La Chronique de Philippe de Vigneulles. Tome 1 (de la Création du Monde à l'an 1324)

Contenu

Identifiant

Titre

La Chronique de Philippe de Vigneulles. Tome 1 (de la Création du Monde à l'an 1324)

Editeur

Société d'histoire et d'archéologie de la Lorraine (Metz)

Date de publication

1927

Langue

frm

Description

Sujet

fre Metz (Moselle)
fre Chronique

Type

eng text
eng printed text
fre texte imprimé

Format

382 p.

Droits

fre Tous droits réservés. Les ayant-droit de Charles Bruneau sont invités à contacter les responsables du site.

Titre alternatif

Edition de la chronique de Philippe de Vigneulles, t. 1 (jusqu’en 1324).

Reference

Document

extracted text

DE

PHILIPPE DE VIGNEULLES

L'UNIVERSITÉ DE NANCY
LA VILLE DE METZ
LA SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE
DE LA LORRAINE

KQp

O 0\j

Qpp

PUBLIÉ SOUS LES AUSPICES DE L’UNIVERSITÉ DE NANCY

LA CHRONIQUE
DE

PHILIPPE

DE VIGNEULLES
ÉDITÉE

PAR

Charles BRUNEAU
Professeur à l’Université de Nancy

TOME

PREMIER

(de la Création du Monde à l'an 1324)

METZ
SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ET D’ARCHÉOLOGIE DE LA LORRAINE

A LA NOBLE CITÉ DE METZ
GLORIEUSEMENT RECONQUISE

Charles

BRUNEAU

combattant de la Grande Guerre

présente respectueusement l’œuvre de Philippe de Vigneulles.

liCWii

INTRODUCTION

Nous n’avons point, dans cette introduction, la prétention de
résoudre tous les problèmes que pose la monumentale Chronique
de Philippe de Vigneulles. Nous voulons seulement fournir au
lecteur les renseignements nécessaires à l’intelligence d’un texte
qui, écrit au début du xvie siècle par un bourgeois de Metz, n’est
pas sans offrir quelques difficultés.
Après avoir raconté la vie et énuméré les œuvres de Philippe
de Vigneulles, nous examinerons successivement quel est l’objet
de la Chronique et son étendue ; nous apprécierons brièvement
la valeur historique, linguistique, artistique de l’œuvre capitale
du chaussetier messin. Nous donnerons ensuite une liste cri­
tique des manuscrits de la Chronique et nous exposerons le
plan et la méthode de cette édition, la première qui soit fidèle
et intégrale.

I
Philippe de Vigneulles

Philippe de Vigneulles nous a lui-même raconté sa vie, tant
dans son Journal 1 que dans sa Chronique. C’est au Journal
que nous empruntons la plupart des renseignements qui sui­
vent 2.
1. Bibliothèque Nationale, Nouvelles acquisitions françaises 6720. Ce manuscrit auto­
graphe a été publié par H. Michelant, Gedenkbuch des Metzer Bürgers Philippe von
Vigneulles aus den Jahren 1471 bis 1522 (Bibliothek des literarischen Vereins in Stutt­
gart, t. XXIV, 1852). Nous renvoyons aux pages de l’édition Michelant — qui n’est pas
irréprochable.
L’on peut aussi consulter la Chronique elle-même de Philippe de Vigneulles, qui est,
comme nous le démontrons plus loin, un remaniement du Journal. Dom Tabocjillot a
extrait de la Chronique, en 1775, tous les renseignements qu'elle contient sur la vie de
Philippe (Ms. 846 [96] de la Bibliothèque de la ville de Metz; Catalogue général des
manuscrits... des départements, t. V, p. 307).
2. Mme Dorner a donné, dans les Mémoires de l’Académie de Metz (1913-1914, p. 46110), une étude sur Philippe de Vigneulles, un chroniqueur messin des XVe el
XVp siècles. Cette étude comprend une biographie sommaire qui, exacte
grandes lignes, contient un très grand nombre d’erreurs de détail.

Il

INTRODUCTION

« A Lorey devant Mets, y oit jaidis ung bon homme nomé
Jennat Royné, lequel avoit aissés compétamment de biens de
fortune pour, avec la peine de son corps, se gouverner et entre­
tenir. Celluy Jennat avoit de Collette Royné, sa femme, cinq
filz. Le premier fut Géraird Royné; le second Jehan Géraird; le
tier Jehan Gennat; le quairt Jehan Audelliatte : et le cinquième
fut appellé Collignon de Chaistel. Et la diversité de leur sournom
leur fut ainsy mis pour l’amour des personnaiges avec qui ils
furent nouris en leur jeunesse. Entre yceulx filz, Jehan Géraird
fut celluy qui me enjenrait et me nourit » (Journal, p. 1).
A l’âge de vingt-cinq ans, Jehan Géraird épousa la jeune
Magui (Marguerite), âgée de treize ans ; jusque-là « jamais
n’avoit porté sollers aux piedz ne couvrechiés sur la teste ». Elle
devint « l’une des belles jonnes femmes, pour une petitte femme,
que l’on sceust trouver en tout le païs, et qui sçavoit le mieulx
dire ; et se faisoit aymer de gentil et de villain ; et n’y avoit pas
de femme on païs qui mieulx sçeut chanter d’elle ; et estoit toutte
joieuse et toutte plaisante ».
Elle « délivra » de Philippe le 8 juin 1471 L Celui-ci eut pour
parrain Jehan de Vigneulle le cordonnier, depuis marchand de
draps, et une notable dame de Metz, Laurette Chaipel, qui lui
donna le nom « d’ung sien filz nommé Philippe ».
Philippe fut « nouri de son père et mère bien honnestement,
sellon leur estât », et fréquenta l’école du village « pour seule­
ment aprendre ung peu lire et escripre ». Philippe le regrette ; il
eût préféré que ses parents l’eussent fait « apprendre » (Journal,
p. 3.)
Puis Philippe vint demeurer à Metz, parce que « grands for­
tunes et adversités advindrent aux pouvres gens pour celluy
temps » et « nul ne se oisoit tenir a village. » Il fut près d’un an
à Saint-Martin devant Metz ; l’abbé et tous les moines l’appré­
ciaient beaucoup En 1478, Philippe est mis chez un notaire,
nommé Jehan Jennat; il allait à l’école à la Trinité.
En 1480, la mère de Philippe meurt; Philippe retourne chez
son père .et fréquente l’école de Lorry-lès-Metz. Le père de
1. C’est par erreur que Mm* Dorner fait naître Philippe de Vigneulles à la Pentecôte
[op. cit., p. 63). Le Journal porte : « En l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur 1471, par
ung jour de vendredy, on mois de jung, environ la Penthecouste, ladicte Magui Poinsay
ma mère délivrait de moy. « La Pentecôte tombant le dimanche 2 juin, c’est donc le
vendredi suivant que naquit Philippe : le vendredi précédent appartenait au mois de
mai.

INTRODUCTION

III

Philippe se remarie la même année. Un « mauvais loup »
étrangla alors plus de soixante enfants au Val de Metz ; le jeune
Philippe fut envoyé à Amenge *, à dix lieues de Metz, sur la
route de Strasbourg, dans un prieuré de Bénédictins.
En 1483, Philippe revient à Metz, « chez ung mairchand
nommé Steffe, tenant rostellerie du Rouge Lion » (Journal,
p. 11). Il y resta six mois. De là il passe à Saulny, chez un
prêtre ; il fréquentait encore l’école. Une fièvre quartaine le
tient près d’un an. Puis de nouveaux troubles de guerre le font
rentrer à Metz, chez Jennat de Hainnonville, l’aman, « pour
aprendre le stille ». Il y payait 20 francs pour sa table, et,
dit-il, « sy sçavois desjai escripre comme je fais et sy aprenois
très bien le stille » (Journal, p. 12).
Il eut quelques difficultés avec son maître, un « tant terrible
homme qu’il n’y avoit clerc qui le puist servir », et « une ser­
vante allemande qui vailloit encor ung diable ». Chassé « villainement » de la maison, il se retire quelque temps chez sa sœur ;
puis, « par l’amonestement d’aulcuns », il se décide à s’en aller
« juer par le pais pour congnoistre et aprendre. »
Il n’est pas douteux, par tout ce que nous savons de son
caractère, que le conseil ne lui ait été donné par les ecclésiasti­
ques avec qui il était en relation. Mais son père, qui l’aimait
beaucoup, ne pouvait se faire à l’idée d’une séparation. Aussi,
en i486, après la Pentecôte — où Philippe fit au jeu de sainte
Catherine de Sienne une des « damoiselles » de sainte Catherine,
— s’enfuit-il avec un nommé Colin, laissant pour son père, dans
sa « huge », « une lestre aissez bien faicte et bien dictée, tout
par rime et par vers..., en laquelle estoitescript toutte ma voullunté et les escuses et recomendacions que je faisois devers
mon père. Et estoit celle lestre piteusement faicte et dictée :
parquoy ledit mon père en plourait aissez » (Journal, p. i3).
Voilà Philippe et Colin sur les grands chemins. Par Nancy,
Remiremont, Bâle et Lausanne, ils arrivent à Genève. Philippe
n’avait que peu d’argent : neuf petits blancs que lui avait donnés
son père et 2 francs qu’il avait gagnés à dire « dez sept seaulme »
(psaumes de la Pénitence). Encore cette somme était-elle en
monnaie de Metz, et l’on n’acceptait nulle part cette monnaie.
Philippe et Colin s’en allaient donc « par devant les huis en
1. Insming, Moselle, Château-Salins, Albestroff,

IV

INTRODUCTION

estendant le bras », mais on leur donnait bien peu, car Philippe
était trop bien vêtu pour un mendiant (Journal, p. 17).
Colin, « homme marié, mal acoustré, ne sçavoit ny A ny B »;
il ne put trouver à s’employer; il revint à Metz. Mais Philippe,
« tout jonnes, bien acoustré, sçavant lire et escripre telle lestre
que voyés », est pris par un chanoine « très homme de bien »,
qui était « scelleur » de l’évêque de Genève. Philippe passa
chez lui un an, très bien traité. Comme il « s’entremetoit de
plusieurs peintures et subtils ouvraiges », son maître voulait, à
ses frais, lui faire apprendre « ung mestier d’orfeuvre ou
aultre ». Mais la chose ne réussit point, parce que Philippe ne
voulait pas s’engager pour une durée supérieure à un an.
Un clerc, qui allait à Rome, vint alors loger chez le chanoine.
Philippe le suit et arrive à Rome en 1487, après avoir couché
plusieurs fois « en l’ospital ou en plain champs ». Il avait vu
Pavie, Plaisance, Parme, Modène, Bologne, Florence, Sienne,
Viterbe. Au bout de six ou sept jours, Philippe entra au service
d’un jeune gentilhomme, roi d’armes du duc de Calabre; quinze
jours après, il s’embarqua pour Naples. Mais les* affaires du
gentilhomme allèrent mal, et Philippe dut le quitter sans avoir
rien reçu pour sa peine. Il se proposait de rentrer en France
avec les galiasses, qui, chaque année, venaient au mois d’août
à Naples chargées de marchandises. Mais, au dernier moment,
il se ravisa et devint domestique de Guillaume le Garçon,
musicien du roi de Naples : il jouait du « rebécanette ». Phi­
lippe circule avec la cour de Naples dans toute l’Italie du sud.
Toutefois, il attendait « aventure pour s’en retourner au pais
devers son père » (p. 28). Le roi de Naples voulant envoyer des
chevaux au roi de France, Philippe s’offrit avec d’autres compa­
gnons pour les mener. Il partit un soir d’août : il était resté à
Naples trois ans et demi. Il quitte son « ambassade » dans la
région de Lyon et revient par Dijon, Langres et Neufchâteau,
jusqu à Saint-Nicolas, « bien moulie, Dieu scet cornent ». Il
traverse péniblement la Lorraine, alors en guerre avec les gens
de Metz, et retrouve son père qui, en apprenant son retour,
« tumait presque une quarte de vin qu’il tenoit ».
Philippe aurait pu, à Naples, apprendre « quelque bonne airt
ou mestier, car tousjour son cuer s’y adonnoit », mais il était
revenu pour l’amour de son père, et parce qu il craignait que ce
fût péché de ne point revenir (Journal, p. 33).

Telles sont les années d’enfance et de jeunesse de Philippe
de Vigneulles, qui nous apparaît comme un jeune homme d’une
intelligence vive et précoce, également doué pour les lettres et
pour les arts. Il a un goût très marqué pour les choses de l’es­
prit et une véritable soif d’apprendre. Son instruction est pure­
ment primaire (il ne sait pas le latin), mais il a voyagé par le
monde : il y a acquis des connaissances variées ; son esprit
s’est mûri et s’est ouvert.
Dès son retour à Metz, Philippe, sacrifiant ses goûts aux
conseils de son père, entre chez Dedier Bâillât « pour apprendre
l’airt de drapperie et de chaussetrie » (Journal, p. 35, 42)-* H
voyage avec son maître et fait une tournée d’achats dans la
vallée du Rhin, à Francfort et à Anvers : pour les « mauvaises
nouvelles », ils renoncent à la foire du Lendit et rentrent direc­
tement à Metz.
« Ce temps pendant, Philippe acommençait à se enamourer; et
le vouloit marier son père ; et ailloit par les festes deçà delà »
{Journal, p. 43)' Celle qu’il aimait était Zabellin (Isabelle), la
fille du maire Le Sarte, de Lessy.
Il arrive alors à Philippe une terrible aventure qu’il nous a
narrée lui-même et dont un document d’archives nous a laissé
le témoignage 4. Il est enlevé avec son père — qui avait la répu­
tation d’être riche — par deux « mauvais garçons ». Ceux-ci
les revendirent 100 florins d’or au capitaine de Chauvency-leChâteau. Une tentative d’évasion ne réussit point; le père de
Philippe se casse une jambe et ils sont repris. Philippe se
concilie toutefois son geôlier, un vieil homme d armes très
cruel, « pour les belles examples » qu’il lui contait. Le père de
Philippe fut relâché afin qu’il pût réunir la rançon de son fils .
5oo florins d’or. Des complications d’ordre politique retardèrent
ses démarches et la délivrance de Philippe : elle n’eut lieu que
le 21 décembre 1491 î Philippe était resté quatorze mois en
prison, depuis le 3 novembre i49°Il avait profité de ses loisirs forcés pour composer deux
poèmes (Journal, p. 70-75, p. i32-i34), sans compter une orai­
son à Notre-Dame, une à saint Nicolas et une à sainte Barbe
« que sont bien de ijc lignes » (Journal, p- 75).
1. B N nouv. acq. fr. 22660, f° 153. Déposition relative à l’enlèvement nuitamment de
leur maison de Gérard, maire de Vigneulles, et de Philippe, son fils, livrés ensuite aux
Lorrains (22 janvier 1490). — Voyez Mettensia, t. VII, p. 17.

VI

INTRODUCTION

Il retourne chez Dedier Bâillât et, après diverses péripéties,
« au gré de son père..., il fut fait le mairchié de Phelippe et de
Mariette, fille le maire Leloups », de Hagondange (Journal,
p. 120). Philippe, une fois marié, s’installe à Rimport : « En
celuy temps Phelippe vendoit draps et faisoit des chausses; et
estoit bien aise, car il avoit une bonne femme ; mais Fortune,
qui jamais ne dort, luy ostait sa femme ». Philippe, devenu
veuf, épouse Zabellin en i4q3.
Dès lors, sa vie est celle d’un bon marchand. Chaque année
ou presque, sa femme lui donne un fils ou une fille 1 ; beaucoup
de ses enfants meurent en bas âge. Chaque année il va à la
foire du Lendit, à Saint-Denis, pour ses affaires. Il fait aussi
des pèlerinages qui sont en quelque sorte des voyages d’agré­
ment : à Notre-Dame de Liesse (Journal, p. i56), au Grand
Pardon d’Aix en Allemagne (Journal, p. 178), et enfin, avec sa
femme, à Salins, Genève et Saint-Claude (Journal, p. 206).
Il est cruellement éprouvé, à diverses reprises, par la mala­
die 2. Toutefois, « la Dieu mercey et des benoys saincts », il fut
chaque fois « reguéri ». En 1507, la peste décime sa famille et
emporte deux de ses enfants, Jaicquematte, âgée de douze ans,
et Jean, âgé de dix ans, « lequel enfant Dieu absoulve, car il
savoit autant de la lettre et de la clergie c’on en trouvairoit
entre ung millier de son eage » {Journal, p. 157).
Philippe était un commerçant avisé : il s’enrichit. II rapporte
de la foire du Lendit (Journal, p. 3io) pour 900 francs de drap,
ce qui est une grosse somme pour l’époque. En i5i8, il achète
des rentes pour un millier de francs environ (ibid., p. 378); il
construit3: de i5oq à i5n, les bâtiments qu’il fait élever ou
réparer lui coûtent près de 700 francs. Tl devient un gros pro­
priétaire : en i5i8, il rentre cent cinquante queues de vin « qui
estoient à Dieu et à moy » (Journal, p. 352).
Philippe est devenu un personnage dans la cité. Les seigneurs
de la ville lui offrent une fonction municipale, un « change »,
sorte d’office de trésorier, qui rapportait chaque année plus de
100 francs : Philippe, prudent autant que modeste, refuse :
« Considérant la peine, la subjection et le dangier que c’est, je
humblement remerciai les bons seigneurs de leur offre, et me
1. Journal, p. 125, 131, 134, 131, 139, 146, 152, 158, 166, 248.
2. Ibid., p. 125, 153, 158.
3. Ibid., p. 131, 111, 310, 373.

INTRODUCTION

VII

tins en mon estât » (ibid., p. 370). Mais il reste en relations
suivies avec les meilleures familles de Metz : il est invité à la
table du seigneur Andrieu de Rineck, chevalier et seigneur de
Laidunchamps (ibid., p. 334), et nous pouvons être assurés qu’il
fera son profit de ce que l’on peut dire sur les affaires de la cité.
Un Le Gournay fait exécuter une copie du premier volume de sa
Chronique, que Philippe corrige de sa propre main. Il joue un
rôle actif dans la ville : il héberge le duc « de Siffort, nomme
la Blanche Rouse » (ibid., p. a65) ; il prête cent florins à la cité
(p. 336) dans une circonstance difficile.
Il continue d'ailleurs à s'intéresser aux choses des lettres et
des arts. Il expose devant la cathédrale, en i5o7,un chef-d œuvre
de draperie comme on n’en a jamais vu; il nous le décrit lon­
guement (Journal, p. 154) : « Item, 1 an après, mil vc et vij, je,
Phelippe, fis une pièce d'oeuvre à l’agueille, la non pareille que
jamais on avoit veu : c'est assavoir que ce fut ung draps taillié
et cousu ensemble, auquel draps y avoit plus de viiij mil pièces
de draps mises et joinctes ensemble, toutes de biais et alaine L
et sembloit à le veoir qu’il fut peint, tant estoit justement fait.
Et y avoit a milieu l’imaige de Notre Dame ; et sy avoit à destre
et à senestre l’imaige saincte Katerine et saincte Bairbe. Item,
dessus, y avoit les airmes des vj pairaiges de Mets et les noms
d’iceulx, en lettre romaigne, mise sus chacun; item, y avoit les
airmes de Notre Sainct Père le pape et les airmes de l’empe­
reur à destre et du roy très cristien à senestre; en après estoient
tout en l’antour les airmes de tous les seigneurs de Mets. Et,
avec ce, y avoit plusieurs biaulx traits entretailhés et entrelaissés à noulx d’amour 2 en diverses sortes, que l’une ne ressembloit l'aultre. Et y avoit dessus l’imaige Notre Dame en
escript de draps meisme, et, en belle lettre de forme, l’orexon
cy après dite et en ceste forme ycy comme vous veez icy aprez .
veraigne
o vierge

daigne
humblement te
deffens que mort
plye

ne viegne
ma vie

L’orexon devant dite vault autant à dire et se doit entendre
ainsy :
1. Corriger : à l’ame : à l’esme, d’une manière exacte, comme il faut.
2. Entrelacés àjnoeuds d’amour.

VIII

INTRODUCTION

O vierge souveraigne,
Humblement te suplye ;
Deffens que mort soudaigne
Ne viegne sus ma vie 1.
« Et tout a meylieu du dit draps, tout au bout dessoubs, furent
faits deux bonhommes habilliés à la monde du temps passé,
lesquels tenoient ung écusson là où estoit fait dedans le signet 2
de quoy le dit Phelippe husoit en ses lettres ; et y avoit en
escript tout entour du dit escusson : Phelippe de Vigneulles
m'ait fait. Et sy estoit le millier 3 4en lettres de chiffre... ».
En i5n, il construit, à l’occasion des fêtes du Carnaval, un
char tout à fait remarquable (Journal, p. 200). Maiguin (Mar­
guerite), sa fille, y fait le personnage dq Jeunesse, et prononce
« ce dit consonnant à l’histoire » :
Je suis nommée dame Jonnesse,
Qui de chacun suis désirée ;
Mais quant l’homme chiet en viellesse,
Toute sa joye en est voulée i.
Alors son fils, le petit Andrieu, sort du château et dit « ung
bon joieulx personnaige, qui estoit environ de vj’tx lignes. »
Dans le jeu d’Eslher et d’Assuérus, Philippe fait le person­
nage d’ « Egeus, prevost et gardien des dames » ; plus tard, son
fils le remplace comme acteur, et Philippe se contente d’être
« gouverneur » du jeu et de recevoir l’argent.
Il organise en i5i3 la fête de la dédicace de Saint Jacques de
Metz (Journal, p. 247~248)- C’est « moy, Philippe de Vigneulle
le mairchand, lequel fus inventeur de ceste feste. Et fut mise
sus et ordonnée celle dite feste chiez moy- Et fut la plus belle
feste que jamais homme vivant avoit veu faire en Mets entre
citains et bourgeois... ».
II composait aussi des ouvrages. Il fait d’abord allusion dans
son Journal (p. 3) à la Chronique de Metz qu’il écrivait. Il nous
présente aussi, en i5i5, deux autres de ses œuvres (Journal,
1. Ce genre de poésie-rébus porte le nom de rébus de Picardie. Il semble que ce soit
une des trouvailles de la Grande Rhétorique. Voyez Charles d'Orléans et la poésie aris­
tocratique. Lyon, Lardanchet, 1924, p. i9S.
2. Dans l’écusson était représentée la signature de Philippe.
3. Milliaire.
4. Est envolée.

INTRODUCTION

IX

p. 283) : la traduction de la Chanson de Geste des Lorrains et
des Contes : « Et fis paireillement et compousai ung livre conte­
nant cent nouvelles ou contes joieulx, lesquels furent faits et
achevis en cest esté, en l’an dessus dit, en la fourme et manière
comme veoir les pourrez. Non pas que je le dise ou mette ycy
pour chose que l’oeuvre en soit bien faicte, mais afin que y
amendez, se aulcune faulte vous y trouvés. »
La date de la mort de Philippe ne nous est point connue : le
Journal ne dépasse point la date du i3 avril 1622 ; mais la Chro­
nique va jusqu’en i5a5. Michelant (Préface du Journal,
p. XVIII) aurait vu des papiers et des comptes qui s’étaient
conservés dans la famille de Philippe : il en résultait qu’il
aurait été vivant le ier novembre 1527 et que Zabellin aurait été
appelée veuve à partir du début de l’année 1528. Nous n’avons
aucune raison de mettre en doute la parole de Michelant. Phi­
lippe est donc mort entre le Ier novembre 1527 et le 19 mars 1528,
puisque l’année commençait à Metz au jour de l’élection du
maître échevin.
Philippe de Vigneulles est une figure originale, attachante. Il
dirige son commerce de draps avec une maîtrise parfaite et
gouverne sa fortune, qui est considérable, avec compétence et
avec soin ; d’ailleurs prudent, il se tient à son rang et évite de
se compromettre dans la politique. C’est un homme avisé, qui a
beaucoup vu, qui a beaucoup lu, et qui juge sainement et impar­
tialement des faits et des hommes. Il n’est pas de ceux qui
ajoutent foi aux racontars ou aux murmures d’une populace
ignorante et crédule ; il n’est pas non plus de ceux qui admirent
systématiquement les seigneurs de la ville et les grands de la
terre. Il a d’ailleurs une largeur de vues bien rare à son époque
et ce que j’appellerai le sens de l’histoire : il critique dans son
Journal (p. 236) les chroniqueurs trop friands de faits divers (il
s’agit d’exécutions capitales) : « à moy ne plaist de mettre
telles choses en mon livre, et me semble une chose de petite
value, de telles folies mestre en cronicque, car chose semblable
et pareille avient tous les jours. » Profondément religieux, il
garde toute sa liberté d’esprit à l’égard des prêtres : le curé de
Saint Gorgonne, qui a suborné une jeune fille, est relâché par
l’évêque : « Vous sçavez ». dit Philippe, « que les loups ne se
estranglent point l’ung l’aultre. »
Philippe paraît avoir été essentiellement un artiste : les des-

sins à la plume qu’il nous a laissés sont fort curieux. Son style
conserve les qualités de son dessin : la facilité, l’aisance, la
naïveté, le don de la vie. Son éducation, faite à bâtons rompus,
chez toute une série de prêtres, puis chez un notaire, n’a pas
étouffé ses qualités naturelles — j’ajoute que, s’il avait été instruit
de la rhétorique, son bon sens lorrain eût sans doute pris le
dessus L
C’est d’ailleurs un homme d’une inlassable activité que ce
marchand drapier qui sut gagner une énorme fortune, que ce
fécond écrivain qui a laissé tant d’in-folios de son écriture
menue et élégante, que ce bon Lorrain qui a eu une nombreuse
famille, décimée, hélas ! par la maladie. Il sait ce qu il vaut et
il est tout content de lui, sans la moindre trace de faux orgueil
ou de sotte vanité. Marchand avisé, mais scrupuleux et honnête
en affaires, il apportera ces qualités dans la rédaction de sa
Chronique. Il est assez détaché des choses de l’État pour se
montrer impartial, assez proche des gens au pouvoir pour être
à même de connaître et de comprendre les événements, assez fin
pour en deviner les dessous, assez cultivé pour en négliger le
détail et souligner l’essentiel : bon bourgeois cossu, riche d’écus
et de sens, intelligent et curieux, il a su rédiger une Chronique
pleine de faits et de jugements intéressants, mais aussi, grâce à
ses qualités artistiques, pleine de narrations d’une naïveté déli­
cieuse, où les choses et les personnages vivent d’une vie in­
tense.
Dans l’histoire de la littérature française, Philippe doit tenir
sa place entre Joinville et Amyot ; grâce à lui, il n’est pas de
ville française dont l’histoire nous soit mieux connue, dans les
dernières années du xve siècle et les premières années du xvi',
que celle de la patrie du pieux chaussetier, qu il appelle si fiè­
rement « la noble cité de Metz ».
II
Les

oeuvres de

Philippe

de

Vigneulles

Philippe de Vigneulles a été un auteur fécond. L’on peut
négliger les poésies, assez plates et médiocres, quil composa
1. Philippe n’a point ignoré l’art de rhétorique, puisqu’il a composé un rébus de Picardie
(p. 8 ,et n. i).

INTRODUCTION

XI

dans sa prison : deux complaintes (Journal, p. 70-75, p. i32i34), des oraisons à Notre Dame, à saint Nicolas, à sainte Barbe
(B N, nouv. acq. fr. 3374, f°g 1 ; cf. Journal, p. 7b) ; et quelques
pièces de circonstance (Journal, p. i54, i55-i56, 201). Mais il a
laissé des oeuvres enprose considérables. Nous nous contenterons
de les énumérer :
i° La translation de rime en prose du livre de la belle Bèa~
trice et celui de Garin le Lorrain.
Le manuscrit autographe appartient à la Bibliothèque de la
ville de Metz (n° 847[97], Catalogue desmss., etc., t. V, p. 307).
Philippe nous a donné la date exacte de cette « translation » .
« En celle dite année mil V cent et XV, je, Philippe de Vigneulle, compouseur de ceste présente cronicque, translatis et
mis de ancienne rime en prouse le livre de la belle Biautris et
celui du Lourain Guérin » (Journal, p. 283). L’on consultera
sur cette œuvre, encore inédite, dans Les Lorrains et la France
au moyen âge, du comte Maurice de Pange, Paris, Champion,
[1914], l’article intitulé Garin le Loherain (p. io5-i2i). La
publication intitulée : La Chanson de geste de Garin le Lohe­
rain mise en prose par Philippe de Vigneulles, Table des
chapitres avec les reproductions des miniatures, d après le
manuscrit de la Chanson appartenant à M. le comte d Hunolstein, Paris, Leclerc, 1901, gd. in-8“ de xvi-87 p., pl. (B N
Fol. Ye 48)> ne présente pour l’historien et le linguiste qu un
médiocre intérêt.
20 Les cent Nouvelles nouvelles.
Philippe ne nous parle, dans son Journal (p. 283), que de cent
Nouvelles. Il en a sans doute ajouté dix autres dans la suite.
Il existait au début du xvne siècle deux manuscrits des Nou­
velles. L’un d’eux appartenait à Paul Ferry, mari d’Esther de
Vigneulles, l’arrière-petite-fille de Philippe. Il porte cette
mention de la main de Paul Ferry 12 : « Philippe de Vigneulles,
marchand, composa ce livre... Et depuis je l’ay veu tout escnt
de sa main, au bout duquel il l’a tesmoigné de sa mesme main
en ces mots : « Icy finent les cent Nouvelles et plus que nou« velles faictes et compousées par Philippe de Vigneulles, le
« mairchamps chaussetier, demourant à Metz, derrière Saint
1. Elles sont transcrites de la main même de Philippe, sur grand papier, avec les ini­
tiales ornées.
2. Austrasie, t, II, 1854, p. 372-373.

XII

INTRODUCTION

« Salvour, sur le quair de la rue des Bons-Enfans; lesquelles
« furent faictes et achevées la dernière feste de Paicques, qui fut
« le XIXe jour d’avril l’an M Ncent et XIII. Lequel livre de cent
« Nouvelles étoit de sa main et en celles du Sr Philippe de Vi« gneulles, advocat et aman L » Ce manuscrit est très mutilé —
on y avait enlevé, dès l’époque de Paul Ferry, des dessins, sans
doute assez légers, qui l’illustraient ; en même temps que le
dessin, la fin d’un conte et le début du conte suivant ont dis­
paru. Le manuscrit reste toutefois d’un grand intérêt. Toute la
fin est intacte : les dessins n’ont pas été exécutés dans l’espace
blanc qui avait été réservé pour eux. Un certain nombre des
Nouvelles de Philippe nous ont été ainsi conservées intégrale­
ment. Philippe a d’ailleurs revu très attentivement le texte et
il y a apporté, de sa main, un assez grand nombre de correc­
tions et d’adjonctions. Ce manuscrit s’est perdu, on ne sait
trop pourquoi, dans la bibliothèque du comte Emmery, et s’est
retrouvé, on ne sait trop comment, dans la bibliothèque de
Michelant. M. Livingston, professeur à Bowdoin College
(Brunswick, Maine, Etats-Unis), l’a acquis récemment.
Le manuscrit original signalé par Paul Ferry a disparu. Il
n’est pas douteux que le ton plus que libre des Nouvelles n’ait
été la cause de sa destruction.
H. Michelant avait publié la LXXVIIP nouvelle 2, l’histoire
de la Laitière el du Pot au lait (XCP nouvelle), suivie du vieux
conte populaire des Trois Souhaits. Gaston Paris, qui a repris
le premier des deux récits 3, 4s’est mépris, d’après cet unique
exemple, sur le caractère du recueil de Philippe i, qu’il croit
essentiellement français et composé d’après des sources surtout
orales. Or, Philippe nous dit qu’il fut, à son retour d’Italie,
arrêté par des soldats lorrains : « adont luy defflrent [son fardelette] et trouvirent dedans livres en italien qu’il rapourtoit »
[Journal, p. 72). L’un de ces livres était peut-être un Boccace.
M. Livingston a publié un certain nombre de contes de Phi­
lippe deVigneulles 5.
1. Le même qui possédait alors le ms. 88-90 de la Chronique.
2. Athenaeum français, t. II, 1853, p. 1137; Austrasie, t. Il, 1854, p. 373-381.
3. Récits extraits des poètes et prosateurs du moyen âge, Paris, Hachette, 1907,
p. 147-151.
4. Journal des Savants, 1895, p. 290.
5. Revue du XVI- siècle, t. X, 1923,p. 177-179 (LXe nouvelle), p. 183-186 (LXXXIV°nouvelle), p. 189-201 ('XCI* nouvelle); cf. Romanic Review, t. XIV, 1923, p. 97; Modem
Philology, t. XXII, 1924, p. 37-38 (LXXI' nouvelle).

INTRODUCTION

XIII

Michelant remarque (Australie, t. II, i854, p. 374) que Phi­
lippe « a parfois répété, en moins bons termes, ce que d’autres
avaient dit d’une manière plus piquante » ; mais Gaston Paris
trouve sa phrase « très naturelle et très vivante » {Esquisse histo­
rique de la littérature française au moyen âge, Paris, Colin,
1907, p. 25i-252). Les Nouvelles nouvelles de Philippe de
Vigneulles sont, dans un genre qui exige de la légèreté, assez
grossières et lourdes. Le pieux et prolixe compilateur de la
Chronique était bien l’homme du monde le moins fait pour
traiter « compétamment » des sujets scabreux.
3° Le Journal (Gedenkbuch).
Le manuscrit du Journal est aujourd’hui à la Bibliothèque
nationale (Nouv. acq. fr. 6720; voyez Mettensia, t. I, p. 120).
Le Journal a été publié avec assez de soin 1 par Michelant
(voyez p. 1 et n. 1), qui y a ajouté une préface intéressante ;
le lexique qui le termine est devenu insuffisant.
La question essentielle qui se pose est celle du rapport entre
le Journal et la Chronique : en effet, le Journal se présente, si
l’on examine son contenu, comme une véritable chronique. Le
Journal est-il un premier état de la Chronique, ou la Chronique
a-t-elle été reprise par Philippe de Vigneulles en un journal où
il aurait développé les parties capables d’intéresser spécialement
sa famille ? La question est d’importance : il s’agit de savoir,
des deux œuvres, laquelle représente la dernière pensée de
Philippe, laquelle doit être consultée et utilisée de préférence.
Le manuscrit autographe du Journal est un brouillon 2 mal
écrit et couvert de ratures : le manuscrit autographe de la Chro
nique est une mise au point définitive. Le Journal finit brusque­
ment en janvier i520, la Chronique se poursuit jusqu en i525_
La Chronique — c’était déjà l’opinion de Michelant — est donc
un remaniement du Journal. On peut objecter que Philippe, à
1. Voici le début du ms. 6720 :
.
On non de Dieu, le perre, le filz et le s[aint] Esperit, qui est ung seul Dieu en irm te,
soi[t] acoinencés cest euvre, parfaictes et achevie. On dit tout communemen
touttes chose y ait ung acomencement ; et, pour ce que mon mtancion es e es P
en ce petit traictiet la plus pert do touttes les adventure bonne et ma vaise <lue
tampts me sont advenue, et aussy plusieurs aultre diverse fortune et a venue 1“
mon tampts et desquelles j’ay heu congnoiss[ance], tant en guerre comme au
sont advenue tant en France, en Ytallie, etc.
. ,
En comparant ce texte, dont le style est visiblement négligé, avec ce ui
Michelant, on constatera que Michelant reproduit exactement le texte, mais corng
tement l’orthographe afin de la rendre plus régulière.
,
,
2. P. 339, je relève cette note pour la mise au net : « il est on caiei iau » (
le grand cahier).

XIV

INTRODUCTION

la page 3 du Journal, cite la Chronique, qui serait donc néces­
sairement antérieure au Journal :
« ... Car j’ay recueilli de plusieurs traictiéset voullumes et en
ait fait ung aultre livre qui parle de la fondacion de la noble
cité de Metz et de plusieurs adventures et advenues qui en ycelle
noble cité ont esté advenues, passé est mil ans et plus, comme
voir pourez ; par quoy en ce petit traictiet je n’en dirai comme
rien, et encor serait-ce seullement des advenue qui sont esté
durant mon temps. »
Il s’agit là, en réalité, non pas de la Chronique que nous
possédons, mais d’une autre Chronique. Cette Chronique primi­
tive était consacrée exclusivement à la fondation de Metz et aux
événements antérieurs à la naissance de Philippe.
L’examen du manuscrit de la Chronique conservé aux Ar­
chives départementales de la Moselle vient corroborer cette
hypothèse, présentée déjà par Michelant. Ce manuscrit est en
piteux état : il comprend un amas de feuillets en désordre, dont
beaucoup sont souillés, déchirés ou rongés par l’humidité ; une
grande partie du manuscrit primitif— les deux tiers à peu près
— a disparuL’on constate toutefois que les premiers feuillets sont écrits
soigneusement, d’une seule traite, avec de rares corrections : ils
donnent l’impression d’une mise au net. Vers le feuillet 49»
manuscrit primitif, qui était orné, au début de chaque chapitre,
de belles lettres dessinées à la plume, s’encombre d’une masse
prodigieuse de ratures, de renvois et d’adjonctions. Il en est ainsi
jusqu’à l’année 1417. A cette date, de nombreux feuillets font
défaut. Quand le manuscrit reprend, en i483, il présente un
caractère tout différent. Ce sont de longues pages, écrites sans
soin, avec le souci évident de ménager le papier ; des essais de
plumes, dans les marges, marquent qu’il ne s’agit, dans l’esprit
de Philippe, que d’un brouillon. Il n’y a, d’ailleurs, pour ainsi
dire aucune rature.
Philippe a donc écrit tout d’abord — c’est la première de ses
grandes œuvres — une Chronique consacrée aux origines de
Metz. Il notait sur un des feuillets du manuscrit : « Devant que
on inscripve plus avent, resgardez en Gauguin quel chose il dit
de cez empereur et de cez roy de France icy aprez escript ; car
il ne lez faut pas mestre deux fois. » Or, c’est en i5i4 qu’il a fait
ses extraits de Gaguin, comme il l’indique lui-même en tête du

XV

INTRODUCTION

manuscrit (B N, nouv. acq. franç. 6696 ; voyez Mettensia, t. I,
p. io5). La Chronique a été commencée avant le Journal ; Phi­
lippe la continuait dans l’intention, sans doute, de la poursuivre
jusqu’en 1471, date initiale du Journal.
Il rédigeait en même temps, au fur et à mesure des événe­
ments, un journal. Avant i520, Philippe s’est décidé à
donner à son œuvre l’ampleur que nous lui voyons aujourd’hui ;
utilisant à la fois comme brouillon sa vieille Chronique et le
Journal, il a écrit la Chronique que nous publions (il cite, t. I,
p. 307, des événements, qui se sont passés en i52o).
Le Journal n’a donc qu’une valeur secondaire : c’est la Chro­
nique qui nous offre le texte de Philippe sous sa forme la plus
complète et la plus parfaite.

III
La

Chronique

de

Philippe

de

Vigneulles

La Chronique de Philippe de Vigneulles commence à la fon_
dation du monde et va jusqu’en i525. C’est une chronique uni­
verselle : toutefois Philippe s’intéresse particulièrement à l’his­
toire de Metz, et, en second lieu, à l’histoire de France. Il est
même curieux de constater que ce Messin se soucie médiocre­
ment de l’histoire de l’Allemagne et l’ignore à peu près complè­
tement. C’est que Philippe ne sait pas l’allemand ; c’est aussi que
Metz est, si je puis dire, orientée du côté de la France. Si
Philippe va à la foire, c’est à la foire du Lendit, à Saint-Denis ;
s’il va en pèlerinage, c’est à Notre-Dame de Liesse, à Saint-Ni­
colas de Port, à Saint-Claude du Jura : il ne fréquente qu’exceptionnellement la foire de Francfort et il ne voyage qu’une fois
en Allemagne, lorsqu’il va au Grand Pardon d’Aix-la-Chapelle.
Toutefois Philippe s'intéresse aux grands événements de toute
la chrétienté. L’on peut dire, d’un mot, qu’il a écrit l’histoire du
monde en considérant Metz comme le centre du monde.
Sources de la Chronique.
Nous avons l’intention de consacrer aux sources de Philippe
de Vigneulles une étude approfondie : nous nous contenterons

pour le moment de renvoyer à l’article, bien fait, mais superfi­
ciel, de Mme Dorner L
Il est nécessaire de faire une distinction entre les sources
générales et les sources locales de Philippe. Pour l’histoire
générale, Philippe ne fournit naturellement que des documents
de seconde main. S’il est curieux d’étudier jusqu’à quel point
notre chaussetier connaissait les noms des empereurs romains
ou byzantins, s’il est intéressant de voir comment un Messin,
au début du xvie siècle, apprécie la mission de Jeanne d’Arc, il
est bien entendu qu’on n’ira pas chercher dans la Chronique des
documents sur Jules César ou sur la guerre de Cent Ans. Il suffit
donc de signaler en gros que Philippe a dépouillé les manuels
courants à son époque; il les a d ailleurs énumérés pompeuse­
ment lui-même à diverses reprises.
La question est beaucoup plus importante quand il s’agit de
l’histoire de Metz, où Philippe est notre source la plus com­
plète et souvent notre source unique. Pour l’époque antérieure
à celle où Philippe utilise des documents oraux, il est essentiel
d examiner en détail quelles chroniques Philippe a eues entre
les mains, et comment il s’en est servi. Mme Dorner n’a fait
qu’esquisser ce travail.
Philippe a eu le souci du document. Il s’est adressé aux moi­
nes, il a fouillé les chartriers. Il se fait traduire — car il ne
sait pas le latin *2 — les pièces originales : il nous en donne le
texte ou le résumé ; il en dessine les sceaux ou les monogram­
mes , quand les archives font défaut, il nous dit dans quelles
circonstances les documents ont disparu.
Philippe a donc la prenjière qualité de l’historien, la plus
précieuse : la curiosité. Comme il était bien placé pour avoir
accès dans tous les milieux messins, aussi bien officiels qu’ec­
clésiastiques, nous pouvons considérer qu’aucun texte important
parmi ceux qui existaient à Metz à son époque ne lui a échappé.
Une partie seulement de la Chronique est fondée sur des
sources écrites, et c’est sans doute la moins importante : ce que
Philippe nous dit des origines de Metz est plus intéressant
pour le traditionniste que pour l’historien. Dès l’année 1420,
Philippe cite les témoignages des vieillards qu’il a interrogés :
i Voyez p. i, n. 2.
2. Voyez en particulier comment Philippe reproduit l’épitaphe de l’évêque Bertrand
(t. I, p. 282). Cf. aussi t. I, p. 334, 343, 353-354, ete.

INTRODUCTION

XVII

les deux tiers environ de la Chronique reposent donc sur des
sources orales.
Valeur de la Chronique.

Comment Philippe a-t-il utilisé ses sources ? Quelle confiance
pouvons-nous avoir dans son œuvre ?
i° Valeur historique. — Philippe a un procédé fort simple,
qui d'ailleurs ne lui est pas particulier, d’utiliser les ouvrages
de ses devanciers : il les transcrit mot à mot. L’examen des
chapitres qu’il a empruntés à Jean Lemaire de Belges est, à ce
point de vue, très instructif : Philippe copie des pages entières de
1' « indiciaire et historiographe de la très illustre maison de
Bourgogne ». Nous pouvons donc avoir toute confiance dans la
Chronique : elle reproduit fidèlement les sources utilisées.
Malheureusement, dans le détail, Philippe interprète quelque­
fois et, assez souvent, commet des bévues. Jean Lemaire nous
apprend qu’Octavian Germain, roi des Agrippins ou de Cologne,
fils de Charles Ynach, « remit sus la cité de Tongres ». Phi­
lippe ajoute : « et fit édifier à Metz ». Il n'y a là ni interpolation,
ni mauvaise foi : Philippe croit qu’il est de son devoir de sup­
pléer à l’ignorance ou à l’oubli de Jean Lemaire. Mais Philippe
confond ici Octavian Germain — personnage purement imagi­
naire d’ailleurs — avec l’empereur Auguste, qu’il appelle Octavien. Et les édifices construits à Metz par Auguste sont men­
tionnés seulement dans une vie légendaire de saint Clément.
Nous touchons ici à un très grave défaut de Philippe : il
manque totalement de critique. Tout ce qui est manuscrit ou
imprimé est pour lui parole d’évangile; la chanson de geste des
Lorrains est une ancienne chronique : il s’étonne candidement
(Chronique, 1.1, p. 74) de ne pas trouver le nom de l’évêque saint
Valérien, personnage d’une autre chanson de geste, dans les
listes des évêques de Metz ; Gaguin, Jean Lemaire, les Vies de
saints ont pour lui la même valeur historique, et les miracles
les plus extraordinaires lui paraissent les plus authentiques.
Philippe, de plus, travaillait vite. Il copie ou recopie mal : il
écorche les noms propres. Ambiorix, roi des Éburons, devient
Ambiroix ; Ptolemeus Evergetes est transformé en Ptolemeus
Tungetes ; Lucius Cassius devient Caius Publius ; la forêt de
Soigne, le bois d'Isonge ; Bos le Duc (Bois-le-Duc), Bar-le-Duc.

L’on peut voir (t. I, p. 5 et n. 5) l’étrange liste des sept Sages
de la Grèce que Philippe a établie, sans doute de mémoire.
Il ne faudrait pas que ces exemples, somme toute exception­
nels, jetassent une suspicion injustifiée sur l’ensemble de la
Chronique : il s’agit là de noms particulièrement rares, et de
faits qui ne présentaient pour Philippe qu’un intérêt assez mince.
Il n’en reste pas moins que la première partie de la Chronique,
qui est fondée sur des sources écrites, contient un certain nom­
bre de confusions et d’erreurs.
En ce qui concerne son époque, au contraire, et l’époque
immédiatement précédente, Philippe nous fournit des documents
d'une valeur inestimable : il a été le témoin oculaire des événe­
ments qu’il raconte, ou il reproduit le témoignage de témoins
oculaires. Pour cette partie de sa Chronique, la plus importante
à tous points de vue, nous pouvons avoir toute confiance dans
sa perspicacité et dans son impartialité.
2° Valeur littéraire. — Au point de vue littéraire, la Chroni­
que est loin d’être une œuvre négligeable. Philippe n’est pas
un écrivain — fort heureusement, étant donné le goût de l’époque;
son style ne vaut que par ses qualités naturelles et non par le
travail. Il n’est pas douteux que Philippe n’ait rédigé très vite et
c’est bien l’impression que donne le brouillon de la dernière
partie de la Chronique : un premier jet à peine modifié par quel­
ques corrections de détail, qui ne sont d’ailleurs presque jamais
des corrections de style. Ses vers sont d’une platitude rare ;
ses contes sont plus grossiers que spirituels, il n’a ni mesure ni
goût, et la comparaison avec son modèle est écrasante pour le
Boccace lorrain. Mais Philippe raconte, dans une langue sim­
ple et familière — le français que l’on parlait à Metz au début du
xvie siècle — des événements auxquels il a pris part et qui l’inté­
ressent. La phrase se déroule, un peu longue, un peu lente,
chargée de détails pittoresques, d’observations amusantes, de
considérations morales. Tantôt c’est un trait de malicieuse bon­
homie qui vient égayer une histoire, tantôt c’est une foi fer­
vente qui anime et fait revivre pour nous une légende pieuse ;
parfois le style s’élève et Philippe s’indigne ou admire, approuve
ou condamne. Les supplices sont reproduits avec un réalisme
impressionnant L Philippe n’écrit point, il raconte, et son livre
1. Jean de Landremont, pour avoir voulu livrer Metz aux Lorrains, est condamné à
avoir le ventre ouvert : le bourreau lui arrache le coaur de la poitrine et le lui met sous"

est presque aussi vivant pour nous qu’il pouvait l’être pour les
amis et les voisins auxquels il le lisait sans doute, le soir, à la
veillée.
3Ü Valeur linguistique. — Nous avons l’intention de consacrer à
la langue de Philippe de Vigneulles une étude spéciale. Cette
langue est en effet extrêmement intéressante, autant pour l’his­
toire de la langue française que pour l’histoire du dialecte lorrain.
En effet, si nous savons comment l’on écrivait en France à
la fin duxve siècle et au début du xvie siècle, nous n’avons guère
d’échantillons du français parlé à cette époque, et nous ne sa­
vons pas jusqu’à quel point l’on écrivait comme on parlait. La
plupart des écrivains ont fréquenté les écoles ; ils savent le
latin ; leur langue est savante, artificielle. Philippe de Vigneul­
les, lui, écrit exactement comme il parle.
De plus, nous sommes fort mal renseignés sur les français
dialectaux. Depuis longtemps les dialectes étaient méprisés : l’au­
teur de Pathelin s’en sert déjà, comme Rabelais et Molière s’en ser­
viront, pour faire rire. Nos écrivains se gardent bien de parler
patois en français, et Ronsard lui-même, malgré ses théories,
ne laissera subsister dans son œuvre que bien peu de mots pa­
tois. Philippe de Vigneulles n’a point de ces scrupules : il écrit
le langage qui devait être celui des bons marchands de Metz,
un français prononcé à la façon de Metz et enrichi d’innombra­
bles lotharingismes. Il est d’autant plus sincère qu’il écrit pour
des Messins. Philippe n’imaginait pas qu’un Français ou même
un Lorrain s’intéressât jamais à son œuvre : il n’a sans doute
jamais pensé qu’elle pût être imprimée ; elle est d’inspiration
locale et son parler est local.
Par une bonne fortune, nous possédons les manuscrits auto­
graphes de Philippe : nous pouvons donc avoir, en particulier
pour la prononciation, des renseignements très sûrs. Pour la
Chronique elle-même, nous avons trois états : un brouillon auto­
graphe, une mise au net autographe, une copie exécutée par un
scribe de profession et corrigée par Philippe. C’est donc dans
des conditions exceptionnellement favorables que le précieux
document linguistique laissé par Philippe de Vigneulles s’offre
à l’étude.
les yeux. Après avoir décrit minutieusement toute l’opération, Philippe ajoute que, d’a­
voir vu toute cette graisse, un grand nombre de Messins n’ont pu manger de viande ce
jour-là, qui était pourtant le jour des Rois.

INTRODUCTION

XX

IV
Les

manuscrits de la chronique

La Chronique de Philippe de Vigneulles a été conservée dans
un assez grand nombre de manuscrits.
i° Un manuscrit, très incomplet (il ne subsiste guère qu un
tiers de l’œuvre totale") appartient aujourd’hui aux Archives dé­
partementales de la Moselle. Les feuillets se présentent d ail­
leurs dans le plus complet désordre 1 ; ils sont en partie déchi­
rés et abîmés (voyez p. i4)- Nous le désignons par la lettre A.
Le manuscrit A nous offre le premier état de la première
Chronique qu’avait commencée Philippe (p. 3 du Journal) et le
brouillon de la Chronique définitive.
Le ms. B N nouv. acq. fr. 6687 conserve vingt feuillets du
ms. A (f° 2-21). Ils commencent par ces mots : « L’an après, que
le milliaire couroitpar mil iiijc et xlj, fut maistre eschevin de la
cité de Mets le seigneur Jehan Baudoche l’anney, dit Brullart... ».
Les feuillets suivants comprennent les années i44i-i45o. Ils
se terminent ainsi : « Et tellement que, se les Trèzes n eussent
doubtez le roy, et aussy pour honneur de la dicte cité, certaine­
ment le devant dit seigneur Gérard heust estez arestez, car luy
meisme avoit enfrain et rompu son essurement... ».
Le ms. B N nouv. acq. fr. 33y4 contient aussi (f° 10 et 11) deux
feuillets qui proviennent du ms. A. Ils commencent ainsi .
« ...couchier avec mon bourrus. Et ainsy avés oy comment à
celluy jour je fus de la prison délivrés, le xxj' jour de décembre,
qui est le jour de la sainct Thomas. » Ils se terminent par :
« ...entre la cité et Lorey devant Mets sur les povres gens qui
revenoient des champ labourer en vigne, et prindrent xvij d 1ceulx bonhomes... ».
2“ Le manuscrit 838-84o [88-90] de la Bibliothèque de la Ville
de Metz, écrit tout entier de la main de Philippe, n’est autre
1 Le manuscrit est entré aux Archives de la Moselle avec la collection Finot. Je note
cette mention en marge du premier feuillet de la seconde partie du livre I, correspondant
au f» 214 r° du ras. 838 de Metz : « Ycy commense le troisiesme tome des dictes cromuues ainsi que Philippe de Vigneulle, autheur, les a distinguées, et comme appert par
Pexemplaire manuscript de l'autheur, qui est entre les mains du sieur Galois, gendre de
feu le sieur Philippe de Vigneulle, duquel l’autheur était bisayeul. Et finit le dit troisiesme tome ». On doit donc identifier ce manuscrit avec un manuscrit de la collect
Emmery (Catalogue des manuscrits des Bibliothèques publiques..., t. V, p.
).

chose que la mise au net du manuscrit À ; il porte un certain
nombre d’adjonctions, en général peu importantes, et pas mal
de corrections de pure forme. Nous désignerons ce manuscrit
par la lettre M.
Un dessin à la plume, relié dans un recueil factice appartenant
jadis à dom Jean François (Bibl. munie, de Metz, ms n°9i2
[162], p. 1 *), représente Thierri II, évêque de Metz, recevant
Amolbertin, premier maître échevin de Metz, l’an MXXXIII. Ce
dessin provient sans doute du manuscrit 88, dont les premiers
feuillets manquent et sont remplacés par une copie moderne :
le manuscrit 88, comme le manuscrit d'Epinal, devait com­
mencer par une illustration.
Nous précisons ici la description qui a été donnée par Jules
Quicherat 12 du t. I du manuscrit M dans le Catalogue général
des manuscrits des Bibliothèques publiques des départements
(t. V, p. 3o3).
Une lacune est à signaler entre les feuillets 3q6 et 397. — Il
faut corriger l’indication fournie sur les dates extrêmes du premier
volume : « Ce volume renferme l’histoire de Metz depuis sa fon­
dation, Fan du monde 2659, jusqu’en l’an de Jésus-Christ 4i8. »
En réalité, le dernier feuillet du manuscrit porte le numéro
d’ordre 418, mais le récit se continue jusqu'en 1428.
Une miniature, au f° 2i3 v°, et, au f° 168 r°, un dessin à la
plume, d’ailleurs à peine esquissé, n’ont pas été mentionnés.
Enfin ce volume porte, comme les autres, la mention : « [Ces]
croniques ont ettez retirez des mains de Monsieur de Marescot
par le soussigné, amant, citain de Metz 3, az Parri, ce 120 mars
1624. P. de Vigneulles. » Cette mention est placée à la fin du
volume.
3° Le manuscrit 34 de la Bibliothèque de la Ville d’Épinal a
été copié sur le manuscrit 838 [88]. Nous ne reviendrons pas
sur les preuves que nous en avons données 4. Transcrit par
un scribe de profession, ce manuscrit a été revu par Philippe,
1. Catalogue général des manuscrits... des départements, t. V, p. 365: dessin à la plume
tiré des Chroniques de Philippe de Vigneulles, représentant Thierry II, évêque de Metz,
recevant Amolbertin, premier maître-échevin de Metz, l’an MXXXIII.
2. C’est par erreur que nous avons attribué à Prost l’œuvre de Quicherat (ASHL,
t. XXXIV, p. 144). Voyez le Catalogue général des manuscrits... des départements,
t. XLIII.
3. Les mots amant, citain de Metz ont été recouverts par un barbouillage postérieur ;
ils restent toutefois lisibles.
4. ASHL, t. XXXIV, p. 147 et n. 3.

XXII

INTRODUCTION

qui y a apporté, de sa main, diverses corrections. Nous appel­
lerons E le manuscrit d’Épinal.
Seul le premier volume du manuscrit 34 est ancien ; les deux
autres volumes sont une copie moderne des deux derniers volu­
mes du manuscrit M.
4° Nous signalerons enfin deux manuscrits plus récents.
L un, dit manuscrit de Saint Arnould, a été copié à la fin du
xvie siècle L Il appartient à la Bibliothèque de la Ville de Metz
(842 [92]). Il ne dépasse pas l’année i3a8.
L autre a été copié au xvme siècle 12. Il appartient aussi à la
Bibliothèque de Metz (841 [91]). Il est incomplet et ne dépasse
pas 1428.
Nous n’avons pas eu à nous servir de ces deux manuscrits
pour l’établissement de notre texte.
V
La présente édition de la Chronique

L’œuvre de Philippe de Vigneulles a été largement utilisée
par Huguénin 3 4dans
5 ses Chroniques de Metz, où il a fondu,
malgré la différence des styles et au mépris de toute méthode,
les différentes chroniques messines qu’il avait à sa disposition,
sans aucune note et sans aucune référence L Aux défauts per­
sonnels de Huguénin — Huguénin ne savait même pas lire
1 écriture du xvi6 siècle — viennent s’ajouter les insuffisances de
son époque : l’on ignorait tout de l’histoire de la langue française
et du dialecte lorrain. Nous ne reviendrons pas sur les critiques
sévères qui ont été faites du travail de Huguénin : M. Hauser
le déclare « presque inutilisable » L Huguénin s’est d’ailleurs
servi du manuscrit E, le plus facile à lire.
1. Catalogue général des manuscrits... des départements, t. V, p. 305.
2. Ibid., id., p. 304.
3. Les Chroniques de la ville de Metz, recueillies, mises en ordre et publiées pour
la première fois par J.-F. Huguénin, de Metz, Metz, Lamort, 1838.
4. La Bibliothèque municipale de Metz possède une édition des Chroniques de Huguemn annotée de la main de Prost : elle porte toutes les références à la Chronique de
Philippe de Vigneulles.
5. Sources de l’Histoire de France, Paris, 1906, t. IP, p. 95.
Citons quelques faits : Hogüenin, Chroniques, p. 19, col. 2, alinéa 3, la ponctuation
rend la phrase absurde ; p. 20, col. 2, ligne 12 et suivantes : la phrase est inintelligible,
etc.
Ms. M, f° 232 : ont acquaisteit en en et en tréfonds : Huguénin : ont acquaisté
en us et en tresfons : f* 223 r" : il est question d'assener (assigner) une jeune fille en
mariage ; Huguénin transcrit assever, etc.

INTRODUCTION

XXIII

Le manuscrit qui sert de fondement a notre édition est le ma­
nuscrit M. C’est le manuscrit personnel de Philippe ; il a été
écrit tout entier de sa main et revu par lui. Quand Philippe a
corrigé un détail dans le manuscrit E, il a apporté la même cor­
rection dans le manuscrit M, qu’il avait évidemment sous les
yeux. Nous avons donné la preuve que Philippe avait apporté
de nouvelles corrections au manuscrit M après la transcription
du manuscrit E L
Notre édition reproduira donc très exactement le manuscrit
M, avec l’orthographe — si l’on peut appeler orthographe les
fantaisies graphiques de Philippe. Nous avons même essayé,
dans la mesure du possible, de conserver la disposition maté­
rielle 12 du manuscrit. Mais nous y avons introduit notre système
moderne de ponctuation.
Nous indiquons en note (a, b, c, etc.) toutes les corrections
que nous croyons devoir apporter au ms. M.
Ce n’est que pour les lacunes du manuscrit M que nous utili­
sons le manuscrit E 3. Pour le début de la Chronique, il nous a
fallu emprunter quelques pages au manuscrit A ; nous avons
même dû rétablir quelques mots d’après les manuscrits posté­
rieurs, qui ont été copiés sur le manuscrit M à une époque où ce
manuscrit était encore intact.
La question des notes était assez embarrassante. Au point de
vue historique, nous aurions été amenés assez facilement à in­
sérer dans les notes toute l’histoire de Metz et même une partie
de Thistoire mondiale : nous n’avons pas cru devoir refaire la
Chronique que nous nous chargions de publier. Des nécessités
matérielles nous interdisaient, d’ailleurs, d’accroître démesuré­
ment une publication par elle-même considérable. Nous avons
donc renoncé à identifier en note les noms de personnes et de
lieux cités par Philippe : nous ferons ces identifications à 1 Index,
qui paraîtra dans le cinquième et dernier volume de notre édi­
tion. Nous avons même renoncé à corriger les fautes ou les
bévues qui lui échappent quelquefois, sauf dans les cas où ces
1. ASHli, t. XXXIV, p. 148.
2. Les notes marginales ont été conservées et mises en italiques, en tète du paragraphe
qu’elles annoncent. — Les titres de chapitres que nous avons ajoutés sont entre cro­
chets [ ].
3. Nous n’avons d’ailleurs cette ressource que pour le tome I du manuscrit de la
Chronique (jusqu’en 1428) À partir de cette date, nous ne pouvons compter, pour com­
bler les lacunes du ms. M, que sur le ms. A, qui est en piteux état, ou sur le Journal,
qui peut être considéré (voyez p. 15) comme un brouillon de la Chronique.

erreurs risquaient de troubler le lecteur ou de brouiller la chro­
nologie. L’on trouvera également les rectifications à l’Index.
Quant aux légendes, il nous a paru inutile d’accabler le candide
chaussetier sous le poids de notre érudition moderne ; nous
avons cru, suivant le mot du R. P. Meurisse, de l’ordre de SaintFrançois, évêque de Madaure, qu’ « il ne faut point être si déli­
cat en ces matières qui sont si antiques », et qu’il ne faut point
« s’amuser à contredire impertinemment des impertinences ».
En ce qui concerne les dates, nous avons, dans le texte, con­
servé scrupuleusement les chiffres donnés par Philippe. Dans
les titres courants, nous suivons la chronologie établie par les
historiens modernes : l’on ne s’étonnera pas des désaccords que
l’on trouvera parfois entre les deux séries de dates.
Nous avons été très sobres en ce qui concerne les notes de
langue : nous n’expliquons que les phrases vraiment obscures
ou les mots qui risquent d arrêter le lecteur ou de l’induire en
erreur. Un glossaire donnera l’explication de tous les termes
vieillis ou dialectaux.
Pour faciliter la lecture de la Chronique, nous énumérerons
dans l’ordre le plus simple les principaux traits dialectaux de
la langue de Philippe, ceux qui peuvent gêner un lecteur d’ail­
leurs familiarisé avec la langue du xvie siècle.
I. Phonétique. — A) Voyelles.
Lorrain ai, è, français a :
chailleur, chaleur ; essés, assez ; et, à ; chescun, chacun ;
mallaidie, maladie ; menessa, (il) menaça ; paisse, (je) passe ;
saiche, (qu’il) sache, etc., etc.
En particulier, dans les verbes, il faut noter : nommé, (il)
nomma ; recueillait, (il) recueillit (exactement : recueilla), etc.
La terminaison âge se présente généralement sous la forme
aige : brouvaige, breuvage ; courraige, courage ; maisonnaige,
maison (exactement : maisonnage) ; saige, sage ; villaige, vil­
lage, etc.
Lorrain a, français ai :
aderoie, (ils) aideraient ; appasier, apaiser ; fasoyent, (ils)
faisaient ; mairesse, maîtresse ; passible, paisible ; pasiblement,
paisiblement, etc.

INTRODUCTION

XXV

Lorrain a, français au :
a, au (bout), etc. ; ajourd'hui, aujourd’hui ; aquelle, au­
quel, etc.
Lorrain au, français a :
aurguer, arguer ; avaulz, aval ; Gauguin, Gaguin ; opitaulx,
hôpital : principaulx, principal ; redoutauble, redoutable, etc.
Préfixe lorrain a, français é, quelquefois en :
acourrageant, encourageant ; acriprés, (j’) écrirai ; allongier
(lire : alogner), éloigner; approver, éprouver, etc.; cf. aussi :
racréacion, récréation, etc.
Au contraire, l’on trouve é-, es- pour a- : esgrandir, agrandir
(et resgrandir, ragrandir) ; escrurenl, (ils s’) accrurent ; esguet,
aguet, etc.
Lorrain ar, français er :
arreur, erreur, ; damier, dernier ; disparsé, dispersé ; sarchant, cherchant, etc.
En revanche, le lorrain présente le groupe er là où le français
dit ar :
airche, arche; gerdin, jardin; Saint Merlin, Saint Martin;
pairran, parent ; quair, (un) quart ; quairte, quatrième (exacte­
ment : quart) ; resgairdant, regardant, etc.
Lorrain i, français é :
abrigiez, abréger ; amphitiatre, amphithéâtre ; licher, lé­
cher, etc.
En revanche : français i, lorrain e (é ?) : enrechis, enrichis ;
martiresés, martyrisés ; previllaige, privilège ; proffelrait, (il)
profitera ; vezitoit, (il) visitait, etc.
Lorrain ill, français eil (euil, êil) :
conciliant, conseillant, etc.; orguilleux, orgueilleux ; recuillir,
recueillir, etc.
Lorrain ign, français egn :
ensignier, enseigner ; signeur, seigneur, etc.
Lorrain ou, français eu :
Bienaurous, Bienheureux (nom propre : Félix); esprouve,
preuve ; ouvre, œuvre ; Saint Salvour, Saint Sauveur, etc.
Lorrain ou, français o :
arouser, arroser ; compousés, composés ; fource, force ; foussé,
fossé ; lougier, loger ; mourtier, mortier ; pourtant, portant, etc.
En revanche : lorrain o, français ou : corraigeux, coura­
geux, etc.

XXVI

INTRODUCTION

Lorrain u, français eu :
fluve, fleuve ; puple, peuple, etc.
La nasale on est souvent transcrite par le groupe un :
habundant, abondant ; immundice, immondice ; proffundz,
profonds ; vagabundant, vagabondant ; voullunté, volonté, etc.
Un i entre voyelles est absent en lorrain :
braoit, (il) braillait ; pitoauble, pitoyable, etc.
En revanche : galiléyen, galiléen ; poioit, (il) pouvait (régu­
lièrement : pooit), etc.
Les voyelles en hiatus sont conservées en lorrain ; un son de
transition (w) s’est quelquefois développé :
avoust, août ; deheu, dû (de devoir) ; meheu, mu (de mouvoir) ;
pavour, peur, etc.
La lettre y doit le plus souvent être prononcée : des formes
telles que oye, oyee, du verbe ouïr, sont à lire : oyie. Comparez,
en français actuel, des mots tels que abbaye, pays.
L’e dit muet avait complètement disparu dans la prononcia­
tion à l’époque de Philippe en position finale :
i° Philippe oublie les e muets :
cest montaigne, cest cité ; manier, manière ; matier, matière ;
dé grosse pier, de grosses pierres ; infidel, les infidèles, etc. ;
entierment, entièrement, etc.
2° Philippe note des e muets qui n’existent pas :
exile, exil : lequelle, lequel ; recueille, accueil, etc.
Il écrit continuellement, dans les verbes, -oit pour -oient, et
réciproquement.
La terminaison -eau hésite entre -el, -ia et -iau :
chastel, chestel, château ; biau, beau ; chaistiaulx, chastial,
châteaux; escriptiaulx, écriteau ; nouviaulx, nouveaux; vessiaulx,
vaisseaux (vasesj, etc.
B) Consonnes.
La consonne /, à la fin d’une syllabe, ne se prononce pas :
fillieu, filleul ; quécuncques, quelconques ; sénesckat, seneschal, etc.
On trouve donc fréquemment un l dans des mots qui, étymo­
logiquement, ne comportent pas cette lettre :
dèvolz, dévôts ; esperilz, esprit ; paltron, patron, etc.

INTRODUCTION

XXVII

Il faut aussi prononcer reaime, royaume, etc., comme s’il y
avait rea(l)me ; cf. falme, famé (renommée), du latin fama.
11 semble y avoir eu hésitation entre / mouillé et / :
boullant, (huile) bouillante ; conceille, concile ; pourtel, por­
tail, etc.
Il semble y avoir eu hésitation entre n mouillé et n :
dine, digne ; mais : courongné, couronné. L n mouillé est ici
noté par ngn (courogné) : comparez : bangnié, baigné ; eslongnement, éloignement (prononcez : élognement) ; songneusement,
soigneusement, etc.
Les groupes étymologiques Ir, nr, qui, en français, dévelop­
pent un d, restent intacts en lorrain :
volrent, (ils) voulurent (ancien français : voldrent) ; volroient
(ils) voudraient, etc. ; repranre, reprendre; tanroit, (il) tien­
drait, etc.
La consonne x représente le son hh du patois actuel (ch alle­
mand de BacA) : elle équivaut aux groupes français iss, rc :
froixit, (il) froissa ; laixait, (il) laissa ; — trexe, en friche, etc.
Philippe a corrigé une fois pexour en pêcheur (il s agit de
celui qui commet des péchés, et non du pêcheur à la ligne).
Les consonnes finales présentent chez Philippe toutes sortes
de particularités.
i° Philippe prononçait, en position finale, des consonnes que
nous ne prononçons plus aujourd'hui.

Il écrit le nom de l’empereur romain Constance tantôt Cons­
tance et tantôt Constans ; il note apostate pour apostat ; assiz
pour assise ; climate pour climat ;Van seconde de Jules César, etc.
2° Philippe ne prononçait pas des consonnes que nous pronon­
çons aujourd’hui.
Il écrit les cinq cent pour les cinq sens, pou à la place de
pour, etc.
L’s du pluriel, Ve du féminin, les désinences de personnes dans
les verbes se trouvent donc notées de la manière la plus irrégu­
lière :
je retourneroit (retournerais) à mon premier acteur ; murailles
abbatues et mist (mises) à ngant ; lez hommes furent partout
esparses (épars) et respandus ; et ce nomoge (nommaient)
gceulx..., etc.

XXVIII

INTRODUCTION

II. Formes.

Article. — Philippe emploie couramment on avec la valeur
de en le et de au : le VIIe évesque fut sainct Siméon...,on tampts
de Anicète. Au pluriel, il se sert de és avec la valeur de en les
et de aux : le nom de Gaulle demoura és régions aquilonnelle.
Relatifs. — Philippe se sert fréquemment de que à la place de
qui : y oit dix nobles princes..., que firent paction ensemble... ;
Hircanus et ces frère, que tinrent le royaulme dé Perse et dé
Mède.
Il emploie aussi qui pour que : le duc print congié et emmena
sa femme, qui moult amoit.
Verbes. —C’est surtout le prétérit (passé simple) qui présente
des particularités.
Philippe a conservé un assez grand nombre de vieilles for­
mes :
construict, (il) construisit; oit, (il) eut; repeut, (il) replaça;
polrent, (ils) purent; poult, (il) put; print, (il) prit; volt, (il)
voulut, etc.
Les formes nouvelles hésitent entre les différents types de
conjugaisons :
ardait, (il) brûla (exactement : il arda) ; desmolurent, (ils)
démolirent ; espandèrent, (ils) répandirent ; eschapirent, (ils)
échappèrent ; fondirent, (ils) fondèrent, etc.
Signalons, à la troisième personne du pluriel du prétérit, la
curieuse forme lorraine en -ont : demandont, (ils) demandèrent ;
retournont, (ils) retournèrent.
On trouve parfois -ent pour -ont : délibèrent, (ils) délibérèrent ;
encontrent, (ils) rencontrèrent, etc.
L’imparfait du subjonctif, qui est formé sur le prétérit, pré­
sente aussi des formes très archaïques : volcist, (qu’il) voulût,
à côté de formes refaites : croyssent, (qu’ils) crussent ; venissent, (qu’ils) vinssent ; apparist, (qu’il) apparût, etc.
Le participe passé offre aussi quelquefois des types étranges :
iseutes, assise ; prinse, prise ; souffrit, souffert, etc.

INTRODUCTION

xxix

III. Syntaxe.

La syntaxe de Philippe de Vigneulles est fort libre. Elle est à
la fois archaïsante et populaire ; mais elle ne présente pas de
difficultés insurmontables.
Nous n’indiquerons ici qu’une seule particularité : le pronom
personnel indéfini on est souvent suivi d un verbe au pluriel .
on n’en font riens de luy en Mets : on ne fait rien pour lui à
Metz, etc.
D’une manière générale, la langue de Philippe, malgré 1 ex­
trême fantaisie de l’orthographe, est facile, et l’on arrive, avec
un peu d’accoutumance, à le lire couramment et sans fatigue.

Nous nous acquittons enfin de l’agréable devoir de remercier
ceux qui nous ont aidé à mener à bien ce travail. M. Léon Zeliqzon s’est employé avec son ardeur coutumière à trouver les
moyens d’assurer la publication de la Chronique de Philippe de
Vigneulles, et il nous a fourni d’innombrables renseignements.
M. d’Arbois de Jubainville s’est aussi occupé très activement
de la partie matérielle de l’entreprise ; il nous a confié très obli­
geamment le manuscrit des Archives de la Moselle et tous les
livres dont nous avons eu besoin ; il nous a fourni la copie que
nous avons donnée à l’imprimeur, après l’avoir soigneusement col­
lationnée nous-même au manuscrit, nous épargnant le formidable
travail de transcrire les trois in-folios de la Chronique ; nous avons
dû le mettre à contribution bien souvent pour la recherche ou
la collation de documents messins. M. Clément, directeur des
Musées et de la Bibliothèque de la ville de Metz, s’est dérangé
lui-même pour apporter à Nancy de nombreux manuscrits de sa
riche bibliothèque, en particulier ceux de la Chronique ; il a

XXX

INTRODUCTION

collationné pour nous des manuscrits messins ; il a exécuté les
photographies des dessins de Philippe que nous publions, et
c'est à lui que l’on doit toute l’illustration de ce volume.
M. l’abbé Bour s’est mis très aimablement à notre disposi­
tion, et sa connaissance profonde de l’histoire de Metz nous
a été souvent précieuse. M. Duvernoy, l’excellent archiviste
du département de Meurthe-et-Moselle, est toujours prêt à don­
ner un renseignement d’histoire ou à lire un mot difficile :
c’est grâce à son obligeance, souvent mise à l’épreuve, grâce
aussi à la bibliothèque qu’il a su réunir, que nous avons pu ren­
dre cette édition moins imparfaite. Nous devons beaucoup aussi,
il n’est pas besoin de le dire, à notre collègue M. Parisot et à sa
savante histoire de Lorraine. M. le docteur Paul Dorveaux, qui
connaît et qui aime Philippe de Vigneulles, nous a fait part de
sa précieuse expérience. Enfin M. Martin, bibliothécaire à Epinal, et M. Omont, Conservateur du Département des manuscrits
à la Bibliothèque nationale, ont bien voulu mettre à notre dispo­
sition à Nancy les manuscrits qui pouvaient nous être nécessaires.
A tous ceux-là et à tous les autres, trop nombreux pour que je les
cite ici, qui nous ont aidé à publier l’œuvre monumentale du
grand chroniqueur messin, nous adressons l’expression de nos
remerciements les plus sincères.
Charles

Bruneau.

LISTE DES ABRÉVIATIONS USITÉES DANS CE VOLUME

ASHL. — Annuaire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de la
Lorraine, Metz.
DSHL. — Documents de l’Histoire de la Lorraine, publiés par la So­
ciété d’Histoire etd’Archéologie lorraine, Metz.
HÉv. — Histoire desEvesques de l’Eglise de Metz, parle R. P. Meurisse,
Evesque de Madaure, Metz, Jean Anthoine, 1634.
HLo1. — Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, par le R. P. dom
Augustin Calmet, Nancy, Jean-Baptiste Cusson, 1728,4 vol.
HLo2. — Histoire de Lorraine, par le R. P. dom Calmet, Nancy, A. Leseure, 1745, 7 vol.
HMe. — Histoire de Metz, par des Religieux Bénédictins de la Congré­
gation de S. Vanne, Metz, Pierre Marchai, 1769.
MAM. — Mémoires de l’Académie de Metz.
MGH. — Monumenta Germanise historica.
Pour la chronologie, nous avons utilisé l’ouvrage de Mas-Latrie, Tré­
sor de Chronologie, d’histoire et de géographie, Paris, Victor Palmé,
1889.
Pour les noms de famille messins, dont la forme est très variable, nous
adoptons l’orthographe de d’Hannoncelles, Metz Ancien, Metz, Rous­
seau-Pallez, 1856.
Nous mettons entre [ ] les lettres ou les mots que nous ajoutons au
manuscrit, entre < > les lettres ou les mots que nous retranchons.

LIVRE I

[prologue]

Du“ nom de Dieu, le père tout puissant, fabricateur de tout le monde,
sans lequel nul ne peult faire ne dire chose qui soit de vallue, soit ceste
euvre encommancée, parfaictes et achevie ! Laquelle je, Philippe de
Vigneulle, le merchant et citains de Metz, ait délibérés, moyennant
la grâce de Dieu, que, à la louuange d’icelluy et à l’honneur de la noble
cité et de tous les bons seigneurs et recteurs d’icelle, de ycy dire, traicter et raconter aulcune chose d’icelle dicte noble cité, tant de sa pre­
mière fondacions comme de ceulx qui depuis, longtemps après, l’ont
acreue, agmentée, régentée et habitée. Et puis vanrait * à desclairer
les adventures et diverses choses que par aulcuns temps sont advenue,
tant en ycelles noble cité comme au païs joindant et au roiaulme
d’Astrasie, que maintenent est dicte Lorainne, auquel païs ancienne­
ment la dicte cité en estoit chief. Non pas que mon intencions soit
de tout dire, ne desclairer les choses diverses et estranges que en
celle noble cité sont advenue, tant en guelre comme aultrement :
car je ne suis pas assés souffisant pour tel euvre parfaire ; et aussi
je n’en ait point la cognissance ne du temps ne du lieu. Et trouve l’en
bien peu des faictz anciens d’icelle noble cité, pour ce que, du temps
passés, elle ait esté plusseurs foys destruicte et aruynée, tant des
Rommains, que premièrement la priment et arasairent, comme aussi
des Infîdelles, Wandre et Hongre, par lesquel la dicte cité fut touttes
arse et brullée, réservés l’oratoire sainct Estienne, comme cy après
serait dit. Par quoy touttes les escriptures et cronicques qui en ce
temps estoient faictes et escriptes furent arse et perdue. Et ne c’en
trouve rien, ou bien peu, sinon que ceu que nous en est venus de de­
hors et que aulcung acteur fourains en ont escript. Et, pour ce, je,
Phillippe dessusdict, mectras et escripveras ce peu qui m’en est venus
à cognoissances, tant de ce que j’ay veu en mon temps, qui serait
a. Ms. E. Les premiers feuillets du ms. M sont d’une écriture moderne; on peut lire
j ^-première page : « La préface et le commencement de la Chronique de Philippe
e igneule manquant dans ce manuscrit, je les ai restitués sur celuy de l’abbave de
baint-Arnoul. »
1. Je viendrai.

2

PROLOGUE

mis à la fin de ce présent livre, comme de ce j’ay recueillis en plussieurs
traictés et volume, lesquelles j’ay ycy juing *1 et concordés ensembles,
selong ma petitte possibilité et cellon le temps et les datte des chose
advenue, à miuelx que j’ay peu ne sceu, affin que ceulx qui désireront
au temps à venir a de escripre quelque chose à la louuange d’icelle
noble cité (et que possible leur vanrait à cognoissances et aront trouvés
plus des dictes cronicques que moy) puissent oster, pranre, remettre
et adjouster aulcune chose en leur livre d’icelluy petit traictés, lequel
je ne compte comme riens a regaird des grand chose digne de mémoire
qui a temps passés ont estée faictes en ycelle b.
Parquoi, comme j’ay dit, ait recueillies cecy de plussieurs traictez
et vollume, desquelles j’ay faict cincqz partie ; et les ait tousjours
acreus et agmentés de tout le temps que je puis avoir souvenances,
au mieulx que j’ay peu ne sceu, comme à la fin d’icelle vous trouvanrez, ce lire ou escouter les voulés.
Aussy, avec ycelle dicte cronicques, y ait mis et escript diverse
adventures qui sont advenue en diverse aultres païs et contrée parmei
le monde, et sellong les temps d’icelle, comme en lisant vous trouvanrez.
Néantmoins que je m’en suis passés essés légièrement, pour ce que
ce n’est pas le principal de ma matière, et aussy que plussieurs aultres
en ont plus amplement escript, comme on peult veoir par les livres
qui fait en sont c. Touteffois, en passant oultre, y ait vollus mettre,
comme vous trouvanrez ycy lisant et en brief, aulcune histoire de
Bible, du fait des Troyans, de Thèbe, des histoire rommainne ou Titus
Livius, de l’istoire scolasticque et du faict des Apostres, de Vincent
Istorial, des cronicques de Martin, de la Mer des Igtoire, de maistres
Jehan de Belge en ces Illustracions de Galle, de Frosairt et de maistre
Robert Gauguin, et pareillement de plussieurs aultres cronicques de
Frances, d’Itallie, d’Allemaigne, d’Angleterre et de Bourgongne, des
saiges phillosophe, en quel temps qu’il régnoient, la fondacions de
plussieurs cité, le temps et cornent, la vie des Perres et de la Légende
Dorrée, et de la vie de plussieurs sainctz et sainctes, et soubz quel
empereur il souffrirent martire. Et, souverainnement, de nostre apostolle et premier esvecque de Metz, le glorieux sainct Clément, confes­
seur, et cornent il vint à Metz et la convertit. Et aussi partie de la vie
et légende du glorieux sainct Livier, vray chevallier de Jhésu Crist, qui
fut estraict de noble lignée d’icelle cité de Metz, et que, pour soubtenir la saincte foy catholicque, morut et fut martirissés dessus les
Wandre et Infidelles, comme en lisant vous trouvanrés. Aussy ait cy
escript de plussieurs pappes et de plussieurs empreur de Romme et
d’Allemaigne, et des adventures que leur sont advenue, de tous les
a. Ms. advenir.
b. M porte (ci : et lesquelles, comme dict est, ne me sont pas venues à eognoissance.
Toutteffois... Philippe a rayé sur E cette phrase et remplacé touteffois par parquoi.
c. M porte ici : pourquoy je m’en tais quant à présent. Philippe a rayé cette phrase
dans E.
1. Joints.

PROLOGUE

3

évesque de Metz, combien qu’ilz ont vescus et de ce qu’il ont fait
en leur temps, et aussi de la fondacions de plusieurs esglise d’icelle
cité. Aussy y ait escriptz la vie en brief du noble duc Hervy, duc de
Metz et seigneur de toutte Astrasie, que maintenent est appellée
Lorainne, de la belle Beatris, sa femme, et du Lohorains Guerrin,
leur fdz, duquel le corps gist à présant tout enthier en la grande église
d’icelle cité de Metz. Pareillement y ait escript des roys de Frances,
et combien chacun ait régnés, et souverainnement aulcun des faictz
du noble roy Charlemaigne, du glorieux sainct Loys, qui vint depuis.
Et aulcun des faictz du très vaillant Goudefïroy de Billon, duc de
Lorainne, sellon aulcun, et des cronicques d’icelles ; et de plusseurs
aultres princes et seigneurs.
Et souverainnement i, à la thier*2, à la quarte et à la dernière par­
tie, de noz seigneurs de Metz, à qui Dieu doint bonne vie et longue,
et grâce de tellement gouverner, régenter et maintenir celle noble cité
de Metz en sa franchize et libertés, que ce soit à la louuange de Dieu
et a sallut de leur âmes, et que les bons bourgeois, citains et manantz
d icelle puissent vivre paisiblement desoubz eulx et les servir, honnorer et obéyr jusques à la fin ! Et d’icelle cité et seigneurs, en ma thierc 2,
quarte et dernière partie, comme vous oyrés, ait plus vollus escripre
que de toutes autres chose, pour ce, comme j’ay dit dessus, que c’est
ma principalle matier. Et, affin que en ayés mieulx la cognoissance
et que mieulx puissés entendre, je vous nommeray, quant temps se­
rait, les lignies, lesquelles, aprez loing temps, ont gouvernés et régentés
ycelle noble cité. Et puis, à l’acommencement de ma seconde partie,
je vous desclairerés cornent fut fait le premier maistre eschevin que
jamais fut créé en Metz, et qui le fut ; et, pareillement, tous les autres
en suivant, en vous les nommant tout par ordres, et comme il ont
régnés et gouvernés, ainsy que en lissant vous trouverez. Et aussy
des chose diverse et merveilleuse que en leur temps sont advenue,
tant de Metz comme aultre part.
Néantmoi[n]s que parmei les dicte cronicque je y ait mis en escript
beaucolpt de chose lesquelles je sçay bien qu’elle ne sont pas de grant
vallue (mais chacun en retenrait ceu qu’il luy plairait le mieulx), cy
prie à tous liseurs, auditeurs, qu’ils vuellent pranre en greez l’œuvre
et les penne que j’ay prin à les recueiller, concorder et escripre,
et qu’i leur plaise à me pardonner les faultes que y sont, lesquelles
]e leur prie qu’il veullent corrigier et amender, car j’en ait faict
sellon mon petit entendement et selloing que j’ay peu cognoistre et
apprandre, espérant que par yceulx soient ycelle faulte amendée et
corrigée.

1- Suppléer : j’ai écrit.
2. Tierce.

4

LES SIX AGES DU MONDE

[LES SIX

AGES DU

MONDE]

Et, premièrement, pour mieulx entendre, et affin que chacun sache
et cognoisse en quel temps et en quel eage les chose ycy après escriptes ont esté faicte, et aussy pour congnoistre en quel temps que plusseurs personnaiges ont régnez tout au commancement, je vous vuelt
dire et desclairer les six eages du monde, en quel temps il ont commancés et combien chacun ait durés. Et vous dirait en brief quelle
personnage digne de mémoire en chacun des eages ont régnez, affin
que mieulx vous en ayés la cognoissances quant on parlera d aulcun
d’iceulx. Non pas que mon intencions soit de vous tout dire, et nommer
les nom des grands personnages et gens de grant réputacions qui ont
vesqueu et régnés devant l’Incarnacions Nostre Seigneur, et les grand
clerc qui ont fait les grandes merveilles, tel comme Virgille et aultres,
car d’iceulx je m’en passe, mais seullement vous nommerais en brief
aulcung d’iceulx parsonnaige digne de mémoire, tant de ceulx de
devant l’Incarnacions comme de ceulx après, et du temps qu’il ont
réngnés, et parties des choses qu’il ont faicte, comme vous oyrés.
Quant a premier, est à noter que le premier eage de ce monde ce
commence de Adam, nostre premier perre, en jusques à Noël l. Auquel
eages nous avons le bon Abel, lequel premier ouvrit la terre. Et puis
fut Enoch, la saincte personne, lequel, par la vollunté de Dieu, fut
prins et ravis de ce monde, et fut pourtés en paradis terrestre. Puis
Lameth, Tubal et Jubal, et aultre saincte et ingénieuse parsonne,
comme le met la saincte Bible en son premier livre, nommé Genesis.
Et durait cest eage l’espace de mil deux cent et XLII ans.
Le second eage fut de Noël jusques à Abraham. Auquel temps,
comme pareillement le met la saincte Bible, furent plusseurs person­
nages digne de mémoire, par ce qu’il acrurent, édifièrent et agmentairent le monde de nouviaulx, comme cy aprez serait dit ; telz corne
fut le grant Nambre 2 3et4 plusseurs aultres. Puis fut de cest eage le
bon proudon 3 Nachor, qui tant amait Nostre Signeur. Pareillement
son filz Tharé, qui vesquit sainctement comme son père. Et fut cellui Tharé père Abraham, le bon patriarche. Et durait cest eage mil
trois cent et XL ans.
Le thier eage 4 de Abraham jusques au prophète royal David, se­
cond roy d’Israël. Auquel eage furent et régnairent ceulx ycy après
nommés, qui furent gens de grant réputacions, tant Juif comme
paiens, infidelles et gentil. Premier 4 ledit Abraham, Ysaac et Jaicob,
desquelx issirent les XII lignie d’Israël. Pareillement fut Méchisedech et Moyse. Aussy Curos qui édiffiait Athène, Bachus qui trouva
1. Noé.
2. Nemrod.
3. Prudhomme.
4. Suppléer : fut.

LES SIX AGES DU MONDE

5

la manier de planter la vigne. Puis *1 du vaillant Josué, du grands
chiens qui avoit nom Cerberus, que les poètes nommoient portier
d’enfer, de Proserpine, de Orpheus le mennestrel, de Dedallus, de
Herculles et de son Olimpiaide, de la fondacions de la grand Troyes, du
roy « [Tros, du roy Priam, et] de Hecuba, sa femme, avec leur géné­
ration, comme Hector, [Paris, Troylus et plusieurs] aultre, de la belle
Helainne, pour laquelle fut destruite la dicte cité des Gréez, lesquelz
y furent X ans. Et d’iceulx Grecs en y morut IIIe IIIIXX mil ; et de
ceulx de Troye furent occis XVIII fois cent mil ; et du rest vinrent
les Fransois et plussieurs aultre nation de la bonnairetez b du roy
Pirus. Item, en ce temps cy, faillirent les Juges d’Israël, dont Sa­
muel fut le damier. Et acomence le Livre des Rois, dont Saül fut le
premier. En celluy temps estoit Omère, on temps Saül, et viquoit
le roy Codrus, et, en celluy temps, le roy Brutus, premier roy de Bretaingne. Et adonc vint le roy David, et faillit le thier eaiges, lequelle
durais IXe LXXIII.
Item, le quatre eaige comence à David. Puis en icelluy temps fut
Nathan et Galde 2, 3les prophète; après vint Salomon, Remus et Romulus, Thobie, Sebille 3, Hérittée4 et plussieurs aultre Sebille,
Nabugodonosor, la transmigration de Babillonne. Et [là faillit le
quatre eaige, lequel avoit durez VIe et XII ans.
Le Ve eaige acomence à la dicte transmigration et durait jusques à
l’avènement Nostre Signeur. Duquelle eaige furent les VII saige de
Grèce, c’est assavoir : Thalès, Milenus, Solon, Lacédémonnien, Théobolus, Lidius de Corinthe, et Bias 5 ; Esopes le poète, Daniel le pro­
phète : de 6 Pithagoras, Democritus, Eraclitès, Anaxagoras et Herciles 7, Socrates, Esdras, Empodocles, Permenides, Néémies 8, Malachies, Ypocras 9, Gorgias, Platon. Pareillement fut de ce temps le
grant roy Assuerus et la noble Hester la royne, Diogenes, Aristot, Démostènes ; du 6 grant roy Alexandre de Macédone et du roy Dairs de
Perse, de Tholomés 10, roy d’Egipte, Menander le poète, Hannibal de
a. Ms. A. Ici le manuscrit d’Eplnal comprend deux feuillets d’une main moderne
(Huguenin) : le texte en est grossièrement altéré.
Les coins des feuillets du ms. A étant rongés par l’humidité, f’ai dû compléter quelques
fragments de phrases au moyen du ms. M, c’est-à-dire, en dernière analyse, du manuscrit
de Saint- Arnould. Ces fragments, placés entre [], ne reproduisent donc pas l’orthographe
de Philippe de Vigneulles.
b. M et B ont : débonaireté.

1. Suppléer : fut.
2. Gad (Il Samuel, 24, 11).
3. La Sibylle.
4. Erechtée.
5. Philippe de Vigneulles s’est étrangement mépris sur le nom des sept sages de la
Grèce : Thalès de Milet, Solon d’Athènes, Chilon de Lacédémone, Cléobule de Lindos,
Périanthe de Corinthe, Bias de Pirène, Pittacus de Mitylène.
6. Suppléer : ce fut l’âge...
I. Serait-ce un souvenir confus du célèbre mythe d’Héraclès entre le vice et la vertu?
8. Néhémie.
9. Hippocrate.
10. Ptolémée.

6

LES SEPT AGES DE L’HOMME

Carthaiges, Scipion Affricain, des sept Machabée, Jullius César, Cathon, Virgille, Yarro historiographe, Cicero, Octovien *1 empereur,
Ovide, Anthoinne, compaignon de l’empire de Romme, !a nativité
Nostre Damme. Et durait cest eaige V° IIII** et XVI ans. Et ainsy
faillit le Ve eaige.
Et s’acomence le VIe à la Nativité de Jhésus Crist ; et durerait
ycelluy jusqu’à la fin du monde, aquelle eaige y ait desjay heu tant
de noble gens et de saincte personne, telz comme les Apostre, Vierge
et Martir, Confesseur, et tant d’aultre vaillant et prudant persounaige
qui sont digne de grant mémoire, que je n’en sçaroye dire le compte,
ains me fauldroit plustost ancre et papier pour les escripre ; pour
ce m’en paisse quant à présent.

[LES SEPT AGES DE L’HOMME]

Puis, aprez ce que nous avons parlés des VI eaige du monde, rest
à veoir des VII eaige de l’omme, affin que chescun saiche que de nostre
fait et de nostre brief vie ce n’est pas grant chose. Car, au mieulx
venir, et ° que l’omme aroit tout ses souhait et viveroit en ce mortel
monde sans mallaidie et sans fortune, ce ne peult il vivre que aultant,
cellon nat[ure], comme les dictes VII aige ycy après escripte le devi­
sent.
Le premier eaige [de l’homme] est appellés inocence, et dure jusque
à VII ans.
La seconde est [dict puérille], ou, pour mieulx entendre, est dicte
enffence, et dure jusqu’fà quinze ans],
[La] tierce2, adolescence ou valetaiges, et dure jusques à XXV[ans].
[La quatriesme 2], jovence, et dure jusques à XXXV ans.
La Ve est dicte homa[ige ou virillité, et dure] jusques à L ans.
La VIe est vielesse, et dure jusques à LX[X ans].
La septième est dicte décrépitez, qui vault aultant à dire comme
vieillart, et [dure jusqu’à la fin].
Et, pour ce et à ce meisme propos, y oit 3 ung vaillant acteur 4
considérant 6, comme j’ai dit dessus, que de nostre vie n’est rien,
lequelle en ait escript par rime ung brief traictiet, et dist :
La vie de l’omme est acomparée
Aux XII mois qui font l’année.
a. Ms. est.
b. A: considérait.
1.
2.
3.
4.

Auguste (Octave).
Suppléer : est dite.
Il y eut.
Auteur.

LES SEPT AGES DE L’HOMME

7

Et, tout a premier, doit comencier
Son premier eaige en Janvier,
Et doit amender, cellon le temps,
Jusques à l’eaige de XXY ans.
Et puis, quant en XXX ans est venus,
Il se aconpère 1 a mois de Juing,
Jusques à XXXV, ne plus ne moins,
Car c’est ung temps de chailleur plain.
Mais après vient en Jullet,
C’on ne l’appelle plus varlet ;
Dont vient Aoust qui tout meüre,
Et ausy fait la créature.
Nul ne fut ne jamaix ne sera
Qui ne soit mort ou il morra :
Tousjour c’en vait a déclinans,
Tant qu’il vient au chief de l’an.
Posible ait heu peu de desduit,
Car la moitiet c’en vait par nuyt,
Que l’ome dort et pert son temps.
Jusques à XV ans est ignorans ;
Autre V ans pert de saison 2
Par malladie ou par prison.
Trente six que ly dormir monte,
XV et V rabatés du compte,
XVI ans y ait de demorant :
Ne plus ne vait l’omme régnant.
Et, ce follement ce marie,
Il n’ait jamais bien en sa vie ;
Et, quant il ait tous ses souhais,
En la fin ne gaingne que ces frais,
Car, en quelque bien que l’omme habonde,
Il n’a que sa vie en ce monde 3 ;
Et, c’il ait bien vescus son temps,
A la fin n’ait que ces despans.
C’il ait bien fait, il le retrouve :
Par l’Escripture je le vous prouve.
A brief parler et tout comprendre,
Morir convient et raison rendre.

1. S’accomparer à, être comparable à.
2. De temps.
_
3. Il faut comprendre : quelque heureux et quelque riche que 1 on soit, il faut mourir,
et l’on ne conserve alors de tous les biens de la terre que le mérite e ses bonnes
actions.

8

FONDATION DE METZ, TRÊVES, ETC.

[LA FONDATION DE METZ, DE TRÊVES, ETC.] *1 2 3

Après cecy dit des VI eaige du monde et des VII aige de Tomme,
pour venir a principaulx de ma matier je vous veult desclarier
en brief en quelle temps la noble cité de Mets fut premièrement faicte
et fondée ; pareillement la fondation et la destruction de la grant
Troye, la fondation de Trieuve et de Rome. Et des chose ycy ung vail­
lant acteur en ait escript et composet ces vers ycy en brief en la manier
qui s’ensuit.
Lé chasieaux de Monmélians. — Les a trois chasteaulx de Monmélians furent comancié Tan du monde deux mil six cent et LIX ans ;
après le grant déluge du monde environ quaitre cent et dix septz ans.
Trêves [édiffiée]. — Treive fut édiffiée au tampts d’Abraham le pa­
triarche, par Tréber, venant de Dividinum, Tan du monde trois mil
cent IIIIxx et quaitre ans, après la fondacion de Dividinum, cellon
aulcuns acteur, V« et XXV ans. Et fut ce fait devent que la cité de
Romme environ XIIR ans.
Vecy 3 une cité édiffiée
Et de noble gens dédiée,
Tenant bonne pollice ;
May, par faulte de justice,
Le temps adviendras
Que à ynoble 4 ung tampz sera.
La cité de Dividinum,
Belle, riche et triumphans,
Construicte ait esté devent Romme
Dix huict cent et XXV ans.
De Dividinum la noble cité
De nobles gens construictes a esté,
Devent que Trieuve V° et XXV ans,
Après la fondacion de Babel
La tour, par bon compte fait, de XVII ans b,
a. Ms. M. Nous suivrons dorénavant le ms. M. Les notes marginales, qui sont, comme le
ms. lui-même, de la main de Philippe de Vigneulles, ont été parfois rognées par le relieur.
Nous suppléons entre [] les lettres absentes.
b. A porte. après la confusion de Babel. Il faut comprendre : dix-sept ans, tout compte
fait, après la confusion de Babel.
1. Sur les légendes de la fondation de Metz, voyez Prost (A), Études sur l'his­
toire de Metz, les légendes, Metz, Rousseau-Pallez, et Paris, Aubry, 1865, chap. n,
p. 117-162.
J
1
2. Au principal de ma matière.
3. Le ms. A est disposé ici sur deux colonnes, en sorte que ce vers se trouve
placé exactement au dessous de la dernière phrase qui termine le premier alinéa
du chapitre. Les deux alinéas qui précèdent, ajoutés après coup, interrompent U
récit primitif.
4. Ignoble, au sens de : non noble.

FONDATION DE METZ (AN DU MONDE

1737)

9

Par les anfïans Sem, filz de Noé,
Et par leur tante, la noble Azita,
Fille de Noé et de Pmatefera.
Troye [édiffiée]. — Dardaine la cité fut comencée à édiffiez par
Dardanus, roy de Frise, l’an du monde trois mil deux cent et XVI ans,
qui depuis ait estez nommée Troye la Grande par Tros, filz de Hircanus, filz dudit Dardanus. Et fut destruictes au tamptz du roy Priam,
l’an du monde quaitre mil cent et LVIII ans, par les Grec. Ainssy
ne dura celle cité que IXe et XVII ans. Dardanus engendra Hircanus et ces frère, que tinrent le royaulme de Perse et de Méde.
Après les eaige du monde et de l’homme, que je vous ait ycy dessus
desclairés, et après le tempts et l’édificacion de Mets, de Trieuve, de
Troye et de Romme, comme dessus est.dit, rest à veoir, pour venir
à mon prepos, comment, après le déluge que Dieu envoiait sur terre,
les anfïans qui saillirent de la lignie de Noël ce espandirent parmy les
terre et les païs, et fondirent ville et cité en diverse lieu et contrée
parmy le monde, comme le tesmoigne la saincte Escripture.
L’an de la création du monde [mil] xijc et xxx. — Car, aprez ce
que fut acomanciée et fondée la tour de Babillone par les anfïans
dudit Noël, le souverains Dieu, créateur de toutte chose, ne voult
parmestre que ycelle tour fut parachevée. Ains descendit pour con­
fondre leur langue, et tellement que, en Tan de la création du monde
mil VIE et XXX, lez confondit en telle manier que nul n’entendoit
la vois de son prochain ; tant qu’il cessèrent l’euvre encomancée. Et
alors Dieu les devisa d’icelluy lieu là et les despartit par tout le monde,
comme dit est, tellement que, sellon la diversité de leurs langues, ilz
furent partout esparses et respandus.
L’an de la création du monde [mil] vijc iiijxx et xvij ans. [Getet], Jazel et [Jeleï], premier [fon]daleur de Mets, [avec] leur ante [ap-]
pelée Azita. — Après la diversités des langues et qu’il ce furent des­
partis, allant et passant plusieurs et diverses pais, terre, régions et
climats, advint que, en Tan de la créacion du monde mil VIIe IIIIXX et
XVII ans, du tampts et vivant encor ledit Noël, trois frères de la lignie
de Sem, c’est assavoir Getet, Jazel et Jelet, nobles, preus et gentilz,
très aspres en batailles, et leur ante, nommée Azita, fille de Noël, avec
leurs femmes et leur concubines et familles non petitte, allant et pas­
sant par plusieurs païs et terres, applicquairent au pais de Gaule
Belgicque, où, considérant plusieurs lieux, resgardant de touttes part
les bas, les vallées, les montées et descendue des costes et la haulteur des montaignes, vindrent en une montaigne essés belle et haulte,
et plaine de boix, pourtant fleurs et fruit, fréquentée des oyzeaulx,
couverte de aer attrempée, modérée et plaisante, bien et biau envi­
ronnée diviséement de deux rivières venant de Midi et d’Orient, et
descendant, au bout de la montaigne, vers Aquilon. Eulx considé­
rons cest montaigne estre ainssy plaisante et fructueuse, et assés

10

AUGMENTATION DE METZ (AN DU MONDE

1995)

eslevée par dessus les eawe, craingnant le déluge encor à revenir,
fichèrent en ce lieu leur tantes et pavillon, demourent illec et soy
respousant pour aulcuns tempts. Lesquelx, se sentens estre très bien
disposez, et la tempérance de l’aier estre là plus convenable que ailleur, lors délibèrent édiffier illec trois grans, haulte et fortes habitacions, avec hault et fort murs. Les ouvriers, en édifiant, avoient pour
mourtier ciment englué, bereles 1 et tuilles pour pierres, comme il
avoient en édifiant la tour de Babillonne, aincy comme recompte ung
philosophe juif et ézicins 2, et que 3 l’en a trouvé és très vielz gestes
des Messains, et que 3 ces choses sont démonstrées en des très ainciens livres très bien escript en ébreu, et aucy que 3 on voit clèrement
aujourd’huy en regardant les muraille très anciennes.
Poe de temps après, yceulx furent tant multipliés que lez dit trois
habitacles ne leur furent pas souffisant, parquoy furent contrains de
en édifier des aultres. Dont il édifièrent plusieurs grandes maison, en
manier de chaisteaulx, que sont encor aujourd’uy, les circuant et
environant de fossés très parfondz, pour la maulvaise envie de ceulx
qui les regarderoient et leurs volroient nuire.
Nynyve consl[ruile\ l’an du monde [m ixc] iiijxx et xv. — Après
plusieurs années, au tempts que Ninus eust vaincu Cham et qu’il
eust encomencée la cité de Ninive, la dédiant de son non, assavoir
l’an de la création du monde mil IXe IIIIXX et XV, les dit trois habi­
tacles furent tellement remplis de puple et de gens qu’il furent constrains édiffier aultres habitacles.
Cérébris, M[éfrès], Thémosis et H[orus] enrichisse la v[ille] en agmenlation. — Lors yssirent de celle gens quaitre homme très prudant, nobles et preux, saige en ouvraiges et bien ingénieulx, vaillant
et courageux, c’est assavoir Cérébès, Méfrès, Thémosis et Horus,
qui estoient très abondamment enrechis. Lesquelx, avec moult d’aultres, encomencèrent construire et édiffier de grandes maisons hors
des foussés, sy que, en brief tampts, ilz édiffièrent de plus grandes et
de plus beaulx habitacles qu’il n’y en y avoit illec. Lors, en les joindant aux aultres, firent une cité, la environnant de treffort murs et
haultes murailles, afïin qu’il puissent là résider et demourer paisible­
ment et plus seurement. Et, pour ce que alors il estoient passible 4,
sans noise ne sans guerre, il édifièrent tout à leur guise et voulluntés,
et en ensuiant le dit d’ung saige philosophe, lequelle dit aincy : Beata
civitas que tempore pacis parai ce ad hélium ! Lesquelles parolle, ycy
mise en latin, waillent autant à dire en françoy : Que bien heureuse
est la cité, au lampls de paix, ce préparent contre la guerre ! Et, pour ce,
yceulx fondateur firent aincy leur cité fort en sa premier fondacion,
1.
2.
3.
4.

Bereles : matériaux de toute forme et de toute nature ?
Egyptien.
Suppléer ainsi avant que.
Paisibles, en paix.

LES SEPT PORTES DE METZ, ALORS NOMMÉ DIVIDUNUM

H

comme avés oy, affin que, au tampts à venir “, il puissent résister
encontre leur annemis, ce besoing estoit.
[La] Mozelle ; [la] Saille. — Cest cité doncque est au rives dez deux
fluves, desqueulx l’ung, venant de devers Midy, fut par eulx appellé
Mozelle, pour cause qu’elle vient par les montz et montaigne. Et l’aultre, venant de devers Oriant, fut par eulx appellée Saille, pour cause
que de celle partie d’yawes vient la saline et yawes sallées. Ces deux
fluves, en courrant, sambloient licher ou arouser les murailles de la cité.
On la voit, de devers Orient, eslevée par dessus Saille, et, de devers
Occidant, on la voit resplandir par dessus Mozelle, car elle est assize
au rive de ses deux riviers.
Sept porte en Metz. — Cy elle eust dès sa premier assiz VII pourtes.
[La] première apellée Méridiane ; [la seconde] pourte Lavandière.
Premier elle eust une pourte appellée Mérediane, resgairdant vers Mydi;
et deux vers Occidant, sus la rive de Mozelle, desquelles l’une estoit
appellée pourte Lavandière, pour cause des buées et draps, linges, que
on y lavoit à ung pont de boix.
La iije, pourle a chevaulz. — L’aultre, sur ycelle meisme rue, estoit
appellée la pourte aux chevaulx, pour la cause que desjay on y tenoit
le merchiez des chevaulx, et aussy que par ycelle on menoit les che­
vaulx abevrer.
La iiije, pourle Muzelle. — L’autre estoit au bout de la montaigne,
resgairdant vers Aquillon, que lors estoit dicte la pourte de Mozelle.
Laquelle fut de très noble gens construicte, et noblement faictes et
fabricquée. Et y solloit avoir une tour merveilleusement forte, à
laquelle, en la faisant, fut gectés ung escriptiaulx és fondement d icelle,
que chantoit ainssy : Hec est structura nobillium, que, processu temporis,
defficienle juslicia, convertetur ad innobiles, c’est-à-dire : Cest édifice est
faictes par nobles, noblement construit ; deffaillant justice, serait trans­
portée aux rusiicques L
La ve, pourte Saille ; la vje, pourle au Champ d Saille ; la vije,
pourle en [Curlis], — Les aultres trois pourte estoient vers Oriant,
sur la rive de la rivier de Saille, desquelles l’une estoit dictes porte
Saille, que maintenent on dit à Poursailley, laquelle en la descente de
la montaigne resgardoit vers Orient ; l’aultre, resgairdant vers Occi­
dant, estoit dictes la porte au Champs à Saille ; lequelle champs, très
amène et plaisant, estoit près de Saille, pour la recréation des cytoiens.
La tierce pourte, aucy regardant ver Orient, estoit appellée la pourte
en Curtis. Et celle cy estoit scituée où est maintenant la paroiche

Ms. advenir.
1. Cette inscription aurait été trouvée en 1225 au moment de la destruction de la
maîtresse tour de » Portemuselle », en « lestres d’or entour ung pilleir saiellez à plonct ».
La traduction en est : « Vecy ung esdiffiement de nobles gens que, ou temps et avenir,
par defaulte de justice, se convertirait auz gens villains. » (Ms B N f. fr. 181)05, f° 104 v°105 r°).
a.

12

LES ARCHES DE JOUY

saint Mertin. Et estoit celle porte pour les vignerons et mazouiers, qui
là cultivoie et labouroie les courtis et lez terre alentour.
Plusieurs ce effoursoient de là demeurer, pour l’aménité et bonté
du lieu, et aussy pour la fertilité de la région, ce que il ne pouvoient
faire. Et, pour ce, édifièrent au dehors plusieurs maisons, que furent
encomencement de forbourcgz.
La cité s’ap[elle] Dyvidun[um], — Celle noble cité doncques, renom­
mée et belle, plainne et très remplie de bon et noble peuple, assize
au rive de Mozelle et de Saille, édiffiées de haultes et fortes maison,
fortiffîée de haultes murailfes, de foussés très parfondz, fut des habitans
et des estrangiers nommée Diuidinum, qui vault autant à dire comme
« mont des Dieux ».
Pour ce que les habitans illec estoient bien eureux comme Dieux,
moult s’efïorçoient estre illec, et ne pouvoient ; pourquoy il édifiè­
rent et construrent des fuerbourgs au dehors de la cloeson d’icelle,
et illec abitoient tout à leur plaisance.
Les arches de Joyei, du temps de Nynus.— Lors, au temps de Ninus,
la vénérable dame, fille de Noël, nommée Azita, suer de Sem et de Ni­
nus, et ante de ses trois homme qui furent édifficateurs et construc­
teur de la cité (c’est-à-dire qu’elle estoit suer de leur père), craignant
que le déluge ne advenist encor, pour résister à l’innundacion des
eawes, et pour passer seurement et sèchement de montaignes en montaigne, fist construire de grant pierres des haultes arches, dedans et
oultre la rivier de Mozelle, affin de résister au déluge à venir «, distante
de la cité environ deux lues ; desquelx arche les hommez se en amerveilloient loing tempts. Après fut là faictes habitacion de gens, et
fut illec acomencé ung villaige, que maintenant est appellés Joy. Et
luy donna ce nom ladicte damme Azita dès qu’elle édifiait lesdicte
airche, pour ce que de sa voullunté elle en avoit joys. Ces chose cy
sont démonstrée en des biaulx livres escriptes en ébreux, et bien entierment faict et compousés.
Dan ij mil iijc et viij. — En l’an deux mil IIIc et VIII, lors du
temps de Abraham, sordirent de cest gens plusieurs fort hommes,
preux et noble, sarchant icelle région les voisins, et aultres édiffiant
partout ville, villaige et cité en la descente de la riviers, ausquelle
ladicte cité favorisoit, en les conseillant, norissant, soubvenant et
defïendant virillement, vaillamment et fortement.
Dan iij mil cent et ix. [Plusieurs] édificateurs [viennent] en la ville
[par] force, désirant [y] habiter et [ê]difier. — Doncques, plusieurs année
passée, du temps que lez douze fdz Jacob furent neis, et plusieurs
jours escheus quant le puple de Israël passa la mer Rouge, l’an du
monde trois mil cent et IX, avint que, en celluy tempts, sourvindrent
a. Ms. advenir.

FONDATION DE TRÊVES (AN DU MONDE

3184)

13

encor V noble homme, grand seigneurs, chevaliers de trois nacion,
c’est assavoir Ebreux, Egipciens et Allemans, avec grant puissance
de gens. Et estoient par leurs nons aincy nommés : Eneas, Astanius,
Silvius, Carpantus et Ancus. Et demendairent au citoiens à entrer
en la cité pour prendre leur résidence. Les citoyens les refusairent en
disant : « Nous sommes essés de peuples en cy petitte place. » Ces
chevaliers estranges dirent qu’il y entreroient ; et, de fait, y entraient
par force, entre la pourte en Curtis et la pourte Méridiane ; car, en ce
lieu, n’y avoit encor alors point de muraille. Néantmoins, par la fource
des citoiens, furent reboutez et hors mis. Et y heust grand occision
dez mors et des tuez d’une part et d’aultre.
Le non de Force Faicle. — Et le lieu où fut celle baitaille fut à celle
occasion nommés Force Faictez, laquelle rue encor en pourte ajourd’ui le nom. Quant ces V noble hommez, chevalier, avec leur puissance,
ce trouvairent peu fort et reboutés, préposèrent entre eulx en conclu­
sion de non allongier i la cité, car il estoient prudant, vaillant, corraigeux, ingénieux, saiges, puissant et riches.
Lieu ancien édifiés là où présent est Saincie Glossine. — Et encommencèrent à fonder ung chaistiaulx vers Midy, assés près de la cité.
Et le firent de estofïes pareilles aux trois aultres chastelz, en intencion
de estre fondateurs de la cité comme les aultres. Et, entour d’icellui
chaistiaulx, firent plusieurs domicilie et maisonnaiges. Et tant firent
qu’il furent bons amis et paisibles avecques les cytoiens. Et est ce lieu
où maintenant est l’église de Saincte Glossine.
Trêves [fondée], l’an du monde iij mil [cent] iiijxx et [iiij]. —
Les V seigneurs devent dit accrurent et multiplièrent de peuple et de
richesse, tellement qu’il y eust ung de leurdit anfîans, nommés Trèbes, lequelle, ad cause qu’il estoit allemans, avec grande compaignie
de leurs gens, se despartirent de leurs pairrans et c’en allèrent avaulx
la rivière de Mozelle, tant qu’il trouvairent ung lieu plaisant. Et
illec fist fonder et encommencier une cité, et la nommèrent après 12
Trèbes Trebetha, qui est dicte Trieuve. Et fut ce fait au tempts que
Abraham régnoit, comme dit est. Et ancy, en l’an du monde trois
mil cent IIIIXX et quaitre, fut premier édiffiée la dicte cité de Trieuve,
par Trèbes, venant de la cité de Dividinum, que maintenant est dicte
Mets.
Toutefïois maistre Jehan de Belges, cellonces Illustracion de Gaulle3,
dit que Ninus, cy devent dit, qui fut filz à Jupiter Belus, avoit heu
ung filz d’une aultre femme, nommée Trebeta, lequelle par droit
devoit succéder au royaulme de Babilloine ; mais la royne Sémiramis
l’en gairda, car elle print le gouvernement dudit royaulme, et print
les arme pour son filz Ninus, et régna. Alors Trebeta, craingnant, et
non sans cause, la puissance et fureur de sa mairaistre, s’en fouyt
1. Eloigner. Ils décident de ne pas s’éloigner de Metz.
2. D’après.
3. Ed. Stecher, t. n, p. 288.

14

AGRANDISSEMENT DE METZ

de Babillone pour chercher aultre terre. Dont, aprez qu’il oit loing
tampts erré, vagabundant parmi le monde, il s’arresta fïnablement
en notre Gaule belgicque, et illec, dessus la rivier de Moselle, fonda
une cité qu’il nomma Trêves de son nom. Et dit encor ledit maistre
Jehan de Belges que le duc Mossellanus, filz du roy Bavo, de Belges,
fonda la cité de Mets1. Mais il ne le mest pas pour vray, etaussyjene
le sairoie croire. Et dit que ce fut du tampts que Sanson estoit juge
sur les anfïans d’Israël.
Mais, en laissant cest opinion, retournons à notre premier prepos,
et disons comment, en ycellui tamptz, ceulx de la dicte cité de Dividinum escrurent et multiplièrent tellement, et furent ung cy grand
puple qu’il avoient peu lieu et logis, et ne pouvoient plus entrer ne
lougier en ladicte cité. Et alors y avoit entre yceulx quaitre noble
homme, riche et puissant, dont les nons s’ensuient : le premier ce nommoit Badocus, Silvius 2, Disius, et Relinus. Iceulx conclurent entre
eulx de ajoitter plusieurs édiffices avec la cité.
La rue d’Ayeste. — Et, avec l’ayde dez cytoyens, firent faire la rue
nommée Ayest, qui vault atant à dire comme ajoinclion, et touttes les
maison en jusques à la pourte du Champs. Et là, leur fut ordonnés à
laissier une plaice pour tenir le merchief.
La rue de Vies et Neufz. — Et, entre la plaice et la rivière de Saille,
firent de belle haulte maison. Et, quant ces maison furent faictes, les
seigneurs de la cité, ung jour, en ce pourmenant, les resgairdoient,
et, en regardent, leur dirent : Or vous soiez les bien venus, quant vous
assamblés vies et nuef. Et alors, pour cest parolle, fut donné le nom de
Veisignef.
[Le] nom donney au Champs [d] Saille. — Et adoncquez leur or­
donnèrent encor lesdit seigneurs de laissier le champz pour aller en
Saille, qui fut dez alors nommés le Champaissaille, pour l’esbat du
puple. Alors firent quaitre quair et, chacun avec son ayde, firent
édiffier la siengne quaireure.
[Le] non du Neufz Bourg. — Et, quant le Champaissaille fut achevis
de maisonnaige et de bel arvol au quaitre quairures, firent faire maisonnaige, et firent faire une grande rue de haulte maison jusques à la
porte en Cortis. Et, quant tous ces ouvraiges furent fait de nuef, il
le appellèrent le Nuef bourg.
[Le] nom du Quartalz. — Et, entre la plaine ordonnée pour le mer­
chief et le Champaissaille, ordonnairent à vendre les grains. Et firent
l’ordonnance de la quarte messure, c’est à dire la quarte, la demi
quarte et le bichet pour le grain, et la quarte et la pinte et la choppine
pour le brouvaige. Et, pour celle ordonnance illec faicte et exécutée,
donnèrent le nom à cest place, et fut appellée le Quartal. Et ce y tenoient ceulx qui mesuroient les grains à la quartes, et furent nommés
quartiers.
1. Ed. Stecher, t. n, p. 293.
2. Suppléez : les autres, avant Stlvtus.

LES TROYENS A METZ

15

[Le] nom du [Po]nt Ray mon. — Et, aprez ce fait, ung aultre seigneur,
nommez Raimondus, fist faire ung pon de pierres a bout de la rue de
Ayette, par dessus la rivier de Saille ; et fut nommés ce pont, pour
l’amour de luy et de son non, le pont Raymon.
Item, en celluy temps que Eneas eust encommenciet le royaulme des
Latins,’auquelle XIII roy succédèrent, et le tempts fut venus et l’an
que Remus et Romulus furent neiz, cest noble cité de Dividinum
prospéroit et estoit plus renommées, et ses gens plus augmentez, méliorée et fortifiée. Sy que, après que Romulus eust encomenciés à édiffler Romme et que la seignorie royalle fmist (cest cité avoit esté
encomencée loing tampz devent, selon qu il est escript en ces mètre .
Longo Dividinum precessit tempore Romam, que vault autant à dire
que : Metz a estes loing tempts devent Romme), et que, au tampts de
Abdon,Troie fut prinse et destruite, et grant multitude de gens d’icelle,
après sa dernier destruction, s’en fut fouye, entre lesquelles y eust
deux noble homme du sanc réaulx *, l’ung, filz de Hector de Troye,
qui ce nommoit Francion, et l’aultre fut filz à Troylus, qui ce nommoit
Turchus, lesquelles emmenèrent du puple de Troie avec eulx jusques
aulx nombre de IIIF mil. Et Francion vint en Galle belgicque, que
depuis est nommée France, pour deux raison. La premier, pour les noble
Franctz cincambriens, qui estoient venus de Cincambrie devent
l’exile de Troye, et ce nommoyent les Frantz cincambriens, les­
quelles avoient par avent conquis celle région, comme cy après serait
dit en aultre lieu, cellon maistre Robert Gauguin. Et Turcus, filz de
Troylus, avec ces gens, par fortune de mer, se vinrent ariver vers le
païs de Trace, et là édifièrent plussieurs ville et chasteaulx. Et fut ce
païs appellés Turquie. Et pour ce dit on que encor jusques ajourd uy
nommés sont deux puples, assavoir les Turc et lez François. Or
ycelluy Francion, comme dit est, vint avec innumérable puple troyens
audit païs de Gaulle, et illec fit fonder plusieurs chaisteaulx, ville et
cité. Et est la seconde raison pourquoy est nommée France. Et, touteffois, le nom de Gaulle demoura és régions aquilonnelle.
Serpanne édifiés. - Et advint que de la compagnie d’icelluy Fran­
cion se partirent plusieurs noble homme, entre lesquelles y oit deux
nobles frères, estrait de royalle lignie de ceulx de Troye, dont 1 ung
fut nommés Serpanus, et l’aultre Aurenus. Yceulx deux noble homme,
eulx et leur gens, vindrent abourder és partie de Dividinum, et, à quaitre bonne lues près de la cité, fondirent ung chasteaulx nommé Ser­
panne, on nom dudit Serpanus. Et estoit ce chasteaulx assis où à présant est ung petit villaige, entre le Pont à Moussons et Dulewart.
Mais ycelluy chasteaulx ne fut point eschevis ne parfait, car les des­
susdit laissairent leur ouvraige et c’en vinrent à Dividinum, en intencion d’y demourer, et demendèrent à y entrer. Lesquelles de prime
fasse furent refusés, comme les aultre par avant avoient estés- Tout1. Royal.

16

NOUVEL AGRANDISSEMENT DE METZ, L’AN DU MONDE 3789

tefïois les nobles cytoyens leur firent assavoir que, c’il voulloient édi­
fier a dehors et acroistre la cité, très voulluntiers les y aderoie.
La pourle Serpenoize. — Et alors cellui Serpanus, avec son frère et
tout leur peuple, furent de cest offre très contant. Et, pour resgrandir
la cité, il firent amener de grosse pier qu’il avoient apareilliez pour
achevir Serpaigne, et d’icelle firent faire et fonder une pourte, grosse,
forte et haulte à merveilles, vers Midi, en chemin de la porte Mérediane ; et, on non de Serpanus, la nommèrent Serpenoize.
L’Anglemur. — Et fist encor cellui Serpanus, avec l’ayde dez citains, fermer de murailles depuis la dicte pourte jusques à la rivière
de Mozelle, et depuis la rivière jusques au chastel de Zeleth, a loing
de 1 la rivier. Et fut alors fermés le lieu nommez l’Anglez, où en celluy tampts ce pourtoient les immundice de la cité, et fut pour ce
nommés Anglemur. Et pareillement, de l’aultre part de celle pourte
Serpenoize, il fermèrent de muraille en jusques à la rivière de Saille.
Le pourle Aurène. — Et Aurenus, frère de Serpanus, fist faire une
aultre pourte, nommée Aurène. Et, pour ce, depuis et loing tampts
après, nommoit on Sainct Pier aus Aurène qui est Sainct Pier a
Champts. Et maintenent est ladicte pourte nommée la porte SaintThiébault, depuis que l’église fut fondée au dehors devant ycelle. Et
ordonna à faire 2 cellui Serpanus une grande rue depuis la porte Ser­
penoize jusques à la porte Méridiane.
La rue de Jazel. — Et ordonna encor deux aultres rue, une pour
aller au chaisteaulx de Jazel, qui estoit où est maintenant la Court
l’Evesque, et pour ce est appellée ladite rue auprès Jazel, pour le nom
du chaisteaulx, mais le populaire cy l’appellent Wauzel ; et l’aultre
rue, pour aller au Champaissaille. Et les ordonna sy spacieuse que il
pouvoit avoir, par derrier les maisons, gerdins et vergiers.
Et fut celle dicte porte Serpenoize tousjours ainsy nommée jusques
au tampts de Claudius Cézar, auquelle tempts le benoy saint Clément
fut envoiez par saint Pier à Mets, alors appellée Mediomatricum,
corne cy après serait dit. Lequelle dégectait de la cité et région, par la
vertus de Dieu, ung très grant viez serpans qui ce nourissoit en l’amphitéatre de Octovien, lequelle faisoit plusieurs malz sur le puple de
celle cité. Et, pour ce, depuis, fut celle porte appellée porte Serpe­
noize, pour le serpent.
L’an du monde iij mil vij cent iiijxx e[ ix ■ plussieur noble hom[me\ édificateur de la ville de Metz. — Or advint encor que, l’an de la
création du monde Illm VHc HHxx et IX, que, d’iceulx noble devent
dit, qui estoient venus avec ledit Francion et qui ce estoient despartis
quant Serpanus et Aurenus ce partirent, et 3 d’iceulx noble en vinrent
ariver plusieur pour demourer avec les aultres à la dicte cité de Dividinum. Et, considérant l’aménité du lieu, la bonté du climat, la doul1. Au l®ng de, le long de.

2. Ms. affaire.
S. Phrase mal faite. Il faut supprimer et.

FONDATION DE TOUL, VERDUN, THIONVILLE, MOUSSON

17

ceur de l’air, la fertillité de la terre estre illec plug grande que ailleur,
délibèrent entre eulx dès lors avoir leur conversacion et demeurance
avec leur compaignon et les habitants. Car illecque plusgieurs aultres
y venoient, voiant la cité aincy noblement cituée, legquelx y demouroient par aulcuns temps, et s’efïorgant à y demourer et édiffîer. Entre
lesquelx furent yceulx degsugdit noble et renommez, saiges et preux,
forts et gentilz hommes, prouveux 1 de conseille et très grandement
riches, dont les noms s’ensuient, c’est assavoir : Badocius, Renilon,
Leopardus, Gromaldus, Melandus, Dolbus et Chaversonus. Ces no­
bles hommes, qui compaignons avoient estés à Serpanus, furent recuillir comme lez aultre ; et, après ce qu’il heurent acort ensamble
de édiffîer, lors ce prinrent à faire ouvrer, en augmentant la cité et la
fortiffiant, en acourragant les citoyens et, les enseignant a fait de
guerre, remplirent très grandemant la cité et région du peuples et de
gens. Dont ilz furent constrain, par la grande multitude de peuple, à
faire encore plusieurs habitacions hors de la cité.
Oultre Saille fon[dée]. — Et alors Leopardus et Gromaldus, avec
Badocius, édiffièrent de grant courraige ung faulbourg oultre la ri­
vière de Saille, ver Orient, le environant de forte murailles et de fossés
profîundz ; et firent deux porte, l’une vers Mydi, l’aultre ver Orient,
les environant de fortes murailles, augmentant et fortiffiant ainsi
la cité.
Le faulbourg de Oultre Muzelle. — Melandus et Dolbus, avec l’ayde
de leurs gens et des cytoyens, édiffièrent ung aultre faubourg oultre
Mozelle ver Occident, remplissant ceste isle de plusieurs maison, l’en­
vironnant de murs espès et de haulteg tours, et de fossés la fortiffîèrent;
et là édiffièrent deux portes devers Occident, lesquelles ils garnirent
d’eawe courrante.
Après ce fait, doulx jonne homme, yssus du sanc de Serpanus et
de Melandus, dont l’ung ce nommoit Tulius et l’autre Verdunus,
voiant yceulx que en la cité de Dividinum y avoit essés peuple, con­
clurent entre eulx de acquérir terre, possession et héritaige, et deman­
dèrent à leurs perre congiez, lezquelz leurs donnèrent. Avecquez
grant puissance de leurs byen et avec grant multitude de peuples,
s’en allèrent l’ung vers Mydi, l’autre ver Occidant.
La ville de Toult.— Celui Tulius, qui s’en alla vers Mydy, à XII lieues
arier de Dividinum, par sa noblesse, avec son puple, fondèrent édiffice et fermetez belle et plaisante, et tant multipliait d’euvres et de
habitacion qu’elle fuit cité ; et, on nom de Tullius, la nommèrent
Toul.
Verdun. — Et Verdunus pareillement fîst ouvrer, à puissance de
richesse et de gens que y vindrent de touttes pars, et s’y exploitèrent
si fort que brief tempz furent fort puplées et fermées de murailles,
et fuit cituées citez ; et, on nom de Verdunus, fut nommée Verdun.
1. Pourvus.

18

LE PONT THIEFFROID ET LE PONT DES MORTS, A METZ

Lors et aprez ce fait, y oit encor pour cellui tamps deux aultre
noble homme, riche et puissant, lesquelles pareillement ce partirent
de la cité de Dividinum pour la grande multitude de puple qui abondoit en ycelle ; et, désirant comme les aultres de acquérir terre et païs,
et de édiffier nouviaulx abitaicle, et les nommer de leur nom, ont
prins grant multitude de leur bien et de leur gens, et ce despartirent
l’ung de l’aultre. Car l’ung montait amont la rivière de Mozelle avec
ces gens, et l’aultre avec les siens descendit à l’avallée d’icelle ; et ce
nommoye yceulx deulx homme ly ung Théon et l’aultre Monsion.
Théonville. — Gelluy Théon fut celluy qui dessandist avaulz la ri­
vière avec son puple ; et, à quatre lieues desoubz la cité, trouvèrent
beaulx lieu pour édiffier, et y encommancèrent à fonder édiffices et
maisonnaiges ; et donnèrent à cellui lieu le nom de Théon ; et la nom­
mèrent depuis Théonville.
Le châteaux de Mon\son\. — Et Monsion monta à quatre lieues amont
de ladicte rivière de Muzelle, avec grant peuple, et là fist faire ung
chastel sur la montaigne, et, en son nom de Monsion, i’apellèrent
Monson.
Aucuns dient que celluy ce appelloit Séon qui édiffeait le mont
Séon, c’on dit Montséon, et l’aultre se nommoit Actéon qui édifia
Théonville.
Après, par plussieurs années et saisons, aincy comme lez gouver­
neurs de la cité advisoient à l’ayde et fortifficacion desdictes murailles,
firent fonder plussieurs tours, portes et porternes tout à Tentourg de
la cité, petit à « petit, selons leur oppinions. Lesquelles depuis ont esté
defïaictes, abbatuee ou remuée.
Et ainsy, en celluy temps, par tout le monde se remplisoit la terre de
peuple et de habitacion.
Le pont Thieffroid. — Et tellement que, en ycelluy mesme temps,
y oit ung noble homme de la cité, nommés Tifïroid, lequel estoit fort
riche ; et, resgardant et considérant que la rivière de Mozelle faisoit au
temps d’yver, par force de glace, beaucop de dommaige au commun
peuple, et que, par pontz de boix ne par nefz, le passaige ne povoit
estre seur au passant, sy ce panse de lors y prouvoir noblement. Ce
qu’il fist, car il estoit homme de grande richesse. Et, pour ce, il fist
édiffier puissamment ung pont de pierre, qui fuit nommez pour son
nom le pont Thiefïroyd.
Le pont des Mor[ts\. - Or avoit celluy Tifïroid ung frerre, nommé
Moridus, qui estoit homme très saige, riche, et de grant bonté et pru­
dence. Lequel, voiant ce passaige et ouvraige de son frerre Tifïroid,
et la grant euvre de charité qu’il avoit faicte au poppulacion, considé­
rant que, à l’autre porte au-dessus, estoit aussy nécessaire, luy, esmeu
de charité et bonté, en fit édiffier ung plus grant ; et fuit nommé le
pont de Mord pour son nom : Moridus. Et par cella perdirent les deux
porte leur nom, par le très grand renon desdicts pons, qui paravant se
a. Ms. et.

METZ APPELÉE MEDIOMATRICUM

19

nommoient, les dicteg porteg, celle au deggug, la porte Mélande, pour
Melandug qui la fit faire ; l’autre, au bas, ge nommoit la porte Douve,
pour Douvug qui l’édiffia. Et par grant gucceggion de tempg, par faulte
d’entretenement, ge degmolurent leg deggugdictg pong, et furent sy
arruynég qu’il fuit force et néceggité à ceulx de icellui tempg de pourveoir de provigiong perpétuelle ; et furent rédiffiez et entretenug du
bien publicque.
La cité apellée Mediomairicum ; l’an du monde iij mil viiijc iiijxx
et viij. — Or doncqueg, comme aveig oy, furent plugieurg cité, chaitiaulx et bonne ville, avec plugieurg aultre villaige et abitaicle, faicteg
et fondég par noble geng qui en ce tamptg gortirent de la noble cité de
Dividinum, et d’icelle noble cité furent puplée et gouvernée, telz
comme Triève, Verdun et Toul, avec Mougon et Thionville, et plugieur
aultre chaigtiaulx et villaige. Car celle noble geng de Dividinum egtoient
tellement multipliég, comme avég oy, qu’il ce egpandoient par toutteg
leg mairche entour eulx. Et, alorg, ceulx qui egtoient demourég en la
noble cité de Dividinum, telz comme Serpanug, Melendug et plugieurg
aultre, voyant tant de noble cité, ville et villaige, chaigtiaulx et abi­
taicle par eulx faicteg et construite, et avec ce de leur geng abitée et
gouvernée, tindrent congédié avec lez noble citoieng à donner à ycelle
noble cité ung propre non. Et trouvairent en leur congédié, puigqu’elle
egtoit mère et fondateregge, par ceg anffang, de troig cité, c’egt aggavoir
Trieuve, Verdun et Toul, qu’il la nommeroient Mediomairicum, qui vault
autant à dire comme moyenne mère de trois cités. Et ce fut fait par le
congeil et invencion de Serpanug, lequelle egtoit homme ramplig de
grant gcience, prudance, vertug, et de merveilleux couraige. Car ladicte
cité ait Trieuve ver Acquillon, Verdun ver Occidant et Toul ver Midi ;
et aincy egt celle noble cité de Dividinum on millieu d’icelle comme
leur mère et nourigge. Et luy fut ce nom de Mediomatricum donnég en
l’an du monde IIIm IXe IIIIXX et VIII. Et par celluy nom est prouvés
et congneus qu’elle egt la très ancienne ; et, qui veult dire ou aurguer1
l’oppogite, il egt prouvé par cellui nom de Médiomatric, car mère sont
plus ancienne qu’enfïans.
Cellui Serpanus, de loyal cuer et de affectueuse amour, ordonna en
cest cité ung gaige congeil, prudante justice, diligente police et gra­
cieux régime : car il donna conseil aulx cytoyeng de entretenir et garder
leur franchise, et de non ce submegtre à nulz prince, car il estoient
essés nobles ; et mieulx vault conseil plurier que singulier. Et, par
cellui conseil, tinrent lez cytoyeng celle oppinion ferme.
Et aincy, comme avég oy, furent faicteg par ceulx de ladite cité
Médiomatrice plugsieurs cité, bonne ville, chasteau, fortresge, édifficeg
à l’antor d’icelle. Auquelle ladicte cité favorigoit en les gouvernant,
defïandant, conciliant et soubvenant, tant et sy noblement qu’elle ne
perdoit pas le nom premier ; et retenoit le second élégamment et noble1. Arguer.

20

DIFFICULTÉS ENTRE LES HISTORIENS SUR LES ORIGINES DE METZ

ment et dez lors icelle noble et renommée cité, très noble et très puis­
sante, Mediomatrica appellée très bien et très ornéement, assize en
Orient en millieu de ces III cités. Plusieurs années aprez que Romulus
eust édiffié Romme, que lez Romains furent multipliés et fortiffiez, et
que, pour l’appétit de seignoriser, ilz esmeurent guerre et batailles
contre plussieurs puple, et alors celle dicte cité résista fortement,
virillement et très puissamment, sans estres subgectz, ains estoit
damme de soy mesme et ait estés loing temps aprez. Car elle eust
conseille d’icellui Serpanus, homme saige et prudent, corne dit est, et
aussi de ces compaignon, qu’elle ne soufïrist sur soy roy ne prince
quelconque, pour ce que la chose publicquez, ou le bien commun,
seroit mieulx et plus utillement gouvernez de plussieurs que de ung
seul.
Les armes blanche et noir prinse par ceulx de la cité de Mediomalricum.
— Pourquoy, et affln qu’il apparist à tous, pandirent notamment à
leurs portes ung escu demey blan et demey noire, pou ce qu’il n’avoient
que la vie ou la mort, et non aultre supérieur (combien qu’elle estoit
tousjours subgecte à Dieu selon la manière des payens et gentilz).
La fondation de Tongres en Liège. — Item, en cellui temps et aprez
la mort de ces noble Troyens ycy devant nommez, y eust encor ung
noble chevalier de leur lignie, nommez Tongris, qui se partit de la cité
de Médiomatric par le voulloir de son perre, lequelle luy donna riches­
ses et puissances et grant compaignie de gens. Et descendèrent ver
Acquillon, et, quant ilz trouvèrent beaulx lieux et bon, y encommencèrent à fonder et édiffier chestel, maisons et fermetez, tant qu’il
encommancèrent une cité ; et le seigneur li donna son nom, car, pour
Tongris, fuit nommée Tongre. Qui depuis fuit longtemps puissante cité,
et dura en prospérité jusquez aprez la passion de Nostre Seigneur
Jésus Crist, qui la volt punir par les infîdelles, Wandres et Hongres,
lesquelles la destruirent ; par quoi son siège épiscopal fut depuis mis
et posés en Liège, et y est encor de présent.
Dificultés entre les historiens. — Or, pour ce que, depuis ce fait et
long temps aprez l’incarnacion Nostre Seigneur Jésus Crist, la noble
cité de Mets fut prinse et brûlée par les devendit infîdel, Wandre et
Hongre, comme cy aprez vous serait dit, parquoy touttez les cronicque
d’icelle furent airse et brulléez, et n’en trouve on guère chose digne de
mémoire, comme cy devent est dit, cynon ceu qui en ait esté trouvés
en diverse lieu et estrange contrée, auquelle 1 plusieurs noble clerc,
saichant la noblesse et la fondacion d’icelle noble cité, en ont escript
en plusieur aultre manière, aulcunement contrairiant lez ung aus aultre,
et disent lez ung aulcunnement a contraire de ce que j ’ay devent dit.
Néantmoins que la différence n’y est pas grande, ce bien entandre le
voullés. Car il escripvent que celle cité fut premier fondée par aulcuns
aultre noble homme dessandant de la despoulle de la grant Troie,
1. Phrase mal faite. Il faudrait supprimer auquelle.

EXEMPLE PRIS DE L’ÉCRITURE SAINTE

21

comme vous oyrés ycy aprez. Et disent aulcuns que Trieuve fut premier
fondez, laquelle chose n’est à croire. Et, pour ce que j’ez recuillis ces
présente cronicques et les ait estrait de plus de XXX voullume,
lesquelles je ait escordez ensamble au mieulx que je sceu, cy vous
dirais la contrariétés que g’y trouve, néanmoins® que, possible, et
comme je le crois, ont les acteur tous dit vérité.
Exemple prinse de l’Escriplure saincte. — Car, comme nous avons en
la saincte Escripture, au quatriesme livre des Rois et a XVIe chapistre,
là où il dit que, quant Nabugodenosor, le roy de Babillonne, oit despoullez le sainct temple de Dieu en Jhérusalem et oit mis à mort le roy
Joachim, et qu’il en oit empourtez lez saincts vessiaulx d’icellui en son
royalme et cité, avec grant multitude de peuple judaycque, et puis oit
constituez ung nouveaulx roy en Jérusalem, nommez Nathanien, fdz
au devent dit Joachin, lequelle depuis se fîst appeller Sédéchias,
auxquelles il fit faire serement de tenir le royalme de luy, c’est assavoir
qu’il le tanroit du roy Nabugodenozor ; mais, tantost aprez, ledict
Sédéchias, par le conseille des faulx prophète, devint haultains et
orguilleux encontre Dieu et son seigneur, et tellement qu il reballa a
luy, parquoy Dieu se couroussa et ly fist remonstrer par la bouche de
son serviteur le prophète Hiérémie ; mais les faulx prophète 1 abusoient,
et luy fasoyent entandant que jamais Nabugodenozor ne retourneroit ;
ains disoient que en brief seroient les saincts vaissiaulx du tample
rapourtés et le peuple délivrez ; alors crioit et braoit le sainct prophète
Hiérémie a contraire de ce, disant que, ce le roy Sédéchie ne ce randoit
à Nabugodonozor, il seroit prins à force et seroit menés en Babillone ,
et, quant les princes et les plus grant du peuple oyrent ces perolle, il
dirent a roy : « Sire, nous te prions que cest homme soit mis à mort,
car il oste à chacun le cuer de bien faire ; et ne doubtez en rien cez parolle, car il ment ; et nous le sçavons bien, par ce que le sainct prophète
Ezéchiel, qui à présant & est en Babillone, dit que Sédéchie ne verra
jà Babillone » ; et, nyantmoins que Hiérémie et Ezéchiel furent tous
deux sainct prophète de Dieu, et que en leur prophésie y eust grant
contrariétés, ce sambloit, touttefois et l’ung et 1 autre dirent vérité .
car ledict roy Sédéchie par lez parolle des fault prophète qu’il creoit fut
déceus ; et fut prins le XIe ans de son règne, a quairte mois de l’an,
et a Ve jour, à minuit, et fut emmenés en ung lieu nommez Rabatha ,
et là lui creva l’en les yeulx ; puis fut menés en Babillonne, laquelle il
ne vit mie, car il estoit aveugle, comme dit est ; et aincy fut déceus
parce qu’il creut les fault prophète, qui l’abusoient, et ne creut mie lez
prophète de Dieu, lesquelles, jay ce qu’il sambloit leur prophésie estre
contraire l’une à l’aultre, cy dirent il vérité tous deux, comme avés oy ,
et aincy, à ce prepos, je dis que possible la contrairiété des dit acteur
est tout ung. Car la premier fondacionz de ladicte cité de Mets poult
estre acomencée par la manière que j’ai di dessus. Mais possible elle
a. Ms. : néanmomoins.
b. Ms. appresant.

LA FONDATION DE METZ SELON OROSE

n’estoit encor pas cité, parquoy les devent dit acteur n’en font nulle
mencion. Et, depuis, par succession de temps et aprez la destruction de
la grant Troye, y poult venir de noble homme saillant d’icel, comme
ledit acteur meisme l’ait ycy deventdit, lesquelles pareillement vinrent
demourés et édiffier gros chastial et noble maison en ce meisme lieu.
Jay se toutefïois que cest croniquez ycy après dit qu’ilz furent lez
premier fondateur desdit trois chastiaulx, comme vous oyrés ; et ce
acomence ladicte cronicquez en la manière qui s’ensuit.
La fondation de Metz, celon Oroze, devant VIncarnation [l’an] jxc. —
Mets est une cité ancienne, construites en Europe, entre Septemtrion
et Occident, en la partie que Galle belgicquez est nommée, entre les
deux fluves Mozelle et Saille assize, et en bon pays et bonne ayère 1
scituée, de très bonnes et fertilles terres à labourer circuite, et de belle
vignes blanche et vermeilles de toutte part environnée, de haultes
montaignes et de grans bois noblement guernie, et de grandes prayeries
et pasturalz propice et de moult beau champs, meizes et gerdins saincte
et décorée, de bonnes fontaines d’yawe doulce servie, et d’aultre ruyssiaulx, viviers et estangs grandement douuées, de belles et fortes
payrières 2 de plusieurs sortes entrelassie, et de salines et aultres choses
nécessaires habund mment parrées. Et fut fondée la dicte cité de Mets,
selon Oroze, devant l’Incarnacion Nostre Seigneurs IXe ans, environ
deux cent ans aprez la destruction de la grant cité de Troie, que fut
destruictes par les roys de Grèce, du tempts que le grant roy Priam
régnoit en ycelle, qui fut perre du très vaillant Hector de Troye et du
beau Paris, son frère. Lequel Paris fut envoiés en Grèce pour ravoir
sa tente, Epionne, que le roy Thalamon tenoit par force. Et, quant il
vint en la cité Citharée, il vit la belle Hélenne, femme du roy Menelaus ;
cy s’en amoura d’elle, et laissait sa tante, et print ycelle belle Hélenne
on tample, et l’en menait à Troye avec luy. Parquoy tous les roys et
signeurs de Grèce, à la requeste dudit roy Menelaus et du roy Agamènon, son frère, prinrent guerre contre ledit roy Prian et ses fîlz et
vindrent asségier la dicte cité de Troye ; et illec tinrent le sciège X ans,
et tant qu’elle fut prinse et toucte destruicte, environ quaitre mil ans
après la créacion du monde. Et, après ycelle destruiction, vinrent par
dessa la mer plusieurs noble filz de roys, duez, contes et chevalliers qui
en eschapirent, comme le noble Francion, qui estoit descendus du
preux et vaillant Hctor. Lequelle amenait avec luy plusieurs nobles
des Troyans, ensamble leurs femme et leurs anfïans, et descendirent
par mer en Sichie, de là en Germanie. Et Anthénor vint en Ytallie,
et Eneas et Ascanius, son fdz, descendirent en Cartaige, et d’iceulx
vindrent les rois d’Albanie. Depuis revindrent en Ytallye et encomancèrent la cité de Romme, avant que Romullus et Remus, son frère,
fuissent nés. Mais depuis, pour ce qu’il la perfirent, celle fut Romme
1. Air.
2. Perrières : carrières.

FONDATION DE PARIS, REIMS, CHALONS, TROYES, VAUCOULEURS, ETC.

23

appellée, après Romulus, qui estait l’aimés. Et Turcus, le fll*. de: Troylug et ces gens, vinrent par fortune de mer vers le pais de Trace,
_
édifièrent plusieurs villes et chaisteaulx;et à l'onneurde luyfu- appelé
ledit païs Turquie. Et est tout cecy essez concordant à ce que] ay de
vent dit touchant de ceulx qui vinrent de Troye.
En la compagnie dudit Francion eust encor moult dez noble Troyens
que vinrent par dessa les mons, on quelle païs trouvaient très bonne
ayer très bon fruit et très bonne chair, tant de venoisons comme de
voillailles (car chacun des nobles avoit ung oyseau de proie sur son
poing, et ne vivaient sinon de proie la plus part). Et, pour la multitude
de galz et gelline qu’il trouvaient par dessa, nommaient ce pais
Galle • qui est tri-partie, c’est assavoir Galle belgicque, Galle celticque
et Galle trogicque ou acquitanicque. Onquelle pais commencèrent
à édiffier maison, chasteaulx et bonne villes- Entre lesquelles y oit
dix noble princes, chacun tenant ung oyseau sur leur poing, que firent
paction ensemble que, où leur oyseaulx se assoiroit, que chacun eroit
en ce lieu sa demourence et fonderoit une cité pour demeurer, luy et
ces gens l’ung après l’aultre ; dont les nons s’ensuient.
de la me de Paris. - Premier tut le pet, F„,n qu,
laissait voiler- son oyseau, tant qu’il ce vint asseoir Sus la "™r “
Sainne ; et illec, en ce lieu, fist encommancier la cité de Lutesse qu a
présant est appellée Paris, pour ce qu’il estoit descendus du bia

SiL

Fondation de la ville de Rayns. - Son frère oit non Remus ; sy vint
en Ghampaigne et laissait voiler son oysiaulx ; sy se vint asseoir sur
rivière de Velle, et illec fist encomancier la cité de Rams;
Fondation de Challon. - L’aultre oit non Charnus ; si allait-oultre
et laissait voiler son oyseau ; sy s’en vint asseoir sur la riviere
Marne, et là fit encomancier la cité de Chaalon.
.
Fondation de Troye. - L’aultre eust non Troylus ; sy laixait vo
son oyseau oultre ; si se vint asseoir sur la rivière de Samne, et à
encomancier la cité de Troye en Champaigne.
.
Fundation de la ville de Vaulcoulleur. - Les aultres passèrent oultre
sy encontrent une grosse roche, dont Mercomillus et Vanus laixerent
voiler leur deux oyseau, qui estoient de deux colleurs ; si s assirent,
et là fut encomanciée la ville de Valcoulleur.
Fundation de la ville de Serpanne. - Les aultres V chevauchèrent
plus avant, jusques à la rivière de Mozelle ; dont Serpanus e up
le blons, qui estoient frères, pour ce qu’il virent que c estoit. beau pays,
sy laixirent voiler leur oyseau, que s’assirent sur ung hauit arbre s
fuit là commancée la cité de Serpane. Ung petit aprez, son frere Lupa
le blons morut, dedans l’an ; se tint la cité seul, et n en volt jaimais
départir i autres que luy, ne obéyr à nulluy. Cest cité de S®rPa*e
à présent destruicte, et estoit ung peu au dessus du Pont
1. Il faut sans doute suppléer à après départir.

24

LES TROIS CHATEAUX DE MONTMELIAN : METZ

son, entre Dulewart et la rivière de Mozelle, là où à prégent est ung
petit villaige, comme en Pautrez cronicque ait estez dit.
Les trois chasteaux cle Monmelians. — Et les autres, qui estoient trois
jonneg frères, c’est assavoir Meliadus, Aulug et Aurenus, descendirent
au long d’icelle rivière de Mozelle. Et, quant se vint à la vesprée, si
laixirent voiler leur oyseau ; dont l’oyseau de Meliandug s’assit sur ung
mons, l’oyseau de Aulus s’assit sur une sal près de la rivière, et l’oyseau
de Aurenus s’assit sus ung hault chenne, de l’aultre part. Alors lesdicts trois frères firent faire ég dicts trois lieux trois chaisteaulx, legquelx furent fais d’une grandeur et d’unne haulteur. Cesdicts trois
frères s’amoient moult et estoient tougjourg ensembles, et tout ce qui
estoit en l’ung desdictg chagteau estoit à la volentez de l’autre ; et
quy mal faisoit à l’ung, il faisoit mal aux deux aultres. Lesdicts trois
frères estoient fort courtois et lealz, et ne vivoient mie de pillerieg,
ne ne grevoient mie les aultres terres et seigneurie d’aultruy. Mais,
tous ceulx qui d’aultre contrée venoient, et que pour eulx ouvroient,
bonement et gracieusement les paioient et contentoient, tant que leur
bonne renommée alloit par touctes les aultres terres et contrée. Et de ces
trois chaistelz et de leur gens fuit faicte et édiffié la ville de Mommelian ; et luy fut ce nom donnée aprez Meliandus, qui estoit le® plus
annés desdicts trois frères (mais, depuis, ait heu plugieur aultre nom,
comme vous oyrez).
Le nom de la rue de Jeurue. — Ces dicts trois frères adoroient Jupiter,
qui estoit dé plus grant Dieu des payens ; et se faisoit l’adoracionz
Sur le mons où l’oyseau de Meliandus s’assit, dont encor de présent
est appellés ledict lieu en latin vicus Jovis, qu’est à dire a nogtre languaige Jeurue. Et, pour ce, ceulx d’icellui paraige de Jeurue solloient
enciennement pourter en leurs armes une ydolle ; mais, de présant,
pour l’honeur de la crestienté, il pourte une aigle en lieu d’icelle ydolle.
Or, quant ce vint tantost après et que yceulx furent ung peu multi­
pliés, comme dit cegt acteur, il firent appeller cest ville Dividinum en
latin, c’est-à-dire que ce lieu estoit donnant chose divines, ou fondée
divinement (pour ce, comme j’ez dis devent, qu’elle est bien assize en
bon air et en bon païs). De laquelle fondacion Fortunatus en ait escript
ces vers :
Lfrbs munita nimis quam cingit murus et amnis:
C’est-à-dire que cest cité de Dividinum est fort, munie de bonne rivier
et cinles de haulles murailles.
Et, pour ce aucy, refïust cest dicte cité depuis appellée Mediomairicum, pour la cause, comme j’ai dict devent, qu’elle fut esseutes*1 et
mise au meylieu de trois aultre cité, comme leur mère et fondateresse
d’icelle : c’est assavoir Trieuve vers Aquilon, Toul vers Midi et Ver­
dun devers Occidant. Cest cité ait tousjours esteis, dès son acommena. Ms. les.
1. Assise.

CONQUÊTE DE METZ PAR LES ROMAINS

Æ

sement, fort et gairnie de haulte et espesse murailles, et cité de grant
deffence, et fournie de bon puple.
Et dit encore cest acteur que depuis elle ait estez appellée Mets,
corne elle est encor de présent, aprez ung chevalier romains qui fut à la
prandre et à la gaingnier, environ LX ou IIIIXX ans devent 1 incarnacion Nostre Seigneur ; car ce noble chevalier ce appelloit Menus,
et pour ce fut la cité Mets appellée. Et fut au tamps que Julius César
conquist et subjugait à luy plusieur partie du monde, corne Romme,
Ytalie, Lombardie, France, Galle, Germanie, et plusieur aultre contrée
et païs ; pourquoy il fut fait et créés premier empereur de Romme.
Et touctes ces chose que j’é ycy escriptes és deux précédant chapistre,
avec plusieur aultre que sont essés concordante aulx aultre, mest cest
acteur, et l’escript en la manière que avés oy.
Mais, pour ce que je trouves que lesdict acteur qui en ont escript,
qui sont plusieur, ce accorde d’icy en avent essés bien, et n y ait nul
différant en leur parolle que à compté soit, pour ce je retourneront
à mon premier acteur, en ensuant ce que j’és dis devent : c est assavoir
cornent, aprez ce que les nobles citains d’icelle tant noble cité furent
acreus et enrechis, ne voulrent souffrir prince ne roy sur eulx, ams
volrent vivre et morir en leur franchise et libérallité, tant et cy lon­
guement qu’il leur fust possible. Et pour ce, comme j’ay dit devent,
avoient il prins le blan et le noir en leur devise et ansaigne, disant que
entre eulx il n’avoient que la vie et la mort, ne aultre supérieur ne
voulloient avoir.

[CONQUÊTE

DE METZ

PAR

LES ROMAINS *]

Lors, après qu’il eurent longuement aincy régner en leur franchise
et libertés, les Romains, très mallement indigne, leur faisoient souvant esguet, s’efforsant plusieur fois à destruire ladicte cité, auqueulx
très vaillamment et virillement par plusieurs fois elle résistait. Et
tellement que touctes les aultres nacion la craingnoient, magniffioient,
la estimant très puissante et redoutauble. LesdictS Romains, voiant
sa résistance, eurent d’elle grant envye, car cest noble cité sur toutes
les nacions du monde avoit renommée et signorie, tant à cause de la
région fertille, habundant de tous biens, comme de la noble gentz,
bellifort et robustes, bien belliqueuses et très bien instruicte en. fais
de battailles. Ceste cité estoit nobles de gents, forte de murailles,
insupérable de haultes tours et de très biaulx pallaix, comme il est
escript en ces mettres '.
1. Sur la légende du chevalier Metius, voyez Prost (A.), Etudes sur l’histoire de
Metz ; les légendes, chap. III, p. 163-186.

26

MEDIOMATRICUM DÉTRUITE PAR JULES CÉSAR

Arces murorum sero firmat turba virorum,
Turres murate sunt nubibug associa te.
C’est-à-dire que multitude d’hommes gardant le soirs les murs et les
tours, et que les tours des murs sont eslevêes jusques aux nuées. Cest
très puissante cité estoit elère et resplandissant de très beaulx pallaix,
de haultes, fortes et belles maisons, d’or, d’argent et de belle pières
précieuses Sans nombres et sans mesure, gelonc qu’i est escript en ce
mettre :
Sunt tiby thesaury, precium tibi militât aury,
Saculy murorum complent sécréta domorum a.
C’est-à-dire qu’elle avoit or et trésor, et que les maisons esloienl plainnes
de deniers. Les bien luy venoient de touctes pars, et elle estoit partout
renommée et de tous redoubtée, tant que son nom donoit crainte
et doubte au cuer des hommes ; elle se armoit tous les jours contre
ses envieulx, en préparant tousjours armes et artellerie, sans espargnier homme que luy fut contraire, rendant à chescun se que luy
apparthenoit. Elle donequez ainssy prospérant et par long temps fut
en grant bruit et honneur ; maiz la malvaise envie desdicts Romains
ne le peult souffrir. Et, comme tous le monde fuit subgectz à eulx, ilz
conspirèrent la subjuguer ou du tout la destruire.
La ville de Mediomatricum destruide par Julius César, l’an du monde
iiij mil iijc iiijxx et ix. — Ce que aprez plusieur assaulx fuit fait.
Car, en l’an de la créacion du monde IIII mil IIIe IIII xx et IX, le
devent dict Jullius César, s’efforsant sormonter les Germains,
debeller les Bretons et destruire les Gaulx belgicque, contre legquelz
se préparant aulx armes avoit notez la cité Médiomatricquez, qu’est
maintenant Mets appellée, après doneque qu’elle eust convocqués
ses armes et heu conseille à ces gens, luy, furieulx et cruel comme ung
lion, voilant aller en Germanie en faisant la guerre en Gaule belgicquez, vint à Mets, laquelle, après plusieurs deffance, il vainquist, et la
destruisit toutte et en fist piteux desroy. O quelle doulleur ! quelle
clameur ! quelz cris ! quelz pleurs ! quel descris ! quel fuite et dispercion de celle bonnes et nobles gens ! Ne langue ne le peult expri­
mer, ne plume escripre ; nyantmoins sy en ayent piteusement les
lyseur dolleurs et les auditeur compassion ! Lors fut toutes destruicte
de fond en fondz ladictes très noble cité Médi[o]matricquez, chasteaulx
et maisons, tours, pallaix et murailles abbatues et mist *1 à nyant,
son puple tuez, extin, deschessiez et par tout disparsés. Ce très malvais
César fit faire des fossés jusques au fondz des fondement, où il fist
semer des deniers de cuivres, esquelles, à l’ung des coustés, estoit
a. Philippe avait écrit : Saculy murorum complet, etc. E a conservé cette leçon :
M présente des traces de grattage. Il faut lire, avec A : saculi nummorum. Dans le
premier vers, A offre miliat au lieu de militât.
1. Mises.

METZ RECONSTRUITE PAR METIUS, ROMAIN

à'

emprainte son ymaige, et, à l’aultre, la figure « de la cité, avec ces
mestres qui s’ensuyvent :
Tempore quo César sua Galis intulit arma,
Tune Mediomatricum devicit Mecius urbem.
Qu’est à dire : au tampts que César fit la guerre aulx Gaulx, lors
Mecius wainquisl la cité des Médiomalrissains. Et ces dictes plattmes
et deniers fist il espandre és fossés, à ceste cause que, se la cité estoit
réédiffiées une aultre fois, l’en vit que par luy avoit estés destruictes.
La ville rédiffiée par Metius, romain. — Pouc de tampts apres, ce
noble homme Mecius, prince romains, dollant et ayant compassion de
cest tant noble cité ainsy misérablement destruicte, qui avoit estez
sy bien édiffiée et tant plaisanment et en sy fertille région, bon climate
et assize, en ayer tempéré, préposa la rédiffier et réparer, ce qu il fist.
Car, voyant ce noble *1 prince Mecius, avec grant compaigme de nobles
chevalier, riche, forts et puissant (entre lesquelz ung saige chevaliers
luy donna conseille de demander par touctes cités, bonnes villes et
chaisteaulx à l’environ d’icelle cité destruicte, tous nobles et aultrez
gens d’icelle fugitifz à revenir, rappeller et pardonner), donequez en
rassembla grand nombre de puples que là revindrent à grand joie.
Le commencement des V paraiges qui gouvernaient la ville de Mets
restaurée. — En laquelle rassemblée y avoit V nobles hommes, saige,
ingénieulx et renommés, c’est assavoir Badocius, Diemus, Réguilon,
Gornaldus et Cilvius ; et les associa avec luy pour rédiffier, restaurer
et réparer la dite cité. Et de cez V noble homme sont venus lez V pairaige, comme l’en dit, lesquelles, avec le comun, gouverne encor ajourdui. Puis là emploia dé puple qui encomancèrent fort à ouvrer, relever
et rédiffier chasteaulx, pallaix, maison et aultres édiffices ; chacun
prenoit où il volloit, tant que en peu d’espasse de tampts furent les
murailles à l’entour fort redressiés. Et, en la dédiant de son nom, 1 ait
appellée Mets, comme il est escript :
Suffertus nomen dederat 2 cui Mecius urbi.
C’est à dire que Mecius imposa et donna le nom à la cité de Mets.
Parquoy, tant qu’il vesquist, il fut gardé seigneurs, prince et maistre
de la dicte cité et de ces cytoiens. Car adoneque il avoient de coustume
que, quant une ville ou une cité estoit conquise et gaignée, il uy
donnoient le nom de cellui qui estoit principal à la gaingnier, pour uy
faire honneur. Comme après Agrippa, gendre de Octovien, fut nommée
la cité de Collongne Agripina ; et aprez Argeus ou Argus tut
la cité de Strasbourg Argentina ; et après Tullius fut nommée la cite
de Toul; et après Naimmon fut nommés le chaisteaulx de Naimeur,
devent qu’il y eust point de ville ; et ainssy des aultres.
a.
1.
2.
plus

Ms. : figuge.
Il faut comprendre : car, voyant ce, ce noble prince Mecius...
Sufîetius dederat nomen... Ce vers est généralement joint aux deux vers cités
haut (p. 26).

