglise par dedent et atoucher à plussieur
aultre relicque ; et puis aillames dinés. Puis, aprés dinés, moy et ung mien compaignon, avec aucy nostre
hoste qui nous conduisoit, aillaimes visiter d'aultre eglise parmey la ville, là ou nous furent monstréz
plussieur ba biaulx relicque.
Premier à une moult belle eglize dez frere precheur, là ou nous furent monstree plussieur
relicque ; paireillement une nottauble eglise fondeez dez chevaillier de Rodes 217, là ou il y_ait plussieur
noctauble et digne relicque que je ne nomme pas ad_cause de briesté, et lez nomme l'en ^cez chevalier
ycy^ lez duche herre ; paireillement en une moult belle eglise de Sainct Anthonne, là ou nous furent
monstreez moult de precieuze relicques. Item fumes encor en plussieurs aultre eglise parmei la ville, là
ou nostre hoste nous cod conduisoit, éz quelle nous fut (255) monstrés plussieurs relicques, qui tropt
loing seroie à raconter, car il n'y avoit ne cloistre ne rien que je ne veisse tout.
Item, aprés ce que nous eusmes contentéz nostre hoste, nous partismez de Trés et aillaimes
couchier à Ays, et trowaimez tant de monde par le chemin que c'estoit chose mairveilleuze. Et ^quant^
nous vimes sus la montaigne au dessus de Ays, nous vimes qu'il sambloit que toutte l'eglise fut en feu et

217En 1310, les Hospitaliers, chevaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, se sont installés sur l'île de Rhodes en
1310.

150

en flames de fourse218 dez lampe qui airdoye en-tour de la dite eglise ; et il estoit praicque nuyt,
par_quoy lesdite lampe ce monstroient mieulx ; et puis touttez lez grosse cloiche sonnoient, qui estoit
belle chose à veoir et à oÿr de dessus la montaigne.
Et la cause pour_quoy ce faisoit ce dit feu de joye estoit pource que le lundemain estoit la
dedicaise de la dite eglise, et pour_ce estoit toutte alumeez par dedant et par dehors, qui estoit piteuze
chose à veoir et à oÿr le businement desdite grosse cloche avec lez orgues qui juoyent. Et, nous arivéz
à_la ville qu'il estoit desjay nuit, à_paine pumes nous trower logis et fumez ranvoiéz dessay dellay
parmey la ville plus de une heure en la nuit ; et cy y_avoit en nostre compaignie quaitre ou .V.
compaignon, gens de biens, qui avoye grant congnoissance en la ville. Touteffois, en-fin, nous fumes
lougiéz au_mains malz, et ne powoit on finer de vin.
Le lundemain de bons mattins, nous aillaimes oÿr messe à la dite eglise et faire nous offrande, et
furent confessé lez aulcuns de nous gens. Et y_avoit tant d'aultre gens qui ce confessoie qu'il (256)
touchoie l'ung l'aultre, et n'estoit pousible de ce powoir angenoulliéz pour oÿr messe ; mais y_avoit
unne cy trés grande et orible presse et grande multitude de gens qu'il sambloit qu'il ce deussent crever,
et n'estoit possible de aproichier lez autel, ou à_moin à bien grant paine, et y avoit lez ministre de
l'eglise qui tandoye dez grande perche là ou il y_avoit à_bout dez petit saichet pour recuillir lez offrande,
ca^r^ aultre +aultre+mant on ne c'en powoit aproichier.
Et fumes la plus-pairt du jour en visitant la ville et les eglise d'icelle et en atandant que ce
monstraissant les juaulx et lez digne relicquez à_l'eure acoustumee, pour lesquelle à veoir ce y trowait cy
grant et cy orible multitude de puple que c'est chose incredible à_gens qui n'y furent jamais.
Et print ung chacun sa plaisse du mieulx qu'il powoye, car toutte lez maixon entour de la dite
eglise estoient cy trés chairgeez de puple et cy tréz fort tansonnee de grosse piece de mairiens q ue
c'estoit merveille. Et nous fumes mis pour nostre airgent sus l'une de cez maixon là et asséz en bonne
weuez pour veoir lesdite relicques, et là nous aviens le regairt sus la plaisse d'ung dez cousté de la dite
eglise, là ou nous vaiens tant grant puple en la dite plaisse que l'on ne veoit que teste, et encor autant sus
lez maixon.
Et incontinant que l'eure aprouche, on acomance à sonner les grosse cloiche ; et puis, ce fait,
vient ung reverant prelat acompaigniéz de plussieur noctauble clerc, et vait luy et sa compaignye par
toutte entour de la dite eglise par lez ailleez à cler voie qui sont faite touttez propice au-prés du tis de la
dite eglise aup au_par_dehors, et y ait plussieur lieu ordonnéz és dite ailleez là ou ce monstre les digne
relicque en la veue (257) d'ung chacun et de tout cousté quant l'eure vient, comme vous oÿrés.
Et premier vient ycelluy prelat acompaigniéz comme dit est, et à chacun desdit lieu là ou ce doye
monstrer lesdite relicque, il fait en manier d'ung petit sarmon et une confession generalle, et cy
recomande ledit prelat à prier pour nostre sainct pere le pape et pour touttez sa crairgie, et apréz ^pour^
218fourxe corrigé en fourse par l'auteur.

151

l'ampaireur et pour tout prince et seigneur, et par especial pour lez seigneur du païs qui gairde et sont
tenus de gairder le païs ^et lez passaige^ am_paix et que l'on ne faice desplaisir au pellerin ; et fait encor
biaucopt de belle priere et recomandacion que je laisse ad_cause de briesté.
Et, ce fait, incontinant c'en retourne et tantost aprés, l'on voit venir biaulcopt de torche et de
pilléz alumés, et puis viengne biaulcopt de gens d'eglise tous revetus en riche abis avec riche crois et
yaue benoitte et riche ansanciet d'or et d'airgent, et toutte en belle ordonnence viengne au_loing dez
ailleez devent dite, et anmey lieu d'eulx et du luminaire et dez ansanciéz sont deux prelat bien vetus d'or
et d'airgent, qui pourte sus leur epaulle ung ron batton comme d'une lance, doré de fin or, sus lequel
batton est mise et posseez la precieuze et digne chemize de Nostre Damme, et est ploieez en plussieur
plis sus leur batton, et le pourte comme on pourteroit une fierté ; et dessus la dite chemise y_ait ung
biaulx draps de soye, et dessus le drapz de soye y_ait ung biaulx draps d'or.
Et vont aincy tous cheminant jusques à tant qu'il viengne en belle ordonnance à l'ung dez lieu
ordonnéz, là ou le sermont ait estéz fait ; et là adoncque ce arestez et en grande reverance decowre la
dite chemise du drapz d'or et de cellui de soye, et adoncque tout le puple (258) est en genoulx, la teste
descouverte et les mains jointez, voir ceulx qui sont de cousté là ou ce monstre lesdit juaulx et relicques,
car quant on ait fait toutte lez plaisse ordonneez de l'ung des cousté de l'eglise, l'on vait de l'aultre partie
tout entour de la dite eglise.
Et adoncque lez prelas praingne la dite chemize qui est ploieez, comme dit est, et en grande
honneur et reverance la laissant ailler de cez plois et l'atande tous du loing au dehors desdite ailleez sus
ung aultre drapz d'or, à_la veue d'ung chacun. Et adoncques vous diriéz que tout le monde tramble du
grant bruit des cornet et du cris dez homme et femme qui crient misericorde, et n'y ait h. homme que lez
cheveulx ne luy dressent en la teste et que lez lairme ne viengne à l'ieul.
Et à cest heure là qu'il estoit environ midi et qu'il faisoit cy grant chailleur, ce monstroit une
estoille au ciel que plussieur virent. Et est la dite chemize esséz brune, comme enfumee, et est plus
loingue biaulcopt que d'aultre chemize et ait deux corte manche et lairge comme c'elle fussent coppee
au_dessus dez coustéz ; et weullent dire aulcuns que c'estoit ung abis que Nostre Damme vestoit dessus
cez aultre roube.
Et puis, quant il heurent monstréz bien autant que l'on diroit unne patenoste et ung Ave Maria,
et que le puple fut apaiséz, il la remestre reveranmant sus leur bourdon, et en belle ordonnance en vont
faire autant par tout les aultre lieu ordonnéz autour de la dite eglise.
Et quant ce fut fait, le prelat devent dit retourne à_chacun lieu comme j'ay dit devant et vient
faire ung petit sermon de ce qu'il weullent ^encor^ monstré ; et puis il ^c'en^ retournait, et incontinant
reviengne la clergie avec crois, ansancier et yawe benicte et lez torche (259) alumeez et en belle
ordonnance, comme j'ay dit devent, et apourtait lez chaussette sainct Joseph, dont l'une est noir et

152

l'aultre comme tanéz, cen avanpiedz ne nulle fasson, mais sont lairge et tout d'ugne venue.
Et quant ce vint à les monstrer et à lez desploiéz, le puple acomance à corner et à businer
comme devent, tellement que l'on n'eust pas oÿr Dieu tonner. Et quant il heurent tout par-tout fait aincy,
le prelat retourne à_faire ung petit sermon que ne dure comme rien, et puis revint la clergiez, et en telle
orde comme j'ay dit devent vindrent et monstrerent le linge avec aulcune figure de sanc là ou monseigneur sainct Jehan fut decolléz, et le puple businoit comme devent.
Et apréz ce fait, il revindrent comme devent et apourtairent ung petit drapz de linge avec aulcune
figure de sancque, lequelle drapz fut cellui que le doulx Jhesus avoit en l'airbre de la crois par devant son
humanité. Et fut monstré par tout lez lieu en grande reverance, comme j'ay dit devant, et ne plus ne
moins furent monstré tous les dit juaulx et en telle orde comme fut la chemize. Et quant on lez
monstroit, l'on ne faisoit que ansancier et estre à genoulx, et le puple crier et courner.
Et puis, ce fait et que tout fut monstré pour cellui jour, le puple ce acomance à_despairtir, et y
avoit cy trés grande presse, non pas seullemant à_l'eglise mais aucy au saillir hors dez pourte de la ville
et parmei lez rue, que c'estoit merveille à_veoir.
Touteffois nous fimez tant que à bien grant paine, nous antrasme encor en l'esglise et fumez
veoir le sepulcre (260) Chairlemaigne, lequelle est ellevés en hault derrier le grant autelz en manier
d'unegne fiairté, et passe l'on par dessoubz. Et cy fut veoir lez collongne que ledit Chairle fist mestre en
celle dite eglise, et biaulcopt d'aultre chose. Mais je vous promés qu'il y_avoit telle presse que ce une
piece d'or eust cheus dez mains d'ugne personne, il ne luy eust estéz possible de la powoir relever.
Et ce pourtoie lez gens tout en l'air de force de presse, et quant une compaignie de pellerins
voulloient entrer en l'eglise, ou meisme paisser parmei lez rue, il prenoyent le plus fort homme de leur
bande et lui faisoient pourter quelque ainsaigne au_chief d'ung bourdon comme une banier ; et cez
gens, homme et femme, ce tenoye tous l'ung l'aultre par le pan de leur robe derrier, et ce tenoient tous
aincy l'ung apréz l'aultre en suant le premier, qui pourtoit la banier et qui conduissoit la rotte. Et ce
pressoient tant qu'il poulloient, et aincy guaignoient paissaige en l'esglize ou aultre_ part. Mais ce l'ung
d'eulx ce fut despairtis ou abandonnés la robe de son compaignon, il estoit digne d'estre perdus et que
par avanture ne ce fussent trowéz tout le jour ou de toutte la semaigne, sinon qu'il ce fussent atandus à
lougis.
Puis, aprés que nous humez tout visitéz, et l'eglise et la ville, et acheter ceu qu'il nous failloit,
primez congiéz de nostre hoste et montaimes à chevaulx, et cy vimes encor à_tamptz pour cellui jour
pour veoir lez juaulx et relicque à Sainct Cornellius, auquelle lieu est unne bonne et grosse abaihieez en
ung fon à deulx liewe par dellay Ays, car lez juaulx et relicque ce monstrent à deux ou trois heure aprés
(261) midi, et ce monstroye desjay quant nous y_arivaimes ; auquel lieu y_avoit desjay tant de puple que
c'estoit merveille, et tout aincy comme à Ays.

153

Et nous arivés à_force de chevaulx, dexandimes bien en_haite sus ung tairaulx en ung gerdin, et
dellay vimes nous le premier juaulx qui ce monstroit, c'est assavoir le chief dud it sainct Cornille, avec
ung bras. Et fut monstré et preschiéz par devant par ung prelat tout en telle orde et en telle reverance,
avec torche alumeez, ansancier, crois et yaue benicte, et tout aincy ne plus ne moins comme avéz cy
devent oÿ dez relicques d'Ay, et aincy le puple corner et businer.
Et quant ledit chief fut monstréz, le prelas retournait faire son petit sermon et prierez comme à
Ays ; et incontinant vecy revenir lez ministre de l'esglise en belle ordonnance, comme à Ays, et vindre à
monstrer le linge de_quoy nostre Seigneur essuait lez piedz à ces apouste, avec ung dez piedz de Judas
qui est figuré audit drapz.
Et quant il heurent monstréz par tout lez lieu à ce ordonnés, il retournairent et puis revindrent
comme devant, et monstrairent le drapz ou suaire qui fut mis sus le corps Nostre Damme à son
trepassemant ; et à chacune219 desdite relicque ce faisoit tout aincy comme à Ays de corner et bussiner, et
lez prestre tout en telle orde et reverance. Et quant tout fut monstréz, chacun ce despairt et vont lez ung
à Ays, lez aultre à Dur à visiter le chief saincte220 Anne, mere à Nostre Damme ; lez aultre retourne en
leur païs.
(262) Et quant la multitude du puple ce fut ung peu retiréz, nous aillaimez visiter l'eglize,
auquelle lieu nous furent monstreez plussieurs aultre relicque ; et ce faisoit en cellui tamps là l'eglise
toutte newe de fon en fon. Et aprés, quant nous heumez tout veu, nous compaignon c'en retournirent
tous à Metz, reservés ung avec moy qui fut comptent de tenir le chemin de Collougne.
Sy nous partimez bien en_haitte pour cuider venir encor à_tamptz à la bonne ville de Dur à
couchier et pour y_estre du mattin, car l'on monstre le chief de la glorieuze saincte Anne, mere à
Nostre Damme, à .VII. heure du mattin ; lequelle chief fut apourtéz mirauculeusemant à ycelle bonne
ville de Duc comme vous oÿréz, car il est vray que ^ung peu devent^, environ l'an mil .V.C - je ne sçay
pas bien le jour à vray -, il y_avoit ung jonne masson à Cowellance, et owroit ycellui jonne masson en
l'eglise de la dite Cowellance. Et faisoit tous lez jour sa priere devent aulcune chief d'imaige, lesquelle
chief estoient sus l'autel esséz peu reveranment acoustréz ne honnouréz, entre lesquelle estoit le chief
d'icelle glorieuze saincte Anne.
Or avint ung jour que lez comis d'icelle eglise ne voulloie pas paiet ycelluy masson, comme il me
fut dit, et tellement qu'il lui fut dit et revelléz divinement qu'il ce paiait et qu'il ampourtait le chief
d'icelle glorieuze saincte Anne à la bonne ville de Dur, comme il fit. D'aultre en dise aultremant et disent
que lez ministre lui firent prandre, ce cuydant moucquer de luy. Mais coment qu'il en fut, ^il est vray
que^ ledit masson apourtait ledit chief à (263) Dur, là ou il est envaixellés tout en fin airgent et là ou
c'en font tant de miraicle que c'est chose merveilleuze. Et vivoit et estoit encor là en la propre eglise
219Philippe écrit chacun ; nous corrigeons.
220Philippe écrit sainct ; nous corrigeons.

154

ycelluy masson pour l'eur que je y_estoie, et y_ avoit on fait une moult belle et grande eglize tout
nowellemant, et encor y owroit on tous lez jour.
Mais ^pour^ venir à mon prepos, nous tiraimes le grant chemin de Dur en nous haitant et
avanssant de touttez nostre puissance, cuidant encor venir à couchier à Dur ; mais il y_avoit trés tant de
gens et cy221 grant multitude de puple au loing du chemin que c'estoit grant merveille, et ne ce powoit
on à_paigne avancer.
Mais cy saige je bien touteffois que nous chevauchaimes cy treffort que nous passames plus
de .L. mille personne pour cest vepreez, par estimacion, et aincy fut il nombrés ; et cy croy de vray que
celle nuit là, yl en couchait au bois et par lez blef, que femme que homme, plus de .XVIII. ou .XX. mil
que ne peurent venir à tampts à Dur pour celle journeez ; mais il y vinrent bien le lundemain à .VII.
heures.
Et nous meisme, qui estions bien montéz, force nous fut de demourer celle nuit à une lieue lués
préz de Dur, mais ce fumes nous esséz bien logiéz cellon l'avanture chiéz ung prebtre en ung villaige, car
nous vimes là dez premier, mais ung peu aprés vint tant de gens qu'il lez faillit tous couchiéz à l'uis.
Le lundemain de bon mattin vinmes à Dur, et tout incontinant que lez chevaulx furent mis en
l'estauble, nous aillaimez oÿr messe et (264) tout incontinant lez .VII. heure sonnairent, qui estoit l'eure
de monstrer le digne chief ; et pour_ce, tout incontinant, ce trouvait cy grant puple autour d'icelle eglize
que merveille.
Et acomansirent premier lez menestréz de la ville à juer de leur chaillemine, que biaulx lez faisoit
oÿr, et estoient hault contre l'eglize, és lieu et hour là ou ce devoit monstrer yceulx juaulx, et c'en
aillairent aincy juer par tout lez lieu à ce ordonnéz entour de l'eglise ; et puis apréz, l'on vint preschiéz
ung petit sermon comme à Ays et éz aultre lieu.
Et, ce fait, toutte en la forme et manier que l'on apourte lez juaulx éz aultre lieu, tout aincy vint
la clairgie par orde et monstre au puple, qui est embais, ycelluy sainct chief, et le retourne le prelat qui le
thient cen que dessus dessoubz pour monstrer le tais de la teste tout nus, car il est tout guarnis d'airgent
; mais sus la teste il y_ait unne petitte plaitine qui ce liewe. Et adont sambloit que tout deust fondre de
fource de courner et businer, tellement que l'on plouroit quasy de joye.
Et aprés ce que nous humes veu le sainct chief tout à nostre aixe et visiter l'eglise et lez frere
Baude et la ville, car c'est une belle jollive ville, et que on eust dinéz, nous partimes bien en_haitez et cy
vimez couchiéz à Coullougne à Trois Rois pour celle nuit. Mais avant que nous arivexiéz à la dite
Collougne, il nous print le plus tairible tamptz (265) d'ouraige, de pluye et de tonnoire que en grant
tampts ne vis le pairaille, car il sambloit que tout deust fondre et que lez arbre deussent tout rayer, et
estoit glaisse qui fondoit en l'air ; et estions anmey les champs, mais non pas seulle, car il y avoit belle
compaignie. Touteffois nous vimez couchiéz à Coullougne et y fumes le lundemain tout le jour en
221Philippe écrit à_cy ; nous corrigeons.

155

visitant plussieur eglise, là ou nous furent monstréz plussieur saincte et digne relicque, comme cy apréz
cerait dit.
Et premier à l'eglise cauthedralle de mon-seigneur sainct Pier, nous fumes adorer lez Trois Rois,
Malchior, Gasper et Baltasar ; item, à_la dite eglise nous fut monstréz dez cheveus de la glorieuze Vierge
Marie et le propre bourdon sainct Pier, de_quoy fut ressucitéz ung mort, et plussieurs aultre relicquez.
Item, de_là, fut visiteez par nous l'eglise de mon-seigneur sainct Andrieu, apouste de Jhesus Crist, en
laquelle eglise nous fut monstré le bras sainct Simon, le bras sainct Remey, l'espaulle sainct Loran avec du
sancque et peu de la chair dudit sainct ^Loran^, et une dez espaulle sainct Cristoffle, et plussieur aultre
relicque. Item, de là, fut visiteez l'aiglize dez frere precheur, ausquelle lieu nous fut monstré la chemize
saincte Elizabech de Hongrie et le doy saincte Anne, et la jambe d'ung innocent avec le piedz. Et Abl
^nous fut monstrés^ Albairtus Manus, qui fut ung cy grant clerc et qui fut .VII. ans baillé faissant
l'office dez femme ; il nous fut monstréz tout en chair et en os, et plussieurs aultre digne relicques.
(266) Dellay aillaimes visiter l'eglize dez onze mil vierge 222, qui est unne moult belle eglize, et là
ou il y_ait trés fine[..]ment tant dez saincte relicque d'icelle onze mille vierge que c'est chose
merveilleuze, car non pas seullemant sus lez aultes en y_avoit, mais par tout l'eglise, et du loing et du
lairge, ce monstrez lez ossemant d'icelle vierge. Et sont faicte contre lez parroy en manier de baieus
comme d'ung collunbiet, là ou en ung chacun pertuis y_ait ung chief desdite vierge ; et est ce aincy
faictez de_tout coustés jusques à_tis.
Mais dessus le grant autel sont mis et pousséz lez chief dez plus souverains de leur compaignie,
et premier le chief de la glorieuze saincte Ursullia, qui fut fille de roy et maitresse et capitaine dez
dite .XI. mil vierge ; lequelle chief nous fut monstré tous nus ad_cause d'unegne grande damme qui là
estoit, à_qui l'en le monstroit. Et aucy à_cellui autelz nous fut monstréz le chief de son marei et le chief
du pape qui pour lors estoit en leur compaignie, et de environ unne douzenne dez plus souverains de
leur compaignie, dont lez nons nous en furent dis.
Et estoient yceulx chief tout envercelléz en airgent, mais il nous furent monstréz tous nus, et
powoit on veoir dez aultre chief d'icelle vierge parmi l'eglize plus de trois mil et aultre relicque
innumerauble. Et y_est la terre cy trés digne qu'elle ne souffre nul en soy y estre enterré ; et ce peult
veoir par le filz d'ung roy qui estoit jonne et innocent, lequelle le roy son pere y_avoit fait enterrer ; mais
le lundemain, par la graice de Dieu, il fut retrowéz sus la terre et y est encor. En ycelle eglise y_est ung
grant simetier là ou (267) sont plussieurs sepulcre desdite vierge, et lez ministre de l'eglise y_ont plantéz
de biaulx romarins, viollette, cyprés et mergeollaine et du spicque, qui craixent sus elle, et en donne aus
pellerins.
222La légende des onze mille vierges de Cologne tire sa source des nombreux restes de martyres retrouvés dans le
cimetière de l'église au XIIe siècle. Ce nombre provient d'une mauvaise lecture de l'inscription « XI.M.V. », où l'on
vit « onze mille vierges » et non « onze vierges martyres ». L'église porte aujourd'hui le nom de Sainte-Ursule, du
nom d'Ursula, une fillette dont le tombeau se trouvait à proximité de cette inscription.

156

Item, dellay nous fumes menés en l'eglise de sainct Jehan Baptiste, qui est unne moult belle
jollive eglise et là ou sont en painture contre lez pairois lez plus belle istoire du monde. En ycelle eglize
nous fut monstréz le cowrechief Nostre Damme, item la bairbe et du sanc de sainct Jehan Baptiste, et dez
relicque de tous lez apouste ; item aucy nous y fut monstréz l'ung dez doy saincte Bairbe et l'ung dez
bras saincte Mairgueritte, en chair et en os avec lez doy et les ongle dessus.
Dellay aillaimes à l'eglize des .X. mil martir, qui est ung ^une^ belle grande eglise et est tout
istoirieez en l'autour de moult belle et riche istoire de la vie desdit sainct. En celle eglise y_est ung puis,
lequelle est cowert dessus, et y_est encor unne petitte woulte par dessus et y_ait plussieurs lampe ardans
; et est ^cellui puis^ causy anmei lieu d'icelle eglize, auquelle puis furent ruéz lez corps desdit sainct
aprés ce qu'il furent decolléz, et est plain du sanc desdit martir ; et y_ait plussieur aultres relicques.
Apréz, nous fumes conduit en l'eglise dez .XII. apouste, en la-quelle nous fut monstréz relicque
de tous lez apouste, et encor plussieur aultre relicques que je laisse. Item nostre guide nous conduit
apréz en l'eglise de saincte Cecille, en laquelle nous fut monstréz le bras sainct Lionnair et moult d'aultre
relicque ; et en la petitte chapelle joindant est le bras saincte Bairbe, et tant d'aultre relicque que je seroye
tropt loing à_lez tous nommés.
(268) D'icelle eglize Saincte Cecille on nous menait en l'eglise dez frere cordelliet, là ou nous fut
monstré ung des innocens tout anthier et la jambe de l'ung, et une piece du chief saincte Anne ; et encor
nous fut monstré le chief saincte Bairbe avec la plaie que son perre lui fit en la teste, et le chief saincte
Mergueritte, et de la roube Nostre Damme, et plussieurs aultre digne relicque.
Apréz ce veu, nous en aillaimez visité unne bien belle eglise nommee Corpus Cristi. Là ou est
citueez ycelle eglise de Corpus Cristi soilloit ancienement avoir une vigne, laquelle estoit à ung
bourgeois vignerons de la dite ville de Collougne ; lequelle, ung jour quant il olt ressus corpus Domini, il
ne le poult pourter et le womist en sa vigne, et devint ung petit anffans vif, lequel, q uant il le vit, ^ce^
doutait et de peur d'en estre reprins soutairait ledit anffans en sa vigne.
Mais dez homme estant sus la muraille de la ville le virent et l'acusairent, et adont fit sa requeste
à Dieu ycelluy vigneron que ledit anffans retournist en ostie et qu'il feroit fonder une eglise audit lieu.
Lequelle fut aincy fait, et fist fonder la dite eglise qui est à cest heure l'une dez belle de Colloigne de ce
qu'elle thient, et voit on propremant le lieu en tere là ou ledit homme womist ; lequelle lieu et plaice est
cowert de trillez de fer avec plussieurs belle istoire et pointure touchant ycestui fait, et y_voit on encor
plussieurs digne relicque.
Item à Collougne y_ait encor une orde ou religion de aulcun homme qui ^ordonnés pour^
pourter lez gens en terre, là ou il y_ait de belle relicque. Paireillemant y_ait encor une eglise de sainct223
Anthonne, là ou il y_ait plussieurs belle relicque. Item aucy l'on nous menait oultre le Rin, là ou ce
thienne lez juif ; au-quelle (269) lieu y_ait une abaihies de moine. Et en ycelle habaïees nous fut
223Philippe écrit saincte ; nous corrigeons.

157

monstré ung sainct pousant ^qui repouse^ ylec, dont j'ay obliéz le nons, lequelle sainct fait miraicle. Et
nous fut monstréz la chaipe dudit sainct, laquelle est de jalne soye, et y_chantait sa nowelle messe et
l'ampourtait en terre avec luy, là ou elle ait esté trois cent ans ou environ, comme nous dist ung dez
religieulx ; et est aucy belle et aucy anthier comme le jour qu'elle fut faicte.
Item, nous retournéz à Collougne, nous fumes visiter plussieurs aultre lieu que je laisse ad_ cause
de briesté, et en plussieurs lieu nous fut monstré de la vraye Croix. Aucy y_ait à Collougne plussieur
aultre sainct lieu là ou nous ne fumes point et là ou sont plussieurs digne relicque et cen nombre.
Mais j'ay mis et escript ce voyaige ycy esséz au loing, tant dez relicque et eglise de Trés, de
Nostre Damme d'Ays, de Sainct Cornellius, de Dur, comme de celle de Collougne, comme vous avés oÿ ;
et ait escript de toutte lez eglise et relicque là ou je fus audit voiaige faisant, et la manier de plussieur
chose comme il me fut compté, et toutte enthieremant au_plus droy qu'il m'en peult souvenir. Et la
cause pour_quoy je l'ay aincy escript au loing, ce ait estéz affin que ce aulcuns y veult ailler au_tampt
à_venir audit voyaige, qu'il peussant mieulx savoir et trouver lez eglise devent dite.
Item de Collougne pour retourner à Mets, premier vimes à une bonne ville nommee Bonne, et
de_llà à Houdebert, qui est ung bon chaitiaulx ; de_là à Rimelle, de Rimelle à Andernach, qu'est une
bonne ville et la parroiche belle ; de_là à Maye, de Maye à Quierque, de là à Hambach, (270) de
Hambach à Cocum, petitte ville fermeez ; de_là à Alvan, de Alvan à Baigneul, et puis à Nostre Da mme
d'Ervercluze, là ou nous fumes faire nostre pelerinaige. Et ce apelle Evercluze pour ung bon homme
appelléz Averay, c'on appelle en allemans Ever, lequelle fut premier hermite en ce lieu et y fondist ung
petit oraitor, et depuis fist acomancer l'eglise ; et fut entour l'an mil .IIII. C et .IIII.XX. Et fumes ou
cloistre de la dite eglise, qui est vairnéz et est bien belle eglise, et y lus en ung taubleau[.] qui est en latin,
en allemans et en romans, la manier comant la dite eglise fut faicte et fondeez comme ja dit cy devant, et
coment de-puis elle fut benicte là ou il y_eust merveilleux triumfle, et aucy coment lez religieulx y_furent
de-puis mis, qui ce disant reclus de sainct Augustins.
De là vimes à Triewe, là ou par nous furent visiteez precque touttes lez eglise ; maix on ne nous
monstrait nul relicque, car il lez monstre en d'aultre tampts ^et saixon^. De Triewe vimez à Sierque, et
de là à Mets.
Or avéz oÿ coment on peult ailler et venir à Nostre Damme à Ays et guegnier lez pardon ; cy
vous veult maintenant compter d'aultre avanture avenuees pour cellui tampts.
Premier, tantost apréz que nous fumez retournéz à Metz, le malz print à Jehan Le Sairte, jaidi
maire de Lessey et perre à la femme ^Philippe^, et mourut le .XVIe. jour du moix d'owoust. Je prye à
Dieu qu'il ait pitié de son ame.
En ycellui meysme ans mil .V.C et .X. courut une mallaidie en-tour le moix d'awoust et de
septambre, laquelle on apelloit coucquelleuche ; et n'y eust point de .C. personne l'une que n'eust la dite

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mallaidie ; et estoit (271) en manier de tous, et ne veoit on en moins de .XV. jour que gens mallaide par
les rue, homme et femme. Et ne duroit ladite mallaidie que trois ou .IIII. jour, mais aulcuns estoient qui
en mouroient, souverainement aulcune femme grosse et ansainte d'anffans ; et je, Philippe, eus la dite
mallaidie au retour de Collougne. Aucy eurent causy tous ceulx que nous trouvaimes par les chemins,
maix l'on ne savoit encor guere que c'estoit jusques la fin d'owoust. En ce meisme tampts et ung pouc
aprés print à biaulcopt de gens le malz des aprinsons, dons plussieurs en moururent, souverainemant lez
vielle gens.
En celle anneez mil .V.C et .X. ans fut faictez la pourte et le pons du billevairt de pourte
Champenoize, et fut achevis en ycelluy ans en-tour le moix d'awoust ; lequelle billevairt et muraille avoit
estéz acomancé grant tampts devent, comme j'ay cy devent dist. Et pour_ce, en ycelluy tampts en-tour le
moix d'owoust et que ledit owraige fut achevis, nous seigneur de Mets ordonnairent une poursaicion
generalle, là ou furent tous lez colliege et touttez lez orde et touttez la clairgie et toutte la seigneurie, et y
estoit tout le puple comandéz ; et y eust grant puple, et estoit l'une dez honnourauble poursaicion que je
vis jamais faire à Mets.
Et fut ycelle pourcession faictez pour plussieurs raison, en honnourant Dieu et cez benoit sainct
et pour apaisier plussieurs mallaidie, et souverainement pour le remercier d'y-celluy owraige (272) qui
estoit achevis. Et sourtit la dite poursacion par la pourte Sainct Thiebault, et vindrent toutte la clairgie et
touttez la seigneurie avec le puple en belle ordonnance jusques audit billevairt de pourte Champenoize ;
auquelle lieu l'on avoit apaireilliet ung autel bien richement acoustréz dessus l'epaisseur de la muraille
dudit billevairt, là ou ledit mur n'estoit encor point recowaitéz, car à_ l'androit de ce lieu, là le mur
n'estoit encor point tout achevis.
Et estoit ycelluy autel à_la veue d'ung chacun, pairéz de riche tapicerie et de maye et de plussieur
fleur ; et y fut chantee la grant messe à chantre et dechantre, ^à orgue et^ en moult grant triumphe,
tellement que tout le puple qui estoit espairt parmey le Champtz Paixaine powoit veoir et oÿr. Et à l'aproichiéz que la dite poursacion fit dudit billevairt, l'on tirait toutte l'a l'airtillerie de la dite pourte et de
touttez lez tour dez muraille qui sont là amprés, en fasson telle qu'il sambloit que tout deust fandre.
Et quant le service divins fut honnouraublement achevis, touttez la poursacion rantrait en grant
triumfle en la cité, et là ce mist l'airtillerie à tirer de tout coustéz sus la muraille plus fort que deva nt et
lez trompette et groz tamborin qui cournoye et businoye, qui estoient plaisant à oÿr.
Et ne vis jamais rantrer à Mets pourcession en cy grant triumphe, car c'estoit la premier antreez
que l'on avoit fait par la pourte et ledit pons dudit billevairt, car par avans, l'antreez estoit en ung aultre
lieu. De là c'en vint ycelle poursacion à la grante eglise, auquelle lieu fut faicte (273) ung moult biaulx
sermon ; et ce fait, chacun c'en retourne en sa maixon.
En ycelluy meyme ans mil .V.C et .X. arivait à_Mets deux compaignon atrangiéz avec leur femme,

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dont l'ung avoit à_non Bairnaird et l'aultre s'apelloit Benoy. Et c'en vindrent lez deux dessus dit tenir au
pucelle ^en la vigne oultre Muzelle^, en une chambre par luaige et en ung celliet. Et toutte lez nuit du
monde yl besoingnoient en ycelluit celliet à mestre à_point dez grande plattine d'airain, lesquelle il
raioient sus dez chevaulx de boix, comme lez taineur et coureur de cuir font de leur cuir ; et puis il lez
blanchichoie et lez arondissoient en fasson tellez qu'il en faisoient dez fault grant blanc. Et estoient cy
bien contreffait qu'il n'y avoit cy rouge que n'y fut prins.
Mais en-fins on en trowait tant au chainge c'on y_apourtoit de tout coustéz, et sairchait on
tamptz de mains en mains que yceulx devent dit furent tenus suspect ; et avoyent lez maistre dez change
ordonné gens pour ailler apréz leur femme au mairchiéz quant elle achetoye quelque chose et pour
savoir quelle monnoye qu'elle avoye paiéz. Et prenoye yceulx comis lez monnoye que lez dite femme
avoye paiéz et en redonnoye à bonne gens autant de bonne monnoye qu'il en avoye prins de la faulce ;
et ycelle faulce monnoye apourtoye à maistre dez chainge, et par aincy congnurent que cez dit fault
grant blan venoient premier de leur mains.
Or avint, ce tamptz pandant que l'on c'ensairchoit de leur fait, que le malz print à cellui
compaignon nomméz Benoy, et ce en aillait à l'opitaulx ; auquelz lieu il fut ressus et y fut une espaisse de
tamptz (274) fort mallaide. Et pource que l'on avoit plus grant suspicion sus Bairnaird que sus luy, l'on
envoyait querir et prandre par trois ou quaitre sergent ledit Bairnaird, lequelle ce cuydait bien deffaire
desdit sergent, mais il ne peult et ce mist en voye de achaper une fois ou deux. Non-ostant il fut mis en
l'ostel de la ville, et apréz ce qu'il eust estéz bien taitéz, il congneut son cas et amcourpait Benoy, son
compaignon, disant que c'estoit le droyt maistre.
Toutteffois on print leur deux femme et lez tirait on de l'opitaulz par doulce parrolle, et gairdoit
on bien que Benoyt ne achaipait. Mais quant il sceut la prinse de son compaignon, il en print cy g rant
desplaisir qu'il ne voulloit boire ne mangier et en mourut de deul. Et tantost apréz ledit Bairnaird fut
jugiéz à morir et à estre boullis en huille ; et fist on faire ung angiens en Champtz Paissaille, à_la
courneez ampréz du quairtaulz, telle qu'il y_est encor, en manier de la bouche d'ung puis.
Et n'y avoit homme en Metz qui jamais en y_eust point veu de telz, mais l'on disoit que aultrefois, au_tamptz paisséz, en y_avoit heu ung. Et dedant ycelle bouche de puis fut mise et pouseez une
grande chaudiere sus une croixieez de fer qui la tenoit, et y_avoit des trouz emprés de terre pour alumer
le feu dessoubz la dite chaudier. Et fut ramplie ycelle chaudier d'yawe plus que la mytié, et le rest par
dessus estoit huille.
Et fut ce fait le .XIXe. jour de septambre, l'an mil .V.C et . X., que ledit Bairnaird fut amenéz à
Champz Paissaille à l'eure de .X. heure du matin, et fut au (275) pillorey jusques à deux heure apréz
midi. Et confessait ledit Bairnaird que quant il voulloient fraiper et donner le coing à_leur monnoye, il
c'en ailloye lui et son compaignon Benoy en ung champt à_demy liewe de Saincte Bairbe ; et là, en ung

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lieu propice hors de chemins, l'ung d'iceulx donnoit le coing et fraipoit lesdit fault grant blan, et l'aultre
son compaignon faisoit le guet sus lez chemin. Et y furent envoiéz aulcuns personnaige audit lieu qu'il
enseignoye, mais il y furent deux ou trois fois avent qu'il puissant trower le lieu ; toutteffois il le
trowairent et raipourtairent leur huitille ^et lez coing^.
Et aincy, comme vous oyéz, fut ledit Bairnaird l'espaice de .IIII. heure à pillorey, auquelle tamptz
l'on fist tousjour grant feu dessoubz la dite chaudier, tant qu'elle boulloit au plus qu'il estoit possible. Et
quant l'eure de deux heure fut sonneez, l'on amenait ledit Bernaird et le fist on seoir sus ung petit hors
ou pairque, qui estoit tout joindant la chaudiere et ung peu plus hault que la dite chaudiere ; et avoit le
doz tounéz ^tournéz^ ver ycelle. Et là fut renouvelléz son procés et, ce fait, il heust grant repantance.
Et l'on luy lyait lez mains par dessoubz lez genoult, et avoit ung chenette ou col qui fut loyéz
par dessoubz lez genoult et estrains cy fort qu'il avoit le visaige tout sus lez genoult. Et en cest estat fut
prins du bouriaulx et levéz lez jambe en hault, en fasson telle que de_là ou ledit Bairnaird seoit, il lui fist
faire le cul tumeréz à la reverce. La teste devant, chut toutte à une fois en la d ite (276) chaudier, et
incontinant le bouriaulx avoit une grande fourche et le tint soubgect dedans l'uille, et il fut tantost
passéz. Puis, ce fait, on le g chairge sus une chairette et fut menéz enterréz à Sainct Lowey. Et ung peu
apréz, on banist lez deux femme à_tousjour maix ; et ledit Bairnaird, à_ l'eur qu'il fut gectéz en l'uille, il
estoit tout chairgiéz de cez fault grant blan.
Ung peu de tamptz aprés fut fowaités ^et baitus de verge^ parmi Mets ung merciet fransoi et fut
banis, pource qu'il achetoit dez fault liairt à ung aultre qui lez fourgeoit en France et lez venoit
despandre à_Mets et à_païs.
Or, en cestuy ans, avint encor biaulcopt d'aultre chose à_Mets, coment cerait dit cy apréz. Mais
premier je veult ung peu parler dez avanture qui avindrent aus aultre cité et ville voixine, tant à Verdun,
à Sainct Miel, comme en aulcuns villaige.
Et premier en ung villaige nomméz Sciey devent Mets y_eust ung compaignon nomméz Jehan
Houllon, lequelle avoit sa femme grosse et ainsainte d'anffans. Et avint qu'elle ce fist ung peu malz et
delivrait de son fruit devent que droy, par ung jour de Saincte Lucie, .XIe. jour devent Noé, l'an mil .V.C
et .X.. Et fut ledit anffans mornéz tellemant qu'il fut mis en terre sans recepvoir le sacremans de
baptesme, de_quoi le perre et la mere en furent fort desplaisant, et en fut la dite mere gessant en telle
desplaisir qu'elle n'en powoit dormir ne repouser, maix de-puis ce jour qu'ellle fut acoucheez jusquez à
jour de Noé, ne faisoit toutte lez nuit que songier que son anffans n'estoit pas mort, et tellemant que le
jour de Noé, à .III. heure apréz minuit et .XI. jour apréz ce que led it anffans avoit estéz enterréz, il vint
en avision à ycelle femme que son anffans (277) n'estoit pas mort224 ; et le dist à son marey, luy
requerant +bien essés crieusement+225 et priant qu'il y_aillait veoir.
224Tout en haut de la marge supérieure : vivoit.
225crieusement : lecture incertaine.

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Mais ledit son marey n'en voilloit rien faire, jusques à_tant que la dite femme ce voulloit lever de
sa couche et y voulloit ailler, ce son marey ne lui eust promis d'y ailler. Cy c'en aillait ledit marey parler à
prebtre et lui comptait tout le fait. Et, luy acompaigniet du prebtre et de deux ou trois de cez voixin, c'en
aillairent deffouir ledit anffans, lequelle estoit enterré entre deux tueille ; et trowairent qu'il s'avoit gaitéz,
^c'est assavoir fiantéz^, et qu'il estoit tout en telle estat que quant il y fus mis, cen rien estre deffiguré.
Puis le prindrent et l'apourtairent sus l'autel Nostre Damme de la dite eglise, et là, en faisant leur
priere et oraixon, ce mirent à chanter une antienne à la glorieuze Vierge ; et tantost aprés l'anffans ce
mist au sangniet. Puis tantost ung peu apréz, l'on congnut que l'anffans avoit vie, et eust baptesme, dont
l'on ce print à sonner toutte lez cloiche, et y coururent tous, grant et petit, pour veoir le miraicle. Dieu en
soit lowé.
En cestuy meyme ans avint à Verduns une bien piteuze avanture de l'ung dez riche bouchiéz de
la ville, le-quelle avoit l'une dez belle femme apouseez de toutte la dite cité de Verduns et avoye desjay
estéz moult longuement en mariaige. Et, je ne sçay par quelle raige ou par quelque jailoisie qui antrait
au_corps dudit bouchiéz en cez viéz jour, il fraipait d'ung coutiaulx sa dite femme entre lez mamelle cen
ce qu'il eussent aultre parrolle ensamble, tellement qu'il la tuait, dont ledit bouchiéz fut prins de la
justice. Et apréz grant mistere, que je laisse ad_cause de briesté, il fut jugiéz à morir, mais premier l'on
lui tranchait le poing sus son propre estaulx et, ce fait, (278) l'on le menait au lieu ordonnéz, et là eust la
teste trancheez.
En cestuy ans mil .V.C et .X. avint ung aultre grant cas à la ville de Sainct Miel, et le plus atrange
et le plus cruel que jamais je oÿs parler, comme vous oïréz, d'ung compaignon normans demourans
audit Sainct Miel, lequelle estoit serviteur à ung bouchiéz de la dite Sainct Miel. Et comme ung jour il ce
devisoie luy et ung sien compaignon, le dit son compaignon lui dist aincy, comme en ce juant : "Se je
avoye ung telle maistre que toy et aucy riche, quelque jour je luy copperoie la gourge, car tu ne fais que
ailler et venir avec lui seul et est fort privé de toy, tant à la ville comme au champtz."
Et aincy, comme on dist que l'on rethient plustost la malvaixe doctrine que la bonne, ledit
serviteur normans mist lez parrolle en son couraige, jaisoit ce que ledit son compaignon ne le disoit que
en ce juant. Mais touteffois lez parrolle n'en estoie pas belle, car ledit Normans en fist malz son proffit.
Car ^Et aincy^, comme ung jour lui et son maistre ailloie sus lez champs à_leur aventure et que
ledit bouchiéz estoit à chevaulx et le serviteur à piedz, en paissant par ung boix ledit bouchiéz vit de
couttier +du chemin+ une cy belle verge, et dist à son serviteur qu'il coupait ycelle verge, pource qu'il
estoit à piedz. Et pour_ce faire lui donnist ledit bouchiéz son espeez, la-quelle ledit serviteur print. Et
quant il l'eust en coupant ycelle verge, il lui revint en memoire lez parrolle que l'aultre son compaignon
lui avoit heu dictez, et heust à cest heure là deux ou trois fois intancion d'aissaillir son maistre et de lui
couper la gourge, ad_cause qu'il avoit son espeez.

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Touteffois il ce retirait, doutant (279) de faillir, et prepoussait de là en avant de mestre à
escecusion sa malvaixe voullunté, comme il fist, car le .VIIIe. jour de decembre, l'an mil .V. C et .X., jour
de la Concepcion Nostre Damme, de nuit, le dit serviteur normans ne ce aillait point couchiéz, maix
espiait toutte la nuit son dist maistre ; et pour mieulx faire son cas, il faindist d'ailler couchiéz hors de la
maixon.
Mais en ycelle maixon y_avoit une jonne fille servante, qui estoit tenue l'une dez belle fillette de
Sainct Miel, et avec ce bonne, et de mil fille l'une n'y avoit point qui eust plus belle teste nesqu'elle avoit,
car il sambloit or de cez cheveulx. Et ycelle fille, qui de ce ne ce doutoit et que ne savoit ou estoit leur
dit serviteur, s'andormist au feu en l'atandant.
Et ce tamptz pandant, ledit serviteur normans, qui estoit caichiéz en la maixon, espiait tant qu'il
vit son houre et qu'il congnust que tout le monde ^par leans^ estoit endormis leans. Cy antrait
secretemans en la chambre de son dist maistre, lequelle estoit bien endormis avec sa femme ; la-quelle
femme estoit ^alors grossez de vif anffans et 226^ estoit toutte jonne, et lui aucy, et estoit fille à ung
nommé Nicollay Le Mairdiet, l'oste de La Corrougne ou bour de Sainct Miel ; et je, Philippe, l'ait
plussieur fois veu avec son perre, elle estant jonne fille, et estoit ung peu boiteuze.
Et quant il fut antréz en la dite chambre, comme avéz oÿ, avec une haiche en son poing, il
trowait que son maistre couchoit derriet. Cy ampoinait sa dite haiche au deux mains et en donnait cy
grant copt sus ^la^ teste à son dit maistre qu'il l'aiturdist tout, maix ne fut point mort du premier copt.
Puis, ce fait, levait une aultre copt (280) sa haiche et donnait cy grant copt à sa maitresse qu'il la tuait
toutte roide, sans jaimais renonciet, et apréz recowrait son copt sus la teste de son maistre, lequelle
comme tout estourdis ce avoit levéz sus son cul, et le ravaillait embais.
Et ce fait, print ledit malz-faicteur print son coustiaulx, lequelle on apelle roussé, de_quoy il
courche lez beste, et à tous deux couppait la gourge. Et quant il eust fait ce murtre, il vint en la cuisine,
là ou ce dormoit la dite fillette servante de l'ostel, laquelle ce avoit endormis au feu en l'atandant, et du
meisme coutiaulx lui couppait la gourge ; et trouvait on qu'il lui avoit couppéz une partie du bras en ce
deffandant que la dite powre fillette ce voult deffandre quant elle santist le copt, et avoit l'ung dez piedz
dedent le feu.
Et ce fait, en atandant le jour qui estoit proichiens et qu'il eust chairgiéz et prins ce qu'il voult, il
aillait couper une chairbonneez de chair en leur estault et la mist routir, et ce dejunait trés_ bien et à
loisir ; et quant il fut dejunéz, il ce avisait d'ung jonne anffans, filz à son maistre, lequelle couchoit seulle
en unne chambrette de la maixon. Et powoit avoir ledit anffans .IIII. ou .V. ans d'eage, et prepousait
ledit malz-faicteur à_lui coupper la gourge.
Touteffois, quant il il vint prés et qu'il vit que ledit anffans dormoit cy bien et cy fort, il le laissait
et ce en aillait chiéz ung de leur voixin amprunter une cellez de chevaulx, disant que son maistre lui
226Ajout marginal en partie illisible : et en[saincte].

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envoioit et qu'il voulloit ailler dehors. Et quant il fut retournéz à l'ostel, il prepousait de-rechief à couper
la gourge à jonne anffans, doutant qu'il ne ce evaillait et que par luy ne fut escusé ; mais quant il vit qu'il
(281) dormoit cy fermement, il le laissait encor, et y fut aincy par trois ou par quaitre fois le cuidant
tuer. Et ce ledit anffans ce fut grain ravailliéz ou bougiéz, il luy eust couppéz la gourge, mais q uant il vit
que nullemant il ne bougeoit, il fairmait trés_bien l'uis au dehors qu'il n'en powoit saillir, et cy le laissait
là.
Puis, ce fait, print ce qu'il voult et montait à chevaulx et fermait trés_bien lez huis de la maixon ;
et c'en vint le chemins de Mets, cuidant venir à ycelle, et fut jusques au pon à Mollin devent Mets. Mais
de_là ^Toutteffois^ il ce avisait +pour aulcune raison+ et print le chemins du Pon à Mousson, et c'en
aillait à Sainct Nicollais.
Et ne savoit on qu'il estoit devenus pour l'eur ; maix quant ce vint le mattin et que vint l'eure
de .VIII. ou .IX. heure, et que l'on vit que la maixon dudit bouchiéz estoit fermeez, lez voixin de là
entour estoient bien ambaihis et ne savoye que dire ne que panser, jusques à_tant que l'anffans de leans
ce evaillait et ce print à_braire.
Et quant il virent que nullemant on n'oioit nouvelle de personne de leans et qu'il estoit desjay
tairt, il rompirent lez huis et antrairent en la dite maixon ; mais quant il virent la grant cruaultéz et le
grant meutre qui estoit leans, Dieu scet lez cris qui furent fait. Et estoit la plus grant pitié à veoir du
monde, car la powre jonne femme pandoit à_moitiet jus du lis, qui avoit la gourge couppéz, et son marit
préz d'elle, et sambloit c'on eust courchiéz deux beuf au lit ; et estoit hideuze chose à veoir.
Et incontinent chacun c'y ansamblait, et puis on aillait trower (282) la powre jonne fille morte et
murtrie comme avéz oÿ, l'ung des piedz ou feu et la gourge coupeez, et la mains ou le braz tout
deplaiéz. Et incontinent que la justice fut de ce avertis, l'on envoiait messaigier et gens de tout coustéz
apréz ledit malz-faicteur ; et furent +laissiéz+ lez powre gens aincy murtris laisiéz en leur maixon en
telle estat, cen lez bougir, par l'espaice de deux ou trois jour, tant que justice en eust dispousé.
Or, pour venir à prepos dudit murtreus, quant il vint à Sainct Nicollais, il sairchoit à vandre son
chevaulx et le voult vandre à ung bouchiéz de Sainct Nicollay. Touteffoiz il ne l'eust pas, et c'en aillait
dessay, dellay, serchant sa malle avanture aincy que Dieu le voulloit, tant qu'il vint en ung villaige à une
liewe ou deux de Sainct Nicollays.
Et ce tamptz pandant, lez messaigier qui estoient ailléz apréz lui chairchoient de tout cousté, tant
qu'il en y_eust ung qui arivait à Sainct Nicollay et demandoit à chacun apréz ledit malz- faicteur, et
meisme vint à parler au bouchiéz qui avoit mairchandéz le chevaulx ; lequelle luy dit qu'il n'en avoit
point veu, car il ne ce fut jamais panséz que ce fut celluy là qui luy avoit voullus vandre le chevaulx.
Mais aincy qu'il en parloient, ledit bouchiéz avoit ung serviteur qui lui dist que : "+Aincy+ ce
pouroit bien estre, ^fait il^, celluy qui luy avoit voullus ^vous ait^ voullus vandre le chevaulx car, dit il,

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ilz avoit dez aperons qui estoient de fer par dessoubz lez piedz, et guerez de gens n'en pourte c'il ne
sont bouchiéz."
Et incontinent congnust le messaigier que aucy avoit celluy malz-faicteur dez pairaille esperons,
et en (283) dirent tant d'ung cousté et d'aultre, tant de la fasson de l'omme, de cez abillemans, comme
aucy du chevaulx, qu'il congnurent que c'estoit cestui là sans aultres.
Et aincy demandait tant ledit mal-faicteur messaigier d'ung lieu en aultre qu'il sceut à_vray que
ledit malfaicteur estoit en ycellui villaige et avoit vandus le chevaulx ; et vint cy à_point ycellui
messaigier qu'il trowait ung homme qui enmenoit le chevaulx par la bride en sa maixon et ailloit querir
l'airgent pour le pourter audit maulfaicteur, lequelle atandoit en l'otellerie.
Et quant il congnust le chevaulx, il ce anquiert ou estoit le maistre qui l'avoit vandus, et
incontinant il fist mestre la mains à luy. Et fut prins et loiéz et menéz en prixon, et n'y fut guere de jour
que l'en le menait à Nancey, auquelle lieu il congnust tout son cas et fut jugiéz à mourir, comme vous
oÿréz.
Tellemant que le samedi .XVIIIe. jour de janvier, l'an mil .V.C et .X., ledit maulfaicteur fut tiréz
hors de prixon tous nus, fort que de ung petit drapz qu'il avoit par devent luy, et fus mis sus une cloie et
loyéz, et fut aincy trainéz sus ycelle cloie parmey la ville et par lez carefourt jusques en la plaice là ou est
la fontaine. Et faisoit ycelle journeez aucy grant froidure qu'il avoit point fait de .VII. ans devent pour
une journeez.
Et, là venus en ycelle plaice, il fut mis et montéz sus ung petit eschauffault qui estoit fait contre
ung mur et là amprés de l'une dez bonne maixon qui soit, en la-quelle y_avoit plussieur s eigneur et
damme aus fenestre d'icelle maixon, entre lesquelle y estoit le (284) seigneurs d'Aipremont. Et tant
d'aultre puple y_avoit en la plaice ambais que c'estoit chose merveilleuze, car chacun y estoit venus de
tout coustéz pour veoir acomplir ycelle justice, et estoit la plaice toutte plaine.
Et là venus sus ledit echaufault et que l'on luy eust fait son procéz, il n'estoit de rien ambaihis,
mais confaisait son cas vivemens en criant à Dieu maircis ; puis l'on lui donnait à boire, et quant il heust
bus, il demandait à pisser et on le menait contre le mur, là ou chacun estoit au fenestre dessus luy, et là
bien baudement laichit son yawe.
Puis, ce fait, l'on le print et fut couchiéz et astaichiéz en crois bien estroitemant en_l'ancontre
d'ugne lairge planche, laquelle planche estoit apoueez en couchant contre le mur. Et ce fait et qu'il fut
bien loyéz, l'on lui couppait l'une dez mains et fut bouteez en ung chaippon tout chault ; et g rant piece
aprés fut coupeez l'aultre mains, et faire comme devent du chaipon et le laissier bonne piece apréz pour
le plus faire languir.
Et puis l'on lui mist ung bonnet double en la teste, bien estroit loiéz soubz le matton, auquelle
bonnet avoit une secrette dedans, et lui donne l'on trois grant coupt de haiche ^maille^ sus la teste et

165

bien estrais l'ung aprés l'aultre pour le plus faire languir, et de celle maisme haiche ^propre maille^
de_quoy il avoit tué son maistre et sa maitresse, car on l'avoit estéz querir à S ainct Miel et le coutiaulx
(285) aucy ; et luy donnist on cy grant copt de la dite haiche +maille+ que la secrette lui entroit en la
teste cen le tuer.
Puis aprés bien atrait, l'on print la propre lossé ou coutiaulx de bouchey de_quoy ledit malfaicteur avoit couppéz la gourge à son maistre et maitresse, et d'icelle meisme l'on lui en fraippait trois
ou .IIII. grant coupt parmei la gourge en lui detranchant la chair et lez nerf de la gourge, cen lui d
coupper MARGE : le flag ??? le gourgeon pour plus le faire languir. Puis, ce fait, on lui bouttait la d ite
lossé ou coutiaulx en la gourge, manche et tout, en availlant dever le cuer comme on fait à ung
pourciaulx.
Et de chose que l'en lui fist, ne dist oncque mot fort que "Jhesus !" ; et puis tout incontinant l'on
lui fandist le vantre et luy en tirait on le cuer de-hors ; et, ce fait, on luy tranchait la teste et fandist on le
corps en .IIII. quairtiet, lesquelle furent mis sus quaitre chemins, et la teste sus le gibet ; et aincy en fut la
fin faictez.
En celle meisme annee avint une avanture à Paris, la-quelle je veult mestre à plus brief. Il y eust
ung mairchamptz à la dite Paris, lequelle print à_femme la femme d'ung bouchier ; laquelle femme avoit
du feu bouchier son marei une fillette qui lui avoit demouré, et avoit ledit feu bouchiéz laissiéz à celle
fillette moult de biens.
Or avint que ledit mairchampz cowoiait à dinéz lez pairans de sa nouvelle femme et aucy de la
fillette, lesquelle pairans, apréz ce qu'il heurent beu et mangiéz et faite la bonne chiere, il ce p.. prindrent
à parler (286) audit mairchamptz pour le fait dez biens de la fillette, disant yceulx pairans que lez biens
de la fillette fussant mis à_part.
De la-quelle chose ledit mairchamps ce coursait bien fort contre eulx, et dellay en avant il print
la fillette en haine, tellemant que une nuit il coupait la gourge à icelle fillette ; et la mere, qui oÿt le bruit
et qui voult venir secour^ir^ son anffans, ledit mairchans luy courit sus et la tuait.
Leans y avoit deux grant vairlet qui couchoie préz de la boutticque ambais, qui oÿrent le bruit et
voulrant aler secourir leur maitresse, maix ledit mairchamps lez tuait tous deulx ; pour lez-quel meutre
ledit mairchampz fut prins et, son cas congnus, l'on le fist mourir de piteuze mort. Dieu nous en gairde.
Amen.
En celle meisme anneez mil .V.C et .X., il fist le plus merveilleus et grant yver qu'il avoit fait
de .XVIII. ans devent, tant en naige, en grant jelleez, comme en toutte froidure ; tellemant qu'il y eust le
jour de la Sainct Anthonne la plus-part dez vigne engelleez, de_quoy lez vins de la vandange devent, de
_quoy l'on ne tenoit compte, furent rancheris de la motiet. Et ne powoit on trower l'an apréz nulle
savegine tant en avoit on destruit en cestui yver, car lez powre beste salvaige ce laissoient comme pranre

166

à la main tant estoient tenue de fain et de froy.
En cestui yver devers le gray tampts, y_eust une bonne raillerie à Metz d'ugne Allemande (287)
de devers Thionville, la-quelle vint à Mets vandre dez tuppins de bure fondus 227. Et aincy qu'elle estoit à
merchiéz pour vandre sa bure, il y_eust ung homme qui avoit achetéz l'ung d'iceulx tuppin, cy le rompait
par le cul et trowait dedent cestui tuppins avec la dite bure dez hors drapiaulx, et tantost incontinent c'y
assamblait biaulcopt de gens, et fist aincy ung chacun de tous lez aultrez tuppins.
Et fut trowé que en aulcuns il y_avoit dez grosse vielle corde et ung peu de bure par dessus ; és
aultre yl y_avoit de l'yawe tout plain et de la bure par dessus ; et telz y_avoit c'on y trowait dez vielle
braye. Pour_quoy la dite Allemande fut prinse et mise en prixon, et le samedi apréz fut meneez au
chaircrau ampréz du pillorei avec cez tuppin ataichiéz entour d'elle, et y fut deux ou trois houre. Et, ce
fait, on la bainissont de la cité à_tousjour maix.
En cestui meisme tampts, l'on fist dez nopcez en Allemaigne de la fille d'ung g grant seigneur,
bien à .XX. liewe de Metz, devers Strasbourch ; auquelle furent de moult ^grant^ duc, prince et seigneur
avec belle compaignie, qui venoye de Frandre, d'Angletere et de Picairdie et Henault et de Braibant, et
paissairent parmei Mets, cen ceulx qui furent d'aultre païs. Et y furent envoyéz ou nons de la cité aulcuns
de nous seigneur, c'est assavoir seigneurs Fransoi le Gournaix, seigneur Nicolle Rousse, seigneur Nicolle
Dex, seigneur Jehan Rousse, et .IIII. ou .V. aultre de pairaige ; lesquelle furent bien acompaigniéz d'aultre
serviteur et soudoiéz. Et comme il disoie, jamais n'avoie veu tellez triumphe faire à nopce comme on fist
à celle ycy.
(288) En cestui meyme ans mil .V.C et .X., le jour du gray dimanche, fut parmey la cité une
bonne joieuzeté, c'est assavoir ung chairiot, lequelle estoit grans et groz et fait po bien triumphanment,
et estoit cowairt par dessus en manier d'une voulte, sus laquelle woulte et en droy du millieu y avoit ung
groz cuer blan et noir, et au quaitre cournaie quaitre tournelle aucy blan et noir ; et tout le chairiot
paireillement estoit blan et noir.
Et l'avoient lez seigneur gouverneur de la muraille de la cité aincy fait faire pour mener à cestui
jour par la cité et pour juer aulcune chose mouraille à l'oneur de la dite cité, comme il firent en la manier
qui s'ansuit. Premierement, au millieu dudit chairiot estoit essus en une chaire bien triumphanment
maistre Jehan le tailleur d'imaige, qui demouroit à_la Pier Hairdie ; lequelle maistre Jeha n avoit tailliéz et
fait pour cestui ans lez deux ange qui sont à_la bairre de pourte Champenoize, et aucy le Dieu de pitié
qui est ou giron Nostre Damme au pied de la crois, lequelle Dieu est sus la pourte du billowairt de la
dite pourte Champenoize.
Ycelluy maistre Jehan estoit abilliéz en ung abis à_l'ancienne fasson et avoit ung groz rouge
chaperon à bourlet en sa teste, et tenoit grant gravité ; et represantoit la cité de Metz, montrant q ue la
cité estoit ancienne : pour_ce estoit aincy vetus. Autour d'elle y_avoit plussieur personnaige, comme clerc
227Beurre clarifié ??

167

et recepvoir et gouverneur d'icelle ; et au dehors du chairiot y_avoit bien .XX. ou .XXIIII. personnaige
de toutte lez airt mecanicque qu'il est besoing d'avoir (289) aus owraige de la cité ; sowerainement y
estoient tous ceulx qui avoyent owréz de leur mestiet audit bellowairt de pourte Champenoize.
Et ce faisoit cest dite mouraillité principallement pource que ledit billowairt estoit achevis pour
celle annee ; et pour_ce yceulx owriéz estoient ylec tous montéz à chevaulx et bien richement acoustréz,
chacun cellon son mestiéz. Et tenoit ung chacun d'eulx en sa main droitte aulcune dez principalle huitille
de_quoy y_ce melloit, et estoient huitille contrefaicte samblant d'or ou d'airgent, comme le chairpantier
qui tenoit dez astraloigne, dez rigle et dez compais ; aucy le maistre maisson son nivéz, et monstrant
yceulx leur airt de geometrie ; et ung chacun dez aultrez +ainssy+ cellon son mestiet ; entre lesquelle y
_avoit ung nomméz en son personnaige Angiens.
Cestui Angien ce vint presanter à ma-damme la cité, et apréz toutte la reverance faicte, il dist à
ma ^à la dicte^ damme la cité qu'elle avoit à_faire de plussieur gentilz compaignon menant diverce airt
mecanicque, laquelle cité amparlait à son conseil ; et aprés biaulcopt de biaulx personnaige et joieulx dist
d'ung coustéz et d'aultre, ^à la requeste d'Angiens furent^ lesdit owriéz furent tous retenus au gaige de
la dite cité à la requeste d'Angiens.
Et y_avoit à yceulx personnaige le maistre maisson, le maistre chaiponthier, le maistre ecaillier, le
sarurier, le mairechault, le vairniet, le cloweteus, le pointre, le bonbairdiet et artilliéz, le chairiéz, le
chairton, le chaufourniet et plussieur aultre. Et fut ung^ne^ chose bien joieuze d'oïr leur personnaige,
lez tambourins et trompette et lez biaulx estour qu'il avoient.
(290) Au regairt de la fairtillité du tampts mil .V.C et .X. j'en ait dit cy devent esséz amplement ;
cy m'en tais.
L'an aprés, mil .V.C et .XI., entour le maye, ce faisoit tousjour la guere és Ytailliez de l'ampaireur
et du roy de France d'une_part, en_l'ancontre de nostre sainct perre le pape, lez Wenicien et lez
Espainoille d'aultre_part, car le roy d'Espaigne avoit mis grant armeez sus mer à l'ayde desdit Weniciens.
Mais touteffois lez Fransoi firant tant qu'il reprindre Boullougne la Graice pour eulx et en dechaisire nt
tous ceulx qui tenoient le partis du pape ; et firent moult d'aultre chose que je laisse ad_cause de briesté.
En cestui ans mil .V.C et .XI. je fus à Landi à_Paris par le chemins acoustumé ; mais à_retour
nous vimmes depuis Chaillon en tirant à Somewre, et de là à Cusance, et tout par chemins incongnus
par bois et par haie, en paissant apréz de Clermont, et vimme à Houdroumont en nous tenant tousjour
hors de chemins tant que nous vimes à Mets. Et la cause pour_quoy fut pource que l'on nous mandait à
Paris que de-puis nostre partemans, aulcuns Allemans avoient deffiéz la cité, comme il estoit vray.
Touteffois l'on en fist la paix peu de tampts aprés, et estoient yceulx Allemans de devers Boullay.
En cellui tampts, à_la fin de l'an .V.C et .X. et pour l'an de .V.C et .XI. disoit la pron^o^sticacion
biaulcopt de merveille de la disposicion du tamptz ; et avoyent fait ycelle pronosticacion maistre Jehan,

168

curé de Saincte Crois à Mets, et le jonne Jehan Rollat, bourgeois de Metz.
Entre lesquelle chose disoit ycelle pronosticacion (291) que en celle dite anneez devoit venir
biaulcopt de grant dissancion et discort en mariaige, et qu'il ce faisoit dangereulx 228 mariéz, comme il
avint, car on fist plussieurs mariaige cest dite anneez, tant à Mets comme à païs, lesquel estoient tous ou
la plus grant partie en sy grant discort, tant envers le marei et la femme comme aucy lez pairans et amis
dez deux partie les ung contre lez aultre, en fasson telle que l'on n'y poulloit trower paix ny acort. Et ne
veoit on aultre chose tous lez jour que lez plait et procés que c'en tenoye, tant en justice spirituelle,
querant le divorcement et despartement d'iceulx, comme en justice tamporelle pour lez biens mondains,
sans savoir bien sowant dire ne aleguer cause ne raixon coment ne pourquoy ce avenoit.
Et entre lesquelle en n'y eust plussieur qui ce donnoient ^donnairent^ grant somme d'airgent
pour ce faire despartir, comme il avint de Jehanne, la femme que fut à Hainzellin Le Nottaire demourent
devent Sainct Salvour, et de-puis femme à Drowin le merchamptz ; laquelle, de-puis la mort dudit
Drowin, print et apoussait à marey Fransoi, le filz Namerei, lequelle Fransoi estoit weve de la fille fill
Philippe du Liewe, et estoit encor ^ledit Fransoy^ bien jonne.
Et de-puis qu'il heust apousséz celle Jehanne, qui estoit bien vielle ^belle femme cellon son
eaig[e]^, il ne furent guerez ansamble qu'il eurent cy grant discort ^que^ la dite Jehanne quictait audit
Fransoi son dowairt, qui estoit de .XI. C livre, et lui donnist encor mil frant du sien propre, avec ce qu'il
reust tous cez bien, pour en estre quicte et pour estre despartieez ; (292) qui estoit chose bien estrange
de donner une telle somme pour estre quicte de son marei, qui estoit ung biaulx jonne compaignon.
D'aultre en y_eust qui ce laissoient en santance d'ascomunicacion par-ce qu'il ne voulloient
obeÿr à_l'eglise ne au santance de l'officiaulx ; d'aultre en y_eust et plussieurs qui laissoient leur
fiancieez ou lez fiancieez leur marei de la vigille dez nopce, et que tout estoit preste et qu'il ne tenoit
que à espouser, et ce en alloient par païs. Aulcune aultre laissoient leur marei déz peu aprés qu'il eurent
espousséz et c'en ailloient chiéz leur perre, dont lez amis en estoient en grant discort lez ung contre lez
aultre ; lez aultrez ce acquictoient l'ung l'aultre, et aulcuns aultre ce baitoient comme chien. Et ne faisoit
on bien peu de mariaige en celle anneez qu'il n'y eust quelque chose à_dire.
Et furent aulcuns qui aillairent sy rigoureuzement et avec cy grant raige qu'il tuairent leur femme,
comme il avint celle dite anneez en l'an .V.C et .XI., le .IXe. jour de jullet, que ung vigneron nommé
Cugnei de Franconrue, lequelle avoit desjay estéz mariéz, print et espousait une femme weve demourent
prés dez suer collette. Mais il ne couchairent jamais ensamble, car de .VIII. jour qu'il furent esamble,
jamais n'eurent heure de paix ne d'acort, en fasson telle qu'il ce firent despartir dedent lez .VIII. jour. Et
partirent leur biens et print chacun sa part, et n'y restoit plus c'ugne cowe de vin, que fut mise sus par
acord pour vandre à .IIII. denier la quairte ; et la vandoit la femme en sa maixon meisme pour eulx deulx,
dont chacun en devoit avoir la mitte de l'airgent, car chacun ce tenoit chiéz luy et ne ce tenoyent plus
228gangereulx corrigé en dangereulx par l'auteur.

169

ansamble.
Et en ce tamptz pandant que le vin ce vandoit par acort, comme dit est, et dedent lez .VIII. jour
apréz ce qu'il avoyent (293) espoussés, ledit Cugney ce avisait et, cen avoir aultres parrollez, c'en aillait
chiéz la dite femme ampréz dez suer collette, et là trowait qu'elle estoit sus son huis devent, comme pour
recuillir l'airgent de leur vin. Cy la fist ledit Cugney antrer à_l'ostel, comme elle fist, et ce fait, il fairmait
l'uis sus elle et, cen aultre parrolle, il la tuait et lui coppait la gourge d'ung sairpon, et luy fist encor une
grande plaie en la main, comme il fust trowéz qu'elle s'avoit voullus deffandre.
Et ce fait, il c'en-fuait aus Cairme ; et fut ung maicredi .IX e. jour de jullet, comme j'ay dist
devent. Et le lundemain, le jeudi, il ce laissait prandre aus Cairme de son gréz, et le furent querir lez
sergent et le menairent chiéz le doyen. Et congnus son cas, dont il en eust la +main coppee et puis la+
teste trancheez le samedi apréz enxuant, comme moy meyme le vis.
En ce meisme tampts et en cest meisme semaigne, y_eust ung maisowier à_Mets c'on cuidoit
qu'il eust tué sa femme ; elle en fut bien mallaide, maix touteffois elle en fut reguerie. Et en cestuy
meyme tampts en y_eust ung à Gouxe qui tuait sa femme ; et tant d'aultre diverse aventure avindrent en
cest dite enneez en cas de mariaige que ce fut merveille. Et n'en mantist point la pronosticacion dudit
ans, laquelle avoit estéz faicte à Mets.
En cest anneez .V.C et .XI. on heust grant painez à_lever lez foin et lez blef, car il ne fist comme
point de estéz ne de chaillour, fort que tousjour pluye ; par_quoy la plus-part dez foin fut pourris au
champts et furent lez blef fort maure, et en fust l'annee fort tairdive. Et y eust fortune sus lez vigne de
l'acomancement, car partie en fut engelléz l'iver devent, comme j'ay dist, et le reste ce pourtait malz ; et
furent lez blef et lez vins plus chere et plus maure (294) que l'an devent.
Et fut cest anneez cy contraire aus aultre que lez plus viéz homme disoient que jamais n'avoie
veu une paireille anneez, souverainement éz vigne, car avec ce qu'elle avoye estéz engelleez d'iver, ce qui
avoit demouré avoit coulléz la plus_part par lez baixe lieu, et le remenant qui estoit demouré par lez
hault et chault treffons furent cy fort despoullieez de fueillez qu'elle ne purent muriet, mais demouroient
à sappe la plus-part sans muriet, qui estoit bien chose contraire de ce que lez baixe treffons furent plus
tost meure que le hault lieu.
Et n'avoit on encor point acomanciet à vandangier à la Sainct Remey, maix fut le fort de la
vandange .VIII. jour apréz, et aincy furent lez vins maure et chier, car ou deussent estre lez milleur, il ne
waillurent rien, et lez vandoit on à .VI. ou .VII. denier la quairte, lez blef à .VI. sous la quairte, l'avenne
à .IIII. sous .VI. denier, lez fewe .VIII. ou .IX. sous, lez pois .VI. sous, la naveez .XII. sous. Mais touttez
cez chose ycy n'estoie point de saixon, et n'y heust nulz fruit, au_moins cy peu que merveille, et encor
ne vailloient rien, car tout estoit embruciés.
SIGNE DANS LA MARGE (CF. SUPRA) ? Cest anneez mil .V. C et .XI., le lundi premier jour

170

de septambre, au soir à minuit, fut l fut boutté le feu en la maixon Gerrerdin Coppat, le chaingeur et
recepvoir dez denier de la cité, à Poursaillis ; lequelle Gererdin estoit pour l'eur, lui et son biaulx frere
Jehan Faubelle, maistre du change, à une nopce en Aillemaigne de Geraird Le Saicretaire. Et son sire,
Collignon d'Auboncourt dit Faubelle, maistre de la monnoye, estoit à_la pourte dez Allemans et
couchoit là ; et je le sçay bien, car je, Philippe, y_estoient (295) avec luy et doutoient bien, quant je vis le
feu, que ce ne fut en ma maixon. Et son aultre biaulx frere, Collignon Dex, ^qui de-puis fut chaingeur^,
estoit aucy à la pourte à Pon dez Mors. Et aincy ce trowait bien ambaihies la powre femme d'icellui
Gerairdin, et non sans cause, car elle avoit en chairge lez deniéz et lez compte de la cité et n'avoit
personne de tout cez gens.
Mais touteffois lez seigneur premier, avec aucy le poupullaire, la cecourust waillanment et firent
tant qu'il furent maistre du feu, moiennent que Dieu y envoiait sa graice, car au plus fort que le feu
brulloit, il vint soudainement une nueez d'yawe ^et tonnoire^, et comme chose mirauculeuze, il sambloit
que l'on la gectait à hotteez. Et ne durait fort que autant que le feu durait, car moiennent cest yawe il fut
tantost estains, et ne la faisoit on que pranre enmey le chemin et la ruer au feu, et aucy bouter dez cewe
soubz lez chevaulx. Et par aincy n'y olt comme point de domaige, Dieu en soit lowéz.
En cest dite anneez mil .V.C et .XI., entour le moix de novambre, ce faisoient tousjour g rant
guere éz Ytaillie, et cy gouvernoit trés_mal le pape, comme on disoit, ad_cause dez grant baitaillez et
escairmouche que journellement ce faisoient ; lesquelle je laisse ad_cause de briesté, car on en feront,
comme je croy, de grande istoire et cronicque.
Touteffois firent tant lezdit Weniciens avec le pape qu'il heurent lez Xouviste de leur partie, de
_quoy l'ampaireur avec le roy furent fort courroussé contre lesdit Xowiste. Et cuidoient lesdit Xowiste
donnéz grant ampeche au roy en son païs de la haulte Bourgougne, affin de faire retourner lez gens
d'airme d'Itaillie, (296) de_quoy il heurent plussieurs escairmouche et rancontre amsamble, tant en
Xowiste qu'en Ytaillie.
Et furent trowéz a. en la duchiéz de Millan aulcuns courdelliet contreffais par lez Fransoy,
lesquelle, faindant de mener aulcuns vivre pour leur cowant, menoient de pairt lez Veniciens grant
tresor aus Xowiste ; de_quoy lesdit Fransoi furent bien joieulx de lez avoir trowéz. Et moult d'aultre
chose y furent faicte, que je laisse ad_cause de briesté. Dieu y mect paix. Amen.
En celle anneez mil .V.C et .XI. mourut de trés piteuze mors Jehan de Harcour, capitaine de
Chaivencey, le-quelle avoit detenus le maire de Vignuelle et Philippe son filz en prixon, comme cy devent
est dist. Et mourut ledit en grant pitiet, comme enraigiéz.
En cest dite anneez ycy, l'on fist moult de grant joieuzetéz durant le gray tampts, et ce
parfoursoient lez aulcuns de mieulx faire lez ung que lez aultre ; entre lesquelz je, Phil ippe, acoutrais et
mis à_point ung biaulx petit chairiot, sus .IIII. petitte rioes par terre, et fut menéz par la cité le .VIIIe.229
229Philippe écrit .VIII. ; nous corrigeons.