ALEXANDRE, ROI DE MACÉDOINE

[ALEXANDRE DE MACÉDOINE]

Alexandre, roi de Macédonne. — Or je trouve que environ ce tampts
régnoit le très puissant roy Allixandre, fîlz a roy Philippe de Macé­
donne et de la royne Olimpias. Lequel Allixandre conquist moult de
païs par sa prudence et hardiesse. Et ne vesquit que XXXII ans, car il
fut ampoisonnés. Celluy roy Allixandre fut premièrement courongnés
en l’an XXe de son eaige, qui fut en l’an du monde quaitre mil VIIIe
et X ans, et devent la nativitez Nostre Seigneur Jhésu Crist trois cent
et XLVIII ans. Et régnait XII ans ; esquelles il conquist XII royaulme,
et fut seigneur de tout le monde.
Alexandre fondaleu[r] de xij cité pourtant et dédiant son nom. — Il fist
en yceulx XII ans tant de merveilles que ce fut chose merveilleuse.
Entre lesquelles il fist et édifiait XII cité, lesquelles furent touttes
nommée de son nom. Premièrement ce fut la cité d’Allixandre en
Ynde, puis Allixandre en Grèce, Allixandre en Siche, Allixandre decost Babilloine, Allixandre en Mésopotanie, Allixandre en Egypte,
Allixandre en Galam, Allixandre sus le fluyve de Grameus, où le roy
Daire fut par luy vaincus, lequel estoit puissant roy en Perse, Allixan­
dre Ercodeni, laquelles fut moult riche cité, Allixandre sur le fleuve de
Tigris, et Allixandre en Eschande, et une aultre Allixandre en Ama­
zone, et la dernier fut Allixandre en Perse h
Après la mort du bon roy Allixandre, ces princes et bairon, par
envie, firent de grande et merveilleuse guerre ensamble, et tellement
que, durant l’espaisse de XIIII ans, ne finairent de gueroier et ce tuer
l’ung l’aultre. Parquoy, durant ce tamptz, en plusieurs baitailles,
furent mors et tués XXXIIII que roy que duc que conte, lesquelles
soilloient tous estre de la maignie le roy Allixandre.
Et aussy, durant ce tampts, par leur péchiés, advindrent de grande
aventure et fortune.
Grant tremblement de terre en Grèce el cyslé abysmé[e\. — Entre les­
quelles fut par tout le païs de Grèce cy grand tramblement de terre
que ce fut merveilles ; et tellement que d’icelluy tramblement et
crollement une cité d’icelluy pays, nommée Limasy, fondit et fut cy
aruynée qu’il n’y demourait murs ne tours ne forteresse ne maison que
tout ne fut fondus et abimés. Et, avec ce, tous les homme d’icelles
cité, femme et anffans, avec les beste, furent tous enfouys et perdus
1. Il est difficile d’identifier ces villes, dont le nom n’est souvent qu’une mauvaise
lecture. L’Encyclopédie de Pauly-Wissowa connaît plus de vingt villes du nom d’Ale­
xandrie : Alexandrie en Egypte, Alexandrie sur l’Arius, Alexandrie en Margiane, di­
verses (huit ou douze) Alexandries en Bactriane et en Sogdiane, Alexandrie au pied
du Caucase, Alexandrie en Opiane, Alexandrie Bucéphale, Alexandrie d’Oritie,
Alexandrie en Macarène, Alexandrie de Carmanie, Alexandrie d’Arachosie, Alexan­
drie en Susiane, près de l’embouchure du Tigre, Alexandrie en Troad-e, Alexandrie
en Carie, Alexandrie de Chypre, Alexandrie de Thrace, Alexandrie d’Asie (?).

29

LES TONGROIS ET LES MÉNAPIENS

en leurs maison. Ne jamais depuis ne fut celle cyté restaurée ne abitée,
ains est demourée trexe et désertes à tousjourmaix.

[LE

PAYS

DE

BRABANT,
LA

LES

TONGROIS,

LES

MÉNAPIENS,

GERMANIE]

Les premier duc régnant sur le paiis de Braibant. — Puisque je me
suis mis à parler de diverse adventure que en celluy tampts advmdrent parmy le monde, et avent que je retourne à parler de la noble
cité de Mets, je vous vuelt dire et desclairer qui furent les premier
duc régnant sur le pays de Braibant et en plusieurs aultre cité, cellon
maistre Jehan de Belge. Et, premier, est à entandre que Menapms \
roy dé Cimber, Belgiens et Tongrois, fut fdz du roy Magms (lequel
fonda le chasteau de Mégie, entre les rivière du Rin et de Meuse),
descendu de la dicte très anciene et très noble lignie du roy Cimber.
Et donna ledit Menapius le nons a Ménapiens, qui estoit jadis ung
puple puissant en Gaule belgicque, voisins des Eburons, qu’on dit
maintenant les Liégeois, et de la forest d’Ardenne. Lesquelz Ména­
piens sont maintenant ceulx qui habites en la duchiés de Julliers et une
partie de la duchiés de Gheldres. César, aux cinquiesme et au sixiesme
livre de ces Commentaires, fait mencion d’eulx, et dist qu il estoient
aliez de ceulx de Terrouenne et amis de Ambiroix 2, roy des Eburons.
Et furent les damiers de ceulx qui daignèrent demender paix et appomtement audit Sésar, parquoy il est vraysemblable que c’estoit ung fort
et puissant puple.
Piolomeus régnoil l’an devenl l’Incarnation sept vingt et deux. — Ledit
Menapius régnoit assés longtemps avant la monarchie des Romains,
c’est assavoir du tampts de Ptolomeus lungetez 3,
1 2roy d Egipte. Lequel
Ptolomeus commença à régner l’an devent l’Incarnacion Nostre Sei­
gneur sept vingt et deux.
Confédération entre les Romains et ceulx de Trêves. — Environ lequel
tempts les Romains et le puples de la cité de Trêves firent une forte
confédéracion ensemble. Et fut nommée Trêves la seconde Romme,
usant les loy rommaines.
Guerre entre les Tongrois et Ménapiens 4. — Et, pour ce que le roy
Menapius, voisin de la dite Trêves, reffusa l’aliances desdit Romains,
Lucius Cassus fut envoiez contre luy avec plusieurs légions de gens
1. A partir de ce mot, Philippe recopie textuellement Jean Lemaire de Belges,
Les illustrations de Gaule et singularitez de froye, ed. Stecher, t. II, p. 323.
2. Ambiorix, dans Jean Lemaire.
3. Evergetes dans Jean Lemaire.
, , A/r.
4. Il îaut comprendre que la guerre eut lieu entre les Tongrois et les Ménapiens,
d’une part, et les Romains et les Trévires, d’autre part. Le texte de Jean Lemaire
a Cassius, Piso au lieu de Cassus, Pise.

30

PREMIÈRE INSTITUTION DU DUCHÉ DE BRABANT

d’armes, et persécuta Iesdit Tongrois et Ménapiens jusques à la grant
mer Occéane, comme le mest Orose. Mais en la fin il fut circonvenu,
attrappés et tués par eulx avec Lucius Pise, homme de dignitez consu­
laire et légat ou lieutenant dudit Gassius, consul L
De ce appointement très vitupérable non contens, le sénat et le
puple romains, quant ledit Caius Pufilius12 fut retournés à Romme,
il fut cité à certain jour par devent Celius, tribunus du puple. Mais luy,
craingnant plus griesve sentence, n’osa comparoir, ains s’enfouyt en
exil.
Veuz et jurement fait contre les Romains. — Dont le roy Menapius
fut tant indignés contre Iesdit Romains que, ung peu de tamps avant
sa mort, il assembla au temple de Mars, à Louvains, ces quaitre filz,
Léon, Godefïroy, Theutonius et Cloadic, et plusieurs aultres de ces
princes, barons et vassaulx, et illec leur fist jurer et wouer sollennellement à la statue dudit dieu Mars qu’il feroient leur pouvoir de mestre
à totalle destruction Iesdit Romains, comme avoient fait leur prédicesseurs Brenus et Belgius, très vaillans princes, lesquelles en leur
tamps prinrent et destruirent 3 Romme, exceptés le Capitolle. Par
ainssy, a commendemens du roy Menapius, ses quaitre anfïans dessus
nommés et les aultres seigneur promirent et wouèrent d’acomplir son
intencion. Et, sertains tampts après, ledit roy Menapius morut, quant
il oit régné l’espace de XIII ans 4.
Lucius Florus, historien, mest une aultre cause pourquoy ces nacions
dessus dite furent contrainte d’aller «hercher aultre territoire, et dist
que la cause fut pour ce que la grand mer Occéane avoit couverte et
gaingniez touttes leurs terre. Et dit qu’il vindrent en Espaigne, et
assaillirent Sillanus, consul, lequel il destruirent, et prindrent posses­
sion à terre d’Espaigne, et tuairent bien des Romains IIIIXX mil
homme, et quarente mil prisonniers ; et gastèrent tout le pais à l'en­
viron du Rosnes, et entrairent és Espaignes, comme dessus est dit.
Mais en la fin il furent deschaissés par les Celtibères, et c’en retour­
nèrent en Gaule, là où il ce joingnirent aux Theutonicques, qui est une
nacion belliqueuse.
Et en ce tampts Ambiorix, roy des Eburons, et Quintus Cicero,
lieutenant de Julius César, olrent plusieurs guerre ensembles ; mais
en la fin la vertu et forces demoura en Julius César.
La première institution du paiis de Braibanl. — Maintenant je vous
veult monstrer la premier institucion de la duchée de Brabant. Et
1. Ici Philippe a oublié un long paragraphe (seize lignes) dont l’absence rend le récit
inintelligible (Ed. Stecher, t. II, p. 324).
2. Lucius Cassius dans Jean Lemaire.
3. Destruisirent dans Jean Lemaire.
4. Ici finit le texte emprunté à Jean Lemaire. Philippe a sauté un chapitre entier
et repris le récit de Jean Lemaire à la page 326. Mais, cette fois, il abrège au lieu
de copier textuellement, mélangeant trois récits différents, de Florus, de Tite-Live
et d’Orose.

LE PAYS DÉ GERMANIE

31

fault acommencier a ^ premier entreveues, tant du frère, de la suer, de
l’oncle et des nepveux et niepce; meigmement, de sy haulte noblesse
et fortune sy estrange et sy nouvelle, il est faucille à conjecturer quelle
joie et quel pitié, quelle amour et quelle révérance il y eust d’une part
et d’aultre. Dont, pour faire le conte sommaire, Salvius Brabon, selon
l’otroy du don que César luy avoit promis, lui demenda en mariage sa
niepce Suvaine, la jeune damoiselle ; ce qu’il obtint sans difficultés.
Et furent célébrées les nopces en grant pompe et sollempnités au
temple des dieulx Mars et Pluton, à Lovains, selon l’ancienne
coustume, en la présence de César. Lequel offrit plusieurs grans dons
audit temple ; et donna à sa niepce pour douuaire, en tiltre de
duchiés, toutes la terre depuis la mer Ruthénic, c’est à dire de
Norwèghe, jusqu’és darnières limites des Nerviens, qui sont mainte­
nant les Hannuiers et Tournissiens, en comprenant lez boix d’Isonge12
et la rivier d’Escault, jusques aux ruisseaulx qui se nomme Jacea ;
dont les barons firent homaiges audit Salvius Braban, leur premiar
duc, comme à leur princes. Et, dès lors, ladite contrée fut appellée
Braibant.
[Institution] du paiis de Germanie. — En oultre, ce Sésar donna
à son nepveu Octavien, filz de sa propre suer Suvane Germainne 3 et
de Charles Ynach, le royaulme de Agripine, qu’on dit maintenant
Collougne sur le Rin. Soubz le tiltre duquel estoit contenue toutte la
terre depuis Velut 4 jusques à Eyffle 5 et Moselle, et jusques aux limites
de Trêves et à la rivier de Meuse et aux confins où la Sambre entre
dedans Meuse, avec touttez la terre qui gist entre Meusa et Jace, la­
quelle il voulut estre des appartenant 6 7de Tongres, et que désormais
elle fut appellée Germanie, du non de sa suer qu’il avoit trovée
Octovian surnomme[i] Germain l’an devant l Incarnation tj.
Aussy
ordonna que son nepveu Octavien fut surnommés Germain, et de là
vint et procède le non des Germains Allemans. Et furent ces chose
faictes l’an devent la nativités Nostre Seigneur cinquante et ung 8.
Octovian ordonne par son paiis faire plussieur réparation, loix et
cérémonie}. - Puis que je me suis mis à parler du règne dudit Octaviam Germains, roy des Aggrippins ou de Colloigne, filz de Charles
Ynach, lequel, après 9 avoir demourés aulcun tamps avec son oncle
César, et obtenu plusieurs prévileiges, c’est assavoir touttes juridisions
1. A partir de ce mot, Philippe transcrit Jean Lemaire (op. cit., t. II, p. 351).
2. De Soigne dans Jean Lemaire.
.
.
.,
„,,,
3. Suvane s’appelait primitivement Germaine (Jean Lemaire, loc. cit., p. 343).
4. Velue dans Jean Lemaire.
5. L’Eilel.
6. Appartenances dans Jean Lemaire.
7. Retrouvée dans Jean Lemaire. Allusion à une aventure que Philippe a laissée
de côté.
8. Ici Philippe cesse de transcrire le texte de Jean Lemaire.
.
9. Philippe reprend Jean Lemaire (op. cit., p. 355). La phrase, mal soudee à la tran­
sition de Philippe, est incorrecte ; U îaut remplacer lequel par celui-ci.

32

LA NATIVITÉ DE LA SAINTE VIERGE

sur les fluves du Rin, de Meuse, de Mozelle et de l’Escault, et aussy
l’auctoritég de povoir forger monnoye d’or et d’argent, emsembles
de porter le blason de l’empire, c’est assavoir l’aigle à une teste seullement, il s’en retourna en son païs et répara la cité de Tongres, et la
nomma de son nom Octavia. Aussy remist il sus la cité de Trêves, et
fist édifier à Mets 1, et estaublist que les Belgiens reseussent et gairdaissent dès lors en avant les loix, coustumes et cérimonies des Romains,
et husaissent du langaiges romain, par espécial aux jugement public ques, et que nul ne fut sy hardi, sur painne de la teste, de parler l’ung
à l’aultre en langue Belgienne, au moins des matières qui touchoient
les affaire de la chose publicques. Or, cellui roy Octavien, surnommés
Germains, régna loingtampts, c’est assavoir jusquez aux XXVIIe ans
de l’empire de son cousin germain, l’ampereur Octaviam Aguste,
onquel ans il mourut.
Lanativilés de la Vierge Marie.— Et, en celle meigme année, la glo­
rieuse Vierge Marie nasquit, c’est assavoir XV ans avant la nativité
Nostre Seigneur Jhésu Crist.
Rébellion contre les Romains. — Après la mort duquel roy Octaviam
Germains, la puissance des Belgiens et de Trêves rebella aux Romain ;
et aussy firent les cités de Mets et de Toul.
La fondation de Heu. — Et, en ce meisme temps, ung noble homme,
nommés Hoys, fonda la ville de Heu sur la rivière de Meuse, près de
Dinant.
Charles Rrabon, duc de Braibant. — Après luy, par faulte d’hoirs
de son corps, succéda Charles Brabon, son nepveu. Aux 2 tampts que le
devent dit Charles Brabons, duc de Tongres et de Braibam, tenoit les
terres de son perre Salvius, après le trespas de son oncle, fut faicte la
description généralle de tout le monde par l’ampereur Octaviam
Aguste. Et fut ce faict à la glorieuse naissance de Nostre Seigneur
Jhésu Crist, comme cy après plus à plains serait dit. Mais, pour revenir
a prepos, ledit Chairles Brabon, dessus nommés, eust deux fdz, c’est
assavoir Julius et Titus ; pour 3 ce qu’il oppressa dedans le temple de
Mars une noble nonnain, en fut bany hors du royaulme de Gaule, mais,
du coustés de sa mère, il succéda à la duchié de Thuringe. Après Go­
dard 4 régna Godefïroy, son fdz, lequel ayda et assista l’empereur
Marcus Anthonius Verus faisant guerre aux Germains. Mais, pour ce
que l’empereur Commodus, son sucesseur, cruel homme et malvaix
tirant, fist décapiter aulcuns anfïans des princes de Gaules estans
ostaigiers à Romme, entre lesquclz estoit ung nepveux dudit Godefïroy,
filz de sa suer, il rompist l’aliance avec les Romains et ce joingnit aulx
Germains, ses voisins. Sy gecta lesdit Romains arrier des fleuves du
Rin, Meuse, Sambre et l’Escault, depuis le païs d’Alsace jusques à
1. Les mots : et fist édifier à Mets ne sont pas dans Jean Lemaire. On saisit ici sur le
vif le procédé de Philippe.
2. Philippe abrège ici le récit de Jean Lemaire (op. cit., t. II, p. 356).
3. Avant pour, il faut suppléer : Titus.
4. Philippe saute ici deux pages et escamote trois princes.

L’EMPEREUR CONSTANTIN S’ÉTABLIT A TRÊVES

33

Tournay, à l’aide de Wéric, duc de Trêves, et Soric, duc des Germains.
Yceulx Romains, ainsy pressés, se retirèrent à Tournay, laquel fut
assigiés et prinse par forces. Numerianus, maistre de la chevalerie
dudit ampereur Commodus, assiégea a Mayence avec plusieurs lé­
gions ; mais ledit Godefïroy, duc de Tongres et de Braibant, et Véric,
duc de Trêves, defïirent lesdit Romains. Sy fut toutte la Gaule belgicquez soubz la domination d’eulx deux par l’espaice de XII ans
antiers, franches de tout tribut et subside. Parquoy ledit Godeffroy,
pour ce fortifier contre lesdit Romains, print affinité avec ledit Wéric,
et espousa sa fille, dont il eust ung filz, nommés Wéric, son héritier et
successeur. Et régna ledit Godefïroy quarante-cinq ans.
Véric, duc de Tongres el de Braibant; Arisard, son filz. — Soixante
et X ans gouverna Wéric la duchiez de Tongres et de Brabant aprez
la mort de son père Godeffroy ; et vescut cent ans. Mais, assez bonne
espace avant sa mort, il lassa le gouvernement à son filz Artsard, pour
ce qu’il estoit vieulx.
Et, pour les chose devent dite, vous verrés quelle fut l’occasion
parquoy l’ampereur Constantin ce vint tenir, luy et sa femme Hellaine,
à Trêves en Allemaigne. Et fut la chose ainsy. Celluy Artsard, filz
dudit Wéric, entra en gouvernement de cez pays du tamtps de l’ampereur Maximian. Et, pour ce que ung nommés Carausius, vicaire et
lieutenant de l’ampereur, ne gouvernoit pas bien sa province, le duc
Artsard fut mis en son lieu. Par ainsy il ne fut pas seullement paisible
possesseur de son territoire, dont les limites estoient la mer Britanicque,
les fluves du Rin et l’Escault et la Sambre, mais aussy gouverna en
paix tout le rivaige de delà l’Escault jusques à la mer Occéane, laquelle
province ledit lieutenant impérial Carausius avoit mal administrée.
Aussy, comme Constancius, filz de Constantin le Grand, empereur,
fut fort oppressés dez Allemans autour de Langres, le devent dit duc
Artsard bailla tel secour audit Constancius qu’il demoura vainqueur.
Le sciège impérial de Constantin ordonne[i] à Trêves. — Après les­
quelles chose, ledit empereur Constantin, affîn qu’il réprimase plus
facillement les effort des Allemans, envoia quérir sa femme Hélaine
et son filz Constantin, encores jeunes enffans, lesquelles alors estoient
en la grand Bretaigne, c’on dit maintenant Angleterre, et estaublit
son sciège impérial en la cité de Trêves. Parquoy *1 est à congnoistre
que les Allemans ne ce doie point tenir orguilleux, disant que ledit
ampereur et sa femme ce vindrent tenir à la dite Trêves pour la bonté
de l’aier ne pour la beaulté du lieu (car très milleur aier et plus biaulx
lieu y ait, cen compareson, à la cité de Mets, laquelles en ce tampts
estoit tousjour obéissante aulx ampereur), maix pour ce ce y vint
tenir ledit ampereur, affîn de les plus tenir en subjection et pour raibaitre leur grand orgueille. Et, à cest occasion, le duc Artsard continua
a. Ms. : asseiga.
1. Toute cette phrase est intercalée par Philippe dans le récit de Jean Lemaire.

34

l’empereur auguste

; SON

affection pour la

VILLE DE METZ

plus facillement sa grand familiarités avec ledit empereur, et en eust
grand avancement ; cy régna quarante huyet ans.
Martziandius, duc de Brabant — Puis son filz, Martziandus, luy
succéda és dictes duchiez de Tongres et de Braibant, et aucy aux
gouvernement de la province marine pour les empereur romains.
Et achevay celluy biaulcopt de grande chose pour eulx ; meismement,
du vivant de son perre, pour Constantin le Grant, à l’encontre de
Maxence et Licinus, tirans et usurpateurs de l’empire ; ad cause de
quoy le duc Martziandus, par previlaige impérial, estendist les limites
de son gouvernement par tout les pays qu’on dist maintenant Haynnaulx, Artoys et Picardie. Et régna quarante-deux ans *i.
Saincl Servais florissoit en ce temps. — Et fut en ce meisme tampts
que florissoit sainct Servais, évesques de Tongres, lequelz les citoiens
gectairent hoirs de sa cité, pour ce que, par esperilz de prophécie0, il
prédisoit la future persécucions dez Huns et dé Vandres.
La mer se recule. — Et dès lors la mer, qui baitoit jusques aux mu­
railles de Tongres, se recula de bien loing.
Mais, au regairt de cez matier ycy, je n’en dirés plus quant à présent,
car ycy après en aultre lieu j’en parlerés.

[L’EMPEREUR

AUGUSTE

DE

NOTRE

ET LA VILLE DE
SEIGNEUR

METZ ;

NATIVITÉ

JÉSUS-CHRIST]

Julius César occis. — Or retournons à nostre premier prepos, en
parlant des ampereur. Cy vous dirés comment, après ce que la noble
cité de Mets fut ainsy rédiflée, comme cy devent avés oy, cy advint
que, par l’esguet et duel de Brutus et Casius, Julius César fut occis,
en l’an LVIe de son eaige.
L’an du monde v mil cenl et v ; Aguste César, empereur el obéi par
tout le monde, régnait Ivij ans. — Et, quant ce vint en l’an de la créacion
du monde V mil cent et V, Octovien César Augustus régna, second des
Romains. Duquelle empereur romains ne fut en baitailles plus eureux
ne en tampts de paix plus modéré. Il employa son adolescence en baitaille civille, car il fut en V mil baitaille ; et en brief tampts il subjugait à luy tout le monde et tout les royaulmes et touttes les provinces,
rédigeant en une seulle monaichie et en une seulle seignourie ; et furent
alors touttes aultre cité, pays et régions tributaire à la cité de Romme.
Car il avoit en chacune province prévost et régents qui gouvernoient
et régentoient en son nom. Et alors furent touttes guerre extinte ;
et fut paisible ampereur LYII ans VI moix et X jour.
Il sceut bien cornent Jullius César avoit heu assaillis Gaulle belgicque,
Ms. phophecie.
1. Philippe cesse ici d’utiliser Jean Lemaire de Belges.
a.

METZ DEVIENT LA SECONDE CITÉ DE L’EMPIRE

35

et comment il avoit gaistez et destruis la cité Médiomatricque, que
Mets est appellée, et mise à nyant; dont il en eust grand compassion.
Puis il fut joieulx toutefïoix quant il sceust que le noble Mecius, avec
beaucopt de nobles, grant, puissant et riche chevalier et aultres grand
seigneurs, avoient restaurés et rédiffiés ycelle cité, et qu’il l’avoit
dédiée et imposés son nom, et aussy qu’il l’avoit soubmise à l’ampire
romain.
Aguste avivés à Mets. — Parquoy il l’amay moult et désiroit fort à la
veoir ; tant que ung jour, en allant par les royaulmes et seignories de
l’empire, parvint à ycelle à grand désir. Et là, par plusieurs moix,
demoura joieusement avec son armée. Ce tampts pendant, luy, regar­
dant ycelle région fructueuse, la cité belle et forte, l’air doulx et bon,
impousa de là demourer plus longuement.
L’amphitéalre es[t] donnés par ledit Agust[e]. — Parquoy il commenda là édiffier ung biaulx amphitéâtre de pier quarrées, duquel
sont encor de présant aujourd’ui les murs trefïort en tesmoing de
choses vrayes. Et, affin que plus plaisamment et plus longuement,
joyeusement et paisiblement il y demoura, il comenda de grand couraige ycelle cyté estre plus fort réparée et restaurée. Et l’anoblist plus
que touttes les aultres cité de l’empire.
La ville de Mé[dio]matricquez est dicte seconde impériale. — Et,
comme elle fut estés renommée estre sy grande qu’elle fut et estoit
dictes moyenne mère de trois cités, de tout l’empire il la constitua
seconde impérialle cité entre toutte les cité de toutte l’ampire. Laquelle
chose elle est encor de présant, car du Sainct Ampire c’est la cité
seconde.
Médiomatricquez ordonnée recepveresse des tribus. — Et, qu’est chose
plus noble, il la fist dès lors recepveresse de tous les tribus que de touttes
les citez de desçà les mons et d’oultre le Rin estoient deheu à l’ampereur. Et fut vray que l’on apourtoit tous les ans à Mets ledit tribus
deheu à l’empire romains ; car, de touttes les cités dudit ampire, il1
envoioyent par leurs commissaires ou par leurs aultres gens qui recepvoient. Et fut ce fait depuis que le preux et illustre empereur vint
à la cité.
Romme salle ordonnée pour le lieu à recepvoir les tribut. — Et de cest
besoingne est encor tesmoing la rue appellée Romme salle, en laquelle
fut faictes une salle enciennement où lesdit tribus deheu des cités de
l’empire estoient resseupt et où les recepvoirs dudit magnificque
empereur les recepvoient, quant il venoit à cest noble cité. Laquelle
il amoit moult, et, pour ce, y venoit souvant.
La pier d’aultelz de l’esglise Sainct Pier tesmoing. — Et aussy, en
tesmoing de ce, la pier qui soulloit estre en ladite saille est à présant
la pier d’aultel de l’esglise Sainct Pierre devant la grand église de Mets,
laquelle est de maibre bien pollis ; et y fut enciennement mise, après
le tampts sainct Gurey, pour servir à Dieu.
1. Suppléer les après il.

36

NATIVITÉ DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST

Celluy empereur augmentoit la cité et édiffioit sumptueusementa
et remplissent de peuple. Luy, recors de la région, édiffia ung temple
à Dieu, à la manier toutefïois des gentilz. Il commenda augmenter et
exercer les drois des choses sacrées, la dignité des prestres, la disci­
pline et doctrine domesticquez et publicque. Il fist escripre, lire et
garder les livres des anticques. Il dist que cest cité n’estoit pas nou­
velles, car il l’avoit trouvée vielle.
La nativités de la Vierge Marie. — Et advint que, en l’an XXVIIe
de son empire, fut née la Vierge Marie, mère de Nostre Seigneurs
Jhésu Crist, de la lignée de David. Et alors, environ XV ans après,
touttes guerre furent extinctes, et fut paix par tout le monde. Et la
raison fut, car le souverains roy de paix, le benoit filz de Dieu voulut
décendre des cielz et venir en terre pour appasier la grand guerre entre
Dieu et l’homme.
La nativité Nostre Seigneur Jhésu Crist ; l’an de la création du monde
v mil ij» , ung ans moin. — Car, en la* XLIIe année de son empire,
naquist le Roy des Roys et Seigneur des Seigneurs, nostre Salveurs
et Rédempteur Jhésu Crist, filz de Dieu, éternelz, conceups sans cor­
ruption on vantre de la glorieuse Vierge Marie par l’oppéracion du
benoy Sainct Esperit, nez en Bethléen, vers Orient, vray Dieu, vray
homme, l’indiction troisiesme, en l’an XXXIe du règne de Hérode
Ascalonite, roy de Judée, jour de dimenche, et en l’an de la créacion
du monde Vm deux cent, ung ans moins, comme le vénérable Bède
le dit en ses verses cy après en latin escript :
Unum toile datis ad milia quinque ducentis,
Nascenti Domino Beda dat a prothoplansto.
La circuncision apourtée en la granlde église de Mets. — Et, le VIIIe
jours après, fut nostre benoit Saulveur circoncis, de laquelle circonsion
fut partie de la chair depuis receuptes par Charlemaigne et révéranment mise en la grand église de Mets. Et la comenda ledit Seigneur
estre dévotement et honorablement gairdée, laquelle chose est encor
en jusques aujourd’ui gairdée en souveraine révérance.
Et, pour ce que cest présantes cronicques est en manier d’ung
recueil de plusieurs histoire, il me c semble qu’il est bien deheu, en
passant oultre, de ycy escripre aulcune chose noctauble de cest saincte
Nativité et de la loy nouvelles que le vray Messias veult que par nous,
ces anfïans, soit observée, et aussy de quelle lignée la benoitte Vierge^
sa glorieuse mère, est dessandue. Et, pareillement, dont vinrent les
XXX denier lesquelles le faulx Judas resseust en trayssant le doulx
Jhésu. Et ne vueullent desplaire aulx liseurs et auditeurs, car jay
assés tost revenrés à mon prepos, et n’en dirés sinon ung peu, car on en
lit et presche l’en journellement, et doient tous bons crestiens sçavoir
ces chose.
a. Ms. suptueusement.
b. Ms. : l’an.
c. Ms. : me me.

GÉNÉALOGIE DE LA VIERGE MARIE

[généalogie

de

la

vierge

37

marie]

De quelle ligné[e] dessendit la vierge Marie*1. — Après ce que avés oy
la nattivité de la glorieuse Vierge Marie, mère de miséricorde, et pareil­
lement soubz quelle empereur fut neiz son anffans, Jhésus, le Créateur
et Salveur de tout le monde, rest à veoir de quelle lignie dessandist
celle tant glorieuse damme. Et, jay ce que moult d’aultre istoire en
font mencion, cy vous en mestray je ycy ung chapistre et en brief a.
Il fut jaidis en Judée, ainsy comme en aulcunez cronicques est
trouvée, une fille nommée Emérence, de très noble lignie yssue et
engendrée. Laquelle, en sa jeunesse, très bien gardée et aprinse de ses
pairens, vierge, belle, très chaste, sainctes et pudicque demoura jusques
en l’eaige de mariaige. Auquelle temps, pour ce que la loy ne permettoy point que aulcune fille demeura vierge et stérile en Israël, les
parens préposèrent de la bien marier selon Dieu et les hommes. Or,
moult de jeunes filz nobles et riches la désiroient, et, par aventure,
ad cause de voluptey et plaisance charnelles, pour ce qu’elle estoit très
belle et gracieuse, ou ad cause des richesses qu’elle pouvoit avoir de
père et de mère ; aulcuns la demandoient seullement pour sa bonté et
pour ce qu’elle estoit dévote, qui n’awient guère souvant.
Tolain, mari à Emérence. — Après toutes pensées et avisement des
parens, ung de ceulx qui la demandoient, nommez Tolain, simple et
juste homme, comme nous lisons de Job, et très noble pareillement,
fut à la bonne vierge Emérence présantés ; qui ne la désiroit pour aul­
cune chose, sinon pour avoir lignie d’elle à l’honneur de Dieu et à son
service. A ycelluy donna la vierge saincte et très chaiste son consente­
ment pour l’avoir à mary, avec la crainte de Dieu.
Anne, fdle de Tolain. — Duquel, par convenance de mariaige, eust
une très douce fille, qu’elle appella Anne. Non pas à l’aventure luy fut
donnez ce non ycy, mais pour une significacion mysticque et figurable,
et par l’ensignement du sainct Esperit : Anne, comme dit sainct
Jéromme, est interprétés en françoys graice. Et, certes, par elle nous
avons eheu graice, pour ceu qu’elle a portéJ la mère de toutte graice.
Une aultre fdle de Tolain, nommée Hismérie, mariée à ung apellés
Affre, duquelz vinrent ij enffans, fdz et fdle. — Or, aprez saincte Anne,
qui fut premier anffans de Emérence, ladite Emérence, de son mary
Tholain, eust une aultre fille, laquelles fut nommée Hismérie. Et fut
mariée à ung bon homme, riche et puissant de sa lignie, nommé Affre,
duquelle ladite Hismérie eust saincte Elizabeth, qui fut femme à
Zacarie et mère à sainct Jehan Baptiste. Saincte Anne, comme chacun
sceit, fut mère de la Vierge Marie, qui pourta Jhésu Crist.
a. Ms. : blief.

b. Ms. :

apporté.
1. Cette généalogie est légendaire.

38

L’EMPEREUR

TIBÈRE

Retournant doncques à Higmérie, qui fut suer à gaincte Anne et
mère de Elizabeth. Elle eust encor ung filz de son mary Affre, qui fut
nommez Eliud. Lequelle Eliud, selon aulcung, egtoit le mary de la
femme qui est dicte par sainct Luc éwangéliste, en son huictiesme
chappitre, vesve qui plouroit son anfïang porter en terre à la pourte
de la cité de Nayn. Lequel fut résuscitez par Jhésu Crist. et ce appelloit
Marcial ; et estoit l’enffant que Jhésu Crist migt entre les Apoustres,
quant il s'entrebatoient qui seroit le plus grans en paradis, en leurs
disant : « Se vous ne devenez aussy petit de couraige comme cest
anfïang est petit d’eaige, par vraie et parfonde humilités, jamaix
n'entrerés en paradis. » Et, pour la bonté de cest anfïans, qui avoit
nom Marcial, les Apostre, par une singulier affection qu’il avoient à
luy, l’appelloient Materne, comme « celluy qui ensuijt bien sa mère », ou
« le filz de sa mère », par une petittemignotise, si comme dit la légende
d’icellui sainct. Et fut deux lois résuscitez de mort à vie, une fois par
Jhésug Crist, comme dit est, l’aultre fois par saint Pier l’Appostre.
Ung aultre filz eust Eliud, frère de Elizabeth, qui fut nommés
Emyn, lequel fut orphe de son père en jeunesse. Après, se partit de la
terre de Judée, et entra on païs d’Arménie, là où estant demourant,
print pour femme une pucelle nommée Mémélie,de laquelle il engendra
sainct Servais, qui depuis fut évesque de Tongres. Et repose son corps
en Trech, en Allemaigne, ainsi comme dist la légende sainct Servais.

[TIBÈRE, EMPEREUR ; VIE DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST ;
d’oü

VENAIENT LES TRENTE DENIERS POUR LESQUELS
JUDAS VENDIT JÉSUS]

Or, retournons à nostre prepos de l’empereur Octovien. Lequelle,
après ce qu’il eust glorieusement régnés son eaige, il mourut, en l’an
de son ampire le LVIIe, VI mois et X jour.
Tiberius, empereur, régnait xxiij ans. — Et, après la mort dudit
ampereur Octovien, le fut Tiberius, qui n’estoit que son filz ad.optifz ;
et régnait seigneur de tout le monde l’espaisse de XXIII ans.
Et, durant son tampg, le benoit Créateur de tout le monde fondait
la saincte Foy crestienne, qui à tousjourmaix durerait, quant, pour
nous péchiez, et pour nous donner example, il fist cy grand pénitance,
puis ce fist baptiser on fleuves de Jourdain par mon seigneur gainct
Jehan Baptiste, présant ad ce la saincte Trinité, c’est assavoir le Père
en voix, le Filz en chair, le Sainct Esperit en espesse d une colombe.
Et régnait en ce monde Nostre Salvour Jhésu Crist XXXIII mg et
trois mois. Et en cest eaige il fut trays et vandus XXX deniers par
1 ung de ces dissiple, pour nous peschiez. Et, en l'an XVIIIe dudit
ampereur Tiberius, mouiut le doulx Aignel en crois pour raicheter
humain lignaige de la servitude d’anffer, où tous estions obligiés par

d’ou venaient les trente deniers de judas

39

le péchiez de nous premier parans, Adam et Eve. Et acomplit sa benoitte
Passion cellon lez prophètez et prophécies qui par avent avaient parlei
^De'tà où vinrent les xxx deniers dont Jésus fut vandus. - Mais, avant
que de sa doulloureuse Passion et aussy de sa glorieuse et triomphante
résurrection je parle plus avent, je vous veuit dire et compter, ceUon
aulcune cronicques et cellon que aulcuns saige et grandj dero ont
escript, dont vinrent les trante denier de quoy le doulx Jhésu Cnst
fut vandus et que le faulx Judas, traistre, en ressut A Et, premier, est
à nocter que Tharé, le père Abraham, sy les forgea ; et fut, com“® ®
mette aulcung acteur, la premier monnoie qui M.forgée au me>
,
comme on dit. Et, quant ledit Tharé morut, lesdit XXX dcm r laissa
à son filz Abraham, dont il en acheta ung gerdm à ces a fins A qui s ap­
pellent Jéconitte. Lesquelles Jécomtte lez baillèrent aux Ysmahé t S.
Lez Ysmahélites les baillèrent à ung homme de grand renommée
moult riche, lequelles s’apelloit Dortis, et estoit merchampz ; dont se
transpourta en Canaan, et là achetta Joseph d’icelle pécune. Parquoy,
loing tampts après, avint que lesdit frères se transportèrent en Egipte
pour acheter du bief, et baillèrent lesdit XXX denier a Joseph, leque
estoit leur gouverneur. Et les mist ledit Joseph au repousitoire du
temple du roy d’Egypte. Après loing tampts, furent bailliez à^Moyse
et ledit Moyse les bailla à la royne Sabba ; et cest dite royne les ba lia
à Salomon. Et Salomon les mist au dispositoire du tample, vi
Nabugodenozor, lequelle destruisit le tample et empouria lesdit
deniers en Babillonie. Et les donnait à ung roy J Arrabe lequelle
avec les aultre roy, les baillèrent à Nostre Seigneurs Jhésu Gnst dont la
Vierge Marie les bailla aux pastoriaulx, et lesdit pastonaulx les pou
tèrent on temple. Et de ycelle pécune fut achetés Jhésu Cnst De
pervindrent en la mains do Judas, qui les reporta et les gecta au temple
devent les princes des prestres, lesquelx en achectairent ung ger m
qui fut députté à la sépulture des pellerins, appellés Acheldemach
Et tout cecy que j’en ais escript et que je més ycy touchant le fait
des XXX denier dont Jhésu Crist fut vandus, nostre benoit Sa vour
et Créateur de tout le monde, je l’ait trouvés aincy escript en aulcune
cronicque bien ancienne, et n’y ait rien mis du miens forcque ceuque
j’en ait trouvés, comme ycy devent avés oy. Et, pour ce, se c est vray
ou non, je n’en sçay rieits ; mais il est bien difficille à croyre .
a. E. : Affinis ; parents par alliance, proches en général.
b. Philippe a corrigé de sa main, dans E : mais il es
les XXX (sic) ayent estés en tant de mains.

1. Tout ce récit est légendaire.

40

LA PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST

[LA

PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST]

Or vous ait dit comment les XXX denier vinrent en la mains de
Judas, lesquelles il avoit ressus en vandant et délivrant le doulx
Aygnel, son maistre, le Salveur de tout le monde.
Ténèbre sus toute la terre à l’heure de la Passion Nostre Seigneur. —
Rest à veoir cornent le benoit Créateur luy pandant en l’airbe de la
crois pour nous peschiés, souffrant et mourant, furent ténèbre sur
toutte la terre, depuis sexte jusques à nonne, tellement que l’en vit
on ciel touctes les estoilles, et nulz ne povoit l’aultre veoir. Dont les
hommes estoient esbahis et esmerveilliés par tout plus que l’en ne
polroit croire, quant tel signe non acoustumés apparust. Les Romains,
estimans cecy estre advenus seullement en leur région, en furent loing
tamps esmerveilliez. Il advint, après aulcuns moix, que lez collecteurs
et recepveur dez tribus deheu à l’empereur de Gaule vindrent à Romme,
apourtant les tribus de la cité de Mets, et dirent que le jour du Grand
Vandredi il estoient à Mets, et que, ce jours, depuis l’heure de sexte
jusques à nonne, ténèbre y avoient estez, sy ob[s]cure que l’enveoit les
estoille on firmament, et que terrible tramblement de terre avoit esté
fait, et que plusieurs maison y estoient cheuttes, et que une paroy
très espesse avoit esté rompue et fandue du plus hault jusques a bas.
Près de laquelles, plusieurs années après, fut édiffiée une église à
1 honneur de saint Jehan Baptiste, en laquelle est pollie en merveilleux
ouvres de pierres la mémoire de la Passion de Nostre Seigneur Jhésu
Crist. Et est maintenant dictes l’église de Sainct Jehan en Chambre.
Laquelle est ainsy appellée pour ce que, après le tampts Gouddefroy
de Bouillon, et qu elle fut fondée pour l’Opital de Jhérusalem, dont le
sciège est maintenant à Rodes, celle église fut faictes l’une dez chambre
de ladite religion, parquoy toutte la rue et la plesse fut Chambre
appellée. Mais, en retournant à nostre prepos, fut encor dit et rapourtés
à Romme cornent, à la dite cité de Mets, une pier de maibre nommés
pourfire, qui avoit estés faictes par art artificial, laquel avoit estés mise
et posée au temple que Octovien avait heu édiffiés, à la manier des
paiens, au hault de la montaigne où premièrement la cité avoit estés
encommencée, avoit estés coppée et fandue comme sy elle fut estés
tranchée d’ugne espée. Puis, passées moult de année après, Chairlemaigne et Olivier la firent transpourter de ce lieu au cloistre de Sainct
Salvour ; laquelle encor à présant y est, que chacun Voit qui veult.
Ces choses cy oyant l’empereur, commenda qu’elle fussent noctées
és gestes des Romains et és cronicques des empereurs.
Item, en ce meisme jour du Grand Vandredi, Denis, le grant astrologiens, qui depuis ait estés sainct, et est saint Denis, paltron de France,
1* La phrase est mal Wte. Il faut rattacher les mots le benoit Créateur à pendant.

DIFFUSION DU CHRISTIANISME

41

il estoit à celle journée à la cité d’Atenne, et estoit paiens. Et, pour ce
qu’il ne trouvoit point, par son airt de astrologie, que tel signe ce deust
naturellement faire, il dit qu’il failloit que le monde fînoit, ou le grand
Dieu de nature soufïroit. Et pour ce firent les philosofe faire ung aultel
au Dieu incongneus. Et, quant saint Pol vint depuis pour convertir
la cité, saint Denis, en le mocquant, luy dit quel Dieu c’estoit qu’il
preechoit, et il luy respondit que c’estoit le Dieu incognus qu’il adoroit.
Et, après plusieurs chose faicte et dictes, cellon sa légeande, fut con­
vertis à Jhésu Crist, et c’en vint le benoit sainct Denis à Romme ; et
puis après, lui et ces compaignon c’en vinrent en France, là où il
preschait et convertit beaulcopt de puple. Puis furent martirisés à
Montmairte, devent Paris ; et gist son sainct corps en son église de
Sainct Denis en France.
Retournons doncque à nostre prepos, et disons cornent, après ce que
le benoit Créateur eust dit lez VII parolle en l’airbe de la Crois, il
recomendait son esperit à Dieu, son perre, en disant : « Tout est con­
sumés » ; il clinait le chief; et desandit son esperit aulx anfîers pour en
tirer les ame de nous premier parans. Puis, a thier jour, ressuscita de
mort en vie glorieusement ; et, a XLe jour après, monta és cielz, où il
sied à la dextre de Dieu, son perre.
Tantost après, il envoiait le Sainct Esperit en samblance de feu
és cuer de ces apostre et disciple, qui les ramplit de touttes sciences,
et qui leur donna toutes puissances. Et heurent adoncques sy grant
hardiesse et furent sy ramplis de la graice d’icelluy que, sans nul peur,
il preschèrent partout la parolle de Dieu. Et ce despartirent par tout le
monde en diverse contrée et région pour endoctriner et exaulcer la
saincte Foy crestienne, et pour preschier les sainct comendement de
Nostre Salvour Jhésu Crist, et ensignier ses sainctes doctrine, et
reproichier les péchiez et exaulcer les vertus. Car, par la vertus du
Sainct Esperit, il sceurent parler diverse langaige.
Et, ung peu de tampts après, le benoit sainct Estienne, comme vray
champion de Jhésu Crist, souffrit le premier martir, lequelle glorieulx
martir est aujourd’ui paltron et deffanseur de la noble cité de Mets.
De laquelle cité et dez chose advenues en ycelle je prétens plus à parler
en manier de cronicques, aincy comme j’ai a promis, que d’aultre
chose, comme vous oyrés cy après. Toutteffois je prie aulx audicteur
qu’il ne leur vueulle desplaire se je mects ycy aulcune chose touchant
de la sainctes Passion de Jhésu Crist et de la tauble de la Foy, qui sont
ces sainct et digne comendement. Car il me samble, salve correction,
veu que ces choses furent faictes en cellui tampts, il est bien deheu
de en parler aulcuns petit, jay ce que moult d’aultre en ont escript et
en parle tout les jours.
Or, pour retourner à la matier encomencée, il est ainsy que, en l’an
second de la passion de Jhésu Crist, le glorieulx sainct Pol fut convertis
a. M. : jes. Dans E, Philippe a ajouté : promis de faire.

42

LA TABLE DE LA SAINTE FOI CATHOLIQUE

à nostre Foy. Et, pour ce que eulx deux, avec le benoy gainct Pierre
l’Appogtre, furent des vray pillier du fondement de nostre saincte Foy
catholicque, je vous dirés ycy et vous acriprés aulcunes chose noctauble
d’icelle très sacrée “ et saincte Foid. Car, avent et aingois que je pairie
ne escripve aultre mestier *, je vous mes très ycy la tauble d’icelle
sainctes Foy catholicque, laquelle doient sçavoir tout bon cregtien
et crestiennes.

[la

table de

la sainte foi catholique]

Les iij vertus divinne. — Et, premier, devés antandre qu’il y ait
trois vertus divines :
C’est Foy, Espérance et Charité 2.
*1

Les iiij vertus cardinalle. — Secondement y ait les quaitre vertus
cardinalle :
C’egt Attrampance, Force, Prudence et Justice.

Les vij péchés mortel. — Après sont les VII péchiés mortel :
C’est assavoir Orgueil, Envie, Paresse, Ire, Avarice, Gloutonnie

et Luxure.

Les vij vertus conlra[ires]. — Les Vil vertus contraire aux septz
péchiez mortel :
Humilité, Amour de prochain, Diligence, Patience, Largesse,
Abstinance et Chastetey.

Les vij euvre de miséricorde. — Les septs euvre de miséricorde apartenant a corps :
Vestir les nudz, repaistre les familleurs, abrever ceulx qui
ont soif, visiter les malades, visiter lez prisonniers, hosteller les
pouvres et passans, et ensevelir les mors.
Les euvres de miséricorde quant à l’âme. — Les euvre de miséricorde
quant à l’ame :
Premier : donner sainct conseil en demandant 3, soit ou de
bouche, ou de fait, car la malladie appette demender le mire, suppozé
que le malade fut muel ; engignier les ygnorans saine doctrine ; rame­
ner les degvoiés et pescheurg à voye de salut ; réconforter les degconfortés ; soy présenter, rendre et' demost 4 participant de la tribulacion aux pouvres pour les aydier de fait et secourre, et tost aller
et courir soy mestre ces espaulle soubz leur fais ; prier pour les la­
boureurs et pour les pécheurs et pour les trespassés en foy ; et souvant
offrir prières précieuses.
a. Ms. : tresacrée.

1.
2.
3.
4.

Matière.
Ici et dans la suite, nous conservons les capitales du manuscrit.
Quand on vous les demande.
Montrer (démonstrer).

LA TABLE DE LA SAINTE FOI CATHOLIQUE

4o

Les sept sacrement de Sainte Eglise. — Les septz sacremens de Saincte
Eglise :
Baptesme, confirmacion, saincte ordres, le sacrement de la messe,
mariaige, pénitance et la dernière unction, que l’on dit ennolier.
Les sept don du Sainct Esprit. — Les septz dons du Sainct Esperit :
Dons

de

sapience, don d’entendement, don de science, don

de conseil, don de pitié, don de force et don de la crainte de Dieu.
Les ij principalz comendemenl de la loi. — Les deux principal comendement de la loy :
Le premier : tu aimeras ton seigneur Dieu de
DE TOUTTES TON AME ET DE TOUTTES TA VERTUS.

tout ton cuer,

Le second : ayme ton prochain si comme toy meisme.
Les iiij conseilz de Jhêsu Crisl. — Les quaitres conseil de Jhésu Crist,
auquelx sont tenus les perfais :
Le premier : Débonnaireté et parfonde humilité, et, cellon que il
est dit en l’Evangille : « Qui te avray férus en une jouue, offre luy l’aullre »;
pouvreté d’esperit, et, selond ce, dit il : « Se tu veult estre parfait, va et
vens quant que tu as, et le donne aux pouvre, et vien et m’ensuis » ;
virginité et parfaictes chaisteté, et, celons ce, dit il : « Qui avoir la peult,
sy la tiengne enflambée 1 » ; charité, et, celons ce, dit il : « Prie pour ceulx
qui nous perséculenl et pour ceulx qui nous a trichient 2.
*1
Les ve (sic) du corps. — Les V sens du corps :
La

vueue, l’oye, le goust, le taster e^ l’odorer.

Les septz douuaire des sainct. — Aprez : les septz douairs des sainct
on ciel :
Clère vision de Dieu, parfaite fruicion, seure tention, et ces
trois sont quant à l’ame impassible ; agilité, subtilité, clarité et
immortalité
et ces quaitres sont quant au corps.
Les principalle joie de paradis. ■— Les principalles joiez de paradis .
Jour sans nuit, sapience sans deffault ne erreurs, jonnesse
sans enveillir, santé sans malladie, vie sans mort, liesse sans tris­
tesse c, joye et honneurs sans aulcune molestacion ne encombrier, la
joieuse compaignie de Dieu et de sa mer et de tous saincts, louuer
Dieu sans cesser, parfaicte congnoissance de la saincte Trinité, clère
vision de Dieu, pardurabletés de joie, repos sans jamais traveillier
ne labourer, si comme dit sainct Jehan en Apocalipse : « Désormais,
dist l’Esperit, qu’il se repouze de leur labeurs. » Avec ce, les benoit
Saincts de paradis sont et seront d’aultre joies sans nombres ne estima cion, car oyreille ne oyt,ne oyeil ne vit, ne en pansée d homme oncques
ne monta comme grand biens Dieu ait on ciel appaireilliez à ceulx
qui l’ayment.
a. Ms. : nous nous.
_
.
b. Immortalité a été ajouté après coup dans un espace blanc laissé à dessein ; il man­
que dans B. Il semble que récriture ne soit pas celle de Philippe.
c. Ms. : tritesse.

1. Allusion à la lampe des Vierges sages et des Vierges folles.
2. On attendrait le verbe « outrager » (Mathieu, V, 44).

LA TABLE DE LA SAINTE FOI CATHOLIQUE

Les principalle painne d’enfer. — Les principalles paines d’enffer :
La paine des vers, la paine de pavour, pour la très horrible
et hideuse vision des Ennemis, fains très cruelle, soifz non saoulable,
froit importable, feu sans estaindre, pueur de souffre, lieu de ténèbrez, compaignie des Annemis, eslongement *1 des Saints, aigre diver­
sité dé poinnes 2 ; et, avec ce, université et généralités desdites poi­
gnes 2 pardurable, car nulz n’y fault à perdurableté dez poignes ;
privacion et deffaillance de veoir Dieu, car jamaix ne le verront. Et
tant d’aultre tormens et poignes y a que bouche ne le poroit dire, ne
cuer pencer.
Les spirituelz veslement de l’aine. — Les espirituelz vestement de
l’ame :
Ignocence, Ghasteté, Continence, Mariaige.

Les spirituel 0 norissemeni de l’ame. — Les norissement espiritueilz
de l’ame :
Lê spiritueil norissement de l’ame, c’est la parolle de Dieu,
dont Nostre Seigneur dit en l’Évengille « que l’ame ne vit pas seullemenl
de pains et de viande corporelle, mais de toutte la parolle qui yst de la bou­
che de Dieu », laquelle parolle est tous nourissement, selond que le mest
une glose.
Les xi] vertus pour eslre à Dieu agréable. — Les XII vertus pour
estre à Dieu agréable :
Hormès pasteur 3 dit que, sens ces XII vertus qui s’ensuient,
nul ame est à Dieu agréable. La premier, c’est Foy ; la seconde est
Abstinance ; la tierce est Pacience ; la quatriesme est Magnanimité ;
la quinte est Simplesse ; la VIe est Innocence ; la VIIe est Concorde ;
la VIIIe Charité ; la IXe est Discipline ; la Xe, Chasteté ; la XIe est
Vérités ; et la XIIe est Prudence.
Notable de l’amour de Dieu. — Notable de l’amour de Dieu :
Nostre seigneur Jhésu Crist ama tant l’umain lignaige que par
cest amour il nous monstra lez chose qui ce ensuivent :
Amours b fist Dieu du ciel descendre ;

Amours fist Dieu chair et sang prandre ;
Amour fist Dieu à denier vandre ;
Amour fist Dieu en la Croix pandre ;
Amours fist Dieu les bras estandre ;
Amours fist Dieu on cousté fandre ;
Amour fist Dieu son sang espandre ;
Amours fist Dieu son esperit randre ;
a. Ms. : l’espirituel.
b. Dans le manuscrit, ces vers se suivent comme de la prose.

1. Eloignement.
2. Peines.
3. Il s’agit du Pasteur d'HERMAs. Sur ce livre, qui fut admis un moment dans le
canon des écrits du Nouveau Testament, voyez l’édition de A. Harnarck, Patrum
apost. opéra, fasc. III, Lipsiae, 1877.

SUITE DES EMPEREURS ROMAINS : TIBÈRE

45

Amour fist Dieu gésir en cendre.
Sy debvons tous à ce entandre
Que nous puissions à luy venir,
Où joie est sans point faillir,
Et, pour cegt amour que Dieu nous 1 fist,
Est vérités ce qui s’ensuit :
Qui bien souvant en Dieu panceroit,
Et en pansant se y délecteroit,
Et en délectant le serviroit,
Et en servant le désireroit,
En désirant l’assauvuroit 2,
En assauvourant le santiroit,
En le santant s’esjoyroit,
En esjoyssant languiroit,
En languissant nauvrés seroit,
Ainssy nauvré à Dieu mouroit,
Et ainsy mors sans fin viveroit,
Et avec Dieu il régneroit.
On doit bien maldire le sollas,
Dont a la fin fault dire : hélas !

Car, qui mest son cuer en Dieu,
Il ait son cuer, et sy ait Dieu ;
Et qui le mest en aultre lieu,
Il pert son cuer, et cy pert Dieu.

[l’empereur TIBÈRE ET SES SUCCESSEURS,
CALIGULA ET CLAUDE]

Les choses ycy devent escriptes vous ait voullus mestre pour ce que,
en ce meisme tampts duquelle à présant je parle, les benoit Apoustre
de Dieu anoncèrent a puple judaycque et aulx paiens et jantil les
choses dessus dittes, avec plusieurs aultres article de fois , et ce espandèrent en plusieurs contrée et pays, pour preschier et anonser la loy
de Dieu et la venue du vray Messias, comme cy après serait dit.
De l’empereur Thiberius. - Mais, aynsois que plus avent je pairie
d’iceulx disciple et apoustre, je vous dirés de 1 empereur Thiberius,
lequelle mist tant son amour en celle noble cite de Mets qu il 1 anoblit
sur toutte aultres, et la douuait de plusieurs graice et previllaiges.
1. Il faut supprimer nous pour la mesure du vers.
2. Du verbe assouvir, satisfaire pleinement.

46

ORIUS, PRINCE DE METZ, ÉTABLI PAR LES ROMAINS

Orius, prince de Mets, establi par les Romains. — Et tellement que,
quant il gceust le noble Meggiug, roy et prince deg Romaing Médiomatricieng ou Meggaing, avoir egtég non pag fondateur, maix regtaurateur
de Metg, et cornent il egtoit mort et ensevelis ou sépulturés en l’amphitéatre de Octovien, alors, pour tousjour tenir cest noble cité à
l’amour des Romains, et enguiant l’amour que ledit Octovien y avoit
heu, comme cy devent ait esté dit, il leur députa ung prince, gairde
et roy d’icelle pour lesdits Romains, lequel egtoit homme noble et
subtil, ingénieulx et saige, nommez Orius. Et, pour l’amour dez Ro­
maing, à qui la noble cité estoit subject, on appelloit leur langaige
roman. Et, encor aujourd’uy, en ce pais, nous disons que c’est parler
langaige roman et non pag françoy (combien que, cellon aulcuns, se
languaige fut appellés romani on nom de Romus, que dit Bérose qui fut
roy de Gaule, et non pas Romain) ». Et fut ce prince Orius constitués
et confermés goubz l’empire et la seigneurie de Romme. Mais, tantost
aprez, le noble ampereur Thiberius cheut en grant malladie, de laquelle
il mourut. Nonobstant que, avant sa mort et durant sa malladie, il
manda ces deux nepveulx, c’est assavoir Thibérie et Gayug, pour sçavoir
lequelle seroit plus convenable à estre empereur, selon l’oracle des
dieux. Car ledit ampereur Thiberius amoit mieulx Thibérie, son nep­
veulx, que Gayus, son aultre nepveulx. Mais ledit Thibérie fut négli­
gent et parresseux, et voult boire une fois et faire tant à son aise, avent
que aller au mandement de l’empereur, parquoy Gayus vint le premier
et fut ressus à ampereur. Et aincy perdit l’empire ledit Thiebérie par sa
gloutonnie et négligence.
Gayus *1, empereur, régnait Van du monde v mil ijc et xxxviij ; — la
création du monde, jusques à Jhésu Crist, furent de v mil ijc, ung ans
moins. — En cest manier doncque que oy avés fut fait et constitués
Gayus quatriesme empereur des Romains. Et régna en l’an de grâce
Nostre Seigneur XXXIXe et de la créacion du monde l’an V mil et
XXXVIII. Comme de la constitucion ou créacion du monde jusques
à Jhésu Crist furent V mil et deux cent, ung ans moins, pour ce est il
à dire que, depuis la créacion du monde jusques au temps de Gayus,
furent V mil IIe et XXXVIII ans, comme il est contenu és mètres
qui s’enguyvent :
Unum toile datis ad milia quinque ducentis,
Nascenti Domino tôt Beda dat a prothoplangto,
ou ainssy :
Quingentog decies cum bis centum minus uno
Annos die Abadam 2 donec Verbum caro factum est.
a. Cette phrase a été ajoutée après coup par Philippe de Vigneulles dans le ms M.
L'adjonction est antérieure à la transcription du ms. E, où elle a été Intercalée dans le
texte.
1. Caligula.
2. Sic. Dans E, Philippe a corrigé abadam sur la leçon du scribe : Abraham.

SAINT PIERRE ENVOIE A METZ SAINT CLÉMENT

47

Gayus doncquez aincy raingnant heust de l’envie, et advint ung jour,
comme il estoit à Romme, retournant des jeux, fuit occis par le conseil
des sénateurs.
Division en Romme. — Dont en la cité de Romme sortit discencion
entre la court et les gens d’armes et le peuple (la court estoit dicte les
sénateurs et hommes consulaires). Et, pour ce que les sénateurs avoient
veu la cruaultez des ampereurs et les dopmaiges qui estoient advenus
à la chose publicque, volurent du tout extirper l’empire de la cité de
Romme, et la réduire en l’ancien estât auquel elle estoit devant Jullius
César, et que le règne de la cité fuit en l’arbitraige des consules et
sénateurs.
Claude empereur. - Au contraire, lez gens d’armes et le peuple,
craingnant l’avarice des sénateurs, et amants les dons des ampereurs,
constituèrent empereur l’oncle dudit Gayus, appellé Claude, homme
piteable et débonnaire. Celuy cy, après que l’empire luy fuit confermez,
il pardonna à tousjours tout ce qu’avoit estez fait et dict encontre luy.
Philo, juif. - Item, en celluy tems, estoit et vivoit Philo le Juifz,
lequel!e en son tamps fist plusieurs escripture profitable, et fut grant
amis à saint Pier l’apostre et à saint Marc évangéliste.

[SAINT PIERRE ENVOIE A METZ SAINT CLÉMENT1]

Saincl Pier, establi premier pape, thinl son sciège xxv ans vij mois
viij jour. — Adoncques, en ycelluy tamptsje second ans de son ampire,
mon seigneur sainct Pier l’apostre, qui estoit constitués par Nostre
Seigneur ferme pier et vray fondement de Saincte Esglise, et estoit
prince de toucte la saincte crestientez, néantmoins que en ce tamps les
fidelle catholicque estoient encor en bien petit nombre, touttefïois, il
thint son sciège VII ans en Anthioche, et, de là, il vint à Romme,
plussieur année après la Passion Nostre Seigneur Jhésu Cnst. Et acomensait le Sainct Sciège apostolicque, et fut fait premier pape de
Romme et lieutenant de Jhésu Crist en terre. Et y tint son pontificat
XXV ans VII mois et VIII jours. Et oncquez depuis ne fuit pappe qui
le fuit sy longtemps. Et illec preschait le nom de Nostre Seigneur et ses
saincts comendemens garder, et convertit à la saincte Foyx moult
de peuple romains et moultz d’aultre contrées, par les grans miracles
que ilz et ses disciples faisoient on nom de Jhésu Cnst, comme vous le
trouverés escript en sa saincte Légende et ez fais des Appostres et ez
histoires, tant scolasticque comme ecclésiasticque. La saincte Quarentenne et les Advens à juner, et moult d’aultre belz et nobles status
en notre mère Saincte Esglise ordonnait ; ses samctz disciples par tout
le monde envoya, pour espandre et esgrandir la saincte Foy de Jhésu
Crist Nostre Seigneur.
1. Sur la légende de

saint Clément, voyez Prost (A.), Eludes sur l'histoire de

Metz; les Légendes, p. 223 et sqq.

48

SAINT PIERRE ENVOIE A METZ SAINT CLÉMENT

Sainci Clément envoiés à Mets. — Entre lesquelx envoiait en la
dessusdite cité de Mets, en l’an Ve que Claude, empereur, régnoit,
environ XLV ans après l’Incarnacion Nostre Seigneur, ung sainct
homme, et l’ung de cez principaulx disciple, appellés Clémans Flavius,
avec deux aultre disciple, c’est assavoir Céleste, diacre, et Félix,
soubdiacre, comme sy après serait dit.
Mais, avant que plus en parle, je vous dirés du glorieulx saint Pier,
lequelle, quant il fut venus à Romme, l’an seconde de Claude César,
il envoiait plusieurs homme de sa compaignie, juste et bon, auz cités
de Ytalie, pour les soubmectre à Nostre Seigneur Jhésu Crist par la
saincte parolle de Dieu, qu’il leur ont desclairéez ; et convertirent plu­
sieurs personne à nostre saincte Foy et créance.
Après ce fait et en ce temps là, le deventdit Clémens Flavius, oncle
de part père de sainct Clément, mar r, consule et patris, gouvernoit
alors la chose publicque. Car il estoit homme de grande noblesse, doctes
et aprins devent tous les pallaciens, preux en armes, proveu de conseil,
et estoit des plus noble de la cité de Romme, comme celluy qui estoit
descendus de la lignié dez sénateurs et empereur. Et, combien qu’il
estoit détenus en l’airreur des payens, sy estoit il aorné de honesteté
et de tous biens. Faustinianus, homme noble, père dudit sainct Clément,
martir, fuit le frère de cestuit dit Clément Flavius, consule. Ont lit
que Pautilla 1, la très noble damme que donna à sainct Paul l’appostre,
comme on le menoit pour faire souffrir et le faire mourir, le drappeau
duquelle elle luy lya les yeulx, affîn que il ne veist le glaives du bourriaulx, fuit la seur dudit sainct Clément. Quant sainct Pierre doncque
eust amené cestuy sainct Clément, consule et patrice, par hain 2 3de foy,
au port pasille 3 de Saincte Esglise, sy tost qu’il fuit régénéré au saint
fond de baptesme, il convertit la fontainne des ars liberales, qu’il
avoit receue à l’aornement de sa noblesse, à l’usaige de saincte Reli­
gions, sy que, par la grâce du Saint Esperit, il estoit faitte en luy une
fontainne de yawe saillante de vie éternelle.
Ainssy donc que sainct Pierre, prince de touctes les régions du monde,
eust subjugué grant partie du monde à la foy de Jhésu Crist, comme
dit est, vint à ses aureilles que Gaulle estoit ung très grant pays, divisez
en plusieurs royaulmes, lesquelx estoient despartit en innumérables
cités. Et,, cornent ilz estoient tenus en l’erreur des payens et qu’ilz
servoient aux idolles, il eust grant dolleur et conpassion d’iceulx. Et,
puis que le temps de miséricorde estoit venus, il convoia la multitudes
de ses disciples, quy fuit tantost prest pour faire tout ce que sainct
Pierre leur maistre leur commenderoit. Entre eulx estoit cellui nobles
Clément Flavius, consule et patrice dez Romains, oncle, comme nous
avons dit, de Clément, pappe et martir, homme très saiges et très nobles
devent tous aultres, et très saincte parsonne après sainct Pierre.
1. Plautilla.
2. Halm, hameçon.
3. Paisible.

LA LÉGENDE DE SAINT CLÉMENT

49

A ceste œuvre donc envoya sainct Pierre mon seigneur sainct Clé­
ment Flavius, et aorné de la dignité pontificalle et douué de la mesme
puissance de lyer et de absoldre qu’il avoit receupt de Nostre Seigneur.
Félix, preslre, et Céleste, diacre. — Et luy bailla à compaignie Félix,
pregtre, et Céleste, diacre, comme cy devent ait esté dit, et luy dit en
ceste manière : « Il est en Gaulle Belgicque une cité que anciennement
fut nommée Médiomatricque, pour la assite *1 des trois cités qui sont
entour d’elle, comme moyenne mère des trois dictes cités, et main­
tenant est Mets appellee. Nous gçavons qu’elle a estée destruicte par
Jullius Cézar et depuis restaurée et rédiffiée par Messius, et que le
vendredi sainct, à heure de nonne, quant Notre Seigneur Jhésu Crist,
pendant en la Croix, morut, fuit là une pierre de marbre tranchée, une
parois très espesse fendue, et grandes maisons destranchées par ung
tresbuchement et tremblement de terre par ceste cité saincte,
comme Thiberius, l’empereur, l’a dit . » Lors, aprez plusieur parolle,
l’Appogtre envoya Clément avec les compaignons deventdit.
Eulcaire, Valère el Materne à ceulx de Trêves ; Mansu à ceulx de Toulz ;
Sirus a ceulx de Fains.
Avec lesquelx il envoya plusieurs aultres
sainctes pargonnes, car il envoyait Eukaire, Valère et Materne à ceulx
de Trieuve, et Manguy à ceulx de Toul, et Sirus à ceulx de Rains, etc.
Ce très noble Clément fuit de foy magnanime et de grant mérite
envers Dieu, comme le tesmoingnent les miracles que s’ensuyvent.
Car, comme Materne, lassez de la peinne et labeur du chemin, fuit
mort en la voye, le vénérable évesque Clément, par l’atouchement
d’ung baston pastoralle de sainct Pierre, résuscita Materne, qui avoit
geeu mort on tombel XL jours. Lequel baston le honorable évesque
apportait à Mets, et le repeut 2 3et mist en la grant esglise après qu’elle
fuit fondée. Et y est encor aujourd’huy partie et porcion d’icelluy
baston, lequelle est songneusement gairdez et enchâssez d’or, avec
digne honneur, pour la révérance et mémoire de sy grant miracle.
La légende sainct Clément. — Ce vénérauble esvesque donc, quant il
eust passez les monts avec ses compaignons, il les commanda à Dieu
et print son chemin vers le païs où il egtoit commis et envoiez. Et tant
chemina qu’il vint en ung boix à trois lue près de la cité en laquelle il
estoit a envoyez. Et est ce boix où maintenant est Gourxe. Et là
construict ung horatoire on nom de son maistre saint Pierre. Et là
sortant et se reposant vint le prince Orius, de la cité de Mets, avec
veneurs et chiens, corrant après ung cerf qui s’en fuioit ; et ce vint
cellui cerf geoir 2 on giron de sainct Clément pour son refuge. Le saint
homme fit le signe de la croix. Et alors tous les chiens laissèrent et se
couchèrent. Veu ce miraicle, furent interrogués du prince qui il
estoient et dont il venoient. Auquel respondit le sainct homme que de
Romme il leur estoient envoyé de par sainct Pierre, pour leur salut, se
a.
1.
2.
3.

M : est ; B : estoit.
Assiette : fait d’être assis, établi.
Déposa. Exactement : reposuit.
Contamination de gésir et de choir.

50

LA LÉGENDE DE SAINT CLÉMENT

ilz volloient croire en Jhésu Crist. Le prince, réputant leur parolle
vaines et frivolles, leur comenda en soubriant qu’ilz venissent en la cité.
Les serviteurs de Dieu montèrent au dessus de la coste. Quant ilz
virent la cité que Dieu leur avoit ordonnez, se prosternèrent à terre en
priant Dieu moult dévoltement, en plorant en grant lairmes, requérant
nostre benoy Saulveur qu’ilz puissent entrer en la cité a salut de tous.
Quant ilz furent logiez en la cité et qu’ilz fuit cogneu qu’ilz estoient
venus pour le salut de toutes créatures raisonnables, et qu’ilz furent
repougez, il se alloit mestre a millieu du peuple pour preschiez, en ung
lieu où est maintenant l’esglise de Sainte Crois, lequelle lieu estoit là
où anciennement ce adoroient les ydolle. Pour ce que le glorieulx saint
Clément, luy preschant en ce lieu, qui alors estoit le monts des Dieulx,
où ce adoroit Jovis, et pour ce que ledit apostolle disoit souvent en
ces sermons en parlant au peuple : « Or taisons nous », la rue, aprez
ce motz, fut appellée Taison, et encor aujourd’uy en pourte le non.
Et, après plusieurs prédication, instructions et miraicles fait, ilz fut
informez d’ung serpent de grandeur indicible, nuisible à la cité et
région, pour la multitude des aultres serpens et venimeuses bestes qui
régnoient à l’entour de la cité. Ce vénérable évegque et euvangéliste et
appostre lez amonesta qu’ilz croyssent cornent Jhégu Crist estoit filz
de Dieu, cornent ilz avoit esteit conceu du Sainct Esperit et nez de la
Vierge Marie, cornent ilz avoit souffrit mort soubz Ponce Pilate,
cornant ilz avoit résuscité de mort à vie au tiers jours, cornent ilz avoit
monté au cieulx, et qu’ilz debvoit venir jugier les vifz et les mort on
jour du jugement. Et plussieurs aultres sainctes et divines parolle leur
remonstrait ce sainct apostolle et premier évesque de la cité. Et telle­
ment les convertit qu’ilz respondirent tous qu’ilz creoient toutes ces
choses là, et qu’ilz volloient en tout obéyr à luy.
Alors se sainct homme, digne de louuenge, en baptisa plussieurs
celluy jour ; et, au lendemain, procéda avec ces compaignons; et puis
ce mist a chemin et, aconpaignez de moult grant multitude de peuple,
allant à l’emphitiatre de Octovien, où celluy grant serpent, avec sa
génération pestiféré, se tenoit, ce sainct homme, en disant : « Jhésu
Crist veulle de nous avoir miséricorde », approcha le lieu et la caverne
où celle bestialles venimeuse estoient, son espérance commist au Sei­
gneur du ciel et de la terre, descendit en celle caverne et les conjura
on nom de Nostre Saveur Jhésu Crist. Et, de l’estoille1 qu’ilz portoit
on colz, lya le plus grant d’iceulx, et le tira hors avec toucte sa généracion venimeuse, et les enmena au fleuve de Saille, qui est prochain de
là. Puis, ce fait, comendait on nom de Nostre Seigneur Jhésu Crist que
jamaix ilz ne nuyssissent à quécuncqueg créatures. Et, dez lors, jamaix
hommes ne femmes ne sentirent plus quelque puanteur ne velin 2, ne
jamaix vermine venimeux ne fuit là veu.
1. Etole.
2. Venin.

SAINT CLÉMENT, PREMIER ÉVÊQUE DE METZ

51

Saincl Pier édiffiée. — Après ces choses faictes et que tous furent
baptisiez, il édiffia on millieu a de la cité, à l’honneur de son maistre
sainct Pierre, une église (vivant encor sainct Pierre) que fut L ans
mère église et matresse cathédralle de tout le diocèse.
Sainct Eslienne édiffiée. — Il en édiffia une aultre plus grande, tout
près, à l’honneur de sainct Estienne, prothomartir, en laquelle, par
succession de temps, la chyer *1 épiscopalle a estée translatée.
Saincl Pier aux Champs. — Il en édiffia une aultre en l’emphitéatre
de Octovien à l’honneur de son maistre sainct Pierre l’appostre. En
laquelle il impétra de son maistre sainct Pierre apostre, pour le peuple
de Mets et aultres, que quiconque yra visiter ceste esglise deux foix
la sepmaine, c’est assavoir le mécredi et le vendredi, par ung ans entier,
il obtiendra plennier rémission de tous ses péchiez, comme se il alloit
à Romme à grant labeur et despence au temps du grant jubilé.
Saincl Jehan Babtisle (sic). — Il édiffia une aultre esglise à l’honeur
de sainct Jehan Baptiste, là où il ordonna le baptistoire.
Sainct Clément. — Il en édiffia une aultre tout près, on nom de sainct
Pierre, son maistre, prince des apostres, où il fit une cropte 2 merveil­
leusement édiffiée et une fontainne salutaire, qui ce nomme mainte­
nant l’esglise Sainct Clément, en laquelles après il fuit inhumez.
Ce trèssainct évesque pria Nostre Seigneur qu’il luy volcist réveller
les nons de tous les évesque qui après luy seroient on siège de Mets, et
de quel mérite ung chacun seroit. Auquel Nostre Seigneur envoya
par son ange ung rolet, onquel estoient lez premières lectres des nons
de tous les évesques. Aulcune desdites lettre estoient d’or, les aultres
d’argent, les aultres de vermillon, les aultres noirres, Selon que les méri­
tes seroient de chacun. Lequel don divin recepvant, l’évesque, digne
de louuange, rendit condigne grâce à Dieu.
Sainct Clément régnait xxv ans iiij mois. — Le très grant évesque
Clément gouverna l’esglise de Mets, qu’il avoit à grant labeur et sueur
acquise à Nostre Seigneur, par XXV ans et quatre mois après ce qu’il
eust resusscité de mort la fille du roy de Mets. Puis il trespassa de ceste
misérable et instable vie au pays bien heureux et angélicque, la IXe kalende de décembre, qui est le XXIIIe jour de novembre, où, assistant
au Seigneur dez cielz, est maintenant appareilliez intercéder pour les
péchiez de tous le peuple, où il est avec Dieu régnant à tousjourmaix.
Ce b qui est escript sus le pourtal de l’église dudit Sainct Pier aux
Araine, c’on dit a Champs :
Prima sedes venie, prima fides patrie,
Prima misse celebracio et serpentis ejectio.
a. M : raillia.
b. Philippe a alouté cette phrase dans l'Intervalle qui sépare les chapitres.
1. Chaire.
2. Crypte.

52

SUITE DES EMPEREURS ROMAINS : CLAUDE, NÉRON

[SUITE DES EMPEREURS ROMAINS : CLAUDE
ET SES SUCCESSEURS]

Claude, empereur; homme variable. — Or retournons à parler de
Claude, le Ve ampereur, lequelle reigna de son tampg XIII ans sur les
Romains. Et, jay ce qu’il fut pitoauble, comme cy devent est dit, ce
fut l’omme a monde le plus variable et le plus oblieux. Car, comme ung
jour il eust fait tuer Messaline, sa femme, ung peu de temps aprez
antrait en sa chambre, et, quant il oit ung peu atendu, il demanda
pourquoy la damme ne venoit. Celluy Claudius donnait à Hérode
Agrippe la quairte tétriache de Judée. Et fut celluy Hérode qui fit
décoller sainct Jaicque de Gallice. Et avoit fait mestre sainct Pierre
en prison, maix ung ange l’an délivrait. Et fut avent que sainct Pier
vint à Romme.
Celluy Claude acomensait moult à amer et honorer cest cité de Mets,
et tellement qu’il l’anoblit de moult de graice et de previllaige. Et
aboullist en ycelle de grandes gabelles par démonstrance de pitié et
bonté. Il amanrist lez cens deheue à l’ampereur ; il persuada et
permist que Jhésu Crist fust là adoré pour vray Dieu. Item, encor plus
fort, il menessa de faire morir tous ceulx qui acusoient les crétiens, et
en banist aulcuns, et aulcuns comenda à estre occis, et ordonnait
que les crestiens demourassent en la saincte cité de Mets, laquelles il
réputoit saincteg. Il institua les ars libéralles et comendait illec estre
leur estudie. Il ordonna les solaces et esbaitemens annuelles pour la
racréacion des citoyens ; et la fist quasy libre et franche.
Puis donna à Néron Octovie, sa fille, en mariaige. Et aprez la mort
d’icellui Claudius fut fait ledit Néron le VIe ampereur de Romme,
encor vivant le glorieulx sainct Clément ; car il vesquit XIIII ans
régnant encor ledit Néron.
Sainct Denis convertis. — Et, en cellui temps, le glorieulx sainct
Denis, paltron de France, fut convertis à la cité d’Athenne par lé
prédicacion sainct Pol, comme cy devent est estés dit.
Juvènal le poète. — Et, aucy en cellui tamps, florissoit Juvénal le
poète, et pareillement Sénecque, lequelle fut maistre d’escolle à Nero
l’empereur.
Nero, vie empereur de Homme, régnait xiiij ans viij mois ; grantdement cruel. — Celluy Nero, après la mort Claudius, fut fait VIe ampe­
reur des Romains, comme dit est, et thint l’ampire XIIII ans et
VIII mois. Et fut à l’acomencement de son ampire assez attrampez ;
mais, à la fin, il fut moult cruel et fist moult de mal.
Sainct Pier et sainct Pol mertir. — Et fut le premier qui fit persé­
cution contre les crestiens, car soubz luy souffrirent martire le benoit
sainct Pierre, et sainct Pol, et plussieurs aultres. Et fit tuer sa mère

JÉRUSALEM DÉTRUITE PAR VESPASIEN

53

et l’ouvrir, pour veoir le lieu où il avoit estez conceupt. Et fist tuer
son frère, et partie des sénateurs de Romme ; et puis fit boutter le
feu par toucte Romme, affin de veoir comme grant estoit le feu qui
fuit à Troye la grande. Et fit moult d’aultre maulx, que je lesse à cause
de bryefvetey. Et puis morut meschamment, comme plus à plain
vous trouvanrés ez fait dez Romains.
Jhérusalem destruite par Vaspasien. — Et, en icelluy temps, les
Romains envoièrent leur ost oidtre mer pour destruire la cité de Jhé­
rusalem et tout le reaulme de Judée. Et fut Vaspasien duc d’icelluy
ost, et Titus, son filz ; lequel, aprez plussieurs choses faictes, que je
laisse, fut destruire icelle cité de Jhérusalem, XLII ans aprez la Passion
Nostre Seigneur. Et n’y demeura pierre sur aultres, selon que Jhésu
Crist l’avoit devant dit. Et en ycelle destruction et durant la guerre
furent occis par X fois cent mil personne, et XVII mil furent prins et
menés en chastivitey, et y donoit on XXX Juyfz pour ung denier.
Et adonc faillit du tout le royaulme des Juyfz. Et fut alors durant le
tamps que saint Clément le martir fut fait pappe de Romme, lequel
estoit nepveu du dessus dit sainct Clément, évesque de Mets.
Ponce Pilate apréhendés. — En cellui mesme tamps, Ponce Pilate,
soubz lequelle Jhésu Crist receupt mort et passion, fut prins et apréhandés dudit Vaspasiens. Celluy Ponce Pillaite, peu devent, tenoit la
seigneurie de Jhérusalem pour les Romains. Et, après plussieurs mal
qu’il avoit fait, fut accusé devers l’ampereur Thibère par le procureur
de Surie, lequel l’accusait qu’il avoit occis moult de gens sans cause.
Et les Juyfz l’accusèrent devers Vaspasiens de ce que la pécune du
temple il convertissoit à son propre usaige. Si que, pour ces choses,
et pour ce aussi que à tort et sans cause il avoit condempné Jhésu
Crist, si fut menés à Lion, dont il fut neiz, affin que entre ses amis il
morut à grant honte et à grant confusion, comme il en advint.
Galve l, empereur vije. — Item, après la mort de Nero, régnait Galve
VI mois. Lequel amenait d’Espaigne Quintilien, qui fut maistre de
réthoricque et dist mainte beaulx enseignemens.
Ocle 12, 3viije empereur. — Aprez Galve tint l’empire Octhe III mois.
Vaspasien, empereur, xe 3 empereur. — Et en ycelluy temps Vas­
pasien, cy devent nommez, gouvernoit Judée pour les Romains,
lequeil fut mandé et fut esleu à empereur par comun assentement,
combien que se fut contre sa volunté. Et, selon Euzèbe, Vaspasien fut
le VIIe empereur (car il ne conte pas ceulx qui régnèrent si poc, aprez
Nero).
Josephus florissoit. — Item, en celluy temps, florissoit Josephus le
Juyfz, qui fut grant expositeur des cronicque et d’escripture, et parle
de Jhésu Crist on XIIIe livre des Enciennetez.
Le nom de Neccerue. — Aucy, en cellui temps, ce édiffioit tousjours
1. Galba.
2. Othon.
3. Philippe a corrigé X sur VII.

54

SAINT CÉLESTE, DEUXIÈME ÉVÊQUE DE METZ

en Mets nouviaulx édifice, ausquelles on donoit de nouviaulx nons,
pour plussieurs raison. Entre lesquelles fut ordonnés, par les prince
romains qui régentoient en ladite cité, de faire justice (c’est assavoir
de copper teste, poing et oyreille) en ung lieu en ladite cité que on dit
Eccerue. Mais, à proprement parler, c’est Neccerue, car necce signifie
tuerie. Et depuis, aprez de là, y ait estés fondée la chaipelle Sainte
Roynette et l’opitaulx des clerc pour prier Dieu pour les trépassés.
La rue de la Haulte Pier ; la rue de la Pier Hairdie. — Pareillement,
en cellui temps, furent en Mets deux conpaignons d’airme, dont l’ung
ce nommé le hault Pier et l’aultre ce nommoit Pier le Hardi. Celluy
Hault Pier édifiait là où l’on dit maintenant la Haulte Pier, et Pier le
Hardi édiffiait et abitait en la rue que maintenant est appellée la Pier
Hairdie.

[SAINT CÉLESTE, SECOND ÉVÊQUE DE METZ, ET SES SUCCESSEURS ;
SUITE DES EMPEREURS ROMAINS]

Sainct Célesle, ije êvesques de Mets, thinl le sciège xv ans. — En
celluy meisme tamps fut fait et créés saint Céleste le second évesque
de Mets ; et thint le sciège XV ans, c’est assavoir VII ans dessoubz
ledit Vaspasien, deux ans dessoubz Tite, et VI ans dessoubz Domicius,
persécuteur de l’Eglise. Et morut dessoubz luy et dessoubz pape *1
Anaclet ; et fut ensevely devant l’aultel de la cropte a Saint Clément ;
et puis il fut translatey par le comendement de Drogo, archevesque
de Mets, et pourtey en l’église de Sainct Mour 2, dignement honorez.
Et racontent ung tel exemple de luy on temps dudit Drogo, archeves­
que de Mets. Une fois, on rapportoit aulcuns guaiges dudit Drogo,
lesquelle il avoit heu engaigié pour une grande nécessiteit. Entre lesquel
guaige de celluy Drogo estoit la fierte de saint Séleste et la fierte saint
Autre ; et estoit plus falme 3 de saint Autre que de saint Céleste. Mais,
quant vint à l’entrée de l’esglise, la fierte saint Autre s’arestait et fist
révérence à la fierte saint Céleste, et convint qu’elle passait devant.
De ces autres fais avons nous poc, combien qu’ilz soient grans. Car
la cité de Mets ait esté par plussieurs foix prinse et destruictes, comme
dit est, par Wandre et par aultres ; sy y ont estés perdues les cronicques
des évesque et dez princes temporelz qui ont esté seigneurs devant
l’Incamacion et aprez. Et aussi le feu fut une fois en l’église de Mets,
et, entre les aultres dompmaiges qu’il fit, il ardait tout ce qui estoit
on saicretaire. Et adoncque furent arses et perdues la plus grant
a. M : creete ; E. : cropte. — C’est une crypte.
1. Le manuscrit porte pripie. Philippe n’a pu lire l’abréviation de papa, qu’il
résout, dans un autre cas, par prêtre.
2. Marmoutier, Bas-Rhin, Savern».
3. Famé (lama) : réputation.

FÉLIX, TROISIÈME ÉVÊQUE DE METZ

55

partie des cronicques des évesques et des princes. Mais ce fuit grant
temps aprez sainct Céleste ; et, pour ce, je ne trouve point qui estoient
ceulx qui en ce temps gouvernoient la chose publicque en la cité de
Mets, sinon lez Romains, lesquellez y avoient tousjour leur prévost
et régent, jusques a temps du reaime d’Astrasie. Et puis vinrent lez
duc en Mets, lesquelle estoient maistre et seigneur de toucte Loraine,
comme cy aprez serait dit.
Item, à l’acomancement du règne sainct Céleste, fuit fait Vaspasianus le VIIe ampereur 1 de Romme, comme dit est. Lequelle régnait
et gouvernait l’empire IX ans, après lesquelle il morut.
Titus, filz de Vaspasien, viije empereur. — Et fut elleus et fait
ampereur Titus, son filz, lequelle fuit le VIIIe ampereur. Et ne régnait
que deux ans ; dont se fut dopmaige, car il estoit plain de toucte
bonne vertus, et avoit toutte lez bonne condicion qui doient estre en
prince. Ne oncque ne volt rien prendre de l’autruy, et non pour tant
qu’il abondoit plus en richesses que nulz aultres empereurs n’avoient
fais devent luy ; et peu souvent refïusoit chose c’on luy demandoit.
Et tenoit la journée estre perdue qu’il n’avoit fait aulcuns dons.Il ne
volt oncque souffrir que son frère, qui faisoit conspiracion contre luy,
fut occis, mais le fit compaignon de son empire, et ordonna que aprez
sa mort il seroit empereur. Celluy Titus amenait Josephus de Jhérusalem à Romme, lequelle fut cy grant expositeur de cronicque, comme
cy devent avés oy.
Domicien, empereur, fist édifier le temple de Panthéon; grant persécu­
teur des chresliens. — Item, aprez la mort de Titus, Domicien, son
frère, tint l’empire, comme digt est. Lequel édiffiait ung temple à
Romme, moult sollemnel, nommez Panthéon. Et ait celluy temple
depuis estez dédiez à la remenbrance de tous Saincts. Celluy Domicien
fit la seconde persécution dez crestiens.
Sainct Denis merlir; sainct Jehan; VApocalipse. — Car, soubz luy,
souffrit martir saint Denis, paltron de France, et ses conpaignons, et
plusieurs aultres ; et fit mestre saint Jehan l’appostre et évangéliste
en ung tonel de huylle tout bouyllant, et puis le fit mener en exil.
Puis, à la fin, lez sénateurs ne polrent plus endurer ses iniquictés ;
sy Pen'cloèrent en son pallais, et illec le tuèrent. Et aincy mourut
Domicien.
Félix, iije évesques de Mets, thinl le sciège xlij ans. — A temps que
Domicien régnoit à Romme, estoit saint Félix le thier évesque de Mets ;
et tint le siège XLII ans, au temps de Evariste et Allexandre et Sixte,
que pour l’esglise prochoient. Et régnait en tamptz dudit Domicien,
empereur, de Nerbe et de Trajen ; et morut on temps Adrien, dessoubz
Gelesore le pape, et fuit ensevellis decoste sainct Célestre. Maix, long
temps après, l’empereur Henry le fist translater en Saxonne. En son

1. Philippe adopte la numérotation d’Eusèbe. Voyez p. 53.

56

NERVA, TRAJAN, HADRIEN, EMPÊREURS ROMAINS

*7
jjoipuouuuii et lia ureset’ sc?bzlu^’ gainct Clément, pape, souffrit martir.
Phne florissoii. - Item, en son temps, florissoit Plines le second le­
quel fit maintes beaux livres de histoire, car il fut grant istoirien des
natures des choses. Et, jay ce qu’il ne fut pas crétiens, il remonstrait
à I empereur le grant mal qu’il faisoit d’enssy mettre à mort plusieurs
crestiens, disant qu’il ne veoit cause en eulx ; et, à sa requeste, l’empe­
reur cessait et fut son yre raipaisée. Celui Tracien 3 fut moult piteulx
et se rendoit moult famillier à ceulx qui voulaient parler à luy. Et fut
ce uy que, une fois, en allant à une battaille, et luy estant à cheval
une vesve femme le print par les pied, et luy commensait à crier et à
luy requerra qu’il luy fit droit et justice de ceulx qui avoient son
mz occis Et il luy respondit que, incontinant qu’il serait retourné,
qu il luy ferait droit ; maix la femme, non contante, luy dist : «Que feray
je, se tu ne retourne » ? A laquelle il respondit : « Mon successeur te
erait justice ». - « Et que te proffetrait 4 fi », dit-elle « se ung aultre
tait bien . Car tu es obligiez à faire droit ». Adonc l’empereur, meheu
de pitié aux parolles de la femme, descendit de son cheval, et examinait
diligemment la cause, et luy fit condine 5 satisfacion. Et par ainsy la
femme fut confortée. Celluy fait trouva sainct Grégoire escript sur son
Sépulchre ; pour laquelle chose il fuit esmeu à prier pour luy, combien
.

1 or

Hehus Adnan 6, xije empereur, régnait xxj ans. - Item, aprez la
mort irajen, tint l’empire Helius Adrians, qui régnait XXI ans. Et
iut moult bien lectré en toucte science, espéciallement en médicine et
en rethoneque ; et parloit sy bien et si prestement qu’il sembloit qu’il
eust pencés à tout ce qu’il disoit. Et print l’empire malgrey soy.
ale traversée de trois petits
: en son temps, après son
lemps, et qu il ait eu l'intention, vérification faite, de rayer V'lune des deux expressions.
1. Voyez p. 55.
2. Nerva.
3. Trajan.
4. Profitera.
5. Condigne.
6. (Aelius) Hadrien.

SAINT PATIENT, QUATRIÈME ÉVÊQUE DE METZ

57

Second, philosophe. — En son temps fut ung philozophe nommé
Second, lequel volt approver 1 la leaulté dez femmes. Et luy retournant
des estudes, comme incongnus, fit tant qu’il couchait avec sa mère et
dormit toucte la nuict. Maix, quant se vint le matin,que sa mère congnut
que c’estoit son filz qui ensy s’avoit mocqué d’elle, elle en heust sy
grant duel 2 qu’elle morut. Parquoy ledit philozophe vouuait à Dieu
de jamais ne plus parler. Et de ceste hystoire en advint encor plusieurs
aultres choses, lesquel je laisse, pour abrigiez.

[SAINT PATIENT 3, QUATRIÈME ÉVÊQUE DE METZ ;
SUITE DES ÉVÊQUES DE METZ ET DES EMPEREURS DE ROME]

Patient, iiije êvesque de Mets, thint le sciège xiiij ans; et fut disciple de
sainct Jehan. — Sainct Pacient fut le quairt évesque de la cité de Metz ;
et fut neiz de Grèce. Il fut disciple de sainct Jehan euvangéliste, et fut
envoiez à Mets par le comandement de Dieu et en la manier qui s’ensuit.
Il est vray que, au tampts du devent dit Domicien, ampereur, second
persécuteur des crestiens, il fîst bouter le benoit sainct Jehan euvan­
géliste en ung tonnel d’oille boullant à Romme, comme cy devent est
dit ; maix, par la graice de Dieu, il ne le poult faire morir. Adont, voyant
ce, il l’envoiait en l’ille de Pathmos en exil, où il escript l’Apocalipse.
Et, quant Domicien fut mors, le glorieux saint Jehan fut délivrés, en
revint en Éphèse, là où il convertit le puple à la foy de Jhésu Crist ;
et moult de grant miracle y fit. Et, adoncque, mon seigneur sainct
Pier, qui estoit mors dez loing tampts, s’appareut à luy en vision et luy
dit aincy : « Jehan, il y ait une cité en Galle, qui ait à nom Mets, laquelle
ait estés convertie par Clément, mon disciple. Or est Clément, et ceulx
que j’avoie envoiez avec luy, mors. Et pour tant, «ce dit mon seigneur
saint Pier », Notre Seigneur Jhésu Crist te mande par moy que tu y
envoie des tliiens pour maintenir la dite cité en la foy crétienne, et te
rescomande ycelle cité de Mets en gairde comme il te fîst sa benoitte
mère, quand il pendoit en la crois ». Et, adont, mon seigneur saint
Jehan, appostre et euvengéliste, et cousin de Jhésu Crist, oyant la
vois qui luy estoit envoiéez de Dieu, y envoiait le glorieux sainct
Pacient, lequelle estoit l’ung de ces principal disciple ; auquelle il don­
nait l’ung de ces dens pour souvennance de luy. Et, quant il vint en la
cité de Mets, il preschait le non de Jhésu Crist et menait moult saincte
vie. Puis il fondait une église hors des murs de la cité en l’honneur de
mon seigneur sainct Jehan, son maistre, en laquelle il mist le vénérable
dens ; et lequelle y est encor ajourd’ui. Et ne trouvent on plus en tout
1. Eprouver.
2. Deuil.
3. Sur la légende de S. Patient, voyez Prost (A.), op. cit„ chap. IV, p. 187-270.

58

L’ÉGLISE SAINT ARNOULT ÉDIFIÉE a METZ

le monde de son corps, synon ce dens, que mon seigneur sainct Paeient
apourtait à la dite cité de Mets, et qui de présant est encor en la dite
église Sainct Jehan hors dez murs.
Saind Arnoult édifiée. — Laquelle, par ung tampts, fut destruicte
des Juifz, et puis rédifïiée, et est maintenant appellée Sainct Arnoult.
Le benoit sainct Paeient fut évesque et thint le scige à Metz XIIII ans,
partie dessoubz Adrien, et le remenant dessoubz Anthonne le Débon­
naire, empereur. Et mourut on tampts que Apius estoit pappe.
Ygyne florissoit. — Et, en ce tampts, florissoit Ygyne, qui ne voulloit
parler.
Sainct Pérégrin floris[soit], — Item, en ycelluy meyme tampts, pour
Susciter la foy, qui estoit aincy comme estainte, fut envoié de Romme
en Aussure 1 la cité sainct Pérégrin, qui fut évesque de la dite cité. Et
puis il fut illec décolés pour le nom de Jhésu Crist. Et aucy, depuis,
fist Dieu de grant miraicle pour luy, desquelle miraicle je n’en dis plus,
et m’en paisse, ad cause de briesté.
Plussieur bonne personne merlirUêe pour le nom de Jhésu Crist.—En
ce meisme tampts souffrirent martire sainct Eustaiche, sainct Sophie
et ces fille, à Romme, et aucy saincte Foid, saincte Espérance et saincte
Charité. Et furent en ycelluy tampts XIm que tous souffrirent martir
pour le nom de Jhésu Crist.
La l'une de karesme instituée; trois messe ordonnée de chanter la veille
de Noelz ; le Gloria in excelsis ordonnés. — Et, en ce tampts, Théodosore, papa, ordonnait que on jeûna la karesme 2 et que on chantait
trois messe la nuit de Noël. Et composait celluy le Gloria in excelsis.
Item, après ce, ledit ampereur Audrien fist réédiffier la cité de Jhérusalem.
Théophore, pape. — Et estoit alors pape de Romme Théophore,
lequelle fist beaucopt d’ordonnance touchant le service de l’Eglise.
Anlhoinne 3 le Débonaire, empereur; et régnait xij ans. — Item,
après la mort dudit Hélie Audréen, fut fait empereur Anthonne le Dé­
bonnaire, lequelle régnait XII ans. Et, en son tampts, nulle persécucion ne fut faictes que à compter soit.
Victor, ve évesque de Mets, thint le sciège ix ans. — Victor fut le
Ve évesque de Mets, et thint le sciège neuf ans ; et morut la quairte
kalendre d’octobre, dessoubz Apie 4, pappe, devant dit, et dessoubz
Anthonne le Débonnaire. Et fut ensevellis en l’église de Sainct Clément.
Ung aultre Victor vje évesque ; et thint le sciège vj ans. — Item,
après cestuy Victor, fut encor ung aultre Victor, qui thint le sciège et
fut évesque VI ans, c’est assavoir trois ans dessoubz Anicète et Anthonne
le Preux. Et, de cez deux Victor, ne vous sai-ge rien à parler, forque
1.
2.
3.
4.

Auxerre.
Voyez p. 47, où cette institution est attribuée à saint Pierre.
Antonin le Pieux.
9. Pie (n° 10 de la liste du Trésor de Chronologie de Mas-Latrie).

MARC-AURÈLE, EMPEREUR ROMAIN, ET SES SUCCESSEURS

59

tant que tous deux furent ensevellis en ladite église Sainct Clément.
Anthoinne, empereur ; Marcque Aurèle Ihint l empire xix ans.
Item, après la mort de Anthonne, thint l’ampire Marcque Aurèles
XIX ans.
Grant persécution à Lion. — Et, en son tamps, y oit moult grant
persécucion à Lion, car on ne trouvoit crestien qui ne fut occis.
Marcque Commède i empereur. — Et, après la mort d icellui Marcque,
fut fait et créés Marcque Commède, lequelles régnait sur les Romains
XIII ans.
Siméon, vije évesque, thint le sciège xxx ans. — Le VIIe évesque fut
Sainct Siméon, et thint le siège XXX ans, à la fin de Marc Commède
et Lucii, empereur, on tampts de Anicète et au tampts de Lotère
et Enleucèrei 2, pape. Et mourut desoubz Enleucèré, et fut ensevelley
en l’église Sainct Clément. Maix, depuis, il fut translatey en l’église
de Senone.
Saincte Eugène. - Et, en son tampts, fist grant pénitance samcte
Eugène en abit de moinne, aincy comme vous trouvanrés en la vie
d’icelle.
Héliud 3, empereur. — Item, aprez la mort du devent dit empereur,
thint l’empire VII mois Héliud, lequelle fut appellé Pertinax.
Scévère 4, 5empereur. — Et, après la mort d icellui, thint 1 empire
Scévère, qui régnait XVIII ans. Auquel tamps fut grant persécucion
en l’Église, et furent plusieurs martiresés pour le nom de Jhésus.
Origines et Tarquiliens florissoienl. — Et, pareillement, en celluy
tampts, florissoit Tarquiliens, lequelle escript maintez escripturez
proffitable. Et, aucy en ce meisme tampts, florissoit Origènes, qui fut
sy giant docteur de Saincte Escriptures, et tellement qu’il sourmontait tous les aultres qui devent luy avoient estés.
Sembaces, viije évesque, thint le sciège xviij ans. — Après la mort
de sainct Siméon, thint le siège de l’éveschiés de Mets Sembaces, qui
fut nommé en latin Sembacius ; et fut évesque XVIII ans, durant lez
règne de pappe Eleucèré 2, de pappe Victor et de pappe Zéphorin, et
on tamptz de Lucii, Helii et Sévère, empereur. Et fut ensevellis en
l’église dudit sainct Clément, durant le règne dudit Scévère, empereur,
et dudit Zéphorin, pappe.
ai ,
. .
Curatelle 5, empere[ur]. - Item, après la mort dudit Scévère, thint
l’empire Caratelle VI ans.
Manlus 6, empereur. — Et, après la mort d’icellui, thint 1 empire
Mantus, qui régnait IIII ans.

2. S. Eleuthère (n° 13 de la liste du Trésor de Chronologie de Mas-Latrie).
3. (Helvius) Pertinax.
4. Septime Sévère.
5. Caracalla.
6. Maerin, ou Elagabal ?

60

ADELPHUS, DIXIÈME ÉVÊQUE DE METZ

AUxandre l, empereur. — Et, quant il fut mort, Allixandre thint
l’empire par XIII ans. Et fut la mère d’icellui crestienne, à la requeste
de laquelle il fist translater le corps sainct Thomas l’appostre dez
païs de Judé à une cité nommée Édisse.
Ruffus, ix‘ évesque, ei ihint le sciège xxix ans. — Roucel, en latin
Rufïus, fut le IXe évesque de Mets, et tint le sciège XXIX ans, desgoubz
Anthonne et Martin-Amelle 12, 3 empereur, aucy dessoubz Calix, Ur­
bain, Zéphorin, pappe ; et fut ensevelley en l'église de Sainct Clément,
et puis translaté en Otrehem 3.
Plussieur vierge souffrirent mertir. — Item, en cellui tampts, souffrit
martir saincte Cézille, sainct Sire et saincte Jullisse, sa mère.
Ulpiens, inventeurs des loy. — Et, en ce meigme tampts, durant le
règne d’icellui empereur, fut Ulpiens consul de drois, lequelle fist et
compousait mainte loy, desquelles on use ajourd’uiaux escolles et aux
causes.
Gordians, empereur ; Porphire, philosophe. — Et, aprez la mort d’icel­
lui Allixandre, tint l’empire Gordians VI ans. Au tampts duquel florissoit en la cité d’Athène Porfireg le philozophe.
Philippe, empereur. — Et après la mort dudit Gordians tint l’empire
Philippe VII ans. Au tamps duquel y oit mil ans acomplis que la cité
de Romme avoit esté fondée. Icelluy Philippe fut convertis à la loy
de Jhésu Crist, luy et ung siens filz nommé Philippe, par sainct Ponce,
lequel lez baptissait avec plusieur aultre.
Et trouve que, en cellui tampts, la comune et lez paraige des lignée
ensienne gouvernoie tousjour en Mets la chose publicque, néantmoins
qu’il avoient tousjour aulcuns supérieur qui estoit pour les Romains.
Et estoit la cité avec leur duc aulcunement obéissant à l’ampire, et
ait tousjour estés depuis, comme cy aprez vous serait dit.
Adelphus, évesque, Ihint le sciège xvij ans. — Le Xe évesque de la
cité de Mets fut appellé Adelphe, ou en latin Adelphus. Et thint ycellui
le sciège XVII ans, on tampts dudit Gordians, ampereur, de Cristien,
et de son filz Phileppe, aucy au tampts de Poince et Fabien, papes 4.
Et fut pareillement cellui ensevelley en l’église de Sainct Clément.
Galle el Volucien, empereur. — Et, en son tampts, ung malvais
tirans, nommé Dèce 5, fist tant par sa fraude que les deux Philippe
1. Alexandre Sévère.
2. Marc Aurèle.
3. Othernhéim, près de Worms.
4. Ms. : prestre. Ce mot provient d’une mauvaise lecture de Philippe ; l’abréviation
était celle de papa et non celle de presbyter dans le manuscrit qu’il a utilisé. II s’agit
de S. Pontien et de S. Fabien (n° 18 et 20 de la liste du Trésor de Chronologie de MasLatrie).

5. La chronique est ici assez confuse : Philippe a peut-être confondu les divers em­
pereurs qui ont porté le nom de Gordien. Galle est Gallus ; Volucien est Volusianus ;
Gallérlen est Gallien. Mais c’est par erreur que Dèce, cité ici à sa place, est ensuite
repris après Valérien. L’assassinat par Dèce des deux Philippes se retrouve dans Jean Le­
maire de Belges, le Traicté de la différence des Schismes, éd. Stecher, t. III, p. 148.

AURÉLIEN, EMPEREUR ROMAIN

61

furent occis. Et furent fait empereur Galle et Volueien, son filz, et
régnèrent environ deux ans.
Gallérien et Valérien, empereur. - Et après yceulx furent fait empereur
Gallérien et Vallérien, qui régnèrent XV ans.
En ce meisme tampts fut Crispiens, évesque de Garthaige, qui fut
homme de grant saincteté, et escript maintes escriptures de grande
auctorités.
Dèce, empereur, tirant.— Item, aprez la mort Valériens et Galliens,
thint l’empire le devent dit Dèce, le malvais tirans, et régnait VII ans
et trois moix.
Plussieurs saincle personne mertirizée. — Et soubz ycellui Decius
furent plusieurs sainct et sainctes martirisé, tel comme saincte Agatte,
sainct Sixte, sainct Lorant, saincte Yppolitte et touttes ses gens.
Item, en son tampts, de peur de la grant persécucion qui alors estoit,
VII crestiens Se caichèrent en la montagne Célion, amprès la cité de
Éphèze ; et illec, dedans celle montaigne, en une cawerne, furent dormans en une grotte jusques au tampts de l’empereur Théodoze, auquelle tampts il furent trouvés en vie ; et les appellon * les VII dormans,
comme cy après serait dit °.
Firminus, xj* évesque, thint le sciège xlv ans. - Firminus fut le
XIe évesque de Mets, que ce appelle en romains Firmi ; et tint le
siège XLV ans, dessoubz Galle et Vollucien, et Vallérien et Gallérien,
Dèce, et Glaude et Aurélien et Tacite et Florien et Saige et Garien et Numériêns et Maximien et Dioclésien, tout empereur ; et fut du temps
de Cornélien, Lucie, Estenne, Sixte, Lucier, Denix, Bieneurous en
charge, et Gay *2 et
3 Marcel, pappe de Romme. Et fuit mors on temps le
dairien pappe ycy nomey ; et fut encevelly à Sainct Clément avec les
aultres saints corps. Dont il advint que ung sainct prodome, par 3 dévocion, souvent vezitoit les lieux biens dévolz, vint par cause de dévocion
à Sainct Clément pour faire révérance au sainct corps. Et se mist en
orésons on lieu où il estoient ensevelly, et comança à dire une mémoire
des martire, que dit : « Exullabunt justi sancli in gloria », c’est à dire :
« les saincts s’éjoïront en gloire ». Et tantost îlz oyt une voix de Dieu
qui respondit : « Letabuntur in cubilibus suis », c’est à dire : « Et seront
liez et joians en leur liclz ».
Claude, empereur; Quiniiliens 4, empereur; Auréliens, empereur. Après la mort du devent dit empereur Dèce, thint l’empire deux ans
Claudes, après lequelle fut empereur Quintiliens, son frère, et ne régna
que VII jour. Et, quant il fut mort, fut fait empereur Auréliens, et
a. Philippe a ajouté dans E .-quand ce vanrait à parler du temps auquelleil furent
trouvés.
2. SVCeà(us°ou GaVius porte'le n° 28 dans la liste du Trésor de Chronologie de MasLatrie. Lucier est sans doute une faute. Bieneurous est s. Félix (n 26).

3. Suppléer qui avant par.
4. Quintillus.

62

DIOCLÉTIEN, EMPEREUR ROMAIN

le fut V ans et VI mois. Soubz lequelle fut martirisés gainct Bénigne de
Dijon. De cestui Auréliens print son nom la cité d’Orlieng, qui, par
avent, s’appelloit Génalle.
Floriens 1, empereur ; Probes, empereur. — Et, quant il fut mort,
fut fait empereur Floriens, et ne régnait que LXXIX jour. Et, après
la mort d’icellui, thint l’empire Probes VI ans et III moix.
Mariés, hérélicque. — Au tampts duquelle fut a païg de Perse le prin­
cipal héréticque que jamaix avoit egtés, nommés Manèg, lequelle mest
deux dieu, c’est assavoir ung bon et ung malvais.
Munériens 12, empereur; plussieur meriir.— Et, quant ledit Probes
fut mort, on figt empereur de Kaires ou Carien, lequelle fut de Nerbonne,
et ne régnait que deux ans. Et, après sa mort, thint l’empire Munériens,
Son filz, on tampts duquelle plusieurs crestiens souffrirent martir.
Dioclésiens et Maximiens, empereur. — Item, après ce qu’il fut mort,
thint l’empire Dioclésiens, qui fut le XXXIIIe empereur de la cité de
Romme. Et raingnait XX ans ; et fist son compaignon de l’empire
Maximiens, lequelle il envoiait en Galle, qui maintenant est France
appellée.
vi mil vic Ixvj chevalier meriir. — Et menait ledit Maximien en son
ost une légion de la cité de Thèbe en laquelle il y avait VIm VIe et
LXVI chevaliers, desquelx sainct Morise fut le premier. Et furent
tous martirisés pour le nom de Jhésu Grist. Icelluy Dioclésien
fit grant persécucion en l’Église, car il fist abbastre et bruller touctes églises et toucte gaincte escripture ; et n’espargneit pregtres, clercz
ne lays, nobles ne villains, josne ne vieulx, femme ne enffans, qu’il ne
fit tout morir par divers tormens, puis qu’ilz estoient crestieng.
Plussieur sainct merlirizës. — Entre lesquelx souffrirent martir
sainct Sébastien, qui estoit l’ung de ses principaulx chevaliers, sainte
Anastaze, sainte Jullienne, saint Cosme, saint Damien, saint Vincent
et plusieurs aultres, sans nombre, comme trouverez par leur légende.
Aussy en celluy temps estoit saint George, le bon chevalier et martir.
Et pareillement en celluy temps souffrit martire a Amiens saint Quen­
tin ; et, à Soixon, saint Grépin et saint Grispinien furent martirisés. Et
estoit en celluy temps saint Mathelin de Larchamp.
Gallère et Constance 3, empereur. — Item, aprez ce que Dioclésien et
Maximien eurent réngnés XX ans, corne dit est, il se démirent de l’em­
pire, ne jamaix ne le volrent repranre ; et furent constituez empe­
reur Gallèreg ez parties d’Orient, et Constance és parties d’Occident.
Gegtuy Constance amait moult les religieulx et ceulx qui servent à
Dieu ; et l’appelloit le peuple « père dé povres ». Item, en son temps,
souffrirent martire saincte Lucie, saincte Katherine et sainct Gristofle.
Arius, hérétiequez. — Et en celluy mesme temps fut ung hérèze
1. Fiorianus, frère de l’empereur Tacite.
2. Numérien.
3. Constance Chlore.

LEGONTIUS, DOUZIÈME ÉVÊQUE DE METZ

63

nommé Arius, qui maintenoit que le filz de Dieu estoit maindre du
père, etc.
Constantin le Grant, empereur. — Item, aprez la mort de celluy Gallers et Constance, tint l’empire XXXIII ans et X mois Constantin, qui
fut appellé le grant Constantin. Celluy, awant qu’il fuit crestien, fist
mestre une croix en ses armes pour une vision qu’il heust, laquelle
vision je lesse, à cause de briefvetey.
Légonces, xije évesque de Mets, tliint le sciège xxxiiij ans. — Légonces
fut le XIIe évesque de Mets, lequelle ce appelle en latin Legoncius ;
et tint le siège XXXIIII ans, dessoubz Eusèbe etMelchiode etsainct
Silvestre et Marc, pappe de Romme. Aucy fut on temps de Constantin
le thier, crestien ; et morut en son temps, et fut ensevelly en l’église
de Sainct Clément. Et, en ce temps, vivoit “ le glorieulx saint Ni­
colas, dez le temps de Constantin, le filz Hélenne, jusquez à Justin,
ampereur.
Item, peu de temps aprez, le devantdit Constantin devint lépreux et
musiaulx, pour lequel à garir les phizisiens donnèrent conseille qu’il
fuit bangnié on sanc d’enfïant innocent. Maix, quant le jour vint que
lesdits enfïans furent apportez pour occir, et que ledit empereur oyt
les mères crier et braire et plorer, il en oit sy grant pitié qu’il les fit
rendre à leurs mères, et dit qu’il amoit mieulx à morir que vivre en
pleur de tant de gens.
Silvestre, pape. — Item, en celluy temps, estoit pape de Romme le
devent dit sainct Silvestre, lequel estoit fugitif et cachié en la montaigne Cyrappe, et lequel fut mandé quérir par ledit empereur, aprez une
révellacion qu’il heust de sainct Pierre et de sainct Pol, que je lesse à
cause de briefvetey. Et, après plusieur parolle qu’il eust audit saint
Pierre *1, se fit baptisier et laver, parquoy miraculeusement il fut
gary de sa leppre. Et, à l’exemple de luy, plusieurs furent baptisiez.
Et, dez incontinant, celluy Constantin fondait à Romme l’église de
Sainct Salvour, et ordonnait que les églises puissent tenir rentes et
possession.
Hélainne, mère de Constantin. - Et, en ycellui meisme temps, Hélainne, la mère dudit Constantin, estoit à Jhérusalem, tenant la loy
des Juyfz. Laquelle, aprez plussieurs choses faicte et dictez, que je lesse,
devint crestienne, et se fit baptisier, elle et plusieurs aultres. Et, depuis,
fit tant ladite Hélenne que la vraie croix fut trouvée. Et, peu de tarnpts
aprez, ledit Constantin translatait l’empire de Romme à Bisance, la­
quelle maintenant s’appelle Constantinoble. Et lessait ledit empereur
Romme, chief de l’Église, au pappe et à ses successeurs.
Le concilie de Nicée. — Et, en icelluy temps, en présence dudit
Constantin, fut essemblé ung conseille à une cité de Bitenie, nommée
Nicée, onquel y oit IIIe et XVII pères ; et là furent arguées maintes
a.

M. viswoit (corrigé sur un mot illisible).

1. Saint Sylvestre ?

64

l’hérésie arienne

choses touchant la foy de Jhésu Christ, lesquelle je lesse à cause de
briefveté. Et à icelluy concilie fut Anastase « d’Allixandrie, qui fut
homme de grant foy. Et y fut le glorieulx sainct Nicolas, qui estoit
desjay fort anciens. Pareillement y fut Spiridion, qui estoit évesque
de Chippre, lequel, luy estant évesque, gardoit les berbis ; dont il
en advint plusieur beaulx miracles, que je lesse à cause de briefveté.
Et pareillement y furent plusieurs aultre saincte personne.
Le Credo de la messe ordonnés. — Et, entre lez aultre ordonnance,
fut à ycelluy consille ordonné le Credo c’on dit à la messe.
Item, en celluy tampts, fut sainct Yvurce évesque d’Orliens. Lequelle
y fit faire l’église de Sainte Crois, on non de sainte Crois que sainte
Hellaine avoit nouvellement trouvées.
Lerreur arrienne. - Item, après la mort Constantin, Constance,
son filz, thint 1 empire XXIIII ans. Celluy Constance se consantit à
l’eireur arrienne, le maulvais hérèse que mestoit le filz Dieu maindre
du père. Encontre lequelle Anastase, évesque d’Alixandrie, que fut
au concilie de Nicée, comme dit est, fit et compousait « Quicumque
vult salvus esse ». Et, pour ce qu’il ne ce voulloit consantir à la dite
arreurs, Constans luy donnay moult à souffrir.
Pape Liberius. — Item, en cellui meisme tampts estoit pape de
Romme Libère, qui fut envoié en exil, pour ce qu’il ne se voulloit
consantir à la dite erreur des Arriens ; maix, depuis, il s’y consantit
et fut rappellé.
Le Donnet compouzés par Victoriens L — Item, en celluy temps,
Victoriens enseignoit réthoricque à Romme. Et, en ce meisme tamps,
ung nommé Donnet estoit maistre en grammaire. Lequel Donnet
fist et composait le livre que les enfïans apprennent premièrement à
l’escolle, que on appelle le Donnet.
Pareillement en celluy temps florissoient les saincts père d’Égipte,
tel comme sainct Anthone, sainct Paul le Simple, sainct Hillarius et
les deux Makaire, et sainct Hillaire, qui fuit évesque de Poitiers.
Julien l’Apostat. — Item, aprez la mort d’icellui Constance, fut
empereur Jullien l’Apostat. Et fut premièrement crestien, et puis devint
très malvais et renoya nostre foy. Et, soubz ycellui tirant, souffrit
martir sainct Jehan, sainct Pol et sainct Quiriace 2, qui enseignait
à saincte Hélainne la vraye croix. Et en celluy temps florissoit sainct
Grégoire Nazarène, qui fut homme de grant sainctetez et qui fut grand
expositeur des sainctes Escriptures.
Item, pour ce que mon intencion est de dire et escripre plus dez
faits de la noble cité de Mets que d’aultre, et aucy dez saincte personne
que en ycelle ont estés, souverainement de plusieurs qui ont estés
extrais et nouris en celle dite cité, entre lesquelle je trouve le gloü. Au dessus de Anastase, on lit Atanase, d'une main ancienne, qui ne parait
pas être celle de Philippe.
1. Il y a là une distraction visible de Philippe. Elle prouve que les notes
marginales ont été placées après coup.
2. Saint Cyriaque.

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

65

rieulx sainct Levier, vrai chevalier et martir de Jhésu Crist, lequelle
fut nouris et extrais de noble lignié d’icelle dite cité, et trouve, cellon
la dabte, qu’il pouvoit estre de ce meisme tampts, et, pour ce, J’en
escriprés quelque chose en brief, lesquelle j’és extrais de sa saincte vie
et légende, en la manier qui s’ensuit.

[la VIE DE

SAINT LIVIER]

La légende de saincl Lyvyer L — Et premier est à notter, et en
confairment ce qu’est cy devent dit de la fondacion de Mets, que, du
temps que la grant Troye fut destruicte, environ VIIIe ans devant
l’incarnacion Notre Seigneur, vinrent plussieurs notables gens demourer et habiter ez parties par deçà. Lesquelz édiffièrent plussieurs villes
et citez, comme Paris, Rains et Chalons. Entre lesquelles vinrent trois
nobles hommes, frères, on royalme de Astrasie, qui maintenant est
appellé Loraine, lesquelx dessus nommés s’appelloient Aurenus, Meliandus et Doblus. Et virent les trois dessus dits ung beau lieu entre deux
rivières. Et, après plussieurs chose, que je leisse à cause de breefveté,
et comme il est jai cy devent dit, firent faire et édiffier en ce dit lieu
trois beaulx chasteaulx, tout d’une grandeur et de pareille fasson,
dont plussieurs gens vinrent demourer et habiter ondit lieu. Et se
appelloient Mommelliant ; et, depuis, oit plusieurs aultrez non.
Maix, par succession de temps, aprez avint que tout le monde fut
tributaire aux Romains. Et furent les devant dits trois chasteaulx
prins et destruis, et toute la ville de Momméliant airse et brullée,
comme cy devent est estez dit. Et furent tuez tous les anfïan qui
estoient saillis dez devantdit III frères. Puis, après, et que la ville de
Mommellians estoit quelque poc rédiffiée par Messius, noble chevalier
romains, vinrent de France V chevaliers, moult riches et puissant, les­
quelx vinrent demourer en icelle. Et alors le noble Mesius fut le prince
de tout le pays, et fut le premier duc d’Astrasie. Et les autrez V d’icelle
lignié furent gàrdeurs de la cité et de la halte bourjoisie. Puis, après,
Mesius fut duc de la cité, et fut icelle Mets appellée.
Et n’estoit mie encor crestienne, ne ne fut en jusques la venuee du
benoit saint Clément, son premier évesque, qui la convertit, comme
cy devent ait estez dit. Et estoient les V ligniés devantdites gardeur
de la cité pour leur duc, en jusques au Ve duc, crestien, qui avoit nom
Lucien, qui fut oncle au roy de France, et sa femme, seur à l’empereur
qui se tenoit à Collongne, lequelle empereur estoit comis pour l’empe­
reur romains. Car alors fut l’empire de Romme despartie en deux em­
pire, c’est assavoir moitiet à Constantinoble et moitiet en Allemaigne.
1. Voyez Prost (Aug.), Etudes sur l’histoire de Metz ; les légendes, chap. V, p. 271
et sqq.

66

LA LÉGENDE DE SAINT LÎVIER

Au temptz d’icellui ampereur vint une grant guerre des Frizons et
des Hongrois et de ceulx de Sansongne. Et y avoit ung admirai qui luy
tollut tout son pays, car icellui admirai avoit desjà conquis toute la
terre de Baihaigne, et tout mis à l’espée jusques à Coullongne. Et
estoient tous devenu sarrazins, et tellement que l’empereur, serorge
au devant dit duc, fit faire des croisement au pappe par toucte crestienté. Et mandait icelluy empereur plusieurs princes crestiens en son
ayde ; et fut mandé le devant dit duc Lucien de Mets. Lequel fit son
armée et assembla toutes ses gens. Et ordonnait une croix rouge pour
son enseigne, car le devant dit duc avoit la grant bourgeoisie de la
cité de Mets. Entre lesquelx il y avoit, pour celluy temps, ung noble
homme d’icelle grant bourgeoisie, lequel avoit non Guynart Gournaix.
Et fut celluy Guynart père à une noble damme nommée Guynarde.
Laquelle damme Guynarde fut mariée à ung noble homme, nommé
Houtrans : lesquelle furent père et mère au benoit sainct Liviez.
Or, pour revenir au propos, icelle armée ansy faicte, par ung mardi se
partirent de Mets l’empereur, le roy Bans de Benoy, les Romains, les
Sizilles *1, les Lombars, les François et les Brettons, et aussy le devant
dit duc avec la grant bourgeoisie de la cité et plusieurs autrez, qui
tout estoient venus à l’ayde et mandement du devantdit empereur.
Et tant chevaulchèrent qu’ilz vinrent près de Collongne, là où les ostz
estoient en icelluy pays. Et alors vint ung hérault qui leur dict qu’ilz
estoient près de l’admirai, et que, s’il voulloient, leurs ennemis estoient
mors. « Car, « dist il »,vous les souprenrés en dormant. » Et, comme il fut
dit, il fut fait ; et y oit une moult grant et crueuse battaille, em laquelle
morurent plus de Lm hommes, entre lesquelx fut a tuez le devant dit
admirai. Et sy gaignèrent les crestiens grant avoir, qu’ilz despartirent
entre eux. Maix le devant dit duc de Mets y fut abbatu et fort blécé ;
pour lequel rescoure descendit et mist piedz à terre seigneur Guynart
le Gournaix, et avec luy le damoyseau Houtrans, son janre, lequel
l’estendart au duc pourtoit. Et furent tellement frappés des Sarrazins
que le devantdit Guynart le Gournaix y fut tuez. Maix le roy Bans
de Benoy les secourrut, et releva l’estendart, et remontait ledit duc.
Sy fut Houtrans moult dolent de la morte de son sire, et du duc qui
ainsy blécié estoit ; car il avoit la hanche rotte, pour laquelle il portist grant douleur par l’espace de V ans, au bout duquel terme il en
morut. Néantamoins le roy de France, pour l’honneur dudit duc, son
oncle, fit ledit Houtrans chevalier. Et le dit duc en fit son mareschal,
pource qu’il l’avoit si bien secourra et aidié.
Et, aprez que la battaille fut ainsi gaingnié et les Sarrazins desconfïîs,
chacun des devant dit prince retournait en son pays. Le roy de France
s’en vint à Mets avec le duc son oncle, qui forment estoit blécié, comme
dit est. Et avec iceulx estoit le roy Bans b de Benoy, lequel fut logiez
a. M : furent.
b. M ajoute de avant ce mot.
1. Siciliens.

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

67

chieu Hamma Guynarde. Et fut bien servis de tant qu’il luy failloit ;
et le servoit le jantil anfïans Livier, qui estoit fîlz à la devant dite
damme, et qui d’eaige avoit environ XVI ans ; et estoit moult beau
juvencel, dont le roy Bans de Benoy le veoit très volentier.
Or, aprez ce fait, les deux roy prinrent congiez audit duc, et s’en alla
chacun en son pays ; et lessèrent ledit duc, qui grant douleur soufïroit,
de laquelle il morut V an aprez, comme dit est. Et lessait ung fdz josne
et desoubz eaige, lequel se maintint avec sa mère, tant qu’il fut en
eaige de marier, et se faisoit amer de touttes gens.
Or, avint ung jour que trois chevaliers, qui moult furent à prisier,
dont l’ung estoit de Mets natif, se trouvèrent en court. Puis saluèrent
le duc et sa “ compaignie, lequel leur rendit leur salut. Et avoient iceulx
chevaliers nagaires esté en la court du roy Bans de Benoy, et dirent
audit duc quih ledit roy se recommandoit à luy ; et, en ces parolles et
devise, luy anuncèrent une fille pucelle que ledit roy Bans avoit, et
luy en monstrèrent la figure, qu’il pourtoye en ung drapiaulx paint
à vif, et tant luy en dirent, d’une et d’autrez, que ledit duc en fut
enamorez ; et tant que, aprez plussieurs parolles, que je lesse à cause
de briefveté, ledit duc y voulloit luy meisme aller. Maix, au conseille
de sa mère, la duchese, il y envoya seigneur Houtrans de Mets, son
seneschat ; et volt ladite duchesse qu’il amenait Livier, son filz, avec
luy, lequel estoit fillieu à ladite duchesse. Et, après ce que leur cas
fuit bien ordonné, se partirent de Mets et chevaulchèrent tant par leurs
journées, en trespassant monts et vallées, qu’il vinrent à la cité de
Bénis. Sy entrèrent en ung pallais de vielle antiquicté, et, là, ont ren­
contrés ung chevalier qui tantost les recongnust, car il avoit habergié
en la maison dudit Houtrans avec le roy Bans de Benoy, au retour de
devant Collongne, comme cy devent est dit. Et, pour ceste cause, ledit
chevalier lui fit ung biaulx recueille. Et, aprez plusieur parolle, le con­
voyait au disner, luy et son filz. Et à icelluy dinés furent moult bien
festoiés. Et, en devisant de plusieur chose, luy demandait le chevalier
dez nouvelles de dame Guynarde, sa femme, auquel ilz respondirent
qu’elle se pourtoit bien et que moult avoit ploré à leur despart, en
commandant à Dieu son filz Livier. Maix, las !, s’elle heust sceu, elle
eust encor plus plorés, car jamaix plus ne le vit.
Et, quant ilz olrent disnez, ilz luy demandont où qu’il polroient
trouver le roy. Et le chevalier respondit que, passé deux jours, c en
estoit ellé *1 à ung sien chasteau, et que au londemain debvoit retour­
ner. Adont luy priât messire Houtrans qu’il peult la pucelle veoir,
pour laquelle il estoit venus, et à elle parler. Laquelle chose luy fut
accordée, car, incontinant, vint ladite fille avec ses pucelles qui descendoient lez degrés- Laquelle messire Houtrans saluait bien honoraa. Ms. : leur.
b. E : que.
1. Allé.

68

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

blement, comme bien faire le sçavoit. Et ladite pucelle, au cas pareille,
luy rendit son salut. Et, après plusieurs parolles, laditte fille, nommée
Esclarmonde, demandait audit seigneur Houtrans don *1 estoit icelluy
sire pour qui il venoit en embassade. A laquelle il respondit que son
sire estoit ung grant personnaige, car il estoit nepveu à l’empereur et
au roy de France, et filz au duc de Mets, et n’avoit seur ne frère, que sa
mère avec luy. Puis luy demanda la fille se jamaix avoit esté mariez.
Lequel respondit que non, et n’avoit pas plus de XXVI ans de aige,
et que, en tout le pays, n’avoit plus beau chevalier ; duquel il luy en
monstrait la figure, painte en ung drap et au vifz. Et, quant elle en vit
la figure, elle y ait son cuer mis ; et, tout en riant, luy demandait se
c’estoit point celluy beau baichellier qu’elle veoit à une des damoiselles parler. Maix il respondit que nenny : « Car, « dit Houtrans »,
c’est mon filz Livier. »
Et tant ont esté ensemble en parolles que le roy vint, et sa fille luy
allait au devant, sy la print par la main, et au pallais s’en sont allés.
Et messire Houtrans devant le roy c’est encliné. Et, quant le roy l’a
veu, incontinant l’a recognu et luy ait dit : « Bien soiés vous venus,
mon amy messire Houtrans, car il y ait bien VII ans que je ne vous vis.
Et que fait le bon duc votre sire ? » Messire Houtrans luy respondit
qu’il estoit trespassé : « Maix ung filz ait lessier, qui envers vous m’ait
envoié pour demander votre fille Esclairmonde en mariaige. » Le
roy Bans ait à messire Houtrans demandey : « Sceit il bien, votre sire,
que j’ay une fille à marier ? » Et messire Houtrans luy vait respondre
et dit : « Trois chevalliers par qui vous m’anvoiastes le paile Alexan­
drin a pour ma femme, dame Guynarde, luy ont tant louez que par
moy vous l’ait fait demander : damme serait de la duchié de Mets, la
bonne citez, et de tout le pays d’Astrasie. » Et alors le roy fut bien
joyeulx et ait sa fille appellée. Puis luy ait dit : « Fille, vous oyés ;
ditte moy vostre tallant, se vous le voulés avoir à bairon ou non. Il
est beaulx homme et de grant parentey ; je l’ay veu à Mets la cité
quand je revints de la battaille. Il n’avoit mie XXII ans ; il n’est mie
plus viez de vous. Dictes se vous le voulés avoir ; il est homme de grant
paraige : c’est ung des bien enlinaigiez de crestientey. » Sy respont la
pucelle : « Père, à vostre voullentey en soit faicte ; et bien le veulx, se
s’est votre grey.»— « Oy », se dit le bon roy Bans. Lors ait dit à monsei­
gneur Houtrans : « Je donne ma fille à votre sire, par tel convenant que
vous en retournerés à votre région, et dirés au bon duc qu’i la viengne
quérir à noble compaignie. » Monseigneur Houtrans l’en mercyt moult
grandement, et incontinant il print congié, et préposa de partir le londemain. Maix le roy forment luy priât que son plaisir fut de lessier
son filz delés sa fille, pour apprendre la langue du pays. Laquelle chose
messire Houtrans luy accordait. Et, ce fait, le roy luy donna de
a. M : Alexandre. Philippe a ajouté entre les lignes drin et a oublié de rayer dre.
E donne textuellement alexandredrin.
1. Dont, d’où.

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

69

beaux dons au despartir. Et chevalchait tant par ses journées, en pas­
sant Romme et Lombardie, qu’il vint au mont sainct Godard, en
Allemaingne. Et incontinant, en peu de temps, il vint à Mets, auquel
lieu trouvait le duc Lutaire, son maistre, avec la vielle duchesse, sa
mère.
Quant messire Houtrans fut arrivés, il ce présantait devent son sei­
gneur, et toutte son affaire luy contait, tout de point en point, cornent
la chose va, et en la manier que avés oy. Et luy dit comme Esclarmonde s’y avoit consentey. Puis, ce fait, a tiré ung draps d’ung
escrin, auquel la foy de la pucelle estoit mise. Et le bon duc la print et
la baisait.
Or, advint que, en ces entrefaictes, et que le duc appareilloit son
erre et son estât, cuidant aller quérir la, pucelle à belle compaignie,
vinrent nouvelles de par le dit roy Bans de Benoy, lequel prioit et re­
quérait audit duc qu’il le volcist secorir, car le roy d’Arminie et le roy
de Chippre, avec grosse armée, le tenoient assegiez. Et, incontinant
les nouvelles oyez, ledit duc fit son mandement et essembla tant de
gens comme il polt. Et, avec ce, mandait à l’empereur et au roy de
France, cez deux serorge,qu’ilz lez volcissent aidier et envoier secours.
Lesquelx luy envoièrent grosse armée. Entre lesquelx y furent plussieurs sainctes personnes du royaulme, sainct Maloyet sainct Morice.
Et y oit moult grosse armée, de laquelle fut conducteur le bon duc
Lutaire, avec messire Houtrans.
Et chevalchèrent tant parmy la Lombardie qu’à Romme sont venus,
là où le pappe Pelagius leur donna sa bénédiction ; et avec ce leur donna
Xm soldoier pour ung an accomply. Et, tantost, l’ost commença à
aller devers Bans. Maix, quant le roy Bans oit sceu les nouvelles, il en
heust grant joye, et fit incontinant ses gens armer et mettre en battaille, desquelx il a donné la première à sainct Livier. Et, en sortissant
de la porte, a rencontré Houtrans, son père, de laquelle chose il heust
grant joye. Et, avec ce, luy a dit ledit Houtrans que le duc estoit bien
près de là avec grant puissance, car il avoit les gens de l’empereur et
du roy de France ; desquelles nouvelles fut le roy Bans très joyeulx.
Puis, ce fait, se sont approchées les battailles, et les gens de la ville
et commune sont montés sur la muraille.
Illec le conte de Nymaie portoit l’estendart de l’empereur, et sainct
Sansson celle du roy de France, et sainct Maloy celle de Bretaigne, et
sainct Morice celle de Bourdel (mais vous debvés entandre qu’il y a
plussieurs sainctz Morice), et celle du pays d’Astrasie pourtoit messire
Houtrans. Et lors leur vinrent Sarrazins enl’ancontre, comme gens deputaires. Entre lesquelx estoit on chiés devant Houtrans, roy de Famages,
le puissant Sarrazin, lequel sa lance bessait et vint ferir le conte de
Nymaie, et tellement l’ait atains que mort l’ait abatus, et l’estendart
de l’empereur, qu’il pourtoit, rué par terre. Maix nos gens y sont venus,
lesquelx, à grant puissance, ont ledit estendart relevé, entre lesquelx
y avoit le roy Bans de Bénis, le duc Lutaire, messire Houtrans, et sainct

70

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

Livier, qui estoit puissant et en sa force et vallour. Lequel sainct Livier, avec son père, relevèrent ledit estendart et le remirent sus. Et,
ce fait, sainct Livier va son cheval espronnant et la lance va abaissant,
et en sa fureur va ferir ledit Houtrans de Famagos, par sy grant vertus
et force que jus le pourtait du destrier, duquel il cheust si rudement
que le bras dextre se brixait. Et, incontinant, sainct Livier print le
destrier par la rainne dorée, et messire Houtrans, son père, délessit
le heaulme au Sarrazin, et le mist à teste nuee. Et, quant ledit roy
Houtrans de Famagos se vist environné et en dangier de morir, tantost
se rendist. Sy l’ont noz gens liez, et sur le cheval sainct Livier l’ont
mis, et dedens Bénis l’ont mené.
L’autre roy sarrazin, nomez Lucabien, qui frère estoit au devantdit
Houtrans, se hastait de toucte sa puissance, le cuydant secourir ; maix
le roy Bans et sainct Livier se sont advencés à toucte diligence de
l’enmener à la cité. Et en allant qu’ilz firent furent rancontrés du roy
d’Arménie, et sur luy ont leur lances brisiés. Sainct Livier a lors trait
son espée, et par telle vertus a le roy d’Arménie férus qu’il luy desfroussit son escus et en deux moitié luy a coppé, et près de la moitié du
col de son cheval ; maix le roy comme homme de grant vertus se
defïendoit ; et là y eust ung grant chapplyt et grant tuerie d’un costé
et d’autre. Néantmoins, aprez plusieurs besongnes faictes et accom­
plies, que je lesse à cause de briefveté, furent lesdits sarrazins des­
confis et mis en fuite, et fut ledit roy d’Arménie prins par messire
Houtrans, qui estoit venus au secours de son filz ; de quoy le roy Bans
fut bien joyeux. Et, après le retraicte cornée, revinrent en la cité
atout leurs prisonniers. Et, qui voloit croire en Jhésu-Crist, on le
prenoit à mercy.
Et, tantost après que tout fut apaisé, et les mors furent enterrés,
le roy donna sa fille au duc Lutaire. Et furent les nopces faictes on
grant pallaix, dont la feste en dura ung moix tout entier ; et onquel
temps durant furent les II roy sarrazins convertis et régénérés on
sainct fond de bastesme : l’ung oit nom Arinus, et l’autre Houtrans,
après son parain le mareschal. Et à icelle nopces et feste fut fait che­
valier le glorieulx sainct Livier, dont son père fut bien joyeulx.
Et, aprez icelle feste ainsy faicte, chacun s’en retournait en son païs.
Premier le duc print congié et enmena sa femme, qui moult amoit ;
maix au despartir Esclarmonde ploroit et le roy son père la baisait.
Le royArimus et son frère Houtrans vinrent à messire Houtrans, son
nouveau parain, et tant luy ont prié que son plaisir fut de leur lessier
Livier, son enflant. Et aussy l’en priât le roy Bans. Et, néantmoins que
bien envis leur lessoit, sil 1 luy prièrent tant qu’il s’i accordait. Et,
au despartir, en plorant tendrement, son filz baisait. Et il oit droit de
ce faire, car jamaix plus ne se revirent. Et, après le congié prins, au­
quel il y heust maintes larmes gectées, sont entrés en la nefz, et tant
singlèrent par leurs journées qui à port de Marcelle sont arivez. Et
1. Si le : néanmoins il le lui prièrent tant...

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

71

puis montèrent à chevalx, et tant ont chevalchiez que en brefz temps
il sont venus a pays tant désiré dont il estoient partis ; aquelle furent
à grant honneur reçupz, et des bourgeois de la cité de Mets plussieurs
riches dons on heux L La vielle duchesse moult voulentier vit Esclarmonde, et moult l’amoit. Maix, qui que fut joyeux, damme
Guynarde fut merveilleusement corrouciée quant messire Houtrans
luy dit les nouvelles de son filz, qui demouré estoit en Ghippe. Dont la
dame en print tel duel et telle tristesse qu’elle en heust une maladie, de
laquelle elle morut, dont messire Houtrans fut fort dollent : aussy
furent plusieurs aultres.
Vous avés oy cornent la damme ait estez morte. Maix nous en tairons
à parler, et revanrons à dire du benoit sainct Livier, lequel avec le
roy Amius d’Arménie estoit demourez. En celluy temps furent les pays
convertis et mis en vraie créance par le benoit sainct Jérosme, et sainct
Martin, qui d’Ytallie fut neiz. Et, aprez ce fait, lesdits trois roys, c est
assavoir le roy Bans, le roy Armius et le roy Houtrans, proposèrent et
eurent conseille ensemble de s’en aller en Jhérusalem le Sainct Sépulchre aourer ; et, comme il fut dit, il fut fait. Et ont prins or et ergent,
et grant juaulx, dont ilz estoient enrichis, et furent leurs nefz chergéez de pain bysquyt, de vin, et de quant qu’il leur failloit. En icelle
compaignie estoit le roy Bans de Bénis, le roy Armius d Arménie et
le roy Houtrans de Chippre, Saine Sansson de Bretaigne, sainct Maloy
et sainct Morise de Bourdeaulx, et le benoit sainct Livier. Sy sont les
dessus nommés entrés en mer, et, par le plaisir de Dieu, en peu de
temps ont la mer passée et au droit port venus, et en Jhérusalem s en
sont allez. Et, en ce lieu, des gens du Soldan furentmocqués etlaidangez ; maix ilz avoient paiez leur tribus et truaiges, dont ilz en estoient
plus essurez. Au Sainct Sépulchre sont venus, et la ont fait leur prières ,
et de grandes offrandes y donnèrent.
Puis, ce fait, aprez que tous les saincts lieux furent par eulx visitez,
du Soldan ont le congié prins, et en la mer sont rentrés ; en laquelle ilz
ont heu grant fortune de vent et de tempeste, que je lesSe a cause de
briefveté. Maix, toutefoix, ilz se recommandèrent à Dieu, en luy priant
dévoltement qu’à « droit port les amenait. Et promirent ung chacun
d’eulx de juner le vendredy en pain et en yawe. Et, ensy comme il
pleust à Dieu, le temps se rapaisait tellement qu’en poc de temps ont
la mer passée, et au port de Montarpain sont arivez.
Duquel lieu et ville estoit duchesse une noble dame, laquelle estoit
niepee a roy Armius d’Arménie. Si leur vint la dame au devant, et
moult grant recuille leur fîst. Le roy sa niepee par la main print, et
plussieurs devises eurent ensembles. Maix sainct Livier incessamment
la regardoit, et la duchesse, qui à marier estoit, faisoit le cas pareille,
et y avoitdesjà son amour mis. Maix le roy Bans s’en apparceustbien,
a. Ms. : qui a.

1. Eus.

72

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

de quoy la duchesse s’en print garde et bassait sa vueue en ce hontoiant.
Puis, aprez que les trois roys furent ensemble, prinrent conseille de
retourner en leur pays. Le roy Bans dit au roy Arminus : « Vous ne
sçavés, « dit-il, » dequoy j’ay ris. » — « Non, « dit le roy Arménius »,
se vous ne me le dictes. » — « C’est, « dit-il, » de Livier, que votre
niepce a tant regardée. » — « Pardieu, se seroit ung bon mary pour
elle ; vraiement, « dit le roy », je le volroie bien. » Et à ceste heure ait
damme Genowre a appellée, à laquelle il dit qu’il luy vouloit donner
mary, le plus beau qui fut en L pays. La dame luy demande se
c estoit Livier, et il dit que ouy. Dont la damme l’en remerciet, et
au roy dit que moult bien luy plaist, et en oit en elle grant joye.
Adonc a le roy Bans sainct Livier appellé, et luy dit : « Je vous veulx
marier, et avérés femme à votre voulunté. » Et sainct Livier en fut
moult joyeulx, et ayma myeulx icelluy don de damme Genouyre, la
duchesse, qu’il n’eust se on luy eust donné tout l’or du monde.
D’aultre part estoit la duchesse tant joyeuse, voiant les beaulté et
courtoisie qui estoient à sainct Livier ; car c’estoit le plus beau che­
valier qui fut en L région. Pareillement en furent joyeulx tous ceulx
de Montarpain, et les petis et les grans.
Et, quant sainct Livier vit la chose estre telle, il demanda congier
ausdits trois roys et à ladite duchesse pour aller à Mets quérir son père.
Laquelle duchesse luy donna le congier, et avec ce luy donna or et
argent. Et le roy Bans luy donna son bon destrier bassant. La nefz
fut app[ar]eilliée, et III chevaliers, qui estoient parens à la dame, avec
XXX escuyrs, qui tous furent vestus d’une livrée de fin drap alexan­
drin, lesquelx furent ordonnez à tenir compaignie audit Livier. Et,
en entrant en la nefz qu’il fist, la duchesse Genouyre en plorant ait
tendrement embrassée, et la baisait, et à Dieu le commandait ; et
aussy fist elle, et tout en plorant l’embrassait. Et non sans cause,
s’ilz ploroient, car oncquez puis ne se revirent.
Maix c’estoit la volunté de Dieu qu’il ne voloit mie qu’il demourait
en Arménie, pour tant qu’il estoit comme chiefz et gardeur des V ligniés de la haulte bourgeosie de la noble cité de Mets. Car, longtemps
par avant, avoit estez pronosticqué et ordonné de Dieu que ung che­
valier naistrait d’icelle, qui seroit ung rubis, ung diament et ung escarbocle pour enluminer la cité. Et treuve on que, depuis que icelluy
benoit sainct revint de Jhérusalem, oncque ne fît péchié dont Dieu
peult estre courrocié. Tous les vendredi junoit en pain et en yawe,
et touctes les nuytz gisoit en lainge *, et disoit tous les jours une canticques de Notre-Dame que Magnificat on appelle. Et pour la cité de
Mets prioit, que Dieu la volcist garder de mortalitey et de pestilence et
a. E : Genouyre.
1. Lainge, lange, vêtement de dessous en laine. Les pèlerinages se faisaient pieds
nus et en langes. Dans La guerre de Metz, il est question de brigands qui laissent maint
homme « en lainge » (Chronique de Jaique Dex, éd. Wolfram, p. 190, strophe 256,

vers 6).

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

73

de guerre'mortelle, et*1 ceulx dez V lignées paix et union ensemble, et
leur dont sens et mémoire, et aux trespassés la gloire de paradis. Et,
pour ce qu’il estoit si bon, Dieu ne volt mie qu’il fuit marié ; car il le
voloit vierge avoir, et que puis ne s’en retournait en Arménie.
Or, pour revenir au propos, tant par la mer allèrent que à Mercelle
arrivèrent, luÿ et sa compaignie. Sy ont oultre passé tout parmy Pro­
vence et Bourgongne, tant qu’il sont venus a païs d’Astrasie. Maix,
quant ilz vinrent à deux lieux prez de Mets, il ont veu les gens qui s’en
alloient fuyans, homes et femmes avec petis enffans, dont ilz en fu­
rent moult esbahis. Alors ait le benoit sainct Levier ung homme appellé,
et luy demande pourquoy ensy s’en vont fuiant. Et il luy respondit :
« Sire, c’est pour les payens qui destruisent le paiis. Maix ne veés
vous pas celles gens en celle vallée, et qui sont en sy grant nombre, à
piedz et à chevalx ? Ce sont, « fait-il », Sarrasins, Hongres et Wandrois,
que l’on estime bien à IIIe mil. Et ont femmes espoventables, qui
semble estre diable : les poitrines ont sy longues qu’elles les gettent sur
leur espaulles,et sont sy fortes qu’elles prenent grans perons et les gectes
encontre ung mur par sy grant vertus qu’elles le font trembler, tant
soit il fort massonné. » Et, à ces parolles, passa oultre le benoit sainct
Livier, luy et ses gens.
Et tant chevalchèrent qu’ilz vinrent à Mets. A laquelle il trouvait
tant de désolacionz qu’il ne se polt tenir de plourer ; car, en passant
par les ruees, ay veu les gens, eulx et leur baigaiges, respendus avalx
les rues en grant pitié. Et à celle heure estoient les V lignées des bour­
geois a et toutte la communaulté armez. Entre lesquelx y avoit ung
chevalier d’icelle bourgeoisie “, lequel, resgardant a loing de la rue,
choisit sainct Livier et tantost le recongnust, car c’estoit son cousin ;
et avoit ce chevalier à nom Hélinas. Et, incontinant, ait broichiés le
chevaulx dez esperon et vint à luy, et luy dit : « Vous soiés les bien
venus, chier cousin. » Et tous les aultrez pareillement le festoient en
plorant. Et Hélinas le conduict jusques c.hieu son père. Maix, quant
il y vint, ung josne clerc luy vint au devant, qui moult bien l’a recongneu. Et, pour ce, luy ait dit :« Monseigneur, vous soiés le très bien venus.
Car maintes journées avons estés à Pescolle ensemble. » Sy a son che­
vaulx par la rainne prins, et tous les autrez descendirent, qui estoient
XXXVI, qui de Montarpain estoient venus, lesquelles estoient moult
noblement abilliez, comme dit est. Et incontinant sainct Livier demanda
nouvelle de son père, du duc Lutare, de la duchesse et de ses enfants ;
car, de sa mère, bien sçavoit qu’elle estoit morte. Et Malchiens, le cler,
luy respondit que le duc et la duchesse et leurs filz estoient avec 1 em­
pereur. « Maix, au resgart de monseigneur votre père, il est finez et
mort, avec maintes autres nobles, qui tous ont estez tuez de celle
hongres gens. » Quant sainct Livier la parolle oit entendu, il oit tel
a. M : bougeois, bougeoisie.
1. II faut suppléer ici dont (qu’il donne).

74

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

dueil qu’il ne se polt sostenir qu’il ne le convenit cheoir à terre. Et,
quant il fut relevé sur pied, forment se print à plorer. Maix ces trois
chevaliers le réconfortèrent, et luy ont dit : « Monseigneur, grand tort
en avés. Pour Dieu, « font il », ne pleurés plus, et pensons de sa
mort vengier sur ces gens cruel et renoyez. »
Le jour se passait en grant pleurs et lamentacionz. Et, le lendemain,
après la messe oye, ses amis de la haulte bourgeoisie et touctes les V li­
gnées le vinrent veoir ; et n’y a nulz qui n’ait douleur de son duel.
Et, aprez plusieur parolle, luy ont demandé s’il estoit marié. Ausquelx
il respondist que nenny. « Maix, « dit-il », j’ay une duchesse fianciée,
qui se clame par son nom Genoiwre, dame de Montarpain, et fdle de la
seur le roy Armius et au roy Houtrans de Chippre. » Dont ses
amys en furent moult joyeulx.
En celluy temps, ce dit l’istoire, estoit évesque de Mets ung sainct
homme nommé sainct Valérien (néantmoins que je ne trouve point a
nombre des aultre évesque qu’il y eust point de Vallérien *1 qui fut
évesque, sinon Vigericus cy aprez nommés). Toutefïois dit l’istoire que
cellui Valérien, avec le commun de la cité, ont tenus conseil et délibè­
rent que au londemain on sortirait de la cité en battailles rangées. Pour
lesquelles à conduire fut le benoit sainct Livier mis tout devant, au
premier front, avec ces trois compaignons chevaliers qui de Montar­
pain estoient venus. Et le faisoit moult beau veoir sur son basant que
le roy Armius luy avoit donné, comme dist est. Et bien luy seoient
ses armes, car de rouges vestemens de sandalle estoit vestus, luy et
son cheval, et pourtoit une aigle d’or en ses armes. Bien se tint comme
chevalier, avec ces trois compaignons, et n’avoit sy beau en toucte
l’armée, ne en L région, ne si preux qu’il n’en fut ung. Pareillement
saint Valérien, le bon évesque, entrait en la battaille, luy et sa clergie.
Et saillirent de Mets à celluy jour plus de XXXm, qu’onque puis n’y
rentrirent.
Sainct Livier et les V lignées entrèrent en la battaille et le firent
moult bien à l’encomencement. Entre lesquelx se monstroit sainct
Livier comme vaillant champion. Car ung roy paien a rencontré, qui
venoit tout devant, armé, sur son destrier, et qui corroit à merveille.
Maix sainct Livier sa lance a prinse, de laquelle il luy en donnit si grant
cop sur son escus, et par telle vertus et force l’a férus que tout oulte"
l’a traspercié parmi le corps, dont il cheut mort tout estendus.
Néantmoins les Hongres et Wandres se defïendoient merveilleuse­
ment ; et, avec ce, la battaille estoit mal partie, car il estoient bien
XXX contre ung. Et, non obstant que noz gens bien le feissent, à la fin
en heurent du pire b. Le bon évesque se defïendoit, luy et sa clergie,
a. E : oultre.
b. M : prie.

1. Il semble bien que la légende de saint Livier provienne d’une chanson de geste ;
c’est ce qui explique l’absence de ce prélat imaginaire dans les listes d’évêques de
Metz. Voyez Prost, op. cit., p. 290, 291, etc.

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

75

merveilleusement ; maix, à la fin, il fut tuez, luy et toutte sa clergie ;
et aucy fut toutte la communalté. Car, quant il cuydoient retourner à
la cité, trouvèrent les femmes d’iceulx Wandrois, qui portoient grandes
bigorgnes de fer, desquelles ellez frappoient merveilleusement ; et
avoient empeschiez les passaiges, que nos gens ne povoient retourner à
la cité ; et, pour ce, furent prins et descoppés. Et ne restoit plus que
les V ligniées, qui bien se defïandoient; maix ilz ne polrent mie longue­
ment durer qu’il ne les convenit finer ; dont se fut grant pitié. Entre
iceulx Sarrazins egtoit le roy Hongrois, qui queroit sainct Livier, et
tant qu’ilz se sont rencontrés. Et sainct Livier, qui bien l’aparceust,
luy donna sy grant copt que à terre l’abattit ; maix il fust moult
tost secourus et remis à cheval. Et fut sainct Livier sy oppressé de ses
annemis qu’il fut print et liez et piteusement traictez.
Et en icelle prinse furent tuez deux dez chevalliers qu’il avoit amené
de Montarpain. Et le thiers se partit et eschappait au mieulx qu’il
polt, et s’en alla devers Bourgongne, et fit tant qu’il vint à Merceille
en Provence ; en laquelle se tint tant que merchans trouva qui en
Arménie le menèrent. Et droit à Montarpain s’en allait, là où la du­
chesse trouva, à laquelle il contait les piteuses nouvelles. Et Dieu
scet les regretz, pleurs et lamentacionz qu’elle en fist ! Et le mandait
au roy Armius et au roy de Chippre, à sainct Maloy, à sainct Sansson
et à sainct Morize, lesquelx en furent moult dolens.
Or, pour revenir au propos, le glorieulx sainct Livier fut liez tout
nudz, et fut battus de verges d’esglantier par les jambes, par le dos,
par les bras et par le ventre, en fasson telle qu’il ne luy demoura chair
enthier. Et adonc, Considérant monseigneur sainct Livier ce que dit
Notre Seigneur en l’Évengille : Beali qui persecutionem pachinlur
propter justiciam, c’est-à-dire: Bénis seront ceulx qui souffrerontpersé­
cution, car ils recepveront la gloire et le royaulme du ciel, et tantost fut
apprins 1 du feu de charitté, en délibérant de tout son cuer à souffrir
mort pour l’amour de Dieu. Et là fut il prins de ses tirans, et liez de
cordes ; et, en le battant, le volloient constraindre à adorer les ydolles
et renoyer le nom de Dieu et la saincte Foy catholicque. Et, pour ce
faire, fut mené dessus une haulte montagne emprez Mersault. Maix,
quant ilz virent la grant constance et force de luy, pour ce qu il estoit
fiché en l’amour de Dieu tant parfaictement ; et que incessamment il
prioit pour la cité, en appellant le nom de Jhésu Grist, qu il la volcist garder et defïendre de tous inconvéniant, et en recommandant
son esprit à Dieu ; luy estant dessus ycelle montaigne, l’on luy trenchait le chiefz, le XXe jour de décembre, en 1 an de 1 Incarnacionz
cent IIIIXX et XVII. Et aincy acomplit le benoy sainct Levier son
martir, et trespassait ledit jour, corne vray chevalier de Jhésu Crist.
Et, pour ce qu’il est ainsy que Dieu ses amis ne mest point en obly,
pour démonstrer les miracles et les euvres de son glorieulx martir et
1. Epris. — Il faut supprimer et en tête du membre de phrase.

76

LA LÉGENDE DE SAINT LIVIER

amis monseigneur sainct Livier, advint, à icelle heure que on luy avoit
trenché le chefz et son gang respendus par dessus la terre, par la volunté
de Jhésu Crist, que une belle fontainne sortit de la terre devant tous
ceulx qui là estoient. Et encor fyt Dieu pour son chevalier plus grant
miracle et plug merveilleuse chose. Car icelluy benoy martir, remply
du Sainct Esprit, print son chefz en ses deux mains, et au plug hault
de la montaigne le pourtait, et là rendist son esperit à Dieu.
Tout le peuple du pays, à qui venoit la congnoigsance de ce miracles,
par grant dévocion vigitoient ladite place où estoit ceste fontaine ; et
tous ceulx qui estoient en maladie, quelle qu’elle fuit, et qui en bonne
espérance et vraie créance se baingnoient en icelle, ilz revenoient en
sancté de leurs corps enthièrement, par les mérittes du glorieulx amys
de Dieu monseigneur sainct Livier. Et alors en fut la renommée appanduee *1 par plusieurs pays et contrées ; dont gens y venoient de
tous coustés, et en fut la cité moult honorée et resjoée a.
En icelluy temps que la duchesse Génouyre, sa fianciée, fut bien
assertenée du martir de son vray amis, et oyt parler des miracles qu’il
faisoit, elle, considérant que la gloire de ce monde n’est que vanité,
fit fonder une abbaye de Notre-Dame, là où plusieurs relligieuses
furent mises. Et renunçait la damme au monde et à touctes honneures,
et en icelle abbaye se rendist, là où elle vesquist sainctement tout le
remenant de sa vie, tellement qu’elle en fuit saincte en paradis.
Et sont touctes ses histoires icy escriptes en l’église de Sainct Denis
en France, là où il parle du temps du roy Clotaire ; à la IIIe parge 2,
vous trouverés de sainct Livier, aussi du duc Lutaire. Pareillement en
la cronicque des Bretons, en la légende de 6 sainct Sansson et de sainct
Maloy. Aussy en la cronicques deBordeaulx, en la légende sainct Morize,
c’on dit des Preyz. Et fut celle cronicque faicte aprez l’incarnacionz
Notre Seigneur Jhésu Crist cent IIID* et XVII, lesquelles furent à
Sainct Denis mises pour la double des Wandres, qui persécutoient
crestienté, et firent moult de malz en XXVIII citez.
Les Hongres en la crestienté. — Car, en icelluy temps, iceulx Hongres
et Wandres, plains de grant fellonnie et de cruaultey, se despartirent
de leur propre pays et région, et vinrent par les terres et royaulmes des
crestiens, et moult en destruirent. Et finablement vinrent en la terre de
France, en laquelle plusSieurs villes, chasteaulx et cité prindrent et
destruyrent, comme cy après cerait dit, en y tenant leur siège, par leur
force et par leur grant engyn. Et, que pis est, une chose très abhominable et de grande iniquicté estoit en leur fait : c’estoit car touctes les
églises ilz destruisoient par tous les lieux où ilz alloient ; clercz, prestres et moinneg mettoient tout à la mort, et leur sang dessus lez
a.
b.
1.
2.

E : resjoiée. C’est ^réjouie.
De manque (haplographie).
Répandue ; exactement : épandue.
Page (E : pairge).

TRANSLATION A METZ DU CORPS DE SAINT LIVIER

77

aultez gectoient, en eux truffant et mocquant de Dieu et dez saincte
Église et de tous leg serviteurs de Jhésu Crist. Entre lesquelx le benoit
sainct Nycaise, arcevesque de Rains, et ma dame saincte Eutroppe,
vierge de Jhésu Crist, et plusieurs aultres, regpandirent leur sang par
sus les pierres des églises. Et, finablement, quant ilz heurent tant fais
de malz par le royaulme de France, en destruigant villes et chasteaulx,
et comme félons enraigiés, s’en vinrent de rechief contre la cité de Mets.
Et, comme par la voulanté de Dieu, les murs de la cité cheurent, sans
blécier hommes de ces faulx félons, comme cy aprez oyrez. Et ensy
entrèrent en la cité et occirent quant qu’ilz trouvèrent, femme et
enffans, et ardirent toucte la ville, excepté l’oraitoire de mon seigneur
sainct Estienne, comme cy après serait dit. Et, à icelle heure, apparust
sus icelle église ung homme moult biaulx et très resplendissant,lequelles
plugsieurs virent qu’il deffendoit ladite esglise de ces maldis félons
Hongres, qui avoient mis à mort l’évegque sainct Valérien, comme
dit est.
Le corps sainct Lijvier apourtés à Mets. - Or, pour revenir a propos
et à la vraye histoire, loing tamptz après, et que la renommée des mi­
racles de celluy glorieux martir sainct Livier croigsoit et multiplioit
de jour en jour, est venuee à la congnoissance du vénérable père en
Dieu Thiedrich, pour icelluy temps XLVIIe évesque de Mets. Lequel,
considérant que en son diocèse avoit ung très sainct corps, il rendist a
Dieu grant grâce et louuenge pour les miracles que journellement Dieu
monstroit par les mérittes d’icelluy sainct corps mon seigneur sainct
Livier. Sy se pensa ledit évesque et proposa de honnorer plus grandement
le corps dudit sainct martir de Jhésu Crist. Et, ce qu’il proposait, par
euvre il l’accomplist ; car, avec noble compaignie et en belle porcession
de la clergie, s’en allait sur la devant dite montaigne où estoit ensepvelly ledit sainct corps, et là se mist en oraison, luy et touctes ses gens,
devant le sépulchre dudit corps saincts ; et, en plorant à chauldes lar­
mes et en bénissant et louens le nom de Dieu, le révèrent pasteur
Tiedrich ouvrit la fosse ; et en grant révérence et dignitey prinrent
ledit corps sainct dudit martir de Jhésu Crist et 1 en portirent em la
cité de Mets. Et de pronuncier ne de dire 1 les grandes lamentacions,
plourg, sospirs et plaintes des hommes et des femmes du pays en
l’environ du degpartement d’ung tel noble trésor comme estoit ledit
corps sainct ! Les ungs ploroient pour grant langeur, les aultres dégriffoient leur visaiges, ceulx qui estoient garis de leur maladie chau­
des larmes rendoient. Et, quant ilz aprochient près de la cité de Mets,
au devant vinrent lez porcession, acompaigniéez de grant multitude
d’hommes et de femmes ; et en mettant les genoulz à terre moult hono­
rablement le receuprent. Et puis aprez, quant ilz vinrent en la cité,
1. Il faut suppléer, pour se rendre compte de la construction, un membre de phrase
comme : ce serait chose impossible. Voyez quelques lignes ci-dessous une phrase analo­
gue (p . 78, 1. 7).

78

JULIEN L’APOSTAT, EMPEREUR

par l’ordonnance dudit évesques, les prebstres et les clercs receupvèrent moult dévottement le corps dudit sainct Livier en chantant
hympnes et anthennes, en rendant grâce et loenge à Dieu de tel noble
trézor comme du benoy corps sainct Livier. Et prinrent leur chemin «
pour pourter ledit corps en l’église de mon seigneur sainct Vincent,
lequel fist fonder ledit évesques Thiedric, comme cy aprez serait dit.
De raconter ne de dire les miracles, point on ne lez sairoit exprimer ;
maix entre les aultre ung très grant miracle y fut demonstrés. Avint
que, quant ceste porcession fut oultre la rivier de Mezelle, par la voluntey de Dieu, ceulx qui pourtoient la fiarte minrent jus le corps, en
se reposant, sur le quairfour de la rue,devant l’église de Sainct Poluel*1,
là où la croix est à ceste heure ; et, quant ilz volrent lever le corps
sainct, après ce qu’ilz furent reposés, nullement ne polrent movoir ne
bougier cestuy dit corps sainct. Et, quant ilz olrent tant longuement
esprouvey, en tirant et en serchant, et ceulx qui le pourtoient, et tout
le peuple enthièrement, estoient en grant admiracion de ce qu’il persevoient visiblement. Et là fut déterminez par tous les clères et le
peuple de eulx mettre en orison en Dieu, priant dévottement qu’il luy
pleust de sa bénigne grâce de eulx faire savoir pourquoy il ne pouloient aller avant. Et, quant ilz olrent ainsy estez en prières et en plours,
tantost il oyrent une voix de Dieu traminse, qui leur dit que ilz tenissent la voye que ledit corps sainct tanroit ; et adonc, cest voix oyee,
incontinent conmencèrent à sonner les cloches de ladite église de mon­
seigneur sainct Poluel. Et puis vit on ung très grant et merveilleux
signe : ce fut que, très liéement, sans nulz empêchement, se retournèrent
de la voie qu’il avoient entreprinse d’aller à Sainct Vincent, et tantost
entrèrent en ladite église de mon seigneur sainct Poluel, et là mirent
jus doucement ledit corps sainct Livier, en glorifîiant et rendant graice
et loenge à Dieu de paradis, à qui est honneur et gloire sans fin parduiablement. En laquelle nous velle mener le Père, le Filz et le Sainct
Esperit ! Amen.

[JULIEN l’apostat ; SAINT AUTRE ;
SUITE DES EMPEREURS DE ROME ET DES ÉVÊQUES DE METZ]

Retournons maintenant à nostre premier prepos et à parler des ampereur de Romme et des évesque de Mets. Et disons cornent, en celluy
temps, aprez ce que Jullius l’Apostat ycy devent nommé oit tenu
l’empire de Rome VII ans, il fut occis miraculeusement en une battaille
qu’il avoit contre le roy de Perse, et, en morant qu’il faisoit, il prenoit
a. E : chamin.
1. Saint Polyeucte. La paroisse Saint Livier de Metz était sous l’invocation de
saint Polyeucte avant la translation du corps de saint Livier.

SAINT AUTRE, ÉVÊQUE DE METZ

79

le sanc qui yssoit de son corps, et, en le gectant vers le ciel, disoit
ces parolles : « Tu m’a vaincus, Galliléyens ! Galliléyens, tu m’a vain­
cus ! » Car il appelloit Notre Seigneur Jhésu Crist Galiléyens, filius
faibri a, en le vitupérant. Et de sa mort fut tout le monde resjoy, comme
le tesmongne la vraie histoire, laquelle je lesse, pour abrégiés.
Jovinien *1. empereur. — Et, aprez sa mort, Jovinien thint l’empire
VIII mois, comme cy aprez serait dit.
Sainct Aullre fait évesque de Mets, et thint le scièges xix ans. — Et, en
ycelluy tamps, le benoit sainct Aultre fut évesque de Mets, qui en latin
se appelloit sanclus Auctor. Lequelle thint le siège de l’éveschié Tapasse 2
de XLIX ans, c’est assavoir dessoubz Jullien, Libère, Bienaurous 3,
Damasse, pappe, Constantin et Jullien l’Apostat b et Valencien, empe­
reur, on temps que sainct Martin, évesque de Tours en Tourainne, et
sainct Mamien, évesque de Trêves. Et yceulx anssemble condampnèrent à Coullongne Eufrate, qui estoit hérite. Et fut ledit sainct
Autre évesque de Mets quant les Barbarins, Hongre et Wandre cy devent dit entrèrent en Galle et conprinrent touctes les parties d’oc­
cident 4. Et, combien que mains miracles se puissent conter de luy,
toucte voye je vous en dira deux.
Premier, pour le temps que les Barbarins et les Hungres, que autre­
ment furent appellés Wandes, persécutèrent l’Eglise et touctes crestienté, comme ait estez dit, et que Godegaire, le roy dez Allobrogue,
oit entrez en Galle, sainct Servay, qui adonc estoit évesque de Tongre,
s’en alla à Romme pour visiter les sainct lieu, et pour grâce impétrer
vers les corps saincts dez appostres de Jhésu Crist qui là estoient
ensevelis. Et quant il se fut mis en orison, sy comme syl 5 que se vouloit offrir en sacrifice pour le povre peuple de cest pays que tant estoient
tormenté des Wandres, adonc sainct Pierre luy apparust et luy dit:
« Saiche, trèscher amy, qu’il est déterminé du jugement de Dieu que
toucte la terre de Galle sera mise en feu et en flamme par les mains des
Barbarins, excepté Torator de Sainct Estienne de Mets. » Et, quant
sainct Servaice oit oy la sentence de Dieu, il s’en retourna sans plus
attandre. Et trouva jà que toucte Galle estoit plainne de Hongres ;
et avoient assize 6 Mets par long temps, maix, par la force et haultesse des murs mervilleuzement grant, ilz s’avoient retrais. Et adonc y
vint sainct Servaice, et entrait en la cité, et racontait à sainct Autre
la vision sainct Pierre ; et puis s’en retournait à Tongre. Et, sy tost
comme il fut fuer de la ville de Mets, les mur cheurent. Et, quant
sainct Autre vit ce, il amonestet les citains à confession et de pénia. E : fabri.
b. M : le postate ; E : lapostate.

1.
2.
3.
4.

Jovien.
Espace.
Félix II.
Sur la légende de saint Autre, qui se rattache à celle de saint Livier, voyez
Prost, op. cit., chapitre V, p. 271 et sqq.
5. Cil, celui.
6. Assiégé.

80

LA LÉGENDE DE SAINT AUTRE

tance faire, et fit commander que tous les enfïans fussent baptisiez.
Et fuit par ung jour du grant samadi de Pasques. Adonc, quant les
Barbarins oyrent la nouvelle des murs aincy cheus, sy vindrenttous à
force de gens et prindrent la cité, et mirent tout en feu et en flamme. Et
là veïssiez églize jonchiez du sang des chrestiens, prebstres et clercs
mettre à mort et faire leur mocqueries (et seullement ceulx estoient
gardé desquelx ilz volloient faire leur mocquerie). Et vindrent dairiennement à l’oraitoire de Sainct Estienne ; maix ilz n’y polrent en­
trer ; sy s’en retournont confïus, si comme les Sodomiche de la maison
Loth. Adonc ilz prinrent l’esvesque et le remenant du peuple et les
enmenèrent, et mirent la cité tout en feu et en flamme. Et, quant ilz
vinrent loing d’icelle, en une ville qui est appellée Dipaing, par la voullunté de Dieu, tous les Barbarins furent aveuglés, et ne savoient aller
ny avant ny arrier. Et, quant ilz se virent en teille guise, ilz demandont au chrestiens dont poioit venir teille pestilence. Et ilz dient que
c’estoit pour péchiez de ce qu’ilz enmenoient une saincte parsonne
qui avoit nom Aultre, qui estoit esvesque de a Mets. Adonc ilz le
querirent parmey les aultres prisonnier et luy dirent : « Chier sire,
prenez du nostre ce qu’ilz vous plait, et nous randez nostre claretey. »
Et ilz leur respondit : « De vostre rappine n’ay je cure. Maix, si vous
vouliez estre garis, t'aictes que tous ceulx soient delivres que vous avez
prins en ma cité. » Et ensy le fyrent ilz. Et ilz virent comme devant.
On raconte encour une aultres exemple 6 de luy. Il avoit en l’église
de Mets ung treit *1 qui avoit le pied porry de viellesse ; sy cheut sur le
grant aultelz, qui estoit de marbre , et le froixit en pièces. Sainct
Aultre y vint et recueillait les pièces et les mit ensemble, et fit son orison à Dieu, et puis fit le signe de la croix sur les pièces : sy fuitl’autelz
aucyc enthier comme devant.
Jtem, on raconte de luy que, avent qu’il fuit évesque, ilz fuit save­
tier. Et vaulcoit 2 en celluy tamps le siège de l’évescbié : sy priait la
clergie et le peuple de Mets que Dieu leur envoiet ung bon évesque. Et
fuit révellé à ung sainct homme que on querit ung proudomme qui
heust nom Aultre, et le fyt on esvesque. On le quist tant qu’il fuit
trouvez daier là où est maintenant l’église Sainct Suplice 3. Là estoit
ilz et cousoit ses soulliés ; et, quant ilz avoit fait ung soulliez, ilz mettoit tant de pièrette dedens comme ilz voulloit vendre les soulliez. Et,
quant on les volloit acheter, on luy demandoit : « Que faictes vous ses
soulliez ? », et il respondoit : « Tant de denier comme ilz y ait de piè­
rette » ; et aultrement il ne juroit. Et, quant ilz fuit trouvez, se luy dict
le messaigier qu’il l’en couvenoit venir pour estre évesque, car Dieu
le voulloit. Et sainct Aultre dit qu’il ne le creoit, nez qu’il saltroit une
a.
b.
c.
1.
2.
3.

M : des ; E : de.
M : exemble ; E : exemple.
M : aucy est corrigé sur ensy.
Tref, poutre.
Vaquait.
Derrière l’endroit où est maintenant l’église Saint Sulpice.

VALENTINIEN, EMPEREUR

ol

fontaine de terre. Puis, en dissant le mot, print son allonne 1 et la vait
poindre en terre. Et tantost, par miracle de Dieu, ilz en saillit une
fontaine. Adonc il vint avent et vit bien que c’estoit le grey de Dieu,
et fuit faict évesque. Et, pour plus grant esprouve de vérité, ancor
aujourd’uy est celle fontainne en Mets, daier l’église de Sainct Simplice,
et l’appellent on la fontainne Sainct Aultre, et y suellent on 2 3baignier
les petit anffans qui ne puellent amander.
Cil sainct Aultre morut le Xe jour d’aoust, dessoubz Sirice le pape,
Gracien et Vallancien, empereur. En celluy tamps fut sainct Yburces
évesque d’Orléans, au temps Constantin le Grant et Hellenne, sa mère,
qui trouvait la vraye croix. Et meysme au tamps dudit sainct Aultre
fuit saint Anastase, évesque d’Alexandre, cy devant nommé, lequelle
fit Quicuque (sic) vult salvus esse, etc.,encontre les Arien. L’an IIe et XX,
au temps du benoit sainct Autre, florissoit sainct Hillarions, qui fut
de moult grant mérite envers Dieu, comme tesmongne sa vie et légende.
Item, aprez la mort de Jullien, thint l’empire Jovinien VIII moix,
comme cy devent ait esté dit. Et fut bon crestien ; car, comme Jul­
lien cy devent nommé heust commendé, quant il régnoit, que tous
ceulx qui ne luy obéirient fussent privey du singulon 3 de chevallerie,
mais Jovinien oit plus chier parde la dignitey de chevallerie que obéir
au malvais apostate. Or avint de l’ordonance de Dieu que, après la
mort dudit Jullien, il fut esleu empereur ; maix il dit au peuple qui le
faisoit empereur : « Je suis chrestien et pour ce je ne veul point avoir
de signeurie sur ceulx qui sont idolâtres. » Et adonc ilz crièrent tous à
une voix : « Sire, ne lesse pas l’empire pour ce que nous ne sommes
pas crestiens, car nous nous repentons de ce que nous avons obéys à
Jullien. » Celluy Jovinien ordonnait et establit que quiconque ferait
villenie à femme sacrée à Dieu, qu’il fuit décapité. Et fut grant dopmaige de ce qu’il morut si tost.
Valentinien, empereur. — Item, après la mort d’icelluy, thint l’em­
pire Valentinien par l’espace de XI ans. Lequel avoit ung frère, nommé
Vallent 4, qu’il fist régner avec luy. En celluy temps les Cincanbriens,
qui orendrois sont appeliez François, vindrent demorer en France.
Et fut premier leur habitacion environ le Rin.
Le pape Damas, qui ordonnait de dire le Gloria Patri, etc. — Pa­
reillement, je trouve que en celluy temps gouvernoit l’église de Romme
Damas, lequel ordonnait c’on dit à la fin de chacun seaulme Gloria
palri.
.
Dydymus d’Alexandrie. - Et aucy en celluy meisme temps florisoit
Didimes d’Alixandrie, lequel perdit la veue avant qu’il heust V ans.
Et, non obstant, Dieu l’enlumina tellement qu’il n’estoit escripture
1. Alêne.
2. Suellent de souloir : on a coutume d’y baigner...
3. Transcription du latin cingulum. Il y a eu sans doute confusion entre le
ceinturon et l’anneau.
4. Valens.

82

SAINT MARTIN, ÉVÊQUE DE TOURS

divine qu’il ne Sceust parfaictement ; et mesmement de géométrie,
qui est une sciensce qu’on ne peult pas bien entendre sans cler veoir ;
et d’arisméticque et de philozophie respondoit sy bien que nul n’en
peult mieulx respondre. Et fut sainct Jérosme et plusieurs aultres ses
disciples.
Sainct Bazille florissoil. — Item, en celluy temps, florissoit sainct
Bazille et son frère sainct Grégoire, évesque de Nice 1, qui fit maintes
escriptures moult profitables.
Sainct Ambroise florissoit. — Et, en ce meisme temps, florissoit à
Millam sainct Ambroise, qui en fut archevesque, lequel enlumina
moult 1 Eglise, et establit que on chantait le service divin ez églises :
car devant on ne le faisoit que lire, sans chanter.
Sainct Agustin florissoit. — Et, aucy pour ce temps, florissoit sainct
Augustin, qui fuit de sy subtil engin qu’il surmonta tous ceulx qui
devant luy avoient estez. Et fit et composait tant de livre que ung
homme durant sa vie aurait assés affaire de lez lire, voir et qu’il ne
fist aultre chose.
Sainct Jhérosme. — En celluy temps aussy florissoit sainct Jérosme,
lequel fuit cardinal, et sceut parfaictement trois langues, c’est assavoir
hébrée, grèce et lattin. Icelluy translatait la Bible de grec en latin,
et morut sainctement, comme le tesmoigne sa saincte vie et légende.
Sainct Merlin, évesques. — Pareillement, pour celluy temps, estoit
sainct Martin, lequelle fut évesque de Tour. Et fut en son tamps
homme de grant mérite. Et fut du temps sainct Autre, évesque de Mets.
Valentin 2, empereur. — Item, après la mort de Vallantinien, tint
1 empire Vellentin, son fils ; et Vivant 2, son oncle, régnoit encor és
parties de Orient. Lequel estoit grant persécuteur des catholicques.
Marie Égiptienne aux désert. — Durant le temps de cest ampereur,
le bon père Jozimas trouvait au désert saincte Marie Égiptienne, qui
est une belle histoire, corne raconte la Vie dez Père.
Saincte Marinne ; [sainte] Eufrosine. — Et en ce meisme temps,
saincte Marine, vierge, demeura moult long temps à une abbaie de
moinne, à laquelle on donnist ung enflant 3. Pareillement, en celluy
temps, conversait sainct Eufrosine par l’espace de XXXVIII ans en
abit de moynne. Desquelles vierges dessusdite trouverés leurs légendes
en la Vie des Pères. Et, pour ce, m’an passe quant à présant.
Gracien, empereur. — Item, après la mort Valentin, thint l’empire
Gracien.
Priant, premier roy sur les François ; Van de VIncarnation iijc txxj. —
Item, en celluy tampts, cellon aulcuns istorien, régnoit sur les Fransoy
Prian, laquelle fut le premier ray qui régnait sus eulx depuis qu’il
1. Saint Grégoire de Nysse.
2. Valentinien II. Il avait un frère ainé d’un autre lit, Gratien, qui était neveu
de l’empereur d’Orient Valens.
3. La légende de sainte Marine ou sainte Théodore est dans la Légende dorée
de Jacques de Voragine. Voyez le Dictionnaire des Légendes du Christianisme du
comte de Douhet (Coll. Migne).

ORIGINE DES FRANCS OU FRANÇAIS

83

orent lessiei Sicambre et furent appellés François, pour plusieurs rai­
sons que je lesse. Mais, comment qu’il en soit, il est chose certaine que,
environ le tampts que vanrait ycy après, qui fut l’an de l’incarnacion
Nostre Seigneur trois cent LXXI, il vinrent premièrement en Galle,
laquelle il appellèrent France. Et alors régnoit sur eulx ycelluy Prian,
qui de loing tempts estoit descendus de Hector, le filz au roy Prian
de Troye.
Marcomius (sic), roi des François. — Et, après la mort d’icelluy
Prian, régnait sur les François Marconinus °, duquelle ycy après nous
en parlerons, cellon maistre Robert Gauguin et cellon aultres acteur.
Et durait le royaulme de celle généracion, cellon l’acteur deventdit,
par droicte succession de tampts du peire au filz ou de frère à frère,
par l’espaice de trois cent et XX ans. Et puis, après celle lignié faillie,
régnait Pépins, le peire Charles le Grand, comme cy après serait dit.
Paireillement, en celluy tempts, vinrent une manier de gens de
Saxone en la Grant Bretagne, lesquelx en deschaissèrent lez Bretons ;
et prinrent possession de la terre, et ce firent appeller Angloix.
Toutteffois, affin que chacun entande mieulx dont vinrent premiè­
rement lesdit François, j’en dirés encor quelque chose en brief, cellon
maistre Robert Gauguin, et en la manier qui c ensuit.

[origine des francs ou français]

Don procédait le nom des Fransois. — Et, premièrement, il est à
antandre, cellon ledit maistre Robert, que lesdit François vinrent en
ce tampts demeurer en Gaulle, que maintenant est dicte France.
Aurélin *1 subjugait les Saxons. — Et dit que, cellon l’oppinion
d’aulcuns acteur, que Aurélin, prédécesseur de Constantin, à 1 ayde
des François, subjuga lez Saxons, que nous appelions les Allemens ;
parquoy il furent X ans affranchis de paier tribus au Romains ; et,
par ce, dit qu’il furent appellés Franc. Mais l’oppinion dudit.Gaguin
est que ce fut pour leur premier prince, nommés Francion, lequelle
amena ce puple de la despoulle de la grand Troye.
La fondation de la cité de Sicambrie. — Et habitairent premièrement
sus les mairche de Honguerie, aux plus baix des Allains , et illec fon­
dirent une cité de grand pris, nommée Cicambrie.
Les Françoi fo[nl] leur résidence à Francfort. — Puis, après la mort
de Francion, et après plusieurs baitaille eheue au Romains, ce partirent
lesdit François de leur païs, et vinrent premier tenir leur sciège là où
à présant est la ville de Francfort ; et en ce lieu furent par loing tampts.
Mais, après, pour plusieur raisons que je lesse, ce appandirent lesdit
a. Philippe avait mis d'abord : Meroveus.
1. Aurélien,

84

MÉROVÉE, ROI DES FRANÇAIS

Françoys parmy le pays de Gaulle. Et alors, en ce tampts, avoient ung
prince qui premièrement print dominacion et seigneurie en cest partie
sur lesdit François. Et fut cellui appellés Marc Mirre ou Marconinus.
Pharamond créés premier roi de France; l’an de Nostre Seigneur
iiijc el xx. — Celluy oit ung fîlz, belz homme et excellant de corps et
de couraige, nommés Pharamond ; lequelle fut le premier roy des
Françoys. Et fut ce tampts qu’il comensait à régner en l’an de Nostre
Seigneur quaitre cenc et XX. Mais il mourut la XIe année de son resgne.
Et fut celluy Pharamon le premier qui donna loy aulx Françoys.
Clodion, fîlz de Pharamondz. — Or vint à morir, comme dit est, et
laissait ung fdz, son héritier, nommés Clodion le Chevelu, lequelle fut
ainssy appellés pour l’abondance de ces chevculx. Celluy roy Clodion,
désirant eslargir son pais, fist une grosse armée, et mist les Thuringes
soubz sa puissance et dominacion. Puis envoiait ces ambaixadeur en
Galle belgicque.
Le déparlement du paiis qui se disl les iij Galle. — Car le pays de
Galle, comme aultre fois je vous ait dit, est divisée en trois partie,
desquelle la premier partie ce appelle Gaulle belgicque, l’aultre est Gaulle
celticque, et la dernier Gaulle acquitanicquez. Mais, pour ce que plu­
sieurs fois j’en ais jay parlés (et en prêtant encor à parler), je vous
veult maintenant dire et desclairer là où s’acomence et prant le nom
desdite trois Galle. Premier s’acomence à Gollongne sur le Rin, en
montant droit amont celle rivière jusque à Baille, en Suisse ; puis de
là à Constance, et tout amont le pays desdit Suisses, en comprenant
Bairne et Fribourcquez ; et en retirant droit on pays de Savoye, et
en sircuant tout le païs de Daulphinois et tout le payz de Provance
jusques à Merceille ; et tout du loing du rivaige de la mer, en tirant
droit en Bretaigne, et on y compregnant tout le païs, et pareillement
celluy de Normendie ; puis en retournant au pays de Flandre, et d’illec
revenir à la dite cité de Collongne. Auquelle tour faisant sont encloz
XVIII province et plusieurs païs et région, et aucy plusieurs noble cité,
ville et chasteaulx, lesquelles tous ensamble font ladite Gaulle, en la­
quelle ou en la pluspart d’icelle habite à présant la nacion françoise.
Mais, pour revenir à nostre propos, celluy roy Clodion envoyait ces
ambaixaides, comme dit est, en celle premier Gaulle belgicque, en la­
quelle sont fondée et édiffiée plusieurs nobles cité, entre lesquelles est
la noble et ancienne cité de Mets, de laquelle je prétend plus à parler
que de toucte les aultres. Parquoy je trouve que, aprez ce que lts am­
baixadeur dudit Clodion eurent veheu et cogneu l’estât de celle Gaulle
belgicque, pour responce il dirent audit Clodion que le pays estoit en
petite puissance, parquoy ledit roy, cen desmeuré, ce y transporta luy
et ses gens. Et premier print la ville de Cambray ; et aussi la cité de
Tournay, et conquesta tout le pays. Mais, au XXe ans de son règne,
trespassa ledit Clodion.
Méroveus, roi des François. — Au lieu duquelle fut esleu à roy
Mérévous, qui estoit son plus prochain parans. Duquelle roy des­
cendit Pupin et Charlemaigne, comme cy aprez vous serait dit, quant

85

ÉPLÈCES, QUATORZIÈME ÉVÊQUE DE METZ

tampts vanrait de en parler. Mais nous larrons d iceulx quant à présa ,
et retournerons à parler des évesque que en ce tampts thinrent le
sciège de la cité de Mets ; puis, après, soubz quel seigneurs en ce tampt
la dite cité estoit gouvernée.

[SUITE DES ÉVÊQUES DE METZ ET DES EMPEREURS]

De Vévesque Eplécins. - Le XIIIIe évesque de Mets M appellés
Ÿnièces en latin Eplecinus ; et thint ycelluy le siégé de 1 éveschié
XV?ansde soubz Théodose, empereur, Sirices et Anastase pappe ;
ft morûi’delul» eulx, et fut ensevely en l'esglise de Sa,uct Clément.
Théodose empereur. - Item, aprez la mort de 1 empereur Gracien,
tint Théodose XI ans l’empire. Et, en celluy temps, futsamct Marvil^ évoque d’Angiers, quy fit plussieurs miracles- entre lesquelx
ressuscitait ung anffant qui avoit este ung ans en sepu tu .
Saind Jehan Bouche d’Or. - Meismement, durant celluy temps,
estoit saint Jehan Bouche d’Or patriarche de Constantinoble, leque
fuit homme de moult grant excellance.
priiriPTire le noète
Prudence le poêle. - Aucy fut en celluy temps Prudence le poete,
lequeUrTfit'et composait ung livre de la baitailles des Vertus contres
“VX1«M advenus« JW - Pr,,e”“t'“""a1Tch™
tamps advint une adventure et ung prodigue bien gra .
,
Siî, en Judée, nacquit ung enflant qui tous ces membres
dez le nonbril en amont avoit double : car il ayoit deux testes, deux pis,
mi Yeuix mi oreilles ; et aulcuneflois 1 ung mengeoit e
bevoit aulcuneflois tout enssemble ; et ne vesquirent que ceux ans.
^
sainct homme ; lesquel escripvait la Vie d.Pere,

qui fut moult
^

la court ^Théo idose.6 l’empereur, florissoit Jehan Damacène, que fuit
homme plain de grant perfection et de P^e “ ’ ££M
ycelluv moult de belle séquences en l’honneur de la V erge Marie, ur
ait quTaulcuns, par envie, luy mirent sus une trahison, laquelle ,e
lesse à cause de briefveté, et pour laquelle traison 1 ernpere
y
fesse à cause ne n
_ y j
faire pius grant honte, la fist
ZdT. iZatt v ùlte'dérégj Maix, par miracle d, la Verge
Marie,6 et aprez plusieurs prière et lamentation fa.cte par led.t Jehan
Damacène, sa main luy fut rendue.
,
mflrène — Puis
T ’nntrolle de Salve sancta parens compozee per Damacene.
apref edÏ Jehan Damacène fit assembler les moinnes de son esg
et se aHoit revestir pour chanter messe. Et print à chanter a haul e
voix
Wa pals. Et fut adoneque la primier fois que jaimaix

Ile

BONOLE, SEIZIÈME ÉVÊQUE DE METZ

cest introyte fut chantée. Et, les nouvelles oyes, l’empereur vint oyr
me“ev Et furH
T* * ^ 3 luy baisait la
^ luy cZ
mercy. Et furent pugnis les envieulx malfacteurs.
Le XV- évesque de Mets ihinl le siège xxix ans; Van Uje ixvj _
sÏÏeXXlXans 7^7
le XVearchevesque; etthintle
ïnocent et Zo^ !
*
et H°nnoré’ amPereur> et dessoubz
Inocent et Zossime, pappe ; et fut ensevely en une église aprez dez
C c Î 1 r
6 MetS’ n°mmée 1,eSgHse Sainct Mamin en vignes. Et
fut ceste église premièrement fondée en l’an IIIc et LXVI - laquelle
esglise fut a premier paroche d’Oultresaille. Celluy archevesque fut
oâuse ir**
“ '°nt “ “« ^ “ «*■. »• » l'év»ch!é Et la
ause est comme on dit, pource qu’il vendit l’archeveschié pour une
amine et pour susciter le peuple de la cité ; et changeait contre
ne St dTM f
"T’ 4 [aqUelle Ü
le siège de archeveschiez, et
fïst de Mets que éveschiez, comme aulcuns veullent dire.
temnfafe ’ emfereur’ el Honnor^ son filz. - Item, durant celluy
ps,et aprez la mort Théodoze l’empereur, thint l’empire Archade^
et Honnoré, son filz, lesquelx régnèrent XXIII ans.
nair^fr Et; rr Ce meisme temps’ Oroze florissoit en Espaigne. Lequel fut moult bon historiografïe, et fit ung livre à la request
de samet A„8„rti„, onquel a récite les pestilence qui advindZTu
lT vÎnnesTT'T6”1- Et '• ««• P«™,dOy il Ht ce livre fut pour
les vamnes parolles des païens, qui disoient que pource qu’on aoroit

aUemondSt et-T01- °nIeSSleZ les ydolIes’ pIu® de Pestilence advenoient
qU Ü ,n aV0lt Jamaix fait paravant. Mais ledit Oroze les
eprenoit en son livre et leur remonstroit leur menterie.
axncl aulins en bru[il}. — En celluy meisme temps fut sainct
femme8’
^ flSt Vendre pour Paier la ransson du filz à une vesve
C71777 7-éliCq'lef ~ Et’ meîsmement durant ce temps, fut en la
retaigne, c on dit Angleterre, ung hérèze nommé Pelaige,
lequel soustenoit que les enffans n’ont point de péchiez originel ; et
plusieurs autres choses soustenoit encontre Dieu et raison, que je lesse
a cause de bnefvetey.
Bonde, xvje évesque de Mds, thint le sciège xx ans. - Bonole, en
atin Bonolmus, fut le XVD évesque de Mets ; et thint le sciège XX ans
5 ^°.rU, en novembre, dessoubz Célestien et Sixte, pappe, Honnoré
et Ihéodose le jonne, empereur.
Le corps sainct Eslienne et ses compagnon trouvés. - Et, au temps
des devantdit, fut trouvé le corps sainct Estienne, le premier martir,
avec Gamaliel et Abibon et Merchodème 2. Dont on veult dire que les
1. Arcadius et Honorius.

LES DUCS DE TONGRES ET DE BRABANT

87

relie,u.s de sainct Estienne, que or sont en son églised* "j’ “
panse nar lesquelles ly oratoire de luy eschappaxt dé Wandres , car
lesdite relicqoe furent envoies des Apostre à sainct Clément, le premier
évesque, si comme il est contenu, on second livres de la vie sa.net
CléE”ece meisme temps, et que l'évesque Bonole, cy devent nommes
tenoitle sTège de l'évesàiies de Mets, régnoit en France Pbaramon, c,
devant nommes. Lequel , rCgn.it XI «ns, puis apres mourut, durant
France, régnai, *x ans. - Et fut constitués en son lieu
CJ A*ùîy Je'trouvTqmtout le temps devent, et loing temps après,
la chose publicque de la cité de Mets eatoit ton,jours gouvernée par
duc ou par roy^avec les Y noble pairaige des ligné, ancienne, comme
duc ou pa
y.
leur fait ce trouve par escnpt ,
parquoi'je m’eftSs e‘t "7Jés » parler ceulx quy plus en seront

16 SaZfpanl'Z0°-‘ZÏZ ceZl ^ «*
’ltrriTf"-«"mSmement en cel.uy temps cst.it
sainete Paulle et sa fille, esquell.s sainct Jhérosme escript plussieurs
épis très.

.
_ Pareillement, en celluy temps, estoit
,ai»rjeht‘c,sS:. qui escript l« colla»ion des Pères
y
ait moult de bien et de perfection et de bon »”» 8»«“ t ,
ha(ie
Théodose et Valentinien, empereur. - Pu», aPrez “ “
. t volt
et Honoré, empereurs, thint
que Valentinien, son nepveu, régnait à Romme, et U régné
tantinoble.

[LES DUCS DE TONGRES ET DE BRABANT ;
SUITE DES ROIS DES FRANCS ; L’iNVASION D ATTILA]

Chartes le Belz, duc de Braibanî Van iii'f et
nans retournons à parler dez duc de ongre e lllndracions de Galle,
maistre Jehan de Belge, qui comp
.
• fut fîlz de
en celluy temps régnoit sus cellui pays Charles le Bel*, qui

^

CHILDÉmc PREMIER, ROI DES FRANÇAIS

lt!ÏÏfSUS’ vZ, detTraXander- Et 1 c« dit Charles espousa la seur de
pereur Valentiman ; sy fut maistre de la chevalerie dudit empereur
Mais quant il sceut la mort de son père le duc AnSigiSu5, il retourna
par dessa pour gouverner ses païs. Et comensa à régner l’an aprez
incarnation Notre Seigneur IIIlc XXXVIII, qui fut le deuziesme aï du
régné de 1 empereur Martian ; et succéda ledit Charles le Bel à son père
tan en !a duchié de Tongres et de Braibant comme au gouvernement
de la Gaulle belgicque, laquelle il gouverna pacificquement pour les
Romains pour 2 l'espace de XV ans.
Attila, dicl le Fléau de Dieu. - Et, en ce temps-là, sourvindrent les
grandes et merveilleuses persécution du terrible Attila, roy des Huns
qui Se nomment le flayau de Dieu, et de Walamyr, roy des Ostrogothz!
ïrsf dn t /°a ÎVGé?lde$’ Ies(ïuelz courrurent et destruirent toutte
ceste contrées de Gaules belgicque. Et fut en ce temps que ilz prindrent
et démolirent les cités de Trêves, Metz, Colloigne, Tongres et Bruxelle.
...Près lesTuelle choses yceulx Huns plantèrent leur ost et passèrent
îver auprès de Astha, en une grant champaigne qui s’appellent encor
aujourd huy le Champs des Huns, et est à ces? heure le pTïs de Canpt
gne entour de Bair le Duc 4. Parquoy, ce voiant le roy de Franïe
nommés Méroveus, lequel desjay en ce temps régnoit sus les François’
très vaillanment et puissanment, à l’aide de Ecius, sénateur romains’
lez reboutta ; et combaitit encontre celluy Atille, roy des Huns et
glorieusement retournait victorieulx.
Cent Uij** mil homme tués en bataille. -Et en ycelle baitaille morurent, comme an dit, [plus] de cent et IIII** mil homme des annemys ■
entre lesquelle Thirey, roy des Visegothz, y fut tués.
5 ’
Meroveusrégna Fan de Noslre Seigneur iiijo lxvUj. Childêric roy,
an ni, et Ixx. - Celluy Méroveus fut roy trèsprofitable et trèsutille
audit royaulme. Et régna en l’an Nostre Seigneur IIIlc LXVIII nuis
morut ; et Childérich, son filz, thint le royaulme ; et comensait’à ré­
gner en an IIIlc LXX. Mais,cellon Gauguin, il n’y fut guère que, par
sa luxure il vint en indinacion et hayne de la plus part dez prince et
seigneurs de son reaulme ; et c’en fuyt dehors, vers Bassine, la femme a
roy e Thurmge, qui estoit son amie. Et en son lieu fut esleu Gillon le
romains, lequelle alors se tenoit à Soison. Et oit celluy Gillon, comme
on dit, “ouït affaire au roy Artus d’Angleterre. Mais ne demeurait
guerre que ledit Childérich, par le conseille et ayde de son amy
Guinemault qui estoit l’ung dez principaul de son royaulme, retour­
nait arner, et fut remis et restitués en son royaulme et seigneurie. Et
ce thint par plusieurs jours au chasteaulx de Bar le Duc, en attandant la puissance de Gillon, lequel il deffit en champs de bataille.
a. Ms. : contés.
1. Jean Lemaire de Belges, éd. Stecher, t. II, p. 361
2. Jean Lemaire : par.
*ChamPai8ne ! seule l’édition de 1513 porte Campiene C’est donc
5558 S’6St S6rVi’ 6t 13 rédLti- de ^ P^e Je "a

4. Jean Lemaire : Bas le duc. — Philippe cesse ici de suivre le texte de Jean Lemaire.

LES LIMITES DU ROYAUME D’AUSTRASIE

89

Childéric pranl la cité de Cologne, Orléans el Angiers. — Et, après ces
choses et ainsy faictes, en l’an IIIIc et LXXV, il print la cité de Gollogne sur le Rins. Et, en l’an aprez, il print la cité d’Orléans ; et, en l’an
IIIIC IIIIXX, il ardit la cité d’Angiers et occit le conte d’icelle. Puis,
ce fait, il print et espousait ladite Baisine, qui alors estoit femme a
roy de Thuringe, laquelle c’en avoit fouys vers luy pour ces vertus,
nonostant la bonne amours et le bon recueil que ledit roy de Thu­
ringe luy avoit fait, corne cy devent ait estés dit. Puis vesquirent ensamble par l’espaisse de XXIIII ans. Et, en mourant, laissait le royaulme à son filz Clovis.
Clowis comensa[it] à régner l’an mil iiijc iiijxx el iiij. — Lequelle
condensait à régner après son père, en l’an de grâce Nostre Seigneur
quaitre cent IIIIXX et quaitre. Mais, avant que je parle d’icelluy,
je vous dirés aulcune chose dez roy de Tongre, cellon maistre Jehan de
Belge en ces Inluslracion. Et dit ainssy.
Don vienl le nom du paiis d’Aslrasie.— Astracius *1 fut filz à Lando,
et Lando fut filz de Charle le Bel, cy devent dit. Et fut celluy Astra­
cius en son tampts roy de Tongres, et fort aymés du roy Childéric
de France, jay ce que ledit Astracius estoit crestiens, et ledit roy Chil­
déric estoit paiens et ydolaitre ; néanmoins, pour l’amour qu’il avoit
audit Astracius, qui estoit prince de vertus et bon catholicque, ledit
Childéric luy donna le gouvernement de la Galle belgicque. Et il la
régit à la mode crestienne ; dont, par sa singueillier prudence et vertus,
ladite province fut appellée Astrasie, on non de luy, que maintenant
est dicte Lorraine. Et dit maistre Robert Gauguin, natif de Douuay,
que ce roy Astracius tenoit son sciège a royaulx en la noble cité de
Mets. Et aulcune fois le tenoit à Ais la Chaippelle, pour estre plus près
à ces affaire.
Les lymgle d[u] paiis d’Aslras[ie]. — Car ces seigneurie ce estandoient
depuis les extrémitez de la haulte Bourgongne, en venant au tour dez
montaigne du païs d’Aulsay et en dessandant en jusques à la mer de
Frise, entre les deux fleuve du Rin et de l’Escault,et comprenoit Utrecht,
Collongne, Trêves, Mayence, lez païs de Braibant, Gherdres 2, Clèves,
Hollandes, Zélandes, Hainnaulx, Hasbain, Liège, Lembourg, Alsate,
et touttes les terres que le conte palatin thient maintenant à l’entour
du Rin ; et, oultre ce, tout le païs d’Ardenne et de Barrois, qui
depuis fut ellevée en contez, et puis en duchiei, en la cité de Mets 3,
comme cy aprez serait dit, quant tamptz vanrait d’en parler. Et aincy,
en comprenant la dite cité de Mets dedans, vella les limites dudit
a. M : scège.
1. Ce qui suit est un résumé du texte de Jean Lemaire, éd. Stecher, t. II, p. 364
et sqq. C’est Jean Lemaire qui cite Gaguin (p. 365). Il met sur le même pied les deux
capitales : Metz et Aix-la-Chapelle, tandis que Philippe insiste sur Metz et relègue Aix
au second plan.
2. Gheldres dans Jean Lemaire.
3. En la cité de Mets : mots ajoutés par Philippe.

90

LES VANDALES

royaulme d’Astrasie. Lequelle en ce tampts estoit de merveilleuse
estandues, et comprenoit la plus grand partie de Galle belgicque.
Puisque je vous ai desclairés l’estandue du royaulme d’Astrasie,
lequelle depuis diminuait, et ne comprenoit plus que le pays de Bair,
le païs d’Aulsay et de Loraine, duquelle royaulme la cité de Mets
estoit tousjour le chief, maintenant je veult ycy mestre ung chaipitre qui vous desclairera dont vinrent premier les Bourgognon, et
pourquoy il ce espellirent*1 premièrement ainssy ; et aussy pour ce,
tant 2 d’iceulx comme des Fransoys, lesquelle sont nous voisins, yl
en couvient souvant parler. Et 3 4pareillemens
5
dé Wandres et Hongres,
et la cause pourquoy il dessandirent premièrement en ces païs ycy,
comme cy devent ait estés dit.
Il 4 fault entandre, cellon la naracion de plusieurs acteurs autanticques, que Wandalie est une région septemtrionalle du royaulme de
Polone et des appertenances de Germanie, ainsy dictes de part le roy
Wandalus, dessus mencionnés, et de part ung fluves que pourtes le
meisme non, arrousant la dicte terres, dont le peuple des Wandelz
estoit ainsy nommez. Et aucunefois on les trieuves és istoires nommés
Vindiles et Vidéliciens. C’estoit on tampts jaidis une merveilleuse
nacions, farousche, oultraigeuses et inhumaines.
Les Wandalz dispersés, leurs permedant habiter en des bourgz.
Et
tellement que, desjay du tampts de l’ampereur Octovien Aguste, une
partie d’iceulx s’esmeut, et ce mirent en armes, on nombre de IIIIIX mil
homme, sy laissairent leur téritoire pour conquester milleur pays,
et s’en vindrent jusques sus le Rin, c’est assavoir on païs de Soave.
Contre lesquel furent envoiez, par lesdit ampereur, Drusus et Thiberius, ses nepveux, qui les contraingnirent à grand force de retourner
en leur contrée, et les divisèrent par bende, de peur qu’il ne ce rallias­
sent ensemble. Et les contraingnirent de non habiter ville, chasteaulx
ne cité fermée, mais bien leur estoit permis de ce tenir soubz tantes et
pavillon, ou édiffier maison et bourgaides, sans forteresse, sinon de
hayes ou de pallis, pour ce gardés des loups, comme sont les villaiges
de par dessa. Lesquelles manières d’abitacle ilz appelloient bourg en
leur languaïges. De laquelle dénomination il y ait ajourd uy plusieurs
grant cités, depuis édiffiées en Allemaigne, si comme Ausbourg, Madbourg, Salsembourga, Strasbourg, Rotenbourg, Fribourg, Vissembourg et plussieurs aultres. Et, à cette cause, on lé comensa peu à peu
a. Philippe avait d’abord écrit Salsem-bourg, où bourg était au commencement
d’une ligne ; il a ensuite ajouté bourg à la fin de la ligne précédente sans rayer le -bourg
devenu inutile.
1. Appelèrent.
2. Philippe avait écrit d’abord, plus correctement : et aussi pour ce que, d iceulx
comme des François, etc.
3. L’idée qui domine cette phrase est celle-ci : et je veux aussi vous parler des
Wandres, etc.
4. Jean Lemaire, éd. Stecher, t. II, p. 381.
5. Ibid. : treuve.

ATTILA, LE FLÉAU DE DIEU

91

à nommer Bourguignons. Et perdist ladites bandes le nom des Wandelz ; mais non les aultres qui estoient demourés en pays.
Les Bourguignon en Gaulle, l'an iij[c] septante et six a. — Puis,
comme plussieur acteur mette, les Bourguignon ne partirent d’Allemaignes pour entrer en Gaulles, sinon en l’an aprez l’incarnacion de
Nostre Seigneur trois cent septante et six ans. Le *1 peuple des Bour­
guignons doncques, depuis qu’il fut descendus de la haultes et parfonde
Allemaigne, c’est assavoir de devers la mer de Dannemarque, et eurent
passés le Rin ladites année IIIe LXXVI, il conduirent leur police en
estât de communaultés et popularités, sans avoir roy sur eulx, par
l’espace de XXXVIII ans ou environ, c’est assavoir jusques l’an de
Notre Seigneur 1111e et XIIII.
L’an iiij° xiiij, Gundengus roi des Bourguignon fui esleu. — Laquelle
année ilz esleurent ung roy nommés Gundengus. Et estoit ce dit roy de
l’ancienne noblesse et lignée de Athanaric et Alaric, roy des Gotbz
et Wisegothz, qui furent issus dé Cymbres. Ainsy régna ledit Gunden­
gus, premier roy de Bourgogne, pasiblement une bonne espace de
temps.
Altila, avec vc mil home, entre ês paiis de Gaulle et destruit grant
nombre de cité. — C’est assavoir jusques à ce que le dessus nommés
Attilia, roy des Huns, qu’on dist maintenant Hongres, lequel se nommoit par ses tiltre le flayaus de Dieu, et duquelle nous avons ycy des­
sus pairlez, descendit de Pannonie, qu’on dict ores Hungrie, et d’Allemaignes, à tout cinq cent mil homme, tant de ses propres subjeetz
comme de ses alliez. Lesquelz furent Walaud, roy des Ostrogothz, et
Ardaric, roy des Gépides, avec aultres princes et peuple merveilleux.
A tout laquelle armée ledit Attila entra comme fouldres et tempestes
dedens les province de Gaulles, là où il gasta, tant en allant comme en
venant, ung grant nombres de cités et grosses villes. Entres lesquelle
furent Mayence, Tongres, Metz, Trêves, Tournay, Cambray, Arras,
Terrouanne (c'est à dire terre vainne, car paravant elle s’appelloit
Morinum), Amyens, Biauvais, Chailons en Champaigne, Reins, en
laquelle il martirisa saint Nicaise et sa seur sainte Eutrope. Sy print
aussy Troyes en Champaigne, laquelle il ne démollit point, par les
prières de saint Loups, évesque dudit lieu, qui luy sumint la cités.
Ecius, lieutenant généralz en Gaulle, homme vaillant — Aussy furent
destruictes Lion et Narbone, et la cité d’Orléans asseigiez ; mais
Attilia ne la print point, pour crainte du duc Ecius et de ses alliez, qui
se renforçoient de jour en jour. Le duc Ecius, pour lors lieutenant géné­
ral en Gaule pour l’empereur Théodoses le jonnes, voyant les trèshoribles gast et dépopulacion que faisoient les Huns en sa province,
délibéra de résister à leur cruaultés. Sy fist alliance avec Gundengus,
roy des Bourguignons, Méreveus, roy des François, Théodoric, roy des
Gothz, et Charles le Bel, duc de Tongres et de Braibant ; et joingnit
Cette date est deux fois marquée en marge.
1. Jean Lemaire, éd. Stecher, t, II, p. 393,

a-

92

LA BATAILLE DES CHAMPS CATALAUNIQUES (451)

aucy avec luy les Allemans, Saxons et Ambrons. Touttes lesquelles
nations haioient et craingnoient et redoubtoient extrêmement la très
détestables inhumanités des Huns. Et iceulx doncqs, confédérez en­
semble, vindrent trouver le roy Attila és champs Cathalaunicquez ;
lequel avoit habandonnés son sciège devant Orléans pour doubtes
d’eulx, ou plustost pour les venir conbattre, corne je croy. Aulcuns
disent que lesdit champs Cathalaunicquez sont auprès de Chaalons
en Champaigne ; les aultres thiennent qu’ilz sont auprès de Tholouses,
comme nous avons jay dit. Les arméez abourdée près l’une de l’aultre,
la bataille fut données entre les deux parties, combien que le roy Attilla
l’eust voulluntier reffusée, pource que les divins 1 ne luy promettoient
pas bonne fortune, jà soit ce qu’il eust Ve mil homme en armes, comme
dessus est dit.
Cent iiijxx mil homme morl en bataille; Gundengus, premier duc de
Bourgongne, lu[é]; et Théodoric, roy des Visegolz.
Finablement il y
fut combatu par sy grand estrif et merveilleuze contencion qu’il y
morut, que d’une pert que d’aultres, cent quatre vingt mil homme
de fait. Entre lesquelz y demourèrent deux princes de non, c’est assa­
voir Gondendus 2, premier roy de Borgongne, et Théodoric, roy dez
Wisegothz. Mais Charles le Bel, duc de Tongres et de Brabant, et duquelle nous avons ycy devent parlé, y acquist grand honneur, car il
abatit Ardoric, roy dez Gépades 3.
Attila déchassés d{e] la Gaulle. - Cest merveilleuse bataille et décon­
fitures, par laquelle Attilla receust grant perte et diminuacion 4 de sa
puissance, fut cause de le faire sortir hors de Gaulle et c en retourner en
Hongrie, comme demi waincus. Mais, en s’en retournant, il fist des
maulx innumérables. Et, aulcuns tempts après, il entra par forces en
Ytallye, où il fist le semblables.
Attila morl, l’an iiij° et liiij. — Et morut l’an quaitre cent cinquante
quatre, cellon les croniquez de sainct Jhérosmes. Item, que 5 aulcuns
thiennent que Méroveus, roy des Françoys, mourut aussy à la dite
journée, laquelle fut faictes quaitre ans devent sa mort, et que fut en
l’an de Nostre Seigneur quaitre cent et cinquantes, cellon le dit sainct
J hérosmes.
Théodoric ensepvelis d Tholoze. — Et fut Théodoric, roy des Wigegoltz, ensepvely royallement à Tholouze par son filz Thorismund. Et
ledit Gundongus, roy des Bourgognons, à celle journées mourut ver­
tueusement et en bonne querelles contre les paiens ydollaitres, après
avoir régnés XXX ans. Et laissa après luy quaitre anfïans masles,
desquelles nous parlerons 6 ycy après en tampts et lieu.
Mais premier parlerons d’aultre matier, et quel évesque en ce tampts
1.
2.
3.
4.
5.
6.

Jean Lemaire : devins.
Ibid. : Gundengus.
Ibid. : Gépides.
Ibid. : diminution.
L’idée dominante est : j’ajouterai que, etc.
Philippe abandonne ici le texte de Jean Lemaire»

THÉRENCES, DIX-SEPTIÈME ÉVÊQUE DE METZ

93

tenoit le sciège de la noble cité de Mets, et soubz quelle pape et ampereurs, et aussy soubz quel seigneurs estoit la dite cité gouvernée et
régentée, comme cy aprez vous serait dit.

[SUITE DES ÉVÊQUES DE METZ, DES ROIS DE FRANCE
ET DES EMPEREURS DE ROME]

L’évesque Thérentius Ihint le sciège xx ans. — Thérences, en latin
Therencius *1, fut le XVIIe évesque de Mets ; et thint le siège XX ans,
et mourut en nowembre, dessoubz Célestin et Sixte, pappe, et dessoubz
Honoré et Théodore a le jonne, empereur 2. Cil Thérences fut saincte
personne, et eschiet sa feste le jour du mey maye. Ses miracle et ces
fais, vous les pouvés trouver et lire en sa sainte vie et légende. Cellui
estoit et fut de noble lignyé quant a monde, car il estoit du lignaige
l’empereur ; et avoit son peire à non Clodoveus ou Gundongus, duquelle
j’ay cy devent parlés, qui gouvernoit toutte Bourgongne pour l’ampereur, son cousin, comme le mest cest présante istoire. Item, vous
avés ycy devent oy comment celluy Gundongus, roy de Bourgongne,
mourut vertueusement dessus les Wandres et les Huns, en soubtenant
la saincte Foy catholicque.
Saind Lyvier décapilé. — Et je trouve paireillement, cellon aulcune
cronicque, que, durant la vie d’icelluy saint évesque, et cellon la dabte
du tampts, resseust son martir le glorieulx saint Livier, duquel la vie
est cy devent escriptez.
Merlin en la Grant Brelaingne.— Aussy en ce meisme tamptz régnoit
Merlin en la Grant Bretaigne, que or on appelle Angleterre ; lequelle
Merlin fut engenré du diable.
Méroveus régnait xviij ans. — Et, pareillement, en ce meisme tampts,
régnoit encor en France Clodion soubz cest évesque XI ans. Puis fut
roy Méroveus XVIII ans, c’est assavoir IX ans soubz celluy évesque,
et IX ans durant l’évesque Gonselin, ycy après escript.
Item, en celluy tampts, ce esmeust guerre sur les François. Car
Claude, filz de Phairan, conquestait Thoringe, et puis passait le Rin
et vint jusques à Cambray, et print Tournay et tout le païs jusques à
la rivier de Loyre, et occit tout ceulx qui gouvernoient le pays de par
lez Romains.
Nestor, héréticques. — Aucy, en celluy meisme tamps, estoit en Constantinoble ung patriarche nommé Nestoir. Lequel estoit héréticque, car
il soustenoit que Jhésu Grist fut pur homme et non pas Dieu, et plussieurs aultres choses, que je lesse, desquelles hérésies il fut condempné
au concilie de Éphèse. Auquel concilie furent IIe évesques.
a. M : Théordre.
1. Torentius (Mas-Latrie, Trésor de chronologie, col. 1447).
2. Il s’agit sans doute d’Honorius, empereur d’Occident, et de Théodose II, empe­
reur d’Orient.

94

gonseLin, dix-huitième

ÉVÊQUE DE METZ

Saincl Germain flortsso[it]. — Item, en celluy temps, florissoit sainct
Germain on pays de Galle, lequel fut évesque d’Aussuerne1. Il conver­
tit sainct Mammer, et fut la conversion moult merveilleuse. Soubz
icelluy sainct Mammer, qui fut abbé d’Assuerne, fut sainct Marrien,
lequel fut moinne de grant saincteté.
Sainct Patrice. — Aucy fut en ce meisme temps sainct Patrice, qui
en son temps resçuscita XL mors, et convertit le pays d’Yrlande.
Auquel lieu Dieu luy révellait ung purgatoire, là où plusieurs gens
entroient et y veoyent divers tormens, comme en une histoire que de ce
est faicte trouverés plus au long, laquel je lesse à cause de briefvetey.
Item, en celluy temps, furent encor une nacion de gens nommé les
Wandres et Hongres, lesquelx avoient desjay fait moult de malz en
diverse lieu parmi la crestienté, comme cy devent est dit, et de rechief
firent encor de moult grant dompmaige en diverses parties du monde.
Et fut du temps que le benoit martir saint Livier, chevalier de Jhésu
Crist, fut mis à mort et ressut son martir par yceulx Wandres, comme
cy devent est dit. Et fut paireillement du tampz le devent dit Marlin,
lequel fut engenré du diable, et révellait en son temps maintes choses
ocultes, et dit moult de chose à advenir. Et fit moult de merveille,
corne en son livre le trouverés, que je lesse, à cause de briefetez.
Les sept dormons enÊphèse. — Item, aucy on temps de celluy empereur
Théodose, se esveillairent lez septz dormans en Éphèse, lesquelx avoient
esté en une crotte VIXX et X ans, depuis le temps de l’empereur Decius,
comme cy devent est estez dit. Et fut grant confirmacion de la Résur­
rection, de laquelle plusieurs se dobtoient on temps de lors ; et y oit
grant et biaulx mistère, que je lesse, à cause de briefveté.
Gunselin, évesques, thint le scièges xviij ans. — Gonselin, en latin
Gonselinus, fut le XVIIIe évesque de Mets ; et thint le siège XVIII ans,
et morut en aoust, desoubz le premier Lion 2, pappe, et dessoubz Marcien et Valérien et Léon, empereur. Et en celluy temps régnoit encor
en France le roy Méroveus IX ans soubz ledit évesque.
Childéric, roy de France, régnait ix ans. — Et puis fut corrognés 3
Childéris, qui pareillement y régnait IX ans, et ung ans soubz Ro­
main, ycy aprez escript.
Marcien et Valenlien, empereur. — Item, en celluy temps, aprez la
mort Théodose l’empereur, tint l’empire Marcien, avec Valentinien,
dessus nommés.
Le consille tenus en Cassidonne 4. 5— Celluy Marcien fit assembler le
quart concilie en Cassidone, contre Eutichès et Distoir 5 les héréticque, etc.
1. Auxerre.
2. S. Léon le Grand.— Marcien et Léon I® sont des empereurs d’Orient ; Valérien
est à corriger en Valentinien (voyez quelques lignes plus bas).
3. Couronné.
4. Chalcédoine.
5. Dioscure.

ROMAIN, DIX-NEUVIÈME EVÊQUE DE METZ

95

Niçoise el Eutroppe martirizés. — Et en celluy temps sainct Nicaise
de Rains et sa seur saincte Eutroppe furent martirisés1. Et fut du
temps de la fin du martir sainct Levier de Mets, corne cy devent est
dit.
Les xj mil vierge à Cologne; saincle Genefvière à Paris. — Aucy en
celluy meisme temps, selon les historiographes, furent à Collongne
sur le Rin martirisée les XIm vierges. Pareillement, en celluy temps fut
saincte Genesvière de Paris, qui fut de moult grant saincteté de vie.
Lyon, empereur. — Item, aprez la mort de Marcien l’empereur, thint
l’empire Lyon le Grant ; et régnait XVI ans.
Du roy Uterpendragon. — Et, durant son temps, et aucy durant le
tamps du deventdit évesque, ung roy d’Angleterre, nommé Uterpandragon, oit plusieurs belles victoires, comme tesmoigne lez istoire que
de ce en sont faictez ; et estoit du tampts du deventdit Merlin.
Romains, évesque, ihinl le sciège xxx ou xxxvj ans. — Romain, en
lattin Romanus, fut le XIXe évesque de Mets, et tint le siège XXX ans
(et aucun dient XXXVI ans), desoubz Hilaire et Simplice et Bieneurouz 2, pappe de Romme, et Sénon et Anastase 3, empereur ; et morut
on moix d’avril.
Clowis, roi de France. — En celluy temps et à son acomencement
régnait encor soubz lui le deventdit roy Childéris ung ans. Puis fut
courougnés Clovis en France, que fut le primier roy crestien ; et le
baptisait sainct Remy, comme cy après serait dit.
Gênêbaull, évesque de Laon, et aullre. — En celluy temps fut sainct
Génébault le primier évesque de Laon, et sainct Liénart de Limoge,
et sainct Wast 4.
Le concilie à Orléans; letanies establie; les Rogations ordonnée. —
Aucy, en celluy temps, du commendement le roy Clovis, fut assemblés
à Orléan le primier conceille qui jamais fut en France ; et y oit XXXII
évesque. Et furent alors les letanies estaublies, que sainct Mamin avoit
faites. Et fut ordonnés que tous lez dimenches chacun évesque chantait
messe en la paroche dont ilz estoient lez plus proichiens (mais aulcuns
dient que ce fut du tamptz de l’évesque Formis 5 ycy aprez nommés).
Aucy, pareillement en celluy temps furent primier ordonnée les Rogacions, que nous appelions les Grans Croix, par le devent dit sainct
Mamin, évesque de Vienne.
Zènon, empereur, régnait xix ans. — Item, après la mort Lion le
Grant, tint l’empire Zénon, et régnait XIX ans.
Les Wandres en Affricques. — Et, en celluy temps, furent encor
les Wandres on pays d’Afïricque, et firent moult grant persécution aux
crestiens. Entre lesquelx ung tiran, nommés Honories, lequelle estoit
1. Voyez p. 91.

2.
3.
4.
5.

S. Félix III.
Zénon Ie et Anastase Ie, empereurs d’Orient.
Suppléer : d’Arras.
Firmi (Firminus) ; voyez p. 61.

98

CLOVIS ROI DES FRANÇAIS

leur roy, fit entasser plussieurg crestiens et mettres les ung sur les
aultres en une estroicte prison, tellement qu’il convenoit qu’ilz fissent
leur nécessité les ung sur les aultres ; et moult d’aultre divers tormens
fit il souffrir aux catholicques.
Frominus, xxfi évesques, ihient le sciège ung ans.— Le XXe évesquede
Mets ce appelloit Friomius, en lattin Froninus L et thint celluy le
sciège de l’éveschiés ung ans, dessoubz Bieneurous 12 et Gélaste et Anastace, pappe, et on temps de Anastase, empereur ; et morut en avoust.
Sainct Remy. — Pareillement, en celluy tampts, estoit encor archevesque de Rains le devent dit glorieulx sainct Remy, qui baptisait le
roy Clovis. Aucy, en celluy temps, fut la primière invencion sainct
Michiel en la montaigne de Gargan, on paiis de Peulle et on royalme
de Napples.
Anastase, empereur, régnait xxv ans. — Item, aprez la mort Zénon
l’empereur, tint l’empire Anastase XXV ans. Et, en ce meisme temps,
régnoit tousjour sur les François Clovis, qui fut le premier roy crestien
de France. Et le baptisait sainct Remy, comme dit est. Paireillement, en
celluy temps, vivoient encor les devent dit sainct Génébault, primier
évesque de Laon, et sainct Liénart de Limoge et sainct Wasts d Aras.
Boèce; De Consolation. — Et, aucy en ce meisme temps, pour jus­
tice maintenir, souffrit mort Boèce, qui, aprez maintes belles escriptures qu’il avoit fait, fit en la prison le livre De Consolacionz.
Item, aulcuns disent que, en celluy temps, fut à Orlien le devent dit
premier concilie qui jamaix avoit esté en France, et 1 ordonna le roj
Clovis ; auquel y oit XXXII évesque, comme j’ay dit .dessus. Et à
icelluy furent ordonnés plusgieurs belles ordonnances pour nostre mère
Saincte Église, comme cy devent ait estég dit, dessus l’évegque Romains.
Justin, empereur, régnait x ans. — Item, aprez la mort Anastase
l’empereur, tint l’empire Justins le Vielz 3 ; et régnait X ans.

[CLOVIS, ROI DE FRANCE, SE CONVERTIT AU CHRISTIANISME]

La conversion de Clovis, roi de France. — Puis que je vous ait cy mencionés du roy Clovis, premier roy crestien de France, et de sa convercion,
cy vous veult dire et desclairer quelle elle fut, et la manier cornent il
fut convertis. Or, est il ainsy, cellon maistre Robert Gauguin, que,
incontinent que ledit Clovis fut couronnés à roy dessus les François,
il fist son armée et print la cité de Soyssons, et pillait toucte lez église
au crestiens, et en déjectait Siagrius,qui fut filz dudit Gillons le romains,
duquelle nous avons ycy devent parlé. Puis print à femme Glotilde,
1. S. Phronimius ou Frominus (Mas Latrie, Trésor de chronologie, col. 1447).
2. S. Félix III.
3. Justin l6, empereur d’Orient.

BAPTÊME DE CLOVIS

97

niepce. de Gondebault, lequelle alors estoit roy des Bourguignons. Et
d’icelle oit quaitre filz. Le premier fut appellés Glodovicus, et, à la
requeste de la mère, il fut baptisés et receust le sainct sacrement de
baptesme ; mais, tantost aprez, ledit anfïans mourut. De quoy ledit
Clovis fut très malcontant ; et dit que c’estoit pource qu'elle l’avoit
fait baptiser, et que les dieux en estoient couroussez. Secondemans
la royne enfantait, et fut encor baptisés ; mais tantost devint l’anffans
mallaide. Parquoy le roy, son mary, luy reprouchait sa religion crestiene ; et elle, passiente, ne répondit rien. Et, par sa prière, receust
l’anffans santé, et fut guéry. Parquoy ladite royne, par plussieurs fois,
amonestoit ledit Clovis, son marit, de ce faire crestien et pranre la
loy de Jhésu Crist; lequelle chose il desprisoit, et demeurait en son erroir.
L'an iiijc iiijxx et xix. — Or advint, tantost après, et en l’an 1111°
IIIIXX et XIX, le XVe ans de son règne, que ledit roy print guere
encontre les Allemans ; et se joindirent les deux armée ensamble. Et,
ainsy comme il eurent longuement bataillés, ledit Clovis, craignant le
dangier de sa personne, ellevait les yeulx au ciel, fist son oraison en
ceste manière : « O Dieu que Clotilde religieusement adore et honore,
escoute moy ! Car, ce j’ay aujourd’huy victoire encontre mes ennemys,
en foy perpétuelle te serviray ! » A peine avoit le roy finy son oraison
que incontinent il veyt les François réintégrer, et se rasemblèrent à
la baitaille ; auquelle ledit roys donna courage, et fut le roy des Alle­
mans occis. Alors c’en retournait joyeulx et dit la cause de sa créance,
et comme il ce estoit convertis ; dont sa femme Clotilde en fut joyeuse.
Et tout incontinent en allait la damme à Rains parler à sainct Remey,
qui alors estoit archevesque d’icelle cité, et l’amenait devant le roy
pour luy prescher la foy et religion de Jhésu Crist.
L’ampolle envoiéez du cielz à oindre les roi de France, avec les iij fleur
de lys el ung draps rouge. — Incontinent journée fut mise pour le baptisement dudit roy, auquelle miraculeusement fut, par une colombe,
aportée du ciel entre les mains sainct Remey une fîolle que nous disons
ampolle, plainne de liqueur très odoriférant ; et d’icelle fut sacré le roy
Clovis. Et aussy ont estes tous les aultrez roy qui aprez luy sont venus.
Et, in continent que le roy fut baptisez, il amonesta toucte sa noblesse
de ainsi faire, et de renoncier au faulz dieu, et de confesser la saincte
religion de Jhésu Crist ; laquelle très volentier il firent, et ce firent
baptiser et laver. Aucy ne fault oblier cornent du ciel luy furent envoyée
trois fleur de lis a d’or en ung champ d’asur pour ses arme, aulieu dez
trois crapault lesquelles au paravant il solloit pourter. Ausy luy furent
envoyés du ciel ung drap rouge quairez, en fasson d’une enseigne de
guerre, resplandissant à merveille, et duquelle les roys du passés ont usez
en batailles en l’encontre des ennemys de la Foy catholicque, et se
appelle ycelle attandart 1 ’oriflanme. Mais je lairés ung peu à parler de
luy quant à présant, et vous dirés de Clotilde, sa femme, et la ma­
nière cornent il l’apousa, veheu qu’elle estoit crestienne.
a. M : dellis,

98

GÉNÉALOGIE DE CLOTÎLDE, FEMME DE CLOVIS

[GÉNÉALOGIE DE CLOTILDE, FEMME DE CLOVIS ;
RÈGNE DE CLOVIS]

La généalogie de Clolilde, rogne de France. — Or maintenant veult
retourner à parlés de la généalogie de ladite Clotilde, royne de France
et femme au roy Clovis ; et comment il l’eust à femme ; et aussy vous
direz la cause pourquoy ce esmeust la guere entre ledit roy Clovis et
Gondebault, roy dez Bourguignon et oncle à ladite Clotilde. Il est
vérité, cellon que le tesmogne maistre Jehan de Belge, que, après la
mort du roy Gundengus de Bourgongne, et duquelle nous avons ycy
devent parlez, ledit Gundengus laissait quaitre filz, c’est assavoir
Gondebault, Gundegisis, Chilpérich et Gothmar. Et1 partirent yceulx
l’éritaiges du royaulmes en quatre parties, dont chacun obtint sa por­
tion et son quartier. Mais, pource qu’il est bien difïicille que quatre
frères se puissent longuement entretenir pacificque en matière de
régner, il sourdist guere et discension entre eulx, je ne sçay pour quelle
occasions, synons peut estre pour les limites de leur signouries. Et
tellement il fut procédés que Gundebauld et Gundegisil furent d’une
bende, Chilpéric et Gothmar d’une aultre ; mais ledit Chilpéric et
Gothmar furent vaincus et occis en plaines batailles par Gundebault
et Gundegisil, leur frères aisnés. Et la femme dudit Chilpéric gectés
dedens le fleuves du Rosnes, à tout une pier au col, près de Marceille
en Provence. Et les enfïans masles desdit Chilpéric et Gothmar tués.
Les deux filles du dit Chilpéric furent tenues en estroictes gardes ;
dont l’aisnéez, nommées Sedelinde, selon aucuns acteurs, ou Chrona,
selon les aultres, se rendist religieuses en ung monaistère ; et la plus
jonne, nommée Clotilde, fut nourries et entretenue en l’ostel du roy
Gondebault, son oncle. Et creust la pucelle en beaultés et perfection,
et devint grande et en eaige de marier. Or advint que ledit Gonde­
bault, son oncle, estoit, lui et son armée, dellà les monts, és Ytallie.
Car, en ce tamps, le roy Clovis florissoit en sa jonnesse et force en Galle,
et Gondebault en Ytallie ; et élairgissoient fort leur terre et signeurie,
et journellement conquestoie sus l’empire de Romme, et tellement qu’il
mirent en leur subjection plussieurs ville et cité qu’il ravirent a Romain.
La cité de Mets conquestée par les Fransois sus les Romains. — Entre 2
lesquelles fut la noble cité de Mets, laquelle fut longuement obéissante
à la couronne de France, et fut faicte chiez 3 du royaulme d’Astrasie,
comme cy aprez serait dit. Mais, pour revenir a prepos, durant le tamps
que ledit Gondebault estoit en sa conquestes, comme dit est, le roy
Clovis, pour aulcune affaire, envoiait ces ambaissaide en Bourgogne.
1. Jean Lemaire de Belges, éd. Stecher, t. II, p. 397.
2. Cette phrase est de Philippe de Vigneulles.
3. Chef, capitale.

COMMENT CLOVIS ÉPOUSA CLOTILDE

99

Lesquelle, quant il furent retournés, comptirent 1 à leur maistre la
grâce et la beaulté de Clotilde de Bourgogne, et luy donnèrent grant
espoir de povoir joyr du mariaige d’elle, et aussy du royaulme de Bour­
gogne, auquelle elle avoit droit et action pour les chose deventdicte.
Ces nouvelles oyes donnèrent facillement impression d’amour et d’ambicion en ung jonne cuer royal.
Et, par ce motif, le roy Clovis envoyait derechief en Bourgogne ung
de cez noble, nommés Aurélian, pour demender la fille en mariaige.
Mais cecy sambloit très difficille audit Aurélien, la cause pource que la­
dite Clotilde estoit crestienne, et luy paiens. Parquoy, comme saige,
il voulloit premier assaier le couraige de la fille. Et2 que, après plussieur
parolles, que je lesse, elle c’y acourdait essez ; parquoy joieulx c’en
retournait dever le roy son seigneur, auquelle il contait toucte l’affaire.
Et luy dit que la vollunté de la fille estoit qu’il fut son seigneurs et
marey, mais que la chose fut tenue secrettes jusques il plairait au roy
de renvoyer ces ambaissade en triumphe et magnificence audict
Gondebauld, son oncle, pour la demender en mariaige. Laquelle chose
fut faictes. Et furent derechief ienvoiet ledit Aurélian avec plusieurs
aultre.
L'astuce et finesse des Fransois. — Et, après la révérance faicte audit
Gondebault, luy demandairent Clotilde, sa niepce, en mariaige pour
le roy leur seigneurs ; et ne demendoient sinon la parsonne de la fille
simplement, sans douuaire quelconques. Mais ledit Gondebault, sen­
tant et entendant bien, comme il advint depuis, que l’astuce des Fran­
çois luy demandoit non seullement sa niepce, mais ausy son royaume,
fut bien doulent et couroucé. Si monta tantost en sa fureur, et respondit
par grant fierté audit embassadeur que jamaix il ne baillerait sa niepce
à ung tirant payen. A quoy l’embassadeur répliqua qu’il se préparast
doncques à la guerre, car il avoit charge expresse, en cas de reffuz,
de le defïier de part le roy Clovis, son maistre, et de le sommer à luy
assigner journée et champ de bataille pour vuider ceste querelle. Et,
quant les prince et bairons et aussy les conseilliers du roy de Bourgongne entendirent, le defïy et somacion du roy Clovis de France, et virent
que le consentement de la fille ce y adonnoit, du tout il heurent peur,
et, craignant la fureur et puissance des François, lesquelles tous les
jours de plus en plus alloient prospérant, louairent a roy Gundebauld
qu’il envoiast sa niepce au roy Clovis, affin d’avoir paix et d’éviter
guerre. Ce qu’il fist, assez envis, et par grant desdaing. Aulcuns histo­
riens tiennent qu’elle fut ravie de son bon grez et consentement, ce
pendant que le roy son oncle estoit delà les monts. Et fut menée à Soissons, où les nopces furent célébrez solemnellement 3.

1. Jean Lemaire : contèrent.
2. Suppléer : il avint.
3. Toute cette histoire, qui contient, dans Jean Lemaire, de nombreux traits roma­
nesques, a été abrégée par Philippe.

100

GUERRE ENTRE CLOVIS ET GONDEBAUD

Maintenant avés oy la manière cornent le roy Clovis oit en mariaige
la devent dicte Glotilde, en partie malgré le roy Gondebauld, son oncle.
Sçavoir don procédait la guerre entre François et Bourguignon. —
Rest à veoir la cause pourquoy ce esmeut la guère entre les devendict
deux roy. Il est vray et vérités, cellon maistre Jehan de Belge, en ces
Illustracions de Galle *, que, venus le jour de la sollemnité des nopces,
après touctes bonne chières faictes, ladicte Clotilde, plainne de prudence
et d’astuce, ains que son mary la touchast, luy fist deux requestes
expresses : l’une, que, en délessant la culture des ydolles et des faulx
dieux plains de vanité, ilz creut on 2* 1Dieu seul qui créait le ciel et la
terre, le Père,le Filz,le Sainct Espcrit. La seconde requeste fut que ledit
roy vengeast la mort de son père Chilpéric, et de sa mère, et de son on­
cle Gothmar,*et de ses petit frères et nepveux, occis injustement et
oultraigeusement par son oncle le roy Gundebauld de Bourgongne, et
que ledit roy Clovis recouvraist le royaulme de Bourgongne, qui par
droit d’héritaige appertenoit à elle. Desquelles deux requestes le roy
Clovis luy ottroya la seconde, mais non pas la premier.
Certain temps après, on 2 pourchast d’icelle royne Glotilde, le roy
Clovis envoya devers le roy Gundebault le deSsusnommez Aurélian,
embassadeur, pour demender les trésors et bien meubles, bagues et
joyaulx appertenans à la royne Clotilde à cause de son feu père, le roy
Chilpérich, et de sa mère aussy. Dont le roy Gundebauld, enflammé
d’ire et de mal talent oultre mesure, commença à user de grand me­
nasses envers ledit embassadeur ; mais, par le conseil de ses barons,
lesquelz eslevoient jusques au cieulx le merveilleux,.couraige des Fran­
çois, ledit roy Gundebault, vaincu de leurs parolles, délivra audit
Aurélian, enbassadeur, une bonne partie des dit trésors, pour pourter
au roy Clovis et à sa femme. Et par ainsi il demoura aulcun temps en
paix.
La royne Clotilde, envieuse et doulente de ce que son oncle demouroit
sy longtemps paisible roy de Bourgongne, pressa tant et sollicita son
mary d’entamer la guerre ouverte à son bel oncle, et tant luy ramanteut sa promesse, et l’appella de sa “ foy, que Clovis fut contrainct d’y
aller à grant puissance.
Victoire des Fransois contre les Bourguignon. — Laquelle chose
voyant, Gundebauld ralia avec luy son frère Gundegisil, et donnèrent
ensemble la bataille auprès de Dijon, qui n’estoit lors que ung chasteau,
sur la rivière nommée Ostara. Là où les Bourguignons eurent du pire,
et ne pourent surpourter le faitz des François, ains perdirent la journée ;
et se saulvèrent à peines iceulx deulx roy à la fuitte.
Touteffois je trouve, cellon maistre Robert Gaguin, qu’il fut vray
que celle guerre vint par l’amonestement de ladite royne Clotilde,
corne dit est ; mais il dit que ledit Gondebauld, roy de Bourgogne et
ai Ms. : la.
1. Ed. Stecher, t. II, p. 403.
2. Jean Lemaire : au.

MORT DE CLOVIS

101

oncle à ladicte royne, y fut prins ; et puis, aprez plusieurs choses faictes
et dictes, que je lesse, fut délivrés en paiant grosse ranssons et tribus
annuel L
Tantost après fut esmue guere entre ledict Clovis et Alaire, princes
des Gothz. Lequelle prince fut l’espace de XII ans en tirannie ; mais,
à la fin, fut rencontrés dudit Clovis à cinq lieues près de Poitiers ;
et illec eurent bataille, et fut ledit Alaire mis à mort par les mains dudit
Clovis. Et mint en son obéissance toucte la province de Nerbonne et
de Languedoq, avec les Auvergnastz et tous le pays de Bourdeaulx ;
laquelle chose fut faicte par Théodore, filz dudit Clovis. Puis ce reti­
rait à Tholouse, et illec print les trésor qui solloient estre audit Alaire ;
puis assaillit toucte les ville et cité là où lez Gothz tenoient guernison.
Clovis fait sénateur el conseiller de Romme. — Et, apprès qu’il les eut
tout gaignés et subjugués, luy estant à Tours en Thorainne, luy furent
envoiés les embaixades de Anastase Bizantin, empereur de Romme 12,
de part lequelle ledit Clovis fut fait conseiller et sénateur de Romme.
Et, tantost après, il oit guerre encontre de Reicher, prince de Cambray ; lequel fut trays de ses gens et mins és mains dudit Clovis. Et
fit encor plussieur aultre chose que je laisse, ad cause de briefveté.
Tremblement de terre; et les Rogations pour ceu instituée 3. — Mais,
durant son temps, advint en la ville de Viennes ung merveilleux trem­
blement et movement de terre, auquelles les édifïïces du pallas, avec les
temples et maisons des habitans, tresbuchèrent ; laquelle chose fut
cause pour laquelle Mommertus, alors évesque d’icelle ville, institua
les Rogacions, célébrées chascun an par toutes les églises devant la
feste de l’Ascenssion Nostre Seigneur.
Le roi Clowis régnait xxx ans; l’éphitlaffe du roi Clowis compozée per
sainct Remei, l’an Ve el xiiij. - Le roy Clovis régnait XXX ans sur les
François ; aprez lesquelle il allait de vie à trespas. Et fut mis en ung
sépulcre que l’on voyt à présant en l’esglise Sainct Pierre, par luy
édiffiée, que nous disons Saincte Geneviefve. Et sur sa tombe est im­
primé une épitaphe composé par sainct Remey, arcevesque de Rains,
l’an de grâce cinq cens et quatorze.Luy régnant, par les prières de sainct
Remy, sainct Vaast, évesque de Soysson, gouvernoit l’esglise de Arras,
et Avite l’esglise de Noyon, résistans contre l’hérésie des Arriens.
Gelluy Clovis laissa quatre filz qu’il oit de sa femme Clotilde, lesquelle
firent partaige ensamble de tout le reaulme de leur père, en la manier
comme cy après serait dit. Mais, ainçois que plus avant nous procédons
en cest matier, je vous dirés quel évesque gouvernoient et thinrent
le sciège épiscopal de la cité de Mets durans le règne d icelluy roy
Clowis et de Théodoric, son filz, roy de Mets et d’Aulteriche la baixe.

1. C’est Jean Lemaire qui cite Gaguin, éd. Stecher, t. II, p. 405. Le récit précédent
« est couché selon une vieille chronique que j’ay trouvée en la librairie de saint Hierfime à Dole ». — Philippe cesse ici de suivre Jean Lemaire.
2. Anastase Ie, empereur d’Orient.
3. Voyez p. 95.

102

GRAMACES, VINGT ET UNIÈME ÉVÊQUE DE METZ

[SUITE DES ÉVÊQUES DE METZ ET DES EMPEREURS]

Gramatius, éuesque de Mets xxje, ïhinl le sciège xxv ans. — En celluy
temps tenoit le sciège épiscopal en la cité de Mets ung révérend prélas,
nommés Gramaces, et en latin Gramacius. Et fut le XXIe évesque
d’icelle cité ; et thint le sciège XXV ans, dessoubz Jehan et Simaiche
et Hornuste, pappe *, et on temps, ou tost après la mort Anastase,
ampereur, cy devent nommés, et durant le règne de Justien l’Ancien,
empereur ; et morut on moix de may ; et fut meisme du tampts du roy
Glowis.
Agalymbée, xxij« évesque, thint le sciège xij ans. — Et, après la mort
d’iceUuy évesque, fut sacré et bénis pour évesque de la cité Agatimbre,
qui en latin ce appelloit Agatimbée ; et fut celluy le XXIIe évesque de
Mets ; et thint le sciège XII ans, dessoubz Bieneurous et Boniface et
Mercure et Agapitre et Silvestre, pappe, on temps de Justien, empe­
reur ; et morut en may. Et veult on dire que les trois évesque devantdit furent de Grèce naitif, pourtant que leur non sont Grégois.
Cassiodore florisso[it]. — En celluy temps fut Cassiodores, chevalier
et sénateur de Romme, lequelle depuis fut moinne de trèssaincte vie.
Et fut si bon clerc qu’il fit cent et L traictiez sur le psaultier David.
Justinien, empereur, régnait xxviij an[s], — Item, aprez la mort
Justins, empereur, thint l’empire Justinien, qui régnait XXVIII ans.
Lequel fut de moult grant estude, car il abrégeait et ramenait en ung
volume touctes les loix dez Romains, et en fit aulcune de son propre
sens.

[les FILS DE CLOVIS : ROIS DE FRANCE ET ROIS DE METZ]

Or, maintenant, veult retourner à mon prepos, en parlant des afïans
qui dessandirent du roy Clovis de France. Et, premier, est à antandre
que ledit Clovis laissait quaitre filz masle, comme cy devent est dit :
c’est assavoir, cellon maistre Robert Gauguin, le plus annel 12 s’appelloit Thierrey, le second Clonemyre, le tiers Clotaire, et le quarte, Childebert ; ou, cellon maistre Jehan de Belge, les quaitre anfïans deventdit
ce appelaient par aultre sorte, qui est tout une meisme chose, ne
rest que la différence des languaiges : c’est assavoir le plus annel Théodoric, le second Clodomyr, le tiers Clotaire, et le quarte fut Sigebert 3.
Ces quatre enfïans ycy firent partaige en$semble du reaulme de France
1. Symraaque a le n° 52, S. Hormisdas le n° 53, S. Jean 1er le n° 54 de la liste du
Trésor de Chronologie de Mas-Latrie.
2. L’aîné (exactement : le plus aîné).
3. Jean Lemaire, éd. Stecher, t. II, p. 408. Les trois premiers rçoips sont exacts ;
Je quatrième doit être lu Childebert.

THÉODORIC, ROI D’AUSTRASIE

103

et de toucte les terres et seigneurie que jaidit fut audit roy Clovis,
161Théodoric, roi de Mets. — Et, premier, Théodoric, le plus annel, fut
roy de Mets et de tous le pays d’Astrasie, avec Oustrixe * la basse.
Clodomyr fut roy d’Orléans et de tout le pays entour. Clotaire, c on dit
Astainc, oit Soyssons, Vermandois, Flandre et Picardie, et Sigebert
Paris. Et fut chescun desdits frères roy. Et tenoit ledit Théodoric
son siège en 1& cité de Mets.
Les Danois asseige la cité de Mels. - Sy advint en celluy temps que
les Danoys assaillirent la cité de Mets et le pais entour, en faisant p usieur raipine et pillerie. En l’encontre desquelles ledit Théodoric, roy
d’icelle cité, envoya son filz Thiedebert avecques bonne compagnie de
gendarmes- Et tellement y besongna ledit anfïans que, avec 1 ayde de
Dieu et des bonne gens qu’il avoit, il gaingnait la bataille et mit du tout
au bais lesdits Danois. Et, ce fait, avec grant nombre de prisonnier,
retournait ledit Thiedebert triumphant en la cité en laquelle estoit son
P8Ung peu de temps aprez ce fait, advint que Clotilde, mère au quatre
rov laquelle alors ce tenoit à Paris, manda cesdits quaitre filz a Pans,
c’est assavoir Théodoric, Clodomyr, Clothaire et Sigebert. Auquel
elle se complaint de Gondebault, son oncle, quy à tort et sans cause avoit
fait mourir son père, et tenoit la seigneurie de Bourgongne qui a elle
debvoit appartenir. Et tellement les esmeut qu’il se misrent en armes.
Et fut par Clodomyr pris Sigismonde, quy estoit filz audit Gondebau ,
et fut lyés ; et puis le fit getter, luy et ses anfïans, dedans ung très hault
puis (mais depuis les en fit retirer et mectre en terre saine te). Item,
depuis ce fait, celluy Clodomyre, roy d’Orléans, oit malle fortune Car
il se mist errier en armes encontre yceulx Bourguignons, et o rent
grosse et asprez bataille ensemble. En laquelle ledit Clodomyr fut
tuez, non obstant que moult vaillamment se defïendit, car il estoit
groz et puissant de corps, et avoit la veue apoventable. Et néantmoms
la mort de luy, ses gens, vaillant et corrageus, ne partirent point de la
baitaille, ains vaillamment se combaitarent, et olrent victoire de leur
ennemys, et les mirent en fuytz.
Quant Clodomyr fut mort en la manier que aves oy, ses aultres freres
devisèrent et partirent entre eulx le reaulme de Bourgogne et celluy
d’Orléans. Or avoit celluy roy Clodomyr, roy d Orléans, qui fut mort,
trois enffans masle, c’est assavoir, cellon maistre Robert Gaugun ,
Tidonault, Gontier et Cloud ; ou autrement, cellon maistre Jehan de
Belge, Theodoald, Gunthier et Clodoad 12. Lesquelle anfïans a royne
Clotilde, leur grand mère, les print decost elle et les nounst Parquoy
après plusieurs jour passés,c’en esmeust une envie entre les freres,leu
oncle, doublant que leur mère la royne, qui lez entretenoit a Paris
ne voussist faire régner leur jonne nepveu sus le reaulme d Orléans
1. Autriche.
,
,
. „ „
%. Cio do al (Jean Lemaire de Belges, éd. Steçher, t. Il, p. 41 ).

104

THÉODEBERT, ROI D’AUSTRASIE

de Bourgongne. Parquoy Sygebert, roy de Paris, premièrement s’en
advisait , et c en vint à Clotaire, roy de Soyssons, son frère, et luy
desclairait sa pensée , et firent accord ensamble de les envoyer quérir,
soubz ombre de resgarder c’il estoient assés en aige pour signorir leur
héritaige et dominer. De ces nouvelles fut Clotilde, leur mère, bien
joyeuse, et laissait aller ces nepveu, et les rescomanda à leur oncle. Les­
quelles, quant il les tinrent, Clotaire mynt la mains au plus ainsné,
nommés lidonault, et luy traversait une espée parmy le ventre, et
mort le gecta encontre terre. Puis, voyant Gontier, second enflant de
Clodomyre, son frère ainsy murtry, fut espoventés, et se va mettre entre
les bras de Sigebert, son aultre oncle, le suppliant qu’il le volcist de
mort préserver. Laquelle chose fut par faintise ou aultrement, il faingnit avoir pitié et compassion de l'enflant, et, en demandant miséri­
corde, se efïorsait de appaisanter l’yre de son frère Clotaire. Pour la­
quelle chose ledit Clotaire fut comme enraigé d’yre et de courous qu’estoit en luy, et en reprouchant luy dist qu’il estoit inventif et acteur de
ce cryme : « Parquoy maintenant, « dit il », je te desclaire qu’il fault
que de deux chose tu en faisse l’une : c’est assavoir, que tu gectes hors
de ta garde celluy que tu tiens, ou que toy mesme recepve mort par mes
mains. » Après ces parolles ainsy dictes, voyant i le thier enflant, nom­
més Cloud, et qu il vit les roys ces oncles ententif à la mort de leur
nepveu, trouva manière, avec l’ayde des seigneurs, de acheper 2* 31la
mort, et print 1 ordre de pbrestrise, et menait vie très religieuse.
Théodoric, roi de Mets, fait la guerre aux Saxons, l’an iiijc iiij^x et ix.
— Durant ces entrefaicte, avint que, en l’an IIIIc IlIIxx et IX, Théo­
doric, roy de Mets, acompaignié des Messains, entra en Saxonne et
brulla fort le pays.
L’an iiijc Hijxx ei xj, moru\ Théodoric, roi de Mets. — Puis aprez,
en 1 an 11IIe 111Ixx et XI, mourut ce noble prince. Parquoy les annemys enchâssèrent les Messains avec leur ayde par bois et par haye, et
destruirent fort le reaulme d’Astrasie ; et tellement que, por ces choses,
il envoyèrent demender ayde à leur amis ; et, avec Gonbiert, conte de
Tongres, déchaissèrent leur ennemys.
Vous avés par cy devent oy la grant trahyson et malvitiet du roy
Sigebert, roy de Paris, et de Clotaire, roy de Soysson, encontre leur
nepveu, et dez parolles plaine de hayne que, pour ce fait, il en eurent
ensamble. Dont, ces chose venue à la cognoissance de la royne Clotilde,
leur mère, elle en fut très dolente, et non sans cause. Néantmoins
le pourta essés paciemment, par les aultres grant mal qui « leur advindrent.
Childeberl 3, roi de Mets. — Car, pour celluy fait, ledit Childebert
a. Ms : qu’il.
1. Phrase mal faite. Suppléer ce après voyant.
2. Échapper.
3. Inadvertance de Philippe ; il faut corriger Thtdebert.

SPÈRES, VINGT-TROISIÈME ÉVÊQUE DE METZ

105

print ledit Clotaire, son frère, en grant hayne ; et fit son armée, en la­
quelle il manda Thidebert, son nepveu. Lequel, nouvellement après
la mort de Théodoric, son perre, avoit receu la seigneurie et la couronne
de la cité de Mets et du pays d’Astrasie, avec toucte Austruche la
basse. Et, avec grosse armée, se joindirent avec ledit Sigebert, son
oncle, pour faire guere audit Clotaire. Durant ce temps, la doulente
mère Clotilde s’en alla larmoyant à Tours en Tourainne, et entra dedens
l’esglise Sainct Martin, et trèsdevotement pria le benoit confesseur et
amy de Dieu qu’il ne veulle permectre ces anfîans ainsy ce guerroyer
et affliger l’ung l’aultre ; et tellement que, à la requeste de celle bonne
femme, le benoist sainct impétra envers Dieu que les frères retournairent à bénivolence et amytié envers Dieu. Et fut ce fait par la manière
comme cy après oyrés. Car, ainsy corne les deux armée estoient prest
à baitailler, et n’estoient guaire loing l’une de l’autre, soubdainement
se vait lever une pluye, ung fouldre et ung tempeste, en fasson telle
qu’il sambloit que le ciel deust cheoir, et que la terre ce deust ouvrir.
Et furent les gens d’armes dudit Sigebert, roy de Paris, et Thidebert,
son nepveu, roy de Mets, cy rompus et brisés qu’il ne leur demeurait
harnois ny armure, fort * seullement leur bouclier, et furent tous prostairné en terre, tellement qu’il ne cuidoient jamaix mieulx morir. Et
pardirent tous leurs chevaulx, ou la plus part, qui c en fuioient par les
champs, cen recouvrir. Et meismement les rois heurent tel fraieur du
feu qui dessandoit du ciel que il cuydoient estre tout bruslé, eulx et
leur tante. Et de toucte cest tanpeste n’en sentirent oncque goutte les
gens du roy Clotaire. Et, pour cest cause, envoièrent lesdits deux roy
leur ambaixade devers le roy Clotaire pour faire paix et pour avoir
acord enssemble. Laquelle chose il obtindrent ; et fut donnée etconfermée et d’ung cousté et d’aultre ; puis retournait chacun en son lieu.
Et fut cest bataille, comme l’en trouve escript, au champs d’Orléans,
vers le villaige de Combre.
Mais nous lairons ung petit de ces chose à parler, et dirons quel évesque, durans cez temps, tenoit le siège épiscopal de la noble cité de Mets.
Et aussi dirons de plusieur aventure qui depuis ce temps advindrent, et
de plusieur sainte personne que en cez meisme temps vivoient.

[suite DES ÉVÊQUES DE METZ ET AUTRES AVENTURES]

Spérus, xxiije évesque de Mets, ihinl le sciège xvij ans. - Durant ces
entrefaictes et les guerre ycy devent desclairée, tenoient le sciège épis­
copal en Mets les devendit évesque. Et puis, après la mort d iceulx,
fut ellevés et sacrés Spères, qui en latin ce nomoit Sperus12 ; et fut le
1. Fors, hormis.
2. Hesperius.

106

SAINT BENOIT

XXIIIe évesque de celle cité, et tint le siège XVII ans, dessoubz
Sigillé *, pappe, et dessoubz Justien l’empereur 12, qui composait les
livres des drois civilz, etc. Et de tout cez évesque ycy, l’on n’en trouve
rien de leur fait ne de leur gouvernement, fort ce que j’en ait dessus
dit ; car tous livres et cronicques en ont estés brullés du passés, comme
cy devent ait estez dit.
Saind Benoy florissoil. — Toutefïois je trouve que en celluy temps
fut et vivoit le glorieulx sainct Benoy, quy fut de sy grant sainctetez
qu’il fut mireur de toucte bonne conversacion, comme chescun sceit,
et l’example de tout religieulx.
Saind Grégoire, évesques de Langres. — Aucy en ce meisme temps fut
sainct Grégoire, c’est assavoir celluy qui fut évesque de Langres.
Et, pareillement, en ce meisme temps, les Wandres firent encor grant
persécution au pays d’Aufricque, et coppèrent les langes à plusieurs
évesques et sainte personne.
Saind Médard et saind Gildard. — Durant aucy celluy temps furent
deux frères, nez tout d’une ventrée, et tous deux sont saints ; c’est
assavoir sainct Médard, évesque de Soixon, et sainct Gildard, archevesque de Rouan. Lesquelx deux frères furent nez en ung jour, comme
dit est ; et tous deux en ung jour furent fais évesque, et tous deux en
ung jour morurent, et furent saincts en paradis.
Saind Germain des Prei fait évesque. — Paireillement, en celluy meis­
me temps, fut sainct Germain dez Preiz fait évesque de Paris.
Le miracle de Théophile. — Aucy en celluy temps advint le miracle
de Théophile, à qui la Vierge Marie rendist la lestre de promesse qu’il
avoit fait a diable, comme le tesmoigne la saincte escripture.
Plussieur signe veuz aux ciel. — Paireillement, en celluy temps, plussieurs signes apparurent au ciel. Entre lesquelx, le jour de Pasque, fut
vehue une cornette, qu’il sembloit que le ciel ardit ; et plusieurs aultres
merveilles advindrent durant ce temps.
Le roy Arlus en la Grant Brelaingne. — Item, en celluy temps, régnoit en la Grant Bretaigne le roy Artus d’Angleterre, lequel fut plains
de sy grant chevallerie et sy victorieulx fais qu’il est mis on nombre
des preux ; et aucy en sa court furent plusieurs vaillans gens et homme
de grant réputacion, telz comme Lancellot du Lac, messire Gauvain,
messire Yvains, Percevault, Sagremor, et plusieurs aultre, comme les
histoire le tesmoignent, lesquelle je lesse à cause de briefvetez.
Justins, empereur; les Lombair en Lombairdie. — Item, aprez la mort
Justinien, empereur, tint l’empire Justins. Et fut on tamptz que pre­
mier vinrent les Lombars en Lombardie, etc., comme trouvenrez en la
Légende Dorée. ,
Thideberl, roi de Mets. — Pareillement, en ce meisme temps, les deux
filz au roy Clovis, c’est assavoir Sigebert, roy de Paris, et Clotaire, son
frère, roy de Soyssons, esmeurent guerre en l’encontre de leurs nepveus
1. Vigile (60e pape).
2, Justinien Ie, empereur d’Orient.

VIE DE SAINTE GLOSSINDE

107

Thidebert, qui estoit filz au roy Théodoric et seigneur de Mets. Et ne
scay quelle fut la cause de leur envie, synon par covoitige d’avoir son
reaulme. Mais toutefois, par la prudence dudit Thidebert, il appaisanta l’yre de ses oncle, et fut paix faicte entre les parties.
Clotilde et Thidebert, son fdz, mort. — Et, tantost après, la royne Clotilde leur mère, abatue de vieillesse, décéda de ce monde ; et fut enter­
rée on tombiaulx du roy Clovis, son mary Pareillement et pour ce temps
mourut et rendit l’arme ledit jonne roy Thidebert, seigneur de Mets.
Thiedebault, roi de Mets. - Et délaissait ung filz, nommé Thiedebault,
que aprez la mort de son père fut seigneur de la cité de Mets et de tout
le pais d’Astrasie.
, ,
.
Mais à présant je veult laisser à pairler d’iceulx et de leur guerre, et
veult ycy endroi escripre la vie et légende d’une vierge de grant mérite,
laquelle durant ce temps ce vint rendre en la dicte cité de Mets, et en la
fleur de son eaige y mourut sainctement, en la manière comme cy après
serait dit.

[vie

et légende

de

sainte glossinde]

La vie et légende de ma dame saincle Glodsine; l’an vc. — Or doncques, avant que plus je pairies d’aultre matier, je vous veult dire et
desclairer la saincte vie et légende d’une bonne et saincte vierge, ma
damme saincte Glodsine, premier abesse de son église, scituée en la
cité de Mets. Et la cause pourquoy je la veult ycy mestre est pource
que je trouve, cellon la dabte du tamps, que ycelle saincte vierge cellon ce temps ycy acomensait premier à florir en sa saincte vie et vertus.
Et, premier, fault entendre que en celluy temps, qui fut environ 1 an
après la nativité Nostre Seigneur V®, y oit ung conte de Partoy appellés
Vintro. Et avoit celluy conte grant seigneurie, tant en Mets comme au
païs d’Astrasie, comme l’en trouve en ancienne cromcque escnpt.
Celluy Vintro oit espousée une noble damme nommée Godède, ou
aultrement, cellon aulcun, Godila. Iceulx deux nobles gens eurent en­
semble en mariaige une fille qu’il nommèrent Glodsine, laquel creugt
en beaultés et en bonté, tant qu’elle donnoit example à plusieur de la voie
de chaisteté, et resplandissoit en clairté de vie etde bonne meurs. Et alors,
elle estant en eaige de marier, ung noble filz de la court du roy Theodonc,
lequel estoit nommés Obolenus, vint au père de ladite Glodsine et la
demanda en mariaige ; et tellement que, après plusieurs langaige, elle
luy fut accordée, et la fiança avec grant solennités et grant joye. Mais
ce n’es toit pas du tout la volluntés de ladite vierge, car elle avoit donnés
son cueur et sa virginités à Dieu gon créateur, et du tout despitoi es
nopces chairnelles. Toutefois, après icelle feste ainsy faicte, e 1
Obolenus print congiez de ladite Glodsine, sa fianciée, pour s en aller
à la court du roy, là où il estoit mendés. Maix il promjst de briet re-

108

VIE DE SAINTE GLOSSINDË

tourner. Laquel chose il ne fit pas, comme vous oyrés. Car, luy venus
en court, il fut accusés d’ung grant cas fort criminel qu’il avoit fait et
commis ; dont, tantost après, pour celluy fait, il fut prins, et, au comendement du roy, fut mis en prison jusques à sa volluntés. Et y fut ung
ans entbier ; et tellement que, a bout de l’an, fut amenés devant le roy
et fut examinés du fait. Et, après plusieurs escuse, fut trouvés coulpable du cas à luy imposés ; lequel estoit cy très ynorme et cruel que,
par sentence royale, fut jugiés à estre décapités.
Or, quant la vierge digne et chaste vit et cognust les choses telle­
ment aller, elle vouait à Dieu chaistetés et print Jhésu Crist, son salveur, à mary. Touteffois ne demeurait pas la chose aincy. Car, aprez la
mort dudit Obolenus, y oit plussieurs chevaliers et escuier qui depuis
1 ont demendés en mariaige ; entre lesquelle ung moult noble homme
l’ait demandée. Et, après plussieurs parolle, que je laisse, elle luy fut
acordée. Néantmoins que ce mariaige ne fut pas fait du consentement
de la vierge ; ains, quand elle le soult, ce absentist du lieu et c’en voult
aller à Trieuve, en Allemaigne, decoste une sienne tante, nommée
Rothlundis, pour ce mariaige éviter.
Et, en c’en allant, vint à passer parmy ung boys auprès de la ville
de Maigney, qui est à une petite lue près de la cité de Mets ; et illec
grant soif la print, et là convint reposer. Et, se confiant en Dieu, fichait
en ce lieu son bourdon, et soubdain miraculeusement en sortist une
belle fontainne et clère, de laquelle la vierge beust. Et, aprez ce fait, ce
migt errier en son chemin, et tant cheminait qu’elle vint jusques à la
cité de Mets. Et, quand elle y fut arrivée, elle s’en allait de droit colpt
à la grant esglise de saint Egtienne, paltron d’icelle cité, et illec voult
entrer. Mais il estoit encor sy matin que l’uys d’icelle estoit fermés ;
et tellement que, par la grâce de Dieu, l’uis ce ouvrit, et entrait la
vierge ; cy se mist illec en dévocion et en genoulz devent le grant autel.
Et incontinent en furent lez nouvelle dicte à son père. Maix, quant
il oyt dire et sceut qu’elle estoit fuyee à Mets, luy, et celluy jouvanciaulx à qui elle estoit promise, ce mirent en voie avec leur gent, et,
à course de chevaulx, vinrent à Mets, et environnèrent ladite église de
toucte part, prepousant de la pranre a sortir dehors 1 ; car, à leur sem­
blant, n’y pourrait guère demourer cen boire et mangier. Touteffois
y fut VI jour et VI nuyt ladite vierge sans boire et sans maingier, sinon
de la grâce de Dieu ; dont son père et touctes ses gens en furent fort
merveilliés. Et, quant ce vint a VIR jour, quy estoit jour de dimanche,
Dieu dessandit en ycelle dicte église avec grant clartés et lumières,
acompaignés de deux biaulx juvencel, lesquelle aportoient ung voile,
et l’assirent sur le chief de ladite vierge. Parquoy son père, qui la clar­
tés avoit veues, luy et lez siens, eurent sy grant peur que merveille.
Et alors, quant ledit conte, son père, vit ce miraicle aincy évidant, il
cogneust bien que c’estoit le plaisir Nostre Seigneurs. Cy antrait en l’esglise et ce prosternait à deux genoulx devent sa fille, en luy criant
1. Au sortir dehors, quand elle sortirait.

VIÉ DE SAINTE GLOSSINDE

109

mercy. Mais la vierge l’en relevait. Et alors son père, à la requeste de
ladite vierge, par grant charités, lui donnist sa maison qu’il avoit à
Mets auprez dez mur d’icelle cité ; dequoy elle l’en remerciait. Puis
luy priait, on nom de Dieu, qu’i la fist conduire par ses gens à Trieuve,
en Allemaigne, decoste sa tante Rothlundis. Et il ce fist, car tantost
la fist mener à Trieuve par ces propre amis. Et firent tant que en brief
journée vinrent audit lieu de Trieuve, dont ladite sa tante en fut
grandement resjoyes, pour les biaulx miraicle que Dieu avoit monstrés
pour l’amour de son ancelle. Puis luy fist aprendre son service, et illec
servit Dieu en grant dévolcion et en toucte bonne meurs.
L’église de Saincle Glcdsine édifiée. — Puis, quant elle fut bien instruicte et en saincte religion aprinse, elle print congié de sa tantte et
c’en vint et retournait à Mets, et pria à son père qu’il fist faire une
esglise là où estoit sa maisons. Lequeldit son père luy accorda, et y
fist ouvrer tellement que en brief temps fut ladicte églises faictes et
achevée comme à présant elle est encor, et a plus près dez mur de la
cité. Et, aprez ce que ycelle maison fut aincy édiffiée en esglise, comme
dist est, à la requeste de la vierge, de son père et de ces amis, fut ladite
église consacrée et dédiée par l’évesque qui pour lors estoit à Mets
on nom de la Vierge Marie et de sainct Sulpii, évesque, duquel sainct
y est encor aujourd’uy l’ung de ses bras.
Puis, ce fait et tantost après, la sacrée vierge sairchait et fit tant
qu’elle trouva cent aultre vierge, lesquelles d’ung comun accord
et par grant dévocion entrèrent en ycelle église et monaster pour servir
à Dieu. Parquoy l’évesque qui alors estoit fit et consacrait celle
saincte vierge abbasse sur icelle vierge, pour les régenter et gouverner
cellon Dieu et sainte religion.
Saincte Glodsine décédé[e], en l’eaige de xxx ans. Mais, aincy comme
il pleust à Nostre Seigneur Jhésu Crist, elle ne gouvernait point longue­
ment ; car, en l’eaige de XXX ans, et en la VIe année de son élection,
elle décédait de ce monde ; et, par ces bonnes œuvres et saincteté de
vie, sa saincte arme fut pourtée en paradis en gloire, et illec corronnée.
Et son sainct corps fut prins et révéramment pourtes en 1 eglise des
Saint Apostres, hors la cité, devent. les portes, laquelle maintenant
Sainct Arnoul est appellée ; et és cropte de léans, à coustez senestre,
fut ce sainct corps moult honorablement ensevelly, et par ces religieuses
en grant gémissement conduicte, car ainssy à son vivent 1 avoit elle
ordonnés.
Puis que je me suis mis à pairler d’icelle saincte et sacrée vierge, et
advent que je retourne à aultre mestier 2, je vous dirés qu il en advint
et les miraicles que Dieu pour celle noble danime fist. Il est vérités,
comme le tesmoigne sa saincte légende, que, XXV ans après ce que
celluy sainct corps oit estés innumés et mis en sépulture en ladite
1. Saint Simplice.
2, Matière.

iio

MIRACLES DE SAINTE GLOSSINDE

église dez Sainct Apostre hors dez murs, comme avés oy, advint que
une bonne ancienne religieuse de léans, par la vollunté divine, et par
plusieurs fois, veoit en vision la glorieuse vierge dessus les murs de la
cité, tout au plus près et derrier leur maison ; et luy sembloit que icelle
saincte vierge tenoit en ses mains une pierre et la gectoit és gerdins
vers orient. Puis, ce fait, elle commendoit à la dite religieuse que
illec et en ce lieu fut faicte et édifïiée une église en laquelle son sainct
corps fut transpourté.
Et aincy en fut fait, comme vous oyrés. Car icelle religieuse deventdite raconta ladite vision à son abbesse et au couvant d’icelle ; parquoy
elle furent de cest affaire moult esbahie et grandement esmerveillée.
La cause pourquoy que 1 celle église ne se pouvoit faire sans la lissance
et congiés du roy lequelle pour lors tenoit la province de Mets et du
païs, cy conclurent entre elle ensamble que elle y envoièrent ung cer­
tain messaigier pour luy conter la vision deventdictes. Et aincy en fut
fait comme il fut dit ; et fit le messaigier sy bien son debvoir que le roy
accorda tout leur voulloir ; et fut faicte ycelle église au lieu et place là
où à présant est la chappelle Saincte Katherine, et là où la saincte
vierge avoit monstrés, hors des murs de la cité, et tout devant l’une des
porte d’icelle. Et depuis, par succession de temps, fut consacrée ycelle
église on nom de Sainct Thiébault, et déservie par chanoinnes, comme
cy aprez serait dit, quant je parlerés de la fondacion d’icelle église. Et
ledit Vintro, perre à celle saincte vierge, après sa mort ordonnait à
estre enterré en l’esglise des Saincts Apostre, on meisme sépulcre là où
le corps de sa fille avoit XXV ans estés.
Mais, pour venir à mon prepos, quant ycelle église fut aincy faicte
et bénitte en la manière qu’avés oy, vinrent Pévesque de Mets et plusieur aultres prélatz en l’église dez Sainct Apoustre, c’on dit mainte­
nant Sainct Arnoult, et illec és croptes fut deffouyes ce sainct corps
de la sacrée vierge. Et fut celluy corps trouvés aucy enthier comme
alors qu’il fut mis. Et en ycelle compaignie y avoit une religieuse treffort mallade, laquelle en grant dévotion mint sa mains sus le visaige de
la saincte vierge ; et, en la retirant à soy, en ramena le clerc sanc ; et
fut incontinent garie. Et, tantost aprez ce miraicle fait, ledit évesque et
aultrez prélatz d’esglise ont le sainct corps d’icelle glorieuse vierge mis
en ung biaulx vexel ; et en belle porcession fut pourtés en icelle novelle
église de Sainct Thiébault, et illec tout devant le grant aultel fut derechief ensevellie.
Puis, ce fait, avint que, ung poc de temps aprez, une bonne religieuse
oit derechief une aultre vision. Car, par plussieurs fois, ly sembloit que
la glorieuse vierge saincte Glodsine s’apparut à elle, et luy disoit que
une souris estoit entrée en son sercus, et le puchet 2 du piedz luy rongoit. Et sertiffioit la vierge ceste chose estre vraie et certainne. Par­
quoy, aprez ce qu’elle oit contée sa vision, l’abbesse et toucte les reli1. Comme cette église ne se pouvait faire sans la permission du roi...
2. Pouce.

MIRACLES DE SAINTE GLOSSÎNDË

111

gieuses vinrent au chanonnes d’icelle église de Sainct Thiébaul, et leur
ont comptés ladite vision, toucte aincy en la forme et manier que ladite
religieuse l’avoit veheu. Sy ont ouvert le sercus, et illec fut trouvés
le puchet du piedz destre de la saincte vierge tout ensanglantés ; et
ont encor trouvés icelle souris, laquelle fut pringe et gettée dehors.
Touteffois demourait illec ce sainct corps jugques loingtemps après,
qui fut en l’an de Nostre Seigneur Jhégu Crist VIIIe et XXX.
Drogo% archevesque de Mets. — Auquel temps Drogo, par sa prudence
et sapience, fut fait archevesque de Mets. Et fut celluy Drogo filz de
Charlemaigne et de la royne Hildegarde. Et, saichant celluy Drogo
les nouvelles d’icelle saincte vierge, voult veoir sa saincte légende,
laquelle quant il eust veu, et cognust sa saincte vie et les miracles que
Nostre Seigneur avoit fais sur elle et on nom d’elle, si vint alors avec
plussieurs aultre évesques et prélatz en l’esglise dudit Sainct Thiébault,
où le sainct corps reposoit encor, lequel en grant révérance et honneur
fut relevés, et en ung bel vaxel mins. Mais, à la requeste de l’abbasse
et de toucte les religieuse qui pour lors estoient, ledit archevesque et
aultre évesque ont apourtés le corps d’icelle glorieuse vierge en son
église, là où à présant il repouge. Et en ce lieu, auprès du grant aultel,
fut mis et moult honorablement posés en ung riche sercus de pierre.
Et alors avint chose digne de mémoire. Car à celluy tombel furent
illec amenée deux femmes qui estoient aveugle de loing temps. Les­
quelle femme, en grant dévotion et prière, se sont prosternée devant
celluy sainct corps ; et incontinent, par ces mérites, furent à toucte
deux rendues la clairté et lumière, veant tous ceulx que illec estoient.
Advencius, évesques de Mets.
Or est il assavoir que cellui trèssainct
et digne corps fut illec reposant en celluy tombel de pierre par 1 espace
de cent et XX ans, c’est assavoir du temps d’icellui Drogo, qui fut
archevesque XXXII ans, et du temps de Advences, que fut évesque
XVII ans 1. Et tousjours durant ce temps faisoit de grant et innumérable miracle. Parquoy, durant le temps d’icellui évesque, nommés
Advence, le jonne Lothaire, qui alors estoit empereur et roy de France,
avec la royne Theuthburge, vinrent demeurer en Mets, où il laissait
sa femme ; et enmenait avec luy en la cité de Trieuve une aultre femme,
nommée Wadrée. Mais la bonne royne Theutheburge, voyant cest
affaire, vint à demourer avec les religieuses en ladite église de Saincte
Glodsine ; auquel lieu ne demourait point long temps qu’elle ne morust ;
et y fut ladicte royne ensevellye, et moult honorablement en icelle dite
église innumée et mise. Parquoy ledit Lothaire, cognoissant son péchiez,
délaissait sa malvaise vie, et donnait à ladite église plusieur terre et
signorie.
Les Hungres et Vandres devent la cité de Mets; Walo, évesques de
Mets. - Or advint, en cellui meisme temps, et aprez la mort dudit
Advence, évesque de Mets, que les Northinians, et plusieur aultre
I. Il faut comprendre : et du temps de ses successeurs, jusqu’à l’épiscopat de Adalbéron.

112

MIRACLES DE SAINTE GLOSSINDE

estrainge Hungre et Wandre nacion, vinrent devent la cité de Mets.
Et tellement que, pour ce temps, egtoit Walo évesque de Mets, lequel
estoit de moult grant noblesse, comme cy après serait dit. Parquoy
il manda tout ces amis et fit une très grande battaille en l’encontre
d’iceulx Hongre et Wandre. Mais il y fut tuez, comme raconte ceste
présente légende.
Robert, évesque de Mets. - Et, aprez la mort d’icellui évesque, fut
esleu Robert en son lieu. Au temps duquelle le corps de la glorieuse
vierge, par miraicle de Dieu, rendit huylle parmy son tombel, laquelle
courroit avault le pavement d’icelle église. Dont les religieuses, à belle
ponge, l’ont recuilliee, et moult révéramment posée et mis en ung
ampolle dessus son tombel.
Or advint que, durant ce temps, une religieuse de léans, nommée
Dode, qui estoit sacristainne de ladite église, et qui avoit la saincte
ampolle en garde, promist à une dévotte religieuse de luy donner
aulcune petitte porcion de la saincte huille. Mais, quant elle volt
mestre la main à l’ampolle pour la prendre, elle fut incontinant faicte
invisible, jusques ce qu’il pleust à Dieu et à la saincte vierge de la
monstrer.
Item, il advint depuis que ladicte sacristaine Dode en donnait, par
dévocion, à ung sien frère, qui estoit chanonne de Sainct-Salvour,
pour mectre et poser en son orator. Mais, avant qu’i l’eust pourtég hors
du lieu, il perdist le sans et la mémoire, ne jamais ne poult avoir santé
jusques au temps qu’il eust fais restitucion d’icelle saincte olle aincy
prinse, et qu’il l’eust rapourtés en son lieu.
Vigier, évesques de Mets. — Item, aprez la mort dudit évesque Ro­
bert, qui le fut XXIIII ans,-fut fait évesque de Mets Wigier, lequel le
fut X ans. Et, on temps d’icellui, entrèrent encor les Hongres et Wan­
dre en Galle, auquel païs il destruirent moult de belle et fort ville ; et
plusieur cité et chastiaulx mirent à destruction, et brulairent plusieur
notable église. Mais, par la graice de Dieu et de ces sainct, fut pour
lors ceste cité gardée et préservée.
Beno, évesques de Mets. — Or, aprez la mort de cellui Wigier, évesque
de Mets, fut esleu une hermitte du pais de Swabe, nommés Beno,
lequclle en sa seconde année on luy crevay les yeulx ; et, ce fait, rede­
vint hermitte comme devent.
Aubron, évesques de Mets, thinl le scièges xxx ans. — Et puis fut
fait et créés évesque de Mets le premier Aubron. Lequel, aprez ce qu’il
fut évesque, fit et créait sa mère, nommée Humulitude, abbesse de
ladite église Saincte Glodssine. Parquoy il advint que ledit Aubron
vint le jour de l’Asccnssion, aprez le dîner, en ladite esglise, et fit illec
une noble et dévolte prédicacion de la vie et des miraicles d’icelle glo­
rieuse vierge. Et, en celle prédicassion, leur assignait jour, et dist que,
le dimenche aprez ensuiant, il lèveroit la pierre du tombel de ladite
vierge, et mecteroit son sainct corps en une belle fierte d’argent qui de
nouviaulx il avoit fait faire.
Le corps saincte Glodsine mys en fierte d’argent l’an ixc et tj. — Et,

MIRACLES DE SAINTE GLOSSINDE

113

tout ainsy comme est dit, il en fut fait ; car, le dimenche aprez, fut
essemblés le puple en cest esglise de Saincte Glodsine, en présence
duquelle ledit évesque, accompagniés de plusieur prélatz, ont le sainct
corps découvert, et moult honorablement l’ont mis et posez en celle
belle fierte d’argent nouvellement faicte, en laquelle est encor aujourd’huy. Et fut ce fait en l’an de Notre-Seigneur Jhésu Crist IX® et LI,
et en l’an de son pontificat XXIII. Et fut cellui Aubron évesque de
Mets XXX ans. Et fit plusieur bien, et donna plusieur cences à ycelle
église de Saincte Glossine.
Item, advint que, en mettant se sainct corps en la fierte, et en pré­
sences dudit évesque, fut amenés en ceste église ung démoniacle,
lequelle par avant avoit estés menés à plussieurs aultres corps sainct
pour trouver garison. Mais, incontinent que le sainct corps aprocha, de
son mal esperit il fut délivrés et en bon point. Et meismement fut
alors amenés ung enfant contrefait de ses membres, lequel, par le mérite
de la vierge, fuit savés et guéris.
Miracle. — Plussieurs aultres miracle advindrent en ce temps. Car,
tantost aprez, ung pescheur, désirant et appétant que il denroit du
poissons au damme de Sainte Glossine, sy s’en allait peschier, et print
ung gros poisson, lequel pesoit merveilleusement ; mais, en le cuydant
tirer hors de l’eaue, il laissa arrier recheoir ledit poissons en la rivières.
Et alors fut bien malcontens ledit pescheurs, et se print à dire ainsy :
« Ha ! Saincte Glossine, aydés moy et ramenés moy ce que je vous
avoye promis ! » Et incontinent il revit son poissons, et le reprint et
apportait.
Tant d’aultres grant et innumérables miracles se sont du passés fait
à la requeste de la vierge, et encor journellement se font, qu il n est à
croire ne à dire. Car plussieurs aveugles y ont recouvers la lumières
et plussieur boiteux ait fait aller droit, plussieurs sours oyr cler ; et
plussieurs prisonniers en ont estés délivrés de grant péril, et aucy de
plussieurs aultre infirmités et mallaidie reguéris ; tellement que ce
seroit loingue chose à raconter les miraicle que le benoy Créateur ait
monstrés pour sa sainte vierge. Parquoy je me paisse d’en plus parler.
Gy prierons à ycelle qu’elle veulle estre intercesseresse enver le benoi
Dieu, créateur de toutte chose, qu’il aie la cité en sa saincte garde, et
la veulle defîandre de tout dengier et péril avec tous les habitans d’i­
celle. Et à la fin de nous jour puissons parvenir en gloire 1 Amen.

[suite DES ÉVÊQUES ET DES ROIS DE METZ, ET DES ROIS
DE FRANCE]

Après ce que nous avons veu de la vie très dévote et contemplative
de celle sacrée vierge chaste et digne, madamme saincte Glodsine,
rest à veoir que je rantre en ma matier acomencée des cronicques de
la noble cité de Mets.

114

CLOTAIRE Ièr, ROI DE METZ

Ve et xxxviij ; Vévesque Domician thient concilie à Mets L — Et, pre­
mier, m’est venus à cognoissance que durans ce temps, qui fut l’an
après la nativité Nostre Seigneur Ve et XXXVIII, ung bon évesque
de la cité de Tongre, nommés Domician, trouva manier que, le VIe jour
de jung, ung concilie ce thint en la cité de Mets, de XXV évesque, par
devant le roy d’Astrasie. Et fut ce concilie tenus pour plussieur raison,
que je laisse ad cause de briefveté. Et, l’an ensuivant, Ve et XXXIX,
ledit Domician, qui estoit Saincte personne et grant docteur, s’en vint
en ladite cité de Mets pour se conplaindre au roy d’icelle de plusieur
héréticquez de son royaulme d’Astrasie, lesquelle détenoient indeheutement les biens de l’esglise. Et furent yceulx cité a concilie deventdit.
Signe miraculeux. — Mais yceulx héréticque se ellevèrent tous en­
contre luy, et firent plusieur fault sarment, parquoy miraculeusement
leur fut publicquement monstrée une enseigne au front, par laquelle
la véritez fut cognue ; et aprez ce furent tormanté de fouldre, et morurent misérablement, corne histoire que de ce ait fait 12 le met plus a
loing, lequelz je laisse pour abrégier.
Thiedebault, roy de Mets et du païis d’Astrasie.— Aucy,en celluitemps,
avoit nouvellement ressus la coronne et le reaulme de la cité de Mets
et de toucte Astrasie, avec Osteriche la basse, le nouviaulx roi Thie­
debault, qui fut filz a dessus nommés le roy Thidebert, duquelle nous
avons cy devent parlés, et qui estoit advelet a roy Clovis.
Clotaire, roy de Mets. — Et d’icellui raconte maistre Jehan de
Belge 3 merveille, tant des guerre qu’il fit en Lombardie comme autre
part ; mais il ne régnait guerre qu’il morut, sans hoirs, et escheut le
reaulme a roy Clotaire, son oncle. Car, en ce meisme temps, vivoit
encor ledit Clotaire sus les François 4. Lequelle le puple tenoit très
heureux, ad cause qu’il avoit VII biaulx filz et deux fille ; mais il n’en
oit pas du tout grant joye. Car l’ung d’iceulx VII filz, nommés Cran
ou Cramyre, lui fut très rebelle et désobéissant. Et, de fait, aprez plu­
sieurs mal par lui perpétrés, que je laisse, pour plus agraver la douleur
de son père, il ce allait mestre et joindre avec Childebert, son oncle,
pour ce qu’il le savoit estre mal de son dit perre ; et à ycellui promist
et sur grant sarment ce obligeait que toucte sa vie il mèneroit la guerre
audit Clotaire, son perre. Et, sur cest promesse, firent leur armée ; de
laquelle il firent ung merveilleux domaige au païs de Champaigne, qui
apparthenoit audit Clotaire. Lequelle alors n’y estoit point ; ains
estoit allés on païs de Saxonne, sur les Allemans, et ne c’en donnoit en
garde.
Sigebert mort, l’an vc et lix.— Or, aprez ce fait et plusieur mal perpé­
trés, ledit Sigebert, roi de Paris, s’en allait de vie à trespas ; et morut
l’an de graice Ve et LIX, après qu’il oit tenus le reaulme XLIX ans.
1. Nous ne trouvons pas trace de ce concile dans le Trésor de Chrolonogie de MasLatrie, col. 1257 et 1319.
2. Est faite.
3. Ed. Stecher, t. II, p. 416 et sqq.
4. Il faut suppléer ; et régnolt.

SIGEBERT Ief, ROI

d’aUSTRASIË

115

Et par icelle mort, ad cause qu’il n’avoit nul anfïans, escheut tout le
reaulme à Clotaire.
Item, en cellui temps, y avoit grant desbat entre lez Espaignolz et
les Françoi, et estrivoient assavoir mon auquel jour ce devoit célébrer
la feste de Paisque ; car lez Espaignol observoient la feste le XIIIe jour
d’avril, et les Françoi le XXe jour de mars ; mais cest obstinée diver­
sité print fin par provision divine. Car, le samedi sainct, quant ce vint
à bénir les feus, l’yawe dez Espaignolz saichait, et n’en y demourait
goutte ; et celle dez Françoi non, ains en avoient à grant abondance.
Et dit Grégoire de Tours que tout ceci advint au temps de Childéric.
Clotaire fait pugnicion de ces enffans rebelle. — Aprez ce que Clotaire
oit ressus le reaulme son frère Childebert, qui nouvellement estoit
trespaissés, comme dit est, il luy souvint de la malvitiet et rébellion
de Cran ou Cramire, son filz ; et tellement qu’il le poursuit en Normendie, puis en Bretaigne, auquelle lieu ledit Cramire ce avoit retirés, pour
avoir Taliance des prince dez pais et lez amener encontre son père.
Mais, à la fin, aprez plusieurs baitaille et d’ung cousté et d’aultre,
ledit Cramire fut prine, lui, sa femme et ces anfïans. Et furent loiés
sur une tauble par le comendement du perre, et furent ars et brullés
et mis en cendre.
Clotaire mort. — Après ce fait, ledit Clotaire ce vint tenir à sa cité
de Soixons, et ne faisoit plus que aller à la chaisse ; en laquelle il ce
eschaufïait et en print une malladie, de laquelle il moreut l’an n LIe de
son règne. Et laissait pour ces héritier ces quaitre filz qu’il avoit encor
alors, c’est assavoir Aribert, Gontran, Childéric et Sigebert. Ledit
Clotaire oit espousée saincte Ragonde, qui devint religieuse et menait
saincte vie ; et fist acomenser le monastère de Sainct Médard de Soyssons ; et par Sigebert, son filz, qui fut roy de Mets, fut parfaict et
essouvy *.
Ve Ixiiij ; les enffans Clotaire firent perlaige. — Comme cy devent
avés oy, aprez la mort du roy Clotaire, ces quaitre filz eurent desbat
ensamble pour le partaige du reaulme ; mais fmaublement, par la
remonstrance des prince du pais, il heurent acord. Et tellement que,
en Tan de graice Ve LXIIII, acomensèrent à régner. Et oit Aribert,
qui estoit le premier né, Paris en sa part, et toucte la haulte France ;
Gontrant oit Orléans ; et la cité de Mets, avec le pais d’Astrasie, vint
en la part de Sigebert ; et Soixons vint à Childéric.
Sigebert, roi de Mets, espouze Brunechilde. — Et, tantost aprez, fut
traictiez le mariaige dudit Sigebert, roy de Mets, et de Bruneheust,
fille du roy Athanahilde d’Espaigne. Laquelle Bruneheust tenoit alors
l’hérésie arienne, à quoy elle avoit esté nourrie ; mais ledict Sigebert
la fist estre fille de Saincte Église, et ly fist chainger son nom, car il la
fist appeller Brunechilde. Puis à grande sollempnitez Tespousait, et
a. Ms. : le.
1, Assouvi, terminé.

116

FRÉDÉGONDE

la fist coronner en sa cité de Mets. Et puis, quant elle se vist en sy grant
estât, elle devynt fierre et orgueilleuse a, et fut femme très délealle
et cruelle. Et par elle vinrent plusieur mal, comme le met la vraye
ystoire ; de laquelle je n’en dirés que bien peu. Puis, ce fait, Chilpéric,
roy de Soissons, à l’example de son frère, print à femme l’aultre fille
du roy d’Espaigne, nommée Galsonde.
Chilpéric eslrangle sa femme. — Mais alors ledit Chilpéric, comme fol,
entretenoit une fille de très exèlante beaulté, nommée Frédégonde,
femme lubricque. Laquelle le menait tellement en lubricité que Gal­
sonde, sa propre femme, luy fist hayr ; et encor, qui pis est, la faulce
femme le menait tellement que le traystre roy, de ces propre mains
et d’ung licol, estranglait ladite Galsonde, son espouse. Après ce fait,
ne demourait pas gramment que ledit Chilpéric ce remaria ; et print à
femme une aultre noble damme, nommée Andovère ; laquelle, en brief
termine, fut ensaincte de vif anfïans ; mais nyantmoins ne laissait pas
sa paillairdise. Or avint en ycellui temps que une nacion d’Allemans,
nommé Suèvyens, prindrent guerre à Sigebert, roy de Mets ; lequelle
mandait en son ayde cellui Chilpéric, son frère, roy de Soixons ; et il
y vint. Mais premier il recomandait Andovère, sa femme, et son fruit,
à Frédégonde, sa concubine, comme à sa plus fiauble. Laquelle, plaine
de mallice, y besoingnait en la sorte que vous oyrés.
Frédégonde, faulce conseillière.— Car, quant le jour vint que la damme
fut acouchée d’une fille, ladite royne print conseille à Frédégonde, la
concubine, pour sçavoir qui luy seroit propice, ydoine et suffisante
pour estre la commère. A quoy la traistre, qui bien sçavoit l’institucion de crestientez, lui conseillait que elle meisme le levait, car plus
noble ne sçairoit trouver. Et ainssy, a conseil de la putainne, elle, qui
estoit mère de l’anffans corporellement b, fut faicte mère spirituelle­
ment. Et fut celle fille baptisée, et oit à nom Ghildeinde. Parquoy, le
roy retournés de la guerre de Mets, la paillairde luy vint au devent
et luy fist feste de sa fille ; mais elle lui dit qu’elle estoit moult triste et
doullante de ce que la mère en avoit voullus estre comère. De ces
parolle ce coursait Chilpéric, et en fut très malcontant, et jurait que,
c’il estoit aincy, qu’il la déjecteroit, elle et son effans, et pranroit
ladite Frédégonde à femme.
Chilpéric délais [se] sa seconde femme. — Et alors, quant ladite Ando­
vère, son espouse, le sceust venant, en grant joie luy correust, les
bras tendus, et luy fist grant feste de son afïans. Mais le roy, couroussé
et navré en son couraige, la repuisa : « Va-t-an, « dit-il », maulvaise et
imprudente femme, qui, par ta follie et ignorance, m’ais excluz de ton
mariaige. Et ne scé tu pas bien, folle enraigié, que tu fais fais ma
comère, et ne puis plus estre ma femme ?» Et incontinent la contraingnit de vivre et de ce mestre religieuse, avec son anffans, en l’enclos
de l’église du Mans, qui est a pais du Maine, et leur donnait terre et
«. M : ogueilleuse.
b. M : corpollement.

guerre

entre chilpéric

et sigebert,

roi d’austrasie

117

rante pour eulx vivre. Et, peu de temps après, il fist bannir l’évesque
qui avoit aministré ce baptesme.
Chilpéric prant sa concubine d femme. — Cellay fait, lui, désirant son
malheur, print ladite Frédégonde, sa concubine, à femme ; dont ledit
Sigebert, roi de Mets, son frère, en fut très mal comptant.
Chilpéric fait la guerre d son frère Sigebert. — Après ce qu il ce oit
ainssy meschantement gouvernés, et que il soit Sigebert, son dit frère,
roy de Mets, en grant dangier dez Huns (c’on dit les Wandre), en la
conduicte de Canaque, desquelle ledit Sigebert fut en dangier d’estre
prins et enmenés, ledict Chilpéric, transgresseur de toutte fraternelle
charité, fist son armée, et c’en allait à Rains faire la guere a païs appar­
tenant audit Sigebert, son frère ; lesquelle sans grant peine, pource
qu’il n’avoient point de secourt, il print et subjugait. Mais, après ce
que le vaillant champion Sigebert oit gaigniet la baitaille sur les Huns,
et qu’il les oit mis en fuite, il retournait victorieulx ; puis, quant il
fut advertis de la tirannie dudit Chilpéric, son frère, cy ramforsait son
armée, et c’en allait mestre son sciège devent la cité de Soixons, laquelle
il print en peu d’egpaisse. Et en ycelle y fut prins et emmené T x ebert, filz dudit Chilpéric. Toutefïois, peu de temps après, à la pnerre
du perre, il fut randus, en promectant et jurant que jamais plus ne
feroit guerre audit Sigebert, roy de Mets, son frère. Mais le desloiaulx
roy, faulsant sa foy, racomensait tantost après ; dont bien tost c en
repantist, et crantit telle paix et telle condicion que ledit Sigebert
luy voult donner.
.
..
Néantmoins que de toutte ces promesse il n’en thint rien, car U
fist arrier i son armée pour la tier fois, et la fist mener à Bourdiaulx
par l’ung de cez filz, nommés Clovis. Lequelle toutefïois fut honteu­
sement rechaissiés jusques à Paris par Singulfe, lequelle ledit Sigebert,
seigneur de Mets, avoit comis son sénéchal en ce pais. Parquoy, de dueil
que le roy Chilpéric en oit, il reffit une aultre armée, et la ranvoiait
en Normandie par son filz Thiedebert, auquelle païs il firent moult de
mal, et destruirent tout ce appartenant audit Sigebert. Puis c en alhrent a Poytou, Touraine, Limosin et Cahors, auquelle pais paireilement firent moult de mal. Mais ledit Sigebert, voiant la ma ice de
son dit frère, par l’ayde de Gondenault, conte de Poitiers, qui tenoit
son party, luy donnairent ung essault et une chaisse, en laque e
Thidebert, duquelle nous avons cy devent parlé, qui fut prisonnier
Soixon, fut occis ; de quoy Chilpéric, son perre, fut grandement despité. Et, en vangeance de ce, vint à destruire toucte la Champaigne,
qui apparthenoit à Sigebert, son frère.
,
Accord entre Chilpéric et Sigebert. - De quoy ledit Sigebert c en
veult vangier, mais plusieur grant parsonnaige ce boutairent entre
deux, et trouvirent manière de y mectre paix et acort, et les apaisantirent.
1» Areer, préparer»

118

CHILDEBERT II, ROI D’AUSTRASIE

Tantost après ces chose ainsy faicte, les deux frère ce elliairent
ensamble pour aller destruire Gontran, leur aultre frère, qui alors
estoit roy d’Orléans et duc de Bourgogne. Et ne trouve l’on point la
cause pourquoy vint celle hayne. Toutefïois la chose fut apaisée.
Et alors ce levait ung aultre débat. Car les gens d’airmes dudit
Sigebert, roy de Mets, ce complaindirent treffort de ce que Chilpéric
faisoït deshonneur à la couronne, d’autant qu’il vivoit ainsy luxurieusement, et qu il avoit prins en mariaige Frédégonde, sa concubine.
Et par ces parolle fut la chose tellement esmeutte que le roy Chilpéric
c en fuit à Tournay, auquelle lieu le roy Sigebert, seigneur de Mets, le
suit, et environnait la cité.
Sigebert tués en trahison. - Mais, tantost aprez, ladite Frédégonde
fist son merchief à deux maulvaix guerson, auquelle elle promist grant
trésor pour tuer le roy Sigibert. Lesquelle, couveteus d’avarice, c’en
vinrent au tante dudit Sigibert, faindant de le servir, et en traïson le
tuairent et mirent à mort. Et ainssy mourut Sigebert, roy de Mets.
Dont lez malfaicteurs n’en demourairent pas impugnis ; car, en c’en
retournant, il furent tout descouppés et mis en piesse. De cest traïson
ne sçavoit rien Chilpéric. Cy fist prandre le corpt de son frère ainsy
mort, et fut enterré à l’église de Sainct Médard, à Soixon, après du roy
Clotaire. Et fut ce fait le XIIIe ans de son règne. Puis, aprez ce fait,
ledit Chilpéric contraindit Brunechilde, femme de Sigibert, de c’en
aller en exil a Rouan ; et luy ostait ledit Chilpéric tout ces trésor.
Childebert arive à Mets. - Et à cest heure estoit Childebert, le
filz de Sigebert et de Brunechilde, à Paris, lequelle estoit jonne et dessoubz eaige ; et, craindant de venir és mains de Chilpéric, son oncle,
parmy 1 ayde d ung prince, nommé Gendehault, fut availlés avec
une corde par une fenestre, pour c’en foyr à Mets, à laquelle il fut ressus des seigneur du païs. Parquoy ledit Chilpéric, doutant que les ville
ne ce rebellaisse et ne malchinaisse aulcune chose encontre luy, envoiait
son filz Mérovée à Bourges et és ville sur la rivière de Loyre. Mais ledit
Mérovée, lequelle n’amoit pas son père pour ce qu’il avoit dégectés
Andovère, sa mère, n’y allait pas ; ains c’en aillait à Rouan parler à
Brunechilde, que jaidit fut femme audit Sigebert, roy de Mets. Et,
aprez plusieur parolle, la print à femme et l’espousa ; de laquelle
chose fut le perre grandement couroussés. Et, depuis, les cuidait sépairer d ansamble, et voult faire de son filz prestre, mais il en fut destour­
nés par les parolle du roy Gontran, son oncle «. Et, ainsy déjectés de la
maison de son perre, ce désespérait, et ce fist ledit Mérovée tuer
par ung siens serviteur ; et ainsy morut.
Malheureuse emireprinze de Frédégonde. — Après ce fait, la faulce
et maudicte Frédégonde fist entreprendre plusieurs aultre guerre à
Chilpéric, son mary, à tort et sans cause, comme les vraye cronicques
que de ce sont faicte le tesmoigne. Entre lesquelle, à tort et sans
cause, elle fist déjecté et bouter hors de toucte dignités ung vaillant
a. Une main récente a corrigé, dam M : frère.

REPENTIR DE FRÊDÉGONDE

119

prélas, nommés Prétexte, archevesque de Rouen ; et la cause fut pource
qu’elle disoit qu’il avoit estez cause du mariaige de Mérovée, son
fillaistre, et de la damme Brunechilde, qui par avent avoit esté femme
à Sigebert, en son vivent roy de Mets. Ne ce thint pas encor le roy
à cellay ; car, de jour en jour, par le conseil de la faulce paillairde Frédégonde, il faisoit de nouviaulx des malx sans nombre, tant sur ces
propre parans comme sur ces subject. Entre lesquelle il imposait une
levée annuelle sur lez vins de son reaulme. Et tellement que ung nommés
Marc fut comis pour faire cest levée en Acquitairne. Mais, pource qu 1
y alloit trop viollanment, il fut tantost tués par les Limosin.
Et plussieur aultre tirannie fist ledit roy à la requeste de sa femme ;
dont mal lui print, comme jay tantost il serait dit. Car, en cellui temps,
le roy Gontran, son frère, qui estoit roy d’Orléans et de Bourgongne,
pource qu’il n’avoit nul hoirs de son corps, et aussy voiant les tirannie
du roy Chilpéric, son frère, il mandait le jonne anfïans Childebert, roi
de Mets, qui estoit filz à Sigebert et de Brunechilde, sa femme, comme
cy d event ait estés dit, et à ycellui ce desmist de toucte ces terre et
seigneurie ; et ce bandirent et firent alliance ansamble pour mener
la guerre audit roy Chilpéric, lequelle détenoit plusieur de leur terre
à tort et sans cause. Et, ce tampts durant que ces choses ce conclusoient, l’ire de Dieu dessandit dessus ledit roy Chilpéric et son lignaige,
tellement qu’il fut en ung temps assaillit de tous coustés ; car plusieurs
nacion ce esmeurent encontre luy.
Grant prodige advenus. - Aussy, tant de fortune et tant de prodige
avindrent en son païs qu’il n’est à croire ne à dire, comme de tremble­
ment de terre, de plouvoir sancquez, du feu cheant du ciel, qui brusloit
tout ce qu’il touchoit ; et encore fist en ce tamps dez grande et mer­
veilleuse pluye qui neoit 1 tout. Et puis ragnoient de tant de diverse
et contaugieuse malladie que c’estoit pitiet. Et tellement que ledit
Chilpéric en fut frappés, luy et lez siens, et furent mort la plus part
de ces anflans.
„ ,,,
.
Recognoissance de son péchés. - Alors ladite Frédegonde, cognoissant son péchiez, ce repantist et criait à Dieu mercy ;; et amonestait
ledit roy son mary de faire pénitance. Et ainssy en a ut al > e c0
gneurent leur Créateur, et ostairent toutte nouvelle imposicion, et
firent moult de biens pour ung tamps. Puis, ledit roy avoit ung fi i
d’une aultre femme, nommés Clovis, lequelle, à la requeste de la dite
Frédégonde, avoit estés mis en prison au chasteau de Brefve, et estoit
condampné à morir ; mais alors il fut délivrés et mis en sa franche li­
berté. Et ainsy apert que le flaiaulx de Dieu fait venir les gens à la c
gnoissance de leur Créateur.
Ne demourait guerre que ledit roy fut mandé en Ytallie à l’ayde de
l’ampereur Maurice pour déjecter * les Lumbairt qui luy faisoie a
a.

Ms. : et.
b. M : djecter.
1. Noyaient, inondaient.

120

MORT DE CHILPÉRIC

leI

guerre. Pour laquelle chose à faire ledit Chilpéric en resseust grant
trésor ; mais, aprez ce qu’il ce deust combaitre encontre yceulx Lumbair, il print et ressust grant finance du leur pour lé laissier en paix ;
et ainssy il en print des deux partie. De quoy l’ampereur fut grandement
indignés et maris ; et le amonestait de restitucion. Et de cest affaire
vindrent plusieur mal, desquelle je me despourte pour le présant ;
lisés Gagin, là le trouvairés. Tantost après ce fait, ledit Chilpéric
tumbait en une erreur de quoy vinrent plusieur mal, dont aussy à pré­
sant je m’en despourte.
Malheur entre parentés. - Aussy Frédégonde, la faulce femme,
faindant de faire pénitence, retournait arrier a sa mallice, et fist plus
de mal que jamaix. Et, pource qu’elle ce trouvait sans hoirs de son
corps, elle conspirait une envie en l’ancontre de l’anffans Clovis, cy
devent nommés, pource qu’il « luy sambloit que, c’il vivoit, le perre
le feroit régner aprez luy. Parquoy la faulce femme lui mist sus la raige,
et fist tant envers le perre, lequelle rien ne lui reffusoit, que l’anffans
lui fut délivrés.
Clowis murlri per Frédégonde. — Et ainsy le fist secrètement murtrir,
et luy fist frapper une espée parmi l’estomach, et fut laissiet en la
plesse, faindant que lui meisme ce fut deffait et désespérés. Ces choses
ainsi faicte par la faulce femme, -furent veu en France plusieur grant
signe au ciel. Car elle fut cause que le roy son mary fist encor plusieur
mal. Et, à la fin, elle le fist secrètement murtrir, en retournant de la
chesse, par ung nommés Landrei. Et fut son corps trouvés mors entre
ses gens, sur la nuit, qu’on ne sçavoit qui ce eust fait. Puis fut enterré
par Mardulphe, évesque de Saulins, à Sainct Germains dez Prez. Et
ainssi est bien vrai qui le dit : de bonne vie bonne fin.
Or, retournons à parler du résidu de la vie Frédégonde. Celle femme,
plainne de mallice, print tout ces trésors et c’en aillait mestre à salvetés
à Nostre Damme de Paris. Et illec fut révéramment receue par l’évesque du lieu. Puis, ce fait, la déceveresse envoiait devers Gontran, roy
d’Orléans, qui estoit frère à son feu marei et oncle à Childebert, roy
de Mets, qu’il voulsit pranre la cure et estre tuteur d’elle et de Clotaire,
son filz, lequelle, comme elle lui mandoit, estoit son nepveu, et n’avoit
plus près parans de luy. Ledit Gontran vint à Paris, et illec print la
chairge de son nepveu, et le fist recepvoir à seigneur par toucte ces
ville et cité.
Guerre suscitée entre l’oncle et le nepveu ad cause de Frédégonde. — Et,
en ces entrefaictes, Childebert, roy de Mets, son aultre nepveu, lui
envoiait ces ambaisaide, auquelle ledit Gontran ne voult escouter ;
ains, pource que ledit Childebert faisoit requérir audit Gontran, son
oncle, de lui envoier Frédégonde pour en faire justice, comme murtrier de son père Sigibert et de Son oncle, le roy Chilpéric, lesquelle
elle avoit dernièrement fait murtrir, et, pource qu’il ne la voult randre,
a.

M : elle.

MORT DU ROI GONTRAN

121

et que lesdit ambaissade lui dirent que autant luy en gairdoit la faulce
femme, il ce coursait, et leur fist faire plusieur injure, de quoy une nou­
velle guère c’en esmeust entre l’oncle et le nepveu. Après ces chose,
ledit Gontran envoiait Frédégonde en Normandie, auprès de Rouan,
pour ce illec tenir. Mais, quant elle ce trouvait ce 1 descheuste de sa
haulte félicité, elle moroit de dueil, et encor plus quant elle veoit la
félicité de Brunechilde, qu’elle veoit plus puissante que soy et plus
honnorée.
Meschanselés de Frédégonde. — De laquelle envie cest malvaise femme
tormentée appellait ung homme, nommé Hauldri, homme hairdi et
acotumés à faire murtre ; et à celluy promist grant trésor pour tuer
la royne Brunechilde ; et fut le merchief fait. Mais, comme Dieu le voult,
la chose fut acusée, et fut le malfaicteur prins, et, son cas cognus, fut
envoiés à ladite Frédégonde ; laquelle, comme enraigié, lui fist tranchier les piedz et les mains, faisant samblant qu’elle n’eStoit pas cause
de l’omicide.
Après ces chose ainsi faicte, journée fut mise pour acourder et
pacifier le roy Gontran, roy d’Orléans, et Childebert, son nepveu, roy
de Mets. Et tellement que, a mandement dudit Gontran, ledit Chil­
debert allait ver lui. Et, après plusieurs chose faicte et dicte d’ung
cousté et d’aultre, paix fut faicte et confermée entre lez partie. Et
furent randue a roy Childebert toutte les ville que Chilpéric, son oncle,
lui avoit heu ostés et husurpés. Et, avec ce, ledit Gontran fit dudit
Childedert, son nepveu, son hoir héritauble ; et lui donait biaucopt de
biaulx ansoignement ; puis le recomandait a seigneur de France, leur
disans que sur tout il luy fusent obéissant comme a luy meisme, car
il espéroit que une fois seroit de luy grant chose.
Et alors ce ailliairent les deux roy ensamble pour assaillir Gondenault, filz batair du roy Clotaire, premier de ce nom ; lequelle, ce di­
sant hoir dudit roy, comme cez frère, et 2 tenoit le païs de Normandie,
et plusieur ville et cité. Mais, aprez plusieur bataille lieue, ledit Gondenault fut trays de ces gens meisme, et fut mis a mort, et son trésor
Jmtinés et départis. Toutefïois le roy Gontran ne pardonait point
au traistre, ains les fist tout mestre à mort, et donnait tout leur trésor
a pouvre pour Dieu.
Et, en ce meisme temps, y oit plusieurs aultre gerre, tant en Ytalie
comme en Espaigne, auquel y oit plusieurs grant occision faicte , des­
quelles je me desporte. Et meismement le roy Gontran levait grant
armée contre les Gotz.
Le roy Gontrand mort - Puis, tantost après luy retournez, se monstrairent plusieurs signe au ciel, après lesquelles grant mallaidie print
audit roy Gontrand, et d’icelle trespassa, le XXXe ans de son règne ;
et fut ensevely à Chalon, en Bourgogne.
1. Si, ainsi.
2. Phrase mal faite. Il faut corriger disant en disoih ou supprimer «»,

122

MAIZÉ, VINGT-QUATRIÈME ÉVÊQUE DE METZ

Item, aprez ce que ledit Gontran fut ensepvely et son ohsèque fait,
Childebert, son nepveu, qui alors estoit roy de Mets, se mist en poussession de tout le reaulme dudit Gontran, son oncle. Et alors luy revint
en mémoire la cruaulteit de celle faulce femme Frédégonde, laquelle
estoit cause de plusieur mal, comme cy devent ait estés dit. Parquoi
il fist assembler ses gens, et fist une merveilleuse armée, laquelle il
fist marcher ver la cité de Soixon, où alors ce tenoit Frédégonde ; car
celle partie apparthenoit à son filz Clotaire, lequelle estoit encor cy
josne qu’il estoit à la mammelle. Mais la fausse, quant elle sentit ces
ennemys venant, cy appellait tout les prince du pais, auquelle elle
remontrait plusieurs choses, et les requiert de leur fois et serment qu’il
avoient à son filz promise ; et tellement les fist hardy et leur doint
couraige qu’il ce misrent en armes. Et sus le tard sont saillis hors de
la cité, et elle meisme, tenant son filz Clotaire entre ses bras pandant
à la mumelle, marchoit devant.
Milliair : vc iiijxx d vüj. _ Et fut ce fait en l’an Ve IIIIxx et VIII.
Et, jay ce qu’il ne fussent pais en sy grant nombre, à la moitiet près,
comme estoient leur ennemys, néantmoins il marchirent toute la nuyt
parmi la grant fourretz 1 ; et tellement que, du matin, ce vinrent lanssier et frapper dessus les tante et povyllon de leur ennemys, lesquelles
encor ce dormoyent, ad cause des labeurs du jour précédant ; dont
plussieurs furent occis, et les aultre ce misrent en fuitz. Incontinent
furent les tante toucte pillées et destruicte. Et, ce fait, oit ladite Frédégonde plus grant couraige que devant ; parquoy elle comendait à
son cappitainne, nommés Landry, qu’il faissit marcher ces gens avant
autour de la cité de Rains, sus la terre aux ennemys. Laquelle chose fut
acomplye, et y firent de grant et merveilleux dopmaige.
Ces chose ainsy acomplye, ledit Childebert, roi de Mets, remint sus
son armée, laquelle yl fist marcher devant Millan ; et, avec plussieur
aultre prince et cappitainne, ont passés les mont et ont assigiés la ville.
Et fut ce fait à la requeste de Maurice Bisantin, empereur 2, 3lequelle
leur debvoit envoier secour. Mais il faillit ; parquoy, après ce qu’il
eurent prins plusieurs chasteaulx et bonne ville, et pour les grant
challeur et mallaidie qui alors régnoient, il s’en retournirent errier
en leur maisons. Mais nous lairons à parler de ces chose ycy quant à
présant, et retournerons à dire des évesque de Mets, et qui c’estoit
que en ce tampts tenoit le sciège épiscopal d’icelle cité.

[SUITE DES ÉVÊQUES DE METZ ET DES EMPEREURS]

Willeus, xxiiije évesques, Ihint le sciège xxv ans ij moix. — Je trouve
que, en ce tamps, Maizé, ou en latin Villeus 3j fuit XXIIII6 évesque de
1. Forêt.
2. Maurice, empereur byzantin, empereur d’Orient.
3. S. Villicus.

ARNOUAL, VINGT-SEPTIÈME ÉVÊQUE DE METZ

123

Mets ; et thint le sciège XXV ans et deux mois, dessoubz Pelaige le
premier et Jehan le thier et Benedic le premier, pappe, et desoubz
Justin et Wère et Constantin 1, empereur ; et morut on moix de may.
Aucy, durant ce tamps et après la mort de Justins l’empereur, tint
l’empire Thibère VI ans. Et fut du temps que régnoit celle malvaise
royne nommée Frédégonde a, cy devent nommée, par laquelle plussieurs roys furent occis, comme plusieur cronicquez le tesmoigne.
Item, aprez la mort Thibère, tint l’empire Morise, qui fut de Grèce,
et la thint XXI ans. Et fut meisme du tamps que régnoit sur les Fran­
çois Gontrans, qui fut moult piteulx aux pouvres.
Grégoire, pape de Romme. — Paireillement, en cellui temps, estoit
pape de Romme le glorieulx sainct Grégoire le Grant, lequelle moult
enluminait Saincte Église. Et en son temps furent les Anglois convertis
de plusieur hérésie à la saincte foy catholicq.
Pier, xxve évesques de Mets, et thint le sciège x ans. — Durant aucy
ce tamps fut Pierre le XXVe évesque de Mets ; et thint le sciège X ans ;
et morut en octobre, desoubz Pelaige le second, on tamps de Trébère
Constantin 2,
* 1empereur.
Sainct Goart, archevesque de Trêves. — Et, en cellui temps, estoit
archevesque de Trieuve sainct Goart, qui fut de grant mérittes.
Agulphe, xxvje évesque de Mets, et thint le sciège xij ans. — Item,
après la mort de l’évesque Pierre cy devent dict, fut Agulphe le XXVIe
évesque de Mets ; et thint le sciège XII ans ; et morut en décembre,
dessoubz le premier Grégoire 3, pappe, on temps Morise, ampereur.
Et fut neiz de la fille Glodène, fille au roy de France, et esgrandit
moult l’éveschié, tant de son patrimone comme par acquest ; et
donait bonne terre à Sainct Estienne ; et par mainte foix escripte à
luy sanct Grégoire, docteur.
Morize, empereur, déjeciés, et Folques ordonnés en son lieu.
Aussy
je trouve que, en celluy temps, Morise l’empereur eust révélacion que
son empire luy debvoit estre ostée par ung nommés Folque 4. La cause
pourquoy, je n’en dirés plus, pour abrégiés. Mais, cornent qu il en
fut, bien tost aprez fut déjectés de l’empire, comme il avoit deviné.
Et régnait ledit Folque VIII ans en lieu de luy. Et fut du temps que
régnoit Lothaire sur les François ; lequel fit traire à queue de josne
chevaulx la royne Brunechilde cy devent nomée, corne cy après
Serait dit ; puis la fist ardoir, et la cendre gecter en l’air et au vent.
Arnoual, xxvije évesque de Mets. — Item, en celluy temps, aprez la
mort Agulphe, évesque de Mets, fut fait et créez Arnouauls pour le
XXVIIe évesque de Mets ; et fut celluy nepveulx Agulphes, le devent

a. Dans les deux manuscrits, Frédégonde a été corrigé sur Brunechilde de la
main de Philippe.
1.
2.
3.
4.

Justin II le jeune et Tibère II Constantin, empereurs d’Orient.
Tibère II Constantin, empereur d’Orient.
Saint Grégoire le Grand, 65* pape.
Phocas, empereur d’Orient.

124

THÉODEBERT II, ROI D’AUSTRASIE

dit évegque. Et thint le sciège VIII ans, dessoubz Fabien *1 et
2 3Bonifface,
pappe, du temps de Solca *, empereur ; et morut en octobre.
Boniface, lxiiije pape de Homme, ordonnait la fesie de Toussaint. —
Et estoit pour cellui tamps pappe de Romme le devent dit Boniface,
que fut le LXIIIIe pappe depuis le temps de sainct Pierre *. Lequel
impétrait à l’empereur que Romme fut le chief de l’Esglise. Et, avec
ce, impétrait le temple de Panthéon, qui estoit à Romme, et le dédiait
en église. Et ordonnait cellui pappe de célébrer la feste de Toussainct,
car, par avant, ne s’en faisoit point. Et, en lieu que en ce temple l’on
solloit célébrer de plussieurs ydolle, et n’en pouvoit on aultrement
oster a puple la costume, pour ce ledit pappe fist célébrer en ce tample
la feste de Toussains, comme dit est.
Eracle, empereur xxx ans. — Puis, après la mort d’icelluy Faulcq »,
tint l’empire Éracle l’espace de XXX ans.

[suite

des

rois

de

metz]

Childeberl, roy de Mets, et sa femme, mort subitement. — Bien tost
après le retour de Millan et le reaulme de Bourgongne conquis, ledict
Childebert, roy de Mets, avec sa femme, morurent assés subitement.
Laquelle chose ne fut pas sans suspicion de poison. Et mourut ledit
Childebert, comme aulcun disent, en la XXXVe année de son eaige et
en la XXXIIIe année de son règne.
Thidebert, roy de Mets. — Et laissaient deux anffans ; mais leur <*
héritier, c’est assavoir le plus annés, fut appellés Thidebert ; lequelle
obtint la seigneurie de Mets et de tout le païs d’Astrasie (ce pais
d’Astrasie fut anciennement ainsy appellés pour et on nom de Austracus,ou Auster, qui anciennement, cellon l’oppinion d’aulcun, y avoit
premier habité, comme j’é dit dessus). Le second fllz de Childebert fut
appellés Théodorich ; auquel advint le pays de Bourgogne, et en fut
roy. Nous lisons et trouvons escript comment le devent dit sainct
Grégoire, pappe, lequelle en cellui tamps estoit pappe de Romme,
comme cy dessus est dit, quand il envoyait sainct Augustin en Angle­
terre pour les convertir à la foy de Jhésu Crist, il rescript à yceulx
deux roy, frère, et à Brunechilde, leur grant merre, et les avoit ledit
pape fort pour rescommander. Et dit on qu’il envoyait à ycelle royne
dez relicque de sainct Pier et de sainct Pol.
En cellui meisme tamps les Huns, avec grosse armée, retournèrent
en France ; mais, fmablement, à force d’argent, on les en fist retourner.
a. M : les leur.
1. Sabinien, 66e pape.
2. Phocas.
3. Boniface IV porte, dans la liste de Mas-Latrie, Trésor de Chronologie, col. 1047,
le n* 6&

MORT DE FRÉDÉGONDE

125

Thildebert el Théodoric déconfis per la putainne Frédégonde. - Et
aucy, en ce temps, Frédégonde, la faulce femme, fist amasser grant
armée, et provoqua son filz Clotaire de mener guerre au deux josne
roy. Et tellement y besongna que Thildebert et Théodoric, son frère,
furent desconffis pour lesquelles chose ladite Frédégonde mena grant
joye, et receut son filz Clotaire en grant triumphe.
Frédégonde morte. — Toutefîois rien n’y vallut qu’il ne la coviegne
mourir ; car, après ce qu’elle eust fait du mal sans nombre, tant de
ceulx que j’ay cy dessus escript comme de plusieurs aultre que j és
laissiet, une mallaidie la print, de laquelle elle mourut. Et fut ensevelye celle homicide au sépulcre du roy Chilpéric, son mary.
Item, en celluy temps, advint une grant merveille, car le lac de Dunois ce print au boullir, par cy grande force et challeur que les poissons
que en ycellui estoient furent cuyt ; et tellement fut que c estoit
viande aux habitans du pays.
Thildebert el Théodoric victorieux. - Après la mort de Frédégonde,
se racomancèrent les guerre plus que devant. Et tellement que lesdit
deux frères, c’est assavoir Thidebert, roy de Mets, et Théodorich, roy
de Bourgongne, firent de rechief leur armée, laquelle il menairent en
l’encontre de Clotaire, le filz de Frédégonde. Et fut ledit Clotaire par
plusieurs fois vaincu en champs de baitaille, et ces gens dispercez,
mort et tuez ; et oit plusieur grant occision faictes, desquelle je me passe,
pour abrégier. Après lesquelles convint audit Clotaire faire tout telle
apointement comme il pleust audit deux frères.
Faulce machination de Brunnechilde contre les ij frère. — Après celle
paix ainsi faicte, Brunechilde, qui avoit estez royne de Metz, cheut
en la hayne du roy Thidebert, son advelet. Et l’occasion fut pour ung
Ytalien, homme subtile et ingénieulx, nommés Prothadius, duquelle
on voulloit dire qu’il entretenoit la damme. Et l’avoit ledit Thidebert
banny de sa compaignie. Parquoy de ceste chose fut triste et dollante ;
et, à ceste occasion, elle s’en alla dever le roy Théodorich, et luy donna
à entendre que ledit Thiedebert, roy de Mets, estoit bastaird nez,
et engendrez d’ung gerdinier, et qu’il avoit desrobés lez trésor de leur
perre, desquelle trésor la mitté lui en appartenoit. Et tellement le per­
suadait que ledit Théodoric envoya ces ambaixades dever ledit Thiedebert, son frère, lui amonestant de faire restitucion d’icelle richesse
et trésor ainsi prinse. Et, après ce qu’il fut renfusant de ce faire, ladite
Brunechilde fist tant qu’elle les mist en discord, et misrent leur armée
au champs, toutte prestz à baitailler. Mais, quant ce vint à l’esprouchier,
plusieur noble prince, considérant les fortune de la guerre,s entremisrent
de faire paix et de faire accorder lesdit deux frères. Laquelle chose
estoit quaysy faicte et passée, ce n’eust estez Prothadius ycy devant
nommez, lequelle, voulant faire ployer le roy Théodoric à « aultre oppinion, dit que ce n’estoit point chose décente de soubdains traicter
«, M6. : et.

126

GÜËRRES ENTRE THÉODEBËRT II ET THlERRI U

d une telle cause, ains dit : « Il fault tenter le couraige de son adver­
saire, pour sçavoir ce d’aventure il voldrait accorder au demande
c on luy ferait. » Et, de ces parolles, tous les seigneurs, qui desjà le
hayoient à mort, furent couroucés encontre luy, et conspirairent sa
mort.
Prolhadius mort. — Et tellement alla la chose que en brief termine
fut ledit Prothadius, contre le commandement du roy Théodoric, mis
à mort en juantau tauble. Et. après ce fait, fut la paix faicte entre
lesdit deux frères ; et c’en retournait chacun en son lieu.
Peu de temps aprez, ledit Théodoric envoyait ces ambaixades en
Espaigne devers le roy Détéric pour lui demander sa fille Memberge à
femme. Laquelle lui fut acordée ; et l’espousait en grant joie et triumphe, et moult l’amoit.
Nouvelle guerre suscitée. — Mais Brunechilde, envyeuse de ce mariaige, le pervertit tellement que, peu de temps après, ledit roy Théo­
doric renvoyait ladite Memberge en Espaigne avec tout ce qu’elle avoit
apourtés. De laquelle injure le roy Détéric, son père, fut très dolant ; et
fît alliance avec le roy Clotaire et avec Thidebert, roy de Mets, et aucy
avec Agon, roy des Lombars, lesquelles dit trois roys promirent tous
à luy ayder en 1 encontre du roy Théodoric. Et tellement que, quant la
chose vint à la cognoissance dudit Théodoric, il fut très couroucés et
dollant ; et fist son armée, espérant de ce defîendre. Or advint que Thi­
debert, roy de Mets et d’Astrasie, fut le premier au champs, et fist
marcher son armée en 1 encontre de Théodorich, son frère, espérant
que les aultres roy deussent venir. Et, quant les deux ost furent rencon­
trée au chaisteaulx de Falèse, prest à baitailler, plusieur prince et grant
seigneurs s entresmirent de faire paix et de faire accorder les deux
frères ensamble.
Apoiniement fuit entre les frère. — Et tellement alla la chose que ledit
Théodoric, espoventé du nombre des gens que son frère avoit, fist et
accorda tout ce que son dit frère voulloit. Et fut la paix faicte parmy
que les deux contés, c’est assavoir Lorrenne et Ghampaigne, demouroient à tousjourmais paisible audit roy Thidebert, roy de Mets, pour
son trefïons et héritaiges. Lesquelles chose aincy faicte, promise et
jurée, prindrent les deux roy congié l’ung de l’aultre.
Mais, non obstant touctes ces choses, ledit Théodoric ne fut pas
appaisés en son couraiges ; ains murmurant c’en retournait en son
Pays. et pensoit souvanttefïois comment et par quelle manière il polroit
tresveiller l son frère par bataille, duquelle il avoit estés assaillis. Et,
aprez plusieur choses, par le conseil de Brunechilde et de ces plus privés
amys, il fist tant qu’il fust en graice du roy Clotaire ; et, aprez ce qu’il
soit que ledit roy estoit pour luy, il fist faire une grosse armée de bon
gensdarmes, laquelle il fist marcher à Langres, et de là « à Verdung.
a. M : dellay.
1. Travailler, molester.