171

jour de fevriéz.
Et estoient pour garder ycellui chairiot environ .IX. ou .X. jonne gallant deguiséz et bien en
point, qui ailloient de pieds, et dedant ycellui chairiot y_avoit .V. ou .VI. petit jonne anffans, autant bien
acoustréz qu'il estoit possible, chacun cellon son personnaige ; et ne lez veoit on point, car ledit chairiot
estoit tous cloz en manier d'ung donjon d'ung chaitiaul, et n'y avoit c'ung petit guichellet pour antreez.
Et quant g.. ledit chairiot venoit en quelque quairefort ou devent la maixon de quelque seigneur,
adoncque chacun ce assambloit, et aprés ce que l'on avoit fait belle plaice, lesdit petit anffans sortixoient
hors dudit chairiot en telle ordonnance : premier sailloit de-hors ung folz qui tenoit bonne (297) minez,
lequelle fol estoit liéz d'ung courdiaulx en manier d'ugne lesse ; et apréz ycelluy fol venoit ung
guairsonnet bien acoustré, lequelle estoit l'amoureux de la mouricque et estoit filz à Jehan Husson, le
mairchamps, et estoit prins d'icelle lesse ; et aprés venoit en sortissant l'ung aprés l'aultre dudit chairiot
unne jonne fillette, et apréz elle son frere, lesquel estoient anffans à Jehan Houdebrant l'amant ; et aprés
yceulx venoit ung jonne petit fol, et apréz luy venoit une jonne fillette acoustreez comme une deesse, et
ce nommoit la deesse de Jonnesse, laquelle tenoit pris en ces las tous yceulx devent dit, comme avéz oÿ.
Et estoit ycelle deesse ^apellee de son non^ Maiguin, et le petit fol Andrieu, lez deux anffans
Philippe de Vignuelle, et donnoient aus gens dez dis consonnant à l'istoire, de .X. ou de .XII. manier,
compouséz par moy, Philippe ; entre lesquelle ^Maiguin^, c'est la deesse de Jonnesse, donnoit aincy par
escript :
"Je suis nommeez Damme Jonnesse
Qui de chacun suis desireez,
Mais quant l'omme chiet en viellesse,
Toute sa joye en est voulleez."
Et l'amoureux donnoit aincy :
"Damme Jonnesse thient en cez las
Maintez foullet cen c'on la voye,
Et quant elle ait fait tous ces ebas,
Cen mot sonner c'en vait sa voye."
Et aincy donnoit ung chacun la sienne. Et puis, ce fait, il retournoyent tous dedent le chairiot, et
incontinent le tanbourin acomansoit à juer une bonne mourisque, et le folz sortixoit hors du chairiot en
dansant et en tenent bonne mine. Et aprés la ^une^ pouze faictez venoit l'amoureux, qui trés_bien

172

faisoit son personnaige, et ce fait, venoit la jonne fillette et tous les aultre en-xuant, et dansoye cy b ien et
cy minottement pour jonne anffans que chacun y pernoit plaisir, avec ce qu'il estoient acoustréz de
meyme et le tampts bien dispousé.
Et quant il avoyent dancer la mitte de leur mourisque, l'on faisoit une (298) grande pouse et ce
retiroit chacun, forque le petit Andrieu, qui disoit ung bon joieulx personnaige qui estoit environ de
.VI.XX ligne ; et tenoit cy bonne migne en le disant, sans point faillir d'ung mot, que chacun ce tenoit
comptent. Et, ce fait, il racomensoie leur mourisque et aprés ung jair, et quant c'estoit tout fait, il
rantroient l'ung aprés l'aultre en leur caige, et le tanbourin de Xowiste acomansoit à juer jusque en ung
ala aultre cairefourt ; et là resortixoient comme devent, tout chairgiéz de clauchaute et de bixatte. Et en
cest manier juairent lesdit anffans pour ledit jour en .XV. ou .XVI. lieu parmey Mets.
Biaulcopt d'aultre bonne rauerie ce fist pour cestui gray tampts, car en la meyme semaigne furent
aulcuns seigneur et aulcuns jonne chainoigne avec aucy aulcuns bourgeois, lesquelle furent aucy
richemens acoustréz que je vis jamais estre pour gens de piedz, et estoient environ .XII. ou .XIII.
personnaige dez sowerains sans leur serviteur, et estoient aincy abilliéz : lez ung estoient en rois, lez
aultre en ampaireur, lez aultrez en prophete et lez aulcuns en sebille. L'ung estoit Sallomon, l'aultre
Agamenon, l'ung Allixandre, l'aultre Prianus, l'ung estoit Helie, l'aultre Daniel, et aincy dez aultre ; et
avoit ung chacun quelque chose en sa main signifiant à son estat, et donnoient dez dis impriméz et
avoient ung chacun deux serviteur bien acoustréz, l'ung devent, l'aultre derrier, et lez faisoit biaulx veoir,
dont cellui de devent pourtoit une banier moult richement faicte dez airme de cellui roy pour qui ...toit
^qu'il servoit^.
Item, peu apréz, le jour dez Brandon, furent aulcuns d'iceulx meyme personnaige avec d'aultre,
lesquelle ce mirent en aultre fourme, (299) et estoient à_plus riche qu'il estoit possible d'estre.
Premierement il y_avoit lez .IX. preus tout monté à_chevaulx avec leur gens, dont l'ung estoit sus une
licorne, l'aultre estoit sus ung dromaudaire, lez 230 aultre estoient monté sus ung mouton d'Inde, lez
aultre sus de diverse beste tant richement acoustré c'on ne le sairoit croire.
Et estoient yceulx .IX. preus acoustréz en diverse nacion, comme l'ung en Turc, l'aultre en Grec
et l'aultre en Albainéz, et aincy dez aultrez ; et avoit on mis plus de .XV. jour devent à_faire leur atour,
tant pour eulx que pour lez chevaulx, qui estoient estoient en diverce fourme. Et estoient entre yceulx
.IX. preus lez deux filz seigneur Pier Baudouche, c'est assavoir le protonoctaire, et seigneur Jehan
Baudouche et le filz mon-seigneur d'Ainerei, et le filz seigneur Fransoi le Gournaix, le secretaire Collignon
Dex et plussieurs aultre.
Apréz yceulx .IX. preux venoyent .VIII. ou .IX. chairiot tout de diverse fasson qui estoient tiréz
à_chevaulx, et estoient en chacun d'iceulx chairiot aulcuns dez saige et gens de grant renommeez du
tamptz paisséz, par parsonnaige et en la manier coment il avoient estéz trompéz de femme. Premier y
230Nous ajoutons lez.

173

avoit en l'ung d'iceulx chairiot le roy Salomon, et coment sa femme le fist ydoilaitrer et adourer lez ydolle
; en ung aultre chairiot y_avoit Sanson, que Dailida tondoit d'ugne fource ; en l'aultre chairiot estoit
Judich, qui couppait la teste à Olofernus ; en l'aultre estoit Herculez et Sairdanapolus, qui ce mirent à
filler en la quenaille ; paireillement estoit illec Virgille, qui pandoit à_la courbille ; l'aultre, ^Aristorte^ ce
laissoit brider et chevaucher d'une femme ; et dez aultrez aincy. (300) Et estoient tant richement
acoustréz que c'est^oit^ belle chose à veoir, car oncque en ma vie ne vis gens deguisséz pourter de plus
riche atour.
Paireillemens y avoit ung aultre chairiot allans apréz yceulx, lesquelle estoit apelléz le paraidis dez
yvrougne, et estoit ce pour faire rire lez gens, car en ycelluy paradis il y_avoit .VII. ou .VIII. gourmans
deguisséz, qui avoyent bien apaireilliéz et mangeoient comme chien affaméz ; et en mangeant chantoient
tous amsamble sans rime et sans raixon, l'ung hault, l'aultre baix, comme yvrougne, et buvoient en ung
tuppin de terre et menoient la plus grant vie de jamaix.
En ce meyme tampts, seigneur Fransoy le Gournay fist jouster cez gens avec d'aultre ou Champz
Paissaille, et joustoient tout arméz sans cellez et sans estriéz, mais il avoient dez heaulme d'estrain fait à_
la plus terrible fasson de jamaix et estoient acoustréz d'aultre abis sus leur hairnaix. Et ce gectoient cy
sowant par terre qu'il y_eust l'ung dez homme seigneur Fransoi que l'on cuidoit qu'il fut tuéz, et bien
sowant cheoit homme et chevaulx. Le lundemain y_heut deux jonne homme qui ce deffiairent de jouster
en cest estat, et heurent congiéz de justice et c'y donnairent de trés mavaix copt. Plussieur aultre fairce et
joieusetéz furent faicte pour l'anneez, que je laisse ad_cause de briesté.
Cestui yver mil .V.C et .XI. ans fut aucy aipre et aucy grant et froy qu'il en y _ point heu de plus
de .XII. ans devent, voir de .XX. ans, et durant tant qu'il ennoioit à biaulcopt de gens, jay-soit ce que lez
vigne n'en furent point (301) angelleez comme elle avoient estéz l'an devent.
L'anneez aprés en-xuant, c'est assavoir l'an mil .V. C et .XII., avint de merveilleuze aventure
parmey le monde, entre lesquellez à_l'acomancemans de la dite anneez, ung peu apréz l'Anonciacion
^Nostre Damme^ en Karesme, je ne sçay pas bien le jour à vray, fut néz en Ytaillie à une bonne ville
nommeez Raivaigne, ou bien préz d'icelle, ung anffans de merveilleuze stature et figure, en manier d'ung
monstre. Et fut ce dit anffans anfanté d'ugne nonnains et aucy angenréz d'ung religieulx, ne sçay pas de
quelle religion, au_moins comme ung chacun disoient.
Mais nyant-moins, qui que en fut le perre, ledit anffans fut néz pourtant une merveilleuze stature
et figure. Premier il avoit une teste plaitte et lairge, et la bouche, le nez et lez yeulx et lez oireille tout en
manier d'ugne chaude souris, forcque la bouche estoit plus fandue et grosse au deux debout, et avoit
une corne au front, qui ailloit droit hault. Et n'avoit ledit anffans nulz bras, mais au lieu dez bras avoit
deux ellez plaine de chair et de piaulx, tout à la fasson d'ugne chaude souris ; et avoit en l'estomach trois
lestre faicte à_la fasson de lestre romaigne, peu plus haulte l'une que l'aultre, comme la fasson ce ainsuit

174

ansuit : c'est assavoir ung i, ung x et ung v : +IXV+ ; et avoit en manier de .II. ou trois flamez de feu
parmey le vantre comme c'elle fussant en pointure, et tiroient ung peu sus la senestre partie.
Pairellement, sus la dite senestre partie, comme à deffault du vantre, (302) avoit ung cr cressan de lune
en pointure. Et avoit nature d'omme et de femme, c'est assavoir nature d'omme au deffault du petit
vantre, pointus comme d'ung touriaulx ou comme ung chien, ce dressant en hault au loing du vantre, et
au dessoubz avoit nature de femme.
Et avoit ledit monstre la droitte jambe comme ung homme, forcque le piedz estoit tous plains
cens nulz doye, et avoit en la dite jambe chose merveilleuze, car il avoit ung eulle de_quoy il veoit cler
comme dez yeulx de sa teste ; et estoit ledit eulle de_coustier du genoulx dehors de la jambe. Item il avoit
la jambe senestre tout escailleez d'escaille comme la queue d'ung poixon, et sambloit à veoir que ce fut
ung poixon de sa jambe, forcque il avoit en ycelle ung piedz en manier d'ugne paitte de dyable ou de
sairpant.
Et fut envoieez la figure et pourtraiture d'icellui monstre parmi le monde en diverce lieu, et en
vis plus de .XL. et en diverce lieu, car j'en vis de celle figure qui avoient estré pourtraite à Romme et
envoiéz dedans dez lestre à_Mets ; et sertifioient yceulx qui envoioient lesdite lestre avoir veu ledit
monstre tout vif ; et paireillemens ^je^ vis desdite figure plussieur à Paris, à Besansons, en Savoie, ^à
Mets^ et en plussieur aultre lieu ; et estoit tout ung en la fasson que je vous ait devisé.
Et disoient aulcune lestre envoieez de Rome que nostre sainct perre le paupe le faisoit nourir, et
que l'on avoit mis plussieurs grant clerc, astrologien, docteur et fillousoufe ansamble avec le perre et la
mere (303) d'icelluy monstre, et ce anquerir à ycelluy perre et mere du tampts, du lieu et de la voullunté
qu'il avoient à l'anjanréz ycellui anffans ; et par_ce voulloie yceulx maistre congnoisse la signiffiance
d'icellui monstre, comme on disoit. Dieu y mestre provision. Car +Item on ait dit de-puis que de celluy
anffans, de_quoy j'ay escript cy devent, qu'il n'estoit pas vray et que c'estoit une faincte, que aulcun ^le^
firent pour avoir airgent.
Item, bien peu231+ aprés, avint de grant maulx à_la dite Ravaigne, comme vous oÿréz cy aprés, car
le propre jour de Paicque mil .V.C et .XII. ans, +que fut le p[remier] jour d'avr[il]+, et que l'airmeez du
pape et dez Veniciens avec aucy celle du roy d'Espaigne et dez Xoviste, que tous estoient pour ce
tampts là ^estoient^ d'ugne ailliance, estoient et ce tenoient audit païs en plussieurs lieu, et tenoient la
dite ville de Raivaigne ; et l'airmeez de l'ampaireur avec celle du roy de France ce tenoient paireillemant
audit païs. Et pour ycelle cause y_avoit cy grant chierté de vivre que c'estoit pitié.
Or avint que ledit jour de Paicque, l'airmee de l'ampaireur et du roy de France mairchoient avans
et furent assaillis de leur annemis lez Veniciens avec leur aultre aidans, en faisson telle que de prime faice
vint à ruer l'airtillerie desdit Veniciens en ung destroy sus l'airmeez desdit Fransoi et sus la bande, là ou
il y_avoit plus de gens de biens et de noble sanc, en fasson telle que ce fut g rant pitié du murtre et de la
231Philippe oublie de barrer bien peu dans le corps du texte, le doublant ; nous le supprimons.

175

tuerie qui ce fit là.
Mais quant touttez l'airtillerie fut tireez et que lez partie vinrent a_proichiéz et à combaitre
mains à main, ce fut grant pitié de la cruelle baitaille qui ce fit là, car lez Fransoi et Allemans, voir lez
gens de l'ampaireur, estoient (304) comme anraigiéz de la grant perde qu'il avoient ressus par l'airtillerie,
et desiroient et apetoient vangeance, tellemans qu'il assailloient leur annemis comme lions ; lesquelle ce
deffandoient comme waillans gens. Et combaitirent en cest estat ledit jour de Paicque par l'espaice de
quaitre heure de relouge, sans laichier ne sans savoir lesquelle avoient du pieur ne du milleur.
Ne-anmoins, à_la fin, le champz demourait à_l'ampaireur et au Fransoy, et furent mis leur
anemins veniciens en fuyte avec leur aydans ; en la-quelle fuite y_eust cy g rant tuerie que ce fut pitié et
domaige, car de .C. ans devent, non de- [-]^-puis la mort nostre Seigneur^, on ne trowe point que cy
grant tuerie fut fait par ung jour comme elle fut illec à celle rancontre, +comme je croy+, tant fut la
journeez de Monleherei ou celle de devant Nancei ou aultre. Et estimoit on que d'ung cousté que
d'aultre qu'il y_avoit demouré dez mors le nombre de .XLII. mil homme, comme il nous fut sertifiéz bien
peu aprés à_l'eglize de Sainct Claude par sertains compaignon qui en venoient, comme je dirés cy aprés.
Et aucy lez lestre et nowelle en furent incontinant pourteez en plus de mil lieu, car il n'y avoit
guere de païs de la Crestianté qu'il n'en y_demourait dez piece. Et y_guaignairent lez Fransoy de bellez
artillerie, et fut reprinse la dite ville de Raivaigne232 et fut tout boutté à feu et à sancque, femme et
anffans, dont ce fut domaige.
Maix quoy qu'il en fut, l'on n'en fist point de feu de joie en France, car il fut rapourté qu'il
estoient mors plus de .XV. mil Fransoi et toutte la fleur (305) et gens de fait, entre lesquelle furent mors
+mon-seignours de Nemours, mon-seigneur d'Alegre et son filz Lacrote, le lieutenant de mon-seigneur
d'Imbercour[t?], Moullart, Mangeron, monsieur d[e] Mont-caure, le capitenne Jaicos et ung capitenn[e]
allemans nomm[é] Philippe C[-], .IX. gentilz homme de [la] maixon d[u] roy avec .VI. ou .VII. homme
d'ar[me]+, et plussieurs grant parsonnaige du sanc real et pairans à_roy et à_la royne, de_quoy fut mené
grant dueil par touttez France, car l'ung ploiroit son perre, l'aultre son marei, l'ung plouroit son filz,
l'aultre son amey, dont c'estoit pitié à veoir. Dieu ait leur ame. Amen.
+Et de la partie dez Wenicien[s], de gens d[e] fait et de renommee est : dom Jherosme, Loures
Diego de Quigones, Anthonnio du Liego Carnarat, don Johan Quinare, dom Francisque Vintemille,
Petre de Pas Varentez, le seigneur Johan, conte Raphael de Pas, Julnaraude le lieutenant du lieutenant de
Gaillice, le lieutenant de Prospero Colunne ; et lez capitenne de gens de piedz qui sont mort : Damirio
Cournesso, Johannes Samanigo, Jamediez, Francisquo Mauquies, Selgado Thiannes, et tant d'aultre qu[e
merveille ....]+.
Et incontinant aprés celle grant deconfiture ce reassamblairent lez airmee fransoize au_mieulx
qu'elle peurent, sinon aulcuns qui retournairent en leur païs, qui n'avoient chevaulx ny aignes. Maix lez
232Le premier i de Raivaigne n'est pas tracé, mais Philippe le pointe tout de même.

176

Espaignoil furent espart et fut leur airmeez deffaicte. Et lez Veniciens, voiant la grande plaie qu'il
avoient ressus, firent tant qu'il heurent le roy d'Angleterre de leur partis ; lequelle roy fit son airmeez et
vint assaillir lez Fransoy à toutte puissance du cousté de Normandie et devers La Roicheille, et firent
plussieurs escarmouche et essault que je laisse ad_cause de briesté, et aucy pource que je n'en sçairoie
pas bien pairler.
Mais ledit roy d'Angleterre faisoit ce à_la requeste dez Veniciens, cuidant faire retourner lez
Fransoi d'Itaillie. Or ont lez Fransoy bien affaire, car lez Anglois lez assaillent d'ung coustéz, lez
Espaignoil d'ung aultre, et lez Xouviste devers la Bourguoigne, qui n'y metteroit remede ; et ont lesd it
Fransoi leur grant airmeez en Ytaillie, comme avéz oÿ. Dieu y_mecte paix. Amen.
Le vandredi en anxuant, aprés lez feste de Paicque en l'an dessus dit, je, Philippe, avec Zaibellin
ma femme, (306) acompaigniet de Jaicquemin son frere avec Fransoize sa femme et plussieurs aultre
jusques au nombre de .VIII., nous partimes de Mets bien monté, femme et homme, pour ailler en
voiaige à mon-seigneur Sainct Claude. Et en aillaimes par lez ville cy aprés escripte : premier de Mets fut
nostre dinés à Pon à Mouson, et au soupéz le soir à Nencey, auquelle lieu nous fut monstré toutte la
belle maixon de la court avec lez gerdin que le duc de Loraine y_fait faire, et aucy y vimez ledit duc en
personne avec le sepulcre de son feu perre, le roy de Cecille, qui est bien riche owraige, et aucy le
sepulcre du duc Chairle, trepaissé devent Nencey, et plussieur aultre chose ; de là le lundemain à Sainct
Nicollay, et sont dix luee de Metz à Sainct Nicollai ; de là ^une^ lueez et demeez jusques à Saphat ;
apréz, deux luee jusques à Baion, trois luee jusques à Charme, une luee jusquez Poncieulx, une luee
jusques à Chaitel sus Muzelle, une lué et demeez jusques à Chaveloz, et paisse l'on par Taion, ung bon
villaige luee et demeez jusquez à Espinal, une luee jusques à la ville à bois c'on_dit Sainct Loran, une
grosse lué à Vraymany ou à Doneu, une lué à Partegnei, et une lué que fait bien deux jusques à La
Franouze, une lué jusques à Oullanila, demi luee jusquez à Corbenay, demy luee jusquez à Fontaine, une
lué jusques à Luceu en Bourgougne et deux grosse lué jusques à Saulx, deux luee jusques à Vezon, une
luee à Wallefaulx, une lué et (307) demee à Quenoiche, une luee à Ryot, deux luee à Werray et deux luee
jusques à_la cité de Besanson, une lué à Arguelz, une lué à Bussy, deux lué à Qui ngey et quaitre lueez
jusques à la bonne ville de Sallin, de la-quelle je vous veult compter aulcune chose de la richesse et
manier de faire le sel, affin que ceulx ou celle qui vouldront ailler audit voiaige ne paisse point oultre
sans veoir lez merveille de la grant richaisse qui ce prant en une petitte fontenelle, de_quoy ce fait ledit
scel.
Premier nous antrames en la court d'une grant maixon, la-quelle court est fort grande, et samble
de la maixon estre ung grant paillais ^ou une religion^. A l'antreez d'icelle court est ung lieu là ou sont
plussieur officier recepvoir et conteroulleur dez denier de la dite sailline, auquelle nous nous
presantaimes à l'ung d'iceulx, lui priant qu'il lui pleust à nous monstrer le lieu. Et aincy le fault faire que

177

veult tout veoir à son aize, car lesdit officier le monstre voulluntier moiennent que l'on paie le vin, tant
en leur mains comme en la mains dez serviteur et servante.
Et premier nous dist ycelluy officier qu'il nous en montreroit autans qu'il estoit poussible d'en
veoir, "et pour_ce venés, dist il, apréz moy, et nous comanceront à premier bout". Cy ce fit apourter dez
clef grant foixon et nous owrit ung huis, auquelle il devaillait et nous fist tous devailler aprés lui par des
degréz, tellemans que nous devaillaimez bien bas, veu que la ville est desjay en ung grant fon et en lieu
desert ; (308) et sambloit ung lieu bien estrange et y fait froit à merveille.
Touteffois nous vimez à fon et trowaimes une moult belle grande woulte, en la-quelle l'on
metteroit plus de .IIII.C cowe de vin, et est faicte à biaulx pillé comme une eglize. Et avoit prins ledit
recepvoir de la chandoille en une lantairne ; cy nous monstrait à une courneez d'icelle woulte lez
fontenelle desquellez vient tant de richesse, car, comme il nous dist, damme Mergueritte de Flandre, seur
à l'ampaireur, avoit tous lez ans dessus ycelle .XVIII. mil escus, et le prince d'Orage en y avoit .XIIII.
mil, cen ce qu'elle waillent au rest, tant en la vaillue que en la despance que ce y fait.
Car, comme nous dist ledit officier, plus de .XI. ou .XII. cent personne vivent sus cella, qui ne
font rien que servir en diverse office et gaignent leur vie sus la dite salline, sans ceulx qui sont
merchampz de scel parmey lez païs, qui ^paireillement^ y guaigne leur vie, que je ne compte pas. Et
y_ait encor tant d'aultre coustange en bois et en l'antretenement dez chaudier et en aultre chose que
c'est merveille.
Cy sont lesdite fontenelle à_ung coing d'icelle woulte, ^comme dit [-]^, toutte anclouse de belle
traillie de bois comme à une chapelle, et là voiéz parmei lez trellieez plussieur petit russellet d'yawe,
lesquelle sortissant hors d'une roiche, et courrent yceulx ruissiaulx par dez petit royéz entailliéz en la
rouche ; et anmey lieu d'iceulx y_ait une petitte yawe bien du lairge d'unegne passeez, et boulle anmey
lieu comme font cez fontenelle (309) qui sortissant du fon de la terre et qui font dancer le graviet.
Et y_ait ung petit russiaulx qui courre de celle fontenelle, qui est encawé en la rouche comme lez
aultre, mais il thient ung chemin et lez aultre thiennent ung aultre, car jay-soit ce que lesdit russiaulx ou
fontenelle soient tous prés et joindant l'une de l'aultre, cy ait il bien differance, car lez une sont sailleez
et lez aultre est yawe doulce, et y_eust bien manier de lez avoir aincy despartis.
Cy nous monstrait ledit officier parmei lesdite treillie lesdite fontaine, et puis nous demandait ce
nous sairions congnoustre entre cez fontaigne l'yawe sailleez contre la doulce, auquelle nous
respondimes que nenney. Cy nous fist acroire de la sailleez que c'estoit la doulce, et puis deffairmait l'uis
de la trilliez et nous menait a-prés tous sus lez fontaigne. Et là fist apourter ung biaulx voire et
ampuissait dedent la fontaine sailleez, disant que c'estoit l'yawe doulce, et presantait à_boire aus femme,
lesquelle, ce faisant prier en ce pourtant l'onneur l'une l'aultre, ne voulloient pas boire la premier ; et
adoncque me fut presanté ledit voir par ledit officier, et je amprins et beu ung petit, sans faire samblans

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de rien, et leur dit que jamais n'avoie trowé yawe de roiche cy doulce.
Cy fut adoncque presanté ledit voire à la femme de Jaicomin mon biaulx frere, laquelle,
incontinant qu'elle en eust santus le goust, elle fist la plus terrible chier de jamais et recraichait tout
dehors, car il n'y ait rien plus amer que cest yawe. Et par aincy fut la chose escuzee ^et congnutte^, et
en fut biaulcopt ris ; et me dit ledit officier que je estoient (310) paissé maistre, pource que je avoie tenus
bonne migne.
"Nonostant, dist il, je vous ait dit la verité, disant que c'estoit ycy l'yawe doulce, et je vous sertifie
que aucy est elle, veu tant de bien qui en aviengne. Et l'aultre que voiéz ycy nous est bien amer, car affin
qu'elle ne ce melle avec la sailleez, elle couste chacun_an plus de .L. escus au la dertourner et wuider et
mener hors par conduit et angiens, comme vous verréz jay tantost."
Et incontinant ce dist, nous menait veoir à_l'aultre bout de celle grant woulte et nous monstrait
illecque ungne grant quewe de bois, qui estoit causy tout dedans terre, et powoit tenir celle quewe
environ .XX. ou .XXIIII. cawe d'yawe ; et là vient et desxand par conduit toutte l'yawe de la fontenelle
sailleez et là au_dret, au plus hault hors de terre, y ait ung mullet bourgne qui tourne autour d'ung pault,
comme il font chiéz cez olliet ; lequelle pault fait tourner une rue et de celle tourne ungne aultre, sus laquelle rue sont plus de deux mille saille en manier de petit bairil, lesquelle sont tous aitaichiéz au loing
de deux grant courde comme ce c'estoient paitenoiste.
Et est cez deux grant corde mize en eschairpe par dessus celle ^grant^ rue, et aincy que la rue
tourne, lez ^la^ courde avec lez saille monte par l'ung dez cousté et desxande par l'aultre ; et en
desxandant qu'elle font, elle ce vont toutte ramplir l'une aprés l'aultre en la (311) grant quewe devent dite
; et en montant que lez une font, lez aultre ce wuide d'elle meisme en sertains cainal qui sont hault
amprés desdite rue, et celle qui sont wuidieez redexande baixe pour ce ailler ramplir. Et aincy font
tousjour incessanment leur tour, sans laichier, tant qu'il ont de l'yawe esséz pour besoingnier dessus ^en
hault^. Et est ce lieu ycy fort hault depuis lesdite rue jusques ou est la dite grant quewe.
Et cest yawe ycy que courre en dez cainaulle ce depart premier en deux lieu, car il en vait la mitte par
dez conduit par dessoubz terre avec dez grosse auche, que l'on la laiche, et vait en dez grande granche
de l'aultre partie de la grant court, là ou il y_ait trois ou quaitre grant pelle pour faire le scel, comme vous
oÿréz.
Premier chiet celle mitte d'yawe en ung grant waissiaulx bien lairge et parfont comme une
sisterne, et là y_ait sertains homme tout nus comme en une tinture et tire celle yawe et la gecte en diverse
chenaulx ; lesquelle chenaulx vont en diverse grange cellon que lesdite pelle sont essute avec leur
fournaige ; et messure yceulx homme celle yawe tellemant que l'une dez dite pelle ou chaudiere n'en
aient point plus l'une que l'aultre, ou aultrement lez owriet d'icelle ce combaiteroient ou tueroient, comme
nous fut dit d'icelluy officiet, et la vimez mesurer devent nous. Et incontinant que l'une desdite pelle est

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sortie de ce qu'il lui fault, il la cuisant ; et fumez menéz veoir ycelle pelle, qui sont quaitre (312) de celle
partie là de la grant court.
Or, pour vous donné à antandre comme sont faicte lez dite pelle et lez estaige là ou elle sont,
avec lez fourniaulx dessoubz : pour chacune desdite pelle il y_ait ung grant estaige, comme une grainge,
et là, à_mey lieu, est une grande fousse et fort lairge et plaitte anmey_lieu, et tout à_la fasson d'ung four
à_cuir le pain, forcque la bouche est dessus et est lairge et ronde, et est plus grant cellui four .VI. ou
.VII. fois que le four d'ung boullungiet.
Dedant celle bouche de four sont essute lez pelle, lesquelle sont toutte plaitte, fort que dez
arxon que sont autour, et pande en l'air à_dez piece de fer ou dez chaine. Et est tousjo ur ung
merveilleus feu és dite fournaixe, et boullit et cuit ilec tant cest yawe que ce devient scel. Et nous fut
monstré le scel en l'une dez pellez qui estoit dejay presque cuit.
En une aultre grange on l'acomensoit à_primez, en une aultre il ne la failloit que cuire demy
heure et puis, quant il est cuit, lez compaignon qui sert à celle pelle car le pourte et le livre en une
^aultre^ grange qui est amprés là ou sont plussieur owrier d'icelle pelle, car chacune pelle ait cez owriéz
et owrier à part, et prande lesdite femme cellui scel en ung grant waiciaulx là ou lez owriet le ruent, et y
ait aulcune d'elle qui le ^gecte en^ moulle en pain de scel, lez ^car en Bourgougne et Savoie le pai scé
est en pain^.
+Les+ aultre lez pourte auprés du feu et meste tout lez pains arangiéz l'ung aprés l'aultre au_
loing du feu, car en ycelle grainche y_ait de grant feu de chairbon au loing de terre, tout aincy que l'on
fait (313) à une nopce pour rotir le le rot, +et est le feu tout du loing de la grai nge+. Là sont aulcune
femme qui lez retourne, là sont aultre qui lez lye par douzenne pour lez livrer à marichamps, comme la
coustume est ou païs, car il ne lez vande que par pain.
Puis ledit officier nous menait de l'aultre partie de la court, là ou paireillement sont quaitre aultre
chaudier ou paielle, lesquelle ont l'aultre mitte de la dite yaue ^qui est tiree a-mon, comme j'ay dit
devant^. Et la depart entre eulx et font comme avéz oÿ dez aultre ; et à chacune desdite chaudiere et
aucy és aultre lieu que l'on vait voir, il fault paier le vin. De là nous menait ledit officier en une grande
grange là ou sont grant multitude d'owriet qui ne font aultre chose que forgier et merteller à
l'antretenement dez dite paielle. Puis, anmey_lieu de la dite court, est la chaipelle de la maixon là ou tous
lez jour ce dist messe, et ne vont lez owriéz que à_l'a-levacion de Dieu.
Item nous fut monstré en ung aultre lieu tant de bois que l'on amaigne tous lez jour que c'est
chose merveilleuze. En ung aultre lieu nous fut monstré par ledit officiet tant de lanterne et de saille de
cuir boullei, et d'aultre instrumens pour resister contre le feu c'il ce prenoit leans, que c'est chose
merveilleuze. Et est maixon de grant maugnifisance et de grant provizion.
De là partimez quant nous humez tout veu lez chambre dez compte et recepte et aultre office,

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et aillaimez à gitte à Paicquiéz, là ou sont trois lué, et une lué jusquez à_Champegnoille, (314) là ou
nous couchaimez celle nuit ; de Champinoille, deux lué à Mourillon, deux lué au Grant Vault, deux
petitte lué jusques une abaihieez à_la fin du Grant Vault sus le lac, et dellay y_ait deux luee et demeez
jusques à mon-seigneur g Sainct Claude ; qui font en somme, depuis Mets jusques là, environ .LX. lueez.
De Sainct Claude nous tiramez ung aultre chemin et aillaimez droit à Genewre en Savoie, ouquelle chemin on n'y compte .VII. lué, c'est assavoir de-puis Sainct Claude .V. lué jusque une petitte
bonne ville nommee Jay, lez-quelle .V. lué est le plus maulvaix chemin que je fis oncque de grande, aipre
et haulte montaigne et de grande, parfonde waillee qu'il fault paisser ; entre lez-quelle est l'aipre et haulte
montaigne dez Faucille, et l'apelle on aincy pour-ce que le chemin y est tourtus comme une faucille, et y
fault monté aincy comme à ung à_vis, et humez grant paigne de y montter avec lez femme menent leur
chevaulx par la bride.
Touteffois, à quelque paigne, nous vimez boire à Jay, et au souppé et au gittez à Genewre ; en laquelle nous fumez haultemans ressus en mengeant de grosse et graisse truyte, car c'estoit le vandredi, le
jour de la Sainct George. De Genewre en retournant à Mets ^par aultre chemin^ au loing du lac, premier
à une petitte bonne ville sus le lac nommeez Vercel, (315) et y_ait deux lué ; item une lué à Couppette,
bonne ville sus le lac, et une lué jusquet à Gnoin, petite bonne ville ; de_là deux lué jusques à Rolle sus
le lac. Et de là, qui veult ailler à Mourge et à la cité de Losaine, c'est biaulx chemin, maix le plus court
c'est de Rolle à une petitte bonne ville nommeez Courbenay, et de là à_La Sarra ; de La Sarra deux lué à
La Clef de Savoie ; item deux lué jusques à Joigne, et de Joingne trois lué jusquez Ponterlei, bonne ville ;
item trois luee jusques à No, de No à Vaudauhon une lué, de Waudauhon à Ycey trois lué, de Ycey à
Balme trois lué jusques Monbouson, et trois lué jusques au Wezon, auquelle lieu est retrowé nostre
premier chemin, lequelle nous fimez en allant à Sainct Glaude. Et retournaimes de Wezon par à Saulx et
à Lesseu en Bourgougne, là ou sont lez baing chault, comme il en y_ait en plussieur lieu là ou j'ay esté,
et puis tousjour par le droy chemin jusque à Mets.
Or vous ait devisé du chemin de mon-seigneur Sainct Claude ; cy vous veult maintenant compter
aulcune aventure avenue en celluy tamptz.
Premier avint que le dernier ou penultime jour de awrilz, plussieur vigne furent engellee en
diverce lieu et contree, dont ce fut donmaige pour ceulx à qui lez dite vigne estoient et aucy desplaisir à
tous bon buvers.
Item, celle dite annee mil .V.C et .XII. ans, l'ampaireur ce thint longuement à Trewe en
Allemaigne et l'atandoit on à Mets de jour en jour, mais il ne faisoit que ailler et venir (316) de Triewe à
Lussambour et ou païs là entour ; et corroie lez nouvelle par-tout que ledit ampaireur, avec
l'airchevaicque dudit Triewe et aucy le compte de Rineck, cez trois ycy devoient trower la roube nostre
Seigneurs Jhesus Crist, laquelle estoit enmureez avec plussieurs aultre precieulx relicque dedent le grant

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autelz dudit Triewe déz loing tampt devent, comme cerait jay tantost dit ; et comme lez chainoine du lieu
avoient le tairme par escript et aucy avoient par escript coment ma-damme saincte Ellaine, mere à
l'ampaireur Constantin, l.. envoiait jaidi d lesdite relicque à ung sainct [.]erchevaicque dudit Triewe ;
lesquelle relicque et juaulx furent ^loing tampts^ depuis enmureez audit grant autelz, ne sçay la cause
pourquoy, et y_ont estéz bien l'espaice de plus de deux cens ans.
Et tellemant que audit ans, le .IIIe. jour de maye, fut sairchiéz audit autelz par lez seigneur devent
dit avec grant reverance et craincte, et furent illec trowés trois petit couffre faicte d'ergent à l'ancienne
fasson, dedens l'ung dez-quelle estoit la precieuze et digne roube de nostre Seignour avec ung groz déz,
et disoit on que c'estoit ung déz de_quoy la dite roube avoit estéz jueez.
Es aultre couffret furent troweez lez relicque cy aprés nomméz : premier une piece de de la vraye
Crois, de la roube Nostre Damme, et dez drappellet là ou Noustre Damme couchoit nostre Seigneur en
sa jonnesse, quant il estoit anffans, et ung viéz +coustiau+ de_quoy il avoit estéz circonsis, comme on
disoit et (317) aucy comme lez cedulle le devisoient. Maix il y_avoit plussieur chose de_quoy on ne
powoit lire lez cedulle de viellesse. Et y_avoit ung denier d'or là ou estoit escript le non d'aulcune
relicques estant illec, et y_avoit encor tant d'aultre relicque que je laisse, que c'est chose merveilleuze.
Touteffois elle furent troweez ledit jour et en grant reverance publieez et prescheez par ung
reverand docteur deux fois le jour, c'est assavoir une fois devent dinéz et une fois apréz dinéz, pource
que tout le puple qui estoit assamblé ne powoit pas oÿr à une fois. Et ne furent point monstreez lesdite
relicque pour cestui jour, mais il y_eust la plus terrible triumphe faicte du monde, et la plus-part du
puple comfessé et mis à point en grant devocion.
Et puis, ce fait, on anonsait que l'on monstreroit lesdite relicque, principaullement la dite roube
nostre Seigneurs, le lundei londemain de la Pantecouste enxuant, comme il fut fait. Et c'y trowait cy
grant multitude de puple ledit jour et à cy grant presse que l'on c'y tuoit causy l'ung l'aultre ; et de fait,
y_eust une moult belle jonne femme de Coulougne qui fut estraince et presseez en fasson telle qu'elle
mourut en la presse, et deux ou trois homme churent tous pasméz.
Et avoit on mis .IIII. ou .V. C homme de la ville pour gairder la presse, et fraipoient à_vaulx ^et
sus^ lez gens comme sus dez chiens, et n'en powoient venir au_bout. Et avoit on ferméz lez pourte, car
au dehors d'icelle y_avoit encor plus (318) de quaitre mil personne, comme on estimoit, que ne powoient
antrer ; et avoient ceulx de Triewe mandéz au bouchiéz de Mets d'y mener dez buef et moutons et au
pescheur du poixon, car il avoient cy grant multitude de gens que c'estoit chose merveilleuze. Et y_eust
grant triumphe cellui jour, Dieu en soit lowé. Amen.
Item, ung peu devent, le dimanche jour de la translacion sainct Nicollay, .IXe. jour de maye,
^ledit ans^ mil .V.C et .XII. ans, fut faicte et tenus le chaipitre au cordelliet à Mets, et y_estoient venus
grant multitude de frere et de moult grant clerc de toutte la province jusques à nombre de .II. C

182

.LXXII. ; lez-quelle furent en grant triumphe cellui jour à_poursacion, ^cen ceulx qui estoient en la
maixon^, et avec moult belle compaignie de gens sortirent de leur cowans ; et en dexandant Fornerue
parmei Wizeneul saillirent de Mets par la pourte Sainct Thiebault et rantrirent par pourte Champenoize,
et de_là c'en aillairent chanter la grant messe au grant moustiet, la-quelle chantait mon-seigneur le
souffragant.
Et estoit l'une dez belle poursacion que je vis oncques faire et la mieulx ordonneez, car tousjour
entre .L. frere ou environ il y_avoit deux sergent qui estoient bien acoustré avec leur belle verge
d'airgent, et estoient illec causy tous lez seigneur et damme et chainoigne, et tant d'aultre puple que l'on
ne ce powoit tourner au grant moustiet, auquelle lieu fut dist le sermon par leur frere et biaulx ^pere^ le
provinciaulx, docteur en saincte theologie ; et y_eust cellui jour la plus grant triumphe au grant moustiet
qu'il y_eust de loing (319) tamptz devent.
Et puis, ce fait, au dinéz audit cowant ce trowait ce trowait cy grant multitude de gens que
merveille, car il y dinait de .VI. à .VII. C personnez, +tant seigneur comme [-] chanoig[ne] et aultre+,
lesquelle furent tous ressus haultement et à fort grant lairgesse, car le biaulx perre gairdien, nommé frere
Archillesse, homme fort prudent et saige qui estoit bon jantilz homme et frere à damme Yollans, abbasse
de Sainct Pier aus Damme ( et estoient deux biaulx personnaige), ^cellui^ y_avoit mis cy grant provission
et cy bien ordonné de cez besoingne de loing tampts devans que rien n'y failloit. Et aucy on leur avoit
fait tant de biens qu'il fut dist et preschiéz par plussieur docteur de entre eulx qu'il n'avoient jamais estés
en chaipitre là ou l'on eust fait autant de biens.
Et le dinéz fait auquelle estoient causy tous lez seigneur et moult d'aultre chaignoigne et
bourgeois, et graice randue, ung biaulx perre docteur nommé frere Michiel, homme fort elocquant,
lequelle avoit preschiéz tout du loing de la Karesme devent, fit et dit en manier d'ung petit sermon tout
droy devent la tauble là ou ^il^ expousait le non de Mets en fasson telle qu'il fut merveilleuzement
lowéz, car il avoit graice de bien dire et avoit moult grant suite à cez sermon. Et aprés dinéz fut preschiéz
par ung docteur de Paris, le lundemain par ung aultre, et tousjour de mieulx en mieulx tous_les jour
jusques au jeudei que le chaipitre faillit.
Et avoient ung chacun jour grant multitude de gens à dinéz, tant de seigneur que d'aultre, et apréz
(320) le dinéz, tout lez jour le chaipitre durant, lez grant clerc ce trowoie anmey lieu de l'esglise en
disputacion à_la weue de tout le monde qui voulloit ailler, et y venoient ceulx dez aultre orde mandians,
docteur en medecine et aultre, et estoit belle chose à oÿr ; fort que lez frere Baude de l'observance que
ne c'y trowaire point, car entre eulx ce levait ung procéz et une haine en fasson tellez que lez dit frere
Baude apourtairent une excomunicacion pour lez dit courdelliet, et ce plaidoierent loing tampts aprés et
parloient aulcunement en leur sermon lez ung contre lez aultre. Cy n'en dis plus pour le presant. Dieu
leur doinct paix. Amen.

183

Item, ung peu aprés, me partis de Mets avec d'aultre mairchamps pour ailler au Landis à_ Paris,
auquelle je fis mez besoingne cellon que je avoye intancion, et retournis à Mets en quaitre jour, causy
seullet la plus-part du chemin et par le chemin acoustumé, fort que je retournis de Someille à une ville
nommee Villotte, et de là à Rinbecourt, et de Rinbecourt à Sainct Miel et puis à Mets.
Mais en ce voiaige de France que je fis cestuy ans, je y entandis plussieur nouvelle touchampz le
fait dez guere, que je laisse aud_cause de briesté, sinon aulcune dez plus soweraigne, lesquelle me furent
donnees et mize par escript par la mains d'ung mien amis merchamptz de Paris lequelle estoit homme
bien congnus et hantoit avec lez grans.
Et je lui avoie prié qu'il ce anquerist de la verité et (321) qu'il me sceut tout à_dire, comme il fist.
Et me donnist tout premierement par escript comme aucy il estoit vray que lez Veniciens avoient tant
envoiés une ambauxaude avec celle du pape devers l'ampaireur, requerant ledit pape et Veniciens audit
ampaireur qu'ilz voussit donner paissaige au Suisses pour venir à leur armeez ; et en faisant ce, ledit
pape et Veniciens lui donroient cent mil ducas.
Aprés ces parrolle, l'ampaireur envoiait au roy dire cez nowelle, desquelle le roy respondist que il
print argent hairdiment, et comme par regret lui mandait que c'il voulloit donner passaige audit Suisses, il
c'en rapourtoit bien à luy, mais il savoit bien que c'estoit que il s'avoient promis l'ung l'aultre.
Touteffois ledit ampaireur ait prins cest argent et ait donnéz paissaige audit Suisses, et
incontinent ce retirairent lez Fransoy hors de la ville de Veronne, car ledit paipe, Veniciens et Espaignoil
firent tant devers ledit empaireur qu'il rompist l'aliance qu'il avoit à_roy et fut des leurs. Et l'ocasion
principaulle fut pource que de loing tampts devent le duc de Guelle menoit grande guere encontre led it
ampaireur et cez hoirs, et avoit desjay durés celle guere dix ou .XII. ans. Mais le duc de Gueldre n'eust
pas tant duré ce ne fut que le roy le soustenoit secretement avec le duc de Loraine, qui estoit son biaulx
frere.
Et durant cez ailliance d'Itaillie, le roy ne devoit plus rien aider au duc de Gueldre, mais en cellui
tampts autour la Pantecouste .V. C et .XII. fut rué jus ung messaigiet que le roy envoioit ver le duc de
Gueldre, par_quoy (322) il fut sceu biaucopt de leur secret. Et incontinent aprés ce, ledit ampaireur
rompist l'aliance qu'il avoit à_roy, comme avés oÿ, et donnist le passaige aus Suisses, lesquellez c'en
aillairent tenir leur camp deux lieus par dellà Veronne, en nombre de .XXX. mil.
Et y avoit quelque huit cent homme d'airme dez Veniciens qui c'estoient ramassés du rest de la
journeez du jour de Paicque, et l'airmee du roy ce retirait, tenant aultre camp à quaitre lieue prés. Et
y_avoit audit camp dez Fransoy douze cent lance et .XVI. mil homme de piedz, et antandoient encor
.XII. mil homme de piedz et huit cent lance ; et cella venus, on estoit deliberé de fraper encor dedans.
Mais ledit pape et lez Veniciens firent tant devers ledit ampaireur et devers la plus-part de tout
les prince crestien, comme le roy d'Espaigne, le roy d'Angleterre, lez Xoui Suisses et plussieurs aultre,

184

qu'il donnairent tant d'affaire au roy que force fut à cez gens de abandonner toutte lez ville qu'il avoit éz
Ytaillie et Lumbairdie, et de ce retirer és chaitiaulx.
Meyme lez Suisses et Veniciens tenoient Millan, ^et fut ostee au Fransoy^ ; mais lez Fransoy
tenoyent tousjour le chaitiaulx avec ung grant nombre dez plus souffisant bourgeois de la ville qui
estoient dedens avec les Fransoy, et avoyent là dedent grant pourvisions, tant en vivre comme en
artillerie, car il avoient toutte l'airtillerie qu'il avoient conquesté le jour de Paicque à la journee ; et est
ledit chaitiaulx chose imprenauble.
Paireillement Gennes c'estoit (323) retournees, mais les Fransoy tenoient le chaitiaulx, qui est
paireillemens chose imprenauble, et les Florantins et aultre nacions ^cité^ estoient comme ceulx qui ne
savoient du-quelle cousté ce tenir. Mais touteffois le roy avoit encor dez siens le roy de Nauvaire et le
roy d'Escosse, et ^lesquelle avoient deffieez le roi d'Angletere, et avoit encor le roi de [Secille et]^ le duc
de Loraine.
Et estoit en cestuy tampts le capitaine messire Robert de la Mairche, qui estoit pour le roy, estoit
entour de Mets, qui levoit dez pieton et les assambloit et mandoit de tout cousté, et ja ce qu'il fut amis
de la cité, il firent du maulx au païs de Mets, touchant [..] de vivre sus lez powre gens ; et y avoit
plussieurs compaignon de Mets qui y_alloient. Touteffois l'on fist ung huchemans à Mets que nullz ne
fut cy hairdi de y ailler ne de c'en meller, et ou cas qu'il y ailloie nt, l'on lez baignissoit à tousjour maix,
eulx, leur femme et anffans.
Et aincy comme vous oyés, le roy avoit bien affaire de tout coustés ^et perdoit en peu de tampts
ce que à grant paine avoit conquis és Ytaillie^, car lez Anglois de tout cousté, par mer et par terre, lez
assailloient, jay ce que en ce tamptz ycy, il n'eussent encor fait sus lesdit Fransoi aulcune chose digne
d'estre mize en memoire, car le roy avoit fait mestre bonne pourvizions par-tout.
Mais il ne powoit pas cy bien faire à sa guise és Ytaillie comme il eust fait, et y_avoit une aultre
bande de Suisses qui assailloient le roy en la haulte Bourgougne ; mais le roy avoit gens par-tout ^et^ cy
avoit ilz bien affaire, car je croy que de-puis .V. C ans ne fut la crestienté aucy esmeutte en guere comme
elle est à cest heure, et n'y ait (324) gueres nul païs qui ne c'en sante.
Et samble que ce soit pugnissions de Dieu, car en ces antrefaictes les Moure et Sairaisins, qui
ont la congnoissance de ce, assaillent les crestiens, et sont aulcuns Morts dessandus en Espaigne et ont
fait grant domaige au roy d'Espaigne. Paireillemant sont aulcuns Turcs desxandus en Cose Corse et ont
pourté grant domaige, et tirent la voye des isles d'Irez pour tenir la province en subjection. Dieu
y_mecte paix. Amen.
Car je croy que depuis le comancemans de ces gueres d'Itailliez, il en y_ait de morts, que d'ung
cousté que d'aultre, plus de deux ^quaitre^ cent mil ; lesquelle yl eust mieulx waillus à nostre sainct pere
le pape, à l'ampaireur et à roy et aus aultre seigneurie ce aller amploiés sus ces chiens mattins infidele et là

185

monstrer leur waillance, que de ce tuer aincy l'ung l'aultre. Et aincy doncque à cest heure tout le monde
tramble, et y_ait bien peu de païs en crestientés qui ne s'an sante.
Meymement le roy ait fait fortiffier ces ville, et principallement ait fait mestre en point tout le
puple de Paris et avec ce, c'on ne fist oncque, ait fait nombrer le peuple d'icelle. Et ont estéz trowé
dedens Paris et au bourc d'icelle le nombre de .VII. C mil homme, comme il est estéz sertiffiéz de
plussieurs homme de biens de Paris, jay ce que je redairguait et soutenoie le contraire moy et aulcuns
aultre de Metz estant à Paris, mais il nous fut fort maintenus et de chacun.
(325) Et puis, quant le puple fut aincy nombré, l'on comandait à chacun mestiet estre en point,
et que ^chacun desdit mestiet^ heussent et fissant faire une piece ou deux d'airtillerie bonne et grosse,
lesquelle seroient pour demourer et guerder la ville, comme il firent. Et puis fut comandé à chacun
mestiet à_faire cez monstre et lez mairchampt paireillemans, les ung aprés les aultre, par chacun jour, et
quant il aroient tout aincy fait, que l'on feroit monstre generaille, comme il fut fait.
Et moy, estans yllec, vis lez chairpanthiet et masson faire leur monstre tous abilliéz jalne et
rouge, tous neuf et tous chaipiaulx jalne ; et paireille furent tous aultre mestiés abilliéz avec hocquetons
jalne et rouge, la crois blanche devent et derrier. Et furent lesdit masson et chairpantier nombre à de
.XVI. à .XVII.C homme, tous jonne. Paireillement le lundemains firent leur monstre lez lauboureus et
vignerons, et furent trowés .IIII.M ; et aincy firent les aultre mestiet, tellemant que quant ce fut tout fait,
l'on trowait .IIII.XX mil jantilz compaignon ce l'on en avoit besoing pour ailler là ou le roy voudroit,
lesquel avoient estéz elleus entre le nombre de .VII.C mille, comme dessus ait dit et aincy nous fut il
sertifiés ; et en furent lez nouvelle pourteez en diverce aultre lieu ^[..] [….]^.
Item, en cellui tampts fut fait capitaine general mon-seigneur de Bourbon pour envoier dellà les
mons, et faisoit le roy faire .XVI. C lance de nowiaulx, comme on disoit, et estoient lez païs fort troubléz.
Dieu y mette paix. Amen.
(326) En celle saixon mil .V.C et .XII., y avint de diverce avanture et en diverce lieu, tant de
guere comme de foudre et tonnoire et aultre percecucion, qui avindrent en diverce lieu durant cellui esté,
car le tampts fut cy maulx dispouzé et cy dangereux de foudre et dez bruine qu'il y pairut p ar toutte lez
vigne bien terriblement, et fut le vin cy fort rancherei que lez petit viéz vin de l'an .V. C et .X. ce vandoie
à .X. denier la quairte, ^et lez bon .XII. denier^, et encor ce estoient lez plus maure, desquelle l'on n'eust
point heu .II. denier en la vandange dudit ans .V.C et .X. ; et lez aultre vin de l'an .V. C et .XI. ce vandoient
en l'esté aprés à .VIII. denier ^et .X. denier^ la quairte et estoient fier comme aixil ^ou vin aigre^, car il
n'avoient point meurir, comme j'ay dit devent. Et furent lez vigne foudroieez en diverce lieu celle
anneez .V.C et .XII., et furent paireillement foudroiéz biaulcopt de villaige de labouraige de devers le ban
de Delme, telle que Lupei et aultre.
Et furent bruleez .II. sorxier et ung sorciet celle anneez à_la dite Lupei, et amcorpirent le prebtre

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de la ville, lequelle eschaipait de prixon et ce absantist du païs ^une espaisse de tampts^. Paireillement
furent bruleez aultre sorcier en d'aultre villaige, léquelle confaissairent qu'elle avoient aidier à fourgier
celle gle grelle qui cheut devers Lupei, laquelle estoit grosse comme une pullette, et en y_avoit de aucy
grosse que le vante d'une choppine. Dieu lez confonde. Amen.
En celle anneez mil .V.C et .XII. fut achevis le pon Nostre Damme de Paris, le-quelle avoit estéz
cheus et fondus en la rivier, comme j'ay dit devent, en l'an mil .IIII.C et .IIII.XX et .XIX. ; (327) et fut
ledit pon la plus belle piece d'ewre que je vis oncques, et croy qu'il n'y_ait point de paireille pon à
monde, cy biaulx ne cy riche. Et y_ait sus ledit pon .LXVIII. maixon, et ch acune maixon sa bouticque,
lesquelle maixon avec lez bouticque sont faictes cy trés fort samblable et paireille, tant en grandeur
comme en lairgeur, qu'il n'y ait rien à dire. Et ait une chacune maixon une escripture sus son huis faictez
en or et en asur là ou est escript le nombre de ycelle maixon, +c'est assavoir en compte[nt] une, .II., .III.
jusquez .LXVIII+. Et sont lesdictes maixon mize à pris, c'est assavoir que qui-compque en veult avoir, yl
fault qu'il tourne surté de la tenir .IX. ans durant et paier une chacune desdite anne anneez .XX. escus
d'or de luaige pour ans ; au_moins fut il aincy tauxés pour ycelluy tampts.
En celluy tamptz, devers la Paicque mil .V. C et .XII., furent prinse deux sorcier à Rumelley,
tellement que l'une d'icelle femme aincy prinse estoit pairante à ^la femme^ Jehan de Nusse, pour l'eur
prevost de Raville. Sy trowait manier ycelle femme Jehan de Nusse de faire eschaiper lesdite deux
sorcier, maix avent qu'elle eschaippéz, seigneur Fransoy le Gournay de Mets avoit fait gaigiéz sus monseigneur le mairechault de Lucembourt et cez consort seigneur de Raville, disant que son ban devoit estre
saisis desdite femme pource que ledit mairechault lez avoit fait mener à Raville comme wouef de
Rumelley.
Et pour_ce l'avoit ledit seigneur Fransoy fait gaigiéz et prins de cez homme et amenéz à Mets,
lesquelle par loing tamptz furent à Mets allant par la ville sus leur foy, et en fut on à journee, tellement
que lesdit homme du mairechault furent laichiéz et en levait ledit seigneur Fransoy la mains, et ne (328)
tenoit plus que pour lez despans que l'acour en fut estéz fait. Mais le mairechault ne lez voulloit pas
reprandre c'il ne lez avoit franc et quicte.
Et pource que ledit seigneur Fransoy n'en voulloit rien paiet, ledit mairechault ce pansait bien qu'il
yroit dez gens de Metz à_la feste à Chaussey, et fit tandre sus lez chemin ; et furent prins deux
compaignon de Mets jonnement mariéz et de la pairoiche Sainct Eukaire, l'ung nommé Dediet ^de
Chamellon^ le drappiéz, et l'aultre estoit nomméz Dairans, lesquelle ledit mairechault dethint
longuement en prison. Et en fist on plussieur fois à journee, et tant que ung jour, lesdit compaignon ce
availlairent de la tour par dez courde et ce derompirent tout le cuir dez mains (je lez vis qu'il furent plus
de trois moix cen c'en aidier), et ce fait qu'il furent aincy availléz paissairent lez fousséz dessus la glaice
en grant dangier de leur vie et c'en revindre à Mets. Mais c'il ne fussent aincy eschaippé, je croy qu'il en

187

fut venus du malx.
En celluy meisme tampts avint une aventure Oultre Saille d'une jonne fille, de la-quelle en eust
^esté^ fait justice ce n'eust esté le bon fauline d'elle et à_la priere de cez voisins ^et voisine^. Celle
jonne fille avoit une mairenne, leur voisine, laquelle estoit putains et mal famee, et pource que la mere
d'icelle jonne fille hantoit et frecantoit ycelle femme malz faumee et mairenne à_la dite jonne fille, la dite
fille en avoit despit et luy sambloit que son honneur en estoit raibaissé et qu'elle en estoit mesprisee.
Et tellement que la dite jonne fille ce abandonnait une nuit de aller couchier avec la dite sa
mairenne, la-quelle en fut bien joieuze, car elle n'estoit point mairiee. Et y aillait la dite fille cen ce que
son perre ne mere en sceussent rien, prepousant de faire ung malvaix tour à sa mairenne, comme vous
oïréz, car quant ce vint que ladite femme fut endormie, (329) la dite jonne fille avoit pourté, +avec+ ung
sarpon avec elle, duquelle elle +qu'elle avoit apourté, lui+ cuidait couper la gourge à_sa mairenne et,
^de fait^, lui fist une grande lairdesse en la gourge.
Mais quant la dite femme ^sa mairenne^ santit le copt, elle tresaultist et print à braire, puis quant
elle santist le sanc courir par le lit, elle ce levait et alumait de la chandoille et ce print à sairchier par la
maixon, ^criant à murtre^, et trowait cez huis bien fermé. Mais la dite jonne fille, voiant qu'elle avoit
faillis, boutait le sairpon soubz le chevet du lit et fist la dorment, puis aprés et elle la rauvaillait et lui dit
comme on lui avoit voullus coupper la gourge. Puis ^Et^ aprés plussieur parrolle, la fille, faindant qu'elle
n'en sceust rien, et la dite femme ce randormirent jusques au matin, que la fille ce levait tout au point du
jour et ce aillait luer ^en la plaice^ devent Sainct Mamin pour aller à sa journee en la vigne, et ne fist
samblant de rien.
Et la dite famme sa mairenne, quant fut levee, c'en aillait en la rue avec le sairpon en sa main
lequelle elle avoit trowéz en faisant son lit, et là assamblait lez woisin et woisine, auquelle elle contait
comment aus aulcuns lairons avoit entréz en sa chambre, lui cuidant couper la gourge, et ne savoit par
ou il c'en estoit alléz, et leur monstroit la plaie et le sairpon.
Maix par copt d'aventure, le perre à la ^d'icelle^ fille sortit de sa maixon et, non saichant que sa
fille eust couchiéz avec la dite femme, comme dit est, recongneust son sairpon et dit que ^aincy^ que,
de_quelle lieu ^que^ le sairpon fut venus, qu'il estoit sien et ne savoit c'il lui avoit estéz ambléz ou non ;
de_quoy sa fille fut incontinent ^par quoi, pour cest parolle, fut la fille^ suspecté et fut le cas anonsséz à
justice, laquelle firent incontinent ^firent^ mestre la mains à la dite fille quant elle ^aprés ce qu'elle^ fut
retournee dez champtz ^firent mettre la mains à elle^ ; son cas ^cognus, fut en dangier d'estre noy[é]^,
mais par le bon falme d'elle et à la priere et requeste dez voisin ^et voisine^, comme dist est devant, elle
eust graice et luy fut cestuy cas pardonnés.
(330) En celle meisme annee mil .V.C et .XII., je vis une chose qui n'avient guere sowant, c'est
que l'on tiroit lez parsiaulx dez vigne avant en aulcuns lieu déz le jour sainct Burthemend apoustre,

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c'estoit signe et de fait ^vis^ provigniéz lesdite vigne pour la semaigne Sainct Burthemend ; c'estoit signe
c'on n'y atandoit pas grant vignee. Aucy n'y_olt pas quairte d'ennee, et pour_ce devinrent lez vins chier
et ce vandit toutte l'ennee à .XII. denier la quairte, maix il estoient bien bon, et lez petit vin de l'an devent
ce vandit .VIII. et .IX. denier la quairte. Paireillement n'y olt pas demi annee de blef et n'estoit pas cy
bon que cellui de l'an aprés, mais il y_olt tant de fruit autour de Metz que de loing tamptz n'en y avoit
tant heu.
Item, en celluy tampts, fut du tout eschevis le billowairt de pourte Champenoize.
Item, en celluy tampts et par moult loing tamptz devent, y_avoit ung prebtre en Mets, lequelle
estoit le plus subtille homme et le plus ingenieulx de_quoy l'on sceust à_parler en toutte chose et en
toutte airt, car il estoit grant geometricien. Jay ce qu'il ne fut pas grant clerc, cy estoit il subtille pour tout
faire, tant en l'airt de massonnerie, de chairpanterie et plussieurs aultre airt, et avec ce estoit grant
medecin et phisicien, et venoit on journellement à lui de tout cousté, tant de Bair, de Loraine, commet
d'Allemaigne et de plussieur aultre lieu, pour avoir santé et guerison. Et aucy le mandoit on sowant
querir tant de la court du duc de Loraine comme d'ailleur pour avoir son conseille quant l'on voilloit
faire faire aulcuns pons ou mollins, eglise ou aultre difficille owraige.
Et de fait, il fit à Metz, ou Saulcis, lez mollins c'on dit lez mollins le prebtre, que la rue est
comme en ung puis et tourne avec petitte yawe. Et plussieur aultre chose fist en son tamptz, et jamais
n'en avoit estéz à maistre ; et ce nommoit ledit ph prestre mastre ^messire^ Fransoy du Tample, car il
(331) demouroit à Tample, à Mets, là ou il avoit fait plussieur biaulx ediffice. Et avoit antés en son
gerdin de plussieur antez non acoutumee de faire, comme anter que la vigne pourtoit resins blan et
rouge, et dez pruniet ou serisiéz pourtoient s raisins, lez pruniet pourtoient serise ; paireillement anter
dez vert rouse. Et plussieurs aultre chose faisoit ledit seigneur Fransoy, qui tropt longue seroient à
raconter.
Et tellement que pour celle annee, ^en setambre^, par son conseille, furent faictez lez waigne ^et
vantaulx^ là ou paisse l'yawe de Muzelle au debout de la rue au Roiche. Et furent ostéz lez mollins qui
par avent y estoient, ^et fut l'owraige bien aprowés le .IIe. jour de decembre pour lez grant yawe^. Et depuis, lez seigneur ce avisairent en l'an aprés et y firent faire le pon qui y_est à presant, et fut abaitue
l'armurerie qu'il avoient fait faire toutte newe en_dret de la pourte, et en ^droit en celle plaisse^ fut fait
le chemin qui vait par dessus le pon, et fut refaicte la dite armurerie sus la riviere plus baix, là en une
plaisse perdue là ou elle est à_presant. Et fut le viéz pon de boix condennéz, et furent lez petit mur par
derrier lez maixon dez Roiche fait en la rivier par l'ordonnance de justice.
Item, audit moix de septambre, fut pandus ung wairel au chemin de Saincte Bairbe, entre la
mallaiderie et le mollin à_vent, et fut pource qu'il avoit tué ung homme et estoit comme enraigiéz.
Item, oudit moix, fut jués en chambre le jeu de Hester et du roy Assuerus, et comme il allevit la

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dite Hester en d.. pour son humilité, la-quelle est figure de la Vierge Marie, et desboutait Wasty, sa
premier femme, pour son orguielle. Et durait deux jour et furent lez secret bien fait, de_quoy je, Philippe
de Vignuelle, en fut l'ung dez maistre, et cy juait le personnaige de Egeus, prevost et gairdiens dez
damme.
En celle meisme annee fut premier fondee la messe Nostre Damme en la parroiche Sainct Maicel
oultre Muzelle, la-quelle fut rantee par l'amonne de plussieur bon personnaige pour la chanter chacun
jour à tousjour maix en la dite esglise.
(332) En celluy tamptz y_eust à pourte_Muzelle ung biaulx gaillant cordonniet, jay homme
d'eaige, et estoit l'ung dez biaulx homme de Mets et reverant, et estoit nomméz Gaspair, col^e^vreniet
de la ville. Cellui Gaispairt eust grant question à ung compaignon sai^ru^riet nommé Guiot, lequelle
estoit ung grant yvrougne, et tellement que de nuit ce rancontrirent et fut fraippé ledit Guiot à mort
de .V. ou .VI. copt de coustiaulx par ledit Gaspair. Et ce fait, c'en-fuist ledit Gairpar à simitier de Sainct
Illaire au_Pon Remont, et là fut gairdéz par lez sergent préz de demi ans. Touteffois, ledit Guiot ne
mourut pas et eschaipait ledit Gaisper.
En celluy tampts ce esmeust ung ung merveilleux plait et chose bien estrange en mariaige entre
seigneur Endrowin Roussel, le filz seigneur Wairin Roucel, chevalier, d'une_part, et damme Perrette, fille à
seigneur Pier Baudouche et niepce à mon-seigneur l'evesque de Liege et à seigneur Robert de la Mairche,
d'aultre_part ; lesquelle deux personnaige estoient deux aucy biaulx personnaige q en leur jonne eaige
que l'on sceut regairder ne souhaidiet. Ledit seigneur estoit esséz grant, maix il estoit menus de jambe,
maix ^et^ au rest il estoit biaulx de tout point : lez yeulx riant, la fesse vermelle, lez cheveulx jaune et
crespé, et tousjour rioit ; il estoit saige et bon clerc, car il avoit loing tamptz estudiéz à Paris, et savoit
juer de plussieur instrument ; il estoit tout graicieulx et bon.
Et au regairt de la damme, ce luy, ^duquel j'ay parlés^, estoit biaulx et bon comme dit est, elle
l'an paissoit encor en touttez chose, et estoit ung chief d'ewre et l'une dez belle personne, haulte, droitte
et ellevee, que l'on sceust trouver entre mil femme. Elle avoit biaulx crin, biaulx rains, bouche espessette
et vermeille, ung peu grosse gourgette, belle poitrine, la parrolle doulce, et estoit ^de^ belle ^manier^ et
gracieuse de (333) toutte piesse ; et savoit owréz en soie et en plussieur owraige.
Cez deux noble gens aincy conjoing ansamble par le loien de mariaige, ^comme dit est devant^,
furent par l'espaisse de .VII. ans et encor plus cen ce touchier l'ung l'aultre ne acomplir l'ewre de
mariaige, ne que ledit seigneur Endrowin en poult jamais avoir la puissance, jay ce qu'il ce disoit vray
homme. Et de fait luy fut bailliés ung anffans baitairt, lequelle il enjanrait en une jonne fille, comme elle
disoit ; mais nyant-moins, il ne poult jamaix avoir la compaignie de sa femme, pour la-quelle caus chose,
ung jour qu'il c'estoient courséz ensamble, c'en-fowist la dite damme hors de la maixon et c'en aillait
chiéz mon-seigneur d'Ainerey, et là ce thint loing tampts.

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De_quoy ce esmeust entre lez pairans dez partie ung grant plait et procés, c'est assavoir entre
ledit seigneur Androwin d'une part et lez frere et pairans de la dite damme d'aultre_part. Et en
plaidoiairent loing tampts à_la court à Mets, là ou plussieurs tesmoing furent examinéz et produit d'ung
cousté et d'aultre. Et aprés grant procéz que je laisse et qui durait loing tamptz, il rapellairent à Triewe,
c'est assavoir la partie qui ce santoit follee, et y fut plussieur fois maistre Fransoy Colligney comme
procureur de la damme, et en fut en Liege devers l'evesque, l'oncle d'elle.
Et aprés ce qu'il eurent loing tamptz demené la cause à Triewe à grant frais et à grant coustez, la
partie qui ce santist foullee reapellait à Romme, et tellement que ^loing tampt aprés^ ledit seigneur
Androwin y allait en personne, bien acompaigniéz, et ce bougeait de Mets en ^ce^ Kairesme l'an .V. C
et .XII. ; et ce thint là à Romme en l'ostel d'ung cardinal par moult loing tamptz.
Et incontinent à_la_Paicque aprés, l'an .V.C et .XIII., c'en aillait à Romme pour cestui fait monseigneur le protonoitaire, frere à la dite damme, lequelle estoit l'ung dez biaulx puissant +jantil+ homme
qu'il estoit possible d'estre, et en tout le païs n'avoit son paireille. Et retournait à Metz à moix d'owost
aprés. Puis y fut envoiéz ledit maistre Fransoy Colligney, procureur (334) pour la dite damme, et ce
partist de Mets acompaigniéz de maistre Pier et de maistre Geraird, ung peu devent la nativité Nostre
Damme en septambre. Dieu lez weuille conduire et ramenéz à joie et mestre paix entre lez partie, car
c'est ung cas bien estrange.
Or, pour retourner à prepos de l'an .V. C et .XII., devers la Sainct Remey, en retournant que lez
merchamptz de Mets faisoient de la foire à Francquefort, en la-quelle il avoient ramené menéz
plussieurs piece de drapz et ramenoient plussieur mairchandise, espicerie, futanne et aultre mercerie, cy
furent lesdit merchampts, j'entans leur merchandise, poursuite et espiees par serge sertains malvaix
guerson que ung natif de Mets nomméz Burtaulx avoit assamblé et quis.
Et estoit ledit Burtault desjay anciens, et avoit dés_loing tampts devent querelle à_la cité v pour
ung mollins auprés de Waillier, lequelle il disoit estre siens, de_quoy plussieurs requeste avoient esté
faicte, et ce avoit mis ledit soubz plussieur seigneur, lesquelle l'avoient tous abandonné, non voiant sa
cause estre malvaise. Mais à celle heure trowait ledit sertain malvaix guerxon, comme dit est, […] et ce
lansairent sus lez merchandise et lez ruairent jus, prenent lez chevaulx dez chairton sus lesquelle il
chairjairent le milleur et le plus pourtatif d'icelle merchandise. Et le rest ruairent parmi lez champtz,
comme cire, futenne et aultre chose, et fit moult grant domaige audit merchampt, cen ce que l'on en post
jamaix estre recompancé. Et y_avoient lez aulcuns d'eulx de l'airgent et du billon éz fardiaulx pour grant
somme, lequelle fut tout perdus. Et aincy dit on vray quant on dit que mairchampts resque soubz
fortune, car l'omme n'est pas en ce monde ycy pour tousjour gaignier.
Je dis cecy tout à_prepos pour moy, Philippe, qui ait ressus de grant perde et domaige en mon
tampts, tant en la prison, en (335) debte perdue et aultre chose que je ne més pas, et comme j'ay dis ycy

191

devent, en l'an .V.C et .IX. et en l'an .V. C et .X., dez fortune et advercités qui me advindrent, tant dez
perde et domaige comme de la mortaillité et du grant anuit qui avint qui me advint +pour cause de la+
peste, de la-quelle la Dieu mercy touteffois, la Dieu mercy, j'en eschaippait, ma femme et moy. Mais
pourtant ne fusse pas que aprés ce je ne reseusse encor en l'an aprés .V.C et .XI. et en l'an .V.C et .XII.
plussieur perde et donmaige.
Et premier, aprés ce que Jehan Le Sairte, pere à ma femme jaidi maire de Lessey et perre à
Ysabellin ma femme, fut trespaissés, don Dieu ait l'ame, je fut acoutangiés, moy et mes deux serourge, à
l'ocasion d'une poursuite, à tort et sans cause, que ung de Sciei nommé Thierei Rousse faisoit audit
Jehan le Sairte ; laquelle poursuite, avent que en puission avoir la fin [...] et estre paisible en nostre
herritaige, il nous coustait plus de .IIII.XX livre.
Item, quant je achetait ma maixon, ^c'est assavoir^ celle ^de^ derrier à_Baudat Blanchair
Jaicomin de Moiewre, qui fut tant d'annee chiéz le doien et y mourut de-puis, et lequelle ^en son
tampts^ avoit estéz cy riche, lequelle aucy avoit heu vandus la dite maixon audit Baudat et y avoit
fourcellés .XXXI. sous de cens à_Sainct Jaicque et .XXX. sous à la grant eglise, pour lesquelle à plaidoiéz
il couttait plus de .VI.XX livrez, tant à Baudat, à moy, comme à plussieur aultrez, de_quoy j'en fut
coustangiés en ma part de plus de .XXV. livrez cen la paine, et en fut l'acort fait et le cens raichetéz pour
la dite annee .V.C et .XII.
Item, en celle dite annee, ou moix de septambre, je avoie achetéz ung chevaulx à la cité, et fut
mort ledit chevaulx le lundemain de Noé aprés, de_quoy je y perdis plus de .XXIIII. frant. ^Et aincy
l'omme ne vit pas cen fortune, ou de corps ou de [biens]^.
(339) Item, oudit ans, ou mois d'octoubre, ung powre homme qui pourtoit vandre l'estrain à_ Vaulx
Mets - et estoit son airt et son mestiet, et à_l'oucasion de ce on l'apelloit Blan Trains -, ycelluy estoit
acoustumees de juer à carte. Avint ung jour d'icelluy moyx d'octoubre qu'il juoit à carte chiéz ung
caibairet derriet Sainct Girgonne nommés L'Ost cy dures, et en juant qu'il faisoit, ce coursait contre
celluy à_qui il juoit et dit qu'il ce donnoit au diable et que le diauble luy turdist le col, ce jamaix pl us
juoit au carte avec luy ; et ce dit par plusieurs fois, fut la chose raipaisantee avec luy, et tout incontinant
racomansait à juer. Mais dés tantost aprés ce fait, il cheust à terre et, en cheant, print à crier et à braire,
disant : "Ha ! le diauble m'en-pourte ! Le diauble m'en-pourte !" Et en disant perdist la moitiet de luy et
eust la teste tournee ce que devent derrier, et en tenant diverse grimaiche demourait en telz estat tant
qu'il fut mort.
Item, le .XXVIIIe. jour dudit mois, messigneurs de la cité, voir aulcuns qui à ce faire furent
comis pour le fait de l'ampaireur, mandairent en la chambre des .VII. de la gueres tous les eschevins des
eglise de Mets ; et à yceulx fut dit et ordonnés qu'il fisant faire comendement chacun endroit luy à tous
les b pairoichiens de leur pairoiche que le dimanche enxuant il ce trowaisse tous aprés la messe devent

192

leur eglise. Et ledit jour venus, lesdit eschevins, ou non de la justice, comme dit est, ordonnairent à yceulx
pairoichiens de nommer et ellire quaitre homme en chacune pairoiche des plus souffisant et antandus
pour estre avec lez quaitre eschevins et pour aller en justice oÿr ceu qu'il leur vouldroie dire et
comender.
Et aincy en fut fait et fut de chacune pairoiche elleus quaitre homme avec lez quaitre (340)
eschevins, lesquelles tous ensamble leur fut dict et ordonnés de ce trower le jeudy ap rés la Tousaincts,
qui fut lors le quaitriesme jour de nowambre mil .V. C et .XII. ans, ou hault paillais. Et ledit jeudi aprés
jour venus ce trowairent tous audit paillas, au-quelle lieu leur fut dit et relatés p ar la bouche de seigneur
Andrieu Drineck, chevalier, ou non de tous le conseil de la cité, coment l'ampaireur, nostre sire, avoit jay
dés loing tampts envoiéz par touttes lez cités imperialle et par toutte l'Ampire, priant ^et requerant^ que
on luy voulsist faire +unne+ ayde d'airgent.
Et avoit fait ledit ampereur nostre sire plusieurs demende, comme il fut dit desdit commis de la
cité, lesquelle estoient hors raison et indiscrette ; et demendoit cest ayde pour .VIII. ans durant ; par_
quoy lesdit commis, comme il dirent par la bouche dudit seigneur Andrieu, avoient heu envoiéz leur
messaigier par les aultre cité de l'Ampire, comme Stracbourc, Collougne, Woulme et aultrez, ^pour
sçavoir coment il en feroient^, et trowairent que toutte estoient ramfusant, par_quoy il avoit estés
remonstrés audit nostre sire l'ampaireur par les prince ^et ellecteur^ de l'Ampire, ^tellement^ que pour
les dit .VIII. ans qu'il avoit au par devent demendéz il estoit à cest heure remis à ung ans sem_plus, et
l'avoie aincy acourdés lez aultre cité.
Et pour_ce, lesdit comis remontrairent par la bouche dudit seigneur Andrieu Drineck, chevalier,
aus dit .VIII. homme aincy prins de chacune pairoiche, qu'il remonstraisse ^voulcissent remonstrer^
chacun en son androit et en sa pairoiche la voulluntés de justice, et qu'il n'y avoit que bien de paier pour
une fois, comme dit est. Et leur dirent avec ce biaucopt d'aultre langaige, disant qu'il ne powoient rien
cen l'ampaireur et que la cité n'estoit rien cen son ayde, car pour la doubte de lui biaulcopt de prince y
laissoie à mener la guerre ; et plusieur aultre chose (341) leur dirent, les ynduisant à_paier cest ayde pour
une fois. Puis leur desclairirent la manier comme ledit ampaireur nostre sire demendoit cest ayde, et
comme les aultre cité luy avoient desc acourdés.
Et premier entendoit que tout homme qui avoit vaillant .L. florin d'or ou moins devoit paier le
thier d'ung solz, et c'il avoit anffans en son gouvernement, il ne paieroit rien pour yceulx anffans. Item,
tous ceulx qui ont vaillant de-puis .L. florin jusques à .C. debvoient paier les deux pairs d'ung solz, et de
chacun anffans qu'il auroie à_leur gouvernement eaigiés de .XII. ans ou plus paieroie le thier d'ung solz.
Item, tous ceulx qui ont vaillant de-puis .C. florin jusques à quaitre cent florin paieront ung solz, et pour
chacun de leur anffans eaigieez de .XII. ans et plus, le thier d'ung solz. Item, touttes p ersonne non
mariee et aultre, serviteur et aultre estant en libertés, soient spirituel ou tamporel, et aucy gens mariés

193

non ayant anffans, paieront chacun ung solz. Item, tous ceulx qui auront plus de .IIII C. florin jusque à
mil florin paieront deux solz, et c'il avoient des anffans, comme dessus, chacun les deux pairs d'ung solz ;
et ceulx aincy riche qui ne seroie point mariés paieroie aucy deux solz. Item, ceulx qui aueroient mil
florin va vaillant ^et jusque à .XVC.^ paieroie quaitre solz, et pour chacun de leur anffans dudit eaige
de .XII. ans ou plus non ayant propre, chacun ung solz ; mais c'il avoie propre il paieroient comme
dessus est dit et à l'estime de leur biens. Item, ceulx qui ont vaillant de .XV C. jusques à deux mil florin
doie paier le quairt d'ung florin, et pour chacun anffans eaigiés comme dessus, deux solz. Item, ceulx qui
ont la vaillue et sont riche de-puis deux mil jusques à quaitre mil florin paieront demi florin, et de
chacun chacun anffans non essignés en mariaige trois solz. (342) Item, celluy qui ait quaitre mil florin et
plus jusques à .X. mil paieront ung florin, et pour chacun anffans non assignés en mariaige et en eaige
de .XII. ans, ung demi quair de florin. Item, celluy ayant la vallue de .X. mil jusques à .XX. mil florin
paieroit ung florin et demy, et de chacun de ces anffans, jonne ou viéz, ung quair de florin. Item, tous
ceulx qui aueront .XX. mil vaillant ou .XXX. ou .XL. mil ou plus doient paier trois florins, et pour
chacun anffans non mariéz, ou jonne ou vieulx, demi florin.
Et puis, ce dit, mirent fin à leur parrolle et c'en retournairent arrier lesdit eschevins avec les
aultre quaitre homme de chacune pairoiche aincy prins pour en faire la relacion à_tout le puple chacun
en droy soy et pour dire qu'il leur en sambloit, et aucy pour sçavoir quel estoit leur opinion. Et alors, ce
tampt durant, furent mendéz devent justice tout prebtre seculier, chainoigne et aultre religieulx et
religieuse qui sont rantés et ont cens et revenues, auquelle fut dit et prepouseis comme aus aultre
secullier et en la fourme et manier comme cy devent avés oÿ ; lesquelle, quant il heurent heu leur conseil
sur ce, ung d'entre eulx respondit pour tous les aultre et dit, oyans tous, à messigneurs les commis que
lesdit de l'eglise n'estoient point deliberés de en rien paiés, et que c'estoit une chose que faire ne powoie
ne ne devoient ; et aincy demourait la chose.
Et en ce meisme jour retournairent devers mes-seigneur les commis, c'est assavoir lez quaitre
eschevins de chacune pairoiche avec les quaitre ellus du puple, et firent leur relacion de diverse sorte ;
car aulcuns, comme Saincte Crois, Sainct Jaicque, Sainct Vy, Sainct Mamin, dirent et conclurent qu'il c'en
fioient bien à ce que leur seigneur en feroie, et qu'il esperoie bien qu'il ne feroie chose qui leur fut à
deshonneurs ne p (343) prejudicialle, car il esperoie que, ce du tampts passeis il avoie bien gouvernés,
que encor feroie il mieulx à_l'avenir. Touteffois, aulcune aultre pairoiche furent d'aultre opinion ; ne sçay
c'il firent bien, mais il respondirent et causy tout d'une vois dirent que aprés ce qu'il avoient chacun
en_droy soy bien remonstrés au puple la voullunteis de messeigneur de justice, furent la plus-pairt tout
d'unegne opinion de non en rien paier, et leur desplaisoit fort que ledit ampaireur voulloit aincy sçavoir
leur puissance et richesse et les voulloit contraindre d'en faire sairment, qu'estoit une chose que ces
predissesseur n'avoie jamais fait et qui estoit contre lez libertés et franchise de la cité, laquelle les anciens

194

ampaireur avoient donnés. Et furent de cest opinion ceulx de Sainct Suplise, Sainct Mertin et plusieur
aultre, et aulcune aultre pairoiche ne furent point d'acort de rien respondre ne de rien paier.
Touteffois [-] il furent arrier mendés ^pour^ le dimenche aprés, et respondirent les aulcuns
comme et la plus-pairt comme saige qu'il c'en tanroie bien à ce que lesdit seigneur commis en feroient,
disant que leur predicesseur avoient bien gouvernés du tampts passeis, et pretandoient que ceulx de
presant gouverneroie aucy bien ou ancor mieulx, et pour_ce conclurent la plus-pairt qu'il en donnoient
du tout la chairge à leur dit seigneur esperant qu'il ne feroie chose qui fut au prejudice ne deshonneurs de
toutte la cité ne dez abitans233 ; et aincy leur en donnairent la plus-pairt du tout la chairge.
Mais pource qu'il y_olt de diverse opinion, mes dit seigneur les comis leur dirent et ordonnairent
que chacune pairoiche donnait par escript en une cedulle leur opinion et ce qu'il avoie conclus, et que
celle dite cedulle fut signeez de la main de l'ung desdit eschevins et de l'ung des quaitre homme qui
estoient prins ; et aincy en fut fait. Et retournait errier chacun enchiés luy, et ne sçay qu'il en fut plus fait,
car lesdit seigneur eurent telz conseille ensamble que de-puis je n'en oÿt jamaix nowelle.
(344) Item, en celle dite annee .VC. et .XII., durant le moix d'octoubre, furent acomenciet les
fondement du gros mur qui est devent l'abahies de Sainct Siphoriens, du cousteis vers Anglemur, pour
faire plus grande la plesse c'on_dit sus Sainct Illaire, [-] ^laquelle^ à_cest heure ycelle plesse fut
reagrandie de la moitiet, car par avent c'estoit une vigne depuis ou sont maintenant les ormes en jusques
à piedz ou est maintenant fais cellui gros mur baix. Et y_avoit dez degrés de pier de taille en acomansant
au baix prés d'Anglemur et en montant tout hault sus Sainct Illaire, lesquelle degrés solloie servir servir à
la pairoiche de l'eglise dudit Sainct Illaire, laquelle pairoiche soulloit estre illec avent avent que l'abaihies
y fut, car la dite abaihiees soilloit estre devent pourte Champenoise, sus le hault devent lez Vaisieulx,
^comme dit est, et^ c'en monstre encor les ruyne.
Et on l'abaitist pour les guerre qui furent antre le roy Chairle de France et le roy d'Angletterre,
c'est assavoir celluy Chairle du tampts Jehanne de Vaulcolleur, c'on_disoit la pucelle de France, car en
cellui tampts les Anglois menairent cy fort et apre guere audit Chairle qu'il prinrent Rains, Chaillons et
Troye, puis prindrent Soixon, Rowans, Paris et Sainct Denis, et generallement tout le reaulme de France,
reservés le païs de Berrey, auquelle ce tenoit ledit Chairle. Et alors vinrent durant aulcune triewe qu'il
heurent au ce n'eust esteis moyenant la graice de Dieu et l'ayde d'icelle pucelle de France, qui fist
merveille d'airme, tout le reaulme estoit perdus ; mais, pepe petit à petit, elle le reconquestait et amenait
ledit Chairle à_Rains le courougner roy de France.
Et alors, durant ce tampts et qu'il heurent aulcune triewe les ung avec les aultre, les gens d'airme
de France ce vinrent lougiéz ou Vault de Mets, et fut à_la requeste du roy de Cecille ; et illec fire nt
biaulcopt de mal et de domaige, pair_quoy les seigneur et gouverneur d'icelle, doubtant de leur cité,
abaitirent la dite abaihiees Sainct Siphoriens, la chainonerie de Sainct Thiebault et plusieurs aultre,
233abatans corrigé en abitans par l'auteur.

195

lesquelle estoient alors hors de la ville. Et de-puis (345) furent refaictes et reedifiees dedans la cloeson
de la cité, comme elle sont à presant ; et pour faire la dite eglise Sainct Thiebault fut abaitue l'eglise dez
Repantie qui estoit en ce lieu, et pour faire icelle de Sainct Ph Siphorien fut abaitue l'eglise de
pairoichialle de Sainct Illaire au Xaillus. Et je, Philippe, ait veu faire la dite eglise comme elle est à presant,
et de-puis vis faire le cloitre, car par avant c'estoit une eglise à l'ancienne fasson, avec ung cloichiéz de
boix, lequelle avoit estés fait tout en_haitte durant la dite guere dez Roys.
Item, pour revenir à mon prepos, au regairt de la fairtillité des biens de cest annee, j'en ait pairlé
devent, au_moins dez blés, des vin et des fruit ; quant au fait des foins et avaigne, nawees et aultre
chose, comme pois et fewe, il en y_olt moyenement et causy comme l'an devent.
Item, en celluy mois d'octoubre, le .XVI e. jour, mourut mon-seigneur l'abbé de Sainct Arnoult
devent Mets, lequelle abbé, ung peu devent qu'il mourut, avoit heu resignés et ce avoit desmis de son
abahiees à Jehan de Loiraine, evesque de Mets, lequelle estoit encor jonne et estoit filz au duc Regné de
Loraine et de Bair ; par_quoy plusieurs dez seigneur de la cité, tant spirituelz que tampourel, furent
desplaisant et pour plusieurs raison.
Touteffois, pource que durant le tampts que le devent dit abbé mourut, ledit Jehan de Loraine
n'estoit encor pas paissés ne confairmé en court de Rome, ne ces burle n'estoit pas faicte, par_quoy lez
religieulx dudit Sainct Arnoult thindrent chaipitre et, cellon leur coustume, elleurent entre eulx ung
abbé ; et, ce fait, envoiairent à Romme et mirent grant gairde audit Sainct Arnoult, et furent loing tampts
doubte en celle doubte avent que ledit abbé peult estre essurés de son fait. Et couchoient touttes les nuit
aulcuns des ab arboulletriet [.]et coullevrenier de la cité dessus la muraille dudit Sainct Arnoult avec aucy
les bon homme de leur villaige, durant lequelle tampts les Lourains cuidairent faire audit Sainct Arnoult
plusieurs trafficque pour y prandre possession. Et avoient lesdit abbé et moine treffort partie, parce que
ledit evesque estoit de grant sans, comme dit est. Et à la fin eurent acort et parmi une pancion demourait
l'esleus abbé.
(346) En cest yver, le deuzieme jour de decembre, +par+ ung dimenche, fut trowés ung anffans
en la simetier de Sainct Victour à Mets, lequelle n'estoit pas plus gros d'ung hairan.
Item, en la dite annee, le jour des Innocens, ceulx de Northensen en Allemaigne, en la duchiet
de Rigmen, se mutinairent contre leur seigneur et gouverneur, et en ce partant du conseil que lesdit
seigneur firent la commune, en assomairent .VIII. ou .IX. dez plus grant et des principal de la ville.
Item, oudit tampts vint à Mets ung homme qui ce pourchaissoit et demendoit son pains pour
Dieu, et estoit cest home biaulx person personaige. Cest homme pourtoit une faulce lestre contenant
cellee contenant coment il avoit esteis rueis jus au bois de Montagus et luy avoit on osteis trois mullet
chairgiés de merchandise, puis avoit esteis liés à ung arbre et luy avoie yceulx lairon coupés la langue, et
aincy liés l'avoie laissiés à bois, cuidant qu'il deust mourir. Alors ce retournait vers Dieu et sa benoitte

196

mere, promectant de faire plusieurs voiaige, lesquelle promis tout incontinant ce rompirent lez corde
dont il estoit liés. Et aincy loiés avoit esteis trois jour et trois nuit, sans boire et cen mengier, come sa
faulce lestre contenoit ; et contenoit encor la dite lestre que en luy donnant aulcuns bien, on gaingnoit de
grant pardon.
Et contrefaisoit cestui lairon la laigue avoir coupee cy cautement que on cuydoit qu'il fut aincy et
qu'il ne peult parler ; et ce faisoit recomender par lez eglise tellement qu'il ampourtait de Mets de
l'airgent à fine force. Et tout son cas n'estoie que menterie et laircin, car quant il vint à Nency, il eust
discort à sien ^ung sien^ compaignon qui le conduisoit, et fut en despartant leur argent, tellement que
illec fut prins et fut baitus du bouriaulx parmi la ville ; mais qui eust fait à_point, on lui deust avoir
coupés la langue affin d'y pranre à aultre example.
La semaigne aprés, à Mets, ou Vay de Bouton, une femme demourant seulle en une maixon fut
trowee morte en son lit, et puoit trefforte car il y_avoit quaitre jour qu'elle y estoit, et fut trowee
ad_cause de la puanteur.
Item, en cest yver .VC. et .XII. ce fist ung merveilleux tampts de pluye, car journellement ne fist
que polowoir cen neige et cen gellee, tellement que les chemins estoient cy desrompus et pourris que l'on
ne powoit aller ne (347) venir, ne rien faire. Et faisoit tout l'iver aucy doulx tampts qu'il sambloit que ce
fut en estés, car on avoit és gerdin les romarins fleurey et lez serixiéz, lez pruniet et amendelliet et aultre
tanre fruit ce voulloient desjay bouter dehors entour le nowel ans. Et durait celluy tampts aincy jusques
au jour de la Chandelleur sans neige et sans gellees, mais ledit jour de la Chandelleur vint ung peu de
gelleez, et puis ce ranforsait jusques au premier jour de Caresme, qui fut le premier .IXe. jour de fevriet,
auquelle jour il comansait à neiger sy treffort que l'on ne powoit ailler ne venir. Et c'enforsoit le tampts
tout les jour et faisoit plus froit qu'il n'avoit fait de touttes l'annees ; et durait celle neige et froidure par
plussieur journee, et remist celle gellees toutes les terre à_point et fist bon laubourer en vigne et
aultre_part.
Item, celluy premier jour de Kairesme qui fut le .IXe234. jour de fevriet, il y_eust à Mets une
femme jay asséz ancienne et estoit servante à ung prebtre nommés messire Pier de la Princerie, laquelle
femme, voiant leur maixon aisséz forte chairgees de neige, montait sur leur tis tout hault pour abaitre la
dite neige. Mais ^alors^ en la rue y_avoit aulcuns Allemens qui ce gectoient de la naige, et elle ce
avensait ung peu pour regairder à_la vaillee. ^Cy avint que^ le piedz luy faillit, et chut de celluy they sus
le tis d'unegne gallerie plus bas, et de dessus la gallerie c'en vint à_la vallee et chut sus ces piedz e n_mey
la rue, et amenait de cez robe toutez la neige qui estoit sus le tis de la dite gallerie, qui moult en y avoit.
Et fut merveilles et grande aventure qu'elle ne fut tueez touttez roidez, car elle chut de plus de .XXX.
piedz de hault et ce rompist et deffroissait tout les piedz, et n'en poust jamais plus aller, combien qu'elle
n'en mourut pas.
234Philippe écrit .IX. ; nous corrigeons.

197

En celluy tampts c'en ailloit hors de Mets Gasper cy devent nommé, lequelle avoit heu donnéz
plussieur copt de coustéz à ung nommé Guiot, comme cy devent est escript, pour la-quelle chose ledit
Gaspair avoit estéz en maintez journee en franchise à grant moustiet.
(348) En celluy tamptz, messire Fransoy le Gournaix, chevalier, fist faire la maisonnette ou hault
de Desiremon auprés la belle croix, pour y tenir ung armitte, et y en mist ung.
Item, en celle dite annee mil .VC. et .XII., avint ung grant et merveilleus cas à Collougne sus le
Rin, et fut une chose de_quoy grant bruit en fut par toutte la crestientés, car le le puple et la comune ce
mutinait et ellevait contre le gouverneur et recteur d'icelle, et tellement que plussieur et la plus-pairt
d'iceulx gouverneur en furent decapitéz, et leur femme et anffans banis à tousjour maix, ^come vous
oïréz^, et avint la chose aincy.
Il est vray que lesdit recteurs et gouverneur avoient par loing tamptz devent mis, ellevéz et
impousés sus la comune plussieurs imposicion et ^nouvelle et eslevoient ycelle^ gaubelle et
impousoient petit et petit de jour en jours, au grant prejudice et donmaige du bien publicque et du powre
communs235 ; et ce juieroient lesdit gouverneur de chacun jour plus assoubjectis le powre puple qu'il ne
devoient, tellemant qu'il ne le pourent plus souffrir ^ne endurer^.
Or avint en celle dite annee .VC. et .XII. que l'ampaireur demendoit une par touttes lez citéz de
l'Ampire une ayde et une somme de denier de chacune personne cellon sa richeisse, comme cy devent
avés oÿ, et tellemant que lesdit recteur et gouverneur de ge Colloigne avoient gectéz celle somme sus le
comuns pbe puple, tout aincy qu'il l'avoient entandus ; de_quoy se ^levait le hurtin et en fut le^ puple ce
mutinait et fut fort maulx comptant, et leur sambloit bien que lez ^yceulx^ gouverneur devoient bien
paier cest somme ycy et la prandre au tresors de la ville, et faire tellemant devers l'ampaireur qu'il fut
comptant, cen ce que le menus puple en fut ampeschiéz ne cen ce qu'il levaissent malletoute ou nowelle
impousicion sus toutte manier de, ^tant sur la^ mairchandise que ^comme^ sus touttez manier de
vitaille, comme il +ainssy qu'il+ avoient de nowiaulx fait, car lesdit gouverneur avoient de nowiaulx
impousés nowelle impousicion (349) sur lez chose devent dite, par quoy le puple, +come dit est+, ce
ellevait contre eulx par la manier que vous oÿréz.
Il est vray que comme une chose advenue par miraicle ^de Dieu^, que le .Ve. jour de janvier,
vigille dez Trois Rois dont lez corps repouse à_la dite Collougne, ce mirent secretement amsamble les
gassle, c'on_dit lez mestiers, et par ung jour que lesdit seigneur estoient au conseil, lesdit mestiers vindrent
en arme devent la chambre là ou ce tenoit ledit conseil. Et estoient yceulx mestiés bien armés et
ambaitonnés, tant de trait, de pouldre, d'arboulaitrez, comme de hallebardes et aultre taillemens et
baitons ^de deffance^ ; et eulx venus, firent owrir l'uis de la chambre dudit conseil et entrairent bien
furieusement dedens, comme gens forcenés ou hors du scens, et propousait et ^l'ung d'iceulx muttins
pour tous^ en_l'ancontre desdit seigneur en la manier cy aprés escriptes, et disant ^entre plusieurs aultre
235Philippe écrit commus ; nous corrigeons.

198

parolle ait dit [-]^ :
"Vous estez nous seigneur et regens de la cité, et sçavés assés la manier coment nostre seigneur
l'ampaireur fait à la dite citéz une demende et une ayde d'ung comun denier. Mais entre nous, powre
gens mecanicque, se n'est pas à_nous afaire d'en randre compte ne d'en rien paier. Vous avés lez tresors
de la cité en mains, auquelle powés bien contanter l'ampaireur affin qu'il soit tousjours nostre bon
seigneur et amis et a ^aye^ nostre cyté aucy ^pour recomendee^. Et ce fait ^et qu'il cerait content^, airéz
encor esséz argent de rest audit tresor."
Et apréz ce dit et qu'il virent que lesdit +yceul[x]+ seigneur en respondoient ^esséz^ laichement, il
leur dirent de fait qu'ilz voulloient avoir les comptes d'icellui tresor, et lez tindrent en la dite chambre
par manier de pli prisonniers et sens partir jusques à tant qu'il leur eussent dit et ensigniéz le lieu ou
ledit tresors par avant avoit tousjour estéz. Et tant qu'il elleurent entre eulx partie de la comune pour
aller visiter ledit tresor, auquelle ne trowairent de touttes piece d'or et d'airgent point plus hault de la
somme de .C. et .L. florin d'or, dont il furent moult esbaïs, car par avent il estoit y_avoit
innumerablement grant somme et grant avoir ; mais lesdit (350) seigneur les avoient chacun en son endroit
prins et en avoient fait leur mairchandises, mariés leur anffans, et aultre chose à leur grans proffit, sans
le sceu de la dite commune.
Et tellemant que la chose bien congnue, la dite commune eurent conseille ensamble et lez
aprehendirent et lez menairent en prison, et ^à_force^ leur firent ^à^ ung chacun l'ung aprés l'aultre
congnoistre leur laircin ; et tantost aprés en firent l'execucion criminelle. Et le premier qui fut decapités,
ce fut le maistre des bourgeois, nomméz le Pappegay, et aprés luy le fut l'aultre plus grans, nommés le
Regnart, et aprés yceulx furent decapités plussieur aultre du conseil, que je ne nomme pas ; et furent tous
leur bien confisqués, voir ceu qui venoit de_part eulx, et ceu qui venoit de_part leur femme demouroit
à_la dite femme et aux anffans, et furent ycelle femme et anffans banis ban hors de la citéz à tousjour
maix.
Item, aprés ce fait, la dictez commune constituay des aultre seigneur et gouverneur ou lieu d'iceulx
devent dit, esperant qu'il feroient milleur gouvernement que n'avoient fait les dessus dit nommés, laquelle
chose ne firent pas, et pour_ce furent desmis et fut mis la mains à eulx, dont les eulx ^uns^ furent
decapités et les aultrez banis et deschassés ; et aprés tout ce fait, lesdit consti..s de la commune eslirent
entre eulx le nombre dez dessus dit pour gouverner la chose publicque bien et leallement, coment il
firent sans y_contrarier, et ostairent touttes les subcides et gabelles que lez aultre malvaix avoient mis
sus et lez remirent comme il avoient estéz d'anciennetéz et par avant. Et pour sçavoir quant il en y_olt
dez descapitéz à deux fois, le nombre en fut environ à .XXXVI. personnaige.
Item, tantost ung peu aprés, la commune de Liege, oyent parler dez devent dist de Collig
Collougne, ce woulrent (351) paireillement ellever en_l'ancontre de leur recteur et gouverneur de la dite

199

cité de Liege, et voulloient savoir le nombre de leur tresor et voulloient avoir lez compte et receptes. Et
de fait y_eust heu ung trés grant huttin et encor pire que à Collougne, ce ne fut estés mon-seigneur ^le
reverand perre en Dieu^ leur evesque, lequelle ce bouttait entre deux et à bien g rant paigne apaisantait
le comun. Et encor de-puis qu'il les eust ung peu apaisantéz et que chacun fut retournéz chiéz luy,
^environ .V. ou .VI. semaigne aprés^ ce reameurent la dite commune de-rechief et furent lesdit
gouverneur en plus grant dangier que devent, ce n'eust derechief estéz leur ^dit^ evesque, qui moult ce
humiliait ^envers la comune, disant qu'il voullait vivre et morir avec eulx^, et print grant paine pour
estaindre leur fureur, ^ou aultrement^ il eussent tout gaistéz ^et par aventure lui meisme y fut estéz
mort^ ; mais la chose fut apaisantee parmi que la dite commune eust partie de ceu qu'il demendoient.
Aucy en la dite annee, en une aultre cité [-] deux [-] [-] [-] [-] [-] ^à Nostre Damme d'Ais, y_olt paireille
hutin et^ ce cuidairent paireillement mutiner en enxuant les dit de Collougne. Dieu meste paix par-tout.
Amen.
Item, en celluy tampts, le .XX e. jour de fevriet l'an .VC. et .XII. mourut pape Jullius, lequelle en
son tampts fut cause de la mort de maintes personne et fit ce que jamaix pape ne fist touchant de guere,
car par luy et à sa requeste vinrent lez Fransoy en Ytallie, et puis quant il olt ceu qu'il demendoit dez
Venicien, il ce tournait de leur bande et tournait le dos au Fransoy ; par_quoy, co mme on disoit, il avoit
estéz cause de la mort de plus de .L. mil personne. Item, environ .VIII. jour aprés ce que ledit pape
mourut, lez Fransoy estant au chaitiiaulx de Millan firent une sailliez sus la ville de Millan, là ou il firent
du maulx biaulcopt.
Item +Or est il ainssy+ que en mon tampts, en diverse annee et en diverce saixon, j'ay veu faire
pour plussieur cause ^raison^ diverse justice et essecuter plussieur ^diverce^ personne, tant homme que
femme, pour (352) diverse cas, desquelles je j'en dis rien pour cause de briesté, jay ce que plussieurs en
ayent escript. Mais à_moy ne plait de mestre telz chose par escript ^en mon livre^, et me samble une
chose de petitte vallue de telles follie mestre en cronicque, car chose samblable et paireille avient tout
lez jour de powre lairon ou aultre malz faitteur, et pour_ce je n'en fais compte d'en rien mestre, se ce
n'est doncque pour grant cas ; lesquelles n'avienent pas sowant, ou qu'il y ait aulcune chose
merveillauble qui c'en enssuivent, comme oudit ans .VC. et .XII. avint en ^en cest meisme annee ou
moix de^ janvier236 ^il avint^ que ung powre homme pelletiet nomméz Vincent, lequelle par plussieur
fois avoit fait aulcune petitte laircin et lui advenoit sowant, et tant que ung jour ce trowait de nuit
^devers l'esglise du Sainct Esperit^ chiéz ung prebtre nomméz messire Otto de_devers le Sainct Esperit à
Mets et devent la grant maixon +Blanchair+, et là cuidoit aulcune chose desrober.
Mais il fut surprins du clerc de leans et fut trowés entrez deux huis, et quant il vit ce, il ^ce voult
deffandre et^ il cuidait tuer le clerc, et de +fait le+ frappait d'ung coustiaulx ; mais il faillit et l'aitaindit
236Dans la marge gauche, barré et sans signe rapportant cet ajout à un endroit du texte : le maistre eschevin est de
l'aultre cousté de la page.

200

point en la chair nue. Et quant il olt donnéz le copt, il c'en-fowist et ledit clerc, qui de ce ne ce gairdoit,
eust grant peur. Et pour ce fait fut prins ledit Vincent, et par ung jeudi à_la_fin dudit mois fut pandus
au gibet de Mets ; et fist ce jour ung moult fort tamptz de vans, de neige et de gresins.
Or avint que à_l'acomancement d'avril ^mil .VC. et .XIII. ans^, par plussieurs fois ce aparut ledit
Vincent audit clerc et ruoit dez pier aprés lui en plussieur lieu et plaisse ^plaice^ ; et tellement que une
fois, le ruait en la rivier de Saille et fut presque noiéz, et c'en revint ^ledit clerc^ tout moulliéz à l'ostel.
Et puis le trowait encor plussieurs fois et luy dit plussieur chose, entre lesquelle il luy dit c'on lui avoit
fait tort de le faire mourir le jeudi et qu'il ne devoit morir jusquez au samedi ap rés, (353) et lui dit que
pour_ce avoit il fait cy cruel tamptz à sa mort ; et dit encor ledit Vincent audit clerc, comme il disoit,
qu'il aillait ung voiaige pour lui à Nostre Damme de Raibay et ung aultre voiaige à Saincte Bairbe.
Et le guerxon y ^aillait^ au_mey avris, et avec luy menait dez frere de l'observance ; et eulx
estans par le chemin leur furent gectees plussieurs pier, et meysmement à l'esglise, cen ce qu'il veissent
personne, comme il disoient. Et à dernier voiaige et que ledit clerc avoit eschevis ceu qu'il luy avoit
ordonnéz de faire, ledit Vincent ce aparust à luy devent l'autel de l'eglise, et cen que +et le vit+ personne
le vit que luy ; et ^là^ le remerciait et lui dit qu'il l'avoit allegiéz et qu'il estoit bien. "Et je m'en vais, dit il,
et cy feréz ta plaisse ^plauce^ en paradis."
Et touttes cez chose et plussieurs aultre racontoit ledit guerxon, et ne parloit on ^en ce temps^
d'aultre chose parmey [-] Mets ^la cité^ et en fut grant bruit ; et fut mandéz ledit messire Otto et
interrougués de ce fait par la plus-pairt dez seigneur et damme et de biaulcopt dez bourjois de Mets. Et
tesmoignoit touttez cez chose, reservés qu'il ne l'avoit pas veu visiblement comme son clerc ^avoit^,
mais plussieurs fois l'avoit oÿ cheminer par sa chambre et ruer dez pier à_l'huis cloz ; et ce coursoit
treffort ledit messire Otto quant on ne l'en voulloit croire. Je ne scé coment il en fut. Dieu ait l'airme
dez trespaisséz. Amen.
^Aussy^ en celluy tamptz y_avoit ung violleus en Mets qui juoit moult bien de sa violle, et avoit
ycelluy ung jonne guerson, son filz, avec luy, lequelle guerxon chantoit tant bien et tant meloidieusem ent
qu'il sambloit ung orgue. Et pour son biaulx champtz estoit apelléz lui et son perre en plussieurs convive
et bonne compaignie, et ne sçavoient aultre mestier, tellement que ledit guerxon ne sçavoit aultre chose
faire que de chanter ou ailleur au jeu de palme.
Et pour l'oixivetéz ^ou il estoit^, il ce print et corrumpit une petitte baicellette eaigeez de .IX.
ans, et en vint le plaintif en justice, et fut ledit guerxon prins et en grant dangier d'estre pandus ; mais à
jour que le devent clerc fut à Rabay pour le pelletiet, come cy devent est dit, fut ledit guerxon menéz
baitant deux à .X. heure depuis (354) +le paillas+ jusques au polloris, et fut mis ou saicran jusques à
.XII. heure. Et puis fut derechief prins par le bouriaulz et l'anmenait tousjour baitant jusquez à la pourte
du pon dez Mors ; et fut tousjour baitus jusques à la croix à pon au Loups. Et ne vis jamaix homme plus

201

cruellement estre fouaités, et le fut tellement qu'il cuidait cuidait mourir ; et illec estoit sa feme mere, laquelle chut toutte pasmee ^quant elle le vit^. Puis, aprés ce qu'il eurent reprins leur aillaine, il furent
banis à tousjour maix.
Item, pour celle dicte annees, l'an mil .V C. et .XIII., fut fait maistre eschevin de Mets de Jehan
Baudouche, seigneur des Aitains, le filz seigneur Pier Baudouche, et fut pour celle annee qu'il estoit
revenus dez guere d'Itaillie avec lez gens de son oncle, messire Roubert de la Mairche. Et fut ledit Jehan
Baudouche marié pour celle annees.
Item, ledit ans, fist le plus biaulx mois de mairs qu'il avoit point fait de .XX. ans devent, et aucy
plus de la [-] mitte du moix d'awril.
Item, ledit ans, eschut l'A-nonciatte le jour du grant vandredi et en fist on le service et la
sollainité à l'eglise le vandredi devent lez Palme. Item fut doncque le jour de Paicque le .XXVIIe. jour de
mars, à_quelle jour avint que à Mets, en la rue de Fornerue, y_avoit deux groz chien qui ce combaitoient
pour ung os, et là aupréz y avoit ung petit anffans cheminant par la voye. Et en ce triboullant que firent
lez deux chiens, l'ung d'iceulx ce gectait de_coustier et donnait cy grant copt contre la jambe dudit
anffans qu'il lui rompit franchement parmey le mectel, tellement qu'elle ne pandoit que à_la piaulx.
Item ^Paireillement^, le lundemain qui fut le lundi de Paicque, .XXVIII e. jour de mairs l'an
dessus dit .VC. et .XIII., avint une aultre aventure, c'est assavoir en la maixon Fransoy Chainel, filz Pier
Chainel le merchampts demourent en Wesignuez, en l'ostel aparthenant à Toussainct Lescuier ; (355) et
estoit ledit Fransoy pour celle semaigne à_la pourte et estoit mallaide de fiewre, et sa femme, qui estoit
toutte jonne, estoit alleez à sermon, et estoit la dite jonne femme grosse de son premier anffans.
Avint ycellui jour et à celle heure que le serviteur estoit à l'ostel et lisoit en ung livre, et la
servante, eaig[ee] ^de environ .XXIIII. ans^, estoit paireillement à l'ostel, mais on scet par quelle
fortune, la dite servante tumbait en leur puis et fut noyeez. Et ledit serviteur, qui lisoit, l'oÿt bien brayre
et y_courrut, maix il estoit seullet et ne poult estre jamaix secourue à tampts, pourtant que à celle heure,
^comme dit est^, lez gens estoient à sermon, et avoit la dite servente estéz à_la tauble Dieu le jour
devent. Et avoit environ .XXIIII. ans d'eaige Et incontinant que justice en fut avertie, il furent visiter le
lieu et fut la dite fille repeschee, et fut le serviteur interrougués et prins, de quoy son maistre et sa
maitresse eurent grant peur, maix ledit serviteur fut trowés innocent et fut laichiéz.
Item ^au lundemain^, le mairdi de Paicque enxuant, avint ^encor^ une piteuse aventure en une
ville en la duchiéz de Bair nommee Joidreville, aupréz Noweroy le Sot. Et avint celle aventure à
_l'oucausion d'ung prebtre d'ung aultre villaige là amprés, lequelle ledit ^Le cas fut telle que à cellui^
jour chevaulchoit aupréz de la dite Joidreville ^le prebtre d'ung aultre villaige leur voisin^ ; et ne sçay c'il
estoit ou yvre ou sot, mais comme ung vray fol tirait son espee et en ^hors du fouriaulx et d'icelle^ tuait
trois oye, de_quoy grant domaige en avint, car là apréz estoit l'omme à_qui lesdite oye estoient

202

^apartenoient^, lequelle en voult parler. Mais ledit ^cellui^ prebtre, comme enraigiéz, vint à lui et luy
rompist ung bras, et ampourtait l'une desdite oye, et lez deux aultre demourairent.
Et aprés plussieur parrolle, le powre homme trowait le prebtre de leur ville et ce complaindit à lui
de l'outraige que l'aultre lui avoit fait, lui demendant conseil, et lui donnait l'une dez deux oye qui estoient
demoureez. Et il ^Or^ ne demouroit pas ce dit prebtre à Joidreville, maix demouroit à ung aultre villaige
qui estoit de la cure meisme, et pour_ce il ampruntait à une femme (356) du villaige une belle newe
chambre qu'elle avoit, affin de y diner et aprester son oye. Et la femme le fist bien envis, car la chambre
estoit newe et n'estoit guere hanteez, et estoit la cheminee d'icelle chambre defandueez et troweez.
Et le prebtre, qui n'en sçavoit rien, alumait ung grant feu, duquelle il en chut sus ung torciaulx de
blef qui estoit en une granche de l'aultre partie, et fut incontinent la maixon toutte alumee en feu et en
flames, car elle sont cowert d'estrain. Et puis tantost ce boutait le feu de l'une en l'aultre, tant que tout le
villaige fut tout airs, et fut la plus grant pitiet du monde, car il n'y demourait que trois ou quaitre
bowerie et la maixon d'ung powre homme et une partie de l'eglise.
Et fut encor plus grant fortune, car lez biens et menaige qui ce pourtoient et wuidoient hors dez
maixon et ce mectoient bien loing du feu sus dez fumiés, il estoient incontinent alumés et airs, et ne
poult on jamais rien rescourre. Et y olt tant de mil quairte de grain en guernier airs et brulléz, que ce fut
pitiet et domaige, et n'en poult on jamaix mangiéz. Et y fut airs ung guerxon qui estoit en l'u ne dez
maixon et c'en cuidoit fowir, mais le feu le souprint en sortissant de-hors, et fut trowés la teste du
dedent de la maixon, la-quelle estoit toutte airs, et le corps du dehors, qui n'eust point de bruleure.
Et aprés cest meschutte advenuez et comme par punicion divigne, leur en advint une aultre, car il
avoient la plus belle fin de blef que en loing tampts on heust point veu, laquelle fut peu de tampts aprés
toutte tampestee, tellement que la gele grelle estoit par dessus lez blef ung piedz de hault, car ^et
furent^ lez blef estoient couchiéz et furent tout gaistéz. Et apréz ce, encor leur estoit demouréz aulcuns
porcque et aultre bestez, et l'ung d'iceulx porcque fut mordus d'ung chienz enraigiéz et ledit porcque
^devint enraigiéz et^ mordait touttez lez aultre bestez, ^tant waiche, chevaulx que porcque^, et
moureurent touttez meschantement.
Et aincy ne (357) leur demourait rien et fut pitiet de leur fait, et +par_quoy+ peu de tampts
aprés, lez aultre villaige leur voixin, leur ^ayent compacion d'[eulx]^, aydairent à_labourer leur terre et à
reffaire leur maixon ; maix il ne powoient recowrir d'estrain pour cowrir lesdite maixon, tant estoit chier
parce que tout avoit estéz gaistés au champtz et à la ville, comme dit est. Dieu leur donne paciance.
Amen.
Item, ledit ans VII environ .XV. jour aprés le Causy-modo, +y_olt+ l'an mil .VC. et .XIII. il
y_avoit en la ville de Vault une nopce, et estoit du filz le maire Cugney ^de Vault^, auquelle nopce avint
que aprés dinés on dansoit en la halle comme la costume en est. Et yllec estoit ung jonne filz à marier,

203

lequelle estoit de la ville d'Ay sus Muzelle et de bonne maixon. Ycelluy jonne filz ce boutait en la dance
entre deux jonne fille pour dancer, mais incontinant une doulleur le print, je ne scé coment, et ce laissait
cheoir sus cez genoulx ; et en disant "Hee ! Hee ! Hee !", cen faire aultre samblant, randit l'ame et
mourut aincy. Dieu lui par-doint cez faulte et à nous aucy.
Item, le jeudi aprés et souverainement le vendredi aprés vigille de la Sainct George, furent
engelleez partie des vigne et lez noiéz en plussieurs contree, et y fist celle gelleez grant et merveilleux
domaige ; et tellement que c'estoit grant pitiet des powre gens, car de deux ou de trois ans devent
n'avoient heu bonne anneez de vin, et jay ce qu'il avoit fait le plus biaulx et chault moix de mairs et bien
la mitte de avril, et n'y avoit homme que jamaix l'eust veu plus biaulx, neantmoins ce refroidait le tamptz
tellement que en la mitte dudit avril, il gelloit toutte lez nuit aucy fort que à Noé, et fut on par plussieurs
nutié souverainement bien .VIII. jour en ung tenant que l'on sonnoit ^lez cloche^ par toutte Mets et
par tout le païs touttez lez nuit, et plus que on ne font à_la Toussainct. Et faisoit on plussieur
porcession de nuit par plussieurs villaige et estoient tous en belle ordonnance, chacun ung sierge en la
main ; et n'y avoit de nuit qu'il ne gellait deux ou trois doy d'espesseur, enviro n .VIII. jour durant, aucy
^bien^ dedent lez maixon comme aultre_part.
(358) Et de force de froidure fut trowés l'yawe qui degoustoit de la vigne qui ce engellait en
cheant, dont ce fut grant miraicle de Dieu qu'il y demourait rien vert, veu que lez vigne estoient au plus
tandre. Et apréz que lez gelleez furent laichieez eurent lesdite vigne ^et aultre biens^ encor biaulcopt à
souffrir ce par deffaulte de pluye ou de roseez, comme vous oÿréz cy aprés ; mais moienent la graice de
Dieu, la chose ce pourtait mieulx la [-] centiesme partie c'on n'estimoit.
Et ce doit apeller ^fut loing temps aprés^ cest annee ^appellee^ l'annee de miraicle, car tout ce
qui estoit eschaippés du maulvaix tamptz crut tousjour en amendant, et là ou l'on ne comptoit rien et
que l'on voulloit traper les vigne, il y eust encor asséz, comme vous oÿrés. Aucy lez gens firent ce que
jamaix homme vivent eust veu faire touchant de faire pourcession et aultre devocion, sowerainement en
la semaigne devent les Rogacion, car tout lez jour cen faillir ce assambloient ung quairtier de Mets
amsamble en belle ordonnance et faisoient poursaicion à_leur devocion ; et premier la bairoiche de
Sainct Jaicque avec tout le colliege de Sainct Salvour, revetus en leur plus riche abbis et pourtant leur plus
riche relicque et juaulx. Et estoient environ quairante, que prebtre, que clerc, revetus en abis et chacun
ung relicque en la main. Et av en belle ordonnance c'en aillirent en la grant eglise et en plussieurs aultre
parmi Mets, et le pl puple aprés eulx.
Et estoit belle chose à veoir chacun jour aincy faire, car le lundemains ce assamblairent tout
ceulx d'Oultre_Saille et tout lez prebtre et clerc dez trois pairoiche, revetus comme jaidis en leur plus
riche chappe et abis, en 237 pourtant leur fiarté et relicque ; et aprés eulx lez seigneur et damme et tout le
populaire, homme et femme, en belle ordonnance ; et firent de grant voiaige en visitant lez eglise, tant
237et corrigé en en par l'auteur.

204

parmi Mets comme à Sainct Arnoult, à Sainct Clement et en plussieur (359) lieu ; puis retournirent à
l'ostel.
Et l'aultre jour aprés firent aincy ceulx d'oultre_Muzelle, c'est assavoir Sainct Vincent, Sainct
George, Sainct Maidair et Sainct Leviet, avec Sainct Mercel ; et y vinrent lez chairtreux du Pon Thieffroy,
et comme les aultre furent en belle ordonnance et pourtoient ceulx de Sainct Vincent et Sainct Levier leur
fiairté et leur relicque, et lez faisoit biaulx veoir.
Le lundemain fut faicte encor plus grosse poursacion, la moitiet par ceulx de Sainct Mertin +en
cortis+, Sainct Suplisse avec Sainct Thiebault et l'Opitaulx, car ceulx ycy sont grant gens et ont moult de
riche chaippe et moult de biaulx et riche relicquiaire ; et y ait plussieur seigneur et damme, par quoy lez
faisoit moult biaux veoir ailler chacun en orde. Et tenoient lez prebtre et chainoigne moult grant trains,
et furent aincy visitant plussieur eglise à Mets et de-hors.
Puis, ung aultre jour, en firent aincy plussieur aultre pairoiche comme Sainct Hillaire, Sainct
Fairoy, Saincte Segolline, Sainct Girgonne, Saincte Crois, et ce parforsoient de faire de mieulx en mieulx.
Ung aultre jour y furent ceulx de Sainct Vit, Sainct Victour, Sainct Jehan et Sainct Gigous, acompaigniéz
de Sainct Simphorien ; et aprés yceulx messigneur lez chainoigne de la grant eglise en firent une belle là
ou furent pourtees plussieur digne relicque, et y furent plussieur personne à_les acompaignier.
Paireillement touttez lez orde mandian et lez rantees nonnains et aultre faisoient chacune nuit et
chacun jour de belle pourcession, en priant à Dieu qui nous voulcit pardonner nous pechiés et nous
donner paix et amender le tampts, tellement que les bien de terre puissant venir à murisson, ^affin que
saincte eglise en p238 peult estre serviee et honouree, et le pouvre puple subtenchiet^. Et ce ceulx de la
cité faisoient de belle pourcession et de belle devocion, comme avéz oÿ, lez powre gens de villaige n'en
faisoient firent pas moins, cellon leur puissance, et encor plus, car lez aulcuns villaige du Vault estoient
toutte la nuit cen dormir, en faisant poursaicion parmis leur fin, et trowoient illec lez groz glaisson
pendant au vigne. Maix Dieu, qui est le pardessus, y monstrait son miraicle. Son non en soit lowés.
Amen.
(360) +Nouvel chaipistre+
Item, devers la Paicque passeez ce estoit partis de Mets seigneur Androwin Roussé, filz seigneur
Wiriat Roussel, chevalier, pour aller à Romme, ^come cy devent est dit^, pour le fait de luy et du
divorsement de damme Pairette, fille à seigneur Pier Baudouche, et de luy ; la-quelle damme estoit l'une
des belle damme c'on peult trower, come cy devent est dit. Et disoit la dite damme ou cez procureur
pour elle que ledit seigneur Androwin n'estoit pas homme, par par_quoy il avoient jay moult longuement
plaidoier, tant à Mets comme à Triewe.
Et ledit ans, vigille Sainct George, ce partist de Mets pour ailler à Romme mon-seigneur le proto
238Nous barrons la première lettre de ce mot qui dépasse du cadre de la page.

205

protonoitaire, c'est assavoir seigneur Nicollas Baudoiche, frere à la dite damme Pairette, et bien
acompaigniéz c'en allait à_la dite Rome et menoit grant trains, car il estoit neweus à mon-seigneur de
Liege et messire Roubert de la Mairche. Et croy que entre .X. mil homme n'y trowait on ung plus biaulx
homme de son eaige, ne plus puissant, et n'avoit que environ .XXII. ans.
Item, en cellui ans, déz la Chandelleur de devent l'an .VC. et .XII. qu'il avoit aincy fait ung cy
biaulx tamptz, comme avés oÿ, et n'avoit point pleu, de_quoy lez chevaulx heussent corrus, ne n'avoit
fait point de rousseez depuis ledit jour Chandelleur jusques au jour sainct Clemans, le second jour de
maye l'an .VC. et .XIII., auquelle jour pour la dite annee fut le premier jour dez Rogacion et que la
pourcession de Mets vait sus Sainct Quamtin, et quant cellui jour la dictez pourcession vint en l'ille du
pon des Mors, il ce mist à_plevoir de trés_bonne sorte et plut fort, mais elle ne durait guere et n'en
furent point trampees les terre, jusques à .XII e. jour dudit moix qu'il plust fort et fut trés_bonne ; et fist
grant biens à ce qui estoit demeuré de la gellees, laquelle avoit estéz peu devent cy aipre et cy dure,
comme avés oÿ, et que rien ne powoit croistre de devent par les grant haillez et froidure qu'il avoit fait.
En ycelle pourcession dez Rogacion devent dite furent la plus-pairt dez jonne seigneur tout arméz
et bien en (361) point et tout de piedz, lesquelles avoient priéz plussieurs jonne gens pour leur tenir
compaignie jusques au nombre de trois cent, bien acoustrés et bien am_point ; et en belle ordonnance
antrairent à Mets tout aincy que la pluye comensoit, et en telles ordonnance et encor mieulx furent le
maircredi à Bloureus.
Item, à ycelle pourcession on fut en la newe chaipelle que messire Glaude Baudoiche avoit de
nowiaulx fait faire à Mollin, et fut pour la premier fois que la dite pourcession y_avoit jamais estéz. Et
cellon ce que la dite pourcession ce avoit partis et bougiéz de Mets bien matin, jamais ne la vis cy tairt
retourner, car à l'eurs que l'on chantoit l'evengille à Sainct Girgonne, le copt par_luy ^ungne heure aprés
midi^ sonnoit et estoit une heure aprés midi.
Item, en cellui tampt et saixon, l'eglise de Saincte Bairbe aus Champtz fut merchandeez à la faire
plus grantde et plus magnificque ^et en aultre lieu^ qu'elle n'estoit par devent ; et incontinant l'on
y_acomensait à owrer, et furent pour celle saixon partie dez fondemans fait.
Item, lez pourcession ce continuoient encor tout lez jour, tellemant que ung jour ce
assamblairent lez homme, femme et anffans de .XXIIII. villaige du hault chemin en prenent depuis la
rivier de Muzelle et en allant par Saincte Bairbe, Oixey, Sainct Aignel, en jusques devers Maigney. Et
estoient gran nombre de gens et la plus grosse pourcession que l'on eust encor veu et qui ce thindre en
plus belle ordonnance, car à_premier front et tout devent estoient de chacun villaige deux torche allant
deux à deux, et aprés en telle orde de chacun villaige deux crois ou coffainon, et apréz venoient tout les
prebtre et clerc, maiester et aultre qui savoie chanter en belle ordonnance deux et deux, revetus en abis
et pourtant fiairté et reliquiar. Aprés venoient tout lez jonne guerson depuis l'eaige de .VI. ou .VII. ans

206

jusque .XV. ou .XVIII. ans, tous en belz orde deux et deux, tenen chacun ung rain rains de verdeur en
leur main. Aprés yceulx venoient en telle orde toutte lez jonne fillette de telle eaige, tenant (362) chacune
ung scierge en leur mains ; et aprés venoient lez homme et aprés lez femme, toutte en telle ordonnance
deux à deux, que l'ung ne paissoit l'aultre. Et antrairent en Mets par la pourte aus Allemans en montant
amont Fornerue et c'en vinrent à_la grant eglise, tellement que quant lez premier antroient au grant
moustiet lez derniet estoient encor au dehors de la pourte des Allemans ; et lez faisoit moult biaulx
veoir. Dieu le praigne en gréz. Amen.
Item, le maicredi dez feste de Pantecouste fut une pourcession generalle ordonnee de
messigneur lez aministrateur de l'eglise avec messeigneur de la justice, en la-quelle pourcession estoient
donné .XL. jour de pardon à_tous ceulx qui devotement yroient à_la dite pourcession. Et fut l'une dez
belle que l'on eust veu de loing tampts, car tout lez prebtre de Mets y furent, comme dez jonne et vieulx
c'il powoient aller, et sus ung mairc d'airgent et junoit on lez ^fut faicte en un jour dez^ .IIII. tamptz
^que on junoit^. La dite pourcession ce partist de la grant eglise et c'en aillait à Sainct Vincent et de là à
Nostre Damme dez Carmes, puis retournait à_la grant eglise, à_laquelle fut dicte la grant messe moult
triumphanment.
Item, le lundi devent, premier feste de Pantecouste, fut juéz en Chambre le jeu de la saincte
hostie de Paris, la-quelle saincte ostie est à Sainct Maris de Paris239 ; et fut ung misterre fort biaulx et lez
secret moult bien fait, car premierement y_avoit coment une weve femme de Paris avoit vandus à ung
Juif cest ces celle saincte ostie et lui livrait le jour de Paicque, et le traistre Juif woullant aprower c'il
estoit Dieu print la dite saincte ostie et le mist sus une tauble, et fraipait d'ung coustiaulx parmi. Alors,
par ung secret qui estoit fait, sortit grant abondance de sancque et sailloit en hault parmi la dite ostie,
comme ce ce fut ung anffans qui pissait, et en fut le Juif tout gaistéz et desseigniéz, et faisoit moult bien
son personnaige.
Apréz, non comptant de ce, il ruait la dite ostie au feu et par ung angien, elle ce levait du feu
(363) et ce atachait contre le contrefeu de la cheminees, et le traistre la persait de-rechief d'une daigue, et
par ung aultre angiens et secret elle gectait derechief sancque abondanment. Puis, ce fait, il la reprint et
l'ataichait avec deux c.lo cloz contre une estaiche et la vint fraipper d'ung espieux, et la dite ostie gectait
arrier sancque abondamment, et jusquez tout an_mey le paicqué trinsoit le sancque et en fut le lieu tout
ensanglantéz. Et alors, comme anraigiéz, print l'ostie et la ruait en une chaudiere d'yawe boullant, et celle
ce ellevait en l'air et montait en une nueez, et devint ung petit anffans en montant a-mont. Et ce faisoit
tout ceci par angiens et secret, et cy fist encor ledit jour plussieur chose que je laisse, car la femme qui
l'avoit vandus fus prinse à la cité de Senlis et brulleez pource que de-puis elle avoit murtris ung sien
239Le Mistere de la Saincte Hostie, composé sans doute au XVe siècle, tire son origine d'un récit latin de 1322. Voir à ce
sujet Camille Salatko Petryszcze, Le Mistere de la Saincte Hostie. Introduction, édition du texte et notes, mémoire
de master sous la direction de Denis Hüe, Rennes-2 [en ligne : http://www.sites.univ-rennes2.fr/celam/cetm/Edition
%20Hostie/ostie.html].

207

anfans.
Le lundemain, qui fut le mairdi, fut juéz au meisme lieu ung miraicle de sainct Nicollay du Bair.
C'estoit ung jonne guerxon pellerin de la terre de Venise, lequelle en allant à son voiaige vint en une
ostellerie en laquelle, aprés grant mistere, le diable en samblance du voixin de l'oste fist acroire audit
hoste que le jonne pellerin couchoit avec sa femme ; et l'oste, cen plus enquerir, aillait au lit et trowait
deux teste. C'estoit sa femme et son filz ung sien jonne filz que la mere avoit mis couchiéz avec elle. Et
incontinant lez tuait et cuidoit avoir tuéz le pellerin, mais quant il solt la verité, il ce desasperait et ce
pandist.
Et la justice, qui de ce fut avertie, mist à la main à jonne pellerin et à_la s ervante de l'ostel,
^cuidant qu'il eussent ce fait^. Et fut ledit pellerin jugiéz à estre pandus et la gairxe airxe et brullee, mais
le glorieulx bairon sainct Nicollai dessandist du ciel et ce monstrait en pellerin devent le juge, et moult
aigrement le reprint de son folz jugement ; et delivrait le pellerin et la servante, la-quelle estoit desjay
au_feu et ne powoit bruller. Et y fut ledit jour encor fait plussieur chose, que je laisse.
Le lundemain, qui fut le maicredi, devoit estre encor juéz ung jeu et chose (364) mouralle, mais
pour la pourcession qui ce fist, +come dit est+, et aucy pour la june, on ne juait point pour ledit jour
jusque au dimenche aprés, qui fut le dimanche reaulx. Et aucy le maicredi, il plut et tonnait trés_bien, et
fut celle pluye moult bonne pour les bien de terre.
Et fut ce mistere et chose mouralle juéz le dimanche audit lieu en Chambe, et estoit le jeu de la
faulce langue, laquelle ne scet dire bien de soy ne d'aultruis, par_quoy, aprés plussieur mistere et chose
faictez, son ame fut pandue par la langue à plus hault de l'anffer, et lez diaublez luy firent plussieur
tourmans en gettant feu et grelle par tout son corps. Et durait cez tourmans moult longuement, qu'elle
estoit toutte en feu et en flamez et ne brulloit point, et remuoit celle airme lez bras p ar angiens et estoit
une chose bien injunieusement faicte. Et je le sçay à vray car je, Philippe, estoie l'ung dez gouverneur et
recuilloie l'airgent qui ce levait éz trois hors jour sus lez hors et eschauffault, et montait la somme
environ à .XXXIII. frant ; et y_avoit Andrieu, mon filz, .V. personnaige éz dit trois jours.
Item, le dernier jour de maye, jour de saincte Petronnelle, l'an dessus dit .VC. et .XIII., fut Sabellin
ma femme acoucheez d'une fille et baptiseez ledit jour, et heust lez premier fon de Pantecouste. Et fut
pairain damoisiaulx Jehan d'Amance, seigneur de Waudoncourt, et pour mairenne damme Poulline de
Sainct Pier au Damme, de laquelle l'anffans pourtoit le non, et l'aultre mairenne fut Audelliatte, la femme
[-] Philippe L'Orfewe. Item, le lundemain, premier jour de jung, à .VII. heure aprés midi, celle jonne
fillette nommee Paulline trespaissait, de_quoy je, Philippe, fut bien courcéz.
Item, ledit ans mil .VC. et .XIII., fut la moixon moult belle et bonne, car on eust dez froment
asséz à grant planté par raixon et furent lez milleur qui furent de loing tamptz devent et qui mieulx
revenoient ; et estoient yceulx fromen cy naturellement venus qu'il estoient pour gairder longuement.

208

(365) Item, à_l'acomancement de jung, avint deux ou trois aventure à Metz. Premier, le feu ce
boutait en une servoiserie sus lez Mollin et de plain jour, et y_olt grant domaige. Item, le lundemain, ung
jonne guerxon eaigiéz de .XIIII. ou .XV. ans ce noyait en ung peu d'iawe auprés de Wauldrenowe, et ne
scet on coment. Item, ung jours aprés, en hostellerie sus lez Mollin, ce esmeust question pour une gairxe
entre deux biaulx gaillan de Naimurs, de_quoy l'ung d'iceulx estoit richement mariet à Mon, en Henault.
Et fut ycellui fraippés par l'aultre de la mains sus le visaige ; et l'oitesse, voiant leurs noise, fist tant
qu'elle lez boutait dehors. Et en sortissant de l'ostel, ledit de Mon qui avoit estéz fraipés donnait à
l'aultre qui l'avoit ferus deux ou trois copt de coustiaulx, et fut trowéz le lundemains mort en_mey le
chemins.
Et quant ledit de Mons olt fait le copt, cuidant que l'aultre ne deust pas morir, il c'en aillait
couchiéz tout vetus dessus son lit en l'ostel aus Ours, auprés la pourte Sainct Thiebault, et avoit tant beu
qu'il ne sçavoit qu'il faisoit et n'olt pas l'entendemens de ce meste à sauvetéz aus Agustin ; par_quoy, le
lundemains, il fut prins sus son lit et congnut son cas, et en olt la teste tranchiéz deve nt lez pon. Et
estoit l'ung dez biaulx homme de jamaix, et demandait graice que son corps fut mis en terre sainctez, et
il lui fut acourdés et fut mis au Augustin. Il estoit de grant gens, come on disoit.
En celle dite annee mil .VC. et .XIII., le .VIe. jour de jung, fut une merveilleuse tuerie et baitaille
en Lumbairdie devent Nawaire240 entre lez Fransoy et lez Suiste Swiste ^Suisse^, tellement qu'en ycelle
y_olt une grande perde et domaige pour lesdit Fransoy, à_l'ocausion de ce qu'il y olt plus de .VC. homme
d'arme desdit Fransoy et de la compaignie de mon-seigneur de La Tremoille, lesquelle jamaix n'y
fraipairent copt d'espee ne n'aiproichirent de la baitaille, mais lez regairdoient de loing. Et y fut le
capitenne messire Robert de la Mairche merveilleusement blessiéz et cez deux filz laissiéz entre lez mort
come mors (366) et tuéz, mais il furent retrowés et regueris ; et y perdit ledit messire Robert biaulcopt de
cez gens.
Et y_olt ce jour moult de Fransoy, de Suiste et de Lumbair mort et tuéz, maix à_la fin lez lez dit
Suiste, tenen la partie du Mor, duc de Millan, guaignairent la baitaille et gaignairent l'airtillerie du roy, et
aucy gaignairent lez dit Suiste ce jour plussieur mil chevaulx. Mais d'en plus parler je m'en tais, ne de
mestre lez nons par escript dez grant personnaige qui moururent à celle baitaille, par-ce que on en feront
de grande cronicque en France et en Ytaillie, et par tout le monde, et ^car il^ n'y ait homme qui aye
memoire de avoir veu autant de gens morir en baitaille en diverce lieu en crestienté, comme il fist en
deux ou trois ans, ^l'an^ .VC. et .XII. et .VC. et .XIII., car de-puis que le roy eust reperdus lez Y-taillie et
Lumbairdie, il fut reassaillis par le roy d'Espaigne et par le roy d'Angleterre, comme vous oÿréz ycy aprés,
et pource que ce n'est pas dez fait de Metz, je n'en dit plus pour le presant ^et n'en diréz q ue plu aulcuns
240Le 6 juin 1513, les troupes françaises menées par Louis II de la Trémoille assiègent la ville de Novare, alors en
possession des mercenaires suisses recrutés par le duc de Milan. On estime aujourd'hui qu'il y aurait eu entre 5000 et
10 000 tués parmi les Français, et 1500 morts du côté suisse. A la suite de cette défaite, Louis XII doit quitter le
Milanais.

209

mot en passant^.
Item, le dimenche dernier jour de jullet, l'an dessus dit .VC. et .XIII., en cellui jour estoit la
dedicaisse de l'eglise pairochialle de Sainct Jaicque à Mets, auquelle jour fut faicte une belle feste par lez
voisin de La Pier Bourderesse de derrier Sainct Salvour, dont lez nons c'en ensuient. Et premier entre
yceulx y_avoit ung notauble homme viéz et eaigiéz de .IIIIXX. ans nomméz Mertin, clerc dez Sept de la
guere, lequelle dansait audit jour plussieurs dance. Aprés, pour le second, y_avoit maistre Thiebault
Mineti, chainoigne de la grant eglise et doien et chainoigne de Sainct Salvour, et curé de Saincte
Segolline. Tiercement en estoit messire Nicolle, curé d'Allamon et chainoigne de Sainct Thiebault
Salvour ; maistre Fransoy Colligny, procureur de la court ; Jaicomin Daiton, homme esséz aigiéz ; Pier
Le Chaipelliet, asséz aigiéz ; Fransoy (367) Michellet ; Jacomin Choppair, hoste de la Teste d'Or ;
Pieron, l'hoste de la Court Sainct Mertin ; Pier Le Bairbiet ; Hannez Le Bairbiet ; Hainseillin L'Airtilliet ;
Pier Le Moutairdiet ; Michiel Regnault le couturiet ; maistre Pier, maiester de Sainct Salvour ; Jehan
Lecripvain ; Simon Le Merliet ; Fransoy Chawe le merchampts ; Thierei Le Menuxiet ; maistre Mertignon
; maistre Petit Jehan, chairpantiers de la ville et de la g rant eglise ; et moy, Philippe de Vignuelle le
mairchampts, lequelle fus inventeur d'icelle feste.
Et fut mise sus et ordonnee celle dite feste chiéz moy, et fut la plus belle feste que jamaix
homme vivent avoit veu faire en Mets entre citains et bourjois, et là ou yl y_olt plus de dansant pour une
dance, car à_la premier dance et à_plussieur aultre dudit jour y_fut comptéz plus de [-] .VC. et .L.
personne qui dansoient, cen lez regairdant, qui tant en y_avoit que l'on ne ce powoit tourner. Et duroit la
dance depuis la Court Sainct Mertin jusques au-prés la maixon dudit Mertin dé Sept, préz de la maixon
messire Thiebault le Gournaix ou à peu préz par telz fois fut, et de l'aultre partie depuis esséz préz de la
Teste d'Or jusques préz de la maixon le maistre d'ostel de Gouxe ; en la-quelle dance dansoie nt jonne et
vieulx, homme et femme, souverainement ceulx qui estoient de la feste.
Et pour vous avertir aulcunement de la magnificence d'icelle feste, les dessusdit nomméz firent
faire ung biaulx rains, l'ung des biaulx que jamaix fut fait en Mets, et fut fait de trois piece de boix l'u ne
en son l'aultre, et le fist ledit maistre Petit Jehan, chairpantier de la cité ; et fut plantéz tout au plus préz
de la dite Pier Bourderesse de derrier Sainct Salvour. Et fut ycelluy maye et rains tant bien fait et
corrougnéz que merveille, et au bour d'icellui ung biaulx grant pennon bien lairge fait de blan fer, là ou
estoit l'imaige de sainct (368) Jaicque et de sainct Cristoffle, et fut essus sus une grant verge de fer et
tournoit à van. Ledit rains estoit bien pairéz de maye, doublié de voir plain de vin et le hoirs po ur lez
menetriéz autour d'icellui, et tout an_droy la dite pier, et estoit fait et pairés de belle tapicesse tapisserie.
Et fut touttes la dite plaisse et la rue aucy faictes de biaulx grant maye et chairgiéz de gaillatte et oblie, et
furent faictez quaitre belle pourte d'iceulx maye és quaitre croixiees dez quaitre rue.
Item, le samedy vigille d'icelle feste, furent faictez par maistre Fransoy Colligney, recepvoir de

210

l'airgent d'icelle feste, autent de cedulle paireille comme il estoient de gens, et en chacune avoit escript le
non d'ung desdit compaignon ; et furent lesdite cedulle touttez bouteez en ung chaipiaulx et melléz
assamble, et lez fist on tirer par ung anffans. Et le premier non qui venoit, cellui devoit estre le roy de la
feste et devoit avoir la premier dance, et lez aultre ensuient aincy que l'anffant lez tiroit l'ung aprés
l'aultre. Et fut [-] tiréz mon non de Philippe de Vignuelle241 le premier, et fus roy.
Item, nous avions chacun et chacune une enseigne toutte paireille, homme et femme, argenteez là
ou il y_avoit une couquille et ung bourdon en pointure en une tairge, maix l'anseigne du roy et royne
estoient courougneez. Item, nous avions lez menetréz et couple de la ville, lesquelle juairent de leur
instrumens à l'ofertoire de la grant messe de Sainct Jaicque ; et fut le roy le premier à l'offrande avec son
enseigne, et tous lez aultre aprés aincy que leur dance venoient cellon le rolle, et lez femme paireillement
cellon avec leur ensaigne, la royne la premier et lez aultrez aprés.
Item, la feste de boire et de mangier estoit en l'ostel seigneur Jehan Boullay, au dessoubz de la
Teste d'Or, et aprés le dinéz sortirent dehors avec leur enseigne et chaipelet doré homme et femme, et
ailloit le doien de la Pier Bourderesse devent pour faire faire plaisse, et avec lui deux jonne gallant pour
dancer et pour brisiéz lez van devent et pour rompre (369) la presse, chacun avec ung billus en la mains.
Item, lez .IIII. menetréz ailloient apréz yceulx, cornant devent le roy, lequel roy tenoit la royne par le
braz, et avoit chacun la siengne. Et olt le roy, +come dit est+, la premier dance, en laquelle ce mirent lez
ung aprés lez aultre comme le rolle le disoit. Et y_avoit cy grant presse, come j'ay dit devent, que
merveille, et aincy fut dancé jusques à la mairande ; et puis aprés ce que l'on eust mairaudéz, on
retournait au dance, et olt le roy ^derechief^ la premier dance, et aprés le soupper la premier dance aucy.
Et jay ce que le bon vin ce vandoit pour celle annee à .XII. denier la quairte, ne laissairent lez
compaignon à faire la bonne chier et durait la feste .IIII. jour tout anthier, ayent lez dance tout lez jour
avec lez quaitre menetréz, et faire la bonne chier, homme et famme, au dinés, à_la mairaude et au
soupés.
Et en yceulx jour le roy avoit tousjour la premier dance et furent en yceulx jour fait plussieurs
esbaitement, tant en ce que l'on fut querir lez maye hors dez pourte avec le tanbourin de Suisse comme
en morisque et aultre chose, car en yceulx jour furent renowelléz lez drois de la mairie de la Pier
Bourderesse, par le jour de sainct Estienne premier martire, .IIIe. jour d'owost, et reconformés de
nowiaulx ; lesquelle drois et marie furent premier ordonnés et instituéz en l'an mil .II C. et trois ans,
comme la datte d'iceux le mest, et pource que à celle dite feste la mairie estoit waicquent et n'y avoit
point de maire, l'on fist faire une semonte par Wiriat, doien d'icelle marie, tant à ceulx qui estoient de la
dite feste come à_ceulx qui point n'en estoient et qui estoient de la dite mairie, et fut elleus par la vois de
tous ledit Philippe de Vignuelle pour leur maire. Et prinrent le sairment de lui Mertin dé Sept, clerc juréz
de la dite marie, et Pier Le Chaipelliet et Hannez Le Bairbiet, eschevin d'icelle marie. Et ledit maire print
241Philippe écrit Vignuuelle ; nous corrigeons.