MORT DE THÉODEBERT II, ROI

d'aUSTRASIE

127

La ville de Verdun relairgie. — Et dit l’istoire que en ce tamps on
reSgrandisoit la ville de Verdun, et ce édiffioit de nouviaulx.
Puis, de là «, c’en allait à Toul, en laquelle cité il trouva Thidebert,
roy de Mets, que illec avoit fait assemblés ces gens et son armée. En
ce lieu fut très aspre la baitaille, et en y oit grant nombre des tuez et
des occis, tant de l’ung des coûtés comme de l’aultre. Mais à ceste
heure fortune fut favorisauble audit Théodorich, et tellement que ledit
Tbiedebert ce mist en fuite, et passa le pais d’Astrasie ; et, finalement,
de la crainte qu’il oit de son frère, il abandonnait sa cité de Mets et
se retirait à Gollogne dessus le Rins à salvetés. Et en ce lieu il fut
refréchy et ranforcés de gens.
Théodoric victorieux contre son frère Thideberl. — Mais néantmoins
il fut consuyt dudit Théodorich ; et, finaublement, après plusieurs
baitailles eheue et plusieur chose faicte et dicte, que je lesse pour abrégier, fuit ledit roy Thidebert trahis et mis à mort. Et fut sa teste
pourtée à Théodorich, son frère, lequelle l’avoit ainsy comandés. Et
alors se rendirent tout les pais et firent foy et homaige en la main
dudit Théodorich.
Enffans de Thidebert prisonier. — En celle desconfiture furent prins
deux filz, avec une très belle fillette, qui estoient anffans audit roy
Thidebert, roy de Mets. Sy ce mist ledit Théodorich en voie avec son
armée, et retournait avec lesdit anffans en la cité de Mets, auquelle
lieu il les amenait.
Les enffans Thidebert murtris par Brunnechilde. — Mais la faulce
femme Brunechilde, laquelle *1 sur ces vielz jours devint très malvaise
et cruelle, comme vous oyrés ; car, quant elle vit les innocens, pour
la hayne qu’elle avoit eheu a roy leur perre, pource qu’il l’avoit eheu
banye de sa compaignie pour sa luxure, comme dit est, elle print les
deux filz, et, ramplie de fellonnie, subitement les ait occis : c est assa­
voir, a plus petit, nommés Mérouvée, elle le print et luy frappait cy
rudement la teste contre ung pillés qu’elle luy en fist voiler la cervelle
dehors ; et encor fist morir l’aultre cruellement.
Et ainsy mourut Théodebert, roy de Mets, avec ces deux filz, à la
XVIIe année de son règne. Or avint que la fillette creut en beaultés,
et en fut ledit Théodorich très ennamourés, et tellement qu’il la vouloit prandre à femme et l’apouser. Mais de Brunechilde en fut empeschiez, car la faulce femme lui dit que c’estoit sacrilège de prandre à
femme sa parante et prochainne en consanguinité. Desquelles parolles
Théodoric fut très mal comptant et moult troublés et indignés. Et dit.
« O faulce et deslealle femme, et de plusieurs hayee ! Ne me avoit tu
pas dit et fait acroire que Thidebert, mon frère, estoit bastard et en­
gendré par copulacion adultérine, et qu’il n’estoit pas mon frère légi­
time ? Parquoy j’ay estés contrains de persécuter et murtrir ledit
mon frère. » Et, en ce disant, il la volt frapper et occir, mais elle fut
a. M : dellay.
1. Phrase mal faite ; il faut supprimer laquelle.

128

FONDATION DU MONASTÈRE DE SAINT PIERRE AUX NONNAINS

defïendue et sauvée par l’ayde des chambrelains ; et aschespait 1
ladite Brunechilde. Et, désirant et apétant vengence, retint cecy en
son cuer.
Théodoric empoison [né] per Brunnechilde, l’anvjc elxviij.— Etpuis,
quant elle vit son point, la cruelle composait ung bruvaige plain de
poison ; lequelle, peu de temps après, par ces serviteurs corrumpus
par argent fuit présentés audit Théodorich sortissant d’ung baing ;
de quoi subitement il morut et rendit l’arme. Et fut ce fait cy subi­
tement qu’il n’olt loisir ne espasse de ce confesser ne de ce repentir
dez grant mal et ignorme péchiez qu’il avoit fait et perpétrés en la
mort de son frerre et de ces nepveu. Et fut en l’an Nostre Seigneur
VIe et XVIII, et la XVIIIe année de son règne.

[fondation

du

monastère

de saint pierre aux nonnains]

Le monastère de Saincl Pier aux Dame fondés; Eleulhère, premier
fondateur de Saincl Pier aux Dame. — En celluy tamps, et au temps des
devantdit roy, fut premier fondez le monastère de Sainct Pierre au
Damme, cituez dedant la cité de Mets. Lequelle fut fondé et premier
douuez par messire Éleuthère, lequelle alors estoit duc des Françoys.
Saincle Waldrée, première abbesse de Sainct Pier.— Et, aprez ce qu’i
l’eust fondez, construict et douuez de cez propre rente et revenue patrimonnialle, et tellement que pour ung jour furent audit monastère
IIIe religieuse, touctes filles de roy, de duc ou de grant conte, de divers
pays et nassïon, auquelle ledit duc donnait soufïîsant rente pour elle
vivre, et fut premier damme et abbaisse sus ycelle la benoiste vierge
saincte Wauldraie, et 12, tantost aprez ce fait et achevy, ledit Éleuthère,
duc des François, se voult partir du païs pour retourner au sien. Mais,
avant que ce partit, donnait réfection audite religieuse, puis se recom­
mandait à leur prière en leur disant : à Dieu.
Eleulhère murtris. — Et, ensi comme il fut hors de la cité de Mets,
en allant son chemin, fut par esgait de ces prouchain parrant occis et
murtris. Et firent ce murtre pour ce qu’il estoient indignés à l’ocasion
de ce qu’il avoit despancé et despandu son patrimone à cest heuvre
piteuse, lequelle patrimone pansoient et estandoient 3 avoir, tenir
et pocéder aprez sa mort.
Item, que depuis ce tamps ledit monastère ait ancor estez douuez
et rantez de plussieur prince et grant seigneur, et prévilaigez par
plussieur prêtais et ampereur, comme on le peult aparoire par les chairtre de ladite église. Dont s’ensuyvent d’aulcune d’icelle les coppies, et
en brief, car je ne les ait pas icy minze en la forme qu’elle sont couchée,
1. Échappa.
2. Il faut supprimer et pour rendre la phrase régulière.
3. Attendaient.

DONATIONS FAITES AU MONASTÈRE DE SAINT PIERRE AUX NONNAINS 129

non pas à la cente partie, pour tant que, en ce faisant, je me eslogneroie
trop de ma mathierre ; et me souffit seullement de dire et nommer
ceulx qui ont donnez lesdicte rantes et previlaige à ladicte église,
et le temps et le lieu ; et le metterait au plus brief que je pourayt pour
éviter prolichitez.
Plussieur donations faicie aux monastèr [e] de Saiticl Pier aux Damme;
— l’an ix° et tx. — Premier, y ait une lestre très ancienne, en laquelle
est fait mencion cornant Otton 1, par la graice de Dieu roy des Lorains,
des François et des Allemans, qui fut du temps de Abron 2;
évesque de Mets, cy après nommés, et du duc Frédric, son frère, et du
temps de damme Haluuis, abbaisse de Sainct Pierre, en laquelle lettre
est faicte mencion cornent ledit Otton conferme tous les previlaige de
ladite abbaye, et, avec ce, leur donne et concède plussieur biaulx
dons. C’est assavoir, en la contez de Serpainne, la ville c’on dit Nowe1 2avec l’esglise et la moitresse franche, et toute les appartenance.
roi 3,
Semblablement, en celle meyme contez, Bayonville et Waindellanville,
avec les esglise et toutte leur appendixe. Et, en la contez de Chaulmont,
la ville c’on dit an Vanteres 4, avec la moitresse, et tout ce qui à elle
apparthient. Et, en la contez de Piervillez, et Viller et Semelcourt 5. 6
Et aussy, en territour de Waverens, les villes Grentères et Viller et
Seme 6, avec tout son enthier. En la conté d’Ardenne, la ville d’Argilinge 7, la mitié de l’esglise, avec la moitresse franche, et tout ceu qu’est
illec des choses dudit monastère. Item, en la conté de Mets, la ville
de Bourny 8, avec toutte ces appandises. En la contez de Voige, Frangeviller et Éveronville 9, 10
et II.
les esglise d’icelle, toutte franche à l’esbaye.
Semblablement, de la ville c’on dit Vandier, et de la chaippelle de Presney
et de Tullon, et de Syteroyi° et de Leustange, et de Taulange, et de
Herrowinville et de Malrastat n, et de Sainct Piermont, et de Barsoncourt 12, et des grandes Bussiers, et de Domppierecourt13. Et aussy
voulons donner le desmaige franc pour conserver la porte du monas­
tère de toucte l’esbaye, c’est assavoir tant à l’indigence des pouvre et
des pellerin comme aux us des hostes sourvenant. Et, pource que les
devantdite nonnains ont, dès le temps du roy Thidebert, auctorité
et previllaige de leur propre élection, leur octroion puissance de eslire
1. Monumenta Germaniae historica, Diplomatum regum et imperatorum Germaniae
t. I, p. 289.
2. Adalbéron.
3. In comitatu Scarponensi villam Nogaredus.
4. In comitatu... Calmultensi villam Argenteras.
5. In comitat 0 Judicii Petrevillare et Villare atque Seimari curtem.
6. In pago... Waverensi villas Erenzeias et Villare atque Senuot.
I. Villam Segilinga.
8. Villam Burnem.
9. In comitatu Vasogiensi Fragesa villam et Everonis villam.
10. Sinteriaco.
II. De Tatalinga et de Heriwini villa et de Mathalstat.
12. Basonis curte.
13. De domini Pétri curte.

130

DONATIONS FAITES AU MONASTÈRE DE SAINT PIERRE AUX NONNAINS

vouué ainsy que besoing leur serait, et aussy abbesse, selon la crainte
de Dieu et l’ingtitucion de Saincte Esgüse. Et, afïin que cest présent
mandement de nogtre auctorité ait plus ferme vigeur, l’avons signé
desoub de nostre propre main, et avons commandés egtre seelé de
l’impression de nostre anneal.
Duquelle j’en ait ycy mis la forme, ainssy que le pourtoit ledit Otton
très victorieulx, et comme encor ajourd’uy est imprimés et mairqués
és principalle lestre qui sont ensairée en l’église et monesterre dudit
Sainct Pier a.
Donné le troisiesme jour de janvier, l’an de l’incarnation Nostre
Seigneur IXe et LX, l’indiction troixiegme, le XXVe de Octon, roy
très victorieulx. Fait à Collongne.
L’an ixc Ixxvij. — Item, ont encor les dicte damme de Sainct Pier
la coppie abrégié d’une confîrmacion et lestre donnée et signée par ung
aultre Octon *l, empereur august, et par Théophainne, la noble damme,
sa femme, et par Tbéodorich, évesque de la cité de Mets, et du duc
Frédéric. C’est assavoir du don de collacion de plugieur esglise. Pre­
mier, de l’esglise de la ville Sinteroy, enMenonville 2, Maidière on mon
Sainct Quentin, Mandastat 3, avec la chappelle de Dudonviller, en
Sainct Piermon, en Basoncourt, la chappelle de Harencourt 4, Heruwuniville, Talange 5, les grant Buxières, Vandier, la chappelle de Prisney, Viller, Bayonville, Wandilinville, Soroville, Wumuringe 6. 7Tout
lesquelles esglises ait données ledit Octon. Et, avec ce, pource que du
temps du roy Thidebert lesdicte nonains avoient auctorité et previlaige de leur propre élection, parquoy ledit empereur de rechief leur doua
puissance de eslire une abesse selon la crainte de Dieu et l’institucion
de saincte rygle. Et aucy leur donna puissance de avoir ung woué,
aincy que begon leur seroit. Et fut cest lestre cellée de l’aneau dudit
Otton, dont la figure s’ensuit. Que fut donnée le unziesme jour de may,
en l’an du règne seigneur Otton deuziesme, et le Xe de son empire.
Fait à Tbeonville a.
L’an ix° iiijxx et xiij. — Item, encor la coppie d’une aultre lestre
et en brief que donna et conferma le thier Octon 7, roy par la grâce de
Dieu, et à la requeste d’une vénérauble religieuse, abesse de Sainct
Pierre, nommée Hyrmendrut, et aussy à la confîrmacion des devantdit previlaige que ces devent dicts prédicegseurs avoient donnés, comme
cy devent est dict ; laquelle lestre de previlège fut donnée et confermée
le XXVIe jour de mars, en l’an IXe IIII** et XIII, l’indiction VIe,

а. Philippe a reproduit ici les monogrammes des empereurs. Il a donc eu sous les yeux
les diplômes originaux.
1. M. G. H., id., t. II pars prior, p. 179.
2. In villa Sinteriaco, Tollau, in Mannonis villa.
3. Madalstat.
4. In Basonis curte, Lasticas cum capella, Hareni curte.
5. Herivini villa, Tatalinga.
б. Sorolfi villa, Wimiringas.
7, M. G. H., id., t. II pars posterior, p. 528-529.

DONATIONS FAITES AU MONASTÈRE DE SAINT PIERRE AUX NONNAINS

131

et en l’an dixiesme de son règne. Fait et donée en la cité de Liège, et
signée du seaul dudit Otton le thiers, duquelle la figure s’ensuyt a.
L’an mil if et xiij. — Item, l’an mil Ile ef, XIII, Thiébault, duc de
Lhorenne et marchis, fondit une chappelle et une hospital de XII pouvre
à la ville d’Airancei, laquelle il donnait au damme dudit Sainct Pierre.
Item, l’an mil IF et XXXV, Ysabeaul, ébasse dudit Sainct Pière,
acquaistait à Arambourg &, femme de Burtranddon de Porsailly, et
à plusieur aultres, plusieur grant terre et signorie, comme les lestres que
de ce en sont faictes le devise. Lesquelles j’ay veu, et sont ensairée
avec les devent dicte lectre au monastère dudit Sainct Pierre.
Mil ijc Ixv. — En l’an mil IF LXV, damme Ysaibelz, ébassede Sainct
Pierre, et messire Wallerans, sire de Monjoye et de Marville, firent
accort enssemble de la ville de Hairancei et plusieur aultre ville et si­
gnorie, tant de chastiaulx, de maisons, de four, de mollin, de champs,
de prei, de boix, de hayes, d’homme et de femme et de plusieur aultre
chose. Et fut cest accord fait par le consentement de Henry, conte de
Lucenbourg, qui alors vivoit, et de Thiébault, conte de Bar, comme les
lestres que de cy en sont faictes le devisent.
Mil ijc Ixxvij. — Et, pareillement, y ait encor une aultre lestre et
ung accord fait entre ledit Thiébault, conte de Bar, et ledit Henry de
Lucembourg, et de damme Ysabel, ébasse des damme de Sainct Pier
de Mets, de la ville de Sainct Piervillez et de Remenoncourt et de plu­
sieur aultre. Et furent ces choses faictes en l’an mil IF LXXVII.
Mil if iiijxx et xiij. — Item, l’an mil IIe IIIIXX et XIII, le mardi
après la feste sainct Luc évangéliste, fut accordé entre Thiébault, duc
de Lorenne *1 et seigneur de Purnei, à l’encontre de Tabesse et couvent
de Sainct Pierre de Mets, pour le fait de la ville de Noeroi, en telle
manière que ledit duc ne dobvoit plus penre sus ladicte ville, dès dont
en avant, que les choses desclairiées en la lestres que de ce en fut fait,
l’an et le jour devantdit.
Par le teneur doneques des Chartres précédantes, l’en peult cognoistre plussieurs choses, tant dudit monastère et de son ancienneté
comme de l’estât de ceste noble citez, meismement que, du temps des
empereurs Otton, elle estoit desoubz l’empire ; et que, jay long temps
devant, à sçavoir au temps du roy Théodorich, elle estoit citez royale.
Duquel roy Théodorich ait cy devant esté pairlé. Et dist ainci en ce
chaipistre2, que en son temps ledit monestère fut fondé, et que ledit
Théodorich morut par venin que Bruneheust, autrement appellée
Brunechilde, son ayeulle, luy fist amministrer, comme cy devent ait
estés dit.
Parquoy nous lairons à parler du devent dit monestère, et retourne­
rons à notre premier prepos.
a. Philippe a reproduit ici le monogramme de l’empereur Otton.

b. E : et à Rambourg.
1. Ce n’est qu’en 1304 que Thiébaut II succéda à son père Ferri III.
2. Il faut comprendre : « J’ai exposé, dans le chapitre consacré au roi Théodoric
que...

MORT DE BRUNEHAUT (613)

132

[SUITE DES ROIS DE METZ, DES ÉVÊQUES DE METZ
ET DES ROIS DE FRANGE]

Aincy comme cy dessus avés ouy, fut le roy Théodorich mort par
poison. Et demeurait Clotaire seulle héritier de toucte la lignié et
consanginité de Clovis, premier roy crestien ; parquoy à luy seulle
appartenoient tous les reaulme. Et fut ce fait la LXIIe année après le
trespas dudit Clovis.
Plussieurs balaill[e] eslevée per la maldide femme Brunnechilde.



Mais Brunechilde, hardie à l’occysion *1 de la mort de plusieurs parsonne, s’efïorsoit à ballier le reaulme de Mets et d’Astrasie à “ Sigebert, lequelle estoit bastart du roy Théodorich ; aus efïors de laquelle
répunèrent les seigneurs astrasiens, pource qu’il avoient en horreur
les mors b de ceste cruelle femme. Et, à ceste cause, envoyairent
leur ambaixade a roy Clotaire, luy signifièrent qu’il se hastaisse de
aller ver eulx aux chasteaulx nommés Capthomaire. La légacion
oyee, ledit Clotaire en diligence acomplit la vollunté des seigneurs.
Mais la faulce femme, de tout son efïors, contredisoit, et voulloit que
le bastard fut roy. Et tellement allait la chose que plusieur grande et
mortel bataille à l’occasion de cest affaire en advindrent. Mais finablement, aprez plusieur chose faicte et dicte, que je laisse pour abrégier,
ledit bastard fut mis en fuitz, qu’onque plus on ne le vit, et Brunechilde
prinse prisonnier et au roy livrée.
Brunnechilde, deslealle femme, â juste cause condempnée à mort.



Et alors fut prins conseille de quelle mort on la feroit mourir : car elle
fut trouvée estre courpauble de la mort de dix roy et de plusieur aultre parsonnaiges. Son cas cogneu, en présence de totte la baronnie, le
peuple print à crier que celle femme devoit morir d une mort ville et
honteuse. Alors la fist le roy devant luy venir, et, après ce qu’il l’eust
âprement reprinse et injuriée, et qu’il luy oit reprouchiez les grant
cruaultez et lez grand desloiaultés qu’elle avoit faicte, il la fist batre
par quaitre fois, puis sy la fist esseoir dessus ung cheval et la feist me­
ner par toucte l’armée pour luy faire plus de honte. Finablement fut
attachée par les bras et par les cheveulx à la queue d’ung impétueulx
roncin, et d’icelluy fut tirée et desmembrée. Et ainsi misérablement
morut. Et fut ce fait de ces plus prochiens, desquelle elle avoit en son
temps saisis et détenus leur biens et trésors. Touteffois on dit que,
durant sa vie, elle avoit fait fonder et édiffier plusieur biaulx cloistre

a.

Ms. : et.

i.

Il faut sans doute interpréter : à l’occasion de, par suite de.

b. M : Mors a été corrigé par Philippe sur mers. Il faut sans doute comprendre mœurs.

PAPOLLE, VINGT-HUITIÈME ÉVÊQUE DE METZ

133

et monastère, lesquelles elle avoit tout rantés et enrechis de grant
trésor ; et fut en son temps très dévote a benoit sainct Martin de Tours.
Le roi Clotaire régnant, roi paisible. — Et ainssy, après la mort de
celle mauldicte femme, retournairent les quaitre règne à une seulle
ampire et signeurie ; et mist le roy Clotaire sénéchal, prévost et baillis
par tout. Desquelles le premier qui fut à Mets, ce fut ung sénéchal
nommés Radon, lequelle y fut commis de part ledit roy Clotaire. Parquoy aulcuns acteur disent a que depuis n’y oit roy qui thint son siège
en Mets, et que à cest heure faillit le reaulme du pais d’Astrasie, que
maintenant est dicte Lorainne ; mais toutcfïois, cellon Gauguin, vous
trouvairés qu’il ne fut pas encor du tout faillis, comme cy après serait
dit.
Papolle, èvesques xxviije, thint le sciège xxiiij ans, et fundateur du
monastère de Sainct Siphorien. - En celluy tamps tenoit le sciège de
l’éveschiez de Mets ung révérand prélas, nommés Papolle, en lattin
Papollus. Et fut le XXVIIIe évesque d’icelle cité, et tint le siège
XXIIII ans, desoubz Diodemei *1 2et Bonifface le Bel et Honorée et Séverin, pappe. Aucy fut on temps de Héraicle l’empereur, duquelle
nous parlerons ycy après. Et fut cellui Papolle qui premier édifïiait
l’église et monaister de Sainct Simphorien hors dez murs de la cité
de Mets et a plus près d’iceulx ; et reposent son corps léans. Et morut
le XIe jour d’octobre.
Toutefïois, au regard dudit Sainct Simphorien hors des murs, que
premier il fonda, l’on ne trouve pas la manier cornent, ne de quel terre
et rante il la douuait ; car la plus pairt dez lestre et des donnacion
d’icelle église furent prinse et brullée de ceulx de Mets, du tamps que
la guerre des Anglois fut en France et a tamps de la Pucelle. Car, en
l’an mil IIIIC XLIIII, par ung jour de sainct Lambert, XVIIe de sep­
tembre, fut ordonnés par lesdits de Mets de esbaitre la devantdicte
église Sainct Simphorien, avec tout le bour et toutte la menandie
d’icelle ; et, le jour sainct Gurey ensuyant, qui fut le XIXe jour dudit
moix, en fut fait comme il avoit estés dit et ordonnés ; pource que on
doubtoit que lez ennemys ne ce Vincent lougier en ce lieu, comme,cy
après serait dit, quant tamps vanrait d’en parler. Et, par ainssy, l’on
trouve bien peu de lestre qui faisse mencion dez grand terre et signeu­
rie que à ycelle église anciennement ont estez donnée. Et veullent aulcun dire que Otto, empereur, VIIIe de ce nom, la fonda (ou possible
il l’enrechit de grant terre et signeurie). Et, pource que la vérité m’en
est incogneue, je n’en dirés plus pour le présent.
Dagobert, filz du roi Clotaire. - Et, en retournent à ma mestier
acomencée, dirés cornent, durans le tamps du devantdit évesque Pa
polie, fut ansaincte Belgedrude, femme au devantdit Clotaire, roy de
a. Ms : disant.
1. S. Deusdedit, 69e pape.
2. Matière.

134

JEUNESSE DE DAGOBERT

France. Et, au tairme, délivrait d’ung biaulx filz qui, a sainct fon de
japtesme, fut nommés Dagobert. Lequelle, quant il fut grandellet
le perre le baillait à l’évesque de la cité de Mets pour le instruire en
bonne meurs. Et de celle nassence fut le père cy joyeulx qu’il quictait
et affranchit plusieur grant tribus que les Lumbar annuellement luy
dévoient ; et, en paiant la somme de XX mil escus, laissait franche
et quicte la cité de Suze, avec les cité d’Austrasie. Car ce roi fut lairge
et libéral sur tous les aultres, et estait biaulcopt d’imposicion nouvelle
que lez aultre roi avoient institués. Or, avint que, peu de temps après
morut Belgedrude, sa femme. Au lieu de laquelle Clotaire espousa Sic nlde, qui enfanta Haibert. Quant Dagobert fut grant, il fut ostez
dez mains de l’évesque de Mets, et fut mis en la gairde de ung noble
homme, nommés Sadragesille, pour l’instruire és chose séculier.
Invencions du corps sainct Denys et de ces ij compaignons. — Et,
ainsy comme il est de costume que gens noble vont voulluntier à la
chaisse, ung jour que ledit Dagobert alloit chassant après ung cerf,
lequelle, après ce qu’il oit biaulcopt courrus, à la fin ce vint randre en
ung petit villaige devent Paris, nommés alors Cathulaine ou Catule,
lequelle à présent est nommés Sainct Denis en France, et illec antrait
le cerf en ung petit oratoire qui audit villaige estoit, et auquelle estoient
et repousoient les glorieulx corps de sainct Denis et de ces deux conpaignons, lesquelle desjay y avoit Ve et XXX ans que yceulx sainct
corps estoient illec gisant, depuis le jour de leur martir, et 1, ainssy
comme le cerf fut illec entrés, ce couchait en terre et ce repousait, ne
jamais chien ne veneur ne poult antrer en ladicte chaipelle, pour effort
qu il y fissent. Laquelle chose veue à Dagobert, le incita à grant
dévocion.
Or advint ung jour que ledit Dagobert, voyant son maistre Sadra­
gesille estre trops fier et orguilleux encontre lui, ad cause de la duchié
de Acquitainne que son perre lui avoit donné, parquoi il en oit despit,
et tellement que, après plusieur chose que je laisse, ledit Dagobert
le fist baitre. De quoy le roy Clotaire, son perre, de ce advertis, fut
trèsmal comptant, et faisoit sairchier de toutte part après ledit Dago­
bert, son filz, pour le pugnir. Mais, pource qu’il ne ce sçavoit où musser,
pour la crainte et fureur de son perre, il allait ce rendre en ladite chai­
pelle de sainct Denis, pansant que par l’intercession dez glorieulx
martir et amis de Dieu, il ne lui feroie pas moins de graisse comme il
avoient fait au beste bruste. Et, ainsy comme il avoit parfaicte dévo­
cion, son espérance luy fut bonne. Car, après que le perre furieulx
comendait le amener ver luy, il ne fut en la puissance de ceulx qui y
furent envoiez de antrer en ladite chaipelle, et néantmoins que le roi,
non créant ceste chose, en y envoyait plusieurs l’ung après l’aultre, et
à la fin lui meisme voult expérimenter le miraicle. Et, ce tamps durant,
print vollunté ledit Dagobert de sommeiller, et s’endormit en la chai­
pelle. Alors, en son dormant, lui sambloit qu’il vit trois révérand homme
1. Il faut supprimer et.

NATIVITÉ DE MAHOMET

l^D

parler enssamble, et disoient ces martir : « Nous somme ceulx lesquelz
de long temps occis *1 pour soustenir la vérité de la foy catholicque. »
Puis dirent à Dagobert que, c’il leur voulloit faire édiffier plus révérand
sépulture il le apaisanteroie devers le roy son perre. Et, afïin qu il
fust plus sartains de la vérité, il luy dirent qu’il fist découvrir leur corps,
et il trouvanroit sur chacun en bonne lestre escript les nons d’iceulx.
Et ainssy le promist ledit Dagobert de faire. Et incontinent, par la
vollunté de Dieu, le roy son perre, qui y alloit pour le cuidiez prandre
et le tirer dehors, fut arrestés comme lez aultre. Et, voyant ce miraicle pardonnait tout à son filz. Et, ung peu de tamps après, luy donna
le gouvernement de la cité de Mets et de tout le reaulme d’Austrasie,
saulf et réservés lez terre joindant la forest d’Ardenne, apartenant a
pais ut; iicuiio.

,

Jhérusalem prime et destruide. — Item, durant ce tampts, et la V an­
née de l’empire Éracle, cy devent dict, lez Perses, que nous appelions
Sarrazins, prindrent la saincte cité de Jhérusalem, et gastèrent toucte
la terre d’ycelle, et enmenèrent le patriarche, et emportèrent avec eulx
la vraie Croix ; et de celle armée estoit chief Cosdrec, le roy des Perses.
Mais Éracle l’empereur le poursuit tellement que, après plusieur choses
et grans miraicles de Dieu fait, que je lesse à cause de briefveté, il luy
coppait la teste. Et fut la vraie Croix rapportée en Jhérusalem.
Crollement de terre et aultre pouvretés. — Item, aussi, en cellui temps,
on moix d’apvril, fut ung crollement de terre moult grant ; et puis
vint sy grant pestilence de rougne que nul homme ne recognoissoit
l’aultre.
_ . ., . ,
Hysidore en Espaigne. - Aucy, en ce meisme temps, flonssoit samct
Hisidoire, évesque d’une cité en Espaigne, lequel conpillait le livre
des éthimologies et les décretz dont furent attraiz les décres Gracien,
de quoy on use aujourd’huy.
_
La nativités de Mahommet, environ l’an vjc et xx. - Or avint, aussy
en cellui temps, que en Arabie ce levait ung ennemys de la foy crestienne, et durant l’empire du devantdit Héraclius, nommes Macomet ;
et fut de une cité nommée la Mèche, en laquelle le puant infect gist.
Celluy mauldit Macomet fut en son tamps homme de moult grant
subtilité et de grant engin ; et sçavoit la loy des Juyf et la loy des
crestiens, desquelles deux loy il composait une nouvelle loy Et séduit
tout le peuple d’Orient en leur donnant à entendre qu il estoit le vray
Messias ; et fit moult d’aultre chose, que je laisse pour éviter pro 1xité. Et puis, peu aprez, les Sarrazins, par l’anorthement dudit Maho­
met, vinrent et gastèrent « tout l’empire de Romme, et firent mou ,
de maulx en crestientés. Et fut ce fait en l’an de graice VR et X.\.
Saincl Éloy florissoit. - Pareillement, en cellui temps florissoit en
France sainct Éloy, évesque de Noyon ; lequel, avant qu il fut évesque,
estoit orfebvre, et fist deux celle de chevaulx d’or au deventdit Clo­
ra. M : gaster ; E : gastèrent.
1. Suppléer : ont été occis.

SAINT ARNOULD, VINGT-NEUVIÈME ÉVÊQUE DE METZ

taire Mais de luy et du roy Dagobert, lequelle fut perre à saiuct Soibert, dont le corps tout enthier gist en l’église de Sainct Martin devent
Mets, comme cy après serait dit, nous en lairons à parler pour le présant Et dirons du benoit sainct Arnoult, évesque de Mets, et de quel
ignie il dessandit, et aussy quel lignié que de lui saillit. Avec ce, la
tondacion de son église, cituée devent ladite cité de Mets ; et des grant
dons et seigneurie dont elle fut du passés douuée et enrechie, et par
qui ; avec les noble corps que en ce lieu gisent, comme cy après serait
dit, quant tamptz serait, et que l’on avérait pairlés du roy Charlemaigne.

[SAINT ARNOULD,

ÉVÊQUE DE

METZ]

Sainct Arnoult, xxixc évesques de Mets. - Le benoy sainct Arnoult,
^
de Dieu et confesseur en Jhésu Grist, qui en son temps fut
e XXIXe évesque de la cité de Mets, dessandit de très noble lignié,
duquel j’en veult cy mestre la généalogie et en brief, cellon que en ait
escnpt maistre Jehan de Belge en ces Illustracion de Galles i. Premier
dit et raconte ledit maistre Jehan que, du temps que régnoit Théodobert, roy de Mets, d’Austriche la Basse et de Bourgogne, lequel estoit
filz à Théodoric et avelet au roy Clovis, cellui Théodebert, quant la
couronne de Mets luy fut escheutte, il avoit ces deux oncle, frerre à son
perre, c’est assavoir Childebert et Clotaire, lesquelles, comme j’ai dit
icy devent en parlant de leur règne, furent esmus d’envie en l’encontre
dudit Théodebert, leur nepveu, le cuidant deshériter. Parquoy ledit
Théodebert priait au duc Charles Hasbain, duc de Tongre et de Braibant, lequelle alors estoit son amis, qu’il volcist pranre la cherge d’aller
en embaissade dever l’empereur Justinien, en Constantinoble, pour
luy demander secours et ayde contre la tirannie de ses oncles.
Cornent la cité de Mets, avec le paiis d’Astrasie, fut submys à l’empire
romain. — Et, parmi ce, il ly donnoit plainne puissance de soubmectre
son reaulme d’Astrasie à l’empire romain, et d’en faire la foy et homaige
audit empereur. Et ainci en fut fait. Car ledit duc se transportait in­
continent en Grèce dever ledit empereur. Et, après plusieur chose
faicte et dicte, reprint dudit empereur Justinien le reaulme d’Astrasie
on nom du roy Théodebert. Puis c’en retournait ledit duc de Tongre
en son païs.
Anselbert2, sénateur de l’empereur. — Et avec lui envoya l’empereur
ung noble homme de sa court, nommés Anselbert le sénateur, pour
ambaissade au roi de France, et pour luy remonstrer que, on nom dudit
1. Ed. Stecher, t. II, p. 415, p. 425 et sqq.
2. Jean Lemaire de Belges, éd. Stecher, t. II, p. 428.

MARIAGE DE SAINT ARNOULD

137

empereur, il volcist laissier ledit roy Théodebert en paix, c’il ne voulloit encheoir en son indignacion, car il le tenoit pour son homme.
Et donnait ledit empereur audit Anselbert en trefïons et héritaige la
marche et la signeurie dessus l’Escal, apparthenant a Sainct Empire,
qui est ung pais devers Flandre. Parquoi le roi Clotaire, roi de Soissons,
voiant ce, et affin d’estre en grâce dudit empereur, après plusieur
chose faicte et dicte, que je lesse, donnait une sienne fille en mariaige,
nommée Blitilde, audit Anselbert le sénateur.
Légende de saincl Arnoult, évesques de Mets. — Et de ces deux icy
dessandit le glorieux sainct Arnoult, évesque de Mets, en la manière
comme cy après serait dit. Premier, est assavoir que ledit Anselbert le
sénateur, et ladicte Blitilde, fille au roi Clotaire, eurent enssemble,
selon les cronicque de Braibant, plusieur enffans, c est assavoir trois filz
et une fille. Le premier eut non Arnoult, le second filz eut nom Fériol,
et le tiers Modéric ; et la fille fut nommée Tharsicia.
Or, acoutés quelle gens ce furent, et quelle fin il heurent. Premier,
cellui Fériol fut évesque d’Utrect, auquelle lieu il receut martir ;
parquoy il est compté entre les sainctz de paradis, et par son intercession
se font illec plusieurs miracles. Pareillement, l’aultre frerre, nommé
Modéric, fut ordonné évesque en la cité de Ariside, et là repose en paix.
La fille, nommée Tharsitia, demeurait vierge et bien persévérant en sa
virginité, et est à Resnes en Bretaigne tenue pour saincte. Et disent
les istoire que après sa mort, par ces mérites, fut ressucité ung aultre
mort. Et Arnoul, l’aisnez filz, succéda à son perre on marquesat de l’em­
pire. Et ladictes Blitilde, leur merre, mourut, et est pareillement tenue
pour saincte és pays par dellà.
Or, revenons à veoir de sainct Arnould, évesque de Mets. Cellui Ar­
nould deventdit, second marquis du Sainct Empire sur l’Escault, fut
mariés et eut de sa femme ung filz, qu’il nommairent Arnulphus ,
lequel, après la mort du deventdit Arnould, son perre, fut le troixiesme
marquis héritable du Sainct Empire sur 1 Escault.
Sainct Arnoult conjoint à Dode; sainct Arnoult eust iij enffans. —
Celluy espousa une saincte damme, nommée Dode, de laquelle il eut
trois filz, c’est assavoir Ansigisus, qui depuis suscéda à la signeurie de
son perre ; le second fut Flondulphus, et le thiers Walchisus. Celluy
Frondulphus engenra Martin, lequel fut occis traisteusement par Ebroyn
le tyrant, prince du pallas de France, comme nous dirons ycy aprez.
Walchisus engenra Wandrechisil, sainct homme et confesseur de Jhésu
Crist. Alors ledit sainct Arnulphus, après avoir heu ceste belle lignie,
renonça au monde et ce mist au service de Dieu a, du consentement de
sa femme saincte Dode, en aulcune religion ou hermitaige ; c’est assa­
voir luy d’ung cousté, et elle de l’aultre x.
Saind Arnoult, esleu évesque de Mets, thint le sciège xv ans. - Et tel­
lement que, après plusieurs jours passés, ceulx de la cité de Mets, du
a. M : Deeu.
1. Ici Philippe cesse de suivre Jean Lemaire de Belges.

138

SAINT ARNOULD, ÉVÊQUE, PUIS ERMITE

consentement de tous, le furent quérir et l’aileurent1 pour leur évesque.
Et ait trouvés cecy escript cellon les ancienne cronicque de Brabant.
Cellui sainct Arnoult fut homme de saincte vie et de grant conseil, et
aussy de saige doctrine ; tellement qu’il estoit du principal conseil du
roy Clotaire et de Dagobert, son filz, comme cy après serait dit. D’icelluy glorieulx sainct Arnoult l’on raconte plusieur miraicle.
Sainct Arnoult hermile; miracle de sainct Arnoult. — Entre lesquelle
et durant sa vie, il advint que, quant il volt laissier le monde, comme
nous avons dit dessus, et afïin que Dieu lui pardonnait ces péchiez,
il ce randit hermitte (car il pansoit qu’il eust fait moult de faulte, desquelle il doubtoit que Dieu n’en parnyst griefve vangeance), advint
que, en c en allant, il vint à passer par dessus ung pont, lequelle devent
la cité de Trieuve en Allemaigne traverse la rivière de Mozelle. Alors,
lui estant dessus ce pont, il print ung aynel qu’il avoit en son doy et
le gectait en l’yawe, en disant : « Adoncque saveray je que je serais
quicte de mes péchiés, quant l’annel que j’ay léant gecté me serait
randus. » Puis, assez tost après, il fut fait et elleus évesque de Mets,
comme dit est, contre sa volunté. Et fut trouvé ledit annel d’ung pescheur en l’yawe, et luy fut rapportel. Et aulcuns dient qu’il fut trouvé
au vantre d’ung poisson qui luy fut présantés. Et, quant il le vit, il
oit moult grant joye, et laissait son éveschié, et redevint hermite jusques à la mort. Et est encor aujourd’ui cellui annel à la Grant Église
d’icelle cité de Mets, lequelle on gairde moult dignement.
Il tint le siège de l’éveschié XV ans, dessoubz Jehan et Théodore et
Martin et Eugenne, pappe de Romme, et dessouz Éraicle et Aranclona,
sa merre, et Constantin, son filz, empereur 2 ; et morut en décembre,
dessoubz ledit Constantin. De cestui sainct Arnoulfz y ait plusieurs
autres belz miraicles, que je n’escript mie, car vous lé trouverés en sa
saincte vie et légende, laquelle est en son église et monestère.
Chairlemaingne descendus de la lignée de sainct Arnoult. — Nous trou­
vons aussy que de luy dessandit le roy Charles le Grant, que fut roy et
empereur, comme vous oyrés. Car le benoi sainct Arnoulfz engenrait
Ansigisus, cy devent nommé ; et Ansigisus engenrait Pépin, et Pépin
Héristel Chairle Mertel, et Chairle Mertel engenrait Pépin le Nain,
que fut le premier roy de France de son linaige, et celluy roy Pépin
Chairle le Grant, que fut roy et empereur, duquelle serait ycy après
dit, quant temps serait d’en parler.
Mais nous lairons à présant à pairler de la fondacion d’icelle église
Sainct Arnoult, et comment richement elle ait ancienement estés
douuée et anoblie par lez anciens roy et grant signeurs ; et retournerés
à pairler du roy Dagobert, qui en ce tampts estoit gouverneurs du royaulme d’Astrasie. Et puis retournerés à pairler de ladite église et de sa
fondacion, après ce que je arés pairlés de la vie du très noble roy Chair-

1. Élirent.
2. Héraclius Ie1, Héraclius Constantin, Héracléonas, empereurs d’Orient.

Iemaigne, lequelle, luy et les siens, enrichirent moult ycelle église,
comme cy après oyrés.

[DAGOBERT,

ROI DE

FRANCE]

Maintenant lairons à parler du glorieulx amis de Dieu sainct Arnoult,
en son temps évesque de Mets, et de la fondacion et des grand dons et
signorie dont son église ait anciennement estés enrichie et douuée,
car tout à tamps y revenrons. Et dirons cornent, quant le deventdit
Dagobert, qui fut perre a glorieulx sainct Soibert, oit ressus la gouver­
nance du reaulme d’Astrasie, comme cy devent ait estés dit, il espousait et print à femme la fille de la suer de Sichilde, sa mairaitte 1.
Environ trois jour après les nopce, ledit Dagobert vint a roy son perre,
et lui demendait et requist qu’il luy voulcist de ces jour en avant laissiés joyr de tout ce quy apparthenoit a reaulme d’Austrasie, cen en
plus retenir. De laquelle chose ne fut pas comptant le perre. Et furent
prins par escort douze noble personaige pour en déterminer. Entie
lesquelle estoit le glorieulx sainct Arnoult, alors évesque de la noble
cité de Mets, lequelle estoit homme réplandissant en grande oppimon
de saincteté, comme cy devent ait estés dit. Et, par santance d iceulx
arbitrez, bailla Cloitaire à son filz Dagobert tout ce enthièrement qui
apparthenoit a reaulme de Austrasie, soubz cest condicion qu il ne pas­
serait oultre Ardenne.
Tantost après vinrent les Saxons, qui sont Allemans d oultre le Rin,
luy mener guerre ; contre lesquelle ledit Dagobert levait et fist son
armée ; et tellement que, en une grosse et aipre baitaille que orent
ensamble, ledit Dagobert y resseust une plaie en la teste tout parmy
son heaulme, de laquelle il cuidait morir. Car le copt fut cy grant qu il
fut abaitus de son chevaulx, et cheust partie de l’os d’icelle plaie
avec la chair et lez cheveulx. Et fut en grant dangier d’estre prins ;
mais il fut secourus, et l’envoiait on incontinent dirre a roy Clotaire,
son perre, qui alors estoit au païs d’Ardenne. Lequelle, de ce advertis,
fut dollans, et ce hasta tant qu’il peult de lui donner secours ; et
en fin desconfïit ces annemis et trancha la teste à Berthault en c en
fuiant, lequelle Bertault estoit prince d’iceulx, et la rapourtait lui
meisme à cez chevallier. Puis ne laichait point à lez pouisuire , car
il traversa jusques aux Saxons, où il fist de merveilleux dommaige et
mémorable destruction. Et, après ce fait victorieulx, il retournait en
France. En son tamps il oit plusieurs aultre baitaille eureusement
faictes, desquelles je me despourte.
L’an vj» et xxxj, morut Clotaire. - Et, après ce qu’il oit glorieusement
1. Marâtre.

140

DAGOBERT Ier, ROI DE FRANCE (628)

régné par l’espace de XLIIII ans, et qu’il avoit la teste blanche comme
la nège, il décéda de ce monde et randit son arme à Dieu ; que fut en
l’an de nostre salut VIe et XXXIe. Et fut ensevelis à Sainct Germains
des Prés.
Au tamps d’icellui Clotaire le second vint sainct Fiacre, escoçoys,
au païs de Brie, et fut ressus de sainct Pharon, évesque de Meaulx,
lequelle luy donnait terre en ces fourest pour luy tenir, et là où à présant est sa chaipelle.
Dagobert comencea[it] à régner l’an vjc et xxxij. — Après la mort
d’icellui roy Clotaire, et que Dagobert, son filz, en fut advertis, il fist
son armée et c’en alla en France pour en prandre la pocession. Mais,
quant il vint à Rains, il trouvait les ambaixade de France et de Bourgongne qui lui vindrent au devent, et ce mirent du tout en son obéis­
sance, en luy faisant foy et homaige. Et acomensa à régner en l’an de
grâce VI cent et XXXII.
Or avoit ycelluy Dagobert ung frerre, duquelle nous avons cy devent
pairlés, que estoit d’une aultre merre, et estoit nommés Aribert. Lequelle
prétandoit à parvenir à la courone ; mais, assés tost après, paix
et acort y fut trouvés, en telle manierre que Aribert aroit en Acquitaine
la cité de Thoulouze, et toutte les villes contenues dedans les mous
Pirénées a et la rivier de Loyre. Et, par celle condicion, ce tindre con­
tant les partie ; et, quaitre ans après, ce donnairent à lui les Gascons.
L’église de Sainct Denis fondée et ranlêe. — Après tout ce apaisantés,
il souvint à Dagobert de la promesse qu’il avoit fait és glorieulx martir
et amis de Dieu sainct Denis et ces conpaignons. Parquoi incontinent
ce mist en besoingne, et fist faire une très riche église, toutte couverte
d’airgent. Et les corps d’iceulx sainct fist mestre en une fierte d’or
enrechie et couverte de diverse pier précieuse. Puis donnait de grant
rante à ladicte église, avec plusieur riche tapicerie couverte de diverse
piererie.
La foire du Landi instituée. — Et, aprez tout ce fait, instituait la foire
du Landi, au champs assés près d’icelle ville, comme chascune année ce
thient.
La renommée d’icellui Dagobert courait par tout, pour la bonne jus­
tice qu’il faisoit, et y escouroient de toutte part meisme les estrange
nacion barbaire, et Esclowons raqueraient en leur desbat ces jugement.
Car, en son jonne eaige, il fut merveilleusement diligent en ces affaire.
Cellui Dagobert délaissait sa femme Gertrude, pour ce qu’elle estoit
stériJ et brahaigne, et apousait une belle vierge, nommée Nantilde ;
et fut ce fait par le conseille de sainct Arnoult, évesque de Mets.
Mais toutteffois d’icelle Nantilde n’olt le roy nul anffans non plus nez
que 4e la premier.
Ragonde, femme à Dagobert et mère à sainct Soibert. — Parquoy il
couchait avec une aultre vierge, nommée Ragonde, de laquelle il oit
ung filz, qui fut nommé a sainct fon de baptesme Sigibert. Et fut ainssy
a. M : Pirerenees.

LÉGENDE DE SAINT SIGISBERT

141

apellé à Orlians par Aribert, frerre de Dagobert. Cellui anffans lut
baptisés en grant honneur, comme dit est, a quarantiesme jour aprez
sa nativité. Mais, par miracle de Dieu, ainsy comme l’évesque sainct
Amant lisoit aulcune dez orisons de celle office, et, cellon la mode dez
crestiens, nulz ne respondist : « Amen », cellui anffans, nez de XL jour,
respondit : « Amen ». Laquelle chose, comme chescun peult croire,
lut faicte divinement.
,
Le roy Dagobert vivant vicieusement. — Cellui roy Dagobert, après ce
qu’il oit estés ung espaisse de temps bons et leaulx justiciés, comme cy
devent ait estés dit, il devint husurpateur de son puple et très malvais
et tiran ; et avec ce, tout imfect par luxure. Car, en quelque part qu il
allait il menoit tousjour avec soy VIII putains (cen celle qu il nourissoit et entretenoit en plusieur lieu) toutte pignée et acoustrée comme
rovne Toutteffois, à la remontrance du deventdit sainct Amand, évesque de Tungrenne, dont le sciège estoit à Traict «, qui estoit homme de
saincte vie et de très excellante doctrine, le roy ce amendait, fist péni­
tence et redevint plus saige et discret que par avant. Tantost apres
et en ce temps mourut Aribert, roy de Toulouze, son frerre ; lequel
laissait ung filz nommé Chilpéric. Item, après ce que le roy lut ainsy
convertis en biens, sa femme Nautilde conceust anffans, et délivrait
d’ung biaulz filz nommez Clovis, ou autrement fut dit Loys.
Partaiqe fait par le roi Dagobert. - Lequelle anffans, quant il fut
venus en eaige, pour éviter noise et desbat, le roy Dagobert, leur perre
leur distribuait à chacun de ces terre et signeune. Et premier donnait
à ycelluy Loys, son filz, toutte Bourgongne et Neustne ; et à Sigibert,
son aultre filz, que nous appelions en la cité de Mets sainct Soibert,
donnait le roy ladicte cité de Mets et tout le pais d Austrasie.
Cy lairons à pairler du roy Dagobert et de touttes aultre croiucques
et istoire pour le présent, et dirons ycy et en bnef partie de la saincte
légende de ce glorieulx roy confesseur et amy de Dieu mon signeurs
sainct Soibert, comme ycy après s’ensuit.

[légende de saint sigisbert]
L’an Vc iiijxx et vj; légende de sainct Soibert. - Et premièrement
est à notter que, en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur Jhésu Crist
Ve IIIIXX et VI, le roy Clothaire, cy devent nommez, qui fut hlz du
roy Chilpéric, vint en France, et ce print à estudier en tous biens et
honneur tellement que seul thint le reaulme. Et, en 1 an XXXIX de
sa reaultez, il acompaignait ledit Dagobert, son filz, avec luy ; et, pource
qu’il estoit jonne et desoubz eaige, comme dit est, le donait en garde
a.

M

:

atraict. C’est Maestricht (Trajectum).

142

SAINT SIGISBERT, ROI D’AUSTRASIE (633)

a glorieulx sainct Arnoulf, évesque de Mets, et au noble prince Pupins,
maistre d’hostel du roy, par le conseille desquelle ledit roy Dagobert
du tout se gouvernoit. Et fut longtemps qu’il creoit leur conseille.
Mais depuis il fut malvais et luxurieux, et tellement que par sa faulte
il encheust en malvais bruyt et en maulvaise renommée, comme cy
devent nous avons dit. Parquoi le glorieulx sainct Amant, quy alors
preschoit en France, plusieur foy l’en reprint. Mais il en desplut telle­
ment au roy qu’il le banist de sa présence. Et, depuis ce, en fut ledit
roy repris par plusieur bons évesque et saincte parsonne, en faisson
telle que, par la bonne amoniccion d’iceulx, il ce repantist de ces pé­
chiez. Et, pource qu’il fut long temps sans pouvoir avoir lignée, il
vouuait a à Dieu que, ce il luy donnoit hoirs de son corps que fut soufïisant de tenir le reaulme après sa mort, qu’il lasseroit cest ordure de
péchiés et escheveroit tout incontinans. Et alors Dieu, qui est miséri­
cordieux, receust sa prière et le veu du roy Dagobert, et tellement que,
en ycellui temps, il fut joind par le loyens de mariaige à une très belle
pucelle et de grant linaige, nommée Guertin (mais Gaugin dit Ragonde),
et en ycelle engenrait le glorieulx sainct Soybert, lequel creut en toutte
bonté.
Le roi Sigebert coronnés, l’an vj° et xlv. — Et, quant il fut grant, son
perre Daugobert le menait à Mets, et illec, en l’an VP et XLV et à la
XIe année de son reaulme, le fist coronner roy de Astrasie et de Mets,
et roy d’Airle. Auquelle reaulme il se gouvernait tellement, par le con­
seille de ses -maistre, en qui mains il avoit estez mis, que tout le païs
estoit en paix. Or estudioit le jonne anfïans de toutte sa force de servir
et de complaire à Dieu, son créateur, fuiant toutte malvaise compaignie,
et en aconplissant les euvre de miséricorde.
Le roi Sigebert fondait xij couvent. — Il fondait XII couvent de religious en son tamps et en diverse partie de son royaulme, et lez anrichit
tellement de ces biens temporelz que les saincts religieus n’oirent cure
que dez biens spirituelz. Entre lesquelle, d’iceulx noble couvent, en y
avoit plusieur autour et près de Mets, la bonne citez, telz comme le
couvent de Stabelos et le couvent de Monmaidey, et paireillement le
couvent de Sainct Martin devant Mets ; et en cestuy couvent gist son
sainct corps. Lesquelz couvent de Stabelos et de Monmaidei ilz fist
ordonner par sains Romacle, qui adonc estoit évesques en Ardenne.
Car le boins roy usoit du conseil de luy et de l’archevesque de Collongne. Et à telle chose au faire avoit mis le glorieulx roy toutte sa cure et
son estudes ; et de plus en plus metoit en son cueur le conseil que cez
prudomme évesque lui donnoient. Cellui saincte parsonne le roi Soibert estoit tout parfait en ung cuer de miséricorde, et estoit cy ardant
en l’amour de Nostre Seigneur qu’il eust plusieur fois désir de *1 propre
voluntez donneis son corps en martire, se le lieu en fut estez. Car le

a. M

: wovait.

1. Comprendre : de (donner) de propre volonté.

MARIAGE DE SAINT SIGISBERT

143

glorieulx confesseur avoit mis tout son intencion à Dieu servir et à
honorer és lieu dez sainct et dez saincte.
Et, pour ce, prepousait, affin de ce gairder de péchiés, que, en ensuyant la parolle Nostre Seigneur, lequelle à l’acomensement du monde
créait l’omme et la femme, et puis lez mist ensemble par leaulz mariaige,
affin qu’ilz acreusse le monde pour lez eaige mutable, et aucy, en re­
gardant que cez ansesseur ce avoient maryés de hoirs en hoirs, affin
de gairder leur linaige .et pour tenir leur honeurs, sy se pensait que ilz
ne se alongneroit mye d’une sy laudable constitucion, et qu’ilz entretenroit la bone coustume de cez noble prédécesseur ; et délibérait
en son couraige qu’ilz penroit femme convenable à sa générosité et à
sa dinitez. Lors mandait plusieur messagier en diverse contrée et ré­
gion. Et, après plusieurs lieu visités, rapourtairent a dygne roy qu’ilz
avoient trouvé en Allemaigne une noble et belle pucelle, fille a très
puissant prince le duc Guyson, laquel avoit à non Fredebour, et estoit
digne d’estre acoupplée à royaulz seigneur. Adonc mandait le noble
roys à la pucelle estranne royalz, avec grant gens et noble, et tantost
après la comendait à amener en sa cité de Mets.
Or, quant se vint a jour de l’espouzement, et que toutte la noblesse
estoit venue de plusieurs régions et contrée, tant en prince, duc, conte
et marquis, et moult d’aultre barons, pour estre et pour faire honneur
à deux sy noble lumière, comme deux digne sierge ardant, c’est assavoir
du roy et de la noble pucelle, laquelle estoit jay de cuer fiancyé au
doulz Aignelz qui est conducteur de virginitez, alors la noble pucelle,
voiant le jour dez nopce aprouchiez, ce print à contrester de toucte sa
force, en disant qu’elle avoit plus chier que son corps corruptible fut
livreis à mort que qu’elle laissait ne faulsait son doulz seigneur le noble
aygnialz Jhésu Crist, en viollant son corps qu’elle lui avoit donné.
Mais, quant elle s’apersutz que contre tant de gens elle ne pouroit
avoir force ne ne poulroit résister, elle s’en fuit de nuytz, et corrut plus
tost qu’elz peult en l’église du grant moustière de Sainct Estenne de
Mets, et là demourait toucte la nuyt avec deux pucelle. Et, le matin,
elle desvestit cez propre vestement royaulx, et prist vestement et habit
de meilleur propos, avec le veulle * dessus son chiefz. Et puis c en vint
a grant aultel en le anbressant et baisant, et tenoit le cornalz d icellui
aultelz estroit sairés ; et priait Nostre Seigneur toucte la nuyt en luy
recomendant sa virginitez, et tenoit ung agnyalz 12 duquelle elle avoit
vollunté entier de espouzer le doulx Jhésus.
Quant se vint au matin, que le glorieulx roy fut appareillier pour
monner son espouze a moustier, il luy fust dit qu’elle s’en estoit foyee
en l’église de Sainct Estenne. Et alors vint le noblé roys en ladicte
église, et cez prince et ces barons avec luy. Et là trouvairent la gentilz
pucelle voillée, laquelle tenoit le cournalz de l’aultel ambraissiet.
Alors le glorieulx roys, voiant cez chose, ce donnait merveille et la fîst
1. Voile.

2. Anneau.

144

MORT DE SAINT SIGISBERT (654)

panre pour la traire ansus de l’aultel. Adonquez Dieu y monstrait son
miraicle, car par nulz vertus d’homme ne par force ne post la pucelle
estre tirée ansus de l’aultel. Le très glorieulx roy Soybert, voiant ces
choses, ce esbahist. Et, quant il vyt sy grant constance en la pucelle,
ce aprouchait de l’aultel, et avec plusieurs sainct évesque c’en vient
audit autel, et dit : « Damme pucelle, veneis seurement à moy, car en
cest journée vous vanreis acomplir tous lez désire de nostre pensée. »
Cez chosez oyant, la dévote pucelle vierge et espouze de Nostre Seigneur
Jhésu Crist eust espérance, et pour ce elle mist son chief dessus l’aultelz, et sa virginitez recomendait à la très divine puissance de Nostre
Seigneur, et dist : « Vecy l’ancelle de Nostre Seigneur Jhésu Crist. Car
ensy soit fait selonc la parolle dou roys. » Adoncque la prinrent les
sainct évesque et la menairent a roy ; et incontinent il la fist vestyr de
royaulz vestement, laquelz s’en déboutoit de tous son povoir. Et puis
la fist corouneis. Et par dessus le noble dyadamme fist mectre son
sains veille noyres, et adoncque parlait à elle et ly dit en telz manière :
« Ma doulce amye, ajourd’huy appareilleis mes nopse, car je te en com­
met en anbressement du roys célestez, par teilz que nous puissions
veoir l’ung l’aultre en la maison dou reaulme lassus. » Et, en disant
ycelle parolle, le très dévot et sainct roys acomensait à geter de cez
noble yeulx sy grant habondance de larme que tuytz ceu qui estoient
présent cognissont clèrement qu’il estoit vrais sargent de Nostre Sei­
gneur, et que ilz amoit plus Jhésu Crist que lez chose mondaines.
Puis allait le noble roys Soibert panre sa noble espouse la nouvelle
pucelle et à Dieu consacrée, sy l’en menait au grant pallais et la fist
assoir deleis luy. Là fut le mengier appareillier au pouvre et a riche, se
grandement que leur royaulle magnificence le requeroit.
La prominse à sainct Soibert se rend abbesse de Sainct Fier aux Nonnains. — Puis, après que ce grant maingier fut fait, le noble et glorieulx
roy print la sainte pucelle, et fut mise et esseutte pour abaisse a monasterre de Sainct Pierre a nonein à Mets. Et là vesquit aulcun temps
ycelle noble damme, playne de bonnes euvres et de grant excellance.
Or, quant elle trespassait de cestuy sciècle, elle fut (et est encor) ensepvellie on moustier dudit Sainct Pierre à Mets, là où à présant elle gist
et repouse en paix.
Après la brief description dé bonnes euvres et de la vie de cestuy
glorieulx roys monseigneur sainct Soibert, dont le temps ne soufïïroit
mye à racontez cez nobles fais et aucy sa saincte vie et légende, je vuelz
venyr à son glorieulx déceps. Le souverains Dieu tout puissant, qui
est garandons 1 de tout biens, vist la glorieuse arme de cestuy roys,
car elle estoit digne d’aidier à parfaire l’édiffices célestre, et estoit
fondée sus la ferme pierre pour faire fondement sans faillier et perpépuelz. Sy envoiait griefz malladie à son benois sargent Soybert, lequel
cogneut par vision divine que Nostre Seigneur le voulloit garandonner 2 sen fin celon cez noble mérites. Adoncque ordonnait son testa1. Guerdon, récompense.
2. Guerdonner, récompenser.

MIRACLES DE SAINT SIGISBERT

145

ment en distribuant son trésor a sainctes églises et au monastère qu’ilz
avoit fondé. Et son reaulme laissait à ung siens filz, qu’il oit d’une
damme moult noble qu’il apousait après la mort de la saincte abbaisse.
Toutez cez besongne et tout son testament ordonnait le sainct roys,
lequelle gist en monaster de Sainct Mertin devant Mets, là où chescun
ans on monstre son sains corps parmy lez octable de l’Acencion.
Sainct Soiberl trespassait l’an vjc Ixij. — Puis en grant dévocion,
purs et nestz de tous péchiés, rendyt sa glorieuse arme és mains dez
sainct ange, que l’emportèrent devant Dieu Nostre Seigneur en paradis,
le premier jour de febvrier, en l’an de son règne XXVIII, et après l’incarnacion Nostre Seigneur VI0 LXII, et après la mort sainct Mertin
II0 LXIII. Quant la saincte arme se fut partie du corps, il fut mis et
ensepvelis on monaistère de Sainct Martin devant Mets, près dez
fuersbourg d’icelle cité ; lequelz monastère il avoit fait et fondé, comme
dit est. Et donait de sez richesse royaulx pour soustenir la saincte
religion, afïîn qu’ilz priaisse Dieu pour luy et pour ces bon amis trespassés, et aussy pour le comun puples, que Dieu eust mercy de a leur
arme. Et le glorieulx Dieu tout puissant, aquelz est gloire et honeur
par tout lez cielz, exaulsait sa prière.

[MIRACLES DE

SAINT SIGISBERT]

Miracle. — Or avés ycy devent oy raiconter et en brief la vie et
légeande du glorieulx confesseur et amis de Dieu mon seigneur sainct
Soibert. Rest maintenant à veoir aulcuns miraicle que le Saulveur du
monde ait voullus monstrer à la gloire et à la louuange d’icellui glo­
rieulx mon seigneur sainct Soibert.
Et, premièrement, je vouls veult raconter sa translacion, digne et
louuaube. Il est à noter, comme raconte sa saincte légeande, que,
depuis ce tamps, qui fut b en l’an de l’incarnation Nostre Seigneur
mil LXIII, le corps glorieulx d’icellui sainct Soibert se gisoit en son
monastère (qu’il avoit fait fonder) de Sainct Mertin. Lequelle monaster
alors estoit de sa premier fondacion scituée sus le rivaige de la rivière
de Moselle, tout a plus près de la cité et és bour d’icelle. Or avint que,
en celluy temps, la devant dite église, pour son anciennetez et pour la
grande espasse de temps qu’elle avoit esté faicte, estoit fort vieille et
débrisée, tellement que quasy se laissoit cheoir ; et en grant peur les
religieulx oysoient faire l’office divin, de peur que l’esglise ne tumbait
sur eulx. Et tellement que, durant ce tamps, le glorieulx sainct s’appa-

a. M : dez.
b. Fut manque dans les mss.

146

MIRACLES DE SAINT SIGISBERT

rut clèrement à ung bourgeois de Mets, nommé Vuellot, qui alors
demouroit ondit bour Sainct Martin. Quant cellui bourgeois vit sy
noble et sy resplandissant parsonaige, il fut moult esbahis et oit grant
crainte, tellement que de peur n’osoit sonner mot. Mais le glorieulx
sainct le réconfortait. Et, après plusieur languaige, que je lesse pour
abrégiez, luy dit que la volunté de Dieu estoit que son corps fut de
illec ostez et mis en ung lieu plus seur. Et, après ce que celle vision
sc’eust plusieur fois apparus audit Vuellot, et que l’abbé et les religieulx de Sainct Martin en furent bien avertis, sy défoyairent le sainct
corps dont*1 il estoit, et prinrent le tonbeau avec le sainct corps, et
moult révéramment le pourtairent au piedz de la montaigne Sainct
Quentin, là où à présant est encor. Et, en le pourtant, le trouvairent
cy légier qu’il sambloit qu’il ne pourtaisse rien, car il estoit levés dez
ange.
Le monastère de Sainct Merlin fondés l’an mil Ixiij. — Et, en ce lieu,
moyennant» l’ayde des bonne gens, firent faire et fonder ung nouveaulx
monaster, telle comme à présant se monstre encor. Et fut ce fait en
l’an dessusdit mil LXIII.
Mais, incontinent que ce glorieulx corps fut ostez du lieu là où premier
estoit, soudainement la vieille église, qui estoit és bour de Mets, comme
cy devent est dit, cheut tout en ung mont, avec tous les aultres édiffices
apparthenant à ycelle ; et, par miraicle de Dieu et du benoit sainct,
ne fit oncque mal ne ne gravait à parsonne.
Première église de Sainct Merlin, fondée l’an vic et l. — Et aincy avés
oy en quel temps et cornent fut fait celle translacion, et fut fondée son
église là où à présant elle est ; laquelle avoit estez premièrement faictes
és bour d’icelle cité par le glorieulx sainct Soybert, environ l’an de
l’Incarnacion VIe et L, ung peu aprez le temps sainct Arnoult et sainct
Amant.
Item, il advint ung aultre miraicle. Car, la premier nuyt que le sainct
corps fut mis et posez avec son sercus en l’église là où il est à présant,
sy grant mélodie fut de nuyt oyee en ycelle église, avec cy souuef
odour, qu’il sembloit que tous les ange de paradis fussent illec présant,
car la résonnance des mélodieulx sons, avec boudeur que en sailloit,
y fut sy grande qu’il sembloit que ce fut en paradis. Parquoy tous les
religieulx en furent grandement esbahis et en magnifiairent le nom de
Dieu.
Encor ung aultre miraicle avint, long temps aprez que celle vision
fut vehuee. Les dévot frerre du monastère Sainct Martin, désirant et
apétant de gloriffier le nom de Dieu et son benoit confesseur sainct
Soybert, minrent et escriprent son nom és grande letanye et és aultre
office. Et furent tout de cest accord, réservez ung d’iceulx frère, nommé
Hugo, lequel ne volt estre de cest opinion, s’il ne veoit signe et miraicle
évidant ; et encor, non contant de ce que ces frères avoient fait, il
a. Ms. : moynant.
1. D’où.

MIRACLES DE SAINT SIGISBERT

147

efïaulsait et royait le nom du glorieulx sainct Soibert hors des letanyes
et de tous les divin office. Or avint, tantost après, que celluy Hugo fut
sepmainnier et pourtait l'office de assancier h Mais, quant il vint à
anssancier le tombelz du glorieulx sainct Soibert, soudainement il fut
là arrestu, en faisson telle que nul homme vivant ne l’eust sceu bougier
de sa place. Et alors ledit Hugo recogneust son péchiez et son méfiais,
et criait mercy à Dieu et au sainct. Néantmoins il ne ce polt jamaix
mouvoir du lieu ne de la place, jusques à tant que il eust de ces propre
mains rescript le sainct non par tous les lieu où il l’avoit effessiez.
Et, après ce fait, il acomplit enthièrement le service divin, sen empêche­
ment quelcunque.
Aultre miraicle. Item avint que, tantost après ce fait, les dévot
frère, plus ardant en l’amour de Dieu et du benoit sainct, délibérant 12 3
de mectre son sépulcre au plus près de l’aultel Sainct Mertin. Et, pour
ce faire, ouvrirent ledit sépulcre ; auquel il ont trouvez se glorieulx
corps aussy sains et entier, sen nulle taiche de corrupcion ne semblance
de mort, et tout aincy comme c’il dormit ; et sortissoit de celluy sainct
corps sy grant odeur que nul non 3 sçaveroit croire. Parquoy les dévot
religieulx magnifièrent le nom de Dieu, et en furent grandement
resjoy.
Mais, entre yceulx religieulx, y avoit ung jonne moynne que
mestoit plus son antante au chose mondaine que aulx espirituelz.
Celluy jonne moinne fut interrogué d’aulcun, à sçavoirmont quel
chose luy sembloit du glorieulx sainct Soybert et de ces miraicle. Mais il
respondit soudain et comme en dérision que celluy sainct gisoit illec
on tombel, la bouche ouverte et les dans faulsez, comme c’il fut mort,
et ne sçavoit se oncque il eust fait miraicle ne vertus. Mais, incontinent
après ce dit, il fut soudainement hors de son sanc 4, et sy se ruait en
terre, le ventre dessus, comme c’il eust le diable au corps. Puis sailloit
et tripoit et ruoit des pierre aulx aultres. Alors fut prins par les frères
de léans et fut pourté devant le tombel du benoit sainct. Et, après ce
qu’il eust gehir et confesser son péchiez, et qu’il eust promise de se
amander et faire pénitence, il fut restituez en sa premier sanctez, et
par les mérites du benoit sainct il fut enthièrement gue. ris.
Pareillement, ung aultre des frères religieulx de léans estoit grande­
ment entaichiez d’une maladie que nous appelions fil. Et celluy, en
grant dévocion, par le conseille d’aulcun anciens religieulx, s’en allait
prosterner à deux genoulx devant le tombel du glorieulx sainct, et illec
bien dévotement fist sa prierre. Puis print le paille 5 duquelle le glo­
rieulx corps sainct estoit couvert, et d’icelluy touchait sa poytrine,
son ventre et tous ces aultre membre par grande foy. Et incontinent,
par les mérites du glorieulx sainct, il fut soudainement guéris.
1.
2.
3.
4.
5.

Encensier, celui qui encense.
Délibérèrent, décidèrent.
Ne le.
Sens.
Poêle, pallium.

148

MIRACLES DE SAINT SIGISBERT

Aussy, pareillement, une femme de la cité, laquelle avoit une xentelle
en la gorge, de laquelle ne povoit trouver guérison, sy ce vouuait au
benoit sainct, et en grant dévocion vint à touchier sa xantelle d’icelluy
peille, et incontinent elle fut guérie.
Item, en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur mil et XLVIII, il fut
ung homme en France que, pour la mort d’ung siens frère qu’il avoit
occis, il fut enferré des deux bras, cy terriblement qu’il n’estoit nulle
qui y peut mettre remède, ne quy le peut déferrer. Quant il fut eschappés, ensy comme à Dieu pleut, il queroit guérison par tous les saints
qui avoient renom de faire miracle. Et tellement qu’il arivait à Sainct
Denis en France, et illec en grant dévocion fit sa prière ; et, après
plusieur chose que je lesse, il fut délivrés de l’ung des bras, mais de
l’aultre non. Et tellement que, après plusieur nuyt, il luy fut révéliez
de Dieu que, c’il volloit estre délivré de son aultre bras, il falloit qu’il
s’en allait à une abbaye après de Mets, fondée de sainct Martin, et
illec trouvanroit guérison par les mérites du glorieulx sainct Soybert.
Et aincy le fit. Tellement que, quant il arivait près de ladicte église,
il estoit tart, et ne le volt point le coustre d’icelle laixier coucher en
l’église ; parquoy il demourait dehors, et en grant dévocion fit sa prière
à Dieu et au benoit sainct Soibert. Or avint que, à la tiers heure de la
nuyt, le fer, que aincy estoit demourés a bras, par miraicle de Dieu se
rompit ; parquoy l’une des piesse frappait sy trèsgrant colpt contre
l’uixe de l’église que tous les moynes en furent esveillié. Et vinrent
audit lieu, et, voiant le miraicle que Dieu avoit fait, ont gloriffiés son
nom très digne, qui pour ces benoyt sainct fait tel miraicle. Et aincy
comme avés oy fut le pouvre repantant sains et délivré.
Miracle de sainct Soibert advenus l’an mil cent Ixx ; et son corps
relevés. — Item, en l’an de l’incarnacions Nostre Seigneur Jhésu Crist
mil cent LXX, plussieurs noble seigneur et bon bourgeois de la citez
de Mets, oyant parler des grant miraicle que le benoit sainct faisoit,
eurent conclusion ensemble de aller visiter son corps glorieulx. Et
tellement que, en grant dévocion, vinrent audit lieu, et avec révérant
perre Lyétald, lequelle alors estoit abbé dudit couvant, ont découvris
son sainct corps, et oster la pierre de dessus. Et illec ont trouvés le
corps du glorieulx sainct Soybert aussy entierre comme c’il dormit,
dont il en ont gloriffiés le nom de Dieu de ce miraicle, car se sainct
corps avoit geu en terre en son sépulcre par l’espace de Ve et LXXII ans.
Parquoy, esmeu de grant dévocion, avec l’abbé et les moinnes, ont
fait faire une belle fierte, en laquelle révéranment fut depuis son digne
corps pousés, comme encor aujourd’ui ce monstre.
La translation faicle l’an mil cent Ixxiij.— Et fut cest seconde translacion aincy faicte le dernier jour du moix de jung. Et à ycelle y fut
mandés l’archevesque de Trieuves, et l’évesque Thiédrich de Mets,
et deux aultre évesque, et plusieur aultre grant clerc, tant abbé, religieulx, comme chanonnes, tellement que per yceulx fut ce jour le
service divin bien honorablement fait et acompli. Et, après le service
fait, fut ce sainct corps par yceulx évesque et abbé tirés hors de son

MIRACLES DE SAINT SIGISBERT

149

sépulchre et monstrés tout entierre au peuple. Et sailloit d’icellui corps
sy grant odeur qu’il sembloit que ce lut balme, et que tout le puple en
fut remplis. Puis fut mis en la fierte et élevez en hault, et fut mis et
pouseis au lieu là où à présant il est encor. Et, en l’honneur de cellui
jour, est tous les ans le dernier jour de jung célébrée la feste de ceste
glorieuse translacion ; laquelle fut aincy faicte l’an mil cent LXXIII.
Puis, long temps après celle glorieuse translacion, en l’an mil IIe
Hlfxx et V, une riche matrone, demourent en fuerbour Sainct Jullien
après de Mets, laquelle non® seulement ne volloit pas croire les grant
miraicle d’icellui glorieulx sainct, mais avec ce en parloit en mal,
parquoy, ung jour qu’elle en parloit et s’en mocquoit, Dieu luy monstra
ung telz miraicle, car soudainement sa bouche luy transtournait
jusques aux oreille. Et fut sy hideusement défigurée que tous ceulx quy
la resgardoient avoient grant peur de la veoir. Parquoy elle recogneust
son péchiez ; et fut menée de ses amis au corps glorieulx ; et, après ce
qu’on luy eust atouchés la malaidie des dignes relicques, elle fut incon­
tinent guérie.
Item, pareillement, ondit fuerbour Sainct Jullien, y avoit ung
jovanciaulx qui estoit comis à garder les vigne ; et, ainci comme une
nuyt il estoit demourés tairt au champs, soudainement6 vit plusieur
malvais esperit venir, pourtant brandon de feu en leur mains. Mais, de
sa hardiesse, il se tirait près, et, de la crainte» qu’il eust, scheut tout
estandu à terre hors de son sanc *1, et avec ce ly entrait le diable au
corps. Et, après ce que ces amis l’eurent trouvés et qu’il l’eurent
menés en plusieur église en Mets, fmablement le menairent tout liez
à la fierte du glorieulx sainct Soybert, par les mérittes duquelle il fut
guéris, et se fist assaucier à ladicte église.
Pareillement, deux aultre homme, l’ung appellé Constans et l’aultre
Joselins, furent hors de leur bon sancs et eurent le diable au corps ;
sy furent menés au sainct, et, aprez plusieur prière, furent fmablement
sains et guerris et rendus à leur amis.
Item, il avint que les Brabansson vinrent à grant ost en ce pays , et
tellement que deux d’iceulx en furent pris et condempné perpétuelle­
ment en chairtre. Mais l’ung des deventdit, appellé Raou, amonestait
son conpaignon de se vouuer à sainct Soibert. Et aincy en fut faicte,
et furent par les mérites d’icelluy leur fer rompus, et délivrés de la
prison.
Aultre miraicle avint, car ung chevalier, qui fuit de Maixier sus
Muze, fuit prins de ces annemys, et fut mis en très obscure chartre et
loyer de très grant chainne de fers. Et, aincy comme il estoit en telle
tribulacion et meschief, il luy souvint dez bénéfice que Nostre Seigneur
donnoit à ceulx qui dévotement requeroient le nom du benoit sainct

a.
b.
c.
1.

Non manque dans les mss.
Mss. : et soudainement.
Mss. : laoore.
Sens.

150

SAINT GOERIC, TRENTIÈME ÉVÊQUE DE METZ

Soibert. Tantost ilz se myst en orison, en priant le glorieulx confesseur
que luy volcist aidier en cestuy article de mort, et aincy comme aultre
gens estoient aydiés par son ayde. Tantost son orison finée, cez chainne
cheurent toucte ronpuee; cy sayllit dehors de la chartre sen point d’empeschement, et s’en vint jusques à l’esglise où le benoy sainct posoit.
Et, en mémor de sa délivrance et de cestuy miraicle, le chevaliers se
fîst sensaulz au benoy sainct et myt cez chainne sur le grant aultel de
Sainct Martin.
Et aincy avés oy la vie et légende en brief du glorieulx sainct Soibert,
et partie dez miraicle que Dieu ait pour honneur de son benoy con­
fesseur monstrez. Sy prions à cellui Dieu qu’il nous doinct graisse de
tellement user que à la fin de nous jour puissions parvenir à sa benoitte
compaignie ! Amen.

[SUITE DES ÉVÊQUES DE METZ ET DES ROIS DE FRANCE]

Or, après ce que nous avons ycy devent dict et desclairés (et en
brief) partie de la saincte vie et légeande du glorieulx confesseur et amy
de Dieu mon seigneur sainct Soibert, et partie dez miraicle que Dieu
ait vollus monstrer en ce monde pour honourer ce sainct corps, comme
cy devent ait estés dit, rest maintenant à rantrer à nostre prepos et a
fait dez évesque.
Le xxxe évesques de Mets, appellés Gurey, thint le scièges xviij ans,
et édifiait l église laquelle on apelle Sainct Pier le Viés. — Car je trouve
que, tantost après la mort du glorieulx confesseur et amis de Dieu
mon seigneur sainct Arnoult, évesque de Mets, et durante ce meisme
temps, fut fait évesque et thint le sciège d’icelle cité XVIII ans ung
bon sainct homme nommés Guris 1. Gellui Guris fut premier nommé
abbé, et puis conte, et puis duc, et puis roi d’Acquitenne, et conséquamment fut fait le XXXe évesque de Mets, comme dit est. Et fut
cellui qui édiffiait l’esglise de Sainct Pierre devant la Grant Église de
Mets, c’on dit Sainct Pierre aux ymaiges. Et là y donna des rentes et y
fist ensevellir le corps sainct Arnoulfz. Et thint le sciège XVIII ans,
comme dit est, dessoubz Victalien et Dieudonney 2, pappe, au temps
Constantin 3, filz le grant roy. Et morut en octobre, et fut ensevelly
en l’esglise de Sainct Simphorien le martir, devent les porte de ladite
cité. Et puis furent translatey ses osses à Espinal. Cellui Guris, par ces
mérites et sainctetez de vie, est sainct en paradis. Mais de sa saincte
vie et légeande, ne des miraicles que Dieu ait pour lui fait, je n’en dirés
1. S. Goëricus.
2. Adéodat, 78e pape.
3. Héraclius Constantin, fils d’Héraclius Ier.

GRIMOALD, MAIRE DU PALAIS D’AUSTRASIE

151

plus pour le présent. Ains revenrais à parler des choses qui avmrent
durant ce tamps en la noble cité de Mets.
Et, premièrement, est à nocter, cellon aulcuns acteur, que, durant la
vie de ce deventdit glorieulx sainct Soibert, il y avoit en son pallais
ung maistre et gouverneur pour la temporallité, nommés Grimouairt,
auquelle moult il ce fioit. Or advint, corne raconte les cronicques de
France, que, après la mort du glorieulx sainct Soibert, cellui Gnmouart, maistre du pallais, comme traistre et malvais, prmt secrète­
ment ung filz que son seigneur avoit laissiez, nommé Dagobert, e
cellui anfîans, qu’il avoit en gairde, envoiait secrètement en Escoce par
Dodon, évesque de Poitiers. Et mint cellui malvais Grimouart son filz
en la polcession du royaulme d’Astrasie. Pour laquelle chose les Messains et Astrasiens furent mal contemps, et firent tant qu il le prmdrent per agast, et le lièrent bien estroitement en fer, et puis 1 en­
volèrent à Glovis, ou aultrement dit Loys, roy de France duquelle
nous parlerons ycy après, pour en faire justice. Et, quant ledit Clovis,
qui alors estoit roy, fut avertis de la déleaulté que ledit avoit comis,
il le mint en prison en la cité de Paris, estramt et lyés de chamne de fer.
Et, après plusieur jour, le fist mener morir à grief torment, selon le
desert1 2de sa grant déleaulté.
.
Constantin, filz de Éracle, esleu empereur. - Item, en cellui temps,
aprez la mort Éracle l’ampereur, tint l’empire Constantin, son filz.
Mais, le quarte ans de son empire, Martine, sa mère, l’ampoisonnait,
et tbint l’empire, elle et Éraclone 2, son aultre filz. Pour laquelle chose
on coupait le nez audit Éraclone, et à Martine, sa merre, la lange, et
furent envoiez en exil.
Mais nous en lairons à parler quant à présant, et retournerons a
Dagobert, roy de France. Lequelle, en cellui tamps, oit plusieurs guère
encontre lez Gascons et encontre les Bretons ; et à la fin il les mist en
son obéissance. Et, aprez ce fait, ledit roy ce advisait de son veu qu il
avoit fait à sainct Denis ; et avoit fait tout aprester pour dédier et
bénir ycelle église nouvellement faicte et achevie : laquelle quant on
voult besongnier, fut trouvée qu’elle estoit bénicte et consacrée par
miraicle de Dieu, comme chacun scet, parquoy je me paisse d en plus
dire Et, après plusieurs aultre chose par ledit Dagobert excellentement
et triumphantement faicte et acomplye, ayans mémoire que cest vie
est brifve et qu’il fault tous morir, et ne scet on le jour ne 1 eur, il ce
dispousait à faire son testament et ordonnance.
...
Le testament du roi Dagobert. - Et, pour ce faire, manda quérir tout
lez archevesque et évesque, et aussy tous les prince et seigneur de son
reaulme. Lesquel venus, il ce essiet en ung trosne d or ces deux filz
estant à ces coustez ; et alors, après plusieur parolle dicte et prophérée,
que je laisse, il escript de sa mains quaitre cédulles tout d une teneu
et substance. Et contenoient ycelle cédulle comme il vculloit et ordon1. Dessert : selon que le méritait sa déloyauté.
2. Héracléonas.

152

MORT DE DAGOBERT ier, ROI DE FRANCE (638)

noit que, incontinent luy mort, tout les archevesque et évesque, abbé
et aultre prelas, auquelles il avoit fait des biens et agrandis leur rante
et revenue, fuissent tenus, par l’espaisse de trois ans durant, chacun
endroy soy en son église, aprez son décept, de lui dire et célébrer trois
messe la sepmainne pour le salut et rémission de son âme. Et ainsy leur
fïst à tous crantés et promestre. Et, ces quaitre cédulle ainsy escript
es fist mestre en dez armaire encloise perpétuellement, c’est assavoir
1 une à Lion sur le Rosne, l’aultre fut pourtée à Mets, la tierce à Paris
et la quairte, il la rcthint vers soy. Et en fist ces deux filz excécuteur’
c est assavoir Sigibert, qui encor vivoit, et Loys.
Dagobert mort, l’an vic et xlv. — Bientost aprez ce fait, il print a roy
une grosse mallaidie, de laquelle voiant qu’il ne pouvoit guérir, ce fist
pourter à Sainct Denis en France. Mais, quant il vit que de jour en
jour il empiroit, il mandait tous les plus grant du reaulme, auquelle il
rescomendait son espouze Nanthilde avec ces deux anffans. Et finablement, aprez plusieurs belle parolle par lui dicte, il randit son esperit
e premier jour de febvrier, qui estoit le XIIII6 ans de son règne et
an de graice VIe et XLV ; qui fut en grant larme et pleurs °de ’ ses
subject.
Et, luy mort, tantost après, l’anfïans Glovis ou Loys, soubz son tuteur
Agayn \ a qui le perre l’avoit recomendé, ce mist en pocession du
reaulme de France et de Bourgongne ; et le résidu fut également
despartit avec son frerre Sigebert. Puis le mena Nantilde 2, sa mère, à
Orléans, là où il resseust en foidz et en omaige les prince de France et de
* 2prince palatin ; et à
Bourgongne. Et comist en Bourgongne Flocate 3,
ycelluy donait en mariaige Ranoberte, niepee de ladite Nantilde, sa
mère, affin que ledit Flocate, moyenant sa femme, fut plus leaulx à la
couronne. Mais, peu de tamps après, rebaillairent 4 yceulx Bourgui­
gnon, de quoy à l’ocasion de ce y oit grosse et mortelle baitaille et
grant occision faicte et d’ung coustez et d’aultre, de laquelle je me
despourte.
La mort de la royne Nantilde. — Peu de tamps après mourut Nantilde,
la royne, et mère a roy Glovis. Cy lairons ung peu à pairler dudit
Clovis, et retournerons auz évesquez de Mets.
Godo, xxxje évesque, thinl le sciège x ans ij mois. — Goges, en latin
Godo, que doit dire Godes, fut le XXXI6 évesque de Mets ; et tint le
sciège dix ans et deux moix, desoubz Don et Agotonne 5 6et Lion et
Bénédic et Jehan et Gune et Serge, pappe de Romme ; et morut en
may, dessoubz l’empereur Constantin devantdit.
Constant 6, fait empereur, régnait xxvj ans. - Item, en cellui temps,

2.
3.
4.
5.
6.

À68*’ ??,a. ?ans la table du t- 11 des Scriptorum rerum merovingicarum (M. G. H.)
Nantechildis, Nantildis (ibid.).
Flaochadus, Flaoehatus, Flaogatus, Flaucatus (ibid.).
Rebellèrent, se révoltèrent.
Agaton, 80* pape.
Constantin II (641-668).

THIERRI III, ROI DE NEUSTRIE ET DE BOURGOGNE

(670)

153

aprez l’exil de Éraclone cy devent dictes, thint l’empire et fut fait
ampereur Constant, le filz Constantin ; et régnait XXVI ans.
Et fut en celluy meisme temps que morut le deventdit Dagobert,
au lieu duquel régnoit sus lez François ledit Clovis, son filz.
Le règne des roi fau.lt à Mets. — Et fut aussy en ce meisme tamps que
les Messains et Astrasiens, après la mort de sainct Soibert, son frère,
lui envoiairent le malvaix Grimouart, duquelle il fist bonne justice,
pource qu’il voulloit husurper le royalme d’Astrasie, comme cy devent
ait estés dit. Parquoy, depuis, je ne trouve pas qu’il y eust roy cou­
ronnés en Mets ; ains faillit dès lors ledit royaulme d’Astrasie, lequelle
ait tousjour depuis estés gouvernés par duc.
Ce roy ycy, nommés Clovis, ce gouvernait mal, et ne vesquit guère
bien. Et, entre plusieurs aultre chose qu’il fit, il descouvrit moins reli­
gieusement qu’il ne deust le corps sainct Denis ; et, jay ce qu il y eust
bonne dévocion, néantmoins il voult prandre partie de l’ung dez bras
dudict sainct. Dont il tonbait en ung grant inconvéniant, car il trébu­
chait encontre terre et pardist son antandement ; et, jay ce que depuis
il en fist restitucion, et fist encor plusieur biens à la dicte église, néantmoins il fut en cest estât plusieurs année.
Clovis, filz de Dagobert, morut l’an vf et txij. - Et puis finalement
morut ; et fut l’an de son règne le dixseptiesme accomply, et en l’an
de graice VIe et LXII ; et gist son corps aprez son perre à Sainct Denis
en France.
Constantin, empereur ; le concilie tenus à Conslanlinoble, l an [680681] 1. — Aussy, en ce meisme tempts, et après la mort de 1 empereur
Constant cy devent dit, thint l’empire Constantin, son filz ; et régnait
XVII ans. Cestuy Constantin fist assambler ung concilie en Constantinoble, auquelle furent deux cent IIIIXX et IX évesque.
Sainct Pier d’Avergne. - Aucy en celluy tamps fut et vivoit sainct
Pierre d’Avergne, évesque de Clermont.
Cellui roy Clovis ycy devent nommés, en son temps, eust espousée
une noble damme issue d’Allemaigne, nommée Batilde ; desquelles
demeurèrent trois filz, c’est assavoir Clotaire, Childéric et Thierrei.
Celle Batilde leur mère ce randit au monastère de Caux et le fist ranlairgier, et illec vesquit religieusement tout le résidus de sa vie.
Sainct Liénaird, hermile; sainct Éloy. — En celluy tamps vivoit le
glorieulx amis de Dieu mon seigneur sainct Liénard, hermite. Et aussy
vivoit encor sainct Éloy, cy deventdit, et plusieur aultre.
Clotaire, roi de France. — Après la mort du roy Clovis, ou autre­
ment dit Loys, escheust le reaulme à Clotaire, son filz, comme a plus
annés. Et ne vesquit cestui que quaitre ans.
Thiéri, roi de France. - Et alors les Françoys prindrent et esleurent
pour leur roy l’aultre filz, nommé Thierrei. Et Childéric envoiairent en
Austrasie à ung noble homme, nommé Vulphane, pour estre par lui
1. Philippe a laissé la date en blanc. Cet empereur est Constantin III Pogonat

668-685).

(

154

PÉPIN LE MOYEN, MAIRE DU PALAIS D’AUSTRASIE

instruict, et pour lui faire le couraige légier. Or advint que par la
négligence et fétardie 1 dudit Thierrei empira l’estât des Françoys.
Gar il mist du tout le gouvernement de la chose publicque en la mains
de ces serviteurs et verlet de chambre. Et ne ce monstroit que ung
jour en toutte l’année.
Thieri déposés du royaulme et Childéric esleu. — Cecy veu et cognus
par lez prince du païs, le despousairent de sa dignité reaulle et le mirent
en ung monaster. Puis envoiairent en Austrasie pour amener Ghildéric
avec Vulphane, son maistre ; et d’icellui Childéric en ont fait leur roy.
De quoy bien tost après c’en repantirent. Car, quant il eust le piedz
en l’estriez, lui, qui estoit en malvaise meurs instruit, sans cause
affligeoit et foulloit plusieur gens. Entre lesquelle il fist lier à ung pal
et fist baitre de verge et tormenter jusques la mort ung noble homme,
son vaisal, nommez Bodilo, qui estoit homme juste et inocent.
Childéric tués per ses subject. — Parquoy lez prince du reaulme, voyant
sa tirannie, ce assamblairent, et, lui estant à la chaisse, le espiairent ;
et, finablement, parmi l’ayde dudit Bodilo, le mirent à mort avec la
royne Ulcide, sa femme, laquelle estoit grosse d’anfïans.
Thieri rappellés aux royaulme Van vjo iiijxx. _ Et, après ce fait,
voyant qu’il n’avoye plus prochains à la couronne, ont rapellés
Thierrei, qui alors estoit en ung monastère enclos, corne dit est. Et acomensa à régner en Tan de grâce VI cent et IIIIXX. Gellui Thierrei,depuis
son rapel, oit plusieur baitaille, mais à la fin il demourait victorieulx.
Et, en cellui tamps, c’en allait Pépin Héristel, ou aultrement dit
le Court, en Astrasie ; et fut fait prince du pallas d’icellui païs et de
Austriche la basse. Car, en ce tamps, Mets estoit gouvernée par prince,
comme dit est, depuis le tamps du deventdit Childéric, qui fut tué
estant à la chasse, avec Sa femme.
Wolfald, governeur en Mets. — Et avec yceulx fut presque tué Wolfald, son gouverneur ; lequelle, quant il vit ce, il c’en fuyt à Mets, et
thint la seigneurie toucte sa vie depuis la mort de son maistre.
Pépin, governeur en Mets; Martin, filz de Flondelphus, governeur en
Mets. — Et, aprez la mort d’icelluy Wolfald, thint la seigneurie de
Mets et de Austriche la basse le devent dit Pépin, avec ung sien paran,
nommés Martin, filz de Flondulphus, lequelle Flondulphus estoit filz
de sainct Arnoult, évesque de Mets. Et ainsy estoient deux cousins et
advelet audit sainct Arnoult : car ledit Pépin estoit filz de Anchises
ou Anchisus, qui estoit filz de sainct Arnoult, et cellui Mertin estoit
fdz à l’aultre frère et filz à sainct Arnoult, nommez Flondulphus, comme
dit est. Cellui duc Pépin espousa une damme nommée Pelectrude, de
laquelle il eust deux filz, c’est assavoir Druon, qui depuis fut duc de
Champaigne, et Grimeald, qui fut prince du pallais de France après
son perre. Et fut encor celluy Pépin perre à ce vaillant prince Charles
Martel, lequelle depuis fut roy de France, comme cy après serait dit ;
et l’engenrait en une concubine nommée Alpaïde.
1. Négligence, nonchalance.

CLOVIS III, ROI DE NEUSTRIE ET D’AUSTRASIE (691-695)

155

Ébroyn le tirant — Mais, pour retourner à nostre prepost, il avint
que, en ce tamps, oit ledit Pépin grant guerre encontre ledit roy Thierrei, à l’ocasion de un'g malvais tirant, nommés Ébroyn, par lequel le
roy ce gouvernoit, et en avoit fait son sénéchal. Et fist cellui tirant
plusieur grant mal au reaulme de France.
Sainct Légier, merlir. - Entre lesquelle il fist tormenter samct
Légier, évesque d’Authum, par fain et par longue chairtre, püis luy
fist fourer atout ung tairère lez yeulx hors de la teste, copper les plantes,
trencher les lefïres, copper la lange, et puis finablement luy fist copper
la teste ; et aincy fina son martir le benoy sainct Ligier. Aussy eiivoia
cellui tirant Ébroyn le benoit sainct Lambert, évesque de Liège, en
CXpuis, tantost après, fut faicte paix entre lesdit roy Thierrei et Pépin.
Et fut alors ledit Pépin fait prince du pallas de Paris, qui est autant
à dire comme seroit maintenant conestauble.
Nordebert fait gouverneurs en Astrasie. — Et, en son lieu, envoia et
substitua Nordebert en Austrasie pour son sciège tenir et essercer
Mais ne demeurait guerre après que morut le roy Thierrei ; et laissait
de son espouse Clotilde deux filz, c’est assavoir Clovis et Childebert.
Clovis rou de France; vjc iiijxx et xiij. — Et fut ledit Clovis, quaitriesme de ce non, fait roy en Tan de graice VIe HHXX et XIII. Et ne
régna que trois ans qu’il mourut ; parquoy, d’iceulx deventdit, pource
qu’il ne firent chose en leur tamps digne de mémoire, je m’en paisse
et n’en dis plus.
_
Justinien, empereur. — Aussy, en celluy tamps, après la mort de
Constantin, le bon crestien \ thint l’empire dix ans Justinien, son fi z.
Sergius, pape, ordonnait dire les Agnus Dei. — Et en celluy temps
estoit pappe de Romme Serge, qui ordonnait de dire les Agnus Dei
à la messe ; car, par avent, on n’y en disoit nul.
Éclipse de solleil. — Aussy, durant ce tamps, et la IXe annee de
l’empire Justinien, il fist sy grande et sy merveilleuse éclipse de soleil,
à heure de thierce, que on veoit elèrement les estoilles on ciel.
Or advint aussy en ce meisme temps que Léons, qui estoit patrice
de Romme, se rebella contre ledit Justinien l’empereur, et le prmt et
Tenvoia en exil.
Le vénérable Bède en Angleterre, grant exposeur. - Item aussy en
celluy tamps, florissoit en Angleterre le vénérauble Rede, duque je
vous veult icy ung peu pairler. On list és cronicques romamnes que,
loing tamps devent, que fut après la destruction de Cartaige (laque! e
avoit estez du tamps de Scipion le jonne, romain, et a tamps de Hadrusbal, roy d’icelle, lequelle boutait le feu à celle cité de Cartaige ;
et durait le feu et l’assault VI jour et VI nuyt continuez ; et, durant ce,
ledit Hadrusbal c’en fuyait, et alors sa femme et ces aïifîans ce gectairent a feu ; et en cest guerre fut prins Terancius et menés prisonnier
1. Philippe a sans doute confondu le grand Constantin et Constantin III Pogonat.
Son fils est Justinien II (685-695, puis 705-711).

156

BÈDE LE VÉNÉRABLE

à Romme ; et fut ce fait VI cent et XXVII ans après la fondacion de
Romme, quy fut devent la nativité Nostre Seigneur VIIe et LIX ans,
et ainsy fut celle destruction cent et XXXII ans devent la nativité
Nostre Seigneur), alors et en ce tamps avoit estés trouvés en l’une des
portes de ladicte cité de Romme, pour les péchiez qui estoient en icelle,
escripte en lettres ancienne, les lettres qui s’ensuyent. Premier :
PPPE SSSE VVVVVVV FFFF.
L’interprétacion de ses lettre est telle : Pater patrie profectus est,
Secum salus sublala est, Venit victor validus, Vincit Vires Vrbis
Vestre, Ferro Famé Flamma Frigore. La significacion en romant est
tel : « Le père du païs s’en est allé, Salut avec luy a emporté, Le victo­
rieux vaillant vient, Il vainquira les forces de vostre cité, Par fer, par
famine, par flamme et par froidure. »
Item, en se tamps, il y avoit encor à Rome une vielle tour quairrée en
laquelle, és quaitre coing et anglée, y avoit escript en chacune desdicte
anglée trois lettre, comme la figure s’ensuit. Et, premier, en l’ung dez
anglez, estoient ppp, on second sss, on trisiesme rrr, et on quaitréesme anglez estoient /// L
Interprétation du vénérable Béda. — Puis après, par moult loing
temps, fut sairchiés des Romains homme saige et grant clerc pour
interpréter lesdites lestre. Et ne fut trouvé homme qui ce sceust faire,
ne qui lez sceust interpréter, jusques an ce tamps présant. Et, pour ce
faire, fut comis le vénérable Bède, qui lez interpréta en sens et en la
manier qui s’ensuyt. Et premier, pour les trois P, la significacion fut
telle : Pater patrie profectus est, quy est à dire : le père du pays s’en est
allez. Item, l’interprétacion des trois S fut telle: Sapiencia secum sublala
est, qui est à dire : sapience avec luy ait empouriés. L’interprétacion des
trois B fut ainsy : Begnum Bomanorum ruel, quy est à dire : le royaulme
des Bomains trébucherait. L’interprétacion des trois F, ce fut : Flama,
famé, fero, qui est à dire : par flamme, par famine, par fer ou glaves.
Béda fait aveugle. — Pour laquelle interprétacion les Romains orent
grant despit, et moult leur en despleut. Et, pour ce, prinrent le vénérauble Bède, interpréteur de cest, et luy crevairent les deux yeulx hors
de la teste. Et ainssy demeura aveugle.
Thibère empereur; Justinien derechief empereur. — Item, quant
Léons, cy devent nommés, oit tenus l’empire deux ans, Thibère le mist
en prisons et luy coppait le nez ; et thint l’empire VII ans pour luy.
Maix, depuis, Justinien, cy devent dit, recouvra l’empire, et fit décoler
enmy la cité de Romme ledit Léons et Tibère, qui ainsy avoient usurpez
l’empire. Et tint ledit Justinien la seconde foix l’empire par l’espace de
VII ans.
Sainct Lambert martirizés, et pugnition du malfaicleur. — En celluy
1. Un dessin de Philippe de Vigneulles représente exactement ces lettres, dont la
forme est assez curieuse.

SAINT CLOUD, TRENTE-DEUXIÈME ÉVÊQUE DE METZ (656-696)

157

meisme temps fut martirisez sainct Lambert, évesque de Liège ; et
l’occist ung nommé Dodon. Lequel, tantost après, fut sy remplis de
vers qui le rongeoient, et yssoit de luy sy grant pueur qu’il le covint
gecter en la ripvière de Meuze.
Childebert thient la monairchie de France. — En cellui meisme tamps
tenoit la monarchie de France Childebert, frère au deventdit Clovis.
La ije aparition de sainct Michelz. — Item, aucy en celluy temps, fut
faicte la seconde aparucion de sainct Michiel en Normendie. Et ce
appareust le benoit angle de Dieu à Aubert, évesque d’Orenge. Et
adonc fut fondée son église là où l’en dit maintenant le mont Sainct
Michiel, qui devent s’appelloit la tombe; qui fut en l’an de graice
VIIe et IX.
Environ l’an vij[c] et ix fut premier comencée la ville de Sainct Miel. —
Et, en ce meisme tampts, ung noble homme, nommés Vulphane,
maistre du paillas Childéric, fonda premier l’abbaie de Sainct Michiel
sus la rivier de Meuse ; entour de laquelle ait depuis estés faictes et
fondée la ville que maintenant ce appelle Sainct Miel, laquelle est bonne
ville et bailliaige en la duchié de Bair. Et aulcuns disent que celluy
qui la fonda ce appelloit Hulphoart, maistre du pallas Childebert ;
et croy que possible est tout ung, ne rest que la difîérance des langaige,
comme on dit, de Sainct Michiel, Sainct Miel. Et fut ce prince Wolfald,
fondateur de Sainct Miel, celluy duquelle nous avons ycy devent
pairlés, qui fut en grand dangier d’estre tués à la chaisse avec son
seigneur le roy Childéric ; mais il achaippait et c en fuyt à Mets, et en
thint la signorie tout sa vie, comme cy devent nous avons dit. Cy
lairons ung peu à pairler d ’iceulx quant à présant, et retournerons aulx
évesque d’icelle cité.
Glodulphe, xxxije évesque de Mets, thint [le] sciège xl ans et xxv jour,
et filz de sainct Arnoult. — En celluy tamps estoit évesque et tenoit le
siège d’icelle cité de Mets ung notauble parsonaiges, nommés Glodulphe,
lequelle est sainct en paradis ; et fut le XXXIIe évesque après sainct
Clément. Et estoit ycellui fdz du benoit sainct Arnoulfz. Et, en son
tamps, donna grant rante et revenues à leur esglise de Sainct Estienne
de Mets ; et tint le siège XL ans et XXV jours, dessoubz Cerge et Jehan
le Ve et Jehan 1 le VIe et Sissine et Constantin et Grégoire le second,
pappe, on temps de Constantin et Justien le josne et Lion et Thibère
et Justien et Philippe et Anastasse, empereur de Romme 2. Et morut
en juillet, l’an VII cent et XVIII ; et fuit ensevelly avec son père à
Sainct Arnoulfz ; et est appellé sainct Cio.
Justinien et Thibère, son fdz, occis. — Item, en celluy temps, fut
occis le deventdit Justinien l’empereur ; et aucy fut Thibère, son filz,
en c’en fouyant d’une bataille de devant Cersone ; et fuit ce fait par
1. Jean VI, Jean VII, 86® et 87e papes.
2. Constantin III Pogonat, Justinien II, Léonce, Tibère III, Justinien II (rétabli),
Philippique, Anastase II, empereurs de Constantinople.

158

CHARLES MARTEL, MAIRE DU PALAIS

ung nommé Philippe, lequel fut esleu à ampereur, et régnait deux
ans.
La mort de Pépin, père1 de France et duc de Braibant ; Charles
Merielz ordonnés prince du pallaix. — Pareillement en celluy temps
morut Pépin le grant, prince de France et duc de Braihant ; lequelle
par son testament fit son hoirs de Charle Martel, qu’il avoit heu de
Alpias ou Alpaïde, sa concubine. Et à ycelluy Charles donna ledit Pépin
la principaulté du royaulme d’Austriche ou Astrasie la basse 2. De
laquelle chose Plectrude, sa maraistre, et vefve dudit Pépin, son père,
ne prenoit point en gré, ains favorissoit à son nepveu Théodoald, filz de
son filz Druon, duc de Champaigne, et duquelle nous avons icy devent
parlés. Car ledit Druon et Grimoald, son frère, qui estoient anftans
légitimme audit Pépin et à la dicte Plectrude, estoient mort. Parquoi
ladite Plectrude print en hayne ledit Charles Martel, pour ce qu’il
estoit baitairt et n’estoit pas son filz ; ains l’avoit ledit Pépin engendrés
en une concubine nommée Alpaïde, comme cy devent est dit.
Charles Merielz fait prisonier. — Parquoy ladicte Plectrude fist tant
qu’elle trouva manière de faire prandre ledit Charles à Collogne sur le
Rin, et illec le fit détenir en seur gairde ; et cepandant se saisit du
royalme d’Austriche la basse, que o» dit maintenant Lothric ; et en
mit en possession son nepveu Théodoald, prince du pallais de France.
Dagobert, ije de ce nom, fait roi de France. — Et eulx deulx ensemble
tindrent en tutelle le roy Dagobert, second de ce nom ; lequelle, après
la mort de Childebert, son perre, duquelle nous avons ycy devant pairlé,
luy escheut la courongne de France ; mais ladicte Plectrude et ledit
Théodoald, son nepveu, prinrent le gouvernement de tout le royaulme.
Toutefïois, cellui Dagobert le second fist plusieurs baitaille au pais de
Liège et a pais d’Ardane, et eust bonne fortune.
La mort Dagobe[rt] ; Charles Mertel eschape de prison. — Et, après
plusieur chose faicte par luy, que je laisse, il mourut. Et, en ces entrefaictes, Charles Martel, filz de Pépin, eschappa de la prisons en laquelle
il estoit détenu à Coulogne par sa mairaistre Plectrude.
Daniel, homme renommés, fait prévost du pallaix, et puis roi, et apellé
Chilpéric. — Pareillement, en cellui temps, y avoit en France ung
prestre nommés Danyel, homme bien estimé et renouiez, lequelle, par
le consentement de tous, fut fait et estaublis prévost du pallais. Puis,
ce fait, peu de tamps après, lez prince du païs le constituaient leur
roy ; et fut nomé Chilpéric, et fut le XIIIIe roy de France. Mais de
cestui je ne trouve aultrez chose, sinon que en cellui temps Charles
Martel, désirant de recouvrir la prévosté du pallais, que son perre
avoit perdue, fist grant amas de gens, avec lesquelle il oit grant et
aipre baitaille sur la rivière de Meuse en l’encontre dudit Chilpéric.
Charles Merielz fait prévost du pallaix de France. — Et depuis olrent
paix, et fut ledit Chairle fait prévost du pallas. Et, en cellui tamps,
1. Pair.
2. Autriche la basse ou Austrasie.

VICTOIRE DE CHARLES MARTEL : POITIERS (732)

159

ledit Charles fist plusieurs grande et merveilleuse armée, tant en Frise
comme en Ytalie, en Espaigne et en plusieur pais et régions ; et par
tout retournoit victorieulx.
Grant victoire acquise per la force de Charles Merlelz.
Et, meismement, à l’ayde de ces princes et bairons, souverainement du duc Hervei
de Mets, il déchaissait les Wandres et les Huns hors du reaulme de
France, comme nous dirons icy après. Car ledit Chairle, pour l’amour
de plusieur belle victoire, qui en son temps il oit, comme plus au long
le mest les istoire de France, il fut ainsy appellés de son sournom
Martel; car, ainsy comme le martel débrise et dépièce le fer et toute
aultre métal, ainsy débrisoit et foulloit ledit Charles par baitaille tous
ces annemis, et demouroit victorieulx. Car lui seulle gouvernoit le
reaulme de France et tenoit la couronne en ces mains, jay ce que en
son tempts il y constitua deux ou trois roys, pour lesquelles on ne
faisoit rien, car les prince du pallas en ce tamps faisoient et deffaisoie
les roy à leur voullunté, comme cy après serait dit.
Le duc Pier en la cité de Mets. - Item, je trouve que en ces jonne
jour estoit et gouvernoit le duc Pier en la cité de Mets et sur tout le
pais d’Astrasie, que depuis fut dit Lorainne, lequel duc Pier fut ung
homme de grant lairgesse et de grant despance. Et fut perre à Aelis
et grant perre au duc Hervey, lequelle Hervey fut perre a Lorams
Guérin, comme cy après serait dit.
Et en cellui mesme temps, tantost après, Anastase privait le deventdit
Philippe de l’empire, et luy ostait les deux yeulx de la teste ; et régnait
en lieu de luy deux ans.
Sainct Gille et sainct Aubin. - Et, aucy en cellui temps, sainct
Gille vint de Grèce en Provance ; et sainct Aubin estoit alors évesque
d’Angiers.
r
.
Puis, tantost après, en ce meisme temps, Théodose privait ledit
Anastase de l’empire, et le fist estre prestre ; et puis régnait ung ans
tant seullement. Car ung aultre, qu’on appelloit Lion *1, le desposait et
régnait pour lui par l’espace de XXIIII ans.
Aucy, en cellui tamps, fut convertis à nostre loy le duc de Frise ;
mais, aincy comme on le voulloit baptisier, et qu il avoit desjay ung
piedz dedans le fond, il ce advisait et demendait a prélas qui estoient
présant en quel lieu et là où y avoit plus de ces amis, ou en enfïer,
ou en paradis. Et on lui dit qu’il en y avoit plus en enfïer. Pour laquelle
chose ledit duc soudainement ce retirait et ostait son piedz du fond ,
et dit qu’il avoit a mieulx aller là où estoient le plus de ces parans.
Et, par aincy, le fol ne fut point baptisiet.
Cy lairons ung petit à pairler d’iceulx, et retournerons aulx évesque
de Mets, et a b victorieulx fait du deventdit Charle Martel.

а. E : amoit.

б. E : et pareillement retournerons aux victorieulx.
1. Léon III, l’Isaurien.

160

SAINT ABBON, TRENTE-TBOISIÈME ÉVÊQUE DE METZ

Albo, xxxiije évesque de Mets, et thint le sciège x ans. — Je trouve que,
en ce tamps, fut ung révérand prélas le XXXIIIe évesque de Mets,
nommé Albo ; et thint le siège X ans, ung moix et XXVI jours, desoubz
Grégoire le IIIe et dessoubz Théodos et Léon, empereur ; et morut
en may.
Charles Merlelz, homme victorieux; vijc xxxv. — Et, en cellui temps,
gouvernoit France le deveritdit Charle Martel, lequelle estoit filz à
Pépin l’ancien et de sa concubine, comme devent est dit. Et puis fut
Pépin le nain, son fdz, que fut roy de France après yceulx.
En cellui temps, ledit Charle Martel subjugay les Saxoys et les
Allemans et Schwitz, et conquestait Acquitainne et toucte Bretaigne ;
et fit plussieurs fais dignes de mémoire, tant de ceulx icy devent nommez
comme dez infidelle Hongre et Wandre, à l’ayde du duc Hervey de Mets,
perre a Lorain Guérin, comme cy après serait dit. Car cellui Chairle
fut l’ung dez victorieulx prince de quoi l’on sceust à parler. Et, en son
tamps, pource qu’il vit lez noble et jantil apouvris par le soubtenement
des grant guerre, du consentement des évesque, il impétrait que il
eussent et levaisse les disme pour ung tamps. Et fist ce pour defïandre
et gairder la chose publicque en l’encontre des Wandres et Infidelle,
que en ce tamps destruisoie la crestienté. Car, comme cy devent est
dit et estraict d’aultre cronicqz, alors estoient de noviaulx lesdit
Wandre désandus jusques à la cité de Sens, auquelle lieu furent combaitus et déchaissés. Et fut ce fait en l’an de graice VIIe et XXXV.
Et, aucy en cellui temps, Théodoric faisoit sa voulenté du royalme,
combien qu’il ne fut pas roy.
Item, je trouve que en celluy temps, le jour de l’Escencion, morut
Bède le vénérable, duquelle nous avons icy devent parlés ; et vesquit
LXXII ans ; mais, quant il voult morir, il dist cest anthienne : « O rex
glorie, domine virlulum, etc. ». Et, tout incontinant qu’il oit dit, il
mourut.
Concilie ordonnés du pape Grégoire. — Et, en ycellui meisme temps,
se thint le concilie, par pappe Grégoire, auquel fut ordonné et permis
d’aorer les ymaiges on nom de ceulx qui sont au ciel. Car, par devant,
on n’en oisoit point faire, de peur d’idolaitrer.
Item, en cellui temps, morut le deventdit Théodory, et Hildérich
print le non de roy ; touteffois il n’en tenoit rien.
Et, en cellui temps, les Sarrazins, Hongre et Wandre reassaillirent
de rechief le royaulme ; maix Charle Martel en délivra le lieu par sa
vaillance, et par la grant ayde que luy donnait le vaillant duc Hervei
de Mets, avec plusieurs de ces amis. Or mest histoire que, après ce que
ledit Chairle oit encor fait plusieur grande et merveilleuse baitaille et
en diverse pais et région, la malladie le print en retournant de la
viconté de Narbonne et de Arle, duquel lieu il avoit déjecté ces annemys. Et alors, pansant ledit Chairle à son salut, fist son ordonnance et
testament, et baillay à chescun de ces anfïans leur part et porcion de
son reaulme : premier, à Carlomanus bailla Austrasie et Suève, Allemaigne et Thoringe ; puis à Pépin laissait France.

MORT DE CHARLES MARTEL (741)

161

La mort de Charles Mertelz ; le roi Charles ordonnait iiij roi en son
iemps. - Et mourut ledit Chairle le XXV® ans de son aministracion ;
et fut ensevelly auprès du grant autel de l’église Sainct Denis, lor3
estant à Romme le pape Zacharie. Mais l’on ne trouve point que ledit
Chairle fut jamaix couronné à roy 1, car seullement il estoit prince du
paiiais, qui vault autant à dire que conestauble ; et faisoit et defïaissoit
lez roy à sa voulluntés, et en y constitua quaitre en son temps, c est
assavoir Lothaire, Chilpéric, Théodoric et Childéric.
Toutefïois, aulcune istoire veullent dire que ledit Chairle fut abaitus
de son chevaulx et nauvré à mort par iceulx Wandre et Hongre devent
la cité de Troie, et eust demourés en la plaisse, ce ne fut estés le duc
Hervy de Mets qui le secoureut ; néantmoins que d’icelle plaie tantost
après il mourut, comme cy après serait dit.
Lion, empereur, et puis Constantin, son filz.
Et, en ce meisme
temps,'après la mort Lion, tint l’empire XXXV ans son filz Constan­
tin 2. Mais des roy et empereur lairons ung peu à parler ; et dirons qui
en ce tamps tenoit le sciège de l’éveschiez de Mets.
Aptades, xxxiiije êvesques, thinl le sciège xiij ans.
Aptades, en
latin Aptadus, fut le XXXIII Ie évesque de Mets ; et thint le sciège
XIII ans, et aulcuns dient VI ans et deux moix, desoubz Zacarie le
pappe, et’desoubz Constantin le V® ; et morut en febvrier.
Zacharie créés le iiijxx et ixe pape. — Au temps d’icellui Constantin,
ampereur, fut Zacarie devent nommés le IIIIXX et IX® pappe de Romme
depuis le temps sainct Pierre. Lequel pappe mint an bon point les
choses de l’Esglise.
Et puis, en son temps, morut le trévictorieulx Charle Martel, cy
deventdit.' Et dit histoire que, après sa mort, le deventdit Pépin, son
filz à qui Chairle, son perre, avoit donné France, fist tant, par le
conseille de plusieur prélas d’église, qu’il requist le conseille du pappe
Zacharie, assavoir mon lequelle estoit plus ydoine et convenauble à
gouverner la chose publicque, ou cellui que par oisiveté son tamps
consumoit en sa maison, ne rien ne faisoit, ou cellui qui par sa vertus
et son industrie gouvernoit et ce mestoit en péril pour les affaire de la
chose publicque. A laquelle demande Zacharie respondit que trop
mieulx vailloit cellui qui son corps esposoit aus affaire du reaulme.
Pépin consacré roi de France, Van vij* et l. - Et, pour celle response,
voiant les nobles du pais la négligence de Hildérich, qui estoit l’ordure
de tous les roys et lequelle se disoit roy, elleurent tout incontinent ledit
Pépin • et fut fait roy et fut consacré par les mains de sainct Bonifaice,
archevesque de Maience. Et fut ce fait en l’an de l’incarnacion Notre
Seigneur VII® et L. Et luy aidait fort le vaillant duc Hervei de Mets,
comme cy après serait dit. Et, au regairt de Chilpéric, il fut mis en
1. Une main récente (xvn* siècle) a ajouté en marge : « noter qu’il est certain que il
est sepveli à Saint Denis. Il est coroné. »
2. Constantin IV, Copronyme.
lt

162

FÉLIX, TRENTE-CINQUIÈME ÉVÊQUE DE METZ

ung monastère, et là vesquit le résidu de sa vie. Et alors faillit la pre­
mier ligne des roy de France et la succession du roy Clovis.
Cy lairons ung petit à pairler d’iceulx roy et royne, et dirons aulcune
chose d’aultre mestier, et des fais du noble duc Hervey de Mets et du
Lorains Guérin, son filz ; et pareillement qui estoit cellui qui en ce
tamps tenoit le sciège épiscopal d’icelle noble cité de Mets.

[HERVI

DE

METZ*]

Félix, évesque de Mets xxxve, ihinl \le] sciège ix moix. — Bieneurous,
lequelle en latin ce appellait Félix, fut en ce tamps le XXXVe évesque
de Mets ; et thint le sciège IX moix tant seullement, desoubz le deventdit Zacarie, pappe, et Constantin, empereur deventdit ; et mourut en
janvier ; ne de luy je ne trouve aultre chose que à compter soit, ne
que soit digne d’estre mis en mémoire.
La généalogie des roi de France et de Hervei de Mets. — Item, au
tamps du devent[dit] roy Pépin, vivoit encor le deventdit duc Hervey
de Mets, duquelle je veult icy pairler, tant de sa généalogie, cellon les
cronicque de Lorainne, comme de ceulx qui dessandirent de luy, et
partie des fait que en leur tamps il firent.
Et, premier, est à notter qu’il y eust plusieurs rois en France ; dont
le premier, cellon lesdicte cronicque, ce appelloit Prian, filz de Hector
de Troye. Et dessandirent de l’ung à l’aultre, comme cy devent est dit,
en fasson telle que le Xe fut nommé Briumphe. Et est cecy en prenant
la lignié de ceulx qui vinrent demourer à la cité de Mets et és pais
entour. Et tellement que celluy Briumphe fut tué. Et succédait après
lui Hidulphe, son filz ; et après ycelluy succédait le deventdit duc
Pier, son filz, seigneur de Mets, lequelle fut grant perre au duc Hervei,
comme vous oyrés.
Le duc Pier en Mets. — Or est à notter que, du tamps que vivoit le
devent dit Charle Martel, fut et régnoit cellui duc Pier en Mets et sur
tout le reaulme d’Astrasie, qui maintenant est appellée Lorainne.
Et estoit cellui duc Pier en son temps homme de cy grant despance et
lairgesse qu’il avoit tout gaisté ; et n’avoit plus rien, c’il ne vandoit
ou engaigeoit son pais, car il avoit tout despandus par sa trégrant
prodigallité. Et, en ce meisme temps, mourut la duchesse sa femme, de
laquelle luy demourait une belle fille, nommée Aelis. Mais, quant elle
fut en eaige, nul ne la demandoit en mariaige, pour la grant pouvreté
du duc son père.
La fille du duc Pier mariée à ung sien prévost, duquelz sortist Hervei. —
Toutefïois, à la fin, la donnait ledit duc à ung sien prévost de Mets,
1. Voyez Pbost (A.), Études sur l’histoire de Metz: les Légendes, chap. VI, p. 341-402.

LA LÉGENDE D’HERVI DE METZ

163

lequelle estoit merveilleusement riche et estoit biaulx personnaige et
saige ; et ce nommoit ycelluy prévost Thierrei. Duquelle Thierrei
et de Aelis, sa femme, saillist ung très vaillant homme, nommés Hervey,
cy deventdit, dont le corps en gist au portaulz de l’abayee Sainct
Arnoult devent Mets. Et alors le duc Pier laissait sa seigneurie à gou­
verner audit Thierrey, son janre, et c’en allait oultre mer mener la
guerre aus Sarrasins. Cy le lairons aller et retournerons audit Hervey.
Hervei de Mds ne veult este merchamps. — Celluy Hervey fut en son
temps ung moult vaillant homme aus airme. Et, en cez jonne jour, son
perre le voult faire devenir merchamps, et l’envoiait à la foire à Pro­
vins avec grant finance. Mais d’estre marchamps il n’avoit cure, et
achetait chevaulx, chien et ossiaulz; dequoi son perre fut moult dollans.
Après ce fait, le renvoiait ungne aultre fois avec grant trésors à la foire
c’on dit le Landy, à Paris. Mais je vous dirés quel merchandises yl y
fist.
Il est vray, comme l’on trouve par lez ansienne istoire, que en cellui
tamps y avoit au reaulme de Thir ung roy nommés Hutaisse, lequelle
avoit deux biaulx anfïans de la royne sa femme, c’est assavoir filz
et fille. Le filz ce appelloit Flour, et estoit roy de Honguerie. Et oit en
son tamps une fille, qui fut appellée Berthe au grant piedz, laquelle,
comme aulcuns dissent, fut depuis femme au roy Pépin de France cy
deventdit, et mère au grant roy Chairlemaigne. Et la fille d’icelluy roy
Hutasse, et suer audit Fleur, roy de Honguerie, ce appelloit Beaultris,
laquelle estoit ung chief d’euvre en beaulté. Et, pour sa beaultés et
grant renommée, la demandait en mariaige le puissant roy d Espaigne ;
et luy fut accordée, parmy ce qu’il promist à ce faire crestien. Et tenoit
ledit roy soubz luy trois reaulme avec le reaulme d’Espaigne, c’est
assavoir Nauvaire, Portingalle et Aragon ; et ce tenoit à Bur, en Espai­
gne. Or, durant ycelluy tamps, et que la fille fut promise audit roy
d’Espaigne, elle estant en ung gerdin avec ces damoiselle, fut ladicte
Biaultris prinse et ravye par sartains escuier paissant. Et, sans ce
qu’il la cognusse ne que jamais sceussent a qui elle estoit fille, la vindrent lez deventdit escuier vandre à la foire à Paris.
Le duc Hervei achète Bialtris, fille aux roi de Thir. - Auquelle lieu
estoit pour leur le devantdit Hervey de Mets. Lequelle, quant il vit la
grant beaulté d’icelle fille, ce approichait près des merchamps, et, sans
granmant merchander, il y amploiait la plus pairt de son trésors ; et
l’amenait à Mets, sen ce qu’il sceust à qui elle estoit fille, ne ne le sceut
de loing temps après. Dequoi le prévost Thierei, son père, cuidait vif
enraigier, et le banit de Mets et de toutte la terre de Astrasie. Toutefïois,
ledit Hervey avoit une suer de baixe * qui avoit apousez ung riche
mairchamps de Mets, nommés Baudrey. Ycelluy Baudry fist tant par
prière devers le prévost, son sire, qu’il eust lisance de aidier et soubtenir
ledit Hervey.
1. Une sœur jumelle (cf. le français besson).

164

LA LÉGENDE

d’hERVI

DE METZ

Hervei espouze Beauliris. — Et, peu de tamps après, ledit Hervey
apousait la belle pucelle Beaultris, de quoy son père fut plus courcés que
devent. Et disoient tous que Hervey, lequel alors estoit l’ung des biaulx
homme du monde, et héritier d’icelle cité, avoit prinse une putainne,
laquelle avoit courras par tout lez bourdiaulx de Paris, et n’en voulloient plus grant ne petit, ains estoit commune et abandonnée à ung
chescun. Mais je vous dirés la noble lignié que de celle noble damme
saillit.
La généalogie descendant de Hervei de Mets. — De celle Biaultris oit
ledit Hervey plusieurs anfïans. Le premier, ce fut Guérinet, qui depuis
ce nommait le Lohorains Guérin, lequelle est tout enthier en chair et en
os au Grant Moustier de Mets. Et puis oit Bégonnet, qui fut tant vail­
lant aus airme, et fut depuis appellés Bègue de Bellin, pour la duchet
de Gascongne, que le roi Pépin luy donnait, en laquelle duchiés est le
chaittiaulx de Bellin, duquelle il pourtoit le surnom. Item, ledit Hervey
oit d’icelle belle Biautris VII fdle, lesquelles furent touttez mariée à
grant prince et à grant seigneur et en diverse pays. Et en saillit de
moult grant lignée et de moult vaillant homme de guerre, comme vous
trouvairés és istoire que de ce sont faicte, ce lire ou escouter les voullés.
La premier fille oit à non Héluis. Laquelle oit en mariaige ung vail­
lant prince de France, nommés d’Orlenois 1 Hernois. Et d’icellui elle
heust deux fîlz ; le premier eust à non Hairnais, qui fut duc d’Orléans,
et fut en son tamps moult vaillant aux arme ; le second fdz eust à non
Eudes, et fut homme saige et bien lestré, et fut évesque d’Orlians. La
seconde fille fut mariée en Bourgongne. Et d’icelle saillit Aubris le
Bourguignon, homme vaillant aux arme. La thier fille fut mariée en
Allemaigne, et d’icelle sortist ung vaillant homme nommés Orris
l’Allemans. La quairte fille fut mariée en Liège, et eust ung fdz nommé
Géraird du Liège. La quinte fut mariée à Cambray, de laquelle sortist
deux fdz, moult vaillant homme. Le premier ce appellait Hues de
Cambrésis, et son frère eust à non Gauthier l’Orfellin, seigneur de
Hénault. La VIe fille fut mariée à Anjois, et eust ung fdz nommez
Jofïroy ly Angevins, lequelle fut conte d’Anjo. Et la VIIe et dernier
fille du duc Hervey de Mets fut mariée en France, et eust deux filz.
Le premier fut apellés Hue du Mans, et l’aultre fut nommez Guernier,
seigneur de Droiez. Iceulx anfïans devent nommés, en leur tamps,
aidairent moult à leur nepveux à soustenir leur guere, c’est assavoir
aus anfïans qui sortirent du Lohorains Guérin et du duc Baigue, son
frerre ; car dudit Guérin sortist le duc Gilbert, et du duc Baigue sortist
le vaillant Hernault et le vaillant Gérin, son frère. Mais nous lairons le
parler à présant d’iceulx anfïans, et retournerons à leur grand perre le
duc Hervey.
Celluy duc Hervey, après ce qu’il eust apousés la belle Beaultri»,
1. Orléanais. L’inversion provient du texte en vers que Philippe a mis en prose.

LA LÉGENDE D’HERVI DE METZ

comme cy devent est dit, et après qu’il eust ledit Guérin et Bégonnet,
avec aucy sa premier fille, nommée Heluis, il fut cy très pouvre et
indigent de tous bien, par sa grant prodigallité, qu’il estoit a pain
cjuerir. Et avoit tous destruit son biaulz frère Baudri, qui par avent
estoit ung grant riche merchamps. Et alors la belle, voiant leur grant
nécessité et pouvretez, fist ung drap ouvrés de soye auquelle estoit
en pourtraicture le roy Hutasse de Thir, son perre, et la royne sa mere,
et son frère le roy Fleur de Honguerie. Puis elle ce avoit mis au vif,
au deux genoult, devent eulx. Et, cen ce qu’elle eust encor dit à son
marit à qui elle estoit fille, elle envoiait vandre ledit draps en Thir par
ledit son mary, et luy enseignait cornent il devoit dire et faire.
Et per cellui draps recouvrit grant trésor, et eust congnoissance dez
parans sa femme, la belle Beaultris ; mais il y fut en grant dangier
pour tant qu’il ne voult jamais congnoistre qu’il sceust qui avoit lait
ledit draps, car la belle luy avoit defïandus ; et disoit ledit Hervey
qu’il l’avoit achetés en Surie. Puis, ce fait, c’en retournait a Mets, et
fist plussieur vaillance par le chemin, et conquist grant trésor.
Et le roy Hutaisse le fist secrètement suyr jusques tout dedens Mets
Et luy en fut rapourtés lez nouvelles par les espie, cornent a Mets estoit
Biaultris la belle, et qu’elle avoit desjay trois biaulx petit anfïans du
merchamps qui avoit vandus le draps. La chose fut tenuee secrette
entre eulx. Et, après plussieur languaige, conclut le roy Fleur de
Honguerie, son frère, de ce mestre en voye avec petitte compagnie et
de trouver manier de la ravoyr, comme il fist. Mais nous lairons à parler
du roy Hutasse et de luy ; et vous dirés de Hervey.
Quant le noble Hervey fut venus à Mets, et que le préyost Thiérey,
son perre, soit la grant richesse qu’il ramenoit, et aucy qu il soit que la
belle Beaultris estoit fille de roy et de royne, et que le puissant roy
Fleur de Honguerie estoit son frère, cy c’en allait ledit prevost gecter
au piedz de la belle et luy criait mercy. Et, avec ce, luy priait qu 1
volcist faire la paix de luy et de son filz. Car ledit Hervey haioit Son
perre merveilleusement, pource qu’il l’avoit heu bams de cez biens et de
la terre. Toutefïois la paix en fut faicte ; et furent mandes tout leur
amis, et firent grant joye et feste par l’espace de quinze jour.
,
Auquelle tamps le duc Pier de Mets retournait d oultre mere, la ou
il avoit moult longuement estés et par l’espaisse de XX ans, en menant
guère aus Sarasins, comme cy devent avés oy. Et ne sÇay°* enc0_
ledit duc ce sa fille Aelis avoit heu nul anfïans du prévost Thierrei
Mais, quant il vit Hervey avec cez trois biaulx petit anfïans qu il avoit
desjay de la belle Biaultris, il démenait grant joye, parquoy la feste tut
ranforciées
Durant celle feste, on rapourtait nouvelle au duc Pier que son frère,
le duc de Braiban, estoit mort, et luy estoit escheutte la duchies. Et les
nobles du pays luy mandoient qu’il ce haitait, car le roy Anceis ne
Golloigne lez avoit assigiés à Louvains ; et prétandoit ÿcelluy roy

166

LA LÉGENDE D’HERVI DE METZ

à avoir droy en la duchiez, ad cause de sa femme. Pour ces nouvelle
fist le duc Pier son armée, de laquelle il fîst chief et capitainne le duc
Hervey ; et ce desmist ledit duc Pier en la main dudit Hervey de la
duchiez de Mets et de tout le pays. Et ce pairtirent les dessusdit de
Mets ; et firent tant qu’en brief espaisse vinrent en Braiban, là où il
heurent plussieur grant baitaille contre le roy Anceïs de Collongne.
Et fut ledit roy desconfis par la vaillance du duc Hervey, et c’en fuyt
à Collongne, sa citez. Et le voulloit ledit Hervey aller aségier ; mais
aultre nouvelle luy sont venue, qui guère ne luy furent plaisante, et
par lesquelle il fut de son voiaige détournés, en la manier comme cy
après serait dit.
Or lairez à pairler du duc Pier et de Hervey pour le présant ; et vous
dirés du roy Fleur de Honguerie. Lequelle fist tant par ces journée qu’il
arivait à Mets, et ce présantait a prévost Thierrey, et luy fist acroire
qu’il estoit filz à ung riche marchamps de Rouuan, et qu’il avoit tué le
filz d’ung aultre marchamps : « Parquoy », dit il, « force m’est estez de
m absentir du pays pour une espaisse de temps, jusques acort y soit
trouvés ». Et, après biaulcopt de parolle, fist tant par don et per pro­
messe qu’il fut en la graice dudit prévost Thiérey. Puis, ce fait, il
louuait en la main dudit prévost ung biaulx gerdin et lieu de plaisance
qu il avoit hors de Mets, essez près du lieu où est maintenant Nostre
Damme aus Champs, lequelle lieu ce solloit appeller aux Airaine.
Et là ce thint ledit roy Fleur, mais nullement ne ce monstroit à sa
suer. Et fist tant ledit roy que, ung jour, il convoiait au diner celluy
Baudry, duquelle nous avons pairlé, et qui estoit serourge le duc
Hervey ; et luy priait fort qu’il amenait Biaultris avec luy, comme il
fist. Et, lors que le roy lez thint en son menoir, il liait Baudris à une
estaiche *1 et tout les aultre aucy, et enmenait la belle par force et
malgré elle, laquelle faisoit plussieurs complainte pour cez anfîans
qu’elle laissoit.
Et, quant cez nouvelle en vindrent au duc Hervey, il laissait le
sciège de devent Collongne, et print grant nombre de ces gens des
plus ellus, et c’en allait après Biaultris, sa femme, la cuidant rescoure
sus lez chemin ; mais il n’estoit possible. Et fut la belle randue à son
perre, lequelle mandait tantost a roy d’Espaigne qu’il l’envoya quérir.
Or fist tant espier ledit Hervey qu’il soit toucte la vérité, et com­
ment le roy Hutasse, comme dit est, avoit mendés au roy d’Espaigne
qu’il l’envoiait bien tost quérir. Et firent acroire qu’elle avoit esté
perdue et c’estoit tenuee en une religion de damme, là où elle avoit
gairdé sa virginité. Ledit Hervey fist tant par ces espie qu’il sost le
jour c’on la a devoit mener en Espaigne. Et ce mist en ung esgait, là où
furent assaillis lez Espaignolle, lesquelle estoient en moult grant
M. : l’en la.
1. Poteau.
a.

LA LÉGENDE D’HERVI DE METZ

167

nombre, et estoient plussieurs millier ; et à la fin furent les Espaignolle
desconffis, et fut rescousse la belle Biaultris, et y conquestait ledit
Hervey moult grant richesse. Puis, ce fait, firent tant par leur journée
qu’il retournirent en la cité de Mets. De leur venuee fut le prévos son
perre et tout le puple resjoys.
_
Mais, pour icelle heure qu’il vint, estoit le duc Pier à grant meschief.
Car, quant le roy Anceïs sceut le despairt du duc Hervey, il renforsait
son'armée et c’en allait de rechief mestre le sciège devent Louvain, et
thint le duc Pier de cy près que force luy eust estez de ce randre, ce ne
fut le noble Hervey, qui bien an haite luy donnait le secourt. Et, après
plussieurs grant baitaille heues, ledit Hervey desconfist de rechief le
roy Anceïs, et le chaissait jusques tout dedent Collongne, là où ledit
Hervey l’asségeait, et plussieur assault y donnait.
Mais je vous dirés du roy d’Espaigne, lequelle, quant il soit le ravisse­
ment de la belle, il fist son armée, moult grande, là où furent plussieurs
roy. Et, avec ce, mandait le roy Hutasse et le roy Fleur qu’il ce trou­
vasse à ung jour dit devent Mets avec leur puissance, sur painne
d’estre réputés traistre. Et il n’osairent désobéir, car moult fort les
menaissait ledit roy d’Espaigne. Et, quant il vinrent devent Mets, il
mirent le sciège en plussieur lieu, et gaistairent fort le pais en destruisant vigne et gerdin, et firent du mal biaulcopt. Et n’en sçavoit encor
rien le duc Pier ne le duc Hervey, car il estoient devent Collongne, com­
me dit est, tenant essigiez leur annemys.
Quant le noble duc Hervey soit ces nouvelles, tout incontinent alait
trouver manier de faire paix et alliance à Anceïs, roy de Coullongne.
Lequelle ne sçavoit rien de tout cecy, et fist moult volluntier la paix,
et promist au duc Hervey de le servir en toucte cez nécessité, luy et le
roy Odairt d’Escosse, et aucy le roy de Frise. Et, alors que la paix fut
faicte, le noble Hervey leur contait sa grant nécessité ; et firent moult
grant assamblée de gens. Mais le roy d’Espaigne, aprez ce quil avoit
heu plussieur baitaille a Messains, et voiant qu’il n’y pouvoit rien faire
de son prouffit, et aussy quant il sceust l’airmée du duc Hervey, alors
il print conseil à cez gens, et parlait au prévost Thiérei, et firent paix
ensamble, et levait son sciège, et en grand regret c’en retourne en
Espaigne, son païs. Et le roy Hutasse de Thir et le roy eur e on
guerie c’en vinrent ce tenir à Mets, en atandant la venue du duc Hervey.
Et luy furent au devent à son antrée à Mets, et ce firent moult grant
feste et joye ; et furent toutte paix et acort fait entre eulx. Puis apres
ce que le roy Hutasse eust estez bien fatoiés *, il print congiez du duc
Hervey, et baisait sa fille et cez biaulx avelet, Guérmet et Begonnet,
et c’en retournait en Thir, son reaulme, et le roy Fleur en Honguene.
Et c’en retournirent toutte les armée, et tous les seigneurs retournairent chacun en son pays.

1. Festoié.

168

LA LÉGENDE D’HERVI DE METZ

Longuement fut le duc Hervey en grant prospérité, après la mort du
duc Pier, tant que lez Hongre et Wandre vinrent destruisant toutte
France. Souverainnement furent devent Paris, Sans, Soixon, Piains et
Troye, là où ledit Hervey fut avec son armée en l’ayde du roy Chairle
Martel, comme cy devent ait estés dit. Et, après qu’il eurent gaigniez
plussieur baitaille, fut ledit Chairle férus et desplaié devent Troye, de
quoy tost après il mourut.
Celluy Chairle avoit heu en son tamps plussieur baitaille et grand
victoire en l’encontre ces annemys. Entre lesquelle il oit grant guerre
en l’encontre de Géraird de Roissillon, laquelle, comme raconte aulcune
istoire, fist moult de domaige au royaulme de France, car celle guerre
fut aipre et mortelle, et a grant préjudise et domaige de plusieurs gens.
Pépin consacrés roi per l’ayde du duc Hervei. — Et, après sa mort,
fut fait roy de France ledit Pépin, son filz ; lequelle, cens l’ayde du
duc Hervey, ne le fut point estez, car il avoit plussieur contredissans.
Mais, tantost après, il fut coronés et sacré à roy par sainct Boniface,
archevesque de Mayance ; et raignait loingtemps.
Touttefïois en fut ledit Hervey mal rémunérés. Car, grant tamps
après que lesdit Hongre et Wandre furent deschaissé de France, il ce
rassamblairent et vinrent mestre le sciège devent Mets. Et alors c’en
allait le duc Hervey en France demandés ayde a roy Pépin ; mais,
par malvais conseille, il luy fut ranfusez. Cy c’en retournait bien maris
et dollans ; et, avec l’ayde de cez amis, ce frappait esdit Wandre et
Hongre, et lez desconfist, et lez enchaissait deux ou trois lieue loing
de la cité, en ung lieu nommé Ancerville.
La mort du duc Hervei. — Et alors, par malle fortune, en ycelle
chaisse fut fraipés ledit Hervey d’ung trait d’airbellette, duquelle
il mourut. De quoy ce fut pitiet et domaige.
Guérin, filz au dit Hervei, thienl le paiis messains. — Aprez sa mort
thint le pays le Lhorains Guérin, son filz. Et, après plussieur chose que
je laisse, eust ledit Guérin moult grant et merveilleuze guere, et qui
moult longuement durait, comme son livre le mest, encontre le conte
Fromon de Lan en Lainoy, et encontre Fromondin, son filz, et leur
lignié, tel comme Bernaird du Naisil, Guillamme l’Orguilleux de
Monclin, et l’évesque Lancellin de Verdun, et plussieur aultre. Les­
quelle, aprez plussieur baitaille, tuairent et murtrirent en traïson ledit
Guérin on fon de Genivaulx, à deux petitte lue de Mets.
Et, depuis, vint son filz Gilbert, lequelle toutte sa vie mainthint
celle guerre en l’ancontre de cez annemys ; de quoy plussieurs ressurent
mort, entre lesquelle y fut tué le duc Baigue de Bellin, son oncle.
De quoy la guere ce ranforsait tousjour de plus fort en plus fort ;
tellement que, à la fin, le conte Fromon, après ce qu’il fut desconfis,
s’en aillait randre Sarrasin. Et fist encor son filz plussieur guere et
baitaille, lesquelle je laisse pour abrégiés. Lisez son livre (et là il est
escript), lequelle moy meisme, le composeur de cez cronicque, ait heu
mis des rimes et vielle chanson de gecte tout en prose et par chaipitre,
comme chacun qui le voulrailt lire peult veoir et oyr.

SAINT SIGEBAUD, TRENTE-SIXIÈME ÉVÊQUE DE METZ (708-741)

169

Cy lairons à pairler dudit Guérin et de ces fais quant à présans, e t
retournerons aulx évesque de Mets et a fais vertueulx du roy Pépin.

[SUITE DES ÉVÊQUES DE METZ

PEPIN LE BREF]

Maintenant lairons à parler des fais vertueulx du devent dit Guérin
et de toucte sa généalogie, et retournerons au fais des évesque de Mets,
et qui estoit cellui que en cellui tamps tenoit le sciège de ladicte éveschiés. Puis retournerons à parler des fais vertueulx du roy Pépin.
Sigibaldus, xxxvje évesques, et ihint le sciège xxv ans. — Premier,
quant a fais des évesque, je trouve que en cellui tamps tenoit le sciege
et estoit évesque d’icelle cité ung révérand prélas nommés Sigibauld,
ou en latin Sigibaldus, lequelle fut le XXXVI* évesque d’icelle éveschié. Et thint le sciège XXV ans, dessoubz Estenne et Polie \ pappe,
on temps de Constantin, empereur, devantdit, et Lion le quart ; et fut
de moult grant lignié attrait, et s’enforsoit de tout son povoir d avancier et d’agrandire Saincte Église, et quant au temporel et à 1 espintuel.
Et fit et fondait deux abbayees, c’est assavoir Nuefviller et Crofsto t .
Et, combien qu’il souffrit diverses maladies, car il estoit contrait par
maladie et avoit lez ners des piedz retrait, non pour quant adez s entorsoit plus de raipparillez l’Église et de labourer pour le bien comun.
Et, que plus est, par mainte foix, par la vertus et grande devocion et
aucy par bonne perfection qui estoit en luy, il garissoit des maladies
dez corps ; et menoit saincte vie à l’exemple de Jhésu Cnst. Et morut
en novembre ; et fut ensepvelly en l’église de Samct Simphonen
devent les porte de la cité.
Et, en son tamps, régnoit encor en France le deventdit Pépin le
nain, qui oit à femme la fille Éracle, l’empereur de Romme, comme
aulcuns dissent, qui avoit nom Berte. Mais en ce y est erreur manifeste,
et n’est pas l’opinion de maistre Jehan de Belge, ne de plusieurs aultre ,
car il y avoit tropt grant distance et intervalle de temps entre deux.
Mais il est à croire que possible elle estoit venue et dessandue de celle
raisse, et que le roy Fleur de Honguerie, duquelle nous avons ycy devent
parlés, estoit venus de la lignié dudit Éracle.
Pépin oit ij füz, c’est assavoir Carolomanus et Chairlemaingne.
Touteffois, de qui elle fut fille, il est à croire, cellon plusieurs acteur,
lesquelles tous ce ensuivent, que d’elle dessandit le grant roy Chairlemaigne, qui fut roy et ampereur, et qui fut filz audit Pépin et a ladicte
\\ N euwîuer” B as-Rhin ,B S av ern e, La Petite-Pierre ; Craufthal, commune d’Eschbourg, ibid., id. id.
3. Perclus, contrefait.

170 SAINT CHRODEGAND, TRENTE-SEPTIÈME ÉVÊQUE DE METZ (742-766)

Berte. Cellui Pépin oit deux fîlz, dont l’ung oit non Chairlemaigne *1,
et l’aultre fut le devant dit Chairle le grand. Et oit celluy Pépin plu­
sieurs grand guerre, desquelles je me despourte quant à présant.
Toutefïois je lairés ung peu à pairler de luy, et vous dirés de l’évesque
Grodegans, lequelle en son tampts fut l’ung de ces mignons et famillier
domesticque, comme cy après serait dit.
Grodegandus, xxxvije évesques, thint le sciège xxiij ans v mois. —
Grodegans, en latin Grodegandus, fut le XXXVIIe évesque de Mets,
et fut neiz de Hasban. Son perre fut appellé Frigans [et sa mère] a Landrada, que furent extra dez roialz de France ; et fut en ces jonne jour
noris Grodegans on pallais de Chairle Martel, et fut son principal
chambrelain. Il fonda des moinnes à Sainct Pierre le Viez, devant la
Grant Esglise de Mets ; et estoit alors Sainct Estenne paroche. Et
puis après, au temps du deventdit Pépin, fut il esleu pour évesque de
Mets. Il estoit beau de corps et de face, très bien parlant et en son droit
languaige et en latin ; et souverainnement il estoit charitable aux
povres et orphenis et aux vefves dammes, et s’appelloit père et garde
des membres de Jhésu Crist. Et, pour son sens et sa trèsgrande sapience,
le roy Pépin l’envoya au pappe Estienne, duquelle nous parlerons icy
après. Et fît tant qu’il enmenait ledit pappe en France, et consacra
les deux anfïans du roy, c’est assavoir le grant Charle et Chairlemaigne,
et les fit roy de France tous deux. Et fist ledit Grodegans toucte sa
clergie demourer ensemble si comme [en] a ung cloistre, lequelle cloistre
est encor a Grant Moustier de Mets ; et leur donna riègle de vivre en
Saincte Église ; et leur asséna rentes pour leur vie maintenir honestement, pour tant et affin qu’ilz ne fuissent occupés en aultres choses
fors que à Dieu priez. Et leur fist dire leur office à l’uzaige de Romme.
Le ceur et l’aullelz de Sainct Estienne de Mets fait, et aul[tres] édifices.
— Cestuy cy, à l’ayde du roy Pépin, fit faire le cuer et l’autel dudit
Sainct Estienne de Mets, et le revestiaire 2 ; et, à Sainct Pierre, il fist
faire le presbitaire ; et fist aussy faire le loitry 3 du cuer 4 de Mets, tout
couver d’or et d’argent, à archet par entour. Et puis fonda l’abbaie de
Sainct Pierre deventdicte en la paroche Sainct Estenne, et y donna
grant rentes et grant polcession, et y mist des moinnes de sainct
Benoy, comme dit est.
L’abahie de Gorse édifiée; iij corps sainct translatés. — Item, aussy
il fist et édiffiait l’abbaye de Gorze, et là envoya et mist grant compaignie d’iceulx moinnes de la rigle de sainct Benoy. Puis, ce fait, s’en
alla à Romme et demanda a pappe Polie trois corps sainct, c’est assaa. Ces mots ont été oubliés par Philippe.
1. Carloman.
2. Sacristie.
3. Letrier, lectrier. Ce mot, que Godefroy traduit par « lutrin », désigne bien plutôt
une sorte de « jubé » (HÉv., p. 163).
4. Philippe a oublié ici les mots : de Saint Étienne. Il me paraît évident que ce
letrier n’a pu être fait à Saint Pierre, comme l’a cru Meurisse (loc. cit.J.

PÉPIN LE BREF EN ITALIE (754-755)

171

voir le corps sainct Grégoire lequelle il mist à Gorze ; puis le corps
sainct Avoult 12 et le corps sainct Anazar 3, et les mist en une abbaye
qui est oultre le Rin ; et l’appelloit on encor alors Sainct Avoult, et est
ladicte abbaye fondée en l’honneur de luy. Cellui notauble prélas
l’évesque Grodegant fut en son tamps ung hons lairge et almosmer,
chaiste et honeste, et le réconfort des povres gens et des pellerms.
Et, pour tant que se seroit longue chose à raconter sa saincte vie, je
m’èn passe à tant. Toutefïois, je dirés encor ce mot. Car, durant sa vie,
il fist et sacra maintes évesques en diverses cité, et faisoit ces ordres
en temps deheus, si comme il apparthient. Et thint le sciège XXIII ans
cinq mois et cinq jour, desoubz Hirin et Nicephoro et Staurache et
Michiel, empereur 4. 5Et morut en mars, on tamps du roy Pépin devant
dit ; et fut ensevelly à Gorze. Et vauca le siège après sa mort deux ans
VI mois et IX jours.
Grant gellée. — Item, en celluy temps, il fit sy très âpres et mer­
veilleuse gellée que, dès les kalendes d’octobre jusques en febvner, la
mer fut à cent mille de la terre prinse par force de gellée, tellement que
la glace avoit XXX piedz d’espès. Et, quant icelle gellées cessèrent
il sambloit, des pièces de glaces que les ondes gectoient et entepelloient
l’une sur l’aultre, que se fussent grant montaignes.
Sainct Gegoulx florissoit. - Aussy, en celluy tamps, fut samct
Gigoulf en Bourgogne, lequel estoit homme mariez, et fut de grant
saincteté.
Eslienne, pape, ordonnait de chanter en l’Église « Gloria in excelsis». —
Item, en cellui tamps, après la mort du pappe Zacharie, cy devent
nommé, pappe Estienne fut elleu et constitués en son lieu ; et thint le
sciège papal plusieur année. Cellui Estienne, qui estoit ung viay
preudhomme, fut depuis martirisez soubz l’empereur Constantin.
Et fut cellui sainct Estienne, pappe et martir, c’on dit le depuis neiz.
Cellui sainct Estienne, en son tamps, ordonnait à Romme ung concilie,
auquelle fut estaublis de dire le Gloria in excelsis en la messe ; car,
devent ce concilie, on n’en disoit point 6.
.
Pépin victorieux. - Aussy, durans le temps du deventdit sainct
Estienne, il oit grand question en l’ancontre Hastulphe, roy d Italie,
lequelle luy husurpoit sa terre ; parquoy ledit pappe Estienne c en
vint à Paris pour demender ayde a deventdit roy Pépin en 1 encontre
1. Saint Gorgon. Philippe aura mal résolu les abréviations.
,
2. Saint Nabor. — Saint Avold (Moselle, Sarreguemmes) a porte successivement
les noms d'Hilariacum, Nova Cella, Saint Nabor, Saint Avold.
.
Nabor3. Saint Nazaire. Le corps de saint Nabor a été dépose à Hdanacum^amt Nabor
Saint Avold ; le corps de saint Nazaire à Lorsch (Lauresham), Allemagne, Hesse,
cercle d’Heppenheim.
4. Irène, Nicéphore Ier, Staurace et Michel Ier le Curopalate.
5. D’un verbe entapeler, formé sur taper, jeter violemment par-dessus .
6. Il s’agit ici de saint Étienne II, 94= pape (Mas-Latrie) Ph.hppe a confondu
Saint Étienne I-, 23= pape, Saint Étienne II, et d’autres saints du nom dÉtienne.
L’expression depuis né ne s’applique-t-elle pas au premier mar
, -pom
moment de leur découverte, « bondissent et se raniment » f (Dom Cabro:cet Dom
Leclerc,-Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, t. ,
P
>


172

MORT DE PÉPIN LE BREF (783)

dez Lumbart, et spéciallement pour combaitre ledit Hastulphe, roy
d’Italie. Lequelle il conquist par deux foix, et fist randre audit Has­
tulphe tout ce qu’il tenoit du pappe, et qu’il lui avoit ostés. Et veult
on dire que à celle guere y estoit le Lhorains Guérin, de Mets, et son
frère, le vaillant duc Baigue de Bellin.
Mais, pour revenir a prepos, quant ledit pappe Estienne vint premier
à Sainct Denis en France parler a roy pour luy demender ayde, comme
dit est, il le sacra et confirma à roy, et puis lui donna sa bénédiction,
à luy et à toucte sa famille. Et tantost ledit Pépin fist son armée pour
mener oultre les mons, comme dit est. Et, en ce voiaige, conquist encor
plusieur aultre pays et cité en Ytallie, lesquelles il donna et délivra à
l’Esglise romainne, telz comme la cité de Romme, avec toucte sa jurediction et ses appendences, ensemble touctes les terres, portz et havres
de la plaige romainne, Civita Veche, Viterbe, Pérouse, la duché de
Spolette, et aultres villes et places de leur appartenance. Et, du cousté
de la mer Adriaticque, l’Exarcat, c’est à dire la principaulté impériale
de Ravenne toute entière, c’est assavoir la cité de Ravenne, Forlif,
Fayence, Imole, Bouloigne, Ferrare, Comacle, Cervie, Peserere,
Arimine, Fane, Senogalle, Ancône, Urbin l, et toucte la contrée qui se
dit aujourd’huy Romaignolle. Et, d’aultre part, en la campaigne
néapolitaine, la duché de Naples, qui maintenant est royaume, Capua,
Bonivent, Salerne, et Calabre haulte et basse. Encoires, oultre ce, les
isles situées en la mer Thirrène, Sicille, Corsègne et Sardaigne. Toutes
lesquelles terres, après que Pépin les eut recouvrées des mains des
tirans qui les occupoient, jà soit ce qu’elles fussent du tenement de
l’empire romain, et que le prothospataire 2, qui vault autant à dire
comme le conestauble de l’empire, se opposast à ceste donacion on
nom de son maistre et y réclamast tant comme il luy estoit possible,
tout ce nonobstant, le pappe et l’Esglise romainne acceptèrent ce don,
et le firent depuis confermer par l’empereur Charles le grand et par son
filz Loys le débonnaire, et, conséquemment, par les aultres empereurs,
Othons, Henriz et leurs successeurs.
Pépin mort, l’an vijc Ixviij. — Ledit Pépin fist encor en son temps
plussieur chose digne de mémoire. Puis, quant il oit tenus le royaulme
plusieurs année, il cheust en grand malladie en retournant de Tours,
de laquelle, lui venus à Paris, il trespassa ; et fut en l’an VIIe et LXVIII.
Il laissait deux filz de Berthe, sa femme, c’est assavoir lesdit Chairle
et Garlomanus.
Robert le Diable. — Et en ce tamps fut Robert le Diable, comme le
mest Gauguin, lequelle fut tant malvaix à son commensement ; puis il
fist pénitence et fut bon à la fin.
[A)milles et Amys. — Aussy, en ce meisme tamps, furent en France
deux anffans frère, dont l’ung ce nomoit Amis et l’aultre Amille, qui en
1. Cette liste comprend un certain nombre de mots éeorchés : Comacle (Comacchio),
Peserere (Pesaro), Arimine (Rimini), Senogalle (Sinigaglia).
2. Sur ce titre assez extraordinaire, voyez Du Cange, à l’art, protospatharius.

CHARLEMAGNE, ROI DE FRANCE ET EMPEREUR

173

leur tamps firent de grande merveilles, desquelles à présant je me
despourte. Lisés le livre que de leur vie est faicte, et là vous le trouvenrés
Adriens, cent et xvij* pape. - Aussy, en ce tamps, après la mort dudit
sainct Estienne1, en l’an XXXI® de l’empire Constantin, Adriens 2
fut fait pappe de Romme ; et fuit le cent et XVII® depuis le temps
sainct Pierre.
Mais nous lairons ung peu à parler des pappe et des évesque, et
dirons quelque chose du resgne du très victorieulx et puissant prince
Charlemaigne, roy et ampereur, et filz au deventdit Pépin.

[CHARLEMAGNE, ROI DE FRANCE
SUITE

ET

EMPEREUR ;

DES ÉVÊQUES DE METZ]

Charlemaingne, roi de France et empereur. — Après ce que le roy
Pépin fut trespassés en la manier que ey devent avés oy, fut constitués
et sacrés roy de France le trèsillustre, trèsvictorieulx et puissant
prince Charlemaigne, son filz, duquelle et de ces vaillans et vertueulx
fais sont plusieurs voullume et gros livre fais et ramplis. Car celluy
Charles en son tamps fist tant de merveille et vertueulx fais d airme,
luy et les siens, en esSaulsant la saincte Fois catholicque et en confon­
dant ces annemys, que à tousjourmaix en serait mémoire. Son frère
Carlomanus ne vesquit pas longuement, parquoy toute 1 empire
escheust audit Chairles.
.. , ,
Plussieur conquesle de Charlemaingne. — Et, tantost apres, il fut
esleus avocat et voiéz de toucte Saincte Esglise ; et puis passa sur les
payens et conquist Jhérusalem et raporta les précieuses relicques,
c’est assavoir la corronne don Dieu fut corronnés, et plusieurs aultres
grans relicques, ensi comme il est contenus en ung livre qui est appeliez
le Woiaige Charlemenne, auquel livre on lict que l’empereur de Constantinoble luy donnait une grant partie d’icelle relicque. Et puez le voult
tanter d’avarice, car il fist gecter et espandre grant quantité d or et
d’argent par le chemin où le roy debvoit passer ; maix ces gens estoient
sy enfermez du cas c’onque nulz n’y touchait. Pour laquelle chose il est
encor maintenant honnoré entre les Grec ; et luy fit on de moult grans
et précieulx dons de drapz de soye et pierres précieuses et de aomement
Et puis il se partit de Gonstantinoble et retournait en France. Et,
quant il vint à Paris, il fit assembler tous les évesque du royaulmes et
de plusieurs aultre régions, et fit ordonner une journée, par bon con­
seille, pour honorer les sainctes Relicques tous les ans une fois . et
2'. Adr^n^po^te^e1n° 97 dans la liste de Mas-Latrie (XCVI est une faute d’im­

pression).

174 SAINT ANGILRAMN, TRENTE-HUITIÈME ÉVÊQUE DE METZ (768-791)

est appellé le jour dez Pardons ; et à celle journée est pardonnez le thier
des péchiez de tous ceulx qui sont présant. Et cil Charles fut cil que plus
honnorait et exaulçait Saincte Église entre tous les autres roys qui
oncque furent en France. Et, tous l’or et l’argent dont les aultres roys
avoient adorés les ydolles, il les convertit on prouffit de l’Esglise.
Et fit celluy Chairle en son tamps encor moult d’aultre chose digne
de mémoire. Car il fut requis du pappe Audrian, premier de ce non,
de le aydier et secourir encontre Désir, roy de Lombardie, qui lui
faisoit tort de ces terre et signeurie. A quoy ledit roy Charle ce amploiait, et destruisit tellement le royaulme de Lumbardie que depuis
en ce pays n’y oit roy. Et avoit cellui royaulme durés l’espaisse de
deux cent et quaitre ans. Et en celle guerre furent tués les deventdit
deux frère, c’est assavoir Amis et Amille, desquelles j’ay cy devent
p airlés.
Mais nous lairons ung peu à parler de luy, et dirons qui en ce tamps
tenoit le sciège de l’éveschié de Mets.
Angelanus 1, xxxviije évesque, thint le sciège xxxiij ans. — Le
XXXVIIIe évesque de Mets fut appellés Angelamus 1 en latin, et en
romant ce fut Angarant. Et fut cellui le principal chappellain du
pallas au deventdit Charle le Grant.
Charlemaingne créés empereur premier du paiis d’Alemaingne. — Et
fut en son tamps ledit Charle créé pour le premier empereur d’Allemaigne. Car ladicte ampire fut alors translatée en la main dudit Charle
le grant, par telle manière comme cy après serait dit.
En ce tamps il y oit ung empereur à Romme, que fut appellé Lion,
que par son orgueille fit destruire et brixier les ymaiges de touctes les
églises de Romme. Le pappe le condempnait et fit tant que il le tint
et le mist en prison. Et, quant les Romains le sceurent, ilz prindrent le
pappe et luy voulloient crever les yeulx.
Le pape restably per Charlemaingne Van vijc iiijxx et ij. — Mais Dieu
ne le volt mie souffrir. Ains luy donna Dieu espace qu’il allait à refïuge
par devers celluy Charles le grant, roy de France, comme cy après
serait dit ; lequel le receust moult honorablement, et le ramena en
propre personne à Romme à forces d’armes, et le restaublit en son
siège. Dont il avint que, le propre jour de Noël, celluy pappe consacra
ledit roy Charles en l’église de Sainct Pierre et l’institua empereur.
Et fut fait l’an de l’Incarnacion Nostre Seigneur VIIe IIIIXX et deux.
Et n’y avoit encor à cest tamps nus électeur en l’empire, ains alloient
par lignié du perre a filz.
Mais, pour revenir a propos dudit évesque Angarant, entre ces aultres
bon fait, il fist faire une esglise qu’est appellée Nowesse 2, et est ense-

1. Saint Angelramnus.
2. Saint-Avold, Moselle, Sarreguemines, dans le monastère duquel saint Angel­
ramnus était enseveli, a porté successivement les noms de Büariaoum (vr« s.), Nova
Cetta (vin* s.) et Saint-Nabor.

CHARLEMAGNE COURONNÉ EMPEREUR D’OCCIDENT

(800)

175

velly léant ; et tint le siège XXXIII ans et XXIX jour, desoubz
Adrien et Lion devantdit, et Estenne le thier pappe de Romme.
Et morut on moix de décembre.
Hyrenne thient l’empire. — Puis, après la mort dudit Lion, tint
l’empire de Romme Hyrenne, avec son filz Constantin, et régnèrent
dix ans 12. On temps desquelx fut trouvé à Constantinoble, en ung sépul­
cre anciens, la teste d’ung homme mors, en laquelle estoient ces mot
escript : « Criste naisterait de la Vierge ; je crois en luy ; ô soleil ! tu me
veras de rechief. »
Les estude instituée à Paris. - Et, en celluy meisme temps, furent
premier institués les estudes à Paris ; de la manier comment ce fut,
je le lesse, à cause de briefvetez.
Division entre Hirenne et Constantin, son filz. — Pareillement en
celluy temps, l’an troisiesme de l’empire Hyrenne, mère à Constantin,
et dudit Constantin, son filz, ledit Constantin privait sa mère de
l’empire ; et régnait tout seul VII ans. Et puis Hyrenne, qui se deulloit
de la confusion que son filz luy avoit fait, fit tant qu’elle le print et luy
ostait les yeulx de la teste ; et régnait seulle quaitre ans.
Lion, pape, afligés per les Romains. — Et en icelluy temps estoit le
dit Lion pappe de Romme, auquel paireillement les Romains crevèrent
les yeulx, et luy coppèrent la langue ; lesquelle miraculeusement luy
furent rendus. Et la cause fut pour ce que ledit pappe avoit envoyé à
Charles deventdit les clefz et les banniers sainct Pierre.
Charlemaingne comence à régner sus les Romains l’an vif iiijxx et deux.
- Item, aussy en ce tamps, le thier ans de l’empire de Hyrenne, qui
estoit femme, les Romains firent conspiracion contre elle, et avoient
grant despit de ce que femme avoit la signorie sur eulx ; et pour ce, de
comung assentement, il voult crier au roy Charle louenge impérialle ,
et fuit coronné à empereur par la main pappe Lion, et l’appellèrent
César Auguste, comme nous dirons cy après. Et avoit desjà régné
loing tamps devent sur les François. Et acomença à régner sur les
Romains en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur VIIe II11XX et deux,
comme cy devent est dit. Et y régnait XII1I ans.
L’empire de Romme et de Constantinoble divisée. - Et ensy fut devisée
l’empire de Romme de l’empire de Constantinoble, après ce que le
grant Constantin avoit translaté l’empire de Romme à Bisance, qui
maintenant est appellée Constantinoble, 1111e et LXVIII ans, selon
que récite Turpin, archevesquez de Rains.
Mais nous lairons à parler dudit évesque, et retournerons au fait
vertueulx du devent dit Ghairle.
Chairlemaingne dessendus de la lignée de sainct Arnoli. — Or, main­
tenant, veult retourner a fais du noble Charlemaigne. Et, premier,
n’est à oblier de vous monstrer cornent ledit Charle dessandist de la
1. Étienne IV ou Étienne V, 99» pape.
2. Léon IV, le Khazare ; Constantin V, et Irène.

176

DONS DE CHARLEMAGNE AUX ÉGLISES DE METZ

lignié de sainct Arnoult, évesque de Mets, parquoy il amait toucte sa
vie ladicte cité ; et ce y tenoit voulluntier a, luy et Hildegart, sa femme ;
car c’estoit alors de sa haulteur et signeurie. Et aussy, luy et sa dicte
femme firent de grand biens és église d’icelle, souverainnement à la
grande esglise Sainct Estienne et à l’esglise Sainct Arnoult, duquelle il
estoit dessandus, comme il serait dit icy après. Et, premièrement, est à
nocter, comme cy devent ait desjay estés dit en la vie sainct Arnoult,
que ledit sainct Arnoult engenrait Aussuse L et Aussuse engenrait
Pépin, et Pépin engenrait Charle Martel, et Gharle Martel engenrait
Pépin le nain, lequelle fut le premier roy de France de son lignaige ; et
cellui roy Pépin engenrait Charles le grand, qui fut roy et empereur,
et duquelle à présant je pairie.
Les propriélés et force de Chairlemaingne. — Item, cellui Charles
estoit moult beau personaige, moult hault et moult puissant de corps ;
et avec ce avoit grant force, et sambloit de ses yeulx que se fussent
escarbocles. Et estoit ung moult grant mangeur, corne récitent ses
histoires, et pourtoit grant barbe.
Le ban de Bazaille donnés aux chanoingne de Mets, et aullre dons. —
Cellui Charle douuait la Grande Esglise de Mets de moult grant rante
et signeurie, comme j’ay dit dessus. Et, entre les aultre, il donnait le
ban de Baisaille, depuis l’abisme jusques au ciel, tesmoing Rollant et
Ollivier, comme lez lestre qui de ce sont faicte le tesmoigne, que lez
chainonne d’icelle esglise en ont envers eulx. Et y donnait encor ledit
Chairle celle belle pier précieuse nommée ovunche ; car il amoit moult
l’église et la cité ; et y venoit souvant. Aucy faisoit ladicte Hildegairt,
sa femme, qui gist à Sainct Arnoult devent lez porte de la cité, en
laquelle église il firent de grant biens. Aussy firent ceulx de son lignaige,
comme cy après serait desclairés.
Mais, pour revenir a prepos, et comme nous avons jay dit dessus, il
advint que, en l’an VIIe IIIIXX et deux, il remist pappe Lion le thier
en son sciège, lequelle les Romains avoient dejectés hors de Romme ;
parquoy il mérita à estre ampereur. Et fut ce fait, comme dit Gauguin,
aprez ce qu’il oit gouvernés le raulme XXX ans ; et tellement que,
par une nuit de la nativité Nostre Seigneur, ledit Léon, par le con­
seille de toute la clergie, le coronna à Romme et le nomma Auguste,
qui fut ung nom très agréable aux Romains, et non pas moins à tous
les Ytaliens.
Chairlemaingne mys aux nombre des preux. —Cellui Chairle, comme
j’ai di devent, fist encor en son tamps tant de merveilleuse et grant
conqueste sur les infidelle et annemys de la foy de Jhésu Crist, tant en
Espaigne comme aultre part, qu’il mérita à estre mis au nombre des
preuz.
Plussieur prince chevalier de renom en la court Chairlemaingne. —
a. M : voullutier.
1. Anseghiselus, Anseghysilus, Ansegisilus (M. G. H., Scriptorum rerum merafin-

gicarum t. II, p. 522).

MORT DE CHARLEMAGNE (814)

177

Aussy, en son temps, furent en sa court tant de cy puissant et vaillant
chevalier, comme le mest plusieur istoire, que ce fut chose merveilleuze, telz comme Rolland, son nepveu, Olivier, Ogier le Danoys, le duc
Name de Bavier, Régnault de Montabant et ces frères, l’airchevesque
Turpin, Richair de Normendie, et plusieur aultre, qui tous furent
moult vaillant aus airme. Entre lesquelle celluy Rolland, en son tampts,
fut cy très preu et fist tant de vaillant fait digne de mémoire que
plusieurs biaulx livre en sont fait. Et fut sa mort la plus plainte dez
crestiens que jamaix fut de chevalier ; parquoy, encore aujourd’huy,
quant on plaint la mort d’aulcun, voulluntier ung aultre dirait que
« ce n’est pas la mort Rolland ». Et, pour sa noblesse, je vous veult dire
cornent il estoit nepveu audit roy Gharle. Il est assavoir que le roy
Pépin oit plusieurs anfïans ; entre lesquelles il oit une fille nommée
Berthe, qui estoit suer a devent dit Charlemaigne. Et fut celle fille
mariée à Millon, conte du Mans, lequelle Millon et ladicte Berthe furent
perre et mère au deventdit Rolland.
Gondulphus, xxxixe évesquez, thinl le sciège vj ans viij moi[s], — Aussy
vous dis que, en ycelluy tampts, estoit et tenoit le sciege de 1 eveschie
de Mets ung révérand prélas nommés Gondulfes, ou en latin Gondulfus,
lequelle fut le XXXIXe évesque de Mets ; et fut de saincte vie et dévote
conversacion ; et ne tint cellui évesque le sciège que VI ans et VIII
moix et VII jours, on temps et dessoubz Paschasse et Eugenère \
pappe. Et morut en septembre, on temps du deventdit Gharle le grant.
Plussieur belle ordonances instituée per Chairlemaingne. — Mais,
pour sçavoir cornent ycelluy noble Gharle fina ces jour, et quelle
chose il fist en son anciens eaige, je vous dis que, après ce qu’il eust
assenés terres et signeurie à ces trois anfïans, c est assavoir à Pépin,
son annez filz, le reaulme de Lombardie, et à Louuei Acquitainne, et à
Charles les contrée d’Alemaigne, après ce fait et achevis, il funda à
Aiz, en Allemaigne, une chaipelle en l’onneur de Nostre Dame. La­
quelle fut moult magnifiquement faicte, selon le temps de alors , car,
pour la plus enreschier 12 et descorer, il fit amener de Romme et de
Ravenne les collone qui y sont. Et, après ce fait, voyant que les champs 3
des églises se descordoient encontre de l’église de Romme, sy envoyait
deux clerc de ces pais icy à Romme pour aprandre le champs des
Romains. Et, quant il en furent bien instruict et aprins, il s en retournairent en ce pais icy, et les fit le dit roy premier apranre en son église
en la cité de Mets, en laquelle en son temps estoit desjay Drogo, son
filz, duquelle nous parlerons icy après, évesque d’icelle église de Mets.
La mort Chairlemaingne. — Et, après tout ce fait et achevis, la mort,
qui à tous est convenue 4, par une fîeuvre qui le print, à sa soixante
et XIIe année, le fist trespasser de ce monde, la quarante septiesme
1. Saint Pascal Ier et Eugène II, centième et cent unième papes.
2. Enrichir.
3. Chants.
„ ...
,
..
, ..
4. Convenir a eu le sens d’assigner en justice. Mais Philippe n avait-il pas écrit :
qui à tous est commune ?

178

DROGON, ARCHEVÊQUE DE METZ (826-855)

année de son reaulme, et la quatorziesme année de son ampire. Et fut
son corps ensevelys en sa dicte chaipelle, à Ais en Allemaigne.
Item, aussy en ce tamps, fut le grant yver auquelle l’en trouva la
mer engellée en aulcuns lieux de trèze piedz d’espesseur.
Maix de luy lairons à pairler, et dirons dudit Drogo, son filz, que,
pour l’onneur dudit Gharle, son perre, fut fait erchevesque d’icelle
noble cité de Mets ; et fut alors le sçiège d’éveschiez à luy convertis
en archeveschiés.

[DROGON, ARCHEVÊQUE DE METZ]

Drogo, institués archevesques de Mets, thinl le sciège xxxij ans v mois.
— En celluy tamps Dreus, ou en latin Drogo, qui estoit filz au deventdit roy Gharlemaigne, fut fait archevesque, et thint le sciège de ladicte
cité de Mets. Et fut le XLe, depuis le tamps sainct Clément, qui thint
le sciège d’icelle cité ; et le thint l’espaisse de XXXII ans V moix et
VII jour, dessoubz Valentin et Grégoire le 1111e et Sairge, pappe ;
et fut fait archevesque, comme dit est, et principal du conseil dou
sainct pallais. Gelluy noble archevesque Drogo relevait de terre le
corps saincte Glossine, comme il ait cy devent estés dit en sa vie et
légende. Et fit moult d’aultre noble fait, si comme cil qui estoit vicaire
des apostres ; et morut en Bourgogne, on moix de novembre. Et fut
apporté son corps et ensevelly en l’esglise Sainct Jehan, qui maintenant
est appellé Sainct Arnoulf, fuer des murs de la cité de Mets. Et, avec
luy, fut depuis ensevelly Louuy, roy de France, son frère, et Hildegarde, sa mère, c’on dit à Mets la royne Houdiairt, et desquel cy après
nous parlerons.
Une pucelle estre xij ans 1 sans mangie[r]. — Or, disons cornent en
celluy temps advint une adventure assés estrange et digne de mémoire.
Car, en Lorrainne, en l’éveschié de Toul et une ville nommée Commarcy, par ung jour de Pasques, une josne pucelle dudit lieu, eaigée
de XII ans, fut administrée et receut le sainct sacrement de l’aultel ;
laquelle, après ce qu’elle l’ost receu, se abstint de mangier par l’espace
de dix moix. Et puis, après ce qu’elle heust mangié, se abstint de
rechief de mangier par l’espace de trois ans ; et puis, après ce, beust
et mengaist comme les autres.
Une glace cheute du ciel [de] xv pied de long et vij de lairge. — Et
aucy, pareillement en celluy temps, advint que, ung peu devant la
Sainct Jehan, il cheut du ciel une grande glace qui avoit XV piedz de
long, VII de lairge et deux d’espesseur.
1. Philippe a pris le chiffre xij, qui désigne l’âge de la pucelle, au lieu du chiffre
qui marque la durée du jeûne : trois ans (et dix mois).

VIE DE HILDEGARDE, FEMME DE CHARLEMAGNE

179

Cy lairons ung peu à pairler du fais des roy de France et ampereur
d’Allemaigne, lesquelle en ce tamps tenoient la signorie de la noble
cité de Mets, et aucy des évesque d’icelle cité. Et dirons comment la
noble royne Hildegarde, et femme a puissant roy Chairlemaigne, fut
encevellie en l’esglise de Sainct Arnoulf, devent les pourte d’icelle
cité, et en quelle eaige elle trespassait de ce sciècle, avec ce qui s’ensuit.

[HILDEGARDE, FEMME DE CHARLEMAGNE]

Vous debvés sçavoir et antandre que le roy Charlemagne oit plusieur
femme, entre lesquelle ycelle noble dame la royne Hildegarde fut son
espouse. Et fut estraicte de noble lignié. Et, c’elle estoit noble de part
son lignaige, encor l’estoit elle plus de noble couraige, comme cy après
serait dit. Et fut ycelle noble damme donnée à femme et espouse a
puissant roy dessus dit en son année XIe ; et en la XXIIe de son eaige
mourut et trespassa de ce sciècle ; et fut moult honorablement mise et
ensépulturée en ycelle église de Sainct Arnoult devent les pourte de la
cité de Mets, en laquelle elle gist. Et, de la vie et des fais d’icelle, ung
jonne clerc en ait escript cez vers, lesquelle furent mis et ataichiez
devent l’imaige et pourtraiture de la noble damme, en la manier
comme cy après serait dit.
Épitaphe de Hildegarde, femme à Chairlemaingne, que morut l’an
vif iiijxx et trois.
Affin que doubte cy ne soit point
envers ceste plaisante ymaige,
vous verrés icy de point en point
de sa vie le hault paraige.
5 Laquelle, comme vous pouvés veoir,
ad abit de France la guise 1 ;
la cause pouvrés aparcevoir,
que sy dessoubz vous serait mise.
Celle de qui fait 2 mencion,
10 sans point faire dubitacion,
est Hildegard, la noble royne,
quy, par provision divine,
au roy Gharle fut espousée ;
et, sans doubte, fut arousée
15 du Sainct Esperit et eslevée,
sur les aultres préeslevée.
1. Comprenez : a habit de la guise (de la manière) de France,
2. Je fais mention.

180

VIE DE HILDEGARDE, FEMME DE CHARLEMAGNE

20

25

30

35

40

Et, se considérés sa vie,
et point n’y adjouster d’envie,
vous conclurés par vive raison
que paradis sy est la maison i,
et verrés que Dieu l’a proveue
à celle fin qui fut proveue 2
en paradis éternellement,
où sont tous bien habondanment.
Certes, dès sa puérilité
et sa petitte fragillitez,
à ung chescun estoit plaisante
et en tout ces fais élégente ;
aux petit comme au grant affable,
à ung chescun fut agréable ;
remplie de consolacion,
à chescun donnoit réfection,
autant du corps comme de l’âme.
En biaultés passa toucte femme :
plus belle d’elle ne ceust on veoir,
ne par ymaginer ne consevoir.
Se saige fut, doubter ne fault point ;
car, pour vous dire bien à point,
les saiges s’esmerveilloient d’elle,
d’une sy trèsjeune pucelle
avoir sy trèshaulte élégance
en fait, en dis, en son enfance.

En ce tamps là le roy de France,
Charles le grant par sa vaillance,
45 quy puis de Romme fut empereux,
homme fort, vaillant et vigoureux,
considérant la bégnignité
et la trèshabundante beauté
de ceste pucelle plaisante,
50 espouser la voulte 3 sans attante :
car, la chose que plus luy plaisoit,
en touctes vertus elle luysoit,
aux pouvres tant caritative,
en tout ces fait libérative ;
55 oncque haïr ne la sceut homme,
tant avoit de vertus grant somme.
Dont fut donnée en mariaige
au vaillant roy de hault paraige,
1. Sa maison. Peut-être faut-il lire : que paradis y est la maison.
2. Du verbe prévoir ; au vers précédent, du verbe pourvoir.
3. Voult, voulut.

VIE DE HILDEGARDE, FEMME DE CHARLEMAGNE

181

elle non compestant à âge
60 que de unze ans, quant compairaige
fut ce noble roy nommé devant1.
Laquelle, c’elle avoit bien fait devant,
croyés que encor mieulx fit après
einsy que vous orrés sy après,
65 cornent Dieu l’a voulu deffandre
contre les envieulx qui tendre
leurs langue ont voulu contre elle,
comme orrés sans longue querelle.
Ont peult veoir que superhabonda
70 en toute beaulté et habonda,
quant ung roy, sy tresveillant homme,
de force et de vertus à grant somme,
la volt avoir en mariaige,
et comme la plus belle ymaige
75 entre les aultres l’a eslevez,
et sus les vierges préeslevé,
lequel chescun superhabundoit,
en force [et] en biaulté cressoit.
Car, ce les dis du Turpins orains 2
80 (quy estoit archevesque de Rains)
voulés veoir ce que du roy rescript,
vous trouverez là, par son rescript,
les déduction de sa vie ;
et dit que moult de belle vie
85 estoit fort, et de son corps gentil,
et en engien essez trop 3 suttil.
Sa quantité de longeur avoit
huit piedz, et sur tout aultre avoit
faice terrible et espouventeuse ;
90 de force estoit elle vertueuse 4 :
car homme tout armé hardiment
fandoit de son espée briefment
dez le sommer de sa teste
à ung seul copt sans faire areste,
95 et le cheval sur lesquelle estoit.
Ung homme aussy toute armé portoit
posé sur la pâme de sa main
(qui ne semble point estre humain)
dès la terre jusques à son chief.
100 Emprès raconte de rechief :
1. Elle n’avait que onze ans quand elle épousa Charlemagne.
2. Orains : tout à l’heure.
... _
, ,
___
3. Le vers est évidemment : et en engin assez subtil. On a glosé assez par trop
le vers est devenu faux et inintelligible.
4. Le sujet grammatical est : sa quantité.

182

VIE DE HILDEGARDE, FEMME DE CHARLEMAGNE

quatre fers de cheval ensembles
il ronpoit et faisoit dessembles i,
parîla vertus existent és mains.
Ora ne vous en dis que tout au mains ;
105 se avoir en voullés plus avant,
allés là où vous ait dis devant.
Et, pour ce, peult on pas bien concevoir
qu’i n’eust point voulu femme avoir,
se n’eust estez bien belle damme.
110 Aussy point de plus belle femme
ne trouva en toute l’empire :
pour ce l’a il voulu eslire,
sur toutes comme la plus belle.
En unze ans après il eust d’elle
115 neufz biaulx anfïans et gracieulx
(que sont cincque fille et quatre fîeulx),
quy ont estés trèsvaillant gens,
comme monstre leur fais biaulx et gens.
Lesquelles les fist tous estudier
120 Charles, pour les vices fastidier,
és belle sept ars libéralles,
tant les filles comme les masles ;
puis aux masle à pourter la lance,
et enseignoit à la guise de France,
125 tant à chevalcher comme à jouster.
Aultre chose n’y veult adjouster,
fort que la vérité toutte franche.
Pour ce ne fault point faire instence
de ceste très plaisante ymaiges,
130 qui a son habit et son paraige
selon de France la costume :
pour ce veoit on sen amertume
que cest cité moult il a amée,
quant tousjours sy l’a proclamée,
135 et luy meisme ait obtenue
sa manière et maintenue 2.
*1
Après que ceste noble damme,
en biaulté passant nom 3 de femme,
au noble roy fut mariée,
140 de faulce gens fut hairiée 4,
a. Mss. : on.
1. Déverbal de : dessembler, désassembler.
2. Ces neuf vers, assez obscurs, semblent signifier que Hildegarde, quoiqu’habillée
à la mode de France, était restée messine de cœur, puisque Charlemagne lui-même a
beaucoup aimé Metz et adopté les usages de Metz.
3. Renom.
4. Harcelée, tourmentée.

VIE DE HILDEGARDE, FEMME DE CHARLEMAGNE

183

par leurs faulces et traîtres langues,
qui en firent piteuses harangues
encontre la chasteté d’elle,
plus resplandissant que estoille.
145 Et, pour ceste cause proprement,
invoca comme à son parlement
tous les plus grant seigneur de sa court,
qui vindrent à Sainct Arnoulf tenir court.
car il y avoit grant dévocion,
150 le noble roy, et grant dilection.
Et, ainsy que tenoient leur assize
tous les seigneurs en ycelle église,
la noble damme c’en vint après,
sans point de murmures ne d’emprès *1,
155 avecques sa belle pucelle,
laquelle venoit emprès elle.
Et, quant arivèrent à l’esglise,
la damme vint par belle guise
à genoulx faire son oraison.
160 Laquelle, comme il est de raison,
ainsy qu’elle donnoit ces deux gands
à la fille, beaulx et élégans,
en tournent sa main par derrier,
à l’escheoir “ per une verrière
165 ung petit raiz de soleil p assoit,
que, ainssi comme les gands laissoit,
tantost en l’air si 2 recueillit,
voulant démonstrer le délit
qu’on volloit contre elle perpétrer ;
170 et voulloit clèrement démonstrer
la vaillante chasteté d elle
estre bonne et toucte belle.
Quant le roy ost tout cella visé,
sen offense avoit bien advisé
175 à elle sy vint hastivement,
et puis la liève si doulcement
comme c’il volcist pardon quérir.
Il vit qu’on la vouloit surquerir
de maulvais vice trèsfaulcement.
180 Du miracle tous assemblement 3
s’esmerveillèrent trèsfortement,
b



a. Les mes. portent ala cheoire. Faut-il comprendre . par hasard .
b. Mes. : en offense. Je corrige en en sen et ,e comprends le roi se rendit comp
de l’offense (injustifiée) qu’il lui faisait (en la soupçonnant a tort)
1. Déverbal du verbe empresser au sens de gêner. Ou faut-il lire engres .
2. Sis : si les, alors les recueillit.
3. Ensemblement, ensemble.

184

VIE DE HILDEGARDE, FEMME DE CHARLEMAGNE

et pour cecy riche pairement
d’or, d’argent, et de diverse guise,
donna le roy à celle église.
185 Adoncques la damme fut amée
et en amour plus rafermée
de son beau mary plus que devant,
et redoubtée dèsenavant.
Après qu’elle oit vesqueu si noblement,
190 Dieu la volt avoir en son parlement
où habonde toute délice,
car tousjour avoit soubmis vice
et en vertus tousjour habondés,
comme Dieu a l’avoit comendez.
195 A vingt deux ans rendit l’âme
à Dieu comme une belle gemme,
comme il a voulu manifester
par ce que ores après racompter *l.
En l’an VII0 IIIIXX et trois,
200 deuxiesme kalende du mois
de may, veille de l’Ascenssion,
fuit de celle la décession.
Et puis après elle fut mise
par grant honneur en ladicte église,
205 ainsy qu’elle avoit esleu devant,
car sainct Arnoult loing temps devant
avoit léans sa sépulture :
pour ce y avoit elle sa cure,
et aussi fut il de leur ligne,
210 ainsy comme la vraye vigne
de laquelle il sont tous descendus,
roys, barons, princes, contes et ducs.
Avint après que Dieu point ne volt
celer la noble dame, mais volt
215 la démonstrer estre en paradis
pour les vertus qu’avoit heu jadis.
Ainsy que son corps on translatoit,
arriva ung homme qui estoit
frustré des piedz et de la veue :
220 tantost qu’il oit du corps la veue,
foy ayant à la noble damme,
à haulte voix ainsi proclame :
« O pitié de Dieu très bénigne,
se cest est de mérite digne
a. Mss. : comme se Dieu.
1. Le vers est corrompu. Il faut comprendre : par ce que je vais maintenant raconter1

VIE DE HILDEGARDE, FEMME DE CHARLEMAGNE

185

225 vers toy, avec l’intercession
des saincts qui font “ circuission *l,
icy te plaise de moy donner
mes membres pardus et bien saver ! »
En cecy disant luy sont rendus
230 les membres lesquelz avoit pardus.
Lors tout le peuple qui là estoit
louuèrent Dieu qui manifestoit
la saincteté de ceste damme,
qui a esté tant noble femme.
235 Après en conseil s’assemblèrent,
et tous ensembles conseillèrent
que, où elle est, par belle guise,
jouxte l’aultel elle fut mise 2.
Il apert que Dieu l’a amée :
240 quant en sa vie fut blâmée,
par miraicle la volt deffendre ;
et, par emprès, puis que fuit cendre,
la démonstre estre corronnée
en paradis et guerdonnée.
245 Aultre probacion ne fault point
à ceulx qui de cueur sont en bon point.
Et encor est léans le pigne
de quoy pignoit sa belle crigne,
et la housse 3 de son plaisant chief ;
250 et trouverés aussy de rechief
les eschez à quoy elle jouoit,
quant le temps à ley trop ennuoyt,
pour éviter occiosité,
et pour vaincre la fragilité
255 de l’immundicité mundainne
qui est en nature humainne.
Mais saichez que ung jonne escollier
a enssemble en ce tablier
ravisé, tant de là que de çà,
260 trestous ces dis, et ammassa
icy, comme les povés veoir ;
ne de rien, second 4 son povoir,
guaires n’ait fait dimission.
Il transmit la locution
a. Mss. : sont.
1. Cirouition. Le vers signifie : des saints qui t’entourent.
2. Le peuple décida qu’elle serait enterrée, pour lui faire honneur, près de 1 autel,
là où elle se trouve maintenant.
.
3. Houce, partie du vêtement féminin (le sens donne par Godefroy ne convient
pas ici).
4. C’est le latin secundum.

186

LOUIS LE DÉBONNAIRE, EMPEREUR

(813)

265 rescript de latin en françois.
Anglois n’estoit ne Escossois,
revenoit® de Paris tantost,
dont Iéans, ainsy que Dieu le volt,
demeure fit ung petit de tamps ;
270 après, ce fit en ycel temps ;
lequel fut natif de Brye.
Faulceté point il deprye
ou n’adjouste sur sen dictier :
retenés le cens sans dictier L
275 Touteffois, qui contredire
vouldroit le cens après lire,
n’est le faiseur point daproveu 2* 1
ené tout ceu qu’il a devent veu.
Se son nons sçavoir vous voulés,
280 prenés le front sans frivolés 3
dé vingt deux vers précédens 4.
Geulx qui en Dieu sont entendant
en amour de cueur il deprie
que pour luy Dieu on deprie.

[LOUIS Ier, DIT LE DÉBONNAIRE, EMPEREUR]

L an viijc et xxiij régnait Loys le piteulx, empereur. — Plusieurs
aultre biaulx dis et louuenge j’ay trouvés de celle noble damme escript,
tant en latin comme en françoy. Mais, pource que chose ennoieuse
c’en poulroit angendrer és cuer des auditeur, je n’en dirés plus quant à
présant, et retournerés à mon prepos. Et premier, vous desclairerés
cornent, après la mort du très illustre et puissant ampereur Charlemaigne, succéda Loys, son filz, lequelle, par sa mansuétude et doulceur,
acquist le surnom de piteulx, qui est à dire plain de bénignité et miséri­
corde. De raconter lez fais glorieulx de cestui Loys, je me destourberoye
tropt de mon compte ; et vous souffice seullement de vous en dire
aulcune chose et en brief.
a. Mss. : ains revenoit. Le vers compte un pied de trop.
b. Mss. : et.
1. Corriger : sans douter ?
2. Dépourvu.
3. Le verbe frivoler semble signifier : commettre des erreurs.
4. En comptant vingt-deux vers à partir de la fin de la phrase précédente, on arrive
au vers 257. Les premières lettres des vers qui suivent donnent Martin Girard comme
nom de cet écolier dont le français rappelle trop souvent celui de l’écolier limousin.
Les lettres qui suivent (dalfortune) n’ofïrent aucun sens : mais il n’est pas douteux
que le texte n’ait été rajeuni et altéré.

LOUIS LE DÉBONNAIRE DÉTRÔNÉ (829-830)

187

Et premier, comme, après ce qu’il fut ressus au reaulme paternel,
lez ambassadeurs de plusieur contrée luy furent envoyez, requérent
son aliance et amitié. Entre lesquelle vinrent les ambassade de Michiel, empereur de Constantinoble ; lesquelles, entre plusieurs aultre
dons, luy donnèrent les livre de sainct Denis, qu’il avoit apourté^de
Grèce, intitulez De la céleste Hiérarchie. Et fut ce fait 1 an de grâce
VIIIe'et XXIII.
,
En celluy temps aussy, après le trespas de pape Léon, tut tait et
eileu Pascha \ premier de ce non, sans le sceu ne consantement du
roy Loys ; de quoy il fut grandement mary et indigné. Mais ledit
Pasca, en toucte humilité, luy envoiait ces ambassade. Et le roy, non
comptant, luy meisme y vint ; et fmablement fut la paix faicte.
Ge roy fist tenir plusieur concilie pour la réformacion de Saincte
Église, et souverainement pour abaitre et. oster les oultraigeuses
ponpe qu’il veoit és vestement des gens d’église, lesquelle tropt exessivement usoient en pompe et gloire mondainne, et décoraient leur doiz
de plusieurs pières précieuses ; pour lesquelles chose il comenda de les
toucte oster et de ce pourter simplement et religieusement, sinon qu î
fut permis a grant prélas de estre contans d’une seulle pierre précieuse
en signe et démonstrance de leur dignité, et aus aultre de pourter
humble vestemens.
, .
.
Jueur d’orgues arivês en France. — En cellui tamps lui fut envoies
ung prestre grec, lequelle fut, comme on dit, le premier organiste que
jamais l’on avoit veu en France ; car aparavent les François n avoient
encores congneu cest instrument musical.
Item, aussy durant ce temps, après la mort de pappe Pascha, fut
esleu Grégoire, quatriesme de ce nom 12.
L’empereur Louuis desmys de son empire per ses enffans. - Gestuy
Loys devent nommés oit de moult grande et merveilleuse guerre en
son tamps, et qui seroie longue et prolixe à raconter ; et desquelles il
vint a dessus. Mais, à la fin, il fut gueroiés de ces. propre anfïans, et
par eulx fut desmis de toucte ces terres et signeurie ; et, avec ce, fut
longuement tenus et anclos en l’église de Sainct Médard, en la cité de
Soyssons; et la royne Judich.sa femme, fut envoyée en exil a couvant
de Saincte Ragonde, à Poitiers, auquelle pareillement elle fut longue­
ment tenue.
, ,
Et advint que, durant ce tamps, lesdit ces anfïans, c est assavoir
Lothaire et Louuey, esmeurent guerre encontre Gharles le. Ghaulve,
leur frère non germain. Et, après la paix faicte, comme traistre, des­
partirent la terre en trois partie, estant encore ledit Loys leur perre en
prison. Et donnairent à celluy Lothaire, pour sa part, le roya me
s
trasie, onquelle est scituée la noble cité de Mets. Et fut ce pays, on non
de luy, de ces jour en avant appellés Lorainne. Mais il n’y fust guère
qu’il en fut desmis. Et fut mandés par plusieurs prélas et seigneurs
1. Saint Pascal Ier, 100e pape (817).
_ .
. vaisntin
2. Entre Saint Pascal Ie' et Grégoire IV se placent Eugène II et Valent .

188

MORT DE LOUIS LE DÉBONNAIRE (840)

dudit pays de Lorainne Charle, son frère, qu’il vint à Mets ; lequelle
avoît en sa part la haulte France. Et en icelle cité vinrent plusieurs
desdit seigneurs, lesquelles, à certains jour, ce trouvairent tous devent
le grand aultel de la grand église de Sainct Estienne d’icelle cité, là où
alors il ressurent ledit Charles à seigneur ; et, du consentement de
tous, le revestirent de la seigneurie d’icelle cité et de toutte la pro­
vince.
L’empereur Louuis et sa femme remys en leurs honneur[s]. — Toutefïois, après plusieurs chose faictes et dictes et d’ung cousté et d’aultre,
et desquelles je me despourte, fut ledit Loys, leur perre, et ladicte
Judich, sa femme, remys et restitués en leur premier honneur par lez
prince du royaulme. Et fut ce fait par ung jour du mey karesme, que
l’Église chante Letare Jheruusalem. Et, à Noé après, c’en vint ledit
Loys en belle compaignie en la cité de Mets et y solempnisa la feste ;
et fut ressus à seigneur de tous le païs. Puis pardonnait à tous ceulx
qui contre lui avoient estez, comme plus a loing le mest les cronicque
que de ce en sont faicte, et desquelles à présant je me despourte. Mais
vous debvés sçavoir que depuis ces chose advenue fît encor ledit Loys
moult de chose digne de mémoire. Et, quant ce vint à la fin de ces
jour, luy estant encor en bonne santé, il voult despartir à ces anffans
son héritaige, et les manda devent sa fasse. Lesquelle venus à son
regaird, donna à chescun sa part et porcion : premier, à Lothaire bailla
la moitiet de l’ampire, Bavier tant seullement exceptée, c’est assavoir
tout le reaime de Austrasie, depuis la rivier de Meuse en jusques en
Honguerie ; le résidu, qui resgairde vers occident, à Charles, qui fut
dit le Chaulve, assigna ; et à Loys demeurait le reaulme de Bavier.
Le roi et empereu[r] Loys mort Van vii'f et xl. — Ces chose ainssy
faicte, ne fut pas longuement qu’il fut souprins par malladie ; et,
finalement, aprochant l’heure de sa mort, ung peu avant le partement de l’âme, il retourna sa fasse vers la fenestre en disant : « Vuidez,
vuidez ». Et ceste voix plusieurs de ceulx qui là estoient interprétèrent
avoir esté dicte au diable. Et, tantost après, ce tournant de l’aultre
part, il fut samblable à ung homme ryant, puis randit son esperit.
Et fut le XIXe jour de juing, l’an de grâce VIII cens et XL.
L'empereur Louuis enterrés à Sainct Arnoult. — Son corps fut apointés
en pompe lamentable, et fut aprez apourté encevelir, comme il l’avoit
ordonné, en l’église et monaistère du glorieulx sainct Arnoult, devent
les pourtes de la cité de Mets. Et illec fut mis au sépulcre de la noble
royne Hildegarde, sa mère. Et fut après qu’il oit vescus LXXIIII ans.
La mort d’icellui avoit précédé une cornette, et aussy le soleil avoit
souffert éclipse généralle.

189

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

[LE GARTULAIRE DE SAINT

ARNOULD

DE

METZ*1]

Or, maintenant avés assés plainnement veu, et peult chescun co­
gnoistre et clèrement entandre par lez chose devent escripte cornent
plusieurs roy et ampereur ont anciennement heu signorie en ce pais
icy, et cornent il sont estés efïectés de ceste noble cité de Mets 2. Et,
singulièrement, Charlemaigne et sa postérité, et tous ceulx qui descen­
dirent par droite ligne du glorieulx amys de Dieu et confesseur mon
seigneur sainct Arnoult, qui jaidi fut maistre du palais des roys austrasiens, et depuis fut fait évesque de Mets. Duquel, enssemble avec le
monastère où gist et repouse son sainct corps, et où gissent plusieur
roys, empereur et aultre princes de sa lignée et descendue, ait estés
souvantefois par cy devent parlés. Et, à ceste cause, et meysmement «
pour mieulx et plus plainement entendre plussieurs choses devant
dicte, et affîn de cognoistre ce que aultre fois ait estez dudit monastère,
tant de sa fondacion et renommée comme dez grant parsonnaige que
en ce lieu gisent, parquoy il est bien convenable de icy mectre et
adjouster la coppie du cartulaire et livret, dairiennement translaté de
mot à mot, onquelle sont contenues, non pas seulement plussieurs des
Chartres et grande donnacion dez terre et signeurie faicte audit monas­
tère de Sainct Arnoult, maix avec ce plussieurs hystoires, gestes,
miracles, épitaphes, et aultre choses digne à raconter, que donne à
cognoistre et à entendre la fondacion dudit monastère, comment il a
estez entretenus et gouvernez et par qui. Et là on sairait le tout voir,
ce diligemment l’en lict et entend les choses en icelluy livret contenus,
combien que ycellui ne soit du tout en ordre selonc la succession des
temps és queulx les choses narrées sont esté faictes et advenues ; car
la translacion dudit cartulaire ait esté et translatés 3 ainsy comme il
ait esté trouvé de latin en françois, et en la manière comme il s’ensuit.
La fondation de l’église Sainct Arnoult. - Premier dit ledit cartu­
laire et desclaire les geste de plusieurs ampereur, roy, princes, duc,
marquis, conte, archevesque, évesque et abbé qui sont procédé de la
lignié du benoy sainct Arnoul.
Et après vous serait dit cornent ladicte esglise Sainct Arnoulf ait
a. M : meysment.

1. Sur l’abbaye de Saint-Arnould, voyez une série d’excellents travaux qui ont paru
dans l’Annuaire de la Société d’Histoire et d’Archéologie lorraine : Wolfram, Kritische
Bemerkungen zu den Urkunden des Arnulfsklosters, t. I, p. 40-80 ; Musebeck, E„ Die
Benediktiner Abtei St. Arnulf vor Metz in der ersten Haljte des Mittelalters, t. XIII,
p. 164-244 ; et surtout : Abbé Bour, R. S., Die Benediktiner-Abtei S. Arnulf vor den
Metzer Stadtmauern ; eine archàologische Untersuchung, t. XIX, p. 1-136, t. XX,
p. 20-120 (planches hors texte).
2. Quelle affection ils ont eue pour cette noble cité de Mets.
3. On attendrait : a été faite.

190

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

premièrement estés douuée et enrechie des biens et rentes des seigneurs
devantdit, avec aussy plussieurs aultres personnes, lesquelle en grand
dévocion y ont donnez de leur bien et fait de grand dons, comme icy
après vous oyrés, quant le lieu vanrait d’en pairler.
Or est à entendre que ladicte église Sainct Arnoulfz fut premier
consacrée et bénitte par sainct Pacien, évesque de Mets, on nom de
tous les apostre de Dieu, et principallement on nom de sainct Jehan
l’appostre, son maistre, qui avoit nouvellement tramis son dens à la
cité de Mets par ledit Paciens, comme cy devent ait estés dit. Lequelle
dant est encor aujourd’huy en ladicte église comme digne relicque.
Et y oit depuis le temps sainct Paciens jusques au temps sainct Arnoul
XXIIII évesque entre deulx, qui durarent l’espace de Ve ans et plus :
c est assavoir, depuis le temps sainct Paciens jusques au temps sainct
Arnoulf. Et en icelle église de Sainct Amoulf y ait eheu plusieur
évesque de Mets qui illec ont tenus leur sciège. Et pour ce estoit la
coustume et ordonnance ancienne telle que en ce lieu, tout les ans,
le jour de Paisque florie, on y doit bénir les palmes, et y doit tout le
peuple venir, et retourner en Mets en belle pourcession et ordonnance,
Mais, pour revenir a prepos, quant sainct Pacient oit ressus ycelluy
dens de son maistre sainct Jehan pour le pourter en la cité de Mets,
comme dit est, il fut sy remplis de la grâce du Sainct Esperit qu’il
entendoit et sceut parler plusieur langue, comme les acts des Apostres
rascompte de Gornil. Puis après, par succession de tamps, celle dicte
église de Sainct Jehan, qui alors estoient chainonne 1, creut et multi­
pliait tellement que c’estoit toucte la renommée du païs, et en fasson
telle que plusieurs grant prince ce faisoient illec innumés, devant le
temps sainct Arnoul ; et encor ont fait depuis, comme cy aprez serait
escript. Et estoit ycelle église, devant que les Wandres la destruirent, moult enrechie de noble édiffice, et estoit cy belle et cy riche que
en nulz païs l’on ne trouvoit sa pareille. Et tellement que en ce lieu
geurent et furent ensevelis moult de noble corps, comme dit est.
Hervei de Mets enterrés d Sainct Arnoult. — Et, premièrement et de
grand anciennetés, je trouve que on viez moustiet dudit Sainct Arnoul,
on lieu qui est maintenant dict le Pervis, du cousté senestre et à la
partie aquilonaire, en l’englée, desoubz une arche de pière, est ensepvely le noble Hervy, duc de Mets 2.
xxij sépulcres trouvés à Sainct Arnoul, tout grant prince et princesse. —
Puis, loing temps aprez, furent ensevelys et geurent encor en ycelle
église moult de princes, ducs et contes et personnes de grande dignité,
et desquelles partie dez épitaufle serait icy après escript, jusques au
1. Philippe a oublié plusieurs mots : qui alors estoient tenue par des chainonne.
Sur la tradition elle-même, voyez HMe, t. I, p. 215 : et Müsebeck, op. cit. (ASHL,
t. XIII, p. 168-169).
2. Voyez à ce sujet le remarquable article de M. l’abbé Bour : « Le vieux moutier,
« dit l’abbé Bour », est l’édifice qui a précédé celui de Warinus, c’est-à-dire l’église de
l’époque franque. » (ASHL, t. XIX, p. 129.)

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

191

temps de vénérauble homme Thiébauld, abbé dudit Sainct Arnoul.
Car, ainsy comme le vénérable abbé Thiébault devantdit, en 1 an de
l’Incarnacion mil deux cent et XXXIX, et au temps de vénérable très
noble et illustre homme Jaques, évesque de Mets, duquelle ycy après
nous parlerons quant ce vindrait à son tour, vouloit faire le cueur plus
long et les staulz et sièges nouveaulx, affin que les frères illec servans à
Dieu plus facillement et plus aisiément et plus honestement atten­
dissent à oraison, les serviteurs et ouvrier d’icellui ouvraige, ainsy
comme ilz partusoie et dérompoie on cueur, trouvèrent illec XXII
sépulcres de hommes vénéraubles, desquelz les vestemens estoient de
soye sandeaulx, avec gants et aneaulx és mains, et bâtons pastoral, et
corrones en leur chief. Toutes lesquelles choses trouvées és sépulchre
devantdit démonstroient biens leur dignité et puissance royalle ou
épiscopale. Là aussy furent trouvées aulcunes matrones vestues de
vestemens royaulx, desquelles les cheveux pendans jusques au desoubz
des genoulz resplendissoient d’une très grande beaulté à la semblance
d’or. En après, en ce meisme lieu, furent trouvez quatres petit sépulcres,
esquelz gisoient quatre enfïans couvers de draps très blancs et trèsnetz.
Et, en tous ces sépulcres, tant en ceulx cy comme en ceulx là devantdit,
furent trouvez les épitaphes des hommes devantdit, comme cy après
vous en oyrés une partie. Et, pour ce que yceulx mesmes épitaphes ne
povoient tous estre léans, pour leur vieillesse, fut conseillé que partie
de tous les os des hommes devantdit, et aussy des matrones, seroient
honorablement mis en ung lieu ensemble, comme il fut fait. Iceulx os
doncques ont esté mis en mey le cueur d’icelle église, en ung biaulx
et honneste sépulchre, comme encore aujourd’huy chescun le peult
veoir. Et de tous ceulx cy feist ung maistre et compousait ces verses
en latin, lesquelle ont estez translatés comme il s ensuyt.
Mil ijc xxxix. — Séans estoient ensepvelys moult de contes et de
roys en vestements de soye, et gans és mains et ayniaulx és dois,
desquelx les sépulchres furent XXII, au temps de louable abbé Thié­
bauld ; et en ce lieu maintenant sont les os d iceulx hommes mis et
recueillis ensamble. Et, comme nous espérons, ont estez inhumés avec
iceulx les devantdit quatre anfîans, procréez de lignée royalle, quant
l’an estoit mil IIe XXXIX ans. Ce lieu cy seul fut donné pour mestre
cesdit assemens 1, car ledit abbé Thiébauld, en faisant réparer le cueur,
trouva iceulx corps, comme nous avons dit devent, c est assavoir de
roys, d’empereurs, archevesque, évesque, ducs, contes, femmes et
anfîans. Et, affin que ne feust faicte dissenssion 2 des temps, ledit abbé
Thiébault fit mestre et retraire aulcune 3 épitaphe d’iceulx corps
1. Ossements.
2. Trouble.
,
_ . >
3. Elles sont de Paul Diacre. Les deux dernières épitaphes, celles de Louis le
Débonnaire et de Drogo, sont plus récentes (sur la première, voyez Wolfram, loc. cit.,
ASHL, t. I, p. 60-61). — La traduction française, qui a été faite sur un texte latin
altéré (HÉv., p. 28-29), est obscure et, par places, inintelligible.

192

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

royaulx, comme cy après oyrés, ce lire ou entendre vous les
voulés.
S’ensuit la lecture des épitaphe trouvé, en la forme et manière qui les
trouva l’abbé, lesquelle ont estés de latin translatés. Ce lire ou antandre
pour plaisir désirés, faictes à trais et par loisir les lisés ; cy oyrés la teneur
comme il furent trouvés, tout en la forme et manier comme cy après
oyrés. Le premier acomense, entendés le, ce voullés L
Premier de Rothade, fille du glorieulx roy Pépin 2.
*1
La premier épitaphe des noble corps et de royalle lignié qui furent
trouvés en l’église de Sainct Arnoulf.
Épitaphe de Rothade. — Je que gist icy suis dist Rothade par nom,
laquelle je tirent « mon lignaige d’ung trèshault germiaulx. Car Chairles
m’estoit frères germain, lequelle, usant de la vertu de Dieu, per armes
soubmist soubz luy les gens d’Ytallye. Pépin fut mon perre, procréés
du prince Charles, lequel deffist par grant tuerie lez tirant sarrazins.
L’autre Pépin fut mon ayeul, duquel ne fut aulcuns plus hardy. Anchises, le puissant prince, fut mon grant ayeul, qui long temps après
tirait le nom d’icellui troyen Anchises. Puis le sainct perre et bien
eulreux évesques Arnoult engendra cestuy cy, lequel sainct Arnoult
resplendit par tout de geste merveilleux, de l’espérance duquel usant
mes parans m’ont ycy mys.
Le second épitaphe, de l’aultre fille nommée Aelis, lequelle ce acomence
aincy 3 :
Épitaphe de Aelys. — L’amour paternelle 4 et la cause de prendre
salut fait haister de venir icy de cueur trèsvaillant, tu désires à cognoistre b pourquoy ce sainct lieu cy rethient tant de tombeaulx, par
laquelle la salle du ciel pourtant estoille est ouverte 5. Cestuy sacrés
avoit estés par avant perre de la lignié légitimme qui garda après les
ailles 6 7de Nostre Seigneur, duquelle la postérité0, ce conffîant de son
grant ayeulle paternelle, désire mectre les membre en ce sainct lieu
icy. Icy repose Aelis la débonnaire, vierge procréé de la lignée de
Pépin, laquelle et les aultres ensembles saint Pière ^ te vuelle defïandre.
a.
b.
c.
1.
2.
3.
4.
5.

M : jettirent ; E : gettirent.
E : à sçavoir et à cognoistre.
Mss. : l’appostilité.
Remarquer que tous les membres de cette phrase riment ensemble.
Le texte original a été publié dans les M. G. H., SS t. II (Pertz) p 265-266.
M. G. H., ibid., p. 266.
Latin : perpetualis.
Perpetualis amor capiendæ et causa salutis,
Pectore quem vigili hue properare facit-,
Nosse cupis cur busta sacer numerosa retentet
Hic locus, astrigeri qua patet aula poli ?
6. Ouailles (Domini ovile).
7. Sancte tuere Pater (il s’agit de saint Arnould).

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

193

La ihier épitaphe, de la royne Hildegard ; et fut translatée en la manier
comme cy après s’ensuyt *1 :
Épitaphe de Ilildegarde. — Ces élémens d’or resplendissant de figures
roses enseignantes combien clère ont estés les membres ensevelly 2.
Icy gist la haulte royne Hildegarde, que fut bien mariée a puissant
roy Chairles, laquelle surmonte d’aultant les enfïant de claire lignée que
fait la perle d’Ynde, nés que la terre 3. Grâce de forme et de beaultés
florissant fut tant claire ena ycelle qu’il n’esloit plus belle aulcune en
Occident. A la beaultés de laquelle la perle nommée sardonix, maslée
aux marbre, et les lysses et roses ne porroient estre égalles. Mais touteffois les lumières et clairtés du cueur et simplesse de l’âme et beaultés
intérieures surmontoient icelle beaultés. Tu as estés bénigne, saiges,
prudentes, joyeuse, large, et enbellye de tous biens. Maix que dirai-ge
plus ? Comme ne soit aulcune plus grandes louuenges à toy comme
d’avoir complay à cy grant homme, et comme l’omme puissant d’armes
eust adjoustés a septres és royaulmes de son ayeul pourtant le lin et le
Timbres de Romme 4, tu est seulle trouvée et ait estés digne tenir de la
mains les sceptres d’or de moult de royalme. L’an XIIe t’a dereschief
ostés 5, hélas ! mère de roy ; hélas ! honneur et dolleur d’iceulx Fran­
çois, Souabe, Germains et Bretons ; la gent d’Ybernye 6 avec les Gotz
durs te plaindent ; les habitans dessus la rivière de Loire et de la terre
ytalienne te pleurent ; et Romme aucy, dolloreuse de ta mort, gémist
et plorent. Tu ais aussy esmeus à pleurs les fort cuers des homme, et
les larmes chient entres les armes et bocliers. Hélas ! combien t’a brullé
par flamme, toy qui estoie saige et tousjours fermes de forces paitrainne
seigneuriale de ton marit 7. Mais cest certainne espérance console
tous les dolens que, pour tes digne fais, car tu tiens les sainct royaulmes.
Le quairle épitaphe esl de la fille Chairlemaigne nommée Aelis, qui fut
née quant ilz subjuga Ylallye 8.
Épitaphe d’Aielis, fille de Çharlemaingne. — En ce tombeau cy gist
ensevellye la petitte pucelle qui a sainct fon de baptesme fut appellée
Aelis. A ycelle fut perre Chairles, resplendissante de double dyadèmes,
nobles de engin, assés fort aux armes. Celle cy avoit print sa nativités
anprès les haultes murailles de la cité de Pavye, quant son perre prenoit les royaulme ytalliques. Mais elle, venant à Rome 9, fut ravye de
la lumière de ceste vie, dont le cuer de la mère de loing fut féru de
а. En manque dans les deux manuscrits.
1. M. G. H., ibid., p. 266.
2. Aurea quæ fulvis rutilant elernenta figuris,
Quam Clara extiterint raembra sepulta, docent.
3. Quantum, quo genita est, Indica gemma solum.
4. Cigniferumque Padum Romuleumque Tybrim. — Philippe a oublié le mot : Pô.
5. Aller ab undecimo rursum te sustulit annus.
б. Hybera cohors.
7. Heu quantis sapiens et firtnum robore semper
Ussisti flammis pectus herile viri ?
8. M. G. H., ibid., p. 267.
S. Rhodanum properans.

194

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

dolleur. Elle trespassa non debvoir regarder les triumphes paternellesh
Maintenant elle thient les biens eulreux royaulme du perre éternelle.
Le quint épitaphe est de Hildegarde, fille d’icelluy très noble ampereur
dessus dit, et suer à la devenldicte Aelis 12.
Épitaphe de Hildegarde, fille dudit Charlemaingne. — O Hildegarde,
la mort amère t’a soubdainement ravye, comme la bise ravyt souvent
les fleurs on nouveaulx printemps. Encores ne t’avoit le cours du
soleil annuel ung ans de vye, ne la lumières du soleil annuel te estoit
encores double 3. O petitte vierge, tu ne laisse pas petit deul attangnant et frappant de duel le cuer royal du père, toy ayant le nom de la
mère, tu renouvelle la dolleur de la mort, après ce que tu as vescu à
painne XL jours. Nous respandons eawes de larmes de cuer tristes.
Tu es très eureuse et ais longues joyes.
Cornent l’empereur Loys le grant el débonnaire fui ensepvelly à Saincl
Arnoul el en brief.
La mort de l’empereur Loys el roi de France. — Je trouve escript,
cellon aulcuns acteur, que, en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur
VIIIe et XXXVIII, ledit Louuei, effectant à conquérir le reaulme
oultre le Ryn, et luy estant en la ville de Francfort, ce apparurent
plusieur signe au ciel et rougeur d’aire, et tellement qu’il sembloit
qu’il y eust ung sentier ardant et procédant de dever Orient, et ung
aultre de dever Occident, et se assembloient en ung quoin, et, quasy
coangulés, montraient en la haulteur du ciel espasse de sang. Et, ce
temps durant, fit ledit Louuei plusieur guerre et essaul, que je lesse
pour abrégiez. Et tellement que, la vigille de l’Ascenssion de Nostre
Seigneur, qui fut alors le XIIe jour de may, luy estant en sa ville
reaule, en laquelle il célébra les grant letanie, et alors, lui estant illec,
fut fait éclipse de soleil ver les septz et VIII heure de jour ; et fut cest
éclipse tant fort que, pour l’oscurité du soleil, furent vehue les estoilles aux ciel. Et tantost, en ce meisme jour, fut l’empereur frappé de
malladie ; et alors fut amenés par navière par le fleuve de la Menne 4
à Francfort ; et, de là, en peu de jour, fut amenés en une ille du fleuve
du Piyn, tousjour croisant de sa malladie ; et tellement que, le XXe
jour de jung après, il morut et desviait de ce sciècle. Son corps fut alors
à grand pleurs et larmes apourtés en la cité de Mets, et fut honora­
blement ensepvelly on chapistre de l’esglise de sainct Arnoul, confes­
seur, devent les pourte d’icelle cité, en la partie dever midi, et au lieu
le plus prochain de la sépulture la royne Hildegard, sa mère. Et fut
ce fait en l’an dessusdit, après ce que ladicte église fut de nouviaulx
réédiffiée.
1. Excessit patrios non conspectura triumphos.
2. M. G. H., ibid., p. 267.
3. Explevit needum vitæ tibi eirculus annum,
Annua nec venit lux geminata tibi.
4. Le fleuve du Mein (per Menum fluvium navigio ad Franconofurd, etc., M. G. H„
SS t. XXIV, p. 537).

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

195

La viè épitaphe, de Loys, roys et empereur, filz du grand roy Chartemai gne, lequelle gisl en ladicle église L
Épitaphe du roi Loys et empereur, dicl le Débonnaire. —- Le roy Loys,
clartés de l’empire, noble haultesse des François, ostés du sciècle, est
mys en ce tombeau, sy grant amy de pitiez qu’il est du peuple et par
tilte dit Débonnaire, progénye de Charlemaigne. Pitiez recole celuy
icy és termes de paix 12.
La ville de Rumelley donnée à Sainct Arnoull. — Il donna à Sainct
Arnoul et à ce lieu cy la ville de Rumeillei, et tout ceu que regarde à
ycelle. Duquelle 3 est la lignée des barons et des roys ou empereur
par le don desquelz ce lieu cy est fondés et estably.
Cornent l’archevesque Drogo fut ensepvelis en ladicle esglise.
Dreu ou Drogo, filz de Charlemaigne, et frère au devant dit Louuei,
et duquelle nous avons ycy devent pairlés, fut XXXII ans archevesque de la cité de Mets, soubz Plés 4, pappe, Valentin, Grégoire 1111e et
Sarge 5. Cellui cy fut exaulciet de l’honneur d’archeveschié, et fut
gouverneur du sainct pallais 6. 7Cellui levait de terre le corps saincte
Glossine, vierge. Il fit plusieur chose magnifique, comme cellui qui de
dessay les monts, par tout Galle, estoit lieutenant du sciège apostolicque.
Drogo, archevesquez, morut l’an viijc et xiij 5. — Il mourut en Bour­
gogne, l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur VIIIe et XIII, le VIIIe
jour de novembre. Et fut son corps rapourté et ensepvelis en ladicte
église de Sainct Arnoult, là et a lieu où Louuey le Débonnaire, empe­
reur, son frère, repose, et avec sa mère Hildegard, royne.
La septiesme el dernier épitaphe, de Dreu, archevesque de Mets et filz
a grand roy Chairlemaigne, lequelle gisl en ladicle église L
Épitaphe de l’archevesque Drogo. — Dreu, archevesque trèsnoble,
est mis en ce tombiaulx de maibre entaillyé. L’esperit joyeulx ce
resjoit on repos de Abraham. Celluy icy fut filz de Charlemaigne,
empereur ; homme débonnaire et prudent, homme resplendissant
de preud^onmie, gouverneur du palais royal et pasteur des oeilles de
l’esglise de Mets, et droit père du pais. Celluy ycy fut archevesque et
président, seigneur et primas deçà les mons. La région fut en paix par
son jugement. Cestuy icy releva solempnellement les ossemens de
saincte Glossine, et les mist dignement en ung noble lieu (en 8 l’esglise
1. M. G. H., ibid., p. 645.
2. In pacis metas colligit hune pietas.
3. Ce mot se rapporte à saint Arnould.
4. Eugène II, 101e pape (824-827).
5. Sergius II (844-847) ; y ajouter saint Léon IV (847-855). L’épiscopat de Drogo
doit être daté de 826 à 855 (Mas-Latrie).
6. Sacri palatii moderator extitit (M. G. H., ibid., p. 537).
7. M. G. H., ibid., p. 545.
8. Adjonction de Philippe. L’épitaphe en vers se termine ainsi : Condigneque loco
condidit exiinio.

196

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

Sainct Thiébault. Puis furent mise en la cité de Mets et là où elle sont
à présant).
Après ce que je vous ait dit et desclairés la coppie des épitaphe icy
devent mise et escriptez (lesquelles, ce samble, pairie bien obcurément, à l’ocasion de ce que de mot à mot elle ont estés translatée de
latin en françois, et sont en la manier comme elle ont estés trouvée),
et pource que, par plusieurs fois, je vous ais heu parlés des grand dons,
haulteur et signeurie que par yceulx prince et princesse, tant de ceulx
devent nommés comme de ceulx que icy aprez vanront, ait ladicte
église estés enrecbie et douuée, rest maintenant à veoir et que je vous
desclaire en sustance partie d’iceulx dons, et en brief, cellon lez tamps,
et qui furent ceulx et celles qui lez donnirent, et la manier ; et cornent
ycelle terre et signeurie, cellon la coppie dez chairtre icy après escript,
vinrent à la dicte église en la forme et manière comme icy après oyrés.
Plussieur donation 1 donnée és monastère de Sainct Arnoull ; la ville
de Noeroi et ioulles tes appendences. — Quant 2 à premier, je trouve,
cellon les chairtres anciennement escriptes et desquelles j’ay heu la
copie, que le duc Pépin, filz du roy Anchisei, lequelle Ansigisus fut
fîlz à sainct Arnoult et frère de sainct Clou, avec sa femme, nommée
Plectrude, et desquelles j’ay ycy devent parlés, donnèrent à ladicte
église la ville de Noeroy, essize on teritoire de Waberinse, et tout tant
que icelle ville apparthient. Et fut ce fait en la ville de Melfie, l’an
XIIe du roy Théodorich.
Item, ce devantdit Pépin establit cest donation en telle manière que,
avec ce, il donnait à chescun de ses fîlz ung dons de ses terres et pocession, par ainsi et en telle condicion que ung chescun de cesdit anfïans
donroit ce don à Sainct Arnoul, comme il firent.
Marieulle. — Puis 3, après, Dreu, duc de Bourgogne, avec sa femme,
fîlz de Pépin, duc d’Acquitainne, donnaircnt à l’esglise de Sainct
Arnoult la ville et fînaige de Marieulle, asseut en la conté de Mets, en
treffon, en héritaige, corne les lestres que de se sont faictes le devisent.
Et son filz Arnoult crantait et concédait lesdicte lestres de donnacion.
Flerei, et aull[re] terre. — Item 4, ledit Arnoult concéda le don que
son grant perre Pépin avoit fait à ladiGte église, avec celluy de son
perre, le duc Dreu deventdit ; et, avec ce, priait et requist à l’abbé
Luytebert de illec estre inhumez après ces parans et amys. Et, parmey ce, donnait à ladicte église en pocession et héritaiges la ville de
Flerei, on teritoire de Wabrinse, en la contés de Scarpones, c’est
1. Pour l’identification des noms de lieux, voyez Wolfram, op. cit. (ASHL,t. I,
p. 74-76).
2. M. G. H., DD t. I (Pertz), p. 91-92. Corriger : Ansegisili.
3. M. G. H., ibid., p. 212.
4. M. G. H., ibid., p. 213-214.

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

ly'

assavoir tout ceu qu’il avoit en ladicte ville, en seigneurie haulte et
bas. Et donait encor le dessusdit plussieurs aultres terre et seigneurie
à ladicte église, comme les Chartres qui de ce sont faictes le devisent,
bui furent faicte Tan de l’incarnacion Nostre Seigneur VIIe et VI,
l’indiction 1111e, régnant le roy Childebert, le Xe ans de son
règne.
Item !, l’an Ve du règne le roy Dagobert, Hugues, prestre, frere
a cleventdit duc Arnoul, donnait plussieur terre et héritaige à la deventdicte église de Sainct Arnoul, comme les Chartres que de ce en sont
faicte le devisent.
Fleuegnei. - Item 2, aussy, Goudeffroy, duc et filz du deventdit duc
Dreu, fist donacion à ladicte église de tous ceu qu’il avoit en la ville de
Flevigney, comme il est escript és lectres qui de ce en sont faictes.
Esquelles lestres de donation, tant en celle cy devent escnptes
comme en celle cy aprez, y ait plussieurs malédiction encontre tous
les contredisans, et encontre tous ceulx qui voulroient aller en 1 en­
contre des dons qu’ilz ont fait ; car il ordonne, sur paine de grand
mallédiction, que ces dons icy scièce 3* *à1 *2tousjour
б.
et jamaix.
Donation per la rogne Hildegarde. - Item 4, en l’an VIIe IHIXX et
trois le XIIIe jour du moix de mars, la royne Hildegard, par le con­
sentement dudit Charles, son marit, donnait à ladicte église Saine
Arnoult Baccaras et Subcourt 5, avec plusieurs aultre terre et signeune,
comme les chairtres que de ces donnacion en sont faicte le devise.
Et fut l’année qu’elle morut.
Donation du ban de Chamenat, en la contés de Mets. - Puis , apres
en ladicte année, le roy Charlemaigne, son mari, roy des François et
des Lombairs, et patrice des Romains, donnait et confermait tous les
dons que ces prédicesseurs avoient fait à l’esglise.et monastère dudi
Sainct Arnoult. Et, avec ceu, luy et la royne Hildegard, sa femme,
donnèrent perpétuellement « la ville de Chamenat en la contes de
Mets, avec les églises appartenantes à icelle, en haulteur et seigneurie,
à tousjourmais. Et fut ceste donacion faictes en la ville de Thionvi ,
le jour de l’Auscencion, qui fut le premier jour de ma^’
,
son règne, et en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur VIIe IIII et
а. Mss. : pertuellement.
ibid., p. 214, il faut préférer celui de Wolfram, loc. ciu
1. Au texte des M. G. H.
(ASHL, t. I, p. 43-44).
2. M. G. H., ibid., p. 215.
3. Subjonctif du verbe seoir.
4 M G H Diplomatum Karolinorum t. I, p. 481-48A
. . v
5'. vâccârias et subtus cortem sita in ducatu MoUinse m■ «^atu
chières, localité disparue, à côté de Bérupt, entre Vigny et Secourt, Moselle, Met ,
Delme (Wolfram, ASHL, t. I, p. 52, n. 1).
б. M. G. H., ibid., p. 202-204.

498

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

trois ; et fut alors confermé ce don le lundemain, qui fut le jour que
ladicte royne sa femme morut.
Donation du roi Arnoult. - Item l, le XXV* jour d’apvril l’an de
l’Incarnacion Ville et XXII, le V® ans du règne du roy Arnoul, lui
estant à Raganesbur, donnait à l’esglise de Sainct Arnoulfz en treffons
et héritaiges dix moitresse, avec tout ceu qu’i appertenoit, qu’il avoit
en la ville de Airs, en la conté de Mets et de Capones 12. 3
Item 3, le IXe jour de juillet, l’an Ville IIHxx et jx, ledit roy Ar­
noult, luy estant bien viez, donnait encor à ladicte église en treffons et
héritaiges VIII moitresse qu’il avoit en ladicte ville d’Airs, après ceu
que ung sien médecin, prestre, nommés Amand, les aroit tenus sa vie
durant, comme les lestre que de ce en sont faictes font mencion.
Donation de Chairlesmaig[ne]. - Item, aussy, que Charles, l’empe­
reur, le second ans de son ampire, luy estant à Wormice, le XXIIIIe
jour de febvrier, donnait à ladicte église Sainct Arnoult la ville de
Rumiley, située on territoire de Moslancy 4, comme les lestre qui de ce
sont faictes le devisent. Et fut ce dons confermés par Lothaire, empe­
reur, et signés de son aneaulx,en la cité de Mayence, le XIIIe jour du
moix d’awoust 5.
Donation du roy Loys. - Puis 6, après, avint que, le XXIIIIe jour
de novembre, l’an XXXVIIIe du règne de Louuys, roi très crestien,
régnant en France, ledit Louuei donna à la dicte église Sainct Arnoult
la chapelle de ladicte ville de Rumeillei, dédiée en l’honneur de sainct
Martin, avec toucte ses appartenance, comme jaidit Estienne et Angebert la solloient avoir, et comme les lestres que de ce en sont faicte
font mencion. Et fust cest donacion faicte on bourg Sainct Arnoult
devent la cité de Mets.
Donation de Chairle. — Item 7, 8le VIIIe jour de décembre, l’an
XXXe du royalme, Charles, très glorieulx, luy estant en la cité de
Mets, donnait ledit Chairle à l’église de Sainct Arnoult une chaipelle
fondée de sainct Hillaire, confesseur, qui est en la ville de Jeuxei on
territoire de Meslancy 8, avec touttes les appendises et appartenances,
comme la lestre qui de ce est faictes le devise.
1. HÉv., p. 294; HMe, Pr., t. III, p. 49. La date est à corriger : 25 avril 892. Voyez
Wolfram, loc. cit., p. 48.

2' *n
Mosellensi et in comitatu Carponense, in villa Arcus (Ibid., id.) : Ars-surMoselle, Moselle, Metz, Gorze.
3. Wolfram, loc. cit., p. 48, n° 15 (cf. les n°* 16 et 17).
4. Romeliacum... in pago moslense : Rémilly (Moselle, Metz, Pange) au pays de
Moselle, en Mosellois.
5. En l’an 840 (Wolfram, loc. cit., p. 46, n" 10).
6. 23 novembre 875 (Wolfram, p. 47, n° 14). Diplôme de Louis le Germanique.
7. 9 septembre 869 (Wolfram, p. 47, n° 13). Diplôme de Charles le Chauve.
8. Jussiaea villa in pago moslensi : Jussy (Moselle, Metz, Gorze) en Mosellois.

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

199

Aulire donation faicle à l’église de Sainct Arnoult. - Donnacion de
plusieur villaige en Allemagne, lesquelles depuis ont estes donnes en
enchange encontre d’aultre ville appartenant à l’abbé de Sainct Hum­
bert de Collogne, comme la teneur s’ensuyt.
Or 1 est à antandre que Zendebold, par la graice de Dieu empereurs
des Romains, donna à l’esglise de Sainct Arnoult ces villes îcy, c es
assavoir Walma, Mellanc, Gherlingen, Chettigen, avec touctes leurs
appendices. Lesquelles ville, loing temps après, l’abbé et les momnes
de Sainct Arnoult donnèrent en enchange pour aucunes aultres villes,
ainsy comme icy après serait dit, et qu’il est escript en la lestre du roy
Henry, laquelle tut faicte pour cest anchainge.
_
Icy est l’enchainge desdicte terre.
Item, ladictc lectre fait mencion que, long temps apres, qui fut en
l’an XXXe du règne dudit Henry le 1111e, roy des Romains, le X\ III
jour d’octobre, quy fut lors l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur
mil II1IXX et VIII 12, fut ceste enchange faicte entre les seigneur de
Sainct Humbert de Collogne et ceulx de Sainct Arnoul de Mets. En
telle manière que, pour ce que les devantdite ville estoient long de
Mets, et peu profitauble à l’église Sainct Arnoult, lesdit de Sainct
Humbert donnèrent en enchenge d’icelle, c’est assavoir Wa ma,
Mellanc, Cherlingen, Chettinghen, avec toucte leur appendise. Et,
pour les plus paisiblement tenir et posséder, Sigewm, arebevesque de
Collogne et abbé dudit Sainct Humbert de Collogne, constitua vouues
d’icelles villes Théodorich et le conte Conrard, pour les garder et
defïendre, comme les lestres qui de ce en sont faicte plus a p ain en
font mencion.
Donation du roy Ollon à Sainct Arnoult. - Item 3, en l’an IXe et XLI,
le roy Otton, l’an VIe de son règne, cognoissant que les chanoinnes, que
d’ancienneté avoient estés mis en l’esglise de Sainct Arnoult és bourg
de Mets, se gouvernoient trèsmal, et à la requeste de Aubron, venerauble évesque de Mets, ait ostez yceulx chanoinnes et y ait mis et
pouzés moinne régulier. Fait l’an et le jour dessusdit. Et fut premier
abbés ung nommés Arbert, qui vint de l’abbaye de Gouxe, a la requeste
dudit évesque.
Puis, après ce fait, l’an dessusdit, aulcuns des anciens chanoinnes de
l’église dessusdicte ce allèrent conplaindre à 1 empereur
on u
deventdit évesque Abron, disant qu il leur avoit ostés eurs ren
1. M. G. H., SS t. XXIV, p. 536.
-r
, 481-4821
2. Il s’agit de Henri III et l’échange est de 1084 (HLo , t. IV, Pr., ,
'Rige
~o
Saint Ghunibert, de Cologne, reçoit des biens a Smtic °>
.’
Mellano'
Benezvelt, plus Chisa et Hohingen ; Saint Arnould obtient,enfh^f1^"R’ati„„ade;
Cherlingen, Chettingen. Cf. aussi Wolfram, loc. oit p 61 et, pou la
noms, p. 76 : Walina : ? ; - Mellanc : Mailing, Moselle, Thionvdie Sierck ,
Cher
lingen : Kerling, ibid., id., id.
Chettingen : Kedange, ibid fd. Metzervisse. ^
3. M. G. H., Diplomatum regum et imperatorum Germaniae t. I, p. • (
942). Cf. aussi ASHL, t. III, p. 104 et sqq.

200

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

revenues ; mais ledit Otton, considérant qu’il les avoit transmuez de
mal en bien, conferma la volluntés dudit évesque. Qui furent signée de
son seelz, comme cy après serait dit.
Item i, en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur IXe et XLVIII
le.XIe jour de jung, ledit roy Otton donna et conferma lectre de prévilaige de tous les dons que ses prédicesseurs avoient fait à l’aglise de
Sainct Arnoul, tant de la ville de Chamenat, d’Ayr, de Noeroi et de
Marieulle 2 comme aucy du merschief annuelle de la feste Sainct Arnoul,
avec la terre et les hommes en l’environ du monestère, comme les
lestres que de ce en sont faicte plus plainnement le devisent.
Item 3, que en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur IXe et L,
le XVIe jour d’awoust, en l’an XVIIe du royaulme Otton, et l’an
XXIIIIe de 1 éveschiez Abron, fut donnés en Mets à l’esglise et monas­
tère de Sainct Arnoult la ville de Lay, en la contés de Chamontoy, en
francquez héritaige, avec plussieurs despendences d’icelles. Et fut ce
don fait par la contesse Ève, femme de fut à contes Hues, avec son
filz Eulderich, par la graice de Dieu archevesques de Rains. Et fut ce
don confermés par ledit Aubron, évesque de Mets, avec le seelz de luy
et de plussieurs aultres princes et seigneurs. Faicte et donnée l’an et le
jour dessusdit, comme les Chartres qui de ce sont faicte plus ample­
ment le devise.
Puis, après, le conte Arnoult, filz au deventdit conte Hues et filz
à la deventdicte Ève, fut inhumez et enterrés à Sainct Arnoult par la
manière cy après desclairée. Certainnement la noble lignée de sainct
Arnoult loing et largement espandue est divinement tant exaulcées
qu’elle obtint les sceptres du royaulme de France ; et de la noble lignée
d’iceulx est descendu ledit conte Arnoult, filz de jaidis le trèsclaire
conte Hugues. Lequel, atendant à paix et a justice, fut malvaisement
occis quant il obviet aux nuysans ; duquel le corps sa vénérable mère,
nommée Ève, procurant très diligemment à le ravoir, et le porta à
Mets à ladicte esglise de très sainct Arnoul, et là le bailla0 à sépulture.
Et, pour ce fait, délégua illec ung chasteaulx de son droit, qui est dit
Lsyi pour le repos de son filz et des siens, comme il est contenu en la
Chartres qui de ce sont faictes 4.
*123
Item 5, le XIe jour de juillet, en l’an de l’incarnacion Nostre Seia. Ms. : baillant. A la ligne précédente, corriger : procura.
1. M. G. H., ibid., p. 186-187.
2. Chamenat : Camenittum : Cheminot, Moselle, Metz, Verny ; — Ayr : Arcx :
Ars-sur-Moselle, ibid., id„ Gorze ; — Noeroi : Nugaredus : Norroy-l’e-Sec, Meurthe-etMoselle, Briey, Conflans ; — Marieulle : Maceriolas : Marieulles, Moselle, Metz Verny.
3. HLo\ Pr„ t. IV, col. 357 ; cf. HL02, t. II, Pr., col. 207. — Ligne 6, corriger :
femme de feu Hugo.
4. Sur toute cette question, voyez Wolfram, loc. cit., p. 62-69.
5. HMe, t. IV, Pr., p. 68-69. — Corriger : seigneur Anstre : Ansteo, abbé de SaintArnould ;
Matfroi : Walfridus ; ■— Til est auj. Marthil, Moselle, Château-Salins,
Delme ; — Salme : in pago Salninse, dans le Saunois.

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

201

^neur IXe et LU, en l’abbaye de Sainct Arnoult devent Mets, présant
vénérable évesques de l’esglise de Mets, et présant seigneur Anstre,
abbé d’icellui lieu, et régnant le roy Otton, ung seigneur nommés
Rudolphe, jonne de eaige, filz à Matfroi et avellet au vielz Rodolphe,
donnait tout franchement tout tant qu’ilz avoit en alieuf en la ville
nommée Tyl, on territoire de Salme, avec l’église dudit lieu, qui est
fondée en honneur de saincte Marie, mère de Dieu, et avec touctes les
aultres appendences, comme les Chartres qui de ce en sont faicte plus a
loing le devise.
Item i, que, le XVIe jour de juing, l’an de l’incarnacion Nostre
Seigneur IXe LVII1, régnant le roy Otton on royaulme de Lothaire,
seigneur Reymbauld, qui estoit homme descendu de haultes noblesse,
luy estant en la ville de Dexteraca, donnait en treffons à tousjourmaix
ung allieud apartenante à luy, citués en la ville de Maurville, en la
contés de Salme 12, avec toutes les appartenance, tant en église, en
homme, en femme, en vigne, en champs, en prey, et four, et moullin
en yawe, en bois, en haye, et en toutte aultre chose quelconques,
comme les Chartres que de ce sont faictes plus plainement le devise.
La translation sainct Cloz, évesque. — Puis, en l’an après, qui fut en
l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur IXe LIX, le VIe jour de septem­
bre, et du tamps dudit Albéron, XLe évesque de Mets, furent translates
les ossement du très eureux sainct Clous, réservés le chief, de 1 aglise
de Sainct Arnoult de Lay en l’esglise de Sainct Arnoult devent Mets.
Et y fut depuis moult longuement, en une kâsse 3 de bois, jusques a
temps de vénérable homme Richer, qui fut descendu de la ligmé des
conte de Bair, pour lors abbé du deventdit monaistère, avec religieu x
homme Régnier, moinne d’icelluy et coutre de l’église de Lay. Iceulx
deux firent faire une fierte d’or et d’argent à leur coste et despens
aornée de mergueritte et aultre pierre précieuse, en laquelle furent
révéramment mys et posés les ossemens du deventdit samet Clous. Et
fut ce fait en l’an mil IIe et XV.
_
,
Item 4, 5que Burgulphe et Thonel, chevallier et conte, donnèrent a
Sainct Arnoult, pour le remide de leurs âmes, la ville de Willer, on pais
de Vosge, vers le chasteaulx d’Espinal, avec touctes les teires et appen
dence, en treffons et héritaige à tousjourmaix, comme les lestre qui
de ce en sont faicte le devise.
_
.
Item 5, que Albolphe, conte, a donnés à l’esglise de Sainct Arnou t
la ville de Champpegnulles et l’esglise, avec le ban et touttes les appendance, en treffons et en héritaige à tousjourmaix, comme les lestres
qui de ce en sont faictes plus plannement le devise.
1.
2.
3.
4.
5.

HMe, loc. cit., p. 71-72.
In comitatu Salninse, dans le Saunois.
Châsse.
ASHL, t. XIII, p. 228.
Ibid., id., p. 235.

202

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

Puis 1, une bonne matronne, nommée Rothildis, donna à l’esglise
Sainct Estienne de Mets et à l’esglise Sainct Arnoult line ville cituée
on territoire de Salme, appellée Tacheringe, avec la mittéde l’esglise,
fondée de sainct Légier, avec les disme à soy appartenantes ; et don­
nait encor icelle matrone ausdictes églises plussieurs aultres choses,
comme les lest.res qui de ce en sont faicte le conthiengne.
Item 2, que Albéron le jonne, évesque de Mets, donait à l’esglise de
Sainct Arnoult quaitre moitresse, avec touctes leurs appendises, située
en la ville de Viller, en territoire de Sarponne, avec l’église dudit lieu,
qui est dédiéez en l’onneur de sainct Martin, comme les lestres que de
ce en sont faictes le devise.
Item 3, l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur mil IIIRx et XII,
Matfroy, homme honorable, avec Cunégund, sa femme, et son fîlz,
pour l’âme de luy et de damme Marthe, duquel le corps gist en mil­
lieux du cuer de Sainct Arnoul, ont donnés audit Sainct Arnould et à
Sainct Cloud l’église qu’il avoient en leur allieud, qui est dicte Wisse 4,
comme les lettres qui de ce sont faite le devise.
Puis 5, après, en ensuyant, quant le milliaire Nostre Seigneur couroit
par mil C et XII, une noble matrone de la cité de Mets, nommées
Cunégund, donnait en l’église de Sainct Arnoult et à l’abbé d’icellui,
nommés Walon, tout ceu qu’elle avoit à Charesey, tant en homme, en
ban, en terres, en preis et en bois. Et encor, avec ce, donné ladicte
matrone audit Sainct Arnoult une femme de sa meilleur famille de
serf à condicion, nommée Nichilde, par telle condicion que, se hoirs
sailloit de ladicte femme, il debvoit estre franc, en paiant tout les ans
V deniers de rante audit Sainct Arnoult, voirs par telle condicion que
ledit hoirs ainsy neiz ne se debvoit marier, se ce n’estoit à une per­
sonne subjectz à Sainct Arnoult.
Item 6, que, en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur mil C et XXVI,
le premier ans du roy Lothaire, Estienne, évesques de Mets, donait à
Burtrand, abbé du monastère Sainct Arnoult, ung lieu nommés Faulx,
qui est citués en la forest auprès de la ville de Rumilley, pour y édiffier
une chaipelle et pour y estre ung moinne. Et, avec ce, donné ledit
évesques plussieurs pocessions pour tenir ledit moinne, qui que le
soit, en trefïons à tousjourmaix, c’est assavoir, à chescune saixons,
C journalt de terre erruce 7, tout franchement, avec fours et mollins,
preys et hayes, et plussieurs aultres choses, pour servir à ladicte chai­
pelle, comme les lestre que de en sont faictes le devise.
1. M. G. H., SS t. XXIV, p. 540 (analyse). — Corriger : Salme : le Saunois ; —
Tacheringe : Racheringas (?).
2. HÉv., p. 340-341. — Corriger : Sarponne en Scarponne (in pago Scarponensi).
3. HLo2, t. III, Pr., col. 24.
4. Vuisse, Moselle, Château-Salins, id.
5. M. G. H., SS t. XXIV, p. 541, n. 6. — Corriger : Nichilde : Richildis.
6. HÉv., p. 402-403.
7. Areüre, labourable (præter hæc concedimus eis terram de ipsa foreste ad arandum, centum jornales).

L’ABBAYE SAINT AKNOULD DE METZ

203

Après 1 avint que, en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur mil IIe
IIIIxx et XVII, régnant Hanry, quaitriesme de ce nom, le conte Arnoult, par le consentement de ses deux filz, Oton et Louuys, et de sa
breu, nommée Adelheid, ont donnés à l’esglise et monaistère de Sainct
Arnoult l’église, fondée en l’onneur de saincte Vaalburge, que ledit
conte ait en son chaisteaulx de Chiny. Item,, ait encor ledit contes
donnés et joing avec icelle église les chose qui s’ensuyvent. Premier,
la deventdicte église avec toutte les terres, cences et. rentes qui en
despande, qui sont moult grande, comme les lestres qui de ce en sont
faictes le portes. Puis, ait encor donnés audit monastère 1 église de
Tintigney etl'église de Olrihiore 2, 3avec toutes les terres, fours et mo
lin et pescherye qui en despende ; et aucy la forest qui est appe ée
Burstal. Item, ait encor donnés deux moitresse, situéez à Longleu ,
avec les homme et femme de cerf condicion appartenant à ycelle,
dont il en y ait une entre Reu 4 5et6Tintigney.
.
Puis ait encor ledit conte donnés à ladicte église de Samct Arnoult
plussieurs aultres chose, corne les Chartres qui de ce en sont faictes le
devise. Et ces dons ait ledit conte fait audit monastère Saint Arnoult
pour et affinque d’icellui monastère y eust à tousjourmaix ungmomne
résidant en ladicte église de son chasteaulx.
Item 5, que Pier, advoués de Mets, et sa femme Demud, ont donnes
à l’esglise Sainct Arnoult cituéez és bourg de Mets tout ceu qu il ont
en la ville de Cornus, avec l’église d’icelle, laquelle ville est situéez en
Allemaigne, après du chasteau de Siberch 6. Et ont encor donnés la
ville de Salley, avec touttes les appendences, comme les lettres que de
ce sont faicte le devise.
Par les chose devent dictes peult on veoir, cognoistre et antandre
quelle chose estoit anciennement, et comme grande renommée avoit
cest noble cité au regairt du présant. Car on peult bien sçavoir. que,
sans l’ayde des grand prince et princesse, il n’estoit possible de faire e
fonder tant de cy biaulx monestère, c.loistre et religion de momne et de
moinesse, ne de les ainssy anrichir et douués de cy gran raa ® e
revenue, haulteur et signourie, telle comme enciennement il soulloient
avoir, et que encore de présant il ont, et desquelles je vous en ait
desclairés une grant partie. Mais non pas à la moitiet ; car, comme je
vous ait dis dessus, la plus grand part des lestre et chartre de la ondacion de plusieurs église estant à Mets ou entour d icelle, pour suc­
cession de tamps ou nonchaillance, ont estés pardue, prmse ou brullée
tant des Wandre et Hongre comme aussy de fortune de feu, comme î
avint du secrétaire de la Grand Église de Mets, lequelle une fois tut
1. HMe, t. III, p. 103-104 (cf. pour la date M. G. H., SS t. XXIV, m f°, p. o i0, n. 6).
2.
3.
4.
5.
6.

Ecclesia de Casa Petra et de Urgeo.
Longleir.
Ruris.
ASHL, t. XIII, p. 234.
Siegburg (Prusse rhénane, chef-lieu de cercle).

204

L’ABBAYE SAINT ARNOULD DE METZ

brullés par accident et fortune de feu, et auquelle furent plussieurs
lestre brullée. Aussy de l’esglise de Sainct Siphorien estant alors devent
les murs de la cité de Mets, laquelle depuis fut abatue et aruinée, et
furent tous les biens prins et ravis de ceulx meisme de ladicte cité.
Et fut ce fait au temps de la guerre des roy, comme nous dirons ycy
après. De Sainct Clément pareillement, on en trouve bien peu. Et encor
moins de Saincte Marie a Damme, de Sainct Saulvour, de Nostre
Damme la Ronde, de Sainct Vincent, de Sainct Éloy et de Sainct
Martin devent Mets, des Damme des Précheresse, des Cordellier, des
Pucelle de la Madellainne et de Clervaulx, du Sainct Esperit, de la
Trinités, de Sainct Jehan de Rodes en Chambre, de Nostre Damme aulx
Champs, de Saincte Élizabeth, de la Chaipelle du Prey, et de Nostre
Damme du pon Thiefïroy, et de plusieurs aultres, de toutte lesquelles
dictes église ne de leur acomencement et fondacion l’on en trouve bien
peu par escript, jai ce que j’ayee fait grand diligence d’en anquérir
et sairchier. Parquoy, vous oyrés ycy après tout ce que j’en ait peu
trouver, quant tamps et lieu vanrait d’en parler. Mais je n’en dirés
plus quant à présant, et retournerés à mon premier prepos.

[SUITE

DES

ÉVÊQUES DE

METZ

ET DES

EMPEREURS]

Or avés par cy devent oy et antandus cornent plussieurs noble prince
et grant seigneurs, comme ampereur, roy, duc et conte, ont heu dominacion et seigneurie sus cest noble cité de Mets. Mais, néantmoins,
je trouve que, durans ce tamps, et aussy loing tamps devent, et ainsois
que en Bair ny en Lorainne y heust point de duc, ne de conte en Widemont, ne de mairquis au Pon, ceste noble et triumphante cité et la
choses publicque d’icelle estoit desjay gouvernée, régentée et aministrée soubz iceulx deventdit ampereur, roy et aultre grant seigneurs,
par ung awoués qui en leur non y régentoit, et par lez V noble lignée,
avec le comun, qui anciennement estoient dessandus d’icelle noble
cité, lesquelles depuis ont tousjour agmentés et méliorés, comme le
mest maistre Robert Gauguin, grand cronicquer de France, en telle
fasson que, depuis ce tamps, il ont obtenus par acquaist ycelle wouerie.
Et, avec ce, ont obtenus d’iceulx ampereur, roy, duc et aultre grant
prince plusieurs biaulx previlaige pour la franchise et libertés d’eux
et de leur cité, comme nous dirons en plusieur lieu icy après, en telle
manier que tousjour, depuis, yceulx noble et extraict de noble lignyé
d’icelle cité ont tousjour gouvernés et régentés la chose publicque, et
gouverne encor a jourd’uy et régente ; et feront, eulx et leur lignié, ce
à Dieu plait, jusques à la fin. Dieu leur doinct graice d’en bien user,
au salut de leur âme et dez nostre aucy !
Cy lairons à parler de ces chose quant à présant, et revanrons à

advence, quarante-et-unième évêque de metz (858-875)

205

nostre premier prepos, et assavoir qui en ce tamps tenoit le sciege de
Féveschié de Mets.
Advencius, xlf évesque, ihinl le sciège xvij ans et xxiiij jour. - Vous
debvés sçavoir que, après la mort de vénérable homme et noble parsonne Drogo, archevesque de Mets, et filz a grand roy Charlemaigne,
et duquelle nous avons par cy devent pairlés, fut fait, créés et bems
Advences, ou en latin Advencius, qui fut le XLIe évesques dicel e
cité ; et thint son sciège XVII ans et XXIIII jour, dessoùbz Léon le
quaitriesme et Benoy et Nicolle. Lequelle condampnait Thiéga,
Farchevesque de Trieuve, et Gaulthier, Farchevesque de Collogne,
pourtant qu’il estoient consentant de la formcacion et maulvaise vie
du roy Lothaire, quy alors dominoit sus la cité de Mets, et estoit sei­
gneurs de tout le païs d’Astrasie, lequelle après lui il appellait Loràlpiussieur dons à la Grant Église fait per Advencius. - Celluy Adven­
ces fut naitif de ladicte cité de Mets, et de noble ligme, et donna des
riches vestemens et beaulx juaulx à la Grant Eglise de Mets. Et, avec
ce v donna la fierte et la croix, et plusieurs aultre choses digne de
mémoire. Et est le non du devantdit évesque en escript autour du piedz
de la niche 1 du Grant Moustier, laquelle est ung juaulx de grant estimacion, comme chacun scet ; et veult on dire qu’il fit faire ledit piedz.
On temps de cestuy évesque fut Hincenaire 2 archevesquez de Rams ;
avec lequelle, eulx deux ensembles, corronnèrent Charles, e filz du
roy Louuis, à Mets, après la mort de son frère Lothaire. Et d iceulx
saincf Mare d Venite. - Item, j’ay trouvés
que, durant le tamps du roy Louuys, duquelle nous avons cy devant
parlés, et en l’an VIIIe ans après l’incarnacion Nostre Seigneur, que
fut la XXIe année du deventdit Louuys le Débonnaire, roy e rance,
fut apourtés et translatés le corps de mon seigneur sainct Marc évan­
géliste, de la cité de Allixandrie à la cité de Venise. Et ut ce ^alt1^
ans, le dernier jour de janvier, au tamps que messire Justmian estoit
duc de ladicte cité de Venise.
.
La feste de Toussaincts ordonnée eslre faicle; le Gloria ans cotnpouzes
per Théophile. - Et, en cellui tamps et on tamps du devent dit
vence, évesque de Mets, fut premier célébrée desça les mont la feste de
la Toussains, laquelle feste pappe Boniface avoit
devant, comme dit est. Et, en celluy meisme tamps 'Theophi le, éives
que d’Orlians, conposait le Gloria laus que l’on chante a Pasque^florie
luy estant en prison. Et fut le premier qui le chantait. Et, arney qu i
chantoit, et par volluntés de Dieu, l’empereur, passant par devent
ladicte prison et oyant le chant dudit Théophille, il y pmt cy grant
~1. Mss. : lannïche. Il s’agit « d’une belle pièce d’argent . faite e* f
de quatre colonnes fort bien élaborées, dans laquelle on porte le chel
aux processions générales et solennelles ». (HMe, p.
2. Hincmar (3 mai 845-7 décembre 882).

^ soutenue

206

CHARLES LE CHAUVE, ROI DE FRANCE (823-877)

plaisir qu’il le fit délivrer, et fut trouvés innocent. Et, pour ce, ledit
empereur fit ordonner qu’on le chantait par toucte Saincte Église ;
et, depuis, tous lez ans, aulcuns jonne clerson innocent le chante le
jour dez Pasme, eulx estant encloz, comme chescun scet ; et ce repré­
sente la prison là où estoit ledit évesque Théophille.
La mort de l’évesquez Advencius. —- Item, ledit évesque Advences
thint le sciège XVII ans et XXIIII jours, comme dit est ; puis morut
en octobre, dessoubz pappe Adrien le second. Et fut mis et ensevellis
en la chappelle Sainct Gaul decost et joindant la Grand Église de Mets.
Mais de luy lairons à pairler pour le présant, et revanrons à nostre
premier prepos, assavoir mon qui en ce tampts tenoit l’ampire et le
royaulme d’Austrasie, lequelle maintenant est dicte Loraine.
Guerre eslevée entre les enffans Loys le Piteulx. — Quant Loys le
Piteulx fut de ce monde décédé, comme cy devent ait estez dit, et en
celle meisme année, Lothaire et Loys, roy de Bavière, ces anfans,
s’eslevèrent et esmeurent guerre contre Charles leur frère. Et la cause
fut pour ce qu’il avoient despit qu’il estoit constitué héritier de la
plus noble part qui fut en toucte la paternelle possession de leur perre.
Et, à cest cause, ce esmeust ung très grant huttin et une grande guerre
entre lez frère ; car il y oit cy grant armée, tant d’ung coustez que
d’aultre, que jamaix on n’en vit tant pour une fois ; et y estoit la plus
part de toutte la crestienté. Cy ce assemblirent les ost l’ung contre
l’aultre la vigille de l’Ascenssion Nostre Seigneur. Et durait lungement
la baitaille cen sçavoir qui en avoit le pir ne le milleur ; et, jay ce que,
à la fin, ledit Chairle demourait victorieulx, néantmoins il en y oit
tant dez mors et tués et d’ung coustez et d’aultre que l’on ne trouve
point en escript que jamaix en y oit autant en une baitaille. Et demou­
rait le victorieulx et plus puissant à peu de gens.
Chairle le Chauve roi de France. — Toutefïois, après plusieurs chose
faicte et d’ung coustez et d’aultre, lesquelle je laisse pour abrégiez, ledit
Chairle, qui depuis fut dit le Chaulve, par paix faisant, demourait roy
de France ; à Loys demourait l’ampire, et à Lothaire fut Austrasie.
Lequelle ce gouvernait mal et luxurieusement à son acomencement,
comme vous trouvés en la vie saincte Glossine ; puis fut esmus en
dévocion et pénitence, et distribuait son héritaige à ces trois filz ;
et, ce fait, ce randit religieulx au couvant de Pruly en Eyflie b Mais à
ces dit trois filz advindrent de grant question ensemble, desquelle je
me despourte ; et fut pour le partaige du reaulme de Astrasie, que
maintenant est dicte Lorainne, dont la cité de Mets estoit le chief.
Et, pour en faire paix, ce en niellait pappe Sergieus 12 ; et, pareillement,
en rescript pappe Adrian et y envoyait ces messagier. Mais sur cecy
je ne me veult point arester ; car, par aultre chose advenue, que je
lesse à dire, ledit pays de Austrasie retourna à Charle, roy de France ;
1. Prüm, dans l’Eiîel, actuellement chef-lieu de cercle.
2. Sergius II (844-847).

ROBERT,

QUARANTE-TROISIÈME

ÉVÊQUE

DE

METZ

(883-916)

207

et fut corronnés en l’esglise Sainct Estienne en la cité de Mets, comme
jay cy devent ait estés dit.
L’an viijc Ixxvij. - Puis c’en allait ledit Chairle à Homme, et illec
fut ressus de pappe Jehan, huitiesme de ce non, qui fut femme, comme
cy après serait dit L Lequelle pappe le nomma empereur en luy bail­
lant la dignité impérialle ; et fut ce fait du consentement des Ro­
mains, à qui il avoit donnés de grand dons ; qui fut en l’an VIIIe
LXXVII. Et, depuis, oit ledit Charles plusieur grant guerre, desquelles
je me despourte. Et vous souffice seulement de dire cornent, tantost
en l’an après, par le deventdit pappe Jehan fut demendés ayde audit
Chairle pour deschaisser lez inûdel Turc et Sarrasins qui alors estoient
au pais de Campaigne, autour de la cité de Capua et de Neaple, et
destruisoient lez pais. Et alors fist ledit Chairle son armée et y alla.
Mais, luy estant à Romme, une üeuvre le print ; et, pour le reguéiir,
lui fut amenez ung médicin juif, lequel le ampoisoignait. Et ainssy
morut, le XIIe jour après.
Le roi Chairle enterrés à Verseille, l’an viijc Ixxviij.
Cy fut chan­
giez pour le rapourter en France ; mais, pour la puanteur d icellui, fut
enterré à Verseille, en Lombardie. Et fut en 1 an de grâce VIIIe
LXXVIII. Et, après l’an VIIe, fut ostez de ce lieu et rapourté à Sainct
Denis en France.
Cy lairez à parler de lui et de ces fais, et retournerés aus évesque de
Mets.
Walo, xlije évesquez, Ihint le sciège vj ans, el fui fundate[ur] de l’église
de Sainct Suiveur. - Le XLIIe évesque de Mets fut appellé Walo, et
thint le sciège VI ans et XV jours, dessoubz Grégoire le Ve et Jehan
le VIIe 2, et luy donna le pallion. Cellui WaUo fist premier fonder l’église
collégialle de Sainct Saulvour en Mets, et y donna plusieur rante.
Et veullent dire aulcuns que en ce lieu estoit une abisme ou croliier.
Puis, après ce fait, il oit une grant guerre, mais je ne sçay la cause
pourquoy.
La mort dudit évesque Walo. - Et morut en une bataille mortelle,
lequelle il fit contre les Normans, quy estoient entrés en Frances et en
Neustrie, comme cy après serait dit. Et fuit au moix d apvril. Et puis
fuit appourtés et ensevelly en ycelle devantdite église qu il avoit
édiffié, c’on appelle Sainct Saulvour, qui est causy au milieu de la cité
de Mès.
Robert, xliije évesque, el tliinl le sciège xxxiiij ans ix mois. — Apres
la mort duquelle Robert fut faict, créés et constitués et bénis pour le
XLIIIe évesque de Mets. Gelluy Robert, en son temps, renformait et
rappellait touctes les abbayes de la cité de Mets. Et thint le sciège
XXXIIII ans IX moix et XI jours, dessoubz Lion le Ve et Jehan le
1. La légende de la papesse Jeanne est bien connue(voyez p. 112, n.2). Cesmots ont
été rayés à une époque récente dans le manuscrit d’Epinal.
2. Walo (876-882) fut évêque au temps de Jean VIII, 109a pape (872-882).

208

LA PAPESSE JEANNE

septième, pappe, que fuit femme *, et on tamps dez roy, c’est assavoir
Charle, Louuy et Charles. Et fut ledit Robert de noble sang d’Allemaigne, et oit le paille de Sainct Pierre de Romme. Et maint ordon­
nance a de l’Esglise renouvellait ; et aucy il fist reffaire et rédiffier de
nouviaulx les murs de la cité de Mets, lesquelle de vieyllesse estoient
cheus, et il les fist redresser et reffaire. Cil Robert morut on moix de
janvier, et gist en la chappelle Sainct Gaul.
De Jehenne, papesse infâme. —■ Mais je lairés à pairler de lui, et
vous veult ung peu parler de celle femme qui fut pappe, pour laquelle
advint grant merveille et grant scandalle en l’Église. Car ycelle dicte
femme sçavoit plussieurs sciences, et estoit fort littérée ; et, avec ce,
elle se mist en abit d’homme. Et, après plusieurs chose, que je lesse à
cause de briefveté, non sçaichant qu’elle fut femme, fut esluee à pappe
de Romme, et se faisoit appellcr pappe Jehan VIIe 2. De ce qui en
advint, je le lesse pour éviter prolixité, car essés d’aultre cronicque et
istoire en font mencion ; mais l’Église en fut terriblement scandalisée.
Grant multitude de mousche 3.
* 1—2 Et, en son tamps, vinrent en France
sy grant multitude de locustes 3 qu’elles corrompirent et couvrirent
l’air et la terre, en telle manière qu’on ne povoit veoir lez raiz du soleil,
et gastèrent toucte la verdeure qui estoit és herbes, en bledz, en vigne
et en arbres, jusques à la mer de Bretaigne. Maix, comme il pleust à
Dieu, il se levait grant vent qui les gectait toucte en la mere. Et, quant
elle furent mortes et cjue la mer les oit gecté à la rive, elles corrumpirent l’air en telle manier que maintes gens en morurent.
Grant faminne en France. — Et, par cecy, y heust en celluy temps sy
grant famine en France que bien la thier partie du peuple de pouvreté et de misère en morurent.
Une grant cornette s’aparut; déluge d’iawe. — En cellui meisme tamps,
advint de grant merveille, entre lesquelles il apparust une cornette, la
plus reluisante que jamaix on eust vehu. Et puis, soudainement, vint
sy grant habundance d’yawe on moix de jung que, on pays de Saxone,
y oit une ville, laquelle estoit bien loing de toucte ripvier, maix, par la
grant habundance des yawes qu’il fit, elle fut périe avec touctes les
gens et les bestes d’icelle ; et meismement fut périe leur église, telle­
ment que on ne polt oneque sçavoir que tout ce estoit devenuz.
Première habitation du paiis de Flandres. — Item, en cellui temps
fut premièrement habitée le pays de Flandres, car par avant ce n’estoient que désert et grans forest.
La foire du Landi et celle de Saincl Denys eslablie. — Aucy, en cellui
meisme temps, fut premier estai>ly la foire du Landi et celle de Sainct
Denis en France, comme aulcuns veullent dire ; mais je trouve, cellon
a. Philippe a corrigé de sa main, dans les deux manuscrits, aornement en ordonnance.

1. Jean X, 125e pape. Philippe a négligé ici un grand nombre de papes. Sur la
papesse Jeanne, voyez n. 2.

2. La légende de la papesse Jeanne, qui apparaît dans une chronique du milieu du
xme siècle, a été admise dans le Liber Pontificalis et réfutée seulement au xvne siècle.
3. Sauterelles.

LOUIS LE BÈGUE, ROI DE FRANCE (846-879)

209

d’aultre, qu’elle estoient desjay institués loing tamps devent. Cy lairons
à pairler de ces chose quant à présant, et retournerons a roy de France
et à la chose publicque de la cité de Mets.
Loys le Bègue coronnês roi de France. — En celle meisme année
VIH0 LXXVIII, et après la mort du deventdit Charle, lequelle morut
à Romme en la manier comme cy devent avés oy, fut corronnés à
Rains son filz Loys le Bègue. Lequelle fut requis dudit pappe Jehan à
luy aidier en l’encontre de deux conte d’Ytallye, c’est assavoir Lam­
bert et Helbard, lesquelles usurpoient aulcune places et signeurie
aparthenant audit pappe.
Cellui Loys le Bègue fist plusieur aultre chose durant son tamps,
et puis fut corronnés par ledit pappe Jehan du diadesme impérial,
et le nomma empereur. Mais il ne vesquit guerre, car force malladie
lui ont corrus sur ; et tellement que luy, voyant ces jour 1 aprochiez,
il envoiait quérir son filz Charles, qui est dit le Simple, lequelle il comenda estre corronné.
Loys le Bègue trespassés, l’an viijc et iiijxx. — Et ainsy, peu de jour
après ensuyvans, alla de vie à trespas, le XVe jour d’apvril, l’an de
grâce VIIIe et IIIIXX.
Cy lairons à parler de luy, et vous dirés cornent le païs de Neustrie
fut appellés Normendie, pour une nacion de gens venant de Germanie,
appellés Normans.
Le paiis de Neustrie apellês Normandie; trois roi en France; les
Normans descendus en France. — Vous debvés sçavoir comment, après
le trespas du roy Loys le Bègue, y oit grant noise et grant huttin en
France. Car, comme dit maistre Robert Gauguyn, en ung meysme
tamps furent trois roy, ces filz, dont les deux estoient bastard. Durans
le règne desquelz les Normans, lors infidelles et payens, et venant dez
partie de Germanye, descendirent en France, et assiégèrent Paris et
Chairtres, brûlèrent Angers, avec plusieur aultre places et citez, et
pillèrent Sans, puis violèrent les vierges, occirent religieulx et abatirent monastère et églises, et prindrent Nantes et Rouen. Puis, ce
fait, miraculeusement furent chassez et occis en grand nombre ; dont
il ce despitèrent, et firent encor plus de maulx que devent.
Les seigneur de Mets seigneur d’eulx meysme per les previlèges à eulx
concédés des empereur et roi. — Et, ainsy comme les chose estoient ainsy
triboullée, lez noble de la cité de Mets ce gouvernoient par eulx meisme,
par les previllaige qu’il avoient obtenus des deventdit prince. Car,
alors, le nouviaulx roy, lui estant encor en tutelle, fut conspirez encon­
tre lui, et fut mendé le roy de Germanie venir en France ; lequelle,
ayant receu ces nouvelles, c’en vint à grant puissance en la dicte cité
de Mets; mais, tantost après, pour aultre nouvelle, que je lesse, il c’en
retournait errier en Allemaigne. Puis, après plusieur chose faicte et
1. Il îaut compléter : voyant la fin, le terme de ses jours approcher.

2^0

CHARLES LE SIMPLE, ROI DE FRANCE (8/9-929)

dicte, desquelle je me paisse, ce assamblèrent les freres a Amyens
pour partir entre eulx le royaulme paternel.
Lous roi de France. - En telle manier que à Loys demeura la cou­
ronne du royaulme de France, avec toucte Neustne. Et, tantost apres,
lez Normans retournairent en faisans peillaige et larcins sur la rive de
la rivière de Loyre. Mais le roy, de ce advertis, bailla compaignye de
gens d’armes à Thierrey, homme de guerre, pour les aller assaillir et
combatre. Et luy, estans à Tours, fut en ce tamps de malladic saisy,
et alla de vie à trespas, et fut pourté a monastère Samct Denis de
France.

Et alors les novelles en vindrent à Charlonus 1, Illequelle tenoit
Vienne assigée. Cy print partie de ces gens et ce mist en chemin pour
aller vers les seigneur de France, qui le appelloie pour leur roy. Luy
estant en chemin, vint ung messagier luy anoncer que Vienne estent
prinse • et lui fut dit que les Normans estoient de Germanie dessandus
jusques en Champaigne, et avoient ars et brullés plusieur temple, ville
et monastère.
,,
,,
L’évesque Walo lues. - Contre lesquelle ung noble prelas, nommez
Wallo alors évesque de la cité de Mets, et duquelle nous avons cy
devent parlés, mena son armée ; mais il furent mis en fuyte et y fut
ledit évesque tuez. Cestuy Charlonus h combien qu’il est tout noctoire
qu’il soit mort, néantmoins l’on ne trouve en nul escnpt le pur ne
1 Tous, roi de France, dit Rien faisant. - Cy laissait ung sien filz,
nommé Loys Rien faisant 2, lequelle, par son ignorance et mutilhte
fut ainssy nommés Rien ne faisans. Cellui ne fist chose en sa vie qui soit
digne de mémoire.
. , ,
.
,,,
Charles le Simple roi de France. - Puis vint a monr ; et delessa
Charle son filz, qui fut surnommé le Simple (mais on trouve que ces ui
Charles le Simple estoit issu de Loys le Bègue). En son tamps retour­
nairent errier en France yceulx Normans, et firent tant de maulz en
brullant ville et villaige que ce fut pitiet et domaige.
Alliance faite entre les Normans et Françoi. - Et, a la fin, par paix
faisant, fut donné en mariaige à Rollo, prince d’iceulx Normans
Gilla fille de Charle, à femme, parmy ce qu’il ce fist crestien ; et pou
son douaire luy fust donné le pays de Neustrie, avec la cite de Rouen.
Lequelle pays, à cest heure et pour l’amour d’iceulx, fut de la en
avent apellés Normendie ; car yceulx Normans ycy devent nomme
estoient saillis des Gotz et dez Huns. Cellui Chairle apres plusieu
bataille ehue, fut traïs de Hébert, son serourge, et fut fait prisonme
à Péronne, et morut en prison.
Rollo, appellés Richair, créés roi de France - Et *es FranS0^
voyant ce, envoyèrent quérir ung des anffans de cestuy Rollo, duc d
1 Carloman. II est mort, sans enfants, le 6 décembre 884.
mai S87.
2' Louis V le Fainéant fils de Lothaire et d’Emma, mort sans enfants le
Il y aJci'une'confusion de Philippe. - C’est bien de Louis le Bègue que Charles HL
dit le Simple, est fils.

Manuscrit

A

(Archives départementales de la Moselle), p. 85 (voyez Introduction, p. xiv).

ADALBÉRON Ier, ÉVÊQUE DE METZ (929-964)

211

Normendie (lequelle Rolle en son baptesme fut appellé Richairt ;
car, comme dit est, il avoit apousés la suer dudit Chairle le Simple) ;
et cellui anffans, nommé Radulphe 4,
1 2fist
3 corronner à roy. Et eust en
son tamps plusieur bataille ; mais il ne régna que XII ans ; parquoy fut
constitués en son lieu Loys 2, le filz de Charle le Simple, et fut courognés roy. Car ledit Chairle estoit trespaissez en prison, comme cy
devent est dit. Mais nous lairons à pairler de luy, et revanrons aulx
évesque de Mets.
L’ordre de Clugnei instituée. — Et aussy dirons cornent je trouve que,
en l’an de l’incarnacion Nostre Signeurs IXe et XIII, on premier ans
de Conraird l’ampereur, fut premier instituées et acomencée l’ordre de
Cligney.
Vigericus, xliiij[e] évesques, thint le sciège x ans; 896 3; trois pape
po[ur] ung temps. — Le XLIIIIe évesque de Mets oit nom Wigiers, en
latin Wigericus. Il tint le siège X ans et XXX jours, et morut à Mets,
on moix de mars. A son tamps furent trois pappes, c’est assavoyr
Lion le VIIe, Benoy le quatriesme et Grégoire le VIe 3.
Les Hongres en Galle. — Et, aucy en son tamps, furent les Hongres en
Galle, et ardirent mainte cité, et maintes églises mirent en cendre,
dont maintes relicques de corps sainct furent translatés d’ung lieu en
autre. Et fut du tamps que morut le deventdit Chairle le Chalve et
que aprez luy thint l’empire Charle le second, qui fut filz à Loys, le
roy d’Allemaigne.
Venno, xlve évesques de Mets ; 906 4. — Puis, après la mort du devent
dit Wigières, fut fait, créés et bénis Venno 4 pour le XLVe évesque de
Mets. Cestuy fut hermitte et fut natif de Xouuabe, en latin Sueba,
et fut de moult saincte vie. Le second ans de son éveschié, on luy
crevait lez oieul quoiement 5, et alors le bon homme lessa son éveschié
et redevint hermitte comme devant.
Albéron, xlvje évesques, thint le scièges xxx ans ix mois ; 908 6. 7—
Parquoy fut elleus le XLVIe évesque de Mets, qui fut appellés Albérons primus, en latin Adalbero. Lequelle, entre ces bons fais, il fit
relever et renouveler les fondemens de l’abbaye de Gorze, qui estoit
cheu et cheoient chescun jour de vieillesse, et la fit fermer tout autour.
Et aucy fit il à Sainct Arnoulf, où il fit moult de bien. Et tint le siège
XXX ans IX moix et XXVI jours, desoubz Jehan le VIe, desoubz
Léon le VIIe, et dessoubz Jehan le septiesme 1, et Zendebodo, empe­
reur ; et morut en mairs, et fut ensevelly à Gorze.
1. Raoul, duc de Bourgogne. Il n’est pas le fils de Rollon ; tout ce passage contient
d’ailleurs de nombreuses erreurs.
2. Louis d’Outre-Mer.
3. La date de 896 est inexacte. Wigerich a été évêque de 917 à 927, sous le
pontificat de Jean X, 914-928 (Mas-Latrie).
4. Benno (927-929).
5. Insensiblement, ou : sans qu’il s’en doutât.
6. Adalbero Ier (929-964).
7. Il faut corriger Jean X (914), Léon VI, ajouter Étienne VII, corriger Jean XI
(931). La chronologie de Philippe est visiblement en défaut.

212

FONDATION DE L’ABBAYE DE SAINT VINCENT

Arnoull, filz de Loys, empereur; et morul plain de vermynne. — Item,
après la mort Chairle l'empereur, thint l’empire Arnoult, filz de Loys,
le premier roy d’Allemaigne, et régnait XII ans. Puis, après ce que le
deventdit Arnoul oit tenu l’empire XII ans, il fut Sy tormentés de
poudz et de vermine que nul phizisien ne l’en polt guérir par nulle
arte, ne n’y oit oncque homme que y sceust mestre remide, maix à la
fin en morut.
Loys, filz du dit Arnoult, empereur; Conraird empereur. — Et après
luy fut fait empereur Loys, son filz. Maix, pour les guerres qu’estoient
en Ytallie, il ne polt avoir corronne impérialle. Item, aucy en celluy
tamps, fut premier fondée l’abbaye de Cliney. Et y avoit alors grant
discenssion en l’Église. Item, quant celluy Loys oit tenu 1 empire
X ans, il morut. Et fut Conrard esleu empereur. Maix il ne polt avoir
la bénission 1 impérialle, pour lesdicte guerres qui encor estoient en
Ytallye. Et régnait aussy VII ans ; et puis morut.
Henrei empereur. — Et fuit Henry, le duc de Saxonne, fait et esleu
empereur ; et fut coronnés de la corronne impérialle ; et régnait cellui
XVII ans. Aucy en ce meisme tamps régnoit encor en France Charles
le Simple, comme dit est cy devant ; lequel avoit à femme la fille du
roy d’Angleterre. Et, en ycelluy tamps, se rebellait Robert, conte de
Paris, contre ledit Charles ; pour laquelle chose ledit Charle, à l’ayde
dez Lorains, le tuait en une battaille. Parquoy Hébert, qui estoit
serourge au deventdit Robert, print ledit roy Charles par fraude et
décepcion, comme cy devent ait estez dit, et le fit morir à Péronne en
prison, comme martir. Et sa femme la royne, avec son petit filz Louy,
s’en fouyrent dever son perre en Angleterre. Et adonc régnait en
France Rodulphe 2 3XII ans. Après lequelle fut couronnés le deventdit
Loys, le filz Charle le Simple, comme cy devent est dit.

[FONDATION DE

l’ABBAYE

DE SAINT VINCENT]

Theodoricus primus, xlvij\f\ évesques, fondateur de Sainct Vincent,
938 3. _ Après vint Thiédry primus, que fut le XLVIIe évesque de
Mets. Et fut celluy qui fonda et édiffia en Mets, oultre la rivier de
Mouzelle et près des murs de la cité, l’abbaye et monastère du couvant
de Sainct Vincent, soubz l’ordre de sainct Benoit, pour prier Dieu et
pour le salut de son âme, et par le congiez du Sainct Sciège apostolicque
et de tous les sénateurs, empereurs, roy, duc, conte et seigneur ; et
l’ordonna à estre dédiée on non dudit sainct Vincent et de tous les
martir desquelles les nons sont escript et intitulés on cartulaire d’icelle
1. Beneïçon, bénédiction.
2. Raoul. — Son successeur est Louis A’Outre-Mer.
3. Théodoric : 964-984.

THÉODORIC, QUARANTE-SEPTIÈME ÉVÊQUE DE METZ

(964-984)

213

église (et en font et doye faire lesdit religieulx la comméraoracion la
XVe kalende de novembre), confermés par Jehan, évesque de Mets 1, 2
avec biaucoupt de previleige qui sont estés donnés. Celluy évesque
Théodorich y donnait grand rante et revenue, avec grand terre et
signorie, comme les lestres et les chairtre que de ce en sont faictes le
devise. Et fut cellui monastère grandement douués et enrichis, tant de
luy comme d’aultre que y firent des biens. Et, avec ce, travailla de
tout son cuer de l’anoblir par sainctetés de relicquez ; car, comme nous
dirons ycy après, il y donna plusieur relicque et foison de corps sainct,
lesquelles avec grand painne il avoit pourchassier et apourter avec luy
de Ytalie. Et fut ce fait on temps de Octo l’empereur, le filz au roy
Henry que fut roy de Loherenne ; desoubz Lion le VIIe et Estienne
le Ve. Et, pour sçavoir la manier cornent yceulx saincte relicque furent
donnés et apourtez en ycelle noble église de Sainct Vincent, premier
serait ycy mise la coppie de une lestre, laquelle est escriptes en ung
taubleaulx en ladicte église, dont la teneur s’ensuyt.
L’an ixc et xxxviij ; miracle de la chainne saint Fier. — Je Guillame,
dit Seigleur, advocas en la cité de Mets, ay leus la quairte partie du
Livre des Istoire de frère Vincent, de l’ordre des Prescheur 2, lesquelle
disent que, pour le temps de l’empereur Othon premier, qui comensait
à régner l’an de Nostre Seigneur IXe et XXXVIII, et dit histoire que,
estant le deventdit évesque Théodorich à Romme avec ledit ampereur,
ung conte, qui estoit bien familier d’icelluy ampereur Othon, fut devent
les yeulx de toute personne entrappés de l’Ennemy en son corps,
tellement que il meysme se deschiroit au dent. Lequelle, par le comendement de l’empereur, fut amenez a pappe Jehan, vivant alors, affin
que de la chainne sainct Pierre son col fut environnez. Mais par les
clercs plussieurs fois aultre chainne fut apourtée par baret, car il
doubtoient de la perde ; lesquelles milles remide ne donoient^à cellui
enragié, ne ayde ne l’en vint ; car, pour sertains, ces chainnes n’avoient
point de vertus en elle. Mais, après, de la vraye chainne sainct Pierre
fut le col de l’enragié environnez, et le diable escument par la bouche
et criant à haulte voix incontinent se despartit ; à laquelle chainne
Théodorich, cy devent nommés, alors avecque de Mets^mint la mam
bien enhaitté, en dissant que, c’il ne perdoit sa main, il ne laisseroit
point aller le chainnon qu’il tenoit. Laquelle discenssion l’empereur
terminait ; et convint que, du consentement du pappe, que ledit
évesque auroit ung chainnon de ladicte chainne. Lequelle channon,
avec une partie des cheveulx sainct Pierre et du sanc sainct Estenne,
premier martir, et une partie du rotier 3 sainct Loran, avec plusieur
aultre corps sainct et relicque trèsdigne, ledit évesque transporté en
Galles, le XXXIIIe an de l’empire du dit Othon, et les mist et pousait
1. Il s’agit sans doute de la confirmation du pape Jean XIII (29 septembre 970,
HMe, t. IV, Pr. p. 80-81).
.
2. Il s’agit sans doute du Spéculum historiale de Vincent de Beauvais.
3. Rostier, gril.

214

LES RELIQUES DE L’ABBAYE DE SAINT VINCENT

en 1 église de Samct Vincent martir en l’isle de Mets dedans Muzelle
édiffiee honorablement par ledit évesque en l’honneur dudit sainct
Vincent, le diacre et martir, qui fut attrait de la province etlinaige de
saincte Lucie. Et fut la principalle cause pour laquelle ledit Théodorich
avoit sa dévocion au devent dit monaster par dessus toutte église, car
il volt mettre les corps enssemble, pource en partie qu’il avoient estés
tout ung quant au païs et au linaige, mectant le corps de l’ung en la
maison de l’aultre, avec plusieur autre corps sainct et relicque, qu’il
assembloit par le païs d’Italie avec ledit empereur, son trèsgrant amy
et prochain de linaige, comme cy après serait dit. En laquelle besoingne
ledit évesque tresveylloit son corps par l’espace de trois ans par les
bonne villes et cités cy après nommée dudit pays, avec les corps sainct
et relicque qui s’ensuyvent.
Gy après s’ensuyt les noms des corps sainct et relicques d’icelle église
Samct Vincent en l’isle de Mozelle, et dont il sont transportés et
venus.
Le corps sainde Elpide; Eutice, mertir. — Premier, en la cité de
Marsaille, print ledit évesque le corps de sainct Elpide, confesseur,
lequelle oit ung compaignon sainct et évesque, dit Eutice L Et cellui
corps avoit desjay ledit évesque ostés de ladicte cité.
Sainct Viclorin ; sainct Félicien. — Item, de la cité ditte Aventerne
prmt le corps de sainct Eutice, martir, avec les relicques [de] sainct
arone et de sainct Victorin 12, 3et de leur compaignon aucy. Puis après,
de la cité de Fulgine, le corps de sainct Félicien, évesque et martir.
Sainct Asclepiedor; sainct Gerenne ; sainct Vincent. - Et, de la cité
de Permisse, le corps de saint Asclepiedor 3, martir. Item, de la cité de
Spolitte, le corps de sainct Gérenne 4, martir. Aussy, de la cité de
ordune, des relicque de sainct Vincent le diacre et martir, lesquelles
re icques jaidit avoient estez aportée d’Espaigne par deux moinne en
une ville dicte Capuane, et de Capuane furent aportée à Cordune
devantdicte.
Ung aultre saint Vincent; sainct Léonce; saind Myneat; sainct
Fortunés.
Item, de la cité de Méruane, le corps d’ung aultre sainct
mcent, évesque et martir. Et, de la cité de Vincence, le corps de sainct
Léonce, évesque et martir. Puis, de la cité de Florence, le corps de
sainct Mineat 5, martir. Et, de la cité de Tudertine, le corps de sainct
Fortunez, évesque et confesseur. Item, de la cité [de] Corphine, le
corps de saincte Lucie de Siracuse, vierge et martir, jaidit translaté
de Cecille en ladicte cité per ung duc d’Espoletienne, dit Faolde ;
et depuis fut transpourté par ledit évesque Déodorich à Mets en ladicte
église Sainct Vincent.
1.
2.
3.
4.
5.

Saint Elpide et saint Eustoche (M. R. 16 novembre).
Saint Eutychès, saint Maron, saint Victorin (M. R. 15 avril).
Saint Asclépiade (M. R. 18 octobre).
Bienheureux Geronimo, martyr, 16 janvier ?
Saint Miniat (San Miniato).

LES RELIQUES DE L’ABBAYE DE SAINT VINCENT

215

Saind Prothe et sainct Jacinle. - Puis, fut apourté de la cité de
Sabine une partie des corps de sainct Prothe et de sainct Jacinct,
mârtircs ^ •
Tous ces corps sainct et relicque furent par ledit évesquez Théodorich apourtés des lieu, cité et païs deventdit on monastère de Sainct
Vincent de Mets, avecque plusieur aultres, qui jay y estoient par avant,
desquel la mémoire d’une partie est oblye, par le defïaillement des
anciennes escriptures mescognues et par la translacion des choses et
mutacion des lieulx et édifice dudit monaster avecque enciennetés de
temps. Mais, toutefois, nous trevons encor par les ancienne escnpture et cronicque la plus grant partie des nons desdictes ancienne
relicque. Lesquelle sont cy après escriptes en la forme et manier que
l’on les ait trouvés.
Saincte Quinline; saind Maron; saind Fidenl et Térent; plussieur
aullre relicque, comme s’ensuit. — Premier, de sainct Quintime. Item, le
corps de sainct Maron et de sainct Futicet, martires. Puis, les corps de
deux sainct frères, c’est assavoir Fident et Térent, avecque plusieurs
diverse rellicque de plussieur sainct, comme de sainct Pol et samct
Larant, de sainct George, de sainct Apollinaire, avec les relicque de
deux aultre sainct, c’est assavoir de sainct Pergentin et de samct
Laurentin. Item, les relicque de sainct Estienne, premier martir ; et
les relicque de sainct Trudon ; puis les relicque des sainctes ycy après
nommée, c’est assavoir de sainct Walbourdigne a, de samcte Entente
et de saincte Serenne. Item, du layt, des cheveulx, des vestemens et de
la saincture Nostre Damme, et du sanc de Son chier filz. Item, es
relicque de sainct Quitin 3 et de sainct Gorgonne, martir, avec une
partie du batton sainct Pierre ; aussy du sépulcre Nostre Seigneur,
et une pièce du fust de la saincte Croix. Item, les relicque de plusieurs
sainct, comme de sainct Denis, de sainct Biaise, de sainct Sébastien
de sainct Géréom et de ces compaignons, de sainct Livair, de samct
Eustache et de ces conpaignons. Item, les relicques des samcts Inno­
cent, de sainct Cosme et de sainct Damies 4,
1 2des
3 VII frères, de sainct
Menne et de sainct George, de sainct Térence, de samct Carpofore, de
sainct Thomas de Cantorbie, de sainct Benoy, de samct Digne, de
saincte Félicté, de saincte Glossine, de sainct Augustin, de la banmer
de sainct Sébastien. Item, des relicques sainct Fabien, de sainct Simphorien, de sainct Florens, de sainct Gorgone, de samct Monse, de
sainct Martin, de sainct Clément, évesque de Mets, de samct Pacient,
de sainct Germain, de sainct Eukaire. Item, des relicques de samcte
Agathe, de samcte Agnès, de saincte Margarite, de samcte Barbe, de
saincte Waldrée, de sainct Menne, de saincte Odebée, vierge, e e
1. Saints Prote et Hyacinthe (M. R. 11 septembre).
2. Sainte Walburge ?
, . ..
3. Il existe plusieurs saints du nom de Quintien. Mais ne s agit-u pas ici de Saint
Quentin?
4. Saint Damien.

216

TRANSLATION A METZ DU CORPS DE SAINT LIVIER

sainct Mercel. Item, les vestemens de sainct Thomas et de sainct
Bartholemeus. Puis, des relicques des XI mille Vierges, et du cilis
sainct Jehan Baptiste, qui est son vestemens de piaulx. Item, les
relicques de sainct Denis, de sainct Rustica et de sainct Lenthier,
martir, avec une partie de la chasube sainct Denis, de la dalmaticque
sainct Lenthier, et de la tunicque sainct Rustic. Item, les relicques de
sainct Foy, de sainct Valian, de sainct Matheu, de sainct Dedier, de
sainct Jaicque, du mont de Calvaire, de sainct Thiébault, de la tunicque
sainct Françoi, des chevoulz sainct Loys, le corps Saincte Virgine.
Item, 1 estole et le fenon sainct Géraird ; et le corps sainct Grégoire
spolitain, martir.
Lesquelles devantdicte saincte relicques et corps sainct sont ou
doient estre en ladictes église de sainct Vincent le diacre et martir,
à Mets, en Tille de Mozelle. Et furent une partie d’iceulx relicque sairchiez, mis et apourtés de plusieur ville et cité par le deventdit évesque
Théodorich en Mets, en la manier comme cy devent ait estez dit.
Le corps sainct Lyvier apourtés à Mets. — Après que ycelle saincte
relicques furent ainssy apourtée, mise et possée par le deventdit
évesque Théodorich en ladicte église Sainct Vincent, en la manier
comme cy devant ait estés dit, alors il oyt la renommée des grant
miraicle que journellement le Saulvour de tout le monde faisoit à la
requeste de son serviteur le benoy sainct Levier le martir, duquelle le
corps gisoit et estoit sépulturés en une baulte montaigne amprès la
ville de Mersault, comme cy devent en la légende dudit sainct ait estés
dit. Parquoy ledit évesque, après ce qu’il fut bien advertis de la vérité
et dez grand miraicle que journellement en ce lieu ce faisoie, il oit
voullunté délibérée, pour tousjour plus honourer et décorer ladicte
église Sainct Vincent, de illec translater ce glorieulx corps sainct
Levier ; laquelle voulluntés il mist en essécution. Car, comme j’ai dit
devent en sa saincte vie et légende, ung jour à ce faire ordonné, ledit
évesques, bien acompaigniés de plusieur noble prélas et gens de tout
estât, en grand révérance et honneurs c’en aillairent sus ycelle mon­
taigne ; et illec fut deffouuis ce sainct corps, et moult honorablement
fut mis en une belle fierte, et, en chantant hymne et canticque, fut
apourté en la cité de Mets, le cuidant mestre en ladicte église Sainct
Vincent. Mais, quant il vinrent a lieu là où à présant est la Crois oultre
Muzelle, devent l’église Sainct Pollieulx, par miraicle de Dieu il furent
illec arestés, cen ce que de ce lieu il le seusse pourter plus avant. Et,
après ce que ledit évesque oit fait son oreson et sa prière à Dieu, il luy
fut révellés qu’il laissaicent aller ce sainct corps là où il vouldroit, et
qu’il thincent tous le chemin qu’il pranroit. Et aincy en fut fait. Et,
tout incontinent, lez cloche d’icelle église Sainct Pollieulx acomensairent à sonner à branle, et alors fut ce sainct corps bien légièrement
levés, et pourtés, mis et pousés sus l’autel de Tesglise dudit Sainct
Pollieulx, en laquelle il est encor de présant. Dieu par sa graice nous
faisse partissipant de leur mérite et bienfait ! Amen.

OTTON Ier, EMPEREUR D’ALLEMAGNE (962-973)

217

[SUITE DES ROIS DE FRANCE ET DES EMPEREURS D ALLEMAGNE]

Victoire obtenue par l'empereur Otton contre les Sarazin. — Item, au
tamps du deventdit évesquez Théodorich, advint que, on moix d aoust,
le deventdit Otto l’ampereur oit une grande et mortelle battaille contre
les Sarrazins en la terre de Calabre, en laquelle y oit très grant mu txtude dez gens de sa partie qui receurent mort. Et fut par avent révelles
celle adventure à ung sainct homme, évesque, qui estoit de Bauvière,
appellé Oleris. A ycelluy Oleris sembloit qu’il veoit Jhesu Crist qui
seoit en ung hault trosne, et toucte la court du Ciel entour luy. Et la
devent la majesté divine, fut apportée une ballance, et fut faicte et
proposée une question, c’est assavoir laquelle partie gamgneroit ou les
crestiens ou lez Sarrazins ; et luy sembloit que les deux parties fussent
mises en bellances, et que alors fut déterminez du grant juge que lez
crestiens le perderoient, pour lez grans péchiez que en eulx régnoient
Adoncquez il se éveillait et raconta à toucte 1 oste 1 advision qu il
avoit heu. Et adoncque, pour ces parolles, tout le peuple crestiens se
mirent en orésons, et se prindrent à jeûner, ce confesser et a aire
grant pénitence ; et, non pour quant, vitaille leur faillit tellement
qu’il n’olrent plus que mangier. Se dirent l’ung à l’aultre que il seroit
bon et valloit mieulx à conbattre et à monr en battaille que morir de
fain et languir de soif. Et, tantost, la piétaille, sans le sceu des nobles
se mist en arroit, et s’en aboient combattre aulx annemys. Et, sus cest
point, ledit Olryt s’endormyt de rechief, et vit Jhésu Crist se sceoir
en son trohne, comme devant, et Marye, sa doulce mère, avec toucte
la chevallerie de paradis, qui estoient en genoyllon devant luy, en
suppliant dévoltement et humblement qu’yl volcist donner Victor à son
peuple. Adoncque fut raportée la ballance, et fut trouvé que la péni­
tence que les crestiens avoient fait emportoient lez périlz, et debvoien
lesdit crestiens gaingnier la battaille. Et alors vint sainct Lorans de
cuy la feste approchoit, et, en priant pour le peuple, mettoit avant les
soufïraiges l et lez tormens qu’il avoit enduré, et tant en dit qu
empêtrait que lez crestiens debvoient gaingnier. Et alors ce resvai ai
Oleris de rechief ; et, quant il fut envellier, si envoyait tantost a l em­
pereur, et mandait et conseillait, sans plus attandre, que on corrissen
sus à leurs ennemys, car Nostre Damme et sainct Lorans, avec ouc e
la compaignie du Ciel, avoient empêtré la victoire pour uy e pour
gens. Et ensy le fist l’empereur. Et tantost les Sarrazins se mirent en
bataille et furent desconfis. Et, pour celle victoire, ait on sainct Lorans
et sa feste en plus grant honneur et révérance que biaulcolpt d aultre.
Otto, premier de ce nom, empereur. - Ainsy, comme cy devent avés
oy, après la mort Henry l’empereur, qui fut le premier de son nom, tint
1. Ancien français souÿrage, souffrance.

218

LOUIS IV d’outremer, roi DE FRANCE (936-954)

1 empire le deventdit Otte, aussy le premier de son non ; et régnait
-XXXVI ans.
L°ys coronés roi de France; Loys mys en prison et puis délivrés. —
Et fut en yceîle année que morut le deventdit Rodulphe i, qui régnoit
en France. Après la mort duquelle les perres de France envoièrent
1 archevesque de Sens en Angleterre pour amener Louy, fïlz a roy
Charles, lequel estoit fouy avec sa mère, comme cy après serait dit ; et
fut remis on royalme de son perre et coronné à Laon ; et régnait XIX
ans.
Maix, en son tamps, Hues, conte de Paris, filz au deventdit Robert
quë le roy Charle tuait, se rebellait contre ledit roy Louy ; et fut ledit
roy trahis de ses propres gens, et livré en la main dudit Hues, lequel
le fit mettre en prison. Maix, quant le deventdit ampereur Otto sceust
ceste chose, il vint en France atout grant gens pour luy délivrer ; et
les François, sçavans sa venuees, le mirent hors de prison. Et puis,
après ce, morut ledit Louy, l’an de l’empire dudit Otte le XVIIIe.
Loihaire, roi de France. — Et, aprez la mort dudit Louuys, régnait
Lothaire son filz XXXI ans ; et duquelle nous parlerons icy après en
l’aultre chaipistre.
Grant discention en VÉglise : Jehan, pape; Lion, pape; Jehan, pape
derechief. - Item, aussy en cellui temps, le XIX* ans de l’empire ledit
Otte, y eust grant discenssion en l’Église de Romme pour cause de
Jehan, qui tint le siège pappal, comme vous oyrés. Et fut cestui Jehan
le cent et XXXIe pappe ; et fut dégecté de l’empereur hors de son siège,
et mis en son siège Lion. Puis fut ostés ledit Lion par les Romains,
et y fut remys Jehan. Et enssy furent mis et remis deux ou trois fois 2.* 1
Et firent plusieur choses, que je lesse à cause de briefvetez, de quoy
grant scandalle en fut à l’Église.
Otto ije empereur; Otto iije empereur. - Puis, après la mort de Othe
le premier, tint l’empire Othe le second X ans. Et, après la mort
d’icelluy, tint l’empire Othe le thier, son filz, et régnait XIX ans.
Cy lairons à parler des pappe, des évesque et ampereur, et retour­
nerons aus roy de France.
Or avés icy devent oy cornent le roy Charle avoit estés mort en prison
à Péronne. Et, depuis luy, avoit estés Rodulphe fait roy, lequel pareil­
lement estoit trespaissé. Parquoy la seigneurie de France envoièrent
en Angleterre quérir Loys, filz audit feu Charle le Simple, lequel estoit
fugitif , et alors fut amenés ledit Loys en France et couronné le XXIIIIe
roy de France. Cellui « Loys, en son tamps, oit plusieur guerre, desquelle
je me despourte.
Hébert pendus et estranglés. — Toutefïois, entre les aultre chose qu’il
a.
assis
1.
2.

Le f° 168 r° du ms. de Metz est occupé par un dessin inachevé. Le personnage
devant un livre ouvert est sans doute Philippe de Vigneulles lui-même.
Raoul.
Ces faits, inexactement présentés, concernent Jean XIV, 139e pape (983-984),

LOTHAIRE, ROI DE FRANCE (954-986)

219

fit digne de mémoirre, il print vengeance «de la mort de son perre, le
feu roy Charle. Et, par une subtil manier, comme le raconte Gagum
fist tant qu’il thint le conte Hébert entre ces mains, lequelle avoit lait
morir son perre en prison, et par parolle déceptive ce jugeait ledit
Hébert lui meisme. Et fut pandus et estranglés sur une montaigne
auprès Loudun ; et en mémoire de ces chose la montaigne ce appelle
encor aujourd’huy le mon Hébert.
(
Celluy Loys, roy de France, tout le tamps de son règne n oit bonne
fortune, et trespassa de ce ciècle l’an de grâce IX cent et LV..
Loihaire roi de France; Chairle, son frère, duc de Lorainne et de
Braibant. - Et laissait deux filz ; l’ung fut nommez Lothaire et aultre
Ghairle. Cellui Lothaire fut coronnez le XXVe roy de France ; e a
Chairle fut donnée la duchiez de Lorainne et celle de Braiban. Et ce
tenoit à Brucelles, ville capitalle du païs.
' .
.
Guerre entre Lothaire et le duc de Normendie. - Celluy Lothaire eus
en son tamps guerre merveilleuse encontre Richair, alors duc de lNormendie. Et, à la fin, aprez plusieur domaige fait, ledit duc envoiai
quérir lez Sarrazins en son ayde, lesquelles firent de grant et mnumerable domaige en France ; et puis fut la paix faicte.
..
Otto asseigiés et surpris de Lothaire, roi de France. - Apres laquene
ce racomensait la guerre encontre de Otho, roy deGermanye.
tellement que ledit Lothaire le fut promptement assaillir et desp°a
en sa ville de Aiz en Allemagne, en laquelles, en la dessante dudit
Lothaire, estoit alors ledit Otho en ycelle ville, qui dmoit avec:so
espouse ; parquoy il conquist ung biaulx buttin. Et, ui re omn°
France avec sa despoulle, ledit Otho oit grant despit. Cy fist son armée
et c’en aillait mestre le sciège tout devent Paris , et y o pis3
grant baitaille et tuerie faicte.
.
.
Le paiis de Lorainne terre d’empire. — Et, à la fin, fut a paix
,
parmi telle condicion que la duchiez de Lorainne demouroit audit
Otho, et seroit cellui pays de ces jour en avant tenus e
P >
lequelle a paravent estoit du royalme de France. De quoy plusie i
seigneur françois furent mal contant, entre lesquelles Hugues l anne ,
homme vaillant, ainssy nommez, lequelle à cest occasion a ec
usurpa le royalme loing temps aprez, comme cy erner ®era
Lothaire mort l’an ix° iiijxx et vj. - Ledit Lothaire morut a
l’an de grâce IXe IIIIXX et VI.

Deux sciège en Astrasie, Mds et Ays. - Mais, pource que en Prieurs
lieux avons fait mencion du royaulme de Astrasie, il nous convient
plus elèrement déclairer qui ont estés anciennement es uni es
royalme. Je trouve que aultrefïois, par intervalles de temps, on
deux sièges principaulx en Astrasie, cest assavoir- e z e
,
Allemaigne. Le roy Dampgobert, en son vivant, bailla ce Pal _
Austrasie entièrement à son filz Sigebert, que nous isons
a. Mss. : vengeange.
1. Hugues Capet.

220

HUGUES CAPET, ROI DE FRANCE (987-996)

sainct Soibert, començant depuis la dernier et basse Bourgogne et
aboutissent vers Orient aulx Alpes et à la mer des Frizons, entre les
fleuves du Rin et Scalde. Elle conprenoit Traict i, Agripine-Collongne 2,
* 1Trêve, Magonce, Breban, Gueldres, Clèves avecques Zélande et
Holande, Hénault, Hasbanye, le Liège, Lembourg, Alsacye, et les
places du conte palentin qui sont deçà le Rin, la forest d’Ardane, Bar,
qui depuis a esté érigé en duché, avecques celle portion qui aujourd'hui
est nommée Lhorainne, comensant au fleuve de Mozelle, et est remplye
de plussieurs villaiges. Cest région de Gaulle belgicque, qui est de grant
estandue, ont les anciens appellé France orientalle ; et l’aultre, qui
estoit subjecte à Charles le Chaulve, pource qu’elle tend au soleil
occidental, ilz l’ont nommez région occidentalle et Austrasie, enclose
de ces limites. Venant depuis en la part de Lothaire, grant empereur,
comme cy dessus je vous ait desclairés, ayant acquis le nom de Lorrainne, est demeurée jusques à Otho, que nous avons dit le thiers roy
de Germanye.
Changement de région. — Or est maintenant cest Austrasie despartie
en plussieur région, cellon la disposicion du tamps. Car lez prince du
passé en ont donnés partie en diverse église, comme à Sainct Pier de
Collogne, an Liège, à Trêve, a Mets ; et en plusieur aultre lieu et partie
est perdue par leur paresse et négligence.
Loys, fdz de Lhola[ire]. — Item, après la mort de cellui Lothaire cy
devent nommez, succéda Loys, son fîlz. Dez fais duquelle ce taisent les
istoiriens, pour ce qu’il fut de brief vie, et aussy pour ce qu’il ne fist
chose qui soit digne de mémoire.
ixc iiijxx et vij ■ i]ue Capès roy de France. — Après cellui, en l’an
IXe Illln et VII, ce fist couronner roy par force ung nommez Hue
Capel, cy devent nommé, et en déjectait Charles, duc de Lorainne,
a qui le reaulme apartenoit, car il estoit frère a feu roy Lothaire cy
devent dit.
mourut ]ecip
La mort de Hue Capel, Van ixc iiijxx ei xvüj. _
Hue Capet l’an de graice Nostre Seigneur IXe IIIIXX et XVIII. Et
ainssy faillit la lignié de Charle le Grand, empereur, en France ; et
acomensait celle dudit Hue Capet, comme cy devent nous avons dit.
Mais des roys et ampereur vous lairés ung peu à parler pour le présant, et retournerés aulx évesque de Mets et à la chose publicque a
d’icelle.
a. M : bublicque.
1. Trajectum ad Rhenum, Utrecht.
2. Colonia Agrippina, Cologne.

ADALBÉRON, QUARANTE-HUITIÈME ÉVÊQUE DE METZ

(984-1005)

221

[SUITE DES ÉVÊQUES DE METZ ET AUTRES ÉVÈNEMENTS]

Albéron, xlviijo évesque, Ihinl le sciège xxviij ans, homme de grant
perfection. — Après et en ce temps fut Albéron le second, que fut e
XLVIIIe évesque de Mets ; et fut celluy parent au devantdit évesque
trespassés. Et de luy on lit moult de bel fais. Premier, il renouvella
l’église de Sainct Simphorien fuer de Mets, et touctes les églises et
abbayees de la cité de Mets et d’entour d’icelle ; et, toucttes celle que
ces prédicesseur avoient encomencées, il lez perfit et essevyt * de tout.
Et quy ait voullunté de sçavoir sa vie perfectement, se_ lisent ung
livre que fut fait de sa saincte vie et légende et de tout les fais d icelluy,
et là trouvanrait le tout. Celluy Albéron tint le siège XXVIII ans,
desoubz Jehan, Lion, Estienne le Ve ; et morut en janvier, on temps
Henry l’empereur ; et fut ensevelly en l’église de Sainct Simphoriens,
avec Papolle et Gode et Sigibalde et Apte et Bieneureux, lesquelles
furent tous évesque et sont léans ensepvellys. ^
Henrei, duc de Bavière, empereur, l’an mil et iij ans. - Ce deventdit
Henry le premier, empereur, que fut duc de Bauvière, fut empereur
par l’espace de XXII ans ; et fut fait empereur l’an mil et III ans.
Et cestuy Albéron morut on temps qu’il régnoit.
Et, environ celluy temps, morut le devent dit roy Louuy de France,
sans hoirs mairies 2 ; après lequelle, et on temps du deventdit évesque
Hues Chappet ce fist corronner roy de France, comme cy devent ait
cstés dit.
Division du règne des pape et évesques. - Item, l’an IXe de l’empire
Octho, ung sene 3 des évesques se tint à Rains pour sçavoir que Hue
Chappet fut démis de la corronne de France ; et en se sene fut, demis
Arnoul, archevesque de Rains, et y fut mis des François Gerbert ,
et, depuis, le pappe le démist et remist Arnoul archevesque de Rams.
Mais Octhe l’empereur mit ledit Gelbert archevesque de Raveinne ,
et puis fist tant qu’il le fist pappe de Romme, et fut appellé Silvestre,
duquel furent fait de luy ces verses .
Transit ab R. Gebertus ad R., fut pappa vigens R.
Geberlus grant géométriens. - Guillaume le historiographes dit que
cestuy Gilbert, en son josne eaige, fut moinne. Mais il lessait son abit
et s’en allait à Tollète, en Espaigne ; et fut de sy grant engin que, tou
ce qu’il estoit possible de sçavoir de l’astralabe, des estoilles, dez
champs, des oyseaulx, de géométrye, de astronomye et des aultres
sciences libéralle, il le sçavoit. Et, au resgart de nigromence, il en soit

1. Acheva.
2. Mâles.
3. Synode.

222

SILVESTRE II, PAPE (999-1003)

plus que nul homme vivant. Et adont, en celluy temps, vint à Paris
et tint escolles publicque, et oit plusieurs disciples ; entre lesquelx il oit
Robert, le fîlz dudit Hue Chappet, et pareillement oit le filz l’empereur.
Et, pour ce, depuis, icelluy Robert, quant il fut roy, le fist archevesque
de Rains, et Octo l’empereur le fist archevesque de Ravenne, comme
dit est ; et puis le fit pappe de Romme.
Or, escouttés qu’il en avint au temps qu’il estoit pappe. Il y avoit
à Romme, au Champs de Mars, une ymaige d’arrain qui avoit ung dez
dois de la main destre eslevé, et avoit en escript autour de sa teste :
« Frappés icy » ; pour laquelle chose advint beaucop de besoingne, que je
lesse à cause de briefveté. Car ledit pappe y usa de son art magicque,
parlant au diable, et luy advinrent beaucopt de merveille. Tellement
que, à la fin, il en heust sy grant repentence qu’il se fist tout décopper
en pièces ; et volt on dire qu’il obtint graice et miséricorde pour la
grant repentence qu’il heust.
Scandalle advenus aux paiis d’Alemaingne. — Item, en l’an Xe de
l’empire dudit Henry l, advint une merveille en une ville de Saxonne.
Car, par une nuyt de Noël, le prestre de la ville, lequel avoit à nom
Robert, enssy qu’il volt encommancier la messe à mynuyt, ung tas de
gens de celle ville, jusques a nombre de XV hommes et trois femmes,
dequoy le prestre y avoit une fille, et avoit ung homme d’entre eulx
nommé Odart, iceulx XVIII personnaiges, selon l’usaige du pai's,
comencèrent à chanter et à haller, cuidant faire service à Dieu. Maix,
pour ce qu’il empêchoient ledit prestre au faire le service divin, il leur
mandait qu’ilz se volcissent entreporter, et cesser de plus chanter ne
baller, et qu’ilz l’empeschoient fort. Laquelle chose les dessusdit n’en
volrent l'ien faire, maix de plus en plus se prinrent à baller et à mener
leur carolle, de quoy ledit prestre se courossait, et par grant fureur leur
dist ainsy : « Je prie à Dieu que d’aujourd’huy en ung ans vous ne
seusiez 2 de baller et chanter, ne aultre choses ne puissiez faire dedens
Tan. » Et, ainssy comme il plust à Dieu, oit la parolle du prestre sy
grant vertus qu’il furent en tel point, tousjours dancent, jusques à la
fin de Tan. Durant lequel temps ung dez filz du prestre, nommé Jehan,
volt sa seur oster de la dance ; et, pour ce faire, la tirait par les bras ;
mais incontinent les bras d’icelle fille desjoindirent d’elle, et n’en saillet
oncque goutte de sanc ; maix demorait avec les aultres, qui ne cessèrent
de baller et de chanter tant comme Tan durait. Ne jay pour ce n’en
furent despiessée ne usée robes ne solliers qu’ilz heussent, ne ne n’oirent
froit ne chault ne fain ne soif, ne ne furent oncque lassez. Après ce que
Tan fut passé, l’archevesque de Coullongne, nommé Humbert, lequel
de ce fuit advertis, vint à eulx et les absolut. Et, tout en l’heure, la
fille du prestre, avec deux aultres, trespassèrent et morurent illec tout
devant Taultel ; et les aultres, lesquelx heurent grant repentence,
furent l’espace de trois jours continuellement en oreison ; desquelx
1. En 1013.
2. Cessiez.

THÉODORIC II, QUARANTE-NEUVIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1006-1046) 223

aulcuns trespaissèrent assez tost après. Et aulcuns d’eulx heurent sy
grant repentence que depuis firent miracle
La seigneurie de Mets obtin des b previlaiges des empereur. — Ainssy,
durant ce tamps, pour ce que le pays d’Austrasie, à présant dit Lorainne, lequelle soulloit estre soubz la couronne de France, comme dit
ait, et duquelle la cité de Mets estoit et avoit tousjour estés chief
capitalle, pour ce que à présant estoit mis de nouviaulx soubz l’ampire,
yceulx noble de Mets acquirent tousjour plus grand franchise et
libertés pour eulx et pour leur cité. Et tellement que, en ce tamps,
il gouvernoient et régentoient eulx et leur cité causy du tout par eulx
meisme, et de jour en jour acquirent plus grant franchise et libertés,
comme icy après en plussieur passaige yl serait dit.
Mais de cez chose je lairés à parler quant à présant, et revanrés à
vous monstrer cornent le deventdit Hue Chappel et sa lignié régnairent
en France.
Hue Cappet, roij de France; Robert, filz dudit Hue, roy de France,
homme de grant vertus. — Hue Chappet, premier roy de France de sa
lignyé, régnait sus les François, comme dit est. Et d’icelluy saillit
Robert, lequelle fut homme instruict en très bonne meurs, et fut roy
très exellant et vertueulx. Celluy fist et compousa plusieurs louables
escriptz, lesquelles sont encor és saincte et sacrée églises, que les clerc
appelle les « respons », entre lesquelle il composa O Juda et Jherusalem,
et plusieurs aultrez, et encor celle belle séquence : Sancli spiritus
assit nobis gracia. 11 fist aussy plussieur guerre vertueuse. Et, en son
tamps, il fondit et édiffia plusieur belle église. Et oit plusieurs anffans,
tant leal que batair, lesquelles furent tout marié à grant personnaige..
Et, après ce fait, il trespassa, le XXIIIIe ans de son règne, l’an de
grâce mil et XXX ; et gist son corps à Sainct Denis en France. De la
lignée de ce Robert saillit le roy Hanry, et duquelle nous parlerons icy
après.
Deodericus fut le xlixe évesque, et thint le sciège xxx ans, homme de
grant prudence. — Mais premier je vous veult dire quy fut celluy que
après la mort du deventdit évesque Albéron thint le sciège épiscopal
de la cité de Mets. Cy trouve que, en ce tamps et durant le resgne du
deventdit Hue Chapet, thint le sciège d’icelle éveschiez ung noble
prélas nommés Déderis, ou en latins Deodericus \ lequelle fut le
XLIXe évesque d’icelle cité. Et fut celluy quy fondait l’esglise de
Sainct Estenne de Mets : c’est assavoir que ce fut celluy qui premier
acomensait le nouviaulx ouvraige de la grant nef qui à présant y est,
et pareillement dez haulte voulte qui ajourd’ui y sont, car possible est

a. Un dessin ancien, qui semble n’être pas à sa place, est numéroté f° 181 bis dans,
ie ms. d’Épinal. Il représenterait, d’après une note récente, le premier maître échevin,
de Metz, Amolbertin, reçu par l’évêque de Metz.
b. M : obtindre.
1. Théodoric II de Luxembourg.

224

LE COUVENT DES PUCELLES EN LA VIGNE FONDÉ A METZ

l’une dez haulte de toucte crestienté. Et y mist celluy évesque le bras
de sainct Estenne, qu’il avoit apourté de Besansson.
Et, en son temps, oit moult grant guerre entre luy et l’empereur
Henry. Celluy évesque donnait grant terre à ladicte église de Mets
pour et affîn qu’il luy aidaisse à guerroier ; et durait la guerre X ans.
Et puis governait son éveschiez en paix par l’espace de XXX ans,
desoubz Marin et Agapitte et Octovien * ; et morut en may, et fut
ensepvelly à Mets.
L’abahie de Sainct Arnoull rédiffiée. — En ce temps fut rédiffiée
l’abbaye de Sainct Arnoulf, d’ung abbez qui estoit appellé Gairin.
Et la dédiait sainct Lion IXe, et y donna grans previlaige.
Plussieurs dons fait par l’évesques à la Grant Église; Van mil et xx. Le deventdit évesque Dederis donna plusieurs belz juelz à ladicte
église de Mets, si comme belles croix d’or, livres et crosse ; et, entre
plusieur aultre juaulx, il y donna la corronne qu’est enmy le cuer et
qui pant là ; et gist dessoubz ; et fut ce fait environ l’an de l’Incarnacion mil et XX ans.
Plussieurs signe veuz aux ciel. — Item, après la mort Hue Chappet,
cy devent dit, qui fut le premier roy de France de celle ligne, aussy, en
celluy meisme temps, advinrent de grant merveille parmi le monde.
Premier, la cornette fut vehue la XIXe kalende de janvier ; et puis
on vit on ciel ung grant brandons ardant, et sembloit que le ciel fut
fendu, et que en celle fendure sembloit avoir ung dragon ; et puis,
après ce, il fit moult grant crollement de terre.
La commémoration des âmes establie. — Item, en celluy temps,
Adillio, qui fut abbé de Cliny, fut le premier qui establyt la eommémoracion des âmes, que l’on fait le londemain de la Toussainctz,
Et fut ce fait par une révellacion et démonstracion miraculeusement
faicte, que je lesse à dire à cause de briefveté.
Le couvent des Pucelle fondés en Mets. — Item, aussy je trouve que,
en celluy temps, en la cité de Mets, en l’ille de Mozelle, essés près de
Sainct Vincent, furent premier fondée et estaublie une religion de
vierge nommée les Pucelle en la vigne (car en ce tamps et environ ce
lieu solloient estre vigne, parquoy on les appelloit ainssy). Puis après,
par sucession de tamps, en l’an mil trois Cent et LX, fut ycelle église
reagrandie et rédiffiée de nouviaulx, parquoy il la convint rebénir.
Et à ycelle office à faire fut révérand personne maistre Libert, évesque
de Patras et sufïragan de l’évesque de Mets, lequelle la dédiait et
rebénit. Et fut ce fait le dimenche après l’Ancension Nostre Seigneur,
en l’an dessus dit mil trois cent et LX.
Item, en ycelle église, au coustier de l’aultel, je trouve une épitaffle
d’une damme des Gournais, laquelle y fut mise l’an mil IIIe et XX.
Paireillement y ait une aultre épitaffe d’une damme des Rougecourt,
laquelle y fut mise par mil deux cent et trois. Encor y ait une aultre
1. Marin II ou Martin III, Agapet II, Jean XII (Octavien).

ADALBÉRON III, CINQUANTIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1047-1072)

225

épitaffe parlant d’une damme innumée en ce lieu par mil deux cent LX
et XVIII ans.
Le couvent de Saincle Marie aux Nonains fondés en Mets. — Item,
aussy a en ce tamps ou environ, fut fondée en Mets une très excellante
et noble religion de damme, auprès de l’église de Sainct Pier a Damme,
nommée Saincte Marie. Et illec, en ce lieu, par grand dévocion, ce
randirent plusieurs noble et gentil fille vierge et extraicte de noble
lignié ; et firent illec faire ung petit oraitoire, auquelle fut mis l’imaige
de Jhésu Crist pandant en crois, comme il est encor de présant. Et à ce
crucifis, on nom de celluy qui est lassus, faisoient ycelle saincte vierge
ung voul *1 sollainel et bénis de tenir et garder chaistetés et saincte
religion. Et, pour l’amour de ce voul bénis et fait bénignement, tout le
lieu et toutte la rue fut appellée et est encor de présant le Bénis Voul;
et, encor pour celle raison, plusieurs bonne et simple femme appelle
ycelluy crucifis sainct Benivoul. Et aultre chose je ne trouve de la
dicte église escript, car, par nonchaillance ou aultrement, ont lez lestre
esté pardue ou desrobée. Et ne ce trouve point la propre certainneté du
tamps quant ce fut fait ; ne aussy je ne trouve point les chairtre de leur
previlaige ne confîrmacion, ne pareillement lez le3tre dez donacion de
quoy ycelle église ait anciennement estez douuée et anrechie, sinon de
une seulle lestre de aulcuns dons, dont la teneur s’ensuyt.
Mil cent tj. — Icelle lestre dit ainssy en sustance que, en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur mil cent LI, Maheu, par la graice de Dieu
duc de Lorenne et marchis 2, 3donna plusieurs dons à l’aglise de Saincte
Marie, comme il est conthenus és lestres et és Chartres que de ce en
sont faicte, et en présances de plusieur noble homme de son pays, et du
temps que Estienne estoit évesque de Mets, et régnant l’abesse Judich,
comme les lestres plus a longe le conthiengne, lesquelle je lesse pour
abrégiez.
Gy lairons à pairler de ces choses et revenrons aus évesque de Mets.
Albéron le thier, évesque le Ie, thinl le sciège. — Après la mort du
deVent dit évesqueDeodericus fut créés et bénis ung aultrez Albéron, le
thier, ou en latin Adalbero, que fut le cinquantiesme évesque de Mets.
Celluy estoit homme paisibles et piteulx, et renouvellait et édiffiait
maintes églises et abbayes. En son temps furent pappe à Romme sainct
Lyon le IXe et Estenne et Ferry, frère Gousellin, et Duc et Alexandre
et Grégoire le VIIe 3. Et fit ledit évesque grans biens et donna grant
rentes à l’église de Sainct Sauveur, quy est église collégialle, scituée
*• Dam M, Philippe a effacé je croy que ; la correction est postérieure au manuscrit
d'Epinal, qui a conservé ces mots.
1. Vœu.
2. M. Duvernoy (Le Duc de Lorraine Mathieu 1” (1139-1176), Paris, Picard, 1904,
P. 172), n’a pas eu connaissance de cette charte.
3. S. Léon IX, Etienne IX (nommé auparavant Frédéric, fils de Gothelon, duc
de Basse Lorraine), Alexandre II, Grégoire VII.

226 HERMANN, CINQUANTE ET UNIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1073-1090)

enmy la cité de Mets ; et est ensepvellys léans ; et morut en novembre,
on temps Henry le XIIe, empereur, après Conraird.
Or escoutés une adventure qui advint en celluy temps par ung
dimenche de la Quinquagésime. Ainsy comme l’empereur Henry
estoit aller chassier, et sa gent fut espandue par la forest, il allait en
une église champestre pour oyr messe. Et, comme le prestre de celle
église fust souverainnement lays et deffigurez et tout poacre, sy que
c’estoit horribletez de le veoir ne regarder, pour laquelle choses l’em­
pereur començait à penser cornent Dieu, de qui toucte beaulté et
puretey vient, se laissoit ne soufïroit que si layde créature traictait
son corps précieulx on sainct sacrement de l’aultel, il advint, ainsi
comme l’empereur pensoit à ceste chose, que on chantoit le vers du
traits qui dit ensy : scitote quoniam dominus ipse est Deus ipse fecit nos
et non ipsi nos. Et, comme ung anfïant qui adonc chantoit faulcist au
chant et descordait, le prestre se vat torner par deverB l’empereur,
où l’enfïant estoit, et comensait à chanter pour corrigier l’enflant :
ipse fecit nos et non ipsi nos, ainssy comme s’il respondit à la pensée de
l’empereur, car en celluy endroit failloit l’enfïant. Laquelle chose
l’empereur réputait prophécie et miraicle de Dieu, pour laquelle chose
il fist cestuy prestre archevesque de Collogne.
Cy lairons à parler de ces besongne, et revenrons à dire de l'évesque
Hermans.
,
Hermans, lje évesques ; grosse discention entre les estât. — Hermans fut
le LIe évesque de Mets. Et, premier que estre évesque, il fut chanonne
de Liège. En son tamps fut trop grande et périleuse discord entre les
royaulmes et la clergie, et metoit on roy sur roy et pappe sur pappe ;
et dura celle discenssion longuement.
Miracle de sainct Clément. — Or advint que, durant ce tamps, fuit
amonesté ledit évesque par une advision miraculeusement à luy faicte
qu’il levait le corps sainct Clément, le premier apostolle et premier
évesque de Mets. Et enssy le fist. Et, quant il l’ost fait, il morut, trois
jours après ce qu’il l’ot levé. Et, après ce fait et que le sainct corps dudit
sainct Clément fut apporté en l’Église de Mets, sy fist de trèsgrans
miracles par l’espace de trois jours. Et, tantost que ledit évesque fut
mort, cessait sainct Clément à faire miracles par 1 espace de deux
jours, dont le peuple fut moult triste, et merveilleux pourquoy c’estoit.
Et tantost la cause fut révellée à ung sainct homme religieulx qui
estoit appellé Lubrie, et luy fut dit en cest manier : « Or escoutte,
Lubrie, pour le temps que le corps sainct Clément ait cessez à fairea
miracle, il ait esté devant le souverain juge pour defïendre l’âme de
l’évesque Hermans, que les diables accusoient trefïort. Espéciallement
il luy mettoyent sus que, pour peur de la mort, il n’avoit mie bien fait
son debvoir de la guerre qui estoit entre la clergie et le royalme. Et, à
chescun arguement que les dyables faisoient, sainct Clément prioit
o. Mss. : affaire.

poppô,

cinquante-deuxième évêque de metz (1090-1103)

227

pour luy à main joinctes et à genoulz. Et fut la prière de sainct Clément
de sy grande vertus qu’elle empêtra plain pardon à l’âme de l’évesque
Hermans, et mist sillence et obtint 1 ses adversaires. Et fut ensevelly
ledit Hermans en l’église de Sainct Pierre de Mets, on temps de Gré­
goire le VIIe, pappe ; et morut en maye.
L’éveschiés de Mets sans évesquez. — Et fut alors l’éveschié de Mets
plusieur année sans évesque. Et, pour le temps que ycelle guerre
duroit, la comune de la cité de Metz se mist avec l’Église, et ne volt de
rien obéir à l’empereur contre l’Église.
Item, celluy devant dit archevesque de Collongne, et duquelle nous
avons icy devent parlés, excomuniait ung chevallier, pour ce que ledit
chevallier avoit prins et ravis l’une dez belle nonain qui fut on pays, et
la maintenoit comme sa femme ; et ne volloient lessier leur péchié,
pour excommuniement ne pour chose qu’il en sceust faire. Si advint
que ledit archevesque devint malade, de laquelle maladie il morust.
Et, comme les amis d’icelluy chevallier luy resquirent qu’il volcist
absolre le chevallier leur parent, et il respondit que bien luy plaisoit
qu’il fust absolt, moyennent qu’il lessait la malatrue. « Mais, s’il ayme
mieulx persévérer en son ordure, je veulx, « dit il », que à la fin de l’an,
à tel jour et à telle heure comme je trespasseray, que il et la malatrue
soient devant Dieu avec moy pour rendre conte de leur vie. Et vous
verrés, « dit il », que aujourd’huy à l’heure de nonne je trespasseray ;
et au tel jour, au bout de l’an acomply, ledit chevallier, vostre parent,
et celle nonain trespasseront. » Et tout ensy en advint il, pour ce qu’ilz
ne volrent lesser leur péchiez.
Popo, lije évesques de Mets. — Après le devantdit évesque Hermans
vint Popo, que fut le LIIe évesque de Mets, et ne vesquit que VIII ans.
Et fut esleu en l’église de Trièves, et le esleurent le chappistre et la cité
de Mets. Celluy fut une bonne parsonne et catholicque, et fut consacrez
d’ung liégalt du pappe de Romme. Et fut ce fait durant le temps que
l’empereur avoit encore discort à l’Esglise, et qu’il voulloit oster les
franchise dez église. Et, quant ledit empereur vit ce et oyt les nouvelles
que Popon estoit esleu évesque de Mets et consacré d’ung liégalt, il en
oit grant despit, et en y voult mestre ung aultre,mais la cité ne le voult
souffrir. Parquoy il y en renvoiait trois l’ung après l’aultre, qu’il y
voulloit mestre par force ; mais de tout ceulx icy on n’en volt oncque
nulz recepvoir, de quoy la cité se mist en grant adventure de tout perdre.
Aulcuns dient que entre celluy Popon et Estenne y oit deux éves­
ques. Le premier oit non Albérons quartus, et régnait XXII ans, et
fut le LIIIe évesque de Mets : touteffois je n’en sçay pas la certainneté.
Adventure venue d ung duc de Normendie. — Item, en cellui temps,
avint en Normandie une petitte adventure assés pour rire. Car alors
estoit duc de celluy pais le duc Richair, lequel perfit l’abbaie de Faican.
Et, comme une nuyt il volcist aller à mâtine en ycelle abbaye, sy ce
L II l’emporta sur ses adversaires.