211

le serment de Wiriat le doien, et fut ce fait ledit jour durant la feste. Aucy durent ycelle feste furent tout
menéz en la tewe homme et femme, avec le tanbourin de Suisse allant et venant ; et moy, Philippe, roy et
maire d'icelle feste, paiais l'a-tuveez pour tous, homme et femme, menetréz et servens, et en fus à ung
escus d'or. Dieu en soit lowés.
(370) Item, en celluy tampts, il chut et tumbairent de fon en fon [-] +quaitre+ maixon en la
haulte Saunerie ^sus le mur^ derrier lez Cordeliet et auprés dez retrait desdit Cordelliet, et lez faillit
reffaire de fon en fon. Et en faisant lez fondemans d'icelle, l'on trowait lez vielle muraille de la cité,
lesquelle prenoient en montant pourte Muzelle et en venant sus le mur, dessandant par Sauerie et
ailloient de Poursaillis parmi lez maixon de Wezineulz droit à Sainct Mertin et à la chaipelle du Préz ; et
aincy ce pourtoit l'ancienne cité. Et an_droit d'icelle quaitre maixon, l'on chaivait plus parfon que la dite
muraille de la ville et trouvait on dessoubz les fondeman de diverse figure ^et ymaige^, car tout
au_loing du mur, par dessoubz lesdit fondement, estoient grosse espesse pier de taille, ésquelle y estoient
entailleez et pourtraitte en owraige ellevés diverce forme d'omme et de femme. Et estoient leur abis de
diverce sorte, et pourtoient lez aulcuns plussieur chose en leur mains et de diverce fasson, et avoient ung
chacun d'iceulx plussieur escripture et lestre romaigne au-tour d'eulx, mais nul ne powoit antandre q ue
ce voulloit dire.
Et estoient touttez cez dite pier et ymaige aincy mise dessoubz lez fondemant dez mur de la cité
tout du loing l'une aprés l'aultre et le visaige dessoubz contre la terre, cen y_avoir chaussine ne mortiet,
mais estoient aincy mise comme ung broussement. Et estoient lez mur fondéz dessus et veoit on
dessoubz lez aultre maixon qui sont derrier lez Cordell^i^et en allant à pourte Muzelle qu'il y_avoit partout dessoubz lez fondemant desdite muraille de paireille pier ; maix on lez y ait laisseez et y sont encor,
et n'ait on prins que celle qui estoient an_droy desdite .IIII. maixon, ^desquelle on en ait plantéz et
enmuréz aulcune desdite ymaige ou mur devent lez dite maixon, comme on lez peult veoir^.
Item, en celluy tamptz, le roy de France fut tout dejestéz luy et son armeez dez Ytaillie et de
Lumbairdie, et ne tenoient plus lesdit Fransoy en tout le païs que le chaitiaulx de Genne, cellui qui est en
la mer, et le chaitiaulx de Millan, qui est une plesse imprenauble maix qu'il ayent à vivre, maix lesdit
Fransoy, qui estoient dedent, avoient grant deffaulte de vivre et ne lez en powoit on secourir.
Et pour (371) cestuy tamps estoit le roy de France à grant meichief, car par la praiticque dez
Veniciens il estoit de guere à tous lez prince crestiens cez voisin, comme à l'ampaireur, aus Wenicens, au
duc de Millan, au roy d'Engleterre, à roy d'Espaigne, et lez aultre cité d'Itaillie qui soulloient estre de son
partit, comme Florance, Genne, Pise, Senne, Boullougne et aultre, estoient comme en mue et ne ce
oisoient bougier. Et n'avoit ledit roy fransoy de sa pairtie que le roy d'Aicosse, lequelle estoit frere à la
royne d'Angleterre242, mais il ce haioient mortellement et avoient guere amsamble luy et le roy
242Jacques IV d'Ecosse (1473-1513) a épousé Marguerite Tudor (1489-1581), sœur aînée d'Henri VIII => ???? Henri
VIII, à cette époque, est marié à Catherine d'Aragon. ??????

212

d'Angleterre son serourge, et pour_ce estoit ^ledit roy^ du partis du roy de France. Et avoit encor ledit
roy le duc de Bair et de Lorenne et le duc de Gueldre aucy, et tout le rest luy estoit contraire, dont il
avoit bien à souffrir.
Or avint à l'acomancement de septambre que l'ampaireur en personne avec son armee et le roy
d'Angleterre avec son armee aucy antrirent au reaulme de France et, maulgréz lez Fransoy, mirent le
sciege devent la cité de Therevaigne. Et n'y sceurent mestre remide lesdit Fransoy, car pour ycelle heure il
avoient biaulcopt d'owraige et à souffrir, par-ce que la plus-pairt des milleur capitenne et gens de guere
avoient estéz prins et tués és journeez passeez, et estoit le reaulme fort apowris pour les grant [-] taillez
et levees c'on avoit fait au passéz pour aidiéz à paier lez gens d'airme, et meymement furent tailliéz ceulx
de la cité de Paris pour celle anneez, ce qu'il n'avoient estéz de loing tamptz.
Et estoient venus lez Suisse devent Digeon mestre le sciege durent le meyme tampts que
l'ampaireur estoit devent Therevaigne, et fut ^le jour de la Nativité Nostre Damme^. Maix on
compousist à eulx et ^eurent .IIII C. mil escus, et^ y furent biaulcopt de chose faictes que je laisse ^pour
abregiéz^. Puis, apréz ce que le sciege eust estéz devent Thirevaigne une espaisse de tampts, le roy de
France fist tant envers le roy d'Escosse que ledit roy d'Aicosse eust grant armee, es ^avec laquelle il^
antrait en arme au reaulme d'Angleterre. Mais la royne d'Angleterre, suer audit roy d'Aicosse, ^sçaichent
sa venue^, fist une armee et vertueusement c'en aillait au_devent de ^dudit^ son frere et le deffist.
Et quant le roy d'Angleterre, lequelle estoit devent Thirevaigne, comme dit est, oÿt lez nowelle
que le roy d'Escosse son biaulx frere estoit antréz en airme en son païs, +ce craindant de luy+, (372) il
fist compousicion avec la guernison de Thireveigne et la bourgeoisie d'icelle, tellemant que la dite
guernison c'en aillait, leur vie et baigue salve, et la bourgeoisie demourairent en leur franchise, cen ce
c'on leur fist point de desplaisir ny en corps ny en bien. Mais durans ycelluy sciege y_eust ^c'il eust sceu
la powreté de vivre qu'il avoie, il ne l'eust pas fait aincy.
Or advint que durant ycellui sciege, y_eust^ plussieurs noutauble personne et gens de fait mors
ou prins d'ung coustéz et d'aultre, car le roy de France envoiait grosse armee, cuidant lever le sciege ^et
avitailliéz la ville^, mais il furent tellement rancontréz que plussieurs noutauble Fransoy ^et capitenne^ y
furent prins, ^tuéz^ et retenus prisonnier, et le remenans ce salvait qui post.
Mais ^Et^ pour revenir à prepos, quant l'aicort fut aincy fait, l'ampaireur c'en retournait en
Aillemaigne et le roy d'Angleterre retournait en son païs. Mais avent qu'il eust passer la mer, ^lez^
nowelle luy vinrent coment la royne sa femme avoit fait une armee, laquelle avoit deffait l'armee du roy
d'Escosse, son biaulx frere ; desquelle nowellez il fut bien joieulx et retournait arrier, luy et son armeez,
et mandait cez nowelle à l'ampaireur, mais ^lequelle estoit bien ampechiéz, car le^ duc de Gueldre
faisoit grosse armee contre l'ampaireur ^luy^ et luy faisoit de l'anuis biaulcopt ; et n'y avoit pellerin ne
merchampz de l'Ampire, c'il estoient tenus dudit duc ou de cez gens, qui ne fussent ruéz jus.

213

Touteffois l'ampaireur retournait derechief et ce joindist avec le roy d'Angleterre, et tout
subitement c'en aillairent mestre le sciege devent la cité de Tournay ; et furent lesdit de Tournay cy
souprins que tout le païs fut prins et destruit, et leur bien perdus. Et fut ce sciege mis pourtant que [-]
lesdit de Tournay ce avoient mocquéz dez Anglois en faisant aulcune derision quant il ailloient devent
Thirevaigne.
Et aprés biaucopt de chose faicte et dictez, lesquelle pour abregiéz je laisse, fure nt cy contrains
lesdit de Tournay que force leur fut de ce randre par composicion au roy d'Angleterre. Et fut ce fait ou
moix d'octobre l'an .VC. et .XIII., et y antrait le roy d'Angleterre en grant pompez et triumphe ; et furent
lesdit de Tournay cy court tenus que à_paigne avoient ^nul^ lisance de oiser pourter ung ^point^
coutiaulx pour eulx tailler du pain, et devoient randre tout lez ans merveilleux tribus audit (373) roy
d'Angleterre +avec une infinie somme qu'il avoient paiéz d'antree+. Mais je n'en dis plus pource qu'il
y_ait ung traictiéz là ou le demaigne de celle guere est escript tout du loing, et en p arle ledit traictiéz qui
pour_ce fut fait plus à_plain.
Item que incontinant que Tournay fut aincy randue, comme avéz oÿ, le roy d'Angleterre y_mist
grant gait et merveilleuse guairnison, et y fut une espaisse de tampts en y mectant cez edit et pollisse ;
auquelle tampts durant ledit roy eust conclusion avec l'ampaireur - et ne sçay par quelle conseille qu'il
eurent ensamble - de destruire et arraiser touttez la cité de Tirevaigne et +avec+ la muraille d'icelle,
doutant la rebellion d'icelle. Et y fut derechief envoiéz grosse armee, et furent la muraille d'icelle +de la
dite Terrevaine+ toutte araiseez [-] ^à fleur^ la terre, et la cité toutte airxe et brulleez, et tout le païs
pilliéz et gaistéz, et y fist on dez maulx cen nombre, de_quoy estoit pitiet et domaige.
En celle dite annee .VC. et .XIII., ou moix de septambre, ^le mairdi devent la Nativité Nostre
Damme^, durant la foire de Francquefort, ung compte d'Allemaigne ^nomméz Philippe Xeloter^
envoiait deffier la cité de Mets à_la requeste de Buriaulx ^Soufroy^ cy devent nomméz, lequelle Burtault
avoit en l'an devent ruéz jus lez merchamps mairchandise de Mets en retournant de la foire, comme cy
devent est dit, ^et avoit cestui Philippe achetéz le droy dudit Burtault^.
Item, durant celle foire furent rueez jus et aresteez lez drapz et mairchandise dez mairchampts
de Sainct Nicollay par ung seigneur d'Allemaigne, et perdirent lesdit merchampts leur draperie, laquelle
montoit à grant finance. Et fut ce fait pourtant c'on avoit arestés à Morhange ledit jantilz homme et
y_avoit estéz préz d'ung ans, et pour_ce envoiait cez deffiance à duc de Loraine et quant à quant ruait
jus la dite merchandise.
Item, comme j'ay dit devent, lez blef et forment furent en celle annee .VC. et .XIII. terriblement
bon et à planté et plus et mieulx revenent qu'il n'avoient estéz de loing tampts devent. Et aucy Neantmoins lez fin fourment ce vandirent .VI. solz la quairte, et aucy la vandange fut merveilleusement belle et
bonne, voir la plus belle et la milleur qu'il eust fait, se croy je, de .XL. ans deve nt, et de milleur vin ^et

214

plus^ c'on [-] n'aitendoit et à_plus grant plantéz, car on eust plus de demy anneez par-ce que ceulx qui
avoit eschaippéz de la gellee eurent tousjour le tampts à soubhait cen fortune, tellement que lez raisins
devindre par-tout lez plus biaulx et lez plus groz et lez mieulx meure que jamaix +[-]+ je vis.
+Item, en ce tamptz fut à journee messire Fransoi le Gournay pour la cité acompaigniet de tout
lez soudoieur encontre ledit conte Philippe pour le fait de Burtault, mais on ne fist rien+.
(374) je vis Et lez vigne, lez-quelle durant lez gellee l'on cuidoit qu'il n'y deust rien avoir, il en
y_eust encor esséz et furent lez milleur vin, et fut la vandange toutte faictez à_la Sainct Remey. Et ne
plut de deux moix en ung tenant, ne au vandangier ne au chauquier, mais fist le plus biaulx tampts du
monde, tant au chausquier comme au presser, et aucy à_l'anhaiver, car le tampts vint à souhet tant pour
lez vigneron que pour lez laiboureus, et comme il avoit fait devent au meurir les raisin, car chacune
matineez avoient heu le bruit pour lez noirsir et puis le soulleil pour lez meurir.
Et fut celle anneez l'anneez de miraicle, car comme j'ay dit devent, quant on faisoit lez
pourcession durant lez gelleez, l'on ne cuidoit rien avoir et on olt du vin à_plantéz et par raixon, et
estoient tant bon et tant naturelle que plussieur furent qui en firent leur malz proffis, car il ^parce qu'il^
ce ennivroient, et ne parloit on que dez hutin qui ce faisoient par lez villaige ; entre lez-quelle ce
trowairent aulcuns compaignon de entre deux yawe à Pougnoy la Chaitive, et eurent question ensamble
parce qu'il estoient yvre, et ce baitirent tellement qu'il en demourait deux ou trois en la plesse qui furent
mors et tuéz, et plussieur en furent nawréz.
De cez vins ycy le païs de Mets en fut enrichis, pourtant que en France lez chemins estoient cloz
et n'en issoit nulz vivre, et venoient merchampts du Païs Baix, de Flandre, de Picardie, de He Henault,
d'Allemaigne et du païs d'Airdaine et de touttes pairt, lesquelle ce trowairent durant la vandange à païs
de Metz et achetoient lez vin tout chault, qui encor n'estoient rassus, et lez enmenoient au sciege dez
Anglois et en plussieur lieu par lez guernison, tellement que en peu de tampts la cewe de vin, que aparavent on ne vandoit que .C. solz, on la vandist avent que la vandange fut faillie .XI. et .XII. frant ; et
tantost aprés la vandange il rancherirent par-ce c'on ne veoit que merchampts venir, et lez vandist on
.XIII. frant, puis .XIIII., puis .XV., et quant ce vint à_la (375) Chandelleur aprés, on lez vandoit .VIII.
florin de Mets.
Mais yceulx merchampts, voiant c'on leur rencherissoit cy fort, vinrent chairgier à Mets, et
incontinant que lez seigneur en furent avertis, il mirent la pourte à .L. solz, et encor en venoient il querir
lesdit merchampts et apourtoient yceulx mairchamptz le plus biaulx paiement du monde, car il ne
paioient que tous bia biaulx escus au soilleil, de poix, ou ducat, ou florin d'or, +ou angellot+, et en fut
le païs de Mets de celle anneez de miraicle tout remontéz et enrichis.
Et tantost aprés la vandange ce vandoit ledit vin à Mets à .XII. denier la quairte, la naweez .XXV.
solz, lez pois .VIII. solz, lez fewe .XX. solz. Lez porcque furent chier, et estoient les laine et lez draps

215

moult chier, car la fine laine ce vandoit bien .XL. solz le pois, et la grosse deux frant. Et neantmoins,
jay_ce que touttez chose fussent chier, comme dit est, cy ne vis je jamais en ma vie autant de gens jonne
gens ce marier pour une anneez comme il firent en cest dite anneez, parce qu'il estoient tout plains d'or
et d'argent pour lez vin qui ce vandoient bien, comme dit est.
Item, durant ce tampts et lez guere devent dictes, ne faisoient que paisser, ailler et venir
ambaixaideur, messaigier et aultre seigneur parmy Mets, auquelle furent faictez plussieur presans.
Item, le penultime jour de septambre, y_avoit ung homme sus le pon des Mors devent Mets, et
voiant venir ung ch^e^vaulx qui regiboit, ledit homme ce voult detourner et montait sus le taublement
de pier, et chut à_la vaillee et ce tuait.
Et ledit jour meisme, il y_olt ung moigne prieur de La Celle, en Allemaigne, lequelle estoit du
lignaige de Haussonville et avoit estéz moine de Sainct Arnoult devent Mets, et cuidoit ycelluy moine
venir et antrer soubz cautelle et parrolle deceptive à ^audit^ Sainct Arnoult pour y pranre poucession
pour ^le devent dit^ Jehan de Lorenne, evesque de Mets, et avoit amenéz avec luy ung noctaire de
Nominey et deux tesmoing ; maix on s'apersust de leur fait, et y fut causy tuéz ledit moine et lez
tesmoing aucy par lez gairde qui gairdoient la pourte. (376) Et furent loing tampts lesdit de Sainct
Arnoult en grant doubte et crainte, ^comme j'ai dit devent^, et y cuidairent entrer plussieur de Loraine,
tant seigneur comme aultre, pour y pranre poucession ; par_quoy mes-seigneur de la cité y mirent bonne
gairde et y couchoient touttes lez nuit plussieur dez arboullethiet et coullevreniet de la ville ; ^mais
tantost aprés ce fait, c'en fist la paix243^.
Item, que durent cez guere dez Fransoy et des Anglois, et aprés ce que Tournay fut prinse,
comme cy devent avéz oÿ, le roy d'Escosse, lequelle avoit estéz deffait et dejestéz d'Angleterre, co mme
dit est, fist derechief une grosse armee par l'ayde du roy de France et mairchait contre lez Anglois ;
lesquelle, ^quant^ il en furent avertis, leur aillairent au devent, et en dessandant d'ugne montaigne ce
fraipairent lez ung parmi les aultre, tellement que, pour abregiéz, le roy d'Escosse perdist le champs, et
de fait y fut ledit roy tuéz.
Et y_olt en celle rancontre moult de grant prince et grant seigneur mors et tuéz, de_quoy je n'en
mest pas les non ne la manier comme ce fut, car il y_ait esséz d'aultre cronicque et plussieur qui ont
escript de celle piteuse aventure et en parlent plus amplement en nomment leur nons, le lieu, le jour et le
plesse ou ce fut, et come ce avint. Et fut loing tampts aprés que lesdit Escossois ne voull voulloient
croire que leur roy fut mors, ains disoient qu'il c'estoit absantir et qu'il revenroit, et l'atandoient de jours
en jours.
Item, en celle dite annee, en l'antree de l'iver, lez Fransoy qui estoient dedens le chaitiaulx de
Millan ne le povrent plus souffrir, car il n'awoient secours de personne et leur estoient leur vivre faillis
tellemens qu'il n'awoient que bouter en leur dans. Et avoient desjay biaulx-copt souffris, et pour_ce
243Philippe écrit encore comme ; nous le supprimons.

216

compousirent avec le duc de Millan et saillirent dehors, leur vie saulve [-] [-] et leur baigue salve, mais
eulx venus en France et randirent le chaistiaulx. Mais eulx venus en France, le roy ne lez voulloit veoir
ne oÿr, +et estoient Fransoy pour ce tampts en grant mechief de tout coustéz+.
Item, tantost ung poc aprés, lez Veniciens et Espaignoille eurent guere amsamble et firent grosse
armee, et eurent une grosse baitaille ensamble244, en la-quelle demourait grant (377) noblesse et grant
gens mors et tuéz, et d'ung coustéz et d'aultre. Et eurent loing tampts lez Veniciens le milleur, mais enfin perdirent la baitaille, et estoit pour l'eur capitenne desdit Veniciens messire Bartholomin245
d'Albianne, et estoit cellui ^meyme capitenne^ qui avoit estéz prisonniet en France, comme cy devent est
dit, mais quant la paix fut faictez dez Fransoy et Veniciens, il eust congiés au regairt de celle baitaille. Je
n'en dis plus, car aultre que moy en escriront.
Cest L'yver de [-] ^cest annee mil^ .VC. et .XIII. fut merveilleusement grant et froit, comme vous
oÿrés, et acomensait à_geller à_la Toussaincts, et fist gelleez, neige et bruine sens guere plowoir ne cen
desjeller, et ce thint le tampts aincy jusques à .XXVIII e. jour de nowambre ; auquelle jour il acomansait
cy treffort à geller que merveille, et ce ranfoursait jour sus aultre et de plus fort en plus fort, telleme nt
que quant ce vint és Avant de Noé et parmi le Nowel Ans jusques à_la Chandelleur, tout ce tampts
durant, lez mollin par tout le païs estoient cy treffort engelléz qu'il n'y avoit homme qui peust moudre
blef ne farrine, sinon ung peu à Mairlei et à Maigney.
Ains lez cowenoit tout venir à Metz, et y venoyent lez aulcuns de .VII. ou de .VIII. lieue ^loing^
; et y_avoit nuit et jour cy grant presse à mollin de Metz que l'on ne c'y powoit tourner. Et fut fait
comendement et deffance au boullungiéz de Metz qu'il ne moullaissent que de nuit, car de loing tamptz
devent n'avoit cy fort gelléz, et durait celle gellee en telle force et en cy grant froidure que la rivier du
Rin fut prinse et engelleez de-puis Baille la cité de Baille jusques à la cité de Collougne, et furent
plussieurs estans engellee de fon en fon. ^Et n'y avoit [-] que [-] merchande^246
Et y olt [-] ^en ce tempt^ aulcuns merchamptz qui avoient achetéz dez vin ou Vault de Mets,
maix quant il vindrent en Flandre, lesdit vin estoient cy treffort engelléz éz tonniaulx qu'il fut fourréz
ung grant tairerre à baire de pairt en pairt desdit tonniaulx et n'en saillit oncque goutte de vin tant fort
estoient engellés.
Et furent cest yver plussieur powre gens mort de froyt, et n'y avoit homme vivent, comme on
disoit, qui eust veu faire cy grant froidure, voir qui tenist cy longuement, car elle durait jusques à la
vigille de la Sainct Pol cen grain dejeller, mais ledit jour, environ le midi, il comansait à dejeller et ledit
jour Sainct Pol tout le jours (378) fondirent lez neige et vantoit treffort, et plut quelque peu. Et à

244Sans doute la bataille de Vicence, aussi connue sous le nom de bataille de La Motta, qui a lieu le 7 octobre 1513.
245Philippe porte un tilde à la fin de ce mot, qui était peut-être censé valoir pour le n final.
246Cet ajout interlinéaire, difficilement lisible, n'est pas barré par Philippe, mais nous le supprimons car il ne semble
pas pouvoir s'insérer à un endroit précis du texte.

217

troisieme247 jour aprés le grant butin dez glaice vint à la vaillee et furent lez yawe moult grande, et fist
biaulx tampts le jour de la Chandelleur. Mais tantost a-prés et par plussieur journee, le tamptz fut moult
varialle, car l'ung dez jour il gelloit trés_bien de nuit et le jour aprés il plevoit ou il neigeoit ou gelloit de
jour et plevoit de nuit, et ce chaingeoit le tampts tous_lez jour trois ou quaitre fois.
Item, en cest yver, devers le Noé, mourut en-chiéz le doien en la prison de la ville ung homme de
Mets qui en son tamptz avoit estéz moult riche, et ce apelloit Jaicomin de Moiewre et avoit estéz loing
tamptz sairgent ^des Trese^, puis il fut gouverneur et clerc dez Lumbair sus le mur derrier lé Cordelliet,
là ou ce prestoit argent à monte à prouffit de la cité. Mais il fut trouvéz qu'il avoit maulx randus compte,
par_quoy il en fut ^mis^ en prison et fut mis à grosse amende. Et lui dehors, il en voult ploidoiéz, maix
il fut derechief prins et fut compdanmés par santance diffinitive d'estre en prison [-] perpetuellement en
pain et en yawe yawe, comme cy devent en ung aultre lieu est dit, là ou il parle de sa prinse, et y fut ledit
Jaicomin jusques à cest presante annee qu'il mourut.
Et fut la maixon desdit Lumbair, ^quant il fut prins^, à cest cause deffaictez, et n'y prestait l'on
plus point d'airgent, de_quoy maintez powre gens furent courcéz, car ce leur estoit moult grant plaisir et
ne prenoit on de chacune livre de monte qui vaulsit le dire grant mercy. Mais lez frere de l'observance en
preschairent, disant que c'estoit usure, et pour_ce furent deffait avec l'ocasion que donnait ledit Jaicomin,
comme dit est.
Item, ^en ce meyme ans et^ peu de tamptz apréz, mourut damme Anne de Bretaigne248, royne
de France, et fut dit c'on avoit trowéz qu'elle avoit ung merveilleus tresor car, comme on disoit, il y avoit
en ycellui tresor trois million et .LX. mil escus au soilleil.
Item, en cellui tamptz, il y_avoit ung laidre demourant sus le grant chemin entre Waipey et
Laidomchamptz, et estoit la maixon d'icelluy bon maillaide (379) scituees là ou le chemin de
Laidomchampts depart d'icellui grant chemin. Cestui laidre avoit le non qu'il avoit de l'airgent et qu'il
estoit riche et qu'il prestoit argent à monte, tellement que ledit ans, la vigille de la Sainct Pol, on trowait le
powre homme brulléz en sa maisonnette, et avec lui sa femme et ung petit filz en l'eaige de trois ou de
.IIII. ans qu'il avoient ; et estimoit on que quelc'ung luy avoit venir couper la gourge pour avoir son
argent et puis qu'il avoient bouter le feu en la maixon, car on trowait bien le corps dudit laidre et de sa
femme aucy, maix il n'avoient point de teste et n'en peust on jamaix trower lez teste. Et le petit anffans,
on le trowait au giron sa mere et avoit l'anffans sa teste, par_quoy on estimoit qu'il avoyent heu la teste
tranchiéz ; maix on ne sçavoit encor ^et ne solt on jamaix^ qui ce eust fait.
Item, ledit ans, ou moix de fewriéz, vinrent nowelle à Mets d'une grande fortune avenuee à_la
cité de Venize, et furent lez nowelle telle que le .Xe. jour de janvier foudre et feu churent du ciel en la
dite cité de Venize, et ce print premier le feu à ung lieu nomméz le fondicque dez Tudesque, qui est à
dire le fondicque ou maixon dez Allemens, et est ung grant lieu là ou tout lez merchamptz de plussieur
cité d'Allemaigne ce retraient. Et fut tout cedit fondicque airs et brulléz, et touttez la merchandise aucy,
et avec ce bien .IIIC. maixon de la cité, de_quoy ce fut ung merveilleux domaige.
247Philippe porte un tilde sur le premier e de ce mot, qui est sans doute erroné.
248Anne de Bretagne décède le 9 janvier 1514 au château de Blois.

218

Et mectoient éz lestre ceulx qui lez avoient rescript que l'on estimoit cellui damaige aincy avenus
par la foudre à plus grant chose que ne vailloit touttez la ville d'Envers hors de foire, et disoient encor
lesdite lestre que lez merchampts estoient comme au desesperer et ce tiroient par lez cheveulx. Dieu par
sa bonté lez weullent reconforter et nous gairde de telz feu. Amen.
Item, cest yver, comme j'ay dit devent, fut merveilleusement froit et durait ^cy^ longuement et
n'y avoit homme vivent qui eust guere veu faire plus grant yver ne qui tout durait, car ^que^ à la Sainct
George ^aprés^ n'y avoit encor nulle fleur de serisiet, de pruniet ne de peschiéz, au_moins bien peu, et
ne ce bougeoie encor point lez vigne.
Item, on à_la Sainct Benoy fut fait maistre eschevin de Mets pour l'an (380) .VC. et .XIIII.
messire Michiel Chaverson, le filz seigneur Jehan Chaiverson, lequelle l'avoit desjay estéz une fois en l'an
mil .VC. et ...249 Et ledit jour Sainct Benoy estoit bien joieulx et bien jolley messire Jehan Baudoiche,
lequelle estoit yssus de l'office et avoit estéz maistre eschevin l'an devent ; mais au lundemains luy print
une soudaine mallaidie en manier d'ung cattaire, de_quoy il mourut le .VIII e. jour aprés, que fut le
.XXIXe. jour dudit moix. Dieu lui pardoinct ces faulte. Amen. Car ce fut donmaige de sa mort et eust
grant plains, parce qu'il estoit biaulx personnaige en sa force et jonnesse, et avec ce estoit vaillant aus
airme ; aucy il estoit de grant sans et estoit neweus à mon-seigneur de Liege et à messire Robert de la
Mairche.
En cest tampts vinrent derechief nowelle [-] ^de la grant baitaille et^ merveilleuse tuerie ^qui^
avoit estéz entre lez Veniciens et lez Espaignoil. Dieu y meste paix. Amen.
Item, en la dite annee, en la semaigne des Palme, vinrent nowelle que en la cité de Wourme, en
Allemaigne, furent essecutés .VIII. bourjois aincy nommés : premier Jaicob Le Mercier, Jasper Le
Pellethier, Jasper Le Cordonnier, Niclasse Le [-] Raiez et Willemin le nonetier ; ces .V. heurent les teste
coupee. Puis Conraird le permenthiet heust ung chault fer boutéz tout parmy le visaige, et Hannes Ruter
eust deux des dois de la mains coupés, et Michiel Le Poitiet fut baitus tout nudz parmi la ville. Et fut ce
fait pource qu'il avoient voullus conspiréz aulcune chose contre la cité et les seigneur. Et aincy aveis oÿ
coment ce sont gouvernee aulcune cité esséz prés de nous et de-puis peu de tamps ensay, telz come
Collougne, Ais, Liege, Woulme, Northensen, et meismement à Triewe y_olt aulcune mutinacion. Dieu
nous gairde de traison. Amen.
(381) Or escoutés une piteuse adventure qui advint en cest dite annee et esséz prés d'icy, le jour
du grant vandredi, environ à .IX. en ung villaige nommés Lousseme, environ à .IX. lieue de Mets sus le
chemin de une bonne ville en Allemaigne nommeez Quierpricque ou de Berquefelleste, qui sont ville
sus le coustier du chemin de Francquefort. En la pairoiche de ce devent dit villaige, environ à demi lieue
de la ville, y_ait une moitresse qui est de la dite pairoiche, en la-quelle demouroit ung moitriet esseis
riche et plantureulx, lui, sa femme et ces anffans. Avec celluy moitriet avoit aultre-fois demouréz ung
249Ici Philippe laisse un espace blanc dans le texte.

219

compaignon estrangiéz et sa femme avec luy, lesquelle tout deux servoie leans puis prinrent congiéz et
furent loing tampts de-hors cen revenir. Et cest yver passeis .V C. et .XIII. estoient retournés et furent
remis en leur office ^comme devent^.
Or avint que durant ce tampts, il conspirairent mal et traison contre leur maistre et leur
maitresse, comme vous oÿrés, tellement que ledit jour du grant vandredi .VC. et .XIIII. que tout le
monde est en devocion, ce malvais guerson serviteur de leans ordonnait à sa femme, laquelle estoit aucy
malvaise250 que luy, ceu qu'elle devoit faire, car ledit traistre ymaginoit que son maistre avoit grant finence
d'or et d'airgent. Et pour_ce, ledit jour, c'en aillait ce traistre à l'eglise avec son maistre et laissait sa
femme à_l'ostel avec sa maitresse, qui gisoit d'anfans ^et pour le collaciet (?)^.
Et alors que le maistre et son serviteur estoient à_l'eglise, comme dit est, laquelle eglise est loing
demy lieue de leur moitresse, la femme dudit serviteur vint à_la gisante sa maitresse et luy vint courir sus
tenen ung coustiaulx en la mains, lequelle du premier copt luy presantait contre la gorge, et bien
furieusement luy dist qu'elle sairoit ou estoit l'airgent. (382) La powre femme, toutte espowantee, print
son petit anffans entre ces bras et, voyant sa malvitiet, à joinctes mains luy criait mercy, et tant luy dit et
d'ugne et d'aultre avec grant peur et humble parrolle qu'elle achaippait, car la dite malvaise femme la
tenoit tousjour subgette et lui presantoit le coustiaulx à l'estomach et à la gorge ; mais, comme dit est, la
bonne femme à humble priere fist tant qu'elle la fist sortir d'illec, et luy promectant de luy dire ou leur
argent estoit.
Et ce dit, luy monstrait ^ung escrins^ en une chambre là ou elle lui dit que leur tresor estoit ; et
alors que la malvaise femme queroit en cest escrins, la dite femme gisante sa maitresse ce advensait ^et
bien viste saillit^ et l'anfairmait dedans la chambre, et boutait et boutait ung groz temiaul de bois au
travers d'ung ^aniaulx^251 de fer qui pandoit en l'uis. Et alors la malvaise femme ce print à braire et à
crier cruellement et fort, et sambloit qu'elle fut anraigieez, mais à_la bonne femme n'en chailloit, car sa
maixon estoit au bois et loing de leur moustiet une bonne demi liewe, come dit est ^toutte gens^.
Lors ce fait, la bonne femme envoiait incontinent une siengne jonne fillette qu'elle avoit bien
en_haitte à moustiet pour dire ces nowelle à son marit, mais le traistre verlet et marit de la malvaise
femme, quant il eust conduit son maistre à moustiet, comme dit est, ce despartist ^secretement^ du lieu
et ce desroubait de luy et c'en vint pour aydier sa femme ; et en venant qu'il faisoit rancontrait la jonne
fillette qui alloit querir son perre. Lors la print le traistre par la mains et la ramenait arrier, mais quant la
powre femme gisante vit revenir le traistre qui ramenoit sa fille et ne ramenoit ^vit^ pas son marit, Dieu
scet c'elle eust grant peur, et non (383) sans cause.
Touteffois elle fut advisee et fairmait l'uis de sa maison, et ce anfairmait dedens. Le traistre,
250Philippe écrit malvase ; nous corrigeons.
251Philippe écrit d'abord aignéz avant d'ajouter aniaulx dans l'interligne, sans pour autant barrer le premier terme qu'il a
employé. Nous privilégions l'ajout interlinéaire.

220

voiant ce, la print à_menaisser, disant que c'elle n'owroit l'uis, il feroit chose qui lui desplairoit ; et elle,
conciderant que c'elle l'owroit, elle estoit femme perdue, et d'aultre pairt elle estoit en grant detresse pour
sa jonne fillette que le traistre menaissoit à mort, et luy, voiant qu'il n'entreroit pas dedans, tirait son
coustiaulx et coupait l'une dez mains à_la dite fillette et la mist en la maison par la poulliere de dessoubz
l'uis.
Puis, derechief voiant que la dollante mere n'en feroit aultre chose, reampoignait arrier celle
jonne fillette et luy coupait l'aultre mains et la donnait encor à_la mere par la poulliere ; puis, aprés
plusieurs parrolle qu'il eurent luy et et la dollante mere, qui plouroit pour sa dite fille et avoit bien cause,
car le traistre voulloit encor pis faire et, comme anraigiés et hors du sans, voulloit couper la gourge à
celle fillette, quant Dieu par sa graice envoiait deux ou trois jantilz homme chevaulchant prés d'illec ;
lesquelle, oyant le cris et le brais de celle malvaise femme qui estoit enfermee en la chambre, ce
aprouchairent du lieu et trowairent la jonne fillette en cest pitiet, et touteffois comme chose miraculeuse
ce rioit.
Et le fait congneus, elle leur monstrait le murtreus qui ce avoit quaichiéz en des tison ou en du
bois, et fut prins ledit malfaicteur et loiéz luy et sa femme comme deux viaulx par les mains et par les
piedz, et aincy mis sus ung chevaulx, pandant d'ung coustéz et d'aultre, et en furent aincy meneis en ung
chaitiaulx en prison. Mais je ne sçay puis c'on en fist, car je ne m'en suis pas enquis ; et la powre femme
gisant, de peur qu'elle eust, ce laissait tantost morir aprés.
(384) Item, en la dite annee mil .VC. et .XIIII., le dimenche devent les Rogacion c'on_dit les
Grant Crois, avint ung cas de fortune à Mollin devent Mets, car aincy po comme les josne compaignon
et les jonne homme de la ville tiroient de l'airboullette aprés dinés à leur butte et que illec aprés y_avoit
plusieurs resgairdans, entre lesquelle y_avoit ung jonne homme de la ville nommeis Lowey le Welz, et
estoit ycelluy l'ung dez biaulx compaignon du païs, icelluy Lowey ce estoit apoiés contre ung nonniet et
resgairdoit le jeux ; mais de copt de malz fortune, y_eust l'ung desdit arboullethiet de, nommés Arnoult,
duquelle le trait vint à ferir la branche d'ung airbre, et ycelle branche fist glaudir le trait tot à_coustés,
tellement qu'il vint ataindre cestuy Lowey en l'estomach. Et incontinent qu'il santist le copt, il tirait le
trait de-hors et le ruait au loing, puis demendait co^n^fession et mourut ; et fut ce grant pitiet, car il
avoit trois ou quaitre petit anffans et sa femme qui estoit acoucheez du jour devent. Cellay fait, ledit
Arnoult ce absantit du lieu, mais peu de tampts aprés messire Glaude Baudoiche, chevalier, leur seigneur,
en fist la paix en recompansant la dite femme de ces biens.
En celle dite annee, le mairdi des Rogacion, fist une cy orible et soudaine oraige de pluye ou
hault chemin devers Montoy et és villaige entour ^que ce fut merveille^ ; et estoit celle pluye mellee de
grelle, et cen ce qu'il pleust aultre_pairt que à compter fut, vint celle pluye cy oriblement qu'il sambloit
que tout deust fondre, et tellement que de la force d'icelle vint ungne rivier à_la vallee parmy la ville de

221

Montoy, la-quelle dessandoit dez coustes entour la dite ville en fasson telle que de la force d'icelle yawe
aincy subittement venue elle abaitist aulcune maixon et fist moult grant donmaige (385) en beste noiees
et en aultre biens.
Et de fait antrait ycelle yawe par l'uys devent d'une maixon du hault d'ung252 homme et donnait
de cy grant roideur contre le mur derrier de la dite maixon qu'elle l'abaitit, et avec cella enmenait hors de
la dite maison une cewe plaine de blef et l'anmenait bien loing en des gerdin ; et lez gens de celle dite
maison n'eurent plus de loisir que de ce salver par le tis, tant en celle là come en plusieur aultre ; car +et
fist+ celle dite yawe come dit est fist moult grant donmaige.
Item, és feste de Panthecouste aprés fut jués à Mets à piedz des degrés de Chambre le jeu de la
paciance Job, et y_faisoit biaulz. Et à celluy jour meisme du matin vint à Mets une moult belle et
honnourauble procession de .XIII. villaige d'antre deux yawe, telz comme Chamenat, Lorey devent le
Pon, Joiey, Mairieulle, Weson, Merdegney, Mairlei, Awegnei, [-] Pounoy, Fecy et plusieurs aultre ; et
estoient tout lez jonne anffans en telle ordonnance qu'il estoient .V. et .V., c'est assavoir quaitre guerson
et une jonne fillette entre deux, laquelle pourtoit ung sierge en sa main, et en telle ordre c'en aillaire nt
jusques à Nostre Damme des Carmes. La belle damme le praigne en grés. Amen.
Item, pairaillement, ce firent plusieur aultre belle pourcession en regraiciant Dieu de l'an passeis
+et en+ ^lui priant que du venir les voulcit aidier et preserver^.
Aucy en cest dite annee, le dimenche aprés la Translacion sainct Nicollay, fut tenus le chaipitre à
frere prescheur, auquelle ce trowairent plusieurs no^ta^ble docteur et de diverse nacion, et leur fist on
ung moult biaulx recueille, de_quoy il ce tenoie contant car la seigneurie et la bourgeoisie leur firent de
grant bien.
Item, en celle semaigne, en ung villaige ou hault chemin soubz la seigneurie de l'Opital ^de Metz^
fut tué de fouldre ung jonne guerson patoriaulx, et tout paireillement en advint à ung aultre ^guerson^
à_la ville de Chaitel soubz Sainct Germain.
En la dite annee, le .XVIIIe. jour de jung, ung thixerant de Mets, bien homme de bien de son
mestiet, en retournant en sa maixon sus le tairt aprés souppés, ledit cheut en la rivier et ce noiait, et ne
sceut on coment tant qu'il fut troweis.
(386) Item, en cellui tampts mil .VC. et .XIIII. retournait en Mets ung homme d'airme nommés
le groz Richairt, lequelle, desjay aultre fois, avoit esteis à gaige à Mets. Ycelluy Richair amenait avec lui
en Mets ung chevaulx qui estoit ronsins et jument et avoit reallement deux nature, l'une de ronsins et
l'aultre de jument. Paireillement, en celle dite annee, ou moix d'owoust, fus nés ung anffans en la ville de
Grixey, qui est de la paroiche Sainct Eukaire à Mets, lequelle anffans avoit une teste gemelle, car il avoit
faisse devent et dairier et la plus laide figure que Dieu fist oncque, et en l'une d'icelle faisse n'avoit point
de bouche. Cest figure n'avoit que ung corpt ne n'avoit que deux jambe et deux brais, mais il avoit
252Philippe écrit du ; nous corrigeons.

222

quaitre mains et estoient tournee le dos dez mains l'une contre l'aultre. Neanmoins, il fut baptisés en la
pelle par la saige femme et le curé de Sainct Eukaire le confairmait, et puis mourut. Aucy paireillement,
ou dit ans et en ce meisme tampts à Mets, en la pleisse Faucquette, chiéz Jehan L'Orfewe, fut nés ung
poullet ayant quaitre jambe, et avoit deux teste ; mais l'une desdite teste estoit dedans le vantre de
l'autre, car on luy trowait quant ledit poulcin fut mort et ne vesquit point.
Item, en celle dite annee, on voult desrouber Thionville et la prandre par traison, et la manier
coment : on devoit bouter les feu en plusieurs lieu et par le fait d'aulcuns traistre qui la debvoient
delivrer à Poincellet, qui alors estoit capitaine de Florhange pour le seigneur Robert de la Mairche. Or
advint que ung jour, l'ung d'iceulx traistre qui debvoient bouter le feu estoit en la taverne avec plusieurs
aultre de Thionville, lesquellez de Thionville chantoient et faisoient grant chier ; lors ledit boutte-feu,
lequelle, come je croy, avoit tropt beu, les oyant aincy chanter, dit aincy : "Ceulx de Thionville, fait il,
font maintenant bonne chier, mais avent qu'il soit trois semaigne, il n'airont tallans de rire !"
Sus ces parrolle (387) on mist la mains à luy et fut prins pour sçavoir qu'il voulloit dire, et
incontinant congneust coment Poincellet, capitaine de Florhange, avoit merchandés à luy et à plusieurs
aultres, et dit combien qu'il en avoient desjay receupt. Le dit capitaine, oyant celle chose, vint à
Thionville par essurement, et le troisieme jour d'owoust, qui fut le jour de l'invencion 253 sainct Estienne,
fut excecutés cestuy mal-faicteur, presant ledit capitaine Poincellet, auquelle mainthint ledit malfaicteur
jusques à la mort que la chose estoit aincy, quelque remonstrance c'on luy sceust faire.
Et fut la justice telle : premier on luy coupait le mambre viril et les genitoire, puis luy fut fut
fandus le vantre, son cuer tirés dehors et luy fut monstrés, luy encor vivent et tousjour soubtenant que
ledit capitaine lui avoit fait faire ; et puis, ce fait, fut mis en quaitre cairthiet et ataichiéz à dez potance
sus lez chemin en diverse lieu. Et en samblant manier ce debvoit faire de Rodemack, ce Dieu n'y eust
mis sa graice. Et au bout de demi ans aprés fut encor trowé l'ung d'iceulx traistre, non_pas cy corpable
que le premier ; touteffois il il la eust la teste tranchee et fut descartellé [et] mis sus lez chemins comme
dessus.
Item, en celle dite annee, environ le moix de jullet, fut la paix faicte entre le trés crestien Lowis,
roy de France, et le roy d'Angleterre, en fasson telle que en celle paix faisant ledit roy d'Angleterre
donnait une suer qu'il avoit, laquelle estoit belle et jonne, +nomme[e]+ ^Marie^, à_roy de France affin
d'avoir lignie254. Mais c'estoit une chose trés_mal paireille, car ledit roy de France estoit fort gouteux,
viéz et cauducque, et celle damme estoit bien pollie, mignoigne, jante et belle 255. Et de ce mariaige ^et

253Philippe écrit ivencion ; nous corrigeons.
254Veuf, successivement, de Jeanne de France (morte en 1499) puis d'Anne de Bretagne (morte en 1514), Louis XII
épouse Marie d'Angleterre le 9 octobre 1514 à Abbeville.
255En 1514, Louis XII est en effet âgé de 52 ans, alors que Marie n'en a que 18 ; le roi mourra d'ailleurs à peine trois
mois plus tard, sans avoir d'enfant avec la jeune reine. Les propagandistes de son successeur François I er en
profiteront pour se moquer de son âge et de son impuissance. Il est donc possible que Philippe se fasse ici leur écho.

223

paix^ fut trés mal comptant nostre sire l'ampereur256 ; aucy fut le jonne daulfin, c'on_disoit mon-seigneur
d'Angoulaime ^Françoy, monseigneur^ d'Angoulaime257, lequelle estoit alors ung biaulx jonne filz, grant
et puissant et améz de tout lez Fransoi, car c'estoit pour lui bouter hors de la courougne ce ^le^ roy
eust heu lignie258.
Item, encor daventaige en celle paix faisant, le roy d'Angleterre voulloit que le roy de France
(388) luy livrait ung noble homme qui estoit duc de la duchiéz de Sifort en Angleterre, et ce apelloit
celluy noble home la Blanche Rouse259. Ycelluy estoit le vray heritier d'Angleterre et devoit mieulx estre
roy, comme on disoit, que celluy qui l'aitoit ; et pour_ce, durant celle guere, le roy de France le
soubtenoit et avec ce le voulloit mestre roy d'Angleterre, et avoit chacun_an ledit duc de pancion du
roy .XXXVI. mil escus, comme on disoit. Et pour_ce, à celle paix faisant, le roy d'Angleterre le voulloit
avoir comme dit est pour en faire à sa voullunteis, mais le roy n'en fist rien, forcque il fut comptant qu'il
le mist tout hors de son reaulme cen le plus soubtenir ; et fut ce fait par le traittiet de la paix, [-] [-] [-] [-]
[-] [-] neantmoins qu'il avoit tousjour sa pancion ^de .VI. mil escus^.
Cy c'en vint lors ledit duc de Cifort, nommeis la Blanche Rouse, pour_ce tenir à_Mets, et y
antrait le samedy second jour de septambre, acompaigniés de environ .LX. chevaulx. Et de prime faisse
fut lougiéz en la Court Sainct Mertin, et la gairde du duc de Loraine et aulcuns jantil homme qui l'avoie
conduit furent lougiés à l'ostel à_l'Ange. Et voulloit on dire que nous seigneur ne luy avoye pas donnéz du
tout responce à_sa guise pour le soubtenir, de peur de desplaire à l'ampaireur ; touteffois, le roy de
France prioit à messeigneur de la cité qu'il fut ressus et soubtenus. Et à sa requeste, on le receupte et fist
on sairchier des maison de plaisance parmi la cité pour acheter ou pour luer, affin de c'y tenir ; et moy,
l'ecripvain de cest, à la requeste d'aulcun noble homme nous seigneur, y fus mis en besoigne et y sairchait,
mais toutte-ffois il n'en eust piece de celle, ains au_bout de trois jour aprés sa venue luy fut prestéz la
maison de Paisse Tampts apartenant à messire Claude Baudoiche, chevalier. Et à_la venue dudit seigneur
la cité luy fist presant de deux demi cowe de vin, l'une rouge et l'aultre cleret, et de .XXV. quairte
d'awenne ; et fut ledit seigneur moult longuement à Mets.
(389) Item, en ce meisme tampts ce fist grant feste à Paris et fut la paix criees à son de
trompette et de cleron sus la pier de mairbre, c'est assavoir la paix du roy de France et d'Angleterre,
neantmoins que le roy d'Angleterre tenoit tousjour Tournay. Et aprés ce fait, les noble de France et tous
lez estat furent randre graice à Dieu à_l'eglise Nostre Dame de Paris, et incontinant bien peu aprés fist
son antree la dite damme d'Angleterre en France, et luy fut fait ung merveilleux et triumphant recueille.
256La jeune Marie avait d'abord été promise à Charles Quint.
257Nous rétablissons ici d'Angoulaime, barré par Philippe dans l'expression qu'il vient de rejeter.
258De fait, Louis XII ne laissant aucun descendant, son cousin François Ier, accède au trône à sa mort.
259Richard de la Pole (v. 1480 – 1525), appartenant à la maison d'York par sa mère Elisabeth, se fait appeler duc de
Suffolk bien qu'il ne possède pas ce titre, qui appartient à Charles Brandon depuis 1514. Durant les négociations de
la paix de Tournai en 1514, Henri VIII demanda à Louis XII de lui livrer la Blanche Rose, qui était au service du roi
de France depuis 1510 ; Louis XII refuse mais demande à Richard de s'exiler à Metz, où il arrive le 2 septembre
1514.

224

Et tantost apréz, le roy l'apousait, auquelle apousaille y_olt moult g rant triumphe ; mais ne
demourait guere que les clerc de Paris en juoient dez jeu et dez fairse tout plain, ce mocquant du roy, et
disoient que le roy avoit esteis querir une aignegnee blanche en Angleterre, laquelle le manroit bien-tost
en paradis en pouste - aucy ne mentoie il pas, car il ne vesquit guere avec elle -, et plusieurs aultre chose
juoient lesdit clerc, que je laisse.
Mais pour revenir à prepos, à celle nopce, par la lisance du roy, furent criees les joste à Paris de
pairt le daulphin, nommés mon-seigneur d'Angollaime, duc de Vaillois et de Bretaigne, avec .IX. aultre
jantilz home encontre tous venant. Et furent ycelle jouste et tournois de diverse sorte et manier, car illec,
auprés la Baistille Sainct Anthonne, estoient plusieurs eschauffault auquelle estoient plusieur escus
pandus jusques à nombre de .VI., et estoient yceulx escus de diverse coulleur, comme l'ung d'or, l'aultre
d'airgent, l'ung gris, l'aultre noir ou blan. Et tous ceulx qui voulloie venir jouster, il failloit qu'il venissent
hurter encontre l'ung d'iceulx escus, et cellui qui estaindoit ou feroit l'escus d'or, il estoit tenus de jouster
à chevaulx ung nombre de copt à fer enmoullus et puis ce ferir à l'espee tranchant, et devoie estre
airmés cellon que lez juge le devisoie. Et cellui qui ataindoit l'escus d'airgent devoit jouster d'une aultre
sorte et à_dit dez juge ; et celluy qui ataindoit l'escus noir ou gris d'aultre sorte. Aulcuns estoient à piedz
et aultre à chevaulx, aulcuns pour gairder le pas et aultre pour assaillir, (390) et lez ung armés d'une
fasson et lez aultre d'ung aultre cellon lez escus qu'il ataindoie. Et qui voulloit hurter à tous lez escus ou
à plusieurs d'iceulx, il luy failloit combaitre d'aultant de sorte comme il avoit hurtéz d'aicus. Et y_olt
durant ces joste moult grant triumphe fait à Paris.
Item, durant ce tampts, passoient incessanment de grant routte de lancequenette qui retournoie
dez païs de France au service du roy et avoie force argent, de_quoy lez hoste et lez belle fille de Mets en
vailloie mieulx. Mais à aulcuns, on fist gecter en la rivier, ou pandre tranchier la teste ou pandre ou non
de l'ampaireur, voir és païs de l'ampaireur quant il y furent retournés, come on disoit.
En ce meisme tampts, ung prebtre curé de Sainct Girgonne à Mets estoit suspect et famméz qu'il
avoit soubournéz et ceduit une jonne fille et de fait qu'il la tenoit quaichee en sa maison. Le maistre de
la jonne fille ce vint plaindre à_la justice, requerant qu'elle fut prinse par force en la maison dudit curé,
ce que justice permist ; et fut la dite fille prinse et amenee à_l'ostel de la ville pour sçavoir la manier
coment elle c'y avoit gouvernés.
Et cella fait, ledit curé fut ung jour et une nuit en son eglise qu'il n'oisoit saillir de-hors,
pour^ce^ qu'il sçavoit bien c'on l'eust prins et mis en prison. Mais le lundemains, le procureur fiscalz
avec quaitre sairgent vinrent devers lui en son eglise et luy dit ledit procureur que c'il ne sortissoit
dehors, il l'iroye prandre et fut il sus le grant autelz. Touteffois, il n'oisait mieulx et sortist dehors,
aultrement lez sergent le fussent allés prandre et du conseille de messeigneur lez ordinaire, et alors fut
meneis en la court l'evesque et y fut quaitre ou .V. jour. Mais vous sçaveis que lez loupz ne se estrangle

225

point l'ung l'aultre, et pour_ce fut mis de-hors et ne sçay quelle amende il paiait.
(391) En ce meisme tampts, ung aultre prebtre de Mets, appelleis messire Hugo Hairan, asseis
jonne homme et bon fairseur, fut troweis fausairt. Cy fut prins, ^banis^ et privés de toutte dignitéz
sacerdotalle, et à .XX. blan d'amande pour lez ordinaire et .XX. blan pour la partie interressee. Et ledit
appellait à Romme et y_fut. Cy l'ait veu de-puis à Mets ; ne sçay qu'il en fut ^à fin^.
Item, en la dite annee mil .VC. et .XIIII., y_olt ung tixerant demourant devers Saincte Claire sus
le mur, nommés Gueraird, homme honneste et de bonne reputacion de son mestiet. Ycelluy avoit trois
moult biaulx filz et une belle fille, et cez trois filz estoient tout honneste et tous juant de diverse
instrument. Le premier juoit trés_bien dez flutez et estoit grant jueulx de palme, hantant lez plus grant ;
il estoit aucy bien faisant le soubresault, bon jueulx de fairse, et estoit richement mariet ; aucy il estoit
^tixerant et^clerc et recepvoir de l'abausse de Saincte Glossine. Le second estoit ^tixerant et^ grant
jueur de leeust. Et le thier, qui estoit bairbiet, avoit biaucopt suis lez guere et la court, et juoit moult b ien
du tanborin et du rebech ; et pourtoit biaulx pourpoint de vellours et chaine à col. Et la fille, qui estoit
belle et bonne, come je croy, fut mariee pour cest annee. Et pourtoit moult grant estat elle et ces frere,
de_quoy en desplaisoit biaucolt à perre. Ycelle fille olt apouseis ung jonne compaignon qui estoit frere à
Jehan Danvers de Mets, lequelle Jehan avoit esteis capitaine de pieton en France durant cez guere et
y_avoit moult guegniéz.
Mais pour retourner au prepos, ycelluy thixerant, perre au devent dit anffans, ce mutinait pour le
mariaige de sa fille et antrait en desespoir pour leur estat, tellement que le .XXIIe. jour du moix de
septambre, qui estoit le jour sainct Maurisse, entre .VI. et .VII. heure du matin et petit aprés lez nopce sa
fille, il ce pairtist de sa maison et saillist hors de Mets par la pourte à Maiselle en tirant devers Bourny.
Et illec à champs en ung lieu destournés, en ung gerdin à_bout d'unegne vigne, il ce plantait ung
coustiaulx en la gourge, (392) tant et cy avent que il n'y avoit pas deux doy du manche que tant ne fut
dedans ; et yllec mourut miseraublement. Cy fut troweis ledit jour par ceulx qui allaie à champts, et à_la
priere de ces anffans fut antairré ou dit lieu, car aultrement on l'eust traynés à gibet. Mais celluy à_qui la
vigne estoit en fist accion en justice ; neanmoins, il n'en poult avoir aultre chose.
Item, en la dite annee, le .Ve. jour du moix d'octoubre, Philippe Schluchterre ^Slucterte^ cy
devent nommé (c'est ce lairon, que ce dit compte, qui avoit achetés la_querelle Pier Burtault), ycelluy
ledit jour avoit asamblés environ trois .C. chevaulx et cent pieton, tout lairon et malvais guerson qui
n'awoie aultre guaige que ^à^ leur adventure. Et ledit jour vinrent arivés ou hault chemin ^sus la terre de
Mets^ et boutairent lez feu en .V. ou en .VI. villaige, et enmenairent buef, vaiche, et chevaulx ^et
brebis^, et plusieur prisonniet ; mais il laissirent tout railler de peur de la suite c'on leur fist.
Et premier vinrent yceulx lairon arivés à Maixerey Silley et illec boutairent lez feu, mais
incontinant le raitindairent pource que la ville est de la seigneurie de l'abbesse de Neuff Moustiet. Dellay

226

vinrent à Maixerei, là ou il brullairent environ .XI. que grange, que maison, lesquelle estoient [-] plaine de
blef, de foin et d'awaine et de plusieur aultre bien, de_quoy ce fut pitiet et domaige. Puis c'en aillairent
à_Puxe et illec brullairent deux grange et deux maison ; aprés à Ouxey et illec brullairent .V. que grainge,
que maixon ; d'illec vinrent arivéz à_Colligney et y_firent grant domaige, car il y brullairent .XXVIII. que
grainge, que maison ; item, en la ville de Mon, quaitre que grainge, que maison.
Et ce fait, on so lez nowelle en vinrent incontinant à Mets et fut sonneez la grosse cloiche
c'on_dit Meutte, et fut tantost le puple assamblés avec aulcuns seigneur ; et furent une belle compaignie
en peu de tampts, et avoie avec eulx de bonne artillerie. Mais ce fut tropt tairt, car il estoie nt desjay
en_voie et avoient rompus lez pon, telle que Domangeville et aultre. Et (393) qui eust suis aprés, je croy
c'on y eust heu honneur, mais on ne c'y oisait fiés, car à_l'eur astoient plusieurs de leur gens à Boullay, et
avec ce les Lourains estoient ensamble, par_quoy l'on ce doubtait de trayson.
Touteffois, yceulx lairon estoient cy trés las qu'il n'en powoie plus et leur fut force de
abandonner leur proie, et beste et gens. Ledit Pier Burtault ce thenoit aulcune fois à Fourpach, ou
chaitel le conte de Linange. Item, que incontinant aprés ce fait, furent messeigneur du conseil ensamble et
firent entre eulx une institucion et ordonnance assés estrange et nowelle, car il mandairent en la
chambre des Trese plusieurs des bourjois de la cité, aulquelle fut dit et comendéz qu'il fussent pbrestre
et en airme dedens ung jour dit, ou qu'il eussent homme à_leur gaige et despans pour y estre en lieu
d'eulx ; c'est assavoir que aulcuns debvoient faire ung homme à chevaulx am_point et airmé pour eulx
seul, les aultre en faisoient deux, et deux ung, ou trois à trois. Cellay fait, lez ung respondirent d'une
fasson et les aultre d'ung aultre, et y_eust de la murmure biaucopt.
Touteffois, bien au bout de .XV. jour, chacun fut arrier remendéz en justice et fut demendé à tous
l'ung aprés l'aultre ce que chacun voulloit bien faire de sa plaine voullunteis, de_quoy il y_olt errier
responce de diverse sorte ; et estoient lez plusieurs differant de ce faire, disant qu'il paioient essés de
malletoute pour avoir des gens d'airme cen ce qu'il y_allaissent eulx meisme. Cellay dit, on lez mist tout
en la chambre des compte et lez fist on venir en la chambre dez .X Treise l'ung aprés l'aultre, affin de
oÿr leur opinion ; et pourtoit la parrolle messire Fransoy le Gronaix, chevalier.
Et quant on olt tout oÿ lez opinion, on lez renvoiait jusques ung aultre jour aprés qu'il furent
derechief tout mandés en la chambre dez Sept de la guere, auquelle lieu ledit messire Fransoy le
Gronaix, chevalier ou non de tout le conseille, fist une belle hairaigue, en remerciant ceulx qui avoie heu
bonne voullunté et au contraire en lairdant lez rebelle et ranfusent. Et fut la conclusion telle que pour
l'eur messeigneur avoient trowés260 (394) asseis gens d'airme pour celle fois et que chacun demourait en
paix. De cest parrolle furent bien joieulx lez aulcuns, mais à moy, Philippe de Vignuelle, escripvain de
cest, estoit tout ung, car je avoient desjay prepairés mon cas et estoient mis pour ung homme, mais je
avoie demandé la graice que moy et ung aultre en fissent ung, et de cella me contantoie.
260trowés répété au début de la page 394 ; nous le supprimons.

227

Item, celle dite annee mil .VC. et .XIIII. fut merveilleusement de grant esperance, sowerainement
és vigne, voir en jusques à_la Madellaine, car le tampts a-paravent il avoit fait ^esteis^ le plus biaulx
tampts de jamaix et estoient lez vigne chairgiees en abondance ; par_quoy lez bon vin de l'an devent,
desquelles l'on ne powoit, tel fois fut, recowrir pour .XII. denier la quairte, furent fort ravailleis et furent
mis à .X. denier, puis à .IX., puis à .VIII., à .VII., à .VI., ^tel fois fut^, et en trowoit on ^à^ grant planté
pour le pris, car chacun desiroit à vandre.
Mais tout incontinant ledit jour paisseis, le tampts ce changeait tellement en pluye et en bruine
que l'on ne powoit ailler ne venir, tant faisoit orde et froit ; et tousjour de plus en plus ce rampiroit,
tellement que les bon vin de l'an devent furent ^errier^ remis à_pris et lez vandoit on .IX. denier à presse,
voir encor les plus manre, lesquelle, ce le tampt ce fut tenus biaux ^come il avoit esteis^, on eust heu
pour .IIII. denier la quairte.
Mais l'annee fut fort tairdive, car on n'acomensait à vandangier jusques à la Sainct Remey et fut le
tampts tousjour cy malz dispouseis que l'on toutte la vandange durant en vant et en pluie que ce fut
pitiet, et tellement que l'on eust de trés powre vin et de petit pris, et descheoie tous les jour tant pour la
grant abondance come pour-ce que l'on ne powoit chairier, comme aucy pour la crainte dez gens seigneur
Robert de la Mairche, lesquelle estoit de guerre à Bourguignon et lez ruoit jus.
Et tousteffois furent ces dit vin d'ausy grant coustange que je lez vis jamais, et coustoit ung petit
tonnéz .XII. ou .XIIII. solz, et estoient lez chairton fort chier, tant pour l'orde tampts comme pour la
grant foulle. Et quant il (395) furent tout envailxellés et tout descheus, on avoit le milleur à la tespe tout
amenés et cheriés pour .XXX. solz, et paioient la pourte et tout, et aincy les powre gens n'awoie pas
.XII. ou .XIII. solz de leur vin.
Item, cest dite annee mil .VC. et .XIIII., le bref fut causy à_paireille pris de l'an devent, .V. ou
.VI. solz le moitange et .VII. ou .VIII. solz le fin fromen, mais l'aweine fut cy chier qu'elle ce vandit .V.
ou .VI. solz la quairte. Et la nawee ce vandist .XXII. ou .XXV. solz la quairte, lez pois .X. solz et la
laine .III. frant ou .XL. solz le pois. Item, cest annee, y_olt tant grant abondance de fruit qu'il en y_olt
partie des perdus, et lez avoit on les tanre fruit comme pour rien, car on donnoit le cent de poire de
franche angoisse pour .VI. denier, on donnoit aucy .X. ou .XII. paiche pour une angevigne, et lez aultre
fruit à_l'avenant ; et sowerainement il y_olt tant de neple et cy grosse que l'on n'en sçaivoit que faire.
Cest yver fut tairiblement lait et murdois et ce ampiroit tousjour le tampts en pluye et en bruine,
tellement que l'on ne powoit rien amener en Mets et ne regnoit point merchandise, car telle fois fut que
l'on vandoit .C. solz le millier de bois et lez faigot et chairbon à_l'avenant, et la cause estoit que le tampts
devint tousjour en ampirant.
Et n'awoit encor jellés que bien peu devent le jour de l'an, et cest annee la nuit de Noé, qui fut le
dimanche, ce levait ung telz vant et une pluye qu'il sambloit que tout deust cheoir ; et le mairdi, qui fut

228

jour de sainct Estienne, fist encor pir, car celle nuit l'on cuidoit que tout deust fondre. Et durait ce
tampts causy tout la nuit, et tumbaist celle nuit plusieurs edifice, airbre et maison ; puis toutte la
semaigne, le maicredi, le jeudi, le vandredi, fist grant vant et pluye, mais sus tout le samedi, vigille du
Nowel Ans, ou deux jour devent, fist tout cedit jour cy grant et meveilleus vans qu'il n'est à dire,
sowerainement devers une heure aprés minuit, et n'awoit encor fait le paireille. Et ce dit jour y_avoit
aulcuns meciet merciet qui ce avoient allés mestre devent le moustiet et aultre pairt pour vandre, mais
tout fut gaistés et rués (396) par terre.
Oudit tampts, c'est assavoir en moix d'octoubre, nowambre et decembre, seigneur Roubert de la
Mairche et cez gens faisoient plusieurs mal en plusieurs lieu, c'est assavoir de courre, prandre et rober et
de pillier les powre gens et destrousser lez bons mairchampts, et principallement autour de Thionville.
Et de fait, ransonnirent ceulx de Richemont à trois cent frant, et jay pourtant ne furent esxurés. Et
avoient yceulx de Florhange ne sçay quelle manier de gens avec eulx qui ce apelloient Albainois,
lesquelles vailloient pir que Sarasins et faisoient dez malz sans nombre.
Or advint que durant ce tampts, le samedi aprés la Saincte Lucie, .XVIe. jour de decembre, ledit
seigneur Roubert, lequelle comme dit est au-paravent avoit tant fait de malz à ceulx de Thionville et à leur
sugect, tellement que lesdit de Thionville ne oisoient bougier ne saillir dehors de leur pourte, jay_ce que
alors en la dite Thionville y_avoit grant guernison, mais à Florhange, qui aparthient audit seigneur
Roubert et qui est tout préz d'illec, y_avoit bien quaitre cent chevaulx et plusieurs pieton, lesquelle ledit
jour .XVIe. de decembre vinrent courrir en la ville de Mairange, qui est de la prevosté de Thionville, et
cuidairent prandre le moustiet par amblee et par essault, car dedens n'y avoit alors que .VII. homme que
tout ne fussent à Thionville ^en guernison^, lesquelle ce deffandirent tellement qu'il ne furent point
prins, sinon deux powre anciens homme qui n'awoie peu monter ou cloichiéz comme lez aultre. Cy
furent yceulx prins prisonnier.
Et ce fait, boutairent les feu en la ville, tellement qu'il brulairent .VII. maison ; puis, ce fait, on
bouteis du feu d'estrains entour l'esglise pour lez cuidiet avoir, mais il ne peurent et tirairent ceulx de
Mairange plusieur copt de collevrine, entre lesquelle l'ung persait le chevaulx du capitaine de pairt en
pairt et un ung aultre persait ung pieton qui voulloit bruler sa maison et le tuait. Et aincy c'en
retournairent lesdit de Florhange cen plus (397) rien faire pour celle fois.
Mais le jeudi lundi aprés la Sainct Sebaistien, lez gens dudit seigneur Robert vinrent arrier courrir
autour de Richemont et brullairent quaitre ou .V. villaige ; et le mairdi aprés la guernisson de Thionville
tuairent .X. ou .XII. desdit de Florhange des_gens dudit seigneur Roubert. Et fut ce fait entre Fontoy et
Thionville, et en celle rancontre de ceulx de Thionville en y_olt .VI. ou .VII. des mors.
Item, en cest dite annee, le premier jour de l'an, fut trespaisseis de ce monde en l'aultre Lowey,
roy de France, qui estoit cy caducque et malaidieulz et qui avoit, comme j'ay dit devent, prins

229

nowellement une belle jonne damme, suer à roy d'Angleterre.
Item, le jour de la conversion sainct Pol, qui fut cest ans le jeudi .XXVe. jour de janvier, fut
courougnés roy de France à Rains mon-seigneur Fransoy de Waillois, seigneur d'Angoillaime, auquelle
courougnement y_olt grant triumphe et y_olt de nous seigneur de Mets.
Item, oudit ans mil .VC. et .XIIII., entour la Panthecouste, yl y_olt l'ung des serviteur à messire
Fransoi le Gronaix, chevalier, lequelle ce apelloit Jehan Lallement. Or ce avoit cellui Jehan ung peu
devent partis de Mets pour aulcune rigour et ce estoit mis avec aulcuns des alliés Burtault cy devent
nommeis qui avoit question à_la cité, tellement que environ la dite Panthecouste ce trowait ledit Jehan
luy et plusieurs aultre devers ^le^ ponton de Joiey, et illec rancontrirent ung coulple ou deux de
chevaulx aparthenant à d'Ollixey Jehan d'Ollixey, merchampts de chevaulx demourant à Mets, et à
plusieurs aultre, lesquelle il prinrent et enmenairent, malgré ^en eussent^ tout les serviteur, et estimoit on
^valloir^ cella à .VI. ou à .VIIC. frant. Et furent yceulx chevaulx butinés et perdus.
Depuis cellay fait, celluy Jehan ce repantit tellement que oudit ans, ou moix de fevriéz aprés
^venant, qui est le tamps presant^, à_la_requeste de aulcuns ce bien woullant, ce vint ledit Jehan randre
à Saincte Elisabect au-prés de Mets, cuidant ravoir sa paix, et ^là^ ce thint là une espaisse de tampt en
franchise. Mais on lui fist une maigre responce, tellement que (398) le maicredi .XIIIIe. jour dudit moix
et jour de sainct Vaillentin, de nuit environ .X. heure, c'en cuidoit ledit Jehan fowir.
Or avoit il dit, comme on disoit, que en menaissant qu'il feroit plus de mal que jamaix Burtault
n'avoit fait, tellement que la dite ^en celle^ nuit fut espiés par lez arboullethiet de la ville par le
comendement de leur maistre, et fut rancontrés sus lez foussés de la ville tout devent le gerdin damme
collette, aparthenant à cest heure à messire Regnault le Gronaix le jonne. Et illec fut ledit Jehan tueis,
nonostant sa grant deffance, car il en blaissait plusieurs, et le lundemains tout à matin fut enterrés à
Sainct Lowey, ^de_quoy grant mal avinrent de-puis, comme cy aprés il serait dit^.
Item, en celle dite annee, l'an mil .VC. et .XIIII., le jeudi .XVe. jour de fevrier, Fransoy de
Vaillois, roy roy premier roy de France de ce non, fist son antree en sa bonne ville et cité de Paris, en
laquelle y_olt moult grant triumphe, comme je vous desclairerés ycy en brief. Et premier estoit ledit
seigneur cellui jour bien acompaigniéz dez noble de son sanc et de plusieur aultre à_la chaipelle entre
Paris et Sainct Denis, comme cy aprés serait dit.
Or saillirent de Paris lez noble et plusieur gens de tous estat en la manier que vous oÿrés. Et
premier saillirent les quaitre ordre mendian de Paris avec tout les cureis, vicaires, chaipellains et aultre à
moult grant nombre de prebtre, tout revestus à croix et yawe benitte, et avec yceulx estoient encor
plusieur aultre religieulx. Item, aprés estoient les jureis dez mestiet avec leur roube de livree ; item, aprés
yceulx lez capitaine dez archiéz, moult richement acoustrés ; item, aprés les prevost dez mairechault et
eschevin moult richement vestus ; item, aprés lez officier de la ville ; item, aprés lez bourjois, lez

230

merchampz, lez grossier et aultre ; item, aprés le prevost de Paris, le (399) chevaillier du guet et aultre ;
item, lez .XI. .XX sergent ; item, aprés le greffier et comissaire, lez noctaire et advocas du Chaitellet de
Paris avec lez sergent à chevaulx ; item, avec led prevost261 de Paris mairchoient lez sairgent de la
douzenne en biaulx hocqueton argenteis ; aprés yceulx ailloient au_devent dudit seigneur lez capitaine et
leur compaignie, moult richement acoustrés ; item, aprés ailloient lez .C. pancionnaire, et aprés ailloient les
cent jantilz homme, et aprés ailloient les cent airchiés escossois ; item, aprés ailloient lez airchiéz de la
grant gairde ; item, encor deux cent airchiéz fransois ; item, aprés ailloient lez cent Suisses et chacun leur
capitaine ; item, aprés ailloient lez ambai ambaisaide de Flandre, d'Angleterre et plusieurs aultre grant
seigneur ; item, aprés messigneur les presidant, tresorier et seigneur des compte ; aucy messigneur les
general des finance et des monnoie, messeigneur les elleus de Paris, lez huisiers et messagier, herault et
poursuivant ; item alloient aprés yceulx messeigneur de la court de Parlement ; item lez quaitre presidant ;
item, devent yceulx, lez greffier et huissier de la dite court ; item, aprés lez commissaire, noctaire et
advocas de la dite court ; et aprés alloient tant d'aultre monde qu'il n'est à dire. Et tous ceulx ycy aillairent
querir ledit seigneur à trompette et à clerons, estandairt et guidons, jusques à_la dite chaipelle Sainct
Denis.
Et pour sçavoir qui estoient avec ledit seigneur, premier lez paige d'honeur avec les lecquaie, qui
menoie plusieur biaulx corsier tenant par la resne. Item, aprés venoient plusieur grant seigneur avec leur
gens ; item, aprés venoit le grant chancelliet, devent lequelle estoit unb biaulx corsiet pairés d'or et
d'airgent que deux lesquaie menoient, sus lequelle estoit ung coffre ou estoit le signet du roy sus ung
cussin de draps d'or ; item, ung aultre grant seigneur pourtoit (400) le chaipiaulx reaulx ; item, ung aultre
grant seigneur pourtoit la courougne et le timbre ; item, à l'antreez de Paris, fut ressus dez plus grant avec
le ciel et fut conduit aincy jusque Nostre Damme de Paris.
Item, de-puis la dite pourte jusques la dite eglise Nostre Dame, toutte lez rue estoient tandue.
Item, durant ce chemin estoient plusieur eschaiffault ou ce faisoient plusieur et diverse misterre pour
resjoïr le roy, et y_avoit de grant richesse et de chose moult bien faicte, lesquellez seroient tropt loing à
raiconter. Le premier mistere fut afait à_la pourte, le second à_la fontaine la royne, le thier fut à_la
Trinités, le quairte à_la pourte à Pointre, le quinte devent Sainct Innocent, le .VIe. à Chaitellet, le .VIIe.
devent le paillas.
Item, en la rue Newe devent Nostre Damme vinrent au_devent dudit seigneur ceulx de l'univercité
de Paris, et illec fist ung noble docteur une belle hairangue devent le roy ; et à_cest heure estoit l'eglise
Nostre Damme cloise et fairmee, et devent ycelle estoit l'evesque de Paris et plusieurs aultre prelas, avec
tout lez chainoigne. Et illec en celle plaisse devent Nostre Damme fist le roy le sairmant acoustumés et
puis, ce fait, la pourte lui fut owerte ; et aprés qu'il eust fait son oreson, on aillait souppés ou paillas de
Paris en la grant saille.
261Philippe écrit : avec led prevost de prevost de Paris ; nous corrigeons.

231

Item, en ycelle saille, durant ce souppés y_avoit des tauble tout alantour, et y estoient tous jantilz
gens ressus et moult richement servis. Item, en ycelle y_avoit deux eschauffault, l'ung d'ung cousteis et
l'aultre d'aultre : sus l'ung estoit la royne et plusieur grant damme, et sus l'aultre y_avoit tant de
menestré, lesquelle juoient cy doulcement qu'il sambloit estre ung droit paradis. Item, en ycelle saille
y_avoit des buffet et tenens cy chairgiéz de riche vaiselle c'on ne lez sçauroit nombrer. It em, durant
(401) ce souppés furent faictes tant de mommerie et tant de diverse presant de beste salvaige
contrefaictes comme lion, licorne, salmendre, cheraffle, ollifant, liopart et aultre. Item, des fontaine de
clairés et d'ipocras ; item, plusieurs d'icelle beste gectoient le feu par la bouche, aultre comme seraine, et
telle chantoie le plus melodieusement que c'estoit belle chose à_oÿr. Et brief, à cest antree furent faictes
tant de somptueuse chose que ce fut chose merveilleuse à lez veoir, et pour_ce n'en dis plus.
Item, en la Karesme aprés, on ce doubtoit fort à Mets pour les aidant Burtault Souffroy, et pour_ce on
mandait ^en justice^ les merchamps qui avoient acoustumés de ailler à_la foire à Francquefort et à
yceulx fut dit que c'il y_alloient, y_feroie mal et que la cité ne lez aideroit en rien, et plusieurs aultre
parrolle. Et nonostant cest deffance, la plus-pairt y allairent, dont lez ung tinrent ung chemin, lez aultre
ung aultre, entre lesquelle furent quaitre compaignon d'iceulx merchampts asseis avanturier et tropt
hairdi.
Non craindant lez annemis, ^à retour^ vinrent à passer tout par devent la plaisse ou ce tenoit
ledit Philippe qui avoit acheteis la querelle Burtault, et y_estoit ledit Burtault meisme. Et ^de^ plain jour
paissairent par illec, pource qu'il estoient bien ambaitonnés de bonne espeez, d'arboullette et de
coullevrine ; mais non-obstant ce, il furent espiéz et souprins sus le chemin et de fait furent livrés par
leur ^propre^ guides en la main des annemis. Et furent prins, liés et detenus, et leur 262 fut osteis toutte
la finence qu'il avoie sur eulx des draps qu'il avoie vandus à Francquefort, reservés ^à^ l'ung d'iceulx,
nommés Vannel Le Retondeus, lequelle n'estoit pas tropt riche, neantmoins il avoit sur lui environ .LX.
florin d'or, lesquelle ne furent point troweis.
(402) Cy fist ledit Vainel compousicion à eulx de ce ransoner et dit que illec au païs avoit ung
pairant qui l'aideroit. Cy fut mis à .XL. florin d'or de ranson et, ce fait, olt congiés de ailler vers cellui
pairans par_telz que les aultre demourairent pour luy, mais il ne fut guere loing qu'il trowait sa ranson,
car il l'avoit sur luy ; et aincy fut quicte. A ung aultre, qui estoit jantil ruste et grant jueur, fut do nné
congiet car il furent bien avertis qu'il n'avoit rien ; et cestui estoit filz à Pier Lallemens le drapiés. Le
thier, nommés Baudesson de la Pier Hairdie, avoit ung oncle au païs, frere à sa mere, et jay ce que jamais
ne l'eust veu, cy le mandait et fist tant ledit Baudesson que ledit son oncle demourait pour lui sa ranson,
qui montoit bien à .VC. frant, et le seigneur de son oncle en demourait en la mains de cestuy Philippe
par_telz ^que^ ce dit oncle en redemourait en la siengne.
Or fut laichiéz ledit Baudesson et c'en vinrent à_Mets lui et son oncle, mais ledit Baudesson lui
cuidait juer d'unegne trompe et c'en cuidait fowir et laissier ledit son oncle en la traippe, lequelle, ce
voiant, c'en aillait complaindre en justice. Mais la chose bien congnue, ledit Baudesson fut prins et
meneis en la maison de la ville jusques qu'il eust delivrés ledit son oncle, puis-qu'il l'avoit ampeschiéz, et
262Philippe écrit seur ; nous corrigeons.

232

fut la dite ranson paiees avent que jamais peust estre fuer d'enchiéz le doiens.
Et au regairt du quaitriesme compaignon, nommés Jehan de Bousse, qui estoit jantilz ruste et
homme de guerre, il fut mis à mil frant de ranson. Et ne wourent point les seigneur de Mets que l'on le
raichetait, ains demourait moult longuement en prison, de_quoy c'estoit pitiet et domaige. Dieu en
gairde tout bon mairchampts.
Item, en cest dite anné mil .VC. et .XIIII., on fist woulter l'eglise (403) pairoichialle de Sainct
Gorgonne devent la grant eglise de Mets, et en faisant lez fondement pour les boutee, l'on trowait cy
grant multitude d'ossemens de gens mors qu'il n'est à_croire ny à_nombrer ; et fut du cousteis de la
ruelle vers la maison Hanrequiel Le Merchamps, car il y_avoit les teste entaircellee les une dessus les
aultre, puis les aultre ossement paireillement ^à_l'avenent, et^ tellement que c'est une chose
innumerauble ; et croy que és trois milleur pairoiche de [-] ^la cité^ n'en y_ait pas autant.
Pui[s], aprés cest fousse, l'on trowait encor une woulte soubz terre, laquelle est toutte plaine
d'aultre ossement et en y_ait cen nombre, par_quoy je croy que la plaisse de devent le moustiet ^la grant
eglise^ soulloit au tampts paisseis estre cimetier, comme aucy il ce mort montrait quant on fist lez
fondement des newe bouticque ^qui sont devent et encontre l'esg[lise] de Sainct Pier^, par les corps et lez
sercus que ce y_trowairent. Et ^est à_croire^ que quant on on fist ^de celle plaisse^ terre prefanne, l'on
print yceulx ossemens et lez mestre aincy ^mist on en ce lieu^ en grant fousse en l'eglise Sainct
Gregoire.
Item, en cest dite annee mil .VC. et .XIIII., y_olt à_piedz deschault à Mets ung frere qui
preschoit sur tout bien à_grés dez plusieurs, et ycellui à jour du grant vandredi preschait à_la grant
eglise, là ou il y_olt moult grant puple, et fist faire ce que jamais n'awoye veu, car en preschant la Passion
ledit frere fist crier plusieur fois misericorde et avoit fait auprés de son eschaiffault une chaipelle de
tapisserie, en la-quelle estoit Corpus Domini.
Et quant ce vint que l'on clowoit lez clois de Nostre Seigneur, il y_avoit ung homme que l'on ne
veoit point qui fraipoit par trois fois trois corpt sus une enclume, puis il allevoit ung crucifis en hault et
faisoit crier misericorde. Puis +Et aprés+, une aultre (404) fois, il monstroit Corpus Domini et faisoit
errier crier le puple misericorde. Aucy en jugeant que Pilatte faisoit et avent qu'il donnist sa santance, il
fist corner une trompette à haulte vois. Et fist ce dit frere plusieurs aultre chose que je laisse.
Derechief au jour de Paicque, en preschant la Resurection, il fist merveille, car au lieu de l'Ave
Maria il fist chanter lez ch chantre et anffans de cuer de la grant eglise, et ung peu devent la fin, en
monstrant que lez ange chantoie en paradis pour la noble Resurection, il fist corner lez grosses orgues.
Item, de tout cest yver ne fist neige q en ce païs de Mets que l'en n'eust bien boutéz en ung
chaipel ne ne gellait tant fort qu'il eust pourtéz une gelline, jusques à_la semaigne Sainct Benoy en
Karesme qu'il gellait moult fort par toutte la dite semaigne. Et pour le doulx tampts qui aparavent avoit

233

esteis, lez viollette de Karesme estoient desjay causy faillie et estoient plusieur airbre en fleur ou en gros
bouton. Et durait celle jellee bien .X. ou .XII. jour, et le jour dudit sainct Benoy naigeait toutte la nuit et
tout le jour, mais elle [-] fondoit tout en cheant.
Item, en ce dit jour sainct Benoy fut fait maistre eschevins de Mets seigneur Philippe de
Raigecour, lequelle l'avoit desjay esteis deux ans devent.
Item, il ne fist oncque cy froit de tout l'iver qu'il fist le jour de Causy-modo mil .V C. et .XV.,
lequelle jour estoit .VIII. jour devent la Sainct George ; et le lundemain, qui fut le lundi, negeait tout le
jour et fit moult froit, jay ce que alors estoient lez airbre moult bien flory, par especial lez poiriés.
Item, en celle dite anné, le jeudi devent la Sainct (405) George, vint en Mets ung legat de
Romme, lequelle apourtoit ung merveilleux pardon et avoit moult de gens avec lui ; et disoit on que lez
deniet qu'il en refaisoit estoit pour reffaire l'eglise de Sainct Pier de Romme. Aultre disoient que c'estoit
pour anrichir ces powre pairans, mais coment qu'il en fut, il fist dresser la g crois au grant moustiés de
Mets le premier jour de may, et fut ce jour acomenciet lez grant pardon comme à grant jubillé de
Romme.
Item, ce dit jour de maye, jour de sainct Jaicque et sainct Philippe, fut consacréz abbé de Sainct
Arnoult messire Dimanche, religieulx de leans, lequelle demourait abbé parmy grosse passion qu'il
donnoit chacun_an à ^reverand pere en Dieu^ Jehan de Loraine, evesque de Mets, ^comme dit est
dev[ent]^, et encor parmi ce que ledit ^evesque^ Jehan debvoit demourer abbé aprés la mort dudit
seigneur Dimenche, voir c'il le sourvivoit. Et eust mieulx vaillus pour la powre eglise que ledit seigneur
Dimanche eust creus conseil, car les seigneur de la cités ou lez aulcuns voulloient que ung notauble
seigneur de la court l'ampaireur qui desiroit d'estre abbé le fut, et voulloit ledit seigneur mettre ledit
messire Dimenche gou gouverneur general de toutte l'abaïees et avec ce luy donner chacun ans grosse
pancion, et par aincy ne fut point la powre ebaihiees despoullié, nengaigiees ne endebtee comme elle fut.
Item, que en mon tampts ce sont fait moult de nowiaulx edifice noble et riche, tant en Mets
coment en Louraine, car à_paine y_ait guere nul eglise en Mets là ou je n'aye veu owrés, par especial
à_la grant eglise et és pairoiche ; aucy ait veu faire la tour de Meute et le cuer du grant moustiet.
(406) Item, j'ay veu faire toutte newe l'eglise de Sainct Siphorien, Sainct Luvier, Sainct Maircel,
Sainct Fairroy, lez Repantie et p plusieurs aultre, paireillement, le pon et la waine du Salcey, la maison de
Passe Tampts et celle de mon-seigneur d'Aignerei ; et tout ceci devent ait veu faire de fon en fon.
Paireillement ait veu en_l'anviron mil .IIIIC. et .IIIIXX. que la ville de Nomini fut pawee pour la premier
fois, car jamais ne l'avoit esteis.
Item, peu de tampts aprés fut faictes de fon en fon la maison du prinse à_Pon. Item,
pairaillement ait veu faire les mur de Nancey tout neuf avec le groz billevairt.
Item, environ l'an mil .VC. fut faicte l'eglise Sainct Nicollay à Wairengeville, la-quelle par avent

234

estoit une moult laide et vielle eglise. Item, ung peu aprés fut faicte toutte newe la maison du prince à
Nancy, laquelle par avent estoit moult laide.
Item, en l'an mil .VC. et .XIIII. fut pawees la ville du Pon à Mouson, laquelle ne l'avoit aparavent
jamais esteis, et estoit l'une des orde ju ville que jamais je vis. Et plusieur aultre edifice 263 digne de
memoire ce sont faicte en mon tampts.
Item, en cest dite annee mil .VC. et .XV., ou mois de jung, retournait mon comperre maistre
Fransoy Colligney de Romme, lequelle y_avoit esteis .VII. quair d'an pour le fait de damme Perratte, fille
à seigneur Pier [-] Baudoiche, pour la-quelle ledit maistre Fransoy estoit procureur en_l'ancontre de
seigneur Androwin Roucel, son marit, comme il ait cy devent esteis dit, en fasson telz que le jugement en
fut fait à Romme par une bien estrange fasson, car en paiant la somme de deux mil ducat, comme on
disoit, fut donnés à la dite damme Perrette lisance de ce remarier, et par cellay fut (407) reboutés ledit
seigneur Androwin, lequelle estoit de nowiaulx retournés de Romme ; et y_estoit encor seigneur Nicollay
Baudouche, s le protonotaire et frere à_la dite damme Perrette. Et fut cest somme paiees à_bancque
à_Lion moienant l'ayde de l'evesque de Liege et de messire Robert de la Mairche, leur oncle.
Item, en celluy tampts, le nowiaulx de +roy de+ France faisoit plus grande assamblee et plus
grant amasse de gens pour ailler és Ytaillie que n'avoient oncque fait les aultre rois ces predissesseur. Et
estoit cest assamblé sowerainement faicte pour ailler reconquester la duchiés de Millan264, neantmoins
que ledit roy avoit fort partie et contraire à_lui, car nostre sainct pere le pape luy estoit contraire ; aucy
estoient les Espaignol et sowerainement lez Suisse, lesquelle y_estoient aillés à telle puissance qu'il n'y
avoit riche ne powre que, c'il powoit pourter baiton, que ne fut contraint d'y aller.
D'aultre pairt, ledit roy avoit fait une merveilleuse assamblee, tant à_piedz que à_chevaulx, et y
estoient tout capitaine et guernisson mandees avec tous ces sougect et alliés ; et avec yceulx avoit plus
de .XXXVI. mil lancequenet allement, gens de piedz, et avoit plusieur capitaine de gens d'airme, entre
lesquelle y_estoit messire Robert de la Mairche pour l'ung d'iceulx capitaine ; paireillement ces deux filz,
c'est assavoir mon-seigneur de Florhange et mon-seigneur de Jamais. Et y estoit ^mon-seigneur le duc de
Louraine et le duc de Gueld Gueldre^, le grant gouverneur de Champaigne, et tant d'aultre que
merveille ; et avoit ledit roy de France les Weniciens de sa partie avec la cité de G Gennes et plusieurs
aultre, et est digne qu'il y_ait une grande melleez et piteuse occision. Dieu par sa graice y meste265 paix.
Amen.
(408) Item, oudit moix de jung, je, Philippe de Vignuelle, et plusieur aultre partis de Mets pour
ailler à Landis à Paris, et aillaimes par le chemin acoustumés. Mais au retour, l'en nous dit et fumes
advertis que aulcun traystre de l'aliance ^Pier^ Burtaud Souffroy cy devent nommés estoient
263Philippe écrit edificice ; nous corrigeons.
264François Ier, descendant de Valentine Visconti, estime avoir des droits sur le duché de Milan, alors tenu par les
Suisses au nom du duc Maximilien Sforza.
265Philippe écrit messe ; nous corrigeons.

235

journellement à Sainct Denis et espioient nostre despairt pour ruer sur nous et y_pranre adventaige,
par_quoy, ung matin devent le jour, nous partimes de Paris pour tenir le chemin de Troye.
Et premier vinmes au pon à Chaillanton, de là à Cretel, puis à Baissy, aprés à Brienne conte
Roubert, puis à Suyne, dellay à Monmarentin puis à Guignes, dellay à Provins puis à Noujan sus Saine,
dellai à Pawillon, puis nous arivaimes à_la cité de Troye. D'illec nous arivaimes à Coulowerde, puis à
Rommereu par ou paisse la rivier d'Aube ; de là nous vinmes ariver à Braiban puis à Resellier, dellay à
Monciau, puis ou paisse la rivier de Mairne, et dellay à Sainct Disiet ou Pairtois ; puis en ung villaige par
ou court la rivier de Sault, à deux lieue de Bair +le Duc+, et de ce villaige arivaimes à Bair Bair, en
laquelle court la rivier d'Ornais, ^et^ de Bair à Longeville puis à Tronville et dellay à Nanseu, puis à
Sainct Aubin et à Menin, della à_Wé aprés de Sorxey ; puis l'on paisse par Paigney, puis à_Fault, et de
Fault vinmes à_la cité de Toult ; de Toult arivaimes à Pon à Mouson, puis à_la cité de Mets. Et vellay le
chemin que nous avons266 tenus pour la doubte des gens Bourtault.
Item, en ce meisme ^ans, ou^ moix de jullet mil .VC. et .XV., Joiachin, filz fut267 au seigneur Jehan
Chaverson que fut, apousait et print à femme l'une dez fille que fut au seigneur Conraird (409) de Serier,
auquelle nopce y_olt grant triumphe, car aprés le souppés en la newe saille ce trowairent .VI. jonne
seigneur, tant mariet comme à marier, lesquelle estoient tout airmés de piedz en cappe et blan come ung
sainct George, l'espee toutte nue à_poins, et aincy abilliet antrairent en la saille, c'est assavoir trois par la
pourte devers le Champs Paissaille et les trois aultre antrairent vers Visineus, et une chacune desdite
partie avoient trompette et gros tambourin avec eulx.
Or, pour vous dire qui estoient les partie, de l'ung des cousteis estoient les trois filz seigneur
Philippe de Rougecourt, c'est assavoir : pour le premier, seigneur Philippe, alors maistre eschevins de
Mets, lequelle estoit moiens desdit trois frere ; le second estoit seigneur Nicollay, seigneur d'Ancerville, qui
estoit le plus annés ; et le thier et le plus jonne, c'estoit damoisiaulx Joffroy de Rougecourt, ^leur frere^.
Et de l'aultre partie estoient seigneur Nicolle Dex, qui estoit jandre à seigneur Fransoy le Gronaix, et le
second estoit damoisiaulx Michiel, filz audit seigneur Fransoy ; et le thier estoit ung jonne seigneur
fourains qui estoit au gaige de la cité.
Et en antrant en la saille que chacune desdite partie firent, il ont faictes la reverance au damme
bien et honnestement, puis de chacune partie ce ^en^ aprouchairent ung, c'est assavoir, pour les deux
premier ce fut ledit seigneur Philippe, maistre eschevin, lequelle vint en_l'ancontre [-] dudit seigneur Nicolle
Dex, et en ce aprouchant ce fiert de toutte leur puissance, tant que le feu en sault de leur hairnais et
espee, et ce donnairent de bon horrion, tant que les soudoier qui là estoient comis les despartirent ; et en
ce faisant sonnoient trompette et tambourin, ^que biaulx faisoit oÿr^.
Puis ce aprouchairent damoisiaulx Joffroy et le soudoier fourains et c'en (410) firent autant, et
266Philippe écrit avonns ; nous corrigeons.
267Philippe écrit filz que fut ; nous supprimons ce que qui est repris dans la suite de la phrase.

236

aprés que l'on les eust despartis vint domisiaulx Michiel en_l'ancontre du seigneur d'Ancerville, et
paireillement yceulx firent comme les aultre et ce donnirent de bon et lourt copt. Et aprés que l'on les
eust despartis, les dit trois frere tous ansamble ce refiert audit trois aultre tout à une un fois, voir que
chacun estoit à son homme, et illec ce redonnairent de grant et lours corpt, jusque à_tant que derechief
l'en les despertit. Puis, ce fait, reboutairent leurs espees au fouriaulx et prinrent les jonne damme pour
mener dancier, et aincy airmés qu'il estoient ampoign[ait] chacun la siengne ; et aprés quaitre ou .V. dance
prinrent congiéz et c'en aillairent banqueter ; et vellay tout.
Item, en ce meisme ans, le .XXe. jour dudit mois de jullet, vigille de Sainct Victour, avint à Mets
une aventure d'ung jonne filz, lequelle estoit serviteur à seigneur Thiebault le Gronaix et estoit filz à ung
cordiet de la pairoiche dudit Sainct Victour. Ycelluy jonne filz estoit dessus ung gros et puissant
chevaulx dudit seigneur et cy le menoit abrever auprés de l'eglise de Sainct Mercel, et en allant ce a avisait
de c'en ailler parler à son perre, lequelle estoit auprés dez mur de la ville besonnant de son mestiet de
cordiet entre lesdit mur et Sainct Vincent.
Or, on avoit durant la guere mis à_travers du chemin dez grosse chaine qui prenoie du mur de la
ville à mur de la g cloeson de Sainct Vincent, affin que l'on n'y peult paisser. Mais ce guerson estoit cy
bon chevaulcheur que le plus sowent faisoit saillir son chevaulx tout par dessus la chaine, et tellement
que encor à cest fois le fit saillir tout oultre affin qu'il aillait parler à son perre ; mais de copts de malle
fortune, le crampont (411) du fer de dairiet demourait en la +dite+ chaine et antrait dedans en fasson
telle que le chevaulx, qui estoit gros et puissant, cheut sus ces genoulx, et le guerso n cheust la teste
devent en terre et ce desnoiait le col.
Mais aincy que le chevaulx ce voult relever, il tirait cy grant copt la chaine qu'il rompist le mur et
saillist dehors d'icellui ung ^mur unne^ grosse pier de taille, en la-quelle estoit celle chaine
encranponnee et misse en pbloncque ; et vint celle pier à donner cy grant copt sus la teste dudit guerson
qu'il lui desfroissit tout, et aincy mourut devent son perre, de_quoy ce fut pitiet et domaige. Et le cuidoit
avoir son perre le lundemains à sa feste, mais la feste fut trés_piteuse pour luy. Dieu luy pardoint.
Item, cest dite annee mil .VC. et .XV. ans fut d'unegne merveilleuse condicion et toutte contraire
aus aultre, sowerainement à celle de l'an devent, car premierement elle fut fort pluvineuse et moiste et
fist trés grant froit sowerainement à_l'a-comencement et plus qu'il n'avoit fait en yver. Et puis, quant ce
vint en jullet, il fist encor plus froit que devent, sowerainement à son acomencement, et durait jusques
à_la fin d'owoust. Et croy que l'en ne vit jamaix faire ung paireille tampts ne cy froit esteis, car il n'y
avoit jour qu'il ne pleust deux ou trois fois, et eust on merveilleuse paine à_lever les foins, et encor pir
pour les blef, car il en y_olt cest ans biaulcopt des gaisteis et dez germés, et furent en cest esteis les
rivier toutte hors de rive.
Et ce ampiroie lez merveilleuse[ment] (412) avec ce qu'il n'y avoit guerre de raisin és vigne, il ce

237

ampiroie merveilleusement, car lez ung [-] estoie coullés, les aultre ambruciet, et estimoit on que le rest
ne muriroit jamaix ne ne vauldroie rien. Mais quant au contraire de l'an devent, quant ce vint
à_l'acomencement de septambre, Dieu y mist sa graice et envoiait le plus biaulx tampts et le milleurs
pour les vigne que jamaix homme eust veu, et tellement que ce peu de raisin qui estoit demoureis
amandairent et multipliairent cy bien, et avec ce devindrent tant mur en peu de tamps que ce fut chose
merveilleuse, et tellement que le chairaulx de vin, que au-paravent les vigneron eulx meisme ne prisoient
que trois frant ou .XL. solz, fut alors mis à .VII. frant ou à .VIII. ^frant^ pour la bonté d'icelluy vin,
lequelle aparavent on estimoit qu'il ne vauldroie pas le cuillir.
Et acomensait proprement ce biaulx tampts en la propre semaigne en laquelle, l'an devent, il
acomensait à plowoir, et pour_ce fut celle ^annee^ toutte contraire à l'an devent, car tout aincy que la
pluye et le lait tampts durait jusque en vandange oudit ans devant, ^aincy^ durait ce biaulx jolly tampts
de cest presante annees jusque en vandange ^et encor aprés ; mais il y_olt quelque fortune, comme vous
oÿrés^. Et encor au contraire de l'an devent qu'il y_olt tant de fruit, en cest pres dite annee il n'en y_olt
nul, fort qu'il y_olt tant de noix que l'en ne les sçavoit ou mestre.
Item, en ce moix de jullet furent mandés en justice tout les mairchampts de Mets qui avoient
acoustumés de ailler à Francquefort, et à yceulx fut deffandus sus corps et sus bien qu'il n'y aillaissent
point, car les annemis des gens Burtault ne voulloient venir à journee (413) ny à_traittiet, sur esperance
qu'il avoie de destrousser ou ruer jus quelque bon mairchamps ; et n'avoient yceulx lairon aultre gaige
que leur adventure.
Item, durant celle dite foire, aulcuns merchampts de Sainct Nicollay furent prins et rués jus eulx
et leur mairchandise, et firent cest chose ung ostelliet de Sainct Nicollay à_qui l'on avoit confisqués cez
bien pource qu'il estoit fuitif pour ung siens serviteur qui avoit tués, ^comme on disoit^. Et avec luy
estoit Richair Waulle dudit Sainct Nicollay, ^comme on disoit^, lequelle soulloit estre le plus riche
mairchampts de Sainct Nicollay et avoit grant terre et possecion, car il avoit bois et rivier, four et mollin
et grant tinture, et tenoit bancque à Sainct Nicollay, à Lion et ailleurs ; et estoit merveille que de son fait
et estoit ung trés biaulx personnaige. Mais je ne sçay à vray pour_quelle cause il fut en la malle graice du
prince et luy furent tout ces biens saisis et confisqués en faison telle qu'il fut loing tampts fuitif en
pouchaissant son cas, mais en-fin, quant il vit qu'il n'en poult joïr, en v ^voulloit dire qu'il^ ce
acompaignait avec ce devent dit oste.
Et trowairent incontinant des malvaix guerson en ces Allemaigne, +nomméz+ ^les Saincquen,
avec aulcuns conte^, avec lesquelle il ont rués jus, prins et destrousser ces devent dit mairchamps,
de_quoy c'est moult grant pitiet et donmaige, et moult malz fait à l'ampaireur qu'il n'y mest remide
quant aincy l'en sont destroussés et desroubeis en son païs et Ampire, tellement qu'il n'y ait homme qui
oisaicent seurement ailler ne venir. ^Touteffois, peu de tampt aprés, il furent laichiéz franc et quicte

238

pour[ce] qu'il avoient saulconduit^.
Item, en celle dite annee mil .VC. et .XV., je, Philippe de Vignuelle le merchampts, compouseur
de cest presante cronicque, translantis et mis de encienne rime en prouse le livre de la belle Biautris et
cellui du Lourains Guerin268, et fist paireillement ^et compousait^ ung livre contenant ou compte joieulx
(414) cent nowelle ou compte joieulx269, lesquelle furent fait et achevis en cest esteis en l'an dessus dit,
en la fourme et manier comme veoir les poureis, non_pas que je lé disse ou lé messe ycy pour chose que
l'ewre en soit bien faistes, mais affin que y amendés ce aulcune faulte vous y troweis.
Item, en celle meisme annee, durant l'esté furent faicte ^à Mets^ plusieurs owraige au fray de la
ville, desquelles au-paravent jamaix n'en y avoit point heu. Premier, sus la rivier de la haulte Saille furent
fait des mollin à quewe, telz comme vous les veés à presant. Item, tout du loing de la rivier de Muselle,
en Rampoult, furent faicte les mur au loing du ri rivaige, lesquelle a-paravent estoit ung trés imfame lieu
de fomeroy et d'ordure, ne jamaix n'en y_avoit nul heu. Paireillement furent fort ramendéz lez chemin
entre Longeville et Mollin et y furent fait deux neuf poncel de pier, là ou jamais n'en y_avoit point heu.
Et en faisant les fondement de l'ung d'iceulx, l'on trowait merveilleusement grant foison de teste
de gens mors gectees et mise en terre l'une sus l'aultre cen regairder coment, et y_avoit aucy plusieurs
aultre ossement, mais aulcune d'icelle teste estoient la faisse dessous ou de cousteis et loing des aultre
os. Et fault dire et est à croire que ung tampts fut illec faictes aulcune baitaille et grant tuerie, car l'on y
trowoit avec eulx de grant piesse de fer telle comme de leur airmure ou espee, lesquelle estoient
enroilliés et pourrie ; mais il y_ait cy loing tampts que ce fut qu'il n'y ait à jourd'ui homme vivant que
jamaix oÿt parler que illec y_eust faictes baitailles ne mellees. Touteffois, c'il sont crestiens, Dieu p ar sa
graice leur pardoinct leur faulte, car on lez_laissait illec.
Item, ledit ans, le .XIII. .XIIIe. jour de septambre, vigille de la saincte Crois, fut une merveilleuse
tuerie entre lez Fransoi et lez Suiste, (415) +et fut cest baitaille faicte auprés de Plaisance, en
Lumbairdie+270.
Item, en celle meisme dite annee .VC. et .XV., ou moix de septambre, le .XXI e. jour, par ung
vandredi, jour de feste sainct Maithie apouste de Dieu, ce dit jour tout au matin devent le jour en la cité
de Mets lez banneret de chacune pairoiche vinrent par l'ordonnance de justice baichier aus huis d'une
chacune maison de ^leur pairoiche^ et dire que ung chacun271 fut en airme prestre et en point et qu'il ce
trowist ou Champts Passaille. Et la cause estoit car plusieur nowelle et de diverse lieu estoient la nuit
devent venue à messeigneur lé Sept de la guere, et leur fut raipourté coment ces lairon, ^le^ conte
^Francisque avec Philippe Slucterte^ cy devent nommés, qui avoient avoient la querelle Burtault en
mains, estoient lors sus lez champs et en airme, acompaigniéz de trois à quaitre cens chevaulx, et
268A VOIR
269IDEM
270Il s'agit de la fameuse bataille de Marignan, dont les Français sortent vainqueurs.
271chacune corrigé en chacun par l'auteur.

239

avoient yceulx lairons deliberés de faire une reise sus le païs de Mets, comme il estroit vray.
Et pour_ce le conseille fut mis ensamble à heure de minuit et fut determinéz de leur ailler au
devent à mains forte. Et aincy en fut fait, car le maitin, comme dit est, fut le puple amsamble et aulcuns
de nous seigneur à ce comis, acompaigniés des soudoieur bien airmés et am_point avec lez verlet de piés,
ce mirent sus lez champs avec aucy quelque .VII. ou .VIIIC. compaignon de piedz bien am_point et avec
.VII. ou .VIII. piesse d'airtillerie. Et aincy ^en272 bon orde^ c'en aillirent ce tenir par les villaige ou hault
chemin affin de rancontrer (416) nous annemis ; et alors l'on leur menait dez vivre, c'est assavoir pains,
vin et hairans, car il estoit vandredi, et le rest, comme euf et formaige, il le prenoie par les villaige.
Puis, ce fait, l'on mandait par tout les villaige que tout ceulx qui estoient prins et nommeis dés
loing tampts devent fussent preste et am_point et que le dimanche en suivant, à .XII. heure, ce
trowaissent ou baille du pon des Mors ; et aincy en fut fait. Mais on ne lez laissait aller plus ava nt, car
tantost le lundy aprés nous seigneur furent advertis que les annemis retournoient arrier et qu'il avoient
bouteis les feu sus la terre de Louraine en je ne sçay quelle villaige devers Boullay, par_quoy il
ranvoiairent arrier chacun en sa chacune en remerciant le puple de leur bonne voullunté, et leur fut dit
que l'on ce tenoit contant d'eux, car la nuit devent lez ^dit seigneur et gens d'airme lez^ avoient aproweis
en leur donnant une alairme de nuit et trowairent qu'il avoie heu couraige.
Puis, le mairdi, retournairent lesdit seigneur et aucy firent lez gens d'airme, et ne fut aultre chose
faictes pour celle fois. Mais tout touteffois, ung revendeur nommeis Simonin Hurtebise en fut mis à
l'ostel de la ville à pains et à l'yawe pource qu'il ce railloit et ce avoit mocqués de l'airmee et demandoit à
avoir la malletoute du butin qu'il avoie ramenéz, par_quoy on le laissait quaitre jour et quaitre ^nuit^ en
fon de fosse en pain et en yawe, comme dit est, dont il en fut luy meisme biaucopt railliés de-puis,
pourtant qu'il estoit tropt raillair273.
(417) Item, +en+ la +et+ vandange de cest ans mil .VC. et .XV., il fist ung moult biaulx tampts
et estoient moult bien amandés ce peu de raisin qui estoient au champts, tellement qu'il estoient desjay
plus meur que l'en ne cuidoit jamais qu'il deussent estre par le lait esteis qu'il avoit heu fait, comme dit
est ^devent^. Mais touteffois, la justice desirant que lesdit vin fussent encor milleur mirent les ban partout jusques au lundi aprés la Sainct Michiel, qui estoit le jour sainct Remey, et la Sainct Michiel fut le
samedi devent. Touteffois, quant ce vint le jeudi devent et que l'on vit que le tampts ce reffroidoit, l'en
rompist les bans et donnait l'en lisance de vandangiés par-tout ; et vandangeairent aulcuns, et les aultre
non.
Or advint que ledit jour sainct Michiel, il pleut une trés_froide pluie sus le tairt et ce refroidait
tellement le tampts d'ung merveilleux froit vant d'Airdaigne que l'en ne powoit durer de froit, et puis ce
esclairsit le tampts toutte la nuit et gellait pour celle nuit à grosse glesse, tellement que tout les raisins
272en doublé dans le manuscrit.
273Dans la marge inférieure, phrase d'annonce : le blef devint chier, le fromen à .IX. solz la quairte.

240

qui n'estoient pas meur, sowerainement les blan raisins, furent tout engellés et gaisteis ^en plusieur lieu^.
Puis le lundemain, qui fut le dimenche, geillait tout le jour et la nuit ensuivant treffort, et n'y avoit
homme vivant qui eust jamaix veu cy fort gellés devent la Sainct Remey.
Et par la force de ycelle gellee aincy faitte descha ces deux nuit devent deschairent lez raisins
d'ung quairt, dont ce fut moult grant domaige par tout le païs, car seullement en ma pairt je en fus à plus
de .XXV. frant de domaige. Touteffois, lez vins furent encor bien bon 274 (418) et furent cy fort requis
+au villaige+ que durant le court de la vandange l'en ne veoit que mairchampts pour les acheter, et
vandoit qui voulloit donner une petitte cawe pour .X. frant ou ou ^pour^ .V. florin de Mets, voir ou o il
estoient bon et vandangiés devent la gellee, comme à Lessey, Sciey et là antour. ^Mais de-puis il
descheurent tousjour de [pris] jusques prés de l'aultre vandange qu'il revinrent en leur pris^.
Item, durant le court d'icelle vandange avint une adventure au pour d'Ay sus Muselle, et fut telle
que le pontegney avoit trops chairgiés sa nef, tant de chair, de chairette ou estoient aulcuns chairaulx
plain de vin, comme de gens, entre lesquelle y_avoit ung double chairaulx de Saincte275 Glossine, et
tellement que ledit pontegney fut mal regairdant à_son fait et enfondait sa nef en l'yawe, et fut noyés
ledit pontegney luy et ung sien filz, et tous les aultre ce salvairent ; entre lesquelle en y_olt ung que,
quant il vit le peril et dangier, il yl ampoingnait ung chairaulx qui estoit wuit par le bondon et boutait sa
mains dedans, et en cest estat tournoiait deux ou trois fois en l'yawe cen que dessus dessoubz, et affin
vint à rive et ce salvait ; et ung aultre montait sus ung chevaulx et fut ledit chevaulx noyés soubz luy, et
luy ce salvait. Et incontinent c'en aillairent à Sainct Nicollay tout deschault et en lange. Et lez chairaulx
qui estoient plain de vin c'en aillairent à_fon de l'yawe, mais en fin furent repaichiéz.
(419) En ce tampts ce acomansairent les fondement de la grosse tour sus le quairt de la
fontaigne de Maigois, qui fait le quair du baille dez Waisieulx, et tellement que le .XVIe. jour du moix de
nowambre, l'an dessus dit .VC. et .XV., fut mise mise et esseuttes la premier pier d'icelle tour. Et alors
estoit maistre de la muraille et de toutte la faubricque d'icelle seigneur Nicolle de Heu, chevalier et seigneur
d'Aignerei, lequelles, ce dit jour, du maitin fist chanter une messe du sainct Esperit en laquelle lui
meisme fut à_l'oÿr et fut à l'offrande, et avec luy fut damoisiaulx Nicollay, son aignés filz, et Robert, son
second filz, avec aucy le maistre masson de la cité, [-] nommeis maistre grant Jehan, acompaigniet de
tout lez owriet et manowriet.
Puis, le service divin fait et acomplis, l'on aillait esseoir la dite pier, en laquelle fut entailliés une
foussette comme ung mortiet, et dedans ycellui trous furent mis et pouseis deux voirre plains de vins,
l'ung rouge et l'aultre blan. Puis fut illec mis et pouseis ung biaulx florin de Mets par ledit seigneur et ung
florin de Horne vaillant .X. solz par damoisiaulx Nicollay, son aignés filz, et je_ne sçay quant g.276 de
274Dans la marge inférieure, phrase d'annonce ou ajout non rapporté au texte, difficilement lisible : et lez vandoit on .X.
[-] la quairte en [-] [-].
275Philippe écrit Sainct ; nous corrigeons.
276g avec tilde bouclé : abréviation non résolue.

241

Mets par Robert, son cecond filz.
Et ce fait, fut mis en une aultre petitte foussette une taublette et asseis prés de la premier une
taublette de pblomb en laquelle est escript l'an, le jour que ce ewre fut faictes et ^acomencee, et^ qui en
fut l'owriet, et aucy le non desdit seigneur qui alors estoient maistre de la muraille, et quelle ampaireur
regnoit pour cest ans, paireillement qui estoit roy en France et qui estoit maistre eschevin en Mets. Et
puis, ce fait, on recowrit lesdit pertuis et fut tout [-] anmureis dedans et y demourait tout, fort que les
piece d'or et la monnoie, car je croy que lez masson ne lez y laissairent pas.
(420) Item, ce meisme jour .XVIe. de nowambre furent les yawe et les rivier cy grande et cy hors
de rive que de loing tampts devent n'awoient esteis cy grande cen glaisse, car toutte l'ille du pon des
Mors estoit cowerte d'yawe, de-puis les Waissieulx jusques aprés de Sainct Mertin.
Item, tout cest yver fut tairiblement moiste et pluvineux cen geller aucy peu ou encor moins que
l'an devent, ne ne gellait de-puis la vigille de la Sainct Michiel que les vigne furent engellee comme dit est
dessus, en jusques au jus jour du Nowel Ans, premier jour de janvier, auquel jour gellait quelque peu
et .II. ou trois jour aprés, et cheut paireillement ung peu de neige, ^mais ce ne fut rien^.
Item, en ce meisme ans, en la semaigne saincte Lucie devent Noé vierge et martir devent Noé,
mon-seigneurs de Jamaix, filz à seigneur Roubert de la Mairche, deffiait la cité et tout leur aidans, et avec
ce les chainoigne et tout les chaipitre de la grant eglise ^de Mets^, et deffiait aucy mon-seigneur le
souffraugan de Mets et mon-seigneur de Sainct Mertin devent Mets.
Et la cause estoit pourtant que damme Pairette, fille à seigneur Pier Baudouche et niepce audit
seigneur Robert, avoit heu ung peu devent santance pour elle à Romme encontre seigneur Androwin
Roucel son marey, pour laquelle santance à avoir lesdit des Baudouche avec ledit seigneur Roubert de la
Mairche avoient paiet grant somme de ducat, comme cy devent en ung aultre lieu est dit.
Et par celle santance en avoit nostre sainct perre le pape remis la chose sus led it soufraugant de
Mets, sus mes-seigneur de chaipitre et (421) sus ledit seigneur de Sainct Mertin pour tausseis lez frais et lez
arrieraige et levees dez terre et seigneurie de la dite damme Pairette, pour la-quelle chose ledit seigneur
Androwin, ce santant foulleis de la santance, avoit retournés à Romme et avoit rapelleis de la Routte à
sainct Conseille, qui est le dernier jugement et la dairnier santance.
Or ne sçay je ce son apellacion fut receupte ou non, mais ce tampts durant, lesdit de la Mairche
voulloie que lesdit seigneur d'eglise en fissent leur raport, et avec ce que nous seigneur de Mets du
conseille et de justice remisse la dite damme Perrette en possession de ces terre et seignerie, que ledit
seigneur Androwin tenoit - ^et estoit alors^ ledit seigneur Androwin obsant -, ^et que la dite damme fut
ramboursee de toutte les levee du c'on avoit fait de ces terre et seigneurie^, mais nous dit seigneur, n'en
woullant rien faire, le differoie ce eulx meisme ne monstroie souffisante santance et plait finis, par_quoy
^tellement que^ cen offance il puisse ce faire.

242

Par_quoy ledit seigneur de Jamaix pour cest cause deffiait la cité et tout le chaipitre, comme dit
est, et demendoit grosse intairaisse, et pour cest cause y ^en^ furent ^à Jamaix^ par deux fois a aulcuns
dez nos seigneur à Jamais ^devant dit à_ce commis^ pour en faire la paix, et ne powoient trower acort
vert ledit seigneur de Jamaix, car alors il y_avoit au païs woisin tout plains de pieton lancequenette et
estoient, comme l'en disoit, plus de .XV. mil en la haulte Bourgougne qui retournoient dez guere
d'Itaillie et ne demandoient sinon à_ce venir yverner au païs de Mets, et menaissoit ledit seigneur de
Jamaix de faire venir yceulx ou ^dit^ païs de Mets et le tout bruller et destruire, ce l'on ne faisoit à sa
guise ^voullunteis^.
Par_quoy woiant que acord n'y powait estre troweis, l'on fist fouir lez bonne gens leur bien à
reffage, et fut (422) celle doubte cy soudaigne qu'il sambloit que lez gens ce woulcissent tuer à amener
leur bien, et voulloient lez chairton avoir .VI. et .VII. solz d'une cowe de vin pour l'amenaige.
Ce tampts durant retournait de Romme ledit seigneur Androwin, et furent nous seigneur par
plussieurs journee en conseille pour ce fait ycy, et furent par plusieurs fois ranvoiés messaigier
messaigier et commissaire et d'ung cousté et d'aultre, et tellement que aulcuns desputeis de pairt ledit
seigneur de Jamais vinrent à Mets et y furent plusieur journee pour traicter celle paix, car ledit seigneur de
Jamais demendoit cy grosse somme audit seigneur Androwin, à_la cité et à_chainoigne que l'on n'y
powoit trower acord. Touteffois la chose fut pour cest fois mise en bon tairme, et retournaire nt lezdit
commis et desputeis à Jamais pour faire leur relacion. Je prie à Dieu qu'il y_messe bonne paix. Amen.
Ce tampts durant avint en Mets une chose bien dangereuse et de_quoy grant malz fut advenus
ce la chose n'eust esteis briefment secourné ^et ratainte^. Avint doncque que deux de nous jonne
seigneur, lesquelle tous deux estoient chault, colloricque et bouillans, yceulx seigneur ce trowairent ung
jour aprés Noé en la chambre des Septs de la guere avec leur aultre compaignon sept pour aulcune 277
affaire de la gu qu'il avoient touchant le fait de la guere, et tellement que yceulx deux jonne seigneur, qui
alors estoient Sept, dont l'ung ce nomme messire Philippe Dex, filz à seigneur Nicolle Dex que fut, et
l'aultre est messire Michiel Chaverson, filz à (423) seigneur Jehan Chaiverson que fut, eulx estant en la
chambre chambre dez Sept, comme dit est, ce antreprindrent de parrolle pour le fait de Werei.
Car comme il est cy devent nocté en ung aultre lieu, ledit feu seigneur Jehan Chaverson, perre
audit messire Michiel, y_avoit aultrefois demendés à y_avoir droit, dont grant hutin en avoit desjay esteis
en la chambre a-lors en son tampts ^dez Tresez^, et tellement que, pour revenir à prepos, lé deux jonne
seigneur devent dit en eurent derechief ^plusieurs parolle et de fait, come dit est^, ce en vinrent jusques à
ce amentir et à c'en voulloir fraipper, qui lez eust laissiéz faire.
Et de fait montait leur courrous et leur raige ^desbat^ cy avent qu'il ce vinrent jusques à deffier
aus champts à glaves esmoullus, cen estre airmés, car ^comme j'ai dit devent^, tout deux estoient bien
destre à_piedz et à_chevaulx ; et ^incontinant^ tout subit ledit seigneur Philippe, chault et bouillans, c'en
277Philippe porte inutilement un tilde sur ce mot.

243

vait enchiés lui et montait sus son chevaulx, et avec une picque dessus son col et l'espee au cousteis c'en
sortit hors de la cité au champts et en l'ile du pon des Mors, et illec atandoit son ho mme à piedz fairme,
lequelle, advertis de ce, ne demourait guerre aprés qu'il ne sortist tout eschauffeis ^comme ung lion^ sus
son chevaulx, l'espee au cousteis.
Mais ^Et^ quant ledit seigneur Philippe le vit venir, il mist tantost l'espee au cousteis le piedz à
terre, +mais+ et ^quant^ tout incontinant ^quant^ le puple fut ^de ce^ advertis et, ^tout incontinent^
saillirent plus de .IIIIC. personne jusques à pon des Mors. Mais +Puis+, tantost ^apréz^, vecy venir
Nicollay, seigneur d'Ancerville, seigneur Regnault le Gronaix le jonne, seigneur Michiel le Gournaix et
plusieur aultre qui de ce estoient advertis, léquelle à_force firent (424) retourner ledit seigneur Michiel
Chaverson, et fut ramenés malgrés lui arrier.
Et aincy qui les eust laissiés faire, il ce fussent afoullés l'ung l'aultre et jaysoit ce qu'il fussent
deux neweulx cy ne et prés parans, ce ne se fussent il pas espairgniés, ains ce fussent deffait l'ung l'aultre
et le dangier fut esteis dez partie, pairans et amis, qui c'en fussent antreprins. Et encor pis, le puple eust
tenir bande pour l'une des partie ou pour l'aultre et ce fussent entretueis, de_quoy ce fut esteis tout
gaisteis ^et ung trés grant domaige^, car ce ledit seigneur Philippe ou son lignaige eussent voullus dire
ung mot à_ceulx d'Oultre_Saille, il y fussent tout courrus à_paul et à massue ; paireille ment ceulx de
pourte_Museille fussent, bouchiés et aultre, eussent tout courrus à l'ayde dudit seigneur Michiel
Chaverson ; et en cecy eust esteis le grant dangier. Dieu par sa graice et bonté leur doinct paix
ensamble, affin que278 le puple visse ^peussent vivre^ en amour soubz eulx. Amen.
En cellui tampts, toutte lez armee furent despartie dez Ytaillie et Lumbairdie, et fut faicte la paix
entre le roy de France et les Suisse parmi grosse passion que le roy leur donnoit tout les ans 279. Et fut
ledit roy joïssant de la ville et chaitiaulx de Millan et de toutte la duchiés, et fut le_duc de Millan fait
cardinaulz avec trois ou quaitre aultre qui paireillement furent fait cardinaulx. Mais avent que ce advint, y
avoit heu une terible journee entre lesdit Fransoi et lez Suisse auprés de Plaisance en Lumbairdie ; et fut
le le .XIIIe. jour de septambre, vigille de Saincte Crois, en la-quelle y_olt une merveilleuse tuerie
ad_cause d'ugne (425) traison que lesdit Suisse cuidairent faire au Fransoi, comme cy devent est dit, et
y_olt plusieur grant personnaige280 tué et plusieur chose faicte et dicte que je laisse pour abregiet.
Item, en cest yver .VC. et .XV. fut faicte une merveilleuse ordonnance à Mets touchant le
vandaige du boix dez faissin et du chairbon, et fut cest ordonnance paissee par le conseille et par tout
les pairaige, que nulz ne powoit acheteis boix que à milliet qui estoit prisiet .XL. solz tout vert et le
sec .LX. solz, et le cenc de vert faisin rougniet .VIII. solz et lez sec .X. solz, et .VII. frant la [-] nee de
278de corrigé en que par l'auteur, d'où cet emploi différent de l'abréviation.
279Le traité de Fribourg, ou « paix perpétuelle », n'est officiellement signé que le 29 novembre 1516, mais les
négociations se déroulent dès le lendemain de la bataille de Marignan.
280Philippe écrit deux fois personnaige sans barrer aucune des versions, la première fois en ne portant pas de tilde pour
doubler le n. Nous privilégions la seconde graphie, qui semble devoir être une correction.

244

chairbon. Et fut ce fait pour aulcuns clerc et aultre qui levoie tout le bois et chairbon et tout lez fassin et
en faisoient grant chier tampts à_les revendre, et leur fut force que chacun en eust pour le pris qui avoit
esteis dit.
Mais quant cella fut faillis et qu'il n'eus n'eurent plus ne bois ne chairbon et que l'on +l'on+ n'en
ramenoit point de l'aultre, force fut de trespaisseis ^celle^ l'ordonance ^pour une espaisse de tampts^ et
de lez acheter comme devent, jay_ce que ledit ordonnance estoit escripte par toutte les +lez+ pourte de
la cité et en plusieur lieu parmi la ville. Mais c'estoit une chose que jamais ne ce avoit fait fait, et pour_ce
ne thint elle guere ^sambloit aus gens moult difficille à la tenir, car l'on fut une espaisse de tampts que
l'ung la tenoit et l'aultre non^.
Item, cest yver fut merveillement ors et moiste cen geller ne naige qui à compter fut, et
descheurent tousjour lez vin de leur pris ; et ce que l'on avoit jamais veu, il ce vandoie d'une meisme
annee à diverse pris, (426) car aulcuns en vandoie à .VIII. deniet la quairte, puis d'aultre à .VII. deniet,
à .VI. deniet, à .V. deniet, et den dez blan vin à .IIII. deniet. Item +Item+, ceulx de l'an devent ce donnoie
à .IIII. deniet lez milleur, et lez aultre .III. deniet à ung double ou à .II. deniet ; et aincy estoient les vins à
diverse pris. Item, le fin viéz froment ce van vandoit .XI. solz la quairte, lez pois, lez fewe, orge et
awaigne et aucy la navees, toutte ces chose ycy estoient esseis à competant et moiens pris.
En cest anné, le tampt fut fort a-cort, car le gras dimenche fut le lundemains de la Chandelleur.
Item, en cest yver auquelle n'avoit comme rien gellés, comme cy devent est dit, il gellait encor trois jour,
c'est assavoir le jour dez Brandon et .II.281 lez .II. jour ensuivant, et puis cessait.
Item, ledit ans, le .XXIIIe. jour de fevriet, paissait mon-seigneur de Guise, nommés Glaude monseigneur, aprés de Mets à_petitte compaignie, et ce jour c'en aillait à Saincte Bairbe faire son voyaige,
lequelle il avoit wouueis et promis durans les guerre de Lombairdie ; et y donnait ung scierge à_pris
de .IIIIXX. frant, et d'illec c'en retournait à Sainct Nicollay cen antrer en Mets.
Item, ce meisme jour, le duc de Cy Syfort qui ce disoit roy d'Angleterre et lequelle avoit esteis
longuement à Mets ce bougeait et ce partit secretement de Mets la cité282, et luy deusiemme de ces gens
tant seullement c'en aillait à force de chevaulx, tenant le chemin de France. Et comme je oÿs dire, il
chevaulchait cy roide, parce qu'il ce doubtoit, qu'il fist prés de .XL. lieue entre jour et nuit, et n'avoit de
tout ces gens que son cuid cuisiniet et son paige ; mais ne demourait pas longuement qu'il retournait à
Mets.
(427) +Item, le premier jour de Karesme, advint une merveilleuse adventure en Mets, car en Viéz
Boucherie, chiéz ung bouchiéz nommé Hannes Broncquelange, y_o[lt] ce dit jour une chaitte qui
delivroit de deux chien vrai chien et ung chaisson, [et] est tout [vray]+.
281Nous barrons ce premier .II.
282Richard de la Pole va accomplir plusieurs missions secrètes pour le compte du roi de France, son protecteur,
notamment en Italie.

245

Item, que le dimanche du mey Karesme ensuivant, qui fut le second jour de mairs, avint une
tairible aventure en Mets, car ce dit jour fut trowés ou chairniet des frere prescheur ung petit anffans
neis de deux jour, lequelle on avoit gecteis là dedans et estoit mors ; et estoit ycellui anffans une fillette
aucy belle et aucy bien formee de son eaige que l'on en vit point de loing tampts.
Or est ce chairniet en terre, comme chacun peult veoir, à_la manier d'ung celliet, et est ung lieu
là ou l'on n'alloit jamais ; mais cedit jour, par copt d'aventure et comme chose miraculleuse, et aincy que
Dieu le voult et permist, plusieurs des jonne anffans de leans avoie ce jour congiet, entre lesquelle l'ung
d'iceulx laissait cheoir ung livret qu'il avoit par la fenestre dudit chairniet. Et pour le ailler reprandre, il
demandairent les ch clef à cellui qui en avoit la ggairde, et en sairchant ledit livret fut trowés cest
anffans, de_quoy les religieulx de leans furent bien ambaïs et non sans cause, car ledit anffans estoit tout
freche et estoit envellouppeis en dez powre petit drappellait tout dessaignant.
Puis, incontinant justice en fut advertie et fut une jonne femme d'oultre_Muselle suspect,
laquelle estoit femme à Arnoult Le Noctaire, lequelle Arnoult estoit alors absant d'icelle femme et ce
tenoit en Loraine, car il estoit banis de Mets ; et avoit ycellui Arnoult ^en son tampts^ moult fait de
chose que guerre ne vailloie.
Or fut ycelle femme prinse et menee en l'ostel de la ville, et incontinant congneust son cas, disant
(428) que ycellui anffans estoit à elle du fait d'ung prebtre et que pour la honte du monde elle l'avoit
aincy murtris et l'avoit pourté illec ^en ce lieu^ ; mais premier qu'elle la_tuait, elle la baptisait ou non du
perre, du filz et du sainct Esperit, ^come elle print sus sa mort^. Puis lui mist le puchet sus la gorge et
l'aitranglait, et pource que ledit anffans remuoit remuoit encor, lu elle lui donnait de la teste contre le
mur et aincy le murtrit. Puis, ce fait, la faulce lowe, en l'estat ou elle estoit, ce levait et print cest anffans
soubz ung mantiaulx et cy l'alait gecter audit chairny. Et aincy le confessait à justice, pour lequelle fait
elle fut airse et brulee entre les deux pon avent son moix paissés.
Et à cest justice à faire seigneur Nicolle Dex l'eschevin y devisait ung angiens, lequelle on avoit
jamaix fait ; et estoit cest angiens en manier d'une chayre trowee, laquelle estoit pandue en hault
encontre le pault, et estoit cest chayre ayant quaitre bras derrier esquelle y_avoit deux clef de boix qui
ambraissoie cellui paulx, et pandoit cest angiens à une corde ^en la manier comme d'une heu heu à
planter pault^. Et quant on eust leus son procés, elle fut mise asseoir en celle chaire, et puis on alumait
le feu, lequelle coupait tantost la corde, et la chayre cheut à_loing du pault jusques à trois piedz prés de
terre et demourait aincy jusques que tout fut consumés. Et fut cest angiens bien trowés cellon l'office
à_quoy il servoit et estoit le premier que jamaix on eust veu en Mets de la sorte.
(429) En cest dite annee, le jour de la Sainct Benoy, fut fait maistre eschevins283 de Mets Michiel,
le filz seigneur Fransoy le Gronay, le-quelle estoit ung moult biaulx jonne personnaige et moult bon clerc
et bon legistre, et sçavoit moult bien juer d'orgue et de plusieurs instrumens ; et avec ce sçavoit faire
283Philippe écrit eschvins ; nous corrigeons.

246

tout ce que aparthient à noblesse, comme saulter, dancer, luiter, gecter la pier et la bair, et aultre esbas.
Cellui Michiel fut mariet en cest annee .V C. et .XV., et il fut fait maistre eschevins, comme dit est, pour
l'an .VC. et .XVI. ; et olt en mariaige l'une dez damoiselle de la royne de Cecille.
Item, tantost ung peu aprés, l'on ce doubtoit moult fort à Mets, car par toutte Loraine y_avoit
moult grant multitude de gens de guere et ne veoit on que ces lancequenecte aller et venir p ar gros
tropiaulx, et passoient et repaissoie journellement parmi Mets.
Item, le troisieme jour d'avril l'an .VC. et .XVI., retournait à Mets le duc de Sifort, lequelle avoit
estés plusieur jour en France, comme cy devent ait esteis dit, et vint à Mets à bien petitte compaignie et
en abis incongnus.
Item, tantost aprés ce esmeust une guere en Loraine encontre le duc de Loraine, car alors
plusieurs conte d'Allemaigne ce alliairent ansamble et deffiairent ledit duc, lui et tous ces aydans, et
à_mains foite vinrent fraiper tout dedans son païs tellement (430)284 du coustés d'Aulsay, tellement que
à_l'a-comencemant de maye prinrent yceulx conte une ville sus le duc de Loraine nommee Comflans,
qui est scituee devers La Woulge ou Aulsay, et pairaillement prinrent une aultre ville nommee Saincte
Apolline.
Et incontinant fut faicte grant armee par tout le païs de Bair et de Loraine, avec ceulx de la terre
l'evaicque de Mets qui furent mandés et lez aydoient, et alors furent asamblés tout lez bailiaige et
prevosté dez deux duchiéz et de l'avaichiéz, et furent elleus de gentil compaignon, gens de villaige,
jusques à nombre de .XI. ou .XII. mil. Puis luy vint en son ayde quelque trois ou quaitre mil aventuriés
fransoy que le roy luy envoioit envoioit et paioit, et avec ce avoit ledit duc quelque .V. ou .VI. mil
lancequenech à ces gaige. Et aincy estoit l'airmee du duc de .XX. à .XXI. mil ho mme, lesquelle tindrent
lez champs l'aispaisse en coustoiant tousjour leur annemis par l'espaisse de .VII. ou .VIII. semaigne.
Et coustait moult cest assamblee à bon homme du païs, car yceulx annemis ne ce tenoie point
en ung lieu, ains estoient tantost cy, tantost là, et tousjour les Lorains aprés, et les poursuirent jusques sus
la Saire et ne ce aproichairent aultrement, sin sinon que par plusieurs fois ce donnairent des
escarmouche, aulquelle plusieurs homme demourairent mort et d'ung coustés et d'aultre. Et voulloit on
dire que l'ampaireur souffroit tout cella et donnoit favour et ayde à yceulx conte.
Item, à l'a-comancement d'icelle guere et en maye, aulcuns de nous seigneur de Mets à ce comis
par le conseille furent envoiéz en Loraine (431) en ambaissaide pour faire une bien-venue à la nowelle
duchesse, laquelle le duc avoit nowellement ramenés de France ^et estoit suer à duc de Bourbon^ 285. Et
luy pourtairent yceulx comis pour et ou non de la cité une moult belle et riche coupe, bien faicte et bien
owree, et vailloit grant chose ^pesoit ycelle coupe trois mairc et demi, et achetee .LII. livre et demee fut
284Dans la marge supérieure de cette page : ceci est en la mer des istoire.
285Antoine de Lorraine épouse en 1515 Renée de Bourbon-Montpensier (1494-1539), fille de Gilbert de Bourbon,
comte de Montpensier, et de Claire de Gonzague, et sœur du connétable Charles III de Bourbon.

247

achetees^ ; et dedans ycelle y_avoit .VC. florin de Mets +.IIC. et .L.+ ^florin de Mets^, lesquelle presant
receupt moult agreablement le jonne duc Anthonne et lez remerciait moult en ce paroffrant d'estre du
tout amis à_la cité ; aucy fit la nowelle duchesse. Et furent yceulx commis, je ne sçay quant jour, bien
festoiés dudit duc et de ces gens. Yceulx ambaissaude estoient messire Andrieu Drineck, chevalier,
messire et messire Fransoy le Gouraix, aucy chevalier ; puis, ce fait, retournairent à Mets.
Item, tantost le .XIIe. jour de jung, seigneur Robert de la Mairche, lui et ung conte d'Allemaigne
nommés Philippe ^Francisque^, deffiairent le duc de Loraine, de_quoy l'on estoit bien esbaïs que led it
seigneur Robert, qui alors estoit fransoy, ce allioit avec ce Philippe +ce Francique+, qui estoit
bourguignon et à gaige de l'ampaireur, car ledit ampaireur haioit sur tout ledit seigneur Robert et ycellui
Philippe ^Francisque^ estoit cellui que peu devent avoit tant fait de maulx et de domaige sus la cité de
Woulme et sus ledit ampaireur, mais la paix en estoit nowellement faicte et estoit ^ycellui Philippe
Francisque^ au gaige dudit ampaireur, et ne powoit on pancer coment ledit seigneur Robert powoit avoir
amitiet à lui, sinon qu'il le resambloit en malvitiet, car il l'apelloit en ces lestre son grant amis et
compaignon.
Item, durant ce tampts, l'on ce guettoit fort à Mets et furent elleus plusieurs (432) compaignon
ou païs d'icelle, lesquelle furent tous armés et en point de courset et gairde bras blan comme neige, car
on leur en fist avoir par force, et avec ce aulcuns ou la plus-pairt avoient de bonne secrete, et furent
ycelle armure gectee et paiee par les aultre bon homme dez villaige qui point n'y alloient.
Item, tantost aprés fut la paix faicte encontre la plus-pairt d'iceulx conte, mais non pas du tout,
et [-] retournairent lez gens de villaige et de Bairroy et de Loiraine chacun en son lieu. Et alors ledit duc
fist abaitre lez muraille de sa ville de Saincte Apolline et en fist ville champestre, pource qu'elle estoit
hors du païs devers Bourgougne et estoit ycelle ville malle à_mains pour la gairder.
Item, en cellui tampts fut rancheris le bref à Mets, car le bon fromen ce vandoit .XII. solz la
quairte et le bon vin à .VIII. deniet ; et ce ranforsoit tousjour le guet.
Item, lé moix de maye, de jung et de jullet furent merveilleusement biaulx et de grant chailleur,
tellement que, la Dieu mercy, tout les biens de terre amendoie merveilleusement et estoient +toutte+
chose haitive.
Item, en celle saison advindrent plusieurs adventure en Mets, comme cy aprés s'ensuit. Premier
y_olt une femme de la pairoiche Sainct Leviet qui enfantait ung anffans ayant deux teste, lui et estoit une
moult belle fillette, drue et en bon point, reservés que sus le col derrier lui pandoit ycelle aultre teste ;
mais il n'y avoit ne nef ny eulx, oreille, ne bouche, de_quoy l'on estoit bien esbaïs, car mainte gens le
virent, que l'on le pourchaissoit parmy la cité.
Item, aucy y_olt ung homme (433) de Franconrue, lequelle dura ung jour durant ce tampts ce
pourmonoit hors de la pourte du pon Thieffroy, lui, sa femme et une fillette ayant environ .XIIII. ans, et

248

alors ^avint que^ par copt de fortune, y_olt les maistre et les .VI. dez olliés qui c'en aillairent tirer et
essaier aulcuns des baitons de leur tours. Et avint ung copts de travers ^maicheute^, lequelle vint
à_fraper286 du travers du vantre d'icelle fillette et lui crevait la vantre et ampourtait les tripe en_voie ; et
aincy mourust la powre gairse, par_quoy ceulx qui le copt avoie fait c'en absantire ung peu du tampts,
mais asseis tost aprés il heurent leur paix.
Item, le jour de la Sainct Jehan Baptiste, y_olt ung moult biaulx jonne gallans, lequelle sçavoit
moult bien neigiés, cy ce baignoit en Saille en ung lieu prés de Maiselle, là ou il y_avoit tant peu d'yawe
que merveille, et illec ce noiait cen ce que ceulx qui aprés de lui estoient c'en aperseusse jamaix.
Item, ce jour sainct Jehan, y_olt ung pelletiet d'Oultre_Saille, d'auprés de la pourte aus Allemans,
nommé Florantins, lequelle [-] [-] ce pourmenoit par dessus le pons dez Mors avec d'aultre cez
compaignon. Et illec, tout soudains, comme il disoit, il fut prins et ampourtés depuis la baire jusques
bien loing dessus le pon et fut rués du hault am_bais et fut tous desrompeus. Et fut ce vray qu'il y
cheut, mais ces compaignon ne sceurent jaimaix287 coment, sinon [-] que tout soudains il fut[-] perdus
d'antre eulx et rués am_bais.
Item Aucy paireillement ce dit jour, ce noiait deux homme devers lez grant faisin. L'ung fut que la
terre lui faillit et cheut (434) dessoubz cez piedz et cheut en l'yawe, et l'aultre ce noiait en ce baignant.
Item, en celle dite annee, à l'a-comencement de jung, a-vint àv Mets ung grant domaige. Ce fut
d'une wenne derriet lez mollin à papiet, là en_droit là ou est le mollin follans, laquelle venne y_avoit .C.
ans qu'elle estoit faicte. Mais à cest heure fondit la dite wenne en l'yawe avec ^ung^ grant pannes du
mur de la maison du gerdin, qui est au bout du Saulcy en l'andret du mollin à vant, et aucy fondit une
grosse tour sus qui estoit sus deux grande boutee, là ou estoit le vantaulx.
Et coustait merveilleusement cest owraige avent qu'il poult estre reffait, car il faillit destourner la
rivier et ne firent plus rien tous ces mollin illec jusque que tout fut fait. Et fut force de faire laichiéz lez
owriés qui alors estoient en Wauldrinowe pour venir à cest owraige, jay_ce que à la dite Wauldrinowe
y_avoit alors ung grant deluge et fort necessaire à y_owrés.
Item, en cest annee, messeigneur de justice et du conseille avoient esteis plusieurs fois ensamble
pour adviseis pour le fait du guet du Champts Paissaille, qui ce fait de nuit à_piedz et à chevaulx, car
d'icellui guet venoient plusieur reclains parce que ceulx qui le faisoient estoient la plus-pairt malvaise
chenaille et gens de riens, et respondoient quant on les lisoit pour ung et pour aultre, voir pour .V. ou
pour .VI. au copts, par_quoy le guet estoit malz fornis et y tenoie ung piteux menaige, tellement (435)
que aprés plusieur langaige qui pour ce fait furent randus, messeigneur du conseille en mirent quelque
chose en tairme pour faire cellui guet d'une aultre sorte.
Et pour en dessante ^decentir^ l'opinion des bourgeois de la cité et pour leur dire et anoncer la
286praper corrigé en fraper par l'auteur.
287Philippe écrit jaimax ; nous corrigeons.

249

manier coment il le voulloient entandre, donnairent yceulx seigneur la comission à seigneur Nicolle Rousse,
à seigneur Thiebault le Gournaix et à seigneur Philippe de Raigecourt, lesquelle trois dessus nommés, deux
jour aprés la Sainct Jehan l'an dessus dit, mandairent tous yceulx bourgeois à deux heure aprés midi en la
chambre des compte ou paillais voir tous yceulx bourjois ou la plus-pairt qui faisoie pourte ou ayde. Et
alors les trois seigneur dessus dit estoient en la chambre dez Tresez et firent apeller ^la mitte de^ yceulx
bourjois par non et par sournon, l'ung aprés l'aultre, à venir en la chambre des Trese.
Et quant tout fut antrés, alors seigneur Nicolle Rousse fist une hairangue biens et honnestement
et lui sceut moult biens à le dire, et furent ces parrolle couchiés sus biaulx-copt de chose touchant la
gairde de la cité et coment messeigneur du paisseis, dont Dieu en aye les ame, avoient cy bien gouvernés
[-] le chose biens publicque qu'il y avoie acquerir grant lowange, et coment messeigneur qui estoient à
presant ce traveilloient nuit à jour pour en faire leur acquit ; et plusieur aultre chose dit et prepousait que
je laisse.
Puis, tout soubdains, ^concleut et^ retournait tout son prepos sus le fait du guet de nuit, en
remonstrait à messeigneur lez bourgeois que c'estoit une chose digne de grant recomendacion (436) et
digne de lowange que bon guet fut fait, et dit que aprés le miracle de Dieu, ce avoit estés ce qui desjay
aultre-fois avoit salvés la cité d'estre prinse et destruicte, comme il avint du tampts que le duc Nicollai
de Loraine voult antrer furtivement en ycelle, par_quoi, tout conclus, messeigneur du conseil avoie heu le
regairt de faire ycellui guet d'unegne aultre sorte et tousjour de mieulx en mieulx, c'est assavoir que la
cité pranroit .XLVIII. homme, gens de fasson et de bonne taille, lesquelle guegneroie bon gaige de la
cité, et de ceux .XLVIII. homme toutte les nuit en y_airoit .XVI. pour faire le guet, lesquelle ne seroie
point andormis ains seroie bien embaitonnés, airmés et am_point, et leur sougneroie la cité lez armure
et baitons, et d'iceulx .XVI. en yroient les .VIII. parmi la ville et par lez lieu destour destournés jusques
à minuit, et aprés minuit les aultre huit en feroient autant ; et aincy ces .XLVIII. homme yroient au guet
tousjour de trois nuit à aultre, et qu'il n'y aroit point de faulte sus leur peris.
Et aprés ce dit, la conclusion dudit seigneur Nicolle fut telle que pour paier celle somme,
messeigneur de justice et du conseille avoient elleus environ la mitte de ceulx qui solloient faire le guet à
chevaulx, “comme, ^dit il^, vous vous voiés ycy presant” et alors ^les^ nommait les nons l'ung aprés
l'aultre ^par leur nons^ et leur dit et desclairait que l'intancion de messeigneur estoit qu'il paieroie chacun
ung florin de Mets de .XXV. solz pour ans. "Et les aultre, dit il, qui sont là dehors et qui ne font que
demey ^le^ +guet+ à_piedz, avec aulcuns aultre qui font ayde, yceulx (437) paireont chacun .XV. solz
pour ans. Et aincy, dit il, parmi cest somme ce trowauront nous gens paiés."
Et alors, aprés ce dit, il fit fin à son sairmon et demendait aus auditeur ce lui et ces compaignon
ce retireroie hors de hors, affin que lesdit bourjois eussent conseille ensamble et qu'il en donnaissent
leur responce. Touteffois il fut respondus d'aulcuns que ledit seigneur Nicolle voussit lire les nons l'ung

250

aprés l'aultre et qu'il demandait l'opinion à_chacun particulierement alors qu'il liroit son non ; et aincy en
fut fait. Et y_eust ylec quelque peu de murmure, mais touteffois la plus-pairt ce thint à ce que
messeigneur du conseille en avoie determinés ; et à_ffait que ung chacun ^avoit^ parlés, on le faisoit
saillir dehors jusques la fin.
Et quant cest premier chambree eust dit, on fist antrer les aultre du guet de piedz en lez
appellant tous l'ung aprés ^l'aultre^, comme on avoit fait à_premier, et leur fist ledit seigneur Nicolle une
toutte paireille hairangue qu'il avoit fait à_premier, et tellement qu'il eust esseis bonne responce et fut
dit de la plus-pairt qu'il ne feroient pas pire que les premier. Et aincy retournait chacun en son lieu, et
n'en fut plus ne fait ne dit pour celle fois.
Item, tantost aprés vigille de la Visitacion,
Par ung jour de la Sainct Thiebault,
Fut fait ce jour essecucion
Pour le premier jour de la fenaulx,
Car on pandit ce jour deux frere, jonne lairon
Dont le plus jonne avoit à non Thiebault.
Et les pandist le maistre bouriaulx
Qui alors estoit en Mets,
Lequelle ce appelloit maistre Thiebault.
Dieu par sa graice
Pardoinct leur faisse.
Amen288.
(438) +Il fut aultrement dit+ :
La vigille de la Visitacion,
Le propre jour de Sainct Thiebault,
On menont pandre deux jonne lairon
Dont l'ung ce apelloit Thiebault ;
Et furent pandus par maistre Thiebault
Qui en fist l'esecucion,
Car à l'eur estoit maistre principault
Du mestiet de pan lairon.
288Cette première version s'inscrit sur la page comme un bloc de prose, avec seulement des barres doubles signalant la
fin des vers, sans que l'on puisse toutefois savoir si ces barres sont de la main de Philippe ou d'un lecteur.