228

THEOTGER, CINQUANTE-QUATRIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1118-1120)

levait le deventdit duc avent et plus matin que les moinnes, lesquelle
n’avoient encor sonner les mâtine. Cy hurtait ledit duc à la porte de
l’église, tellement qu’il fit cheoir une pièce de boix de quoy la porte
estoit attachée. Et puis entrait au montier, et se mist derrier ung piller
en oreison. Mais, quant le secrétain fut levé et vit celluy en abit séculier,
il cuydait que ce fut ung larron ; et, pource qu’il avoient acoustumer de
tenir silence en l’église, sans mot dire, le print par les cheveulx et le
battit moult bien. Et le boutait hors de l’église, ne jamais en ce faisant
ne parlait. Mais, quant se vint au matin, le duc entrait on chappistre
et contait à l’abbé et au couvent cornent le secrétain l’avoit batus.
Parquoy yceulx moinne furent moult esbahis, pansant que le duc le
pernit à mal ; et, pour ce, fut le moinne vitupérés et condempnés.
Et adoncquez le duc comença à sourire et prisoit forment le moinne,
pource qu’il avoit bien tenu son silance en le battant et en faisant son
office. Et, pour l’amour de ce, il donna à la secrétainnerie de léans la
ville d’Argonces, où il croît de moult bons vins. Mais de ces chose ne
dirés plus, et revenrés à l’évesque Théogères.
Theogerus, liiijl évesques. — Théogères, en latin Theogerus i, fut le
LIIIIe évesque de Mets, et régnait deux ans tant seullement. Et fut
celluy évesque frère à ung noble homme nommez Solliveir, lequelle
alors estoit le principal de la cité de Mets. Leur ancestres fondèrent
plusieurs abbayes, comme Lucheshen 2, Crostal 3 et plusieur aultre.
Celluy Theogerus estoit abbé, et fut esleu évesque de Mets ; et, au
chief de deux ans, renunsa à l’éveschiés et redevint moinne de Cliney.
Et fut du tamps que l’empereur Henry morut, après lequelle Coraird
thint l’empire par l’espace de XV ans.
Guy Arécien, qui, per les vj vocalle, trouvait l’art de loulle la chanterie.
— Item, en celluy tamps, y oit en Ytallie ung clerc nommé Guy Aré­
cien, lequelle fut de sy grant et sy subtille engien touchant l’art de
musicque et de chanterie qu’il ne trouvoit point son pareille. Et telle­
ment que, par sa grant subtillité et engien, il ramenait toutte manière
de champs, desquelles par devent on usoit en diverse sorte et manier,
à VI lestre ou sillabes, lesquelles il ordonnait par lez joinctures dez
doys de la main senestre. Parquoy les anffans, tant par la voix de
leur maistre comme par cez VI lestre ou sillabe, pevent sçavoir toutte
manier de chant. Et ainci fut ycelluy Guy inventeur de cez VI voie
qui sont ut re my fa sol la, et de toucte la gamme anthièrement.
La mort du roi de France Robert; Henry, roy de France. — Item,
le Ve an de l’empire Conraird, morut le devantdit roy Robert de France ;
lequel fit beaucop de belles besongne, comme nous avons cy devent
1. Theotger.
2. Lutreschen dans Meurisse, HÉv., p. 390. Nous ne trouvons pas d’abbaye de
ce nom. Il faut lire Lützelztein, qui est l’ancien nom de La Petite Pierre, et corriger
Craufthal, près de Lützelztein.
3. Craufthal, commune d’Eschbourg (Bas-Rhin, Saverne, La Petite Pierre).

HENRI Ier, ROI DE FRANCE (1031-1060)

229

dit. Et, après luy, régnait Henry, son fîlz, sur les François par l’espace
de XXX ans.
Henrei, empereur. — Aucy, paireillement, après la mort de Conraird
l’empereur, tint l’empire Henry, son filz, lequel fut moult vaillant
chevallier ; et régnait l’espace de XVIII ans ; et fut celluy Henry
moult prudomme. Et luy avinrent en son temps beaucop de diverses
adventures, tant d’une seur qu’il avoit, qu’estoit nonain, comme à
cause d’ung flaigollet d’argent que ung josne clerson, luy estant josne,
luy donait, pour lequel flageollet il luy promist une éveschiez quant il
serait grant. Laquelle chose il fist et tint promesse. Maix, pour ce
péchiez, une maladie le print, et fut par trois jours tormentez en esperit
pour ledit flaigeollet. Et y eust beaucopt d’aultres choses faictes et de
grant mistère, que je lesse à cause de briefveté.
Trois pape en l'Église tout à une fois. — Aussy, en celluy temps,
l’Église estoit cy tribollée que merveille, car il y oit trois pappes à
Romme tout à une fois. Dont le premier fut fait pappe par simonie,
en l’an VIe de l’empire dudit Henry, ung nommez Bénédic. Et, pource
qu’il se sentoit ydiotte et sans lectres, luy meisme fît sacrer ung aultre
pappe avec luy, que fuit appellé Silvestre 1. Maix, pource que forment
en desplut à plusieurs prélas, il volt faire et fist le thier pappe, que fuit
appellé Grégoire. Et par ainsy, pour ung temps, y oit trois pappes à
Romme, comme dit est.
Icelluy Bénédic, premier pappe cy devant nommés, fut nepveu à
ung aultre Bénédic, qui avoit esté pappe ung peu devant, lequel fit
révélacion de sa dampnacion. Et le second Bénédic, son nepveu,
pareillement fit aussy révellacion des grans tormens qu’il portoit.
Et y ait ung grant mistère sur ce fait, qui ce y vouldroit arester ; mais
je le lesse à cause de briefveté, pource que ce n’est le principal de ma
matierre, et fault parler de plusieur aultre chose.
Deux vielle enchanleresse sur le chemin de Romme. — Item, aucy en
celluy tamps, comme raconte Guillame historiographe, y avoit on
chemin de Romme deux vieylles enchanteresses qui demoroient ensem­
ble. Lesquelles estoient plainne de sy grant maléfice et de sy grant
enchanterie que, quant ung homme seul se haubergeoit en leur maison,
elles luy donnoient à boire aulcuns brevaiges, par la vertu duquel il
estoit mués en ung chevaulx, en asne ou en porceau, ou en plusieur
aultre beste.
Ung personaige de grant stalure trouvés. — Paireillement, en celluy
temps et en la XIIIIe année de l’empire Henry, fuit trouvé en ung
sépulchre ung homme tout enthier, lequel avoit nom Pallas, le filz
Euvandre, et lequel Pallas avoit esté mort dez le temps dez Juges
d’Israël. Et, pour mieulx vérifier la chose, fut trouvé avec luy cest
épitap.ie : « Filius Evandri Palas, quem lancea turrin militis occidil
more suo, jacet hic. » La playe qu’il avoit on pis avoit IIII piedz de

1. Silvestre IV, élu en 1106.

230

HENRI IV, EMPEREUR D’ALLEMAGNE (1056-1106)

long. Et, quant on oit son corps levez et apoyés au murs de la cité, il fut
plus hault assez que n’estoit le murs.
Hanrei, empereur, iiije ; Phelippe, roy de France. — Après la mort du
deventdit Henri, empereur, tint l’empire L ans Hanry 1111e, son filz.
Et, en la 1111e année de son ampire, Henry le thier, roy de France,
morut ; et régnait pour luy Philippe, son filz, par l’espace de XIX ans|
comme je dirés icy après.
Item, en celluy temps, advint une bonne raillerie en Angleterre.
Car ung astrologien dudit pays cuydoit véritablement que la fable
que les poètes racontent touchant de Dedalus, qu’i voulloit, fut vraye.
Et, pour ce, cuydant faire plus que tous les autres, se adobait de plumes
ez piedz et és mains et par tout son corps. Et puis, ensy adobey, mon­
tait sur une haulte tour pour vouller. Et, de fait, il voullait bien l’espace
d ung stade, maix le vent et la viollance du torbillon le tresbuchait à
terre. Et fut sy defïrocié que oncque puis ne polt voiler, ne aller, ne soy
aidier ; et encor disoit le fol qu’il heust bien voullé, se ce n’eust estez
par faulte d’une chose, car il c’estoit oblié à faire une queue derrier.
Ung monstre nacquis sur terre. — Aucy, pareillement en celluy
tamps, advint une grand merveille entre lez merche de Normandie et
de Bretaigne. Car une femme pourtait ung monstre, lequel avoit deux
testes, quaitre bras, et tout double jusques au nonbril ; tellement que
aulcune foix l’une de ses testes ensy double rioit et chantoit, et l’aultre
ploroit, l’ung junoit et l’autre mengeoit. Et advint que, tantost après,
1 une morut ; et la portait l’aultre par l’espace de trois ans, et puis
après, par l’infection de la premier, morut.
Mil txxj ; l’église de Venise édifiée. — Item, en celluy tamps, en l’an
mil LXXI après l’incarnacion Nostre Seigneur, fut premier acomencée
et édiffiée l’église de mon seigneur sainct Marc de Venise. Et tout cecy
est escript on royal de Venise, dedans ung secret, là où les clerc escripvent tout les jours : meismement y est escript ce qu’est cy devent dit
touchant la fondacion d’icelle cité, faicte en l’an IIIIC et XXI, et aucy
ce qu’est dit touchant comme le corps du benoit sainct Marc y fut
apourté de Allixandrie à Venise. Et fut ce fait en l’an VIIIe, le dernier
jour de janvier, au tamps de messire Justinian, duc de ladite cité de
Venise, comme il est jay ycy devent esteis dit.
Ordonance du pape. — Item, en cellui tamps, estoit à Romme pappe
Grégoire, lequelle thint ung concilie général. Auquel il ordonnait que
tous prestres qui averoient femmes fussent démis de chanter messe,
ne administrassent plus à l’Église ; et que nulz, quelle qu’il fussent,
n’oïssent leur messe ne service.
Mil Ixxvj. — Item, tantost après en ce meisme temps, et en l’an de
Nostre Seigneur mil LXXVI, sainct Estienne, qui fuit homme de grant
méritte envers Dieu, fondait l’ordre de Granmont1. Et, après sa mort,
fît de moult grant miraicles, comme tesmoigne sa saincte vie et légende.
Godeffroi de Billon comenceait à florir. — Item, aucy en cellui tamps,
1. Saint Étienne de Muret (M. R. 8 février).

ÉTIENNE DE BAR, CINQUANTE-CINQUIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1120-1163) 231

estoit jonne jouvanciaulx Goudeffroy de Bouillon, lequelle depuis fut
tant vaillant aus airme, comme chescun scet, et comme cy après serait
dit. Mais, en ces jonne jours, il oit guerre au conte Régnier de Mont.
Et depuis, par plusieur jour après, y oit ung concilie général célébré
à Gollongne, auquel pappe Victor fit la paix du conte de Flandres et
du deventdit Goudeffroi, d’une part, et de l’empereur, d’aultre part ;
car pour cellui tamps ledit Goudeffroi et ledit conte de Flandres avoient
grant guerre encontre ledit ampereur.
Estlenne de Bar, lve évesques, Ihinl le sciège xliiij ans. — Le LVe évesque de Mets fut appellé Estenne de Bar, et fut de noble ligmé et de
grant vertus. Et fut on temps de Galiste le second, pappe de Romme.
Gelluy Estienne fut filz de la suer ledit pappe Galiste. Il oit moult a
souffrir pour la discenssion de l’empereur et de l’Église, et fuit consacrei à Romme, de la main dudit pappe ; et fuit erchevesque, et oit le
tiltre de cardinal. Et, quant il vint à Mets, on ne le volt mie recepvoir,
pour la doubte de l’empereur. Et fist ces premières ordres on mon de
Sainct Quointin, devent la cité de Mets. Et, quant il vint à 1 éveschié
il trouva touctes ses fortresses prinses et retenues de tirans, excepté
Remilley.

„ ,.

Plussieur acquaist et vaillance faicte par l’evesques Estienne. - Et
puis, quant il vit ce, il fit tant, par l’aide de son frère le conte de Bar
et de ses aultres cousins et amyns, qu’il recouvrait tout et fut mis en
vraye polcession. Et fist encor plus, car il destruist Ghastel Sallm et le
chastel du duc de Lorainne qui estoit à Vy, et une fortresse qui estoit
entre Vy et Mersault, et le-chastellet du conte de Lembourg, pourtant
qu’il luy estoient contraire et portoient dopmaige à sa terre. Depuis ce
fait, il fut en graice, et fist tant qu’il oit gaige de l’empereur. Et alors
fermait une ville, qui est appellée Rambéviller. Puis donnait à Samct
Estenne de Mets à touSjours le chastel qui est appellé Lucembourg,
qui estoit sien en héritaige ; et pareillement le chastelz de Hombourg,
après la mort du conte Hue eschute à luy (car cellui estoit 1 ■ung de ses
frères, et le tenoit de la main du duc de Loherenne, qui 1 avoit prin
à force, et pour ce le donna à l’Église).
,
Item, il acquist encor à l’Église à tousjours le chastel de Vivier, et la
partie que le duc avoit à Lucembourg, à Roucey et à tous ce qui
apparthient et apparthenoitl. Item, pareillement il acquist Mirabe
et Falquemont et Dennevre et Aspremont. Item, aucy, il prmt a lorce
une montaigne que on appelle Mouron, qui est en Espmal, que le duc
tenoit ; et, grant temps aprez, il y fist ung fort chastel, pour les empê­
chement et les dopmaiges que les annemis povoient faire en la ville dez
celle montaigne, especiallement dou vouuez. Cellui Estienne oit depuis
en son ayde le duc Matheu, que luy soignait force ; dont ledit evesques
en recognut la courtoisie ; et pour ce luy donait la vouuene d Espmal.

1. L’adverbe i remplace : à ces divers lieux.

232

PHILIPPE Ier, ROI DE FRANCE (1060-1108)

Et, quant le duc vit que l’évesque luy avoit fait ung tel don, il ne volt
mie refïuser, mais il luy donnait tout ce qu’il avoit à Vy.
Celluy évesque fist encor plusieur chose digne de mémoire. Premier,
il print Pier Percié ; aucy la ville et le chastel de Deuleway ; car,
pour ce qu il luy faisoient et pourtoient grant dopmaiges, il la print et y
bottait le feu, et mist tout en cendre ; et ardait la tour de Thehecourt
et le chaistel de Walthiemont *, pourtant qu’il estoient nuixant à
1 éveschié. Et, que plus est, quant le duc de Loherenne oit guerre à luy,
il luy asségeait le chastel de Prenei, et fourait 12 les murs, et l’eust prin
à force, se se ne fut ces frères, le conte de B air, que luy mist empeschement. Et, qui volroit conter tous lez biaulx fais qu’il fist, plustost
fauldroit ancre et papier que mestier 3 de parler.
Item, il tint le siège XLIIII ans, dessoubz Caliste, son oncle, frère
à sa mère, et dessoubz Honoré et Inocent et Céleste et Luce et Eugenne
et Anastasse et Audrien, pappe de Romme 4, on temps de Henry le Ve
et Lothaire et Conrad et Ferry, empereur. Et morut en janvier, plain
de mérites et d ampnée, et fut enssevelly en l’entrée du cuer de la
Grant Église de Mets et à la dextre partie, où est maintenant l’aultel
sainct George. Et fut environ en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur
mil cent et XXX. Maix maintenant cellui autel est defïait pour faire
le jubé, comme cy aprez serait dit 5.
En celluy tamps et durant la vie du deventdit Estienne, évesque de
Mets, lequelle thint le sciège d’icelle cité XLIIII ans, comme dit est,
furent plusieur pappe, plusieurs ampereur et plusieur roy de France.
Et, premièrement, après la mort de Robert, qui fut roy, et duquelle
nous avons icy devent pairlés, fut roy Hanri, qui dessandit de la
lignié dudit Robert, et suscéda au royalme après luy. Et oit celluy
Hanry grand painne à parvenir à la couronne, car Constance, sa mère,
y contredisoit de sa puissance, et la voulloit donner à ung de ces aultre
filz ; et, ce n’eust esté par l’ayde du duc Robert de Normendie, il eust
heu grant painne. Touteffois, à la fin, il joyst de son entreprinse.
La ville de Paris arse et brullée. — Et, en son tamps, fut la cité de
Paris airse et brullée.
Phelippe, premier de ce nom, roi de France. — Ce roi Hanri, aprez ce
qu il heust fait et menés plusieur guerre, il trespassa, en l’an de graice
mil et LX. Après cellui vint Philippe, le premier de ce nom, lequelle
acquaistait à la couronne la conté de Bourges ; aussy fit il le païs du
Gastinoys.
La cité de Mets usant en ce temps de diverse jugement soubz ung conte
nommés Folmarus. — Item, aussy je trouve que, en ce tamps, la cité de
1.
2.
3.
4.
tase
5.

Thicourt (Moselle, Metz, Faulquemont) et Vatimont ((bld., (d., (d.).
Fora, perça.
Matière.
Calixte II, Honorius II, Innocent II, Célestin II, Lucius II, Eugène III, An*IV, Adrien IV.
Phrase ajoutée après coup dans le manuscrit M.

LA PREMIÈRE CROISADE (1096)

$33

Met* ce gouvernoit, touchant a jugement et en cas de plaidoier, en
diverse sorte et manier ; et faisoient de diverse jugement. Car, entre
yceulx noble de Mets, n’y avoit encor point de vraye justice créés,
comme il ont à présant : c’est assavoir nul maistre eschevin, trèses
jurés ; ny amans, qui ce solloient appellés les preudhomme, n estoient
encor point en ce tamps fait ne créés, comme nous dirons ycy après.
Ains avoient alors aultre manier de faire. Et avoient au tamps du
deventdit Estienne de Bar entre eulx ung conte, nommés Folmarus,
lequelle fist et fondait l’abbaye de Biau Prey auprès de Lénéville ; et
la bénist et confermait ycellui deventdit Estienne, évesque de Mets.
Item, aussy en ce tamps, et en l’an XXI de 1 empire Henry, ledit
Henry démist le pappe Grégoire. Et, pour ceste cause et plusieur
aultre, y oit alors grant cisme en l’Église, pour plusieur raison que je
lesse à cause de briefvetez. Car, assez tost après, ledit pappe morut,
et en furent fait deux tous nouveaulx, lesquelx se excomunioient
l’ung l’aultre, et n’en faisoient quelque estime l. Et y oit beaulcopt
d’aultre choses faicte et dictes pour leur desbat ; lesquelles, comme dit
est, je lesse, et n’en dis plus pour le présant.
L’ordre des Chairlreux fondée à Grenoble. — En cellui meisme temps,
ung chanonne de Rains, nommé Bruno, qui estoit Allemant, fondait
premier l’ordre dez Chartrieulx en l’éveschié de Grenouble.
Pape Urbain ordonne la croisée pour aller sur les infidelle. — Item,,
aucy en celluy meisme temps, pappe Urban tint ung concilie à Cler­
mont, auquel furent ordonnez plusieurs belle chose touchant le service
de l’Église. Et aucy y fut ordonnez de plusieur chose mondamne, que
je lesse ; entre lesquelles y fut excommunié le deventdit Philippe,
roy de France, pour ce que, avec sa propre femme, il en avoit une
aultre. Mais nous laisserons à parler de cez chose pour le présant, et
dirons cornent, durant le resgne Hanry, ampereur, et ledit Philippe,
roi de France, et aussy durant la vie et loing tamps devent la mor
dudit Estienne de Bair, furent mise sus les arméez pour aller conquester la terre saincte de Jhérusalem, comme cy après serait dit.

[la première croisade]

L’an mil iiijxæ et xvj. — Item, en cellui meisme tamps et en l’an de la
créacion du monde VI mil IIe 1111“ et trois, et de l’incarnacion Nostre
Seigneur mil 1111“ et XVI, au temps du règne pappe Urban, deuxiesme
de ce nom, qui premier fut nommé Odon, et fut moyne de Cliney, et au
temps de Henry, le quart empereur de Romme de ce nom, et du devent­
dit Philippe, roy de France, et durant les règnes d’iceulx deventdit,
et aucy durant que le dit Estienne, évesque de Mets, estoit encor en sa
fleur d’eaige, fut esmeutte la crestienté par ung simple homme her1. Et ils ne faisaient l’un de l’autre aucune estime.

GODEFROID DE BOUILLON

mitte, de l’éveschiez d’Amiens, nommé Pierre, pour aller oultre mer
conquester la terre saincte. Et, tantost après, par l’admonestement
dudit Pierre l’Ermitte, fut ordonnée la croisée de la dicte terre saincte
par ledit pappe Urban.
Loys sacré roi de France; mil cent et vj. — Et, en ce tamps, le deventdit roy Phelippe de France avoit ung filz, nommés Loys, lequelle, dès
sa jeunesse, mettoit du tout son cuer à excerser les arme ; et, régnant
encor ledit Philippe, son perre, cellui Loys, par la voullunté du perre,
print du tout l’amministracion du reaulme, et dompta et fist venir
plusieur rebelle à l’obéissance de son dit perre le roy Philippe ; lequel
après plusieur chose par lui faicte, trespaissa ledit Philippe, en l’an de
graice mil cent et VI. Et alors ledit Loys, son filz, c’on dit le Gros, fut
sacré et couronné roy à Orléans.
Godeffroi de Billon chief de l’armée. — Et, en cellui tamps, ce ranforsairent le3 armée pour aller à Jhérusalem, auquelle voyaige furent
plusieur noble et grant prince de France, d’Angleterre, de Flandre,
d’Itaillie et d’Allemaigne, tant soubz la conduicte du deventdit Pier
l’Ermitte, premier inventeur de cest armée, comme soubz la chairge
et conduicte du noble et vaillant prince Goudefïroi de Buyllon. Le­
quelle, pour ce qu’il n’estoit essés puissant pour soubtenir une telle
armée, il vandit sa duchiez de Buyllon à Oubert, évesque de Liège ;
et en resseust mil et troys cent marcs d’argent, et daventaige, comme
par mot exprès le mest maistre Robert Gaguin. Et dit encor ledit
maistre Robert que les noble bourjois de la cité de Mets, lesquelles
encor alors estoient aulcunement soubgect audit Goudefïroy de Buyl­
lon, ad cause que ycelle noble cité estoit de totte ensienneté chief
capital de la duchiez de Lorainne et de tout le reaulme de Austrasie,
comme cy devent en plusieur lieu nous avons dit, yceulx bourjois, en
paiant une grand somme de deniers qu’il baillairent audit Goudefïroi,
furent par luy mis en pure et franche liberté (et, depuis ce tamps, ont
encor heu et obtenus plusieur previllaige par les ampereur ; lesquelle il
garde bien et ont gairdé constamment et vertueusement jusques à cest
heure, et gairderont, moyenant la graice de Dieu, demandant celle
franchise et liberté recouverte et acquise, jusque à la fin). Mais, pour
revenir a prepos, cellui noble et vaillant prince Goudefïroy, alors duc
de Buyllon, luy désirant et appétant la recouvrance d’icelle saincte
terre de Jhérusalem, ce mist en debvoir de toutte sa puissance, et
comme par lez chose deventdicte chacun le peult cognoistre et antandre. Et adoncques s’assemblèrent et firent moult grosses armées en
diverses pays et contrées de la crestienté, là où il y avoit de touctes
manières de gens, comme duc, conte, noble et non nobles, riches et
povre ; et de l’Église y avoit archevesque, évesque, prélas et aultre
clerc, tant de France, d’Allemaigne, de Provence, d’Espaigne, d’Angle­
terre, de Bretaigne, de Lombardie, d’Acquitainne, de Portingal, de
Nauvaire, de Flandre, de Pouille, et de plusieur aultre régions et
royaulmes. Et de la principalle armée fut fait duc, chief et conducteur
ledit Godefroy de Buyllon.

PRISE DE JÉRUSALEM (1099)

235

La malladerie de Logeawe (sic) fondée per Godeffroy de Boullon. Lequelle, avant son parlement, fit faire et fonder 1 église de Sainct
Morise de Longue yawe l, et y donnait les terre et rante quy y son ,
en laquelle sont à présant lez bon mallaide ; laquelle église est scituée
tout au millieu du Vault de Mets.
Et puis, après qu’il fut constitués duc, chief et capitamne de 1 armée,
comme dit est, cy ce sont partis de cez pais icy, et firent tant, par leur
journées, que, aprez beaucop de choses faicte et dicte, que je esse
cause de briefveté, parvinrent jusques à ladicte terre saincte, eulx et
hnjh7ruséalem prime des cresttens, Van mil tiij** et xix. - Tellement que,
en l’an de la créacion du monde VI mil deux cent IIII” et VI, que fut
l’an de Nostre Seigneur Jhésu Cnst mil IIH” et XIX,le XIX jour
jung, fut assaillie la noble et saincte cité de Jhérusalem ; et, après
plusieurs assault, fut prinse le vandredi XVIIIe jour de juillet, an
dessusdit. Et en fut roy ledit Goudefîroy de Buyllon ; lequel après
plusieurs choses, que je lesse, et qu’il heust glorieusement régnés son
tamps, trespaesait de cest siècle le premier dimenche de juillet, 1 an
mil et cent an. Et fut ensevelly auprès du Sainct Sépulcre de Nostre
Seigneur Jhésu Grist.
.
, , . ..
Et, aprez plusieur pleurs et lamentacions pour luy faictes, fut fait
roy de Jhérusalem Baudouuin, son frère, et coronné en Bethléan à a
Noël après, l’an dessusdit. Et, après plusieur vaillances et conquestes
par lui faictes, trespassait icellui Baudouuin, roy de Jhérusalem, de ce
sciècle, le jour de Pasques florie, l’an mil cent et XVULEt fut fait
roy de Jhérusalem ung aultre Baudouuin, leur nepveu. Et, en ce ui
temps, estoient retornez errier beaucop dez prince crestiens dessus
en leur pais ; parquoy avint plusieur esclandre ; mais, qui en voulrait
sçavoir le tout, sy lise le Chevallier au Signe, et là trouvanrait 1 istoire
plus amplement et plus a loing,

[SUITE DES ROIS DE FRANCE ET DES EMPEREURS D ALLEMAGNE]

Henrei, empereur victorieux. - Après ce que le deventdit Goudefîroy
de Buyllon eust prins la saincte cité de Jhérusalem, comme dit est,
et qu’il heust paisiblement régnés dessus ycelle par plusieurs jours, et en
l’an mil cent et V, en ce tamps là morut en Liège Henry empereur ,
lequel estoit moult beau parleur et de cler engin, et piteulx aux pouvres. Et, en son tamps, fut ycelluy Henry en LXVI battailles mortel ez,
et en touctes oit victoire, de quoi ce fut belle grâce que Dieu luy hst.
Ung gentilz home mangés dé sorys. - Or advint en cellui temps une
grande merveille, et bien estrainge à oyr conter. Car, comme ung
1. Longeau, commune de Châtel-Saint-Gérmain (Moselle, Metz, Gorze).

236

LOUIS LE GROS, ROI DE FRANCE (1108-1137)

barons, qui alors avoit guerre encontre ledit empereur Hanry, se seoit
à la table, il fut soudainement assaillis et environné de sy grant mul­
titude de surris c’on ne cuidoit point qu’il en y eust tant en ung royalme;
ne, pour chassier ne pour ferir c’on leur fist, ne volrent lessier celluy
chevallier ; et ne faisoient nulz maulx aux aultres, fors que à luy.
Parquoi, pour cuider éviter le péril, il fut mis en ung battiau en la mer ;
maix, tout incontinent, la nefz fut toutte plainne desdicte sorrys, et
fut ramenez à terre. Et jamaix ne le laichèrent, tant qu’il fut mengié
d’icelles.
8
Hmri le quinl, empereur; prodige advenue. — Item, après la mort
Hanry le quart, thint l’empire Henry le quint, son filz.
Et, aussy en cellui temps, en l’éveschié de Liège, une truye anfantait
ung porceau qui avoit face et figure de homme. Paireillement, en cellui
meisme temps, une gelline oit ung pucin qui avoit IIII piedz. Et, encor
en ce temps, plusieur aultre merveille avindrent parmi le monde
desquelle je me desporte.
Aucy durant ce tamps, et au tamps du deventdit Hanry, ampereur,
quaitnesme de ce nom, et du deventdit Louuys le Gros, c’est assavoir
en l’an de graice Nostre Seigneur mil IIIIxx et quaitre, fut première­
ment acomencée l’ordre des Chairtrieulx, par ung chanoinne de Rains,
nommé Bruno, en l’éveschiez de Grenoble, comme cy devent nous
avons dit.
L'ordre des Cisteaulx de nouveaulx fondée. - Et, pareillement durant
le resgne des deventdit prince, c’est assavoir en l’an mil IIIIxx et
aucy premier acomencée l’ordre de Cistia.
Mais de ces choses lairons à pairler pour le présant, et retournerons
à dire aulcune chose des fais vertueulx d’icelluy Loys le Gros, en la
manier comme cy après s’ensuyt.
Gelluy Loys le Gros, ycy devent escript, après ce qu’il fut courognés
roy à Orléans, comme dit est, il oit en son tamps plusieurs grande et
merveilleuse guerre, lesquelle seroient longue à escripre et à desclairer,
et desquelles il vint tout à bonne fin, et mist son reaulme en paix.
Mil cent el x‘> la Querre entre François et Anglois. - Toutefois de les
vous desclairer n’est pas mon intencion quant à présant, sinon que je
vous dirés cornent, entre ycelle guerre, en l’an mil cent et X, Hanry,
quaitriesme de ce nom, alors régnant en Angleterre, fist son armée et
c en vint frapper en Normendie ; et, à force d’airme, print le chaistiaulx de Gisors, de quoy ce esmeust nouvelle guerre. Et, à la fin, aprez
plusieur escarmouche et rancontre, en fut la paix faicte ; et laissait
le roy Loys ledit chaistiaulx par bonne amours à Guillaume, filz audit
Henry, car il estoit homme juste et vertueulx. Et nyantmoins, depuis
ce fait, ce réameut 1 encor novelle guerre entre les deux roy, et pour
plusieur raison, que je lesse.
Plussieurs guerre esmeute entre les princes cresliens ad cause de la
1. Se réémut, se ralluma.

VIE DE SAINT BERNARD

237

papaultés. — Item, aussy durant ce tamps, vint en France le pappe
Gelasius, deusiesme de ce nom, craignant la fureur de Hanry, alors
ampereur, 1111e de ce nom, lequelle faisoit plusieur maulx et grant
domaige au pays d’Ytalie ; et la cause estoit que il ce efïorsoit de faire
ung aultre pappe, nommé Morice. Parquoy c’en vint en France ledit
Gelasius, comme dit est, pour avoir et obtenir ayde et secourt dudit
roy Loys. Mais, quant il vint à Magalone, en Provence, il devint
mallaide, de laquelle malladie, tout ainssy que le roy venoit au devent
de luy, il morut. Au lieu duquelle Guy, évesque de Vienne, fut institué ;
et fut nommé Calixte le second. Et fut ce fait par 1 ayde dudit roy
Loys. Parquoy ledit Henry l’empereur en fut très maulxcontant
encontre luy. Et, à cest cause, ce esmeust de rechief guerre entre les
deux prince, et laquelle durait essés longuement.
Vengeance prinse per Charles, conte de Flandres.
Aussy durant
ce tamps advindrent d’aultre adventure. Car Charles, conte de Flandre,
lequelle nouvellement avoit fait son apointement a roy, fut pour cest
cause assaillis en traïson par Bouchard et Bertophe et leur consort, en la
cité de Bruges, en Flandre, en l’église Sainct Donast ; parquoy le roy,
advertis de ce, y allait. Et, aprez plusieur chose faicte et dicte, que je
lesse, fut ledit Bouchard prins en fuyant, et fut privé des yeulx de sa
teste ; puis fut lyé à ung pal et fut tirés et mis à mort de fleiches,
desquelles il fut traversés et persés ; et puis fut ellevés sur une roe
fichée à ung très hault fust, pour estre veu du peuple en plus granthonte
et vergogne ; et, finablement, fut gectés en une fosse plaine d yawe et
de bouuez, très punaise et puantes. Et Bertophe, son compaignon, fut
pandus à une potance avec ung chien tout vif, lequelle, agassé par le
boureau, de rage et fureur dessiroit et mordoit le pandus. Et tout les
aultre fist le roy gecter d’une tour à l’avallée, en quoy faisant furent
tout desrompus et brisés en piesse.
Peu de temps après vint devers le roy Loys, en France, le pappe
Innocent, deuxiesme de ce non, pour obvier à Pier Léon, lequelle estoit
esleu par l’aultre partie dez cardinaulx ; contre lequelle allait le roy et
la royne, et le reseurent en toucte honneur et révérance.
Deux concilie tenus, l'ung à Clermont et l’aultre à Rains. — Cellui
pappe Innocent célébra deux concilies, l’ung à Clairmont et l’aultre à
Rains.
Mais de ces chose je lairés ung peu à pairler, et vous dirés cornent en
ce tampts le glorieulx sainct Bernaird florissoit en sainctetés de vie.

[vis

DE SAINT BERNARD]

Mil cent et xiij ; salnd Bernaird fondateur de plussieurs monastère. En celluy tamps, c’est assavoir en l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur
mil cent et XIII ans, et durant encor le règne du deventdit Estienne

238

SAINÎ BERNARD A METZ

de Bar, évesque de Mets, le glorieulx sainct Bernaird, en l’eaige de
XXII ans, entray en l’ordre de Gitial. Et, tantost après, en l’an de
grâce mil C et XV, l’abbaie de Glereval sur Aube fuit premier fondée ;
et en fut ledit sainct Bernaird le premier abbé. Et, meismement en
celle dicte année, fuit fondée l’abbayee de Ponthignei.
L'ordre des Prémonslrés de nouveaulx inslilu[êe]. — Et, paireillement
en cellui temps, c’est assavoir en l’an mil cent et XX, au tamps de
l’empereur Hanri, Ve de ce nom, fut premier acomencée et fondée l’or­
dre de Prémostrez.
Les damme de Clervalt fondée en Mets. — Item, aussy durant la vie
d’icelluy glorieulx sainct Bernaird et à sa requeste, fut premier faicte
et fondée l’église dez damme du petit Clervaulx en Mets, comme nous
dirons ycy après.
Mil cent et xxiij : comenceaii l'ordre des Templiers, et ceulx de l’Ospitah
de Jhérusalem, c’on dit les chevalier de Rodes. — Paireillement, tantost
après et durant aussy la vie d’icellui sainct Bernaird, c’est assavoir en
l’an mil cent et XXIII, durans le resgne du devent dit Hanry l’ampereur, Ve de ce nom, et du devent dit Louuys le Gros, roy de France,
et de Estienne, évesque de Mets, furent premier fondée et estaublie
les Tamplier et ceulx de l’Opital de Jhérusalem, lesquelle à cest heure
présante thiengne leur sciège à Sainct Jehan de Rodes. Et furent ces
deux religion de chevallier en ce tamps faictes pour deffandre et garder
la crestienté. Mais, depuis, lesdit Tamplier, par leur desméritte, ont
estez destruit, et leur ramte et revenue donnée à ceulx dudit Hospital,
comme cy après en aultre lieu serait dit.
Mais nous en lairons à pairler quant à présant, et revenrons a glo­
rieulx sainct Bernaird.
Sainct Bernaird à Mets pour traiter paix. — Le glorieulx sainct
Bernaird, en son vivent, s’en venoit une fois en la cité de Mets, où le
peuple, selon la costume, le conduisoit dévottement. Et sy estoient en
la présance révérand perre en Dieu messire Estienne, évesques de Mets,
et messire Régnault, son frère, qui estoit conte de Bar, et plussieurs
aultres honestes personnes, tant clerc comme chevalier et nobles. La
cause pourquoy ledit sainct Bernaird vint en ce païs icy fut pour et
affina qu’il admonestait messire Hanry de Salins, qui estoit ung noble
et puissant chevaliers, de faire paix à ceulx de ladite cité de Mets.
Gar, en ce tamps, ledit messire Hanry estoit de guerre, et estoit leur
annemys, et leur faisoit tropt de malz ; et ne ce voulloit contenir pour
admonestement que ledit sainct Bernaird lui sceust faire.
Miracle de sainct Bernaird. — Lors, on amena ung homme sourt
audit sainct Bernaird, en luy suppliant qu’ilz luy pleust mestre sa main
à luy, et de le ayder. Adoncquez sainct Bernaird eust bonne fiance en
Dieu, si comme il avoit acostumés en ca3 de nécessités, et resplendissoit
en son visaige de pouvoir et auctorités, tellement qu’il ne sambloit
pas estre homme mortel. Et, en pairlant a chevalier, il retourna devers
luy et dit : « Tu noua desprise, « dit il », et ne nous veult oyr ; et vecy

SAINT BERNARD A METZ

239

que cest homme ycy, qui est souri, nous orra tantost en ta présance. »
Et, en donnant sa bénédiction, il mist ses dois és oreilles d icellui
homme, et tantost il oyst clèrement. Lors messire Henry oit paour et
se gecta humblement aux piedz de sainct Bernaird, en disant qu’il
feroit son plaisir et sa volluntés.
Une aultre fois, sainct Bernaird passoit par la ville de Brefve, où il
encontra une pouvre femme mendiant qui estoit aveugle. Il s’arresta
ung petit, et elle comensa à demender son ausmone, à laquelle il
respondit : « Tu demandes, « dit il », de l’argent, et Dieu te donra la
veue. » Lors il la toucha et luy ovrist les yeulx ; de laquelle chose la
femme se merveilloit moult, et oit très grant joye en randant grâce à
Dieu et a benoit sainct.
Cornent sainct Bernard fut affoibly du corps et s apparceut qu il ne
vivroit pas longuement.
La volluntés divine disposa de donner à son trèsfeable et amé ser­
viteur sainct Bernaird, abbé de la grand Clerevaulx sus Aube, le repos
de précieuse mort, et de le mestre en sa gloire perdurable, aprez tant
de painne et de labeurs qu’il avoit souffert pour le nom de Nostre
Seigneur. Et ainssy l’esperit de sainct Bernaird devenoit tousjour plus
fort, et le corps comença à foiblir a. Et, quant le sainct homme cogneut
qu’il avoit presques passé la voye du désert de ce monde, il courroit
plus joeusement et plus légièrement pour venir à la gloire de paradis.
La flamme du grant désir qu’il avoit ne povoit estre conprinse on pur
et précieulx cuer de luy, mais la monstroit souvent par dehors, et la
saincte parolle enflamée démonstroit la grant ardeur qui estoit dedans
son couraige, tellement qu’il sembloit que ce fut clartés de feu enlu­
minés, ou que ce fussent rays du soleil très réplendissant. Son corps
estoit on lit, très oppressés de plusieur malladie. Et, touteffois, il avoit
tousjour le couraige franc et puissant en faisant les oevres de Nostre
Seigneur : sans cesser, tousjour estoit en saincte contemplacion, ou il
disoit aulcune saincte exhortacion, ou il priait Dieu affectueusement,
ou il admonestoit ses frères diligemment. Tant qu ilz peust oncque aller
ne se soustenir, il ne cessa point qu’il ne chanta sa messe tous les jours
très dévotement, en offrant soy meismes à Dieu, et en faisant de soy
mesme ung sacrifice trèsdoulx et agréable à Nostre Seigneur. Il escripvist en ce tamps une épistres à messire Andrieu, son oncle, chevallier
du Temple en Jérusalem, où il dist ainsy, entres les aultres choses :
<s Certainement, « dist il », je comence à affoiblir, et croy bien que je ne
demourray pas longuement sur terre. »
La première division entre Lorains et Metsains.
Et, durant ce
qu’il estoit ainsy mallade, on le vint quérir pour mestre paix en Lo­
raine. Et, alors que le messaigier vint à luy, il le trouvait qui ce gisoit
sur son lict à la grand Clervaulx, où il attendoit à grant joye l’eure que
Dieu le vouldroit prandre. Or, entre ces entrefaicte, advint que à Mets
a.

Mss. : affoiblir.

240

SAINT BERNARD A METZ

y oit très grant discention. Car, pource qu’il voulloie tenir leur fran­
chise nouvellement acquise, les seigneurs du pais ne le voulloient
souffrir, et les volloient mestre à subjection ; parquoy lesdit de Mets
saillirent aus champs avec grand puissance de leur gens pour combaitre. Et furent alors les deux partie assamblée et encloses entre
Fromont et la rivière de Moselle, où il y eust sy grant déconfiture qu’il
en y oit plus de deux mil de ceulx de Mets qui furent mors, tant de
ceulx qui furent noiés comme de ceulx qui furent mys à l’espée. De
laquelle chose celle noble cité eust grant indignacion, et se armèrent de
rechief de touttes leurs puissance pour quérir vengence contre leur
annemys ; et estoit toutte la province en périlz d’estre gastée et destruicte. Lors le très révérand archevesques de Triève, quy estoit chief
de ladicte province, oit grant paour qu’il n’y eust plus grant meschief
que devant. Et s en vint légièrement a Clervaulx en très grande humi­
lités pour requérir sainct Bernaird qu’il les voulcist secourir en celle
grande nécessité ; et supplioit révéramment à tous le couvent et à luy
qu’il luy pleust à labourer en cest matière, car il n’estoit homme que y
peust mestre remide, ce luy n’estoit. Adoncque, comme par miraicle
de Dieu, Nostre Seigneur, qui aidoit sainct Bernard en touttes ses
principalles cause et affaire, comme son feables champion, luy avoit
jà relâchés la malladie par deux jours devant, de laquelle relassacion
il en avoit jà rescript une lestre à messire Hugues, évesques d’Ostie,
dont la teneur s’ensuit : « Il est vray, « dit le glorieulx sainct Bernaird #,
que vous avés oy dire que je suis estés malade jusques à la mort.
Mais je suis maintenant révocqués d’icelle, et suis remis à la mort ;
et sy sens bien que ce ne sera pas longuement. » Il réputoit que la vie
de ce monde n’est que mort, et pource disoit il qu’il estoit révoquez à la
mort. Dieu luy avoit donné sy grant grâce, pour l’amour qu’il avoit en
!uy, que, touttes les fois qu’il estoit nécessiteit, il avoit sy grant force
et sy grant puissance et sy grant vertus que chescun s’en merveilloit,
et qu il enduroit plus de peinnes que ceulx qui sembloient estre bien
fors et vigoreulx ; puis, quant il retournoit, il estoit mallades de diver­
ses malladie, comme devant il advint.
Et, alors que les deux partie dessusdicte furent assemblée sur la
rivier de Moselle, d’unne part et d’aultre, et que sainct Bernaird les
admonestoit diligemment de faire paix, mais la partie adverse, obstinée
et encoraigée et plus cruelles pour l’amour de la victoire qu’ilz avoient
eheues par devant, ne ce vouloient consentir à faire paix, mais ce
departist toutte forcenée, sans saluer sainct Bernaird, et sans espérance
que on leur peust faire avoir paix. Touteffois, il ne s’en fuirent mie
pour despit de sainct Bernaird, mais pour paour de sa révérence ; car
il ce doubtoient qu’ilz ne convertist les malvais et ceulx qui estoient
de malvais couraige, lesquelles estoient en leur compaignye. Et ne
considéroient pas qu’il povoit autant faire par le Sainct Esperit à ceulx
qui estoient loing comme à ceulx qui estoient présans.

SAINT BERNARD A METZ

241

Cornent sainct Bernaud fist la paix de ceulx de Mets et des chevalliers
du pays.
L’une et l’aultre des parties dessusdites estoient jà en grant péril,
chascun d’une part et d’aultre, et ne pensoient que de soy armer ;
chascune partie tenoit son conseil en querant cautelles pour avoir son
adversaire. Adoncque sainct Bernard comença à réconforter ses frères
et ceulx qui estoient venus avec luy, en disant ainsy : « Ne soiés point
troublés ne corroucés, et n’aiés point paour, car certainnement la
paix que nous avons désirée viendra, combien qu’elle sera faicte, cellon
plusieur, à grandes difficultés. Et, se voulés sçavoir cornent je sçay cecy,
je le vous dirés. Il me sambloit ceste nuyt en vision que je chantoye
messe sollemnellement ; et, quant j’eus dictes la première oraison, il me
souvint que j’avoye obliés de dire Gloria in excelsis Deo, de laquelle
chose je fus honteux, et racomensa la canticque que j’avoye obliée, et
la chantait avec vous jusques à la fin. » Après ce dit, et la nuyt après,
advint que, à heure de minuyt, on apporta lestres et légacion à sainct
Bernaird de part lesdit seigneurs, qu’ilz se repentoient fort ; et disoient
lez lestre qu’il voulloient venir à tout bon acord. Et alors ce retournait
sainct Bernaird devers ses frères en disant : « Soviengne vous, « dit il »,
de la paix que vous ait estés promise par la canticque de paix. » Adoncquez lesdicte deux partie furent appellée, et traicta l’on de la paix par
certains jours avent qu’elle polt estre confermée ; et furent par plu­
sieur fois en désespoir d’avoir paix, pour cause des grant difficultés
qui venoient d’une part et d’aultres ; fors tant seullement que la pro­
messe sainct Bernaird les réconfortoit d’avoir ycelle paix, laquelle
promesse estoit jà publiée par tout. Mais ceste dilacion ne porta pas
peu de proffit, par espécial à ceulx qui estoient malades de diverses
malladie, car tous malades recepvoient garison ; et ceulx qui les regardoient en avoient meilleurs foy. Desquelz il y avoit tousjour sy grant
multitude que on cuidoit droictement que la paix en fut du tout
destourbée et empeschiée à faire, jusques à ceu que on quist une place
enmey la rivière de Mozelle, en une petitte ysle, où les plus grant des
deux partie s’assemblèrent. Et sainct Bernaird ordonna et diffinist la
sentence de la paix, tellement qu’il donnèrent tantost leurs mains les
ung aux aultres, et se baisèrent en signe de bonne et ferme paix.
Cornent la paix fui confermée par le miraicle de garir une femme malade.
Entres les aultres miraicles que sainct Bernaird y fist, il garist une
femme, et bien merveilleusement ; car il y avoit jà VIII ans que tous
les membres de cestes trambloient terriblement et se batoient l’ung
contre l’aultre horiblement. Et, ainsy comme la cause dessusdicte
estoit en plusieurs grant difficultés, tellement que on ne cuidoit jamaix
avoir la paix, ceste femme fut amenée toutte tranblante à sainct
Bernaird par l’ordonnance divine. Adoncque chescun s’assembla de
toucte part pour veoir le miraicle ; et tantost sainct Bernaird la garist
Parfaictement par son oraison, en la présence de tout le peuple. De
laquelle chose tous ceulx qui estoient présens furent cy esbays et amer-

242

SAINT BERNARD A METZ

veillés que ceulx qui propïement avoient par avant les couraiges et les
cuer endurcis et plains d’obstinacion furent tellement esmeu qu’ilz
furent bien par l’espace de demey heure à genoulx en criant, en plorant
et en batant leur culpes. Puis, après, eust sy grant presse de ceulx
qui se gectoie és pied de sainct Bernaird et que luy baisoye les pied que
à peu qu il ne fut froissés et quassez entre eulx, jusques à ce que ses
frères 1 enportèrent à grant difficultés, et le mirent en une petitte
navire pour le mestre ung peu loing de terre. Et, quant les princes
venoient vers luy pour traicter de la paix, en souspirant il disoient :
« Nous debvons bien volluntier oyr celluy que nous veons que Dieu
ayme et oyt et exaulce, et sy debvons bien faire la volluntés de celluy
pour lequel nous veons que Dieu fait sy grant miraicles. » Ausquelz
sainct Bernaird respondoit saigement et humblement, selon la costume,
pour fuyr vainne gloire : « Ce n’est mye pour moy, « disoit il », mais
c’est pour vous que Dieu fait ses miraicles. »
Et, après ce dit, et que le glorieulx sainct Bernaird fut entrés en la
cité de Mets, et pour ce meisme jour, il contraingnoit forment l’évesques
Estienne et le peuple de faire paix. Mais il estoient tous forcenés de ce
qu ilz avoient estez jà fort navrés, comme dit est, et pour ce il se voulloient vengier. Or advint que, en celle meisme heure, on amena à sainct
Bernaird une femme paraliticquez. Lors il mist la main et print son
propre manteau qu’ilz avoit affublés, et le mist sur ceste femme, et le
fist tenir audit évesque Estienne, qui estoit d’aultre pairt. Et tantost
elle se leva toutte saine et garie par la vertu de son oraison et de sa
bénédiction, tellement qu’elle alloit sainnement parmey le peuple.
De laquelle chose chascun se merveilloit. Et, après ce fait, sy comme il
passoit par dessus la rivière de Messelle en une petitte nacel pour fuyr
la presse du peuple, il y avoit ung povre homme aveugle, qui crioit
tant qu ilz povoit dès la rive que on le menaist devers luy. Mais, quant
sainct Bernaird fut presques oultres, cellui homme qui crioit oyt en
une aultre nacelle après de luy « ung pescheurs qui venoit, ausquelz il
donnait son manteau, moienant qu’ilz le volcist mener à sainct Ber­
naird ; et, tantost qu’il y vint, il fut guéry par la bénédiction du sainct.
Et adonc il comença à crier en grant joye : « Je voy les montaignes, je
vois les vallée et lez rivière, je voy les arbres et touctes aultres choses. »
Et de ce miraicle chacun ce esmerveilloit.
Aulires miracle de saincl Bernaird.
On ne pouroit dire ne compter tous lez miraicle que le glorieulx sainct
Bernaird fist en ce voyaige, tant on païs de Mets comme en Lorainne.
Entre lesquelle avint que, assez près de là, en une abbaye qui est
appellée sainct Benoît, avoit ung anffans boiteux, qui ne se povoit
aidier de tous ses membres dès les rains en dessoubz, et avoit les piedz
tous mort, tellement que il les trainnoit aprez luy. Celluy enffans, les
frères le avoient norry par l’espace de quaitre ans de leur asmones,
a. M ajoute après luy : en laquelle estoit.

MORT DE SAINT BERNARD

243

Et quant il oyrent la renommée des miraicles que samct Bernaird
faisoit il le menèrent vers luy à Mets sur ung chariot, en luy suppliant
an’ilz ’y vousist mestre la main. Et il cy fist, tellement que en ycelle
meisme heure il fut garis, en fasson telle qu’il alloit et se soustenoit
vigoreusement sur ses pied. Paireillement, en celle meisme abbaye, ung
aultre boiteux fut garis par sa bénédiction. Puis, en allant a Gondrevil e,
et en la présance de plusieurs gens, il enlumina * une femme. Cy serait
chose trop difficile et impossible de dire tous les miraicles
qu’il fist en ce chamin ; et aussy ce n’est pas mon mtencion de tous
raconter, car ce voiaige fut la fin de ces labours, comme tantost nous
dirons.
Comment saincl Bernaird révella sa mort.
Quant le glorieulx et amis de Dieu sainct Bernaird eust mys et faitte
paix en touttes la province de Mets, comme dit est, il s’en retourna à la
grand Clerevaulx sus Aube, où il fut tantost prins de griesve malladies.
Et sa saincte âme s’aprochoit de jour en jour plus bémnement pour
yssir hors, tout ainsy comme la navière quy doulcement anve a bon
port. Lors il acomença à parler à ses frères clèrement en disant . «Ce
sont « dist il », les parolles que je vous disoie l’année passée, quant je
fut malade ; c’est assavoir que l’eur que vous doubtiens que je ne
morussent n’estoit mye encor venue, et qu’elle viendrait en ce temps
cy. » Sainct Bernaird ne leur voullut point dénoncier sa mort clèrement,
pour la compassion qu’ilz avoit d’eulx, affln qu’ilz ne fussent troublés ;
mais il démonstroit assés qu’il avoit acomplis tous ce que Dieu luy
avoit ordonnés, par ce qu’ilz retraioit son désir et affections Lors
advint que messirez Goudeffroy, évesques de Langres, le solhcitoit
d’aulcunes choses, desquelles sainct Bernaird ne faisoit semblant, dont
l’évesque ce esmerveilloit moult, auquel sainct. Bernaird respondit,
et dit : « Ne soiés point esbaïs de cecy, car je ne suis plus de ce mon e. »
Sainct Bernaird mort Van mil cent et liij, en l’eaige de Ixdjans - La
malladie sainct Bernaird estoit d’enflure, tellement qu il estent cy
enfilés par tout ses membres que plus n’en povoit. Parquoy en 1 eaige
de LXIII ans, Nostre Seigneur le volt appeller avec ces bienheureux en
sa gloire ; et randit son esperit le XXe jour du moys d aoust qui fut
en l’an mil cent et LUI. Et fut ensevely le XXIP jour dudit mois
d’awoust devant l’aultel Nostre Damme de Clervaulx et fut mise su
sa poitrine une petites chesses’2 desrelicques de sainct Jude 1 appos r
laquelle celle dicte année on luy avoit envoyez de Jhérusalem. E
l’avoit ainsy ordonnés affin que Dieu et les benoît apostre luy fussent
propice.
Cornent le petit monastère de Clervaulx fut fait en Mets.
_
La fondation du petit couvent de Clervalz en Mets. - Or, mamtenan
1. Il rendit la vue à une femme.
2. Châsse.

244

LA FONDATION DU PETIT COUVENT DE CLAIRVAÜX A METZ

vous veult dire et compter cornent celluy glorieulx sainct Bernaird
fîst faire en Mets le petit couvant de damme lequelle à présant on
appelle Clervaulx, de l’ordre de Cisteaulx ; car ainsy le fist appeller
celluy glorieulx sainct après l’abayee de laquelle il estoit abbé. Il est
vray, comme j’ay trouvés et recueillis en sa saincte vie et légende ce que
j’ay dessus escript, en plusieurs lieu et anssiens traictiés, que, quant
celluy vray amis de Dieu fut la premier fois à Mets, pour faire la paix
entre la cité et messire Hanrey de Sallins, qui estoit ung puissant
chevallier, comme cy dessus j’ay dit, il vit ce lieu essés dessollés,
auquelle alors y avoit ung couvant d’une manier de religieulx qui ce
faisoient appeller les Sectes. Et ne sçavons or quel gens c’estoient.
Parquoy le benoît sainct Bernaird, voyant leur gouvernement, deman­
dait à l’évesque et a signeurs d’icelle cité ce lieu, lequelle luy fut
ottroyez. Et, tout incontinent, y fist faire et fonder celle religion de
nonnains qui à présant y est ; et ainsy ce trouve en sa saincte vie et
légende, qui est bien ententicquement faicte. Aussy veullent aulcuns
dire que celle paix fut faicte devent la porte Champenoize, a lieu où à
présant est la chaipelle Sainct Fiaicre. Et fut proprement le jour dudit
sainct Fiaicre, parquoy, à l’onneur de luy, en ce lieu on fist faire celle
chaipelle ; mais je ne sçay de vray ce ce fut à celle guerre ou à ung
aultre après.
Cellui glorieulx amis de Dieu sainct Bernaird, en son vivent, estoit
grand ambassadeur de plussieurs prince et seigneurs, et le aymoient
lezpappes, lez empereurs, lez roys et lez évesques, pourtant qu’il estoit
dévot, saige et prudent, et qu’il les sçavoit bien pacifier et accorder :
car ses parolles estoient doulces comme miel, et l’appelle les docteurs
modernes, c’est assavoir on l’appelle sanclus Bernardus doclor mellifluus. Mais, qui plus en vouldrait sçavoir, cy regardez on livre que on
appelle en latin Opéra Bernardi, et là trouvanrés le tout.
Cy lairons à pairler de luy et de ces glorieulx fais, et retournerons à
aultre mastier.

[SUITE DES PAPES, DES ROIS DE FRANCE ET DES EMPEREURS]

Mil cent et xx. — Maintenant je lairés à parler d’icellui glorieulx
sainct et revenrés à mon prepos, c’est assavoir que, durans le tamps de
ce glorieulx confesseur et amis de Dieu sainct Bernaird, duquelle nous
avons ycy dessus mencionés, furent plusieurs pappe. Entre lesquelle,
environ l’an mil cent et XX, fut créés dez Romains ung pappe appellé
Jehan. Maix, pour ce que l’empereur n’avoit point esté à l’élection, il
en fit ung aultre, qui fuit appellé Burdin l.
Hugues de Sainct Victor. — Item, aucy en celluy temps, florissoit le
1. Maurice Bourdin, antipape (Grégoire VIII). Le pape est Jean de Gaëte (Gélase II)-

LOUIS

VII,

DIT LE JEUNE, ROI DE FRANCE

(1137)

245

très illustre et très renommé docteur maistres Hugues de Sainct Vietour, docteur en saincte théologie, qui fit et composait moult de belles
escriptures.
„ .
.
,
Lothaire, empereur, duc de Saxonne. - Et, en cellui meisme temps,
morut Henry le quint, ampereur, et tint l’empire Lothaire, duc de
Saxonne, par l’espace de XI ans, et fut appellé Luthères.
Aucy, en celluy temps, qui fut l’an mil cent et XXII, desoubs le dit
Luthaire, ampereur, fut faicte l’église de Nostre Dame aus Champts
devent les pourte de la cité, comme cy après nous dirons.
Deux pape à Romme. - Paireillement y avoit en ce tampts deux
pappe à Romme, l’ung appellés Innocent, et l’aultre Pierre Lion .
Maix, pour ce que ledit Pierre Lion estoit plus puissant d amis que
Innocent, ledit Innocent s’en vint en France, et fuit receu comme
pappe des princes et seigneurs de France et d Alemaigne.
Mil cent et xxxj ; Philippe, roi de France, mort per le tresbuchement
d’ung pourceaulx. — Aucy, en cellui tamps, et en l’an de grâce mi
cent et XXXI, advint une merveilleuse adventure en France. Lar,
pour cellui tampts, le roy Loys de France, qui alors estoit fort ancien,
et voyant qu’il avoit eschevis et mis fin à plusieur guerre et baitaille,
et considérant qu’il n’avoit plus gairre à vivre, et qu’il estoit viés et
desrompus, voult mestre pourvision en son royaulme. Or avoit il deux
filz, c’est assavoir Loys et Phillippe. Le dit roy fit alors commuer et
sacrer ledit Philippe, son filz, à Rains ; et fut fait roy de France en
moult sollempnel triumphe. Et, tantost après, le fist mener a Pans
pour faire son entrée. Et, aincy comme il chevaulchoient parmy les
rue de Paris en moult grant magnificence et triumphe, advint une
grant fortune. Car ung pourceau se bouttait entre les jambes du cheva
a jonne roy, et tellement le tresbuchait qu’il cheust, et d’icelluy copt
morut ; qui fut une merveilleuse adventure, de quoy tout le reaulme
fut troublés.
Loys coronnés roi de France et son père mort, l’an mil cent et xxxvij. Et, bien tost après, ledit pappe Innocent tint ung concilie, auquel fut
sacré et commué Loys, l’autre filz, vivant encor son perre ; puis sont
à Paris retournés. Et, tantost après, print une malladie audit roy Loys,
de laquelles, aprez ce qu’il eust ordonnés de ces affaire pour son salut
et qu’il oit mariez son jonne filz Loys, il morut, en l’an de grâce mi
cent et XXXVII, vivant encor le deventdit sainct Rernaird ; et tut
enterré à Sainct Denis. Mais, avant son trespassement, il fist et fondit
plusieur biaulx monastère et donnait grant rante aus église et a povre
pour l’amour de Dieu. Entre lesquelle il donnait plusieur biens a ceulx
de Cluny ; pareillement aus Hospitaliers et au Tampliers de Jhérusalem. Et donnait de grand biens à l’ordre des Chartreurs en l’an mil cent
et XXXII. Et, quant il oit tout ce fait, et qu’il vit sa malladie agraver,
et après ce qu’il oit ressus tout ces sacremens, il fist estandre ung
tapis sur la terre, et sus cellui tapis faire une croix de cendre ; puis ce
1. Innocent II, pape ; Pierre de Léon (Anaclet), antipape.

246

CONRAD III, EMPEREUR D’ALLEMAGNE

(1138-1152)

couchait dessus pour acomplir le remenant de sa vie ; et là trespassait,
comme dit est, en l’an XXXe de son règne, et en l’an LXe de son eaige.
Monstre procréé sus terre. — Durant son tamps, en France, fut noris
ung porciaulx qui avoit face humainne ; et aussy ung poullet qui avoit
quatre piedz, comme dit est devant.
Aussy advint que, en celluy tampts, c’est assavoir l’an mil cent
et XXXII, l’empereur Luthers, avec plussieurs Larrons et seigneurs de
France et d’Allemaigne, espirituelz et temporel, menairent celluy
pappe Innocent à Romme, et le' remirent en son siège, et fut démis
Pierre Lion.
Le conte de Champaigne. — Et, en celluy temps, florissoit par bonne
euvre le conte Thiébault de Champaigne, qui fut père et defïendeur
des vesves femmes et des orphenins. Lequelz Thiébault engendrait
Odille, de laquelle nous parlerons icy après, qui fuit femme à Loys,
roy de France, et mère de Philippe le Grant, qui depuis conquist
maintes belles terres et les adjoustait au royalme de France.
Guillame, conte de Navairre. — Paireillement en celluy temps floris­
soit Guillame, conte de Navaire, qui fut homme de moult grant per­
fection, car il lessait les honneurs de ce monde et entrait en l’ordre des
Chartreux pour servir à Dieu.
Grant seicheresse en France. — Item, tantost après, en l’an mil
cent et XXXVII, il fit sy grant sécheresse en France que les ripvières,
les puis et les fontainnes furent estellie 1 et toutte saiche ; tellement que
en plussieurs lieu il olrent grant nécessité d’yawe, tant pour les bestes
que pour les gens.
Conraird le thier, empereur. — Item, après la mort du deventdit
Luthères, empereur, tint l’empire Conrard le thier XV ans.
Les Juif firent crucifier ung enffans. — Et advint que en celluy temps
les Juifz qui estoient en Angleterre prindrent ung enflant et le cruci­
fièrent et mirent à mort.
Et plussieur aultre merveille advindrent en ce tamps, desquelle à
présant je lairés à pairler, et retournerés a roy de France, aus ampereur
et à plusieurs aultre chose.
Loys, filz de Loys le Gros, roi de France. — Après la mort de Loys le
Groz, lequelle ainsy estoit appellés pour la grosseur de son corps, régna
le deventdit Loys le jonne, son filz, qui fut le XXXIe roy de France.
Jehan de l’Estang, qui vescut iijc et txj ans. — Et, en son tamps,
mourust ung homme en France nommés messire Jehan de l’Estant,
lequelle on disoit avoir vescus depuis le tamps du roy Chairlemaigne
jusque à cestuy Loys. Et, ce cest affirmacion est vraye, on doit croire
que il ait vescus trois cent et LXI ans.
Secour contre les Turcqz. — Item, en ce tamps, vindrent sertains
messagier de Jhérusalem, qui par les prince crestiens estant en Sirie
et en Galdée fut envoyés a roy Loys pour avoir secour contre les Turc.
1. Il faut sans doute rattacher cette forme à l’ancien français estaler, s’arrêter.

FRÉDÉRIC, EMPEREUR D’ALLEMAGNE

(1152-1190)

247

Laquelle chose fut faictes, et, par l’amonnestement de sainct Bernard,
alors abbé de Clerrevaulx, ce mist le roy en chamin avec grosse armée.
Et avec luy y fut Aliénore, la royne sa femme ; laquelle, après sertains
jour, il la ranvoiait en France. Et de ce meisme volloir fut Conraird,
alors ampereur d’Allemaigne, lequelle avec une merveilleuse armée à
l’ayde dez crestien c’en allait droit à Constantinoble.
Plussieurs advenue 1 en la terre saincle. — Mais, aprez plusieurs
choses faictes, que je lesse, comme le raconte les vraye istoire du vaillant
prince Goudefïroy de Bouyllon, lesdit prince crestiens furent en partie
dessus 2 et trahis par Manuel, empereur de Constantinoble, et ne
fyrent chose audit païs qu’il n’y eussent plus de domaige que de proffit ;
et qui le veult sçavoir plus a loing, cy lisse ladicte istoire, nommée le
Chevallier au Signe, et là le trouvanra. Et, aprez plusieur rancontre
eheue en ce voyaige encontre lez Turc, et qu’il heurent visité lez sainct
lieu de Jhérusalem, c’en retournairent errier les prince crestiens en
leur païs.
Le roy Loys, retournés d’oulire mer, répudiant sa première femme pour
espouzer aultre. — Et veult on dire que celluy Loys, roy de France,
retourna plus tost de la terre saincte pour jalousie de Alliénor, sa
femme, que pour aultre chose. Puis, pour son honneur, il la répudiait,
et jurait qu’elle estoit sa cousine ; dequoi il perdit la duchié d’Acquitainne, qu’il tenoit de ladicte Aliénor, sa femme. Maix, après ceste
répudiacion, Flenry, le duc de Normendie, la print à femme, de quoy
moult grant discenssion fuit entre ledit roy et le duc. Puis, après,
d’icelle Aliénor naquist quaitre filles, dont l’une fut donnée au roy de
Castille, de laquelle naquist Blanche, qui depuis fuit royne de France.
Et l’autre fut donnée à Alixandre, empereur de Constantinoble ; et la
thier oit le duc de Sansone, de laquelle naquist Octhe, qui depuis fuit
empereur de Romme ; et la quairte fut donnée au conte de Tolouse.
Et, après la répudiacion de ladicte Aliénor, le roy print à femme la
fille de l’empereur d’Espaigne ; maix assés tost après elle morut. Et
puis il espousait la deventdicte Odille, qui fut fille audit Thiébault,
conte de Blois, comme dit est.
Phiedrich, empereur. — Item, après la mort du deventdit Conrard
l’empereur, thint l’empire Fédrich XXXVII ans.
Pier Lumbairl, évesques de Paris. — Et, en celluy temps, estoit et
vivoit Pierre Lombart, qui fut évesque de Paris, lequel compillait le
volume des sentences qui se lisent maintenant ez escolles ; et fit les
grant gloses sur le psalthier, et les gloses sur les épistres de sainct Pol.
Pareillement, en celluy temps, estoit ung aultre Pierre, qui fit
histoire scolasticque.
Groz saisines et divisions en l’Église ad cause des pape.
Et, en
ycellui meisme temps, furent encor eslus deux pappes, pour laquelle
choses grant tribulacion fuit en l’Église ; car les ung obéissoient à 1 ung,
1. Suppléer : plusieurs choses advenues.
2. Déçus.

les autres à 1 autre. Et aussy fut pour ce meisme temps que furent fais
les grans miraicles à Nostre Damme de Rochemador.
Mais de ces chose lairons à parler, et retournerons a roy de France et
à plusieur chose digne de mémoire.
L an mil cent et xlviij ; Raymond, prince d’Antioch[e], occis per les
Turcqz. — Item, depuis le retour du roy Loys en France, et de l’em­
pereur Conraird, Noradin, ung puissant prince sarrasins, ne fist que
gueroier et conquester sur lez crestiens. Entre lesquelle il souprint
Raymond, vaillant prince d’Antioche, et fut occis, et cez gens mis en
fuyte. Et fut ce fait en l’an mil cent et XLVIII.
Ledit Loys, roy de France, depuis son retour, oit encor plusieur
grant. guerre en l’ancontre des Anglois, à l’ocasion du païs de Normendie. Et fut du tamps pappe Alexandre L
, L°’JS Waldo, de Lion, héréticque. — En cellui tamps fut ung très
riche hourjois à Lyon, nommés Loys Valdo, lequelle, voullant ensuire
Jhésu Crist, donnait tout le sien pour l’amour de Dieu. Puis, luy qui
n estoit pas clerc, ce voult meller de exposer les Escripture saincte, en
contrefe[s]ant le docteur, et cheust en une erreur et hérésie malvaise ;
puis fut excomuniez et déjectés du païs pour son obtinacion. Et de luy
veult on dire que les Vauldois en viengne, lesquelles en plusieur opinion
soubtiengne et deffande l’erreur de leur maistre et précepteur.
Le duc Mathieu régnoil en Lorainne, l’an mil cent et tx. — Item, en ce
temps, ou tantost après, c’est assavoir en l’an mil cent et LX, régnoit
en Loraine le duc Maitheu.
Hue, conte de Mets. — Et, en ce meisme temps et après la mort du
devent dit Folmarus, grand conte de Mets, duquelle je vous ay par cy
devent parlés, tenoit la contés d’icelle noble cité Hue, son fîlz. Car, en
celluy tamps, n’y avoit encor en Mets nulz maistre eschevins ne trèse
jurés ; ne pareillement les proudon ne les amans n’estoient encore
constitués. Ains je trouve, par conjecture, que en celluy tamps les
citains et hourjois d’icelle noble cité faisoient et créoient entre eulx les
conte, qui est encor à présant l’ancienne justice ; desquelles celluy Hue,
grand conte de Mets, estoit chief, comme avoient estés ceulx devent
luy. Et faisoient iceulx conte et aministroient la justice ; laquelle ce
faisoit de diverse sorte et costume, cen avoir atour ny ordonnance, car
en ycelluy tamps l’on ne mestoit encor point nul escript en airche,
comme nous dirons icy après sus l’atour et institucion des amans.
Ains, quant il leur venoit aulcune question et desbat, en faisant la
retenue 12 de leur demende, prenoient les homme de ce tamps champs
et baitaille les ung contre les aultre. Et faisoient, comme je puis conjec­
turer, des chose bien estrainge, et husoient de coustume qui n’estoient
fondée en droit ny en raison, jusque ad ce que l’évesque Bertrand y a
1. Alexandre III (1159-1181).
2. Terme de droit dont le sens est difficile à préciser : droit de recours ou de pour-

L’OFFICE DES « COMTES » A METZ

249

pourveu de remède, et leur instituait aultre manière de faire, comme cy
après serait dit.
Institution des conte, à présent abollie. — Et, pour ce que de yceulx
conte je me suis mis à pairler, je vous en dirés ung peu et en brief, c est
assavoir des institucion et ordonnances desquelles à présant il husent.
Et, premièrement, fault entandre et debvés sçavoir que, depuis ce
tamps et que leur puissance de aministrer la justice ait estés descheute,
on leur ait bailliés ung estour et ordonnance, en laquelles est dit et
déterminés la manier cornent tous les ans, a jour de la purification
Nostre Damme, ou tantost après, on les doit créer et faire. Et, qui plus
en vouldrait sçavoir, cy lise ladicte estour, et là trouvanrait le tout.
Puis, entre iceulx conte, il ont encor aulcune aultre institucion et
ordonnance, desquelles à présant il husent, dont la teneur s ensuit.
Et, premier, est dit en icelle ordonnance que, dès tantost qu’il ont
fait le serment en la main des Trèses, il doient venir en leur chambre
du paillas, et ce doient tourner 1 2surteis les ung aus aultre. Puis doient
faire ung maistre ; et doient encor faire ung chaingeur et deux acquesteurs pour toucte l’année.
Item, que toucte semonce que lez Trèses leur feront faire seront
sus V sols d’amende, et celle que le maistre ferait faire sus XII deniers.
Et, quiconcque révelleroit aulcune chose du secret de la chambre, il
perderoit sa voix pour toucte l’année, et seroit à cent sols d amande.
Item, tous jeus de deis et de haisairt leur sont defïandus Aussy est il
deffandus de ce amentir 2 ne dire villainne parolle les ung aulx autres.
Et, ce ainsy advenoit parquoy débat ce esmeust entre eulx, il ne o_
doient plaindre à aultre justice que à leur maistre, sus cent sols
d’amande. Il doient aussy paier le droit de leur sergent cen desbat. Et
toucte demande ce doient passer par le plus de voix.
Item, aussy, c’il y avoit aulcuns d’iceulx conte qui fut désobéissant
aus chose dessus dicte, le maistre le peult faire gaigier par leur sergent
de X sols, puis de XX ou de XL, et tousjour en redoublant, jusques a
XX libres, et pourter les guaige en l’ostel de leur chaingeur. Et en
doient iceulx conte tous estre aydans et confortans à leur dit maistre.
Et touttes ces chose et plusieur aultre, que je lesse pour abrégiés,
doient iceulx conte tous les ans jurer sus les saincte Evangille de Dieu,
cen rien aller ne contredire au contraire.
Mais d’iceulx conte et de leur office je lairés à parler quant à présant ;
et aussy pourquoy c’est que aulcuns de nous seigneurs ont la puissance
de les faire, les ung en une paroche, les aultre en ung aultre. Et revenrés
à pairler d’aultre matier, et dez diverse adventure que en ce tamps
advindrent en diverse lieu parmy le monde.
Phiedrich, empereur. — Et, premièrement, advint que, tantost
après, en l’an mil cent et LXIIII, et après la mort du deventdit ampe1. Fournir réciproquement ?
2. Démentir.

250

LES CORPS DES ROIS MAGES TRANSLATÉS A COLOGNE

reur Conraird, fut fait Pheidrich ampereur, lequelle en son tampts
print et destruit la cité de Millan.
Les corps des iij roi translatés à Colongne. - Et fut pour ce temps que
l’archevesque de Collongne translatait les corps des trois roys à ladite
Collongne ; lesquelle corps, par loing temps devent, avoient estés mis
en une église à ladite Millan, en la manier comme vous oyrés. Or il est
vray, comme il ce trouve par les ancienne istoire, que iceulx sainct
corps des trois roys, lesquelles en leur vivant adourairent le Roys des
Roys en Bethléam, furent par plusieur fois translatés d’ung lieu en
aultre. Puis, à la fin, furent par ledit archevesque menés à Collongne,
là où à présant sont, comme dit est.
Et, premier, est à nocter que, du tamps la bonne Hélenne, mère à
1 empereur Constantin, laquelle avoit grant dévocion à yceulx sainct
corps, c’est assavoir Jaspar, Melchior et Baltasar, lesquelle sainct
corps estoient pour le temps d’icelle Hellène au païs de Inde, sy fist
tant celle bonne saincte damme, aprez biaulcopt de chose, que je laisse
ad cause de briefeté, qu’elle heust et impestrait à avoir iceulx sainct
corps des trois roys, avec biaulcopt d’aultre saincte et digne relicque,
lesquelle elle fist apourter du païs d’Inde, et lez fist mestre et pousser 1
en sa noble cité de Constantinoble, et en la noble église de Saincte
Sophie, laquelle en ce tamps estoit la plus belle du monde ; et illec
furent possez avec plusieur aultre relicque, comme dit est. Et puis
avint, par suscession de tamps, que lez Grec devindrent et cheurent en
erreur, et firent ung patriarche entre eulx, et ne vourent plus obéir à
l’Esglise romaigne ; parquoy, peu de tamps après, par la voullunté de
Dieu, le païs de Grèce fut gaingniet et mis entre lez mains dez Sarra­
sins. Mais, depuis, Mauricius, empereur de Grèce, par l’aide des crestiens, et principallement de ceulx de Millan, recouvrait et reguaingnait
son païs de Grèce, parquoy ledit empereur Maurice envoiait et fist
translater yceulx sainct corps dez trois rois à Millan par ung nommé
Estorgius, Grec ; lequelle depuis fut esleu archevesque de Millan, pour
ce qu’il estoit aymë de l’empereur, et fut nommé Manuel. Et fist icelluy
mestre et pouser iceulx sainct corps en une église à la dite Millan, là où
à présant sont lez frère de sainct Dominicque, c’on dit les Frère Prescheur.
Mil cent et Ixiiij. — Or avint que, en l’an de graice Nostre Seigneur
mil cent LXIIII, la cité de Millan se rebella à l’empereur Fiedrich,
comme dit est ; et adoncque ledit empereur préposa de asségier et
destruire ycelle cité de Millan. Maix lez plus grant de la cité prinrent
alors lez sainct corps desdit trois roys, et, de peur de les perde, lez
mussairent. Toutefïois l’ampereur, à l’ayde de Régnault, archevesque
de Coullongne, et de plusieur aultre seigneur, asségeait ycelle cité de
Millan, et, après plusieur assault, la print et gaingnait. Parquoy le
pouvre puple fut bien ambaihis. Entre lesquelle y avoit ung capitenne à
Millan dedens le paillas, lequelle vint audit Régnai, archevesque de
1. Poser.

THIERRY III, CINQUANTE-SIXIÈME ÉVÊQUE DE METZ

(1164-1171) 251

Collogne, et ce gectait à ces piedz, luy priant qu’il fist sa paix dever 1 em­
pereur. Puis luy dit secrètement que, en ce faisant, il luy monstreroit
et donroit lez corps dez trois noble roys deventdit, et avec yceulx
plussieur aultrez relicque. Laquelle chose ledit Régnault fist, et eust lez
trois rois, et secrètement lez envoiait à Collongne ; et ce doubtoit fort
que l’ampereur ne luy detourbait. Touteffois, aprez ce qu il furent
aincy envoiez à Collongne, comme dit est, ledit archevesque en avertit
l’empereur, lequelle libéralement luy ottroya et donnait lez, trois
sainct corps aincy envoyez. Sy furent yceulx mis et possez en 1 église
de monsseigneur Sainct Pier audit lieu de Collongne, là où à présant
il repouse.
Item, en celluy temps, pappe Allexandre vint en France pour une
grande discencion, qui estoit d’ung qui voulloit estre pappe.
Mais de ces chose nous lairons à parler, et retournerons au évesque
de Mets.

[SUITE DES ÉVÊQUES DE METZ]

Thiéri, lvje évesques, thinl le sciège ix ans vij mois. - Item, je trouve
que, en celluy tamps et après la mort de l’évesque Estienne de Bar,
fut fait et créés évesque de Mets ung notauble prélas, nommés Thiéry,
lequelle fut filz du conte Henry de Bar, lequelle conte Hanry estoit
frère au deventdit évesque Estienne. Cellui Thiéri, en vérité, fut
semblan aux meurs et au linaige son oncle l’évesque Estenne trespassés ,
et fut le LVIe évesque de Mets, et régnoit en l’an de grâce mil cent
et LXIII. Il oit souverainne diligence de destruire et mestre à fin
touctes manière de lairons et de pillairs, pour son peuple vivre en paix.
Et, en quelcunque lieu que il savoit ung hons oixeux ou orguilleux et
contraire au païs, il faisoit tant qu’il en descombroit le lieu. Il mist tel
paix entre lez clercz de son éveschié et entre les nobles de Lorainne que
tous luy pourtoient grant honneur : il l’appelloient père de paix.
Or, il y avoit en ce tamps ung chastel en la terre que on appelloit
Habundange, qui estoit assis pour pourter grant dopmaige à toucte
l’éveschié pour tousjourmaix ; et il fist tant qu’il le pnnt, et édiffiait
léant très noblement. Item, il acquist aucy Winseperch 1 2et Ren on
viller 2 et Conflan, laquelle alors estoit poc forte ; mais il l’enforsa et
fit dedens ung bel et noble pallais.
,
Item, aulcun cardinal, durant son tamps, furent une fois envoyés a
Mets pour aulcune besongne que n’estoit mie profitable à 1 évesc îe ne
à la cité. Et vinrent yceulx à moult grant pomppe et à moult grant
frais en la cité ; et alors toucte la cité et la clergie estoient apparei lez
1. Wingsberg, hameau, commune de Wolstrofl (Moselle Thionville, Metzervisse).
2. Raville (Meurthe-et-Moselle, Lunéville, Luneville-Nord).

252

PRIVILÈGES ACCORDÉS A L’ÉGLISE DE NOTRE-DAME AUX CHAMPS

pour eulx recepvoir à grant honneur et révérance. Mais, quant l’évesque le soit, sy leur deffendirent de non le recepvoir ; et fist tant que ilz
s’en râlèrent tous confus, sans rien accomplire de leur entancion. Dont
plusieurs aultre cité y prindrent example et herdiesse de deffendre leur
droit.
Et tint celluy évesque le siège IX ans et VII moix, desoubz le deventdit pappe Allixandre le tbier, et on temps du deventdit Phédrich
l’empereur. Et, pour le péril de la discension que duroit encor entre
l’empereur et la clergie, il ne volt mie estre prestre, maix seullement
diaicre, et ne fut mie consacreyt. Et morut le VIe jour d’aoust, et fut
ensevelly en l’entrée du cuer de Sainct Estienne, à la senestre partie.
Et gist l’évesque Régnault de Bar encoste luy, dessoubz ung aultel
que maistre Adam Poullet fit depuis faire.
Grant previlaige donnés à l'église de Nostre Damme aux Champs. —
Aussy, en celluy tampts, pape Audrien *, esmeu de grand dévocion,
donnait à l’église de Nostre Damme aulx Champs, scituées devent
Mets, à la pourte Sainct Thiébault, de grand previllaige, et y envoyait
plusieurs relicque, comme ung maistre rétoriciens en compousait ces
vers icy après escript. Lequelle maistre avoit desjay compousés la
manier cornent ycelle église avoit premièrement estés faicte et fondée,
et par qui et en quel tamps ce fut, comme cy devent ait estés dit quant
on ait parlés de l’empereur Lutaire. Et aussy compousait la manier
cornent la saincte lairme Nostre Seigneur y fut apourtée. Et sont toutte
ces chose escriptes en ladicte église, comme la teneur c’ensuit.
Et, premièrement, serait dicte de la fondacion d’icelle église, et par
qui premier elle fut faicte et fondée.
En l’an de graice XIe et vingt deux,
régnant Lothaire, empereur vertueulx,
sus les tirant de la foy catholicque,
car, pour fuyr leur cruaultés inicques,
on diocès de Soixons une abbaye
nommée Chébry 12, gent de moult saincte vie,
y eult deux frère, esmus de cuer dévot ;
la propre ymaige chargèrent sur leur colz,
que vous voiés dessus l’aultel posée,
et l’apportèrent illec par reposée.
Puis sur l’aultel en ce lieu fut assize
et en son nom fut faicte icelle église.
Depuis ce fait, et que ladite église fut ainsy faictes, échevie et douuée
dez asmone dez bonne gent, comme à présant elle est, cy avint que,
par la bonne relacion que on en fist à nostre saint père le pappe Au­
drien, 1111e de ce nom, il fut esmus en dévocion, comme dit est, de y
donner plusieur biaulx previlaige et saincte relicque, lesquelles sont
icy après desclairiés par ledit rétoriciens, comme la teneur c’ensuyt.
1. Adrien IV (1154-1159).
2. Chézy (Aisne, Château-Thierry, Charly).

LE MONASTÈRE SAINT ÉLOI DE NOUVEAU FONDÉ

253

L’an XIe et L après la Passion
et vingt au milliaire, print grant dévocion
pappe Adrien quatriesme, par la grâce de Dieu,
volt exaulcer l’église Nostre Damme en ce lieu ,
cy envoya à Robert le bon prieur dévot
des très sainct ossement de sainct Pier et sainct Pol,
de sainct Estienne aussy, de sainct Laurens martir ,
puis y donnait aussy tout d’ungne thir 1
telz grâce et previllaige contre excommuniement
qu’on n’en peult ceste église donner empeschement.
Meisme se la cité avoit par tout le cesse,
léans peult on chanter, sonner et dire messe
avecques la présences des relicques jay dicte,
saulf et à l’absence de ceulx de l’interdicte.
Et, s’il mouroit des gens en ladicte cité
refusés de l’Église pour telle adversités,
on les polroit mestre en cestuy monaistère,
s’ilz n’estoient coupable, et mestre en saincte terre.
Puis après, par sussession de temps, ung noble chevallier, natif de
la cité de Mets, de la lignée des Baudoiche, c’en allait ; et luy print
dévocion de visiter les sainct lieu de Jhérusalem. Et, dlec, ce fist cy
vaillant en une guerre que les crestiens menoie a Sarrasins que on luy
donnait ce noble dons de la saincte lairme, laquelle le doulx Jhesus
plorait en Béthanie à résueiter le Laisaire ; et fut des anges recueillez
et donné à Marie Magdalenne, et puis à Constantin l’empereur, e
depuis à plusieur aultrez, et tellement que en ce tamps die fut donnée
à ce noble chevallier. Lequelle l’apourtait en ce samet lieu, comme dit
est, auquelle elle est songneusement gairdée et dignement révérée
pour saincte relicque, comme fidellement nous créons.
Cy vous souffise quant à présant d’icelle église, car d aultre mestier
convient pairler.
Item, en celluy temps, c’est assavoir en l’an mil cent LXV, naquist
Phelippe, filz du roys Loys, comme cy après serait dit.
Et, en cellui meisme temps, y avoit ung prévost à Aras, filz d une
pouvre femme de Chartres, appellé Robert, quy tenoit en son gouver­
nement l’éveschié de Tournais et celle d’Arras ; et disoit on qu il avoit
ung dyable privé qui l’avoit mys en sy haulte honneurs.
Sainct Thomas, évesque de Cantorbie. - Et, en celluy temps aucy,
estoit évesque de Canturbie sainct Thomas, qui fut martirisés pour
vérité soubtenir.
,
Le monastère de Sainct Êloi de novealz fondés. - Pareillement, je
trouve que, loing tamps devent ce tamps, avoit eStés fondée dessus la
rivier de Mozelle, essés près, là où à présant est La Grange a Damme,
1. Tout <Tune tire : en même temps.

254

UNE PORTION DE LA SAINTE CROIX APPORTÉE A METZ

une petite religion de religieulx et homme contamplatif, on nom de
sainct Éloy, évesque de Noion. Lesquelles, par leur saincte vie, multipliairent tant en nonbre comme en terre, cens, rente et aultre biens
que les dévot bourjois et bourjoise de la cité de Mets leur donnoient.
Entre lesquelles ung notauble bourjois, advocat d’icelle cité de Mets,
et dame Yda, sa femme, avec leur anfïans, fdz et fille, donnairent à
celle saincte religion pour Dieu et en almone plusieur piesse de terre et
seigneurie qu’il avoient, scituées devent la cité, à demi lieue près, en
ung lieu nommés de Buris *, par telle condicion que illec seroit faicte
et édiffiée ladicte église Sainct Elloy, laquelle encor à présant y est.
Et à ycelle église et religion aultre bonne personne donnairent le lieu
et la terre de Justemont, auquelle lieu l’abbé Zacharie, qui pour ce
tamps estoit abbé dudit Sainct Éloy, avec ces frère, édiffiairent église
et maison. Et, quant tout ce fut fait, ledit abbé, avec ces frère, c’en
allairent demourer et ce tenir en de Bouris, et mist des suers et de bonne
religieuse et saincte damme en leur premier lieu dessus Mozelle ; parquoy ce lieu fut appellé La Grainge au Dame. Mais, essés tost après,
en furent deschaissiées et dejectées par l’influance des yawe de ladite
rivière ; et furent ycelle suers mise en de Buris, en l’église deventdicte
de Sainct Éloy, par le deventdit abbé. Lequelle alors, avec ces frère,
c’en allairent ce tenir et demourer à Justemont, comme il est contenus
en l’estrait d’ugne lestre bien enticque, laquelle ait estés prinse és
ancienne chairtre de léans, et translatée de latin en françoi, comme
nous dirons ycy après.
Maix, premier que je procède plus avent en ycelle mastier, je vous
dirés cornent miraculeusement porcion de la très digne et précieuse
crois en laquelle fut faicte nostre rédempcion fut par ung jonne clerc
flamen miraculeusement apourtée en ce sainct lieu de de Buris, nou­
vellement rédiffiée on nom de sainct Éloy. Laquelle chose advint
durant ce tamps, et en la manier comme cy après oyrés.
Periie de la vraye croix trouvée per ung jonne clerc, el des miracle
avenus per icelle. — Or, il est vray, comme nous dit l’istoire, laquelle
ung notauble religieulx de la cité de Mets m’ait heu translatés de latin
en françoi, que, durans le tamps du deventdit pappe Allixandre,
thiers de ce nom, lequelle alors tenoit paisiblement toute la monarchie
de l’Église catholicque, et aussy durans le resgne du deventdit Fiederich, empereur des Romains, en celluy tamps, y avoit en Flandres ung
sainct enfïans nacionés d’icellui pays. Lequelle, estant vray catholicque
et plains de touctes bonnes et honnestes meurs, fréquentent 12 les
esglise, et, mesme quant il estoit à l’ostel de son perre ou ailleur,
s’occupoit en dévocion tant de pansée comme d’oréson. Dont il advint
que, luy estant en la fleur de sa jonnesse, pensant et révolvent en secret
1. Thury (grande et petite), hameau, commune de La Maxe (Moselle, Metz, Metz);
en 1101 : Sancta Crux in Buris.
2. On attendrait : frequentoit.

UNE PORTION DE LA SAINTE CROIX APPORTÉE A METZ

255

de son couraige quelle voye il esliroit de vivre au salut de son âme,
dont il y enavoit plussieurs, finablement, devant toutes aultres voyes,
esleut la voye de pelleriner et visiter le Sainct Sépulcre de nostre
Rédempteur Jhésu Crist, en agmentacion *1 de pénitence par labeurs
angoissés et périlz qu’il avroit à souffrir ondit pellerinaige, affin que
par ce il peust deservir le reaulme des cieulx, comme ung chacun doit
ensuir le Saulveur et Rédempteur Jhésus, qu’ait monstrez premier
la voie de pélerinaige tenant a salut. Dont icelluy josne filz, délibéreit
de l’ainsy faire, prinst le signe de la croix sur luy pour obvier et soy
deffendre des temptacion du diable, aussy pour soy humilier, ayant
pacience en adversitez, obédience vers prélatz a et maiours, exhibant
chéritez au prochain, et que 2 Dieu, par ce, luy donna grâce de par­
venir à sa bonne et saincte intencion. Pourquoy il se proveut des
choses nécessaire à voaygier ; à l’example du bon et sainct prophète
Abraham et patriarche, délaissa le pays, ses parans et amys et habitacion, non point seullement de corps, maix de pure volunté. Et, jà
soit que on dit voyaige heust maintes deffault et ponvretez, toutteffois
tout ly fut plaisant et agréable. Et, pour ce que Nostre Seigneur Jhésu
Crist luy fut guide et conduyte, joyeusement parvint à l’entrée de la
mer. Affin que le servent de Dieu peult parvenir à sa bonne et saincte
intencion, entra sur la mer et la passa paisiblement, sans grant péril ou
fortune. Et luy, arriveit au port de Jaffe, se reposa illec ; et en après
se partit dudit port, querant et désirant de trouvés bonnes et saincte
personnes emprez lesquelz il peust, en faisant pénitance, acquérir
le salut de son âme, à celle fin qu’il receust fruit plus ample, comme
l’Escripture le tesmoigne, disant que Dieu rendera le louuier de la
labeur de ses servent et les conduira en voye merveilleuze, qu’est à
entandre de vertus.
Ledit bon filz et pellerin cheminait jusques à la cité de Jhérusalem,
vint a Sainct Sépulcre de Nostre Seigneur Jhésu Crist, et là se pros­
terna humblement à terre, en grande contricion de cueur fit son orison.
Laquelle parassevie, Nostre Saulveur et Rédempteur Jhésus, qui
ayde et saulve tous ceulx qui ont espérance en luy, heust ledit josne
filz en grâce, sy qu’il visita tous les saincts lieux où Nostre Seigneur,
par sa visitacion et présence parsonnelles, avoit sanctifiez. Et, pour
tant qu’il n’y a rien impossible à endurer et supporter à celuy qui
ayme parfaictement son Créateur, s’encomansa ledit servant pèlerin
à prandre grant plaisir et soy délecter à servir Dieu et à avoir pacience
en adversité, affin que Dieu ly voulcist donner grâce de parvenir
à sa bonne intencion. Dont proposa de soy illec tenir et demorer par
sertain temps.
Sy avoit en Jhérusalem pour lors ung très sainct patriarche, du famé
a. Mss. : verlatz. Philippe aura mal résolu l’abrévation.

1. E :

augmentant. Le sens est : le pèlerinage, en accroissant ses souffrances, augmen­
tait son mérite d’autant.
2. Et pour que Dieu, etc.

256

UNE PORTION DÉ LA SÀÎNTÈ CROÎX APPORTÉE A METZ

duquelle toute la contrée en estoit fort décorée par sa grande dévocion,
sapience et prudence, estable en foy, vray et sertain en parler, doulx
et amiables en fait, saige en toutes prudence à grant engien a, plaisant
en ses fais, honorables de corps, en affliction constant, bénigne et
lairge en dons, auquel tant prochains comme longtains confluoient
et venoient pour avoir confort, conseil et ayde. Lesqueulx celluy
seigneur patriarche recepvoit bénignement, ensengnoit et confortoit
en fasson que tous creoient avoir conseil, non pas d’homme, mais de
Dieu. Dont, ce oyant, ledit jonne fdz, soubz espérance de conseil et
consolacion avoir, se présenta en grande humilité à lui. Lequel sainct
père non point seullement l’ensengna en voye de parvenir à l’éternelle
vie, maix le receupt bénignement en son service, et l’ensengna dili­
gemment, et le norit, et heust en amour plus qu’aultre de ses famille.
Et aussy ledit sainct anfïans pèlerin pareillement se prinst prez le
plus qu’il polt de servir et obéir audit sainct homme, sans quelque
faulte ou répréhencion aucune. Dont, le temps de son dit service
durant, servant diligemment et sainctement ledit patriarche, accreust
son amour envers son servant, et aussy l’humilité et diligence du
servant accreut à son seigneur, tellement que le seigneur povoit de son
servent dire la parolle de Nostre Seigneur, disant : « Accrois, mon bon
servent, et multiplie ; car, pour ce qu’en petite choses ait esté leal, je te
constituera b sur grandes choses, et finablement entreras en la joye
perdurable de ton seigneur. »
Dont il advint, par succession de temps, que le service dudit sainct
fdz fut par l’espace de trois ans accomply ; à la fin duquel ledit sainct
anffant, ayant souvenance de ces père et mère, parans et amys, et
aussy du pays de sa naissance, proposa en soy d’y retourner. Et, pour
tant qu’il avoit grant désir de parvenir à son intencion, révéla à son
dit seigneur, disant : « Mon très honoré seigneur et maistre, je vous ay
servy cordialement par l’espace de trois ans, ne jamais ne trépassa
vostre comandement ; je vous supplie humblement que vostre grande
graice et miséricorde s’extende sur vostre pouvre servent à l’aconplicement de son bon désir, qu’il ait à demander aucun don. » Alors le
bon patriarche sur ce répondit : « Mon filz, pance ad ce que tu veult
demander, et pourquoy tu désir de l’avoir, affin que je n’aye cause de le
te refuser. Ce que le saige dit ne te doit point déplaire : demande ce
qu’est juste et raisonnables. Car certe tu est bien digne don*1 recep voir ;
parquoy, « dit il », demende hardiement. Et, ce c’est chose que ne ce
doit refuser, je le te donrait libérallement. » Adonc cellui sainct josne
filz, lequelle estoit tant doulz et amiable, fut dez parolle le bon patriar­
che grandement resjoy ; et, pour ce, humblement ce prosternait en
terre et lui ait dit : « Père de miséricorde et de toucte consolacion, je
vous supplie que vous me donnés du sainct boix de la vraye croix,
a. Mss. : à grant d’engien. Il semble que le texte soit ici altéré.
b. M : constuera.
1. De le.

UNE PORTION DE LA SAINTE CROIX APPORTÉE A METZ

257

duquel boix l’esçhielle fut faite au povre repentans pêcheurs pour en la
fin de leur vie par ycelle monter à la glore éternelle de paradis. » Ce
oyant, ledit sainct patriarche, soy admirant merveilleusement de la
grande foy, advis et espérance qu’il veoit estre en ce josne filz créant
et disant de monter à la gloire éternelle par vertu de la Saincte Croix,
pensant, oultre plus, la sanctité dudit josne filz, et qu’il povoit estre
qu’il plaisoit ainsy à Dieu estre fait, consenty à sa péticion et prière,
en luy délivrant certaine partie de la croix Nostre Seigneur, laquelle
partie jà de loing tamps avant estoit assize en une croix d’argent
doréez et garnie de pierreries qu’estoit on temple de Jhérusalem, en
luy enjoaindant et expressément commandant que en son retour et
chemin, et tant qu’il avroit ledit juel, il le portait dignement, sainctement et révéramment, jusques ad ce que Dieu, par sa saincte miséri­
corde, en aroit disposé du lieu où il luy plairait qu’elle reposa et fut
mise. Dont, le désir dudit sainct filz acomply de ce hault et très sainctisme don et tant précieulx juel comme du boix de la saincte croix
Nostre Saulveur Jhésu Crist, peult on considérer en quelle joye l’esperit dudit sainct josne filz povoit estre esleveit en exaltacion divine,
pour ce qu’il ly sembloit qu’il n’estoit pas digne ne souffisant de povoir
avoir deservy sy grant don, convenoit doncque que la divine puissance,
de superhabondante grâce, heut parmis à luy conséder sans desserte
souffisante, mais par grande et large bonté, et affm que sa très digne
et saincte Passion fut plus amplement et en plussieurs lieux publiée
et manifestée, et aussy pour aidier et subvenir à la nécessité des pouvres indigens de sa grâce et miséricorde, rendit pour ce humblement
grâces à Dieu, et print licence et congier dudit sainct patriarche.
En prenant sa bénédiction, se mist ledit josne filz au retour, passa la
mer et plussieur terres, mons, vaulx, par pluyez, néges et vens, tant
que finablement il parvint au lieu de sa nacion. Onquel il fut fort
troublez et heut grant desplaisance de la mort et trespas de ses pères
et mère, qu’il n’avoit point retrouvés ; et aussy pource qu’il n’y avoit
point de lieu souffisant à recepvoir ung tel juel comme il avoit apourté.
Dont, à ceste occasion, luy procidant 1 à terre, estandu en croix, fit en
grant dévocion et contricion de cueur son orison à Dieu, disant :
« Sire, doulx Jhésu Crist, créateur du ciel et de la terre, semeur de bon
conseil, qui consolles les désolés, adresse les arans 2 et conduys à voye
de salut les mallaides en péchiés guéris par ta médicine de pénitance
et les justifiez, qui les désolés conforte et resjoys, quy monstras a sainct
Abraham la montaigne de sacrifice, je te supplie et en larmes humble­
ment te prie que tu me veulle démonstrer le lieu on quel tu as éleus
debvoir estre anobli et douués du signe de ta Saincte Croix, laquelle
Par ta saincte et infinie bonté t’a pleut à l’avoir et transporter par
m°y 3, pouvre et indigne servant, au lieu qu’il te plaira. » Laquelle
1. Latinisme : procidere signifie : tomber aux pieds de quelqu’un.
2. Toi qui remets les égarés (errants) dans le droit chemin,
3. H t’a plu que je l’aie et que je la transporte.

258

UNE PORTION DE LA SAINTE CROIX APPORTÉE A METZ

prière ainsy faicte, apparut audit bon filz l’ange de Nostre Signeur en
luy disant : « Lieuve toy et ysse hors de cest contrée, et t’en va jusques
tu viegne en une noble cité qui ce appelle Mets, à laquelles tu trou­
veras que te diras ce que tu avras à faire pour acomplir ton désir. »
Cecy oy, ledit bon filz et servant de Dieu, incontinant et sans délay,
se despartit du lieu ; et fist tant de chemin qu’il parvint à ladite cité
de Mets.
Et, comme il eust estez par certain jours en icelle, considérant la
doulceur de la terre fructueuse, des preys verdoyans, des vignes treffertilles, des arbres fructueulx, d’iawe doulces de poisson plantureusse,
et aultres plussieur loables plaisances et délectables aux habitans
d’icelle, fut fort esmerveillez ; et, jay soit que de premier, par la nunciation de l’ange, qu’il le convenoit départir de son lieu et nacion, que
ly sembloit estre doulx et plaisant, néantmoins, pour la plaisance,
aménité et doulceur du lieu que l’ainge ly avoit anunciez, fut tout
réconfortez et joyeulx. Sy print pour ce à louuer Dieu, parsévérant
tousjour à l’enqueste de sa mathière. Dont advint qu’il oyt le famé et
nommée 1 du sainct prodhomme religieulx nommez Robert, demourant
en ung monastère près de Mets, appellés Buris, vers lequel se transporta
et humblement ce présenta. Puis ly demanda conseil pour l’amour de
Dieu, en ly deSclairant tout ce que ly estoit advenu ad cause de son
pélerinaige. Lequel sainct prodhomme, tenant les mains vers le ciel,
rendant grâce à Dieu de la venue dudit sainct filz, et puis ly dit : « Mon
filz, Dieu soit tousjours avec toy comme par cy avant ait estez. Je
sçay et m’ait esté révellé la cause que t’a icy fait venir de part Dieu.
Sy ait trouvez le lieu, par volunté de Dieu, là où le très sainct et dignes
juel que par sa bonté et graice ait voulu estre à toy délivrez, pour
finablement parvenir et estre mis en ce sainct lieu et monastère de
Buris, à la conservacion de la citez de Metz et de tout le pays. Sy te
veulle mestre en debvoir d’assevir et acomplir la volunté de Dieu, en
offrant le juel qu’il t’a souffrit d’apporter du lieu de sa sainte Passion
jusques icy par son plaisirs et volunté, et par ce te monstrerés estie
servant leal, dont en recepvras bon louuier. » Et alors, après ces parolles dictes, ledit bon filz pèlerin, en plorant et randant à foisons
larmes d’une doulceur joyeuse, procédant du cueur, rendit grâce à Dieu
humblement et louuange de ce qu’il avoit trouvez ce qu’il désiroit, et
congnut en soy meisme que ledit sainct prodhome religieulx ly avoit
manifesté l’annunciation de l’ainge à luy faicte, et aussy que ledit
monastère de Buris estoit le lieu là où il plaisoit a Dieu, qui av01
souffert griefve passion en la croix, que partie d’icelle parvenist et u
mise et honorée ondit lieu et monastère de Buris, en laquelle, dès 1 en
commancement de son institucion, ait esté institué 1 ordre saincte
Prémonstreit et aussy observée, pourquoy sans doubte Nostre Seigneur
est ondit lieu servy et honoré. Dez adont convoquait le bon abbe
peuple, tant de la cité comme, du païs : en grande compaignie, pr0
1. Renommée, réputation.

DIFFÉRENT ENTRE LES FRÈRES DE SAINTE CROIX ET CEUX DE JUSTEMONT 259

cessionnallement ansamblés, en grant louuange, orisons et prières
allant audit monastère et esglise de Buris, furent bénignement receuz
par le biau père abbé et pasteur dudit lieu, nommé Estienne. Et fut par
ledit josne et sainct fdz présenté et délivré ledit sainct et digne juel de
la Croix, et receupt et colloqués honorablement en ladicte église ;
dont, pour tant que ladicte esglise fut tant sublimée et exaltée de sy
noble juel, pardit son comung nom de Buris et fut appellé de Saincte
Croix 1 pour l’advenir.
Or avés oy la manier et cornent celle très digne, très excellante et
victorieuse croix, en laquelle la rédempcion de tout l’umain linaige
ait estés acomplis, fut miraculeusement apourtée en ladicte église,
alors nommée de Buris. Cy vous veult maintenant monstrer l’estrait
d’ung discord qui ce esmeust entre les religieulx de Justemont et ceulx
de de Buris, comme cy devent je vous ait promis. Lequel discord et
différant avint peu de tamps aprez leur premier fondacion, et qu’il
estoient encor soubz ung abbé, comme cy devent avés oy. Laquelle
lestre bien ententicque et fort ancienne j’ay fait translater en roman de
mot à mot cellon le latin, et cen y rien adjouster ne oster, cellon que la
teneur c’ensuyt.
Nous ne prenons pas la penne désirant à intimer à Vostre Saincteté
l’ordre de la chose du négoce du sainct abbez de Saincte Croix, portiteur de ces présentes lestres, car il est escript : « Qui dit la vérité n’a
nulle penne. » Dieu ce disant 2, en nostre temps Philippe, abbez de
Biaulvais, qui encor règne et maintenant préside en l’église de Prémonstré, a édifié ung lieu devant la cité de Mets, onquel il constitua
ses frères avec l’abbé Zacharie, que Dieu pardont, lequel l’évesque de
ladite cité, par la graice de Dieu, a constitué et consacré abbé. En après,
croissant le nombre des frères et aussy la religion, Aubert, advocat
d’icelle cité, et damme Yda et leurs filz et filles donnirent par les
mains de Lévesque de ladite cité à ladite esglise l’héritaige alodium de
Buris, par telle condicion que ladite abbaye seroit illec transférée,
pour tant que le lieu sembloit estre plus convenable et plus loing de
Mozelle. Adonc fut à ycelle église donné le lieu de Justemont. En ces
deux lieu premièrement comencirent à édiffier les frères ; et, quant
aucuns édifices furent fais, l’abbé et le convent se transportirent au
lieu que ce disoit Buris, et mirent des seurs en leurs premier lieu.
Après aucuns ans fut faicte grande inundacion d’eau, et creut
Meselle tellement que lesdite seurs furent contrainctes de leurs héritaiges exir par nayier. Et, quant ne sceurent où aller, l’abbé Zacharie,
lequelle estoit de grant charité, les collocqua en son lieu de Buris ; et
luy et son couvent se transporta à Justemont ; et bien peu après
morut, et ung aultre fut substitué abbé en son lieu, nommé Leherus.
1. Saint Éloi, actuellement ferme et château, commune de La Maxe (Moselle,
Metz, Metz). Cette abbaye fut détruite en 1552,
2. Par la permission divine.

260 DIFFÉRENT ENTRE LES FRÈRES DE SAINTE CROIX ET CEUX DE JUSTEMONT

Adonc les citains de Mets, qui avoient donné de leurs biens et héritaige, les repétoient, pour ce qu’il ce avoie absantir du lieu ; et les
frères qui furent profetz en la premier église murmuroient que ladicte
abbaye estoit ainsy translatée de son lieu sans le conseil de l’évesque et
de ladicte ordre. Et pour tant molestoient souvant ledit abbé. Lequelle,
cecy entendant, comensit à édiffier ung grant monastère à Buris et
grant dormitoire, soubz l’espérance de retourner. Mais, avant qu’il
l’eut parfaict ny accomplis, il morut ; et fut ung aultre substitué
abbé en son lieu, nommé Estenne. Cestuit accomply ceu que le dessus­
dit avoit accomencé, et plusieurs édifices à Justemont. Adonc, crois­
sant les édiffices et croissant le nombre des frères et seurs de diverses
langues et de diverse meures, croissant aussy quérimonie de l’évesque
et des citains de Mets, creut dissention et division, car les romans se
enforçoient de retourner au lieu de leur profession, c’est assavoir à de
Buris ; et aulcune aultre, allemans, désiraient à demeurer au lieu de
leur cognation ; aucuns désiraient transferrer les aulmones que se
faisoient à Buris, et les romans les voloient retenir. Adonc vindrent
noises et débatz et haynes.
L’abbé Estienne, estant en ces angoisses, fut par plusieurs fois
admonesté par l’évesque de retourner à Buris : parquoy, par plusieur
années, il sollicitoit de tout apaiser, et, avec ce, les contraignant par
rigeur de silence, maix peu prouffitoit. Quant cecy se faisoit, il advient
que maistre Ulric Stemnel d’Ens. 1 2retournoit du chapistre général
par Justemont, et l’abbé, triste, luy expose l’estât de sa maison,
demandant conseil. Adont, les parties convocquées par tout, ledit
maistre Ulric se travailloit de mestre paix, maix tant estoient ilz plus
divisés. A la fin, se gettirent à sez piedz, le contraingnirent de demeurer,
bien envis, jusques à tant qu’il avroient convocqués les abbés leurs
voisins, et l’abbé de Beauvais, lesquelles de ce fait puissent traicter.
Lesdit abbez furent convocqués et viendrent a jour déterminé, et
fut traicté de la paix. Et ne peult estre faicte paix, synon par division,
pour le bien de paix et urgeant nécessité ; et, par le conseil dessusdit abbez et consentement des parties, fut faicte division des frères et des
seurs. Et furent ainsy divisés et partis en deux, tant des frères et suer
comme de touttes les possession, héritaige, comme des biens meubles
et debtes ; et, selon la teneur de la division, fit l’escript de ses propres
mains l’abbé de Sainct.Paul de Verdun. Au jour ensuyvant, les frères
de Justemont, en la présence dez abbez, eslurent pour leur abbé ung
religieulx, nommés frère Clément, et luy firent obéissance. Alors
l’abbé Estienne, avec les siens, s’en retournit à Buris ; et les aultre
abbez s’en retournairent chescun en son lieu. Et par ainsy fut faicte
paix pour celle foix.
Or advint que, ung peu de temps après, le dessusdit elleuz, non
contant de ceu qu’il avoit receu, vient à Prémonstré, répétant tout
1. Mss. : dens est suivi d’une abréviation que je ne puis résoudre.
2. Suppléer : des dessusdits.

différent entre les frères de sainte croix et ceux de justemont 261

ceu que l’abbé Estienne avoit. Les abbez furent derechief convocqués
et viendrent à Prémonstré ; et vint ycellui Clément, qui estoit elleus
de Justemont. A la fin, après plusieurs choses, eurent conseil que celluy
esleuz se entreporteroit, et que l’abbé Estienne auroit entièrement
toutte l’abbaye, comme de premier ; et par ainsy ledit esleuz fut
privés de son abbayee. Et furent envoyez aulcuns abbez que appaisirent la chose ; et les frères de Buris, avec ceu qu’il avoient, retournissent à Justemont. Et, quant ilz vinrent à Buris, et qu’ilz eurent
raconté auz frère ceu qui avoit esté dit et fait, ceulx là ne s y volurent
consentir, prétendant plus griève chose, et principalement pardicion
de leurs âmes. Adont, doubtant lesdits abbez que plus grant division
ne se faice, par le conseil de l’évesque, ilz difïérarent la chose jusques
au chapistre général. Lequel venus, viendrent aucuns frères de Juste­
mont et aucuns de Buris, et fut traicté de la matier diligemment ;
toutes circonstances considérées, la division, que fut faicte ad cause de
charité, pour le bien de paix, on conseil général fut approuvé et confermée. Et fut cecy escript à l’archevesque de Triève et à l’avesque de
Metz, lesquelz avoient rescript sur ce audit chapistre, que ceu qui
estoit fait dès maintenant soit tenus ; et ceulx qui volroient aller du
contraire fuissent punis par justice. Par ainsy fut la chose finie.
Après aulcuns temps encor réclamont les frères de Justemont que es
frères de Buris substrahirent aucuns chose de la teneur d’icelle divi­
sion, parquoy furent encor appellés les abbé voisins, et viendrent a
Buris. Et alors viendrent les frères de Justemont, tant clerc que lais de
bon conseil. Le prieur et les obédienciers, leurs querelles disposées se
mirent en conseil et auz ditz des abbez. Lesquelle abbez, oyes les
quérimonyes, par le consentement des parties, soubz estmdre les chan­
delles, excommuniairent tous ceulx qui ne tiendront point ceu qu ilz
diront et que dorénavant conturberoient la paix ; puis dirent ceu qu il
debvoient dire, touteffois en grevant ceulx de Buris ; et par ainsy de
rechief fut faicte paix.
Adonc le prieur et les aultres frères de Justemont, par le conseil et
en la présence de l’abbé de Biauvais et des aultres abbés, esleurent ung
frère nommé Régnier ; lequel pour tant qu’il ne le poulent « avoir,
aprez aucuns jour, esleurent ung nommé George ; et, quant il fut
esleu, ilz viendrent à l’évesque pour le faire prestre, car il estoit diacre
et pour luy donner bénédiction. Le jour constitué, vint 1 évesque à
Buris, et fit illec les ordres, et fit icelluy prestre. Et ainsy fut paix
jusques au conseil général. L’abbé de Justemont fut au chapistre ;
et, aucuns abbez absans, lesquelz avoient estez à la division faicte et
confermée sus penne d’excommunication, et comença à îepeter ou
ce que l’abbé Estienne tenoit. Alors les abbez qui présent furent
furent appeliez et viendrent à Prémonstrez. A ce jour, à Prémonstre,
furent assamblez près de XL abbez pour aultre négoce. La cause de
Justemont et de Saincte Croix devent Mets fut mise avant et discutée,
«. E : p dirent.

262 DIFFÉRENT ENTRE LES FRÈRES DE SAINTE CROIX ET CEUX DE JUSTEMONT
et fut la division confermée, comme au chapistre précédant, et fut
escripte et confermée de cyrographe et du seaulx de l’ordre, et fut
promulguée excommunication contre les transgresseurs.
Toutes ces choses faictes, l’abbé et les frères de Justemont à penne
se tiendrent en paix par une sepmainne. Maix, peu de jours après
viendrent à l’évesque, lui disant qu’il appellait l’abbé de Saincte
Lroix à. audiance, et par grant prières le obtiendrent. Adonc ledit
abbé, rien pensant, vient tantost ; et, quant les clameurs desdits
freres lurent récitées, et les responces des frères de Saincte Croix oyes
y eut grant adnnracion entre la clergie et le peuple, veu que les frères
de Buns estoient traictez sy irraisonnablement de leurs frères, et que
ceu que ung jour estoit fait pour paix, l’aultre jour estoit corrompus!
Dont, quant cez choses se faisoient par tant de parolles variables et
inconstantes, vint l’abbé de Prémonstrez ; et, toutes choses rétractées
c est assavoir premières actions et postérieures, il institua estre satifiait auz frères de Justemont, pour apaisier totalement leur querelle,
par le conseil des abbez qu’il avoit avec luy. Et l’abbé de Saincte
Croix en toutes choses s’y consentit ; et, tous ceu qu’il luy fut com­
mandé de paier, il le paya. Dont fut ceste paix envoyée à l’évesque,
présent abbé de Justemont et ses frères ; et, soubz le tesmoing de la
clergie et du peuple, fut confermée.
Et amcy avés oy par ces présante cornent l’abbaiee de Saincte Croix
devent Mets, nommée alors de Buris, et celle de Justemont, n’estoient
que une, et cornent, pour le partaige de leur terre et de leur biens,
avmt de grand procès et huttin. Puis avés oy cornent la paix en fut faic­
tes. Laquelles fut signée et seellées de plusieurs grand ciaulx de cire
et de plomg, et desquelles, pour leur vieillaisse et encienneté, à painne
y povoit on rien cognoistre tant de la figure comme de la lestre ; mais
nyantmoms, à grand painne et solicitude, j’en ait retirés de aulcuns les
lestre et figure qui s’ensuient a.
Après ce que je vous ait bien amplement monstrés la premier
mstitucion et fondacion d’icelle église de Saincte Croix, scituées devent
ia.cl|f de Mets> et cornent une partie du très digne et précieulx boix
d icelle Saincte Croix, en laquelle pandist le Salvour de tout le monde
et y respandit son sanc précieulx et digne pour le salut d’humaigne lignié, fut miraculeusement apourtés en ce lieu, nouvellement fondés on
nom de sainct Eloy, évesque de Noion, devent la cité de Mets, et illec
ut ce digne juaulx mis et pousés, et y est encor de présent, rest à
veoir plus avant d’icelle mastier, et cornent le benoît Créateur et Salveur de nous âme veult magnifester son glorieulx non, et est admirables
en ces opérations. Car, à honneur d’icelluy et précieulx boix, et à la
Ü^pp\a^esslne a la plume les quatre sceaux. 1» Un moine à genoux. On lit :
StePhanl P™/'8- - 2“ Un abbé assis: Sigillum premonstiacensis collocom'mn
j
VJ?gUe ■' Sigillum Philippi abbate premonstatensis. — 4° Sceau delà
commune de Metz : Comunitati metensy.
en

MIRACLE DE LA SAINTE CROIX

263

confirmacion de nostre Saincte Foy, ait voulus monstrer plusieurs
biaulx miraicle estre tais en ce lieu. Entre lesquelles je vous en veult
dire et raconter ung pour tous, lequelle advint et fut fait ung peu de
tamps après, en la manier comme il c’ensuit. Or avmt en cellui tamps,
ou pouc après, que, en ung couvant de suers scitués entre a rive
de la rivier de Mozelle et l’église devent dictes de Samcte Croix,
Y avoit une religieuse vexée et griefment tormentee de Annemy,
en fasson qu’elle tornoit les yeulx en la teste, faisant de terribles re­
gars, escumant par la bouche, dessiroit ses vestemens ; pourquoy
force fut de la lier et enchaîner de fer. Dont ledit seigneur abbeit,
ayant de ladite religieuse grande compassion, Sy donna et commun a,
tant à ses religieulx en chapistre comme aux convers, chacun en son
lieu, à faire prières, junes, et aussy faire correction et diciplmes de
verges, à celle fin et intencion que ladite pouvre religieuse peut estre
délivrée du tormant et grant empêchement que le dyable ly faisoit.
Et, comme ses choses se feyssent, le dyable, par la bouche de ladic e
religieuse, à haulte voix comança à braire, disant : « Ce folz abbé pour
néant fait faire prières et pénitances et par verges escorchies les dos
de ses subgectz pour moy cuidyer décheissier du vaixel lequel j ay
gaingniet ; mais il labeur en vain, ne rien n y profitera, car ne par
continuelles prières, ne par junes, ne par aspérité de batre et disci­
pline ne seray point déchassiet hors. >» Dont, ce oyant ledict seig e
abbé, s’en allait à son monastère et apporta avec luy tout ce de rel cque qu’il povoit avoir en son église, et vint a ladicte démo « laquelle s’encomança à démener et de tormanter de plus or
p
fort. Ledit seigneur abbé l’adjura, disant : « Cneuse beste par e
Dieu omnipotent, créateur du ciel et de la terre, et par son Seu
Nostre Saulveur et Rédempteur Jhésu-Crist, et par le Samct Espent
procédant de l’ung et de l’aultre, je t’adjure et comande que tu
hors de la servande de Dieu que m’est recomandée ne ne la veulle plus
avant inquiéter ou molester. » Auquel seigneur abbé respondit le mauvaix esperit, disant : « J’ay dis et encor le dis que, par pneres ou
cracion que tu faice faire, ne me mouveray de ceste demeurant
quelle j’ay acquis et me donne grant merveille.Cornent toy, prudent et
saige, ne double point d’ainsy hardiement mentir, disant qu ell
servande de Dieu, comme ainsy soit qu’en toutes choses elle m obéysse
et serve toute à ma volunté ? » Surquoy ledit seigneur abbe ly demanda.
« Fault et maulvais esperit, cornent t’apelle tu ? » Répond:it le d able
« Je m’apelle Trouble Agullion ; à tout mortel, n en £ault “er,
car les paix je sçay troubler ; ayant grant cure de confondre ce
qu’ait droit et luy suis contraire, car je suis des malvais «
’ f
esguise les coustiaulx pour baitaille, et me rcsjoys ces ma
font par le monde ; rien ne m’est tant plaisant que de mentene et
tromperie, et aussy de déception, de murtre, lairsm et traison. Et
1. Chasser du vaisseau, du réceptable où je nie tiens,
2. Cruelle.

264

MIRACLE DE LA SAINTE CROIX

toutte ces chose prant mon plaisir. » Sur quoy ledit abbé, ce oyant
fut grandement troubleit de l’orgueulleuse et confusive responce ainsy
faite par cestuy fault et mauvais esperit. Et, pour refréner la puis­
sance dudit diable, encomançait à dire, le plus dévotement qu’il peust,
les IIII principales euvangilles ; et, ycelle dittes, jà soit ce que ne ly
proffita guerres, fist appourter et aproucher près de ladite pouvre
ainsy tormentée les relicque du benoît sainct Pierre, princes des apostres, affin pour déchassier cestuy maulvais esperit. Lesquelles ainsy
aportées et présentée, ledit mauvais comança à braire, disant audit
abbé : « Je voy bien et cognoy que toy, abbé, me cuide déchassier par
les os d ung pescheur L II n’en sera jà ainsy, mais de toutte ma puis­
sance me deffanderay et ne me bougeray. » Dont toutefïoys ledit sei­
gneur abbé luy présentoit quelques relicques. Ledit mauvais esperit
constamment respondoit qu’il ne se bougeroit pour conjuracion ne
constraincte qu’on ly deubt faire. De quoy ledit seigneur abbé plus
avant ne sçavoit que faire ou dire ; tant que, par la grâce et
volunteit de Nostre Seigneur, luy souvint du très précieulx et digne
juelz de la Saincte Croix. Et, ainsy comme on l’eust dévotement et
révéramment apportée devant ladite povre tormentée, ledit diable
eomansa à braire, disant : « O abbé, ne me tormente point, car par ce que
tu tiens en ta main suis vaincu. » A quoy ledit seigneur abbé ly demanda :
« Quesse que je tien en ma main ? » Le diable ly respondit : « Du boix
de la croix onquel ton seigneur fut de cloz ataichiez et on quel il eust
victoire de nous diables. » Dont ledit seigneur abbé, par la responce
dudit diable, vit et entendit cornent ce terrible et fier diable estoit
fort constraint et espouvantez, s’aproucha doncque près de ladite reli­
gieuse, faisant le signe de la croix à tout ledit juel sur elle. Alors ledit
diable en flaireur très orible et ténébreuse puanteit, tellement que les
seurs religieuse et aultres personnes à painne se povoient veoir l’ung
1 aultre, s en fuyt et se départit hors du corps de ladicte religieuse.
Et, comme ledit diable s’en fut party par la vertu de ladicte Saincte
Croix, ycelle religieuse, fort desronpue et travillée du dit diable, cheut
à terre comme morte, et geust là dès heure de prime jusques à vespres.
Puis se leva et toute tramblante se présenta devant l’autel, rendant
grâce à Dieu le tout puissant, qui déchaisse les diables des corps hu­
mains, guérit les langours, ouvre les prison, rompt les liens, et tous biens
et prospérité vienne de luy. Duquel miracle ainsy advenu fut faite
grant joye et exaltation on dit monastère ; car, par la miséricorde et
grâce de Dieu, la religieuse qu’estoit perdue et morte revint en vie, et
elle fort mallaide fut guérie.
Et est assavoir que, depuis ce temps là jusques à présent, sont estez
fais plussieur aultres et infinis miracles par ladicte Saincte Croix,
tant au lieu et monastère là où elle est posée comme aussy en la noble
cité de Mets, en laquelle très révéramment “ est colloquée souventefa.

M : tresvéramment.

1. Philippe avait écrit d’abord pexour.

LES DROITS DE L’ÉVÊQUE EN LA CITÉ DE METZ

265

fois et honorée, tant en subside et confort contre l’épidimie, d’incurcion
de gens, et aultres infortunitez.
.
Cy vous souffize quant à présant, car à aultre matier ie veult re­
tourner.

[LES DROITS DE l’ÉVÊQUE EN LA CITÉ DE METZ]

Or maintenant et icy endroit, je vous veult dire et desclairer es
drois que ung évesque ait et solloit avoir en la cité de Mets. Car, avant
que je parle d’aultre mastier, ne que je dye cornent premier ont estes
fait et institués les maistre eschevin ne trèse jurés en ycelle noble cité ,
et aussy pour ce que, depuis le temps de nostre apostolle et premier
évesque le glorieulx confesseur et amis de Dieu sainct Clément, je
vous ait tousjour mis et desclairés la vie de tous les évesque d icelle
cité, cellon le tamps, et combien chescun ait régnés (desquelles, les
deux dernier icy devent escript, le premier ait estés le révérand perre
Estienne de Bar, et puis Thiérei, son nepveu, dernier décédé) ; parquoy
tousjour en continuant la vie et les fais notauble desdit évesque, res
à veoir quelle droit il solloient anciennement avoir, comme dit est.
Lesquelles droit, lisés les biens tout à trais *, et les retenés en vous re
entendement. Car, par iceulx, vous pouvrés cognoistre et antandre
comme anciennement, en cest noble cité, on solloit user quant au cas
de justice, et cornent il n’y avoit en ce temps nul maistre eschevin ne
trèze jurés, ains, comme je vous ait icy devent dit en par an es
conte, failloit a demandant présanter champs et baitaille,et ce combattre,
lui ou aultre pour luy, après le serment fait. Puis est contenus en yceu x
droit de monseigneur Lévesque cornent on en devoit user, et que e
punicion avoit celluy qui perdoit la journée et quy estoit cheu, comme
plus a loing il est contenus esdit droit icy après escript. Lesque es je,
l’escripvains de ces présante, ait extraict de la propre chairtre, îen
anciennement faicte, toutte en la forme et au propre languaige comme
elle estoit et comme vous la trouvanrés.
Et puis, icy après, on second livre, je vous monstrerés cornent les
premier maistre eschevin ont estés faict et créés en Mets. Puis, apres,
verrés cornent le révérand prélas l’esvesque Bertrand créait es r ses
et donnait ordre et manier de tenir milleur justice, tant à yceu x
Trèze comme a maistre eschevins.

1. Posément, à loisir.

266

CE

LES DROITS DE l'ÉVÊQUE EN LA CITÉ DE METZ

SONT

LES DROIT QUE MONSEIGNEUR L’ÉVESQUE
DE METS AIT EN CELLE CITÉS i

Les droicl c’ung évesque ait en la cité de Mets, desquelz pour le présent
on n’en use plus comme rien. — Monseigneur Lévesque ait telz droit
en ceste villes que la monnoye sy est save 2, que 3 nulz n’y ait nyant, se
messeigneur ly évesques non, ou de luy non 4 thient.
Monseigneur ly évesques sy ait son maistre monnoiez, et ly 5 fait
faire monnoie quelle qu’il veult, et quel fleur qu’il veult, et on la doit
prendre à la valleur qu’elle vault.
Messire ly évesques sy ait fait 6 son maistre chamberier qui prent
garde à la monnoye, c’on la face bonne et loyalle. Ly maistre chambe­
rier va à la monnoye quant luy7 plaît, ou messeigneur ly évesques ly
comandes à aller. Sy demandes 8 : « Amys, sont ces deniers assaiés ? »
C’il dist : « Oys », il 9 prant des deniers 10 en trois lieu desoubz le coing;
s’il luy plaît, cy en fais III assais. Se ly ung des III assais vient bien, ly
maistre monnoyez ait paix. Et sy tous trois viennent mal, le 111 point
destre pert, ou il est en la marcy monseigneurs l’évesques.
Et, se monsseigneur l’évesques12 comendeque ly assais soit fait en sa
chambre devent luy, ly maistre chamberier prant 13 des deniers en trois
lieu desoubz le coing, ces 14 emportes en la chambre monsseigneur
l’évesques. Se le maistre monnoier veult, ne l’en 15 croit mye, ains
l’empoigne parmey le poing, et ly maistre chambrier ne ly ait à renfuzer; s’en vait coste16luy jusques à la chambre monsieurs l’évesques.
1. Ce document a été souvent publié d’après divers manuscrits (Catalogue général
des manuscrits des bibliothèques publiques des départements, t. V, p. CLXIX-CLXX),
mais d’une manière insuffisante.
Nous donnons en note les variantes d’un vidimus du 10 juillet 1486 : Vidimus d'ung
rôle escriptz en parchemin, de lettres bien vielles et anciennes, intitulé : Ce sont ly droit
que V Empereur et un Évêque de Metz ont en la cité de Metz, représenté par les Mes bou­
chers. (B. N. nouv. acq. fr. 6732, f° 141-145). Ce vidimus nous a paru offrir le texte le
plus archaïque parmi tous ceux qui subsistent.
Le texte publié par Huguenin, Les chroniques de la ville de Metz, Metz, Lamort,
1838, p. 10, n’est pas celui de Philippe de Vigneulles.
2. Soye (sienne).
3. Ne que...
4. Nez (ne les ; non : ne le).
5. Ce le fait monnoie, queil qu'il veult, et on la doit pranre à la vallance qu'elle val.
6. Fait manque.
7. Quant il veult, ou ces sires li évesque...
8. Sy demandet au maistre monnoier...
9. Il manque.
10. Prent des deniers desoure le coing, en iij lieu; ce lui plaît, se fait iij essais.
11. Ly poing destre, ou la mercy monseigneur l'évesque.
12. L'évesque ly commende, ly essais vient fait devant lui en sa chambre. Ly maistre...
13. Prent en iij leus les deniers desor le coing...
14. Résolvez : si les : et les emporte...
15. L'en manque.
16. Encoste luy jusqu'à... Cette phrase signifie que le maître monnayer a le droit
d’assister à l’essai.

LES DROITS DE L’ÉVÊQUE EN LA CITÉ DE METZ

267

De ces denier*-fais 1 on trois assais devant monssieurs l’évesques. Se 2
de ces trois vient ly ung bien, paix doit avoir le monnoyer;et, se tous
trois viennent malz, le point destre pert, ou ilz est à la vollunteit
monsseigneur l’évesque.
Se monseigneur l’évesques veult plaidoier son maistre monnoiez, il
le plaidoye devant luy en sa chambre de toutes choses, jusques à
faucié ; et, s’a faucié montes sa forces, le 3 convient venir devant les
eschevins.
Monseigneurs l’évesques sy ait son maistres parmanthiet, que 4 ces
robes ly fait tailler et couldre. Se prent le maistre parmanthier des
anffans que couldre scèvent, ses 5 moinnes en la chambre monseigneur
l’évesques, ces drapz cousent ; se cousent jusques à heures de primmes. Et 6, s’à hore de primmes lor portes 1 on ou pains ou vin, il 8
cousent toutte jour et journée ; et, s’on ne leur portes pain et vin, il
purent 9 copper leur filz, sy en peullent aller, c’il veullent, et cy ne
forfont nyant.
Sy 10 maistre parmantiet doit louuer chacun ans ungchaipel de mardunes, ou V sols, et ung autreteit doit chacan le maistre eschevin ;
et les III maires III chapiaulx, de chaiscun III sols ; telz droit ait ly
vouueis et le ménestrei monsieur l’évesques.
Monseigneur11 l’évesques ait telz droit en ceste ville que, c’y vait en 12
la court monsieurs 13 l’apostolle,silquiltainnentlegrocuyr ly doient 14
le gro cuyr avec ces boucel.Et cil qui conroientle blan cuyr ly doient 40
le cuyr avec ces boucel. Et ly maistre fèvre ly doient la 16 fèvreure
avec ces bouselz ; et se ly doit ung poinsson avec ung martel, et ung
rivet au hernoix et à celle monseigneur l’évesques ; et aprez luy doit
1. Se fait-on...
2. De ces iij essais oient Vung bien, paix doit avoir ; et tuitz trois viennent mal, le
poing destre, ou la mercy mon signour l’évesque.
3. Se convient... Le sens général est que l’évêque est juge de tous les délits commis
par son maître monnayer, sauf le crime de fausse monnaie (faussée), qui doit être porté

devant les échevins.
4. Que sa robbe ly taille, ou fait taillier ou couldre.
5. Sy les emmoynent en la chambre monsegnour l’évesque pour ces draps a coudre...
6. Et manque.
7. Apportent on pain et vin...
8. Il cousent à toute four ajournée ; et ly houre de prime passe, et on ne lour apportoit
pain et vin, ilz copent lour filz, s’en vont, sy ne forfont niant.
9. Sans doute pueent (peuvent).
10. Cil maistre permanthier sy doit chacun an la vowey (sic) ung chapel de mardén­
ués, ou Y sols, ou (corriger : et) ung aultretel le maistres eschevins ; et les iij maiours
iij chappelz de chas, ou iij sols ; teil a li vowey et li menestrey monsignour l évesque. Marderine, martrine, peau de martre. C’est au voué de Metz que le maître parmentier

doit ce chapeau de cinq sols.
11. Et mess ire li évesque sy ait...
12. A. Il est d’abord question dans le ms. de la cour de l’empereur.
13. Monsieurs manque.
14. Li doient le cuir avec ces bources.— L’ancien français bocel désigne un flacon de
cuir, ou une sorte de panier, de malle.
15. Li doient le blan cuir avec ces bources.— L’original portait sans doute èoceZdans
la première phrase, bourse dans celle-ci.
16. Lé ferrures des bources [bocels?] ; et se ly doit ung martel, et ung poinson, et ung
rivet au herneis et à la selle...

268

LES DROITS DE L’ÉVÊQUE EN LA CITÉ DE METZ

ung aultre martel et ung poinsson et ung rivet que *1 court communalement à la routes.
Monsieur l’évesque ait telz droit en ceste ville que, c’il vait à la court
monsieurs l’ampereur pour a besoingnes 2 de la ville, et 3 on le ressoit
au revenir à porcession, des 4 despens qu’ilz fait celle nuyt 5, ly III
maiour luy doient 6 ces waiges raicheter.
Monsseigneur ly évesques ait telz droit en ceste ville que, c’il vait
devant fort maison pour abaistre, chacun des fèvres de Mets que
forge thient à son conduict luy doient ung 7 pii martel ; ces charges
à monsseigneur l’évesques; et, au revenir, doit rendre chacun le siens;
et 8, s’aulcun y avoit qu’ilz ne rendissent, ne ly doit aultre foix ; et,
s’y ly rent, aultreffois ly redoit.
Messeigneur l’évesques ait son maistre chaussour 9 que chaussier
le doit, et la rentes en thient.
Messeigneur ly évesques 10 ait telz droict en ceste ville que, s’il ait
son vin à 11 son celliez de son creu en demoinnes 12, ne d’aultre vin
n’est mye 13, et il ly plaît à vandre, il 44 ait III ban vin en l’an, chacun
de XL jours. Ses ban vin ne peult il prandre ne à Paisques ne à Pentecouste ne à Noël, ne à nul festes cumnal 15. Dès le jour que ly bans
monsseigneur l’évesques est criés, ne doit nulz vandre vin en ceste
ville, ne 16 au stier ne aux demey stier ne à quartes ne à pintes, n'à
mailles ne denier ; mais il vante bien au meud et au demey meud et aux
cherrées. Et17, c’il estoit repris <à aultre> qu’ilzvendist à aultre mesure,
s’oster et derraineir ne s’en peult, il perdroit lou vin en la tonne, et se
perdroit le vin en sa chainne. Sy doient aller ly maire et ly eschevins
sommer18 la tonne ; s’an doit en pourter les deux pars on cellier monsа. Pour manque dans M.

1. Qui court communément, por la rote monsignour l’évesque. — Il faut comprendre:
un rivet ordinaire.
2. Beso in g.
3. Et manque.
4. Dou despens...
5. Celle voie...
б. Doient raichetter ces waiges.
7. Ung pic martel ; et chagent (sic) on le sénéchal monseignour l’évesque ; et, au reve­
nir de la chevaulchié...
8. Et, s’aulcun y ait cui il nez rende...
9. En ceste ville...
10. Sy a...
11. En.

12. Il faut comprendre : de sa propre récolte.
13. Et d’aultres vin memes, et lui le plaît vendre (sic).— Ici il faut suivre le texte de
Philippe.
14. Il y ait iij bans en l’an, chacun de xv jours. Son ban ne puelt il panre à Paisque...
15. Annal (fête annuelle, solennelle).
16. N’a sestier, ne a demei stier, n'a danrée, n’a mailliée ; mais il vant bien a moys
et a demei mois.
17. Et, c’il en estoit reprins qu’il vendist à aultres mesure, s’otter et desraignier ne s’en
povoit, il perderoit le vin et la tonne, et cil perderoit le vin en la channe. — Desraignier,
exactement déraisonner : prouver par raison qu’on vous accuse à tort. L’on confisque
donc à la fois le pot (channe) avec lequel le vin est débité, et le tonneau d’où il est

tiré.
18. Sommer : vider complètement.

LES DROITS DE L’ÉVÊQUE EN LA CITÉ DE METZ

269

sieurs l’évesque et le thier on cellier monsseigneur le contes de Dabourt4.
Et 2 tous ly aultres vin et ly aultres bien ait bonnes paix.
Monseigneur ly évesques ait telz droit en ceste ville c’on doit 3 eslire
chacan trois maiour, par faulteit, des homme Sainct Estienne ou de
ces membres. Se ly doient chacun des maiours XL sols de services
et XL sols 4 de crovéez, sans tenir la mairie ung an 5.
Et chacun des maiour doit sa venue 6, quant il ly donnent la mairie,
XX sols, et à la vouueresse ung ainel de V sols.
Au premier VIII jour que ly maire est esleu, se doit querre doien ;
c’il lou peult avoir lé premier VIII jour, il l’ait touttes l’année. Et, ce
cil cuy il alleist ' se peult osteir par jugement 8 de la daionnene ,
ly maire ait aultre VIII 10 jour pour repourchasser ung aultres. Et,
c’il dedens VIII 11 jour c’on l’ait esleus au maires, non 12 requeroit,
n’en adveroit pour tout l’an 13.
Messeigneur l’évesques ait telz droict en cestes ville que, s il ce veuit
saignier en sa chambre, chacun des maiours 44 ly doit V souldées de
boullies 15 ou de bonne viandes ; ces 48 doient pourter ly trois doiens
avec les trois maiours en la chambre monsseigneur l’évesque ; et se
doient estre au maingiés ”, ce doient avoir de tous les metz et de tous les
boires 48 monsseigneur l’évesques 49.
La cité de Mets sy 20 ait telz droit que, se 24 ly ung prant 1 aultre au
camp ne à bataille, soit de meubles, avoir ou d’héntaiges et il nommet
les VII sols et demei a ban et à la justices, et se bataille y est jugie,
il 22 pevent faire paix, parmey les VII sols et demei, touttes les heures
1. Le comte d’Amborc. - Philippe a ajouté en marge : « Nota du conte de Metz,

TZrnsr“»*«- ~

—“"»> •—

5 Ici le ms aioute cette phrase : C’il dedens l’an puelt avoir LX sols de creance, se
rant L mairie; c’il ravoir nez puelt dedans l’an, il Ment la mairiequü^
6. Boit le vowei, quant on ly donne la mairie, X so s, e
marge • « Nota du
texte de Philippe ne présente ici aucun sens. - Philippe a ajoute en marge .
woué de Metz qui estoit en ce tampz. »
7. Eslit.
8. Par droit.
9. Doienner. — C’est doyenné, office de doyen.
10. VIII manque.
11. Dedens les VIII jour...
, .
j jnvpn
12. Ne. Comprendre : ne le requérait, s’il ne requérait pas de y .
13. N'en averoit point tout Van.
14. Chacun des III maiours...
15. Voliulle. — Comprendre : volaille.
16. Ce. — Ces : ses : et les doivent, etc.
17. Au maingier monsegnour l’évesque.
18. Boines (faute).
19. Philippe a ajouté en marge : « Nota ».
S: S SX
,k..p. - » tmm “
••
vu sols demey au ban et à la justice... Nommer : consigner ? - En marge,
de Philippe : « Nota de la manière de defïandre son droit ».
.
,
,

is izss £rr ”dnsi

judiciaire, moyennant l’abandon des sept sols et demi qu elles ont verses.

270

LES DROITS DE L’ÉVÊQUE EN LA CITÉ DE METZ

qu’ilz veullent, sans forfaire ; et, s’il targien 1 tant de paix à faire qu’ilz
eussent jurés, il et leur champion, il ne porroient faire paix, se parmei
XXXII sols et demey nom 2.
Et, s il se combatoient, que ly ung en fuit chauchus, et il eust dit le
mot, cil 3 que cheus est pert ung membres, se messeigneur ly évesques
et ly contes de Dabourch 4 veullent ; et cil pour cuy il est 5 conbatus
pert la querelle, et 6 se rait s’onour parmey XXXII sols et demey.
Et, 1 endemain, se repeult combaitre ^ et jugier on pour luy.
Et 8, s il [ne] nommet les VII sols et demei au jour de baitailles,
il ne peuvent faire paix, s’il ne paient IX livrez et I maille à la justice.
Des VII sols et demey ait messire ly évesques XL denier,et ly conte de
Dabourch XX deniers, et ly vouueis X deniers, et ly maistre eschevin 9
X deniers, et ly trois maiour X deniers l«. Et des IX livrez et une maille
à la justice ait messeigneur l’évesque VI livrez, et ly conte de Dabourch
XL sols, et la maille va pour la bource à rosteir 4L
Et, s aulcun appelloit ^2 1 aultre de félonnie ou de roberie ou de larreucin 13, il ne peult faire paix, se par les seigneurs non. Ne ne pueent
traire aultre à baitaille que son cors, se dont n’ait telz sonnes qu’il
peuvent monstrer, parquoy on ly forjugist bataille 14. Et, c’il ce combaitte et ly i® ung chiet, ly cors de luy qui est chaucheus est en la mercy
des seigneur, Sans devise ; mais 1® la femme de celluy qui est chaulcheus et ly anfïans et ly bien ait bonne paix. Et, se la femme ou ly
enfïans ou ly amis lou voulloient 1^ raicheter vers les seigneurs, bien
le pevent faire, mais ne jeugent on mye 48 pour luy, ne ne rait mye
son honneur 19.
1. Et, c il est tarzement tant de paix affaire qu'il eussent furie, et il lour champion, il
ne pouroient mais faire paix...
2. Après le serment, les parties peuvent encore renoncer au duel, mais au prix d’une
amende de trente-deux sols et demi.
3. Cil qui chaucheus est...
4. Ly cuens <T Auborc...
5. C'est.
6. Et si rait : et il re-a, il récupère son honneur.
7. Combattre et se juget on... Il semble que le jugement puisse n’être prononcé
qu’après deux combats.
8. Et^ c il ne nommet les VII sols et demey au tor (sic) de la bataille, il ne puelt...
9. Philippe, en marge : « Nota que, quant cest d[roits] furent fai[t], y avoit
desj(à) ung maistre eschevin, m[ais] il n’avoit [point] puissance de [juger]. »
10. Le ms. ajoute : Des xxxij sols et demei sy ait messire l’évesque xx sols, et messire
li cuens d Auborc x sols, et ly vouuey x deniers, li maistre eschevin x deniers, li iij maiours
x deniers. Des ix livres si ait messire l’évesque...
11. Et li maille vait pour la bource achetter. — Le texte de Philippe est inintelligible.
12. Appelle.
13. Lairancin. C’est : larcin.
14. Ne ne pueent traire aultre test, se lour corps non, se dont n’ait tel asoigne qu’il puist
monstrer par quoy on li juge test... Sonne, asoigne : soine, essoine : excuse ; forjugier:

dispenser par jugement. — Dans les cas graves, l’on doit combattre soi-même, ou
fournir une excuse que le juge accepte ou non.
15. Ly ung cuchiet... C’est l’ancien français chauchier.
16. Mais li fonme et li enffans et li biens de cellui qui est chaucheu ait bonne paix.
17. Veullent.
18. Mais. — On ne juge plus ; le jugement rendu est définitif.
19. Ne ne rait mie de s’onnour. — Rait, du verbe ravoir.

LES DROITS DE L’ÉVÊQUE EN LA CITÉ DE METZ

271

On ban de Tury doit on pranre ung homme qui 1 doit faire les jus­
tices de ceulx qui sont jugiés. Cil homme cy 2 doit copper les pied 3
et crever les yeulx 4, et pandre les larrons et faire touttes les justice.
Cil homme, c’il veult, il peult demander ung homme 5 qui soit
jugiez pour larrons pour faire les justices pour lui, ne 6 on ne ly ont
à remfuzer ; et, tant ’ comme vist, quoy qu’il deviengne, ne quel
terre qu’il aille, ne peult aultres avoir ; mais, s’il morroit, il adveroit
aultre, s’il le demandoit.
.
. ,
La feste monseigneur sainct Estienne sy 8 ait telz droict que, qui­
conque vient à la testes, il ait bonne paix et bonnes trouves ung jour
devent la feste et le jour de la festes et8 VIII jour aprez la testes se
de mortteil weires n’est. Autreteit droict a la feste sainct Clement
et la festes monsseigneur sainct Arnoult.
, ,
La feste saincte Marie « au « mey august ait telz droit que tout cil
quy viennent à la foires ont bonnes paix et bonne trouves VIII jour
devant la foire et les VIII jour de la foire et les *2 VIII jour aprez la
foires, se de mortel werre n’est 13.
La foire Nostre Dame 14 sy ait telz droict que, quiconque fiert homme
dedens la foire, dont ilz perse « membre, on doit luy ester autreteit
membre, s’oster et desrannier ne s’en peult ; s il occist , on doit uy
occire, s’oster et desrannier ne s’en peult. S’il ly fait p aye, ouverte
L sols lou ban la loy
s’oster ou desrannier ne s en peult ; s il ly fait
tailleure «, XV sols lou ban, XV la loy, s’oster ou desrannier ne s en
^Et 21," quicunques achètent bestes ou aultre choses dedens les VIII
а.
1.
2.
4.

Mss. : et au.
Qui les justices fait de ceaulx qui sont jugiet.
Se.
mTrJerfes oüzTlopper les piedz et faire touttes les justices.

5. Ung larron qui soit jugiet...
б. Ne on ne lui doit refuser...
>
7. Tant que comme cil vit, que qu il devigne, n
aultre ; mais, se cil morroit, il raveroit aultre...

5: a* * u

q

t terre qu’H aillet, ne peult avoir
ï

»•« ** -Ct

“*4 p'étt,,r

à celui de Philippe.
10. Mon signour sainct Clément.
11. Nostre Dame saincte Mairie mey aoust...
12. Les manque.
13. Sans mortel weire.
14. Saincte Merrie.
15. Perdet.
17! Cil V occist. — Ici le ms.6732 présente une lacune, par suite.d’une déchirure dupapier.
18. Il faut suppléer sans doute : L sols lou ban, L sols la toi.

2

20: TÆ miïk ysoU *

*desraignier

21. Qui qui oneques achatte bestes
0^eS
poiet, sa coustange,
d en paie son tonneu, et s'on Vamannettil
Philippe : .'oh ly
et sy rail la soye chose se.n plus.
T«te
. &
f ^ tonlieUi s>u y a trommalmet, et traduis : quiconque acheté betes...,
P ,rse son tonlieu et l’argent
perie, et qu’il veuille ravoir son tonlieu, on lui rembourse son tonueu
8
qu’il a versé, et l’autre reprend son objet, sans plus.

272

LES DROITS DE L’ÉVÊQUE EN LA CITÉ DE METZ

jour de la foire, et il en ait paiet son tourneu, et sont ly mal mot, et
il en [veut] avoir le tourneu, qu’ilz en ait sont tourneu paiet, il
rait sa coustange, et sil rait sa chose sem plus.
La *1 foire saincte Marie sy ait telz droict que en la foire doit avoir
XI tavernes, ne nulz ne doit vendre vin dedens la foire s’a 2 XI ta­
vernes nont. Et 3, c’il convient, entretant en doit com don ban vin.
Le seigneur ly princiet en y ait deux, ly doyen du grant moustiet, ung \
ly maistre archediacres 5, ung 4, ly coustre du grant moustiet, ung 4,
ly vouueiz de Mets, ung 4, ly maistre eschevins, ung 4, ly III maiour
en on III 6.
Et 7, les VIII jour de feste 8 Nostre Damme 9, doient tout cil
de Mets le tourneu ; et tous ly remenans de l’éveschiez les doit10
VII sepmainnes, se dont n’est clerc ou chevalier que 11 amenne vin
pour lour a boire ; et, s’il le vendoit, il 12 dobveroit le tourneu.
Tuictz cil de Mets que thiennent estaulx en la foire et 13 y font
partuaiges ne doient que ung deniers analz de torneu.
Ly tourneu 14 doient à Sainct Arnoult 15 à celle foire rist et demée
d’aux 16, et V glavons 17, et18 ly vouueiz rist et demey, et ly maistre
échevin rist et demée, à chacun des trois maiour rist et demée.
Tuit ly merdi sont banalz et loyalz 19.
Quiconcques 20 occist homme en merchiez ou injurre ou fiert, autreteil b amande en dobveroit21 comme il feroit à la foire Nostre Damme22
saincte Marie.
a. Mss. : sour.
b. Mss. : entreteil.
1. La foire Nostre Dame saincte Merrie si ait tel (sic) que la foire doit avoir...
2. As. — Comprendre : si ce n’est à ces onze tavernes.
3. Et, c’il y vent, aultretant en doit d’amende comme don ban vin le segnour. —■ Le
texte de Philippe est très altéré. Il faut sans doute suppléer aultre après vent dans le

ms. 6732 (et, si un autre y vend...).
4. Une.
5. Archediabrenes. — Ajouter : li maistre chamberiers, une (Abel, MAM 1859-1860,
p. 336).
6. En y ont iij.
7. Et manque.
8. Foire.
9. Notre Damme saincte Marie.
10. Les septz sepmennes.
11. Qui dont moinent vin pour lour boire.
12. Il en debveroient...
13. Et que y sont per usaige ne doient c’un denier annal de tonneu. — Partuage est
une faute.
14. Ly tonneyr. — Tolnier : employé qui perçoit le tonlieu.
15. A celle foire Sainct Arnoult. — Philippe a transposé les mots pour rendre la
phrase plus claire.
16. Rest et demei d’aulz. — Le mot rest désigne une hotte (Zéliqzon, Dictionnaire des
patois romans de la Moselle, art. rè ).
17. Glenons. — C’est l’afr. glaon, panier d’osier.
18. Et le vouués de Mets rest et demei d’aulz, et le maistre esckevin rest et demée, et fl
chacun des iij maiours rest et demée.
19. Li mairdis si est bannalz et loyaus.
20. Que quioncque occist homme és merchiez ou neuivre (sic). — Corriger : navre.
21. Aultretel amande en doit...
22. Ma dame saincte Marie.

LES DROITS DE L’ÉVÊQUE EN LA CITÉ DE METZ

273

En ceste ville 1 doit avoir VII sochiers, que 2 vendent les sosde char­
rue ; ne nulz ne doit vendre sos en ceste ville, ce par sous nons. Cilz
sochiers 3 cy doient chacan XXVIII socs « par droit (chacun
IIII socs a) : de ces sos doit avoir messire l’évesques : à la court d’Arcancei4, trois ; à la court de Scey 5, *trois ; à la court de Nommeney 6,
trois ; à la court de Rumilley 7, trois ; et ly vouueiz de Mets en ait
sept ; et ly vouueiz 8 9de la ville l’évesques en y ait trois ; et ly séné­
chal^ ly évesques, ung ; et le 10 maistre chambellain, ung ; et ces n
maistre merchault, ung ; et ces eschans 12 et ly maistre eschevins,
ung ; et le maires 13 des Chambre, quy que les départent, ung.
Par les chose devent escriptes pouvés aulcunement entendre et
conjecturer cornent encienement on solloit user en Mets quant au
fait de la justice, et cornent en ce tamps y avoit ung maistre conte et
ung woueis, avec lez trois maire, qui gouvernoie. Mais, és drois que ung
évesque ait en celle cité de Mets, comme il sont icy devent nottés, il
n’y ait point de dabte ; parquoy je ne puis véritablement congnoistre
en quelle tamps il furent premier institués ne fait, sinon qu’il me
samble que ce poult estre environ ce tamps, pour ce qu’il pairie dez
maistre eschevin et du conte de Dabourch, et de plusieur aultre, des­
quels on en vanrait tantost à parler, tant en la fondacion de l’église
collégialle de Sainct Thiébault, laquelle en ce tamps fut fondée devent
la cité de Mets, à la pourte aux Arraine, comme dez premier maistre
eschevin, lesquelle pareillement en ce tamps ont premier estés fait et
créés en Mets.
_
_
Et, ainsy doncques, il rest maintenant à veoir cornent la dicte église
de Sainct Thiébault14 fut premièrement faictes, douuées et arantées,
et par qui ce fut et en quelle tamps. Lesquelle chose vous seront icy
après nottées et desclairée, et en briefz, pour éviter prolicité.

a. Les mss. portent Vabréviation du mot sols.

1. En la cité de Mets...
.
.
2. Qui doient vendre les socs ; ne n'dz ne doit vendre vin (sic) en ceste ville, se per ceulx
non (si ce n’est par leur intermédiaire).
3. Cist vij sochiers se doient chacun (sic) xxviij socs par droit : ung chascun sy en doit
iu/, de ses solz (sic) : si en doit avoir messire ly évesque...
4. Ercancei.
5. ScieL
l'. RemiUei‘ — L’ordre du ms. est le suivant : Ercancei, Remlllei, Nomenei, Sciei.
8. Et li vouués de lanne Vévesque... — Il y a un mot abrégé, désignant la manse
épiscopale, qui a été mal lu. Il faut distinguer deux voués, celui de Metz et celui de 1 é-

vêché
9. Et le sénéchal monsignour l'évesque vit... (il y a eu mauvaise lecture de un : vif).
10. Et ces maistres Chamberlain, vij...
11. Et ses merchal, ung...
, .
,
12. Et ses eschanson, ung... Eschanson est abrégé : c’est une abréviation du même
genre que Philippe n’a pas réussi à lire.
13. Et ly maire de Chambre, que dépairt, ung. - Comprendre : qui est chargé d en
faire la distribution.
14. Saint-Thiébault a été détruit en 1444.

m

FONDATION DE LA COLLÉGIALE SAINT THIÉBAULT

[fondation de la collégiale de saint thiébault]
Vous estes essés mémoratif cornent icy devent, en la vie et légende
de la glorieuse vierge ma damme saincte Glossine, premier abesse en
son église en Mets, en laquelle vie et légende je vous ait heu relatés
et en brief cornent miraculeusement l’église collégiale de Sainct Thié­
bault, premier fondée de Nostre Dame, fut, plusier année après la
mort d’icelle saincte vierge, faicte et édiffiée devent la pourte aulx
Arrainne, hors des mur de la cité et dessus le territoire et seigneurie
d’icelle église Saincte Glossine, comme icy devent il est nottés en sa
saincte vie et légende. Laquelle église fut premier tenue et fondée de
deulx jonne clerc, citains de Mets, lesquelle premier y donnairent de
leur bien ; et furent premier acomencement dez chanoinne que à présant y sont. Or, maintenant, je vous veult, és chapistre ensuiant, dire
et desclairer aulcune chose notauble à honneur d’icelle église et des
previlaige et donnacion qui y sont, avec aussy plusieurs collacion à
eulx faicte, comme par les chaipistre cy après vous trouvanrés, ce lire
et entandre lez voullés.
Mil cent et Ixj ; dons du pois de la lainne et aullre donations failte à
l'église Sainct Thiébault. — Et,premier, advint que,en l’an mil cent LXI,
Estenne de Bar, évesque de Mets, donna le pois de la lainne à Nostre
Damme et à l’église dudit Sainct Thiébault, par tel que, des deux pois,
cellui qui achate la lainne payera à la dicte esglise maille. Et sy n’appar­
tiendra à nulz, sinon audit pois, peser lainne on ban de la cité. Et
cest affaire conferma l’empereur Fridrich par mil cent LXII. Et
paireillement conferma Hugo, conte de Mets, en l’an mil cent LXI.
Secondement, advint que, l’an mil G LXIII, soub ledit Estienne,
évesque de Mets, pour aidier à faire ladicte nouvelle église de Sainct
Théobauld près des murs de Mets, ce que ne se povoit faire sans le
consentement de l’abbausse et covent de Saincte Glossine, car ladicte
église estoit desjà édiffiée on fiedz de ladicte église Saincte Glossine,
comme dit est, laquelle se y consentirent par telle condicion que lesdit chanonnes, le jour de feste saincte Glossine, tous les ans, payeroient
ung denier d’or, que vauldroit XII deniers messins ; et, avec ceu, que
lesdit chanonnes averoient puissance de eslire ung prévost ; et se, en
quarante jours après la mort du prévost trespassés, lesdit chanoinnes
n’en eslisoient point, ladicte abbaisse en peult dès lors eslire ung à
sa voluntez.
Thiercement, en l’an mil cent LXIX, soubz Thiérey, évesque de
Mets, Arard, homme franc, donna tous les dismes qu’il avoit en la
ville de Marslatour, son territoire, et de Pusieus et de Tronville, à la
dicte esglise de Sainct Théobauld.
Puis, tantost après, Pierre, abbé, dit de Gorze, donna à ycelle dicte
église de Sainct Thiébauld tout le droit qu’il avoit on patronnaige de

LA COLLÉGIALE SAINT-THIÉBAULT

275

l’esglise de Marslatour, par telz que le doyen le tiendrait en fiedz de
luy, et par convencion faicte que, par chacun an, au jour de teste de
sainct Gorgonne, ou par les octaves, le trésorier de la dicte église Sainct
Thiébault payerait ung denier d’or, valant XII deniers messins, monnoye de Mets, ou XII deniers, monnoye de Mets pour lors courant, sur
l’autel dudit sainct Gorgonne, martir, à Gorze ; et, s’il n’y avoit nulz
trésorier, le chapistre le payerait.
Et, en l’an mil cent IIIIXX et X, l’esvesque Bertrand la douua du
pois de la lainne, du fis, et pois de borre et de chanve. Par tel que
celluy qui achatte donra maille à la dicte esglise ; et des IIII pois de
chanve, pourtant qu’il est plus vil, celuy qui achatte n’en donra tant
seullement que maille ; et fut cecy aggréez par le peuple.
Puis, en l’an mil cent IIIIXX et XV, soubz ledit Bertrand, évesque
de Mets, Élizabeth, mère de Radulphe, advocat, d’Apremont, donna
à l’esglise dudit Sainct Théobault aucuns dymaige qu’elle avoit à
Marslatour. Et, XX ans après, s’en alla demourer auprès de ladicte
église pour y finer ses jours ; et, après qu’elle y eut demeuré long
temps religieusement, elle fit son testament que, tout ceu qu’elle avoit
on ban de Marslatour et de Térincourt, par le consentement de ses
héritiers, donna à la dite église. Mais, après qu’elle fut morte, furent
excomuniez tous ses héritiers ou ayans cause, pourtant qu’il y mettoient
empeschement. Après long temps, Girard de Juxy, qui avoit la fille
de ladite Élizabeth en mariaige, nommée Berthe, cuydant récupérer
les appandances de Térincourt, fit plusieurs maulx. Puis, après ceu
qu’il fut à l’église de Marslatour, on enquéront la vérité par les anciens,
se jamaix sa damme en avoit rien receu, et fut trouvé que non, pourquoy s’en repentit.
L’année ensuiant, que fut en l’an mil cent IIIIXX et XVI, soubz
ledit Bertrand, évesque de Mets, fut estably par la péticion et consen­
tement de toute la cité que tous hommes et femmes demeurant dedens
les murs de Metz et ez bours d’icelle, à la mort, paieront trois dimaiges,
c’est assavoir ung auz chanonnes de Sainct Thiébault, 1 aultre auz
bon mallaide de Sainct Laidre, l’autre à la restauracions des murs de
la cité. Et, pour tant qu’il y avoit scrupule et murmure des trois di­
maiges, ne fut fait que ung, par le consentement de toutte la cité, en
faisant chacun son testament, présant le curé ; et fut divisée ceste dismacion en trois parties, l’une auz chanonnes dudit Sainct Thiébault,
l’aultre auz bon mallaide de Sainct Ladre, et le thier à la réparacion
des murs de ladite cité.
Puis, Tannée après, que fut Tan mil cent IIII xx et XVII, soubz
ledit Bertrand, évesque de Mets, pour le différant d’aulcunes vignes de
Ventoulx, que Aulbert de Ventoulx et son filz avoyent tenus, que
depuis furent troublés ou enruynées, fut conposé que le chapistre de
la Grant Esglise, le jour de l’invention saincte Estenne, payeroit pour
ceu XX sols messins à IIII églises, c’est assavoir: à Sainct Thiébauld,

276

LA COLLÉGIALE SAINT-THIÉBAULT

V sols, à Saincte Glossine, V sols, à Saincte Marie, V sols, et à Sainct
Pier au Dammes, V sols.
Après ces chose avint que, en la meisme année mil cent IIII xx ^
XVII, Albert, conte de Dabourt, à qui apparthenoit le droit de patronnaige de Saincte Croix la paroche en la cité de Metz et de la chappelle Sainct Ferroy à elle dépendant, comme droit héritiers, et que la
tenoit de fiez de l’évesque de Mets, donnait ycelles esglises à ladicte
esglise de Nostre Damme et de Sainct Thiébault hors des murs de
Mets ; et à ce se consentit Wyry de Remport, que se y disoit avoir
aucuns droit.
Deux ans après, c’est assavoir en l’an mil cent IIII xx et XIX,
Lowre, conte de Sarrewerde, soub ledit Bertrand, évesque de Metz,
donna à l’esglise dudit Sainct Théobauld le patronnaige de Sainct
George, séant ez faulx bours de Mets oultre Mezelle ; et fut confermé
par ledit évesque Bertrand.
Item, que, en l’an mil deux cent et trois, fut concluz par le chaipistre
de Sainct Thiébauld que, de ces jour en avant, n’y auroit que XVI chanones en leur église, desquelz l’ung seroit doyen ; et fut pour ce meisme
ans confermé par le deventdit Bertrand, évesque de Mets.
Aussy, en l’an mil deux cent et VII, le patronnaige de Saincte Croix
et de Sainct Ferroy, que l’église de Sainct Thiébauld tient, comme cy
devent est dit, fut confermé par Philippe, empereur des Romains.
Pareillement, en Tan mil IF et XXII, statuirent les chanones de
ladicte église Sainct Thiébault qu’il ne recepveroient nulz aultres avec
eulx, s’il n’estoit nez en leal mariaige ; et fut confermé par l’évesque
de Metz Tannée après, que fut Tan mil IF et XXIII ; et pareillement
par Tarchevesque de Triève, en Tan mil IF et XXIIII.
L’an mil deux cent XXXVI, Matheu, duc de Lorrenne et marchis,
donna à l’église dudit Sainct Thiébault la collacion ou patronnaige de
Hake x, on dyocèse de Metz.
Et Tannée après, qui fut Tan mil deux cent et XXXVII, soubz
Jehan, évesque de Mets, Nicolas Remy, chevallier, de Mets, du grés
et par le consentement de Byatrix, sa femme, donna à Sainct Thié­
bault par testament deux parties des dismes qui appartenoient à Tesglise Sainct George.
Après ces chose, soubz Grégoire, la cinquiesme année de son pontificat,
fut establiz que nulz chainonnes de ladicte église ne debveroit recepvoir nulz deniers, s’il n’y estoit personnellement.
Et, pareillement, soubz Innocent, le XVe ans de son pontificat,
fut aussy estably que nulz chanonne de la Grande Église de Mets
ne debveroit estre chanonne de Sainct Thiébauld.
Et ycy est la fin de ce que je trouve de la dicte église Sainct Thié­
bault. Gy vous souffice quant à présant, car d’aultre chose convient
parler.
1. Achen (Moselle, Sarreguemines, Rohrbach) ?