251

Ce jour passairent par devent maison
Pour le premier jour de fenault
Et leur fist on faire la raison
Par les mains le maistre bouriault,
Et les liont on à_l'eur bien hault
En l'an de l'incarnacion,
Le propre jour de sainct Thiebault
Et waille de la Visitacion.
Item, tantost ung peu aprés, fut mis en essecucion l'ordonnance faictes par messeigneur de justice
touchant le guet de Cha nuit du Champs Paissaille, et en fut faictes par la manier comme il est ycy
devent escript.
Item, en cellui esteis mil .VC. et .XVI., devers le moix de jung, fut mariee ^acourdeis le mariaige
de^ damme Perrette, fille à seigneur Pier Baudouche, pour laquelle cy grant procés avoit esteis, et print à
marei Bairnaird de Poul, filz à seigneur Anthonne de Poul, escuier. Et furent les partie espaissantee d'ung
cousteis et d'aultre et fut le plait et le procés finis, et lequelle coustait cy grant somme de deniet, comme
cy devent est recités en plusieurs paissaige, et furent toutte chose prestes et apaireillie pour apouseir à
Jamais chaitiaulx de Jamaix, là ou ce devoit trower toutte la seigneurie ; mais il y_olt encor quelque peu
d'ampechement de_pairt ledit seigneur Androwin et ne pousirent point jusques ung aultre jour, come
vous oÿrés ycy aprés.
(439) Item, cest esteis .VC. et .XVI. fut moult biaulx et sec, et ne le vit on de bon loing tampt
devent cy biaulx ^[-]^ ne le tampts cy net ^jusques la Sainct Mertin^, et n'avoit on besoing que de pluye,
car par_cella biaucopt de chose laissairent à_croistre. Mais touteffois lez froment furent les plus biaulx
et lez milleur que l'en eust veu de loing tampts devent, et aucy furent les foins et lez vin ; mais lez
auvaine et masuaige eurent grant paine ; et y_eust tant de fruit, souverainement de polme, que ce fut
chose merveilleuse, mais elle furent fort menue et petitte pour la chailleur. Tout les bien de terre vinrent
par_tamps, car l'on avoit tout messonnés et boutés les blef en grainge ou moix de fenaulx.
Paireillement, la vandange et aultre fruit vinrent par_tampt et bien tost, car on avoit tou acomensait à
vandangiéz .VIII. jour aprés la Sainct Burtemend, et eust on tout fait vandangiéz et presseis .VIII. jour ou
.XII. aprés la Nostre Damme nativité Nostre Damme, en septambre.
Item, le jour sainct Burthemend apouste vint en Mets mon-seigneur le mairquis de Lusambourc,
auquelle on donnait ung petit presant de .IIII XX. quairte de vin en flascon et de .XX. quairte d'awenne,
^et paioit on tout lez despans que lui et ces gens avo[ient fait] à Mets en^.

252

Item, le maircredi aprés, .XXVIIe. jour d'awoust, fut fait le mairchiéz de Maiguin, fille à Philippe
de289 mairchan Vignuelle le mairchamps, ^acteur de ces cronicque^, laquelle estoit eaigiee et olt .XV. ans
acomplis le .XVIe. jour dudit moix, et de Jaicomin, filz à Poincignon le braiconniet.
Item, le .XXVIIIe. jour dudit moix, ung compaignon de Mets nommeis Hodinet, maistre du jeu
de palme sus le mur, ce levait la nuit (440) d'auprés sa femme et, tout en chemise, c'en coureust en la
rivier de Muselle auprés de Sainct Maircel et illec ce noait, par_quoy, quant il fut trowéz, fut pris et
trainéz par le bouriaulx jusques entre deux pon auprés dez roies et illec fut pandus à une poutance, mais
non pas à_la maniere dez aultre, car il olt la teste par boutee parmi le bout d'icelle poutance et une grant
broiche de fer par dessoubz le manton, qui le tenoit. Et en fist on aincy pourtant qu'il sç'avoit
desesperés, comme on disoit.
Item, cest yver ^annee^ furent les blef et les vins fort bon et causy en paireille pris de l'an
devent, et aucy furent toutte aultre vitaille et aultre danree.
Item, tantost aprés, le .XXe. jour de nowambre, jour de la Saincte Katherine290 vierge et martire,
espousait daimoisiaulx Bernaird de Poult, filz à seigneur Anthonne de Poult, damme Pairette Baudoiche,
fille à seigneur Pier Baudoiche et niepce à seigneur Roubert de la Mairche. Et fut le plait et le proucés ^du
tout^ finis, lequelle ait cy longuement dureis et lequelle ait tant cousteis, comme cy devent est dit en
plusieur lieu. Et furent ces espousaille et la feste et les nopce faictes au chaitiaulx de Mollin devent Mets,
auquelle y_olt grant triumphe et joie, car il sambloit de la dite damme Perrette que ce fut une deesse tant
estoit elle belle, car possible que en .L. cité n'y avoit point de plus belle damme ne de corps ne de fasson
car. ^Elle avoit^ petitte bouche avoit et vermelle, grasse gourgette, les yeulx rians, haulte et droitte, et
petitte oireille, les chaivois blons come fin or ; et pour abregiés bien, ^c'estoit la mieulx^ acomplie de
toutte fasson ^que l'en sceut veoir ne trower^.
Et y_olt +faicte+ chose merveilleuse, car elle qui desjay (441) avoit esteis .VII. ans marieez et
qui toutte les nuit avoit co couchiéz avec son aultre marit, seigneur Androwin Roussel, lequelle seigneur
Androwin estoit ung trés biaulx jonne jantilz homme et honneste, courtois doubz, courtois et bien
parlant, et avec ce bon clerc sçavent juer de plusieurs instrument, et niantmoins la dite damme Perrette
fut divoursee de et separee de sa compaignie, comme dit est, et avec ce fut menee ce dit jour au
moustiet, la de teste nue et descouverte comme vraie pucelle, jai_ce que .X. ans devent elle avoit desjay
esteis menee aincy, car .VII. ans durait le plait et le procés, comme dit est, et trois an fut mariee, et trois
ans durait le plait et le procés, qui fut une chose estrange et merveilleuze et laquelle jamais plus on avoit
veu, comme de deux aucy biaulx jonne personnaige estre cy longuement amsamble cen ce avoir
estouchiéz. Et ^puis^, voiant ledit seigneur Androwin sa dite femme en prandre et espouser ung aultre et
ailler à nue teste, neant-moins force lui fut de avoir la passiance.
289le corrigé en de par l'auteur.
290Philippe écrit Ktherine ; nous corrigeons.

253

Item, en cest yver, le maicredi devent la Sainct Andrieu vinrent lougiés quaitre puissant ribault à
Aivency amprés de Very, asquelle291 avoient prins, detenus et liéz ung bon prisonniet merchampts
nommés Simon de Vairgaville, et aincy que l'otasse c'en aperseust, elle fit monter son marit à_chevaulx
et, faidant ailler querir du vin dehors, c'en aillait querir la guernisont ^à chaistiaulx^ dudit Werey. Et fut
cez quaitre groz ribault allement amenéz à Mets sus deux chair avec le merchamps, puis furent mis en
(442) l'ostel de la ville et, leur +fait+ veu et congnus, furent le samedi aprés menés à gibet, qui fut lors la
vigille de la Sainct Andrieu. Et illec furent tout quaitre pandus et estranglés tout en presance dudit
mairchampts, lequelle fut delivrés et fut randus en la mains de son prevost, qui le vint reclamer avec lez
messaigier du lieu meisme. Et aincy en aviengne à tous aultre malvais lairon et tandeur de hault chemin !
Item, ledit ans, par la [-] nuit de la Nativité Nostre Seigneur, couchait en Mets le duc de Gueldre
en abit dissimullé et incongnus, et fut lougiés à la Teste d'Or. Et ce dit jour meisme ce bougeait
secretement de Mets la cité pour en aller en France, car il ne voulloit pas estre congnus pour cause des
grant guere qu'il menoit de moult loing tampts encontre son prince, come cy devent est dit, et tenoit la
partie de France et pour_ce y alloit ; et avec luy enmenait à cest fois le duc de Sifort, no mmé Blanche
Rouse, lequelle paireillement ce partist secretement de Mets avec bien petitte compaignie. Et ne
retournait point en la cité jusques c'en aillairent ensamble à_Paris parler à_roy, et ne retournait ledit duc
de Sifort à_la cité jusques à .XVIIe. jour de fewriet ledit ans.
Item, cest yver fut fort et gellait merveilleusement jour sus aultre et les nuit p aireillement, c'est
assavoir de-puis les Petit Roy jusques à .XII e. de fewriet, et fut cest jellee cy trés aipre que l'on chairioit
tout au travers de Muselle et par toutte aultre rivier. Et y_olt grant foison de naige sus terre, et aucy par
la destresse de la froidure furent plusieurs vigne engellee d'iver.
Item, en cest dite annee et en l'aultre aprés (443) advindrent de grant fortune et de grant
powretés et chose merveilleuse és païs par dessay et en plusieurs aultre lieu, car ^en^ cest annee ycy et
en l'aultre aprés l'an fut percecutés de guere, de famine et de mortallités, comme vous oÿrés, et olt on
encor d'aultre grant percecucion, comme de lairon et divers feu qui advindrent par fortune, comme cy
aprés cerait dit, et aucy de plusieurs lairon et brigant de bois, tandeur de hault chemin, tellement que l'on
oisoit aller seurement par lez champs, car le puple estoit lors aucy powre et indigent que de cent avoit
esteis.
Item, le .XIXe. jour de fewriet vint en Mets ung capitaine ytalliens qui ce nommoit Marcus
Anthonius Collougnes, lequelle estoit l'ung des principault capitaine que l'ampaireur eust en Ytallie, car
le linaige dont il estoit, qui ce nommes les Collougnes, c'est l'ung des puissant lignaige d'Itallie avec les
Orsins Orsin, maix tousjour ce heie et font de guere ansamble 292. Et vint ce capitaine en Mets
acompaigniéz de environ .XL. chevaulx, et venoit de Veronne en Lumbairdie, à_laquelle nowellement la
291Correction difficilement lisible. Michelant donne lesquelle.
292

254

paix avoit estés faicte, et c'en alloit vers l'ampaireur. Et lui fist la cité presant seullement de plusieur
fascon de vin et paiait on ces despans pour deux jour qu'il y_fut.
Item, ledit jour .XIXe. de fewriet, fut brullee par fortune de feu toutte la ville de Maisiere devent
Mets, aparthenant à l'abbé de Sainct Vincent. Et c'y print le feu tellement qu'il ne demourait que trois ou
quaitre maison droitte et y_olt merveilleus donmaige, de_quoy la plus-pairt des gens en furent et (444)
powre et mandiant à tousjour. Et furent causy tout leur bien airs c'on n'en polt oncque comme rien
salver, car ceulx que l'on pourtoit sur les fumier à_l'uis ce alumoie à_par eulx et brulloient tellement
estoient eschauffés.
Et fist encor le feu cest annee de merveilleux domaige en plusieur lieu, come vous oÿrés, car
comme ce ce fut par permission divine, l'on ne oyoit aultre chose journellement que de dire : "une
maison est brullee ycy, et une aultre illec", tant dedans Mets que dehors en plusieurs lieu p ar le païs. Et
de_fait, ce print le feu dedans les grant fourest et les grant bois en plusieurs lieu et y_fist de m erveilleux
domaige ; sowerainement ce boutait le feu par fortune és bois devers Chanteraine et devers Aunoulx la
Grainge, et y_fist pour plus de .X. mil florin de domaige. Aucy de-puis ce boutait és bois dessus Lorey
devent Mets, mais il fut secourus et r rescous.
Paireillement, en cest dite saison, ce boutait le feu és grant boix de Woige et brullait et fist
domaige és sapins pour plus de .L. mil frant, comme on disoit, et ne sçavoit on dont ce feu venoit. Et
olt on grant paine de secourrir que les planche qui estoient sur l'yawe toutte seeies sceeis ne fussent
brullee, et furent plusieurs maison brullee de plains jour, come dit est, et ne sçavoit on don le feu venoit,
laquelle chose estoit desjay signe et acomencement des grant mal et percecusion qui estoient à advenir et
comme vous oÿrés ycy aprés en plusieurs passaige, tant de mortalliteis comme des biens faillis et gaistés.
Et avoient desjay nous woisin entour de Mets fort estés percecuteis et pugnis par mortallités, telz comme
(445) à Toult, à Sainct Nicollay, à Nancey, à_Pon et ailleur tout environ nous.
Et avec ce nous furent desmonstrés plusieurs signe la dite annee aprés sur le prins-tamps, car
quant ce vint à xawoultrés les vigne, moult de gens, homme et femme, trowoient leur mains et leur
manche de chemise toutte desaignee de sanc non pas ung peu cy rouge que vray sanc, et ne sçavoit on
dont ce venoit ; et en estoient plusieurs gens esmerveilliet dont il venoit ne procedoit, et ce cuidoient les
aulcuns avoir couppés.
Touteffois coment qu'il en fut, le tampts ce mist à biaulx sur le prins-tampts et fist le plus biaulx
moix de mairs et le plus chault que jamaix crestiens vit faire, et tesmoignoient les anciens que jamaix
n'avoie veu le paireille, et meismement le moix d'avril jusques à .XVe. jour que le tampts ce chaingeait,
comme vous oÿrés ycy aprés. Et n'avoit on alors besoing de chose quelconcque fort que de pluye, mais
par deffaulte de plowoir moult de chose laissoient à croistre, car les prés, les [-] awaine et tous massuai
massuaige estoient erretus et ne cressoient point Et y_avoit lors tant de pouldre par les chemin et que

255

jamaix n'en vis tant, et sambloit des airbre et des herbe que ce fut gris camellin pour la pouldre qui estoit
dessus ; ne jamais homme ne en vit autant en ce païs ycy. Touteffois les vigne qui n'estoient point
engellee d'iver cressoient treffort, et n'y olt jamaix homme qui y_vit plus de raisin qu'il y_avoit et
estimoit on que on ayroit la quairte de vin pour ung deniet ; et aucy eust on heu et encor pour moins la
moitiet c'il heussent venus à_perfection, come il estoient d'apairance, car il en y_avoit sans nombre.
(446) En cest dite annee, à la Sainct Benoy en mairs, fut fait maistre eschevin de Mets pour l'an
mil .V.C et .XVII. seigneur Jehan Rousse.
Item, tantost aprés, ou moix d'awril, comme dit est, il fut tant biaulx à son acomancement
jusques à .XVe. jour, mais alors qui estoit alors la dernier feste de Paicque, auquelle jour le tampts ce
acomansait à refroidir et tellement que la nuit ensuivant, y_olt plusieurs vigne gaistees par gellee,
sowerainement Oultre_Saille et en plusieur ville au_loing de l'yawe. Puis, le jeudi et le vandredi aprés,
gellait encor trés_bien et fist derechief grant domaige en aulcune aultre ville et eust desjay celle nuit
tout estés gaistés, ce lez vigne eussent estéz aulcunement peu fresche ou mowillés moulliés. Et y_olt
moy deux vigne Oultre_Saille que pour celle nuit furent la plus-pairt fondue et gaistee, et n'y olt alors
comme nulz villaige à trois lue entour de Mets là ou il n'y eust aulcuns coustés de vigne gaistee, reservés
Lessey, Sciey, Chaizelle, Pletteville, Lorey, Salnei, Noeroy, Vault ne Saincte Raffine, lesquelle villaige
n'awoie encor point de malz qui fut chose à compter.
Item, le samedi ensuivant, de nuyt, il gellait encor trés_bien ^plus_fort^ et vint une petitte
bruyne le dimanche au matin, qui gaistait toutte la mitte de la fin de Lorey deve nt Metz et la mitte de la
fin de Vignuelle.
Item, le lundi et le mairdi aprés fist esseis biaulx tampts et fut tournés le vent sus droy vent, et
tousjour sans plewoir jusques à maicredi la vigille Sainct George, auquel jour vint une cy grant pluye,
alors que (447) l'on devoit mener sainct George en son eglise, comme +en Mets est+ la coustume en est
^en Mets que^chacun ans de deux ans à aultre en Mets de ^le^ aincy le mener, et tellement que à cest
heure aprés midi que l'on le menoit, la dite pluye avec le tonnoire vint cy abondanment que toutte la
noblesse qui lui acompaignoie fut tout moulliés et trespercés, car il tonnait et plus treffort, comme dit
est, une trés_bonne chaude pluye, de_quoy tout le monde fut resjoÿs, car de et n'awoit car de loing
tampts ^devent^ n'avoit pleut et tellement que par deffaulte de pluie, comme dit est, ce gaistoient
plusieur besoingne.
Item, le ^lundemains^, jour sainct George, fut biaulx et chault, et aucy fut le lundemains +jour
aprés+ jusques sur le vespre que le vant ce retournait dessus l'Airdaine, et estoit trés_froit et pleust
quelque peu sur le tairt devers Lessei, Sciei, Chaiselle et Chaistel Sainct Germains. Et tellemant ce
reffroidait le tampt ce vandredi, vigille Sainct Mairc, que la nuit ensuyvant furent fondue et engellee
grant partie de toutte les vigne de Noeroi, de Sciei, Lessey, Chaistel Sainct Germains et Saincte Raffine et

256

en plusieur aultre lieu, et estoit le Vaulx de May desjai tout gaisté et fondus. Et gellait celle nuit cy fort
que ce qui avoit demouré en plusieur aultre villaige fut celle nuit tout gaisté, et pour cest cause fut le
powre puple cy fort desconfortés et non sans cause, tellement que les aulcuns ce tiroie causy par les
cheveulx et estoient come desesperré, qui ne les eust reconfortés, et estoit pitiet de leur fait, car [-], (448)
+comme j'ay dit devent, l'on+ avoit +alors+ plus belle vigne que jamaix homme eust veu.
Et encor advint pis le jour sainct Mairc au matin, auquelle jour le tampts estoit esseis biaulx et
serain et luisoit le solleil essés cler, mais avant que la pourcession fut retournee, il ce levait le plus
tairible et froy vant d'Airdaine, tellement que l'on ne powoit durer de froit, et avec ce il grisselloit et
negeoit cy treffort que toutte les rue et les tis en estoient blanc ; et aincy en fist en plusieur aultre païs.
Et ^jai ce qu'il^ n'y avoit heu journee ne [-] ^aucy nuitee^ de-puis le maicredi de Paicque qu'il ne
ce fist diverce pourcession, tant à Mets comme au villaige, et sonnoit on les cloiche toutte les nuit,
neant-moins, comme vous oyés, furent les vigne par plusieurs fois engellee et fut le vin rencheris, car
devent ce advenus l'on avoit le milleur à .VII. deniet la quairte, et le jour sainct Mairc l'on le vandoit
desjay .X. deniet.
Puis, quant ce vint ledit jour, sur le tairt le tampts devint fort cler 293 et tousjour plus froit, et
tellement ce refroidait que quant ce vint le dimanche au matin, l'on trowait que tout estoit causy gaistés
et fondus, non pas seullement en ung lieu mais par-tout, et n'y avoit comme rien demourés de vert. Et
jay ce que touttes les nuit, ^come dit est^, on sonnoit tellement que l'on n'y oyoit goutte par toutte la
cité et que encor ce faisoient ^et continuoient^ diverce pourcession touttes les nuit par les villaige,
nianmoins, le dimenche le dimenche, tout le jour le tampts ce thint tousjour froit, en fasson telle que le
lundi au matin tout fut consumés et ^gaistés^ par-tout jusques à Paris, voir jusques à Rowan et és
Allemaigne et aultre pairt par tout les païs dessay les mons, reservés quelque peu en Aussay et en
Bourgougne, en la Franche Conté.
Et (449) tellement furent les païs gaistés et destruit de celle gellee que ce fut la plus grant pitiet
que jamaix crestiens vit, car rien de bon ne demourait alors vert que les blef, et encor ourent moult à
souffrir, et furent les soille engellés tout autour de Mets et en moult d'aultre lieu, et furent aucy les
fromant tampesté en plusieur lieu, tellement qu'il y_olt cest annee ungne grande chiertés et une grande
famine et powreté et par-tout, come vous oÿrés, parce que les vigne furent aincy destruicte et engellee
avec les ble partie des blef, comme vous oyés, tant ou païs de Mets que plus de .LXX. liewe en l'antour,
reservés ce que j'ay dit ^dessus^, et fut une pitié merveilleuse et ung donmaige inrecowrauble.
Et sowerainement je puis parler et à_vray de celle du païs de Mets, par-tout ou que ce soit,
desquelles je ne cuide pas que ^en^ mil journaulx ^de vigne^ il y_doit avoir ung chairpogne de roisin
^chauderon de vin^ pour l'annee ; et encor plus fort je ne cuide point que par tout le Vault de Mets il
y_ait [-] heu de celle annee demi cawe de vin, reservés autour de la couste Sainct Quantin et au plus
293clerc corrigé en cler par l'auteur.

257

hault, là ou il n'avoit pas pleus cez vigne ycy. ^Et furent illec^ environ .XXX. journaulx, ^lesquelles
c'en^ estoient bien salvee le thier ou le quairt ; maix de-puis, elle olrent encor essés à souffrir par la
tempeste et en y_olt encor bien la mitte de ce qui estoit demouré du perdus, comme vous oÿréz cy aprés
vous oÿrés, ^et le rest fut de trés povre boison^.
Paireillement demourait encor quelque peu de vigne bonne à_quairt devers Marieulle et à
Corvey, +mais ce fut come rien+, et furent aucy à cest fois tout les fruit gaistés et consumés et n'y
demourait rien de vert, nowiet, serisiet, pruniet, pommiet, neppliet, ne quelque fruit que ce fut, au_moins
bien peu ne que à compter fut. (450) Et au regairt de celle d'oultre ^ce qui estoit oultre la rivier^ la
rivier de Saille, il n'y demourait nes que aprés feu et n'y demourait verdour nesque à Noé, et n'y olt pas le
plus gros vignerons une pinte de vin.
Et je le sçay pour moy, car ce le tampts fut venus comme il estoit d'aipairance, j'en eusse heu en
ma pairt plus de cent ou de .VIXX. chairaulx, desquelle je n'ait pas recuillis une pinte non une choppine
ce l'on ne me l'ait donné pour essaier.
Et alors fut le vin fort rancheris, car les plus maure furent tantost mis à .XII. deniet la quairte, et
ne encor n'en powoit on finer. Et avec ce fut le blef remontés, de_quoy les powre gens furent cy
estonnés que c'estoit pitiet, car lez plusieurs qui devoient grant chose et qui cuidoient bien paier ce le
tamps fut venus bien à_point et qui n'avoient ne pains ny argent, ces powre gens ycy ce trowoient cy
trés espowantés et non sans cause que le lundi aprés aprés la Sainct Maircque il en vint plus de trois mil
en Mets pour sçavoir devers ceulx de qui il tenoient leur vigne c'il les wouldroie ancor aydier sur le
tampts venant, ou sinon qu'il leur en fauldroit ailler sairchier leur adventure ; et pleuroient la plus-pairt
d'eulx, que c'estoit pitiet. Car avec ce que les plusieur n'avoie ne blef ne vin ne gens qui les mestist en
ewre, encor estoient il plus desconforté de ce que toutte manier de [-] fruit estoient gaistés et engellés, et
n'y avoit demourés, come dit est, ne preune, ne poire neppe, ne serise ny aultre fruit que tout ne fut cuit
sur les airbe par gellee, et jay_ce que les serise estoient desjay grosse et preste à meurir et en y_avoit
à_force grant abondance c'elle eussent demourés, aucy y_avoit autant de (451) poirre que j'en vis
oncque pour une annee.
Et fut encor cest annee fortunee en aultre chose, car ceulx qui avoient vaiche ou chievre pour
eulx noirir, il en failloit tuer partie par-ce que tout estoit tant saiche qu'il n'y avoit nulle herbe par les
champts et ce mouroie de fains les powre beste.
Aucy en ce tampts nous seigneur de Mets, voiant les vigne estre aincy toutte gaistee, mirent la
pourte à .C. solz, c'est assavoir que pour saillir une cawe de vin hors de la pourte il cowenoit paier .IIII.
florin de Mets de passaige pour l'issue, ou aultrement l'on eust vandus le vin à Mets plus de deux paitair
la quairte.
Paireillement en ce tampts ce deffirent les armee en France et fut paix faicte, et c'en retournairent

258

grant foison de lancequenette par le païs de Mets.
Item, durant ce tampts et que le duc de Scifort, c'on disoit la Blanche Rouse, roy d'Angleterre,
estoit tousjour à Mets, lui et ces gens, et ce tenoit adoncque et faisoit sa demourance aprés la grant
maison de_cost le Sainct Esperit, en une maison qui jaidi fut à seigneur Jehan de Vy, icellui seigneur la
Blanche Rouse hantoit journellement et frecantoit avec les aultre seigneur de la cité, et ce juoient
ensamble de plusieur jeu et esbaitement, tant à la chaisse comme aultrement.
Or avoit ycellui seigneur ung chevaulx qu'il tenoit bien chier et l'amoit et prisoit merveilleusement,
sowerainement pour son bien courir, et par plusieur fois ce vantoit et disoit que à Mets ne à .X. lue à
l'antour n'avoit son paireille [-] [-] courir ^à la course^. Et disoit ces mot ledit seigneur pource que alors,
à_Mets, y_avoit de moult biaulx et bon chevaulx qui estoient (452) au jonne seigneur chevalier et escuier,
entre lesquelle seigneur y_avoit seigneur Nicolle Dex, noble escuier et janre à seigneur Fransoy le Gournay,
chevalier, et que luy et seigneur Philippe Dex cy devent nommé estoient frere et anffans à seigneur Nicolle
Dex, chevalier, qui tant fut vaillant homme et des plus noble lignié de Mets.
Celluy Nicolle Dex avoit paireillement ung grant chevaulx qu'il prisoit moult. Or, avoit ycellui
seigneur la Blanche Rouse conversé par plusieurs fois en allans à_la chaisse à_l'abay ou aultrement avec
ledit escuier seigneur Nicolle Dex, et par plusieurs fois luy avoit requis qu'il voulsist courir son chevaulx
une course ou deux encontre le siens pour assaier lequelle courroit le mieulx.
Et de fait c'y estoient essaiés, et tellement aillairent leur parrolle de l'une en l'aultre ce en arguant
et en manier de jeu que gaigeure en fut faictes, et bien secretement fut tenus leur cas. Et fut la gaigeure
telle qu'il devoient aller courir les dit chevaulx eulx meisme en personne, c'est assavoir le duc de Scifort
et ledit seigneur Nicolle Dex, depuis l'orme à Avegney jusques dedans la pourte Sainct Clement. Et estoit
la gaigeure telles que chacun desdit deux seigneur avoit mis en ung bourse .IIII XX. escus d'or au solleil, et
fut cest airgent mis en mains neutre pour delivrer à celluy qui guegnerait la courxe.
Et tellement que ledit ans mil .VC. et .XVII., le jour sainct Clement en maye, le second jour, qui
fut alors le samedi, et à ce jour meisme que l'on courre l'awaine et le baicon audit lieu sainct Clement294,
lesdit seigneur acompaigniet de plusieurs aultre ce sont leveis du maitin et firent owrir la pourte Sainct
Thiebault devent l'eure acoustumee, et saillirent (453) dehors au champts pour courir, comme il avoit
estés dit.
Or avoit ledit seigneur Nicolle Dex traictés son chevaulx deux ou trois jour devent cest journee
à_l'amis et Dieu scet coment ; je croy que aucy avoit ledit duc, mais ledit seigneur Nicolle n'avoit, comme
294Voir Ch. Abel, « La Haute-Pierre », L'Union des arts, sept. et oct. 1851, p. 371, 372, cité dans M. Hasselmann, Le
Vocabulaire des réalités messines..., 1982, p. 493 : « Metz offrait chaque année le spectacle d'une course de
chevaux, à la porte Saint-Thiébault près de l'abbaye de Saint-Clément […] D'après ce que nous dit Philippe de
Vigneulles, il paraît qu'au XVIe siècle, le prix de la course n'était plus une somme de quinze sols, mais bien une
certaine quantité d'avoine. […] Les jeunes filles avaient aussi leurs courses à pied. Ces Camilles du Moyen Age se
laissaient séduire par un trophée singulier, un baccon, un morceau de porc […]. Cet usage bizarre subsistait encore
en 1607 : c'était ce qu'on appelait courir le baccon. »

259

il me fut dit et sertiffiés, point donné de foins à son chevaulx ne n'avoit beu aultre chose de que du vin
blan, et avec ce luy avoit fait faire dez petit legier fer d'acier. Et avec luy meisme, comme il avoit estés
dit, ce trowait ledit jour aux champs champts avec ledit duc monté à dos sur son chevaulx, sans celle
aultre c'une cowerte liees dessoubz le vantre, et comme ung paillefreniet, tout en pourpoint et cen avoir
soullés au piedz ; mais aincy à dol dos sur son chevaulx, sans saille, fut ledit seigneur Nicolle.
Et tellement que quant ce vint à courir et à desloigier, ledit seigneur la Blanche Rousse aucy luy
meisme sur son chevaulx avec la saille, ce prindrent tous deulx à desloigier de telz randon et force qu'il
sambloit que la terre deust fondre dessoubz eulx. Et fut loing tampts que ledit duc avec son chevaulx
paissoit ledit seigneur Nicolle, mais quant ce vint devers Sainct Laidre, le chevaulx du duc n'en poult plus
et demourait derrier, jay ce que ledit duc le feroit tellement et contraindoit des esperons que le cler sanc
en sailloit de tout cousté.
Neantmoins il ne luy waillut, car il demourait derrier et gaingnait la course ledit seigneur Nicolle
Dex, et luy fut delivrés la bourse avec les dit .VIII XX. escus au soilleil, de_quoy il fut bien amploiés, car il
estoit tout jantil et gracieulx, et estoit ledit seigneur Nicolle l'ung des jantil ruste de_quoy l'on sceust
parler, luy et seigneur Philippe son frere, tant aus airme, à la luitte, au salter et à faire haulte et diverse
(454) gambairde, car en ces chose il ne trowoient pas leur paireille et ensuivoient bien leur perre, dont
Dieu ait l'ame ; sowerainement ledit seigneur Nicolle, lequelle à_le veoir sambloit estre tout anregnéz,
mais quant ce venoit à faire, c'estoit merveille que de lui pour ung petit corps, car il estoit de moie nne
taille et estoit le plus devocieulx que l'on peult trower. Dieu lui doing graice, luy et tous nous aultre
seigneur et nous aucy, de tellement huser que ce soit au salus de nous ame. Amen.
Item, en celluy tampts, le roy d'Angleterre, c'est assavoir la Rouge Rouse, lequelle tenoit et
possedoit le reaulme, fist merveille de fortiffier la cité de Tournay et y_envoiait merveilleux vivre, et
sowerainement fortiffiait et avitaillait ung fort chaitiaulx qu'il y_avoit fait faire tout de nuef et y_mist
grant guernisson ; et avec ce fist encor faire plusieurs aultre chaitiaulx au loing de la rivier pour tenir la
cité et le païs en subjection. Et voulloit on dire qu'il voulloit tout transmuer ce puple en Angleterre,
auquelle païs il leur donroit terre et possecion telz qu'il soulloient avoir à Tournay, et qu'il pupleroit la
dite cité de la nacion angloise. Dieu weullent que tout en viengne à bien et que ce soit à_la lowange et
acmantacion de saincte Crestienté.
Item, aucy oudit moix de maye l'an dessus dit .VC. et .XVII., furent brullés par fortune de feu les
bains à plumier, et ne sceut on coment ne dont ce vint. Et fut le feu, comme on disoit, cy merveilleux
que meisment ceu que l'on gectoit en l'yawe, ce alumoit et brulloit, et y_olt grant domaige.
(455) Item +Puis, tantost aprés+ en celle meisme annee, +lundemain de l'Ancencion, qui fut
le295+ .XXIIe. jour de maye, +qui fut+ par ung vandredi à soir entre .IX. et .X. heure, et fut ce jour le
lundemains de l'Ansancion, à cest heure que je vous dis l'an vit ^clerement^ entre Mets et Noeroy une
295Philippe écrit et ne supprime pas un premier le avant l'ajout marginal ; nous le supprimons.

260

escomette de feu en l'air, grosse et lairge par samblant, et ce monstroit comme de .XIIII. ou .XV. piedz
de loing et comme ung tref de feu pandant en l'air 296, le gros bout lairge de .IIII. piedz par samblant et
tenoit du cousté devers Allemaigne, et le petit bout +bout ce mons[trait]+ ^de deux piedz de lairgeur^
devers France lequelle ce monstrait de deux piedz de lairge. Et ce thint aincy longuement en l'air autant
de tampts que l'on metteroit à dire .V. Pater Noster et .V. Ave Maria, puis ce deminuait et ce p erdist
tellement que de brief l'on ne sceust quelle ^tout^ devint.
+Mais une chose fut à esmerveillee 297+, item ^car^ en celle meisme nuittee que la comette ce
montrait, fut airse par fortune de feu la plus-pairt de tout le villaige de Mondellange, et voulloient dire
les aulcuns que le feu venoit de cest comeste 298 ^et ne solt on jamaix dont ce feux vint, sinon que
aulcuns presumoient et creoient qu'il venoit d'icelle comette^, car premier +fut veu+ ledit feux saillist
^saillir^ d'ugne maison tresse ^deserte et aruynee qui estoit trex[e]^ et waulgue, en laquelle y_avoit plus
de trois ans qu'il n'y avoit demouré personne, et puis ce print par tout le villaige et y fist moult grant
domaige, ^tant^ en beste et en ^comme en aultre^ biens airs ^et brullés^.
En ce meisme moix, on avoit moult grant necessité d'yawe, et croy ce ^disoit le puple que se^
Dieu n'y mect remide, que l'yawe cousterait plus que le vin, c'est à_dire qu'il y_ait ^y_avoit cy^ grant
deffaulte de pluye par_quoy ^que tout^ tout ce saichoit et ce brulloit au champts ; et [-] doubte ^fut dit
encor dit^ que possible la grant chailleur ne nous faisse ^feroit^ autant de domaige que ait ^avoit^ fait
la froidure, car ^par la chailleur^ tout les hairbe et le rest des vigne furent mangee de ces petitte beste
qui woulle que l'on appelle hurlat ou sairbat, (456) et encor ce poc d'erbe et de verdure qui estoit és
prés estoit demangiés dez saulterelle.
Les saigle estoient la plus-pairt engellés et perdus, comme dit est, les fromant estoient au plus
biaulx mais qu'il eussent heu de la pluye ; brief, c'estoit pitiet d'oÿr lez plains et lamentacion des powre
gens, tant pour eulx que pour leur beste, et ne ce sçavoie à_quoy pranre, car il estoit grant chierté partout, et plus encor dehors Mets que en Mets, car en Louraine l'on vandoit la quairte de blef .XVIII.
et .XX. solz, et pour_ce estoient les chemin clos, et en Mets l'on l'eust heu pour .IX. solz ce ne feust les
estraingiés qui le venoie querir de tout coustés. Et ce acomensait à rancherir tellement que adoncques
^et^ alors ce vandoit .XIII., .XIIII. et .XV. solz la quairte.
Mais nous seigneur, lesquelles sont tousjour pourveu, voiant cella, firent deffance par-tout que l'on
n'en-menait point hors du territoire de Mets, et mirent sus ung monciaulx de blef ou guerniet de la ville,
là ou il en y_avoit plus de .XII. mil quairte, et fut mis à .XI. solz la quairte. Mais il y_eust tantost telle
foulle et tel presse des bonne gens de dehors qu'il failloit sairés les huis et les laissier ailler l'ung aprés
l'aultre ; et ne powoit nul saillir de-hors de Mets sans ansaigne du quairtiet et d'ung Trese. Et aprés ce
296aire corrigé en air par l'auteur.
297Nous signalons cette proposition comme un ajout marginal, car elle occupe visiblement un espace que Philippe avait
d'abord laissé en blanc, comme il le fait à plusieurs reprises en ces pages ; cela est confirmé par la correction d'Item.
298Philippe ne barre pas comeste ; nous le barrons car le terme est répété dans l'ajout interlinéaire.

261

que les bonne gens avoient leur blef, encor avoient il grant meschief de moudre par deffaulte d'yawe,
car une nef ne fut point allee en .VIII. jour de Mets à Triewe tellement estoient courte les rivier courte.
Item, en Champaigne, tout fut gaisté et c'en fuioient partie des powre gens de villaige de tout cousté,
eulx, leur femme et leur anffans, là ou chacun powoit mieulx pour ce salver.
(457) Item, en cest annee, je, Philippe, acteur de ces presante cronicque, m'en aillais à Landi à
Paris par le chemin acoustumés et retournait, la Dieu mercy, et y_amploiait en draps environ pour .IXC.
frant.
Item, en cest dite annee, en jung, le duc de Scifort, roy d'Angleterre, departist de la cité de Mets
acompaigniet de aulcuns de nous jonne seigneur. Dieu les conduie.
Item, le .XXVIIe. jour dudit mois de jung, le lundemains de la Sainct Elloy, l'an .VC. et .XVII., fist
ung merveilleux tampeste et grant domaige en plusieurs lieu, entre lesquelle il destruit et gaistait plus
de .XXX. villaige, depuis le Neuf Chaitel en Louraine en tirant à Nomini et della à Morhange et en
tirant tousjour oultre, et fist grant domaige innumerauble. Item, ce tampeste gaistait la plus-pairt des
vigne qui estoient demouree sur le hault de la montaige Sainct Quantin.
Item, oudit moix de jullet, l'an dessus dit .VC. et .XVII., il fist encor de merveilleux ouraige et
tampeste en plusieur lieu, tellement que plusieur blef en furent fondus et tampesté, sowerainement
devers le ban de Desme et là entour.
Puis vint le moix d'awoust, lequelle fut tout contraire à sa saison, car durant le maye ^et lez
aultre moix devent^ l'on crioit a-lairme pour avoir de l'yawe, ^comme dit est devent^, et en faisoit on
journellement pourcession, priant à Dieu qu'il envoiait de la pluye ou sinon tout ce gaistoit par deffaulte
d'yawe et on n'en powoit finer, mais au contraire, durant le moix d'owoust quant +qu'il deust fa[ire]
chault et que+ on desiroit le biaulx tampts pour mestre les biens à l'ostel, il n'estoit causy point ung jour
cen plowoir. Et tellement estoit le tampts mis à_la pluye que les powre gens avoient grant meschief
à_lever les blef et en y_olt la plus-pairt des germés et maulx (458) conrés, Dieu en soit lowés, car cest
annee fut en touttes ces saison contraire.
Item, les foin, c'estoit pitiéz dez veoir et les failloit pourter en des saicque ou en des lincieulx
tant courte estoient lez herbe, et cen vandoit une bien petitte chairee de foin .IX. ou .X. frant.
Item, le .VIIIe. jour d'awoust, la sourvaille de la Sainct Louran l'an dessus dit, vint et arivait à Mets
à belle compaignie de .XXV. ou .XXX. chevaulx ung cardenaulx de Romme, lequelle venoit de devers
l'ampaireur, et estoit ce cardinaulx Collougnes qui est l'une des plus grosse ansienne lignee de Romme et
de toutte Ytallie et estoit ce cardinaulx ^Collounes et^ frere germain au seigneur Maircque Anthonne
Collougnes299, lequelle peu devent avoit esteis à Mets, comme il est ycy devent recités. Item, la cité fist à
ce cardinaulx presant de deux cawe de vin qui wailloient bien .XL. frant et de .XXV. quairte d'awaine
qui wailloient bien .XII. ou .XIII. frant. Item, le dimanche, vigille Sainct Lourans, oÿt la grant messe en
299Pompeo Colonna (1479-1532), créé cardinal le 1er juillet 1517.

262

la grant eglise de Mets et donnait la benediction à cellui qui dit l'Evangille ; puis, aprés dinés, fut conduit
et pourmenés par la cité par aulcuns de nous seigneur pour luy monstrer la ville, et le lundemains bien
matin c'en partist, lui et les siens, et c'en retournait à Romme.
Item, la Blanche Rousse, d nommés duc de Scifort et roy d'Angleterre, comme il est cy devent
recité, ce avoient partis de Mets en jung et c'en avoit allés à Lion puis paissait dellay les mons pour
aulcune affaire, et fut à_Venise et en plusieur aultre cité d'Itallie et de Lumbairdie 300. Et en sa
compaignie y_avoit seigneur Philippe de Rougecourt, l'ung dez nous seigneur de Mets ^la cité de^, avec
plusieur aultres citains de Mets ; et revindrent les dessus dit (459) en Mets la vigille de la Sainct Prewé,
qui fut le jeudi .XXe. jour d'awoust, l'an .VC. et .XVII.
Item, en celle saison le tampts fut merveilleusement malz dispousés et avec ce qu'il n'y avoit
guere de blef et encor moins de foin, l'on olt grant paine à les lever par les grant pluye qu'il fist depuis
le vandredi aprés la Sainct Jehan, et fut le tampts fort contraire, car quant on desiroit la pluye, l'on
comme dit est, l'on ne l'ost pas, et quant il n'estoit pas tampts qu'il pleust, il ne fist journellement que
plowoir. Item, paireillement, depuis le moix de jullet ledit ans, l'on ce mist fort à morir ^et tout contraire
à sa natture, comme dit est devent, par_quoy lez creature comme lez bien de terre cheurent en diverse
inconvenient, car en ce temps, ou moix de jullet, l'on acomensait fort à morir^ en la cité de Mets des
esprinson, et paireillement à Triewe, et en moureurent plusieur personne, gens de tout eaige et de tous
estat.
Item, avec ce, en ce tampts y_avoit grant chier tampts de tout vivre. Premierement le fin froment
ce remontoit tout les jour, qui estoit chose merveilleuse de ce aincy remonter de pris aprés la moisson, et
le le vandoit on .XVIII. et .XX. solz la quairte. Et ne trowoit on guerre de bon vin à .XII. deniet et estoit
la chair fort chier ; aucy estoit le foin et l'awaine, euf, burre et fromaige : tout estoit chier cen
compaireson.
Item, le .XIIIe. jour de septambre, par ung dimanche qui fut lors la vigille de la Saincte Crois, par
comandement de justice fut alors assamblés le puple de la cité tout ambaitonnés et en airme ou baille de
la pourte Champenoise, et paireillement ledit jour furent assamblés ceulx du païs de Mets et de toutte la
jurediction ou baille de la pourte des Allemans et tout en airme.
(460) Et la cause fut telle que nowelle sertaine vinrent à Sept de la guerre coment Francisque
^Philippe Slucterte^, qui a-lors estoit annemis à la cité pour le fait de ^Pier Burtault^, duquelle +Pier+
Burtault en est plusieurs fois ycy devent parlé, et ycellui ^Philippe, qui estoit petit jantil homme mais il ce
faisoit fort du devent dit conte^ Francisque, estoit sur les les champts acompaigniés de .VI. ou .VIIC.
chevaulx, et voulloient venir faire une malvistiet ou païs de Mets, par__quoy à_cest cause fut aucy le
puple assamblé et fut le pains cuit et plus plusieurs piece d'artillerie toutte preste.
Et av avoit on ^à celle fois^ deliberés que c'il venoient, qu'il seroient bien recuiellis, et aucy on
300Richard de la Pole rencontre à Lyon François Ier en 1516, avant de partir en mission en Italie.

263

faisoit alors bon guet par tout lez villaige et avoient nos ^les^ seigneur ^et gouverneur de la cité^ envoiéz
plusieurs espie en plusieurs lieu et passaige pour sçavoir des nowelle. Et aincy, comme vous oyés,
y_avoit à cest heure grant tribulacion en la cité de Mets et par toutte la terre d'icelle, car nous estions
frappés de trois glawe ^dessus dit^ , c'est assavoir guerre, famine et mortallité.
Item, en ce tamps [-] ^furent^ pandus plusieur lairon et tandeur de hault chemin, car le puple
estoit tant powre que c'estoit pitiet et ne mestoit on personne en ewre, par_quoy y_avoit tant de lairon et
de coupeur de bourse ^que l'on ousoit aller ne venir^.
Item, quant le tampts de la vandange vint, le powre puple ce trowait bien estonné, car il n'estoit
nowelle de vandangier ne de chauquier, ne aucy l'on ne veoit nul chairon à tout ces buge et pourter
bassine ne hotte, ne ne veoit on aller religieulx ne mendiant demender, non plus nez que vigne ne
fussent jamaix esteis. Et aucy ne fut on pas ampeschiés de cuillir les fruit, car il n'y avoit rien nez que
aprés feux, (461) de_quoy c'estoit moult grant pitiet que powre gens et petit anffans ne ce sçavoie
à_quoy prandre ; et croy moy que de-puis mil ans n'y avoit heu une paireille annee, au_moins que l'on
ne vandangiet quelque peu que ce fut - le non de Dieu en soit lowés. Amen.
Item, comme j'ay dit dessus, on estoit persecutés de trois glaves, c'est assavoir guerre, famine et
mortallité, et de jour en jour ce emforsoit plus la mortallités, tellement que l'on avoit desjay tout obliés
la peur que l'on avoit heu de la guere et dez annemis qui estoient sur lez champs, comme on disoit, et ne
c'en parloit plus.
Or advint que ung dimenche, le jour sainct Luc ewangeliste301 et le .XVIIIe. jour d'octoubre,
vinrent lez annemis environ .IIIIXX. ou cent chevaulx ce frapper dedans le ban Sainct Pier, environ à
trois bonne lue de Mets, et boutirent lez feu en ung villaige nommés Burlixe, auquelle y_ait environ
.XXX. maison aparthenant à messire Claude Baudoiche, chevalier, et fut ledit villaige tout airs, reservés
.IIII. maison, car aprés ce qu'il eurent tout chairgiet pelle et tuppin et ce de bon qu'il polrent avoir, il
boutirent le feu par-tout puis c'en reto et en plain midi ^et prinrent .V. prisonnier^, puis retournirent
arier à Longeville en Allemaigne, auquelle lieu estoit la foire et illec avoient laissiet de leur compaignon
pour aprester le souppés. Et estoient ces gens ycy dez gens Burtaulz, neantmoins que Burtault estoit
mort, mais il ^n'y estoit pas en personne et estoit viéz et malestrus, mais ledit Philippe^ avoit302 son tiltre.
Et en ce meisme tampts estoit seigneur Fransoi de Gournaix, ^chevalier^, à Viller (462)
la_Quegnesy, luy et ces gens fuyant pour la mortallité ; et paireillement estoit messire Claude Baudoiche
au chaistiaulx de Pange, qui est à demi liewe prés de la dite Burlixe. Et lez premier nowelle qui en
vinrent à Mets, ce fut ung compaignon de Franconrue qui ledit jour estoit allés à la dite Bur-lixe pour le
lundemains baitre sa moisson et le recueillir, mais quant il vit la ville en feu et en flame, il c'en retournait
arrier et vint arivés à_la pourte aus Allemans bien environ une heure de nuit et que la pourte estoit
301evangeliste corrigé en ewangeliste par l'auteur.
302avoient corrigé en avoit par l'auteur.

264

desjay fermee. Et aprés ce qu'il fut interrougués dez dessus la muraille, on le laissait antrer dedans et
contait la verité.
Et je le sçay bien, car moy meisme, ^qui en celle sepmaigne gairdoie à_la porte^, le interrogay et
puis le menait chiéz seigneur Jehan le Gournaix et chiéz seigneur Regnault du Neuf-bour et chiéz seigneur
Philippe Dex pour leur dire ces nowelle. Et celle meisme nuit et environ deux ou trois nuit devent, il
vantoit et faisoit le plus orible tampts de jamaix ; touteffois le feu estoit cy g rant que enwiron lez .IX.
heure de nuit, nous vimes reluire plenement reluire l'air an_droy là ou estoit ledit feu dez dessus la tour
de la pourte aus Allemans.
Item, celle meyme nuit fut boutté le feu par fortune en une maison ou Champaissaiille, maix,
Dieu mercy, il fut rescous et ne fist point de malz.
Item, environ303 demi ans devent, ung jonne chainoigne de Mets només (463) messire Gille c'en
estoit allés à Romme avec mon-seigneur le prinsiés de la grant eglise. Or avoit cestui jonne chainoigne ung
sien nepveus, jonne clerc de .XIIII. ou .XV. ans, lequelle il avoit laissiés en gairde à maistre Andrieu,
maistre des anffans de cuer de la dite eglise. Ce gairson juoit voulluntier, comme on disoit, tellement que
pource qu'il avoit jués, la sairvante dudit maistre Andrieu le menaissait de le faire baitre. Et ne scet on
ce ce fut pour_ce ou pour aultre chose, mais au debout de .II. ou de .III. jour aprés l'on trowait ledit
guerson qui ce avoit pandus et estranglés en ung tison qui[.] estoit tirés ^à demi^ hors de leur laigniez
en leur grainche, et aincy avoit jai pandus deux ou trois jour quant on le trowait. Et fut trowé le lundi,
lundemain de ce jour que lez feu furent boutés à Burlixe, et incontinent justice en fut avertie. Cy fut
prins et traynés dessoubz lez rue entre deux pon, et illec fut anterrés. ^A ce jonne guerson fut fait tort
de le mestre en terre prophane, car il fut trowéz depuis que une faulce femme l'avoit tué et puis pandus,
come il est mis à_la fin de ce livre, en l'an .VC. et .XIX. en decembre^.
En celle meisme semaigne fut airt partie d'ung villaige devers Briei par fortune de feu.
En celle meisme semaigne, pource que l'on ne trowoit nul bon vin à .XII. deniet la quairte et nul
n'en oisoit mestre plus hault, doubtant d'en estre reprins de justice, le conseille, de ce advertis, firent
anoncer par toutte la cité que chacun boutait son vin à quel pris qu'il lui plairoit, et furent lez celliet
visitéz pour savoir combien de vin qu'il y_avoit encor en Mets ; (464) puis, tantost aprés, furent mis lez
vin à .XV., à .XVI. et à .XVIII. deniet la quairte.
Item, en celle meysme annee, le jour sainct Jude et sainct Simon, fut faicte encor grant assamblee
de gens pieton armés du puple de Mets par le comandement de justice, desquelles en fut elleus grant
nombre pour aller dehors ce necessité venoit.
Item, aucy pource que journellement l'on ce doubtoit le devent dit Philippe Sluctertr de
Erffenstein, qui alors estoit annemis de la cité ad_cause de Pier Burtaulz qu'il soubtenoit, ^comme dit
est devent^, et estoit cellui Philippe soubtenus et aydés de conte Francisque, ^son pairan^, et de
303Philippe écrit eviron ; nous corrigeons.

265

plussieurs aultre malvais guerson qui lui aidoie et fawourissoie, comme cy devent en plusieur lieu ait
estés dit, tellement que nul homme vivant qui fut de la seigneurie et jurediction de Mets ne ce oisoit
seurement trower à_païs d'Allemaigne.
Et pour_ce et à cest cause mes-seigneur de la cité du conseille de la cité avec mes-seigneur les Sept
de la guere firent tant qu'il impetrairent une lestre et ung mandement de Maximilian, nostre ampaireur,
lequelle mandement fut imprimés en allemans et en romans, et en furent plusieurs coppie mise et
ataichiés par les pourte de la cité et du pallas de Mets. Et fut ce fait és l'an mil .V C. et .XVI., ^et environ
le moix de fewriet, à_la fin^, furent deroutte et dessiree. Et estoient en celle lestre és deux langaige
contenus plusieurs article, dont la tenours s'ansuit.
(465) Coppie de la dite lestre :
Nous304, Maximilian , par la grace de Dieu esleu Empereur des Romains tousjours august, roy de
Germanie, Hunguerie, Dalmacie et Croatie etc., archiduc d'Austriche, duc de Bourgougne, de Brabant et
conte palatin etc., mandons à tous et chacuns, princes eliseurs et autres princes, spirituelz et temporelz,
prelats, contes, barrons, chevalliers, escuiers, cappitaines, chastellains, vidames, vouéz, regens,
gouverneurs, officiers, prevostz, maistres de bourgeois, justiciers, conseilliers, bourgeois, comunitéz, et à
tous autres subjectz et feaulx de nous et du Sainct Empire, ensamble de noz principaultéz et pays
hereditables, en quelle dignité, estat ou condition qu'ilz soient, quy par ces presentes noz lettres
imperialles ou par vrayes copies d'icelles seront sur_ce appelléz et requis. Nostre grace et tous biens,
reverends, venerables, haulx, excellans, cousins princes eliseurs et autres princes, nobles, honorables,
devotz et chiers feaulx, comme par la paix commune de nous et du Sainct Empire pour le bien dudit
Empire et de toutte chretienté305, de l'advis et306 conseil des eliseurs, prince et generale assemblee de nous
et de l'Empire faicte et conclue, à la (466) premiere journee imperiale tenue à Worms et consequenment
aux autres journees imperiales tenues à Fribourg, Augsbourg et Collougne, amplement declaree et
commandee estre entretenue, signifiee aussi de toutes pars. Soit par motz exprés contenu et statué que
depuis le temps de l'intimation307 et notiffication d'icelle, nul, de quele dignité, estat ou condition qu'il
soit, ne d doit deffier autry, luy mener guere, destrousser, despouller, apprehender, ne aussy par luy
mesmes ne par autres à son occasion, servir, assaillir, assigier ne eschieller chasteaulx, villes, forteresses,
bourgs, places, villaiges et gaingnages ou autrement par force et puissance contre la volunté d'autruy les
prandre violanment, temerairement et malicieusement, y boutter lez feuz ou autrement les endommager.
Pareillement nul ne doit en aucune maniere donner conseil, faire ne bailler ayde, confort ou secours à
304Le n de nous est une lettrine que Philippe orne d'un visage d'homme vu de profil.
305Abréviation originale, apparemment le chi et le rhô grecs.
306es corrigé en et par l'auteur.
307Philippe porte un tilde superflu sur la première syllabe de ce mot.

266

iceulx forfaisans. Et aussy ne les doit scientment ou malicieusement haberger, recepter, sustenter,
alimenter, abriever, soustenir ou endurer. Ains celuy qui pretendroit quereller autruy, il doit ce faire et
cercher au lieu et jugement là ou la (467) cause paravant ou maintenant par l'ordonance de nostre
chambre imperiale apparthient ou apparthiendra estre diffinie ou que ordinairement y compete.
Pour_quoy aussy avons levé, osté et annichilé par tout l'Empire toutes rigueurs, guerres ouvertes
et oeuvres de fair, et sy aucuns, de queles dignitéz, estas ou condicions qu'ilz fussent, faisoie nt ou
entreprenoient faire contre les choses dessus dictes ou aucunes d'icelles, ilz seroient de fait et par droit
jugéz et dez-clairéz estre escheuz au ban et arrier_ban de nous et du Sainct Empire, et en autres peines
leurs corps et biens abandonnéz à ung chacun, quoy faisant ne mes-prandroit personne. Et toutes
obligations, confederations, foy ou promesses à eulx faictes ou appartenantes et sur_quoy ilz porroient
avoir aucunes actions ou demandes doyvent envers ceulx qui seroient à eulx tenus estre extinctes,
mortes et abolies. Aussy les fiedz autant que les transgresseurs en_tiendroient seroient escheuz au
seigneur feodal [-] comme nostre dicte declaracion le contient, et ne seroit tenu leur laisser suyvre le
fiedz ou partie la vie durant de l'enfraindeur de paix, ne recevoir au fief ledit enfraindeur ou (468)
autres heritiers du fief, ne aussy laisser à luy ou aux siens partie des usufruictz d'icelluy, comme ce nostre
dicte paix par ses declaracions avec autres plus amples ordonnances le contient.
Et ainsy soit que en l'an douze dernier passé et autres annees subsequentes, ung appellé
Philippe Sluchterer de Erffenstein en contrevenant au contenu en la bulle d'or la reformacion royale,
ladicte paix et droit commun à cause d'ung, qui se nomme Pierre Souffroy, duquel comme de son
serviteur il s'entremect, ait ehu mandé et escript aux honorables chiers feaulx de nous et de l'Empire, les
maistre eschevin, Treze juréz et communité de la la cité de Mets, une temeraire guerre, deffiance,
insidiacion ou inimité. Et encores avant delivrance, intimacion ou notification de sadicte deffiance, il a
avec plusieurs ses aidans entrepris et ruéz sur lesditz de Mets et leurs bourgeois par prises, destrousses
et feuz bouttéz. Aussy a il ehu apprehendé et pris aucuns bourgeois de Mets sur les haulx chemins de
nous et du Sainct Empire, les tenans en ceste sorte illicitement et irraisonablement, par_quoy luy et tous
ses aidans, adherans, receptans, favorisans, confortans, complices et alliéz en ceste affaire sont escheuz
de propre fait (469) qui est tout cler, notoire et evident, et n'a mestier de plus_ample approbation au
ban et arrier_ban de nous et du Sainct Empire et autres griefves, peines, punitions et amendes
amplement contenues et declairees en ladicte bulle d'or de royale reformation en la paix commune, en la
declaracion d'icelle, amples ordonnances et droit commun.
Et affin que plus formelement fut besoingné en ceste affaire par lesdis bans, penes, punicions et
amendes, à_l'instance et requeste desdis de Mets, nous ayons ehu commis au venerable Richart,
archevesque de Treves, archichancellier du Sainct Empire par Galles et le royaume d'Arles, nostre chier
cousin et prince eliseur, et à honorable nostre chier devot Loÿs de Senserheim, commandeur de l'ordre

267

d'Allemaigne à Covelence, nostre conseiller, de besoingner entre lesdis de Mets et ycelluy Schluchter [-]
amiablement ou par droit, tout selon le contenu de nostre commission à eulx transmise à ceste occasion.
Laquelle commission lesdis de Treves et Senserheim ont ehu accepté et en oultre à la poursuicte et
requeste d'iceulx de Mets decreté, donné et octroyé citacion ou adjournement à_l'encontre dudit
Schluchter, que luy a esté notifiee et intimee au chasteau de Wartemberg et autre_part, et combien que
lesdis de Mets se sont (470) demonstréz obeissans et comparus par leurs procureurs ayans plainiere
puissance à la premier, seconde et troisieme journee juridicque en acousant la contumace ou
desobeissance dudit Schluchterer et icelle contumace ou desobeissance obtenu par trois sentences
requerrans estre procédé et exploicté en oultre à_l'encontre de luy et de ses adherans par ban et
arrier_ban et en autre maniere comme dessus. Neantmoins nostredit chier cousin et prince eliseur
l'archevesque de Treves et ledit de Senserheim ont renvoyéz les parties à nous ensemble les actes ou
procedures soubz leurs seelz, lesquelles nous avons veuz et visitéz diligemment.
Et aprés mehure deliberacion de conseil sur_ce ehue, d'autant que le fait est evident, notoire et
manifeste et n'a mestier de plus_ample attestacion ne verifficacion, sont lesdis Schluchter pour icelluy
cas et pour sa desobeissance avec tous ses aidans, adherans, complices et allyéz en ceste affaire ainsi
escheuz au ban et arrier_ban de nous et du Sainct Empire, et és autres peines, amendes, corrections et
punitions contenuees en la bulle d'or de royale reformacion et en nostre commune paix instituee,
publiee et manifestee. En_quoy aussi de_superabundant, (471) jaçoy qu'il ne fuist de necessité, nous les
y avons jugéz, declairéz, denoncéz et publiéz et de plenitude de imperiale puissance scientment par ces
presentes les y jugeons, declairons, denonceons et publions y estre ainsy escheuz, et commandons
trés_à_certes à vous tous et à ung chacun de vous singulierement, soubz crainte de nostre griefve,
indignacion et correction, a^u^ssi aussy dez penes et punitions contenues et declairees ésdictes
ordonnances, institution et paix commune, et voulons que vous ne soustenéz, habergéz, receptéz, logéz,
secourréz, alimentéz, sustentéz ne subvenez de boire ne de manger par le_Sainct Empire, ne aussy en
noz et voz principaultéz, païs, seigneuries, chastiaulx, villes, bourgs, forteresses, justices, villages ne
jurisdictions ledit Schluchter, ses aidans, adherans, receptans, favorisans, complices et alliéz en cestuy
fait, et n'ayéz aucune conversacion, communication ou acointance avec eulx, et en maniere que soit ne le
souffréz, tolleréz ou permectéz faire ne avoir aux vostres en apert ne en occult, ains que tenéz et tandéz
sur eulx et laisséz tenir et tandre, et là ou vous les porréz rencontrer et attrapper ensemble leurs
destrousses, si aucunes en avoyent, les arrestéz, apprehendéz, occupéz et detenéz, et administréz (472)
contre yceulx ausdis de Mets, à leur instance et requeste, brief acomplissement de justice, et autrement
exploictéz et procedéz contre eulx, leurs corps et biens comme il appartient à faire contre notoires et
publicques enbannis, aggravéz, temeraires, desobeissans et contempneurs de nous et du Sainct Empire,
sans vous demonstrer en ce desoibeissans et sans dilater ne attendre les ungs sur les autres.

268

Ce faisant, feréz nostre expresse et trés_acerte intencion et voulloir, et ce que ainsi vous
entreprandréz, besongneréz, exploicteréz et feréz à_l'encontre dudit transgresseur, de ses aidans,
adherans, receptans, favorisans, complices et allyés en cestuy fait, et contre les corps et biens d'un
chacun d'eulx conjoinctement ou diviseement, vous n'en auréz offencéz, delinquéz ne mespris
à_l'encontre de nous, du Sainct Empire ne aucuns autres, et ne seréz tenus d'en respondre en aucune
maniere en jugement ne dehors, selon ce vous sachéz conduyre.
Donné à l'an deg ^gaice^ le treziesme jour du mois de fevrier aprés la nativité Nostre Seigneur
quinze cens et seze de nous regnes des Rommains ou trentiesme et de Hunguerie ou vingt_sixiesme ans.
Ainsy subscript et signé soubz le remploy per regem et sur ledit remploy ad mandatum domini
imperatoris proprium Sernteiner.
(473) Item, pource que l'an vit que quelque mandemant ne ordonnance que nostre dit
ampaireur eust fait encontre dudit Phelippe ne de ces aydans, comme cy devent avés oÿ, jay pour_ce ne
laichairent leur maldictes antreprince et firent tousjour de pis en pis, comme cy devent avés oÿ là ou j'ay
pairlés que ledit ans .VC. et .XVII., le jour sainct Luc Evengeliste, qui fut le .XVIIIe. jour d'octoubre,
ledit Philippe, acompaigniés de .IIII XX. chevaulx, boutait le feu ou ban Sainct Pier et à la ville de Burlise
et firent du maulx biaulcopt, comme cy devent ait esté dit ; et pour_ce, à cest cause, messigneur du
conseil et Sept de la guerre firent derechief mestre les_devent dicte lestre par toutte les pourte et contre
le coing du pallas et en plusieurs aultre lieu en la cité.
Et avec ce, le .XIXe. jour de decembre l'an dessus dit .VC. et .XVII., fut criés à son de trompe
par Martin le clerc des Sept de la guere sur la pier du pallas devent le moustiet là ou ce huche les Treses,
et aucy en Chambre et en plusieur aultre quairfort en Mets. Et fut cellui huchement fait sur ledit Philippe
et ces aydant, et fut fait et huchiés publicquement environ les .IX. heure devent midi en allemans et en
romans, affin que chacun le peult antandre. Et avec ce la coppie dudit huchement, ^tant en allemans
come en romans^, fut atachee aprés de l'aultre contre le coing du mur du pallas et en plusieur aultre lieu
par la cité, dont la teneur c'ensuit :
(474) Saichent tous que comme Phelippe Schluchterer de Erfenstein, ad_cause d'ung appelléz
Pier Souffroy, dit Burtalz, duquel il s'entremet, ont ehus escript et mandéz à nous, les maistre eschevin,
Treze juréz et à toute la communaltéz de la cité de Mets, une temeraire et malicieuse guere, deffience et
inimité, et avant que q avoir ehu saulvéz ne eulx acquitéz de leur honneurs et aussy depuis en
directement contrevenant au droit commun, reformation imperiale et bulle d'or, ilz ont grandement et
fort endomaigéz nous, nous bourgeois et manant par prinse et destroussent sur les haulx chemin du
Sainct Empire et aultre_pairt, et encor nous fort endomaigéz et molester par feu bouttéz en divers de

269

nous villaiges, et y a_commis grant pilleries et rouberies, et avec ceu prins et detenus prisonniers
plusieurs noz bourgeois et subgetcz, et iceulx reançonnéz à grant somme de deniers et icelle somme par
force obtenir et ehu d'eulx.
A_cause de_quoy ledit Phelippe ait estéz juridicquement cité à comparoir par devant
trés_reverend prince et seigneur seigneur Richard, archevesques de Treves, (475) archichancellier et
prince eliseur etc., et par devant circumspect, honoréz et devot seigneur messire Loÿs de Senserheim,
commandeur de l'ordre d'Allemaigne au lieu de Covelance, noz gracieulx seigneur comme deleguéz, juges
et commissaire imperiaulx, par devant léquelledit juges imperiaulx ou leurs deleguéz et deputtéz les
procureurs de nous, lesdit de Mets, comme obeissant, ont comparus par trois fois, mais ledit Sluchterer
ne comparu ne aultre pour luy, par_quoy nousdit procureur ont par trois fois juridicque-ment et par
droit obtenu sa desobeissance et cotumance, de laquelle desobeissance et fuicte de droit ensemble des
violences, oeuvres volluntaires, temeraires et malicieuses dudit Schluchterer, Souffroy et de leur allyer,
nostre trés_souverain et redoubtéz seigneur nostre sire l'empereur en ait estéz veritablement informéz et
adverti, par_quoi sa majestéz imperiale, comme empereur des Romains, ait jugéz et declairiéz ledit
Phelippe Sluchterer avec tous ses aidans, adherans, complices et alliéz estre escheuz au ban et arrier_ban
du Sainct Empire, et leur corps et bien habandonnéz à ung chescun.
Et ceulx qui entreprandront (476) et esploicteront à_l'encontre de leurdit corps et bien, ilz
n'auront offenséz, delinquéz ne fait chose contre droit ne raison, comme tout ce s'appert clerement par
vrayes coppies et transsumpt des mandement de nostredit sire l'empereur sur_ce encorrus et amenéz, cy
athachéz en ensuyvant ce, et affin que lesdit mandement imperiaulx puissens plus formellement et
diligenment estre mis à execution, nous, lesdis maistre eschevin, Treze juréz, Sept de la guerre et tout le
conseil en icelle cité de Mets, notiffions et faisons sçavoir à tous en general et en particulier que s'il y_a
aulcuns que puissent apprehender et amener prisonnier en vyes en ladite cité de Mets iceulxdit Phelippe
Schluchterer et Pierre Souffroy, l'en baillera pour la personne d'icelluy Phelippe la somme de douze cens
florin de Mets, et pour la personne dudit Pierre Souffroy quatre cens florin de Mets ; et celluy qui
mectra à mort ledict Philippes en apportant certainnes et vrayes enseignes, il sera mis au gaiges de
soldoieur à cheval en ladite cité pour toutte sa vye durant et auerait encor .C. florin de Mets contant ; et
celluy qui mectra à mort ledit Burtalz en apportant pareillement vraye enseignes, il auera les (477) gaiges
des pietons en ladite cité, assavoir quarente solz par moys, touctte sa vie durant, et recevra encor contant
la somme de .XL. florins de Mets.
Et Sy aulcuns estant en la chaisse, crainte et doubte de ladite cité pour cause qu'ilz aueroient heu
servy icelluy Phelippe ou ledit Pierre Souffroy contre ladite cité ou pour quelcque aultre cas, et
meismement aussy ceulx qui pour leurs desmerites seroient bannis et forjugéz d'icelledite cité, faisoient
et commectoiens iceulz dit exploict, en ce faisant ilz recevront lesdites somme et gaiges en la sorte et

270

quallité que dessus, et sy seront mis hors de crainte et chaisse d'icelledite cité de Mets et leurdit
banissement et forjugement remis quictes et aboly franchement ; ce que nous, maistre eschevin, Treze,
Sept, juréz et conseil de ladite cité de Mets devant nommés tiendrons fermes et308 estable.
Tesmoing le seel secret d'icelle cité de Mets devant nommés applacqués en marges de ceste, le
.XIXe. jour du moix de decembre, l'an de grace Nostre Seigneur mil cincq cens et dix_sept.
(478) Or avés oÿ le contenus du huchement fait sur ledit Philippe et sur ledit Pier Burtault,
de_quoy plusieur furent bien esbaïs, car jamaix on n'avoit veu faire ung tel huchement en Mets.
Item, le lundemain, .XXe. jour dudit ^mois^, vint et arivait en Mets ung capitaine de pieton
allemans, lequelle estoit acompaigniés de deux mil pieton, et estoit cellui capitenne l'ung des biaulx
puissant homme que je vis de ma vie, car il estoit jonne, hault et droit, [-] et puissant oultre messure, et
avec ce il avoit les cheveulx blon et crespé, et estoit sur tout biaulx personnaige. Cellui capitaine estoit au
gaige du roy de France et retournoit alors d'Itallie. Il ce thint à Mets jusque à_la vigille des Rois, et tout
le tampts qu'il y fut, il ne bougeoit de avec le duc de Scifort, c'on_disoit la Blanche Rousse ; puis il
donnait congiés à toutte ces gens, reservés sa privee maignie. La cité lui fist presant de plusieur flascon
de vin. Et alors, la vigille des Rois, il retournait arrier en France à_petitte compaignie et print le chemin
d'Allemaigne par devers Strasbourch pour ailler par illec en France, mais l'on voult dire qu'il avoit estés
despeschiéz en chemin ; neantmoins je croy qu'il ne fut pas vray.
En celle annee et en cellui tampts avindrent encor plusieur fortune et diverse aventure par le païs
car. ^Et premier y_olt^ ung villaige nomméz Amenviller, qui estoit nowellement reedifiet et remis sus, et
l'eglise refaicte toutte newe fut encor brullee une fois et toutte aruinee par fortune (479) de feu, et n'y
avoit guere de tampts que desjay elle l'avoit estés, dont il fault dire que Dieu ne voulloit pas qu'il
y_abitait grant gens, car peu devent on l'avoit remis sus et avoit estés celle ville plus de deux cent ans
trexe et deserte et ^qu'il^ n'y demouroit personne et aincy fut brullé par deux fois en peu de tampts,
comme avés oÿ.
Aucy en celluy tampts, le jour du gray dim dimenche, l'an .VC. et .XVII., qui fut le .XIIIIe. jour
de fewriet et jour de la Sainct Valantin, à soir et de nuit fut trowés ung bourjois de la cité, bien riche
homme nomméz Perrin Losillon, fut trowé chiéz seigneur Joachim Chaverson, car ledit Perrin, à_la
requeste d'une vielle servante de leans de laquelle il estoit ennamourés, ce estoit venus esbaistre à celle
maison tantis que le maistre souppoit dehors, et cuidoit ledit Perrin couchier avec la dite servante. Et
pour_ce, quant il santirent que l'eure aproichoit que ledit seigneur vanroit, la dite servante le_fist mestre
en la cawe avec du feu de chairbon, car il faisoit froit.
Mais de malle fortune, l'an ce aperseust du feu par la fenestre, par_quoy ledit seigneur voit aller
veoir que c'estoit ; et quant il vit le personnaige c'en fowir devent luy, cen le congnoistre aultrement ne
308et doublé dans le texte ; nous corrigeons.

271

cen ce enquerir plus avent, il desgueine son espee et fraippit dessus (480) de bonne sorte. Et jay_ce que
ledit Perrin luy crioit mercy, disant qu'il n'estoit lairon ne murtreus, ains ce avoit mis illec à_la requeste
de sa servante et ce escusoit à son powoir, mais neantmoins ledit seigneur le frappait tellement qu'il ne
vesquist guere de-puis, comme vous oÿrés, car aprés ce qu'il fut nawrés à mort, il fut mis en prison en la
maison de la ville chiéz le doien, puis en fut delivré à_la requeste de sa femme et de ces amis et fut
remenés en sa maison, en laquelle il ne vesquist guere qu'il mourut, car environ .XV. jour aprés ce qu'il
avoit estés frappés, il mourut.
Item, le .XXVe. jour de mairs ensuivant, le propre jour de l'A-nonciatte, vinrent nowelle devent le jour
en Mets coment les annemis de la cité, c'est assavoir Philippe Sceulter et ces aydans pour le fait Pier
Burtault, ce estoient mis en airme sur les champs et estoient avoient desjay paissés la rivier de la Sairre
environ .XVC. chevaulx. Et incontinent ces nowelle oÿe furent les baneret envoiés par toutte les pairoiche
à comender le puple sur corpts et sur biens et que chacun ce trowait en ung lieu dit en airme et en point.
Et fut alors mandés seigneur Fransoi le Gournaix, chevalier, lequelle ce tenoit à La Horne, mais tantost
qu'il le sceust, il fut armé et (481) en point, lui et ces gens, et alors qu'il vint sortirent de la cité
environ .XVC. pieton bien am_point cen les chevaulcheur, avec lesquelle l'en fit mener pains et vin et
bonne artillerie pour eulx deffandre et assaillir, ce beson estoit ; et fut fut ce fait environ les .VII. heure
du matin. Touteffois, les annemis furent advertis que leur antreprinse estoit descowerte, par_quoy il c'en
retournairent arrier et ne vinrent point ; et aincy nous gens c'en revindrent à so ledit jour au soir, en
menant grant joie de tambourin et de trompette, et en belle ordonnance rantrirent en la cité.
Item, ledit ans, à la Sainct Benoy, fut fait et creés maistre eschevin de Mets le devent dit seigneur
Joachim Chaverson, filz de feu seigneur Jehan Chaverson, pour estre pour l'an mil .VC. et .XVIII.
Item, ledit ans .VC. et .XVIII. et quaitre jour aprés l'A-nonciacion Nostre Damme, que fut le
.XXIXe. jour de mairs, fut alors estaublis, decretés et institués en Mets, et ^avec ce^ passés par tout le
grant conseil +de la cité+, que de ces jour en avant l'on ne vanderoit plus nulle sairgenterie ne nulle
bannerie ne quairterie de l'Ospital en Mets ne és bour d'icelle, ains ce devoie donner toutte franche et
quicte cellon la coustume encienne, affin de eviter les inconvenians que ^journellement^ en venoient et
les mangerie que c'y faisoient.
Et ce ^decret^ fut fait par l'amonetement (482) d'ung bon perre cordelliet nommés frere
Estienne, lequelle pour cellee annee preschoit en Mets et avoit cy grant credicte que tout le monde
couroit aprés ; et croy qu'il estoit saincte personne, comme il en monstroit les ewre. Cellui sainct homme
en fist plusieur sermont, et tellement que au jour devent dit fut celle ordonnance faicte ^faicte^ et
instituee, dont sc'eust estés ung grant biens pour le puple qui l'eust entretenue, car a-paravant l'on
achetoit une sergenterie cent ou .VIXX. libvres. cen le paisté qu'il cowenoit faire, qui coustoit la moitiet
d'autant, et aincy ce faisoit des bainerie et des quairterie. Mais tantost aprés, l'on n'en fist plus aincy, car

272

les seigneur les juairent au dés et estoit pour cellui à_qui elle escheoit pour la donner et en faire ces
voulluntés, et tellement que aulcuns à_qui le copt escheut la donnirent à d'aultre, que la chaingirent
contre de l'airgent.
Item, ledit ans mil .VC. et .XVIII., le maicredi .XIIII e. jour du moix d'awril, l'on devoit estre à
conseil du maistre eschevin de Mets pour determiner aulcune plainte à lui faicte, entre lesquelle y_avoit
alors ung grant debat entre seigneur Nicolle Rousse ad_cause de damme Mergueritte sa femme pour
aulcune309 parrolle et injure rapourtee que ung nommés maistre Maithieu Le Medec[in], (483) naitif de
Millan, et damme Marie sa femme, naitive de la ville d'Espergnay en Champaigne, avoient dictes à
deshonneur de la dite damme Mergueritte par le rapour de Dediet L'Apoticaire, demourant en
Fournerue.
Et tellement que à_ce dit jour ^en^ estoit 310 les plainte à maistre eschevin tant dudit seigneur
Nicolle comme dudit maistre Maithieu et de cellui apoticaire, lequelle apoticaire avoit rapourtés les
parrolle dessus dicte, par_quoy advint que ce meisme jour ledit seigneur Nicolle, à l'eure de .IX. heure du
matin, rancontrait le^dit^ maistre Maithieu devent la grant eglise de Mets, et illec heurent deux ou trois
parrolle ensamble essés rigoureuze. Et tout soudains, ledit seigneur Nicolle Rousse tirait ung dollequin
qu'il avoit et en donnait audit maistre Maithieu deux ou trois copts parmi le bras, le cuidant frapper en
l'estomach, et du copt fut ledit maistre Maithieu renversé en terre et cuidoit on qu'il fut mort, par_quoy
ledit seigneur Nicolle ce absantait et c'en fuit ce tenir à Sainct Mertin devent Mets en franchise, et de peur
c'on ne le print, et illec ce thint jusques à jour de l'Ancencion Nostre Seigneur, auquelle jour il ce partist
et c'en aillait ce tenir à Antilly, qui lui aparthenoit.
Et durant ce tampts, ledit maistre Maithieu ce acomensait à reguerir, mais de sa malvistiet, quant
il fut causy regueris, (484) il contrefist le mallaide plus fort que par avent, puis fist tout chairgier et
enmener le siens secretement et tantost aprés il c'en aillait luy et sa femme cen comender personne
à_Dieu. Mais avent que ce partir, il escript plusieurs cedulle et lez ataichait sur des escript ^escrins^ et
sus aulcuns buffet qu'il avoit laissiet, et faisoient ycelle cedulle mancion coment en yceulx buffet et
escript ^escrins^ y_avoit grant tresor, et de fait il en fist requeste à_la cité.
^Aucy^ en celle annee, le jour de la Sainct Clement, le duc de Cifort, nommés la Blanche Rouse,
entreprint de encor faire courir son chevaulx par ung paige encontre le seigneur Nicolle Dex, lequelle
desjai l'an devent ^par ung tel jour^ avoit courus, comme cy devent ait estés dit, et vailloit celle course la
somme de .XXI. escus à soilleil. Mais de malle fortune, le paige dudit duc se laissait cheoir en terre,
par_quoy ledit seigneur Nicolle gaignait ^encor^ la course ^et les escus^. Item, tantost aprés, ledit duc de
Scifort ce partist de Mets environ à .VIIIe. jour de maye et c'en aillait en France.
Et en ce meisme tamps ce acomensait on à morir encor plus fort en Mets que l'on n'avoit fait par
309Philippe écrit adcune ; nous corrigeons.
310estoie corrigé en estoit par l'auteur.

273

devent et redevindre les blef à bon merchief, car l'on ne vandoit p le plus fin froment que .X. solz la
quairte.
Item, ledit ans, le lundi aprés les Palme, en ung villaige en Bairoy nommés Jeus, sur la rivier
d'Orne, y_olt .VII. ou .VIII. maison brullee par fortune de feu. (485) Et paireillement, ledit ans .VC.
et .XVII., le maicredi des feste de Panthecouste ensuiant, furent brullee par fortune de feu plusieurs
maison en ung villaige nommés Fleville en la duchiéz de Bair. Et en celle meysme semaigne fut brullee
une maison de nuit devent Sainct Mamin à Mets, aparthenant à_Baistien, pourtiet de la pourte aus
Allemans.
Aucy en celle annee mil .VC. et .XVIII., devers la Paicque, fut bailliés le chaipiaulx rouge à Jehan
de Loraine, filz à duc Regné, lequelle alors estoit evesque de Mets, et fut fait cardinaulx 311 ; et tantost
aprés c'en aillait ledit evesque à Romme bien acompaigniet de cez gens, et illec fut ressus et confermés ;
puis tantost aprés retournait pour ledit ans environ la Sainct Jehan aprés.
Item, en ce meisme tampts, l'on avoit tousjour grant doubte au païs de Mets pour la crainte du
devent dit Philippe Sluchterer et ces aydans, et pour_ce l'on fist fowir les bonne gens du païs de Mets et
comender qu'il ne laissaice à_la ville que ce qu'il voulloie perdre. Et fut alors fait ung huchement devent
Sainct Gorgonne que tous les bon homme qui voudroie aller en moisson fussent ambatonnés et qu'il
fussent sur leur gairde, et avec ce fut huchiés que nul hoste sugect à la jurediction de Mets ne logeait nul
estraingier sur confiscacion de corps et de biens, sinon qu'il ne congneust ^bien^ ou 312 qu'il eust
enseigne et paisseport de son capitaine, ou (486) aultrement que l'on mectist la mains à_lui.
Aucy en ce meisme tampts l'on ce mouroit tousjour en Mets et ce ramfoursoit la mortallité de
plus fort en plus fort, et ce mouroie les plus jenne et les plus roide les premier, car le tampts estoit alors
chault, touffas et mal dispousé, et ce muoit et chaingeoit sowant en ouraige et tonnoire, et tellement que
que le313 .XXXe. jour .XXVIIIe. jour de jullet, jour de la Sainct Panthaleon, du matin y_olt une femme
du villaige de Saincte Raffine ou Vault de Mets, avec une de ces fille grande à marier, et avec elle estoient
encor une jonne fille à marier dudit villaige avec ung sien frere eaigiéz de environ .XV. ou .XVI. ans,
lesquelle tous ensamble c'en aillirent au dessus de ce boix nommés Genivaulx pour cillier du blef.
Et alors vint une grosse pluye et tonnait deux ou trois petit coptz, et celle fe mme et ces anffans
ce mirent soubz ung petit airbre pour ce gairder d'estre moulliet, et en atandant le biaulx tampts ce
desjunoie de telle biens que Dieu leur avoit donné, c'est assavoir de l'yawe et du pains bis. Mais alors
vint et cheut ung copt de tonnoire et de fouldre, tellemant qu'il fouldroiait les deux jonne fille avec le
gairson, et la mere, qui estoit ung peu arrier, fut causy morte et affollee, mais elle en eschaippait et ne
fut pas tuee pour celle fois.
311Le 28 mai 1518, Jean III de Lorraine est créé cardinal par le pape Léon X.
312et corrigé en ou par l'auteur.
313Après ce mot, trait de séparation dans le texte et signe en forme de croix dans la marge gauche. Les mêmes se
retrouvent plus bas ; peut-être Philippe hésitait-il à supprimer ce passage.

274

Item, aucy que je ne l'oblie314, le .XXVIe. jour dudit moix de jullet, jour (487) saincte315 Anne, de
nuit antrait le fouldre en la maison de la Belle Crois ou hault de Desirmont, en laquelle maison estoit
l'ermite pour lors, et tellement que l'on veoit plainement les tresse et les ensaigne que cellui tempeste
avoit fait, tant en l'imaige saincte316 Bairbe nowellement faicte au_dehors comme au_dedans de la
maison, car il fandit le [-] mur et l'aiste du feu, et sambloit en d'aulcuns lieu en la chambre, en laquelle
estoit l'airmite, et au guerniet, que le mur fut tout escorchiés, et y_estoie lez griffe a amprainte et
escripte en plusieus lieu par la maison et ^avec ce^ estoient lez mur noir par dez plaisse +plaice+, et
puoit leans comme de pouldre de canon.
Paireillement, le .XXXe. jour de j dudit moix de jullet, fist ung merveilleux tampts et cheust le
fouldre au Cairme en l'eglise des Cairme Cairme et y_fist des ansaigne a trés evidante, car en
dessandant devers le jubé là ou sont les petitte orgue, il vint prandre et esraichier une grande piesse de
la cloeson de bois qui cloit l'autel, et la_print tout arrés terre et l'ampourtait. Et moy, l'acripvain, je m'en
crois, car j'ay veu toutte ces chose.
Et fut cest annee à_son acomencement de merveilleuse apairance, tant és vigne comme és blef
et és fruit, mais il fist cy grant chailleur autour le moy de may, jung et jullet que les vigne et les blef
heurent biaucoupt à_souffrir et colloient les vigne treffort ; mais (488) par sur tout il y_eust grant
deffaulte de foins et d'awaine, et vandoit on une bonne chairee de foins .V. ou .VI. frant, voir on l'eust
bien fait de .IX. ou .X. frant, et la quairte d'awaine .VI. ou .VII. solz.
Touteffois les fromant furent les plus biaulx et les milleur que de loing tampts on eust heu et en
y_eust essés et à grant abondance, combien qu'il en y_eust moult des fouldroiés en aulcuns lieu, car
ainssy que l'en acomensoit à silliet et à moisonner, il advint ung houraige de nuit le plus impetueulx que
je vis jamais, tant de l'aloude comme de tonnoire, et sambloit que tout le monde deust[.] estre fondus.
Et fist cest horaige ung merveilleux domaige en acomensant devers Chamenat et en tirant devers Coing,
Cuvrei, Con sur Saille, Pougnoy la Chetive, Paulley, Pumerieulx, Flerei, Verney, et tout oultre jusque 317 à
Ancerville, et fouldroiait celle temspeste .XV. ou .XVI. villaige là ou les blef estoient tant biaulx que de
loing tampts l'on n'avoit veu les paireille.
+Aussy+ en celle annee advint plusieurs fortune et plusieurs adventure à diverse personnaige,
lez ung par mortallité, lez aultre par feu de g.. guere ou de fortune, et d'aultre par prison ou aultre
inconvenians ou mescheute. Touteffois, la mercy à Dieu, je, ^Philippe de Vignuelle, escripvain de ces
presante^, fus en celle annee preservés de toutte ces chose ycy, mais nompourtant ne fu_ge pas sans
fortune et, perdre de biens ou domaige, car en celle annee l'on me desroubait une piesse de draps en ma
314Après ce mot se retrouvent le même trait de séparation et la même croix dans la marge que supra. Remarquons que
si l'on supprime ce passage, on conserve une phrase cohérente.
315Philippe écrit sainct ; nous corrigeons.
316Philippe écrit sainct ; nous corrigeons.
317jusque doublé dans le manuscrit ; nous le supprimons.

275

bouticque, toutte anthier, et aprés ce fait, je perdis (489) plusieur debte que l'on me devoit, entre
lesquelle je avoie escus pour .IIIIXX. et .XII. frant de vin à_Pieron, l'hoste de la Court Sainct Mertin,
lequelle tantost aprés criait bancque-routte et puis il fut prins de gens le conte Francisque et
loinguement detenus, par_quoy je perdis ma debte.
Aucy en celle annee, ou mo le .XVIIe. jour du moix de may mourut Jaicomette, femme que fut
Jehan le Sairte, maire de Lessei, et mere à Ysabellin ma femme, et fut son corps enterré et mis en
sepulture en l'eglise des cordelliet à Mets, tout devent le sainct Michiel, contre ung pillé au dehors du
cuer, à_la partie devers l'aultel sainct Jaicque. Je prie à_Dieu qu'il ait son ame. Amen.
Or advint tantost aprés en celle meisme annee que à la ville de Ainery y_avoit ung mairechault,
lequelle avoit fait plusieurs mal et domaige contre la cité et avoit estés de guerre par deux fois contre
ycelle, et encor à celle heure estoit cellui mairechault en la chaisse de la ville et en +leur+ registre
d'icelle, et tellement que pource qu'il oÿt dire ^qu'il n'y eust oser entrer ne venir, mais pour qu'il oÿt
dire^ la forme des huchement que ung peu devent l'on avoit fait à ^et criéz en^ Mets encontre Pier
Burtault et ces aydans, come cy devent ait estés dit ^avés ouÿ^, celluy, desirant de restre en la graice de la
ville et aussy pour l'amour de la pecune et du gaing qu'il en pretandoit à recepvoir, il ce mist en
advanture ^de tout perdre ou gaingnier^, et tellement ^y besongnait^ que ledit ans, ou mois de jullet, il
ce trowait ou chaistiaulx de Quesester, auquelle ledit Pier Burtault ce tenoit avec +le cappitaine+
Francisque et avec Philippe Sluchterer cy devent nommés, (490) à_qui le chaistiaulx apartenoit. Et estoit
son intancion de tuer ledit Philippe, c'il eust peus, mais il faillit et tuait ledit Pier et puis, ce fait, c'en vint
à Mets apourter les nowelle de cest affaire.
Neanmoins que l'on en fut bien joieulx, on ne le creust pas du premier copt, ains cuidant qu'il le
faisit de fainte, fut prins et fut mis par .V. jour en la maison de la ville et en jusques à_tant que l'on en
sceust la realle verité, puis fut mis à delivre et lui fist on comme on lui avoit promis. Et +tantost aprés,
le+ jeudi devent la Saincte Mairgueritte, l'on fist ^encor^ ung huchement publicque devent le ^grant^
moustiet ^de Mets^ qu'il ne fut nulle ne mis ^ne nulles^ qui de ces jours en avent luy reprochaisse en
rien ^cellui fait audit mareschal^, sur paine de grant amande.
Item, ledit ans, dever le moix d'auoste, l'on ce racomensait treffort à morir en Mets, et plus la
moitiet que par devent. Et furent les blef à bon mairchiéz, car l'on avoit de bon blef pour .IIII. solz .VI.
deniet ou .V. solz, et le fin froment .VI. solz ou .VI. solz .VI. deniet ; mais l'orge et l'avaine estoient plus
chier la moitiet, et cy n'y +olt+ ne pois ne fewe en celle annee que à_compter fut, et encor ne vailloient
lez pois rien pour la grant chailleur qu'il avoit fait, et aincy malvais qu'il estoient, l'on les vandoit .XVIII.
ou .XX. solz la quairte, et la nawee ce vandoit .XVI. solz. Des fruit il en y_olt tant en celle annee que de
loing tampts il n'en fut autant ^de toutte sorte^ ne de cy bon, reservés les nois, qui furent toutte affais
greffaine.

276

Or advint que (491) ledit ans, environ l'Asumption Nostre Damme en owaiste, furent nous
seigneur biens avertis et informés que grande assamblee ce faisoit, tant de gens à chevaulx comme
à_piedz, et voulloit on dire que c'estoit Francisque qui ce melloit pour le fait de Philippe Schluchterer et
pour le fait de Burtault - et estoit cellui Francisque compaignon au seigneur Robert de la Mairche, comme
cy devent ait estés dit ; et d'aultre disoient que on craindoit le filz dudit seigneur Robert, seigneur de Jaimay,
pour le fait de maistre Maithieu Le Medecin ; et d'aultre disoient que c'estoit mon-seigneur de Guise,
frere au_duc Anthonne de Loraine, pour le fait du princiet de la grant eglise de Mets, lequelle alors
estoit à_Romme pour le fait de nostre evesque et estoit de guerre à mon-seigneur d'Ainerei ; ^aultre
disoient que c'estoit pour [...]^.
Mais coment qu'il en fut, pour les cause et raison devent dicte, l'on fist fowir tout le païs le
propre jour de la Sainct Burthemin apouste, et ledit jour l'on fist assambler tout le puple à Mets pour
faire leur monstre, et comendoit on à_gens de villaige qu'il ne demourait és ville que les vielle femme
pour estaindre le feu ce besoing estoit, et que chacun baitit ce de blef qu'il avoit et à_plus tost qu'il
poulroit, et que l'estrains fut brullés tellement que rien n'y demourait.
Et incontinant ces nowelle oyee, les bonne gens ce prindrent à weudier tout ce qu'il avoient de
bon ; et moy meisme, l'escripvain de cest, tout incontinent m'en aillais à Vignuelle et à Lessey, auquelle
lieu je avoie plusieur baigue, lesquelle je fis tout apourtés, et lez grosse quewe et telle chose je fis bouter
à_champz (492) à_la pluie et avant dessoubz les airbre.
Ces nowelle furent tantost mandee à Ais, à Aincy et aus aultre ville aparthenant audit l'evesque
au seigneur Jehan de Loraine, evesque de Mets, lequelle alors estoit cardinal fait et creés de nowel,
^comme dit est^, car il sçavoit tout le convine dudit Francisque, par_quoy il mandait à ces bonne gens
qu'il ce salvaissent là ou il powoie mieulx.
Or advint que les nowelle de la vraie certaineté vint à nous seigneur tousjour de plus en plus, et
tellement que le devent dit jour de sainct Burtholomey, qui estoit le merdi, furent lesdit seigneur à conseil
de nuit jusque à minuit. Puis tantost, le lundemains à matin, furent envoiés messaigier et soidoieur de
toutte pairt et firent derechief foÿr leur bonne gens et corps et biens, et eulx meisme ne laissirent rien
par tout leur plesse et forteresse que tout ne fut amenés. Et alors fut la feerie cy grande de toutte p airt
le maicredi, le jeudi et le vandredi que ce fut merveille, et estoient les gens à_la pourte cy espessement
qu'il ne ce laissoie antrer l'ung l'aultre ; et encor y_fut la presse le samedi plus grande, car le vandredi
devent estoient venuee nowelle sertaine coment l'airmee estoiet desjay devers Boullay.
Et y_estoit ledit Francisque en personne, lequelle estoit celluy qui avoit heu couppés et trappés
les vigne de la cité de Wourme en Allemaigne malgré l'ampaireur, mais à_cest heure il estoit capitainne
dudit ampaireur, et ce desclairoit nostre annemis et avoit deliberés, come on disoit, de paireillement
venir coupper et trapper et tout fouldroier les (493) vigne du païs de Mets, lesquelle à_cest heure

277

estoient à plus belle et preste à murir. Mais le traistre avoit deliberés de tout destruire et de tout mestre
en feu et en flame, car faire et faire le powoit, car il avoit avec lui en sa compaignie plus de .XXII C.
chevaulx et deux fois autant de gens de piedz et toutte gens de guerre.
Et pour ces nowelle furent les gens cy empowantés que ledit samedi devent le jour furent trowés
éz pourte de la cité plus de .XIIC. cher chairgiés tant de grains comme de meuble et d'anffans, et y_avoit
des gens à piedz cen nombre, femme et homme, viéz et jonne, car ce jour tout le monde du païs de Mets
c'en vint mestre à refuge en la cité, par_quoy les vig vivre furent tantost rancheris et fut mis le froment à
.XI. et .XII. solz la quairte, lequelle, le samedi devent, on avoit pour .VI. et .VII. solz.
Item, le dimenche aprés, .XXIXe. jour du moix d'awouste, lequelle jour estoit feste de la
decolacion sainct Jehan, moy estant cellui jour du matin entre .VII. et .VIII. heure à_la pourte des
Allemans, vint le messaigier Philippe Schluchterer à chevaulx, lequelle venus print ces lestre de deffiance
qu'il apourtoit et illec les desploiait. Et les voulloit donner à Baistien, le pourtiet de la d ite pourte, pour
les pourter à maistre eschevin, mais ledit Baistien print ledit messaigier par la bride de_son chevaulx et le
menait devent le paillais avec lesdite lestre, qui estoient ataichee au debout d'ung blan baiton ; et illec
plus (494) de demi heure à chevaulx, tenant tousjour ces lestre, en atandant que le conseil fut assamblés,
auquel ledit messaigier fut menés.
Et voult on veoir ces lestre de messaigerie, puis furent leustes ycelles318 lestre de deffiance,
lesquelle venoient de pairt ledit conte Francisque, cousin audit Philippe et capitenne de l'ampaireur ; puis,
aprés ce que on eust bien avisés la teneur d'icelle, l'on menait diner ledit messaigier à_l'ostel au Loups
en atandant sa responce. Et alors tout le monde courroit aprés pour le veoir, et incontinant l'on envoiait
errier dire par les villaige que l'on c'en fowit en la cité et corps et biens, et que à_cest heure estoit la
guere owerte et mortelle ; et à ce jour meisme l'on ressut dez compaignon pieton au gaige.
Aucy en ce jour meisme advint une piteuse adventure, car auprés de Lungeville devent Mets ce
rancontrirent deux chairette en la rivier tout au bout dessai Longeville, et en la presse de la fouerie qui
alors estoit, desquellez chairette en y_avoit l'une qui ailloit à_force et en haitte en tirant devers Mollin
pour aller querir des biens, et l'aultre venoit à Mets, sur laquelle estoient ung ho mme et une femme ^de
Rousserieulle^, grosse de vif anffans.
Or ce voult le chairtiet destourner pour laissier paisser l'aultre qui c'en ailloit à Mollin, par_quoy
il laissait entrer sa chairette plus dedans l'yawe que mestier ne fut et paissait la roie par dessus ung^ne^
roiche. Cy tumbait la dite chairette (495) et cheut la femme en la rivier, par_quoy l'omme saillit aprés,
cuidant rescourre la femme, mais il ne polt et furent noyés tous deux. Touteffois plusieur personne
vinrent à_la rescousse et furent retirés hors de l'yawe, et tout incontinant l'on owrit la femme et fut prins
le fruit de son ventre et pourtés aus Cairme, et moienant la graisse de la belle Vierge, l'anffans olt
baptesme et estoit celle femme de Rouserieulle.
318ces corrigé en ycelles par l'auteur.

278

Item, cellui dimenche, aucy le lundi et le mairdi aprés, je croy que l'on amenait en Mets tant de
nuit que de jour plus de .XVIIIC. chairee de blef en estrain, et tant d'aultre biens qu'il n'estoit point à
dire.
Item, durant ce tampts, les annemis aproichoient tousjour, et nyanmoins que diverse messaigier
alloient et venoient tous_les jour et disoit on que la paix ce traictoit, ^come vray estoit^, touteffois,
cellon que la cité estoit prinse et assaillie à_plus despourveus que jamais fut, l'on faisoit grant
preparacion pour ce deffandre. Et fut le mairdi fait une monstre de gens de piedz, la plus belle que je
vis jamais faire en Mets et de gens les mieulx acoustrés, car il furent estimés bien à .XXII C. ou plus ; et
antrirent par le baille du pon des Mors, auquelles il furent mis en ordonnance, et sortirent par la pourte
du pon Tieffroy et puis paissairent oultre le pon et c'en aillirent en belle ordonnance .VII. et .VII. par le
poncel de Waippei, et della tout parmi l'ille du pon des Mors, puis retournairent (496) en Mets et
paissairent tout par devent la grande eglise droit à_la vallee de Fornerue, et della parmi Chainge jusques
au Champts Paissaille, auquelle lieu firent plusieurs monstre et fait de guere, tant pour assaillir comme
pour ce deffandre. Et je le sçay à vray, car je y_estoie avec les aultre et y_fus bien laissés à corrir, et n'y
avoit en celle compaignie que toutte gens de Mets et du païs joindant, desquelle en y_avoit plus de .XV C.
des bien airmé et em_point.
Or, durant ce tampts ce tenoie les annemis ampairqués en ung prey auprés des Estans, desquelle
annemis c'en despairtirent plusieur avanturiet, et tellement que le dairnier jour dudit moix d'awoust c'en
vindrent yceulx avanturier courant en fouraige par devent le chaistiaulx de Viller, aprés d'Airs la
Quenexei, aparthenant à seigneur Fransoy le Gournay. Et pource que la gairnison qui alors estoit audit
chaistiaulx tirairent aulcuns baiton à feu aprés yceulx adventuriet, lesdit correus boutairent le feu en une
petitte moitresse aprés d'illec, aparthenant audit seigneur Fransoi. Et ledit jour, sur le tairt, il brullairent
toutte Glaitegney et en ce lieu y_firent leur gait toutte la nuit ; puis au_lundemains, premier jour de
septambre, il ce despairquirent et mairchairent en venant dever Pontoy, aparthenant à seigneur Michiel
Chaverson ; et ceulx qui estoient dedans la fort maison abandonnairent le lieu et c'en fowirent, et nous
annemis ce lougerent illec en la ville, et le conte Franchisque (497) fut lougiés en la fort maison.
Puis, ce fait, ledit jour y_olt plusieurs des leur qui courrurent par le païs par .XX., par cent et en
plusieur bande, et vindre prandre la herdre d'Oixei, tout à_plus prés des Bourde 319 à Vallier ; et prinrent
encor ledit jour plusieur aultre beste, brebis, cher et chevaulx, avec aulcuns prisonnier. Et ce jour
meisme boutirent le feu en une chairee de blef en estrains que ung bon homme amenoit à Mets, et
furent courrir jusque dedans les vigne d'Oultre_Saille.
Item, ledit jour, nous soidoieur estoient sur les champs et en prinrent aulcuns des leur,
319 « La Borde étoit une loge ou cabanne que l'on construisoit aux lépreux, sur les grands chemins. On appelle encore
aujourd'hui les Bordes, certaines maisons situées sur le chemin de Metz à Sarrelouis, un peu au-dessus de Valliere »
(Histoire de Metz, II, 515, cité dans M. Hasselmann, Le Vocabulaire des réalités messines..., 1982, t. II, p. 379).

279

entre_lesquelle fut prins ung jantil homme qui estoit homme à seigneur de Jamay, le filz le seigneur Robert
de la Mairche ; et ce doutoient fort nous seigneur de traison, pource que avec ces gens ycy y_avoit
plusieurs aultre qui demendoie aultre querelle.
Premier demendoient la mort de Burtault ; item, d'aultre, comme l'en disoit, demendoie par
l'aweus de l'ampaireur grant somme de deniet et ung pris hors de raison pour la_mort du ^devent dit^
compaignon qui fut tués sur les foussés de la pourte des Allemans pource qu'il avoit heu rués jus les
chevaulx Jehan d'Ollixey le merchamps de chevaulx, comme cy devent ait estés dit. Et y_avoit alors
plusieur aultre querelle et demende que les annemis à la cité et que tout revenoit ensamble et tenoient
aincy le païs en sujection, pource qu'il sçavoie bien que la cité estoit à_plus despourweute de vign vivre
que jamaix fut, car alors en Mets n'y avoit comme nul blef, foins ny awaine que à_compter (498) fut,
reservés ce que les bonne gens y_avoient amenéz à reffuge, que n'estoit pas le quairt de leur blef, et avec
ce n'y avoit nul vin. Et devoie les powre gens plus qu'il n'awoie vaillant ad_cause des malvaise annee qui
avoient estés par cy devent, comme avés oÿ, car par la chierté d'icelle annee, qui avoient estés par cy
devent le powre puple laboureus et vigneron avoient la plus-pairt mangiet leur blef et chaistes en herbe ;
et maintenant leur crediteur, qui avoient esperance de recueillir les fruit, ne les powoient plus aydiet, et
estoit pitiet que d'oÿr les cris et lamentacion du powre puple, car avec ce il n'awoient encor point
enhaivés ne labourés, par_quoy il estoient comme à desespérés, et qui les eust laissiéz faire, il ce eussent
fait tuer ou il en eussent heu des piesse.
Mais nous seigneur, comme bon et saige, doutoient tropt de trayson, comme dit est, car avec cest
armee y_avoit de plusieurs nacion de gens, c'est assavoir Lorains, Allemans et Bourguignon, qui
demendoient à_la cité tant de querelle que l'on ne sçavoit auquelle antandre. Neantmoins, quelque chose
qu'il en fut, y_olt plusieurs aventuriet de nous bourjois, lesquelles à ce jour ce mirent à_l'aventure et
saillirent au champts, et ce boutairent cy avant qu'il en ramenairent quelque deux ou trois et les
soudoieur autant ; et en fut tués ung par ung de nous soidoieur et ung bon homme de villaige qui en
tuait ung aultre, et furent leur chevaulx et armeure butinés devent la grande eglise de Mets.
Item, le jour (499) devent, qui fut le maicredi, estoit venus en Mets le Rin-de-grewe à .XX.
chevaulx - c'est ung seigneur d'Allemaigne -, auquelle la cité fist presant de plusieurs flascon de vin, et
furent nous seigneur parler à_lui deux ou trois fois. Et le jeudi ^.IIIe. jour de septambre^, aprés dinés,
c'en retournait à campe des annemis, et fut par justice ordonnés à_la pourte que c'il retournoit de nuit à
quelque heure que ce fut, c'on le laissait dedans ; mais il retournait encor à Mets le jour meisme et
y_couchait. Et furent derechief nous seigneur parler à_lui le vandredi à matin, ^.IIII e. jour de
septambre^, à l'ostel à l'Ange.
Et venoit aincy et ailloit ledit seigneur pour traicter de paix, mais touteffois l'an ne fist rien pour
cellui jour ; ains furent ce vandredi, environ les deux heure aprés midi, bouter les feu à Beveus, à

280

Demangeville et en d'aultre lieu, et paissirent ce jour les aulcuns le wé d'Ollixei et prindre aulcuns
chevaulx dever Sainct Ailloy, de_quoy y_olt une grosse alairme ou Vault, car il cuidoient que tout le
campe paissait oultre et qu'il ce vinrent lougier ou Vault.
Pairement, ce dit jour, y_olt grant murmure en la cité entre le puple, car pource que les bonne
gens ce veoient aincy destruire et que nul esperance de reconfort n'avoient de leur seigneur, ^se leur
sambloit^, il ce mutinoient et estoient quasy deliberés de faire des chose bien mal faicte, et disoient des
grosse parrolle. Et qu'il soit vray, ^le^ seigneur Andrieu ^de^ DRineck, chevalier et seigneur de
Laicduchampz, lequelle à cest heure estoit l'ung des crains et l'ung dez redoubtés de la cité avoit ^à ce
jour^ requis au conseil de lui donner vivre de la ville avec gens pour mestre en guernison en son
chaistiaulx de Laicduchamps, (500) laquelle chose lui fut acordee et furent mandés quelque .XXX.
ou .XL. compaignon vigneron et gens de mestiet, josne 320 et fricque et bien am_point, auquel ^lesquelle
furent menés à piedz dez degré de Chambre, et illec en ce lieu^ ledit seigneur fist sa hairangue, disant
qu'il voulcissent aller à Laicduchamps en guernison et que l'on leur envoieroit essés vivre.
Alors respont pour tout l'ung d'iceulx compaignon, nommés Jehan de Wegey, et demandait audit
seigneur et dit quel gaige il aroient ^pour ce faire^, auquelle fut dit que nul gaige ne c'y donnoient, ^sinon
vivre à_planté^. "Dya ! dit il, et qui gowernerait nous femme et nous anffans ?" Et alors y_olt grant
murmure et ^et d'ung cousté et d'aultre, et jai ce que alors ledit seigneur fut l'ung de craint^ +et redoultéz
de la cité, ce neantmoins+, tout soudains et court il ont tournés le dos és cen ^cen dire adieu, et encor
plus fort en allant^ allant ont dit audit seigneur que c'il avoit estés à Laicduchamps ^faire la bonne chier^
durant la mortallité, qu'il y retournait encor pour la gairder, car eulx n'y entretroient jay. Et plusieurs
aultre parrolle injur injurieuse dirent, lesquelle pour abregiéz je laisse, et fut encor alors la murmure plus
grande que devent. Et furent ces parrolle dictes à_piedz des degréz en Chambre, auquelle lieu je y estoie,
moy l'acripvain de cest, en presence ^Et moy, l'escripvain, le sçay à vray^, car pour ce jour meisme je fus
diner321 à_la tauble dudit seigneur avec Jaicomin Travaulx +l'amant+, de_quoy il en y_olt durant ce diner
plusieur parrolle randue.
Item, ledit jour c'en retournait ^derechief^ le Rin-de-grewe au campe et enmenait avec lui
seigneur Michiel Chaverson, et fut ordonnés à pourtez de la cité de les laissier rantrer en Mets à_quelque
heure que ce fut.
Aucy en ce meisme jour, lesdit ^yceulx^ annemis assaillirent le chaistiaulx de Viller, aparthenant
à seigneur Fransoi le Gournay, chevalier, lequelle fut tantost prins ; (501) et y perdist ledit seigneur Fransoi
tant en blef, en awaine come en artillerie et en meuble la vaillue de plus de .XVC. frant, car il estoient
bien trois mil homme entour : nientmoins que audit chaistiaulx y_eust de bonne artillerie et de bonne
provision, cy n'estoit il possible de longuement tenir.
320jonne corrigé en josne par l'auteur.
321Correction peu lisible : diner corrigé en dinés ou dinés corrigé en diner ?

281

Puis, ce fait, donnairent congiet aus lansequenette et aultre serviteur qui estoient audit seigneur
Fransoy et ne rethindrent que trois ou322 quaitre ^ou [-]^ .V. d'iceulx, pource qu'il estoient natif de Mets,
c'est assavoir ung compaignon de la pairoiche Sainct Mamin nommé Rambustaire et ung aultre nommés
Dediet Le Course, demourant ou gerdin dudit seigneur à_la pourte aus Allemans, et le thier fut ung
pottiet d'estains ^nommé Jehan Collair^, de dessus le pon à_Saille, qui estoit illec commis ^et ung
collevreniet de la ville nommé Fransoi Thisse, et Jehan De-fer, le fondeur de derriet Sainct Suplisse, que
[estoit]^ pour bonbairdiet.
Et aprés ce fait, il boutirent encor les feu à_Laquenexey et n'y demourait rien, tant en ce_lieu
comme en trois ou quaitre villaige entour. Aucy de celle guerre fut toutte brullee la ville de Sorbey et y
perdit moult Jehan de Viller l'ament.
Item, ledit jour furent et paissairent les aulcuns l'yawe à_Maigney, mais bien .XL. chevaulx des
nostre ^la cité^ les ranchaissirent.
Item, ^aussy à^ ce +meisme jour de+ vandredi, troisiesme ^quaitriesme^ jour de septambre, la
guernisson du chaistiaulx de Pontoy, aparthenant au seigneur de chaipistre de la grant eglise de Mets,
voiant que Viller et Montoy estoient prinse et randue, et leur baiton et artillerie et aultre bien perdus, et
doubtant que aincy ne leur en advint et qu'il ne puissant resister contre cy grande multitude de gens, et
comme verité ^vray^ estoit, eurent conseil entre eulx de prandre cher et chairette et de tout faire
chairgier, artillerie et aultre biens, et de c'en venir à Mets et de abandonner la plesse, come il firent ; et
parmi ce il ce salvairent.
Item, le soir, retournait le Rin-de-graiwe (502) à Mets luy et ledit seigneur Michiel Chaverson, et
le furent nous seigneur visiter à_l'ostel de l'Ange, et illec fut faicte triewe de non plus bouter les feu
jusques à_londemains à midi, qui fut le jour de la Sainct Mercel, quaitriesme ^.Ve.^ jour de septambre,
auquelle jour furent errier mandés tous les compaignon de guerre ou Champs Paissaille, c'est assavoir les
pieton de Mets et du païs. Et ce y_trowairent environ .XIIII. ou .XVC. bien en point, lesquelles furent
tous despartis et sepairés aus pourte et au baille de la cité pour gairder l'antree, et avec ce l'on fist toutte
retirés les beste és baille et auprés des pourte, car il fut dit, pource que alors l'on estoit sur traictiet de
paix, que les annemis voulloient assaillir quelque pourte et lever les beste.
Et de fait, environ une heure aprés midi, il ce partirent de Montoy et c'en vinrent plus de .VC.
devers les Bourde à Vaillier, et la grosse armee venoit aprés, tellement que tout le païs en reflamboioit et
en estoit cowers ; et puis boutairent les feu audit villaige de Montoy et y brullairent plusieur maison.
Aucy fut toutte airse Glaitegney, Failly, et fut aucy brullee Les Estans, jai_ce que le protonoctaire
Nicollay Baudoiche c'y tenoit, lequelle toutteffois estoit cousin germains à mon-seigneur de Jamaix.
Item, à cest heure, .V. ou .VIC. en paissairent l'yawe à Maigney pour aller ou Vault, et durant[.]
322Nous barrons ce ou que Philippe oublie de supprimer.

282

qu'il faisoie ces chose et environ une heure aprés midi, quaitre dez nous seigneurs de ^la cité^ de323 Mets,
c'est assavoir seigneur Andrieu Drineck, chevalier, seigneur Claude (503) Baudoiche, chevalier, seigneur
Regnault le Gournay le Viéz et seigneur Androwin Roussel, yceulx quaitre seigneur ad_ce comis de_pairt
le conseil avoient mendés en la chambre des Sept de la guerre tous les estat de la cité, c'est assavoir les
chainoigne de la grande eglise, ceulx de Sainct Salvour et ceulx de Sainct Thiebault, ^les abbé et
abausse^, les celestin et les curé, et plusieur aultre rantés, et avec ce furent mandés tous les riche
bourjois de la cité et lez riche wesve, et tous ceulx et celle que on pansoit qui eussent airgent d'anffans
^en gairde^ par aulcune mainburnie en gairde ou aultrement.
Et illec ^lez^ fyrent mandés ^entrer l'ung^ l'ung324 aprés l'aultre dedans la dite chambre et
devent les quaitre comis devent_dit, et fut à ung chacun bourjois d'iceulx bourjois remonstrés
particullierement ^la grant necessité et^ le grant dangier auquelle nous estions, et fut dit que les annemis
avoient deliberés de tré_tout fondre et destruire le païs ou il failloit qu'il eussent une m erveilleuze
somme d'airgent, pour_laquelle à_trower et pour eviter le ^cellui^ dangier et la ^aussy la^ consequance
qui en poulroit venir, force estoit que chacun mestit la mains à_la paiste. Et pour_ce voulloient et
demendoient lesdit seigneur assavoir combien chacun presteroit voulluntier à_la ville pour aydier à_trower
cest merveilleuse somme, promectant yceulx que dedans le jour de Noé aprés ou la Paicque ensuiant il le
randroie ^à_plus tairt de le randre^ tout enthierement. Et aincy en fut fait et dit alors chacun de
combien il ayderoit la ville à cest affaire, et de chacun escripvoit le greffier la somme et les nons, c'est
assavoir combien chacun devoit prester. Et je le sçay bien, car je y_estoie mandés (504) avec les aultre et
y prestait cent florin de Mets, et aincy prestait chacun cellon son estat.
Item, durant ces chose, seigneur Michiel Chaverson retournait avec le Rin-de-grewe de decost les
annemis, et c'en vint en la chambre des Sept tout houssellés et esperonnés et airmés de toutte piesse,
avec ung biaulx hocqueton de vellour sur son hairnaix, mespartis rouge et vert. Et aucy, ce tampts
durant, desvaillait deux ou trois fois l'une des gaitte de dessus le grant cloichiés de Meutte pour anoncer
à seigneur les allee et venue que nous des ^les^ aulcuns faisoient et coment il boutoient les feu et ce
aproichoie fort des pourte, car ^par_quoy^ nulz n'oisoit saillir de-hors.
Et aucy au campe des annemis venoient tous les jour des gens nowiaulx et ce ranfoursoient à
chacun jour, et avoient et tenoient en leur campe tout les jour le biaulx mairchief, comme en une bonne
ville, car toutte danree suioient aprés, c'est assavoir draperie, mercerie, espicerie, vandeur d'espee,
fourgeur d'esperons et aultre fairaige, boullungiet, cordonniet et mairechault, bouchier, tavernier et fille
de joie, et de tout les mestier qui sont de necessité et requis en campe. Et aucy y venoient les
mairchampts de Loraine et d'Allemaigne pour acheter le buttin et enchaingier contre d'aultre danree, et
baitoient les blef és grainge et le vandoient à_qui en voulloit pour deux ou trois gros la quairte le plus
323Nous ajoutons ce de.
324Philippe porte un tilde superflu sur ce mot.

283

fin froment que l'en sceust trower, car de loing tampts devent l'on olt cy bon blef ne cy net ne cy bien
courés comme cest annee, (505) +et se monstroit à l'estrains, qui estoit blan come neige+, et en avoit on
à_+sy+_grant plantés car +que+ tout estoit plain et estoit l'estrains blan comme neige. Mais cellui jour,
il fut cy rancheris en Mets qu'il estoit desjay à .XII. solz la quairte et plus, ce que l'on eust heu aparavent
pour .V. solz ; et ce le tampts durait ung peu, il ce fut vandus .XVIII. et .XX. solz.
Item, durant ces chose, y_eust ung compaignon naitif de Aivency, decost Saincte325 Bairbe,
nommés de son droy non Maithieu, mais comunement l'on ne le nommoit que le Maire Beuse, lesquelle
estoit ung biaulx gallans, fort et roide, et avoit hantés les guerre en Ytaillie. Cellui compaignon, lui .XIIe.
de jonne gallans de Mets, clerc et aultre, ce mirent en l'aventure et en la_conduitte dudit Maire Beuse, et
ce en_aillirent ambuchiés par derrier le campe, du coustés vers Les Estans.
Et illec vinrent à ruer sur les vivendiers et mairchampts de Loraine et d'Allemaigne qui venoient
d'icellui coustés, et tellement exploitairent lesdit gallans qu'il en ruairent jus plusieurs et en despaichairent
quaitre ou .V. des leurs et gaignairent deux chevaulx et environ .XIIC. frant d'airgent, lequelle fut butinés
entre eulx. Et aucy prinrent ung messaigier qui pourtoit lestre à_campe et fut amenés à_Mets avec une
moult belle tairtre, bonne et bien faicte, que une damme d'Allemaigne envoioit à son seigneur et marei,
qui estoit au campe ; mais la dite tairtre fut mengee et apourtee à_Mets avec les lestre de recomendacion
et illec fut la dite tairte en grant joie mangee, et les lestre que la dite damme envoioit à_son mary furent
leuste et visitee. Mais le mal fut, car yceulx gaillans ce combaitirent en despartant leur airgent et
tellement que ^l'ung d'iceulx, nommés^ Gerdines, qui estoit jonne clerc à seigneur Fransoi le Gournaix,
en olt causy la teste fandue car il ^et^ en resseust une grande plaie, item aucy ledit jour, aincy comme le
+par_quoy de-puis ne firent aulcuns326 biaulx fait+.
(506) +Item, à meisme jour aussy, comme le ca+ campe ce levoit de son lieu de Montoy, come cy
devent ait esté dit [-] [-] devent, ^se despartirent des aultres^ plusieur malvais guerson ^et s'en vinrent
devent se fourer^ à villaige de Vaillier pour fouraigier ^illec piller et desrober^, entre lesquelle y_estoit
ung josne laicheres qui print ung menon de poulx alumés et aincy le tenant ^brullant^ en sa mains c'en
escourent ^courroit de toutte sa puissance^ vers une maison pour y bouter le feu, en laquelle maison
estoit d'aventure venus veoir le bon homme maistre d'icelle pour aulcune affaire qu'il y_avoit. Mais quant
il vit cellui gair avec son feu, il fut biens embaihis et lui demendait ou il alloit avec ce feu, et le gair,
malvaix gairson, cen en rien estre esbaihis, lui respondit franchement et dit : "Je viens vouller 327 ta
maison et y_bouter le feu."
Et parloit aincy hairdiement ad_cause qu'il centoit la suite de leur gens venant aprés lui, mais le
bon homme, à_qui le cuer faisoit mal de l'oÿr aincy respondre, ne le poult plus souffrir ne endurer, ains
325Philippe écrit sainct ; nous corrigeons.
326Philippe écrit aulcus ; nous corrigeons.
327Philippe écrit bouller ; nous corrigeons.

284

luy donnait cy grant corpt de son espiés parmy le vantre qu'il le trespairsait de pairt en pairt, et avec ce
fraipait son copt de cy grant roideur que la pointe dudit espiet antrait dedans ung huis de bois, tellement
qu'il thint à_la planche. Puis, ce fait, c'en retournist à Mets avec son espiet tout dessa dessainiet et
laissait illec son homme mort.
A cellui mei[sme] jour et à celle heure ^advint une putte adventure, car il^ y_olt ung biaulx
jonne homme, bairbiet de Mets ^nommé Geraird^, lequelle estoit demourant Oultre Saille en la rue de la
pourte des Allemans, et estoit celluy jandre à Philippe Le Berbiet demourant en la dite rue, tout devent
la maison du seigneur Nicolle Dex, lequelle seigneur amoit bien cellui jonne bairbiet et avoit grant (507)
fiance en luy. Et pour_ce, luy .VI e. de compaignon les envoiait veoir à sa forte maison à Sainct Jullien, là
ou est le mollin de la papellerie, et entre lesquelle y_avoit +son bon+ ^serviteur nommé Baistien ; aucy
y estoit^ encor ung aultre jonne gallans de Poursaillis nommés Jehan Michiel Le Chaussetiet, lesquelle
estoit paireillement l'ung des biaulx jonne homme de Mets et en la fleur de son eayge.
Iceulx jonne homme, non doubtant que les annemis deussent venir cy prés de la cité, antrairent
audit mollin et forte maison pour la gairder ; et avec eulx y_avoit encor ung compaigno n de Montigney,
^nommé Privé^, et encor deux ou trois aultre, ^tant de Vaillier que de Sainct Jullien^. Pairellement
y_estoit le bon homme papelliet de leans, ^nommés Moufflin et^, et son filz qui estoit nowellement
marié et qui estoit bien jantil ruste ; ^aucy y estoit ung nomméz Fairy^.
Yceulx .VIII. ou .X. gallans, ^avec ung aultre jonne guerson^, tenoient la maison fermee et ne
craindoient pas, comme dit est, que les annemis ce deussent venir ambaistre cy trés prés de la cité. Mais
il en fut aultrement, car plusieur aventuriés d'iceulx annemis vindrent illec abourder, et avec biaulx copts
de haiche descoupairent les huis et lez pourte, et tellement qu'il ce combaitirent ensamble en fasson telle
que le bon homme de leans en ruait ung dessoubz lui, et ledit Jehan Michiel Le Chaussetiet luy
trespairsait d'ugne picque tout parmi le corpt, puis lui tranchairent la teste. Et aincy fut il dit, mais je ne
le vis pas.
Touteffois, coment qu'il en fut, dur il est vray que durant qu'il ce combaitoient, les annemis
vinrent à grant puissance et assaillirent la maison de toutte pairt et montairent les mur du coustés de
derrier, et tellement que à_la fin, ledit ^Mofflin le^ papelliet et son filz y furent tués, et aucy fut
^Geraird^ Le Bairbiet et tous les aultre jusque à .IX.. Et n'en eschaippait de tous que ledit Jehan Michiel
et ung ^le^ jonne (508) +qui fut rués dessus le corps de Geraird, qui estoit mort, et le avec + voulloie
tuer et++ +avec+ ung aultre ^nommé Ferris^, qui ce laissait cheoir à_la vaillee és gerdin, ^cuidant
eschapper^, mais il fut reprins ; et le jonne guerson fut gectés sur les corps ^de Geraird qui estoit^
mors et en_aventure d'estre tués, touteffois, il les enmenairent avec eulx et detindrent l'omme environ
trois semaigne.
Puis, ce fait, ont les annemis prins et fouraigiés tout ce qu'il vouldrent prandre, et aprés ont

285

boutés le feu leans et ^furent^ airs les corps des devent dit ^jusque .IX.^ ; et ^furent trowé de-puis en la
plus grant pitiet du monde, car il n'avoient nulle jambe^. +Et+ ont ce fait pource que lesdit
compaignon tirirent de baiton à feu, jay_ce que ledit seigneur Nicolle, à_qui estoit la maison, leur avoit
deffandus.
Or avint c encor ce dit jour que quant nous seigneur virent les annemis cy aproichiéz et à cy grant
nombre, et ce doutant de traison firent armer le purple et furent comendés ou Champs Paissaille à .XI.
heure devent midi environ de .VI. à .VIIC. homme de la cité bien am_point, lesquellez furent divisés par
les comis à ce faire et en fut envoiéz par lesdit comis à chacune pourte environ ung cent pour gairder
toutte la nuit. C'est assavoir, la mitte fut mise en la rue du dedans de la ville et l'aultre mitte ou baille, et
fut encor ramforciet le guet de dessus la muraille et couchoient de chacun mestiet trois ou quaitre
homme en leur tour, avec canonier et gens propre à tirer baiton.
Puis fut le soir fait de grant feu par tout les quairfort de la cité avec .X. ou .XII. homme pour
gairder, desquelle fut ordonnés que l'ung d'iceulx seroit le capitaine pour la nuit, et leur fut par les
seigneur donnés tel cri qu'en tel cas aparthient. Et je le sçay, car en nostre quairfort je y_fus celle premier
(509) nuit ordonnés pour capitaine, et estoit nostre cris : "Vive Mets et saincte Crois !" Et furent nous
jonne seigneur toutte celle nuit tout airmés, les ung à_chevaulx parmy la ville en visitant les quairfort et
aultre lieu, et une partie c'en aillirent visiter sur la muraille.
Mais pour revenir à prepos et pour sçavoir la verité de l'alairme qui par avent ce fist, ce dit jour,
qui fut samedi, environ le vespre, y_olt .V. ou .VI. aventuriet qui c'en voulloient sortir dehors la ville
à_leur plaisir et aventure par la pourte des Allemens, et alors la pourte estoit cloise et ne les voulloit on
laissier ailler. Touttefois, il firent tant à seigneur Nicolle Dex, lequelle alors estoit sur le billevairt de la dite
pourte, qu'il obtindrent de sortir dehors, mais il leur deffandit qu'il n'allaissent guerre loing. Et quant il
vinrent à dehors de la bairier, l'ung d'iceulx gallans demendait audit seigneur jusques ou il voilloit qu'il
aillaissent, et il leur escriait par plusieur fois qu'il allaissent jusque à_la pourte.
Son intencion estoit jusques à_la_faulce pourte ^Sainct Hurbis^, mais il ne l'antendoie pas bien
pour le vant et aucy pource qu'il estoit hault. Touteffois, ledit seigneur leur escriait par plusieur fois,
disant : "A_la pourte ! A_la pourte !". Et avint aucy que durant ces chose, y_avoit ung compaignon
drappiet et quairtiet de l'Ospital de Mets, nommés Collin Bronvaulx, qui alors estoit à la dite faulce
pourte et faisoit signe de la mains à nous gens, et disoit qu'il retournaissant et que les annemis
aproichoient.
Alors les compaignon collevreniet et arboullethiet et aultre, oyant crier aincy "A_la pourte !", cy
ce pansairent qu'il y_eust quelque traison, et voiant que à_leur pourte n'y avoit rien (510) que bien,
incontinent ce prindrent à_courrir aus aultre pourte ; et tout soudains, comme à retorner d'une mains,
fut toutte la cité tellement esmeute que jamais on ne vit tel alairme. Et courroient les ung au pon des

286

Mors, les aultre à pon Remon, et les aultre à_la_pourte Champenoize, à_cy grant foulle que il gectoient
femme et anffans par terre. Et fut criés en cent lieu parmi la ville : "Alairme ! A_la pourte ! A_la
pourte !", disant que nous estions traïs.
Alors heussiés veu pleurer, crier et braire, que c'estoit pitiet de oÿr les alairme que alors ce firent,
et creoit on veritaublement que toutte la cité fut perdue, ne jamais vous ne vistes une telle alairme ne cy
soudaine, car au loing de Fornerue et aultre_pairt il sambloit que ce fussent copt de collowrine d'oÿr
sairer les boutticque et de tout ruer à terre. Et voult bien Dieu que le conte Rin-de-grewe, qui venoit
pour faire la paix, ne fut point à cest heure trowé en la rue, car il eust estés descoupés en cent mil piesse
lui et ces gens ; et disoient la plus-pairt : "Ha ! Jhesus ! Ce traistre ycy nous est bien venus esbusés et
decepvoir !"
Et ce qui fist encor la plus grant peur, ce furent deux homme de dehors qui pourtoient deux
pennonz de blan fer airmoiéz dez airme de Loraine, et en corrant de-puis Fornerue tousjour à_loing de
la grant rue crioient : "Alairme !" et "A_la pourte ! A_la_pourte !". Touteffois, quant on eust essés allés
et venus, l'on trowait que ce n'estoit tout rien, dont on fut bien joieulx, mais encor ne powoit on
raipaiser aulcune femme de pleurer, et en heurent causy les (511) aulcune une putte estrainne ; +et ne
poult on jamaix sçavoir le vray dont vint cest esfroy, sinon comme j'ai dit+.
Et pour ces chose et plusieurs aultre, nous seigneur firent retirer toutte le baistial aprés des
pourte, car il fut dit que le capitaine Franchisque avoit jurés de les venir lever tout devent les pourte, et
pour_ce furent ycelle beste toutte mise ou grant Saulcey, devent le pon des Mors, et n'en demourait
point une Oultre_Saille. Et en y_avoit tant que en ung jour et une nuit, ledit Salcy, que aparavent estoit
drus et vert, fut cy trés araizés qu'il sambloit que ce fut ung ^champz en^-soumay.
Aucy fut dit et estoit vray que ledit Francisque avoit juré qu'il ne feroit jamaix paix à_la cité pour
quelque somme d'airgent c'on lui sceust donner, jusques à_tant qu'il aroit tirés trois ou quaitre copt
d'artillerie à son plaisir dedans la ville, comme il fist et comme cy aprés serait dit ^quant temps serait^, et
avec ce qu'il aroit donnés quelque essault. Et pour ces chose et plusieurs aultre ^l'en^ fist on faire aincy
grant guet, ^comme avés ouÿ^.
Item aucy, ce samedi .IIIIe. .Ve. jour de septambre, retournait encor le Rin-de-grewe en Mets,
lequelle à toutte dilligence traictoit pour la paix, et furent nous ^les^ seigneur ^commis^ parler à_lui. Puis
c'en aillirent au conseille, et au sortir dehors qu'il firent, le peuple estoit assamblés devent la grande
eglise, +tous+ ^triste et descomfortés^, en atandant d'oïr quelque ^bonne^ nowelle. Et alors le seigneur
Andrieu de Rineck, chevalier, resgairde entour de luy et, voyant le peuple estre aucy triste et dessollés et
ce mutiner, ^comme dit est^, craindant leur fureur, appellait plusieur personne et assamblait autour de
lui, et puis leur dit ainssy : "Ha, ^biaulx anffans^ seigneur, dit il, ne soyés point cy (512) dessollés
+esperdus+ ne cy triste ! Je vous vois ycy comme tous esbaïs et murmurans.”

287

Alors y_olt l'ung d'iceulx qui respondit et dit : " Et He, sire ! may qui ne le seroit ?" Et à ces mot
respont ledit seigneur en parlant à tous et dit qu'il prinsent cuer et couraige, et que à plaisir de Dieu tout
ce pourteroit bien, et que vrayement, quant le puple dormoit, il besoingnoient pour eulx. Et leur dit
encor ledit seigneur qu'il esperoit que de brief l'on oÿroit de bonne nowelle. De ces parrolle fut le puple
cy resjoïs que vous ne viste jamaix tel joie, et sambloit desjay que la paix fut faicte ; et ce le dirent de
l'ung en l'aultre tant que les nowelle en coururent par-tout, et disoient les ung aus aultre que la paix f
seroit ce jour faicte et ceellees, et estoient desjay les aulcuns328 cy essurés qu'il c'en voulloient desjay
retourner en leur ville. Mais ce n'estoit encor pas faicte, car avant qu'il fut le lundemains à_la nuit il en
y_olt mainte qui eussent bien voullus estre ou vantre leur mere de peur et de crainte, comme vous oÿrés.
Alors, aprés ce que ledit seigneur Andrieu olt ainssy reconfortés le puple, comme avés oÿ, il ce
partit d'illec lui et les aultre seigneur et c'en aillirent à l'ostel à_l'Ange visiter le Rin-de-grewe. Et pour
plusieur raison firent nosdit seigneur celle nuit mestre plusieur jonne gens avec plusieur souldairs tout
airmés dedans cellui hostel de l'Ange auquelle ledit conte estoit, affin que le puple ne luy fist quelque
desplaisir, car ce jour meisme, comme dit est, estoit retournés en Mets et faisoit grant diligence de faire
la paix.
Or ce paissait le jour et vint la (513) nuit, en la-quelle fut fait bon guet tant és pourte hault et bas
sur les muraille és baille ou Champ Paissaille comme par tout les quairfort de la cité, auquelle quairfort
vinrent nowelle à compaignon et baineret qui estoient tenant le feu par lesdit quairfort qu'il ranforcissent
leur guet et que les annemis ce aproichoient aprochoient, et qu'il avoient conclus, comme l'en estoit
advertis329, que environ les .V. heure du matin seroit donné essault à_la cité.
Alors ce mist chacun am_point pour_ce deffandre, mais toutteffois il n'en fut rien fait, et aincy
ce paissait le samedi et vint le jour de dimenche, auquelle jour, du mattin, le Rin-de-grewe retournait
arrier au campe. Et avent que ce partir, il priait à nous seigneur que l'en ne tirait point de dessus les murs
de baiton à_feu dedans une heure, car alors l'on ne faisoit incessanment que tirer, et de nuit et de jour,
et furent plusieurs baiton rompus dez tors de la ville de force de tirer.
Touteffois, pource qu'il fut dit que ledit Francisque, avec son campe, ce voulloit venir à_parquer
ou hault de Desiremont pour tirer en Mets, comme il fist, le seigneur Philippe Dex avec mon-seigneur
Nicollay d'Ancerville firent mestre et affuter deux grosse serpantine derrier la maison seigneur Jehan
Xawin, son sire audit seigneur Philippe, lequelle alors demouroit entre l'eglise de Saincte Segoulline et les
Cordellier, et d'icelle firent plusieurs mal aus annemis, comme vous oÿrés.
Item, ce dit jour de dimenche, .Ve. jour de septambre, [-] ce partit ^du campe^ mon-seigneur de
Jamay, qui estoit filz au seigneur Robert de la Mairche et cousin au seigneur Claude Baudoiche, chevalier, et
c'en aillait avec ledit seigneur Claude diner à son chaistiaulx de Mollin. Et niant-moins tout cecy, (514)
328Philippe porte un tilde superflu sur ce mot.
329Philippe écrit advetis ; nous corrigeons.

288

à_paine poult obtenir la damme, qui estoit grosse d'anfans, que ledit de Jamaix ne voulcit bouter les feu
audit villaige de Mollin, et voult on dire qu'il avoit ransonnéz tout les villaige de son cousin telz que la
dite Mollin, Vault, Jeuxei, Rouzerieulle et Lorey devent Mets, car celle guerre ycy estoit cy cruelle et vo
voulloient lesdit annemis avoir les chose cy à leur guise que c'estoit pitiet. Et tenoient la cité et le païs cy
subjecte qu'il n'estoit memoire que jamaix prince l'eust ainssy tenus subjecte que à cest heure estoit, ne
n'estoit aucy memoire que jamaix le puple fut estés cy powre ne cy dessollés que à cest fois estoit, et
tout par les malvaise annee qui par avent avoient estés.
Et fut à cest heure la cité et le païs en grant baillance qui n'y eust trowé remide et estoient les
powre gens comme à desesperés et ce mutinoient et ellevoient contre leur seigneur et contre les grans, car
il disoient tout plainement que tout le mal venoit par eulx et que de loing tamps devent l'on eust fait la
paix à bon merchief, car ^et que^ une fois le viéz Mertin des Sept - que Dieu absoulve - en avoit fait la
paix pour .XII. florin d'or. Mais jamaix on n'y voult antandre ne ne wouldre craindre ledit Philippe ne
ledit Francisque son cousin tant qu'il les viront à_l'oeil, et disoient devent ce advenus qu'il n'awoie
puissance de ce faire.
Mais ledit Philippe et ces consorts trowairent tant d'alliéz, de banis et de forjugiéz de la cité et
qui demendoie à_la ville plusieurs quairelle et tout à une fois, que les seigneur en furent bien estonnés,
car tout les jour gens nowiaulx et force vivre venoient aus annemis, et de fait en y vint ce (515)
dimenche .VIe. jour de septambre plus de deux mil des nowiaulx ; et ce trowairent tant de gens
ensamble qu'il tenoient sciege en plusieur lieu et venoient courir jusques au pourte, et ne ce faisoient que
juer et ce mocquer de nous, parce qu'il sçavoient bien que alors nous n'awions puissance nul de ne force
de resister encontre d'eulx. Et les veoit on corrir et salter parmi les champts et parmi les vigne, et
faisoient dez grant feu dez parciaulx d'icelle ; et vous sertiffie qu'il eussent bien destruit tout le païs c'il
eussent voullus. Mais il ce atandoient d'avoir une grande somme de la cité, laquelle chose à_l'acomencement l'on n'y voulloit entandre, mais à_la fin fut bien force de ainssy le faire, ou il heussent fait
le plus powre païs que jamaix fut.
Et avec ce, comme j'ai_dit, eust estés la cité en grant dangier par la murmure de la comune, car
alors il estoient baitus dez trois flaiaulx de Dieu, c'est assavoir guerre, famine et la mortallité qui encor
ce tampts regnoit tout les jour, et ce mouroit on treffort ; mais à cest heure n'en estoit plus nowelle et
n'y pansoit on plus pour les aultre inconvenient qui venoient, et ne faisoit on plus compte ne d'estime
d'en veoir pourter .X. ou .XII. en terre ne que ce fussent brebis.
Item, ce dit jour de dimenche .VIe. jour de septambre, furent arrier mandéz à .XII. heure aprés
dinés tous les estas devent dit, c'est assavoir chainoine, curé, prebtre, clerc, avec les celestin, bourjois,
mairchamps et les weve femme, et gens de plusieur estat, et avec furent mandés tous les eschevins des
pairoiche et mambour d'anffans, et aucy y furent mandés tout les mambour et maire de villaige, auquelle

289

fut remonstrés et dit le grant dangier ou nous estions, et ^que^ pour eviter ce (516) dangier failloit paier
une merveilleuse somme, pour laquelle à_faire il ne souffisoit point à conseil lez somme que chacun
avoit promis de prester le jour devent, et leur fut dis qu'il failloit renlairgir la mains.
Or, durant ce tampts et que les quaitre comis devent dit estoient en la chambre, comme dit est,
et qu'il remonstroient à_puple ce que dessus est dit, et proprement environ le midi vinrent les annemis
à_desparquer de leur lieu, et sambloit à_les veoir des dessus le ch ^grant^ clochiés de Meutte que toutte
la terre en fut cowerte. Et à cest heure c'en vinrent pairquer devers Sainct Julien, p non pas pour ce tenir
du tout, car il avoient leur campe à Vaillier, à Vantous et à Bourde à Vaillier, mais cedit jour furent les
aulcuns sur le hault de Desirmont ung peu à_dellay de la Belle Crois et illec ^là, en ce tenant^ en ung
viéz chemin qui est entre la dite crois et Bribray, effutairent plusieur baiton à feu.
Et alors, la ^l'une dez^ gaitte qui estoit dessus ledit cloichiés de Meutte les vit et ce aperseust que
c'estoit pour tirer dedans la cité, par_quoy il desvaillist tantost à_vaulx et le vint dire et noncer en la
chambre des Sept de la guere, en laquelle alors estoient les seigneurs ^devent dit^ pour pairler à bourjois,
come dit est ; et pour_ce firent tantost lesdit seigneurs dire ^et anoncer^ à_puple de ^allant^ parmi la cité
qu'il fussent sur leur gairde, car l'on voulloit tirer dedans la ville.
Et en ces entrefaicte estoit seigneur ^le devent dit seigneur^ Philippe Dex acompaigniés de seigneur
Nicollay d'Ancerville avec les deux grosse serpantine derrier la maison dudit seigneur Jehan Xaiwin son
sire, auquelle lieu il les avoient mise, comme dit est ; et, voiant à cest heure leur annemis à l'oeil, Dieu
scet c'il les firent bien sonner et bondir, et tellement que d'ung copt d'icelle, ledit seigneur d'Ancerville
tuait [.] plusieur des annemis, entre lesquelle l'on voulloit dire qu'il y_avoit ung grant personnaige des
leur. (517) Je ne sçay de vray c'il fut ainssy, mais comme qu'il en fut, il en y_demourait plusieurs, et fut
dis et sertiffiés que la pier de ce copt paissait tout à plus ^prés^ du capitaine Francisque.
Aussy de la pourte aus Allemans et des aultre pourte et des tour l'on tiroit incessanment et cy
trés drus qu'il sambloit que ce fut la foudre du huttin et, du bruit ^et du tabourement^ qu'il menoient,
car de toutte pairt sur la muraille l'on tiroit cy drus et cy sowant que l'on n'oioit goutte. Mais nyantmoins, ledit Francisque ne laissait point à eschevir sa voullunté et effutait ces serpantine et cagnon en
plusieur lieu, dont la pluspairt furent mis à_hault de la montaigne en ce viéz chemin que j'ay devent dit,
qui est entre Bribray et la Belle Crois.
Et ung gros courtault vinrent mestre et essegiés oudit viéz chemin qui est enfondus et à plus
baix de la montaigne, tout derrier les butte des erchiés, ou lieu c'on_dit au_Reux_d'Amors, et cellui
estoit pour tirer contre la muraille, comme il fit. Mais pour revenir à prepos, les premier tirant furent
ceulx sur la montaigne, et du premier copt il cuidairent tirer à_la haulte tour de la maison sainct Leviet,
mais il faillirent et vint le copt cheoir bien prés de ma maison, dont j'en heus bien grant peur,
neantmoins que j'estoie bien avertis qu'il voulloient tirer, comme dit est.

290

Et de fait, j'en avoie advertis tout mes voisin et voisine, par_quoy y_olt alors plus de .XX., s tant
femme que jonne fille, qui c'en vinrent foyant en ma maison quant elle oÿrent le copt ; et cheust ce copt
en la maison que fut damme Perrette Cuer de Fer, là ou à_presant demeure le seigneur Thiebault le
Gourgnay, filz à seigneur Fransoy, chevalier, qui n'est guerre loing de l'eglise collegialle de Sainct Salvour,
de_quoy la jonne damme de leans eust belle peur et non sans cause, car il sambloit que ce fut le dyable
(518) qui voullit en l'air de la pier qui souffloit.
Et à son venir fist lever plus de mil estaille de dessus les tis, puis vint à ferir contre le mur d'ung
guerniet aprés d'ugne cheminee et le persist de pairt en pairt, puis c'en aillait à ferir contre l'aultre mur,
mais la pier recullait errier en ung monciaulx de blef et là fut trowee ; et estoit celle pier de la grosseur
de la teste d'ung petit anffans.
Puis, ce fait, ont encor tirés .V. ou .VI. copts, dont le premier fut et cheust ou gerdin de monseigneur le souffragant devent les Cairme ; ung aultre vint à frapper en une maison aprés de la maison
dudit seigneur Jehan Xawin, et cuidoient ataindre lesdit seigneur Philippe et mon-seigneur d'Ancerville, qui
tiroient dez baiton leans, comme dit est. Une aultre fut tiree contre la muraille, qui n'y fit rien, et ung
aultre fut tiree en l'air tout par dessus le grant moustiet.
Puis ont tirés du devent dit courtault qu'il avoient effutés au viéz chemin, à Reus d'Amour, et à
piedz de la montaigne, comme cy devent ait estés dit, et d'icellui ont tirés contre la muraille devers la fin
de Chandellerue et an_droit ung grant gerdin qui est entre la fin dez bairre de Saille et le pon Remo n.
Et illec en_droit ce gerdin ataindirent la muraille essés hault et la persait tout oultre parmi le hault mur
qui vait par dessus la grosse muraille, et vint la dite pier cheoir audit grant gerdin qui apant à ung grande
maison en Ayete, et illec cheut sur [ung] pommiet et abaitist plusieur pomme, puis cheust la dite pier
apréz dudit_pommiet en terre, cen aultre (519) malz faire, ne celle ycy ne toutte les aultre, de_quoy nous
en devons bien regraicier Dieu et en glorifier son non.
Et d'icelle dernier pier m'en fut à vray la messure donnee et la retondités d'icelle, comme la
figure ce_suit :
Ycy est la grosseur et messure de la pier de cagnon et à vray que le capitenne Franchisque tirait en Mets,
et estoit une grant hideur d'oÿr le bruit qu'elle menoit ; et pesoit ycelle .XXX. livre à_juste 330.
(520) Item, ce dit jour à vespre retournait errier le Rin-de-grewe à campe et y couchait, puis
retournait en Mets le lundi à matin.
Item, ce dit jour à vespre ce partirent de Mets deux bon homme de Sciey pour aller à_leur
adventure, dont l'ung estoit le filz le grant Houllon de la dite Sciey, mais il furent rancontrés en
330Dans le manuscrit, cette phrase figure à l'intérieur d'un cercle couvrant la majeure partie de la page 519 et
représentant la taille du boulet en question.

291

Desirmont par .VI. chevalcheur et d'iceulx furent assaillis, et ce deffandirent vaillanment et eschaipairent
pour celle fois. Et eussent fait du mal, mais le feu ne ce voult jamais prandre en leur collevrine,
ad_cause qu'il plowoit et que la poudre estoit mollie, car ce jour il fist le plus hairous tampts et le plus
froy de pluye, de gresil et de grant vant, et sambloit que les dyable fussent deschenné, ne n'awoit fait de
loing tampts devent le paireille tamps.
Or, ce avoient les deux compaignon devent dit deffandus gaillairdement, et de_fait en y_olt l'ung
d'iceulx qui ampoignait la lance de l'ung des chevaulcheur devent dit et luy rompit, puis c'en fuirent par
les gerdin en dessandant devent la faulce pourte de Pairnemaille, et là fut errier rancontrés ledit Houllon
de l'ung d'iceulx et ne ce sceust on saver, ains fut rués en terre et tués, et fut despoulliéz tout à_mey lieu
du chemin. Et son compaignon c'en fowit dever la pourte et estoit cy trés esperdus qu'il ne sçavoit que
dire, par_quoy nous gens de Mets, cuidant que ce fut des annemis, le blessairent treffort de deux ou de
trois copt de picque, et fut en grand dangier d'estre tués et cuidoit on qu'il en deust morir.
Paireillement, ce dit jour, ce firent encor plusieur aultre chose que je laisse pour abregier, tant à
bouter les feu, (521) en roberie et en tuerie, dont c'estoit pitiet. Dieu par sa bonté y_messe sa graisse.
Aussy en celle nuit fut fait paireille gait et tel que l'on avoit fait la nuit devent, tant és pourte, és
baille, sur la muraille, come és quairfort.
Item, ^puis^ le lundi, ^septiesme jour de septembre^, à matin furent arrier mandés tout ceulx et
celle qui devoie prester argent pour le delivrer, et paireillement y_furent mandés tous les mambour et
gouverneur dez villaige, avec aucy aulcune bonne gens de dehors qui estoient riche, affin que d'iceulx on
eust argent.
Item, ce jour qui fut ^aussy à_cellui lundi^ .VIIe. jour de septambre, environ les deux heure aprés
midi et durant le tampts que ceulx qui estoient mandés pour delivrer argent estoient devent la chambre
dez ^Sept de la guerre^, par deux fois vinrent nowelle de la gaitte de dessus la tour de Meutte, delquelle
^dont^ la premier fois il dit que les annemis avoient bouter les feu à Choibey et à Chaistillon, et la
seconde fois il vint dire coment on fut sur sa gairde et qu'il venoient à moult grant compaignie et à gens
sans nombre vers la pourte des Allemans, et fut dit qu'il voulloient venir bruller la menandie de Saincte
Elizabecht avec la maison de Bribray et le gerdin le seigneur Fransoy le Gournaix +et tout à l'eur+,
par_quoy fut tantost envoiés au pourte et dire qu'il fussent sur leur gairde et que c'il aproichoie nt, que
l'on n'espargnist point à tirer les baiton, car ^devent^ l'on avoit heu deffandus le mattin que l'on ne tirait
nulz baiton, pource que l'on estoit sur traictiet de paix.
Touteffois, les seigneur n'estoient pas tropt essurés d'oÿr ces nowelle et cy ^qu'il soit vray, moy
estant en la dite chambre devent eulx^, oÿs dire à aulcuns d'eulx : "Je me doubte, dit il, de trayson, et
que quant il aront nostre argent, qu'il ne thiengne rien de tout ce qu'il aront promis."
(522) Et alors ceulx de la pourte des Allemans et des +aultre+ pourte, et aucy des tours

292

par_dessus la muraille, ont laichiés leur baiton à_toutte puissance, par_quoy lez annemis, oyant le bruit
de ceulx ^et aussy pour le dangier^, ne ce oisairent aproichiéz du tout, neantmoins qu'il en y_olt aulcun
avanturiet qui ce abandonnairent de venir à Saincte Elizabecht et serchoient le moine de leans et d'aultre
biens, c'il l'eussent peu avoir, mais il ne firent rien +aultre mal+, sinon que en c'en retournant il
brullairent le chasqueu l'evesque qui est devent la faulce pourte des Allemans et tuairent ung homme de
villaige aprés de la Belle Crois en Desirmont, car cellui [-] avoit abandonné ^lequelle estoit avec
plussieur aultre adventurier, mais il c'estoit tropt abandonnés, car il ce boutta^ hors de la routte de ces
compaignon pour cueillir dez pesche en une vigne, mais ^par_quoy^ il lui print mal.
Aucy nous gens en tuairent pour ce jour plusieur ^celluy ce meisme jour, y_olt plusieurs aultre
aventurier de la cité qui en tuairent aulcuns^ dez leur, et furent encor ce jour tant d'aultre chose mal
faicte et d'ung cousté et d'aultre que ce fut chose merveilleuse et qui tropt seroient longue à raconter.
Aucy ce ^Paireillement, à meisme jour^ revint encor en Mets le Rin-de-grewe et puis ^n'y fut
comme riens qu'il^ retournait tantost arrier au campe ; puis retournait derechief en Mets331 ^retournait^
^encor en Mets^ et amenait avec lui le serourge de ^dudit^ Francisque, et y_couchairent celle nuit.
Item, durant ces chose les ^allee et venue, les^ annemis prindrent une herdre de vaiche de
Noeroy et cy en prindre aulcune de Pierviller et de Mairange ; mais on fut aprés et furent la plus-pairt
redonnee et randue, car il en avoient jay tués et mengiés une partie.
Aussy ^Paireillement^, en ce meisme jour revindrent plusieurs prisonnier, powre gens de villaige
de ceulx de Mets, qui avoient eschaippés de leur campe, et disoient et sertiffioient yceulx qu'il estoient
dez gens sans (523) compte et san messure, et qu'il tenoient tout le païs et que on les estimoit à .XXV C.
chevaulx ou à trois mil et .XII. pieton, malvais guerson, gens de guere et de toutte sorte, et qui estoient
la plus-pairt venus sur leur advanture et cen mander. Mais yceulx prisonniet disoient qu'il mouroie à
moitié de fain touchant du pains, ad_cause que leur vivendiet, qui venoient de Loraine, avoient estés
rués jus, comme cy devent ait estés dit ; au regairt des blef, il en avoient tropts ; aucy avoient il tropt de
chair, qu'il mangeoient à_moitiet sans pains avec des rasins et des fruit. Il avoient tant de bestial qu'il
donnoient une brebis pour .VI. deniet ou pour ung gros les milleur.
Item, il fut dit et rapourté que ce jour, ceulx de la guernisson de Werey, ^qui gairdoient le
chaistiaulx pour ceulx de Mets^, ruairent jus deux gros tonniaulx de vin d'Aussay que l'on menoit au
campe au annemis, mais la plus-pairt en fut butté dedans Werey.
Et aincy ce paissait ce jour en grant doubte et tribulacion, et fit on la nuit paireille gait que és
aultre nuit devent.
Item, [-] [-] [-] ^ce dit jour^, qui fut merdi ^le^ .VIIe. jour de septambre, fut causy prins messire
Michiel le Gournaix, lequelle bien simplement c'en estoit allés, sur une petitte haiquenee blanche et cen
estre airmé et à_petitte compaignie, au dehors du pon Thieffroy, et quant il vint là, il lui print voulluntés
331Nous barrons le mot Mets que Philippe oublie de supprimer.