FERRY DE PLUYOSA, CINQUANTE-SEPTIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1171-1173) 277

[suite

des évêques de metz]

Ferrei de Pluyosa, lvije évesque, et thint le sciège ij ans ij mois. En celluy tamps que la deventdicte église ce édiffioit, estoit évesque
et tenoit le sciège épiscopal de la cité de Mets ung révérand prélas,
nommés Ferrey de Pluyosa. Et fut celluy le LVIIe évesque de la dicte
cité. Celluy fut esleu par commun acord des clerc et au greys des che­
valliers et des citains de la cité, et fit tant à sa vie qu il est digne de
mémoire pardurable. Il acquist Annery ; et, combien qu’il fut flèbe,
tant d’ancienneté comme de mallaidie, toutefïois oncque il ne perdit
la force de son coraige ne la franchise de son cuer, ne oncque ne perdit
ne m’amanrit sa terre d’ung denier, ne ne souffrit une seulle velonme
faire a magnies de son pais. Et, semblablement, il ne fut oncque prestre,
sinon diaicre, pour le discord devant dict ; et tint le siège deux ans et
deux moix tant seullement, desoubz le deventdit ampereur Fiedrich,
et dessoubz le deventdit pappe Allixandre ; et morut on moix de sep­
tembre, et fut ensevelly en l’oratoire Sainct Gai, devant l’autel, car
ensy l’avoit il demandé au lict de la mort.
Amerei i, roi de Jhérusalem. - Item, en celluy temps, estoit roy de
Jhérusalem ung noble prince crestien nommés Almery. Et eStoient
pour leur 12 les Tamplier en bruit, par lesquelles tant de malz advmdrent. Car il furent cause que ung sarasin, nommé le Viel de la Mon­
taigne, merveilleuzement riche, ne se convertit, jay ce que par avant
il avoit grant désir d’estre crestien ; maix, par la malvistiés desdits
Tamplier, il en fut retairdé ; parquoy ledit roy Almeroi lez eust fait
destruire, c’il eust vescus ; mais il mourut l’an après. Et fut couronné
roy le jonne Baudouuin, son filz.
Théodore régna[it] en Lorainne. — Et, en icelluy meisme tamps,
régnoit en Loraine Théodore 3, et possédoit toutte la contrée ; car en
prime alors acomensoient à venir en bruit les duc d’icelluy pais.
Thierrei, Iviif évesquez de Mets, et thint le sciège vj ans. - Item,
après la mort du deventdit Ferrey, évesque de Mets, vint Thierrey, qui
fut le 1111e de ce nom. Et fut celluy filz au duc Matheu de Lorainne,
lequelle fut le LVIIIe évesque de ladicte cité de Mets. Et thint le
siège épiscopal VI ans. Et, tantost après qu il fuit fait évesque e mis
en polcession, son frère, le duc Matheu, donnait à Saine
s e^e
chastel de Ciercque à tousjourmaix, et la vouurie d’Espmal, quel évesque Estenne luy avoit donné ; et fist ceste donnacions solempne lement, sur le grant autel dudit Sainct Estienne de Mets. Cest évesque
print le conte de Sarrewerden dedens une tour, qui estoit assize enmy
1. Amaury I« (1162-1173).
2. Pour le moment.
3. Mathieu Ier, duc de Lorraine, a
Vii/O-lZUOI.
(1176-1205). L,
C’est
est un
UIl bieoic
siècle avant,
avant que

Gérard d’Alsace (1070-1115), auquel se rapporte la phrase de Philipp .

278 BERTRAND, CINQUANTE-NEUVIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1180-1212)

le chastel de Lucembourg, que ledit conte tenoit de l’Église, et en fut
mise l’Église en paisible polcession. Il tint le siège VI ans, comme dit
est, dessoubz le deventdit pappe Allixandre, et dessoubz le deventdit
Fiederich, l’empereur, son oncle.
Bertrand, lixe évesque, Ihinl le sciège. — Et fut l’éveschié après luy
prez d’ung ans sans évesque, pour aulcune raison que je laisse. Et puis
fut fait et sacrés ung scientificque prélas pour le LIX® évesque de Mets,
nommés Bertrand, duquelle nous en lairons ycy à pairler pour le présant, jusques ad ce que tampts seray.
Car je veult faire fin à ce premier livre des cronicque de la noble cité
de Mets, et de plusieurs aultre adventure que du passé sont advenuee
en diverse païs parmy le monde, comme cy devent est esté dict. Les­
quelles cronicques je, Philippe de Vignuelle le marchamps, citains
de Mets, ait recueillis et assamblés de diverse livres et voullume, a
mieulx que je peu ne sceu. Cy prie à tous les liseur et auditeur qu’il
me veulle pardonner et amender les faulte qu’il y trouvanront. Car,
à présant, je veult acomencer le second livre de mon euvre. Auquelle,
premièrement, vous serait dit cornent, en ce tamps, fut faict et créés
le premier maistre eschevin qui jamaix thint justice en Mets. Puis
serait dit et escript l’ordonance que le deventdit évesque Bertrand en
fist, et leur donnait aultre manier de faire ; et puis cornent le sainct
perre Urban et Phiedrich, ampereur des Romains, la confarmairent
et agréairent ; et cornent, depuis ce fait, ledit évesque Bertrand fist
et instituait lez trèses jurés en Mets ; et plusieur aultre chose, comme
il s’ensuit.

LIVRE II

[prologue]

Au nom de Dieu, le tout puissant faubricateur du ciel et de la terre,
de l’air, de la mer et des poisson et de toutes les chose qu’en ycelle sont,
soit cest euvre parfaicte et achevie. Laquelles je, Philippe, deventdit,
moienent la graice d’icelluy mon Dieu, et à sa gloire et louuange,
et aussy à l’onneur et exceltacion de la noble cité de Mets, ait délibérés
de rantrer en matier pour la seconde partie de ces présante cronicque.
Ausquelles serait contenus et pairlés de plusieurs et diverses adventure estre advenue, tant en icelle noble cité de Mets comme aulx pays
joindant ; avec aussy plussieurs aultre chose digne de mémoire des
pays et seigneurie estrainge.
Et, tout premièrement, serait dit cornent en ce tamps fut tait le
premier maistre eschevins que jamaix oit crédicte en Mets en cas e
justice : et cornent le révérand perre en Dieu l’évesque Bertrand,
alors tenant le sciège épiscopal en icelle cité, corrigeait leur manier de
faire, comme l’ordonnance ycy après escripte, avec aussy les confirmacion dessus ce faicte, le monstre. Puis, après, vous serai i e
desclairés aulcuns noble article touchant la noble office d icelluy
maistre eschevin, qui que le soit, lequelles en la dicte cité est repré­
sentant la parsonne de l’ampereur. Aussy, conséquamment vous oyrés
aulcuns article qui apparthiengne à ces perre et à son noble conseï e,
tant en jugement comme aultrement. Puis, après, vous seront nommés
et déclairés les nons de plusieur noble lignié, lesquelles en Mets, depuis
ce tamps, ont gouvernez et régentés ; et desquellez sont venus et
dessandus iceulx maistre eschevins, avec les trèzes jurés, qui
gouverne et ont tousjour gouverné jusque ajourd’ui. Apres, serait i
de l’institucion et atours d’iceulx trèses jurés, et lez sermans qu il font.
Et pareillement l’institucion des proudon, ou aultrement dit des
amans ; et cornent premier le deventdit évesque Bertrand les insti­
tuait, comme cy après serait dit.
Pareillement, serait dit du gouvernement dez roys de France, cellon
maistre Robert Gauguin et en brief.

280

PROLOGUE DU SECOND LIVRE

Puis, des fondacion des ordre mendiantte en Mets, et de plusieurs
aultre église.
Et, après, vous vanrés à desclairés plusieur aultre chose estrange et
amirative, tant de la guerre des quaitre Conte, des demande per eulx
faicte à la cité, comme des responce sur ce donnée, et la lestre de paix
qui en fut faicte.
Pareillement, en la tierce et quairte partie, oyrés de la guerre des
Roys et de celle des Chainoigne de la Grant Église de Mets, de la mutacion et rébellion des bouchiés d’icelle cité, de l’antreprinse du duc
Nicollas contre la cité, et de la guerre du duc Régné, roy de Cecille,
avec la trayson Jehan de Landremont ; et plussieurs aultre entreprise
et chose digne de mémoire.
, Lesquelles cronicque et histoire j’ay recueillis et concordés de plu­
sieur traictés et voullume, et lez ait mis et joing enssamble, cellon la
dabte et cellon le tamps, a plus vray que je peu ne sceu. Et, jay ce que
lesdicte cronicque ne soient pas de grandez importance, et que biaulcopt de chose je y ait mis qui ne sont pas de grand vallue ne digne de
raconter, toutefïois je n’y ait mis chose, à mon pouvoir, que je ne croye
estre vraye. Car, touchant de ce que j’en ait trouvés escript en diverse
traictiet et voullume, et desquelles j’ay prins grant peinne à les joindre
et concorder ensamble, comme dit est, je croy que ceulx que premier
les ont escript lez ont mis à vray et à plus droit qu’il ont sceu ne peu,
cellon la vérité. Et, aucy, de ce que j’en ait oy dire et conter à gens
digne de fois, et qui du paissé est advenus devent mon tamps, je n’y
cuyde avoir mis chose que pareillement je ne thiengne pour avoir veu1
et qui ne soit vérité. Car biaulcopt de chose ont estez faictes et dictes,
et biaulcopt d aventure advenue en Mets et dehors devent ma nativité,
lesquelles chose j’és oy raconter à ceulx qui les avoie veu, et en sont
encor les chose toucte congneue, toucte noctoire et de fresche mémoire.
Pareillement, de ce que durant mon eaige et en mon tamps je congneus
et veu, je le ait mis et escript à plus droit à la vérité que je peu ne
sceu, cellon ma possibilité. Et, pourtant, ce cesdite cronicque ne sont
pas mise en cy biaulx tairme ne en cy plaisant stille, avec belle parolles
ou biaulx languaige aorneis, comme estre deussent, cy n’en sont elle
pas moins à priser, ne jay pour ce ne laissent elle à estre vraye. Sy
Prye à tous les liseur et audicteur que les faulte vueulle amender et
corriger ; avec ce, y oster, ajouster, repranre ou rem estre, cellon leur
voulluntez et plaisir ; car j’en ait fait cellon ma petitte possibilité et
puissance.
1. La phrase signifie : « que je ne tienne qu’ils ont vue effectivement ». Philippe n’a
admis que les témoignages dignes de foi.

BERTRAND, CINQUANTE-NEUVIÈME ÉVÊQUE DE METZ

(1180-1212) 281

[BERTRAND, CINQUANTE-NEUVIÈME ÉVÊQUE DE

METZ ;

CRÉATION DU PREMIER MAITRE-ÉCHEVIN]

Icy acomence le second livre, auquelle tout premièrement serait
contenus et escript le nons du premier maistre eschevins qui jamais
fut tenant justice en Mets, et puis, après, de tous les aultre, chescun en
son lieu, avec plusieurs aultre chose digne de mémoire.
Mil cent Ixx, fut créés le premier maistre eschevins de Mets, nommés
Benoy ; et le fut vif ans. — Le premier maistre eschevins que jamais fut
en Mets fut appellés seignour Benoy ; et fut fait et créés en l’an mil
cent et LXX, et le fut VII ans, l’ung après l’aultre.
Mil cent txxvij, fut second maistre eschevins Poince, filz dudit Benoy ;
et le fut vif ans. — Et puis, en l’an mil cent LXXVII, Poince, son filz,
duquel nous perlerons ycy après, fut le second maistre eschevin ,
et le fut VII ans.
Mais, avent que je procède plus avant, je vous diras de 1 évesque
Bertrand, duquelle j’ay cy devent pairlés, et quel chose durans son
tamps il fist digne de mémoire.
Celluy évesque Bertrand, duquelle nous avons icy devent pairlés,
fut le LIXe évesque de Mets ; et fut nez de Saxonne. Celluy fut grant
clerc en drois civil ; fuit episcopus sanctus. Il fut de noble sang extraict
et plains de bonnes meures. Celluy évesque fut du tamps du deventdit
Philippe Dieudonné, roy de France. Et oit celluy Bertrand très grant
guerre en l’encontre le deventdit ampereurs Phiedrich ; mais il en oit
l’honneur.
Et, entre les aultrez biens qu’il fist, premièrement il rachetait les
guaiges que ses devantriens avoient engaigiez. Entre lesquelle il rache­
tait la ville d’Ercancei, qui estoit enguaigé pour grant argent en la
main le conte de Lucembourg ; et fit tant, par le jugement dudit
ampereur, qu’elle fust restaublie à luy.
Et puis édiffiait à Vy ung noble lieu ; et acquist le chastel de Baucourt à luy et à tous ses successeurs.
Aucy ne fait mye à taire le fait qu’il fist : car il print et destruit à
force ung chastel qui estoit près de Sarebourg, pour tant qu il pourtoit
grant dopmaige à l’éveschié.
Et, pour le tamps qu’il antandoit à faire justice et acquérir paix, et à
bien gouverner son pais et à servir Dieu, ce fut alors que Dieu par
passiance le voult aprouver, comme on apreuve or et argent en la
fornaixe. Et tellement que, en ce tamps, avint que ung évesque fut
envoié à Triève de par le sainct perre Urbain, 1111e de ce non, lequelle
fut appellé Folmaires. Et fut cellui Folmaires esleu et envoyé contre la
volunté de l’empereur Fiedrich. Et, quand il vint à 1 éveschié, le
deventdit Bertrand, qui à nul mal n’y pansoit, le receut révéramment,

282

BERTRAND,

CINQUANTE-NEUVIÈME

ÉVÊQUE DE METZ (1180-1212)

si comme il appartenoit à tel prélais, car il en avoit le commandement
dudit Sainct Perre. Dont l’ampereur en oit grant indignacion, quant il
le soit. Et, pour ce, par despit, fist tantost panre les biens de l’éveschié
et de l’évesque, et mist tout en sa saixine. Et, quant ledit évesque
oyt les nouvelles, doutant de sa personne, il s’en allait à Colloingne
pour garder son corps ; et print illec sa demourance en l’église Sainct
Géréon, dont il avoit autrefoix estez chanonne. Et l’archevesque du
lieu, qui avoit nom Philippe, lui octroiait qu’il tint la chanonerie.
Et toucte la clergie et toucte la cité le receurent en telle honneur et en
sy grant signe d’amour, et en tant de bien et révérance luy offrirent,
que il luy faixoient mectre en obly grant partie de la dureté que l’em­
pereur luy faixoit. Et en ceste manier demoura il deux ans. Et, au
dairiens, à la prière des nobles et de plussieurs princes, son éveschié luy
fut rendue et restituée, maix non mie en tel estât qu’il l’avoit laixié.
Car, quant il s’en partit, tout estoit plain de bledz et de vin, et au
retour n’y trouvait rien, et fut tout vendus.
Celluy évesque Bertrans, en sa premier année, fist ung estatus et
ordonnance touchant l’office de maistre eschevinaige, et la fist passer
et confirmer, tant de nostre sainct perre le pappe comme de l’ampereur.
Puis fist et instituait lez amant en Mets ; car par avent n’en y avoit
nulz, comme cy après serait dit. Puis fina cez jour ; et gist en la Grant
Église de Mets, on cueur Nostre Damme la tiexe a ; et sont sur la tombe
on murs escript ses vers en lettre d’arrains :
Hic *1 jacet Imperii sensus, pius incola very 2,
Hic fons irriguus, hic flos est gloria clery,
Presul Bertrandus, quem planget longior est 3 etas :
Mense sub aprili dédit in certamine metas.
Amnis 4 terdenis et binis civia 5 jura
Jugibus imperiis régit 6, 7sub perpete cura.
Anno milleno ducenteno duodeno
Festa legit aprilis idus primus egit A
Non querit laudes homini 8, precibusque juvari :
Supplicat ut valeat justorum prece 9 locari.
Te collunt10 11
Christi genitrix cum martire primo.
Hune sociare tibi dignus augmine sumo n.
а. E : tierce.
1. Cette épitaphe a été reproduite par Meurisse, HÉv., p. 438-439.
2. Veri. —• Au vers suivant, corriger est en et.
3. Supprimer est.
4. Annis.
5. Civ ica.
б. In paenis rexit.
7. Lux sibi festa legit aprilis, quo prius egit.
8. Hominum.
9. Sede.
10. Coluit.
11. Digneris in agmine summo.

CRÉATION A METZ DU MAITRE-ÉCHEVIN

283

Et ainssy avés oy la vie et la fin du révérand perre en Dieu l’évesque
Bertrand, que Dieu absoulve. Lequelle en son tamps fist et ordonna
plusieurs biaulz estatus et ordonnance touchant le fait des maistre
eschevins et dez amans de Mets, dont la teneur s’ensuit.
Et, premier, serait dit du maistre eschevins, et a vray, cellon la
lestrè qui en fut faicte, sus laquelle celle ycy ait estés translatées de
mot à mot et a vray.
Ordonnance de l’eslal de maistre eschevinaiges, fait l an mil cent Ixxix.
_ En *1 nom de saincte indivisée Triniteit, Bertrand, par la grâce de
Dieu évesques de Mets, au clergié et au peuple de Mets, perpétuelle­
ment. Ceulx ausquelz l’ordonnance divines ait receu ou bailliez la cure
d’office pontifical sont tenu9 de entendre per telle diligence à leurs
administracion qu’il ne mussent ou cachent en terre talente 2 ou le don
que Dieu leur ait fait, mais le baillent au chaingeur ou usuriez, et
estudient tellement avec aulcun gaing le rendre ou rapportés que,
au jour du destroict examen, il desservent d’oyr cez mot : Euge, serve
bone et fidelis, etc.
Nous, cest parabole en la noubelités 3 promotion tant plus sollicitement réduyt sans 4 5à mémoire de quant, d’une pairt, elle attrait par
loyers, et, de l’aultre part, elle estant 5 par painnes, et que au peresseulx
et négligent serviteurs elle menasses les infernalles ténèbres, par la
communication du conseil de nostre clergié et d’aultres prudens et des
religieulx, enssembles des chevalliers et cytoiens, cognue costumes de la
longe continuacion en la mestrise de l’eschevinaige estre domageables
à l’Église 6, griefz aux povres et mauvaises d’anciennetez à touttes la
terre de Mets, par nécessaires correction l’avons premuéez. Statuans et
ordonnant que, d’or en avant, ladicte matrises soit annuelles, affin que,
cessant la stabilités de l’offices, cesses aussy l’insolances ou désordonnances 7 acoustumées, et que, cy après, les eschevins futures plus
justement usent et plus humainnement de la puissances laquelle il
sçaront que, l’an passés, la debveront perdre.
Nienmains aussy, vancus et induys par les princes 8 de nos fidelz,
l’élections de l’eschevins, laquelle le« clergié avec le peuples avoit acos-

o. Mss. : le manque.
1. Le texte latin a été publié par Meurisse, HÉv., p. 429-431. - Philippe de Vigneulles suit de très près le latin.
2. Ut acceptum a Domino talentum non abscondant in terra.
3. Corriger : nouvellité.
.
. T ...
4. Corriger : réduisant. Philippe, en se recopiant, ne s est plus compris Le latin
dit : Hanc sane parabolam in ipsa promotionis nostrae recentia tanto sollicitius ad
mentem reducentem, quia hinc blanditur praemiis, etc.
5. Hinc paenis terret.
.
_ , .
,__ _
6. In magisterio scabinatus consuetudinem diuturnitatis, quam Ecclesiae damn
sam, gravera pauperibus, totique terrae Metensi, antiquitate multa, permtiosam
dediscimus extitisse...
7. Le latin n’a que le mot insolentia.
8. Prières : fidelium nostrorum precîbus devicti.

284

CRÉATION A METZ DU MAITRE-ÉCHEVIN

tumés de célébrer, affin que nous de trefïons en rostons 1 2les occasions
des discentions que comunément sçuyvent la multitudes, nous avons
icelle élections perpétuellement concédéez à VI parsonnes : c’est
assavoir au princier de Gorse 2, aux abbés de Sainct Vincent, de
Sainct Arnoult, de Sainct Clément, de Sainct Siphorien. Que, soy
résemblans 3 et convenans enssembles, chescun an, en la cité, le jour
sainct Benoy, c’est assavoir la XIIe kalende d’apvril, les sainctes
sacrées évangilles touchiés, feront sairment de eslire en bonne foy et en
la charités de leur consciences 4 celuy qu’i creront estre par vie, sciences
et bonnes meures plus ydoinne à cest offices et plus utilles à la choses
publicques. Et, se aulcun d’iceulx y défailloit, nienmains l’élections se
ferait par ceulx qui seront présent, et arait sa suites.
Et serait esleu indiférentement homme de quelconques estât, tant
chevallier comme citoyens, en la cité ou à aulcun des faubourg demeu­
rant, exceptéez seulles condicion servilles. Laquelle, là où sera advenus
qu’i soit esleu à cestes annuelles solicitude, ne la polra résister 5, sinon
qu’i fuit cognus que devant cestes élections il eusist prins le signes de
pélerinaiges Jhérosolimitain.
Ladites élections faictes, on présenterait l’eslut à l’évesques, et faire
homaiges et à recepvoir d’icelluy la probacion ou confirmacions 6.
Après ce, et en la présances du clergié et du peuples, premièrement
jurerait que, aprez la révolucions de l’année, en nulz temps ne repren­
dra ledi offices. Et, pour tant que les dons aveuglissent aussy 7 ly
proudons, pervertissent aulcunes fois les cueurs des justes, secondement,
il ferait sairment que, pour donner ou non donner, pour déterminer
ou différer, ou à quelcunques fasson pervertir sentences, il ne recepverait nulz dons par soy mesmes on par parsonnes moyennes 8 ; et que,
ne par amour ne haynes, ne pour quelcunques aultres semblances,
occasions, ne le fleterait 9 de la règle d’équités. Le troziesmes sairment,
que, à la bonne foy et par sollicitudes diligences 10, il garderait de
bléseure les droict de l’évesques, des églises, des orphenins et des
vefves, tant des riches comme des povres, et qu’i ne différa point de
pronunciés jugement quant il en serait requis par ordre justes et
manier, sinon que par adventures que, par incertainnetez ou par
ignorance, il fusist ampéchiés de ce faire. Et ce, sur la questions que ly
sera proposées, luy sourvient quelque doubtes, il demanderait conseil
1. Du verbe roter (re-ôter).
2. Primicerio, Gorziensi... [Abbate]. — Il s’agit évidemment du princier de Mets,
des abbés de Gorze, de Saint Vincent, etc.
3. Rassemblant.
4. De conscientiae suae puritate.
5. Quemcumque ad hanc annuam sollicitudinom eligi contigerit, non aliter eam
poterit refulare, nisi...
6. Ei facturus hominum [hominium ? 1 et investituram ab ipso recepturus. -— Et
faire : à faire...
7. Etiam : même.
8. Per interpositam personam.
9. Corriger : ne se fleterait (a norma aequitatis... deflectat).
10. Bona fide et vigilanti solertia.

CRÉATION A METZ DU MAITRE-ÉCHEVIN

285

à ceulx par le conseil desquelz en telle cas il doit estre instruict et
gouvernés ; et, par iceulx certifié, sans annexion de quelque dilacion,
proférera sentence en choses justes 1. Il jurera aussy qu’il ne présumera
point de aliéner nulz des fiez apartenant à l’échevingnaiges.
Et, se d’aventures l’évesques n’estoit présent à la festes sainct
Benoy, jà pour ce ne serait difïéréez l’élection ; et l’esleut aussy ne
promecterait jà mains fidélités en la manières deventdites, tant à
l’évesques comme à l’Églises et aux aultres ; et plénièrement a leur
aministrerait jusques à sa venues ou présences 2 ; et adonc, à ycelly
l’homaiges faictes, il recepverait le don.
Et, s’il advenoit que ledit eschevin morust son année non acomplies,
ou pour mallaidie, ou, que jà ne soit, pour aulcun sien excès ly fuit
rostée ladites administracion, dedens VIII jour on en eslises ung aultre,
qui parfera le résidu de ladites années, avec toucte l’année ensuiant.
Après 3 ce qu’il arait fait la fedélités ou feaultés et les serment par la
manier deventdites, et ne fait homaiges aux premier de nulz fiefz à
recepvoir de ly, car le bénéfices descendant d’icelluy estoit jà à aultre
translatés, quant on faisoit ces choses icy. Conséquemment, aux abbés
et abbesses, s’il sont, ou aulcun aultres, desquelz par droict nouvel
ou anticques il doit recepvoir aulcun fiefz, il serait obligiés à
homaiges.
Affin que les dictes choses vers nous impétrés, et par celle 4 de charités
et pour le prouffit comung mandées à esxécution, déferrée par moult
de supplicacion et à la grande instance de nous fidèles et principallement
des églises et des povres, persévérant demorant fermes 5, et que cy
après ne soient destrenchiés par nulles légiertés, nous les avons fait
exprimer par lectres, et commectres en gardes de fidèles cirographe
ou escriptures 6. Et contre les cautelles dé mauvais avons fait garnir
les deux partie dudit cirographe de nostre seaulx et des sceaulx du
princes 7, et aussy des églises et des citoyens. Et n’est point aussy à
passer en silence que nous, avec les abbés et moult d’aultres prestres b
qui estient alors présent, awons séparés du sainct 8 nostre mère Saincte
Églises, et à torches ardantes awons liés du lien du perpétuelles excom­
munication, jusques tant que condignement se seront révocqués, tous

a. M : plenierament.
b. M : preberes.
1. Absque morae alicujus annectione, justam proferet sententiam.
2. Et plenarie administrabit usque ad ejus praesentiam.
3. Post factam fldelitatem et praestito, ordine praemisso, juramento, faciat hominium Primioerio nullum ab eo feodum recepturus, quia beneficium ab Eptecopo
descendens, ad alium jam îuerat,cum haec agerentur, translatum.—• Philippe n’a plus
compris sa propre phrase. Il îaut corriger : qu’il ne fasse hommage au princier de nul
fief à recevoir de lui, car le bénéfice provenant de l’évêque...
4. Zèle.
5. Ut rata permaneant.
6. Et chyrographi fldeli custodiae commandari.
2. Prlmicerii : du princier.
8. Sein.

CRÉATION A METZ DU MAITRE-ÉCHEVIN

ceulx qui entenderont de enfraindre ceste constitucion, ou en aulcun
temps contrevenir à icelle. Sinon que, d’aventures, par succession de
temps, par plus salutaire conseil et comune délibéracion, il pleut au
présens ou future d’y adjoster ou diminuer quelque choses ou la muer
en mieulx.
Ges choses ont estés faictes l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur
mil cent LXXIX, la XIIe kalende d’apvril *l,2courrant l’indiction XIIIe,
l’épacte XXII, l’an de l’élection et consécracions dudit seigneur
Bertrand premier, régnant bien heureusement a Fiedrich, empereur
romain 2 ; les tesmoings, Hugues, princier, avec tout le chappistres
de l’Églises de Mets ; Pierre de Gorse, Guillaume de Sainct Vincent,
Buchart de Sainct Arnoult, Daniel de Sainct Syphorien, Jehan de
Sainct Clément, abbés ; prestre, advocat 3, Poinces, escuier trenchent,
Raoul, boutiller, et plusieurs aultrez chevalier, et la universités, tant
du clergié que des citoyens.
Agréation du pape. — L’agréacion du pappe sur ce faide en romani
de la ledres du maistre eschevingnaiges de Metz.

Urban, pappe, serviteur des serviteur de Dieu, aux amés filz les
citoyens de Mets, salut, apostolicques bénédiction. Comme ainsy soit
que nous oyons que estes fermes et demourés annobiles 4 en nostre
dévocion et nostre mère Saincte Églises, nous entendons volluntier
à vous prouffit, selon Dieu, tant comun comme privés, et exaussons
affectueusement vos justes péticion. A vostre supplicacion consentant,
confermons par auctorités apostolicque l’eschevignaiges comme vos le
possédés, justement et sans controversie, et comme il est contenus en
l’escript autenticque de 5 bonnes mémoires Pierre Tusculain, adonc
légat du sciège apostolicque, et de nostre vénérables frères de Mets
évesques, et le garnison 6 du patronaiges du présent escript. Statuons
et mandons qu’i ne lait 7 ou soit licites à nulle homme de emfraindre
ceste lettres de confirmacion ou contrevenir à icelle par hardiesse
téméraire ou follie. Se aulcun présumoit de ce atempter, il saiche qu’il
aura à encourir l’indignacions de Dieu tou puissant et des saint Pierre
et Paul et ses apostres. Données à Véronnes, la XIe kalende d’apvril
Agréation de l’empereur 8. — L’agréacion de l’empereur en romani
de la leslrez du maistre eschevignaiges.

Fiederich, par la grâce de Dieu empereur Romains, tousjour agustes,
а.
1.
2.
3.
4.
5.
б.
9.
8.

M : heurement.
Duodecimo kalendas aprilis.
Domino Friderico Romanorum Imperatore régnante faelioiter.
Petrus, advocatus.
Corriger : immobiles.
De Pierre Tusculain de bonne mémoire.
Garnissons.
Du verbe loisir (licere), être permis.
HMe, t. III, Preuves, p. 138-139.

CRÉATION A METZ DU MAITRE-ÉCHEVIN

287

au clergié universel et peuples de l’éveschiez et citeit de Mets, perpé­
tuellement. Les choses qui se ordonnent par nos fidèles, et principallement par les évesques, pour la paix et utilités des Églises de Dieu,
appertbient à nostre majestés d’approuver, et, affin que par nulles
légiéretés, d’or en avant, soient destranchées ou destruictes, les confermés 1 du previleiges de nostre actorités. A la péticion dont de nostre
fidèle et amés Bertrand, évesques de Mets, inclinent le consentement
de nostre séranimités 2, ce qu’il ait salutairement ordonnés, par le
conseil de la clergié universelle et du peuples de Mets, touchant la
mastrises de eschevignaiges, nous statuons qu’il soit tenus fermes en
tous tamps et enracinés. C’est assavoir que la costumes de loingtemps
n’est 3 en la mastrisses d’icelly eschevignaiges par utille corrections
abolis ou destruictes, elle soit d’or en avant fait annuelle, affin que les
eschevin futures, aprez ce, faicent ou excercent leur puissances plus
justement et plus humainnement, laquelle il sçaront qu’il debveront
perdre l’an parfaict ou consommés. Il jureront qu’il ne donront ou
feront nulles sentences vendables 4, et que il observeront fermement
les aultres choses qui sont plus expressément contenue en l’escript
dudit évesque de l’eschevignaiges. Affin doncques que ceste constitucions de nostre Sublimités ou Haultesses, tant aux présens comme aux
postères ou future, joïsses de immobiles 5, 6nous avons comandés qu’il
ait estés exprimés par lectres et confermées du seaulx de nostre impérialle exellentes ®. Donnéez à Constances, le XIIII kalende de may,
l’indiction XIIIIe.
Et, ainsSy, vous oyés la manier cornent cellui évesque Bertrand
ordonnait et instituait plussieur belle institucion touchant cellui noble
office de maistre eschevin, et les confirmacion dessus ce faicte , et
cornent cellui qui estoit elleus ne le devoit estre que ung ans de routte
(jay ce que je trouve, cellon la dabte du tamps, que, depuis celle
institucions ainsy faicte et passée, plusieurs l’ont encore estés et ont
tenus celle office plus de ung ans, comme ci après serait dit).
Mais, pour vous mieulx instruire, et affin que antandés que c est, et
avent que je pairie d’aultre mestier, je vous déclairerés plusieurs
article touchant icelluy noble office, et de ce qu’il est tenus de faire en
son année. Et, premier, serait dit des drois de l’ampereur, que on lict
chacun ans aus annal plait. Et seront iceulx drois mis tout en la forme

1. Confirmer.
2. Sérénité. — Le latin dit : serenitatis nostrae inclinantes assensum.
3. Née ? — Videlicet ut in eodem scabinatus magisterio diuturnitatis consuetudine,
utili correctione, abolita, ipsum de caetero annuum fiat.
Philippe a voulu dire ■
« la coutume, de longtemps établie, de conserver plusieurs années la maîtrise de 1 éche­
vinage, étant abolie... ».
4. Vénales sententias.
5. Immobilité : gaudeat firmitate.
6. Excellence : Excellentiae,

LES DROITS DE L’EMPEREUR EN LA CITÉ DE METZ

et manier, celon l'ancien languaige, comme chacun ans on lez lit et
que il sont escript. Dont la tenour c’ensuit.

LES DROICT DE L’EMPEREUR EN LA CITÉ DE METZ 1

C’est ce que ly eschevins que dit les droict de l’empereur doit dire
quant on lict lez annal plait ; et est monté sus ung banc, de coste le
maistre eschevin.
Premier, il doit dire : « Maistre eschevin, sire, est bien par vous que je
die lez droit de messire l’emperère ? »
Messire 2 ly emperère ait telt droit en ceste ville que, se il3 luy plaît
à venir en ceste ville 4, il envoyé son maistre marchault devant. Sy fait
faire 5 telle monnoye comme il veult, et à teille flour comme il veult,
Et celle monnoie doit avoir cource 6 VIII jour devant sa venue, et
tant comme il 3 est en la ville, et VIII jour après son allée. Et celle
monnoie doit on panre à la valour 7 qu’elle vault.
Ly marichault meisme 8 prant les hostels aux princes, aux archevesque, az évesque, auz ducs etaz contes. Nul 9 ne luy doit renfuzer
son hostel ; et se lui doit songnier 10 leitière comme il ait avec ses chevaulx, et leicts et draps telt comme 11 il ait avec ses hostes, et lumière 12
de xeu. Plus ne luy doit. Et13 il doit faire à ces hostes touctes honnours,

1. Nous donnons en note les variantes du ms. B N nouv. acq. fr. 6732 (voyez
p. 266, n. 1),
2. Avant cette phrase, le ms. porte ces mots : Ce sont ly droit monsignour l’empereour,
qui est ly ban ; si sont les cleif de la porte.
Nulz n’a ban ne destroit en Mes, se messire li évesque non, ou de lui nez thient. Messirei
li évesques le thient de Vempereur.
La première phrase signifie : ce sont les droits de l’empereur, à qui (oui) appartient

le ban ; et c’est aussi à lui qu’appartiennent les clefs des portes.
3. Il manque.
4. En la ville.
5. Faire manque.
6. Et celle monoie si doit courir...
I. Villance (vaillance).
8. Cil marchai moyme (lui-même)...
9. Nulz de la ville...
10. Litière songnier tel comme il l’a avuec ses chevaulx. — Il faut comprendre : fournir
la même litière qu’il donne à ses propres chevaux.
II. Comme il les a avuec ses osles. —• Il faut comprendre : les mêmes lits et les mêmes
draps qu’il offre à ses propres hôtes.
12. Et lumière de sueu ample ne ly doit. — Le texte de Philippe est à préférer. Xeu,
sueu : suif.
13. Et ces ostes ly doit faire toutte honnors. — C’est l’étranger qui doit se conduire
correctement avec l’habitant.

LES DROITS DE L’EMPEREUR EN LA CITÉ DE METZ

289

Messire 1 2Jy emperère ait tel droict en ceste ville que, s’il vient
en ceste ville, de quelle pairt qu’il viengnent, luy 2 pustis maire, ly
maire de Portemuzelle, ly doit pourter lez cleiz de la ville trois lieuee
encontre luy ; se luy doit présenter lez cleiz de la ville.
Tant comme messire ly emperère est en la ville, nulz hons n’y ait
ne droit 3 ne justice, se messire li emperrère non, ou son commendement 4.
c’est

CE QUY CE DIT AUS ANNAL PLAIT 5

« Maires de Pourtemuzelle, banixiés vostre plait. »
« Je pren ban pour la chièce Deu de monsseigneur sainct Estienne
et pour touctes aultres chièce Deu, en censaulx et en alleufz, »
Et dit encor ledit maistre dez escheving et prononce tout en hault :
« Je pren ban pour la chièce Deu de monsseigneur sainct Estenne
et pour touctes aultrez chièce Deu, en censaulx et en alleufz. »
Et ly presty 6 maire, ly maire de Portemuzelle et se liève et dist :
« Parousse 7 nulz contre ses ban ? Parousse nulz contre sez ban ?
Parousse nulz contre sez ban ?» — « Nulz n’y parousse. »

1. Avant cette phrase, le ms. contient le paragraphe suivant : Messire ly empereres
ait tel droit en ceste ville que, c’il tremet (transmet) ces lettres à monsignour l’évesque per
son messaige, il (le messager) désant où qu’il veult, cil se dignenl (et de plus il dîne)
ainsoy qu’il présentet ces lettres à court. De celui (dîner) li doient li iij maiours ses tvaiges
raichelter ; si doient à lui venir, si li doient dire : « Sire, messire l’évesque est lassus :
venés voz lettres prendre (à corriger : présenter ?) ». C’il y va : bien. C’il n’y va, de sy en
avant ne li doient niant.
Et, se li messaige monseignour l’emperour [ne] trievel monsignour l’évesque en ceste
ville, c’il vuelt, il se fait saignier, lui et ces chevalx, c’ il séjourne, iij jours : de cellui despens
ly doient li iij maiours ces tvaiges rachatter. Et ce doient à lui venir ; ce li doient dire :
11Bel sire, messire l’évesque est en ceste ville là.» Ce li messaige <n’> y sceit la voie : bien.
C’il ne la sceit, li iij maiours li doient songnier ung garçon quil la voie li doit enseignier
jeque là où messire li évesque est. Et cil garçon si doit estre au conduit et au despens
monsignour l’emperour allant et venant.
Le début du second paragraphe est sans doute corrompu.Le sens est clair : si l’évêque
est à Metz, le messager de l’empereur a droit à un repas aux frais des trois maires ;
si l’évêque n’est pas à Metz, il a droit à un séjour de trois journées aux frais des trois
maires (en attendant le retour de l’évêque ?).
2. Li posteis maire. — Posteis : préposé aux portes ? Le maire de Porte Moselle,
chargé de la défense des portes, doit se présenter à l’empereur avec les clefs de la ville.
3. Ne ban ne justice ne destroit.
4. Ici commencent dans le ms. les droits de l’évêque (voyez p. 266).
5. Sur les plaids annaux, consulter Aug. Prost, Les Institutions judiciaires dans la
cité de Metz, Paris et Nancy, Berger-Levrault, 1893, p. 23-25. — Sur le bannissement
du plaid, ibid., p. 22-23. — Voyez aussi, du même, Étude sur le régime ancien de la
Propriété, La Vesture et la Prise de Ban à Metz, Paris, Larose, 1880 (Extrait de la
Nouvelle revue historique de droit français et étranger, 1880), p. 118 et sqq. —■ Dans
les pages qui suivent, nous citons en abrégé les titres de ces importants ouvrages.
6. Lisez posteif ? Voir ci-dessus n. 2.
2. Voyez B N f. fr. 5396, f° 41 r° ; ibid., 18905, î° 51 v°, 52 r°, 63 r°. — Parousse
semble être le subjonctif du verbe paraître, qui signifierait « se présenter en justice ».
On a transcrit postérieurement : parole nul..., qui signifie : Est-ce que quelqu’un a
quelque chose à dire contre ces bans ?

290

LES DROITS DE L’EMPEREUR EN LA CITÉ DE METZ

Et ly maistre eschevin respond :
« Et ilz cource 1 ! »
Et ledit maistre dez eschevin dist encor :
« Je pranz ban pour la chièce Deu monsseigneur sainct Estenne
et pour toucte aultre chièce Deu, en sensaulx et en alleufz. »
Et ly maire de Porsaillis dit :
« Parosse nulz contre sez bans ? Parousse nulz contre ses bans ?
Parousse nulz contre ses bans ?» — « Nulz n’y parousse. »
Et ly maistre eschevins respond :
« Et ilz cource ! »
Et ledit maistre des eschevin dit encor :
« Je pran ban pour la chièce Deu de monsseigneur sainct Estenne
et pour touctes autre chièce Deu, en censaulx et en alluefz. »
Et li maire d’Oultremuzelle se liève est dist :
« Parousse nulz contre ses ban ? Parosse nulz contre ses ban ?
Parousse nulz contre ses ban ?» — « Nulz n’y parousse. »
Et li maistre eschevin respont :
« Et ilz cource ! »
Et, tantost qu’ilz ont dit, tuitz ceulx que sont chargiet de démonnement 2 et que illeuc lez ont appourtez, lez rue devant ledit maistre
eschevin.
Et ledit maistre eschevins leur demande, lez ung après les aultres,
se ilz ont ainsy trouvez par leur sairment. Et ils disent : « Oy. »
Et, sur ce, lou clerc dudit maistre eschevin et dez eschevin les prant
et les emporte ; et se lièvet ledit maistrèz eschevin et ses eschevins, et
s’en vont disner, etc.
Et pues lez maire et lor doyen et lor clerc s’en vont asseoir dessoubz
lez airvolz 3 on Champassaille, du costey dever lez Sellestins, à trois
tauble. Et illeuc vont on pour panre lez ban 4 d’esxurement 5 et de
trefïons 6, desquelz on paye, pour chescun ban, XIIII denier. Et ont
gens pour crier, les ung : « Porte Muzelle ! », et lez aultre : « Oultre
Muzelle ! », et lez aultre : « Porsailly ! »
Et, quant on lit lez droict de messire l’emperère, au XXe jour de
Noelz ou au XXe jour de Pasques, on lez lict on hault pallais. Lez
maire sont assis on pallais bas, et crye leur gens comme dessus ; et
vont on illeuc prandre lez ban d’exurement et de tresfons.

1. Subjonctif du verbe courir.
2. Le démonement (français demenement, du verbe démener) est en quelque sorte
le dossier d’une affaire. Voyez Prost, Institutions judiciaires, p. 36-41.
3. Arvolt, arcade.
4. Sur la prise de ban, voyez Prost, Régime ancien, p. 139 et sqq.
5. Exurement, forme patoise du mot français assurément. Sur le sens précis de ce
terme, voyez Prost, ibid., p. 114 et sqq.
6. Sur les bans de tréfonds, voyez Prost, ibid.^p. 106.

DROITS ET DEVOIRS DU MAITRE-ÉCHEVIN

291

Et lez trois dairiens vandredi devant la sainct Benoy, on sonne
Meutte par trois foix, et vait le maistre eschevins, acompaigniés de ses
eschevin, jusques a nombre de six du moins, et lez trois maire, on hault
pallais, et fait lire l’apel où les ban de l’année sont escript publicquement, pour escondire 1, que escondire veult, etc.

[DROITS ET DEVOIRS DU MAITRE ÉGHEVIN 2 3]

La chairge et office c’ung maistre eschevins est tenus de faire durant
son année. — C’est ceu que le maistre eschevin de Mets ait affaire en son
année pour l’office du maistre eschevinaige.

Premier, il puet seoir le mardi, s’il luy plaît, pour oyr toutes plaintes
et touctes clamours de tous nous menans de Mets que adjournez
seront par devant le maistre eschevin; et aucy pour toutes sauvetez
passer ; et pour mestre en mainburnie et fuer de mainburnie. Et y doit
adez, par iceulx mardi, avoir ung des trois maiour, quant le maistre
eschevin sciet le mardy.
_
Et doit ly maire dire : « Maistre eschevins, sire, dicte moy le droit
du plait monsseigneur. » Et le maistre eschevin doit dire au maire :
« Mectez y le ban. » Et ly maire respont : « Et je sy fas. »
Item, quant on vuelt passer sauvetey par devant ledit maistre eschevin, il faut que les partie soient présente, et que ilz aportent leur sauve­
tey gictée 4, 5et les parties s’en mettent en droit. Aprez, le maire dit .
« Maistre eschevin, sire, je le met en vostre jugement. » Après, on tait
veudier les parties de la chambre, et toucte manière d’autre gens,
fors que les eschevins. Et, aprez, on font lire les sauvetey ; et, quant elles
sont littes 5, le maistre eschevins fait sa demande aux eschevin, lez
ung aprez lez aultre ; et comence auquel qu’il veult ; et dit ledit maistre
eschevin qu’il en veulle dire le plus droit par son serment ; et a chacun
tant qu’il ait à tous les échevins fait sa demande. Se les eschevins ont
accord de prenre ung de leur compaignon pour aller parler aux par les
et faire lire lez sauvetey, le maistre eschevin y fait aller quel eschevin
qu’il veult. Et, quant icelluy eschevin revient et il dist la relacion de ce
qu’il ait trouvey en les parties, le maistre eschevin luy dema- e pre
mier qu’il en dicent le plus droit par son sairment, et, aprez a tous es
autres eschevin. Et, quant la demande est faite, on doit îuc îer ez
1. Sur Vescondit, voyez Prost, ibid., p. l22-^
■échevin à Metz, Institutions judi•
2. Prost a longuement étudié le rôle du maître
ciaires, p. 15-48.
Institutions judiciaires, p. 33-35
3. Sur l’expression passer sauveté, voyez Prost,
4. Gictée, jetées par écrit, mises en forme.
5. Lues, de lire.

DROITS ET DEVOIRS DU MAITRE-ÉCHEVIN

partie, et là doient lesditea partie avoir ung amant pour le crant 1
desdites sauvetey à pranre. Et, après, le maistre eschevin fait parler
à l’amant par lesquelx des eschevins qu’il veult. Et, quant ledit eschevin ait parlez à l’amant, ly amant doit demander audit maistre eschevin : « Maistre eschevin, sire, le dictes vous ensy par droit ? » Et ly
maistre eschevin doit respondre : « Oy. »
Et, quant ly maistre eschevin vuelt faire tnectre fuer gens de maimbürnie 12 et que on n’en ait dit 3 pour celluy ou celle c’on veult mettre
fuer de mainburnie, le maire doit dire : « Maistre eschevin, sire, je le
met en vostre jugement. » Et le maistre eschevin doit, après ce, dire
auquel des eschevin qu’il vuelt qu’il en dicent le plus droit. Et, quant
il ait fait sa demande et les eschevins sont d’accord de prenre ung de
leurs compaignon pour parler aux parties, le maistre eschevin y ordonne
lequel dez eschevin qu’il veult. Et, quant il revient et il ait fait sa
relacion, le maistre eschevin luy doit demander premier qu’il en dicet
le plus droict par son serment. Et, quant les eschevins ont tuictz dit,
s’il sont d’accord, le maistre eschevin doit demander au mainbour
s’il veult bien que celluy ou celle quy estoit en sa maimburnie soit fuer
de sa mainburnie. S’il dit : « Oy », le maistre eschevin doit après deman­
der à cil ou à celle qui estoit en mainburnie c’il veult bien estre fuer
de la maimburnie son mainbour. Et, c’il dist : « Oy », le maistre eschevin
luy doit dire : « Et je t’y met, de part Dieu. » Et là doit avoir ung
amant présent, que demande au maistre eschevin s’il dict ainsy par
droit ; et le maistre eschevins doit dire : « Oy ».
Se c’est une fille c’on vuellent mestre fuer de maimbornie, quant le
maistre eschevin l’ait mis fuer de maimburnie, comme dessus est dit,
pour ley assener en mariaige, le maistre eschevin doit chargier celle
fille à ung des eschevin, lequel qu’il luy plaît, affin qu’elle ne fesset4
nulz aultres crant tant qu’elle soit fianciée.
Item, lez jeudi, le maistre eschevin ne doit sceoir forque sus ses
desmonnement. Quant ilz sont lit, ly maistre eschevins fait sa de­
mande, auquelz dez eschevin qu’il veult, qu’il en dicet le plus droit
par son sairment. Se les eschevins sont d’accord, le maistre eschevin
essiet son raipport ; et, s’ilz ne sont d’accord, il le réconcilié 5.
Item, en l’an mil IIIIC et LXVII, fut ordonné par le maistre eschevin
et par tous ces pers, eschevins, par commun escord et meure délibéra1. Crant (en français créant, du verbe creoire, croire). Il s’agit ici de rédiger l’acte
authentique des décisions prises.
2. Mettre des gens hors de tutelle.
3. Corriger : et que on en ait dit : après que l’on a dit tout ce qu’il y avait à dire sur
celui ou celle qu’on veut émanciper.
4. Qu’elle ne fasse.
5. Il le remet en délibération. Voyez Prost, Institutions judiciaires, p. 40.

DROITS ET DEVOIRS DU MAITRE-ÉCHEVIN

293

cion, que, dès or en avant, ly maistre eschevin de Mets povoit scevoir i
tous les jours de la sepmainne, s’il luy plaisoit, réservés les jours de
festes.
Item, le maistre eschevin ne puet rendre nulle sentence, ne ne doit,
s’il n’ait VI eschevins avec luy à la celle 12 sceant. Et, s’il y a nulz dez
eschevin qui soient estez chergié de la tenour dont le desmonnement
se despancet 3, 4ledit
5 eschevin doit avoir la premier demande ; et doit le
maistre eschevin dire ency ; « Ung tel, dite m’en le plus droit par vostre
sairment », et aux aultres aprez ensuiant.
Item, quant le maistre eschevin ait ung démonnement débatus, que
ces eschevins et son conseil sont là, le maistre eschevin ne doit dire
à nulz qui que sont lez débutant ; maix, au faire la demande, il doit
aviser les eschevin que sont de la plus grant partie, et encommancier
a premier, et doit dire ensy : « Aidiez m’en à conseiller le plus droict
par vostre serment », et entrelessiet 4 ung aultre de la plus maindre
partie, et puis après de la plus grande, affin c’on ne congnoisse lez
débatant. Et doit on adez demander auz aultres eschevin ensuiant,
quoy qu’ilz n’aient estez premièrement à la celle ; et à ceulx du conseille
aprez, qui ne sont point eschevin. Et doit dire le maistre eschevin à
eulx comme aux eschevins, c’est assavoir en disant ency : « Aidiez
m’en à conseillier le plus droit par vostre sairment. »
Item, quant le maistre eschevin devient maistre eschevin, le premier
desmonnement qu’il ait débatus, il doit panre le sairment de tous ceulx
de son conseil, forque dez eschevins, car ilz ont jà fait le serment
quant il deviennent eschevin. Et n’en doit le maistre eschevin nulz
de son conseille espargnier et qu’il ne fesset ledit serment, et doit
dire ensy : « Metez la main sur le jurator, que vous entendés et jurez
Dieu vostre créateur, par les sainctes remenbrences de Dieu et sur les
sainctes euvangilles et sur vostre part de paradis, que vous tanrés
mon conseille secret en quelque lieu où que ce soit, et m aydiez tousjour
à conseillier le plus droit à vostre bon et leal povoir, sans fraindre û
homme qui se soit » ; et lor doit enjoindre le maistre eschevin devant
qu’il fesset lyre par le clerc le desmonnement.
Item, nulz de son conseille, au conseillier les plaintes ne au déter­
miner, ne doient faire nulz sairment, c’il ne lez déterminoit, meysme
devant qu’il portit fuer nulz jugement.
1. Seoir, siéger.
3. Se dispense ? — Le sens est clair : si un échevin a été chargé de l’étude du dossier,
il doit être interrogé le premier.
. . „„
4. Entrelacer. Quand il y a eu débat, le maître-échevin doit donner la parole a un
membre de la majorité, puis à un membre de la minorité, et ainsi de suite.
5. Fraindre quelqu’un, léser quelqu’un ?

294

DROITS ET DEVOIRS DU MAITRE-ÉCHEVIN

Item, quant ung desmonnement est débattus, pour l’honneur du
maistre eschevins, il ne doit jamais esseoir nulz jugement, quoy qu’on
luy die, se les eschevins, ou escheving seul, ne sait deslachiez car se
luy seroit grant deshonnour aultrement.
Item, quant le maistre eschevin ait heu ung desmonnement débatus,
et qu’il est reconsellier, il ne doit jamaix dire quel partie que l’ait
guaingniet, jusques atant que le jugement soit asseu 12, c’est assavoir
que ceulx qui arront tenus la partie du gaingnant l’aient trestous veu,
et n’en doit nulz laixiez qu’il ne leur monstrez à tous, sans nulz en
Iaixier.
Item, le maistre eschevin, s’il dessent 3, ou apersoit, à esseoir en juge­
ment, que ceulx qui aront jugié ne soient mie bien tout d’un oppinion,
et qu’il veullent mettre ung mot avant ou arrier, il ne le doit point
asseoir, s’il ne sont tout d’une voix ; et leur doit une aultre foix remonstrer tout ensemble arrier et qu’ilz soient d’ung accord.
Item, ledit maistre eschevin, quant il est à la celle et qu’il desploiet
ung desmonnement ouquel vuelt asseoir, séant en la celle ou fuer de
la celle, il ne doit point estre sy oultrecuidez que jamaix die mot,
se non demander sa demande ; et ne doit point dire : « Il va bien ou
mal », sen dire mot quelconque.
Item, quant ung homme se vient plaindre au maistre eschevin pour
cas dont il puist est 4 guaigiet, il ne doit point oyr la plainte, se le
plaindant n’amainne le sergent avec ly ; et doit dire au sergent :
«L’as tu guaigiet, par ton serment?», et, se le sergent dit : « Oy », adonc
dit le maistre eschevin : « Cesse de le guaigier plus avant, jusques tant
que j’aye conseiller ceste plainte. » Et doit ledit maistre eschevin oyr
tout homme, quel qu’il soit.
Item, se on se plaint dez gouvernour de la maletote au maistre
eschevin, le maistre eschevin doit remonstrer le cas ausdit gouvernour,
et non doit point remonstrer aux Trèzes ; ou, s’on se plaindoit dez
maistre de l’ospital ou dez maistre dez mollins ou d’aultrez officier,
sen les Trèzes, le maistre eschevin leur doit à eulx remonstrer pareille­
ment. Et doit dire à ceulx qui se plaindent qu’il ameinent le sergent que
lez a guaigiet, et leur doit ledit maistre eschevin demander s’il les a
guaigier, par son serment ; et, c’il dit : « Oy », adonc doit le maistre
eschevin dire aux sergent : « Cesse de plus guaigier... », comme cy devant
est dit. Adonc va le maistre eschevin remonstrer le cas à ceulx de cuy
on ce sont plaint.
1. Deslaissier. — Le maître-échevin doit s’adresser à tous les échevins, sans efl
excepter un seul, avant d’asseoir son jugement.
2. Assis, du verbe asseoir.
3. Du verbe dessentir, désapprouver.
4. Etre.

DROITS ET DEVOIRS DU MAITRE-ÉCHEVIN

295

Item, le maistre eschevins, toutes lestres qu’on luy apporte où son
nom est dessus escript, il les doit ouvrir, et l’envoyer après au clerc dez
Trèses, ou donner ou la gecter en la chambre sur le banquet, et doit
dire d’où celle lestres vient, et la doit lire, s’il luy plaît.
Item, se son nom n’estoit dessus lesdictes lectres escrips, et qu’elles
s’adrassacent au Conseille, au Trèses on aux Septs de la guerre tant
seullement, quoy qu’il soit du Conseille, il ne la doit point ouvrir, s’il
n’y a aucun des Trèzes, du Conseille ou des Septz avec luy, c’est assa­
voir, ausquelx d’eux qu’elles s’adressent, qu’il en a ung ou deulx avec
luy.


Item, quant les Trèzes demandent au maistre eschevin son povoir
pour mectre son nom par touctes lestres et en tous huchementl, 2 le
maistre eschevin doit respondre : « Ouy, par ainsy que vous ne ouvrés
milles lestres où que mon nom sera dessus en escript ; et, on cas que
vous le fériés, je ne soufïeroie point de mestre mon nom nulle part ; et
aucy ne vuelz ouvrir nullez des voustre sen vous ou vostre consente­
ment ».
Item, aux conseille des Trèzes, quant on font demande au maistre
eschevin avec les aultres du conseille, il doit dire son oppinion ; et ne se
doit point laiet ^ abuser, coy qu’on die, qu’il ne le disse, c est assavoir
dé choses qui ne doient point retourner en son jugement ne en sa
bouche, ne chose don plaintif 3 en puist à luy venir. Car on diroit que le
maistre eschevin n’auroit4 5jay déterminer au Conseille et rendu
sentence par sa bouche, don la plainte seroit de nulle valour. Maix de
tous aultres cas touchant le fait de la cité, et que ne doit point retourner
en la bouche des Trèzes le maistre eschevin, comme dist est, en doit
dire son oppinion.
Item, quant le maistre eschevin est avec les Trèzes, et il luy demandet
son oppinion pour luy dessantir 6, s’il dirait bien ou non, il doit dire :
« Je n’en dira rien, se vous ne vous tenez ad ceu que j en dira. »
Item, quant lez Trèzes déterminent sur faict de crime, ly maistre
eschevin en doit aller hors.
Item, se ung homme avoit fait de crime, et les Trèzes le monissent 7
pour faire justice de luy en quelque manier que se soit, dez que les
1. Huchement, proclamation publique.
2. Laisser. — Au conseil des Treize, le maître-échevin doit donner son avis, sauf
sur les matières qui peuvent venir en appel devant lui.
3. Plaintif, plainte.
4. Il faut corriger : le maistre échevin en auroit...
5. Il faut corriger : en sa bouche.
.
.
6. Dessentir, désapprouver quelqu’un ? — Il semble qu’il s’agisse ici d une obstruc­
tion systématique de la part des Treize.
7. Menassent, du verbe mener.

296

DROITS ET DEVOIRS DU MAITRE-ÉCHEVIN

Trèzes ont sentenciez avec les Contes, le maistre eschevin ne se doit
point trouver devant le cnmineulx (à celle fin qu’il ne facet nulle plainte
a hiv rar l

oorml

u

1

i le doit hoster hors de la main dez
cas ; et, s’il treuve la nlaînte A rpa.
; le maistre eschevin le doit faire mener on pallais et le doit

• •
,
o ue tieuve îa piamte a ressc
cnmineux laixier mener à exécution par lesdit Trèzes.
h

dez Trèzes, et il se plaint au maistre eschevin, ledit maistre eschevin
e doit faire laixier aller, par ainssy qu’il ait seuretey pour la somme
ou qu il ait tousjours Pomme en main, soit pour fait de crime ou pour
aultre chose, jusques sa plainte soit conseilliée. Maix, ce c’est pour
tait de crime, qu’il ne prengnet aultre xeureté que le propre corps de
1 omme que ledit sergent moneroit.
Item, quant ung homme est en l’ostel du doien ou on pallais, pour
fait de crime ou pour aultre chose, et sez amis se viennent plaindre au
mmstre eschevm pour et on nom dudit prisonnier, ledit maistre esche­
vin lé doit oyr. C’est assavoir, quant Pomme est encor enchieu 4 le
doien ou on pallais, il doit faire cesser de mener Pomme hors, jusquez
tant qu il a conseiller la plainte ; maix, se Pomme estoit hors du pallais
e qu on le menist à exécution, le maistre eschevin ne doit point oyr
la piamte dez amis, se le propre crimineulx ne parle à luy. Et, quant les
amis sont plaint 5, estant ledit crimineulx en la prison, se la plainte est
a ressoire, le maistre eschevin le doit tenir soubz sa main jusques la
piamte soit déterminée.
Item, le maistre eschevins ne doit conseiller nulles plaintes s’il n’a
eulx VI de son conseille du moins, ne aucy déterminer nulz jugement
sans avoir six eschevins du moins.
Et aincy apert la noble et digne office que c’est d’estre maître eschevms ; et cornent bonnement, sainctement et canonicquement il gouverne
leur dicte office, cen ce que, pour amour ne pour hayne, il en pourte
1. Détri, délai, retard. — Il a la valeur de cela.
2. Rasseoir, re-asseoir, remettre en jugement.
3. Menât, du verbe mener. Voyez le même texte B N f. fr. 18905 f° 67 v°
4. Chez.

5. Se sont plaint, ont formulé leur plainte.
ne peut juger

LES TROIS MAIRIES DE METZ

297

fauvour à parsonne vivante. Cy prie à Dieu qu’il doinct graice au bon
et noble seigneur de y tellement user et de ce y gouverner cy bonnement
comme ont fait les noble trespassés leur prédicesseur, que ce soit à leur
honneurs et a proffit de la cité et a sallus de leur âme. Amen.

LE DÉPARTEMENT DES TROIS MARIES

Icy après est escript cornent la cité de Mets est partie par les trois
mairies, à cause dez trois selle des eschevins du pallais, lesquelx sont
XX eschevins, avec le maistre eschevins, qui est la selle de l’empereur.
Par cy devent avés oy la noble office du maistre eschevin de la cité
de Mets et de ces eschevins, avec tout ce qu’il aparthient audit maistre
eschevin de faire durant son année et qu’il ait la chairge d’icelle noble
office. Rest maintenant à veoir les limitte et le despairt des trois
mairie ad cause des trois selle deventdictes.
Et premier, est à nocter que la mairie de Portemuzelle ce acomence
à la moitié de la grand porte de la grainge de l’ostel Saint Martin devant
Mets, que ciet en Anglemur ; en venant par la Herdie Pierre, adès à la
senestre main montant amont, en tournant parmey la rue au Bief, et
retournant parmey les estaulz que sont dessus les degrés de Chambre ;
et parmey les deux portalz de Nostre Damme, que sont au Grant
Moustier, en venant parmey la place devant le moustier au loing de
Fornelrue jusque sus le querfort, et en montant amont Taixon, droit
oultre par le hault de Jeurue, jusque au puixe de Portemuzelle ; et le
laixier à la senestre main en tornant à la droicte main, et, retornant à la
senestre main, par devant Saincte Séglinne, et, retournant à dextre
main, par le hault de Salnerie jusques aux aixances des Cordelles ;
et, en tornant aval la Corrière, droit au loing de Chandellerue, tout
oultre jusques au pont Rengmont, et de là tout autor des murs, en ve­
nant permey Rimport, d’une part et d’aultre, et pardessus les Mollins,
adès oultre, permey Chambre, d’une partie et d’aultre, jusques à la
Herdie Pierre ; et, en allant adès oultre la droicte main, jusques à
la dicte porte de Sainct Martin.
La mairie de Porsaillis encommencent à la porte Serpenoize ; à la
dextre main, en venant au loing de la Grant Rue, droit oultre jusques
au puixe de Portemuzelle ; en tournant à la droicte main, et, retour­
nant à la senestre main, par devant Saincte Seguellenne, et, retornant
arier à la dextre main, par le hault de Salnerie, jusques aux aixances
des Cordelles ; et, en retournant, aval la Corrière, jusques au puixe de
Chandellerue ; et, en retornant, par dessus le pont à Saille, et en allant
tout atour des murs de la ville jusques à la dicte porte Serpenoise.

zas

les trois mairies de

Metz

La mairie d’Oultremuzelle encommencent à l’autre moitiet de la
porte Sainct Martin devant dicte, en allant par Anglemur, d’une part
et d’aultre, jusques à la porte Serpenoize ; et, retornant par la Grant
Rue, aidés prenant tout ceu qui est à la senestre main, jusques sus le
tour de Fornelrue, en retornant aussi parmey Fornelrue, droit par de­
vant le Moustier, et tous parmey les deux portalz du Grant Moustier,
et parmey les estaulz dessus lé degreis de Chambre, en tornant parmey
la rue au Bleif, et descendant aval la Hardie Pierre, en tornant droict
jusques à la dessusdictes grant porte de Sainct Mai tin, avec tout le
bourg d’Oultre Muzelle.
Cy après est escript cornent lesdictes trois mairies de Mets sont partit
par deffuer la cité et conlreval le pays de ladicle Mets.

La mairie de Portemuzelle qui est pardeffuer la cité de Mets encommencent où que le ruyt de Vallière chiet en Muzelle, c’est assavoir en
preiz Sainct Jullien, droit amont, jusques où qu’ilz encommencent
tous le païs entour, qui est entre celluy ruyt de Vallière et la ripvière
de Muzelle au contreval.
La mairie de Porsaillis qui est pardeffuer la cité de Mets encom­
mencent à la porte Serpenoize, en allant par la porte Sainct Simphonen, aideis à la senestre mains, jusques à la ripvière de Muzelle, droict
oultre, avec tout ceu que gist au contremont, entre la ripvière de
Muzelle et le ruitz de Vallière, tout au loing.
La mairie d’Oultre Muzelle qui est pardeffuer la cité de Mets encom­
mencent aussy à la porte Serpenoize, en allant aussy par la porte
Sainct Simphorien, droit jus jusques à la ripvière de Muzelle, et tout
ceu qui est à la dextre main, avec tout ceu qui est oultre la ripvière de
Muzelle, c’est assavoir oultre le pont a Mollin, le pont des Mors et le
pont Thieffroy, amont et avalz.
> Et> ainsy- ie vous ait clèrement dit et tout anthièrement desclairés
1 office et ce qu il aparthient à faire au maistre eschevin de la cité de
Mets, qui que le soit, avec le despairt des trois mairie d’icelle cité, tant
du dedans de la ville comme par dehors. Rest maintenant à veoir et
que je vous die quel furent ceulx qui pour ce tamps estoient en bruit.
C est assavoir de vous dire, conter et nommer par non touttes les noble
lignée et les paraiges que, depuis ce tamps auquelles fut créés le pre­
mier maistre eschevins, ont gouvernés et régentés, et desquelles lignié
ont estes fait et crées iceulx maistre eschevin, avec lez trèses jurés de
la justice. Lesquelle ensemble, comme dit est, ont tousjour gouvernés
et régentés icelle noble cité de Mets soubz les elles de l’aigle du Sainct
Ampire jusques à présant.

LES « PARAGES » DE METZ

299

[les « PARAGES )) DE METZ !]

Et, tout premièrement et au comencement, c est assavoir après le
tamps que fut créés le premier maistre eschevin en Mets, estoient en
resgne et gouvernoientungpairaige nommés les Goutz 2.
* I.Puis gouvernait
et fut en bruyt ung aultre paraige nommés lez Faulcon ; et avec iceulx
gouvernoit ung aultre paraige nommez les Gorbelz et les Piedzdeschaulz. Aucy ont gouvernés à leur tour les Brizepain, et ceulx de
Portemuzelle. Pareillement ceulx de la Court, ceulx de Porsailly et
ceulx de la Portenne. Puis vindrent les Noxe 3, les Tegueinenne 4, 5les
б. 7
Bellesgraye, les Barons et les Aingeborch. Après vindrent les Clmoie,
ceulx de la Fosse, les Saulvaige et ceulx de Gorze. Puis vindrent en
leur règne les Gournaix, ceulx de Ghastel, les Macquerel 3, les Gobions
et les Benoy. Après vindrent les Axel, les Belz et les Barbés. Puis vin­
drent les Raichecourt, ceulx Dessus le Murs, ceulx de Samct Jullien
et ceulx de Chambre. Encor ont régné et gouverné en Mets ceulx îcy
après nommé, c’est assavoir les dit Leroy, les Merciet, les Brullevaiche,
les Bonneamis, les Chappel et les Péyoize 6. Pareillement les Collons,
les Retrons, les Truant, les Falquenelz et les Noviant. Après vinrent les
Louve, les Faixin, les Falcolz, lez Ghevalat, et ceulx de Senpecourt.
Lors acomencèrent à régner les Cheving, ceulx de Collongne et es
Graissechair. Après iceulx régnoient les Bataille, les Moelenles
Deuamis, les Mariens, les Fourat, les Goulle, les Haucque 8, les Chadron
et les Hesson. Alors acomencèrent premier à régner les Heu, les Chielairon, ceulx de Lacourt, les Reffault et les Beigné. Aprez vmdrent es
Roucel, les Boucquin, les Ruecel 9, les Trébuchet, les Jottal et es
Gemel10. II.
En ce meisme temps acomencèrent à régner lesBaudoche, les
Ghamures «, les Wittien «, ceulx de Laittre et les Pellat. Puis vinrent
les Grongnat, les Hunborgat, les Belz et lez Fairiat. Alors acomen­
cèrent à gouverner ceulx de Jeurue, les Lohiers, les Cunement, les
Borchon, les Toupat, les Marcoulz et les Froideviande. Après vinrent

а. Mss. : chanures.
.
I. Voyez sur ce sujet Aug. Prost, Le Patricial dans la cité de Metz ?ans 187S
(extrait du t. XXXIIII des Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de
FT°Gol ou Goulle, D’Hannoncelles, Metzancien,Metz, Rousseau-Pallez, 1856 t. I,
p. 22-23. — La plupart des noms sont faciles à identifier ; quelques-uns, meconnaissa
blés, présentent sans doute des fautes de transcription.
3. Noise, id., ibid., p. 60, 147.
4. Tignienne, id„ ibid., p. 26, 27, etc.
5. Malguerel, id., ibid., p. 25, etc.
б. Poujoise, id., ibid., p. 39, etc.
7. Moyelan, id., ibid., p. 63, etc.
8. Haiche, id., ibid., p. 63, etc.
9. Ruèce, id., ibid., p. 32, etc.
10. Jotte, id., ibid., p. 63 ; Gemely, p. 64, etc. .
II. Chameurs, id., ibid., p. 39, etc. ; Vithier, id., ibid.

dU(J

LE SERMENT DES « TREIZE » DE METZ

les Noiron, les Mariulle et les Bollezbarbe A Alors vinrent les Renguillon lez Gouppechausse, les Villembal, les Hungre, lez Barbelz et les
Reillegnat 2. Puis vinrent les Bollay, ceulx de Laitre, les Chaingne les
Drouum, les Bugley, les Mynne et les Eulecol. Aprez acomencèrent à
r gner les Papperel, les Pappemiatte, lez Remiat, les Fessai, les Kairel
et les Corvella 3. puis vinrent à gouverner les Cuerdefer, les Dex les
Mortel et les Bourgnière. Puis vinrent les Warixe, les Sérier 4, les Burtrand, les Boujors 5 et les Brenequin. Après sont venus les Chaverson
es Traval, les Rineck, les Liénar, les Hamonville 6, les Houdebrant
les Blanchair et les Mondellange.
D iceulx paraige et noble lignié ont tousjour estés fait et créés lez
maistre eschevins et lez trèze jurez de la cité, lesquelles le deventdit
evesque Burtrand ordonnait et instituait, comme cy devent nous
avons dit. Et aussy fist il lez proudon que nous disons les amans les­
quelles pareillement furent pour le bien, prouffit et utillité de toutte la
cité fait et créés par ledit évesque Burtrand. Mais d’iceulx je me tairais
jusques que tamps serait.
Et, premier que je retourne à aultre mestier, je vous desclairerés
quel sairment yceulx trèzes jurés sont tenus de faire et qu’il font tous
ez ans à la Purificacion Nostre Damme, en antrant en leur office.

[le

serment des

« TREIZE )) 7]
123456

Le serment que les seigneurs Trèzes font en recepvant ycelle office. Premier, jureront yceulx Trèzes sus lez saincte évangille de Dieu qu’ilz
garderont et salveront de tous leur pouvoir monsseigneur l’évesques de
Mets, son corps, son honneur, sa justice spirituelle et temporelle, et
tout ces biens, par tout où ilz pourrent, en bonnes foy.
Item, qu il aideront à defïendre en touctes les manier qu’il pourront
la franchise dé sainctes églises de Mets et de l’éveschiez de Mets, et la
juridiction spirituelle et les droict monsseigneur devantdit ; et deman­
derons à leur povoir les empêchement, se on en ait nulz fait ou s’on en
faisoit nulz.
Item, qu’il soient aidant à monsseigneur devant dit et à ces lieute­
nant par quoy les devises soient acomplis et que les rendaiges soient
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.

Bellebarbe, id., ibid., p. 148.
Roillenat, id., ibid., p. 50, etc.
Cuerle, id., ibid., p. 78 ; Crowelet, id., ibid., p. 68 ?
Serrières, id., ibid., p. 21, etc.
Burchon, id., ibid., p. 65, etc.
Hanonville, id., ibid., p. 58, etc.
Sur les Treize, voyez Pkost, Institutions judiciaires, p. 70 et sqq.

LE SERMENT DES « TREIZE » DE METZ

301

fais ainsy que les bonnes gens l’ont comendés et commanderont en
leur testament.
Item, que monsseigneur dessusdit, ces hostel et ces biens, sa court,
l’officialz de Mets, ces clerc, ces chevalliers, ces escuiers, qui sont à ces
roues !, et touttes sa maingnies, sont bien exuriez 2* 1en jusques à la
Chandelleur qui serait d’or en ung ans ; et est cest exurement escript
à la tables le clerc.
Item, que ceulx qui averont sel des salines monsseigneur de Mets sont
exuriés en jusques à la Chandelleur qui or vient en ung ans.
Item, qu’ilz feront et maintiendront a justice bien et loiallement
toucte l’année en laquelle il seront entrez.
Item, qu’ilz feront exuriés de VIII jour à aultre ceulx que monssei­
gneur l’évesques dessusdit et ces lieutenant leur requerrons, à leur
povoir, à la sauveteit de la ville.
Item, que, touctes les fois que messeigneurs deventdit, ou ces offi­
cial, ou aultre ces lieutenant, les requerrons de constraindre les chanoinnes de Sainct Saulvour, de Sainct Thiébault, et les abbés et les
abbesse, les moinneS et les nonnains de Mets et des bourg de Mets,
de chanter en leur églises et de faire leur services Nostre Seigneur,
qu’i les aideront à contraindre, en touctes manières qu’ilz porront,
à ce que le service de Nostre Seigneur y soit fait.
Item, que nulz play entamez, encommanciet ou à comencer par
devant les Ordinaires ou leur officiaulx, il ne s’en mesleront ne ne
feront estamchier 3.
Item, qu’il ne mettront mains à nulles clerc ne à nulles personnes de
Saincte Églises qu’ilz ne les rendent aux Ordinaires, tantost qu ilz
sçauront qu’il soit personnes de Sainctes Églises, où qu ilz en soient
requis, n’en 4 feront point de justices.
Item, que, ce lesdit Ordinaires mectoient main à leurs clerc ou à
leurs noctaires ou à aultre personnes de Saincte Églises ou à aultres
procureur de la court pour leur méfiait, que ly Trèzes en soient aidant
ausdits Ordinaires, et qu’ilz ne soustienne nulz tant que justice ce
faicent.
a. M : mainteront (maintereront : Philippe a oublié l'abréviation).
1. Roue semble avoir ici le sens de rôle. Il s’agirait des écuyers inscrits régulièrement

sur les rôles de l’évêché.
2. Sur le verbe exurier (assurer) etle mot exurement (assurément), voyezp. 290 et n. 5.
3. Estanchier, arrêter ; terme de droit : mettre opposition à.
4. Il faut sans doute suppléer et (ne) avant n’en.

302

POINCE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1177-1184)

Item, qu’ilz ne feront nulluy absolre par force de nulle sentences
desdis Ordinaires.
Item, qu’il ne feront nulle alliances entre eulx ne ne sofïreront à
leur povoir que nulles aliances soient faictes à duc ne à contes ne à nulz
seigneurs, ne entre les citains de Mets ne les menans de Mets, que
monsseigneur le deventdit évesque de Mets n’en soit, s’yl luy plaît.
Tout lesquel article cy devent escriptez sont anciennement estés
ordonnés et par meure délibéracion et bon advis institués.
Mais de ceS chose lairons à pairler pour le présant. Et, avent que
rien dire, de l’atour et ordonnance dez amans de Mets, nous vanrons à
pairler d’aulcuns maistre eschevin et de plusieurs merveille qui advindrent en leur tampts.

[SUITE DES MAITRES ÉCHEVINS DE METZ, ETC.]

Or revenons a maistre eschevin. Car je trouve, comme j’ay dit devent,
que le premier maistre eschevin, nommés seigneur Benoy, fut fait et
créés en Mets en l’an mil cent et LXX ; et le fut VII ans, comme dit est.
Puis, en l’an mil cent LXXVII, fut fait le second maistre eschevin,
nommés Poince, lequelle estoit filz au deventdit seigneur Benoy ; et
pareillement le fut VII ans durans, et tellement que sa maistrie durait
jusques en l’an mil cent IIIIXX et quaitre.
Simon, duc de Lorenne. — Et, en ce meisme tamps qu’il fut créés,
estoit duc en Lorainne ung vaillant prince, nommé Simon.
Pareillement, en ce! luy tamps, Loys le Débonnaire 1, roy de France,
et duquelle je vous ait par cy devent parlés, oit plusieurs femmes,
lesquelle furent toutte morte sen laissier hoirs malle de leur corps,
réservés la dernier, nommée Alixon. Car, d’icelle, ledit roy, sur ces
viez jour, et par la prière qu’il fit à Dieu, oit ung fdz, nommée Phi­
lippe, comme cy devent est dit. Lequelle à celle cause fut surnommé
Philippe de Dieu donné.
Philippe Dieu-donnés, roy de France; mil cent Ixxviij. — Celluy
Philippe creust en eaige. Et puis, quant il vint en sa XIIIIe année, et
en l’an mil cent et LXXVIII, le roy son perre, lequelle avoit tenus le
royaulme XL ans, le acompaigna de son reaulme ; et, par le jour de la
Toussainct, durant le règne du deventdit Phiedrich, empereur, le fist
corronner et sacrer roy à Rains. Auquel corronnement estoit le roy
Hanry d’Angleterre, quy thint d’une part la corronne du josne roy.
Celluy Philippe oit en moult grant révérance le nom de Dieu et de
ces saincts. Car, depuis son sacre, il fist plusieurs belle institucion en
France en l’encontre de tous blasphémateur de Dieu et regnieur 2,
1. Louis VII succéda à son père en 1137 et mourut en 1180.
2. Renieur, du verbe renier.

DÉSOLATION DE LA TERBE SAINTE

303

et par son comendement fut ordonnés de les gecter en une fange ou en
une rivière, sans mort, pour chacune foy qu’il y mespranroie. Aussy,
celluy roy Philippe fist tout déjecter et bouter hors du reaulme les
Juifz, qui alors y estoient à grant nombre et en grant multitude ;
et leur sinagogues fist convertir et dédier a service de Dieu. Pareille­
ment, en son jonne eaige, il pungnitplusieur gentilhomme qui estoient
gros lairon et pilleur de pouvre gens, et qui ne vivoie que de proie et
rapine.
Et, peu de jour après, morut le deventdit roy Loys son perre, en
l’an de graice mil cent et IIIIXX ; et fut son corps ensevellei en l’église
de Berbel, laquel en son tampts il avoit fait fonder ; et luy fist faire la
royne sa femme une moult belle et riche sépulture.
La cité de Tornay fait sciège épiscopal. — Item, en celluy tampts,
la cité de Tournay, laquelles, par l’espace de six cent ans, avoit esté
soubz l’église de Noyon, fut alors faicte sciège épiscopal.
Paireillement, en celluy tampts, c’est assavoir en l’an mil cent IHIXX
et ung, avint à Orlians, ainssy comme ung prebstre avoit sacré le corps
de Nostre Seigneur et il le volloit user, le Sainct Sacrement ce apparust tout rouge de sang. Si vint alors le roy Philippe, qui le vist ainsy
vermeille comme sang, et le corporal tout taichié de rouge. Et tout en
senblant manière advint a téritoire de Vendômes et d’Arais.
Seigneur Pier de Clerval. — En celluy temps fut et florissoit sainct
Pierre de Clereval.
La ville de Paris premièrement pauvée, et le boix de Vincenne cloz de
muraille. — Aucy, pareillement en celluy temps, ledit roy Philippe fit
premier paver la ville de Paris, laquelle par aventne 1 estoit pas. Et fit
clore de groz murs le bois de Vincenne, comme chacun peust veoir ,
pareillement il fist cloire et fermer le simitier dé Sainct Innocent.
Remonslrance és prince de la désolation de la Terre Saincte.
Et
puis, ne demourait guère aprez que Éraclius, patriarche de Jhérusalem, et le prieur de l’Hospital dudit lieu, vinrent en ambaissade devers
ledit roy Philippe, luy remonstrant cornent les chose ailloie a païs de
par dellà, en luy demandant son ayde et secour enl’ancontre de Salhadin, prince Sarrazyns, lequelle molestoit et faisoit plusieurs mal aulx
crestiens. Le roy, meu de ces querelles et complainte, assambla ung
consille à Paris de tout les évesque de son royaulme, ausquelle il remonstra l’estât dez crestiens en Syrie, et leur priait à tous de remonstrer
ces chose, chacun en droy soy, en son diocèses, car luy meisme estoit
tout prest d’y envoyer dez plus grant de son reaulme. Et y fut voulluntier allés en sa personne, ce ne fut pour les aultre guerre que journelle­
ment lui sourvenoient, par quoy il n’y poult aller ; dont plusieurs mal
avindrent, comme il serait dit icy après.
Durans cez chose ainssy faicte, avint de grand merveille oultre mer.
Et, premièrement, avint que, en l’an mil cent IIIIXX et deux, lors
estant lesdits crestien en la Terre Saincte, l’empereur de Constantinoble

304

PRISE DE JÉRUSALEM PAR SALADIN (1187)

que pour leur i tenoit ledit ampire estoit moult grant amis aulx crestiens latins et lez voulloit tousjour avoir auprès de luy.
Les Grec trahistre aux crestiens. - Maix lez Grec, qui ce disent
crestiens dez railleur, en estoient tant envieulx que, dès incontinent
que ledit ampereur fut mort, il tuairent tous iceulx crestiens latins
qu il peurent avoir ; et, pour plus grant dérision, tranchairent la teste
à ung cardmaulz de Romme, et ycelle teste ataichèrent à la couue
d ung chien, lequelle yl firent courir parmey la cité, ainsy avec celle
teste traynent par la fange et par la bouue.
Jérusalem prime par le Turc Salhadin. - Et, tantost après, en l’an
mil cent 1111“ et VI, ledit ampereur Salhadin, payen, submist à luy
tout Orient. Et, en 1 an mil cent IIII» et iX, le IR jour d’octoubre
pnnt la samcte cité de Jhérusalem, dont ce fut grant pitié et domaine!
Et puis, après ces chose faicte et durant ce tamps, et après plusieurs
guerre en France et en Bourguogne, retournaient encor de rechief
lez messagier de Jhérusalem remonstrer a roy la désolacion de la
Terre Samcte, et luy dirent et anonsairent cornent ledit Salhadin avoit
prms la samcte cité de Jhérusalem, comme dit est, et empourtée la
samcte Crois. Et, avec ce, avoit aussy touttes prinse lez aultre ville et
cité entour, et les crestiens tuez et murtris ; et n’avoit demouré que
Anthioche, Tyron et Trenoble. Parquoy le roy, esmeu de pitié, manda
Henry, roy d Angleterre, avec lez prélas d’église ; et firent les deux
roy bonne alliance ensamble de prendre la Croix et de secourir à la
crestienté, parmei ce que, durant celle guerre, il aroient et leveroie
le digme 2 dez biens des gens d’église. Et fut celle chose faicte en cy
bonne amour qu’il sembloit que paix fut faicte entre eulx à tousjour.
Mais ne demourait guerre aprez que ledit Hanry rompist celle
alliance, et ne thint rien de toutte sa promesse ; ains, par plus forte
raison, vint avec grosse armée assaillir Raymond, conte de Thoulouze ;
dont le roy Philippe fut merveilleusement mal comptant. Et fut celle
guerre cause de la victoire des infidelle en Surie, et à grant domaige de
toucte samcte crestienté. Et, entre les aultre mal que cestuy Hanry
fist, par son comendement fit descollé à tort et sans cause le benoy
samct Thomas de Cantorbie, lequelle, par ce martire, comme nous
tenons, il est au nombre des sainct. Et mourut celluy Hanry bien tost
aprez, environ le moix de juillet.
Après la mort duquelle, une espaisse de tamps, fut bonne paix et
amour entre ledit roy Philippe et Richaird, filz dudit Hanry, alors
nouviaulx roy d’Angleterre. Et, après, firent alliance les deux roy
enssamble de envoier de rechief une grosse armée par mer en Surie a
secourt des crestiens, et de y aller en leur parsonne ; et dévoient faire
merveille ensamble. Mais tout ce ne montait à rien, parce que les
Anglois ont tropt les Françoy en grand hayne, comme cy après il serait
dit.
1. Pour lors, alors.
2. La dlme.

RÉGNIER, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1184)

305

[RÉGNIER, MAITRE ÉCHEVIN DE METZ ;
FONDATION DE

l’oRDRE

DE LA TRINITÉ DE METZ]

Mil cent iiiixx et iiij ; Régnier fait màistre eschevins. — En celluy
tamps que ces chose se faisoient, c’est assavoir en l’an mil cent IIIIIX
et IIII, fut lait pour le troisiesme maistre eschevin de Mets ung notauble parsonnaige, nommés Régnier.
L’ordre de la Trinité en Mets instituée, l’an mil cent iiiixx et vif. — Et,
en ce meisme tampts, durand sa maistrie, et durant et encor vivant le
devent dit évesque Burtrand, c’est assavoir en l’an mil cent IIIIXX
et VII, fut premier fondée et miraculeusement instituées la trassacrée
et saincte religion de la benoitte Trinités. Et fut ce fait durant le
resgne du devent dit ampereur Phiedrich, et du dit roy Phelippe
Dieudonné. Laquelle ordre fut tantost après confermée par nostre
sainct perre le pappe et par toutte nostre merre Sainct Église, pour le
bien et hutillités de tous crestiens, et pour la rémission et délivrance
des pouvre captif qui sont détenus en la mains des Sarrasins.
Et cy trouve en aulcuns viez traistiet escript que, tantost après, en
fut une église avec le cloistre et couvant fondée en Metz on bourg de
Maizelle. Mais, pour la moisteur du lieu et pour les yawe qui souvant
leur faisoient de grand domaige, quant elle estoient hors de rive,
yceulz frère ce vouldrent transpourter en aultre lieu, auquel il fondirent
une nouvelle église, cellon l’escript de l’acquest qui en fut fait. Dont la
tenour c’ensuit, tout en la forme et manier qu’il est escript : .
Conue chose soit à tous ke li menistres et li frères de la maison de la
Trinitez de Mez ont acquaisteit en en et en tréfons *1 à tousjourmaix
à a Abert des Arvolz la maixon et la court que fut lou voueit de Mez,
et tous lou resaige que ciest en la roue lou voueit en Aine 2. Et de cest
acquaist est Abers bien soif et paiés. Et cest acquaist ont fait ly menis­
tres et ly frères par le crant de monsseigneur Renaît, lou conte b de
Castes 3, et par le crant de la contesse Ysabelz, sa femme, qui cest
héritaigè ne peut jamaix niant demander ne réclamer, ne aultres pour
ous. Cest escript fut fait à feste sainct Nicolas, quant ly milliaires
corroit per mil IIe et LXVI ans.

a. Mss. : et.
b. Mss * contre.
1. Sur l’expression en aine et en tréfonds, voyez Aug. Prost, Émde sur leréf™ ancien
de la Propriété : la oesture et la prise de ban à Metz, Pans, Larose, 1880 p. 36-39
2. Resage, dépendances d’une maison. — Ciest, sied, se trouve.
Roue, rue.
3. Renault, comte de Castres (Bliescastel, Sarre).

306

LA MAISON DE LA TRINITÉ DE METZ

Icy après sont mis et escripl par ordre les non de tous lé ministres qui
jamaix furent en ladicte église et couvant, depuis le tampls dès lors1
jusques ajourd’uy.

Et, premier, frères Anselz, qui fut menistres de ladicte église de
Maizelle, et régnait par mil deux cent et LVIII ans. Puis vint frères
Richaird, menistre du couvant de la maison nouvellement faicte en
Mez ; et fut celluy qui premier l’acommansait ; et régnoit par mil
deux cent et LXYI ans. Frère Jacques vint après, qui fut ministres
de ladicte maisons de Mets, et régnoit par mil deux cent et LXXIII.
Item, frères Renalz fut menistres dudit couvant de Mets ; et fist
celluy biaulcopt de biens en ladicte église ; et régnoit par mil trois cent
et deux ans. Après vint frères Jehan de Nouveroy, lequelle pareille­
ment fut ministre de ladicte maison de Metz, et régnoit par mil trois
cent et XXX ans. Frères Jehan de Novantaille vint après, et fut menis­
tres par mil trois cent et LI ans. Item, frères Pier de Sathenay fut
aussy menistres de ladite maison, et régnoit par mil trois cent et
LXXVIII ans. Puis vint frères Andreus de Groseulz, lequelle régnoit
par mil quaitre cent et VII ans. Frères Jofïroy Kaloquait vint après et
fist plusieurs biens, entre lesquelles il fist salmés 2 ladicte église de
léans, et fist faire le cloistre. Et, quand il oit ce fait, et qu’il estoit sus
ces viés jour, il renonsait en la main de frères Jehan Aubry de Ghâlons. Et régnoit celluy Jofïroy par mil quaitre cent et IX, en jusques
que Iy milliaire courroit par mil quaitre cent et XXIII ans.
Et celluy frère Jehan Aubry, qui estoit ministre, corne dit est,
renoncist après en la main du général et grant menistres, lequelle en
son tamps fut à la Rédempcion avec le menistres de Lamarches, et avec
le menistres de Raines en Berthainne ; et fut bien l’espesse de XII ans
menistres de celluy couvant de Mets. Et, depuis, le fut à Ghâlons, et
puis à Douay en Picardie ; et régnoit par mil quaitre cent et XLV ans,
Puis, après, est advenus que, en l’an mil quaitre cent LXIII, fut et
ait estés édiffiées l’hospital de ladicte maison. Et la fist faire ung
notauble marchamps, appellés Jehan de Mets, lequelle avoit demourés
grant temps en Quastellonne 3 et à Berselonne. Et estoit cellui Jehan
marchant d’espisse et de plusieurs aultres danrées ; et estoit prevandiés 4 de Sainct Arnolz. Lequel hospitalz coustait à faire environ
cincq cent corronne d’or.
Après ce fait, en l’an mil quaitre cent LXXVII, premier jour d’apvril,
qu’estoit alors le jour du Quasimodo, a temps que Sixte, pappe, VIe
de ce nom, et George, évesques de Metz, régnoient, fut consacrée et
bénitte ladicte église de la Trinités de Mets par ung révérand prélas,
alors suffragant d’icelluy seigneur George, évesque de Mets. Parquoy
à tousjour ce doit célébrer la feste de la dédicasse d’icelle église le jour
1. D’alors.
2. Sommer, achever ? L’église était plafonnée, elle ne sera voûtée que plus tard
(voyez p. 307 et n. 1).
3. Catalogne.
4. Prébendier.

PHILIPPE-AUGUSTE PART POUR LA CROISADE (1190)

307

du Quasimodo. Tesmoing frère Simon de Valz et ces compaignons.
Item, après celluy général, ledit frères Simon de Vaulz fut fait et
créés menistre de ladicte église, et le fut par l’espasse de XXXVI ans.
Et fut bon religieulx, et, en son tamps, fist biaulcopt de biens, tant en
l’église comme à l’ostel ; et fut bien l’espasses de XIX ans mallades
des jambes, et avoit ung coadjuteur, nommés frères Jehan Perrin,
lequelle lui succédait après. Et morut ledit frères Simon le dairien
jour du moys de may, qu’estoit le dimanche après l’Ascencion, l’an
mil quatre cent quaitre ving et XV ans.
Après celluy vint ledit frères Jehan Perrin deventdit, lequelle, comme
dit est, fut fait menistre de ladicte église. Et oit l’obédiance des frères
de léans le XVIIe jour du mois de juing, en l’an mil quaitre cent
quaitre vingt et quinze ans.
Et, ainssy, avés oy cornent ladicte église de la Trinités fut premier
faictes et fondée on bourg de Maizelle. Et puis fut et ait estés de nouviaulx fondées et réédifiées dedans les murs du circuitte de la cité de
Mets, en la rue où elle est encor à présant, que nous disons la rue des
Clerc. Laquelle église ainssy faictes et sallemées 1 par dessus, comme
cy devent nous avons dit, fut et demourait en cest estât jusques a
tamps présans, qui est l’an mil Ve et XX. Ausquelles tamps print
dévocion à ung notauble chevalier de la cité, nommés seigneurs Andrieu de Rineck, seigneur de Laiduchamps, de faire voulter icelle église,
comme il fist. Et fut cest ouvraige fait et achevis ledit ans Ve et XX,
par les denier dudit seigneur. Dieu luy veulle mérités ! Amen.
Cy lairons à parler d’icelle église de la Trinités, et retournerons à
nostre mastier acomencée.

[PHILIPPE-AUGUSTE, ROI DE FRANCE]

Par cy devent je vous ait monstrés, et avés oy cornent en ce tamps
furent faictes bonne paix et alliance entre le deventdit roy Phelippe
de France et le jonne roy Richair d’Angleterre. Et ce promirent les
prince devent dit de aller en parsonne au païs de Surie avec grosse
armée au secourt de la crestientés.
Mil cent iiiixx et ix / le roi Philippe aux paiisde Surie. Et tellement
que, en l’an de graice mil cent IIIIXX et IX, environ la sainct Jehan,
furent mise les navière dessus la mer. Et montait le roy Philippe à la
cité de Genne en Lumbardie, et le roy Richairt à Maircelle en Provence.
Et furent lez navière par fortune de tamps despertie dessus la mer.
Toutefïois, à la fin, ce rassamblairent à Acon 2, ville sarrasine et devent
laquelle estoient plusieur crestiens tenant sciège.
Mais la saincte cité de Jhérusalem estoit desjay prinse, comme dit
1. Sommée, achevée (voyez p. 306 et n. 1) ?
2. Saint-Jean-d’Acre (Acco).

308 GUERRES ENTRE PHILIPPE-AUGUSTE ET RICHARD CŒUR DE LION (1193-1199)

est, par cellui Turc, nommés Salhadin. Lequel, combien qu’il fut
paiens, estoit ung très vaillant prince, et très misérïcordieulx pour ung
Sarrasins. Car, à celle prinse, il fist très grand miséricorde a pouvre
crestiens captif, auquelle il fist plus de graice que ne ce font ajouid’ui
les crestiens les ung aux aultres.
Lâchetés du roi d’Angleterre. — Mais, pour revenir a prepos, vous
oyrés la trayson du roy Richair. Car, quant ce vint à donner Tassault,
jamais n’y oit Angloys qui c’en voulcit aprouchier, car ilhaissent tant
la nacion françoise que il ayment mieulx lez Sarrasins qu’il ne font
lesdit Fransois. Et, pour ce, aprez que le roy oit obtenus victoire de la
ville et qu’il ce fusse randus du tout à son plaisir, voyant que du roy
angloys journellement alloient et venoient messaigier à Salhadin, et ce
envoioient présant les ung aus aultre, il oit dès lors en avant le roy
Richairt pour suspect.
Le roi Phelippe se retire aux paii[s].— Parquoy haitivement fist pré­
parer son navière, et, aprez ce qu’il oit commis et establis Odo, duc de
Bourguogne, en son lieu chief de l’armée, monta sur mer et vint ariver
en Pouille ; puis de là c’en vint à Romme. Et fut du tamps que le pappe
Célestin, troisiesme de ce nom, administroit le sainct sciège apostolicque.
vj mil Turcqz décapité. — Et, après le despartement dudit Philippe,
le roy Richair, voiant que les Turc Sarrasins ne voulloient tenir l’apoinctement fais aus crestiens, il en fist tirer VI mil hors de la ville, lesquelle
par son comandement furent tout descapités et occis.
Plus de iiiixx juif pendus et brûlés. — Item, après ce que le roy Phi­
lippe fut en France retournés, trouvait et luy fut apourtée nouvelle
cornent, a chasteau de Bray, les Juifz estant audit lieu avoient prias
ung crestiens, disant qu’il estoit lairons et homicide, et, pour ce,
l’avoie couronné d’ung chapeau d’espines, puis fut batus et flagellé
cruellement, et en cest estât menés par la ville, et finalement le firent
morir en croix. Parquoy, quant le roy en sceust les nouvelles, subite­
ment ce tirait audit lieu, et, en vengence de ce crime, fist pandre et
brusler plus de IIIIXX juifz.
Tous jengleurs, flateurs, bateleurs déchassés. — Aussy, en celluy
meisme temps, ledit roy Philippe fist condampner et débouter tous
jengleurs, flatteurs, battelleurs, et touttes telle manier de gens, les­
quelles soudoient avoir les grant dons des grant seigneurs. Car il luy
sambloit que à yceulx il estoient très mal amployés, par quoy il amait
mieulx à les donner a pouvre pour l’amour de Dieu.
Guerre entre le roi de France et d’Angleterre. — Depuis ce fait, vindrent nouvelle audit roy comment le deventdit Richair, roy d’Angle­
terre, avoit envoyés ung infidelle d’Arabye en France, nommez Bartasin, pour le tuer. Parquoy, craindant de sa parsonne, fist mestre
bonne gairde atour de luy. Et, à celle ocasion, ledit roy print et assaillit
plusieur châtiaulx et bonne ville aparthenant audit Richairt. Parquoy,
de ces jour en avant, il heurent plusieurs diverse guerre ensamble, ne
jamais n’oirent parfaicte paix, néantmoins que par plusieur fois

HOUUON GOL, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1193)

309

olrent treuve et acord ensamble ; que guerre 1 ne duroient, car tousjour
relluv Ricbairt racomensoit. Et tellement que pape Innocent, troisiesme de ce nom, lequelle en ce tamps tenoit le samct sciege apostolicque, amateur de paix, à yceulx roys envoya Pierre, cardma , de
Capoue. Lequel, non ayant espérance de paix, à pâme peut entre eu x
accorder cincq ans de trêves.
Le roi Richair tué. - Mais, peu de tamps après, celluy Richair
rompit les trièves, et, en asségeant le chasteau de Limoge, fut occis
d’ung coup de traict qui fut rué d’aventure ; et amcy fina ces jours.
Plussieurs édifice ordonnée par le roi de France. — Celluy roy Philippe
fiat en son tamps plusieurs chose digne de mémoire. Entre.lesquelles
il fiat ragrandir la cité de Paris, et fist faire les neuve muraille comme
on les voit à présant.
Item, en ce tamps furent ambaixadeur envoiés en France de part
ledit Fiedeûch, ampereur, pour avoir amitié audit roy Phi 'PP®Et fut la journée mise à Waulcoulour emprès le païs de Lorainne. Et
illec fut faicte perpétuelle alliance entre les deux prince.
Mil cent iiijxx et x; plussieur prince morurenl en celle annee. — Mais
ne demeurait guerre après que ledit ampereur Fiedench, duquelle
je vous ait plusieurs fois parlés, mourut et trespassait de cest vie en
l’aultre. Après lequelle thint l’ampire sept ans Henry VIe.
Et, tantost après, en l’an mil cent IIII- et X, morurent en Aicre
le conte de Flandre, le conte Thiébault et le sénéchal de France. Et,
pour ce que le conte de Flandres n’avoit point de hoirs de son corps la
contey escheut à Baudouuin, son nepveulx, filz du conte de Hénaulx ,
lequel Baudouuin fuit depuis empereur de Constantmoble. .
Ville destruicle par la fouldre. - Et, en celluy tamps, avindrent e
grant merveille parmei le monde : car maintes villes aroirent de la
fouldre du ciel ; et principallement la cité de Chastre, avec 1 église,
fuit toucte arse et mise en sandre.
Homwn Golz fui maislre eschevins, par mil cent iiii** «**«/•- Et’
icellui tamps, fut maistre eschevin de Mets Houuons Golz lequelle
acomensait sa maistrie per mil cent IIII- et XIII, et le fuit trois ans.
Cent iiii™ el xvj. - Et puis, après, en l’an mil cent IIIIXX et XVI,
fut maistre eschevin de Metz Simon Belgrée, et le fuit IIII ans ,
durait sa maistrie jusques en l’an mil et IIeL’atour des amans de Mets ordonnée, l’an mil cent iiii'•* el xvi].- Et,
durant celluy tampts que ces chose ce faisoient, e_ vivait e
deventdit évesque Burtrand, c’est assavoir en l’an mil cent ü
XVII, fut fait et ordonnés l’atours des proudon que nous i
appelions les amans de Mets. Laquelle institucion fut faicte p
biens, prouffit et hutillités de toutte la cité, et avec ce confer
1. Guère.

310

l’atour des AMANS DE METZ

(1197)

Philippe, roy des Romains, em la forme et manier comme la teneur <
c ensuit.

[CRÉATION DES « AMANS » DE METZ 1]

En nom de la Saincte Trinités, amen. Burtrand, par la graice de
Dieu évesques de Mets, à tous ces filz en Dieu et feables citains de Metz
à tousjourmaix fais assavoir que, comme il soit ainsy que ly peuples
de touctes gens crestienne ne se peult plus avoir 2 *par
* dévocion, ce le
cuer des siècle et d’estre paisiblement et selon l’ordre du siècle’ est à
adressier paisiblement ; et comme il aparthient à nous et à nostre
offices aimablement sur ledit peuple de Metz de mestre en paix et
d adressier, pour la raison de la cure que nous en avons ressus, et
d abaxier les noixe, et occasion de comptant 3 et de tous domaiges que
advenir peuvent debvons oster ; comme les citains de Mets aulcune
costume aient eheu soventteffois en leur jugement et receut pour
droit comme 4 néant proffitables, pour laquelle chose justices en ait
mamtefïois defïaillis et en ait estés à laixier 5, toutes voyes, en la fin,
nous voulions et entendons lesdit citains pourveoir 6 user et de meilleur
droict. Et, pour veoir yceulx volluntier en cestuit cas, pour le bien
comun et proffit de plusieur avenir 7, et pour la plus grant seuretey
que nous en 8 avons veu en ceste choses, de nostre actorités première­
ment, de toutte la clergie, et par le conseille de nostre peuple de la cité
de Mets, et pour l’amour d’eulx, et par leur consentement et leur
auctorités, lesdits citains on esleu une voye amiables et profitables
pour leur besongne mestre à fin, et pour ceulx qui vanront après eulx
ont estably ung statu à garder à tousjour maix par comun accord.
En telz manière que ung tesmoignayges feables par touttes la cité
cource et ait vigour ; et que ly constrat et lymerschief et ly convenance
que faicte seront par la cité soient mise en escript, pour avoir juste
mémoire de ceulx 8 qui les feront. Et, pour oster d’or en avant tous
taulz blasme que polrient advenir sur ceulx, et pour lesdit escript
garder, en chacune églises parochialles serait une airche, en laquelle
a. M : teneneur.
Pt MonüVn aman?’ V°ye,Z Prost> Les Institutions judiciaires dans la cité de Metz, Paris
PreuTesf t nSp m
’ 1893' P' 13? ^ ^ “ Le teXte qui Suit a été P“blié ™e,
2• Se pueent plus avoir par dévotion, se li cuer dou siècle paixiblemenl et selon l’ordre

mTtPripl est aidrecles- — Le Peuple conquiert plus de mérites spirituels quand sa vie
materielle (le cours du siècle) est organisée suivant des lois équitables.
S. ljnn.tp.nt
o
1
Content, rmorol
querelle.
Droit commun.
Abaixiée.
Pourvoir d'uzeir de millour droit.
Et advenir.
En est à supprimer.
Qui les feront est à supprimer. — Ceux représente les contrats, marchés et conve-

n an ces.

PHILIPPE, EMPEREUR, CONFIRME LA CRÉATION DES AMANS DE METZ

311

deux serre seront et deux clefz. Lesquelle deux cleifz, deux preudhomme
seront esleu en la paroiche, de bonne renommées, qui les warderont
fiablement, c’est à entendre chacun une d’icelle cleif. Et, cil estoit
ainsv que distance * fuit entre aulcune parsonne, choses fermes et
estauble seroit et crentés 2 ce que seroit trouvez en escript mys en une
des airche dessusdictes. Et, c’il estoit encor ainsy que aulcun, par sa
follie volcist aller contre l’escript mys en l’une des airche desordictes,
et par son malice, ne volcist croire lesdit escript, ceu que parles
wàrdes 3 desdictes airche seroit tesmoingniés, on doit celluy ou ce“e.
rendre sa chose selon la teneur dudit escript, sans nulz champs de bai^ Et'est encor assavoir que, se nulz faisoient nulz merchief ne nulle
convenances, se par escript non mys en airche, cil à cuy on demanderoit
seroit creu par son simple sairment, sans nulz champt de bataille,
se il le dobvoient 5.
,
,
, „
Et que ces choses soient ferme et estauble, avons ces présentes
lestrés guernis de nostre seelz des 6 tesmognaiges cy desoubz escript,
sur la destroitte malédiction d’excomuniement. Et defïendons qu îlz
ne soit nulz, par sa légierté on par aultres malices, qui ostes cestuy
statu, ne ne doie casser ne brixer ne encontre aller ; et que qmconcques
assaieroit ou volroit aller encontre ces chose, trespasser ledit statu,
et il tost ne s’en repent et dignement, il doit sçavoir qu il doit souffrir
jugement de mort, et par sentence doit estre jugiés à mort.
Et furent tesmoignages à ce appellés Houvet, princier Gérard,
doyen, Burtal, serchier de l’Église de Metz; Franc, de Samct Vincent,
Richair », de Sainct Amoult, Richair, de Samct Siphorien, et Werri ,
de Sainct Clément, abbés ; Reaulz, wivandiez, Simon, boutilliez,
Pierre Malvexin et Hue, ces frères, et Ranbaulx, de Vomenne , che­
valier; Reugnier, ly maistre escheving, et ly aultre eschevm de Metz
Hues, de Porsaillis, Hues, de Portemuzelle et Géraird, d Oultremuzelle, maire, et aultre plussieurs. Donnée à Mets par la main
lame, nostre chancellier, l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur mil cent
IIÏRx et XVII.
Phelippe 10, rois des Romains, ait consantés « à ces fiables, les citams
de Mets, sa graice et tous bien. Pour oster les grief de vous et de vous
1. Discence [dissense, dissension).
2. Crue. — On peut lire aussi, dans Philippe : creutes.

i

1 p"

SfrxSïs... ,•*«« 11. **«*. ■ » ** >•”'
fiS

i“,i“

«t »».»»*•. « ««“p« i'

prêter le serment demandé.
6. Et des tesmoignaiges...
7. Et trespasseir.
8. Wichairs.
9. Nomeney.
10. HMe, t. III, Preuves, p. 166.
11. Rois des Romains, et aicroissant, ai ces fiables...

312

L’ORDONNANCE DES AMANS DE METZ

successeurs dez uz contre droit escript et que de costume longtainnes
vous soulliez avoir en vous plait et en vous causes, de la louuenges a et
du consentement nostre amés et fiables prince Burtrand, vénérables
évesque et vostre seigneur, et à cuy, don conseille dé parsonne de l’Église
de Mets, des abbés, de * la clergie, par bonne entencion, avons estaublis
ensi comme tesmoing 2* 1feables, corsent dès en avant par la cités, à la
digne péticion dudit évesques, avons octroyez que, ensi comme il est
contenus en son ententiques, d’actorités royalle le confermons. Et
fermement defïendons et estroictement que nulle parsonne, ecclésiasticque ou séculier, en nulle manier contre celle confirmacion veullent
aller.
Donnéez à Vermaixe, la Ve kalende de jullet, l’an de Pincarnacion
Nostre Seigneur mil cent IIIIxx et XIX, on premières ans de nostre
royaulmes.
L ordonnance des amants de Mets, laquelle par le consentement de tout
les cilains d icelle cité il firent et ordonnairent, touchant l’office de leur
amandellerie 3.4

A tous ceaulx que cest escript verront et orront, qui 4 pour le bien
et la paix et l’honneur de l’éveschiés de Mets et de touctes gens qui ne
sont menans, et aussy de ceulx qui sont menans, nous, ly amant de la
cité de Mets, avons fait et escordés par comung accord, que nulz ne
peult ne ne doit panre nul crant de nulle parsonne qui soit en prison,
ne que ne soit déprisonnez de son corps. Et, se ly amant qui le crant
pranroit estoit en doubte qu’i ne fuit délivrez 5 de son corps, il ly doit
demander par son sairment c’il est delivres ; et, s’y le cognoist qu’i soit
delivres, panre le peult.
Nulz ne doit prenre crant de personnes, c’il n’est en bon sens et en
bonne mémoire.
C il advenoit que aulcun de nous compaignon fuissent mander devent
aulcune parsonne déhaittier 6 pour faire sa devise, ly déhaittier doit
devizer sa devise et dire à l’amant sa vollunteit. Et, se il ne la peult
devizer et il dist à Pâment : « Prenez telz devises comme celle parsonne
vous dirait ; je le crante bien », nulz ne la doit panre. Mais, se deviser
ne se peult, pour ceu qu’il soit agravés et oppressé * de malladie, bien
ly peult on escripre sa devises devant luy, par ainsy qu’il le cranteroit ;
et, quand elle est escripte, on la doit lire devant luy. Et ly amant doit
M : lowege.
à. M : a preser.
1. Et de.
2. Tesmoignaige.
3. Cette ordonnance a été publiée (très mal) par Dom Calmet (HLo2, t. III, col.
ccxxxv, en tête du volume, à la fin de la Dissertation sur l’ancienne jurisprudence de
Lorraine). Le texte de dom Calmet est plus étendu que celui de Philippe
4. Supprimer qui.
5. Delivre, libre.
6. Deshaitiée, malade.
cl.

L’ORDONNANCE DES AMANS DE METZ

313

scavoir c’il est en bon sens et en sa bonne mémoire ; c’il y est, et il
cranteit la veult, prenre la doit, en tel manier c’on la doit lire par devent
deux prouldhomme qui en soient espondour et telz gens qui ne soient
de l’hostel, ne enfïans de la parsonne que la devise feroit.
Nulz ne doit panre crant de nulle parsonne pour estre mambour de
nulle devise, se ly amant ne ly leit ou fait lire la devises de chiefz en
chief.
Nulz ne doit panre crant, à son povoir, de parsonne qui est en mainburnie, c’il le sceit, c’il n’est fait par tesmoingnaige d’amys 2 ou par le
crant de ces mainbour.
Nulz ne doit panre crant de debtes ne d’aultre chose ou il y ait nulz
sy 3 ne nulle remenbrances, c’il ne fait de la remenbrances ung escript
que dient : « Cognue chose soit à tous. »
Nulz né doit monstrer à parsonne escript de debtes qu il ait en son
aircbe, se ly parsonne ne ly dist en aicque 51 6la
2 *somme
*
d’argent et que la
debte doit.
.
. . ,
Nulz ne doit rendre escript de nulz waigier dont on soit saixis et
tenant de l’éritaige c’on ait mis en waige, se per droit non.
Nulz ne doit ester devises d’airche, cy tost comme ly parsonnes est
mors que fait l’ait.
, . ,
Nulz ne doit oster escript d’acquaist ne d’acquittance feur d airche,
se par droit non. Et 6 ly droit, cil est tel que ly maistre eschevm de
Mets le doit dire pour droit par luy et par ces peires, luyseptiesme des
eschevins du moin à la celle.
Nulz ne doit lire ne faire lire escript a plait a chandoille.
Nulz ne doit faire lire escript a plait par aultruy que par amant.
Nulz ne doit panre escript de parsonne dont ly somme d’argent soi
juée au deiz ne à nulle aultre manier de jeus, c il le sceit.
Nulz ne doit panre escript ne lestres sceelléez qui parollent d abbés
et de couvent, c’il n’en vait panre le crant au covent en l’abbayee dont
il seraient ; et se doient faire sonner chapistre et parler a chacun qui
vanroient en chapistre ; c’il tuyt le crante, faire le peu t , e , c y
y
avoit ung ou deux qui ne le volcissent mie cranter, il ne la doit mye
mestre en l’airche.
Nulz ne doit monner parsonnes en son airche, c il n est amant, ne
ces escript quérir.
,
,
Nulz ne doit panre crant à homme qui ne saichent ramant, se y
amant ne sceit allemans, qu’il entense 7 celluy de cuy il piant e cra
1. Espondeor semble signifier ici : répondant, garant, témoin.
2, Dom Calmet : amant.
t U. I undrlT^ript, - Il semble que l’aman soit obligé ici à établir toujours un
"t %ZT?~ Si la personne ne dit à l’amant à peu près la somme d’argent et le
nom du créancier (ce qui prouve qu’elle est au courant de 1 al aire ).
6. Et le droit, il est tel que... Seul le maître-échevin, jugeant à la salle, avec ses
pairs, peut donner acquit ou acquittant.
7. De sorte qu’il comprenne son client.

314

L’ORDONNANCE DES AMANS DE METZ

Et, c’il y avoit amant que ne sceust allemans, et il volloit panre le
crant à homme qui ne sceust point de roment, ly amant peult panre
ung de ces compaignons amant que saiche allemant, et il luy doit faire
deviser le crant qu’il veult faire, et ly amant qui ne sceit allemant,
que le crant doit panre, le peult bien panre en la manier que ly amant
que allemant sçaveroit le ramente à ceulx que ly Allemans de cuy il
panroit lou crant crantereit i.
Nulz ne doit faire escripre clerc escript d’airche en taubles que ly
clerc porcent *2, ce dont n’est traynent ly amant de ces taubles ; ne ne
doit nulz faire escripre nulz escript en la plesse devant le Moustiet, ne
on baixe pallais.
Nulz ne doit panre nulz crant dedens 2 4c’on faicent de debtes c’on
dosent à aultruy, ne de paiement c’on faicent de la debtes, ne de nul
raichet c’on faicent, ce se n’est ly amant qui ait l’escript de la debtes
ou l’escript du principal de ceu c’on raicheteroit, ou se don 4 ne faixoit
ly parsonnes dons de touctes ces debtes en général ou ne prenoit
paiement de toutte ces debtes en général ; et, se ly compans 5 6prenoit
le crant, il le doit au plus tost qu’il peult donner à son compaignon
qui ait l’escript de la debtes, pour couldre l’escript du paiement ou don
dont ou du raichet à l’escript de la debtes ou l’escript du principalz de
ceu c’on raicheteroit.
Nulz ne doit rendre escript de dont ne de paiement c’on ait fait, se
dont ne rendoit l’escript de la debte avec.
Nulz ne doit demander ne faire demander, ne panre nulle manières
de dons, de rendre ne de monster 6 escript ne de pourter escript au
plait devent le Moustiet ne devent le maiour.
Nulle ne doit mestre nulle parsonne en cire ne en parchamin, c’il
n’est au lieu présent pour faire le crant.
Et touttes ces choses desoure deviséez avons nous tuictz cranteit à
tenir et à wairder en bonne fois et loiaulmens, sen malengiens ; et, que
aultrement le feroit, il ne sauveroit mye bien son sairment.
Encor avons nous tuictz loyaulment accordés que, quiconque des
amant seroit maistre eschevin et eschevin d’or en avant, il doit X livrez
de messins ? au compaignons ; et, c’il y escheoit point d’eschevi-

, ^aman qui ne sait pas l’allemand peut prendre la devise d’un Allemand qui
ignore le français, par l’intermédiaire d’un autre aman qui sache les deux langues.
2 Dom Calmet : prourey (?), se donc n’entraident (?) ly amant de ces tables. — Il
semble que ce texte, très altéré, interdise de faire établir des actes par les clercs en
1 absence de l’amant.
3. Id. : de don. Il s’agit évidemment de remise de dettes.
4. A moins que.
o. Compagnon (cas sujet). ■ Un aman peut prendre un don de toutes les dettes d’une
personne en général, même s’il n’a pas les obligations de toutes ces dettes en son arche ;
mais il doit le transmettre aussitôt à ceux de ses collègues qui ont les obligations.
6. Dom Calmet : monstrer. — Je comprends : l’aman ne doit rendre ou montrer ses
actes que par droit, non par faveur ou pour de l’argent.
1. L’aman nommé échevin ou maître-échevin doit à ses collègues dix livres de
« bienvenue ». Mais quand le maître-échevin reçoit un échevinage, il n’est pas tenu
de payer une seconde fois.

CONRARD, SOIXANTIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1213-1224)

315

gnaige « pour luy, il n’en debveroit nyant, poui ce qu’il les averoit
paiés pour le maistre eschevingnaige.
Et, quant ung homme devient nouvel amant, ces compaignons luy
doient faire lire cest accord et ly doient faire jurer sus sainct*1 2de le
faire et don maintenir ensi comme cy est devis, ainsoy qu’il ly donnent
lez clefz ; et se l’en doit donner ung transcript. Et se doit faire xeuretey
de donner les compaignons à mangier, de trois mès au moin, et à boire
bon vin, ou paier X livrez de messins pour son peste - ; et sy doit
donner au verlet sa robe.

[SUITE DES MAITRES ÉCHEVINS DE METZ, ETC.]

Mil et ijc ■ — Or vous ait essés amplement desclairés plusieurs belle
institucion et ordonnance touchant les office de la cité. Rest mainte­
nant que je retourne à ma mastier acomencée et que je vous desclaire
cornent en celluy tamps, que courroit le milliaire par mil et deux cent,
fut fait maistre eschevin de Mets ung noctauble signeur, nommés
sire Nicolle Corbel ; et le fut trois ans.
Et, en cellui temps et pour la meisme année, le conte de Flandre
c’en allait en Jhérusalem.
Ceulx de Normendie se rende François. — Et, tantost après, c est
assavoir en l’an mil deux cent et deux, ceulx de la cité de Rouan, et
pareillement de tout le pais de Normendie, considérant que nulz
secour n’avoient du roy d’Angleterre, et que les François les tenoient
asségiez, se rendirent au roy de France, lequelle les thint loing tamps
aprez paisiblement.
.
Conrard, lxe évesques de Mets, thint le sciège xij ans. — Item, je
trouve que, en celle meisme année mil deux cent et deux, mourut le
révérand perre en Dieu l’évesque Burtrand. Après lequelle fut elleus
ung scientificque prélas, nommés seigneur Conrard, lequelle fut nacionés d’Allemaigne. Et fut celluy fait et créés pour le LXe évesque de
Mets. Celluy fut de noble lignié extrais, et, entre tous les princes de
tout le pays, c’estoit le plus hault de cens et de corps ; ne en tout 1 em­
pire ne sceust on trouver ung homme plus bel ne plus saige qu’il estoit.
Et, par sa sapience, il avoit premier esté évesque de Spire et chancellier
du Sainct Ampire. Il amoit souverainement Saincte Eglise.
Cellui noble évesque donnait à la Grant Église de Mets plusieurs
biens, c’est assavoir les parement3, aornement et vestement que
alors estoient à Sainct Estenne, au moin la plus grant partie. Il édifflait
le chastel de Vy et fermait la ville de tours et de fossés ; car par devant
a.
1.
2.
3.

E : point de l’eschevignaige.
Dom Calmet : sur sainct Évangile.
Past, repas de cérémonie, banquet.
Ce qui sert à parer.

316

l’ordre des frères prêcheurs

ÉTABLI A METZ

1207)

(

n’estoit fermée que de pouvre et de petitte fermetté. Et, combien que
lez besongnes de l’empire l’occupaissent fort, et tant qu’il ne pouvoit
souffisamment visiter son païs, touctevoye la grant renommée et le
grant nom de sa prudence le faisoit tant priser et doubter que nulz
n’osoit entreprendre son maltalant *, fut présent on païs ou non 2. Et
fut sa terre durant sa vie sy en paix que oncque homme ne luy meffît.
Mais il ne vesquit pas longuement, dont ce fut domaige ; car il desviat
de ce sciècle en l’an XIIe de sonéveschié. Et fut ensevely on cuer de
1 église d Esperence ou de Spire, que soulloit estre anciennement
appellée Nimaye.
Mais de luy nous lairons le pairler et retournerons à aultre mastier.
Durant le resgne du deventdit évesque Conraird furent plusieurs
maistre eschevin et plusieurs aultres chose faicte, tant en Mets comme
dehors, desquelles nous parlerons aulcunement et tout en brief, pour
éviter prolixcité.
Mil ii» et trois; Fristorf abatue. — Et premier, quant le milliair
courroit par mil deux cent et trois, fut fait et créés maistre eschevin
d’icelle cité ung noble homme, nommés Aubert Piedz Deschault, et le
fuit ung ans. Et en celle année fut Fristorf abatue.
Mil üo et iiij. — Puis, en l’an mil deux cent et quaitre, fut maistre
eschevin de Mets Guercier Brixepain. En laquelle année fut prinse la
cité de Constantinoble.
Mil if et v; Otto empereur. — L’an après, deux cent et cincq, fut
maistre eschevin de Metz Rou Rollier, de Portemuselle ; et le fut
celluy deux ans. Et fut en celle année que le roy Philippe conquist
le païs de Normendie, que c’estoit de rechief rebellé. Et, en ce tamps,
mourut l’empereur Hanry, après lequel fut corronné empereur Otho,
par pappe Innocent.
L’an mil ijc et vij. — Et, en l’an mil deux cent et VII, fut maistre
eschevin de Metz Nemmery, le filz damme Dorrée.
L'ordre des Frères Prescheurs eslablie. — Pareillement, en ce meisme
temps, c’est assavoir l’an mil deux cent et VII, l’ordre des Frères
Proicheurs fut encommanciée ; et l’estaublist le glorieulx sainct
Dominicque, du temps a du devent dit Otho l’empereur, 1111e ; et fut
le premier qui la constitua ; et puis, IX ans après, la feist confermer
par pappe Honorés, qui fut successeur de pappe Innocens devantdit.
Et fut ceu fait l’an de grâce Nostre Seigneur mil IIe et XVI, du pre­
mier ans de sa papalité. Puis, en l’an mil deux cent et XV, ung notauble
seigneur de Mets, nommés signeurs Régnier Thiéguiengne, duquelle
nous parlerons ycy après, fut le premier qui fist édiffier yeelle église
des Grand Prescheur en Mets, et y mist la plus pairt de sa chevance.
a. M : teps.
1. Colère, ressentiment.
2. Qu’il fût ou non présent à Metz.

LES CORDELIERS ÉTABLIS A METZ

317

Mil if et viij ; Otto déposés, et Phiedrich elleus empereur. — Item, l’an
mil deux cent et VIII, fut maistre eschevin de Mets Hugues de la
Court, et le fut deux ans. Et en celluy tampts fut dépousés Otho
l’ampereur ; et en son lieu fut elleus pour ampereur Fiedrich par les
princes d’Allemaigne, et régnait XXII ans.
Ung prescheurs se révoque. — Aussy, en celle meisme année, y oit
à Paris ung grand clerc, nommé Amaulry de Chartres, homme très
instruict és lestre ; et, comme il eust acquis grant renommée de doc­
trine, publicquement prescha et enseigna que tous crestiens estoient
les membres du corps de Jhésu Crist, et que, quant Jhésu Crist souffroit des Juifz, pareillement avec luy souffrirent les crestiens douleur
et affliction reaulement et de faict. Mais, comme il ne peult soubtenir
et defîandre son erreur, il en fut condamné, et lui fut force de affermer
contraire oppinion ; parquoy bien tost après mourut de honte et de
vergonne. Et, depuis, fut son corps déterré, ars et brullé.
Aultres erreurs furent en cellui tamps, desquelles on fist cruelle
justice, voir de ceulx qui les soubtenoient.
Sainct Françoi florissoit. — En cellui meisme temps, le glorieulx
confesseur et amis de Dieu mon signeur sainct Françoi florissoit et
acomensoit à estre en bruit. Et estaublit la très sacrée ordre des Frère
Mineurs, car il régnoit en ce tamps ; et fist confermer celle saincte
ordre par le deventdit pappe Innocens, auquelle il demandait congiet
de preschier pénitence, comme il fist.
La fondateresse des frère Cordelier en Mets. — Tellement que le bruit
de la sainctetés de sa vie et la multitude des miraicle que journellement
le Créateur monstroit à la requeste de son serviteur fut apandus parmi
le monde, et que en brief jour la renommée en vint en la cité de Mets.
En laquelle, peu a de tamps après, en fut en ycelle cité fondés ung
couvant, tout a plus près des muraille de la vielle cité, au lieu c on dit
maintenant « Sur le mur » ; et fist faire et fonder cellui couvant une
bonne damme nommée damme Odille Bellegrée, laquelle y despandit
et amonait*1 tout le sien, et en fut pouvre devent ces jour2. Et est cest
damme antairée et mise dessoubz la lame dedans le cloistre, essés près
de Fuis par où l’on entre en la dicte église. Je prie à Dieu qu il ait
son âme.
Item, ce fut fait et eschevis X ans après la mort le glorieulx amis de
Dieu sainct Françoi. Et, à celle meisme année, l’on y thint ung cha­
pitre, auquel furent plusieurs sainctes et scientificque parsonne et
pareillement saint Bonadventure y thint chaipistre. Et trouve l’on
léans encor aujourd’hui aulcune vieylle épithafîe qui y sont dès 1 an
mil deux cent et LVII.
Cy vous souffize quant à présant de ceu que j’en ait dit, cai à au re
matier me couvient retourner.
a. Mss. : en peu de tamps.
1. Aumôna, donna en aumône.
2, Devens, dans : tout le reste de sa vie,

318

DON DU DUC THIÉBAUT A L’HOPITAL DE METZ

(1213)

Mil ijc et x; le duc Ferrei en Lorainne. — Item, l’an mil deux cent
et dix, fut maistre eschevin de Metz Poince, le filz Henry de Porsailli
Et en ycelluy tamps régnoit et possédoit le pais de Loraine le duc
Ferrei.
Mil ijc et xj. — Et, l’année après, qui fut l’an mil deux cent et XI,
fut maistre eschevin Goubert de la Poterne.
Les Albigeois déconfis. — Et, en celluy tamps, furent des Françoys
plusieurs bataille faicte encontre une nacion de gens héréticques,
nommé Albegeoys, esquelles baitaille y oit de grant occision, tant
d’ung cousté que d’aultre. Et fut ce fait du tamps des deventdit sainct
Dominicque et sainct Françoi. Et, en ces baitaille, y fut tués le roy
d’Arragon, qui soubtenoit leur arreur ; et avec luy moururent XVIII
mil homme dez annemis.
Eawe hors de ryve. — Et, en cellui meisme tamps, furent les yaue
cy très hors de ryve qu’elle firent du domaige biaulcopt ; entre les­
quelles elle abatirent le petit pon de Paris.
Grosse bataille entre le roi Phelippe et l’empereur Otto. — Pareillement
durant ce tamps, y oit entre ledit roy Philippe et le devent dit Otho,
empereur, de grandes et merveilleuse baitaille, esquelle y oit tant de
sancqz humains respandus qu’il n’est à croire ny à dire. Et, à la fin, fut
ledit Otho desconfis, et la plus part de ces gens prins ou tués. Et, ce
fait, il c’en fuyt au pais de Puille, là où il fut excomuniet. Et fut ce fait
en l’an de graice mil IIe et XI.
Mil ijc et xij. — Item, en l’an après, mil deux cent et XII, fut maistre
eschevin de Mets Gaircier Noxe, et le fut trois ans.
Saint Mertin en Curtis donnés à l'Ospitalz, l’an mil ijc et xiij, qui
estoit l’année que sire Garsirins estoit maistre eschevin. — Durant les­
quelles, c’est assavoir en sa premier année, Ferrei, alors duc de Loraine,
on autrement dit Fiedrich, donnait et résignait à vénérable seigneur
Conrard, évesque de Metz et de Spire, et chancellier du Sainct Empire,
le droit de paltronnaige de l’esglise de Sainct Martin en Curtis. Lequelle
droit appartenoit a duc Thiébault, son filz, et ly estoit venus de part
Albert, jaidit conte d’Aubor, son sire, et père à sa femme. Lequel
droit ledit Thiébault, à la requeste de son perre, ait donnez et octroyés
audit évesque ; et, à la requeste desdit signeurs, ledit évesques en ait
donnez le droit à l’ospital Sainct Nicolay du Nueufbourg à Mets. Faite
et donnée l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur mil IF et XIII, et le
premier ans de la duchié dudit Thiébault 1. Item, ay cest confirmacion
estés faicte par plusieur prélat d’esglise et par sire Garsirins, grant
eschevin de Mets, et de tout aultres eschevins et bourgeois de la cité,
comme les lestres anticque que de ce en sont faictes plus a plains en
font mencion.
Mil ijc et xiiij. — Puis, Tan après, mil deux cent et XIJIJ. Loys,
filz du devent dit roy Philippe, oit victoir en Angois contre le roy
1. Le Catalogue des Actes des ducs de Lorraine de 1048 à 1139 et de 1176 à 1220, par
M. E. Duvernoy, Nancy, Crépin-Leblond, 1915, ne mentionne aucun de ces actes,

SIMON FALCON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ

(1218)

319

d’Angleterre ; et ledit roy Phelippe, son perre, oit victoir en Flandre
contre ledit Oth l’empereur et contre les Flamans.
Mais de ces chose lairons à pairler, et retournerons au maistre eschevins.
Mil ijc et xv. — Puis, après ces chose ainsy faictes, et que le milliair
courroit par mil deux cent et XV, fut maistre eschevin de Mets sire
Régniet Téguienne, et le fut deux ans.
L’église des Hault Prescheurs édifiée en Mets. — Cellui noble homme
sire Régniet Téguienne fut cellui duquelle j’ay icy devent parlés, qui
premier édiffiait et fist faire de ces denier et de ces maille l’église des
Grand Prescheur de Metz, avec tout le couvant, le cloistre, et toutte la
menandie ; que ne fut pas peu de chose à antreprandre. Dieu luy veulle
mérités ! Amen. Gar ce fut une belle almoigne. Et puis, quant ce vint
à la fin de ces jour, il ordonnait à estre inhumés au millieu d’icelle
église. Et là trouvanrés sa sépulture et son épitaffle dessus mise en
latin ; laquelle, pour la mieulx entandre, j’é heu extraict et mis en
françoi, comme la teneur s’ensuyt :
« Icy, devent cest place, gist sire Rengnier Thiéguienne, que en son
tamps, par l’espace de deux ans, fut maistre eschevins de Mets. Saige
conseiller, juste juge, il estoit perre des pouvres, qui, par sa sainctetés,
en l’honneur de sainct Dominicque, fist faire ceste église, a temps que
corroit le milliair mil deux cent et XV ans. Je croy que son âme en
est és cieulx logée. »
Nous trouvons, par aultre cronicque, que le benoit sainct Dominic­
que fut en propre parsonne en cestuy couvant de Mets, et ce y beut et
maingeait, et print sa réfection avec ces frère. Et, avec ce, y fist plu­
sieurs belle collaeion, tant en général comme en particulier. Le benoy
sainct vueulle pour nous Dieu prier !
Item, je trouve que, en celluy tampts, fut prins et abastus le chastel
de Reste.
Et, pareillement en ce meisme tampts, fut le devent dit empereur
Otho condempné à Romme par le conseil général.
Mil ip et xvij. — Puis, après, en l’an mil deux cent et XVII, fut
maistre eschevin de Mets Pier, le filz seigneur Rou de Portemuzelle.
Et, en son année, fut prins et abatus le chaistel Dastor.
Mil iic et xviij. — L’an après, mil deux cent et XVIII, fut maistre
eschevin de Mets Simon Falcon.
Et, en celle année, ce demenoit ung procès à Mets, et y avoit grand
question en la cité touchant le fait du tourneu. Dont, en celle meisme
année, le jugement en fut randus en la forme et manier comme cy après
le trouvanrés.

320

LE TONLIEU DE METZ

[LE TONLIEU DE METZ]

Accord et sentences donnée pour le fait du tourneux; mil ijc et xiiij. Icy est escript et desclairés la coppie d'un g jugement donné et rendu en
celluy temps à Metz en la court de nostre signeur Fiedrich, resplandissanl
roy des Romains, adès en acroissant, par Thiédrich, vénérable archevesque de Trieuve, et Thiébauld, noble duc de Lorainne et marchis, pour le
fait du touneu de Mets.
^

Conrard *l, par la graice de Dieu évesque de Mets, chancellier du
pallais impérial, à tous ceulx à a cuy congnoissance ces présentes lestres
vairont, adjouster foids ausdictes lestres. Nous voulons estre certainne
chose et niant doubtée que, comme nous estiens en nostre cité de Mets,
avec nostre signeur Fédrich, resplandissant et noble roy des Romains,
adès accroissant, les chanonnes de la Grant Église de Mets, et Simon,
ly avouuey de Metz, se sont complains d’aulcuns hommes de Heu et
aultres hommes qui marchandoient et besongnoient en la cité de Metz,
et refîusoient le touneu à paier, pour ce qu’il disoient qu’il estoient
quictes et delivres et debvoient estre dudit touneu, pour ce qu’ilz
avoient en ladicte cité maisons. Maix les devantdit chanonnes et les
avouueis 2 proposoient qu’ilz ne debvoient mie estre quicte ne delivre
pour le paiement du touneu pour tant qu’ilz avoient maison en ladicte
cité de Mets, pour ce qu’ilz ne faisoient mie feu ne fumière, ne leur
femmes ne leur ménaiges ne demouroient mie ondit lieu ne en celle
cité, ne ne faisoient mie la warde ensi comme les aultres citains.
Le jugement de cest contans, nostre signeur le devantdit roy des
Romains et ad ès acroissant à ces fiables qui estoient on devantdit lieu
commendè 3, c’est assavoir à Thiryt, vénérable archevesque de Trièves,
à Thiébault, noble duc de Lorrainne et marchis. Lesquelx, du conseil
de plusieurs nobles hommes et saiges qui estoient ondit lieu, en la
présance de nostre signeur le roy et en la nostre, donnèrent jugement :
que lez devantdit hommes, jà çoys ce qu’ilz heussent en ladicte cité
maisons, toute voie ilz estoient tenus du touneu, pour ce qu’ilz n’avoient
mie en ladicte cité ne feu ne fumière, et que leurs femmes et leur maignies ne demoroient mie ondit lieu, ne ilz ne faisoient mie en celle cité
la warde ensi comme les aultres citains. Pour laquelle chose nous
consentîmes et donnâmes nos assans 4 au devantdit jugement, et sy
l’aprovîmes plus voulentier 5 et plus seurement pour ce que cil jugement
a. M : et.

1. Texte latin HÉv., p. 442.
2. Advocatus.

3. Lire : commanda (commandait). — L’empereur a confié (commisit) ce jugement
à l’archevêque de Trêves, etc.
4. Assens, approbation.
5. Nous l’avons approuvé d’autant plus volontiers que ce jugement a été prononcé
par l’avis de nombreuses personnes compétentes.

LE TONLIÉU DE METZ

321

du conseil de moults barrons, et consentement et esprouvemens de
clercs et de lays, et meisme de Simonin Façon, qui alors estoit maistre
eschevin de Mets en celle année, et des aultres eschevins de Mets, le
devantdit jugement par grant advis fut rapporté.
Et pour ce que ceste chose soit certainne et qu elle ait force parmonablé, en tesmongnaige de vérité nous feismes ces présentes lestres de
nostré seel wemier L Ces choses sont faictes en l’an que le milliair
corroit par mil et IIe et XIIII ans, on moix de décembre, quarte
kalende de janvier, en la présence conte Albert de Hernichestelain 12,
Warnier de Bolande, et Marbodone, et aultres plusieurs.
Cy après s’ensuyt ledit jugement confermé par le maistre eschevin de
Mets; et sont icy escript tous les noms dez eschevings lesquelx furent
présent à randre ycelluy jugement.

Symons, le maistre eschevin de Metz, et toucte la université de la
cité de Mets, à tous ceulx à cuy congnissance ses présantes lestres
vanront, adjouster foidz de vérité ausdictes lestres. Nous voulons que
se soit chose sertainne et niant doutée que nostre signeur roy, Fiedric,
roy des Romains et adez accroissant, repairant en Mets, et estant en la
présance de luy, desbat et plait fut esmeus dez seigneurs chanoinnes
de la Grant Église de Mets, et de seigneur Simon, le vouuey de Mets,
encontre aulcuns hommes de Heu et aultres hommes qui disoient
qu’ilz dévoient estre quicte et franc de paier le touneu de marchandises
qu’ilz feroient à Metz, pour ce qu’ilz y avoient maisons. Marx, de la
partie dez chanoine et du vouuey, fut contredit qu ilz n estoient mie
pour ce quicte, pourtant qu’ilz ne faisoient mie a Metz feu ne fumière,
ne leur femme ne leur maignie ne demouroient mie au lieu, ne ne fai­
soient la warde ensi comme les aultres citains. Et le sire roy des Rommains le jugement de ceste chose commandey à seigneur Thiédric,
vénérable archevesque de Triève, et à seigneur Thiébault, noble duc
de Lorraine et marchis, en la cité de Metz présens. Lesquelx, du conseil
de nous, que estoient de clers et de lays, nobles et non nobles, et du
conseil Simon Façon, maistre eschevin en cellui ans, et les aultres
eschevings de Metz, lesquelx nons sont dessoubz escrips, et de leur
conseil et de leur assanlt3 4et5 de leur esprouvemens 4, le devantdit
archevesque et duc, en la présence leur signeur ou ® roy, donnèrent tel
jugement : que lez devantdits hommes, jà çois ce qu ilz eussent en la
cité de Mets maisons, toucte voye ilz debvoient le touneu, pour ce
qu’en ladicte cité ne faisoient ne feu ne fumièere, ne ne demouroient
leurs femmes ne leur magnies ondit lieu, ne ne faisoient la warde ensi
comme les aultres citains. A cuy jugement pour ce plus voulentier et
1.
2.
3.
4.
5.

Garnir, munir.
Comité Alberto de Hermchestalim.
Assens, assentiment.
Approuvement, approbation.
Et roi ?

LE TONLIEU DE METZ

plus seurement nous donnismes nostre assanlt et esprovismes, car du
conseil des barrons il fut donné. Lez noms des eschevings que à cest
heure furent présens et qui donnèrent leur assanlt premier 1 furent,
c’est assavoir Simon Façon, maistre eschevin, Hanrias de Porsaillis,
Poincignon, son fdz, Octes Boillons, de Portemuzelle 2, 3Bobiers de la
Posterne 3, Baudouuins de Flandres, Simon Malebouche, Benamis
Satrelz4, Abert de Jeurue, Hugues Archiers 5, Garxelins Noixes,
Aubers de Rimport, Beyret de Sainct Martin 6, Nicoles Corpelz,
Matheu de la Posterne, Nammens et Thiédric, son fîlz, Richiers Façon.
Et, pour la certaineté de ceste chose à avoir et force permuable 7,
en tesmoignaige de vérité nous avons fais ces présentes lestres du seel
de l’université de Mets wernir. Ce fut fait en l’an de l’Incarnacion que le
milliaire corroit par mil deux cent et XIIII ans, on moix de décembre.
Cy après est l’approbacion dudit jugement par vénérable Thiédric,
archevesque de Trieuses.

Thiédric, archevesque de Trièves, à tous ceulx ad cuy congnissance
ces présentes lestres varont 8, adjoster foid de vérité ausdictes lestres.
Nous voulons que se soit chose certainne et niant douttée que, comme
nous fuisiens en la cité de Mets, avec monseigneur Frédric, resplandissant roy des Romains, et adès accroissant, les chanoinnes de la
Grant Église de Mets, et Symon, ly avouuey de Mets, se sont complains
d’aucuns hommes de Heu et d’autres qui besongnoient et marchandoient en la cité de Mets, et leur refïusoient à paier le touneu. Lesquelx
hommes disoient qu’ilz estoient quicte et dévoient estre delivre dudit
touneu pour ce qu’ilz avoient maisons en ladicte cité. Maix lez devantdits chanonnes et avouuez proposoient encontre, disant qu’ilz ne
debvoient mie estre quicte de paier le touneu pour ce qu’ilz avoient
maison en la cité de Mets, pour tant qu’ilz ne faisoientne feu ne fumière,
ne leur femmes ne leurs maignies ne demoroient mie au lieu, ne qu’ilz
ne faisoient mie la warde ensi corne les aultres citains de Mets. Le juge­
ment de cest plait nostre seigneur Fiedric, roy dez Romains et adez
accroissant, commendait à ses feables qui estoient au lieu, c’est assavoir
à nous, Thiédric, archevesque de Trièves, et Thiébault, duc de Lorrainne et marchis. Et nous, du conseil de plussieurs nobles et saiges
hommes, ondit lieu, en la présance nostre seigneur le roy des Romains,
cest 9 jugement : que les devant dits hommes, jà soit ce qu’ilz eussent
1.
2.
3.
4.

Premier est à supprimer.
Otho, Rodolphus de Porta Moseüae.
Robertus de Posterna.
Bonus amicus Seuiteres.
5. Huguo Eucheri.
6. Remigius de Sancto Martino. — La liste de Philippe comprend cinq noms de plus

que la liste de Meurisse, op. cit., p. 443.
7. Corriger parmenable, durable.
8. Vanront, viendront.
9. Suppléer : rendîmes ce jugement.

LE TONLIEU DE METZ

323

en ladicte cité maisons, toutevoye ilz dévoient le touneu, pour tant
qu’ilz ne faisoient ne feu ne fumière, ne leur femmes ne leur ménaiges
ne demoroient mie ondit lieu ne en ladicte cité, ne 1 faisoient la warde
ensi comme les aultres citains. Et à cestuy jugement nous avons donné
plus voulluntier et plus seurement nostre assanlt2, et sy l'avons esprouvez et du conseil et du consentement de plusieurs barrons, honnestes
clers et lays, et esprouveis et du conseil Simonin Façon, maistre eschevin, et les aultres eschevins de Mets, par grant advis. Et, pour ce que se
soit ferme chose et estauble, en tesmoingnaige de vérité nous avons
fait gairnir ces présantes lectres de nostre seel. Ce fut fait l’an que le
milliaire courroit par mil et deux cent et XIIII ans, on moix de décem­
bre, quarte kalende de janvier, présant conte Abert de Hervestain 3,
Warnier de Bolande, Marbodone, et plusieurs aultres.
Confirmation que le devantdit roy el seigneur Frédric, roy des Romains,
fait du jugement dit el rendu par le devantdit archevesque de Trièves et
par le devantdit duc de Lorrainne pour ledit touneu.
Frédric, par la grâce de Dieu roy des Romains et adès en accroissant
et le roy de Secille, à tous ceulx qui ces présantes verront, adjouster
foid à la vérité d’icelle. Nous voulons estre choses certainnes et sans
douctance que, nous estant en nostre cité de Mets, les chanoinnes de la
Grant Église de Mets, et Simon, le vouuey de Mets, se sont plains
d’aucuns hommes de Heu et d’autres, lesquelx, besongnant en la cité
de Mets, leur reffusoient de paier le touneu, pour ce disant estre franc
et quictes du touneu, pour ce qu’en ladicte cité avoient maisons. Et,
au contraire, disoient lesdit chanoinnes et vouuey que pour ce ilz
n’estoient point francs de non paier ledit touneu, jai soit ce qu ilz
heussent maisons en la cité de Mets, comme ilz ne feissent mie feu ne
fumière en icelle, ne leurs femmes et familles ne demouraissent, ne
aussy ne faixoient mie les gays 4 en ladite cité comme les aultres citains.
Duquel descord nous commeismes le jugement à nos feaubles qui là
estoient, Thiédric, vénérable archevesque de Trièves, et à Thiébauld,
noble duc de Lorrainne et marchis. Lesquelx, et sur ce 5 le conseil de
plussieurs nobles et saiges, la, en nostre présence, rendirent tel juge­
ment : que les dessusdits hommes, jà soit ce qu’ilz eussent maisons en
la cité de Mets, niantmoins ilz debvoient touneu, comme en ladicte
cité ne feissent ne feu ne fumiers, ne leurs femmes et familles n y
demouraissent, et que ilz n’y faisoient point les gaites en icelle cité
comme lez aultres citains. Auquel jugemens nous avons plus seurement
et plus voulentier donné nostre consentement et approbacion, pour1. Ne ne faisoient.
2. Assens, approbation. — Sur le sens général de cette phrase, qui est corrompue,
voyez p. 320, n. 5.
3. Voyez p. 321, n. 2.
4. Guet, garde.
5. Supprimer ce.

324

LE TONLIEU DE METZ

tant que nous sçavons ycelluy i a esté donné par grant délibéracion du
conseil et assantement de nos barrons, et de l’approbacion tant des
clères comme des lays, et de Simon Façon, pour celluy ans maistre
eschevin de Metz. Et, pour seureté et force perpétuelle avoir de ceste
chose, en tesmongnaige de vérité nous avons ce fait mettre en ceste
présente escripture et guarnir de nostre seel. Ces choses dessudictes
furent faictes l’an de l’incarnacion Nostre Seigneur mil deux cent
et XIIII, on moix de décembre, la 1111e kalende de janvier, présant
Conrard, nostre chancellier, évesque de Mets, le conte Aubert de
Hervestain 2, Warnier de Bolande, Marbodone, et plusieurs aultres.
El, affin que chescun saiche et entande que c’est d’icelluy touneu, ici)
après est escript et desclairiés combien que chacune marchandise doit, el
que il fault que l’aicheteur ou le candeur en paye.

Premier 3, le meud de larme 4 et le meud de miel....
IIII deniers
Le cher qui moinne vin....................................................
IIII deniers
La charette 5 doit............................................................
II deniers
Le cent de queurs 6.................... ......................................
XL deniers
Le cent de fromaiges, quaitre fromaiges doit 7..............
XII deniers
Le cent de blan sayn 8 et de noire sayn doit.................
IIII deniers
La walgue de xieu 9..........................................................
II deniers
Le cent de ploinb 10 ..................................................
une maille
Le cent de cœuvre 111 ..................................................
IIII deniers
Le cent d’estain................................................................
II deniers
Et tous aultres avoyrs de poix, quel qu’il soit, poyveres
et commins 12, doit pour livrez................................
IIII deniers
Le cheval ........................................................................
IIII deniers
Le poullain ...................................................
II deniers
La jumente doit ..............................................................
II deniers
Le porques ......................................................................
I denier
La truye
......................................................................
une maille
Le cent d’acier............................................ XX deniers et XII deniers
Le cent de cendre clavenesse 18, doit la livrez..............
IIII deniers

1. Suppléer : que icelui a été donné.
2. Voyez p. 321, n. 2.
3. Texte publié HMe, t. III, Pr., p. 172.
4. Larme, miel liquide, qui coule de lui-même du gâteau.
5. Sous-entendu : qui mène vin.
6. Cuirs.
7. Je comprends : le cent de fromages doit quatre fromages, dont on paie la valeur,
à savoir quatre deniers.
8. Saindoux.
9. Waghe, sorte de récipient ; mesure usitée en Flandre. — Xieu, suif.
10. Plomb.
11. Cuivre.
12. Poivre et cumin. ■— Il s’agit des épices en général.
13. Cendre clavenesse, potasse de qualité supérieure, extraite de la lie du vin et
utilisée par les teinturiers.

325

LE TONLIEU DE METZ



IIII deniers
TT , . „
Le tonnel de vin en la nefz, soit grant soit petit...........
_ ,en!er
Le lay 1 de harrans et de biquebolz 2 3doit.................
**
. • XIIII deniers
(Sv en sont II deniers aux enfïans seigneur Huon le Baigues)
l J
. ,
....
IIII lance3
Le cent de lances......................................
.
IIII deniers

T,e cent d escuelle ...........................................

....

V.

Et touctes manières de gens doient cestuy touneu, s î ne son e
l’éveschié ou des chambres l’empereur.
deniers
Et toucte drapperie doit, la livrez ...............................
Toilles et filles de chauve, de lmc, doit la livrez.............
I I den ers
Et de la lainne la livrez doit........................................
deniers
Le cent de faultre 4 doit
...................
n rais 5
Et de dix grosses douzenne d aulx, doit on.........
La pelleterie, c’est assavoir le miller de vaire euvré
Et ^touctes aultres pelletrie, doit la livrez.... II deniers mai e

f

Le corrion 7 blan, doit la livrez......

HI deme», II d«.üle

Le cher à quaitre roiées 8 9que mamne sel, doit.
deniers
La charette à deux ruees que moinne sel, doit.............
JJ
Le meud de self que vient en la nefz, doit................... ;
1 ae
La foires sainct Pierre en fenal est toucte aux seigneurs du grant
touneu, et la moitié de la foire sainct Arnoulfz.
. ...
Le touneu des draps et dé lainnes et des grais cuyre et des toilles
blanches et crues est aux seigneurs du grant touneu parmy les septz
SGEt ^est,6touneu doient tous ceulx de l’éveschié parmy lesdicte sept
sepmainnes ; et meisme tous ceulx des aultres villes qui point n en
doient parmey l’autre temps. Et tous ceulx qui portent au col doient
le touneu parmey les sept sepmainnes.
^ ^jg
Le cent de cordouuans 10 blanc....................................
^
Le cent de cordouuans noire. •••••■••.......................
mT , •
Le cent de cordouuant rouge, doit la livrez.................
“JJ JJ"™
Le cent de blanche bazennes........................................
, •
La bazennes rouge, la livrez..........................................
X„ deniers
Touctes villes qui portent les croix en Mets ne doient point de touneu,

1. Laie, caisse ?
2. Harengs saurs.
3. Huile.
t IThe mot res, en français ras, semble désigner les chapdets d’aulx oU d’oi­
gnons. Cf. aussi p. 272, n. 16, et mon Enquête Imgutstique, t b p.
6. Le millier de peaux d’écureuils (petit-gris) travaillées (
7. Cuir.
B. Roues.
. » . iî _ orni vis? bourre, mauvaise
9. L’Histoire de Metz a ici graitupe, graituxe. Il faut lire gra
laine, etc. Philippe n’a pas compris le mot.
10. Cordouan, cuir de Gordoue.

326

LE TONLIEU DE METZ

maix que *1 2les VIII jours que prestres, clers, chevalliers et bourgeois «
les doient.
Et ont encor les seigneurs du grant touneu le sixiesme de quant que
les bouchiers de Mets prennent en touctes les portes de Mets parmev
les septz sepma innés.
3
Et tous ceulx de l’éveschié de Mets et touctes aultres villes doient le
touneu les VIII jour de la foire sainct Arnoult.
Et tous ceulx qui sont de la nacion de Mets, ou leurs femme, ne
doient point de touneu, où qu’ilz soient menans, nulz temps, maicque 2
adont quant ceulx de Mets le paient, parmy les VIII jour encommensant le jour de feste Nostre Damme en my aoust.
Et chacun juifz qui viennent en Metz doit XXX deniers.
Et tous ceulx qui portent touneu en Mets, de quel mestier qu’il
soient, ne doient point de touneu parmy les VIII jours.
Tous ceulx qui mainnet on Champassaille, et que leur droit huixe
œuvre vers le Champassaille, ne doient point de touneu parmey les
VIII jours.
Cest parchamin fut trait du vielz rôle que fut fait en l’an que le
milliaire courroit par mil IB et XXXVII ans.
On doit les deux tounouuiers 3 à Saincte Glossine un past chacun ans
le jour de feste saincte Glossine. Et les deux tounouuiers pueent mener
chacun ung compaignon avec luy, et cilz quaitre doient seoir à une
tauble por eulx. Et se les doit on asseoir convenablement et à bon vin.
Et, s’il semble les deux tounouuiers que le vin ne soit mie bon, on leur
doit envoyer au milleur.
On doit les deux tounouuiers à Sainct Pierre aux nonnains III sols
pour ung past le jour de feste sainct Pyerre aoust entrant ; et, se on
ne leur paiet le jour, les deux tounouuiers povent faire 4 et pranre
guaige de ceulx d’Airancey, tant qu’ilz aient III sols et lez deniers
annualz.
Item, la vegille de feste sainct Victour, à vespres, encommencee le
tonneu dez bouchiers ; et fault la vegille de feste Nostre Damme
aoust yssant. Et, dedens les VII sepmainnes, ait XXI marchiez, que lé
tonouuiers dez bouchiers doient apourter, chacun merchiez, ce qu’ilz
praineent 5, et pourter en l’ostel Hanneborjat, ou en l’ostel Baizin, ou
en 1 hostel la Damme de Buevre, là où il chiet à partir.
Et les deux grans tonouuiers et Hanneborjat et la damme de Beuevre
et Baizin ont la moitié de l’argent, et les bouchiers l’autre. Et, de la
a. M : bougeois.
1. Si ce n’est.
2. Mais que, si ce n’est.
3. Tonloier, celui qui perçoit le tonlieu. — Sainte Glossinde doit chaque année un
repas (past) aux deux tonloiers.
4. L’Histoire de Metz porte : saixir.
5. Après chaque marché, les tonloiers doivent apporter l’argent qu’ils ont perçu dans
1 un des trois hôtels indiqués, pour le partage.

327

LE TONLIEU DE METZ

Dartie que les deux grans tonnouuiers et Hanneborjat et la damme de
Beuevre et Bazin ont, les deux grans tonnouuiers en ont le thier ; et
du remenant font trois part, s’en est ly une Hanneborjat et 1 autre la
damme de Buevre, et l’autre Baizin. Et de la partie de la damme de
Buevre ait Hanriot Lambert, de XV deniers, II, et l’escheving ung.
Et les trois dairiens merchiés des VII sepmennes doit on partir en
l’ostel Hanriot Lambert, quant on pairtent en l’ostel la damme de
On doit aux hoirs Jennat Wernier XXX sols de messins pour 1 ar­
gent que le grant tonouuier et Henneborjat et la damme de Beuevre
et Bazin ressoivent aux bouchiers : s’en doient le tonnouuier XX so s,
et Henneborjat XL deniers, et Bazin XL deniers, et la damme de
Beuevre XL deniers ; et les doit on venir quérir au lieu où on pairte.
Ce sont les noms des villes que sont chambres l’empereur.
Premier, Noiranberg, Arles le blanc en Prouvence, Cambray, Franquenebourch, Thionville, Saintron en Haseborg, Airs la Chapelle. _
La chairatte que moinne vin.................................. .
Le cher que moinne croye ....................................
La charette que moinne croye......................................
mI deniers
Le cher que moinne mulles .......................................
.
Le meu de sayn 3 de hairant.........................................
mI
La meulie de mollm ..................................................
II deniers
Et, se ehe ait corrus.......................................... •/
„ deniers
Le mue le de feibvre ....................................
I deniers
Et, se elle ait corrus....................................................
n deniers
Le cent de fer doit.....................................................
.
Le 1er de Collongne, la livrez........................... II derniers
Faulch et seille. », la livrez............. ................ Il denrera nrarlle
Toutes lainnes que gens fourains amoinnent
...
aval l’yawe et amont, doit la livrez...
IHI carpes
Le cent de carpe ..........................................................
.
Et tous aultres menus poisson doient, la livrez.... II deniers maille
Cy après est escript le despart du grand tonneu de Mets, lequel fut fait
et renouveliez en l’an xiiijc et cinquante et ung.
Premier, la Grant Église cathédralle prent on dit tonneu la meitiet.

2. One semble pas qu’il

Je ^

Son!Sut eftudfsjue

nues m*.

?

3. Saindoux.

.
....

4. On distingue la meule neuve et celle qui a déjài servi.
servi.
:
c’est
5. La meule de fèvre, opposée à la meule de moulin : c est la
1« meule à aiguiser ou à
polir.
6. Faucilles.

328

LE TONLIEU DE METZ

Item, en l’autre meité, seigneur Geoffroy Dex, chevalier, y prent
ung VIe, que fait on toutaige 1 le douziesme.
Item, Jehan d’Aubrienne, dit Xaving, prent en ladicte meité ung
VIe et ung IXe.
6
Item, damme Jennette, femme le signeur Poince le Gournaix
chevallier, pour son douuaire, prent en ladicte meité ung IXe.
Item, damme Jennette Grongnat, femme seigneur Geoffroy Chaversson, prent en ladicte meité ung IXe, et encor ung XVIIIe, et
encor ung XXXVIe, et encor ung 2 3XXXVIe.
4
Jehan George, l’amant, prent en ladicte meité ung LXXIIe.
Item, Martin George, l’amant, prant en ladicte meité ung LXXIIe
Item, seigneur Nicol de Raigecourt, dit Xappel 3, prent en ladicte
meité ung XXXVIe 4.
Item, le seigneur Poince Baudoche, chevallier, prent, en la meité
dudit thier d’ung XXXVIe.
Item, Jennette, femme Thiébauld de Vy, prent en ladicte meité le
thier d’ung XXXVIe.
Item, seigneur Willaume Chaversson, amant et eschevin, prent en
ladicte meité le thier d’ung XXXVIe.
Cy après est escript le despari du lonneu des septz sepmainnes, fait en
l’an devantdit.

Premier, le maistre eschevins et les VI des bouchier emportent la
meité dudit tonneu dez sept sepmainnes, pour laquelle meité il en font
et doient faire chacan la loge on Champassaille.
Item, en 1 autre meité, la Grant Église cathédralle de Metz y prent
ung thier.
Item, les 5 deux aultres thiers, Jehan de Vy en prent ung thier.
Item, le seigneur Willaume Chaversson en prent ung thier, le Ve
d’icelluy thier moins.
Item, Poincignon Jellin prent ung Ve au thier dudit seigneur Willame Chaversson.
Item, de 1 autre thier, on en fait trois parsons, dont seigneur Didier
le Gournaix, chevallier, enporte ung thier.
Item, seigneur Nicolle Louve, chevallier, à cause de seigneur Simon
Noiron, et damme Jennette Grongnat, femme seigneur Geoffroy
Chaversson, prennent ung thier ensemble ; et prent encor ledit seigneur
Nicolle et ladicte damme Jennette ung thier en la part de la Grant
Église, et partent tous enssembles.
Item, de 1 autre thier, reffont trois parsson, dont Jehan George,
1.
2.
3.
4.

Totage, totalité. — Comprendre : ce qui fait un douzième du produit total.
H Me, loc. cit. : ung aultre xxxvp.
HMe, loc. cit., ajoute : l'amant.
Ibid., après cet article : Item, S. Nicolle Louve, chevalier, l'amant, prend en la dite

meitté ung xxxvp.
5. Ibid. : en les deux aultres thiers.

l’ordre

des augustins établi

(1218)

329

l’amant, et Martin George, l’amant, emportent ung thier, et seigneur
Nicol de Raigecourt, dit Xappel, ung thier.
Item, de l’autre thier, on en reffont trois parsons, de laquelle les
hoirs dàmme Ysabel Baudoche et le seigneur Nicole Roucel et Jennette
de Vy en portent le thier.
Item, seigneur Geoffroy Dex, chevallier, et seigneur Jehan Daubrienne, dit Xaving, et damme Jennette, femme le seigneur Pomce le
Gournaix, chevallier, ung thier.
Item, seigneur Willaume Chaversson et seigneur Nicolle Louve,
chevallier, l’autre thier.

[SUITE DES MAÎTRES ÉCHEVINS ET DES ÉVÊQUES DE METZ, ETC.]

Nous lairons icy à parler du fait du tourneu de Mets, et retournerons
à nostre prepos, et a milliaire devendit, qui courroit du temps que les
devant dit jugement ce firent.
L’ordre des frère Aguslin eslablie. - Et, premièrement, il est a
nocter que, en l’an deventdit, c’est assavoir l’an mil deux cent et XV111,
et du tamps que le deventdit Simon Falcon fut maistre eschevm e
Mets, comme cy devent ait estés dit, fut premier estaublie et acomencée
l’ordres des frères Augustins. Et fut du tamps que vivoit encor Ucth
l’ampereurs deventdit. Laquelle ordre fut premièrement instituée par
ung clerc de Paris, escollier, appellé Guillaume. Lequel,, ung temps
après, gouvernit l’escolle en Bourgongne ; et luy, et plussieurs de ces
escolliés, avec d’aultres religieulx, feurent esleus pour tenir ycelle ordre,
comme dit est. Et fut ycelle saincte ordre confermée par pappe Hono­
rés devantdit, le troisiesme ans de sa papalité.
Item, je trouve que, loing tamps après, environ en l’an mil trois cent,
fut premier faictes et fondée en Mets l’église d’icelle ordre des Augustin,
par l’amonne de plusieurs bonne créateure. Et fut ce fait sus le terri­
toire de l’église collégiale de Sainct Thiébault, comme nous dirons icy
après, quant tamps serait.
Mil if el xix. - Item, l’an mil deux cent et XIX, fut maistre eschevin de Mets seigneur Nicolle Barron.
,
Et en celle année la cité de Toulouze fut asségiée par Simon , con e
de Monfort.
,
, VY
Mil if el xx. - L’aultre ans après, en l’an mil deux cent et X ,
Troiexin, de Portemuselle, fut maistre eschevin de Mets.
La ville de Damiette par les crestiens prinze. - Et, en celle année, es
crestiens prindrent la cité de Damiette, qui est scituées sus a nvier
Nil, au dellà de la cité d’Allixandrie. Et, en ycellui meisme tampts, les
Sarrasins abaitirent les murs de la cité de Jhérusalem.
a. Le nom est laissé en blanc dans les mss.

330

LES COMTES DE CHAMPAGNE ET DE BAR DEVANT METZ (1223)

Mathieu, duc de Lorainne. — Item, en cellui meisme tampts, mil
deux cent et XX, cellon aulcune istoire, fut duc de Loraine Maithieu,
fdz au devent dit duc Ferrey, et frère au duc Thiébault.
Mil ijc et xxj. — Et, après, en l’an mil deux cent et XXI, fut maistre
eschevins de Mets le sire Géraird Angebourch.
L'ordre des Carmes establie. — Et, en celle meisme année, l’ordre des
frères de Nostre Damme des Cairmes fut premier estaublie et accommancée. Laquelle ordre révérand perre et seigneur Abbert, patriarche
de Jhérusalem, en feist la reigle et la approuva °. Et ladicte ordre
feist confermer par pappe Honorés, dessusdit, et par les aultres pa­
triarche devantdit, qu’avoient estés en Jhérusalem. Lesquelx feurent
ditz Carmelies, on temps que les premières feurent estaublis en la
montaigne de Garmelz, on lieu où Hélye le prophète habitait. Et fust
icelle ordre encommenciée en l’an dessusdit mil IIe et XXI ans.
Mais, depuis, pour l’amour des paiens, ilz feurent d’icellui lieu despartis
par plusieurs régions en crestienté, par l’an mil deux cent et XXVIII,
comme nous dirons icy après.
Le couvent des Grant Prescheurs bénys. — Aussy, en celle meisme
année, fut premièrement eschevis, confermés et bény le deventdit
couvant des Frère Prescheur de Mets par le deventdit évesque Conrard.
Le roy Philippe de France ajousta à la coronne de France plussieurs
paiis et seigneurie. — Item, en celle meisme dicte année, aprez que le
deventdit roy Philippe, roy de France, oit heu maintes belles victoires
contre les Anglois et Flamans, contre les Poitevins et Normans, et
maintes aultres, comme cy devent est dit, il conquist et ajousta au
royalme de France les contez cy après nommée. Premier, la conté de
Normendie, Acquitainne, Poitou, la conté de Vermendois, de Cler­
mont, de Pontif, d’Alanson, du Mainne, de Tours, d’Angier et de
Vallois. Et, en celle année, le premier dimenche d’aoust, Loys, son
filz, fut corronné roy à Rains, et Blanche, sa femme, à royne.
Mil ijc et xxij. — Et, en icelluy temps et durant ces chose ainsy
faictes, furent plusieurs maistre eschevin en Mets. Et, premier, en l’an
mil deux cent et XXII, fut maistre eschevin de Metz le sire Nicol
Claries.
Mil ijc et xxiij. — Et, en l’an mil deux cent et XXIII, fut maistre
eschevin de Metz Hugues Lietalz.
Les conte de Champaigne et le conte de Bar devent Mets. — Item, en
celle dicte année, vindrent les conte de Champaigne et le conte de
Bar devant Mets.
Et, en celle meisme année, et après plusieurs victoire obtenuee, print
grande malladie au deventdit Phelippe, noble roy de France ; de
laquelle il trespaissa, en l’an dessusdit, mil deux cent et XXIII ; et fut
enterré à Sainct Denis. Ce roy, en son tamps, fist faire et édiffier plusieur notauble église, qu’il douuait et enrichit de rante et revenue.
Entre lesquelle il fist fonder ung monastère auprès Sanlis, nommé la
a. Mss. : approuvant.

JEAN D’APREMONT, SOIXANTE-ET-UNIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1224-1238) 331

Victoire, auquelle il essigna grant rante. Aussy ne fait à oblier le
grant trésor qu’il laissait à son trespassement pour la recouvrance de la
Terre Saincte. Car, comme le mestes plusieur cronicque, il laissait à
Jehan, roy d’icelle cité de Jhérusalem, la somme de cent mil livre.
Et puis laissait à Amaulry, gouverneur de la terre des Albigeoys, et à la
maison de l’Ospitalz et a pouvres, à chacun d’iceulx vint mil. Puis, fist
fonder et estaublir tout de nouviaulx à l’esglise de Sainct Denis XXX religieulx, pour perpétuellement prier Dieu pour l’âme de luy et de tous
ces bon amis. Et fut ce Phelippe de Dieu donné le plus victorieulx et
conquérant qui eust point estés depuis le tamps du roy Charlemaigne.,
car les fais de luy furent grant et merveilleux, qui tout vouldroit
conter.
Mais de ces chose nous lairons aulcuns peu à parler, et retournerons
au évesque de Mets, et des chose merveilleuse et adventure estrange
que en ce tamps advindrent.
Jehan d’Alpremont, Ixj [e] évesques, thint le sciège xv ans. — Le LXI [e]
évesquede Mets fut appellés Jehan, frère le signeurGobert0 d’Aspremont,
et fut de grant renommée ; et estoit de noble linaige, de la cité de Mets
et du paraige de Porsailly, qui est l’ung des V paraige de Iadicte cité
de Mets. Celluy évesque Jehan estoit de dévolte et belle vie et conversacion ; et, combien qu’il fut de jeune eaige et qu’il n’eust mie les
année que ung évesque doit avoyr, touctevoye, sa vie honneste et le
grant sens dont il estoit plain le firent premier eslire pour estre évesque
de Verdun. Et, depuis, fist il tant et fut de sy grant renommée qu’il fut
fait et esleu évesque de Mets. Et, qui volroit parler d ung homme
juste, saige et chaiste, piteulx, miséricors, pacient et gracieulx à touctes
gens, celluy l’estoit ; aux simples gens admiables, aux orguilleux
estoit annemis ; et toucte sa force estoit adès aparillée contre ceulx
qui ne voulloient raison entendre.
Or, il advint à son tamps que le conte de Dambourg se morut sans
hoirs masles de son corps, et ne lui demourait que une sienne fille ;
laquelle tint la terre et requérit audit évesque Jehan que luy lessait
tenir les fiedz que ses perre tenoit de l’éveschié. Et l’évesque, à la
requeste et prière de plusieurs princes et seigneur, luy octroyait, par
telles condicion que, c’elle moroit sans hoirs de son corps, les fiedz
retourneroient à l’éveschié. Et ensy le promist elles par bonnes lectres
bien sceellées, et par devant bon tesmonaiges. Puis avint, si comme
Dieu volt, qu’elle morut sans hoirs de son corps. Et, tantost, messeigneur Waltiet, duc de Lembourg, et le conte de Lucembourg, et
plussieurs aultres nobles du païs se mirent en polcession de tous lez
fiedz que debvoient retourner à l’éveschié de Mets; et estoit leur
intencion du i retenir à tousjours. Dont ledit évesque s’y pourtait sy

a. Le mot a été ajouté dans M au X VIIe siècle; E conserve un blanc.
1. De le, de les.

332

GUERRE ENTRE L’ÉVÊQUE ET LA CITÉ DE METZ

saigement qu il recouvra tout, et mit la partie adverse à subjection,
Et tellement en fist que il restituont quaitre nobles chaistel : c’est
assavoir Sarrebruche, Trucquestain, Harrestain, et encor ung aultre,
c on dit Albain, et tout ce que y apartenoit. Et sy acquérit la vouuerie
de Mersalt , car adonc ly awouueiz y avoit plus que le seigneur.
L’évesque de guerre à ceulx de Mets. - Et, après ce fait, quant il
cuyda vivre en paix, l’Annemy i, qui jay ne dort, mist grand discord
entre luy et la cité de Mets. Et advint que la cité oit cy grant indignacion contre luy qu’il luy ardirent une ville, c’on dit Chastel Sainct
Germain, devant Metz ; et encore plus lui firent, car il crevèrent les
ieulx à ung sien clerc ; et luy firent moult d’aultre grosse villennie,
qui ne sont mie à raconter. Et, quant l’évesque le soit, il en oit contré
eulx grant courrouz et indignacion, sy les fist requérir et demander
l’amende de ce qu’il luy avoient fait ; et ilz furent de ce refïusant, et
n en volrent rien faire. Adont il lez excommuniait et aggravait et
interdit. Et, après ce fait, il yssit de la cité et s’en allit à ung noble
chastel qu’il avoit audit village sus la montaigne de Sainct Germain, et
là se thint grant temps et par plusieur journée. Et le paraige de Porsaillit, duquelle il estoit estrais, fut boutez hors de la cité, pourtant
que ilz estoient de la partie ledit évesque. Et, pour ce, furent lesdit
receuz avec 1 évesque on chastel de Sainct Germain.
Puis, après biaucopt de chose faicte et dicte, que je laisse, on leurs
destruict tout leur hostel et leur maison qu’il avoient en Mets ; ne
de tout leur linaige n’en demora point ung tout seul, quy que ce fut,
que n’en fut bouté fuer de la cité. Toutteffois, pour cest heure, c’estoit
le plus grant linaige d’icelle cité ; néanmoins toucte leur maisons furent
destruictes, comme dict est, et tous leurs biens descypez 2.
Et, quant ledit évesque vit que les citains ne prisoient rien la deffance de l’Esglise, il se print à la guerre séculier ; et adonc requist il ses
amis et ses fiedvez ; et vindrent à son ayde le duc de Lorrainne et
le conte de Bar, et firent alliance à luy par sairment publique. Mais,
touctevoye, la signorie de la cité ce y gouverna tellement qu’il 3 reti­
raient les signeur deventdit de leur bande, en tel manier que, nommie
tant seullement 4 il lessirent ledit évesque, mais de fait sè mirent
contre luy.
La guerre durait trois ans. Dont il advint que les deux princes
devant dit, avec toucte la cité, asségèrent ledit chastel de Sainct
Germain, où le paraige de Porsailly estoit, comme dist est. Et, quant
1 évesque 1 oyt dire, sy en oit grant douleur, car alors il n’avoit point de
secours, parce que son frère estoit allé en France pour avoir gens d’ar­
mes pour lui donner ayde et secours. Ne l’évesque de Verdun, qui
pour leur 5 estoit, et qui estoit ses chernel amis, ne povoit venir à luy,
1.
2.
3.
4.
5.

Le diable.
Deciper, saisir.
Ils représente les seigneurs de la cité de Metz.
Non seulement.
Pour eux, l’évêque et le parage.

GUERRE ENTRE L’ÉVÊQUE ET LA CITÉ DE METZ

333

pour une adventure que luy estoit sorvenue ; et tellement que merveille
fut qu’il ne fut désespéré. Maix, si comme ung homme couraigeux,
plain d’espérence et de recouvrance 1, print cueur en luy ; et s’en alloit
en Allemaigne, et vint au conte de Harrestain et de Dambourg, qui
estoient noble conte et puissant, et les requist de son ayde. Et fit tant
qu’il lez amenait avec luy jusques à la rivière de Muzelle. Et là fut
prins conseil s’il passeroient celle nuitz ou non. Aulcuns disoient et
estoit leur oppinion que c’estoit bon d’attendre jusques au londemain ;
car, comme il disoient, il en y avoit de leur gens grant foixon dez
traveillez 2 3; les aultrez disoient le contraire. Brief, l’évesque volt que
il passassent la nuit, et enssy le firent. Et les tint tellement que oneque
n’en demeurait ung seul à passer. Merveille à oyr et comme miraicle
de Dieu : car, se ilz n’eussent passé celle nuyet, il n’eussent peu passer
le lendemain. Car la rivière devint sy grande pour celle nuict qu’elle
fut fuer de rive le lendemain de toucte part. Et, enssy, c’il n eussent
paissé, ilz eussent perdus leur voye, et ceulx qui estoient asségiez
estoient cy près prins qu’il ne povoient attendre le secours au plus
hault de VIII jours 3. Maix cil quy ait tout à jugier et à saulver fut
pour son vicaire et luy donna bon conseille.
Adonc entrait il en la terre du duc de Loherenne et du conte de Bair,
à telle force que tous le pais trambloit et le doubtoit. Et, assez tost
après, il s’aprochait de ses anemis et se mist en arroit et en ordonnance
pour eulx combatre. La baitaille fut ordonnée d une part et d aultre
et sur point de chacun faire sondebvoir. Maix Dieu inspirait ung sainct
homme, qui estoit évesque de Toul, lequelle alors se print près de les
apaisantés et se mist entre deux lez batailles, et s engenoillait devant
l’évesque de Mets en luy priant et suppliant qu’il volcist accouter et
oyr parolle de paix. L’évesque, quant il l’oyt, ce panssa que les adventures des battailles sont périlleusse, et ensy, par la très grande com­
passion que il avoit de ceulx qui estoient asségiez, il se lassait cons­
eiller ; et allairent tant leur parolle de l’une à 1 autre que les partie
olrent paix; et furent bon amis ensamble. Et racheta tous ses amis et
les mist en paix et en grant honneur en la cité de Metz. Et fut depuis
ce fait amys des seigneurs et des citains d’icelle cité de Mets, de laquelle
il estoit naitif.
Gelluy Jehan tint le siège XV ans, au temps Innocent le VIIIe et on
temps de Ferry, ou aultrement dit Fiedrich, 1 empereur, filz 1 em­
pereur Hanry. Et fut ensevelly on cueur de la Grant Église de Mets,
desoubz une tombe de marbre, devant le loitril 4, là où sont ces vers
escript :

1. Ressource.
2. Travaillés, blessés, malades.
.
.
3. Les assiégés étaient réduits à la dernière extrémité, et ne pouvaient tenir que
huit jours au plus.
.
,
4. Letrier, lutrin. — Voyez HMe, t. III, Preuves, p. 267, une forme loürut, que les
éditeurs n’ont d’ailleurs pas comprise.

334

UNE TOUR ABATTUE A METZ (1227)

Versus de eo hujus enim fuerat quod habent hoc
Tempore raro mitis vita manus munda pudica caro 1.
Item, j’ay oy dire à aulcuns que celluy pairaige de Porsailly, lequelle
alors estoit le plus gros et le plus riche pairaige de la cité, vandirent
à celluy évesque Jehan, leur parans, les mairie du Vault, telz comme
Airs, Ansey, Sciey et Chaistel, et tout ce qui c’en despant. Parquoy
il cheurent en judicacion 2 de toutte la signorie d’icelle.
Mais de ces chose lairons à parler et retournerons à aultre mestier.
Durant le resne d’icelluy évesque, y oit en Mets plusieur maistre
eschevins.
Mil if ei xxiiij. — Et, premier, en l’an mil deux cent et XXIIII,
fut maistre eschevins d’icelle cité Thiébault, de Porsailly.
Mil ijc et xxv. — Et, après, en l’an mil deux cent et XXV, le fut le
sire Pier de la Fosse.
Mil ijc et xxvj. - Puis, en l’an mil deux cent et XXVI, fut maistre
eschevins de Mets Ancelz le Saulvaige.
Et, en ce meisme tamps, c’est assavoir en l’an dessusdit mil deux
[cent] et XXIIII, Loys, septiesme de ce nom 3, eaigiésde XXXVI ans,
receut le gouvernement du royaulme. Celluy fut le premier fdz du
deventdit Philippe Auguste. Et, durant son resne, fist tenir conseil
général par pappe Grégoire, IXe de ce nom, en la ville de Monpellier,
contre les herréticques d’Avignon, et contre les hérésie et obstination
des Abbigeoys 4.
* 1Et
2 3yncita le roy à ceulx qui a conseil assistoient de
prandre la crois et de ce mestre en arme encontre yceulx héréticques,
et pour la dévocion et defïance de la Foy. Et, à sa requeste, le pappe luy
meisme bailla de sa propre mains la crois à plusieurs, comme nous
dirons icy après.
Mil ijc xxvij.
Et, en celluy tamps, que courroit le milliair par mil
deux cent et XXVII, fut maistre eschevin de Mets Guercier, de GorzeB.
Une tour abatue en Mets. - Item, en celle année, fut abbatue la
maîtresse tour de Portemuzelle, laquelle jaidit, loing temps devent,
avoit estés scituées et fondée en Mets audit lieu de Porte Muzelle,
comme à l’acommencement de ce livre est escnpt. Et trouvait on on fon
des fondemens d icelle en escript de lettre d’or entour ung pillier
scellée en plonc cest verse cy après :
Hec est structura nobilium, que processit temporis,
Defficienie justicia, converlelur ad innobiles 5.
a. M : Goize.
1. HÉv., p. 456.
Hujus enim fuerat quod habent hæc tempora raro :
Mitis vita, manus munda, pudica caro.
Philippe a compris dans l’épitaphe l’indication : versus de eo.
2. JucLication, dignité de juge.
3. Louis VIII succéda à son père le 14 juillet 1223.
4. Albigeois.
5. Corriger : processu. — Voyez p. 11 et n. 1. Philippe a cru qu’il y avait là deux
vers latins.

MATHIEU GAILLAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1231)

335

G’est-à-dire, en romant : Vécy une cité édiffiée de nobles gens, que, on
temps advenir, par faulte de justice, se convertirait d gens villainnes.
La ville d’Avignon rendue. — Item, en celle année mil deux cent
et XXVII, ledit roy Loys, avec ces gens, mirent le sciège devant la cité
d’Avignon. Et, aprez ce que ceulx de la ville olrent tués et mis à mort
des gens du roy jusques a nombre de mil et six cent homme, il ce randirent par composicion, aprez que le sciège oit durés environ IX mois.
Et alors le roy fist abaitre toucte la muraille de la ville et amplir les
foussé Et avec ce, fist encor abaitre trois cent des plus noble et dez
plus excellant maison de la ville. Et, ce fait, le pappe leur donna sa
bénédiction, et furent absoulz ; car il avoient estez excommuniez et
interdicte du pappe par l’espasse de sept ans durant. Et par ainssy
dompta ce roy yceulx héréticque et mescréant.
Mil ijc et xxviij. - Item, l’an après, c’est assavoir mil deux cent
et XXVIII, fut maistre eschevins de Metz Boins Vallet, de Porsailly.
Et fust en cest année que les religieulx du mont Garmelis, que nous
disons les Cairme, ce partirent de leur premier lieu, de peur des Sarra­
sins, et c’en allairent ce tenir en diverse lieu parmy le monde. Les­
quelles avoient premièrement estés fondés et institués en lan mi
deux cent et XXI, cellon que je vous ait heu par cy devent dit. Puis,
au tamps du roy sainct Loys, furent amenés par ledit roy aulcuns
d’iceulx religieulx en France, comme nous dirons îcy après.
Mil ij° et xxix. - Item, en l’an mil deux cent et XXIX, tut tait
maistre eschevin de Metz Hue le Baigue.
Mil ijc et xxx. - Puis, en l’an mil deux cent et XXX, fut maistre
eschevin seigneur Nicol le Gournaix.
VVVT 1 t
Mil ijc el xxxj. — Et après, en l’an mil deux cent et XXXt, le lut
Matheu Gaillat.
.
, ,
. . ,
En celle année fuit la discession 1 des escouliers et des bourjois de
Peins.
Et fut aucy en celle meysme année que acomensait la deventdicte
guerre de Chaistel Sainct Germain devent Mets, laquelle durait quaitre
ans encontre le deventdit évesque de Mets.
Nulz maistre eschevins en Mets iiij ans durant. - On quelle tamps
durant fut la cité sans maistre eschevin. Et fut alors que le deventdit
évesque Jehan, le duc de Bar et le duc de Lorrainne vindrent devant
Metz, comme dit est, et n’y firent riens. Et, depuis, les îts P™°e
séculier tournèrent avec ceulx de Metz, et furent du tout contre ledit
évesque, comme icy devent dessus en sa vie et légende i ait es s î .
Et, de fait, aidairent yceulx prince à destruire le chaistel sceant sur la
couste auprès de l’esglise de Sainct Germains devant Metz Et puis,
après plusieur grant dopmaige fait, il firent paix, et furent ons amis
ensamble.
1.

Decession

ou

dissension

(voyez p. 337).

336

SAINT LOUIS ROI DE FRANCE

(1226)

Mil ijc et xxxv. — Item, en l’an mil deux cent et XXXV, fut maistre
eschevin de Metz le sire Pierre de Chaistelz.
Durant aussy ce tamps, le deventdit roy Loys septiesme oit plusieur
grant guerre et discord entre luy et les Angloys ; desquelle il en vint
à bout, et print la Rochelle et plusieurs aultre plasse sus eulx.
Aussy, durant ce tamps, advint que ung malvaix guerson, retournant
de Jhérusalem et du pais de Surie, vint en Flandre, et faisoit acroire
partout qu’il estoit Baudouuin, conte d’icelluy pays, et qu’il estoit
retournés de Constantinoble pour l’infidélité des Grec. Et fut cellui
ressus par les Flamans, et la contesse, qui tenoit le pais, en fut boutée
hors. Mais toutefïois, à la fin, le roy Loys y besoingna tellement que
celluy manteur fut prins ; et, après plusieurs inquisicion, fut mis en
prison, puis fut pandus et estranglés à une potance.
Item, après ces chose, et que le roy fut retourné en France, grande
malladie le print, de laquelle il trespassa ledit ans, le XVe jour de
novembre. 11 laissait trois filz, ces héritier, qu’il oit de damme Blanche,
fille a roy de Castille, c’est assavoir sainct Loys, Chairle, qui fut roy
de Cecille, et Alphonce, conte de Poitou.
Mil ijc et xxxvj. — Après, en l’an mil deux cent et XXXVI, fut
maistre eschevin de Mets le sire Isambars Merquerelz.
Le colpt1 des maistre eschevins donnés aux abbé. — Et, en celle meisme
année, fuit donné aux abbé de Mets et des bours d’icelle le copt des
maistre eschevin.
Loys, c’on dit sainct Loys, roy de France. —- Item, aussy en celle dicte
année, et après ce que le deventdit roy Loys septiesme fut trespassés,
comme dit est, Loys, son filz, VIIIe de ce nom, lequelle est aujourd’uy
sainct en paradis, et lequelle, a jour du trespassement de son père,
n’avoit que XII ans d’aige, fut ressus au gouvernement du royaulme.
Puis, après, en sa XlIIIe année, en l’an dessus dit mil deux cent et
XXXVI, le premier jour de décembre, il fut corronnés à Rains en
grand triumphe et magnificence.
Celluy jonne roy, à l’acommencement de son royaulme, oit moult
d’aversaire ; mais, par l’ayde de Dieu, il les surmontait tous, comme
nous dirons icy après. Car plusieur prince du royaulme avoient despit
que cy jonnement il gouvernoit, et, pour ce, conspirarent encontre
luy, et serchoient tour et manier de le mestre à mort. Et, de fait, après
plusieur guerre et tuerie, l’on le cuydait ampoisonner. Et, par une aultre
fois, fut espiés d’iceulx traistre, et le cuydairent saisir. Et, ce n’eust
estés le secours que luy donnairent les Parisiens, il fut estés prins et
1. Colpt est une faute qui provient peut-être d’un texte de 1429 cité dans le Diction­
naire roman, tvalon, celtique et tudesque (Bouillon, 1777) : « Et adonc faillont les escuelles
de poixons c’on debvoit au prixier et aux abbés qui ont les cops de faire le maistre
échevin ». Il faut couper l’escops et comprendre l’escord, l’accord (voyez ci-dessous, à
l’année 1300). Ce mode de nomination était dit par pur accord (Aug. Prost, Notice
sur le mallre-écheoinat à Metz, Mémoires de l’Académie de Metz, 1852-1853, 2e partie,
p. 163).

JACQUES DE LORRAINE, SOIXANTE-DEUXIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1239-1260) 337

mis à mort. Et, quant les traistres ne pourent pis faire, il firent venir
par deux fois les Angloys en France ; parquoy plusieurs parsonne en
ressurent mort. Toutefïois Dieu l’ayda toujour jusques à la fin. Car, à
son acomencement, par le conseille de Blanche, sa mère, il fut endoc­
trinés et instruict par gens de saincte vie, telz comme Jaicopins et
frère Mineurs ; et tellement y profita que c’estoit une lumière en vertus.
Item, quant il fut en eaige, il espousait Margueritte, fille du conte de
Grant seicheresse en France. — Aucy, en 1 an dessus dit, y oit sy
grant sécheresse en France que de loingtamps 1 on n avoit a veu la
pareille à l’ocasion qu’il ne plu dès le dimenche après Noël jusques à la
saincte Croix en septembre. Et furent les vins si bon et sy fort que en
erant temps n’avoient estez pareilles.
Mil ijc et xxxvij. - Et, en ces entrefaictes et durant ce tamps, y oit
plussieurs maistres eschevin en Metz. Et, premier, en l’an mil deux
cent et XXXVII, fut maistre eschevin de Metz le sire Ysambars
Govion ; et le fut deux ans.
Discention entre les escolliers et citains de Paris. — Item, en ce meisme
tamps, duroit encor la discenssion et desbat entre les escolliers et les
citoyens de Paris.
Valence la Grande recouverte par les crestiens. — Et, pareillement en
ce meisme tamps, la cité de Valance la Grande fut recouverte de la
puissance de Machomet.
Mil ije et xxxix. - Et, en l’an apres, mil deux cent et XXXIX, fut
maistre eschevins de Mets Willemin le Woueis, de Maigney.
Or advint en ce tampts, ou peu après, que l’ampereur Fédnch,
deuxîesme de ce nom, manda au devent dit roy Loys qu’il vint parler
à luy à Vaucouleur, qui est une ville scituée entre France et Lorame.
Mais luy meisme faillit et n’y vint pas. Parquoy le roy for doutait de
luy, et retournait bien viste en France.
Mil ijc et xl. — Après ce fait, en l’an mil deux cent et XL, fut maistre
eschevins de Mets sire Nicolle Axie.
Et, en celle année, c’en aillait le conte de Bar oultre la mer avec les
barrons de France. Duquelle voiaige je vous lairas à parler jusques à ce
que du LXII6 évesque, appellé Jaicque, nous arons escript et devisés.
Jaicquez, txije évesque, thint le sciège xxij ans. - Le LXIB évesque
de Mets fut appellés Jaicque, et fut actraict * du sang royal, et fut frère
à Matheu, duc de Lorraine, enffans du duc Ferrei, de la suer le conte
de Bar*2. Il fut fait et créés évesque de Mets en l’an dessus dit mil deux
cent et XL.
,
,
Cil fut noble de corps et de cueur. Car touctes les belles et bonnes
condicions que doient estre en ung prélas de Saincte Eglise estoient
a. Mss. : l’on avoit.

2. Agnès,'fille de Thiébauld, comte de Bar (HÉv., p. 457). — Il faut suppléer :
et de la suer.

338

JACQUES, SOIXANTE-DEUXIÈME ÉVÊQUE DE METZ

en luy perfectement comprises. Il estoit père de paix, charitauble,
courtoy, chaiste, sur tous puissant de corps et hardi de cueur, bénigne,'
saige, plain de prudences, attrenpés, miséricors ; tousjours apparilliez
pour toucte discorde appaiser, pour le mal abbaxier et le bien avencier.
Il estoit tant bel de corps et tant bien formé de face et de mambre que
toute nature en estoit honorée, et touctes créatures s’en donnoient
merveille. Et, combien que devant son temps le pays de l’éveschiez
eust moult à souffrir, si comme le temporel sans pasteur, non pourquant sa grant sapience, dont il estoit plain, recouvra telle paix que se
fust à “ la louuange de Dieu et au prouffit des âmes et dez corps.
Si tost comme il polt sçavoir que aulcuns sans cause luy vouloit
porter dompmaige, quoy qu’il luy cousta, il luy abessoit sy son orgueil
que chacun y prenoit garde et exemple. Il rapparillait touctes les villes
et vielles édiffices de son éveschié, et enforssa villez, chastelz, de
touctes pars ; et si fyst moult de nobles édiffices nouvelle, et mainte
aussy en acquesta. Son prédécesseur avoit avencier la fermetez de
Sarbourg, maix celuy cy la perfist de hault murs et haultes tours et
de fousés parfons, si comme il appert encor. Il reffit aussy les murs de
Harestain et de Durchestain, et y fist des parfondes cisternes. Il fermait
si fort la ville de Vy et de Marsault qu’elles furent en * seureté de
leur annemis. Une ville qu’est nommé Rambéviller, qui estoit fermée
de soefz et de pallis b il la fit fermer de fort murs, et si fit faire par
autour XXIIII tours haultes et grandes. Il reffit tous les murs d’Espinal
et le chastel. Pareillement fist refïaire le chastel de Confflan, qui estoit
cheu de viellesse, et y fist faire murs, foucés et haultes tours. Il édiffiait
du tout le chastel de Hombourg, et le fit tant noble que on l’appelloit
le mirour de beaulté, et est appellé Hombourg 2,
* 1et là mist il tropt
grant argent ; et fut faict pour le principal retrait et la principalle
demourance de toucte l’éveschié pour l’évesque. Et furent faiz cham­
bres et maisons pour lez seigneurs, chacun selon son estât. Et là fondait
il une chainonnerie pour Dieu servir, et leur donna grans revenuees, et
espéciallement de fours et de mollins. Item, à Belprey et à Sallival
fist il moult de biens, et releva maintes édiffices de grant coustanges.
Item, il acquist le fiedz de Blasmont rendables à l’éveschié à tous­
jours. Et après, pour le tampts que l’Église avoit guere encontre mon
signour Conrard, filz l’empereur Ferry, et que il fut jugié pour estre
privés de son office, et que l’Esglise faisoit contre luy, corne nous
dirons ycy après, adonc vint l’évesque Jaicques à sy grant force de
gens d’armes que, par sa force et par sa prudence, il en fist fouyr les
anemys et les mist à fin. Maix se ne fust mie sans grans et merveilleux
despens. Il acquist à tousjours rendable le fiedz de Marrimont et

a. Mss. : à manque.
b. En manque dans les mss.
1. L’ancien français soif désigne une haie, une clôture, une palissade (palis).
2. Philippe a peut-être oublié un mot : Hombourg VÉvêque. Ou sa phrase dissimulet-elle une étymologie populaire qui nous échappe ?

JEAN BELLEBARBE, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1242)

339

Rubuesignens *1 et de Gaubondange 2, et tout quant que il appar­
tient. Item, il acquist ses fîedz de Pier Parcie de monsseigneur Henry
de Salmes et l’ohmaige à tousjours. Item, de monsseigneur Thiérey de
Théheicourt acquist-il le deisme de touctes les appartenances. Item, de
monseigneur Weroy le Vogien acquist-il sa partie de la vouuerie du
Val. Item, il acquist de monseigneur Pier, filz segneur Pierre du Neufzchastelz devent Metz, la vouuerie du Chastel devant Mets.
Item, il oit une foix discord entre luy et le duc de Loherenne Ferry,
qui estoit son nepveulx, pourtant que ledit évesque demandoit sa
partie de héritaige de par père et de par mère ; et luy donna le duc,
par paix faisant, tout ce qu’il avoit à Marsault et à Vy et à Réméréville, à Corbesal, à Gelacourt et à Rembéviller et à Sornéville et à
Willame 3 et à Bissoncourt, si comme il est contenus en bonnes lettres
que sont en la main de l’éveschié. Et, toucte ceste terre, l’évesque
Jaicque le donnait à l’éveschié à tousjourmaix par bonnes lestres
seellées.
Il tint le sciège XXII ans, et morut on moix de septembre, par mil
deux cent et LXII ans, on temps de pappe Allexandre 1111e. Et fut
ensevelly en l’église Sainct Estenne, on cueur sainct Nicolas et à la
senestre main. Et est le premier évesque devant l’autel sainct Nicolas
qui ait a haulte tombe. Mais à cest heure n’y est plus, et est ostée et
delïaicte, car on ait refïait le cueur tout de neuf b, et n’y est plus ledit
évesque.
Item, il fonda l’aultel saincte Katherine, qui solloit estre en celluy
meisme cueur, pour luy et pour ung sien oncle qui estoit évesque
de Chartre, pareillement pour son perre, sa mère, et pour tout ces
aultre amis. Celluy évesque Jaicques, avent qu’il fut évesque, fut
premièrement princier de ladite église de Mets, et, par sa prudance et
science, il fut elleus, comme dit est.
Cy en lairons le parler, et retournerons à nostre prepos et a maistre
eschevin de Mets.
Mil ijc xlj. — En celluy tamps, c’est assavoir l’an après que celluy
évesque Jaicque deventdit fut créés, et que le milliair courroit par
mil deux cent et XLI, fut fait maistre eschevin de Mets Thierrei
Louuey.
Mil ijc xlij. — Et, en l’an mil deux cent et XLII, le fut Jehan
Belle Barbe.
Relicque de Constantinoble apourtés en France. — Auquel tampts
durant, l’ampereur de Constantinoble, nommés Bauldouuin, donna au
a. M : est.
b. M : neust.
1. Val-resignes (HÉv., p. 462). — Peut-être Réohicourt-le-Château (Moselle, Sarrebourg), Ruckesingen en 1272, Ruchesingue en 1273.
2. Haboudange (Moselle, Château-Salins, id.) est appelé Gabondanges (1238-1260),
etc.
3. Velaine-sous-Amance (Meurthe-et-Moselle, Nancy, Nancy-Est), en latin Villanae,

deventdit roy sainct Loys, roy de France, la saincte corrogne d’espines
de Jhésu Crist, laquelle il resseut moult dévotement. Puis raichata
ledit Loys une grande partie de la saincte crois de Nostre Signeur, avec
I’esponge et le fer de la lance. Lesquelles relique ledit Baudouuin,
l’ampereur devent dit, par pouvreté avoit mis en gaige, et avoit amprunttés a dessus une grand somme de denier. Touttes lesquelles saincte
relique furent très dignement et révéramment mise et posée en la
Saincte Chapelle du pallas à Paris.
Mil ijc et xliij. — Item, en l’an mil deux cent et XLIII, fut maistre
eschevin de Mets Phelippe de Raigecourt.
Et, tantost après ces chose ainsy advenuee, et en ce meisme tamps,
le devent dit roy sainct Loys oit plusieurs mortelle guerre encontre les
Anglois, et souverainement encontre le conte de la Marche. Mais, à la
fin, en vint à bout. Puis, ce fait, luy print une grant malladie, durant
laquelle le pape Innocent, quaitriesme de ce nom, c’en vint en France
devers luy ; avec lequel il consulta l’espace de XV jour touchant les
affaire des crestiens de oultre la mer. De quoy le roy woua que, ce
Dieu luy voulloit envoier santé, qu’il mainroit son armée en Jhérusalem, et donroit secourt aux affaire de la Terre Saincte.
Mil ijc et xliiij. — Ce tamps pandant, et durant que ces antreprinse
ce faisoient, et que le milliair couroit par mil deux cent et XLIIII,
fut fait maistre eschevin de Mets Philippe Tiozime i.
Mil ijc et xlv. — Puis, en l’an après, mil deux cent et XLV, fut fait
maistre eschevin ly sire Richairt Dessus les Murs.
Mil ijc et xlvj. — Et après, en l’an XLVI, le fut ly sire Jehan, de
sainct Jullien.
Et, en celle année, les bourjois de la cité de Verdun olrent grant
guerre à leur évesque.
Concilie tenus contre Phiedric, empereur. — Item, en celle meisme
année, le devent dit pappe Innocent fist faire et assembler ung concilie
général à Lion, auquelle il priva b de l’ampire et fut condampné le
devent dit ampereur Ferrey, ou aultrement dit Fédrich. Et la cause
fut pour tant que ledit Fédrich foulloit et affligeoit l’église de Romme.
Mil ijc et xlvij. — Durant celle année, c’est assavoir en l’an mil
deux cent et XLVII, fut maistre eschevin de Mets Nicol, filz Houuons
Favel.
Mil ijc et xlviij. — Et puis, en l’an après, mil deux cent et XLVIII,
le fut le sire Maitheu, de la Chambre.
Ordonnances du pape que les cardinalz pourlerons chapeaux rouge
pour signe. — Item, au devent dit concilie, le devent dit pappe Inno­
cent fist une nouvelle institucion. Car il ordonna et bailla ung signe
aux cardinaulx, c’est qu’il pourteroient parpétuellement ung chapeau
a. M : ampruttés.
b. Mss. : il priva et fut condampné de l’ampire.
1. Phelippe Tegniayne (Tignienne), D’Hannoncelles, Metz ancien, Metz, RousseauPallez, 1856, t. I, p. 26.

AUBEL DE CHAMPEY, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1254)

341

rouge dessus leur teste ; laquelle chose aparavent ne ce faisoit point,
mais depuis, il l’ont tousjour observés, et ait estés cest husaige mainte­
nus Et par ce signe, veult le pappe antandre qu’il soie tousjour prest
et disposés de respandre leur sancque pour gairder et defïandre le
peuple crestien. Ge seroit bien fait, mais qu’il le fissent.
Mil Vf et xlix. - L’aultre ans après, que courroit le milliair par mil
deux cent et XLIX, fut maistre eschevin de Mets le sire Baudouuin le
La chapelle du Preis édifiée en Mets. — En laquelle année, ung
notauble phisicien et grand clerc en Mets, nommés maistre Lambert,
ait impétré du devent dit pappe Innocent de faire édifier la chappelle
du Prey à Mets, fondée au non de sainct Golme et sainct Damiens.
Laquelles chaippelle il fist faire et fonder au lieu de sa propre maison
en laquelles alors il demouroit. Et, ce fait, il l’ait enrichies et douuées
de plusieurs rantes par luy acquises, et puis l’ait par dévocion donnée
à Sainct Nicollas du Prey de Verdun. D’aultre y ont depuis heu fait
plusieurs bien. Dieu et les benoy sainct leur vueulle mériter ! Amen.
Mil lie et l; mil if et Ij. - Et, en l’an après, c’est assavoir mil deux
cent et L, fut maistre eschevin de Mets Pierre Tiguenne ; et, 1 an mi
deux cent et LI, le fut Matheu le Merciet.
Les pasloriaulx pour aller oullre mer. - Auquelle tampts advmdrent
plusieurs merveilles. Entre lesquelles, en celle meisme année, et vivant
le devent dit esvesque Jaicque, les pastoriaulx de France ce assamblairent pour c’en aller oultre la mer. Et, quant il vinrent à Bourge,
leur maistre et capitenne fut tué. Sy s’en retournairent chescun en son
repaire, et ne firent rien.
n
,
Mil ijc et lij. — L’an après, mil deux cent et LII, fut maistre eschevin
de Mets le sire Boins Amys.
, „ „
Le sciège dever Toulz. - Et, en celle année, c en allait le duc de Bar
mestre le sciège devant Toul, et abbatirent partie des murs, par paix
Mil if et liij; mil Vf liîij. - Après, en l’an mil deux cent et LUI,
fut maistre eschevin de Mets Nicol Brullevaiche ; et, en 1 an mil deux
cent LIIII, le fut Aubelz, de Champey.
...... ., .
En laquelle année, le deventdit pappe Innocent c en allait à la cité
de Naples pour aulcune affaire. Mais le mal le print, et mouru . ,
parquoy, ceu qu’il avoit consulté avec le roy sainct Loys ne vin
point en effect de sa partie.
.
Gy nous tairons de ces faict, et retournerons audit samc oys.
Après la mort de pappe Innocent, IHIe de ce nom, et duquelle nous
avons icy devent parlés, quant le roy sainct Loys en oyt es nouve e,
alors il luy souvint de son veu qu’il avoit fait, d’aller avec son armée
à Jhérusalem. Parquoy toucte chose nécessaire à la guerre turent
aprestée, et montait sus mer, luy et son armée.
Le roi sainct Loys aux pais de Cipre. - Et tant ont ailes à 1 avanture
du vant et de fortune qu’il arivairent en Gipre, auquel lieu il passa son

342

SAINT LOUIS PART POUR LA CROISADE (1248)

yver. Mais, avant que en parler plus avent, je vous dirés aulcune
chose qui advindrent avent son partement.
Mil ijc et Iv. — Et, premier, est à nocter que, en l’an mil deux cent
et LY, fut maistre eschevins de Metz signeurs Richairt Dessus le Murs.
Et, durant ce tampts, le devent dit roy sainct Loys print la crois pour
aller oultre mer.
Sainct Pier le mertir ; sainct Amant. — Et, pareillement en celluy
tampts, florissoit et vivoit sainct Pier le martir, de l’ourdre des Prescheur. Et aussy faisoit sainct Amant, qui fut évesque de Cantorbie.
Mil ijc et tvj. —- Item, l’an après, c’est assavoir l’an mil deux cent
et LVI, fut maistre eschevin de Mets Simon Poigoiez 1.
Mil ijc et Ivij. — Et, en l’an mil deux cent LVII, le fut Nicolle
Govion.
Ordonnés en Mets d’apeller les maistre eschevins « sire ». — Et alors,
en celle année, fut ordonné et institués en Metz que l’on appelleroit
les maistre eschevin sire.
Granide aventure d'une pier de glace trouvée. — Et, pareillement en
ycelluy tamps, advint de merveilleuse adventure parmi le monde.
Entre lesquelle il cheust une merveilleuse tempeste et de grosse grelle;
et, entre les aultres glasse, en y oit une sy grosse qu’elle ressambloit
à une grande pierre engellée, en laquelle pierre estoit entailliez et
emprainte l’imaige du Crucifix, et estoit escript dessus ces lettre icy :
J. N. R. J.
Vaillance de ij François. — Item, en celluy temps, furent prins deux
hommes d’armes de France en Sarazinommes 2. Maix les Sarazins,
quy désiroient à veoir la vaillance des François, et affîn qu’il vissent la
manier de conhaitre à la mode françoise, il ordonnèrent qu’ilz se combatteroient enssemble, et cellui qui guaingneroit eschepperoit, et seroit
quicte et franc. Or ce vont biens armés et embastonnés les deux Fran­
çois deventdit ; et, incontinent eulx armés, commencèrent à frapper
sur les Sarrasins, car ainsi l’avoient ilz promis l’ung l’aultre ; et en
tuèrent tant que c’estoit grant merveille.
Mil ijc et Iviij. — Item, l’an mil deux cent et LVIII, fut maistre
eschevin de Metz le sire Jaicques, de Chambre.
Et fut alors, en celle année, que le devent dit roy sainct Loys ce
partit de Paris, par ung vandredi, après la Panthecouste. Et, avec son
armée, sont tant allés que, par la voulluntés de Dieu, il sont arivés en
Chippre, comme cy devent nous avons dit. Et avec luy avoit le bon
roy ces deux frère, c’est assavoir Robert, conte d’Artois, et Charles,
conte d’Angiers. Et, en ce lieu de Chippre, furent au devent dit roy
envoiées certaine letre de pairt le prince Erchaltans; et disoient ycelle
lettre comme Chaan, roy des Tartarins, avoit resseu la fois de Jhésu
Crist avec le sainct sacrement de baptesme, et qu’il avoit grosse armée
pour les mener contre les annemis de nostre foy. De ces nouvelle en fut
1. Poujoize.
2. Sarasinesme, pays des Sarrasins.

LE COUVENT DES AUGUSTINS FONDÉ A METZ

(1260)

343

le roy très joyeulx, et fist translater les lettre, et en envoya la coppie à
sa merre en France.
La ville de Damiette conqueslée par saincl Loys. — Puis, ce fait,
montairent de rechief sus la mer, et c’en tirairent oultre avec touttes
l’armée. Et tant ont navigué qu’il sont arrivés en Égipte, dessus la
rivier du Nil et devent la cité de Damiette, là où fut mis le sciège.
Et, après plusieurs assaulx donnés, fut prinse, et fut réduictes à nostre
merre Saincte Église romaine. Mais elle n’y demourait guerre, comme
nous dirons ycy après.
Le couvent des Seurs de saincte Claire sus le Murs fondés en Metz.
Et, en celle année, fut premièrement fait, fondés et édifiés en Mets le
couvans des Suer de saincte Claire de Dessus le Murs. Desquelles j é
tous les nons par escript, et de tous les dons que depuis ce tampts on
leur ait fait ; maix je l’avoie obliez, parquoy je n’en dirés plus.
Cy nous en tairons quelque peu, jusque ad ce que nous aront dit
aulcune chose d’aultre mastier.
Mil ijc et lix. — En celluy tamps, que courroit le milliair par mil
deux cent et LIX, fut maistre eschevin de Mets le sire Jehan de la
Court.
.
Mil tjc et Ix. — Et, en l’an mil deux cent et LX, le fut le sire Hugue
Gollon.
Piteuse rencontre pour les crestiens aux palis des Turcqz. — Auquel
tampts le souldan, avec grosse armée, arivait devent Damiette. Et,
après plusieurs chose faicte et dicte, que je lesse, y oit piteuse rancontre
pour les crestiens, car il furent tout desconfis, et le roy sainct Loys,
avec ces deux frère, Charles et Alphonce, prins. Et fist le souldan
morir plusieur crestiens. Touchant du roy sainct Loys, il fut mis à
ranson à huit mil hizantins sarrazins. Et fut randue Damiette a paiens,
comme devent. Puis, ce fait, et bien tost après, fut le souldan occis des
siens propre. Et, tantost après, retourna le roy en France. Et ne demoura guerre que sa merre la royne morut.
Le couvent des Agustins fondés en Mets. — Item, aussy en cellui
tampts, acomensoit emprime à venir en bruit l’ordre des hennîtes
desquelles je vous ait par cy devent parlés, que nous appelions les
Augustins. Et, cellon ce que je puis entandre et congnoistre, furent
premièrement environ ce tampts fondés en Mets, et y fut faicte une
église au lieu où à présant elle est, non pas de prime faisse cy belle,
cy grande ne cy magnificque qu’elle ait depuis estés faictes. Et, en ce
lieu où elle est scituée, je trouve escript qu’il y solloit avoir ung peti
oratoire en laquelle y demouroit une manier de religieulx nommés les
Cesse, et veult on dire que ces religieulx estoient des Tamplir ou des
Hospitalier de Jhérusalem, mais je ne sçay pas a vray desquel. Celle
religion des Augustins, scituée en Mets, doit tous les ans au amme e
Sainctes Glossine tribus et rante anuelle pour le petit huis qui est
devent le portaulx d’icelle église et a plus près, qui dessant en la rue,
monstrant que ycelle église est fondée en partie dessus le territoire de

344

JACQUES CRETON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1261)

la dite église Saincte Glossine. Gy ont tousjour les frère de léans de puis
heu resgrandis leur maison petit à petit, et tellement que ung des frères
de léans fîst woulter l’église de l’amonne des bonne gens. Ung aultre
fist faire le dorteur ; et, depuis, n’ait pas loing tampts que ung aultre
frère, confesseur de la duchesse de Loraine, fist faire les chayre du cuer ;
et ainssy des aultres.
Le roy Loys réprimme les abus et estaubly les xvxx aveugle de Paris. —
Mais, pour revenir a prepos, quant le roy fut retourné en France, il
mist remède en biaulcopt d’abus qui ce faisoient touchant l’ordre de
justice, et establit très bonnes loix. Pareillement, il pugnit les
blasphémateur et exécrables juremens. Et fist encor et institua
plusieur aultre bonne institucion au proufit de la chose publicque ;
et tant d’église et couvans de religieulx et religieuse fist ce roy
fonder en son tamps que ce fut merveille. Entre lesquelles fist
faire l’Ostel-Dieu de Paris ; et fist fonder les XVxx aveugles, en
recordacion des trois cent chevallier à qui le souldan fist crever les
yeulx en la cité de Damiette a voiaige deventdit. Il amena avec
Iuy de la montaigne Carmelis oultre mer aulcuns religieulx,
lesquelles pour le nom de celle montaigne furent nommé Cairme,
et desquelle je vous ay par cy devent parlés, et leur fist fonder une
église à Paris.
Le couvent des Carme fondés en Mets. — Pareillement, tantost après,
fut faicte et fondée une petitte religion d’iceulx Carme en la cité de
Mets. Et fut la seconde faictes et fondée dessà les mons, comme je
trouve escript. Puis, loing tamps après, ait celle religion et cellui
couvant en Mets estés réagrandis et reffait de nouviaulx par ung duc
de Bar, comme il est à présant, et comme nous dirons icy après, quant
tamps serait.
Plussieurs église, monastère et hospilalz fondés par le roi saincl Loys. —
Mais, pour retourner a noble fait de ce glorieulx roy, il fist encor depuis
faire plusieur aultre église. Premier les Chartreux, l’ospital Sainct
Nicolas, les Fille-Dieu de Paris, et tant d’aultre qu’il seroit loing à dire.
Et fist ce roy tant d’aultre belle et vertueuse euvre qu’il en est sainct
en paradis.
Cy lairons à pairler de luy pour le présant, et retournerons au maistre
eschevin.
Mil ij» et Ixj. — Durant celluy tamps, c’est assavoir en l’an mil
deux cent LXI, estoit et fut faict maistre eschevin de Mets le sire
Jaicques Cretton.
Les pastorialz de rechief rasemblés. — Et, pareillement en icelluy
tamps, ce rassemblèrent encor de reschief tant de pastouriaulx pour
aller oultre mer que c’estoit merveille. Et tousjours multiplioient,
tellement qu’ilz furent en sy grant nombre qu’ilz comencirent à faire
beaulcopt d’oultraige en passant le païs ; et, à la fin, ceulx de Bourges,
avec aultres leur alliés, les assaillirent et tuèrent leur maistre, qui
estoit de Honguerie. Et furent ces misérables pastouriaulx desconfis

PHILIPPE DE FLORENGES, SOIXANTE-TROISIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1261-1264)

345

et mis en fuite, et du tout debairetés 1, ne jamaix ne se rassamblèrent.
Mil ijc et txij- ~ Item, l’an après, mil deux cent LXII, fut maistre
eschevin de Mets le seigneur Jehan Trouuan.
, ,
Et, en celluy tamps, y oit une moult merveilleuse discession entre les
escoulliers de Paris et les relligieulx d’icelle cité.
Item, je trouve que, en celle meisme année, et au tamps pappe
Allixandre, mourut le deventdit évesque Jaicque, qui fut cy ver
tueulx, et duquelle je vous ay heu par cy devent parlés.
Phelippe, Ixiif évesques, thint son sciège iij ans. - Et tantost en
celle meisme année, fut fait et créés le LXIII* évesque de Mets,
nommés Philippe. Lequelle fut de noble ligmé estrait, car il fut de
Florehenge, de la conté de Lucembourg. Celluy fut lairge et courtoy,
et en son tamps abbatit Lucembourg; et sy fonda Condel sur Muzelle.
Et s’il fut demourés évesque loing temps, il eust fait moult de bien
à l’éveschié, mais il renonça et devint moinne 2* 3de
1 “
- c°mme
vueullent dire aucuns ; et puis, quant il morut, il se fit ensevellir en
l’église de Sainct Estenne de Mets, on cuer samct Nicolas, et tout a
plus près de son devantrien l’évesque Jaicque. Et soulloit avoir sur
sa tombe en une tauble les verses que cy après sont escnptes .
Vertus
Dulcis honestatis
Hic fuit : atque satis
Sivens 4 absque dolo,
Sed : « Dare cuncta volo »,
Philippi nomme gessit,
Fortiter agebat 7,
Amplificans sedem,
Castrum destruxit
Cunde 10, cum multis,
Pluraque fecisset,
Semper donavit, nullis
Nunquam cessavit,
Ego Jhesus Christus 12,
Huic pius assiste,
Anno milleno,
Functus terreno

Totius fons pietatis,
Sublimis nobilitatis.
Nunquam dixit : « Dare volo 5 » ;
Per me mea solo 6.
Qui presulis omen
Pro tempore quando regebat,
Constructam reddidit edem 8.
Liescemberg 9, postea struxit
Si verum dicere vultis,
Si sedem plus tenuisset.
Quecunque negavit,
Sed 11 omni tempore pavit.
Quia tam 48 bonus extitit iste,
Cum justis hune cito siste.
Ter cento ter minus uno,
Latet hic sub paupere cuno 14.

a. Les mss. ont laissé le nom en blanc.
1. Desbareter, vaincre, détruire, anéantir.
„ „„„ r>rphendp de la Cathé2. HÉv., p. 469. Il ne devint pas moine, mais il conserva une p
drale de Metz, avec la trésorerie et le ban de Remilly.
pnradré d’un dessin
3. HÉv., P. 470. - Nous conservons, en tête, le mot Vertus encadre d un aessi
à la plume, et la disposition assez extraordinaire adoptée par JSa( _ 8 Aedem.
4. Vicens. - 5. Nolo. - 6. Nota* pro me mea solo. - 1.
12. ^ Jesu
9. Liestemberg. *— 10. Condé : Conde-sur-Moselle.
Christe, — 13. Quoniam, — 14. Humo.

346

JEAN DE RAGECOURT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1264)

Mais maintenant tout cici est ostés, ad cause du cueur qui est reffait
tout neuf.
Cest évesque Phelippe fut eslevé à l’éveschié de Mets l’an mil deux
cent LXII, comme dit est. Puis renunssa en la main du Sainct Père ;
maix, le thier an de son éveschié, demanda pour son estât la prébende
de Mets et la trézorie et le ban de Remillei, et le pappe Boniface luy
donna. Et, après ce qu’il oit régné son eaige, il morut,par mil deux cent
IIIIXX et XVII, le XXVIIe jour de novembre, desoubz le pappe Boniface huictiesme. Entre le tamps qu’ilz renunssa a à l’éveschié et le
temps qu’il morut, y oit quaitre évesques. Car, depuis qu’il oit renuncié
à l’éveschié, il vesquit XXIII ans. Et, quant il fut mort, il fut ensevelly
comme évesque, combien qu’il eust renuncié à l’éveschié, comme dit
est, et qu’il ne fut mie évesque.
Mil ijc Ixiij. — Item, à l’acomencement que cest évesque fut créés,
quant le milliair courroit per mil deux cent et LXIII, fut alors maistre
eschevin de Metz le sire Pycrré Thomas.
Aliances entre ceulx de Bar et de Mets. — Et, en celle année, furent
faictes les alliances de ceulx de Bar et de ceulx de Mets.
Et fut en ce mesme temps que le deventdit roy sainct Loys fuit
retourné d’oultre mer et du païs de Surie. Et, luy revenus, il fist biaulcopt de chose, comme j’ay devent dit. Puis il mariait son filz Philippe à
Ysabelz, fille du roy d’Arragon, parquoy ledit roy d’Arragon luy
quictait tous ceu qu’il avoit en Carcasonne, en Bigora, en Barselonne
et en Cathellongne.
Et, en ce meisme tamps, Manfroy, bastard de l’empereur Fédric,
tenoit et ocupoit à tort le royaulme de la Grant Sicille ; contre lequelle
le pappe Allexandre quatriesme publia interdit et sentance d’excomunicacion.
Urbain, iiif de ce nom, pape. — Et, après la mort dudit Allexandre,
fut pappe Orbain, quatriesme de ce nom, qui fut de Troye. Lequelle
samblablement excomuniait ledit Manfroy, et donait à Charles la
contés d’Angier, et à ces hoirs jusques à la quatriesme généracion ; et,
pareillement, luy donna le royaulme de ladite Sicille et la duchié de
Pouilles, et toutte lez terre que ledit Manfroy, filz a deventdit ampereur
Fédric, lequelle estoit condempné comme hérite *1, avoit tenus et
husurpés. Et, après ce fait, ledit roy sainct Loys, à la requeste dudit
pappe Urbain, envoia ledit Charles, son frère, avec grosse armée à
Romme ; et illec fut du pappe Clément couronné du royaulme de
Sicille, p arm y grosse pancion qu’il luy en rendoit chacan. Et mena ce
Charle cy dur guerre en l’encontre dudit Manfroy que à la fin fut tués
devant la cité de Bonivento, on reaulme de Neaple, et fut la cité randue.
Mil ijc txiiij. — Item, l’an mil deux cent et LXIIII, fut maistre
eschevin de Mets le sire Jehan de Ragecourt.
a. M : renussa.
1. Hérétique.

MORT DE SAINT LOUIS

(1270)

347

Mil ijc Ixv. — Et, l’an après, que le milliair courait par mil deux cent
LXV, le fut Allixandre Macquerelz.
Mil ijc Ixvj. — Puis, en l’an mil deux cent LXVI, fut maistre eschevin Thierrey Brixepain.
Et, en celle année, ledit Charles, duc d’Angeois, coppait la teste a
Conrard, le filz l’empereur Fédric.
Mil ij° Ixvij. — Item, l’an après, mil deux cent LXVII, fut maistre
eschevin de Metz le sire Thiéhault Falquenelz.
En celluy temps, le glorieulx saint Loys fit son filz Philippe chevalier.
Et, l’année aprez, Ysabelz, femme dudit Phelippe, oit ung enflant, qui
oit nom Phelippe, qui depuis fut roy de France.
Mil ijc Ixviij. — Et puis, en l’an mil deux cent LXVIII, fut maistre
eschevin de Metz le sire Jacques, de Nouviant.
Mil ijc Ixix. — Et,'en l’an mil deux cent LXIX, le fut le sire Geof­
froy le Gournaix.
Le roy Loys de rechief en Surie. - En laquelle année le pappe envoia
de rechief a roy sainct Loys le requérir de mener son armée à l’ayde des
crestiens en Suri'e. Et ainsy en fut fait ; car, en ladicte année mil
deux cent et LXIX, furent les nef à Aiguesmorte toutte aprestée.
Cy ont le roy, avec Phelippe, Jehan et Pier, ces trois enfïans, et avec
leur gens, prins la croix et ont monté sur mer.
Carlhaige rendu aux crestiens. — Et tant ont allés qu il ont arrivés
près de la cité de Thunis, qui enciennement ce appelloit Carthaige.
Et, après ce que plus de dix mil des leur furent tués, fut Carthaige
prinse et randue. Et oit le roy plusieurs belle victoire dessus les infidelle.
Grant pestilence aux camps du roy Loys. — Après lesquelle la malladie
de peste ce fraipa au campe dez Françoi, tellement que ce fut pitié.
La mort du roi sainct Loys. — Et fut le roy malaide de flux de vantre,
de laquelle maladie, le lundemain de la sainct Burthemin, il morut.
Mais, avant sa mort, il resseust les sainct sacrement. Puis, quant i o t
son filz Phelippe bien informez de vivre en l’amour de Dieu et du
gouvernement du royaulme, ce fist estandre dessus ung lict de cendre ,
luy estant en l’aige de LVII ans, randit à Dieu son espris. Et fut en
l’an mil deux cent et LXX.
Mil ij° Ixx. - En laquelle année estoit alors maistre eschevin de la
cité de Mets Nicol, filz le seigneur Jaicomin le Gournaix.
Le devantdit roy sainct Loys oit de Mergueritte, fille du conte de
Provence, son espouse, IX anfïans, c est assavoir Philippe, qui fut
roy après luy, Loys, Jehan, Pier, Robert, Ysabel, Blanche, Margue
rite, Agnetz. Lesquelle furent tous marié haultement à fille de roy,
duc ou conte, et les fille semblablement, réservés Loys, qui morut
jonne. Ledit roy sainct Loys fut enteré à Thunis. Puis furent ces os
apourté à Paris, et en grant honneur furent conduicte à Samct Denis.
Et, en allant, furent faicte plusieurs stacions et repousée. Et sont les
lieu là où à présant sont les crois en allant de Paris à Sainct Denis ;
car pour cella furent elle faictes.
Le roi de Thunys rendus aux crestiens. — Après la mort d icelluy roy

348

PHILIPPE FAIXIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1272)

sainct Loys, à Chairle son frère ce randit le roy de Thunis ; et, en
payant une grosse somme de denier et tribus annuelle audit Chairle,
roy de Cecille, fut la paix faicte. Et parmy ce encor qu’il soufïroit
par tout son païs preschier la loy de Jhésu Crist, et de laissier prandre
le sacrement de baptesme à qui le voulloit prandre.
Phelippe le Hairdi, iije de ce nom, roy de France. — Phelippe le Hardi,
troisiesme de ce nom, après la mort de son perre fut fait roy ; et, le
jour de l’Assumpcion, à mey aoust, fut couronnés à Rains ; et thint
l’espée devent luy Charles de Valloys, son oncle. Et, avec ce, pour ce
tampts, luy escheurent plusieurs terre et signourie. Car, en celle dicte
année que mourut le deventdit roy sainct Loys, son perre, pareillement
mourut Ysabel, sa femme, et son oncle le conte de Poitiers, et aussy
fist la contesse de Toullouse. Lesquelles furent tous mors sans hoirs de
leurs corps ; parquoy escheurent ces deux contés au deventdit roy
Phelippe.
Mil ijc Ixxj. — Et, pour celle année, que alors courroit le milliair
par mil deux cent LXXI, fut maistre eschevin de Mets Baudouuin
Louve.
Le conte de Foix prisonier. — Durant ce tamps, le deventdit roy
Phelippe oit plusieurs guerre en l’encontre du conte de Foix ; lequelle,
après plussieurs rancontre, il le fist venir à raison, et le thint ung ans
en prison. Et puis fut paix faicte, et lui furent randue toute ces terre et
seigneurie.
Mil ijc Ixxij. — Aussy, en celluy tamps, qui fut l’an de grâce mil
deux cent LXXII, fut maistre eschevin de Mets ly sire Phelippe
Faixin.
Concilie tenus à Lion par pape Grégoire, ausquelz asistaire[nt\ environ
a[c] que archevesque que évesques. — Auquelle tamps le pappe Grégoire,
dixiesme de ce nom, fist faire ung concilie général des évesque à Lyon,
là où fut traicté de faire la guerre en Surie contre les Turcqs et Sarrazins. A celluy concilie se trouva le roy, et parlairent ensamble de l’estât
des crestiens. Pareillement, à ce concilie, ce y trouva Pelealogus,
empereur grec, lequelle y vint et ce associa à l’Église occidentalle.
Aussy firent plusieurs Tartarins, lesquelles furent tous lavés et baptisés
et faietz crestiens. Et durait ce concilie dez le moix demayejusques à la
Magdelainne. Et, avec les grant parsonnaige devent nommé, ce y
trouvait environ Ve que archevesques que évesques, et plus de cent et L
abbez.
Les bigame condamnés. — Et furent alors condampnés les saichier
et les bigames 1, et privés de tous previlèges : car c’estoient gens ce
tenant bon religieulx, mais leur fait ne le monstroit pas par lez euvre
qu’il faisoient.
1. Les clercs bigames sont ceux qui ont épousé une veuve. Le mot saichier a sans
doute été mal transcrit par Philippe. Étaient exempts de tailles, d’une manière géné­
ra e, es c ères qui avaient épousé une vierge et ceux qui vivaient « cléricalement » ;
les bigames et les clercs qui se livraient au commerce y étaient soumis.

GUILLAUME DE TRAINEL, SOIXANTE-QUATRIÈME ÉVÊQUE DE METZ

(1264-1269) 349

Mil ijc Ixxiij. - Item, l’an après, c’est assavoir quant le milliaïr
courroit par mil deux cent et LXXIII, fut maistre eschevin de Mets le
signeur Nicolle Faulquenel.
Auquel tamps ce esmeust grant guerre encontre le roy de Castille,
de laquelle je ne parlerés point, ains la lairés pour éviter proliscité.
Mil if Ixxiiij. - L’an après, fut fait maistre eschevin de Mets
seigneur Jehan, de Sainct Polcort.
La fesle du Sainct Sacrement instituée. — Auquelle temps, comme je
trouve escript, fut premier instituée la feste du Sainct Sacrement de
l’autel.
.
...
Mil ijc Ixxv. — Item, en l’an aprez, c’est assavoir 1 an mil deux
cent et LXXV, fut maistre eschevin de Mets ly sire Jehan, filz Jaicomin le Gournaix.
.
Et, en celle année, ledit roy Phelippe ce remariait et pnnt à femme
Marie, fille a duc de Braibant.
Mais d’iceulx nous lairons à pairler pour le présant, et retournerons
aulx évesque de Mets.
Guillame, Ixiiif évesques, et thinl le sciège vj ans. — Guillame de
Trangnuel fut fait le LXIIIP évesque de Mets ; et fut fait, créés et
bénis en l’an dessusdit mil deux cent LXXV ans.
L’évesque prins et détenus par le duc de Lorenne. — Et puis, apres
qu’il oit ung poc de temps gouverné son éveschié, il oit grant discord
au duc de Lorhenne. Et tellement allait la chose qu’il fut de luy prins
et détenus en estroitte prison par ung ans et plus ; et fut sy secrétemens
tenus que on ne povoit sçavoir où qu’il fut emprisonnez. Et, avec luy,
furent prins plusieurs aultre Romains, lesquelx le deventdit duc fist
secrètement ardre en une maison en Lorainne. Et, aincy comme cellui
évesque estoit en prison, comme dit est, et que l’on ne povoit sçavoir
où il fut, alors y avoit ung official, qu’il avoit amenés du pays de
Romme, qui en estoit en grant meschief. Parquoy ycelluy officiaulx
accommença à aller secrètement par la duchié de Lorramne et enserchier de son signeur. Et fist si grant diligeance et tant pourchaissait
ledit officiaulx qu’il fust mené où il estoit, et parla à luy, maix il ne
le vit pas. Se luy demandait cornent il luy estoit, et l’évesque luy dist
qu’il luy serait moult bien s’il povoit avoir des bon vms.de Romme,
car autrement il ne povoit avoir santé. Et l'official, qui fin homme
estoit, l’entendist tantost ; maix les gairde qui estoient entour ne 1 en­
tendirent pas, ains cuydoient qu’il demandaist dez vins de Romme
pour boire. Et, alors, après ce dit, l’official se partit d’illec, et ne laichit
jamais jusques à tant qu’il fut à Romme et ce trouvait devent nostre
Sainct Perre le pappe, auquelle il contait toute l’affaire. Puis ampeltra
de luy le cesse 12 pour toutte la duchié de Loherenne ; et, par ous

1. Il impétra, il obtint.
2, Cesse, interdit, cessation des offices divins.

350

AUBERT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1276)

lieux ou que le duc passait, on cessoit l’office divin par trois jours
après.
L’évesques délivrés. — Et, alors, les gentilz homme de son païs en
eurent despit, et le blâmèrent, et firent tant qu’il délivra celluy évesque,
et tous les aultre pareillement qui estoient prins avec luy. Et, dès
incontinent qu il fut hors de prison, il s’en allait à Romme, dont il
estoit nef, et illec assamblait et amena grant gens de ses amis et dez
amis de ceulx qui avoient esté ars en la maison, comme dessus est dit,
lesquelx à force entrèrent en la duchié de Lorrainne. Et, quant le duc le
soit, sy vint contre eulx à grant gens, et olrent grant bataille ensemble
auprès de Warensberg; et illec y oit grant effusion de sang. Maix la
desconfiture tourna sur le duc de Loherenne, et a grant peinne il
eschappait de la battaille. Et puis, quant ledit évesques oit heu celle
victoire, il s’en tournait à Romme avec ses amys ; et y morut le VIe ans
de son éveschié, le sciège de Romme vacant par la mort du pappe
Elément quairs, et l’empire vacant après la mort Fédric le second.
Mil ijc Ixxvj. - En l’an après que le deventdit évesque fut créés,
c’est assavoir en l’an mil deux cent et LXXVI, fut maistre eschevin
de Metz le sire Aubert, filz Jehan Xauvin.
Le roi Philippe empoisonnés. — Et, en celle année, Loys, l’annez
filz du deventdit roy Phelippe, fut ampoisonnés et mourut ; pour
laquelle mort ledit roy menait grand dueil. Et fut Ioing tamps que l’on
ne pouvoit sçavoir qui ce eust fait. Alors, l’ung des grant maistre de la
court du roy, appellé Pier de la Brousse, lequelle en estoit cause, pour
mieulx couvrir sa trayson, comensait à machiner contre la nouvelle
royne, Marie, qui estoit fille au duc de Brabam, comme dit est, disant
qu’elle désiroit la mort de ceulx qui n’estoient point ses anfïans, affin
que les siens régnassent. Car ledit Loys estoit filz à Ysabelz, royne de
France dernièrement trespaissée, comme cy devent est dit. Cestuy
Pierre n amoit point la royne pour ce que la royne ne faisoit point de
feste de sa femme . et ce faisoit la royne pour tant que sa femme
pourtoit aultant d'estait 1 que faisoient les grans dammes de la court.
Et, adoncquez, le roy, pour en sçavoir la vérité, envoiait sertains
messagier à Nyvelle pour pairler à une béguyne devineresse que illec
abitoit. Parquoy, a la fin, fut la trayson cognue, et fut trouvée la royne
du cas ygnocente.
Pier de la Brousse pendus. — Bit, pour ce, ledit Pier, qui alors estoit
grant conseillier et gouverneur du royaulme, fut mis hors de graice,
et fut prins et pandus par la gorge au gibet deMaufalcon. Et fut ce fait
en l’an mil deux cent et LXXVIII, le lendemain de sainct Pierre et
sainct Pol, en la présence de gens sans nombre, qui ne se povoient
assés esmerveilliez d’ung sy grant homme venir à telle fin. Et, pour ce,
à bonne cause dit on ainsy : « Qui plus hault monte qu’i ne doit, de plus
hault chiet qu’il ne vouldroit. »
1. Vêtements somptueux, peut-être, plus particulièrement, coiffure.

POINCE DE RAGECOURT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1280)

351

Mil ijc Ixxvij. — Durant que ces chose ce laisoient, c’est assavoir en
l’an mil deux cent LXXVII, fut maistre eschevin de Metz Poince de
Gollogne.
Et, en celle année, régnoit Réon, l’empereur de Behangne h
Mil ijc Ixxviij. — Puis, l’an mil deux cent LXXVIII, et du tamps
que fut pandus le deventdit Pier, fut maistre eschevin de Metz Jaicomin
Falquenelz.
Et, en celle année, fut le deventdit Phehppe, roy de France, desconfit
en Ethenise 12.
Ung pappe lue par sa follie. - Pareillement, advint que, en celle
année, ung pappe espaignol, appellé Jehan, se cuydant estre grant
astrolloigien, et en regardant on cours des estoilles, trouvait qu il
debvoit vivre bien longuement. Maix sa science ne luy vallut gaire ;
car, une nuictz, en regardant audicte estoilles, et luy estant en une
gallerie, la traveure de dessus cheut dessus luy, et fut ledit pappe tué.
Et, par ainsy, il faillit bien de son entendement.
Et, après luy, fut pappe Gaientien, que fut appellé Nicol ; et ne
vesquit cestuy Nicol que trois ans. Et, après luy, fut faict pappe MarMil ijc Ixxix. — Item, l’année après, c’est assavoir quant le milliair
courroit par mil deux cent et LXXIX, fut maistre eschevin de Mets le
seigneur Jehan Courbelz.
Auquelle tamps furent envoiés messaigier a roy de France et pareille­
ment a roy de Castille de pairt le deventdit pape Martin, quatriesme
de ce nom, pour les amonéter de faire paix ensamble, et avec ce les y
contraindre par censures ecclésiasticque.
La ripvière de Sainne hors de ryve. — En ce meisme tamps fut la
rivière de Saine cy hors de rive qu’elle démollit et abatit six arches du
grant pont de Paris, et une du petit pont ; et fut la ville toucte envi­
ronnée d’yawe.

Mil ijc iiiixx. — Item, en cellui tamps, c’est assavoir 1 an mil deux
cent et IIIIXX, fut maistre eschevin de Metz Poince, le filz Phelippe de
Raigecourt.
_
Grant crualtés commise par Pier d’Aragon emvers les Fransols. — Et,
en ce meisme tamps, Pier, roy d’Arragon, fist tant qu’il eust 1 amour
des plus grant du royaulme de Cecille, auquelle il prétandoit à avoir
droyt. Et tellement que, la trayson machinée entre eulx, ung jour,
tout ainssy comme l’on voulloit aller à vespre, furent assai îs tou ez
Fransoy demourant audit païs de Cecille, et mis à mort, eulx, leur
femme et anfïans, pour l’amour de leur seigneur Chairle, frere a roy
sainct Loys, à quy le pappe avoit donné ce royaulme, comme cy devent
est estés dit. Et encor plus grant cruaultés firent les dit Cecilliens.
Car plusieurs femme grosse de vif anfïans furent fandue et ouver e, e
1. Ottocar II a régné en Bohême de 1255 à 1278, Wenceslas V de 1278 à 1305. U doit
y avoir une confusion de Philippe, d’autant plus qu il s agit e roi
. ^
2. Allusion à la campagne de 1276, où Philippe ne dépassa pas Sauveterre, au pied
des Pyrénées (E. Lavisse, Histoire de France, t. III , p. 112).

352

MORT DE PHILIPPE LE HARDI, ROI DE FRANCE (1285)

fut prins le fruit de leur vantre, et inhumainnement frapper encontre
ung mur, affin que de la lignié françoise rien ne demourait a pais.
Et, après ce fait, le dit Pier, roy d’Arragon, faindant qu’il n’en sceust
rien, fist son armée et fist samblant de c’en aller sus les Turcqz et
Sarrasins. Cy monta sur mer, et en Cecille c’est transporté pour assaillir
Chairle, roy d’icelle, lequelle en rien ne c’en gardoit. Maix alors Philippe,
roy de France, voyant la traison, fist mairchier son armée en Arragon,
affin de faire retourner ledit Pier. Lequelle, quant il fut advertis du
domaige que le roy faisoit en son pais, bien haitivement ordonna de ces
besongne par dellà ; et y laissa sa femme pour soubtenir la guerre ;
et luy, avec grant puissance, c’en vint hâtivement, et cuidoit soubprandre lez navière fransoise. Mais il fut descellez par les espie 1,
parquoy on y remédia ; et y fut envoiés le conestable de France et le
mareschal de l’armée, avec grant compaignie de gens d’armes, en la
conduicte de l’espie. Lesquelles, quant il virent leur annemis en cy
grant nombre, il voulloient reculler errier sans assaillir leur annemis ;
et, ce n’eust esté la remonstrance d’ung vaillant capitainne françoy,
nommé Mathieu de la Roye, il heussent tout abandonné.
Les Arragonnois desconfit. — Et, par celluy, fut l’estour comensé ;
auquelle, après plusieurs copt donné et ressus, fut ledit roy d’Arragon
navré, et tous ces gens mort ou mis en fuit ; et luy ne vesquit guère
depuis, qu’il morut. De celle victoire oit le roy Phelippe grant joye.
Gy se parforsait alors de prandre la ville de Géronne d’assault.
Touttefïois, à la requeste du conte de Foix, fut la paix faicte ; et fut a
roy randus la ville, leur baigue 2* 1salve. Après ce fait, fut donnés con­
seille a roy de laissier illec bonne guernison et de c’en aller devent
Tholouze. Mais le conseille ne fut pas bon ; car les annemis, voiant que
l’armée c’en estoit retournée, assaillirent les navire du roy, et boutairent
le feu dedans ; et y furent mors plusieurs vaillant capitenne fransoy.
Dont, ce voiant, et par vengeance °, les Fransoi qui estoient en la ville
boutairent le feu partout, et c’en retournairent devers le roy.
Le roy Philippe mort. — Lequelle, advertis de la fortune, fut cy
desplaisant qu’il en cheust au lit, mallade d’une fieuvre cothidiane ;
parquoy il ce transpourta en Perpignant, là où sa malladie se b agrava
et acreut cy fort qu’il alla de vie à trespas. Et laissait trois anffans de
sa premier femme, c’est assavoir Loys, qui mourut jonne, Philippe,
qui fut appellé le Bel, et Charles de Valoys. Et, de la seconde femme,
il oit Loys, Margueritte et Blanche.
Le roy d’Aragon excomuniés. — Item, en celluy tampts, le pappe
Martin condampna et excomunia Pier, roy d’Arragon, comme annemis
de l’Église, et donna son royaulme au devent dit Charles de Valois,
second filz dudit roy Philippe dernier trespassé. Et de ce don luy en fist
a. M : vengeange.
b. Mss. : le.
1. II fut décelé par les espions.
2. Bague, bagage.

LAURENT, SOIXANTE-CINQUIÈME ÉVÊQUE DE METZ

(1270-1279)

353

ledit pappe Martin lettres seellées de tous les seaulx des cardinaulx de
Romme ; et, pour ce faire, envoiait ung cardinal en France pour mettre
ledit royaulme d’Arragon en la mains dudit Charles et l’en revêtir,
comme dit est.
Cy lairons de ces chose à pairler pour le présant, car assés à tampts
y revenrons quant tampts serait ; et retournerons aulx évesque de
Mets, au maistre eschevins et à plusieurs aultre chose digne de mémoire.
Lorans, lxve évesque, ihint le sciège x ans. — Lorens fut le LXVe
évesque de Metz. Et, ainssois qu’il fut évesques, il estoit prothonotaire
de nostre Sainct Perre le pappe. Celluy gouverna l’archeveschié de
Trieuve par aulcun temps, et acomenga à fermer de murs la ville de
Bassoncourt. Maix il ne la perfit mie.
Guerre entre l’évesque et le conte de Bar. — Item, en l’an mil deux
cent et IIIIXX, il fut requis de Thiébault, qui alors estoit conte de Bar,
qu’il le voulcist paier d’aucune somme d’argent qu’il luy debvoit par
son saieler 1 ; lequel n’en fist rien par long temps après. Et, quant le
conte vit ce, sy luy fist guerre ; et l’évesque le fist excomunier. Et
alors le conte requist aux quaitre Ordre mendiens qu’ilz se volcissent
consantir à sa cause. Et ilz cy firent tous, réservés les Cordellier ;
pourquoy l’évesque deffendit que nulz n’en fut receust pour faire
sermons ; et les Proicheur en appelèrent à Romme. Mais ledit évesque,
incontinent après ycelle apellacion, se mit au chamin de Romme pour
poursuire son plait. Cy ne vesquit guerre, que tantost après il morut,
en Ytalie, dessoubz le deventdit Martin, pappe, quairs.
Cellui gouvernait l’éveschié X ans, comme aulcuns die ; néantmoins
que je ne trouve point, cellon la dabte, que celluy évesque soit compté
pour évesque, ou il fault dire que Jehan icy après nommé fut devent
que luy 2.
Mil ijc iiijxx et ung. — Et, en ycelluy tamps, que courroit le milliair
par mil deux cent IIIIXX et ung, fut maistre eschevin de Metz le sei­
gneur Pierre Graissechair.
La fondation des Seurs Prescheresse de Metz. — Auquelle ans fut
premièrement fondés et eschevis le couvans des Suer Précheresse de la
cité de Mets. Et, avec ce, furent pour ledit ans resseue et mise soubz
l’ordre et la rigle de sainct Dominicque, confesseur. Et fut celle confirmacion approuvée on chapistre général, lequel, en l’an dessusdît, ce
thint en la cité de Florance. Et, pareillement, celle récepcion et celle
confîrmacion fut escripte comme la teneur s’en suit :
Noverint 3 universy présentes litteras inspecturi quod nos, frater
1. Saieler est sans doute le participe passé du verbe sceller ; Philippe aura
oc' tfé un mot : une somme d’argent qu’il lui devait par acte authentique, muni de
son sceau.
2. D’après Mas-Latrie, Guillaume de Trainel mourut le 4 janvier 1269 ; Laurent
de Leistenberg, nommé en 1270, mourut en 1279 ; Jean II de Flandres, nommé le
2 janvier 1280, quitta Metz le 31 octobre 1282 ; Burcard II d’Avesnes, nommé en
1282, mourut le 29 novembre 1296.
3. HMe, t. III, Preuves, p. 224.

354

BOUCHARD, SOIXANTE-SEPTIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1282)

Johannes, magister Ordinis Fratrum Predicatorum, diffinitores
capituli generalis, anno Domini millessimo ducentesimo octogesimo
primo Florencie celebrati, confîrmavimus [id] *1 quod per [patres] i
diffinitores generalis immédiate preteriti capituli Oxonie celebrati,
supra receptione Sororum loci Metensis ad curam nostri Ordinis,
extitit approbatum. In cujus confirmationis testimonium sigillum
nostrum duximus 2 presentibus apponendum. Datum Florencie, anno
Domini millesimo ducentesimo octogesimo primo, in nostro capitulo
generali.
La coppie de celle présant réception translatée de latin en françoy :
Saichiés tous que ces présantes lettre verront, que nous, frère
Jehan, maistre de l’Ordre des Frères Prescheurs, avec tous les diffiniteurs du chapistre général en l’an de Nostre Signeurs mil deux cent
IIIIXX et ung en nostre couvent de Florance tenus et célébré, confir­
mons cella que les diffiniteurs du chaipitre général précédant, célébré
en nostre couvant de Oxome, sus la réception du couvent des Suers de
la cité de Mets a gouvernement de nostre Ordre, ait estés approuvés.
En tesmoing de la dessus dicte confirmacion y ait mis mon signet en
ces présantes. Datée à Florence, l’an mil deux cent IIIIXX et ung, en
nostre chapistre général.
Et ainsy avés oy cornent en la devent dicte année furent lesdicte
Suer Précheresse du couvant de la cité de Mets mise soubz l’Ordre des
Frère Prescheur.
Jan, filz au conte de Flandre, 66e évesquea. — Item, pareillement en
celle meisme année, fut esleu pour le LXVIe évesque de Metz Jehan,
filz au conte de Flandres, Mais, dès qu’il fut évesquez de Metz, il penssoit fort qu’il puist avoir terre ou bénéfice de son pays. Sy advint que,
le second an de son éveschié de Mets, il fut translaté à l’esveschié de
Liège. Et révérend perre Bouchars, filz au conte de Hainal, qui estoit
évesque de Liège, fut translaté à l’éveschié de Mets. Et, aincy, firent
anchainge l’ung contre l’autre.
Mil ij° et iiijxx et deux. — Et, en celluy tamps, c’est assavoir en l’an
mil deux cent IIIIXX et deux, fut maistre eschevin de Mets Hues
Graissechair.
Mil ijc el iiijxx el trois. — Puis, après, en l’an mil deux cent IIIIXX
et trois, le fut Jehan Baittaille.
Ceulx d'Outresaille se rebellairent contre la cité. — Et, en celle année,
rebaillairent le comung de Mets encontre lez paraiges d’icelle cité,
et firent leur chiefz de ceulx d’Oultre-Saille ; et alors furent les banniers du Commun ars et brullée.
Bouchars, lxvije évesque, thint le sciège. — Bouchars, le filz au conte
de Hanalt, fut le LXVIIe évesque de Mets. Et, en l’an dessusdit mil
a. Cette indication, qui n'est pas de la main de Philippe, lui est postérieure.
1. Manque dans Philippe.
2. Duxi dans Philippe.

JACQUES LE GOURNAY, MAITRE-ÉCHEV1N DE METZ (1285)

355

deux cent et IIIlxx et deux, fut translaté de l’éveschié de Liège à
l’éveschié de Mets, corne dit est. Et fut ressus l’an après mil deux
cent IIIIXX et trois. Et, ensi comme il estoit noble et gentil de linaige,
ausy le estoit il de cuer et de mours L Car il vendit son patrimone, et,
de l’argent qu’il en oit, il en acquasta la conté de Caistre 12, et l’aplicait et donnist à l’éveschié de Mets. Toutefïois, ladicte conté de Cais­
tre sus Bleuve est telle qu’il y appant bien LX que chevaliers et escuiers, tous gentil hons, que sont fiéveiz et tiennent leur terre desoubz
ceulx qui tiennent ladicte conté.
Mil ijc iiijxx et iiij. — Or, en celluy tamps, que courrait le milliaire
par mil deux cent IIIIXX et quaitre, estoit maistre eschevin de Mets le
sire Thiébault Moelan.
Guerre entre l’évesque et le conte de Bar. — Auquelle ans avint que ledit
évesque Bouchair oit guerre au conte de Bar ; et mist le siège devant
une plaisse aparthenant audit conte, qui ce nomme la Chaulcié. Cy est
il assavoir que celle guerre avint pour ce que on avoit dit et rapourtés
audit évesque que le conte de Bar avoit dit plussieurs parolles inju­
rieuses contre sa parsonne, ce que fut à la fin trouvé mensonge. Et il
y apparut 3, car le duc de Lorrainne, qui alors àl’aydedudit évesque
tenoit le siège devant la Chaulcié, olrent grant discord ensamble,
parquoy le dit évesque se partit et c’en allait à Homborg, et le conte
de Bar c’en allait après pour le secourrir. Et vinrent en l’ayde au
conte, grant compaignie pour secours 4 l’éveschié. Et le duc de Lourainne fist grant assamblée, et print bestes et hommes par devers
Sainct Ayvol. Maix, quant l’évesque le vit, il le suyet 5 et l’atendit au
bois de Warant, et se combatèrent ensemble ; et oit l’évesque victor,
et print plusieurs prisonniers, entre lesquelx le conte de Linange en
fut l’ung. Lequel fut menez assez mal cortoisement à Sainct Ayvol.
Et la cause estoit pour tant qu’il estoit homme de l’éveschié, parquoy
depuis il fut menez à Mersault ; et en la fin il fut privey par sentence
du fiedz qu’il tenoit de l’éveschié, c’est assavoir de la vouuerie de
Sainct Ayvol, et du ban de Remillei, et de plusieurs aultre terre et
signourie.
Mil ijc iiiixx et v. — Item, après, c’est assavoir en l’an mil deux cent
IIIIXX et V, fut maistre eschevin de Mets le seigneur Jaicques Le Gournaix.
Auquelle tamps, ou bientost après, le deventdit évesque, corne il
est dit et conté, assiégeait le chaistel et la ville de Preney. Et le duc de
Lorrainne, voiant ce, pourchassa alors tant que l’empereur manda

1. Mœurs.
2. Bliescastel, sur la Bliese, chef-lieu de canton, Bavière rhénane.
3. La phrase, assez maladroite, exprime un renversement des alliances. Le duc de
Lorraine se brouille avec l’évêque de Metz ; et le comte de Bar vient au secours de
son ancien allié. — Il semble que les choses ne se soient point passées ainsi (HÉv.,
p. 481).
4. Secourre, secourir.
5. Il le suivit.

356

MORT DE L’ÉVÊQUE BOUCHARD (1296)

quérir ledit évesque qu’il venist à luy à Mayance. Et se i faisoit faire
le duc pansant que, parmy ce qu’il serait dehors, il lèverait le siège ;
et puis qu’il ce partiroit secrètement et yroit au devent dudit évesque
à petite çompaignie, et que par ainsy il le polront panre au chemin
et destrousser. Et avoit le duc aincy ordonné son affaire en la manier
qu’avés oy.
Maix, quant l’évesque vit le mandement de l’empereur, il fist tant
qu’il oit cy grant excercite 21 3de gens qu’il se partit du siège bien acompaigniez, et laxait ledit siège bien garny. Et ency vint à Maiance
parler à l’empereur. Et, a plus tost qu’il fut venus, tous lez ménestrés 3
vinrent au devent de luy, car, quelque part qu’il venist, les ménestrés
alloient ver luy. Et alors ledit évesque c’en alla pairler à l’empereur, et
reprint de luy son régal 4. Adoncque luy parlait l’empereur de la paix
au duc de Loherenne, maix il n’en polt rien faire. Et, après plusieur
jour, se partit ledit évesque de l’empereur, et c’en vint en son hostel et
logis. Puis fit monter et armer ces gens, et vint à passer tout par devant
l’ostel l’empereur à banières desploiées. Et y avoit bien alors XL
ménestrés cornant devant luy, parquoy chacun corroit au fenestre
et per les rue, a son des trompette et ménestrés. Et, quant l’empereur
l’en vit ensy aller : « Hé Dieu ! « ait dit l’empereur », et cornent priserait
cestuy évesque pouc ung maigre dangier 5 ? » Et, quant il fut hors de
la ville, il donna aux ménestrez sa chappe pour eulx boire, laquelle
estoit moult belle et riche.
Et ainsy revint l’évesque et retournait en Mets, que oncque au
aller ne au venir il ne trouva homme que luy ozest faire desplafgir. Sy
revint alors au siège ; et convint en la fin que le duc s’acorda à luy.
Commémoration ordonnée chacun ans à la gloire el honneur de l’éves­
que Bouchair. — Gest évesque fut si vaillant prélas que, en mémoire
de luy et de ses euvre, le chapistre de Mets fait chacun ans, le dernier
jour dez Rogacions, pourter ses banniers et ses cottes d’armes de­
vant la fierte sainct Estenne. Et en ycelle cotte d’armes et banier
sont figurés des noirs lyons rampans.
Celluy gouverna l’éveschié de Mets XIIII ans, et l’agrandist fort.
Puis morut, le thier ans de pappe Boniface octave, le pénultime jour
de novembre ; et gist on cuer Sainct Estenne, desoubz une petitte
tombe de marbre, en l’entrée du cueur, au piedz de l’évesque Jehan
d’Aspremont.
Cy lairons le pairler de luy et de ces fais, et retournerons au roy de
France, cellon maistre Robert Gauguin et plusieurs aultres qui en ont
escript ; et, pareillement, au maistre eschevin de Mets, et des adventure digne de mémoire qui en leur temps advindrent.

1.
2.
3.
4.
5.

Ce, cela.
Armée.
Ménestrels, jongleurs.
Regalia, possessions temporelles de l’Église (Du Cange).
Comment un pareil homme se laisserait-il intimider par un maigre danger ?

JEAN PIEDDESCHAUT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1293)

357

Mil iic iiiixx et vj. — Item, en celluy tamps, courrant le milliair
par mil deux cent IIIIXX et VI, fut maistre eschevin de Mets le sire
Jehan Graissechair. Et, en celle meisme année, Phelippe le Bel, quaitriesme de ce nom, filz du roy Phelippe le Hardi, darnièrement trespassé, print la pocession du royaulme de son perre.
Plussieurs guerre entre les prince crestiens. — Et, tantost après, ce
esmeurent de grant guerre en l’encontre de Édouard, roy d Angletterre, et de Guy, conte de Flandre, d’une pairt, et dudit Philippe,
d’aultre part. Esquelle guerre y oit plusieur rancontre et tuerie, que
je lesse pour abrégiés.
Aussy, en ce meisme tamps, Hanry, conte de Bar, lequelle avoit
espousé la fille dudit Édouard, assambla son armée et fist de grant
domaige a pais de Champaigne ; jusque à tant que le dit Phelippe,
roy de France, y envoia Gaultier de Croicy, acompaignié de moult
grande puissance, et tellement qu’il les rechaissa à Bar. Puis c en tirait
le roy en Flandre, et print Bruges et tous le païs, et deschaissa Edouard
et Guy, conte de Flandre. Puis furent trêve apointée pour deux ans.
Mil ijc iiijxx et vij. - Et, en celluy tampts, courrant le milliair
par mil deux cent IIIIXX et VII ans, fut maistre eschevin de Mets
le sire Thiébault le Gournaix.
. ,
Et fut pour la propre 0 année que le devent dit évesque de Mets
mist le sciège devent le chaltel et la ville de Purney.
Mil ijc iiijxx et viij. — Item, l’an après, fut maistre eschevin le sire
Thiébault Maire.
Et,en celle année, le souldam de Babillonne subvertit Tnpolm et Acre.
Mil ip iiijxx et ix; mil ijc iiijxx et dix. - Puis, en Pan après, mil deux
cent IIIIXX et IX fut maistre eschevin de Mets le sire Thiébault Fourat ; et, en l’an ensuiant, mil IIe I1IIXX et dix, le fut le sire Poince le
Gournaix.
..
„ . ,
Acre prinse par les Turcqz. - Item, en cellui temps, Aicre fut de
reschief prinse par les Sarrasins, et y oit moult grant occision des
crestiens.
Aucy, en celle année, Charles, le conte de Vallois, frère au nouveau
roy Phelippe, print à femme la fille Charles, roy de Secille ; et, pour
ledit mariaige, luy donnait la conté d’Angier et la conté du Mamnes.
Mil ijc iiijxx et xj. - Item, en l’an après, mil deux cent IIII et Al,
fut maistre eschevin de Mets Philippe le Gournaix.
Mil ijc iiijxx et xij; mil ijc iiijxx el xiij. - Puis, en 1 an mi deux
cent IIIIXX et XII, le fut le signeur Jehan Goulle ; et, 1 an mil deux
cent III1XX et XIII, le fut le sire Jehan Pieddeschault.
Et, en celluy temps, Odars, le roy d’Angleterre, qmctait au roy
Phelippe de France tout ce qu’il tenoit de luy. Car bien le cuydoi
regaingnier par force d’armes, et qu’il deust tout recouvrer. Et amssy,
par cest manier, acomensait la guerre en Gascongne, pour laque e
moult de mal sont advenus.
a. M : prope.

HENRI THOMASSIN, MAITRE-ÉCHEVIN DE METS (1297)

Mil ij Uij -x et xiiij __ neni) pan mjj dgux cen£ jjjjxx ^ XIIII
“•erhrin dGnMetZ Warry Thiébauld Pieddeschault.
sirfoille Hecque
’^
deUX Cent IIIIXX et XV>le fut *
Et, l’an après, que courroit le milliair par mil deux cent IIIIxx et
e àr zqu^

siège de R°mme oit vac<i”z

t toi,

Oix advint que, du consentement de tous lez cardinal fut esleu
dTpi,"stS™itte’ " "0m P“to * Miron!âuitremènt
et barat de BénédT ’i
bfnbost aPrès’ se démiat, par la séducion
rl.Z l’n
, ï cardinal- Et puis, bien tost après, se fist pappe
en prisonPPIm0n ^ t0US’ ^ &t m°rir le benoy Saincfc Pierre «lestins
Mü ijc iüjxx et xvj __ Iteffi) en ceUe année miI
cent Iinxx ^
pï’f * maisbfe eschevm de Mets le sire Jehan Chauldron.
V „ e" CelIuy temPs que le deventdit Guy, le conte de Flandres
maiîs nourCrtrenediV°y PheIippe’ ^ luy
sant fiedz et homaiges , pour laquelle chose grant guerre commençait en Flandre
comme icy devent ait estés dit.
*

Aliéner afiîlfmPrèS’ ’l?? Panry’ COnte de Bar’ qui «voit à femme
Phamnan/r • r°y d -^ngleterre, acomensait à gaister la conté de
p igné. Maix contre luy fut envoié Gaulthier de Chastillon oui
r ™s àgBaait et ardïtoucte ia c°nté de Bar’* ie «ss

J sques à Bar, comme desjay ycy dessus je vous ay dit.
vkilTi r,f
\ Tt9iZ■ ~ Et aUSSy fut en celIe meisme année, la
s’en allait en Fl H
ni PtiSte’ qU° Iedit PheIiPPe’ r°y de France,
luv e atr Fm T’
enmenait grand ost de gens d’armes avec
luy, et assiégeait Lisle en Flandre et plusieur aultre ville, lesquelle «
vous ait heu ^ d^’ ^ aI?rS’ furenfc prinse les trèves desquelles je
vous ait heu ycy devent pairlés.
J
Saind Loys canonisés. - Et, durant ce meisme tampts, pappe
Ï ukrî
! ? n°m’ miSt 6t C°Ucha au nombre des saini le
viSaW d 7 SamCt
5 6t à Ph6lippe’ S°n SUCesseur’ °ttroya precantlf d re+C®pVOir les revenue d’uue année de toutte les églises va­
cantes, excepté des cathédrales et monastiques
mMJlJC f'Ç d Xvi>' - Itcm, aussy durant ce tampts, c’est assavoir
U ^ThorsinmXX 6t XVH’ ^
6SCheVin de
Paireillement, durant aussy ce tampts, ce assamblèrent à Vaulcoulrov PhSinn T6 FrunCe et L°raine’ Aubert’ r0y des Allemans, et le
amitié tPPn: LeSqudles ren°uvellèrent lez droictz de leur ancienne
rov
t
par ainssy’ fut la Paix confermée entre les
deLnt d t+dlt' ? f,U 06 fait durant Ie tampts que laidirent les treuves
devent dictes entre les roys de France et d’Angleterre et conte de Flanare, et desquelles nous en parlerons ycy aprez.

U n'aÜTurné tfa£ plTcorr^M’. ^ ^

“ ieSqUeUe !

FONDATION DU COUVENT DES AUGUSTINS DE METZ (1300)

359

Cv en lairons le pairler quant à présant, jusques que tampts serait,
et retournerons à dire aulcune chose dez fais de l’évesque Géraird,
lequelles fut créés durans l’année du devent dit maistre eschevms,
nommés Hanry Thomassin.
Gêraird, Ixviij« évesque, thinl le sciège v ans. - Gérard de Reiengefufc
le LXVIIIe évesque de Mets. Et fut créés en l’an mil deux cent IIIIet XVII. Celluy évesque premier procurait et fist tant que touctes
les sallines de Marsal et de Moienvy furent du tout à l’éveschié ; car,
de devant, plusieurs signeurs y avoient part. Et gouverna celluy Gé­
rard l’éveschié V ans ; et puis morut, dessoubz pappe Bomface, e
VIIIe an de sa créacion. Il gist en l’Église de Mets, on cueur sainct
Nicolas, en coste l’évesque Phelippe de Florhenge.
Mil if iiijxx el xviij. - Item, l’an mil deux cent IHI« et XVIII, fut
maistre eschevin de Mets le sire Jacques Goulle, filz Jehan Goule.
Mil if Uiixx el xix. - Puis, l’an après, qui corroit le mihimr par
mil deux cent IIII« et XIX, fut errier * maistre eschevin de Mets
Jacques, filz signeur Philippe le Gournaix.
Et, en celle année, le pappe Boniface fit la paix entre le roy de Fra c
et le roy d’Angleterre ; et, pour estre la paix plus ferme, ü fit prand
à femme le roy d’Angleterre Margueritte, seur du roy de France, et le
filz du roy d’Angleterre print à femme la fille dudit roy de France,
nommée Ysabel.
. .
Ung champs de bataille à Mds. - Et, en ladite année, fut fait en
Mets le champs de baitaille de Burthemin et deux tourelz A
_
Mil Irois cent. - Item, en l’an mil trois cent, fut maistre eschevin
de Mets le sire Simon, filz Jacques, de Chambre.
Les maistres eschevins esleu és pairaige. - Et, en celle année, deffail
firent les maistres eschevin qui se faisoient par escord ; et es comensaist on alors à faire par les paraiges, et en la sorte qu il ce font ma
“Srtta en Met, du cernent de, Açnslln. - Item, aulcuns
vueullent dire, et auesy j'en trouve 1. plut saine opm.on, que en celle
année mil et III cent fut premier en Mets ia.t et «eomens.et le couvant
des frère Augustin, là où alors estait une pet.tte religion nommfe: le
Cesse comme j’ay dit devent. Et fut celle religion fondée, le tout ou en
partit le territoire Sainct Thiébault ; et ce monstre pour ce qu il
Feur en paie cens annuelles. Et les dit de Sainct Thiébault Pared ement
paient ans damme de Saincte Giossine, _c°mme essés clère“ent 3eJ0^
l’ait monstrés sus la vie et légende d’icelle. Et fut ce fait durant le
grand jubillé de Romme. Puis, après, est acrue celle religion petit à
petitte, par l’amonne des bonne gens ; et tellement, comme ] y
dessus, qu’elle est faicte et achevie comme à presant vous la veés
Cy lairons de ces chose à pairler, et retournerons a roy de France.

1. Arrière, de nouveau.
2. Du torel, du taureau ?

^

LA BATAILLE de courtrai (1302)

Mutinerie ês pais de Flandre et grant murtre perpétrés. - Vous avés
par cy devent essés amplement oy et entandus comme, en l’an mil
deux cent IIII- t XVII, et on tamps de sire Hanry Thomassin, alors
maistre eschevm de Mets, furent faillie les trêves entre Phelippe, roy
de France, et Guy, conte de Flandre. Et tellement que, en ce tamps, avindrent de grant merveille. Entre lesquelles advint que les villes
de Flandres, qm c estoient renduees au roy de France bien peu devent
comme av s oy, et que le roy y avoit lessiet ses garnisons, desquelles
estoit capitenne et gouverneur Jacques de Sainct-Pol, maix, pour
tant qu il les tenoit plus rudement qu’il ne leur plaisoit, la ville de Bru­
ges et toucte. les aultres pareillement se rebellèrent ; et tellement que
une nuyct, amcy comme lesdicte garnison dormoient, lesdit Flamans
en tuerent et murtrirent la plus grand pairt en leur lict. Parquoy le
roy fut merveilleusement couroussiet, et leur menait plus fort guerre
que devant. Et tellement que, après plussieurs rancontre et grant
tuerie, ledit Guy, et Robert, son fîlz, per l’intercession de leur amis
ce vmdrent randre audit Phelippe, ce mectant à sa mercy, et furent
envoiés en diverse prison. Et, alors, le roy print l’omaige des noble
homme du pays, et bailla le gouvernement de celle conté a deventdit
acques de Samct Paul. Lequelle, comme on veult dire, en recepvant
celle dignité, il menassa aulcuns noble bourjois de Bruge, pour l’amour
de 1 outraige que peu devent il avoient fait. Et puis ledit conte ellevay
nouvelle taille et gaibelle sur les cité et bonne ville. Parquoy il ce mist
en mdignacion de tous, et tellement que à la fin le populaire ce élevairent de rechief encontre luy, et fut en adventure d’estre tués. Mais
apres ce qu’il eurent mis tous ces gens à mort, il ce orguillirent plus que
devent, et assamblairent grant populaire et gens de toucte sorte, et
promirent de à force ravoir le conte Guy, leur seigneur, avec Robert,
son fdz, que le roy tenoit en prison.
Déconfiture des François. - Et, quant le roy fut de ces choses advertis, il envoiait grosse armée encontre iceulx mutin, en laquelle
estoit partie de la noblesse de France. Mais la chose ce pourta cy mal
pour eulx qu’il furent tous desconfis, mort et tués, ou mis en fuyt.
Entre lesquelles estoit Robert, conte d’Artoys, Godefïroy, duc de
Braibam, avec son filz, le conte d’Amalle i, Jehan, filz du conte de
Ienauld, Régnault de Nesle «, conestauble de France, Guy, marescha des logis, et le deventdit Jacques, conte de Sainct Paul, Jehan
Bruharc, capitenne des arbalestriers, et d’aultre, jusques a nombre
de deux cens. Desquelles les corps tout nudz furent trois jour sur la
terre, viande aus oyseaulx et bestes salvaige réservés. Le conte Robert
d Artois, lequelle avoit sur son corps XXX playe mortelle, fut 6 anterre d’ung frère mineurs en ung monastère de vierge. Et furent les
tante des Fransoy toutte prinse et pillée. Parquoy apert que bien
Mss. : Mesle.
Mss. : et fut.
1. Aumale.
a.

b.

DÉMÊLÉS ENTRE PHILIPPE LE BEL ET BONIFACE VIII (1303)

361

souvant les grant orgueille de noblesse, desprisant la tourbe mécanicque, baitaillant de vilz et ruraulx instrumens, est cause de leur perdicion.
Le jubilé à Romme. — Et, en celle année, fut moult grand allée de
pellerin à Romme ; et la cause pourquoy fut pour le grand jubillé qui
alors y estoit.
Cy lairons de ces chose le parler et dirons d aultrez besongne.
Discention entre le roy de France et le pape.
En celluy tamps,
c’est assavoir en l’an devantdit mil et trois cens, et a tamps que le
grand jubilé fut par le deventdit pappe Boniface VIIIe premièrement
estaublis et constitués (lequelle ce acomence à la Nativité Nostre
Signeur, durant ung ans anthier, sans plus revenir jusques cent ans
après ; maix, depuis, pappe Clément lez confermait et les estaublit
de L ans à aultre ; et puis, pour la briefveté des eaige, ont estés remis
de XXV ans à aultre), doncque, en celluy tamps, le deventdit pappe
et le deventdit Phelippe, roy de France, olrent grand discension et
discord ensemble. Et la cause pourquoy fut pour ce que ledit, pappe
Boniface, qui pour ce tamps estoit pappe, comme dit\est, avoit faict
aulcune constitucion préjudicialle à tout le reaulme. Et faisoit ces
choses affin qu’il les puist somestre à soy, et qu’il puist tenir tout
ledit royaulme en sujection ; de laquelle chose le roy fut moult corroucié et dolans. Et, pour ce, mandait alors audit pappe qu il luy
pleut de reappeller ceste santance ; maix il n’en volt rien faire. Adonc
le roy deffendit que or ne argent ne fut pourté hors de son royaulme.
Parquoy le pappe en fut plus courroucé que devent, et alors envoiait
ung sollempnez messaigier au roy luy dire qu’il laissait ceste defïence.
Lequelle n’en volt rien faire, et fit comander au messaigier que bientost
se despartit du royaulme, ou mal luy en prandroit. Quant le pappe
sceust ces nouvelles, il fit citer le roy et tous les prélas du royaulme de
France personnellement. Car ledit pappe voulloit dire, que tout e
royaulme luy estoit confisqué, et que le roy estoit héréticque. Mais e
roy n’y allait pas; et, encor plus fort, defïandist audit prélas de non y
aller. Et fist aloirs cloire tous les chemins de son royaulme, affin que
nul ne pourtait argent à Romme. Et, ce fait, appellait le. roy encontre
le pappe par devant le conseil, auquel appel se consentirent tous les
prélas de France. Et, quant le pappe le sceut, il gectait sentence que
tous les prélas fussent depposez de tout degrez et bénéfices. Adonc le
roy, qui se doubtoit d’aulcune sentence venuee on royaulme, fit très
estroictement garder les passaiges, affin que nul messagier de Romme
n’entrassent ondit royaulme.
Or, advint que, l’année après, environ la Pentecouste, le roy envoyait
à Romme ung chevallier de Provence, appellé Guillaume de Mongaret,
bien acompaigniet. Lequelle chevalier, par l’ayde d’aulcuns des nobles
de Lombardie, entrait à Romme atout la bannière du roy dcsploiée,, et
vint en la chambre du pappe. Et, tantost, les gens dudit pappe s en
fouyrent tous, excepté ung cardinal d’Espaigne et ung homme lay.

362

RENAUT DE BAR, SOIXANTE-NEUVIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1302)

Et print celluy chevallier tous les trésors du pappe et c’en fouuit. Et,
incontinent, le bruyt se levait, et fit on crier à l’armes parmi Romme.
Adonc monta le dit chevallier, luy et ses gens, biens hastivement à
cheval, et s’en retournait errier de Romme en France. Et, au bout de
cincq jours après, le pappe morut. Et fuit esleu pour pappe frère Nicol,
évesque d’Ostie, qui estoit de l’ordre des Proicheurs, et se fit appeller
Bénédic.
Ou aultrement est dit cellon maistre Robert Gauguin, lequel dit et
raconte que l’on envoiait secrètement plusieur parsonnaige ytalien de
la maison des Colonnoys, avec bonne compaignye de gens d’armes ;
lesquelles, après plusieurs chose faicte et dictes, fut par yceulx ampoingniez ledit pappe Boniface en une ville nommée Anagnye, en la maison
de son perre ; et estoit ordonnés de le mener en France, mais il fut
menés à Romme. Et tantost après de dueil il morut.
Peu de tamps après, aulcuns des archevesque et évesque du reaulme
de France ce firent absouldre à Romme ; car il estoient tous excommuniet, pour ce qu’ils estoient de la partie du roy. Et yceulx monstroient leur escuse, disant qu’il avoient estés arestez ad cause des
guerre de Flandres, et n’avoient à celle cause obéys au comandement
du pappe.
Plus de xxx mil Flament mort. — En ce meisme temps, ce renforsoient tousjours lesdicte guerres en l’encontre des Flamans ; auquelle
secrètement favorisoit Édouard, roy d’Angleterre. Et, par plussieurs
fois, eurent de grans bataille ensemble, esquelles morurent plus de
XXX mil Flamans.
Et mesme, en ce temps, furent ceulx de Bourdeaulx rebelle et déso­
béissant au roy.
Mil iijc et ung. — Item, aussy durant ce tampts, c’est assavoir en
l’an mil trois cent et ung, fut maistre eschevin de Mets le sire Mathieu
Husson. Et fut en ce tampts que le devent dit évesque Géraird mourut.
Cy lairons de ces chose à pairler et retournerons à l’évesque Regnaul, son sucesseur.
Régnault de Bar, lxixe évesques, thint le sciège. — Renald de Bar fut
le LXIXe évesque de Mets. Premier qu’il fut évesque, il estoit prin­
cier de ladicte Église de Mets, et fut esleu par comun accord, en l’an
mil trois cent et deux ans. Il gouverna l’éveschié moult paisiblement,
et fut aussy gouverneur de la conté de Bar. Et y édiffiait et fist faire
plusieur chastiaulx, si comme Pierrefort et aultres. Maix, quant il en
avoit fait ung pour le conte de Bar, il en faisoit ung aultre pour luy et en
l’éveschié de Mets.
Quant il fit sa venue en la cité de Mets, il vint revestu en pontificat,
moult noblement et richement ; et estoit vestu tout blanc. Et, quant
il fut receu, il se devestit devant le grant autel gainct Estienne, et offrit
ses vestemens de prestre, diacre et soudiacre, tout estoufflé R et une
1. Philippe a oublié ici plusieurs mots ; cf. HÉv., p. 488, où il question * d’habits
Pontificaux qui estoient de drap d’argent, estolîez d’orfroys fort riches et prétieux ».

mort de l’évêque renaut de bar

(1316)

363

blanche crosse d’ivoire moult belle. Et sont encore en ladicte église
lesdit vestemens, desquelx on font le service aux grandes festes.
Item, il advint, en son temps, que ung clerc riche morut à Metz,
cy fist son testament ; et ledit évesque voult avoir ses biens; et les sei­
gneurs et gouverneurs de Mets les prindrent. Pour quoy grant guerre ce
esmeult entre eulx, et tellement que, pour ceste cause, c’en vint ledit
évesque sur ceulx de Mets à grant puissance de gens, jusques à une
moitresse à une lieue près de la cité, nommée Prael. Et ceulx de Metz
yssirent dehors encontre luy. Et illec heussent heu bataille et grande
occision , se n’eust estés que aulcuns grand parsonnaige et gens de bien
ne c’en fussent entremis de faire paix et ne fussent allez entre deulx.
Maix yceulx firent tant qu’il y mirent le bien et l’accord, en telle manière
que lesdit seigneur de Mets lessèrent à l’évesque sa raison.
Veuz et promesse de non entrer à Mets sans grosse compaignie. — Or
avoit celluy évesque Régnai juré que jamaix n’entreroit à Mets, fors
que à grant puissance et à grant compaignie de gens. Et, pour salver
son sairment, il fit faire le jour des Palmes la grant procession selon
ce que l’ordonnaire de la Grant Église de Mets le devise : car, à celle
pourcession, l’évesque doit estre présent, et doit gésir le jour devant
à l’abbahie de Sainct Arnoulfz, qui est scituée devent la porte de la
cité de Mets, et y doit estre baigné. Et, le lendemain, toucte la clergie
et toucte la ville doit aller jusques audit Sainct Arnoulfz, et doïent
oyr ung sermon général en la crouuée dudit Sainct Arnoulfz, et illec
ce doient bénir les palmes; et puis doient revenir en la Grant Église par
belle ordonnance. Et sont telz les anciens estatus et ordonnance 1 ;
et enssy le fist ledit évesque. Et, parmi ce, il sauvait son serment. Car
alors, pour veoir le triumphe, il entrait en Mets atout plus de XL mil
personnes, que grant que petit.
Item, en son temps, il mit le siège devant Frouuait pour le fait de
l’éveschié ; se y fut Édouuard, conte de Bar, qu’estoit filz de son frère.
Et le duc de Lorainne lez vint combatre devant Frouuairt. Et illec
fut prin le conte de Bar et le conte de Salmes, et plusieurs aultres
grans seigneurs. Et, pour leur rensson, ledit évesque obligea Conflan et Condé sus Muzelle audit Édouuair, son nepveu, qui estoit
conte de Bair, pour la somme de LXXVII mil livres de tournois.
Celluy évesque Régnault édiffiait Pierrefort et l’Avant-Garde pour
seigneur Pierre de Bar, son frère, comme dit est.
L’évesque empoisonnés. — Il gouverna l’éveschié XIIII ans; et, à la
fin, il fut empoisonnés à Sainct Vincent, par mil IIIe et XVI ans. Et
fut ensevelly en l’entrée du cueur de la Grant Église, à la senestre
main. Celluy évesque avoit fait si grant pourchais et alliances à plu­
sieurs grans seigneurs que on disoit de certain que, s il heust vesqueus, il heust destruict au duc de Loherenne toucte sa terre.
Après sa mort, élection fuit faicte en chappistre ; et en y oit deux
des esleu, c’est assavoir seigneur Pierre de Cierque, archediacre de
1. Philippe a noté en marge : cérémonie abolie.

364

JACQUES DE HEU, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1302)

Marsault, et seigneur Phelippe, archediacre de Sallebourg : seigneur
Pierre avoit la plus grande partie de chappistre. Et, comme ilz fussent
allez à court de Romme, le duc de Lorrenne aidoit et soustenoit ledit
seigneur Pierre, et le conte de Bar aidoit audit seigneur Phelippe. Et
alors, quant ledit seigneur Phelippe vit qu’il avoit la mandre partie
de chapistre, il renunssait ; et, pareillement, ledit seigneur Pierre,
soubz 1 espérance que le pappe luy donroit l’éveschié, renunsait aussy
à son élection. Et, ce fait, il fut frusté, car le pappe la donnait à sei­
gneur Henry Daulphin, de France. Et ensy furent défraudez les deux
esleus, et vaccait l’éveschiez trois ans.
Cy lairons de lui à pairler et retournerons au maistre eschevin, et
à d’aultre merveille qui pour ce tampts advindrent.
Mil lijc et ij.
En l’an mil trois cent et deux, et en la propre année
que le deventdit évesque Régnault fut créé, estoit alors maistre eschevin de la cité de Mets le sire Jaicque de Heu.
Advision advenue à ung convers de Cernay. — Et, en celluy tamps,
advint à ung convers, nommés Adam, du monestère du Vault de Cernay, au teritoire de Paris, une merveilleuse advision, tant à luy comme
à son compaignon,et chose véritable. Car, ainsy comme il estoit commis
procureur de par son abbé d’ung vilaige nommés Creiches, appartenant
audit monastère, et comme, ung jour avant la feste de la Nativité
Nostre Seigneur, celluy convers avec son compaignon ce partit de leur
couvent ung peu devant le jours pour aller audit villaiges dont il estoit
procureur et recepveur, et ainsy comme il estoient en leur chemin, sy
virent devant eulx ung grant arbre blanchissant de bruyne et de glasse.
Et venoit celluy arbre hâtivement ver eulx ; de laquelle chose fut son
cheval sy espoventés qu’il saillit hors de la voie, tellement que à peinne
polt retrouver son chemins. Dont luy et le serviteur furent sy très
espoventés qu’il commancèrent à trembler, ne ne se pouloient soustenir
ne cheminer. Touteffois, quant l’arbre fut bien aprochés, sodainnement
se évanuyt, sans leur faire mal. Et laissit une grant flaireur ; parquoi
se pansait le convers que c’estoit quelque yllusion diabolicque, dont
il ce print à réclamer Dieu et les saint, disant ces souffrages i et orraisons. Néantmoins il vit tantost près de soy l’espace 2 d’ung homme noir
chevaulchant, contre lequel ledit Adam couroucé comença à dire :
« Parquoi tu, maleureux, me oses courir sus, attendu que j’ay au
monastère mes confrères qui ont continuelle sollicitude moy et les
aultre absens du couvent à Dieu et à la benoiste Marye recommander ?
Va, meschant et misérable, va, car avecques moy n’as aucune part ! »
Tantost après ce dit le diable partit de ce lieu, et apparut de rechief
au convers en la forme et statue d’ung très grant homme qui avoit
le col long et gresle. Et, sy comme le convers s’efforçoit le repoulcer
1. Soufrage, prière. Godefroy n’a qu’un exemple du mot, qu’il n’a pas compris,
provenant de la guerre de Metz (éd. Bouteillier, p. 387). Voyez Du Cange, suffragium 7.

2. L’apparence ?

FERRY CHIELARRON, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1303)

365

de son baston, incontinent le veit chaingier en sa face, et sambloit
proprement que ce fut la stature et la forme d’ung moinne. Puis
covrit sa face de son froc, les yeulx duquel reluysoient comme métal
samblant. Et alors, quant le convers le vit, en vain ait lancié son petit
glesve *1, 2et incontinent le revit en la forme et similitude d une brebis.
Finablement apparut aussy gros que ung asne à a grans oreilles,^ dont
le serviteur, plus craignant, dit a convers : « Monsseigneur, « dit-il »,
fay un rondeau dessus la terre et au meillieu poindra la croix de Jhésu
Crist ; car, quant nous serons dedans le cercle, l’annemy ne nous feray
aulcun mal. » Le convers fit doncques comme il avoit esté de son servi­
teur admonesté ; et ne cessait pourtant le cruel adversaire. Car il mua
ces oreilles en cornes, et, venant contre le cercle, injurié fut le convers
et de crachatz contaminé. Et, comme, par le conseil du serviteur, se
fuist le convers signé du signe de la croix, alors le dyable en espèce de
tonneau ce transfigura, et vers le villages de Mollères s en alla. Puis, ce
fait, ce convertit en espèce de roue. Et alors ce évanuit, et sans blesseure délessa le convers.
De celle tant merveilleuse apparcion ont esté veuz enseignemens et
apparences. Car l’abbé du Val de Cernay enquist du convers la vérité
de la choses. D’avantaige, l’escripvain de histoire, inspecteur du lieu
où ces choses furent faictes, certifie avoir veu le cheval du convert
regibant, hergneux et rétif, qui par avant estoit doux et traictable.
Aussi la langueur et mallaidie continuelle du serviteur, la puanteur
intollérable des vestemens du convers et la difficile émission de sa voix,
et touctes ces choses, en jusques à ce qu’il fust medicmé, en portèrent
souffisant tesmoignaige.
Cy vous souffice quant à présant, car je veult retourner a mon prepos.
Mil iijc et iij. — L’an mil trois cent et trois, fut maistre eschevin
de la cité de Mets le seigneur Ferrey Chielairon.
Les Fransois desconfit par les Flamans. - Et, en celluy tamps, on
moix de septembre, le roy envoiait en Flandre le conte d’Artois avec
grant puissance de gens d’armes. Maix, quant il vmdrent devant
Courtrais, les Flamans vindrent à l’encontre ; et fut le conte d Artois
et la plus part des François desconfis et tués des Flamans, et perdirent
la baitaille.
,
.
,
Plus de xx mil Flamans tués. - Parquoy plus fier que devent, ne
ce tindrent encor pas lesdit Flamans de mutinerie. Ams, pour ces
chose, ce sont encor alevés encontre le roy Phelippe, dont guerre - de
biens ne leur vint. Car, après plusieur chose faicte et dicte, que je
lesse, en furent, en une baitaille qui fut faicte au Mous en Peure,
XX mil des mors et tués ; et n’en fut homme eschappés, ce ne fut pour
a. Mss. : et.
1. Glaive signifie javelot.
2. Guère.

366

ÉTIENNE REFFAULT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1306)

la nuyct qui sourvint. Car il estoit cy très nuit que le roy, lequelle
avoit estés a plus parfon en la baitaille, lut ramenés avec torches et
fallous i.
Durant ce tamps mourut Édouard, roy d’Angleterre.
Mil iijc et iiij. — Et, aussy en ce meisme tamps, c’est assavoir en
1 an mil trois cent et quaitre, fut maistre eschevin de Mets le sire
Nicolle de la Court.
Benédic, pape, xje. - Pareillement en cellui tamps, et après la mort
du pappe Boniface, duquelle je vous ait par cy devent pairlés, fut
fait et créés pappe Benoit ou Bénédicquez, unziesme de ce nom. Le­
quelle avoit heu absoulz Phelippe de l’excommunicacion du deventdit
Boniface.
Clément Ve, pape ; mil iij° et v. —- Et, en ce meisme ans, morut cestuy
Benoy ; et fut esleu des cardinaulx Bertrand le Gascon, archevesque
de Bourdiaulx, et fut appellé Clément Ve. Et fut ce fait en l’an mil
trois cent et V. En laquelle année estoit alors maistre eschevin de la
cité de Mets le sire Arnoult le Gournaix. Cestuy Clément acomansait
à tenir son sciège en Avignon, auquelle lieu, tant de luy que de ces
suscessoir, il ce thint par l’espace de LXXIIII ans.
Le duc de Brelaingne tués. — Mais vous oyrés qu'il avint. Car, par
fortune, ainssy comme l’on menoit le dit pappe, et que chescun dési­
rait à le veoir, tant de gens montairent sus une vieille muraille, dési­
rant de veoir le triumphe, que tout rompit ; et, en cheant, tomba ce
mur sus le duc de Bretaigne, et le tua, avec plusieur aultre.
Mutinerie à Paris. - Tantost après, y oit grant mutinerie à Paris,
et fut le roy asségiet en la maison des Tamplier par les bourjois de la
ville. Lesquelle, après que la chose fut apaisié, en furent XXVIII des
pandus à des potance. Et vint celle mutinerie ad cause de la monnoie,
qui estoit tropt meschante, et n’estoit a juste pris. Et en fut ung merchamps de Paris, nommé Estienne Barbet, tout destruit, avec les plus
belle maison et lez plus biaulx gerdin de la ville, aparthenant à lui.
Et on non de cellui fut la porte Berbet aincy nommée ; et jusque a
jourd’hui y est nommée ainssy.
Mil iijc et vj. — Item, en l’an après, c’est assavoir en l’an mil trois
cent et VI, fut maistre eschevin de Mets le seigneur Estienne Reffault.
Et, en celle dite année, accommencèrent les chevaliers 12.
Item, aussy ce fut en celle meisme année que l’ost fut apparillié de­
vant Praielz contre l’évesque Régnault de Bar, comme cy devent ait
esté dit. Et fut quant le conte Henry de Lucembourg fut pour celle
cause assodée 3 à la cité de Mets ; et luy fut baillié de la cité XXX m de
tournois.

1. Falots.
2. Un atour de juillet 1305 décida que quiconque serait dorénavant nommé maîtreéchevin de Metz serait tenu de se faire recevoir chevalier avant la Pentecôte (HMe,
t. III, Preuves, p. 273-274). L’atour fut rapporté en 1311 (voyez p. 368, n. 1).
3. Associé. Godefroy n’a qu’un exemple d’assouder, au sens propre.

LE PROCÈS DES TEMPLIERS (1307-1314)

367

Les Juif chassés hors du paiis de France. — Aucy, pareillement en
celle année, les Juifz furent déchassiez du royaulme de France ; et n y
en laissait on nulz, maix furent bouttés tout dehors.
Mil iijc ei vij. — Item, l’an après, mil trois cent et VII, fut maistre
eschevin de Mets le signeur Régnier le Baigue. En laquelle année
advint de grant merveille.
L’ypocrisie des Templiers aparceues. — Entre lesquelles apparut
l’erreur des Tamplier. Lesquelles avoient promis à soubtenir et à
defïandre la foix de Jhésu Crist jusques à morir. Maix il estoient cy
très anrichis qu’il ne tenoient plus conte de Dieu servir, et estoient
abandonné à tous vise 1 2et péchiés.
Iceulx Tamplier furent ordonnés et fondés et prinrent leur acomencement du tamps le preu Godefïroy de Buillon ; et estoient ainsy appe­
lés du tample de Jhérusalem, car il estoient chevalier non mariés,
ordonnés pour soubtenir et defïandre la foy catholicque en Sirie. Et,
pour ce, leur fut donnés tant grand rante et signeurie parmi le monde
que ce fut merveille. Et estoient en cy grand nombre que, c’il eussent
sceu la pancée que on leur gairdoit, il n’eussent pas estés légier à
prandre. Et faisoient yceulx fort du bigot, tellement que, soubz umbre
de dévocion, il hantoient les grant maison et achetoient les grant panas
et poscession parmi le monde chrestien. Puis, Jhésu Crist rejecté, se
donnèrent et appliquèrent à faulses et malvaise religions, et devinrent
malvais et payllars, comme vous orés.
Confession énorme du maislre des Templiers. — Car, quant îlz furent
prins, le grant maistre de l’Ordre cogneut et confessait que, tantost
qu’il retenoient et recepvoient ung frère, on luy faisoit faire sairment
qu’il garderait les secrès du Temple. Et puis, ce fait, on luy faisoit
renoyer Jhésu Crist et cracher contre la croix, et luy faisoit on baisier
le derrier de cellui qui le recepvoit en profession. Et, parmi ce, on luy
donnoit congié d’estre bougre et de faire son ordure tant avec les hom­
mes comme avec les femmes. Ces choses et plusieurs aultres confessait
ledit maistre, avec plussieurs de ladite Ordre. Et furent yceulx malvaix
ypocrite, par leur fraulde et traïson, cause de la prmse du noble roy
sainct Loys, quant il faisoit son pellerinaige en Sirye, comme cy devent
est estés dit. Car par leur desleaulté fut empoigné du sou dan d Egippe et mis en prison. Au rest, il faisoient tant d’aultre malvistiet et
de péchiés imfâme et secret que en ce tamps on c’en acomensait a
apercevoir. Toutefois, essez tost après qu’il furent escuses , il en
appelèrent, et nyèrent tout ce qu’ilz avoient recongnus ; et afïermoient que ladicte Ordre et ladite Relligion estoit bonne et samcte, et
que oncque telle chose n’avoient faicte. Néantmoms, oing tampts
après, c’est assavoir a concilie de Vienne, qui ce thint en an mi rois
cent et XII, par pappe Clément, cinquiesme de ce nom, furent trouvés

1. Vice.
2. Accusés.

368

GEOFFROY JOUTTE, MAITRE-ÊCHEVIN DE METZ (1312)

corpables, et, leur cas cogneus, furent condampnez, et prinrent fin
et exterminacion.
L Templiers brullés pour ung jour à Paris. — Et en ardist on à Paris L
tout en ung jour. Et, assés tost après, en furent brullés plusieurs en
plussieurs aultres lieu parmi la crestientés. Et furent les biens desdit
Tamplier, cens et rante, haulteur et signeurie, toutte donné au cheva­
lier de 1 Ospitaulx de Sainct Jehan de Rode. Et, touchant de ceulx de
la cité de Mets, partie des signourie desdit Tamplier fut donnée au che­
vallier de Saincte Élisabeth de Honguerie ; desquelles, auprès des
murs d icelle cité, il en fut fondé ung priourés.
L’ordre de Sainct Jehan de Rode instituée d Mets. — Et l’autrez
partie fut donnée audit chevalier de Sainct Jehan de Rode, desquelles
pareillement, dedens la cité, et en ung des trois viez chaistiaulx de la
premier fondacion d’icelle, en avoit estés fait ung priourés, lequelle
ajourd’uy y est encor. Et fut ce priourés fait chambre de touctes
la province de par dessa pour lesdit chevalier de Rode. Parquoy toutte
la plaisse et le merchief fut appellés la plaisse de Chambre ; et encor
est aujourd’ui ainssy appellée. Et ainssy prinrent fin lesdit Tamplier.
Cy vous souffice quant à présant de ce qui en est dit.
Mil iijc et viij. — Durant ces chose ainsy advenue, y oit plusieurs
maistre eschevin en Mets. Et, premier, en l’an mil trois cent et VIII,
fut maistre eschevin le sire Henry Roucel.
Henri empereur.
En laquelle année fut esleu empereur Henry,
conte de Lucembourg ; et fut confermé à Poitiers par le deventdit
pappe Clément.
Mil iijc et ix_ _ pujS) après, en l’an mil trois cent et IX, fut maistre
eschevin le sire Thiébault Boucquin.
Mil iijc et x.
Et, en l’an mil trois cent et X, le fut le signeur
Guercier Ruefïe.
Mil iijc et xj.
Aucy, l’an après, en ensuiant, qui fut l’an mil trois
cent et XI, fut maistre eschevin de Metz le sire Gillet Trabuchet.
Et, en celle année, faillont les chevalliers i.
Mil iijc et xij.
Item, 1 an mil trois cent et XII, fut maistre eschevin
de Mets le seigneur Geoffroy Joutte.
Les Templiers du tout destruict. — En laquelle année furent les devent­
dit Tamplier tout destruict, et prinrent fin, comme dit est.
Mil iijc et xiij ; trois granl dame de France accusée d’adultère et banye.
— Item, aussy en ce meisme tamps, advint en France une grand mer­
veille. Car, l’an après, que le milliair courroit par mil trois cent et XIII,
et que pour celle année estoit maistre eschevin de Mets le sire Hugues 0
Gemelz, advint que trois noble damme, et espouse des filz du roy
Phelippe, furent accusées de adultère. Pour raison de quoy Margue­
ritte, royne de Navars, et femme de Loys Hutin, aynel filz dudit roy
a. M : Hugres.

1. Voyez p. 366, n. 2,

THIÉBAUT DE HEU, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1314)

369

de France, et Blanche, femme de Charles, conte de la Marche, par
sentence du roy furent envoyées en exil au Chasteau Gaillard ; et
moururent en prison en grant misère, car leur luxure estoit assez mani­
feste. Mais, au regard de la thier, nommée Jehanne, espouse de Phelippe, conte de Poitiers, comme innocente fut délivrée et à son mary
restituée. L’huyssier fut trouvé coulpable, parquoy il fut pandu à une
potence. Et, touchant des putiers, l’on en fist cruel justice, c’est assa­
voir de Phelippe et de Gaulthier, frère, de Dannoy 1, et tous deulx
chevallier. Car, après que l’on leur eust couppé les mambres viril,
furent escorchez et mis à mort, et fut leur corps trainés et pandus à
Pontoise.
- Après ces chose ainsy faictes, y oit encor rébellion des Flamans, par­
quoy fut arrier 2 levés de grant denier en France pour soubvenir à
celle affaire.
Le roy et l’empereur mort. — Mais ne demourait pas longuement après,
et pour celle meisme année, que a roy print une malladie, de laquelle
il trespassa en Gastinoys. Et fut son cuer enterré à Poissy.Et fut après
ce qu’il avoit régné XXVIII ans, et en l’an deventdit mil trois cent
et XIII. Item, advint aussy que, en celle meisme année, que le deventdit
Hanry de Lucembourg, glorieulx empereur, fut mort et empoisonné ;
dont se fut moult grant dompmaige. Et fut celluy noble empereur
moult plaint par toucte crestienté.
Une faulce béguyne accusée. — Item, advint que en ycelluy tamps
y avoit en France une béguyne moult subtives 3, qu’on appelloit
Margueritte de Hénault ; laquelle fit et compousait ung livre de moult
de faulceté de sorcerie. Et, entre les aultre mensonge, elle disoit et
mist en son livre qu’on debvoit user de son corps tout ainsy que la
volunté venoit, et sans péchier. Mais ladicte béguyne fut condampnée
à Paris, et son livre airs et brullés par l’ordonnance du deventdit pappe
Clément.
Le palais royal de Paris édifiés. — Pareillement en celluy tamps, fut
fait le palais royal de Paris, par Enguerran de Marigny, lequelle sur­
monte tous aultre en beaulté, sumptuosité et magnificence.
Pape Jehan. — Item, aussy en celluy meisme tamps, morut le de­
ventdit pappe Clément ; après lequelle fut fait pappe Jaicque de Port,
cardinal z, qui fut appellé Jehan.
Mil iijc et xiiij. — Item, l’an mil trois cent et XIIII, fut maistre eschevin de la cité de Mets le sire Thiébault de Heu.
Loys de Bauvière, empereur. — Et, en celle année, fut Loys de Bauvière esleu pour empereur.
Mortaliié en Mets. — Et, pareillement en celle meisme année, fut
la grant mortallité en Mets et en plusieurs aultre contrée. Et, avec ce,
y oit grant famine avec la pestilance.
1. Philippe et Gautier d’Aunai.
2. Arrière, de nouveau.
3. Soutive, subtile, ingénieuse.

370

JEAN DE LA COUR, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1316) ;

Loys Hulin, ixe de ce nom, roy de France. — Oultre plus, en celle
dicte année, Loys.Hutin, IXe de ce nom, tut fait roy après le trespas
de son perre.
Enguerrant, Irézorier, pendus par l ordonnances du roi.
Et, après
ce qu’il fut courongné, il voult avoir la cognoissance des trésors dudit
son perre. Parquoi ung prince du royaulme, et des partie de Normendie,
nommés Enguerrant ou Enjorain de Marigny, lequelle solloit estre
trésorier et gouvernoit paisiblement le roy et estoit son conseillier, en
fut mis en prison. Et, après ce qu’il ne ce soit excusés touchant plusieur
grant et innumérable somme de denier qu’il avoit retenus, luy, quy
estoit l’ung des grant du royaulme et qui gouvernoit du tout le roy,
comme dit est, par son avarice il fut pandus, la vigille de 1 Ascencion,
a plus hault du gibet de Paris, et en la présance de plus de L mil per­
sonne. Et aincy est grant dangie à ung homme de petit lieu quant il
vient à cy grant graice. Celluy Enguérant fut premier chevallier,
estraict de petit beu, et néantmoins le roy ne faisoit rien que par son
conseil. Et meismement fut ledit Enguerrant en sy grant graice devers
nostre Sainct Perre le pappe, qu’il fit ung sien frère évesque de Cambray, et puis le fist évesque de Sens ; et fit encor ung aultre de ces frère
évesque de B avairs. Et encor, pour le plus honnorer, fist de ung sien
cousin ca dînai. Et puis fina ces jour comme dit est.
Ce Loys Huttin eust errier grand guerre encontre les Flamans ;
et fut en ce tampts mis le sciège devent Lis'e. Mais, à celle fois, 1 on
n’y fit rien, pour le malz tampz.
Aussy fut en ce temps en France pestillance et grant chierté de vivre.
Pareillement, fut veue une cornette chevelue ; laquelle pouvoit estre
signifiance de la mort du roy. Car, tantost après, il morut au boys de
Vincenes. Et demoura la royne grosse et ensaincte d’enffant.
Mil iijc et xv. — Et advinrent la plus pairt des chose devent dictes
quant le milliair courroit par mil trois cent et XV, et que, en celle
meisme année, estoit maistre eschevin de Mets le sire Nicolle Baudoche.
Après la mort du deventdit roy Loys Hutin, Phelippe, Ve de ce non,
conte de Poitier et frère dudit Loys, par le consantement de tous les
seigneurs du royaulme, ce nomma gouverneur et recteur tant dudit
royaulme de France comme de celluy de Navarre. Auquelle vindrent
alors les ambassadeurs des Flamans, lesquel firent et acourdairent la
paix entre les pays. Et, tantost après, anfanta la royne d ung fi z,
nommé Jehan. Mais il ne vesquit pas longuement, et mourut au bers.
Mil iij° et xvj. - Item, en celluy tamps, c’est assavoir quant le milliair courroit par mil trois cent et XVI, estoit alors maistre eschevin
de Mets le sire Jehan de la Court.
Grant pluye és paiis de France. - En laquelle année, et aussy 1 année
devent, furent les grand pluye par toutte France, lesquelles conti­
nuèrent par l’espaisse de deux ans. Pour laquelle chose fut cy grant
chier tamps que à celle cause y oit grant puple et grand bestialle qui

montrent.

HENRI DAUPHIN, SOIXANTE-DIXIÈME ÉVÊQUE DE METZ (1318-1324)

371

Les maistre eschevins mys en chapperon et en butte de boix. — Item,
aussy fut en celle année ordonnés et institués en Mets que les maistre
eschevins seraient, de ces jour en avant, mis en chapperon et en butte
de bois 1 ; lesquelle, comme cy après serait dit, seront errier mis en
butte d’argent.
En celle meisme année, et après ce que le jonne anffans, filz au deffu[n]ct le roy Loys, fut mort comme dit est, le deventdit Phelippe
fut fait roy. Contre lequelle contredisoit le duc de Bourgogne, disant
que le royaulme aparthenoit à la fille du defïunct roy Loys, et non à
Phelippe. Pour laquelle chose suscita grande questions. Mais, à la fin,
le roy le tirait à son amour en lui baillant sa fille aisnée en mariaige.
Mil iijc et xvij. — Et, en celle année, que corroit le milliair par mil
trois cent et XVII, fut maistre eschevin de Mets le sire Poince Chameurs, du paraige de Porsailly.
Philippe, roi de France. — Auquelle tamps ledit Phelippe gouvernoit
cy bien son royaulme qu’il ramenait à concorde beaucopt de discors
qu’il trouvait en son royaulme ; et cessèrent alors pour une espace
de tamps les gueres par tout son pays.
Mil iijc et xviij. — Et, en cellui tamps, que courroit le milliair par
mil trois cent et XVIII, fut maistre eschevin de Mets le sire Jehan
Witier.
La feste du Sainct Sacrement instituée. — En laquelle année fut pre­
mier acomencée à faire la feste et sollempnité du Sainct Sacrement de
l’autel en France ; laquelle jamaix on n’avoit fait par avant.
Le palaix de Mets édifiés. — Pareillement en celle année fuit premier
faict le pallais de Mets en la sorte qu’il est maintenant. Et valloit
encor lé quairte de blefdz XVI sols, et la quarte de vin X deniers, qui
estoit grant chier temps cellon la monnoye qui alors courroit, car ung
florin d’or ne valloit que XII ou XIII sols.
Mil iijc et xix. — Puis, l’an après, mil trois cent et XIX, fut maistre
eschevin de Mets le sire Jehan, de Laitre. Et, en ladicte année,il plust
à Dieu de oster la grant famine, qui trop avoit duré, et la grant mortallité de gens et de beste. Et furent, moienent la graice de Dieu, toucte
chose remise en bon terme ; et ne vallut plus la quairte de blefz que
IIII sols, qui estoit ung grant merchief, cellon la soufïerté que l’on
avoit heu. Dieu en soit louués ! Amen.
Cy lairons de ces choses à parler, et retournerons a évesque de Mets.
Le lxxe évesque, Hanrei Daphin, et thint le sciège v ans. — Henry
Daulphin fut le LXXe évesque de Metz. Et fut créez en l’an deventdit
mil trois cent et XIX ans, et la gouvernait V ans. Celluy fut malvais
pour l’éveschiez, car il se fit dispencer qu’il ne le convenist mie estre
1. Atour du 26 novembre 1316 (HMe, t. III, Preuves, p. 325-328). Les électeurs du
maître-échevin choisissent six candidats : leurs noms sont inscrits sur six crouuates
(croete), petites bandes de parchemin, que l’on met dans six bustes (boîtes) rondes, de
même taille ; les boîtes sont ensuite mêlées dans un ckaperon et l’on tire au sort le nom
de celui qui sera maître-échevin.

372

PIERRE PAILLAT, MAITRE-ÊCHEVIN DE METZ (1320)

ordonneit, pour tant que il avoit adez volunté de revenir au siècle et de
tenir le Daulphiné. Et, à la fin, tint l’éveschié sen avoir dispensacion,
et en receust pour plus de deux cent mil florins ; lequelle argent il
oit et le rethint.
Guerre entre ceulx de Mets et plussieur seigneur. — Item, durant
celluy temps, ceulx de Metz avoient guerre au roy Jehan de Bahengne,
à Baudouuin, l’arcevesque de Triève, au duc de Loherenne et au conte
de Bar, corne cy après serait dit.
L’évesque de Mets trompe les seigneur de Mets. — Et, pour avoir
ayde de leur évesque, il luy donnairent LX mil livrez de tournois ;
lequel, comme malvais, les print, puis les 1 abandonnait, et mist son
argent enssemble et s’en allait en son pays. Et, que pis vault, il mist
Hombourg, Vy, Remhéviller en mains des seigneurs dessusdits, quant
il en voult aller, pour ce que ceulx de Vy ne se volloient mie laixier
tailler et oster le leur. Parquoy l’éveschié oit assés à souffrir, et en fut
prinse Vy,et les murs abbatus,et la chairue menée par les rue de ladicte
Vy. Et fut ce fait en despit des bourgeois de la ville de Vy. Maix, ung
poc après, ledit évesque, estant en son pays, oit grant guerre au conte
de Savoye, et, en la fin, il oit une grosse bataille contre ledit conte, en
laquelle bataille il fut fait chevallier ; mais, à la fin, il y fut tuez. Et
aincy morut ledit évesque Henry, desoubz pappe Jehan XXIIe et
l’an VIIIe de sa créacion.
Mil iijc et xx. — Item, l’an mil trois cent et XX, fut maistre eschevin de la cité de Mets le sire Pier Paillat.
Les paslorialz de rechief par sus le paiis. — Et, en celle dicte année,
ne sçay de quelle esperit,olt en France sy grand commocion de pastouriaulx, lesquelles ce assamblairent de plusieurs partie, etvoulloient aller
oultre mer ; et pareillement ce mirent foison d’aultre gens, lesquelles
avec eulx ce assamblairent, et tellement qu’il firent ung grand ost.
Puis ce sont mis en chemin, et c’en allèrent jusques en Languedoch et
Carcassonne. Et là firent grand domaige aux Juifz, et en tuèrent
plusieurs. Après ce mirent 2 à pillier et à dérober parmy le pays. Et
ce disoient estre assamblés par exortacion divine pour aller en Sirye
ad cause de la foy et dévocion crestienne. Mais, quant les abitans du
pays virent leur manier de faire, et qu’il pilloient et desroboient par
tout, cy ce assamblairent et les assaillirent par telle force et vertus que la
plus pairt furent mis à mort, pandus et estranglés. Et le reste c’en fuyt,
et ce esvanuèrent comme fumée, tellement que tout leur fait cheut à
rien.
En celle meisme année, les Flamans rebellairent, et ne voulloient
tenir les condicion de la paix. Parquoy le devent dit pappe Jehan,
XXIIe de ce nom, y envoiait le cardinal Joserain pour les réconseillier.
Et, après plusieurs chose faicte et dicte, que je laisse, fut celle paix
faictes.
1. Il prend les soixante mille livres et abandonne les seigneurs de Metz.
2. Suppléer : après ce, se mirent.

LE COUVENT DES CHARTREUX DE METZ (1320)

373

Les grant feu à Mets. — Item, aussy en la dicte année, furent les
grand feu à Mets. Et advint ceste fortune le jour delà dédicasse Sainct
Saulveur. Et fut la rue de Fornelrue toutte airse et brullée, avec
Sanerie, le couvent de Dammes des Gordellier et plusieurs aultres. Et
fist ce feu, lequelle vint l’on ne scet de quelle part, ung innumérable
domaige. Parquoy, depuis, on ait chacun ans gairdé et solanisés par
toucte Mets la feste d’icelle dédicaisse, laquelle a par devent ne ce
gairdoit pas.
Le couvent des Chairtreux institués à Mets. — Pareillement, en cel e
dicte année, y avoit en la cité de Mets ung homme de biens, appellés
par son droy non Jehan Louuiat, ne sça ce noble ou mairchampts
estoit. Celluy homme avoit ung filz, lequelle il avoit fait religieulx
de Viller l’abbahies, on diocèse de Mets, nommés dam Aubert. Et,
affin, comme le mect la bulle papalle *, que celluy dam Aubert fut
eslevés en dignités, ledit Jehan Louuiat, son perre, fit en ce tampts
faire fonder et édiffier, et avec ce aranter et douuer de ces denier et
de ces maille, le petit couvant de Nostre Damme du Pon Thiefïroy, de
la saincte Ordre de Cisteaulx, qui ce nomme en françoys les Bernar­
dins, par telle condicion que ledit son filz, religieulx de Viller, comme
dit est, en seroit le premier abbé, et affin qu’il le puist retirer après de
luy. Toutefois il n’y prouffita de gueerre, comme il apert par ung livre
auquelle sont escript la vie de tous les abbés qui depuis ce tamps ont
estés audit monastère, lequelle livre les religieulx de léans ont en leur
airche. Et dit la bulle apoustolicque que ce présant monastère fut fait,
bénis et consacrés en la deventdite année mil trois cent et XX, le undemains de la décollacion sainct Jehan Baptiste, dessoubz le deventdit
pappe Jehan, XXIIe de ce non, et le Ve ans de sa papalité. Et le
conferma le deventdit évesque de Mets, c’est assavoir seigneur Hanry
Daulphin, de France, lequelle alors, par la graice de Dieu, estoit esleuz
et confermé, et tenoit l’éveschiez, comme dit est ; et en presance y
estoit l’official et le vicaire spirituel dudit Metz, lequelle vicare s appelloit Bertault. Et furent ces présante signée et sceelleezde leurs seelz, en
présance des seigneurs Guillaume de Beaumont, professeur dez loix,
c’est-à-dire docteur en loix ; de frère Jehan de Saireburg, religieulx
dudit Viller, et de plussieurs relligieulx dudit Viller ; et aussy en pré­
sance de plusieur dez seigneurs de la cité, c’est ^savoir de Guercire de
Ruèce 2, chevallier de Jhérusalem et d’armes, Thiébauld de Heu,
Jehan de la Court, Burtrand le Hongre, Jofïroy le Mercier, amant e
Mets ; et plusieurs aultrez hommes noble et non noble, et aussy p usieurs aultres hommes d’esglise et religieulx digne de foy, quy estoient
présant quant une telle œuvres ce commensoit.
.
En ladicte église y ait plusieurs noble et digne relicque, et prmcipa -

$’ preuves' p f^Gart^Ruïe^lite, ™do d*
Jeanne de CuHa, Bertino le Hungre, Pffrido (sic) Lemercier, amantio metensl, cMbus
metenslbu*.

374

LOUIS X LE HUTIN, ROI DE FRANCE (1314)

lement dez XI mille vierges, desquelle il en y ait septz chiefz tout
enthier. Et ont lesdit religieulx grant previlège en leur ordre et grant
pardons, comme il apert par les burle papalle qu’il ont en leur arche.
Sy vous soffice d’en plus pairler, car à aultre chose veult retourner.
Mil iijc et xxj. - Puis, l’an après, quy fut l’an mil trois cent et XXI,
fut maistre eschevin de Metz le sire Pierre Boucquin, filz seigneur
Jehan Chielairon.
En celle année avindrent de grand merveille en diverse contrée et
pais.
Les puis empoisonnés en Acquitainne par les laidres du paiis. — Et,
premier, avint que, en la province de Narbone et Acquiterne, les
laidrez d icelluy pays, à la requeste des Juif, avoient ampoisonnés
tout les puys et les fontaine du pais, parquoy il furent escusés l,
prins et brullés. Et, quant le roy fut advertis de ce crime, il fist ensairchier tous ceulx de son royaulme. Lesquelle, après la confession
faicte, furent pareillement prins, airs et brullés et mis en sandre.
Car les traistre avoient ce fait affin que tout le puple qui boiroit de
1 yawe devenissent museaulx, ou qu’il mourusse soudainement. Et
advoient jay, comme on disoit, divisez lez royaulme, les duchiez, les
contez et aultres seigneurie des pais ; et debvoit l’ung desdits laidre
estre roy de France, l’autre roy d’Angleterre, et aincy des aultres.
Et fut long temps après, quant la chose fut congneue, que nul n’osoit
boire de nulle eawe, se ce n’estoit yawe des riviers courrant.
xl Juif, par désespoir, se tuent l’ung l’aultre. — Et, pour ce meisme
fait, furent à Victry XL Juif mis en prison. Lesquelle, ce désespérant,
conclurent entre eulx que ja crestiens ne ce vanteroit de leur mort ;
parquoy il elleurent deux de entre eulx, c’est assavoir le plus vies et le
plus jonne, lesquelles, par leur consantement, les mirent tous à mort.
Et, après ce qu’il n’y oit que eulx deux tant seullement, le viez ce fist
tuer du jonne ; puis, ce fait, le jonne ce chairgeait, et print tout leur
or et leur argent, et fist une corde d’une de leur robe, et ce availlait
d une fenestre de la tour à l’avallée. Mais, pour la pesanteur de l’avoir
qu il pourtoit, sa corde rompit, et cheut és foussé, et ce rompit la
jambe, parquoi il fut trouvé, et fut mis à mort ; et tous les corps des
aultres prins et brullés.
Pareillement, en ce tamps, le roy Phelippe délibéra de réduire en
une forme touttes les mesure, tant de bief comme de vin, qui alors
estoient en différant grandeur par tout son royaulme ; pareillement
toutte les aine et la monnoye. Mais, environ le moix d’aoust, il fut
de malladye surpris, par ung flux de ventre, parquoy il ne poult acomplir sa voullunté ; et luy continua tellement qu’il en morut. Et fut
en l’an deventdit mil trois cent et XXL
; Charles, xxxixfi roi de France. — Et, après sa mort, pourtant qu’il
n avoit point d’hoirs masle de son corps, Charles, son frère, qui estoit
1. Accusés.

GEOFFROI GROGNAT, MAITRE-ÉCHEVIN DE METZ (1324)

375

™nte de la Marche, et quaitriesme de ce nom, fut esleu et lui succéda.
Et fut le XXXIXe roy de France, Gelluy Charles avoit espous
an

-ï£ t" «‘ptr

i:

sr4~-:3S£25?S
“"“«k»" m",rai"l

en divinité

quelle année, on env,ron ce tamp^ advint,
c<)n,e8seI ,
public,nement prescha t ,ue, tous ce
, y
t de rechieI
relligieulx à Pasques. .1 “7“°f
con!essé, ou il disoit
à leurs cureys des mesmes p
co„gnoissance du pappe.le
qu'il n estoient point absolxCela^ ^ ^ ,uy venoil.
mandait par commendement. E , y

j
évesque
ceste follie de preschier telle hérésies, et “ le Pa»e^ A ^oy
avoient point aultant de puissance de confesser que
# puis.
le dit maistre respondit que ouy..
'1 U cU.ser
que relligieulx ont leur P»»»™1^ ^scongL*. pour cause de
aussy bien comme les curé .
’et encor d’avantaige
la puissance qu’il ont des pappes
curés ’ne polroient faire ».
polront absouldre d aucuns c
q
^ proposicion du pape,

—-»Pl Cy lairons de ces chose à pailler, et retournerons a maistre eschevin
de Mets.
Mil il? et xxiiij. -

Après

ce^chose^cy advenue et que lemilha.

corroit par mil trois cent et XXIIH ans lut
de la cité de Mets le sire Jofîroy

rongna .
d’esglise ferotenl
Ordonnances en Mets que tous les acquait que les gens
g

1. Sans permission,

__Le sens n’est pas très clair.

376

ORDONNANCE SUR LES BIENS DU CLERGÉ DE METZ (1324)

seroietit à raichet. - En laquelle année fut fait et ordonnés ung estatus
et nouvelle ordonnance en Mets, que, de ces jour en avant, tous les
cens que la clergie acquesteront et vanroient en leur main, cornent
que ce fut, ne par quelque manier, dès don en avant, seroient à raichet.
Et fut ce fait en la deventdicte année mil IIIc et XXIIII.
Plussieurs banys pour ne voulloir obéir audit status. — Et bannirent
lesdit de Mets en celluy temps hors de Mets et du pays plusieurs clercs,
pourtant qu ils ne vouloient obéyr audit statut et ordonnance ; et en
condampnèrent plussieurs en grosses sommes d’argent. Entre lesquelles,
pour cest cause, fut le seigneur Pierre, sayeleur, de Mets banny, por
tant qu’il ne vouloit mie paier trois cent et XX livrez de messains, à
laquelle somme ilz l’avoient condampnez, pour ce qu’il ne vouloit
mie obéir audit status et ordonnances. Et, après ce qu’il fut aincy
banny, c’en allait ledit seigneur Pierre, qui alors estoit vicaire et saieleur, comme dit est, ce tenir à Vy ; et fit grant procès contre ceulx
de Metz. Maix, celle année, le deventdit évesque Henry morut, comme
cy devent est dit. Parquoy ledit seigneur Pierre édiffiait le chastel
de Fribourg pour l’éveschié. Item, aucy durant ce tamps, le coustre
de la Grant Église de Mets fut pareillement bannys, pour ce qu’ilz
ne voloient mie obéir audit statut.
Sainci Thomas d’Acquin. — Item, en celluy tamps, florissoit sainct
Thomas d’Acquin.

E R RATA

Page 22, ligne 20, rétablir : habundamment.
Page 22, ligne 7 avant la fin, corriger : Hector.
Page 40, ligne 10 avant la fin, corriger : avoit.
Page 141, ligne 20, corriger : Na/itilde.
Page 149, ligne 27, il faut peut-être lire assancier, et comprendre
encensier, au sens d'encenseur.
Page 290, ligne 13, corriger : censaulz.
Page 344, ligne 1, réunir : depuis.

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Page»
i. —

il.

ni.

Dessin de Philippe de Vigneulles : Philippe travaille à la
Chronique de Metz (Bibliothèque de la ville de Metz,
manuscrit 839[89], f° 154 v°).............................................
La maison de Philippe de Vigneulles, à Vigneulles, près de
Metz, dans son état actuel.................................................
Dessin de Philippe de Vigneulles. Manuscrit E (Épinal 34),


1

I

XXXII

78

.................................................................................................................................................................................

IV. — Dessin de Philippe de Vigneulles. Manuscrit E (Épinal 34),
fo 2 ..................................................................................................

V. _ Manuscrit A (Archives départementales de la Moselle), p. 85
(voyez Introduction, p. xiv)...........................................
VI. — Manuscrit M (Bibliothèque de la ville de Metz 838[88],
fo 214 r°, début du second livre).........................................

150
210

TABLE DES MATIÈRES

Pages
Introduction

..................................................................

I
I

I. — Philippe de Vigneulles..............................
II. — Les œuvres de Philippe de Vigneulles..,
III. — La Chronique de Philippe de Vigneulles.
Les sources de la chronique................
Valeur de la chronique........................
IV. — Les manuscrits de la chronique................
V. — La présente édition de la chronique..........

X
XV
XV
XVII
XX
XXII

Liste des abréviations usitées dans ce volume

XXXI

Livre premier

Prologue ................................................................................................
Les six âges du monde...........................................................................
Les sept âges de l’homme.......................................................................
La fondation de Metz, Trêves, etc.........................................................
Conquête de Metz par les Romains.......................................................
Alexandre de Macédoine ......................................................... ..............
Le pays de Brabant, les Tongrois, les Ménapiens, la Germanie..........
L’empereur Auguste et la ville de xMetz ; nativité de Notre-Seigneur
Jésus-Christ ......................................................................................
Généalogie de la Vierge Marie......................... -y y ; • y,' :...........’ ‘ ;
Tibère, empereur ; vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; d où venaient
les trente deniers pour lesquels Judas vendit Jésus ........................
La Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ.........................................
La « table » de la sainte Foi catholique..............................................
L’empereur Tibère et ses successeurs, Caligula et Claude....................
Saint Pierre envoie à Metz saint Clément.............................................
Suite des empereurs romains : Claude et ses successeurs........;•••■•
Saint Céleste, second évêque de Metz, et ses successeurs ; suite des
Saint Patient, quatrième évêque de Metz ; suite des eveques de Metz
et des empereurs de Rome.................................................................
La vie de saint Livier................................................. ..y • ............ / " "
Julien l’apostat ; saint Autre ; suite des empereurs de Rome et des
évêques de Metz......................... *.....................................................
Origine des Francs ou Français.............................................................
Suite des évêques de Metz et des empereurs.................••••“■...........
Les ducs de Tongres et de Brabant ; suite des rois des Francs ;
l’invasion d’Attila............................................. ................................
Suite des évêques de Metz, des rois de France et des empereurs........
Clovis, roi de France, se convertit au christianisme..............................

1
4
6
8

25
28
29
34
37
38
40
42
45
47
52
54
57
65
78
83
85
87
93
96

382

TABLE DES MATIÈRES

Généalogie de Clotilde, femme de Clovis ; règne de Clovis..................
Suite des évêques de Metz et des empereurs....................................
Les fils de Clovis ; rois de France et rois de Metz................................
Suite des évêques de Metz et autres aventures ..........................' ”
Vie et légende de sainte Glossinde....................................................
Suite des évêques, des rois de Metz et des rois de France................
Suite des évêques de Metz et des empereurs................................
Suite des rois de Metz ................................................................
Fondation du monastère de Saint-Pierre aux Nonnains....................
Suite des rois de Metz, des évêques de Metz et des rois de France....
Saint Arnould, évêque de Metz....................................................
Dagobert, roi de France (622)..........................................................
Légende de Saint Sigisbert........................................................
Miracles de Saint Sigisbert..........................................................
Suite des évêques de Metz et des rois de France (638-741).......
Hervi de Metz ........................................................................
Suite des évêques de Metz ; Pépin le Bref (708-783).............. ’ | ’
Charlemagne, roi de France et empereur ; suite des évêques de Metz
(768-814) ...................................................................... ..................
Drogon, archevêque de Metz (826-855)........................................'
Hildegarde, femme de Charlemagne..........................................
Louis Ier, dit le Débonnaire, empereur (814-840)........................
Le cartulaire de Saint Arnould de Metz................................
Suite des évêques de Metz et des empereurs (858-964)..............
Fondation de l’abbaye de Saint-Vincent..............................
Suite des rois de France et des empereurs d’Allemagne (962-996)
Suite des évêques de Metz et autres événements (984-1108)........
La première croisade (1096)..................................................
Suite des rois de France et des empereurs d’Allemagne (1108-1137).
Vie de saint Bernard (1091-1153)..........................................
Suite des papes, des rois de France et des empereurs (1137-1155)
Suite des évêques de Metz (1164-1171)................................
Les droits de l’évêque en la cité de Metz..............................
Suite des évêques de Metz (1171-1212)................................

Pages

98
102
102

105
107
113
122

124
128
132
136
139
141
145
150
162
169
173
178
179
186
189
204
212

217
221

233
235
237
244
251
265
277

Livre II

Prologue ..........................................................................
Bertrand, cinquante-neuvième évêque de Metz (1180-1212) ; créa­
tion du premier maître-échevin..............................................’
Les droits de l’empereur en la cité de Metz..................................
C’est ce qui se dit aux plaids annuels........................................
Droits et devoirs du maître échevin......................................
Le département des trois mairies de Metz................................
Les parages de Metz................................................................
Le serment des Treize..............................................................
Suite des maîtres échevins de Metz (1177-1187)....................
Régnier, maître échevin de Metz (1184) ; fondation de i’ordre de la
Trinité de Metz (1187)............................................................
Philippe-Aguuste, roi de France, etc. (1190-1197)................ ..
Création des amans de Metz (1197)........................................
Suite des Maîtres Échevins de Metz, etc. (1213-1218).............. '
Le tonlieu de Metz ............................ ..............................
Suite des maîtres échevins et des évêques de Metz, etc. (1218-1324).

BESANÇON. — IMPRIMERIE JACQUES ET DEMONTROND

279
281
288
289
291
297
299
300
302
305
307
310
315
320
329

Collections

[L] Vigneulles 1.pdf