293

d'aller veoir plus avent sur le chemin de Waipei, mais il fut rancontrés, et c'il ne l'eust gaigniéz au courre,
il eust estés prins.
Ces gens ycy couppoie les arbre pour faire du feu et brulloie quewe ^cowe^ et tonniaulx,
reservés ceulx qui estoie reffait et rabilliéz, car (524) +de+ ceulx ycy il +là il s'en aidoient et+ les seoient
en deux +par le millieu+, et prenoient des raisins et faisoient du vin dedans à_force de piller.
Ce jour, ce fit encor plusieur murtre ^et chose mal faicte^ et d'ung coustés et d'aultre, aucy ce
jour couchait encor le Rin-de-grewe en Mets ^et tant d'aultre besoingne que je n'airaie jamais fait de tout
conter^, et pource que l'en ^murmuroit et disoit on que la paix estoit faicte et ne restoit plus que à_la^
+publier, le+ puple ce desolloit et ce annoioit que la paix ne ce faisoit +qu'il n'en+ ^sçavoient la vérités,
par_quoy pour les resjoÿr et contenter^, ledit jour, vigille de la nativité Nostre Damme et .VIIe. jour de
septambre, environ entre lez .V. et les .VI. heure aprés midi, fut dit que l'on voulloit crier la paix devent
la grande eglise ^ordonnés de la publier, ce que possible on eust dillatés jusque ou lundemain du mattin,
et fut sceu et dit que on voulloit à celle heure aller crier et publier la dite paix devent la grant eglise^ et
par les quairfort de la cité, par_quoy chacun y_cour[ust].
Et à ycelle heure, devent la dite eglise, ce trowait le jonne Mertin, cler de Sept de la guere, avec
Jehan la trompaitte de la cité, d tous deux montéz à chevaulx, et fut la manier du cris tel, c'est assavoir
que ledit Jehan sonnait par trois fois sa trompette à hault ton avec ung tambourin de Suisse qui
tambouroit ; puis, ce fait, ledit Mertin a-comensait à haulte vois à_lire le cris de la paix, dont la teneur
s'ansuit et à vray, cen point y mestre ung seul mot daventaige :
"Oyés de pairt mon-seigneur le maistre eschevin, messeigneur lé Treze, Sept jurés de la guerre, et tout le
conseil de la cité de Mets, que comme ainssy soit que de-puis certain tampts en sçà que guerre et inimité
ait esté entre mesdit seigneur de la dite cité et toutte la comunaulté d'icelle d'une_pairt, Franciscus de
Seelryngen, Philippus Sluchterer avec leurs consors, aydans et alliéz d'aultre_pairt, assavoir est que la dite
guerre et inimité ait esté ce jour_d'uy amiable[ment] (525) appaisee, accordee et apoinctee, et est la paix
et unyon prinse et acordee entre lesdite deux partie, et ung chacun mis hors de craincte, doubte et
dangier de l'une des partie et de l'aultre. Publiee le lundi, vigille de la Nostre Damme nativité, .VIIe. jour
de septamble .XVC. et .XVIII."
Quant la paix fut ainssy criee et publiee devent la grande eglise et en plusieur quairfort par la
cité, comme cy devent ait estés dit, vous ne vistez jamaix le puple plus joieulx nez que alors fut, et non
sans cause, car je vous sertifie que les powre bestiaulx ce moiroie desjay à moitiet de fains, et ce ycelle
guerre eust longuement durés, l'on eust criés à_la fains. Mais, la Dieu mercy, nous seigneur hunis de bon
conseil y_ont trowé le remide.

294

Ainssy ce jour meisme fut la paix ^paireillement à son de trompe et tambourin celle paix crieez
et^ publiee à campe des annemis, là ou paireillement elle fut criee à_son de trompe mais ce ne fut pas
faicte qu'il ne coustait grant chose, comme chacun l'ait bien sceu de-puis, car il coustait à la cité plus
de .XXV. mil florin d'or, qui alors vailloient .L. ^mil^ frant +monnoie+ ^de Mets^, laquelle somme le
lundemains au matin leur fut comptee et delivree au seigneur le Rin-de-grewe et à aulcuns aultrez ^à_ce
commis^, qui vinrent ^et furent envoiéz^ avec lui pour lez conter et recepvoir. Puis fut mise la dite
somme sur une chairette en ung petit tonnellet tenen environ .XXV. quairte de vin, et fut conduitte
voiant tout le monde par les dit seigneur avec aulcuns messaigier de la cité jusques à_campe. Et dés
incontinant qu'il heurent ressus l'airgent, il ce desloigairent de leur pairque ^et despairquairent de ce lieu^
et prinrent païs, les ung dessay, les aultre della. Mais la plus-pairt retournairent par ou il estoient venus et
furent alors randus lez prisonnier et d'ung cousté et d'aultre.
Touteffois, ledit seigneur Rin-de-grewe retournait encor (526) ce jour à Mets et y_couchait ; et
croy moy que l'en lui donnait ung bon chevaulx pour la paine qu'il avoit prinse. Aucy fut dit qu'il estoit
tenus à_la cité d'aulcune grosse somme, laquelle luy fut quictee. Cellui seigneur estoit l'ung des biaulx
puissant homme que je vis de ma vie, et l'ung des grant et courtois, et ce disoit bon Messains, car il
y_avoit demouré en sa jonnesse.
Le puple du païs de Mets estoit tant joieulx de celle paix qu'il n'est à_dire ny à croire, et ne les
powoient nous seigneur tenir de c'en aller dehors, car dés incontinant que la paix fut ainssy crieez, chacun
c'en voulloit retourner en son lieu ; mais nous seigneur, bon et saige, firent cloire les pourte et firent
encor bon guet plus de trois jour aprés, et n'y avoit pourte là ou il n'y eust, tant de jour que de nuit, plus
de .XXX. homme bien armés et am_point, tant des seigneur eulx meisme comme des bourjois et des
collevreniet de la ville. Et estoient toutte les nuit waillant plus de .VC. homme sur la muraille, cen ceulx
qui faisoient le guet par la ville à piedz et à chevaulx et par les quairfort, et tiroit on de dessus la muraille
toutte la nuit, que c'estoit hideur à oÿr.
Et la cause pourquoy nous seigneur ne voulloient les bonne gens laissiés aller estoit pource que le
Rin-de-grewe leur rapourtait nowelle et dit que luy ne Francisque ne powoient estre maistre de
deschaissier ung tas de lancequenech, aventuriet, malvais guerson, qui estoient estimés à plus de deux
mil et qui estoient venus sur leur adventure cen estre mandéz et cen gaignié (527) gaige ne demy, et
estoient ceulx qui faisoient lez malz, avec ung tas de coquinaille, lairon, banis et forjugiéz du païs de
Mets qui paireillement estoient venus à campe ; et fut dis que yceulx firent plus de domaige que toutte
l'airmee.
Touteffois firent lesdit capitenne tellement qu'il en despaichairent le lieu et que le jour de la
nativité Nostre Damme, .VIIIe. jour de serptambre, prindrent païs ; et ce dit jour furent encor mil
personne de la cité veoir la plesse là ou il tenoient leur campe, tant au Bourde comme à Vallier, et estoit

295

grant hideur de veoir le lieu et le piteux menaige qui estoit. Et le lundemains, jour sainct Gorgonne et
.IXe. jour dudit moix, fut donnés lisance à tout le monde de c'en retourner, et là heussiés veu du matin
tant de chair et chairette chairgee de femme, d'anffans et de menaige, et aucy du bestial, que toutte les
rue devent les pourte en estoient plaine et ne ce laissoient sortir l'ung l'aultre.
Touteffois, la mercy à Dieu, l'on trowait que cellon la multitude de gens qu'il estoient, qu'il
n'awoient pas fait de mil mal l'ung de ce qu'il heussent bien peu faire, et avoient ^asséz cortoisement
allés en besongne, et^ tellement entrepourtéz toutte les vigne d'Oultre_Saille et de Desirmont qu'il ne
sambloit pas que jamaix home y_eust estés, forque en aulcuns lieu, et n'y avoit pas grant domaige, sinon
autour du campe, car illec avoient tant raier les paicel et descouppés les airbe, ^comme dit est^, pour
faire du feu, et avoient fait dez loge des gerbe de blef, de_quoy c'estoit grant domaige de l'avoir ainssy
gaités. Mais touteffois cellon l'aventure il alloient esséz cortoisement en besoigne et n'y avoit de malz,
comme dit est, que dez banis et forjugiéz qui faisoient pir cent fois, come on disoit, que tous les aultre,
par_quoy (528) ne ce debveroit jamaix banir homme de la cité, ou que on lui pardonnist du tout, ou le
pandre et estranglés. Mais touteffois aulcuns powre laboureus, qui avoient estés airs et brullés et leur
beste prinse et enmenee et qui n'awoie pas encor labourés ny enhaivés, ceulx ycy en furent destruit et
gaistés à jamaix. Je prie à Dieu qui leur doinct pacience et les weulle en paradis recompencer. Amen.
Or, incontinant que ledit Francisque avec son armee ce furent departis du païs de Mets, comme
dit est, il c'en aillirent au della de Collougne sur le Rin, et illec firent de merveilleux malz et grant 332
domaige à_païs du Lancegrawe de Hesse, contre lequelle ledit Francisque estoit de guere mortelle,
de_quoy c'estoit mal nous fait et pechiés à nostre ampaireur de ainssy souffrir à son homme de destruire
ces païs ; mais on voulloit dire qu'il y_aidoit et faworissoit. Je ne sçay à_vray comme il en vay. Dieu par
sa grace leur doint bon conseil. Amen.
Or aincy, que cy comme cy dessus est dit, fut la paix faicte et retournait chacun en son lieu. Cy
vint la vandange pour celle annee .VC. et .XVIII., laquelle fut terriblement belle, car il fist
continuellement le plus biaulx tampts que jamaix je vis faire ne n'y olt jamais raixins qui santist goutte
d'yawe, sinon du bruit de l'air qui les noircissoit et les faisoit croier. Et je le sçay à_vray car, la Dieu
mercy, en celle annee j'en mis en tonniaulx environ cent et .L. cawe qui estoient à Dieu et à moy, et
furent ces vin ycy competanment bon.
Aucy furent (529) les froment encor milleur, car en celle annee ce furent les milleur ^fromen^s
et les mieulx courés que l'en eust veu de loing tampts, et aussy furent toutte manier de fruit ; et avec ce
en y_olt grande abondance, et tellement que l'en les avoit à_moitiet pour_niant. Aussy le vin fut bien
ravaillés, car l'on avoit desjay le milleur vin nowiaulx pour .VI. ou .VII. deniet la quairte, et avoit on le
fin fromen pour .VI. solz ou .VI. solz VI. deniet le milleur ; mais la quairte d'awaine ce vandoit .VII. ou
.VIII. solz, la quairte d'orge .VIII. et .IX. solz, la quairte de pois .XV. ou .XVI. solz que ne vailloie guerre,
332Philippe porte un tilde superflu sur ce mot.

296

et les fewe +et+ ^la nawee^ paireillement. Mais sur toutte chose le foins estoit chier, et tout ce venoit
par deffaulte de pluie, ^que ne vint pas^ quant il estoit tamps.
Item, tantost aprés, le .XXIIIe. jour du moix d'octoubre, qui fut alors le samedi, vigille de la feste
à Longeville devent Mets, y_olt en la dite Longeville une maison ou deux airse par fortune ^de feux^, et
ce advint par une femme qui faisoit la tairtre.
Item, ce dit jour retournait errier en Mets le duc de Cifort, que ce disoit roy d'Angleterre,
nommé la Blanche Rouse, lequelle avoit estéz longuement dehors en Lumbairdie.
Au lundemains Aucy la nuit ensuivant fut acouchee de son premier anffans Maguin, ma fille, et
olt ung biaulx filz, lequelle au sainct fon de baptesme fut appellés Philippe aprés moy, qui suis son grant
perre, et olt pour pairains Robert de Severey - c'est ung jantil home demourant en Ayette - et Regnauldat
le bouchiés de Viéz Boucherie, et pour mairaine ce fut Fransoize, sa tante et fe mme à son oncle
Jaicomin le Sairte, que cy tandrement l'avoit nourry. Mais ledit anffans ne vesquit guerre ains mourut le
jour sainct Mertin, de nuit, qui fut alors le .XIe. jour de nowambre.
Tantost aprés, ce tamps durant, (530) moienant la graisse de Dieu et du glorieulx martir sainct
Sebaistien, cessait la mortallité en Mets, laquelle avoit longuement durés et en laquelle y_olt plusieur
personnaige de diverse estat et de diverse eaige mort. Dieu par sa glaice aye pitiet de leur ame. Amen.
Aussy tantost aprés, les gowerneur de l'airtillerie de la cité achetairent une maison amprés le
cowent des frere cordelliet, et illec firent faire une fonderie pour faire l'airtillerie. Et tantost furent prins
ou pallais de la cité plusieur piesse de grosse ancienne bombairde faicte à l'ancienne fasson, qui avoie la
bouche aussy lairge que d'unegne demi cawe, et furent ycelle desrompue et fondue et reffist on de la
maitte lez grosse newe sairpantine ^et groz cainnons^ que à_presant nous avons avons.
Aussy en ce tampts fut ordonnés et commendéz que l'on couppait les airbre qui estoient és
gerdin autour de Mets, sowerainement du coustés devers la_pourte des Allemans et le pon Remon, et
aussy autour du chaiqueu l'evesque, mais on n'en couppait guerre, car le puple n'en voult rien faire c'il
ne veoient lez seigneur acomenser les premier.
En celle annee, le jour de Noé, de nuit, ce print le feu en une grainge que Jehan Dorin l'orfewe
de Fornerue avoit joindant sa maison, en laquelle grange y_avoit plusieur bois et estaille et chairbon,
par_quoy ce fut le plus cruel feu que jamais de ma vie je vis, et n'y demourait rien que lez quaitre mur,
nonostant qu'il fut bien secourrus, car à la rescourre y_avoit plus de .VII C. personne et y fut tant d'yawe
gettee que, de-puis Saincte Crois en jusques en la rue dez Bons Anffans (531)333 et de-puis la grande
eglise en jusques bien bas de Fornerue, furent tous lez puis aweudiet d'yawe ; et ce ce n'eust estés
à_force de gens, toutte la rue fut estés brullee.
Item, aussy en celle annee mil .VC. et .XVIII., cellon la datte de Mets, le .XI e. jour de janvier,
trespaissait de ce sciecle en l'aultre nostre trés redoubtés seigneur l'ampaireur Maximiliam, ampaireur de
333Dans la marge gauche de cette page, ajout quasi illisible et non rapporté à un endroit précis du texte.

297

Romme et d'Allemaigne, en sa cité de Passort ou païs d'Osteriche, et illec fut anterrés et ensepulturés.
Dieu par sa graisse lui weulle pardonner ces faulte et nous les nostre. Amen.
Or, tantost aprés en vinrent les nowelle à Mets, par_quoy on preparait à faire son servise,
lequelle fut fait bien et sollainellement, cellon que à son estat imperial aparthenoit et en la manier
comme cy aprés serait dit.
Mais ^premier serait dit coment^, ce tampts durant, vinrent en Mets plusieur grant personnaige
^à nombre de .VIXX. chevaulx^, tant dez partie de Bourgougne comme de Loraine, et arivairent en ycelle
+cité+ le .Xe. jour de fewriet, l'an dessus dit .VC. et .XVIII. Et la cause de leur venue fut pour raicheter
et retraire la mitte de la terre comune qui de loing tampts ^devent^ avoit estés par yceulx Bourguignon
mise en gaige en la main du duc de Loraine, avec aucy trois ou quaitre aultre plesse aparthenant à_la
duchiéz de Lucembourch et que de rien n'estoient de la terre comune, telz comme Verton, Danviller et
Chaivensey. Et furent les seigneur devent dit en Mets en traittant d'icelle affaire dés le dit jour .Xe. de
fewriet en jusques à .XXIIe. jour dudit moix, qui fut le jour de la chaire sainct Pier, car il thindrent
plusieur journee avent qu'il poissant avoir acort, nonostant que chacune dez partie avoient plaine
puissance de leur seigneur et maistre ^souverains^, (532) laquelle puissance leur avoit par avent estés
donnee par leur sowerains prince et seigneurs, tant pour cest affaire comme pour entretenir et maintenir
leur encienne aliance, et comme la chose en fut faictes et paissee en Mets le .XXI e. jour de fewriet, l'an
dessus dit, en l'ostel de l'airchediacque de Vy et gowerneur de Gouxe.
Et en furent bonne lestre faictes et sceellee et d'ung coustéz et d'aultre, comme la tenour s'ensuit,
cen y point mestre une parrolle ne plus ne moins ains est à vray ^nesque ycelle lestre le conthient^ :
"Nous, Witasse de Bousiez, seigneur de Vertam, Claude Dollen, chevalier justicier des nobles ou duchéz
de Luxembourg, Loÿs de Marenches, docteur éz drois, seigneur de Sainct Aulbin, maistre des requestes
ordinaire de l'hostel du roy de Castille, et Nicolas de Naves, aussi conseillier dudit roy en son conseil
dudit Luxembourg, commis et deputéz par trés_hault et trés_puissant prince Charles, par la grace de
Dieu roy de Castille etc., archiduc d'Austrice etc., duc de Borgougne, de Brabant et de Luxembourg etc., et
nous, Theodore de Sainct Chaumont, par la pacience de Dieu abbé de Sainct Anthone de Viennois,
Balthazart du Chastiliet, par la mesme pacience abbé de Sainct Evre lés Toul ^et^ de Sainct Vincent de
Mets, Oulry Wys, seigneur de Gerbevillers, bailly de Nancey, Jehan Bodenays, Estienne de Sainct Thiller,
Maixe Cousin, licentiéz en loys, et Thierriet Meliant, auditeur en la chambre des Comptes de Lorrainne,
tous conseilliers commis et deputés de hault et puissant prince Anthone, duc de Lorrainne et de Bar etc.,
sçavoirs faisons que en vertu des povoirs et puissances à nous donnees par les dessusdit roy (533) et duc
nosdit seigneurs et maistres par leurs lestres patentes, à l'originales copies desquelles sont attachiees et
annexees ces presentes, ladite coippie signee d'aucuns de nous et des notaires soubscripts, nous eusmes
puis six jours passés trouvéz par_assemble en ceste cité de Mets, tant pour vacquer au rachat et retraict

298

de la moitiet de la terre commune et du totaige des places, maisons, terres et s eigneuries de Dampvillers,
Chavancey et Verton et leurs appartenances et dependances tenues par ledit seigneur duc à tiltre et
condicion de rachat au proffit dudit seigneur roy de Castille, et aussy pour par_assemble traicter touttes
bonnes amytiés, alliances, confederacions et voisinaiges avec lesdit seigneurs roy de Castille et duc de
Lorrainne, nosdit seigneurs, avec hantise et communication des subgectz d'une_part334 et d'aultre, ou
celles faictes par aultres traictés precedans, aggreer, ratiffier et confirmer ; ausquelles charges y_avons
vacqué par assemble par aucuns jours, tellement que les deniers dudit rachat montans à la somme de
vint_cinqs mil florins d'or de Rin, à nous, lesdit commis de la part dudit seigneur duc, et pour et ou nom
de luy, sont esté paiéz, bailliéz et delivréz reallement et de fait per les dessusdit commis dudit seigneur roy,
dont en vertu de nostredit povoir et pour et ou nom dudit seigneur duc nostre maistre nous sommes
desistéz et departy de_ladite moitié d'icelle terre commune et du totaige des desdite terres, places et
seigneuries de Dampvillers, Chavancey335 et Verton, leurs appartenances et (534) despendences au
prouffit dudit seigneur roy, ses hoirs et successeurs pour cy aprés par luy en joÿr et les tenir et posseder
tout ainsy que ces predicesseurs ducs de Luxembourg en jouÿsssoient au-paravant qu'elles venissent éz
mains dudit seigneur duc de Lorrainne ne de messeigneurs ces predecesseurs ; dont pour tousjours
entretenir de mieulx en mieulx les parenté, amytié et voisinaige desdit seigneurs roy de Castille et duc de
Lorrainne, et pour le bien de paix, tranquillité et seureté de leurs pays et subgetz, et en ensuyvant leurs
bons vouloirs et intencions, avons en vertu desdit povoirs qu'ilz nous en ont sur ce baillé par assamble,
traictéz, accordéz et conclus336 ainsy que s'ensuyt : assavoir que les traictéz de paix, alliances,
intelligences et pactions faictes et passees par feu de trés_excellante memoire domp Philippe, roy de
Castille, pere dudit seigneur en present roy dudit Castille dompz Charles, son filz, le troiziesme jour de
jung en l'an mil cinq_cens et ung, en sa ville de Meddebourg, et par feu de trés_recommandee memoire
le roy de Sicile René, pere dudit seigneur duc de Lorrainne, oudit an quinze_cens et ung, le .XXVme. jour
de may, au lieu de Nancey, seront et demeuront en leur force, vigueur, valeur et auctorité, et seront cy
aprés entretenus et gardéz selon leur forme et teneur, et lesquelx en vertu de nosd it povoirs et
puissances avons pour_et éz noms desdit seigneurs roy Charles de Castille (535) et duc de Lorrainne
Anthone, noz maistres, aggreez, approuvé et ratiffié, aggreons, approuvons et ratiffions specialement
par cestes, et en_tant que mestieu seroit, les avons de nouveau faict et accordéz, faisons et accordons
par la tenour des presentes, sans que cy aprés y soit per l'un de nosdit seigneurs et maistres, leurs hoirs et
successeurs aucunement contrevenu ne contrairié, ains seront perpetuellement en tous et chacuns les
pointz et articles d'icelles entretenus et gardéz, fors et reservé que l'article y descript et faisant mention
du droit que ledit seigneur duc povoit pretendre, qu'estoit le droit de gaigier et ypothequé en la moitiet de
334La hampe du p est barré, mais cette abréviation est superflue.
335Un tilde superflu est porté par Philippe sur ce mot.
336Philippe écrit conclud ; nous corrigeons.

299

ladite commune ensemble le totaige desdite places, terres et seigneuries de Dampvillers, Chavancey et
Verton avec leurs appartenances et despendances, et aussi le droit que par tous autres traictés precedens
icelluy seigneur duc y_povoit quereller et demander, demoure cassé, annullé et de nulle valleur, veu que
ledit rachat en a esté fait et de ladite somme y_contenue ledit seigneur duc de Lorrainne en a esté paié et
satisfait, et pour et ou non de luy nous, sesdit commis, l'avens entierement receue, come dit est, et pour
plus_grande seuretté et corroboracion avons ung chescun de nous en_droit ^soy^ promis et promettons
par cestes tout le contenu en ces presentes faire confirmer, ratiffier et approuver par lesdit seigneurs roy
de Castille et duc de Lorrainne, (536) mesdit seigneurs et maistres, et en faire expedier leurs lestres de
confirmation en forme dehue. Fait à Mets soubz les seelz manuelz d'un chacun de nous, les dessusdit
commis et deputéz, le .XXIe. jour de febvrier, l'an mil .VC. et .XIX., mete romano sumpto ; la dabte est
^ainssy mise pource qu'il acomence à Noel^."
Item, audit seigneur, tant de Bourgougne que de Lorraine, et à leur venue, fist la cité presant de
plusieur flascon de vin.
Aucy durant ce tampts, le trés crestien roy de France Fransoy premier de ce non fist faire et
celebrés à Paris le servise de nostre ampaireur Ma Maximiliam, auquelle y_olt tant de triumphe et tant
de luminaire qu'il n'est à_croire ny à dire. Et fut la grant messe chantee par ung_archevesque
acompaigniet de .IX. evesque, et pourtoit le roy le dueil lui meisme, avec lez noble de son reaulme. +Et
y_avoit ung taubarnacle dedans l'esglise Nostre Damme à Paris, lequelle estoit aussy grant et aussy hault
comme est l'eglise de Sainct Jehan de Rode à Mets, et tout cowert de luminaire, auquelle y_avoit plusieur
home dessus pour lez ralumerz+. Et furent donnee deux .C. roube de noir et deux .C. chaiperon à
deux .C. homme qui pourtoie chacun une torche àdit_service, et paireillement à ceulx qui poutoie
plusieur sierge de vierge sire ; et pour abregiés, ce fut merveille de_ce que le roy en fist. Dieu lui weulle
merités. Amen.
Paireillement, durant ce tampts, messeigneur de chaipistre de la grant eglise de Mets prestairent
une maison qu'il ont en Mets, nommee la Haulte Pier, emprés Sainct Simphoriens, au duc de Siphort,
nommé la Blanche Rouse, et lui laissairent ledit chaipistre toutte sa vie durant affin qu'il la fist rediffier,
comme il fist, car seigneur Claude Baudouche voult ravoir ces maison, auquelle ledit duc avoit tousjour
demouré depuis sa venue.
(537) Item, le dimenche .XXe. jour de febvriet, messeigneur du conseil et de la justice de Mets
firent anoncer ledit jour à_l'eglise par touttes les paroiche de la cité que le vandredi ensuiant, .XXVe. jour
dudit moix, l'on feroit le service de nostre sire l'ampaireur en la grande eglise de Mets, et firent encor
lesdit seigneur prier et comender à_puple qu'il y_eust de chacune maison l'ung des chief en toutte
honneur et devocion. Puis, ce fait, fist firent ordonner par toutte les pairoiche de la cité et comender aus

300

eschevin d'icelle qu'il envoiaissent de chacune desdite pairoiche deux grosse torche à_cordon avec deux
homme vestus de noir et en dueil pour les pourter. Puis, quant ce vint le jeudi, deux sergent [.] vestus en
noir furent ordonnés pour ailler par la cité prier toutte manier de gens audit sservice service, et que au
lundemains il ce trowaiste au paillas.
Et ainssy, ledit jour venus, à l'eure de .VIII. heure du mattin, nos seigneur avec la bourjoisie ce
trowairent audit lieu du pallas, et illec furent .XL. torche des pairoiche avec .XII. pillés toutte armoiees
des airme dudit seigneur ampaireur, lesquelles furent pourtee par .LII. personnaige tout vestus de noir ;
paireillement y_avoit quaitre gros sierge pessant chacun .V. livre armoiés desdite airme et pourtés par
quaitre cler vestus de sorpillis.
Alors en la grande eglise vinrent touttes les ordre mandians avec crois et yawe benicte ; aucy
firent les frere de l'observance et paireillement tout les noir moine et aultre religieulx ; paireillement
y_vinrent toutte les damme de Sainct Pier, de Saincte Glossine et de Saincte Marie; et aucy furent337 toutte
les damme de la cité, vestue en dueil.
Et alors, l'on acomensait lez vigille des mors à .IX. lesson en la ^dite^ grant eglise de Mets, (538)
lesquelles, quant elle furent dictez, lesdit seigneur de la dite grande eglise, acompaigniés de ceulx de Sainct
Salvour et de Sainct Thiebault, c'en vinrent en belle ordonnance deux à deux à paillais pour querir le
service, duquelle faisoit l'office mon-seigneur le chantre de la dite eglise. Et alors, aprés ce que ledit
chantre, revestus en aube et en abis comme à_tel cas aparthient, olt gectés l'yawe benicte par tout le
pallais, les torche toutte alumee et les pillés avec les quaitre gros sierge sortirent de-hors ; et aprés vinrent
tout les chainoigne dez trois eglise collegialle deux et deux, aprés lesquelle sortit toutte la s eigneurie en
belle ordonnance et tout vestus de noir et en dueil.
Premier sortit le duc de Siphort, c'on_dit la Blanche Rouse, acompaigniéz de mon-seigneur le
maistre eschevin, puis sortirent tous les aultre seigneur en belle ordre, tous deux et deux, et tousjour les
plus honnourauble devent, avec lesquelle estoient plusieurs noble seigneur de Loraine qui ce acom
acompaignirent de nous seigneur. Puis, aprés yceulx mairchairent en paireille ordonnance toutte gens de
lignaige, et aprés yceulx alloient les compte de l'ancienne justice, aprés lesquelles mairchairent tous les
soudoieur, gens d'airme et vairlet d'hostel de la cité ; et alors, aprés yceulx, mairchairent tout le peuple
anthierement, homme et femme, jonne et338 viéz, et tous ensamble antrirent en la dite eglise, en laquelle
estoit la presance au_dehors du cuer et en l'antree, sur_laquelle y_avoit ung hault taubernaicle fait de
bois avec plusieurs crois tout pains de noir, et en cellui taubernaicle (539)339 y_avoit .IIIIC. petit sierge
ardant c'on_dit coupon ardant, chacun de demy quairteron pesant, et dessus la presance y_avoit ung
grand noir draps damas figurés qui traynoit tout autour jusques en terre, et dessus ycellui y_avoit ung
337Philippe écrit firent ; nous corrigeons.
338et doublé dans le manuscrit.
339Dans ma marge gauche de cette page, ajout difficilement lisible et non rapporté au texte, écrit dans le sens de
l'horizontal de la page.

301

draps d'or non pas cy grand de la moitiet.
Alors fut ledit servise acomenciet, et chantait la grand messe ledit chantre d'icelle eglise, et y_olt
tant d'aultre petitte messe chantee que je n'en saroie à dire le nombre. L'offrande fut aussy soula
soulainelle, en laquelle furent tous les seigneur s spirituel et tambourel en belle ordonnance. Le doulx
Jhesu le praigne en gré.
Aprés ledit service ainssy fait fut ordonnés de mestre les airme qui estoient autour des dit sierge,
torche et pillé, c'est assavoir les plus belle, qui estoient grande et doree, en la grande eglise et en la
chaipelle de la cité ; et les aultre furent mise és pourtaul des pairoiche, c'est assavoir à_chacun deux
pourtaul deux d'icelle airme. Et ainssy fut l'ordonnance du service de nostre sire l'ampaireur et à_vray.
Dieu par sa graisse le preigne en greys. Amen.
Item, ung peu devent, durant le moix de janvier, l'on avoit fait à Paris une merveilleuse feste et
grand triumphe, en la-quelle ce trowait cy grande noblesse qu'il n'est à_croyre ny à dire, car celle festes
fut cy excessive en jostes, en tournois et en aultre triumphe que de loing tampts devent n'y avoit point
heu la paireille. Et fut celle grant feste ainssy faictes pour le mariaige des_deux jonnes anffans du roy de
France et du roy d'Angleterre, car à cest heure en furent les nopces faictes et la feste sollainisee dedans
Paris.
(540) Item, en celle annee mil .VC. et .XVIII., à_la Sainct Benoy, fut fait maistre eschevins de
Mets pour l'an .VC. et .XIX. seigneur Michiel, filz au seigneur Françoy le Gournay, chevalier, lequelle le
avoit desjay estés en l'an .VC. et .XVI., comme cy devent est dit.
En celle annee fut le Karesme causy à plus tairt, car les Brandons, que nous disons les Bulle,
furent le .XIIIe. jour de mars et fut la Sainct George le jour du grant samedi, et ne fut pas menés
l'ymaige dudit sainct George en triumphe comme la coustume est en Mets jusques à .VIII e. jour aprés.
Et fist ce dit jour sainct George une moult belle journee, et à la nuit il pleut une doulce pluye et tonnait
et aloudait, et fist le milleur tampts du monde, car le lundemains, qui fut le ^.XXIIII e. jour d'awril, fut
le^ jour de Paicque, et340 fist ^ce jour^ tant chault que merveille. Aussy fist il la nuit ensuivant, mais le
lundi à matin ce tournait le vent et fist tant froy que on ne powoit durer, et pleut tout le jour une froide
pluye et malvaise. ENTRE 540 ET 541 : PAGE ARRACHEE, ETAIT ECRITE CAR QQS TRACES
Item, en celle annee, la Sainct Mairque fut le lundi de Paicque, mais on ne la fist pas ne ne fut
sollainisee la feste jusques le lundi aprés le Kasimodo, auquelle jour on fist la feste et la pourcession
acotumee. Aussy en celle annee, le dimenche des Rogacion fut le .XXIXe. jour de may et l'Aucencion le
deusiesme jour de jung, la Panthecouste le .XII e. jour de jung, la Trinités le .XIX e. jour de jung, le Sainct
Sacrement le .XIIIe. jour de jung, qui fut deux jour ^la vigille^ de [-] la Sainct Jehan Baptiste, car la Sainct
Jehan est tous[jour] le .XXVe. ^.XXIIIIe.^ jour de jung, et ne powoit le Karesme es[...]341 (541) estre plus
340il corrigé en et par l'auteur.
341Il s'agit sans doute du mot estre, que nous barrons puisqu'il est répété page 541.

302

tairt que d'ung jour comme il ferait en l'an mil .VC. et .XXI.. Item, en celle annee presante les Avent de
Noé sont le .XXVIIe. jour de nowembre.
Or retournons à dire plusieurs adventure et plusieurs chose digne de memoire qui ce firent en
celle annee. Premier advint que ledit ans .VC. et .XIX., le dernier jour d'abvril, qui fut le samedi vigille de
Kasimodo, furent mise, posee et estaichee à_la cornee du mur du pallas de Mets, là ou ce huche les
Treses, deux lestre en allemans, differans l'une de l'aultre, et de l'aultre partie d'icelle cornee de mur
encor deux paireille lestre, esquelles lestre estoit contenus et escript, c'est assavoir en l'une d'icelle lestre
desclairoit la grande alliance qui nowellement ce avoit fait entre plusieurs grand prince d'Allemaigne
pour le fait de l'Ampire, et en ycelle alliance et avec yceulx prince estoient comprinse plus de .LXX. ville
fermee, tant cité comme bonne ville, et contenoient ces lestre coment yceulx prince et ycelle cité
d'Allemaigne estoient advertis que ung prince d'aultre nacion que de Germanie pretendoit à estre
ampaireur, contre laquelle chose il voulloient resister à leur powoir, par_quoy il mandoient à ceulx de
Mets, à Triewe, à Strasbourh et de plusieurs aultre lieu, qu'il ce thinse fort et que ce on les voulloit
enforcer en rien, qu'il aroient incontinent secourt d'une cy grand multitude de gens de guerre que ce
seroit fort chose à_les combaitre, car l'on disoit que il estoient essés gens pour combaitre la moitiet de
la crestienté. Item, l'aultre lestre disoit et desclairoit coment yceulx seigneur avoient elleus pour vicaire et
lieutenant d'ampaireur le trés_redoustés prince mon-(542)-seigneur le Pallessegrewe pour faire justice et
pour randre à chacun son droy jusques à provission, par_quoy lesdit seigneur mandoient par touttes cité
et bonne ville de l'Ampire que ce l'o l'on avoit affaire de justice, que l'on retournait par devers ledit
seigneur, car à_ce faire estoit commis jusques ad_ce que ung aultre ampaireur fut fait et crees.
Item, le dit ans, le dimenche aprés Kasimodo, qui fut le .VIII e. jour de maye, mon-seigneur de
Guise, qui estoit frere au duc Anthonne de Loraine et de Bair et anffans au duc Regnés trespassés,
ycellui prince arivait ce jour à Joiey et y dinait tout de piedz moienement acompaigniés, et y_dinait lui et
ces gens, car ledit seigneur de Guise avoit l'an devent estés en la guerre de Lumbairdie, en laquelle en
servent le roy tout de piedz avec les sanc lansqueneste avoit estés en grand dangier de sa personne,
par_quoy il avoit wouéz de ainsy ailler à Saincte Bairbe tout de piedz et de y_offrir ung sierge de cire le
pesant de lui tout armés, comme il fist, et avec ce une estatue de bois faictes à sa samblance.
Et alors, ce dit jour, et aprés ce que l'on fut advertis de sa venue, plusieurs de nous seigneur de
Mets, avec tous lé soudoieur et collowreniet, avec plusieurs bourjois, luy furent au devent jusques à Joiey,
entre lesquelle seigneur y_fut le duc de Scifort, nommé la Blanche Rouse, lui et ces gens, lequelles duc
acompaignait tout de piedz ledit duc seigneur de Guise et l'ame (543) l'amenait ainssy à Mets le tenant
par la mains.
Et estoit ledit seigneur de Guise tout en biaulx pourpoint, tout descoupés [-] et dechicquetés,
chausse et pourpoint, comme ung lancequeneste, et cy estoient ces chausse +[-]+ [-] de draps d'or

303

doublee de draps d'or et son pourpoint paireillement ; et est ung biaulx jonne homme entre dix mil,
hault, droit et ellevés. Et en allant avoit tousjour ung tambourin de Suisse qui tambouroit deve nt luy, et
fut ainsy conduit jusques à la pourte Champenoise, en laquelle et à son antree ce y trowait tant de puple
que force fut de cloire la pourte, car de force de gens l'on ne ce powoit contourner par les rue. Et ainssy
antrait ledit seigneur et fut honnorablement ressus et recueillis de toutte la ^plus-pairt de la^ seigneurie de
Mets.
Aussy avec ledit seigneur vinrent et antrerent plusieur banis et fourjugiés, lesquelle par leur
desmeritte avoient estés banis de la cité et du païs et estoient en nombre plus de .XX. , tant ho mme que
femme, lesquelles pour l'onneur dudit seigneur olrent tous leur graice.
Et alors, ainssy acompaigniés, fut menés et conduit ledit seigneur jusques à l'abayes de Sainct
Vincent, et illec fut lougiés pour celle nuit ; puis, tout incontinant qu'il fut arivés à Sainct Vincent et
aprés ce que les seigneur que illec le atendoient luy heurent fait le bien viegnent, la cité luy fist presant de
ung coulple de moult biaulx chevaulx et bon, c'est assavoir ung courtaulx et une hai haiquegnee à_pris
et vallue de cent florin d'or les deux, et tant avoie il coustés.
Puis, aprés le souppés, fut ledit seigneur conduit par la ville et fut banqueter chiéz le seigneur
Françoy le Gournay, chevalier ; (544) et à lundemain du mattin, qui fut lundi .IX e. jour de maye, fut
conduit à Saincte Bairbe, et à le conduire y_furent plusieurs seigneur tout de piedz.
Puis, aprés son voyaige acomplis, il retournait en Mets et fut menés et pourmenés d'ung lieu en
aultre et festoiéz grandement. Et à lundemains fut la grand eglise paree et acoutree, et tous les relicque
et juaulx mis sus le grand autel, tout et ne plus ne moins comme ce ce fust estés le jour de la Sainct
Estienne ou le jour de Noé, et encor mieulx, et cy sonnoient les cloche et les grosse orgue qui juoient,
que biaulx les faisoit oÿr ; et fut ledit seigneur baisier et atouchier une grande partie d'iceulx relicque.
Puis, aprés dinés et que l'on luy eust fait la bonne chier, il fut menés tout à plus hault du
cloichiés de Meute et là, acompagniéz342 acompaigniés d'aulcuns des seigneur de la cité, fut longuement
en la lanterne en regairdant la ville. Et aprés la bonne chier faictes, il ce partist ledit jour, qui fut
mairdi .Xe. jour de maye, luy et ces gens, et print congiés 343 des seigneur de la cité en les remerciant, et ce
contentoit fort du biaulx recueil qui luy avoient fait. Et c'en allait ledit seigneur luy et les siens mairender à
Port sus Saille, et puis soupper à Clemery, qui est tout aprés.
En celle presante annee, plusieurs diverses adventure advindre en la cité de Mets et ou païs
entour. Premier advint que l'ung des riche bourjois d'icelle cité, nommés Jennat Le Taineur, alors
demourant ou Baix Champés, ce laissait cheoir d'une eschielle et ce rompit le col. Item, aussy environ
(545) le maye, y_olt ung compaignon sarurier de la grand rue de Maizelle qui par fortune ce noiait en la
rivier de Saille. Aussy en celle meisme semaigne y_olt une jonne femme à Sainct Privé, qui estoit
342Nous barrons ce mot que Philippe oublie de supprimer.
343Philippe écrit congus ; nous corrigeons.

304

laidresse, et par jailoisie qu'elle avoit de son marit, elle ce desesperait et ce pandist et estranglait.
Aussy essés tost aprés, environ .XV. jour en jung, y_olt une aultre jonne femme, gisant d'anfans
en la rue du Serisiet, auprés de l'Ospitaulx Sainct Nicollay, qui paireillement fut trowee en sa maison
estre pandue et estranglee. Touteffois, de cest adventure l'on en thint suspect une femme, laquelle avoit
tout son jonne eaige servis des prebtre, et demouroit ycelle pbresteresse avec la dite en une meisme
maison, et n'avoie ces deux femme jamaix paix ensamble ; et aussy la dite pbrestresse c'en estoit foyés et
cuidoit eschaipper, mais le marit de la jonne femme pandue fut aprés et fut prinse en Genivaulx et
ramenee à Mets, et fut mise en l'ostel de la ville et examinee du fait. Et fut trowé courpauble, car aprés
plusieurs chose, elle confessait qu'elle avoit assomee la dite jonne femme, elle estant sus le retrait, puis,
ce fait, elle l'avoit traynee et l'avoit pandus comme elle avoit estés trowee ; et confessait encor celle
maldicte femme plusieurs aultre grand mal +et+ ^villain crime^ qu'elle avoit en son tampts fait,
par_quoy, avent que en faire justice, l'on voulloit sçavoir d'elle encor quelque chose de laquelle elle estoit
suspect, et elle print dillacion et advis jusques au lundemains, qui estoit le dimenche.
Mais ce tampts durant et aprés ce que audit jour de dimenche l'on lui olt pourtés à diner, (546)
elle ce pandit en la prison et estranglait, et fut ce fait par la plus estrange fasson du monde, car au
dedans d'icelle woulte et prison y_avoit une fenestre, en la-quelle le fuste estoit de fer owrant du dedans,
et à ycellui fuste de fer y_avoit le maton d'ugne clanche, auquelle la malheuree ce pandit, et pour_ce
faire n'avoit aultre chose que le cordiaulx de ces cheveulx, car elle avoit les plus biaulx cheveulx du
monde, et jay_ce qu'elle estoit haulte et puissante femme, cellui cordiaulx la soubtint et estranglait,
par_quoy elle fut traynee entre deux pon soubz les rue et illec fut mise et pandue en la propre potance,
en laquelle estoit encor Odinet ycy devent nommé, lequelle environ deux ans devent ce avoit noyés. Cy
fut ledit Odinet ostés et elle mise en sa plesse.
Tantost ung peu aprés ce noyait en Muzelle ung powre jonne compaignon tixerent par fortune.
Item, pource que celle annee et tout celluy estés fut le tampts mal dispousés et adonnés à pluye,
les gens murmuroie et disoient que c'estoit pour celle malheureuse femme qui estoit mise au lieu des
crestiens et qu'elle n'en estoit pas digne, par_quoy la justice la fist otter environ la Sainct Denis ou moix
d'octoubre, et fut enterree dessoubz les rue.
Item, ung merdi [-] .XXVIIIe. jour de jung, la vigille de la Sainct Pier, fut publiés dedans
Francfort à son de trompette et cleron coment le ^Charles^, roy catholicque, lequelles a-lors estoit roy
d'Espaigne, (547) +de Castille+ et de .VII. roiaulme, et avellet à l'ampaireur Maximilian trespaissés et
filz à noble duc Phelippe d'Otriche, lequelle à son vivant fut roy d'Espaigne et de plusieurs aultre terre
et seigneurie, cellui fut elleu ampaireur et publiés comme dit est.
Puis, ce fait, l'on envoiait courrier à pouste de tout coustés pour anoncer l'election du Sainct
Ampire, et là heussiéz veu sonner les cloche par touttes les cité et bonne ville d'Allemaigne, pareillem ent

305

és eglise juer les orgues, chanter “Te Deum laudamus” et faire grand feu de joie, chanter, dancer et ce
resjoÿr, car c'estoit tout tant qu'il desiroie, et ne craindoie sinon que le roy trés_criestien, ^Françoy
premier de ce non^, ne le deust estre, car il y_avoit bonne partie.
A En cellui tamps, à_l'a-comencement du moix d'owoust, advint encor une adventure à Mets,
car ung jonne filz nommés Françoy Le Chaussetiet et filz à Jehan d'Olxey le mercham merchamps de
chevaulx, cellui jonne filz en chevaulchant ung chevaulx par devent la pourte Champenoize, par fortune
le mort de la bride rompit et tellement que à force il empourtait ledit Françoy en Mets et, en entrant en
la pourte, il ruait cy grand des piedz de derrier qu'il tua tout roide ung riche vigneron de la pairoiche
Sainct Gigoult nommés Jehan Le Gouget. Et alors ledit Fransoi c'en fowit et fut huchiés sus la pier et
puis fut banis, mais tantost aprés la paix en fut faictes et retournait en Mets.
Tantost aprés advint une aultre adventure, car ung jonne filz ^mairliet^ de Sainct Arnoult (548)
fouroit ung pertuis en une piesse de bois du dedans des petitte woulte des elles de l'eglise dudit Sainct
Arnoult, 344et en ce pressant le tairerre rompit, par_quoy ledit guerxon en vint la teste devent et cheut du
hault à_la vallee en_mey la cuer nef de l'eglise, et ce tua tout roide. Cellui cler voulloit parer l'eglise pour
la feste qui aprouchoit.
Aussy à celle feste, le cuisiniet de leans print question encontre ung jonne bouchiés de Mets, et
tellement que ledit cuisiniet donnait audit bouchiéz ung cops de coustiaulx, duquel il fut en grand
dangier de mourir.
Or advint encor en cest annee une aultre adventure digne de memoire, car en cellui tampts tout
le monde, c'est assavoir chacun, murmuroit de une jonne femme de Fournerue nommee Sebille, femme à
Nicollay L'Orfewre et fille à Gaudin Le Bouchiés, et la cause estoit que l'on voulloit dire que le duc de
Scifort, nommés la Blanche Rouse, l'antretenoit, comme verité estoit, car celle Cebille estoit a-lors l'une
des belle jonne femme qui fut point en la cité de Mets, haulte, droicte et ellevee, et blanche co mme la
neige.
Et avoit ledit duc, pour parvenir à_ce qu'il serchoit, longuement devent entretenus le maris d'elle
et lui faisoit owrer en waixelle d'or et d'argent et le paioit tout à son dit ; et de fait, durans que_ce
faisoient les acointance, le envoiait à Paris à ces frais et coustange pour acheter ceu qu'il lui failloit. Et
print par tropt grant acointance à luy et tellement allait la besoigne que celle belle (549) Cebille alloit
aulcune fois bancqueter et faire la bonne chiere en l'ostel dudit duc, lequelle encor alors ce tenoit en la
maison seigneur Claude Baudoiche aprés du Sainct Esperit et tant que chacun en parloit, car ^pource que
tropt souwant^ ledit duc venoit sowant de nuit en l'ostel d'ung couturier voisin à_la dite Cebille,
nommés Mangenat ^de Noeroi^. Et ne ce oisoit alors trowés personne par les rue de nuit que le dit duc
ne woussit tuer ou baitre, car il lui sambloit que tout chacun l'espioit et tellement que pour fait, ledit
Mangenat en escheut en grand hayne de ces voisin ^et voisine^, lesquelles disoient tout plaineme nt que
344Avant ce mot et à la fin de la phrase, signe en forme de croix.

306

luy et sa femme en estoient rescheus et macreaulx.
Et de fait, en celle annee, advint ung jour à_l'a-comencement de septambre et alors que ledit duc
ce tenoit desjay en sa maison de la Haulte Pier, qu'il avoit nowellement fait ediffier, ce esmeust grand
huttin desdit woisin en Fournerue à_l'ancontre dudit Mangenat, pource que ledit Mangenat les
menaissoit, disant que par leur parrolle il en viendroit du mal et corps sans ame.
Et pour ces parrolle et plusieurs aultre ce assamblairent lesdit voisin et ce bandirent tous
encontre luy, tellement que le samedi .Xe. jour dudit moix de septambre c'en aillirent lesdit woisin
complaindre en justice, par_quoy l'on mendait lesdit Mangenat et la dite Cebille avec son marit et leur
fut remonstrés plusieurs parrolle touchant ce fait, et tellement que quant elle vit que la besoingne ce
pourtoit mal, elle print l'airgent de son marit et fist ces fairdiaulx de ces roube et juaulx et de touttes ces
[.] milleur baigues, et la nuit ensuiant, à minuit, ce desroubait elle et sa servante et c'en allait à la Haulte
Pier chiéz ledit duc.
(550) Et quant ce vint le dimenche à matin, .XI e. jour dudit moix, vous ne vistes jamaix telle
rumeur qu'il fut de celle femme, et en parloit on par toutte la cité, car l'on ne sçavoit encor à_vray là ou
elle fut. Touteffois, ja_ce que l'on pansoit bien qu'elle estoit audit lieu de la Haulte Pier, cy ce thint elle
illec en mue cowertement par l'espaisse de aulcuns jour, esquelles jour durans ledit son marit
pourchaissait tellement qu'il retrowait les fairdiaulx et lui furent randaus ; et fut la vielle qui en estoit
courpauble, mere à_la devent dite servente, prinse et mise en l'ostel du doiens de la ville pource qu'elle
soubtenoit et celloit lesdit fairdiaulx.
Item, durans ce tampts et le merdi à soir, vigille de Saincte Crois, ung compaignon menuisiet
nommés Thierei donnait ung cops de coustiaulx à ung jonne filz cordonniet en Fornerue.
Item, aussy durant celle semaigne, ledit orfewre fut plusieurs fois en justice affin de ravoir ces
biens et sa femme, et alloit tousjour la mains armee, ^et^ tellement que le vandredi ensuivant, .XVI e.
jour dudit mois, ledit duc de Scifort s passoit par Fornerue lui et ces gens et vit ledit Nicollas L'Orfewre
apoyés sus l'estault d'aulcuns ces voisin, et cen aultre parrolle dire il ce apersut, comme il fut dit, que
ledit Nicollas le menaissoit par samblant de la teste, de_quoy le duc, voiant ce, ait dit : "Non, non,
tantost, tantost, en voullés vous à moy ?"
Puis, ce dit, escriait à ces gens qu'il ce rangissent et, ce fait, tirait son dollequin et en cuidait ferir
ledit orfewre ; mais il aperseust venir le copt et bien viste ce mist à salvetés dedans la maison dudit (551)
son voisin. Et alors la Blanche Rouse, voiant qu'il avoit faillis son copt, ruait led it poignal aprés,
par_quoy ce fut une grand esclandre et grand rumeur par toutte la cité, et tellement que le samedi
lundemains, .XVIIe. jour dudit moix de septambre, ledit Nicollas ce trowait devent la grand eglise tout
armés, l'espee au coustés et la haillebairde dessus le col. Et illec presant, chacun ait dit et priés au puple
que il luy thinsent compaignie en justice, car comme d il dit, c'il le souffroit, cecy pourroit redonder

307

à_plusieurs aultre.
Et alors tout chacun le suit, et fut le grand conseille pour_ce fait mis ensamble, et tellement que
pour le dangier et fureur du purple, aulcuns seigneur estant alors en conseil envoiait haitivement dire à
duc qu'il ne vint point ^ne ne ce trouvait^ devent l'eglise, et fut trowés ^rancontrés^ en chemin luy et
ces gens qui y venoit. Mais à_parrolle du messagier, il retournait et n'y fut de loing tampts aprés.
Or estoient tous les seigneurs ^ou la plus-part^ en conseil pour ce fait ycy, et y furent jusques
à .X. heure et demee car ^pource que instament^ le marit demendoit et requeroit que justice luy fut
faictes, et tellement que aulcuns desdit seigneur furent commis et envoiés devers ledit duc pour
courtoisement luy remonstrer ces faultes, et avec ce pour ramener la dite Cebille et la randre à son
marit. Mais ^Et ainssy en fut fait, car^ aprés plusieurs parrolle que pour ce fair furent randue, le dit
seigneur duc c'y acourdait biens [-] et +de la+ ^randre, combien que se fut contre cuer et bien en_vis.
Toutteffois, il^ leur mist celle femme entre les mains, par_telle condicion que par sa priere il fit
promestre audit seigneurs qu'il ne la randroie point audit Nicollay son marit, sinon qu'il promist que
pour_ce fait ne l'en toucheroit ne baiteroit, ne ne l'en diroit parrolle qui l'en puissent desplaire, ce pour
aultre chose n'estoit et ^ne venoit leur desbat ou^ qu'elle, de ces jour en avent, ne mesdonnist encor ; et
ainssy le promirent lesdit seigneur de le dire.
(552) Et alors, en grand regrect des partie, fut la dite Cebille randue és mains desdit seigneur et
fut ramenee par les bras comme une espousee, c'est assavoir de messire Andrieu Drinack, chevalier et
seigneur de Laiduchampz, la tenant à la destre, et seigneur Philippe Dex à_la cenestre, et avec yceulx
plusieur aultre seigneur et plusieurs sergent. Et Dieu scet ce à cest heure y_avoit du puple aprés pour la
regairder.
Et ainsy fut menee devent justice et interroguee de plusieurs chose, auquelles bien vivement elle
respondit ; puis fut le mary mendés et luy fut fit la manier coment on luy voulloit randre sa femme, en
faisant les promesse devent dite et en tournant bonne seurtés de ainssy le faire ^et tenir^ ; mais de tout
ce fut reffusant, et voulloit ^et instamment requeroit^ qu'elle luy fut randue pour en faire à sa
voulluntés. Touteffois, à_la requeste d'aulcuns, ledit Nicollas print dilacion ^pour ce aviser^ jusques à
ung aultre jour, et alors fut la dite Cebille, elle et sa servente, mise en gairde des sergent et enfermee ^ou
pallais^ en la chambre des Sept de la guerre ; et en ce lieu fut plusieurs jours ^et plusieur^ +nuit+, et
luy pourtoit on à boire et à menger de bonne viande prinse à_frais de la ville en l'ostel de l'Ange.
Et ainsy demourait la chose jusques aulcuns jour aprés que ledit Nicollas son marit ce despitait
de_ce c'on ne lui randoit sa femme, et pour_ce, cen aillait ^donner aultre responce, s'an allait se^ faire
bourjois à Tionville. Et ^alors^ le duc de Scifort, nomméz Blanche Rouse, c'en aillait ce tenir à Aynery
ou chaistiaulx seigneur Nicolle de Heu, affin de illec passer millancollie et pour passer son dueil. Mais
^lui estant audit chaistiaulx, par^ ung jour aprés, en allant au champts à l'esbat, il fut en adventure

308

d'estre sousprins et de fait, (553) c'il fut estés cognus, il estoit mort ou prins par aulcuns Allemans que
ledit Nicollas avoit assamblés, par_quoy, luy voiant le dangier, c'en ^s'en^ allait ce tenir à_la cité de Toul
et y fist mener partie de son menaige.
Alors le conseil fut mis emsamble pour sçavoir que l'on feroit de celle josne femme, laquelles
estoit encor destenue en la chambre des Sept de la guerre ; et tout conclus, fut mandés à maris qu'il
retournait à Mets et que l'on luy randroit. Mais jay ce que par plusieurs fois l'on luy en fist le messaige, il
le desprisait et n'y daignait à venir, par_quoy, environ .XV. jour aprés, justice voiant ce randit et delivrait
la dite Cebille et fut mise en la mains de Françoy Godin, son frere, et par leur consantement fut mise à
demourer en gairde à ^en l'ostel de^ une bonne weve, leur pairente, nommee Mariette la chandellier de
[.] cire, de decost Saincte Crois.
Mais ^Puis^, bien tost aprés, la dite Mariette, ^voiant son train^, s'en deffit, et fut la dite Cebille
mise à demourer en la Viéz Boucherie, en la maison qui fut à son perre decost sa grand mere, laquelle
alors estoit fort vielle et ancienne, par_quoy la dite Cebille, bien tost aprés, l'abusait et luy fist acroire de
aller à_Sainct Trotin345. Mais elle ce desroubait et voulloit on dire que en forme et abis de une
vandangeresse saillit hors de346, ^avec de vil abis et pannier et sairpon, saillit dehors de^ la cité et trowait
ces gens tout prest qui l'abillairent en paige, et ainssy acoustree fut enmenee, que l'on ne solt qu'elle
devint, neantmoins que l'on disoit bien qu'elle estoit à Toult.
Or estoit pour_ce fait la devent dite g gairce sa servente mise en l'ostel de la ville, et congneut à
justice tout le fait de leur acointance, et tellement que le devent dit Mangenat le taillour fut trowés
coulpauble du fait et fut acusés (554) par la dite servente, et dit que luy et ung nomméz Jehan Paillat,
cordonniet demourant alors à Joiey, en avoient ressus plusieurs escus, car ledit Nicollay L'Orfewe avoit
nowellement fait faire une belle moitresse et ung lieu de plaisance à +dit+ Joiey, en laquelle la dite
Cebille sa femme y_ailloit sowant. Aussy faisoit le dit duc de Scifort, et là ce faisoit la bonne chierre ; et
tout ce merchief pourmenoient ledit Jehan Paillat et ledit Mangenat, par_quoy, bien tost aprés le despart
de la dicte Cebille, furent les_devent dit huchiés sus la pier que dedans .VII. nus ce vausissent escuser
d'icelluy crime que on leur impousoit, ou sinon que justice y pourveroit. Et les .VII. nus passee, le
samedi .XXIIe. jour d'octoubre, pource qu'il ne ce vindrent escuser, il furent errier huchiés sur la dite
pier et furent banis et forjugier à tous-jour_maix sans rapel.
Item, celle annee mil .VC. et .XIX. fut terriblement moiste et le tampts mal dispousés, car
tousjour ne finoit de plovoir et sowerainement de-puis la ^la translacion^ sainct Mertin en estés en
jusques à_la Toussaincts, et tellement que les bien de terre, lesquelles en celle annee estoient en aussy
grand esperance d'estre bon et en grand multitude, olrent ^à_souffrir et^ grand paine de meurir et de
venir à perfection, car ad_cause des grand pluye qu'il fist, les blef ne furent pas dez_milleur, jay_ce que
345Il ne s'agit pas d'une ville réelle mais d'une locution. Cf. glossaire.
346Nous barrons hors de, que Philippe oublie de supprimer.

309

on en olt assés grand abondance, et donnoit on la quairte pour .V. ou .VI. solz et l'awaine pour .II.
solz .VI. deniet ou .III. solz, et fut encor estés à milleur merchief la moitiet ce on eust peu enhaiver ;
(555) mais de plus de .XX. ans devent on n'avoit cy mal labourés ne semer, ad_cause du tampts mal
dispousés et des grande pluye. Pois et fewe furent à_bon merchief ; le foin, duquelle on avoit heu
aparavent grand necessité deux ans de routte, fut à essés bon merchief, comme de .XV., de .XVIII. à
.XX. solz la chairee, et eust estés à biaulcopt milleur merchief ce ne fut pour les grande pluye que il fist,
comme dit est, car jamais l'on n'avoit veu plus grande abondance d'erbes que cest annee avoit, mais la
plus-pairt fut gaistés de pluye et en fut grand partie enmenés des rivier qui estoient hors de rive, et en
y_olt essés du pouris au champs.
Au regairt des vigne, elle estoient chairgee à grand abondance, par_quoy au moix d'awoust l'on
donnoit desjay le vin de l'an devent pour .IIII. ou .V. deniet la quairte, et l'eust on heu pour deux deniet
ce le tampt fut venus à_point, mais la pluye continuait tellement, comme dit est, que on ne powoit aller
ne venir, ne rien faire en vigne, et ne murissoient pas bien les roisin ains furent et ce tinrent loing tampts
en vergus vergeus, et fut la Sainct Remey venue avent que vandangier, par_quoy lesdit vin furent de
powre boisson et de petit pris, car à ^pource que^ plus les laissoit on à sappe et plus ce ampiroient et ce
pourissoient. Aussy je croy que de l'eaige du plus anciens homme qui alors fut, l'on n'avoit veu plus ort
tampts ne plus mal-plaisant vandange, ne ^de^ plus ^grand^ coustange en tonniaulx, en owrier et en
chairois ; et n'y avoit homme qui peult aller ne venir, car tout estoit desrompus par les grand pluye que
incessanment (556) faisoit. Touteffois, la graice à Dieu, j'en resseus en celle dite annee plus de .VIIXX.
cawe, dont j'en olt moult de paine et de travail.
En celle dite annee il n'y olt guerre de fruit, sowerainement de pomme ne de fruit gairdauble, et
avec ce, ce poc qu'il en y_avoit ce pourissoit.
En celle annee, je entreprins de grand owraige à_faire, car depuis l'antree de Karesme en jusques
la Madellaine je ne fus guerre sans chaipantier ou masson, racowanteur, saruriet, warniet ou aultre
owriet ; et fut cest owraige en plusieurs lieu, c'est assavoir à Mets en deux ou trois lieu et à Vignuelle
paireillement, et sowerainement à Lessey. Et me coustait cest owraige tant en une chose comme en une
aultre plus de trois cent frant.
Aussy en cest annee et en l'an devent, je mis en acquaist de rante de blef et d'eritaige la vallue de
environ mil livre, par_quoy les seigneur de la cité, de_ce advertis et voiant que alors failloit ung change,
car Nicollas Dex en fut mis hors, et cuidant par_aventure que j'eusse grand tresor, il me elleurent pour
estre change ou recepvoir des deniéz de la cité et pour paier tout soudoieus et pa ncionaire, laquelle
office vault tous les ans plus de cent frant. Mais conciderant la paine, la subjection et le dancier que
c'est, je humblement remerciait les bon seigneur de leur offre et me thins en mon estat.
Item, depuis, je fis encor owrer à Vignuelle en l'an aprés et me coustait environ .IX. libvre, tant

310

pour racowanter la maison comme pour le fault gu^e^rniet de la grange.
Item, en celle annee mil .VC. et .XIX., (557) en la vigille de sainct Thomas l'apouste devent Noé,
fut par l'ordonnance de justice deterrés et bouttés hors de terre le corps d'ung jonne cler, lequelle deux
devent, en l'an .VC. et .XVII., environ le jour sainct Luc, .XVIIIe. jour d'octoubre, comme cy devent est
recités, on avoit trowés pandus à ung monciaulx de boix en la grainge maistre Andrieu, maistre dez
anffans de cuer de la grande eglise de Mets, par_quoy ledit jonne clerc, eaigiés environ de .XIIII. ans, fut
traynés devent les pons et anterrés dessoubz les rue en terre prophane, là ou ce fait la comune justice.
Mais en cest dite annee .VC. et .XIX. fut cogneus et confessés par celle en l'ostel du doien par
celle innumaigne et cruelle femme qui ce pandist en celle meysme annee en l'ostel dudit doien, comme
cy devent ait esté dit, qu'elle l'avoit tués et puis ^l'avoit^ pandus audit laigniez en la grainge, par_quoy
les amis dudit jonne clerc demourant à Gouxe vindrent querir le corps dudit leur parans et l'enmenairent
à Gouxe, et là fut enterré en terre saincte et son service fait ; et fut ce fait à jour devent dit de sainct
Thomas et l'an dessus dit.
Item, le .IXe. jour de janvier ensuiant furent essaiés et tirés dessus Sainct Simphorien devent la
pourte Champenoize les .V. groz baiton à feu que l'on avoit nowellement heu fait en la newe fonderie
devent les cordellier, c'est assavoir deux groz et orible cagnon et une grosse serpantine, et encor deux
grosse et longue serpantine, tout d'ung molle et tout d'une messure. Et estoie les plus grosse et les plus
longue que jamaix avoie estés faicte en Mets, et furent tiree ce dit jour chacune par trois fois, forcque
deux.
(558) Tantost aprés, en celle meisme annee annee et le .XVIe. jour dudit moix de janvier, par
ung lundi matin, advint à Mets en la grand rue de Maizelle et en la paroiche Sainct Mami n une trés
piteuse adventure, et de la-quelle le puple de la cité fut bien esmeus et esbahis, car cellui jour, du matin
à_point du jour, fut trowés ung homme ^estimés homme^ de biens tués et innumai innumainnement
murtris, luy et une vielle femme sa servente, en sa maison. Et pour vous desclairer la manier coment
celluy homme demourant en la dite grand rue de Maizelle sur le tour des Waide, ^et^ de son mestiés
avoit estés boullungiés m et estoit d'icellui mestiés ^tenus pour^ le plus riche de Mets, mais il n'en
faisoit plus rien, car il estoit viéz et anciens, et n'avoit point de femme que une vielle servente. Et aussy il
estoit estimés ung grand riche homme bien enherités et bien baicgués d'or, d'argent et de juaulx, et estoit
alors eschevins de la dite pairoiche Sainct Mamin ; et ce appelloit Husson le boullungiet. Cellui Husson
avoit deux anffans, ung filz et une fille, le filz nommés messire Dimenche Husson estoit ph prebtre et
deservoit la dite pairoiche, et la fille estoit merchande et mercier demourant en ycelle rue.
Or, à ce matin, ledit Husson ce estoit leveis et vestis, luy et la dite servante, et ce esseust à son
feu, et la vielle c'en aillait à l'eglise Sainct Mamin oÿr la messe sainct Michiel du matin, laquelle chantoit
ledit messire Dimenche Husson, et laissait son maistre seulle en la maison. Mais ce tampts durant, y_olt

311

on ne scet encor quel malvais guernement, trays[tre] (559) lairon, qui antrairent en la maison on ne scet
coment et murtrirent tellement ledit Husson que l'on luy veoit tout les serviaulx de la teste, et avec ce il
avoit ung [-] ^des^ yeulx hors de la teste plus groz que ung euf. Et oÿrent biens lez vignerons qui
estoient aprés de ce lieu en la plesse comune le huttin, mais il pansoient qu'il tansait à sa servente.
Et ce fait, retournait la dite servente du moustiet et entrait dedans la maison ; et quant elle vit la
pitiet, c'en cuydait fouyr et faire une alairme, et virent bien aulcuns qu'elle fut retiree à l'ostel par les
cheveulx, mais il ne sçavoie qui ce estoit, et ainssy retiree l'on la trowait que les malfaicteur luy avoient
fandus la teste en deux moitiet, puis l'avoie tirés v en une chambrette derrier. Et estoit grand crualtés de
veoir ce piteux menaige, car tout estoit plains de sanc et n'y avoit tauble ne fenestre qui n'en fut
entaichiéz.
Quant justice fut de ce advertie, on mist gairde en la maison et fut trowés que ledit Husson avoit
encor quelque peu de vie, et fut ennolliet. Puis, pour ce fait, en furent plusieurs des prins et mis en
l'ostel de la ville, et croy qu'il en y_olt plus de .XII. dez prins qui n'en powoie may ; et fut on deux ou
trois jour que l'on ne faisoit que pranre tout ceulx et celle que l'on tenoit suspect, mais l'on ne powoit
venir à congnoissance de cestui crime.
Ains, par plus_fort raison, l'on fut loing tampts aprés que lesdit lairons ou aultres à leur tiltre
firent de grand esclandre en la cité. Et tout premierement, à lundem lundemains, l'on cuidait desrober
ung bon merchampt demourant en Rampol, nommés Jehan d'Averei, et fut [-] (560) en sa maison, luy
estant à_la pourte, et ce sa femme et famille n'eussent fait une alairme, il heussent fait quelque malfait,
car il ne queroie point à prandre roube, draps, vaissellement ne juaulx, forcque or ou argent monnoies.
Et est cecy à_croire, parce que en l'ostel du devent dit Husson, il prindrent en ung buffet la monnoie qui
estoit en une tesse d'argent, et laissairent la dite tesse avec une douzenne d'aultre ; mais il cuidairent
rompre l'airche et n'eurent pas le loizir.
Deux jour aprés, de nuit, ce trowairent lesdit malfaiteur ou d'aultre en leur lieu et à leur compte
en la rue des Clerc, en la grand maison qui fut à seigneurs Jehan Philippe le chainoigne, en laquelle
demouroit pour cellui tampts messire Andrieu le chainoigne, filz à presidant de Loraine, qui eust la teste
tranchié à Nancey. Et illec firent yceulx lairon en celle nuit une grand peur audit chainoigne et rompirent
deux ou trois huis et voulloient à_force entrer en sa chambre ; et ce n'eust estés aulcuns homme de
Woulge qui couchoie leans, il eust estés en grand dangier.
La nuit après furent yceulx lairons et ce devaillairent en la courcelle messire Waultiet le prebtre en
la rue des Bons Anffans, et voulloit on dire qu'il cuidoie estre en ma maison. Et les vit ledit seigneur
Waultiet ; cy fit une alairme, par_quoy il c'en fowirent, et pourtoient une eschielle de corde et une
lanterne, car alors il n'y avoit point de lune et pleut deux ou trois nuit cen laichiéz.
Lez aultre jour ensuivant et bien .VIII. jour durant, il n'y olt de nuit qu'il ne feissent quelque

312

peur à aulcuns, et furent une nuit [à] (561) Saincte Elisabech, une nuit chiéz Will[...], une nuit chiéz
Jehan Laiey, Trese et a[mant, une nuit] chiéz Jehan le chandelliet, vers la pourte des Allemans, et en
plusieurs aultre lieu, tellement que l'on ne parloit d'aultre chose et ce bairoient et sairoient et ce
ensairoient les ung et les aultre en leur maison, que c'estoit merveille de veoir la peur que le puple avoit,
et n'estoit nul assurés, tant éz rue comme és maison. Dieu par sa graisse y veulle pourveoir. Amen.
Item, le jour sainct Privé, .XXIe. jour du moix d'aoust .VC. et .XX., fut néz Claude, le filz Jaicomin
le braconnier et de Maiguin sa femme.
Item, en celle annee, je, Philippe de Vignuelle, fis ouvrer Vignuelle environ encor pour .X. frant
d'owraige, et paireillemant ledit ans, en la rue de la Haie à Mets, je y mis .X. frant en owraige.
Item, l'an .VC. et .XXI., , je fis owrer à_Ralcourt et à Sainct Juré, et y_mis environ cent et .L. libvre
en ouvraige.
Item, l'an .VC. et .XXII., fut le jour de Paicque florie, .XIII e. jour d'apvril, fut nee Katherine, la
fille Jaicomin le braiconnier et de Maiguin sa femme.
Item, l'an mil .VC. et .XX., le jour sainct Amant, .XXVIe. jour d'oc[toubre], morut Claude, le filz
Jaicomin le braconnier qu'il olt de Maguin sa femme, fille à Philippe de Vignuelle.
Item, le jour Paicque florie, ^.XIII e. d'apvril^, l'an .VC. et .XXII., fut acouchee la dite Maiguin
d'une fille nommee Katherine, qu'elle olt dudit...

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